n
*,.•
m-.
V. V • •••
BIOGPvAPHIE
UNIVERSELLE ,
ANCIENNE ET MODERNE,
MID^-MONTL.
DE L'IMPRIMERIE D'ÉVERAT,
RUE DU CADRAN, N°. l6.
BIOGRAPHIE
UNIVERSELLE,
ANCIENNE ET MODERNE,
ou
HISTOIRE, PAR ORDRE ALPHABETIQUE, DE LA VIE PUBLIQUE ET PRIVe'e DE
TOUS LES HOMMES QUI SE SONT FAIT REMARQUER PAR LEURS ECRITS ,
LEURS ACTIONS, LEURS TALENTS, LEURS VERTUS OU LEURS CRIMES.
OUVRAGE ENTIÈREMENT NEUF,
11EDIGÉ PAR UNE SOCIÉTÉ DE GENS DE LETTRES ET DE SAVANTS.
On doit des égards aux vivants; on ne doit aux morts
que la vérité. (VoLT. , première Lettre sur OEdipe.)
TOME VINGT -NEUVIEME.
A PARIS,
CHEZ L. G. MICHAUD, LIBRAIRE-ÉDITEUR,
KDE DE CLERY, N°. 1 5,
r82i.
V
(( FEB10«5
y*
'k
**s,
TY OF
98061
VWVWWX VWWVWWW WVVWVWWWVWW WVWWVWWWVWVVWiVWVWAVWWV WWWVWVVWWVW WVVW
SIGNATURES DES AUTEURS
DU VINGT- NEUVIEME VOLUME.
MM.
MM.
A. B— t.
Beuchot.
A— D— r.
Amar-Durh 1ER.
A—G— R.
Alger.
A. R— t.
Abel-Remusat.
A— T.
11. Acdiffret.
B— p.
De Beaj^ciiamp.
B— u.
Beau lieu.
C — AU.
Catteau-Calleville.
C. M. P.
PlLLET.
D_B_S.
Dubois (Louis ).
D— G.
Depping.
D— G— s.
DeSGE NETTES.
D— is.
Dupeessis ( Adolphe ).
D— L— E.
Delambre,
D. !.. :-i
Dureau de La Malle
D— P— G.
Du i' arc,
D— s.
Desportes-Boscheron.
D— u.
Duvau.
D— z— s.
Dezos de la Roquette
E— 8.
EyribS.
F — D — R.
Friedlander.
F. P— t.
Fabien Pillet.
F— r.
Foorsier-Pescat.
F — T.
Foissbt aine.
F-/..
; — : .
' . . (.E.
Màr. Raymond.
G — T — il.
Gacttier,
G— ».
'
H— o— ».
• l I Y .
J — N.
L.
Lefebvre-Cauciiy. '
L — B — E.
Labouderie.
L— ie.
Lasteyrie.
L P-— E.
HlPPOLYTE DE LaPORTE.
L S E.
Lasalle.
L— T— l.
Lally-TollendAl.
L— Y.
Lécuy.
M— D j.
Michaud jeune.
M— É. .
Monmbrqce.
M— N— D.
MONUD.
M— ON.
Marron.
N— h.
Nauciie.
P G T.
Picot.
P— E.
Ponce.
P. et L.
Percy et Laurent.
P. L.
Prévôt-Lutkens.
P— s.
PlRIÈS.
R-D.
Reinaud.
S. D.S Y
. Silvestre de Sacy.
S. M— n.
Saint-Martin.
S— R.
Stapfer.
S. S— i.
Soionde Sismondi.
S — v — s.
De Skvelinges.
S-Y.
De Salabekrv.
T— D.
;\UD.
U— i.
Ustrri.
Y— N.
Vili.i: M Al\.
V. S. L.
\ 'iycens-Saint-Laurent,
W— R.
Walcken.er.
V .
tas.
z.
. me.
BIOGRAPHIE
UNIVERSELLE.
L\VV\VVVVVWVVVVWVV\VVVVVVVVVV\\WVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVV^^
M
MlDDENDORP ( Jacques ) , phi-
lologue , ne en i538, à Ootmer-
sum dans l'Over-Ysscl , ayant fait
ses premières éludes avec succès ,
vint achever ses cours de philoso-
phie et de jurisprudence à Cologne.
II embrassa ensuite l'état ecclésiasti-
que , et fut chargé de professer la
philosophie dans différents collèges.
Les talents qu'il développa lui méri-
tèrent des protecteurs qui lui procu-
rèrent une chaire à l'université de
Cologne, dont il fut élu recteur eu
i58o. Il fut pourvu, quelque temps
après, d'un canonicat de la collé-
giale de Saint-André, et d'un autre
de la cathédrale; il mourut, doyen
de Saint-André, le i 3 janvier 161 1 ,
et fut inhumé dans le chœur de la
cathédrale , où l'on voyait son épi-
taphe , rapportée par Hartzheim ,
Bibl. Colon. , p. i5<> ; elle est très-
honorable. Middendorp était labo-
et instruit; mais, manquant de
critique, il est fort sujet à prendre
pour des vérités les rêves de son ima-
gination. On a de lui : 1. tcalemiœ
célèbres in iniiverso terrarum o he
libri ii Cologne , i 567, in-8'».; nou-
velle édit. augmentée , sous ce titre :
Academiarwn celèbrium imiversi
orbis libri r n i,\b\A., 1602, ?. part.
in-8 '. Cet Ouvrage a été inséré dans
le Chronicon chronicor. , de J. Gru-
XXIX.
ter, Francfort, 1614. L'auteur y
débile beaucoup de fables et d'idées
singulières sur les académies dont il
recule l'origine jusqu'au déluge de
Noë, et à la prédication des apôtres
chargés d'enseigner les nations. Con-
rinig , dans la préface de la seconde
édit. des Antiquitates academicœ ,
a jugé avec trop d'indulgence l'ou-
vrage de Middendorp ; mais J. Henri
de Seelen a relevé quelques - unes
de ses erreurs dans son livre De
academiis , Lubcc , 1756, in-/f°.
( V. Seelen. ) II. De offlciis scho-
lar.ticis libri duo, Cologne , iS^o,
in-8". III. Imperaï onnn regum et
principum , clarissirw rwnque viro-
rwn quœstiones theologicœ , juridi-
cœ et polilicœ , cum jmlcherrimis
responsionibus selectœ , etc. , ibid. ,
i6o3, in-8°. IV. Tlistoria monasti-
ca quev religiosœ et soHtariœ vitee
originem , progressives , incern en-
ta et naluram denwnstrat , ibid.,
i6o3, in-8°. ; réimprimé, suivant
Lengleî-Dufresnoy, sous ce titre :
Sylva originwn anachoreticarum ,
ibid., l6l5, in-8°. On doit encore
à Middendorp une é liiion gr. et lat
de l' Histoire d'Aristée , avec un cora>
mentaire , 1578 ( V. Aristke ).
"W— s.
MIDDLETON (Henri ), naviga-
teur anglais , fut choisi par la eom-
1
2 MID
pagnie anglaise , pour commander
la flotte de quatre vaisseaux , qu'elle
expédia aux Tndes , après le retour
de Jacques Lancaster , dont les con-
seils dirigeaient ces armements. Mïd-
dieton partit de Gravesend, le 2
avril i G04, enti aie 23 décembre dans
la rade de Bantam , renvoya deux
de ses vaisseaux richement chargés,
puis alla aux Moluques , fit un com-
merce avantageux «à Ternate et à Ti-
dor , expédia un navire à Banda , et
revint en Angleterre, le 6 mai iGoG.
Il retourna dans les mers de l'In-
de, avec trois vaisseaux, en iGio.
Ayant appris, en relâchant à Soco-
tora, qu'il trouverait à Moka, un
facile débit de ses marchandises , il
gagna ce port , et y fut d'abord très-
bien reçu ; mais, peu après, les Ara-
bes le saisirent en trahison avec plu-
sieurs de ses gens , en tuèrent quel-
ques-uns, et essayèrent de s'emparer
des bâtiments ; mais ils furent re-
poussés avec un grand carnage. Ce-
pendant Middleton fut conduit a
Zenam , dans l'intérieur des ter-
res , et ensuite ramené à Moka : il
parvint à s'évader. Il avait demandé
une forte somme , en indemnité des
marchandises qu'on lui avait pillées;
n'ayant pu en obtenir qu'une partie,
il résolut de se venger en arrêtant un
riche vaisseau que les Arabes atten-
daient : les vents contrarièrent ce
dessein , et Middleton fit voile pour
Surate , où il débita une partie de
ses marchandises; il revint dans la
mer Rouge, et y fut joint par le
capitaine Saris : ils retinrent beau-
coup de bâtiments. Middleton reçut
alors satisfaction des Arabes , et
se rendit à Bantam. Il avait , en
1G1 3, lait partir pour l'Angleterre
deux vaisseaux richement chargés ,
et s'était mis en route pour y retour-
ner. Son navire échoua , et fut brisé;
MID
une grande partie de son équipage
fut emportée par les maladies : cette
double calamité lui causa un chagrin
violent , qui le conduisit en peu de
jours au tombeau. — Son frère,
David Middleton , suivit la même
carrière; il fit trois voyages à Ban-
tam et à Banda , de 1G07 a 1O1 5. Il
entreprit à cette époque d'établir un
comptoir à Soccadonia dans l'île de
Java ; ce projet n'eut pas de suite :
étant arrivé à Bantam, en février
1G14, il y apprit la mort de son
frère. Celte nouvelle le troubla si
fort, qu'il prit la résolution de re-
tourner en Angleterre; il partit avec
la flotte qui ramena Floris. On trou-
ve les relations des divers voyages
des deux Middleton dansPurchas;
elles contiennent peu de faits intéres-
sants peur la géographie, et ne sont
bonnes à consulter que pour l'his-
toire du commerce anglais dans les
Indes. L'abbé Prévost les a insérées
dans l'Histoire générale des voyages ,
où eiles sont mêlées avec celles d'au-
tres navigateurs qui commandaient
des vaisseaux de leurs flottes; toutes
rapportent à - peu - près les mêmes
choses : les unes n'achèvent pas les
récits , d'autres les donnent incom-
plets d'une manière différente ; co
qui cause une confusion singulière.
— Middleton ( Jean ) , parent des
précédents , avait commandé , en
1G01, un vaisseau de la flotte de
Lancaster : il mourut devant Ban-
tam , en i6o3. E — s.
MIDDLETON (Sir Hugues) , in-
génieur anglais, né à Denbigh, dans
la partie nord du pays de Galles,
exerça d'abord la profession d'or-
fèvre, à Londres. Les divers projets
dont on s'était occupé pour procurer
de l'eau de source à la population
nombreuse de cette grande métropo-
le , portèrent l'attention de Middle-
MID
ton sur cet objet : il abandonna sa
profession, et chercha les moyens
de conduire à Londres les eaux des
environs. Après avoir examine ton-
tes les rivières du Middlesex et du
llertfords'j'e, il s'arrêta aux deux
■ aux d'Amwell et Ware, auprès
de Hertford , à environ vingt milles
anglais de la capitale. Muni du pri-
vilège accorde par le parlement à
la cite' de Londres, et transféré par
celle-ci à Middleton et à ses héri-
tiers, il se chargea, en 1608, des
travaux nécessaires pour unir les
deux ruisseaux, et les conduire à
travers les terrains de qualité et de
niveau différents : il vainquit heu-
reusement les nombreux obstacles
qui s'opposaient à l'exécution de
cette grande entreprise ; mais elle
avait absorbé sa fortune , lorsque le
canal n'avait encore atteint que le
nage d'Enfield. Sur le refus de
la commune de Londres de venir à
son secours, Middleton s'adressa di-
rectement au roi. Jacques Ier. con-
sentit à entrer de moitié dans les
dépenses et les bénéfices. En consé-
quence , les travaux furent repris en
161a, et continués jusqu'au réser-
voir d'Islington ( faubourg de Lon-
dres ), où ils furent achevés l'année
suivante. On construisit un grand
nombre de ponts sur le nouveau ca-
nal , ainsi que des aqueducs, dont les
uns firent passer sous le canal , et
les autres dessus, les sources et les
égoûts qui traversaient le terrain.
Indépendamment des grands frais
d'établissement , Middleton avait eu
fréquemment à lutter contre la ja-
lousie et tes intrigues : il n'y re-
cueillit pas les bénéfices qu'il avait
attendus de ses travaux et de ses
avant i obtenu, en 1619,
pour lui et ses associés , la patente
de Compagnie privilégiée de la
MID 3
nouvelle rivière, il exploita la four-
niture d'eau de la capitale par ac-
tions, qui se vendaient à raison de
100 liv. sterl. , mais qui ne rappor-
tèrent aucun dividende du vivant
de l'entrepreneur. Celui-ci n'obtint ,
pour récompense du service qu'il
avait rendu à la capitale, que le.
titre de baronet, dont il fut gratifié,
en iCrri; il fut même obligé d'ac-
cepter , pour vivre, une place d'ins-
pecteur des travaux publics: il mou-
rut en i63i. Son entreprise parut
d'abord tomber avec lui; du inoins
elle languit pendant quelque temps :
aussi le roi jugea-t il à propos de
se retirer de l'association. Ce ne fut
que dans la suite qu'elle rapporta les
bénéfices calculés par l'inventeur ;
on eu peut juger par la valeur des
actions qui, de 100 liv. sterl., sont
montées à i5,ooo liv. Mais récem-
ment elles sont tombées «à la moitié,
par suite de la création de nouvelles
compagnies. D — g.
MIDDLETON (Conyers), savant
théologien et littérateur anglais , na-
quit à liichmoud , le 27 décei
( ou suivant Cole, le 'i août ) iG83.
Son père, ministre de campagne, qui
jouissait d'un revenu honnête , vou-
lut lui donner une éducation I
raie, et le fit entrer au collège de la
Trinité, dans l'université de Cam-
bridge. Le jeune Middleton y obtint
une bourse , y prit ses degrés , et dé-
buta dans les fonctions ecclésiasti-
ques.La musique paraissait l'occuper
«alors, beaucoup plus que ses h
mais le docteur Bentley , son supé-
rieur, l'ayant traité un jour de méné-
trier, l'étude reprit sur lui tousses
droits, et il saisit toutes les occasions
de faire porter à Bentley la peine de
mépris. Pour se sbusl
Condition qui le subordbi
adversaire, il épousa M,uc. D) kj
1..
4 MID
veuve d'un conseiller de Cambridge,
qui lui apporta des biens assez con-
sidérables ; mais ce mariage lui fît
perdre sa place d'associé {fellow )
au collège de la Trinité. Il se confina
dans l'île d'Lly ,. où était située une
partie des possessions de sa femme ,
et y dirigea une petite paroisse, que
l'insalubritéde la contrée lui fit quitter
au bout d'un an. George Ier. ayant
visité l'université de Cambridge, en
17 17, fit plusieurs nominations de
docteurs en théologie, au nombre
desquels fut compris Middleton. Ce-
lui-ci , de retour à Cambridge , ne
se retrouva pas plutôt en présence
de Bentley , que leur inimitié se ré-
veilla toute entière. Middleton aigui-
sant adroitement les ressentiments
de ses confrères, choqués par la
dureté hautaine et par la gestion
arbitraire de Bentley , le fit ex-
clure de l'université. Cette cause ,
dont les passions politiques s'empa-
rèrent, fut portée au tribunal de l'o-
pinion publique ; et Middleton prit
la plume pour exposer les griefs qui
motivaient la conduite deTuniversité.
Il lança successivement deux nou-
veaux pamphlets , où les talents lit-
téraires de Bentley étaient amère-
ment dénigrés, et dont l'effet fut de
forcer ce dernier à renoncer au pro-
jet d'une édition de la Bible, en grec
et en latin. Il préludait ainsi aux
exercices polémiques qui devaient
absorber une si grande partie de sa
vie, et qui donnèrent à ses écrits un
caractère d'aigreur et d'arrogance,
contrastant d'une manière frappante
avec les habitudes de dignité, la
douceur et le ton poli qu'il portait
dans la société. Le clou fait par le
roi à l'université de Cambridge des
livres de l'évêque Moore, rendant
nécessaire la création d'une charge
4e premier bibliothécaire, Middle-
MID
ton y fut nommé, et publia, eu
1728, une brochure dictée par ses
nouveaux devoirs : Bibliothecœ Can-
tabrigiensis ordinandœ Methodus.
Devenu veuf l'année suivante, il en-
treprit , dans l'intérêt de sa santé, de
voyager en France et en Italie , ac-
compagné de lord Coleraine, anti-
quaire distingué. Bien qu'il fût géné-
ralement connu comme membre de
l'église anglicane, tout ce qu'il y avait
à Rome de personnages éminents l'ac-
cueillit avec la plus grande considé-
ration. Le désir de répondre, par l'é-
clat de la représentation, à ces mar-
ques de bienveillauce, le jeta dans
une dépense considérable, qu'accrut
encore sa passion pour les antiqui-
tés. Son retour en Angleterre fut
signalé par la publication d'une dis-
sertation latine sur la condition de
ceux qui, dans l'ancienne Rome, se
livraient à la pratique delà médecine :
il y soutenait, contre l'opinion de
Spon et de Mead, que l'exercice de
cet art était abandonné aux esclaves
et incompatible avec les professions
libérales. Cet écrit excita la suscep-
tibilité de la faculté de médecine de
Cambridge , qui se crut personnelle-
ment ofïènsée. Parmi les pamphlets
auxquels cette querelle donna lieu ,
on distingua une réponse à Middleton
par le professeur Ward , que Mead
avait mis en avant. Middleton fit une
première réplique; mais s'étânt ré-
concilié dans l'intervalle avec Mead,
il garda dans son portefeuille la der-
nière réponse qu'il préparait à ses
contradicteurs : le docteur Heberden
la donna au public en 1761, in- 4°.
En 17^9, Middleton fit paraître une
Lettre sur Rome , où est démontrée
V exacte conformité du papisme et
du paganisme , ou la religion des
Romains d'aujourd'hui dérivant
de celle de leurs ancêtres païens.
IVIÏD
Celte hostilité contre la communion
romaine fut désapprouvée par les
protestants eux-mêmes. Ils condam-
nèrent dans cette production un es-
prit gênerai d'incrédulité et de légè-
reté , qui discréditait les miracles en
masse. Middleton essaya, dans les
éditions suivantes, d'effacer ces im-
pressions fâcheuses : il déclara qu'il
taisait abstraction des miracles du
judaïsme et du christianisme ; et,
dans la quatrième éditionde sa lettre,
il en défendit les assertions contre
le pieux et savant Ghalloner, qui les
avait attaquées dans le Chrétien ca-
tholique instruit. Jusque-là, Middlc-
ton avait joui d'une existence cons-
tamment honorable : l'étendue de ses
connaissances, ses talents littérai-
res , et l'élégance de ses manières, lui
avaient concilié de nombreux suffra-
ges ; mais son penchant à la contro-
verse , ses hauteurs , et la témérité de
ses opinions, l'entra înèrent dans des
voies imprudentes, ruinèrent toutes
ses espérances d'avancement, et trou-
blèrent, par d'implacables inimitiés,
le reste de sa vie. Le Christianisme
aussi ancien que le monde , où Tin-
dal élevait la religion naturelle sur
les ruines de la révélation , avait
été combattu avec chaleur par Wa-
id. Middleton, mécontent du
livre consacré par ce dernier «à la
défense de l'Ecriture , lui adressa,
sans y attacher son nom , une lettre
dédaigneuse, où il mettait en lumière
un Essai apologétique conçu dans
des vues toutes différentes, fearce,
iode Rochester , vint au secours
de Wateiiand, et dénonça son adver-
saire comme un ennemi caché, q.ù,
sous prétexte de défendre le christia-
nisme, lui port perfi
des.Middl mu enfin coin me
le premier auteur de ces
débats , fut sur le point d'être éli-
MÏD 5
miné de l'université de Cambridge.
Il ne parvint qu'avec peine a détour-
ner l'orage, au moyen de la promesse
de repousser , par une justification
catégorique et complète , les impu-
tations dont on le chargeait. Sa
soumission explicite aux principes
orthodoxes de son K^lise, lui assura
la conservation de ses emplois, mais
ne dissipa point les soupçons qui
s'étaient élevés contre lui. Le clergé
le regardait comme un faux frère :
Vann et Williams l'attaquèrent avec
chaleur; et Middleton leur répondit
avec beaucoup d'esprit et d'adresse.
Dans l'intervalle de ces discussions,
il avait été choisi pour occuper la
chaire d'histoire naturelle, fondée
par Woodward , et avait passé à de
secondes et de troisièmes noces. II
donna, en 1735, une Dissertation
sur l'origine de l'imprimerie en An-
gleterre; il établit que Caxlon répan-
dit le premier à Westminster les
procédés de cet art , et que l'opinion
qui place le berceau de l'imprimerie
anglaise à Oxford , où l'aurait intro-
duite un étranger, ne repose sur au-
cun fondement solide {V . Caxton ).
Middleton , encouragé par l'amitié
active de lord Hervey, qui ne dé-
daigna pas de l'aider dans ses tra-
vaux littéraires, mit le sceau à sa
réputation par sa Vie de Cicérony
dont le brillant succès dut le con-
soler du désagrément qu'il s'était
attiré par ses autres écrits. Cet
ouvrage important fut publié par
souscription, Dublin, 1 7 /i 1 , 1 vol.
in-8°. Le produit considérable de
la première édition fournit à l'au-
teur les moyens de doter deux niè-
ces , qu'il avait dans leur
indigence , et d'acheter pour ni
petite terre à Hildersham (
: - j, où il D
depuis , tous les êtes. Lord ;
6
telton
temps
MID
avait publié, vers le même
, des Observations sur la Fie
de Cicéron , où les faiblesses du
consul romain étaient saisies avec
assez de justesse, et mises en oppo-
sition avec les admirables facultés de
son esprit. Middleton, au contraire,
emporte par son enthousiasme pour
son héros, le peint avec la complai-
sance d'un auteur qui s'est créé un
modèle idéal, et il ne présente point
les ombres du tableau. On peut lui
reprocher encore d'avoir donné de
trop larges proportions à l'homme
d'état, au préjudice de l'écrivain, et
surtout du philosophe, et de n'avoir
pas fait preuve d'une critique assez
rigoureuse dans l'admission des faits.
Sou style, en général élégant et pur,
est fatigant par la longueur des pé-
riodes, et embarrassé de réflexions
parasites. Cette part faite à la criti-
que, il convient d'apprécier l'intérêt
des recherches du savant biographe,
la sagacité avec laquelle il en a coor-
donné les résultais , l'exactitude de
ses jugements sur les hommes qu'il
met en scène (et ces hommes sont
Pompée, César, Caton , Brutus, An-
toine, Octave, qu'il groupe habile-
ment autour de sa ligure princi pale) ;
le mouvement qu'il a su donner à sa
narration sans s'écarter de sa marche
scrupuleusement chronologique, l'é-
lévation des sentiments qu'il expri-
me, et le soin qu'il prend de rap-
peler «à l'intelligence des lecteurs les
usages qui expliquentles événements,
Les sources principales où il puise
les éléments de son travail sont les
ouvrages mêmes de Cicéron, et,
parmi les modernes , Gorrado , Fa-
bricius , Bellenden et Morabin. Cette
belle production fut suivie , en 1 7/p ,
d'une traduction des Lettres de Cicé-
ron à Brutus et de Brutus à Cicéron ,
avec le latin enU'egard , des notes eu
MID
anglais sur chaque lettre, et unedisser-
tation préliminaire sur l'autorité de
celte correspondance , dont Middle-
ton avait fait un fréquent usage dans
et dont l'authen-
Tunstal
sa Vie de Cicéron
ticilé élait niée
docteur de
par luustal, jeune
Cambridge, Ce dernier
regardait ces lettres comme une falsi-
fication de quelque sophiste; il écri-
vit pour étayer de nouvelles raisons
son opinion , qui fut partagée et dé-
fendue par Markland. Cette question
ne fut point encore épuisée par eux •
et on l'agita de nouveau en Allema-
gne ( F. Markland). En 1745 et
1747, Middleton lit sortir de son
portefeuille deux morceaux d'his-
toire, fruit de son séjour en Italie,
le premier en latin : Germana quœ~
dam antiquitalis eruditœ monu-
menla quibus Romanurum veterum
ritus vaiïi, tam sacri quant pro-
fani,tum Grœcorum atque JBçyp-
tiorum nonnulli , illutrantur; le
deuxième en anglais : Treatise on
the roman sénat e , divisé en deux
parties , où il s'attache à prouver
que la composition et les prérogati-
ves du sénat romain ne cessèrent
pas d'émaner de la souveraineté po-
pulaire jusqu'à la chute de la répu-
blique. Cet écrit n'était que l'extrait
de lettres adressées par l'auteur à
lord Hcrvey , lesquelles demeurèrent
inédites jusqu'en 1778, et parurent
alors , in-4°. , par les soins du doc-
teur Knowles. Middleton affronta en-
core, en 1747, les sentiments reçus
dans son église et dans toutes les
communions chrétiennes, par son Li-
troduction à un plus grand ouvrage
sur le don des miracles que l'on pré-
tend avoir subsisté dans laprimitive
Eglise pendant plusieurs siècles ,
tandis quon n'est pas suffisamment
fondé à croire, d'après l'autorité des
Pères , quun tel pouvoir ait résidé
MID
dans l'Église postérieurement aux
apôtres. Les docteurs Stcbbing et
Chapmau combattirent cet ouvrage,
qui sapait une des principales preu-
ves de la religion. Middleton leur
avait a peine repondu , qu'il lit pa-
raître ses Libres recherche* sur le
don des miracles , dont il avait
jeté les pierres d'attente dans son
Introduction. 11 y soutient que les
miracles de la primitive Église sont
des fictions; et il accuse les Pères de
les avoir accréditées par faiblesse ou
par politique. Un tel système ré-
volta tous les théologiens ; on écri-
vit et on prêcha contre Middleton :
Guillaume Dodwell et Church se
signalèrent dans cette controverse;
ce qui leur mérita le titre de docteur,
que l'université d'Oxford leur con-
féra. Middleton se proposait de pu-
blier une réponse à toutes les objec-
tions faites contre son système; mais
il n'acheva point cet ouvrage qui fut
publié imparfait après sa mort. En
17V), il fit paraître un Examendes
Discours de Sherlock sur V usage et
l esprit des prophéties , suwi d'une
dissertation sur le récit delà chute
de l'homme dans la Genèse. L'évê-
que de Londres s'était proposé, dans
ses discours , de faire voir qu'il y a
entre les prophéties de chaque âge ,
une connexion évidente , et qu'elles
forment une chaîne qui montre le
dessein de la providence. Middle-
ton ne voit là qu'un roman ; et l'É-
vangile , suivant lui , ne repose que
sur des prédictions particulières et
il n'es! pas moins hardi
le récit de Moïse , dans le-
ii ne voit qu'une allégorie
morale. Comme il y avait plus de
vingt ans que les discours de Sher-
lock avaient paru , on fut étonné de
live; et plusieurs
prêtci . Mleton des motifs peu
MID 7
honorables , qu'il désavoua cons-
tamment. Il mourut dans sa maison
de campagne d'Hildcrsham , le 28
juillet 17JO, sans laisser de pos-
térité. Il avait souscrit quelque temps
auparavant, pour posséder un béné-
fice , aux trente-neuf articles qui for-
ment le Symbole de l'Église angli-
cane , quoiqu'il se rapprochât beau-
coup , par l'indépendance de ses
opinions , de ces déistes mitigés ,
qui se couvraient en Angleterre du
nom de Chrétiens rationnels. Cette
souscription lui fut vivement repro-
chée par ses ennemis, qui le taxèrent,
à cette occasion , de duplicité et
d h vpoerisic.Toules ses productions,
l'Histoire de Cicéron exceptée , ont
été recueillies sous le titre d' OEuvres
mêlées , in ryi , t\ vol. in-4°. , et de-
puis en 5 vol. in-8°. Les pièces les
plus intéressantes de ce recueil , que
nous n'ayons pas encore indiquées t
sont : i°. Des Réflexions rapides sur
le différend de saint Pierre et de saint
Paul à Antioche. — 'i°. D'autres Ré-
flexions sur les variations et ha
contradictions des évangélistes dans
l'exposé des mêmes faits. — 3°. Un
Essai sur la nature du don des lan-
gues , d'après les termes de l'Ecri-
ture et l'opinion des savants. — 4°.
Des Remarques succinctes sur saint
Jean l'évaugéliste et sur i'hérésiar-
que Cérinthe. — 5°. Une Explication
allégorique et littérale du récit de la
création et de la chute de l'homme
par Moïse. — 6°. Une Dissertation
sur la prononciation des lettres iali-
ncs. — 70. Une Défense de ses Libres
recherches. L'abbé Prévost a donné
en français une traduction très
de V Histoire de Cicéron; et il a nn-
primté à Middleton la pli
partie de se irles Lettii
Cicéron et de Brutu ité du
Sénat de Borne a été traduit par le
présid. d'Orbessan ; et la Lettre sur
Borne , par un anonyme , à la suite
de la Conformité des cérémonies
( de P. Mussard ) , Amsterdam, 1 7 44 >
1 vol. in- 12. Midtlleton avait com-
pose un livre sur l'inutilité de là
prière. Le docteur Héberden, en éîant
informe', courut chez sa veuve, et
lui demanda le manuscrit. Sur la ré-
ponse de celle-ci, qu'elle était en
marché avec un libraire , qui en
ofFrait 5o liv. sterling, le docteur
lui compta cette somme, et, s'empa-
rant du cahier , le jeta au feu. La
veuve de Middleton lui légua , de-
puis , tous les autres manuscrits de
son mari. F — t.
MIDDLETON (Christophe) , na-
vigateur anglais , est un de ceux qui
ont essayé de trouver le passage au
nord-ouest. Comme il avait long-
temps voyagé dans la baie d'Hudson
au service de la Compagnie , Arthur
Dobbs, riche particulier, qui avait
pris à cœur la découverte du passage,
le consulta sur ce point, et trouvant
son opinion conforme à celle qu'il
avait conçue , il fit tant , par ses sol-
licitations auprès de l'amirauté ,
qu'elle arma une galiote à bombes
et une flûte. Middleton commanda
la première, Guillaume Moor la se-
conde. Déjà Dobbs avait, en 1737 ,
l'ait entreprendre à la compagnie de
la baie d'Hudson, une expédition
semblable , qui n'avait produit aucun
résultat satisfaisant : les deux bâti-
ments ne s'étaient élevés qu'à 62 °
5o ' de latitude nord ; les glaces les
y avaient arrêtés : d'aii leurs ils
confirmaient ce que les navigateurs
précédents avaient dit de la marée
qui venait du nord; particularité
qui donnait à Dobbs et au public
les plus grandes espérances: elles de-
vinrent bien plus vives quand un
navigateur du mérite de Middleton,
qui les partageait, fut chargé d'aller
les réaliser. Ce fut sous ces auspices
favorables , que Middleton partit
d'Angleterre, en mai 174», passa
l'hiver à l'entrée du Churchill-Biver,
dans la baie d'Hudson, et remit à
la voile le Ier. juillet 1742. H alla
plus loin au nord que ceux qui l'a-
vaient précédé. Après avoir décou-
vert par 65 ° 12 ' nord, et 86 ° 6 '
ouest ( de Greenwich) , le cap Dobbs
à la cote de la baie Wellcome, qui
était remplie de glaces flottantes, il
entra dans le ffager-fiiver, et s'a-
vança vers l'ouest jusqu'à 88 ° ; en-
suite il revint au nord-est, et ayant
bien examiné toutes les ouvertures
qui donnaient dans un bras de mer
où il était arrivé , il se trouva, le 5
août , dans une baie située près
du 67e. degré nord, qu'il nomma
RepuUe- B ay , parce que les terres
et les glaces ne lui permirent pas
d'aller plus loin. Le 9, il fit voile
pour l'Angleterre; il avait oit dans
son rapport qu'après avoir, pendant
trois semaines, fait des observations
réitérées sur les marées , et des tenta-
tives pour découvrir la nature et
l'étendue de l'ouverture vue entre
les 65e. et 66e. parallèles, il avait
reconnu que la marée venait cons-
tamment de l'est, et que cette ou-
verture n'était qu'un grand fleuve.
Dobbs parut d'abord persuadé de
la vérité de cette assertion . et satis-
fait de la conduite de Middleton;
mais une lettre anonyme le lit bien-
tôt changer d'opinion. On a su de •
puis, qu'elle avait été écrite parle
chirurgien de l'expédition , et le
commis du capitaine; elle accusait
Middleton d'avoir soutenu fausse-
ment que le détroit du Eepulse-Bay
était gelé, et rempli son rapport de
mensonges. Dobbs alla aux informa-
tions ; elles le convainquirent de la'
MïD
vérité de l'inculpation: il dénonça
MiddletOD comme s'étant laisse cor-
rompre par la compagnie, qui lui
avait, disait-on, donné 5ooo livres
sterling, pour ne pas taire la décou-
verte projetée. La dispute fut soute-
nue avec beaucoup d'aigreur. Dobbs
dis dt que l'ouverture vue par Midd-
leton était un détroit , et non un
fleuve, et que s'il l'eût examinée
convenablement, il y eût trouvé le
passage. Quelques officiers de Midd-
leton prirent parti contre lui; l'ami-
rauté fut peu satisfaite de sa justifi-
cation , et embrassa lavis de Dobbs
sur la probabilité du passage, puis-
qu'on 1 743 , un acte du parlement
assura une récompense de 20,000
livres sterling , au navigateur qui
effectuerait cette découverte: l'acte a
été modifié depuis, et désigne diver-
ses sommes qui vont en augmentant
à 1 esure que les bâtiments s'avan-
cent à un plus grand nombre de dé-
grés au nord et à l'ouest en même
temps. Dobbs, dont 1" public parta-
geait l'opinion , n'eut pas de peine à
nés >ciété pour entrepren-
dre une nouvelle expédition : Moor
la comi anda. Ellis en fut l'historien
{V. Ellis, XIII, 86. ) L'issue de
ce voyage , dans lequel on recon-
nut que le fVager- River n'était pas
un détroit, réhabilita la réputation
ddleton : il reçut une médaille
impense des observations
faites, et la société royale
as son sein ; il mourut le
tivier 1770. Les détails de sana-
ion ne sont connus que par
1 qui en fut publié, d'après
son journal et ses lettres, par Ellis;
d en esl aussi question da us l'ouï
de Dobbs: Relation des contrées voi-
sines de la baie d' Iludson , Loin I res ,
17 |8, 1 vol. in-8". L'auteur cherche
à prouver la probabilité du passage ,
MÏD 9
et à faire voir que la compagnie s'op-
posait à toute découverte au nord du
Churchill- River, même à ce que son
commerce s'étendit de ce coté, de
crainte que l'on ne trouvât le passage
qui aurait nui au commerce exclusif
qu'elle exerçait illégalement. Cette
attaque fut renouvelée par le comité
chargé de l'expédition de Moor • il
publia : Récit succinct et justification
des opérations du comité nommé
par les actionnaire s de la société
formée pour pour uivre la décou-
verte dupassageàV Océan, à V ouest
de V Amérique, ouvrir et étendre le
commerce , et fonder des colonies
dans les pays situés au-delà de la
baie d' Iiudson , Londres, 1 ~'\8 , in-
8°. Le comité défend sa conduite, et
attribue le peu de succès de ses tenta-
tives à la jalousie de la compagnie de
la baie d'Hudson , qui veut s'emparer
de tout le commerce : il combat la va-
lidité du privilège de cette société ,
en demande la suppression, et finit
par soutenir que très-vraisemblable-
ment on découvrira, dans le Wel-
corne, un passage a l'Océan occiden-
tal. L'intérêt que ces querelles excitè-
rent dans le temps , s'est renouvelé
de nos jours; l'on a vu les agents de
deux compagnies se traiter en enne-
mis dans les déserts de l'Amérique
boréale. De deux expéditions entre-
Î irises, depuis 181 8, pour trouver
c passage au nord-ouest , la pre-
mière a échoué; le commandant a
été inculpé de négligence: la seconde
s'est avancée à l'ouest jusqu'à 1 1 3 °.
Quelques - unes des assertions de
Dobbs pourront se vérifier si l'on
parvient à l'extrémité du bras de mer
découvert en i8i(),par le capitaine
Pa rry, à l'ouestdu Lanças ter s Sound
• Prince Régent' s inlet.
Indépendamment de la partie pole*-
uc, le livre de Dobbs contient
io MID
des renseignements précieux sur
les contrées boréales dont il parle.
Middleton avait fait dans son voyage
des observations sur la déclinaison
de l'aiguille aimante'e , dans ces
hautes latitudes ; elles sont confir-
mées par celles du capitaine Parry.
— Middleton ( Érasme ) , ecclésias-
tique méthodiste anglais du dix-hui-
tième siècle, a publié un ouvrage
intitulé Biograpkia evan^elica , en
4 vol. iu-8°. , et un Dictionnaire
des arts et des sciences. Il est mort
en i8o5. E — s.
MIÉCISLAS I« ( en polonais
Mieczyslaw , glorieux par son sa-
bre), le Clovis des Polonais, leur
premier prince chrétien , était de
la famille des Piastes. Né Tan t)3i ,
il succéda , en 962 , à Ziémomysl ,
son père, dans le gouvernement du
duché de Pologne. Ayant demandé
en mariage Dombrowka, fille de Bo-
Jeslas Ier. duc de Bohème, celle
princesse arriva en Pologne, suivie
de prêtres slaves , qui devaient éclai-
rer l'esprit de son nouvel époux , et
lui montrer la vanité des supersti-
tions païennes auxquelles il était at-
taché, ainsi que la nation polonaise.
Au commencement du dixième siè-
cle , des habitants de la Moravie
échappés aux fureurs dés Hongrois,
qui dévastaient leur patrie , étaient
venus s'établir à Cracovie , où ils
avaient bâti un oratoire sous le titre
de la Sainte - Croix. Ces réfugiés
avaient, à ce qu'il paraît, des rap-
ports avec la cour du duc Miécis-
las : sans doute ils avaient préparé
les voies à la lumière de l'Evangile ;
et l'historien Ditmar parle d'un évê-
que, appelé Jordan , qui , placé sous
l'autorité des eveques de Magde-
bourg, était venu , vers le milieu du
dixième siècle, en Pologne, polir y
prêcher la foi chrétienne. Miefis^s
MIE
avait peut-être déjà entendu parler
de cette religion , qui était alors celle
de toute l'Europe. Ce qui est bien
certain, c'est qu'il quitta le culte des
idoles, peu de temps après que la
princesse Dombrowka fut arrivée en
Pologne. 11 se lit chrétien, et fut ma-
rié le même jour. Les cérémonies de
son baptême et de son mariage se
firent solennellement le 5 mars de
l'an gG5 , jour qui était , selon les his-
toriens, le quatrième dimanche de
carême. Les premiers seigneurs de
la Pologne reçurent le baptême avec
leur prince. Le même jour Miécislas
rendit un édit par lequel il ordonnait,
sous les peines les plus sévères, de
détruire les temples , les autels et les
simulacres consacrés aux dieux. On
obéit; et dans la plupart des villes
on courut, en poussant de grands cris
de joie , jeter dans l'eau les restes du
paganisme. En mémoire de cet évé-
nement, les habitants de la plupart
des villes et bourgs, en Pologne, al-
laient autrefois tous les ans, le qua-
trième dimanche de carême , en pro-
cession, vers le lieu où l'on avait jeté
les idoles : cette cérémonie s'était
conservée jusqu'au quinzième siècle.
Miécisias fonda des églises cathé-
drales , à Gnesen, à Cracovie, à
Posen , à Kruswicicc ( aujourd'hui
Wroclawec, siège du diocèse de
Cujavie), à Smogrze (aujourd'hui
Breslau ) , à Plock , à Chulm , à
Kaminiec , et à Lubasz. Le pape
Jean XIII envoya un légat pour
donner des formes régulières à ces
nouveaux établissements. Pendant
tout son règne Miécislas fut en guerre
avec les petits princes qui gouver-
naient les peuplades slaves habi-
tant les bords de l'Elbe. Un d'entre
eux, Wigman, comte de Lunebourg,
s'était avancé jusque dans la Lusace
et la Silésie. Miécislas , l'ayant en-
MIE
uré , lui fit dire de poser les armes
et de veuir le trouver. Wigman re-
fusa ces offres , et mourut les armes
à la main. Udon, margrave de Mis-
nie, avait pénètre jusqu'à Stclin. Mié-
cislas le repoussa avec perte. L'em-
pereur Othon Ier. , ayant rétabli la
paix entre les Polonais et ces petits
princes , Miecislas se rendit ( en
972 ) à Quedlimbourg , où l'empe-
reur avait rassemblé tous les princes
qui avaient des rapports avec lui. 11
paraît que Miecislas fit hommage à
l'empereur pour les provinces situées
entre l'Oder et l'Elbe, et qui dépen-
daient du duché de Pologne. Miecis-
las étant allé ( en 984 ) à une autre
diète qui se tenait également à Qued-
limbourg , l'empereur Othon 111 le
réconcilia avec. Boleslas , duc de
Bohême. Pendant que Miecislas é-
tait occupé vers les frontières occi-
dentales de la Pologne , Wladirnir-
le-Grand, prince des Russes, s'étant
emparé de Przcmysl , capitale de la
Chrobatie rouge, était arrivé jusque
sur les bords du Bug et de la San.
Boleslas , fils de Miecislas , vengea
dans la suite , d'une manière écla-
tante , cette injure faite aux Polonais.
En attendant , Miecislas résolut de
se fortifier par des alliances avec le
duc de Hongrie, auquel il donna sa
sœur Adélaïde en mariage, pendant
que Boleslas, son fils , épousait une
fille du duc de Hongrie. Boleslas,
duc de Bohème , ayant l'ait une ir-
ruption sur les frontières de la Po-
logne , L'empereur Othon 111 envoya
a Miecislas un corps de troupes , sous
bourg. La paix étant rétablie entre
les Bohémiens et les Polonais , Mie-
cislas .;!, 1 , eu ()()i t porter de
coins à l'empereur , qui assiég
Brandebourg. 11 mourut l'année sui-
vante à Poseii, ou il fut enterré. Son
MIE 11
fils Boleslas, dit Chrobry, ou Y In-
trépide , lui succéda. G — y.
MIECISLAS II, né, l'an 990, de
Boleslas Chrobry , et de Judith , fille
du duc de Hongrie , succéda à son
S ère, l'an io'25. N'ayant aucune
es qualités de Boleslas, et ayant
laissé échapper de ses mains les
conquêtes que son père avait faites,
il ne conserva qu'avec peine les an-
ciennes frontières delà Pologne. Les
Russes que Boleslas avait si profon-
dément humiliés, furent les premiers
à secouer le joug. Jaroslas reprit la
capitale de son empire , chassa les
troupes polonaises de Kiow et des
autres places -fortes qu'elles occu-
paient dans la Russie méridionale,
et prit le litre de Jednowladza ,
seul monarque de toutes les Russies.
Udaldric , duc de Bohème , que
Boleslas Chrobry avait établi dans
ses étals le sabre à la main , n'o-
sant se révolter ouvertement contre
le fils de son bienfaiteur, chargea
son fils Brzctislas d'exécuter ses
desseins. Pendant que les Polonais
étaient engagés dans une guerre pé-
nible avec la Russie , ce jeune prince
tomba sur les troupes polonaises
qui occupaient les places-fortes de la
Bohème, les chassa hors du duché;
et entrant dans la Moravie, que Bo-
leslas Chrobry avait aussi soumise
par les armes , il en souleva les ha-
bitants. Les peuplades slaves des
bords de l'Oder , de l'Elbe et de la
Sala , suivirent l'exemple des Rus-
ses , des Bohémiens et des Moraves.
Leurs chefs ayant secoué le joug des
Polonais, établirent les principautés
tie Mekleobourg, de Brandebourg T
de Holstein, de Lubee, et que!
états .tu nord de la Germanie,
miens furent moins heu-
reux. S'étant soûles I irenfc
défaits et forcés de recevoir la loi
1 2 MIE
du vainqueur. Dans celte guerre,
trois princes hongrois , qui s étaient
réfugies en Pologne , se firent re-
marquer par leur sagesse et leur
valeur. Pour recompenser les ser-
vices qu'ils avaient rendus, Mié-
cislas donna la Pome'ranie en fief à
l'un d'eux , avec une de ses filles en
mariage. Miécislas n'était point le
prince qu'il fallait à la Pologne, dans
des circonstances aussi difficiles. 11
tomba en démence , par suite de ses
débauches , et mourut le i5 mars
io34 , à Posen , où il fut enterré. De
la princesse Rixa (ou Reine ), petite-
fille de l'empereur Olhon II , il eut
le prince Casimir , qui est connu par
ses malheurs et par le séjour qu'il a
fait en France. G — y.
MIEG ( Jean-Rodolphe ) naquit
à Bâle , en 1694, et y mourut en
1733. Professeur en médecine à l'u-
niversité de sa ville natale , depuis
1724 y *1 na publie' que des pièces
académiques , parmi lesquelles on
citera le Discours sur la vie de
Théodore Zwinger , 1729, et la
Diss. de nasturcianarum planta-
rum structura, viribus et usu, 1714*
— Achille Mieg , né à Bâle en 1731,
y mourut en 1799. 11 avait fait de
très-bonnes études , et il exerça la
médecine avec un grand succès ; il
eut le mérite d'inoculer le premier la
petite-vérole dans son pays. Il fut
nommé professeur de médecine à
l'université de Bâle, en 1777. Il cul-
tiva l'astronomie et la botanique.
Outre plusieurs pièces académiques ,
on trouve de ses mémoires dans les
ylcta Hehetica , et de ses lettres
dans la collection des Epistolœ ad
Hallerum. Il a publié aussi di-
vers traités de médecine populaire,
qui le distinguent avantageusement.
U—i.
MIEL ( J. V. Meel.
MIE '
MIERIS (François), peintre de
genre, naquit à Delft, en i635. Son
père, habile orfèvre et lapidaire, se-
conda les dispositions qu'il montrait
pour la peinture , dans l'espoir qu'il
perfectionnerait encore son art. Mais
le jeune Miens, épris des talents de
Gérard Dow, entra clans l'école de
ce maître, qui ne tarda pas à le dis-
tinguer , et à lui donner le litre de
prince de ses élèves. On voulut alors
le porter au genre de l'histoire, et
lui faire suivre, à cet effet, les leçons
d'Adrien Van-dcn Teinpcl; mais sa
vocation était prise , et il rentra
bientôt chez son ancien maître. Ses
premiers ouvrages fixèrent sa répu-
tation ; ils furent recherchés ; et Syl-
vius , riche amateur , qui devint par
la suite son ami, offrit non-seule-
ment d'acquérir tous les tableaux que
ferait Mieris , mais de les prendre
au prix que l'on y mettrait. Il fit con-
naître l'artiste à l'étranger. L'archi-
duc d'Autriche, pour lequel il avait
fait quelques ouvrages , en fut si
charmé , qu'il le pressa de venir s'é-
tablir à Vienne, lui proposant un
prix considérable pour chacun de
ses tableaux , outre une pension de
mille rixdalers, Mieris les refusa,
sous prétexte de l'attachement de sa
femme pour son pays natal. Ses com-
patriotes les plus distingués, afindeluî
témoigner en quelque sorte leur gra-
titude d'une semblable préférence,
le chargèrent d'un grand nombre
d'ouvrages. Le grand -duc de Tos-
cane lui commanda plusieurs ta-
bleaux , et les paya généreusement.
Mieris , par reconnaissance, lui en-
voya son propre portrait , qui fut
placé dans la galerie de Florence.
Gependant , quelque parfait que lut
cet ouvrage, il ne reçut point l'ac-
cueil qu'il semblait mériter 5 ce que
l'on attribua au mécontentement
MIE
d'un grand seigneur qu'il avait refu-
sé de peindre avant le prince. Mieris
se consola facilement de cette injus-
tice. D'ailleurs , son humeur et ses
liaisons avec le peintre Jean Steen,
lui faisaient oublier tous les soucis.
Ils passaient ensemble une partie de
la journée, se livrant à la boisson;
et si ce vice ne nuisit ni à sa fortune
ni à son talent, il abrégea peut-être ses
jours. Par un contraste singulier, ce
travers dont il donnait l'exemple, il
ne pouvait le tolérer dans les autres ;
et il retira son fds de l'école de Lai-
resse, par la raison seule que ce pein-
tre vivait peu régulièrement. Cette
habitude lui devint enfin funeste. Un
.soir qu'il rentrait chez lui par une
nuit obscure , après s'être livré avec
excès à son vice favori, il tomba dans
unégoût que des maçons avaient laissé
ouvert. A ses cris , uu savetier du voi-
sinage vint le sauver d'une mort cer-
taine , et lui prodigua tous les secours
qui dépendaient de lui. Le lendemain
il sortit de chez son libérateur, non
sans avoir bien remarqué la maison :
il s'enferma chez lui, et peignit un
tableau qu'il porta lui-même au sa-
vetier, en le remerciant de ses soins,
et en lui disant, s'il voulait se défaire
de son tableau, de le remettre à un
M. Paats , qui lui en donnerait un
bon prix. La femme de l'artisan crut
devoir le montrer au bourgmestre ,
Jacques Maas, chez lequel elle avait
servi. Ce connaisseur reconnut aus-
sitôt l'ouvrage de Mieris, et conseilla
à cette femme de ne point s'en dé-
faire à moins tic huit cents florins,
qu'elle n'eut pas de peine à trouver.
Cet accident cependant fit faire de
uses réflexions à Mieris: il chau-
de manière de vivre; mais le
coup était porté, et, au bout de quel-
que temps, il mourut, à peine âgé
de quarante -six ans, le 12 mars
MIE i3
1681, laissant deux fils Jean et Guil-
laume, qui se sont illustrés dans la
même carrière. Ce peintre est remar-
quable par l'extrême fini de ses ou-
vrages ; et , sous ce rapport, il l'em-
porte même sur Gérard Dow : mais
cette manière trop précieuse donne
du froid à ses compositions, qui,
d'ailleurs , se distinguent par l'esprit
et la finesse. Les sujets qu'il a traités
sont d'une dimension moins grande
que celles de son maître ; ce qui lui
a permis d'y introduire un plus
grand nombre de figures , et de
donner plus d'étendue aux scènes
qu'il représente. Comme ce maître ,
il copiait ses modèles avec le verre
concave, sans se servir de carreaux,
pour les dessiner. Le nombre de ses
ouvrages est trop considérable pour
les indiquer ici en détail. Il est peu
de galeries où l'on n'en trouve quel-
ques-uns. Le Musée du Louvre eu
possède trois : I. Portrait d'un
homme vu à mi-corps, enveloppé,
d'un manteau rouge. Il a le bras
droit appuyé sur un piédestal- au-
près de lui est un lévrier. II. Une
femme à sa toilette, servie par une
négresse. III. Deux daines vêtues
de satin , prenant le thé dans un
salon orné de statues. Il existait,
dans la même collection, six autres
tableaux de ce maître, parmi lesquels
était son chef-d'œuvre, représentant
Un cavalier qui tiret oreille d'unpe-
tit chien placé sur les genoux d'une.
dame velue d'un manteau rouge et
d'une jupe bleue. Ce tableau, ainsi
que les cinq autres, provenait de la
galerie du stathouder; ils ont été
rendus en ibi5. — Jean Misais, Ii's
aîné <!u précédent, naquit à 1
en 1GG0. lise destina de bonu
re à la peinture; mais voyant que
son père, et son frère Guillaume,
qui, quoique plus jeune ,
l&
MIE
distinguait déjà, avaient embrassé un
genre dans lequel ii craignait de ne
pouvoir les égaler, il résokit de cul-
tiver la peinture en grand. Son père
s'empressa de seconder ses heureu-
ses dispositions , et le dirigea dans
ses études : on a yu , dans l'article
précédent, quel motif l'empêcha de
le laisser suivre les leçons de Lai-
resse; mais il lui fit copier les meil-
leures productions de ce maître ha-
bile , et parvint ainsi à lui former
une manière grande et belle. Mal-
heureusement, la santé du jeune ar-
tiste ne répondait pas à son ardeur
pour le travail. 11 était tourmenté
de la pierre ; et les médecins lui
défendirent de travailler assis. Il
crut que les voyages lui seraient
salutaires. Il se rendit en Allema-
gne, après la mort de son père; et
après y avoir peint quelque temps,
il passa en Italie. Il reçut à Flo-
rence un accueil distingué qu'il dut,
en partie , aux ouvrages de son père.
Cependant le grand-duc , charmé de
ses talents , voulait le retenir à sa
cour. Mieris, craignant que sa reli-
gion ne fut un obstacle à sa tran-
quillité, crut devoir le refuser, et
partit pour Rome, où ses ouvrages
le firent rechercher; son assiduité
au travail ayant augmenté son mal,
il eut une attaque, à laquelle il suc
comba le 17 mars 1690. Doué des
plus grandes dispositions , le peu
d'ouvrages qu'il a laissés, font voir
jusqu'où il aurait pu s'élever , si une
mort prématurée ne l'eût enlevé à
son art. Ce sont des tableaux d'his-
toire et des portraits qui, quoique
peints d'une manière entièrement op-
posée, n'en dénotent pas moins le
plus grand talent. — Guillaume
Mieris, frère puîné du précédent,
naquit à Leyde en 1661. Également
élève de son père , il sortait à peine
MÎE
de l'enfance, qu'il annonçait déjà les
talents d'un maître consommé. De-
meuré orphelin à l'âge de dix-neuf
ans , il sentit combieu l'étude de la
nature pouvait perfectionner son ta-
lent. Il s'était d'abord livré au genre
dans lequel son père s'est acquis une
si juste renommée; mais désespérant
de l'égaler, il tenta de se distinguer
dans une autre route. Il étudia , avec
soin , les ouvrages de Lairesse et des
autres fameux peintres d'histoire de
son temps ; et sans s'écarter des di-
mensions dans lesquelles il avait tra*
vailléjusqu'alors , il peignit plusieurs
sujets historiques : on distingue dans
le nombre, un tableau de Renaud en-
dormi dans les bras d'Armide. Cette
composition obtint un tel succès ,
qu'il fut obligé de la répéter trois fois
pour trois personnes différent es. Les
légers changements qu'il y fit, por-
taient seulement sur les accessoires.
On cite encore de cet artiste une
Sainte Famille , un Triomphe de
Bacchus , un Jugement de Paris ,
etc. Il peignait avec une égale supé-
riorité le pavsage , qu'il enrichissait
de figures d'animaux, exécutés avec
un fini précieux et une vérité pi-
quante. Il avait un autre talent, plus
rare chez les peintres , celui de mo-
deler en terre et en cire; et les mor-
ceaux qu'il a exécutés de cette ma-
nière , font juger que s'il s'était ex-
clusivement livré à la sculpture,
il eût acquis la réputation d'un très-
habile artiste. On connaît de lui
quatre vases , sur lesquels il avait
modelé des bacchanales. Les nym-
phes , les enfants, les satyres, y sont
rendus avec un talent extrêmement
remarquable ; et l'esprit et la facilité
avec lesquels ces figures sont tou-
chées , feraient croire que l'artiste
avait une longue pratique del'ébau-
choir. Les ouvrages de J. Mieris lui
MIE
procurèrent une fortune considéra-
ble. Estime pour ses mœurs et son
caractère, il vécut heureux jusqu'à
une extrême vieillesse. Il mourut à
Leydc, le 24 janvier 1747. Ses ou-
vrages , comme ceux de son père ,
se distinguent par le fini de l'exé-
cution , l'harmonie de l'ensemble,
et L'exactitude à rendre tous les dé-
tails ; mais il lui est inférieur pour le
dessin, la finesse de la touche et le
piquant des effets. Ses compositions
sont moins bien entendues; on y re-
marque moins d'élégance et de na-
turel dans la distribution des grou-
pes. On recherche cependant ses ta-
bleaux. Le Musée du Louvre en pos-
sède trois : I. Un jeune garçon fai-
sant des bulles de savon près d'une
fenêtre. II. Le marchand de gibier.
III. Une cuisinière levant le rideau
de sa fenêtre pour y accrocher une
volaille. Le Musée possédait encore
cinq autres tableaux de ce maître ,
parmi lesquels on faisait un cas par-
ticulier de sa Marchande épiciere ,
que l'on mettait au rang des bon-
nes productions de son père. Ces
tableaux qui provenaient de la Hol-
lande , de la galerie de Vienne (1 ),
et de celle de Uusseldorf , ont été
rendus en 1 8 1 5. P — s.
MIEPJS( François), peintre dis-
tingué, comme son grand-père Fran-
çois et son pè e Guillaume , naquit h
Leydc le ^4 décembre 1669, et y
mourut le 23 octobre 17O3. Il ne se
borna pas à être l'émule de la gloire
paternelle , avec sa palette et son
pinceau ; mais il s'est, de plus, fait
counaitre comme savant historie-
ns r<:( h»m».'s et n |>< ■■> 1 c< U<;
époque e, on en b cité uu , i ,
t"»'t <" ■■• et doi t L'auti m i ^i désigné
«ou» le nom de /'/„/,,,,
qu'il y..
BMIfirW de l'i
.
MIE i5
graphe et antiquaire. Investigateur
passionné des archives et des chartes
nationales , il en forma une collec-
tion considérable. Un grand nombre
d'autres collections particulières fu-
rent mises à sa disposition: les états
de Hollande et Westfrise lui accordè-
rent un libre accès au grand dépôt
d'archives et de chartes existant a la
Haye; et plusieurs autres villes , tel-
les que MiddelJjourg, Ziiïczée, etc. ,
imitèrent cet exemple. On doit aux
laborieuses recherches de notre anti-
quaire : I. Description des monnaies
et des sceaux des évèques d'U-
trecht , Leyde, 17'iG, in-8°. Ce
savant traité a été imprimé à la suite
de l'Histoire des évêquesli'Utrecht,
par Van-Heussen, traduit en hollan-
dais par H. Van Ryn. il. Histoire
des princes des Pays-Bas, issus des
maisons de Bavière , de Bourgogne
et d'Autriche, depuis Albert, comte
de Hollande jusqu'à la mort de
Charles- Quint , la Haye, 1732,
1733 et 170.J, 3 vol. in-fol. C'est
l' histoire métallique des Pays-Bas ,
antérieure à l'époque où commence
celle de G. Van Loon. III. Il publia ,
à Leyde , en 1740 , une Ancienne
chronique de i, ollande , dite du
Clerc, et restée jusque-là inédite ,
avec ses remarques cl celles de Pierre
Sciïveiïus. IV. De même à 1 •
en 1 743, une Petite chronique a
vers, depuis i5oo jusqu'en 157 \.
V. Mémoire sur la féodalii
comté de Hollande , Leyde, 1743,
à l'occasion d'un ouvrage de Van
Loon, intitule: Démonstration his-
torique que le comté de Huilât/ de a
été un fief de V 'Empire Germa ni-
que. VI. Grand recueil des Char-
''e Hollande, de Zélaru
de Frise . commençant par L
cuments les plus anciens , et allant
jiWjU à la mort de Jacqueline (L
iG MIE
vière (t 4^6 ) , 4 Y0^ in-fol. ; Leyde,
1753, 1754, 1755, 1706. VII. L'an-
née suivante, 1 757 , il publia à Leyde,
Fidèle narré de la consécration de
Nicolas de Castro, comme premier
évéque de Middelbourg , en Zé-
lande, l'an i56i, par Quentin
Weytsen , appuyé de plusieurs piè-
ces originales et inédites. VIII. Traité
sur la manière d'écrire Vhistoire ,
celle de Hollande en particulier
( sous le nom de Zographos ) , Lev-
de , 1757. IX. Chartes, privilè-
ges, octrois, documents de tout
genre de la ville de Leyde , ibid. ,
17.59 ? in-fol. X. Description et
Histoire delà ville de Leyde, 1 vol.
in - fol. , Leyde, 1762 et 1770.
Interrompu par la mort, dans la
composition du iQ. volume , il a eu ,
depuis la page 617 , pour contina-
teur et pour éditeur, Daniel Van
Alphen , greffier ou syndic de cette
ville. Tous ces ouvrages sont écrits en
hollandais. Mieris jouissait de la con-
sidération la plus flatteuse ; il légua ,
par son testament, des aumônes
aux pauvres de toutes les commu-
nions chrétiennes : il appartenait à
celle des Remontrants. M — on.
MIERRE ( Le ). V. Lemterre.
MIEÏ ( Constance ) , écrivain
ascétique , né à Vesoul , vers 1 7 40 ,
ayant terminé ses études , entra dans
l'ordre des Récollets, et se consacra à
la prédication , et à la direction des
âmes. La révolution l'exila de -son
cloître ; et il se vit obligé de cher-
cher une retraite dans les pays étran-
gers , où il est mort vers 1793. On a
de lui : I. Réflexions morales d'un
solitaire , ouvrage utile aux gens du
monde et aux personnes consacrées
à Dieu, Paris, 177$, in- 12. II.
Conférences religieuses pour l'ins-
truction des jeunes professes de tous
les ordres, il)., 1777, in-12. W-s.
MÏG
MIGLIORATI ( Louis ) , neveu
du pape Innocent VII, était mar-
quis d'Ancone et seigneur de Fermo ,
au quinzième siècle. Pendant le long
schisme d'Occident, ceux des papes
qui régnaient à Rome, quoique af-
faiblis par la division de l'Église, ne
renonçaient point au désir d'agran-
dir leurs neveux et de les "rendre sou-
verains. Innocent VII, qui était m onté
sur le Saint-Siège , en i4«4? était
un homme doux et faillie; mais
Louis de' Migliorati , son neveu, qui
avait toujours vécu dans les camps ,
était brutal et emporté. 11 faillit
causer la ruine de son oncle , en fai-
sant massacrer, en i4o5 , près du
pont Saint-Ange , les députés que les
Romains avaient envoyés au pape
pour traiter avec lui. Le pape et
son neveu furent obligés de s'en-
fuir pour se soustraire à la ven-
geance du peuple. Cependant Inno-
cent créa Migliorati marquis d'An-
cone , lui donnant à ce titre le gou-
vernement de la meilleure province
qui demeurât encore au Saint-Siège.
La mort d'Innocent , survenue le 6
novembre 1 406 , ne détruisit point
la fortune de Louis de' Migliorati.
.Grégoire XII lui enleva bien la mar-
che d'Ancone ; mais Migiiorati ,
avec l'aide de Ladislas , roi de Na-
ples , s'empara d'Ascoli et de Fermo.
Jl échangea ensuite , avec le roi , la
première de ces villes contre le comté
de Monopello ; et il prit place parmi
les seigneurs indépendants qui s'é-
taient partagé le Patrimoine de
Saint-Pierre. En 14*5, il fut atta-
qué par Malatesta, seigneur de Cé-
sène, et défendu par Braccio de Mon-
tone. Il s'engagea en 1420 , à la
solde des Malatesti ; et il porta inu-
tilement des secours à Pandolfe ,
seigneur de Brescia , qu'attaquait le
duc de Milan. Il fut fait prisonnier
;■
MIG
le 8 octobre ; mais Visconti lui rendit
la liberté , et le renvoya en le com-
blant de présents. Il mourut avant
l'année i43o. S. S — i.
M1GNARD ( Nicolas ), peintre ,
naquit à Troyes , en 1 608. Son père ,
nommé Pierre More, servait avec
six de ses frères , tous officiers ,
d'une belle figure, dans les armées de
Henri IV. Le roi, les voyant un jour
réunis, leur dit en plaisantant : Ce
ne sont pas là des Mores , ce sont
des Mignards; et ce dernier nom
leur resta. Le jeune Nicolas reçut,
dans sa ville natale, les premières
leçons de son art. Il se rendit ensuite
à Fontainebleau', où la vue des ou-
vrages dont le Primatice, Freminet,
maître Roux et autres habiles artistes
avaient orné ce château sous les aus-
pices de François Ier. et de Henri IV,
lui fit sentir le besoin d'acquérir de
nouvelles connaissances. Le séjour
d'Italie lui sembla propre à remplir
ses vues. Il se mit en route ; et , en
passant par Avignon, il y peignit ,
pour un amateur , une galerie dans
laquelle il représenta \ Histoire de
Théagèneet Chariclée. Cette galerie,
divisée en plusieurs compartiments ,
passe pour un de ses meilleurs ou-
vrages. Sur ces entrefaites , il devint
épris d'une jeune personne, et fut
sur le point de renoncer à son voya-
ge; mais l'amour de son art l'em-
porta. Arrivé à Rome, il ne cessa
pendant deux ans , d'étudier les
chefs-d'œuvre (pie renferme cette
ville. Il revint alors à Avignon , et y
mu séjour, après avoir épouse
celle qu'il aimait, (/est ce qui lui
valut le surnom de Mignard d'Avi-
gnon, pour le distinguer de son frère
Pierre, que son long séjour à Rome
a l'ait appeler le Romain ( V. ci-
après ;. Le cardinal Mazarin se ren-
daut à Saint- Jeun - de - Luz , où il
XXIX.
MIG 17
accompagnait Louis XIV , qui allait
épouser l'infante Marie - Thérèse ,
eut occasion d'apprécier le talent de
Mignard : il se ressouvint de lui
lorsqu'il fut de retour à Paris, et
l'appela dans cette capitale , où Mi-
gnard mérita bientôt la protection du
roi , qui lui fit faire son portrait ,
ainsi que celui de la reine. La plu-
part des seigneurs voulurent avoir
leur portrait de sa main. Parmi les
portraits qu'il peignit à cette époque,
on distinguait celui de la Princesse
d' Elbeuf en sainte Cécile. Ces tra-
vaux ne l'empêchèrent pas d'exécu-
ter, pour les chartreux de Grenoble,
deux grands tableaux d'histoire qui
soutinrent sa réputation. C'est en ce
temps qu'il fut admis à l'académie
de peinture, dont il devint par la
suite professeur et recteur. Le roi y
qui ne l'avait point oublié , le char-
gea de décorer son appartement du
rez-de-chaussée aux Tuileries. II y
représenta ce monarque sous l'em-
blème du Soleil guidant son char.
Louis XIV fut tellement satisfait de
cet ouvrage , qu'il lui ordonna de
peindre sa grande chambre de pa-
rade , dans le même château. L'ar-
tiste mit tant d'ardeur à répondre
aux désirs du roi , qu'il fut attaqué
d'une hydropisie , dont il mourut à
Paris, en 1668, généralement re-
gretté pour la noblesse de son carac-
tère et pour ses talents. Il avait dans
l'imagination plus de sagesse que de
chaleur. Il a surtout réussi dans les
sujets qui exigent plutôt l'expression
des affections douces, que celle des
passions violentes. Ses compositions
rappellent en quelque sorte l'Albane:
elles sont généralement ingénieuses;
son pinceau est flouj ses attitudes et
ses airs de tête ont de la grâce, <
dessin ne manque pas <l<- correction.
Il est aussi connu comme graveur à
3
i8
MiG
léau-forte. On a de lui, en ce genre,
cinq pièces qu'il a exécutées, d'après
les peintures d'AnniLal Carrache ,
dans la galerie Farnèse On a grave'
d'après Mignard cinquante morceaux,
dont les principaux sont : I. Le por-
trait du duc d'Harcourt , connu
sous le nom de Cadet à la perle. II.
Celui de Brisacier. III. Celui d' Em-
manuel- Théo dore de la Tcur d'Au-
vergne , duc d' Albret. IV. Une
Sainte-Famille. V. Le portrait de
Pierre Dupuis, peintre du roi. Tou-
tes ces pièces sont d'Antoine Mas-
son ( V* ce nom ). VI. Enfin, un
Portement de croix , gravé par
Boulanger. — Pierre Mignard ,
frère du précédent , naquit à Troyes ,
en iGio. Son père le destina d'abord
à la médecine : majs son goût pour
le dessin se manifesta presque au
sortir de L'enfance ; et à l'âge de
douze ans , il avait fait un taLîeau où
était représentée toute la famille du
médecin chez lequel on l'avait placé.
Son père ne put résister à une voca-
tion aussi prononcée , et le confia à
un nommé Boucher , peintre de
Bourges, d'où, par les soins du ma-
réchal de Vitry , il passa sous la
direction de V ouet, qu'il ne tarda pas
à égaler. Le jeune artiste, frappé
de la beauté des tableaux que le ma-
réchal de Créqui avait rapportés
d'Italie , résolut de visiter cette con-
trée. Arrivé à Rome en i636, la
première personne qui s'omit à sa
vue, fut Du Fresnoy, qui avait été son
condisciple chez Vouet. Tout devint
commun entre eux; et jusqu'à la
mort ils ne cessèrent d'être liés de la
plus étroite amitié. Les travaux que
Mignard entreprit , le firent bientôt
connaître. Ses portraits obtinrent
surtout un tel succès , que le pape
Urbain VIII voulut être peint par
lui. Dans ses moments de loisir ,
MIG
il étudiait les ouvrages de Raphaël ,
de Michel- Ange et d'Annibal Carra-
che, dont il tâchait de s'approprier
les qualités. Le cardinal Du Plessis
le chargea de copier la galerie Far-
nèse , peinte par ce dernier artiste.
Le Musée du Louvre possède les étu-
des qu'il fit à cette occasion. Ce sont
douze grands dessins aux crayons
noir et blanc, sur papier gris , re-
présentant les cariatides dont le
Carrache a décoré la voûte de la
galerie Farnèse. Du Fresnoy l'ayant
engagé à visiter Venise, pour en étu-
dier les grands coloristes , il se rendit
à ce conseil ; et , pendant son séjour ,
il fit les portraits du doge et de plu-
sieurs patriciens. Delà, il parcourut
une partie de l'Italie, et revint à
Rome, où le pape Alexandre VII
lui commanda son portrait. La per-
fection de ses peintures de Vierges ,
lui mérita d'être comparé , par les
Italiens eux-mêmes, à Annibal Car-
rache. On leur donnait le nom de
Mignardes ; et ce nom, que l'on
a depuis voulu faire passer pour
un reproche , était alors l'expression
de l'admiration qu'il inspirait. Pen-
dant son séjour à Rome, il fut ap-
pelé , en concurrence avec Piètre de
Cortone, pour peindre le tableau du
maître-autel de Saint-Charles dé'
Catenari. Il fit pour esquisse un ta-
bleau terminé qui représentait Saint-
Charles administrant la commu-
nion à des mourants. Les con-
naisseurs applaudirent à cet ouvra-
ge ; et cependant Piètre de Cortone
fut préféré. On ignore ce qu'est de-
venu ce tableau , qu'on peut regarder
comme son chef-d'œuvre ; mais la
gravure magnifique qu'en a faite F.
de Poilly, suffit pour assurer la gloi-
re du peintre. Après avoir demeuré
en Italie l'x ans, dont la plus grande
partie à Rome , il fut rappelé en
France , par Louis XIV. Il revint
alors dans sa patrie , maigre l'union
qu'il venait de contracter avec la
fille d'un architecte romain , jeune
et belle, et la peine qu'il éprouvait
de quitter le Poussin , avec lequel il
s'e'tait lié d'amitié. Il s'arrêta près
d'un au à Avignon, auprès de son
frère: il séjourna ensuite à Lyon , où
il exécuta quelques tableaux, et ar-
riva enfin à Fontainebleau, où le car-
dinal Mazarin le présenta au roi et à
la reine-mère, dont il fit les portraits.
Pendant son séjour en Italie, il avait
cultivé la peinture à fresque, genre
auquel l'humidité de nos climats sera
toujours un obstacle, mais qui, par
la promptitude qu'exige ce travail ,
inde de l'artiste autant de viva-
cité que de sûreté dans l'exécution.
Mignard fut chargé de peindre à
fresque la coupole du Val-de-Grace,
qui venait d'être terminée. Cette vaste
composition de plus de deux cents
figures, dans laquelle il a représenté
la reine Anne d'Autriche, introduite
dans le paradis par sainte Anne et
saint Louis , est aussi remarquable
par la beauté des figures que par
celle du coloris; et elle l'emporte
sur tous les ouvrages du même genre
dus aux. peintres nationaux. Molière
célébra ce bel ouvrage dans une
pièce de vers intitulée : la G Loire du
Fal-cle-Gràce , qui, malheureuse-
ment, ne répond ni au génie du poète,
ni au talent de l'artiste. Celui-ci
avait peint à fresque, en coneur-
avec Lafosse, la chapelle des
fonts à Saint - Eustache. Ces peintu-
Dnt été détruites lors de la re-
construction de la façade de cette
. On a également détruit les
belles peintures dont Mignard avait
orné la petite galerie de Versailles ,
et l'ancien cabioetdu grand-dauphin,
ïl serait trop long de rappeler tous
MIG 19
les travaux dont cet habile artiste fut
charge'. Lorsqu'il revint en France ,
Lebrun , honoré de la protection de
Louis XIV, et soutenu par Colbert,
exerçait une influence presque des-
potique dans l'empire des arts. Mi-
gnard , qui avait le sentiment de sou
mérite , refusa de plier sous le joug
universel : il ne voulait rien devoir
qu'à lui-même ; et pour braver, en
quelque sorte , son rival , il refusa
d'entrer à l'académie de peinture
fondée sous les auspices de Lebrun ,
et se fit nommer président de l'aca-
démie de Saint - Luc. Son amour-
propre avait été justement blessé de
la supériorité qu'affectait le premier,
qui ne pouvait voir sans jalousie les
succès de Mignard. On ne sait si le
même sentiment l'animait à son.tour:
mais un préjugé favorable pour son
caractère, c'est le nom de tous ceux
dont il s'honora d'être l'ami , et par-
mi lesquels brillent au premier rang
Molière, La Fontaine , Racine et Boi-
leau. Son esprit orné , son amabilité,
faisaient rechercher sa société. On
connaît de lui plusieurs mots pi-
quants. Il peignait Louis XIV pour
la dixième fois , et comme il le re-
gardait attentivement , le prince lui
dit : « Mignard , vous me trouvez
» vieilli? — Sire , répondit l'artiste,
» il est vrai que je vois quelques vic-
» toires de plus sur le front de Votre
» Majesté. » Cette répartie flatta ex-
trêmement le monarque, qui ne cessa
de le protéger , et qui l'anoblit en
1(387. k" 1^90, après la mort de
Lebrun , il le nomma son premier
peintre, et directeur des manufac-
tures royales. Mignard ne refusa plus
alors d'entrer à l'académie de pein-
ture ; et le même jour il fut reçu
académicien, professeur, recteur,
directeur et chancelier. 11 mourut à
Paiis, eu 1695. On ne peut di
3..
20 MIG
venir que ses ouvrages justifient en
grande partie les faveurs dont il fut
comblé. Outre ses peintures du Val-
de-Grâce , celles dont il a de'coré le
château de Saint - Gioud suffiraient
pour fonder sa réputation. Dans la
galerie , il a représenté , en cinq
compartiments , Apollon sur son
char , et les Quatre saisons. Le ca-
binet de Diane, qui termine celte
galerie , renferme quatre tableaux ti-
rés de l'histoire de la Déesse. Enfin ,
dans la grande salle , appelée Salon
de Mars, il a peint, en cinq com-
partiments , Mars et Vénus envelop-
pés dans les rets de Vulcain , les
Cy dopes , V Olympe , etc. Le Musée
du Louvre possède de lui sept ta-
bleaux : I. Le Portrait en pied de
Mignard. II. Jésus sur le chemin du
Calvaire , succombant sous le poids
de la croix; tableau de chevalet.
III. Portrait de Louis, Dauphin ,
dit Monseigneur , fils de Louis XIV.
IV. Portrait de Madame de Main-
tenon. V. Portrait de la marquise
de Feuquières , fille de Mignard ,
tenant le portrait de son père. VI.
La Vierge présentant une grappe
de raisin à V Enfant- Jésus ,- tableau
connu sous le nom de Vierge à la
grappe : il a été gravé par Koullet.
VII. Sainte Cécile chantant sur la
harpe les louanges du Seigneur ■ ce
tableau de chevalet , gravé par Du-
flos, est, ainsi que le précédent, un
de ses ouvrages les plus célèbres ;
tous deux sont remarquables par la
fraîcheur du coloris et la grâce de la
composition. Mignard peut être re-
gardé comme le plus habile coloriste
du siècle de Louis XIV. Ses carna-
tions sont vraies et harmonieuses; il
sait habilement opposer les unes aux
autres les plus riches couleurs, et aug-
menter ainsi l'éclat de ses tableaux ;
&on pinceau est moelleux et plein de
MIG
légèreté. Quant à l'ordonnance de ses
compositions , elle est bien entendue,
riche ou gracieuse, et se distingue
par la noblesse de la pensée : mais
il rend faiblement l'expression des
passions ; il manque de chaleur et
d'énergie, et le fini qu'il donne à
ses ouvrages les rend ordinairement
froids. Tant qu'il fut protégé par
Louis XIV , tant qu'il eut pour
amis et pour défenseurs les hommes
les plus illustres de son siècle ,
il fut accablé de louanges : mais ,
après sa mort , les académiciens
dont il avait refusé d'être le confrère
aussi long-temps que vécut Lebrun,
devinrent ses détracteurs; et c'est
à leurs efforts continus que l'on peut
attribuer le changement qui s'est opé-
ré dans les idées à son égard. S'il
le cède à Lebrun pour la richesse
de l'imagination, la grandeur de la
composition , si l'enthousiasme l'a-
nime rarement, il est toujours exact,
agréable et spirituel. Il fut mis,
durant sa vie, à coté de son rival : la
postérité plus équitable ne lui ac-
corde que le second rang; mais il est
un des artistes de son siècle qui font
le plus d'honneur à la France. Il faut
observer que, lorsqu'il vint à Paris,
il avait près de cinquante ans. Les
ouvrages d'après lesquels on le juge
ordinairement , ne peuvent être con-
sidérés que comme des productions
de sa vieillesse; et c'est sur ceux
qu'il a exécutés en Italie qu'il serait
juste de l'apprécier. Mais n'eût-il fait
que des portraits, il n'en mériterait
pas moins un rang très - distingué
dans les arts. Le Portrait de Mme.
d'Hervart , l'amie de La Fontaine ,
et dont Mignard avait orné l'hôtel
de peintures à fresque , passait pour
son chef-d'œuvre. On connaît l'a-
necdote du perroquet de cette dame;
qu'on entendit souvent dire à soa
MIG
portrait: Baisez-moi, ma maltresse.
Les meilleurs maîtres qui ont grave
d'après Mignard , sont G. Audran ,
Nanteuil , Masson , Michel Lasne ,
Drevet, etc. Son œuvre se compose
de 147 pièces. Il a grave lui-même à
l'eau -forte une Sainte - Scolastique
aux pieds de la Vierge. — Pierre
Mignard, architecte, fils de Nico-
las , et neveu du précédent , naquit
à Avignon, en 1640. II parcourut
l'Italie et la France, pour y étudier
et lever les plans des plus beaux
monuments d'architecture. Il vint
rejoindre, à Paris, son père qui s'y
était fixé; et la réputation que lui
avait acquise X Abbaye de Monlma-
jour , près d'Arles, lui fit obtenir
dans la capitale plusieurs construc-
tions importantes, parmi lesquelles
on doit citer la Façade de l'église
de Saint-Nicolas et la Porte Saint-
Martin. Si ce dernier monument
n'offre point la perfection de celui
qui est dû au génie de Blondel, il
donne cependant une idée avanta-
geuse des talents de Mignard, et doit
passer pour un des monuments les
plus remarquables de Paris. V Ab-
baye de Montmajour, à laquelle il
avait mis tous ses soins, ses bâti-
ments commodes et immenses, com-
posés de trois étages voûtés, ayant
des murs de face de six pieds d'é-
paisseur , construits en pierre de
taille , paraissaient indestructibles.
Mais un jour, pendant que les bénédic-
tins étaient à l'o (lice, le feu prit à une
poutre qui traversait une cheminée :
en un instant les combles Turent em-
brasés; et l'étonnement des moines
fut extrême lorsqu'ils virent le feu
sortir du milieu des murs de face.
On s'aperçût alors que les maçons,
pour finir plutôt leur besogne ,
avaient caché (1rs fagots dans l'é-
paisseur des murs. Franque, archi-
MIG 21
tecte de la ville d'Avignon, recons-
truisit celte abbaye, et suivit scru-
puleusement les plans et les dessins
de Mignard. Cet artiste avait été l'un
des six membres qui fondèrent , en
167 1 , l'académie royale d'architec-
ture. Il y était professeur, lorsqu'il
mourut à Paris, en 1 725. P — s.
MIGNAULT ( Claude ) , plus
connu sous le nom de Minos , qu'il
prit à la tête de ses ouvrages , était
né vers i536 , à Talant , bourg près
de Dijon. Il avait plus de douze ans
quand il commença ses études; mais
il eut bientôt surpassé tous ses con-
disciples, et réparé le temps qu'il
avait perdu par l'insouciance de ses
parents. Il avait à peine achevé ses
cours de philosophie et de mathé-
matiques , lorsqu'il fut appe'é au
collège de Reims, où il expliqua pen-
dant quatre ans les meilleurs auteurs
grecs et latins. Nommé ensuite pro-
fesseur à Paris, il v soutint h
répu-
tation qu'il s'était acquise. La fièvre
pestilentielle qui désola, en 1578,
une partie de la France, l'obligea
de se retirer à Orléans; et il profita
de son séjour en cette ville, pour étu-
dier le droit, et prendre ses degrés.
Il fut nommé, peu après, avocat du
roi à Etampes, charge qu'il rem-
plit quelques années : de retour à
Paris , il fut nommé pr< ;
droit canon; et l'on sait qu'il
doyen de cette faculté, en :
Mignault joignait à une érudition
variée, une rare probité; il mourut
le l> mars i('<o(i, à l'âge de
dix ans, et fut inhumé dans l'i
Saint-Benoît. On trouvera la li I
ses ouvrages à la suite de son 1
par Papillon, dans ta continua
des Mémoires de littérature , t. vu
(F. DesmOlèts), et dans la BU
thèaue de Bour. ns les Mé-
moires de Nice ion, tom,
WIG
fin dans le Dictionn. de Moréri. Le
plus connu de tous est sans contredit
son Commentaire sur les Emblèmes
d'Àlciat, Anvers, i . > 7 4 ^ ÛI716, sou-
vent reimprime' dans le seizième et le
dix-septième siècle ( V. Alciat ). Il
traduisit, depuis , ces Emblèmes en
vers français, Paris, i584? în-ia;
rare. Quoique dans sa préface il de-
prise beaucoup les versions d'A-
ncau et de Lefevre, la sienne, qui est
une espèce de paraphrase, n'est guère
meilleure ; elle est en vers de différen-
tes mesures , les uns à rimes croisées ,
les autres à rimes plates. Il n'a su
se garantir d'aucun des défauts des
poètes de son temps : hiatus, enjam-
bements, épithètes enflées et ridi-
cules, style dur, mots inventes, dé-
rivés du grec et du latin, etc. Il
annonce pourtant une vaste éru-
dition; car il en fallait beaucoup,
pour trouver, comme il a fait, les
sources où Alciat avait puisé ses
emblèmes j sources qu'il avait affecté
de cacher avec soin. On cite encore
de lui : 1. Des Discours latins, pro-
noncés à l'ouverture de ses cours. II.
Des Editions des Satyres de Perse ,
des Partitions oratoires de Cicéron
et de la Rhétorique d'Orner Talon.
III. Des Notes sur les Harangues de
Cicéron pour Sylla et pour Marcel-
lus, sur les Épitres d'Horace, les
Lettres de Pline le jeune, etc. L'é-
dition des Épîtres d'Horace, Paris,
Gilles Jyeys, i584, in-4% est re-
marquable, parce que c'est un des
premiers Livres où l'on ait fait usa-
ge au J et du V consonnes, qu'on
n'avait encore employés que dans
les ouvrages de Ramus, qui en est
l'inventenr {V. Ramus). W — s.
MIGNON (Abraham), ou plu-
tôt Minion ( les Allemands écrivent
Minjon ). peintre de fleurs , naquit a
Francfort- sur- le- Mein, vers i64o.
MIG
Il eut successivement pour m,
Jacques Murcl et le célèbre Dav
Heem; c'est chez ce dernier, qu'il
puisa les excellents principes qui
l'ont placé au rang élevé qu'il occupe
parmi les artistes de son genre. Les
études immenses qu'il entreprit pour
cl onnerà ses productions ce charme et
cette vérité qui ne peuvent naître que
d'une connaissance approfondie des
productions de la nature, l'applica-
tion qu'il apporta à ses travaux,
affaiblirent tellement sa santé, qu'il
mourut en 1679, ayant à peine qua-
rante ans , et laissant deux filles ,
qui cultivèrent avec succès le même
genre de peinture. Mais de tous ses
élèves , celle qui lui fait le pins
d'honneur est la célèbre Marie Sy-
bille Mérian. Les qualités qui«distin-
guent les productions de Mignon ,
sont la fraîcheur , la finesse des
tons , le précieux du travail , l'éclat
des reflets , et l'imitation parfaite
delà nature. Ses fleurs sont choisies
avec goût; il entend parfaitement
l'art de les grouper, pour les faire
mutuellement valoir. Il excelle égale-
ment dans la peinture des insectes ?
des mouches , des papillons; c'est
la rosée que l'on voit trembler sur les
feuilles; c'est le velouté des fruits que
la main va toucher. Le seul défaut
que l'on ait à lui reprocher , c'est
un peu de sécheresse dans le dessin ;
défaut que l'on doit attribuer au soin
avec lequel il peignait. Userait aupre-
mierrang des peintresde fleurs si Van
Huysum n'avait atteint la perfection
dans toutes les parties de ce genre de
peinture. Un de ses tableaux les plus
précieux est connu sous le nom de
Mignon au chat : il représente un
chat de Cypre renversant un vase de
fleurs sur une table de marbre. L'eau
qui s'échappe du vase était représen-
tée avec une telle vérité qu'on ia.
WIG
voyait , pour ainsi dire , se répandre
hors du tableau. Le Musée du Lou-
vre possède trois morceaux de ce
maître : I. In Ecureuil , des Pois-
sons, des Fleurs et un Nid d'oi-
seaux dans un fond d<j paysage.
IL Un 'Bouquet dejleurs des champs.
III. Des Roses , des Tulipes , et au-
tres fleurs, dans un vase de cristal.
Ce tableau est le pendant du précé-
dent. P— s.
MIGNOT (Etienne), docteur de
Sorbonne, né à Paris, le 17 mars
1698, se distingua, dès sa licence,
par ses succès, et y obtint la pre-
mière place, qui n'était plus que la
cinquième depuis que les quatre pre-
mières étaient réservées aux jeunes
ecclésiastiques des plus illustres fa-
milles. Mignot étudia tout -à-la-fois
et les sciences ecclésiastiques, et les
monuments de l'antiquité profane: il
vivait dans la retraite; et sitôt qu'il
fut docteur , il s'abstint de paraître
aux assemblées delà faculté de théo-
logie. L'indépendance de ses opinions
contribua , autant que son ardeur
pour le travail, a lui faire prendre
ce parti. Il avait étudié en Sorbonne
dans le temps que les appelants y
dominaient; et il n'était pas homme
à revenir sur ses pas, et à suivre
l'exemple de la faculté, lorsqu'elle
rétracta son appel. Lié avec Débon-
naire, Roidot ( 1 ), de La Tour, et les
autres membres de la société dite
(l) Philippe Boidot, docteur de Sorbonne et supé-
rieur du séminaire des Trente-Truif , '• Paris, y te-
nait, arec d'autres app< laots, de» conférences sur di-
On lui attribue deui courte* Disser-
tation* pour défendre Ih Lettre à Nicole pur De-
. 1736, >///■ Us
imputât ■ abbé. Deb tuiaire etluicom-
■'>...! les Traités historiques etpolé-
miijues de la fin <lu monde, de la venue d'1
■'" '" ■ .-H-, a toi. iu ,■> | le 3«. n'a
po«»t i>. rut éditeur du Traité (■
1"f > f"stt" '</" '< i irult licences et du ju-
b'là> V Chevr«u«e,*75». in-w.
11 mourut le ao avril
MIG *3
des Trente-Trois, il prit part aux
écrits émanés de cette société. On lui
attribue trois Lettres, publiées efl
1736, contre le Juste milieu à tenir
dans les disputes de l'Église, par
Besoigne; une Réponse à une Lettre
de Soaneu, contre l'abbé Débonnaire;
Y Examen des règles dujigurisme;
trois autres petits écrits publiés , en
1787 , sur les mêmes matières; une
Lettre aux évéques de Senez et de
Montpellier, et une dernière Lettre
à Soanen, en 1738. Ces diverses
brochures, réunies forment un petit
volume in- 4°. , et sont dirigées con-
tre d'Ktémare, et ce qu'on appelait
le parti des figurâtes. Ceux-ci écrivi-
rent pour leur défense, et adressè-
rent à Mignot et à ses amis les re-
proches les plus vifs: on alla jusqu'à
les accuser de socinianisme ; et le
nom de Socinianisants leur est donné
très-fréquemment dans les écrits de
leurs adversaires. Mignot ne méritait
sans doute pas cette qualification; et
s'il était hardi dans ses opinions, ce
ne fut pas du moins dans cette con-
troverse où il combattait des erreurs
et une exagération condamnables.
Sorti de cette dispute , Mignot s'occu-
pa d'autres travaux , et publia , dans
le court espace de quelques années ,
un assez grand nombre d'écrits : I.
Discours sur V accord des sciences
et des belles-lettres avec la religion,
17.53, in- 12. II. Paraphrase des
livres sapientiauv ', it54, 2 vol. in-
1 2 .III. Paraphrase sur le Nouveau-
Testament, 1754, 4 vo'- i'i-i^ IV.
Paraphrase sur les Psaumes , 1 7 55,
in-i 2. V. Réflexions sur les con-
naissances préliminaires au chris-
tianisme , 1 *7 . j 5 , in- 12. VI. Ana-
lyse des vérités da la religion chré-
tienne, 1755, in- 11. VII. Traité
des droits de l'état et dit //•///-
les biens possédés par le cl
24 MIG
1 755 et suivants, 6 vol. in-12. VIII.
Mémoire sur les libertés de l'Église
gallicane, 1756, in- 12. IX. His-
toire du démêlé de Henri II avec
saint Thomas de Cantorbéri, 1756,
in- 12. X. Histoire delà réception
du concile de Trente dans les états
catholiques, 1756, 2 vol. Ces der-
niers écrits n'offrent pas toujours
des notions exactes. Mignot s'engagea
peu après dans une autre controverse.
Il donna une nouvelle édition du
Traité du fret de commerce, qui
avait d'abord paru en 1 789, in 4°. ,
et qu'on avait attribué à l'abbé Boi-
dot, mais que nous croyons être
d'Aubert, docteur de Sorbonne, et
curé de Ghâncs au diocèse deMâcon.
Celui-ci étant mort, Mignot revit son
Traité, le refondit , et le fit paraître
en 1759, 4 vol. in 12. Il s'y décla-
rait pour le prêt, et maltraitait assez
les scolastiques , qu'il accusait d'avoir
embrouillé la matière. L'abbé Bar-
thélemi de La Porte, auteur des Prin-
cipes théologiques, canoniques et
civils sur l'usure, ayant réfute Mignot
dans le 3°. volume de cet ouvrage ,
celui-ci fit paraître, en 1770, une
Béponse à l'auteur des Principes ,
qui forme le 5e. volume de son
Traité. De La Porte répliqua ; mais
Mignot n'eut point connaissance de
ce nouvel écrit, étant mort le 23
juillet 1 77 1. Il avait été reçu à l'aca-
démie des inscriptions et belles let-
tres, en 1 761 ; et l'on trouve de lui,
dans le recueil de cette compagnie ,
plusieurs savants Mémoires ( au
nombre de trente), où il prouve
que les Indiens ne sont point re-
devables aux Grecs , ni aux Égyp-
tiens , de leur doctrine , de leur
culte et de leur police ; il y soutient
que les Phéniciens existaient comme
peuple policé avant les Égyptiens.
Son éloge, par Lebeau, se trouve
MIG
tome 38, H. p. 248, de la même
collection. — Jean-André Mignot ,
grand-chantre de l'église d'Auxerre,
né dans cette ville, le 23 janvier 1 688,
eut toute la confiance de M. de
Caylus, évêque de ce siège, et prit
une part très-vive aux discussions
qui troublèrent de son temps l'Église.
11 était appelant, et rédigea, de con-
cert avec l'abbé Le Beuf , la Tradi-
tion de ï 'église d'Auxerre, insérée
dans le Cri de la foi, 17 19. Il eut
part à la rédaction du Bréviaire, du
Missel et du Processional d'Auxerre,
publiés par M. de Caylus, et à l'édi-
tion du Martyrologe particulier de
l'église d'Auxerre , qui parut en
1701. Son dernier écrit paraît être
un Mémoire historique jur les sta-
tues de saint Christophe , 1768, in-
8°. Jean-André mourut à Auxerre,
le 14 mai 1770; il était associé de
l'académie de cette ville , et avait ,
dit-on, contribué à son établissement.
p— C_T.
MIGNOT (Vincent) (1), neveu
de Voltaire , né à Paris vers 1730 ,
d'une famille originaire de Sedan ,
et qui y établit une manufacture de
draps, embrassa l'état ecclésiastique,
et fut pourvu de plusieurs bénéfices ,
entre autres de l'abbaye de Selliè-
res, en Champagne; mais il n'était
pas prêtre ( V. la lettre de Voltaire
à Damilaville , i5 mars 1766). Il
obtint aussi une charge de conseiller
au grand-conseil; et il s'en démit en
1 765 , parce qu'il crut ses préroga-
tives attaquées : il ne conserva que le
titre d'honoraire. Il signa , comme
témoin, avec M. le marquis de Ville-
vieille, la profession de foi que fit
Voltaire dans sa dernière maladie;
et , ayant caché la mort de son oncle,
(1^ M Barbier le nomme Claude, dans les tubles
du Diclionnaue des anôi
MIG
il fit transporter ses restes à Selliè-
res, où ils furent déposés dans un
caveau, avant l'arrivée de l'ordre de
l'évêque de Troyes , qui défendait
de leur donner la sépulture ( V. Vol-
taire ). L'abbé Mignot fut un des
légataires de Voltaire : il fît un noble
usage de sa fortune, dont il employa
la plus grande partie à soulager les
malheureux. Il mourut en 1790.
Grimm a tracé, dans sa correspon-
dance , un parallèle assez plaisant
de l'abbé Mignot et de Voltaire.
« L'oncle , dit-il , est sec comme
» une allumette j le neveu est gros
» comme un tonneau : l'oncle a des
» yeux d'aigle; le neveu a la vue
w basse. Tout ce qui les rapproche
» c'est que le neveu est un fort hon-
» nête homme , et que l'oncle est un
» bienfaisant, malin et charmant en-
» fant. » ( Corresp. de Grimm. ilC.
part, , v, 1 28 ). L'abbé Mignot était
laborieux et très - instruit. On a de
lui : I. Histoire de V impératrice Irè-
ne, Amsterd. (Paris), 1762,111-12;
elle a eu du succès. On y trouve de
1 impartialité, mais peu d'exactitude
dans les citations. II. Histoire de
Jeanne Ire. , reine de Naples , la
Haye ( Paris ) , 1 764 , in- 12. L'au-
teur manque de vigueur , et son style
de pureté. III. Histoire des rois ca-
tholiques Ferdinand et Isabelle ,
Paris, 17 60, 2 vol. in-12; sujet
bien choisi , mais exécuté médio-
crement. L'auteur ne cite presque ja-
mais les sources où il a puisé; mais
on voit qu'il n'a guère consulté que
Mariana et Ferreras. IV. Histoire de
l'Empire ottoman, depuis son ori-
gine jusqu'à la paix de Belgrade en
17/10, ibid., 1771, 4 vol. in- 11 •
trad. en allemand par Wachsrauth ,
Mitau, 1771, 3 vol. in -8°., et en.
anglais, par A. Hawkins, 1788, 4
vol. in-8u. : c'était l'histoire la plus
MIL 25
exacte et la plus intéressante qui eût
encore paru de ce vaste empire : il y
a beaucoup de recherches et de faits
importants tirés des meilleures sour-
ces. V. Traités de Cicéron sur la
"vieillesse et V ' amitié y trad. en fran-
çais, Paris, 1 780 , in- 12 ; volume tiré
à cinquante exemplaires , pour être
distribués en présent. VI. Quinte-
Curce et les suppléments de Freins-
heim , trad. en français , avec le latin
en regard , ibid. , 1 781 , 2 vol. in-8°.
Cette traduction n'a , sur celle de
Vaugelas , que l'avantage de quelques
expressions plus modernes ( /^.la Bi-
bliuth. d'un homme de goût , éd. de
M. Barbier, m, 3o3). W — s.
MIKITAR. V. Mekhitar.
MILAN ( Jean de ). V. Jeaw
le Milanais, XXI , 480.
MILANTE ( Pie-Tuomas ) , sa-
vant prélat italien , était né , vers la
fin du dix-septième siècle , dans le
royaume de Naples. Après avoir
terminé ses études , il prit l'habit de
saint Dominique , et fut nommé ,
quelque temps après , professeur de
théologie à l'université de Naples.
Les talents qu'il déploya dans cette
chaire fixèrent sur lui l'attention ; et
il fut élu, en 174^, évêque de Cas-
tellamare di Stabia. Il gouverna son
diocèse avec beaucoup de zèle et
de prudence, et mourut en 1749.
On cite de lui : I. Oratio extempo-
ranea in electione summi pontif.
Benedicti XIII, Naples , 1724 , in-
4°. II. Thèses theologico-dogma-
tico-polemicœ , ibid. , 1734, in-
4°. III. Exercitationes dogma-
tico-morales in propositiones
criptas ah Alexandro VU , ibid. ,
T738; — ab Innocentio \ I ,
1739; — ab Alexandro }
ibid., 1740, in- 4°. IV. Vu
regularium in caussd ni on::
paupertatis, ibid. , i']\
V. De viris illustrihus congregat.
S. Mariœ sanitatis , ibid. , 1 --.{> ,
in-4°. VI. Orazioni , ibid. , 1747,
in 4°. VII. De Stabiis, Stabiand
ecclesid et ejàscoris ejus , ibid. ,
1730 , in-4°. Cette histoire de Cas-
teilamare a été publiée par PavocaJ
Fr. Mar. Bisagni, qui y a joint la
Vie de l'auteur ; elle a été critiquée
par Anastasio ( Animadvers. in li-
bruni de Stabiis ,Naples, 1 761 , in-
4°. ) y mais Gaétan. Mastrucci en a
pris la défense dans un écrit intitulé :
Letlera contenente alcuni reflessioni
intorno ail' opéra iniitolata : Ani-
madversiones , etc., ibid., 1753,
in- 4°. On doit encore à Milante des
Lettres pastorales , et une bonne
édition de la Biblioth. sancta de
Sixic de Sienne ( Voy. Sixte de
Sienne). W — s.
MILBOURNE ( Luc ) , ecclésias-
tique anglais, mort en 1720, est
moins connu par ses propres ou-
vrages que par le ridicule dont Dry-
den et Pope l'ont couvert, et qu'il s'é-
tait attiré par d'injustes agressions.
On a de lui : I. Trente-un Sermons
publiés de 1692 à 1720. II. Une
Traduction en vers des Psaumes ,
1698. III. Remarques sur le Virgile
de Dryden , 1 698. On trouve , à la
fin , la Traduction en vers de la pre-
mière et de la quatrième. Églogue , et
du premier livre des Géorgiques, par
Milbourne ; traductions qui ne valent
pas mieux que ses remarques. L.
MILE ou MILET (Jean-Fran-
cisque),'peintre de paysages, naquit
à Anvers, en i643, d'un habile tour-
neur en ivoire de Dijon. Demeuré
orphelin de bonne heure, le jeune
Francisque reçut les leçons de Lau-
rent Francis.. Il se distingua bientôt
comme paysagiste; et il dessinait la
figure avec plus de correction que
ne le font ordinairement les peintres
de ce genre. A dix-huit ans, il épousa
la fille de son maître, et sa réputa-
tion s'étendit bientôt hors de son
pays. Il vint alors à Paris. Le ban-
quier Jabach , qui possédait une ri-
che collection de tableaux, l'attira
chez lui, où la vue des ouvrages du
Poussin charma tellement le jeune
peintre , qu'il chercha désormais a
imiter la manière de ce grand maî-
tre , ce qui augmenta encore sa répu-
tation. De là , il parcourut la Hol-
lan le, la Flandre et l'Angleterre :
quelques historiens ajoutent même ,
mais sans en donner de preuve 7
qu'il visita l'Italie. De retour de ses
courses , et fixé à Paris , il acheta
une petite maison près Bagnolet, où
il passait tous les moments qu'il
pouvait dérober à son art. 11 avait
été reçu professeur à l'académie de
peinture. Il n'était, comme son père ,
âgé que de trente-sept ans , lorsqu'il
mourut, en 1680. On prétend même
que plusieurs peintres, jaloux de ses
talents , lui firent prendre un breu-
vage empoisonné qui altéra sa rai-
son, et abrégea ses jours. Francis-
que , doué de la mémoire la plus heu-
reuse, et d'une grande facilité d'exé-
cution , se rappelait et représentait
sur-le-champ tous les phénomènes
de la nature qui l'avaient frappé ,
ou les beautés qu'il avait remar-
quées dans les productions des grands
maîtres. Mais , quoiqu'en général ses
sites soient beaux et choisis avec
goût , que son feuiller soit léger et
touché avec esprit, et que ses com-
positions dénotent une imagination
pleine de fécondité , on voit trop
qu'il abuse de sa facilité, et qu'il
ne peint que de pratique : ses etfets
sont trop égaux j on n'y remarque
point ces grands effets de lumière,
dans lesquels se décèle le génie des
Uuisdael et des Claude Lorrain. Ses
MIL
dessins , qui sont assez communs ,
offrent les mêmes qualités et les mê-
mes défauts : tous en gênerai se res-
semblent , et l'on sent que la na-
ture l'a rarement inspire. Ses nom-
breux ouvrages sont répandus clans
toutes les contrées de l'Europe. Il a
peint aussi quelques sujets histori-
ques sacres , parmi lesquels on re-
marque deux grands morceaux, or-
nes de paysages , qui de'coraicnt l'é-
glise de Saint-Nieolas-du-Chardon-
net , à Paris , et dont l'un représentait
le Sacrifice d'Abraham ; l'autre ,
Elysée dans le désert. Théodore 7
un de ses élèves , a gravé d'après
lui six grands paysages et seize
moyens y et un livre de six paysa-
en rond; Coelemaus, un Silène en-
touré de satyres, et trois autres
paysages. Lui-même a gravé plu-
sieurs Paysages héroïques, recher-
chés pour l'esprit de la pointe. D'Ar-
genville borne à trois le nombre de
ces pièces ; mais Huber et Rost le
portent à neuf, dont on peut voir
le détail dans le Manuel 'des ama-
teursdel'art. Francisque laissa deux
fils qui cultivèrent également la pein-
ture, mais qui n'ont point atteint à
la réputation de leur père. P — s.
MILE AG1I, Mile, Miléadh, ou
Miléas-Easpain ( Milesius Hispa-
nus), personnage peut-être fabu-
leux, peut-être historique, pi
blement l'un et l'autre; mais que,
dans tous les cas , il faut connaître ,
quand on veut savoir l'histoire d'Ir-
lande : parce qu'à l'époque où les
Anglais mirent le pied dans cette île,
en i 170 , ils y trouvèrent toutes ics
institutions et coutumes, fondées,
soit sur ces histoires, soit sur ces fa-
bles milésiennes; parce que les
Irlandais ont , depuis Henri II jus-
qu'à Jacqui ! 434 ans)
mes à la main, leur
27
état politique immémorial; et parce
qu'encore aujourd'hui, l'orgueil de
s'en souvenir est pour eux une espèce
de compensation au regret d<
plus jouir. C'est deces Irlandais nii-
lésiens que l'historien Cambden
disait, du temps de la reine Elisa-
beth , que , « comparées aux leurs ,
» les antiquités des autres nations
» sont des nouveautés et une espèce
» d'enfance. » Selon toutes les chro-
niques, le nom de Mileas-Easpain ,
qui a prévalu pour désigner le père
commun de toutes les anciennes dy-
nasties irlandaises, était un surnom
emphatique, que les Bardes lui
avalent donné dans leurs poèmes ,
ainsi que les Druides dans leurs can-
tiques , et qui signifie, en langue
irlandaise, le hé; os , le champion ,
peut-être le soldat d'Espagne : Mi-
leas easpain est si voisin de Miles
hispanus! Ce rapprochement même
a conduit quelques critiques à penser
que ces grandes antiquités irlan-
daises pourraient bien avoir été écri-
tes pour la première fois en latin
par des moines , qui les auraient
inventées. Le nom primitif du héros
d'Espagne était Gollamh , fils de
Bile, fils de Bréogan. Toutes les
traditions , non-seulement lui don-
nent, une orkâtac scylhique et phéni-
cienne, idqjMtest quelque chose
de curieux que ne les voir Ira-
généalogie de père en fils , à partir
Viul, second fds de Phœnius
Farsa , roi de Scythie et de Phé-
nicie, inventeur de l'écriture. Niul ,
idet , voyant son frère aîné Ré-
nual occuper le tronc paternel , \ a
tenter fortune en Egypte; il y épouse
Scota, fille du Pharaon nommé Ciu-
cris, et s'établit avec sa petite
lonie dans la contrée de Cû
sur le bord de la mer Koii|_<
ce nia ; 1 incesse 1
28 MIL
tienne, nait un fiïs nomme Godhal
ou Gadel-Ghlas, ou Gadélas, d'a-
près lequel les anciens Irlandais ont
été appelés Gadéliens, comme d'a-
près Scota , leur île a été nommée
Scotie , ou la grande Ecosse , et d'a-
près Phenius , leur ancienne langue
appelée Bearla-Pheni. La colonie
de Gadélas se multiplie et s'étend.
Le Pharaon En-tuir, successeur du
Pharaon Cincris , en conçoit de
l'ombrage. Sru , petit -fils de Ga-
délas, menacé parle Pharaon son
cousin , se réfugie , avec tous les
siens , dans l'île de Crète , y meurt ,
et laisse le commandement de sa co-
lonie à son fils Héber Scot. Celui-ci
la ramène en Scythie, dans le pays
de ses ancêtres : elle ne s'y maintient
que pendant trois générations. Ard-
noid, arrière-petit-fîls d'IIeber-Scot,
obligé d'abandonner cette contrée ,
obtient, pour lui et sa peuplade d'é-
migrants , un asile chez les Amazo-
nes. Son fils Lamfhion ne s'accom-
mode pas de ce séjour , et conduit
ses Scots- Gadéliens en Gétulie, où
ils se distinguent par maintes proues-
ses militaires. Ils restent là pendant
huit générations j enfin, Bratha ,
descendant au huitième degré de
Lamfhion, mène les Gadéliens dans
le nord de rEspagne^jfr<?bgW2 , fils
de Bratha , leur acefCSfc, à la pointe
de l'épée , un établissement solide
dans la G alice, ou ]>a.y s des Gallégos;
et peut-être faut-il chercher dans le
Gallégos espagnol le G adélas m\\é-
sien: car ici l'obscurité commence à
se dissiper. Bréogan bâtit une ville ,
qu'il appelle, de son nom , Brigan,
qui fut depuis appelée Brigantium ,
et qui est aujourd'hui la Corogne.
Ses habitants se nommaient encore
Brigantins du temps de Jules-César,
qui les punit , avec une si horrible
cruauté^ de leur vigoureuse résis-
MIL
tance. Bréogan meurt , laissant dix
fils légitimes. Bile , l'aîné de tous,
succède à son père dans le gouverne-
ment de la colonie gadélienne ; et
c'est lui qui a l'honneur de donner le
jour à ce Gollamh, qui devait être
si célèbre. La jeunesse de ce prince
estime suite d'exploits plus brillants
les uns que les autres. Il affermit son
père sur le trône, étend son territoire
dans ce qui a depuis formé les Astu-
ries et la Biscaye, et force les peuples
voisins à lui livrer des otages. Après
avoir ainsi établi la colonie gadé-
lienne dans une entière sécurité , Gol-
lamh , avide de nouvelles aventures ,
va en chercher dans la Scythie phé-
nicienne, sa patrie originaire. Bijloïs
y régnait alors : il reçoit Gollamh à
bras ouverts , comme un héros
ayant avec lui un ancêtre commun •
il lui donne sa fille en mariage, et le
met à la têîe de l'armée scythe. Gol-
lamh devient l'idole des Scythes;
mais il s'aperçoit qu'il excite la ja-
lousie de son beau-père : il a le mal-
heur de perdre sa femme , et court
en Egypte, où il offre ses services au
Pharaon Nactonebus, alors en guerre
avec les Éthiopiens. Il y trouve le
même accueil et les mêmes emplois
qu'il avait trouvés en Phénicie, épou-
se une fille du Pharaon , nommée
Scota , comme celle qui avait épou-
sé son ancêtre Niul , commande à
l'armée égyptienne , et se distingue
par les mêmes exploits qui l'avaient
signalé en Phénicie. Occupé de tout
ce qui peut faire fleurir une société ,
Gollamh avait emmené, dans son
expédition, douze jeunes Gadéliens
d'un esprit distingué, qu'il applique
à l'étude de tous les arts et de toutes
les sciences dont la Phénicie et sur-
tout l'Egypte étaient alors le foyer.
Enfin , après dix ans d'absence , il
songe à revoir son père, sa colonie
MIL
gadélienne , et son royaume naissant
de Brigantium et de Galice. Les
historiens - poètes le suivent dans
son retour par l'île de Cypre , l'île
de Crète , la Sicile , Cadix.. Rendu au
sein de cette colonie, qu'il avait
laissée en si bon ordre, il y trouve
tout en confusion : son père expirant;
ses frontières entamées ; toute la
péninsule espagnole livrée à des in-
vasions d'armées étrangères. Monté
sur le trône de son p^ re , il lutte ,
pendant une longue suite d'années ,
contreces aventuriers, dontil est vain-
queur , selon les poèmes des Bardes ,
dans cinquante-quatre batailles ran-
gées. Mais enfin le fléau delà famine
ayant suivi celui des guerres, et les
Gadeliens se lassant de la nécessité
d'être toujours sous les armes , dans
la crainte d'une surprise , Gollamh ,
ou plutôt Mileagh-Easpain, car on
l'appellait dès-lors le Héros d'Espa-
gne, assemble tous les chefs des
tribus gadélienne s, qu'on allait bien-
tôt désigner par le nom de tribus mi~
lésiennes , et leur propose d'aller
chercher unccontréeplus tranquille,
plus aisée à garder après l'avoir sou-
mise, et où leur population crois-
sante soit moins étroitement resser-
rée. Armegyn , un des (ils de Mi-
léagh, et qui remplissait les fonctions
de grand - druide, parle d'une an-
cienue tradition conservée dans le
collège des Druides, d'une prophétie
ancienne d'un de ses prédécesseurs ,
nommé Caiker, annonçant aux Ga-
ns qu'ils ne troirveront repos et
stabilité que dans une île occidentale.
Tous les chefs s'écrient qu'il faut
aller sur-le-champ à la découverte.
Jt&, un des oncles de Miléagh, prince
d'un génie entreprenant et d'une pru-
dence consommée , demande qu'on
le mette à la tête de l'expédition. Le
roi son neveu , et tous les chefs as-
MIL
29
semblés , le nomment par acclama-
tion. Avec un équipage choisi , cent
cinquante guerriers d'élite, et quel-
ques-uns de ceux qui récemment
avaient fait un cours d'études dans
les arts et les sciences de Phénicie et
d'Egypte , lth s'embarque à la Co-
rogne , et va chercher Vile occiden-
tale. 11 aborde dans le nord de
l'Irlande, et s'avance dans l'île , fai-
blement peuplée, et partagée entre
diverses nations, dont les deux prin-
cipales étaient les Fir-Bolgs , déno-
mination bien voisine de Viri Belgœy
et les Danaans, nom que plusieurs
écrivains ont voulu traduire par
celui de Danes ou Danois. Ces deux
races se disputaient, et tantôt l'une,
tantôt l'autre , exerçait la souverai-
neté. Le dernier souverain qui venait
de mourir était de la race des Da-
naans, et se nommait Cearmada.
Ses trois fils , convenus de se parta-
ger le gouvernement, étaient en débat
sur les limites de leurs territoires , et
venaient de s'assembler à Oileach-
Neid , pour tâcher de se concilier.
On leur annonce que des naviga-
teurs étrangers débarquent dans l'île,
demandant les secours de l'hospita-
lité ; et l'on ajoute qu'ils parlent une
langue entendue des Fir - Bolgs.
Bientôt lth lui-même , avec Lugadh
son fils, et cent hommes de sa troupe
d'élite, se présentent aux trois prin-
ces danaans qui , d'abord char -
mes de ses discours , l'invitent à
séjourner quelque temps parmi eux,
et le choisissent même pour arbitre
de leurs différends, lth apporte à sa
décision la justice la plus exacte, et
satisfait pleinement les trois fi
mais à peine avait-il quitté les princes
as, qu'ils «émettent à réfléchir
sur les éloges qu'il avait prodtguési
la beauté (h* leur pays, sur l'accueil
que lui avaient fait les Fir-Bolgs,
3o
sur le voisinage de la contrée d'où
il leur avait dit être parti, et d'où il
pouvait rcveiiird'im instant àl'autre.
Ils décident que ce qu'il y a de plus
sûr pour eux est d'exterminer ces
étrangers. ïlhy poursuivi, presse sa
marche , et s'approche du rivage.
Trouvant un défilé où il ne pouvait
être enveloppe par le nombre, il livre
aux Danaans une bataille des plus
sanglantes , où il reçoit une blessure
mortelle. Son fils Lugadh le venge,
en donnant la mort à une foule d'en-
nemis. Le père est transporte encore
vivant à bord du vaisseau. Tout ce
qui reste des Gadéliens se rembarque,
et se hâte de retourner en Espagne.
Ith meurt pendant la traversée :
Lugadh , en descendant sur le rivage
espagnol , apprend que les Gadéliens
pleurent la mort de leur grand Mi-
léagh. Leur émotion est portée au
dernier degré, quand ils voient Lu-
gadh se ren'dre à l'assemblée des
chefs gadéliens , précédé du cadavre
de son père , dont la large blessure
était découverte. A peine ce spectacle
a [rappelés regards, à peine Lugadh
a rendu compte de son expédition
aux fils de Miléagh et aux chefs des
tribus , qu'un cri de vengeance s'é-
lève de toutes parts. Une flotte est
équipée , de soixante-quinze voiles ,
suivant le Livre des invasions milé-
siennes ( Gabhail clana mile ) ; de
cent cinquante, suivant le Livre lé-
can , collection de tous les vieux
monuments. Les troupes d'embar-
quement, choisies dans la plus brave
milice gadéîienne , sont distribuées
entre quarante -quatre capitaines. A
leur tête figuraient les huit fils de
Miléagh , dont deux étaient nés en
Phe'nicic, deux en Egypte, et quatre
en Espagne ; huit de ses petits-fils ,
ceux de ses oncles qui lui survivaient,
au nombre de sept, et son cousin Lu-
[ui avait à venger son père. Jus-
qu'aux femmes toutes s'étaient ar-
mées, ayant à leur tête Scota, veuve
de Miléagh. La flotte met à la voile
au milieu des acclamations du peuple
qui couvrait le rivage , et qui espérait
bientôt la suivre. Arrivée à la vue de
Vile occidentale , elle se partage en
trois divisions. Comme on se prépa-
rait à descendre, une effroyable tem-
pête , suscitée , disent les Bardes ,
par les enchantements des Danaans
versés dansla magie, vient assaillir
les vaisseaux milésiens , les disperse,
et en engloutit une partie. Cinq fils de
Miléagh sont la proie des flots. Hé~
ber, Amerghin, Hérémon, survivent
seuls à leurs frères, et débarquent, les
deux premiers dans la partie méridio-
nale , l'autre dans la partie orientale
de l'Irlande. Héber et Amerghin ont
le premier combat à soutenir. Une
guerrière, de la dynastie des Da-
naans , et femme d'un de leurs trois
princes, Eiré , se présente à la tête
d'un corps de troupes, pour fermer
le passage aux deux princes milé-
siens : elle est mise en déroute après
un combat sanglant, et la perte d'un
tiers de sa troupe. Enfin, les trois
frères milésiens et leur cousin Lu-
gadh opèrent leur jonction au centre
de l'île, et marchent à la rencontre des
trois princes danaans , qui avaient
réuni leurs forces pour repousser
l'invasion des étrangers. Après un
combat opiniâtre d'une journée en-
tière , les trois princes danaans ,
attaqués corps à corps par les fils
de Miléagh , succombent sous les
coups de ces aventuriers,- leur armée
est détruite, et, de ce jour, l'Irlande,
appelée alors Hiberné, Verne , In-
verné, Erin, ïren, etc. , est soumise
au pouvoir milésien. Amerghin ,
quoique l'aîné des trois fils de Mi-
le'ap.ii , tout entier à ses fonctions
MIL
d'arcili- druide , refuse de régner
temporeliement sur aucune portion
de l'île conquise. Héher et Hérêmon
se la partagent; l'un est roi du nord,
et l'autre du midi : sous leur suzerai-
neté, des principautés particulières
sont assignées à leurs parents. Lepays
d' Onelmaght , qui a été depuis la Co-
nacie, est laissé aux Fir-Bolgs pour
prix de leur conduite auxiliaire, et
ils s'y sont maintenus jusqu'au qua-
trième siècle de l'ère chrétienne , que
leur dynastie s'est éteinte. Ceux des
Danaans qui veulent se soumettre
reçoivent des terres : les autres sont
transportés dans le midi de la Bre-
tagne. Pendant une année, cet ordre
de choses paraît tranquillement éta-
bli en Irlande ; mais la discorde ne
tarde pas à se mettre entre les vain-
queurs. Héher déclare la guerre à
son frère Hérémon , lui livre une
bataille , et y perd la vie. Hérérnon
devient le premier monarque de
cette dynastie miiésienne , dont le
dernier devait être Turlogh-ô-Con-
nor , l'an i 166 de J.-G. , et dont les
branches, multipliées pendant cet
immense intervalle, devaient rem-
plir non-seulement le troue monar-
chique , non-seulement les troncs de
provinces et de districts , mais les
principautés de tribus et les seigneu-
ries de territoires ; car ce fut une loi
fondamentale que dans cette échelle
de souverainetés aucun degré ne pou-
vait être occupe que par ceux qui
set aient issus du sang de Mdeagh.
Tel est le récit uniforme de tous
les Poèmes , Psautiers , Registres ,
Bardes , Chroniqueurs, etc., sur les
Milésiens d'Irlande; récit sans doute
orné de merveilleux , et plein de
nstances fabuleuses : mais il est
difficile de n'y pas reconnaît! e un
fond de vérité , , tradition-
nel. De quelque époque que
MIL
3i
les premiers monuments écrits , il
est difïicile de n'y pas voir la trace
d'une grande migration d'aventu-
riers venus d'Espagne. La topogra-
phie et les dénominations des lieux
prouvent au moins la réalité de plu-
sieurs circonstances de faits racontés
même dans les vieux poèmes des
Bardes , en retraçant encore aujour-
d'hui les noms de ces anciens héros.
Onappelie encore Moy-lth ou Plaine
de Ith, celle où cet oncle de Mileagh
reçut le coup mortel en combattant
les Danaans. On pourrait citer un
grand nombre d'exemples pareils.
L'accord des anciennes chroniques
espagnoles avec les chroniques ir-
landaises , est un argument d'un
grand poids, nousurlescirconstances
détaillées, mais sur le fait principal
de la grande migration. Une chro-
nique espagnole rapporte cette ex-
pédition à l'an du monde 2919
( 1 733 ans avant J.-G. ) L'an 13.27 ,
Donald o Neill s'intitulant : Roi
d' ' Ultonie , et, par son droit hérédi-
taire et immémorial, monarque de
toute V Hibernie , écrivait au pape
Jean XXII, dont il sollicitait la pro-
tection, qu'il s'était écoulé 35oo et
tant d'années , depuis celte invasion ,
jusqu'à l'apostolat de saint Patrice
en Irlande, l'an 435. S'il fallait en
croire la chancellerie de Donald d
Neill, on remonterait, pour chercher
l'époque de la migration miiésienne,
jusqu'à l'an i\ 7 3 avant J.-C. Mais
elle a été fort rapprochée parles his-
toriens et les critiques modernes.
D'après Keating lui-même, dans sa
,, dation indigeste de tous les
vieux fragments de poésies et d'his-
toires relatives à l'établissement des
Milésiens en Irlande, ils n'y sont ar-
rivés que ia6a ans avant J.-C. , ou
plutôt le ior. mai de l'année 36o8
de la période julienne ( ioi(j a\aut
3a
MIL
J.-C. ) selon les savantes combinai-
sons chronologiques de Flalierty.
L — t — L.
MILIEU ( Christophe ) , en la-
tin Milœus ou Mylœus , littérateur ,
était né dans le seizième siècle, à
Estavaycr (0, petite ville du pays
de Vaud : il professait les humani-
tés au collège de la Trinité de Lyon,
en 1 544; il publia , l'année suivante,
un panégyrique de cette ville, sous
ce titre : De primordiis clarissi-
mœ urbis Lugduni commentantes
(Séb. Gryphe, 1 545 , in-4°.) L'au-
teur y traite successivement de l'an-
tiquité de Lyon, de ses académies
et écoles publiques, de l'étendue de
son commerce, de l'incendie qui ré-
duisit cette ville en cendres dans
une nuit, et de son rétablissement.
Suivant Fontette,ily a beaucoup de
littérature et de politesse dans ce
livre. Mylœus ne conserva pas long-
temps sa chaire ; il visita l'Italie ,
l'Allemagne , et se retira dans sa
patrie. On a de lui : I. De scri-
bendd unwersitate rerum libri v ,
Florence, i548, in- 4°. , ire. édi-
tion très -rare; Bâle, 1 55 1 , i5^6 ,
in-fol. ; et inséré dans le tome n du
recueil intitulé Penus artis histo-
ricœ (Bâle, 1 57g, in- 8°. ) Enfin,
J. G. Muller a donné une édition de
ce traité, sous ce titre : Hermès
academicus, Iéna , 1624, in-8°.
Lenglet-Dufresnoyle trouve très-mé-
diocre. Mylseus convient qu'il entre-
prit cet ouvrage trop jeune, et qu'il
manquait des secours nécessaires
pour remplir son plan. Dans le cin-
quième livre , qui est le plus cu-
rieux , il traite de l'utilité d'une his-
MIL
toire universelle de la littérature, et
donne la liste des savants qu'il avait
découverts depuis l'origine du monde
jusqu'au douzième siècle. Ainsi My-
lœus peut prétendre à partager avec
Gesner l'honneur d'avoir, l'un des
premiers, attiré l'attention sur la
branche de l'histoire la plus intéres-
sante, celle qui traite des efforts et
des progrès de l'esprit humain ( V.
Conrad Gesner, XVII, 'ïl\S). II. De
imitatione Ciceroniand, Bâle, 1 55 1 .
III. Vita Cicerojiis, ibid. IV. De
relinquendis ingenii et litterarum
monumentis libri très. Cet ouvrage,
ainsi que les suivants, ne nous est
connu que par la Bibliothèque de
Gesner, éd. de Zurich , 1 555 , aug-
mentée par Josias Simler. V. De
priscd Gallorum lingud libri ifi ,
in quibusmultade Druidorum doc-
trind disseruntur , et ex vestigiis
hodiernee linguœ plurima veterum
scriptorum testimonia comproban*
tur. VI. De historico libri ni (1 ).
VIL De commendatione litterarum
liber unus. W — s.
MILL ( Jean ), helléniste anglais ,
naquit à Shap dans le Westmorland ,
vers l'an i645. On ne sait presque au-
cune circonstance de sa vie , toute
remplie par l'étude , et par la prépa-
ration de la belle édition du Nouveau-
Testament grec , qui est le seul mo-
nument que nous ayons de lui. En
1 66 1 , il entra au collège de la reine ,
à Oxford , où il se distingua par son
application , et se fit aimer par la
douceur de ses mœurs. En 1666 , il
y prit le degré de bachelier ; trois
ans après il fut choisi pour prononcer
(1) C'est par erreur qu'il est nomme Mileo dam
le Dict. universel, et qu'on le 'lit né en Savoie. Au
surplus cette faute se trouvait déjà dans la Storla de
Tiraboschi , qui n'a fait que copier lui-même Cliiesa ,
Calalogo , p. n4, Rossotti Syllab. scriptor. Pede-
montan., p. i5j,et Deuina, Bibliopea, p. 18.
[t) Si l'on en eroit Tirabosehi , eet ouvrage a été
imprimé en 1077, avec la Vie de Cicéron , et d'autres
traités du même auteur; mais le savant bibliographe
avertit qu'il n'a point vu le recueil, qui ne peut être
que fort rare, s'il existe, puisqu'on ne le trouve
point cité dans les meilleurs catalogues.
MIL
un discours qui commença sa repu-
lion. Ayant reçu les ordres sacrés, il
s'adonna à la prédication, et y obtint
des succès. En 1676, son compa-
triote et son condisciple , le docteur
Lamplugh i évêque d'Exeter , lui
donna une prébende dans son église.
En 1 68 1 , déjà docteur, il fut présenté
par son collège à une cure dans le
Oxfordshire ; et en décembre de la
même année , Charles II le prit pour
son chapelain ordinaire. En i685,
on le nomma principal du colléee de
Saint- Edmond. Cette place lui con-
venait , parce qu'elle lui procurait le
repos dont il avait besoin pour exé-
cuter son entreprise. En 1704, la
reine Anne lui accorda un canonicat
dans l'église de Cantorbéry , à la
recommandation de l'archevêque
Sharp. Il mourut le 2i3 juin 1707 ,
très-peu de jours après avoir imprimé
son magnifique ouvrage , Oxford,
in-fol. L'impression avait été com-
mencée aux frais du docteur Fell ,
évêque d'Oxford • mais ce prélat
étant venu à mourir, et ses exécu-
teurs testamentaires n'ayant pas vou-
lu la continuer , Mill remboursa ce
qu'il avait reçu , et acheva de pu-
blier le livre à ses dépens. Le texte de
c-tte édition est pris de celle de Robert
Etienne , en i55o, et de celle de
l'évêque Fell; il l'a collationné sur
16 nouveaux mss. d'Angleterre, sur
divers autres mss. et éditions de
Rome , de Paris , de Vienne , enfin
sur plusieurs anciennes versions. Au
haut de chaque page , est le texte
original , avec les lieux parallèles des
autres livres de l'Écriture, les scho-
lies , et les nutes explicatives tirées
des anciens Pères. Au centre des pa-
ges se trouvent sur deux colonnes les
variantes , accompagnées des notes
de l'auteur , dont plusieurs forment
de savantes dissertations. Au bas sont
MIL
33
XXIX.
d'abord le canon des Ecritures, puis
des remarques sur l'état du texte sa-
cré dans tous les âges de l'Église,
une notice des anciens commentai-
res , des anciennes versions , et des
éditions les plus remarquables. Le
tout est précédé de savants prolégo-
mènes qui contiennent 168 pages in-
fol. Les prolégomènes du Nouveau-
Testament grec dureront plus que le
marbre , selon Tépitaphe qu'on a
gravée sur le tombeau du savant
helléniste. On y trouve des recher-
ches immenses. L'auteur y consacra
les trente dernières années de sa vie,
et recueillit trente mille variantes ou
leçons différentes dans plus de cent-
vingt manuscrits , dans des légion-
naires, dans les Pères, dans les com-
mentateurs , dans les versions an-
ciennes et modernes , etc. Ce nombre
prodigieux de variantes parut porter
atteinte à l'intégrité du Nouveau-Tes-
tament • et le docteur Whitby publia,
en 1 7 1 o , Examen variantium lec-
tionum Joannis Millii , dans lequel
il ne ménagea pas son compatriote,
et se plaignit amèrement de ce qu'en
admettant la corruption du texte,
il avait donné gain de cause auxpi-
pistes , aux sociniens et aux incré-
dules. Il entreprit de démontrer: i°.
que ces diverses leçons ne sont ap-
puyées que sur des fondements incer-
tains , et peu propres à ébranler la
leçon du texte commun ; af°. que les
leçons de quelque conséquence, ou qui
changent le sens du texte, sont en
très-petit nombre, et que, dans tous
ces endroits mêmes, la leçon com-
mune peut être défendue; 3°. que la
plupart de ces variantes sont peu de
chose, et telles qu'on ne doit que
très-rarement les préférer à la leçoà
reçue ; 4°. que , dans le recueil de cc$
variantes , Mill a souvent agi de mau-
vaise foi, Qité à faux en qu.u.ir l|
3
34 MIL
rencontres , et s'est contredit lui-mê-
me. Wetstein a inséré i.n abrège de
Y Examen àeWhihy parmi les dis-
sertations dont il a enrichi l'édition
du Nouveau -Testament grec de Mill ,
Amsterdam , 1735 , in-8°. Collins,
dans le Discours sur la liber é de
penser , a cherché à profiter des re-
proches que Whilby adresse au doc-
teur Mill pour renverser les fonde-
ments de la révélation ; mais Wis-
thon , et surtout Bentley ( Fripon-
nerie laique), lui firent voir que ,
quelque nombreuses que soient les
variantes recueillies par Mill , la re-
ligion n'a rien perdu de sa vérité, ni
les écrits du Nouveau-Testament, de
leur authenticité. Le P. Fabricy( Ti-
tres primitifs ) va encore plus loin;
il assure que la religion trouve, dans
le recueil de Mill , une forte preuve
de l'intégrité et de l'authenticité des
livres sacrés du Nouveau-Testament;
et que l'incrédulité la plus opiniâtre
se voit forcée d'y reconnaître sa pro-
pre défaite. Ce sentiment a été par-
tagé par les protestants et les catho-
liques modérés : ils ont rendu justice
aux immenses travaux du docteur
Mill , et s'en sont servis avec fruit.
Voyez Acta eruditorum , Leipzig,
1 7 10; Fabricius , Bibliot. grœc; Le-
clerc , Bibliot. choisie. Ludolphe
Kuster ajouta de nouvelles recher-
ches à celles du docteur anglais , et
perfectionna son ouvrage , Amster-
dam , 1 709 , in - fol. , réimprimé à
Leipzig en 1 7'^3 , sous ce titre : No-
vum Testamentum grœcum, cum
lectionibus variantibus , etc. Mill
s'était fait une certaine réputation
par ses Sermons , mais il n'y en a
qu'un d'imprimé : c'est sur la fête de
Y Annonciation ; il y combat, d'une
manière violente , le culte rendu à
la sainte Vierge , dans l'Église ro-
maine. L — b — E.
MIL
MILL (Henri), habile ingénieur,
né à Londres en 1689, n'eut, dit-on,
peut-être point d'égal dans la scien-
ce de l'hydraulique. Il fut de très-
bonne heure, et continua d'être jus-
qu'à sa mort , principal ingénieur de
la nouvelle rivière, à Londres ( F.Hu-
gues Middleton), et s'acquit par ses
services la reconnaissance des habi-
tants de cette capitale et de ses envi-
rons.Il fournit aussi de l'eau àla ville
de Northampton, et procura le mê-
me avantage aux superbes jardins de
sir Robert Walpole, à Houghton,
qui étaient auparavant tellement dé-
pourvus d'eau , que Cibber,s'y pro-
menant un jour , s'écria plaisam-
ment : Sir Robert , sir Robert, voici
un corbeau qui va boire tout votre
canal. H. Mill mourut en 1770. L.
MILLAR ( Jean ) , publiciste
écossais, naquit à Shotts, dans le
comté de Lanerk, en 1735. Son père
le fit étudier à l'université de Glas-
gow, et il le destinait à l'église; mais
le jeune Millar se sentait emporté
de préférence vers la méditation des
lois , et il déclara qu'il suivrait la
ligne que lui traçait son goût domi-
nant. Heureusement pour lui , lord
Kames , connu par ses travaux phi-
losophiques , lui proposa de se char-
ger de l'éducation de son fils, Geor-
ge Drummond-Home. Les lectures
étendues de Millar, son esprit émi-
nemment propre aux recherches
spéculatives, et sa facilité à soute-
nir des discussions métaphysiques
dans la conversation , lui valurent
l'intimité de son patron ; et le pré-
cepteur du fils devint le compagnon
chéri du père. Millar recueillit dans
ce commerce , des idées fécondes
sur l'union de la philosophie et
des lois, et il les développa dans la
suite avec une rare sagacité. Lié vers
la même époque avec David Hume,
MIL
il partagea ses opinions métaphy-
siques, tout en demeurant attaché
à des doctrines politiques différen-
tes. Il débuta au barreau en 1760 ;
mais une chaire de droit étant venue
à vaquer à l'université de Glasgow ,
il se mit sur les rangs pour la dispu-
ter, et l'obtint à la recommandation
de lord Kames et d'Adam Smith.
Ses leçons sur la législation anglaise,
habituellement improvisées , et aux-
quelles il mêlait le développement de
questions intéressantes, dont il avait
semé le germe dans des conférences
particulières avec ses élèves , furent
accueillies avec une juste faveur,
quoiqu'il s'éloignât assez souvent des
notions positives pour suivre des
vues peu mesurées de perfectibilité ,
et pour se lancer dans le vague des
théories. Ce reproche fut adressé à
ses Observations sur la distinction
des rangs dans la société, publiées
en 177 1 ; il s'y montre , au reste ,
un digne disciple de Montesquieu ,
et a mérité d'être choisi par Robert-
son, pour être un de ses guides dans
Y Introduction à V histoire de Char-
les - Quint. Cinq chapitres lui ont
suffi pour tracer le tableau de la
condition des femmes, de l'autorité
paternelle , de l'autorité du chef de
la tribu , principe de la puissance
civile, du perfectionnement graduel
de la société politique , et de l'escla-
vage. En 1787, il mit au jour un
Coup-d'œil historique? sur le gouver-
nement anglais : dans ce résumé de
ses cours publics, il exp<.ic*». avec soin
les mutations progressives survenues
dans les propriétés et dans l'état du
peuple anglais , depuis l'occupation
des Saxons jusqu'à l'avènement des
Stuarts. Son zèje pour les principes
qu'il regardait comme ceux de la
vraie liberté, ne s'y dément jamais. Si
l'on conteste la partie systématique du
MIL
35
livre, on aime à y reconnaître l'exac-
titude des faits et une critique ingé-
nieuse. Le génie de Millar ne se ren-
fermait point dans le cercle des
sciences politiques et morales; il
possédait une érudition variée, et
s'était familiarisé avec les ouvrages
d'imagination anciens et modernes.
Il est mort le 3o mai 180 1 • et eu
i8o3, on a publié , en a vol. in-8°. ,
ses Œuvres posthumes , qui consis-
tent dans un Coup-d'œil historique
sur le gouvernement anglais , de-
puis le règne des Stuarts , et en dis-
sertations sur le même sujet. Les
Observations sur la distinction des
rangs , dont le succès fut constaté
par un grand nombre d'éditions ,
ont été traduites en allemand , en
italien et en français. F — t.
MILLE ( Antoine - Etienne ) ,
avocat au parlement de Paris , et
membre de l'académie d'Auxerre,
était fils d'un conseiller au parle-
ment de Dijon, et prétendait des-
cendre d'un Mille, sire de Paillait,
chambellan du duc de Bourgogne ,
Philippe-le-Bon , et gouverneur du
Nivernais. Dès l'âge de dix - sept
ans , il conçut l'idée d'aprofondir
l'histoire de sa province; et, se dé-
vouant à cette étude avec persé-
vérance, il mit à contribution tous
les secours que lui olfrirent les dé-
pôts publics et les bibliothèques par-
ticulières. Le résultat de ses vas-
tes et longues recherches fut Y Abré-
gé chronologique de l'histoire ecclé-
siastique , civile et littéraire de
Bourgogne , Dijon et Paris, 1772-
73, 3 vol. in-8°. Cette production,
calquée pour le plan et les formes
sur l'ouvrage du président llénault,
avait l'avantage de rassembler, dans
un cadre resserré , des documents
qui avaient échappe' a la prolixe
érudition de doui Plancher, et dt
3..
m
MIL
rectifier plusieurs inexactitudes de
ce religieux; elle ouvrait aux lec-
teurs une route moins pénible à sui-
vre, et portait l'empreinte d'une cri-
tique judicieuse. Ce dernier mérite
attira surtout l'attention publique ,
en lui suscitant de chauds adversaires.
Dom Merle , prieur de Bèzc en Bour-
gogne, et dom Rousseau , béne'dictin
de Saint-Germain-des-Près , s'atta-
chèrent à redresser un écrivain qui,
jeune et réduit à ses propres forces ,
avait osé s'emparer d'une de ces
taches laborieuses, que se réservait
leur docte congrégation, et qui avait
eu le tort plus grave de signaler le
relâchement de leur ordre, et les
suppositions de titres dont on a pré-
tendu que ces religieux avaient quel-
quefois coloré leurs usurpations. D.
Maur Jourdain , prit part à la dis-
cussion ( V. Jourdain ) : Mille ré-
pondit assez faiblement peut-être,
à toutes ces critiques, et fit hom-
mage de son livre à Voltaire, qui ,
lui-même en guerre alors avec les
moines du Jura , le félicita d'avoir
décoché quelques traits contre les
enfants de Saint Benoît. Courtépée,
dans son Précis de l'histoire de Bour-
gogne , a largement profité du tra-
vail de Mille, dont il était l'ami. Ce-
lui-ci avait promis de conduire sou
ouvrage jusqu'au dix-huitième siècle;
et il avait reçu des Étals de la pro-
vince une gratification pour aider
aux frais d'un 4e. et d'un 5e. vol.
qu'il annonçait comme prêts à voir
le jour : mais il s'est borné aux trois
volumes publiés , qui se terminent à
l'époque de la réunion du royaume
d'Arles à l'empire des Carlovingiens ,
soit que les difficultés de son entre-
prise l'en eussent dégoûté, soit qu'il
fût mort quelques années après ,
comme on est assez tenté de le pré-
-iUUCTé F— T.
MIL
MILLER (Jacques ) , poète dra-
matique anglais, né en 1703, es-
quissa, étant encore à l'université,
la meilleure de ses comédies , intitu-
lée The Humours of Oxford, qui fut
jouée avec beaucoup de succès en
1729. Il était dans les ordres sacrés ;
mais son goût pour le théâtre ayant
indisposé contre lui l'évêque de qui
dépendait son avancement , il eut re-
cours à sa plume pour subsister, et
composa plusieurs autres pièces , qui
furent applaudies , mais qui lui firent
beaucoup d'ennemis , par la grande
vérité de quelques caractères évidem-
ment tracés d'après nature. Dès-lors
onrésolut de trouver mauvais tout ou-
vrage où l'on reconnaîtrait son style;
mais il donna le change à ses ad-
versaires. N'ayant travaillé jusque-là
que dans le genre comique , il s'avisa
de traduire le Mahomet de Voltaire ,
qu'il fit représentera Drury-lane , et
qu'on applaudit à toute outrance ,
sans se douter du nom de l'auteur.
Il mourut peu de jours après ce
succès , et lorsqu'il venait d'être
pourvu d'un riche bénéfice ecclésias-
tique. Ses ouvrages sont : I. The
Humours of Oxford, 1729. II. La
Belle-Mère , comédie, 1734, imitée
du Malade imaginaire , de Molière.
III. L' Homme de goût , comédie ,
1736. IV. La Passion universelle ,
comédie dont le fonds est de Shaks-
peare, 1737. V. Le Café, comédie,
1737. VI. L'Art et la Nature, co-
médie, 1738. VIL L' Hôpital des
fous , comédie , 1739. VIII. Maho-
met, 1744* IX. Joseph et ses frères,
oratorio, 1744. X. Le Tableau,
comédie, 1745. XI. De petits poè-
mes et des pamphlets politiques. Mil-
ler a fait, avec Henri Baker, la tra-
duction anglaise du Théâtre de Me
Hère, publiée par Watts , avec l'o-
riginal en regard. Son fils a pu-
MIL
Mië plusieurs ouvrages, entre autres
un volume de Poésies , et la traduc-
tion du Cours de belles-lettres de
l'abbé Battenx. L.
MILLER (Philippe), célèbre jar-
dinier anglais, qui, par son intelli-
gence et son érudition, mérite de
prendre place parmi les botanistes
du xvme. siècle, naquit en 1691. 11
succéda, en 1 722, à son père, dans la
place de surintendant du jardin de la
compagnie des apothicaires à Chel-
sca (F. Sloa.ve ); et, sous sa direc-
tion, ce riche établissement ne tarda
pas à devenir le plus magnifique de
l'Europe,pour les plantes étrangères,
quoiqu'il ait été bien surpassé depuis
( V. Jacquin, XXI, 376 ). C'est
par ses soins qu'un grand nombre de
plantes exotiques ont été acclimatées
avec succès en Angleterre; et ses re-
lations nombreuses et multipliées
avec les plus célèbres botanistes, soit
en Europe , soit dans les Indes , ont
fmissamment contribué à répandre
es découvertes botaniques. Il se fit
d'abord connaître par quelques mé-
moires insérés dans les Transac-
tions philosophiques; mais son Dic-
tionnaire des jardiniers , publié en
1 73 1 , sonvent réimprime, et tou-
jours avec des augmentations consi-
dérables, mit le sceau à sa réputation.
Linné disait que ce livre serait le dic-
tionnaire des botanistes, plutôt que
celui des jardiniers. L'auteur eut le
bonheur peu commun d'en donner ,
trente - sept ans après , la huitième
édition. Dans les premières, il n'avait
suivi que les méthodes de Ray et de
Tournefortj mais dans l'édition de
1 768 , il employa les principes et la
nomenclature dé Linné, dont il finit
par devenir un des plus zélés admira-
teurs. 11 ne conservait pas moins de
reconnaissance des leçons qu'il avait
reçues de Ray, son premier maître; et
ML 37
dans ses dernières années, il se faisait
honneur d'être resté le seul botaniste
qui pût se vanter d'avoir vu ce grand
naturaliste , et il ne le citait jamais
sans montrer une émotion visible
sur sa physionomie. Miller était
membre de la société royale de Lon-
dres, de la société botanique de Flo-
rence, etc.; il mourut à Ghclsea le 18
décembre 1 77 1. On a de lui : I. Dic-
tionnaire du jardinier et du fleuris-
te, ou Système complet d'horticul-
ture, Londres, 173^ 2 vol. in-8°.
Ce n'est que le premier jet de son
grand ouvrage. II. Catalogue des
arbres, arbustes, plantes et fleurs
des jardins aux environs de Lon-
dres, 1730, in-fol., avec 21 pi. co-
loriées, d'après les dessins de Van-
Huysum. III. Catalogus plantarum
officinalium quœ in horto botanico
Chelseiano aluntur, 1730, in-8°. ,
de i5*2 pag., contenant 5 18 plantes.
IV. Dictionnaire des jardiniers ,
j 7 3 1 , in-fol. L'auteur y joignit, en
1 73.J, un appendix in-fol., et en don-
na , la même année , un abrégé en x
vol. in-8°. L'ouvrage fut traduit dans
les principales langues de l'Europe :
enhollandais,parI.VanEnas, 1746,
in-fol.; en allemand, par Huth, 1750-
58, 3 vol. in-fol., et par Panzer ,
1 769-76, 4 vol. in- 4°.; en français,
1785-88, 8 vol. iu-4°«> avec des
notes par Holandre (F. Chazkij .1 s
DE Prisy ). La meilleure édition
anglaise est celle qu'a donnée le
professeur Martyn , en 1807 , 4
vol. in-fol. Miller publia, de 1755
à 1 771, un recueil de trois cents
figures de plantes coloriées , pour
accompagner son Dictionnaire. C'é-
tait, après YHortus Elthamensis et
la Caroline de Catesby, le plus beau
recueil de ce genre, qui eût encore
paru en Angleterre: il leurcsl même
supérieur pour le détail
38
MIL
organes de la fructification, détail si
important^ quand on suit le système
de Linné. "V . Calendrier du jardi-
nier, seconde édition, 1732, in-80.,
réimprimé pour la seizième fois, en
1775, et souvent réuni aux derniè-
res éditions du Dictionnaire. VI.
Culture de la garance , suivant la
méthode pratiquée en Zélande ,
1758, in-4°.? de 38 pag., avec 6
pi. VII. Courte introduction à la
connaissance delà botanique, 1 760,
in-8°.7 avec 5 pi. VIII. Quelques
Mémoires dans les Transactions phi-
losophiques : ils n'offrent aujourd'hui
que peu d'intérêt. Un ouvrage tien
plus considérable est le recueil des
■descriptions annuelles de cinquante
plantes nouvelles, qu'il envoyait cha-
que année au Musée britannique, con-
formément aux règlements de la fon-
dation du jardin de Chelsea : elles ont
fréquemment doniiélieu à des décou-
vertes en botanique. L'herbier de Mil-
ler a passé dans la bibliothèque de
sir Joseph Banks. Le genre Mille-
ria , de la famille des corymbifères,
découvert à Panama et à la Vera-
Cruz , par Houstoun, a été consacré ,
par le docteur Martyn, à la mémoire
de cet estimable jardinier. — Charles
Miller, un de ses fils, qui avait ac-
quis une fortune considérable dans
les Indes orientales, a fait passer à
la Société royale, de curieuses expé-
riences sur l'utilité de la transplan-
tation du froment. On a encore de
lui, dans les Transactions philoso-
phiques (tom. lxviii), une Descrip-
tion de Vile Sumatra. C. M. P.
MILLER (Jean-Martin), écri-
vain allemand , naquit à Dira , le 2
décembre 1760. Son père était pro-
fesseur des langues orientales au
gymnase de cette ville. Le jeune Mil-
ler se rendit , en 1 770 , à Gôttingue,
où il étudia la théologie : iljyfit par-
MIL
tie de celte société de jeunes poètes
composée de Burger, Hœlty , Voss,
des deux comtes de Stollberg, et d'au-
tres littérateurs moins célèbres. Il
revint dans sa patrie en 1775, et y
remplit , pendant un grand nombre
d'années, les fonctions de pasteur, et
celles de professeur de langue grec-
que et de théologie. Le roi de Wur-
temberg le nomma , en 1810, doyen
et conseiller consislorial . Il est mort à
Ulm, le ai juin 1814. Les ouvrages
en prose de Miller , Charles de Bur-
gheim , la Correspondance de trois
amis d'université , et surtout Sieg-
wart, le plus célèbre de tous, offrent
le tableau d'un amour vertueux et
enthousiaste, qui ne se sépare jamais
des sentiments les plusreligieux.Mais
c'est surtout comme poète lyrique,
que Miller s'est acquis une réputation
durable en Allemagne. Ses élégies et
ses romances sont devenues popu-
laires. Le roman de Siegwart a été
traduit dans presque toutes les lan-
gues de l'Europe. Il en existe deux
traductions françaises. P. L.
MILLET (Jean), docteur es droits,
était né, en 1 5 1 3 , à Saint-Amour ,
petite ville du comté de Bourgogne ,
d'une famille ancienne, mais mal
partagée des biens de la fortune.
Philibert de La Baume, comte de
Saint-Amour , devint son protecteur,
et l'emmena avec lui en Angleterre,
quand il y fut envoyé en ambassade
par Charles-Quint (1). Millet était
(1) Philibert de la Baume s'insinua fort avant dans
les bonnes grâces de Henri VIII , roi d'Angleterre.
Ce prince « le revêtit pour un jour, de son autorité,
« et lui remit tous les insignes de la royauté' qu'il
» exerça pleinement à Londres ; et cette distinction
» flatteuse fut applaudie de la nation anglaise. »
[Hisl. abrég. du romté de Bourgogne , par M.
Grappin , p. 317. ) M. Abry d'Arcier , membre de
la so< ii;te' d'encouragement du Jura , assure qu'il
existait encore, en 1762, dans les archives du château
de Chautonay , appartenant à la maison de Saint-
Amour , plusieurs ordonnances du roi PHILIBERT ,
datées île Loudres.
MIL
savant dans les langues; et il a tra-
duit du grec et du latin plusieurs ou-
vrages que son Mécène lit imprimer ,
en lui abandonnant les bénéfices. Ce-
pendant son sort ne s'améliora guère,
et il vécut toujours dans un état voi-
sin de la pauvreté. Par le testament
qu'il dicta dans sa dernière maladie,
il recommandait à ses amis , son père
plus que nonagénaire, et ses enfants,
auxquels il ne laissait d'autre hérita-
ge qu'une réputation sans reproche.
Il mourut à Saint- Amour, au mois
de mai 15^6, et fut inhumé , comme
il l'avait désiré, dans l'église des
Augusthis, où l'on voyait son épi-
taphe. On a de lui : I. Le Toxaris de
Lucien , dialogue non moins élégant
que récréatif par les belles histoires
qui y sont contenues , Paris, i55o,
iu-8°. II. Cinq dialogisme s ou déli-
bérations de cinq nobles Dames;
à savoir : Lucrèce , Suzanne , Judith ,
Agnès et Gamma Galaliennc, trad.
du latin de Pierre Nannius, ibid. ,
i55q, in-8\ lïl. Les Cinq livres
d'Egesippus , contenant plusieurs
guerres des Juifs et la ruine de Jéru-
salem , ibid . , 1 5 5 1 , i 5 56 , i n-4° .
IV. Histoire d 'yEneas Sjlvius tou-
chant les amours à' Eurjalus et de
Lucrèce, ibid., i55i, in-8°. {V.
Pie II. ) V. Les Conquêtes, origine et
empire des Turcs, trad. du latin de
Christ, llicher ; plus , y sont ajoutées ,
par le translateur, toutes les guerres
d'iceux. Turcs , depuis 1.540 a i55i ,
ibid., i553, in-8°. VI. Les Chroni-
ques ou Annales de Jean Zonare,
I il. en franc, Lyon, i5lio, in-fol.;
, 1 583, in-fol. — Millet (Jean),
musicien, n<j vers 1620. à Fondre-
mand, bailliage de Vesoul , de pa-
rents simples cultivateurs, fut atta-
ché, comme enfant de chœur, à la
musique de la cathédrale de Be-
sançon , et ne tarda pas à se dis-
MIL 39
tinguer par son goût pour le chant.
Après avoir terminé ses études, il
embrassa l'état ecclésiastique , et fut
pourvu de l'office de sous-chantre,
dont le titulaire prenait rang parmi
les chanoines. Il mérita la bienveil-
lance de l'archevêque Antoine-Pierre
de Grammont, et fut chargé par ce
prélat de publier de nouvelles édi-
tions des Livres de chœur. Millet
mourut après 1682. On a de lui
le Directoire du chant grégorien,
Lyon , 1666, in-4°. H y a des choses
curieuses dans cet ouvrage* mais
l'auteur rapporte des effets si mer-
veilleux du chant , qu'on ne peut
s'empêcher de le trouver trop cré»
dule. On lui attribue encore Y Art
de bien chanter en musique : ce
volume , qu'on dit gravé par Pierre
deLoisy {F. Lois y, XXIV, 63o),
n'a jamais été vu par ceux qui l'ont
cité, et on peut en révoquer en doute
l'existence. W — s.
MILLEVOYE ( Charles - Hu-
bert ) , littérateur et poète estimable ,
né le 2 4 décembre 1 782 , n'avait pas
achevé ses premières études, au col-
lège d'Abbeville , sa patrie , lorsque
la révolution ferma les écoles • mais
il trouva, dans les soins d'un habile
instituteur , les secours nécessaires
au développement de ses dispositions
naturelles Son penchant pour la poé-
sie ne larda pas à se montrer; et , à
l'âge de treize ans, il composait de
petites pièces de vers , dont quelques-
unes ont été imprimées dans des
recueils. Il apprit ensuite les éléments
de la langue grecque , et vint à
Paris , compléter son éducation , au
collège des Quatre- Nations , où il
remporta, en 1798, le premier prix
de littérature. 11 se destina d'abord
au barreau; mais rebuté bientôt par
les formes de la chicane, il pass
1801 , du bureau d'un j
4o
MIL
dans un magasin de librairie , et au
Nmt de trois ans , renonça au com-
merce des livres, pour s'abandonner
sans distraction , à son goût pour les
lettres. Un petit recueil de vers, dont
la pike la plus remarquable est celle
où il célèbre les Plaisirs du poète ,
l'avait déjà fait connaître d'une ma-
nière avantageuse : il se mit sur les
rangs, en 1806, pour disputer les
prix proposés par l'académie fran-
çaise; et chacun de ses pas dans la
carrière fut marqué par un triom-
phe. Ennemi de l'intrigue , exempt
d'ambition , c'est à la campagne que
Millevoye allait, dans un doux repos,
goûter les charmes de l'étude: la dé-
licatesse de son tempérament l'obli-
geait d'ailleurs à des ménagements
qui l'éloignaient du monde. Il se
maria , en 1 8 1 3 ; et cette union , fur-
mee sous les plus heureux auspices ,
le consola de la perte d'une partie
de sa fortune , que d'infidèles dépo-
sitaires lui avaient enlevée. 11 s'était
retiré dans sa ville natale , pour y
vivre tranquillement; mais des af-
faires l'ayant rappelé à Paris , au
mois de juin 1816, il prit un loge-
ment au village de Neuilli , où il
respirait un air plus pur , plus con-
venable à sa santé qui dépérissait
chaque jour. Dans une course qu'il
fit à Paris avec son épouse, il se
trouva si faible qu'il fallut renoncer
à le reconduire à Neuilli ; on lui pro-
cura un appartement près des
Champs-Elysées, où, après quelques
jours de souffrances, il expira le \'i
août, à l'âge de trente-quatre ans,
emportant les regrets de tous les amis
des lettres. Le roi Louis XVIII avait
accordé à Millevoye une pension de
1200 fr. , qui a été continuée à sa
veuve. La mort prématurée de ce
jeune écrivain a été une véritable
perte pour les lettres : le succès de
MIL
ses ouvrages n'était pour lui qu'un
encouragement à de nouveaux ef-
forts ; et l'on ne peut douter qu'il
n'eût rempli , s'il eût vécu, toutes les
espérances qu'il avait fait concevoir.
A un naturel affable , au caractère le
plus noble, il joignait une sensibilité
exquise , et un goût pur qu'il puisait
dans la lecture réfléchie des anciens.
Il avait une mélancolie douce et
communicative , dont l'empreinte se
retrouve clans ses élégies, et jusque
dans ses poésies diverses. Peu de
temps avant sa mort , il donna une
édition de ses Œuvres ( Paris,
1814-16), dans laquelle il n'avait
admis , après un examen sévi re ,
que les pièces les plus clones d'ê-
tre conservées. Elle est en 5 vol.
in- 18 : le premier intitulé, Poésies
diverses , contient les Plaisirs du
poète ; Y Amour maternel , poème
auquel on n'a reproché que sa briè-
veté ; Y Indépendance de l'homme
de lettres, pièce couronnée par l'a-
cadémie française, en 1806; ['In-
vention poétique , couronnée par
l'académie d'Angers ; le Voyageur ,
pièce couronnée par l'acad. franc. ,
en 1807 ; Belsunce ou la Peste de
Marseille , poème désigné pour l'un
des prix décennaux ( Voy. Bel-
suivce ) (1) ; la Mort de Rotrou,
pièce qui a remporté le prix de
l'académie franc., en 181 1 ; Goffin
ou le Héros liégeois , poème qui a
remporté un prix extraordinaire en
iSi'i (a); et la Traduction de quel-
ques chants de Y Iliade. Le tome se-
(1) On y désirerait - dit un critique célèbre , plus
de variété , une ordonnance plus imposante , des
épisodes plus touchants <l mieux conçus; mais on y
trouve de la gravité , de l'eié^anc , de I harmonie,
d énergique s tableaux ( V< y. :e Tableau de la litlei.
jranç. , p. 3oo ).
{7.) Ou n'a point oublié l'héroïque dévouement de
Goffin , ni la manière éclatante dou,t il fut récom-
pensé par le gouvernement français ( Voy. la Mons-
ieur de l'auuue 181a j.
MIL
eond contient : Emma et Eginard,
fabliau ; quelques Traductions de
Théocriîc, de Virgile, du début de
la Lusiade , et des Poésies fugitives.
Tome m : Charlemagne à Pavie,
poème en six chants. Tom. iv : trois
livres d'Elégies , parmi lesquelles
an doit distinguer la première, inti-
tulée la Chuta des feuilles, où le
malheureux Millevoye décrit les der-
niers moments d'un jeune homme,
affecté delà même maladie que celle '
qui minait sa constitution. C'est
dans celle qui est intitulée le Poète
mourant , que l'on trouve ces vers
si touchants :
La flp'T de ma vie est fanée ;
11 fut rapide , mon destin !
De mon orageuse journée
Le soir loucha presque au matin ;
et qu'il dit encore :
Et vous par qui je meurs , vous à qui je pardonne ,
Femme* ! etc.
Tom. v : Alfred, roi d'Angleterre ,
poème en quatre chants ; et la Ran-
çon d: 'Egild , poème tiré d'une tra-
dition Scandinave. On a encore de
Millevoye : La Fête des martyrs ,
Paris , i8i5 , in-8°. de 29 pag. Cet
opuscule est divisé en deux parties ;
la première contient une Elégie sur
la translation à Saint-Denis des restes
de Louis XVI et de Ta reine Marie-
Antoinette; et la seconde : Ma vision
( en prose ), morceau qui avait déjà
paru dans un journal; enfin le Tes-
tament du roi martyr. Millevoye a
laissé en manuscrit des Élégies, des
imitations en vers de plusieurs Dia-
logues de Lucien ; Antigone , Saul,
et Ugolin, teagjediesj les deux pre-
mières en trois ades, et l'autre en
unq ; des fragments d'une tragédie,
dont le lier I onradin; et plu-
sieurs livres de Y Iliade. H se propo-
sait d'achever la
vres d'Homère , et d'entreprendre un
Poème de saint Louis , dont le plan
a été retrouvé dans ses papiers. M. d<
Poilly , ami d'enfance de Millevoye ,
a publié, sur cet intéressant écrivain,
une Notice dans le Mémorial de la
Société royale d'émulation d3Abbt~
ville, 1816, n°. xvn. M. Beuchot
a donné la liste détaillée de ses ou-
vrages dans le Journal de la librai-
rie , 1817, pages 78 et 35o -> et
i8io , pages G5i. W — s.
MILLIÈRE ( Antoine - Louis
Cuaumost de la ), fils d'un inten-
dant de Limoges , dont la femme ,
devenue veuve, inspira , en 1757 ,
de jolis vers à Collé , naquit à Paris ,
le j j octobre 1746. Il était neveu
du chancelier du roi de Pologne ,
Chaumont de la Galaizicrc ; et il
passa sa première jeunesse à Luné-
ville, au milieu de la cour si ai-
mable et si spirituelle de Stanislas.
Il ne tarda pas à se lier intimement
avec ïressan , le chevalier de Beau-
vau , Boufïïers , enfin , avec tout ce
qu'il y avait de plus marquant dans
la sociéléque rassemblait la ville , sé-
jour de ce monarque détrôné. La Mil-
lière , éclairé de bonne heure sur ce
qui manque souvent à une éducation
de précepteur, faite seulement sous
les yeux d'une mère , mit une grande
force de volonté et beaucoup de pa-
tience à recommencer ses études ,
après avoir déjà fait son entrée
dans le monde; et il se rendit ainsi
capable de remplir , d'une manière
distinguée , à l'âge de vingt-un ans ,
la charge d'avocat-géuéral au parle-
ment de Nanci. Le chancelier Mau-
peou lui ayant offert les mêmesfonc-
tions dans le parlement de Paris ,
nouvellement institue' par lui , La
Millière les refusa. En 1769, il fut
admis au conseil -d'état, ni qualî
C des requêtes , et aupui
4-,
MIL
l'assiduité clc son travail , la réputa-
tion d'un des meilleurs rapporteurs.
En 1 781 , le roi le nomma intendant
des ponts-ct-chaussécs.Dcs améliora-
tions évidemment utiles s'opéraient
ou se préparaient alors dans ce dépar-
tement. La confection et l'entretien
des routes fixèrent d'abord l'attention
du nouvel intendant. Conformément
à son avis ," un arrêt du conseil , en
date du 6 novembre 1786, suspen-
dit , par forme d'essai , la corvée ,
qui fut définitivement supprimée par
la déclaration du 27 juin 1787. Ce
fut pendant l'administration de La
Millière que l'on vit les plus impor-
tantes communications par terre , les
unes terminées , et les autres ou-
vertes dans l'intérieur du royaume •
et l'on se rappelle qu'à l'époque de la
révolution , en 1789 , les routes de
France se trouvaient dans un état que
plus d'une fois on a regretté depuis.
En même temps que ce magistrat
zélé cherchait à perfectionner les
plantations des routes royales , il
s'occupait , non moins avantageuse-
ment , des pépinières , dont le soin ,
de même que celui des hôpitaux , et
notamment de l'hôtel-dieu de Paris ,
était confié à l'intendance des ponts-
et-chaussées. 11 mit aussi en activité
plusieurs grands ouvrages de naviga-
tion intérieure. Secondé par les ha-
biles ingénieurs des ponts-et-chaus-
sées , qui tous étaient ses amis plu-
tôt que ses subordonnés , il méditait
sans cesse avec eux quelque projet
utile , ou dirigeait la continuation de
ce qui n'avait besoin que d'être a-
chevé. Cessart ( V. son article, VII,
587 ),a , dans la Description de ses
travaux hydrauliques ( tom. 11 , p.
277 ), rendu un hommage public à
La Millière , comme l'ayant forte-
ment encouragé et soutenu dans ses
travaux si hardis pour la rade de
MIL
Cherbourg , qu'il s'agissait de con-
quérir sur la mer ; travaux qui , ap-
prouvés par Louis XVI , avaient été
commencés en 1782. Pendant le
voyage que le roi fit , au mois de juin
1786, pour visiter ces travaux , il
fut tellement satisfait de l'adminis-
tration des ponts-et-chaussées , qu'à
son retour il envoya son portrait à
celui qui en était le chef, et qui
avait eu l'honneur d'accompagner ce
prince à la remorque et à l'immer-
sion du neuvième cône • dernière ga-
rantie du succès d'une aussi grande
et difficile entreprise. 11 serait trop
long de détailler les ouvrages exé-
cutés en i 787 et 1788, dans le port
de Dieppe , et dans plusieurs au-
tres ports , vers la même époque •
comme aussi de nommer tous les
ponts , canaux et grandes routes que
l'on doit à l'intendance du même ma-
gistrat. Celle des mines lui fut égale-
ment confiée en 1 787 ; et cette partie,
dont les succès en France datent de
l'établissement d'une école royale
des mines , fondée à Paris par Louis
XVI en 1783 , promettait dès -lors
d'heureux résultats , qui se réalisent
aujourd'hui. Le 6 avril 1787 , le roi
lui écrivit de sa main : « Le bien de
» mon service exigeant , Monsieur ,
» que je demande à M. de Calonne
» la démission*de la place de con-
» trôleur-général , la connaissance
» que j'ai de vos talents et de votre
» probité m'a engagé à vous choisir
» pour le remplacer. Je sais tout le
» poids dont je vous charge ; mais js
» compte aussi sur votre zèle pour
» mon service et sur votre attache-
» ment pour ma personne.... Répon-
» dez-moi par la même voie , et gar-
» dez le secret jusqu'à ce que j'en
» ordonne autrement.».» On devine
la réponse de M. de La Millière , par
une autre lettre de Louis XVI , en
MIL
7 avril : « La modestie qi
Monsieur , dans
» votre lettre , est une raison de plus
» qui m'engage à mettre ma con-
» fiance en vous. Il me faut quelqu'un
» de la probité de qui je sois sûr. Au
» reste. Monsieur, si, comme vous
» paraissez le craindre , au bout de
» quelque temps , et quand la grande
» besogne sera éclaircie, vous ne vous
» trouviez pas propre à la chose, je
» vous permettrais de reprendre les
» mêmes fonctions que vous exercez
» à présent. » Sur un nouveau refus
motivé par écrit , d'une manière en-
core plus modeste, une audience fut
accordée à l'intendant des ponts-et-
chaussées; et les explications verbales
données par lui au roi, qui le pressait
toujours d'accepter, comme étant le
plus honnête homme de son royau-
me, furent jugées valables par ce
prince. Outre les mines et les hôpi-
taux , on sait que les prisons et les
messageries se trouvaient aussi sous
la direction de La Millière , qui avait
été nommé, dans cette même année
1 787 , un des quatre intendants des
finances. Il publia , au mois de jan-
vier 1 790 , un Mémoire in-4° de la
plus grande importance , sur le dé-
partement des ponts-et-chaussées.
Dans le mois de septembre suivant ,
il y joignit un Supplément , 011 Ré-
ponse à deux écrits relatifs à ce Mé-
mom?. Cette réponse était victorieuse;
et le témoignage lui en fut rendu so-
lennellement , dans l'assemblée cons-
tituante, par M. Lebrun, alors rap-
porteur de l'affaire des ponts-et-
c haussées. Ce député disait dans sou
rapport, fait en août 1791 : « Ou
» ne m'a parlé de M. de La Millière,
» que pour m'en dire du bien. Ne
» ressemblons pas à cet Athénien
» qui baissait dans Aristide le sur-
» nom de juste, et] Je condamnait
MIL 43
ùen qu'il en avait entendu
» dire. » La place de contrôleur gé-
néral lui fut encore offerte , et d'une
manière aussi instante, en novembre
1 790 : rien ne put vaincre sa résistan-
ce. Il se démit, le 1 1 avril 1 792, delà
place d'intendant des finances: mais
il remplit avec le même dévouement
les différentes fonctions attachées
à son emploi principal , jusqu'au
10 août; et il renonça aux affaires
publiques aussitôt que l'infortune
monarque eut quitté son palais des
Tuileries. Depuis cette funeste jour-
née, La Millière fut continuellement
en butte aux persécutions révolu-
tionnaires. Conduit à l'abbaye le
16 août, il en sortit la veille du
massacre des prisons. Ayant été in-
eare/ *de nouveau sous le règne de
la terreur, il subit alors, à la maison
d'arrêt dite Port-libre, une déten-
tion de onze mois , pendant laquelle
il recueillit les dernières marques de
confiance de Malesherbes et de plu-
sieurs autres illustres condamnés. A
l'assemblée c?es électeurs de Paris en
l'an v , il était appelé à la deputa-
tion par le vœu de tous les honnêtes
gens; mais il déclara sa ferme réso-
lution de ne point accepter. L'estime
générale s'était trop fortement pro-
noncée en sa faveur, pour que /es
principaux meneurs révolutionnaires
ne craignissent pas l'influence dont
il aurait pu jouir. Peu de temps après
le 18 fructidor an v (4 septembre
1 797 ) , il fut arrêté à Lyon , en re-
venant d'un voyage qu'il avait fait
dans le midi de la France pour sa
santé, déjà fortement attaqué
raison ou Je prétexte était qu<
r un se trouvait inscrit sur une liste
supplémentaire d'émigrés, qui
lut constant que s'il avail quitl
ris depuis bien des ann
uniquement pour aller aux ca
Bagnèrcs de Luchon , d'où il arri-
vait alors. Enfermé pendant îinit
jours dans la prison de Roanne, il
fut ensuite conduit , en charrette, et
avec une escorte de gendarmes, à
îliom, où siégeait la commission
militaire devant laquelle il devait
cire traduit. Chacun des chefs du
gouvernement convenait bien de la
non-émigration du prisonnier, mais
alléguait qu'il figurait sur la fatale
liste, et que, dès-lors, il était sujet à
la condamnation pour n'avoir point
obéi à la loi du 19 fructidor an v. Il
serait presque impossible de retra-
cer tout ce qu'alors La Millière éprou-
va de flatteur, de touchant , de la
part de ceux qui le connaissaient, et,
on peut même dire, de la part du pu-
blic. Le danger pressait , les instants
étaient comptés ; mais la clameur gé-
nérale et les efforts d'une amitié cou-
rageuse parvinrent à le sauver. Un
ordre de surseoira son jugement fut
enfin obtenu à Paris par les soins de
M. Héron de Villefosse , son neveu
et son pupille, et grâces au crédit
dont jouissait Mm<;. de Caraman née
Gabarrus , crédit dont , depuis une
époque célèbre dans la révolution ,
cette dame faisait constamment un
si bon usage. Le Directoire n'osa pas
reconnaître pour émigré , celui dont
les certificats de résidence en France
n'étaient presque que les écrous de
ses prisons ; mais , n'ayant que le
choix de l'envoyer à la mort ou de
le mettre en liberté , on le déporta
sur le territoire de Genève. Lorsqu'au
bout de treize mois , il quitta la
prison de Riom , des témoignages
d'intérêt, d'affection même, luifurent
prodigués par tout ce que cette ville
offrait de personnes recommanda-
bles. Bien plus, il sévit obligé d'es-
suyer les pleurs de son geôlier lui-
même, qui, longtemps farouche et
MIL
redoutable pour ses prisonniers ,
mais profondément touché par le
spectacle des vertus d'un véritable
homme de bien , était devenu pour
lui un serviteur dévoué plutôt qu'un
gardien. Pendant le voyage de dépor-
tation, qui fut des plus pénibles, et
cruel même, à cause de la rigueur de
la saison (c'était dans l'hiver de
1798 à 1799), toutes les villes et
presque tous les bourgs de France
que La Millière traversait succes-
sivement, semblaient rivaliser à son
égard de preuves de bienveillance
et de généreuse compassion. Ce fut
alors que le noble empressement
des ingénieurs des ponts-et-chaus-
sécs , autour de leur ancien chef ,
devint le plus bel éloge de son admi-
nistration , et fit en même temps res-
sortir le mérite du corps illustre que
ce chef avait aimé comme sa famille.
Délivré enfin de toute escorte , il alla
visiter, dans le pays de Vaud, Necker ,
et eut quelque peine a obtenir de lui
l'aveu, qu'une révolution n'aurait pas
été indispensable, pour opérer en
France le bien public que Louis
XVI desirait si sincèrement. Pour
g»
mer Hambourg, asile d'un nom-
bre considérable de Français pros-
crits, il prit sa route par la Suisse
et une grande partie de l'Allemagne ,
dans des voitures de poste presque
toujours découvertes. Il eut l'extré-
mité des doigts des mains gelée ; et
l'état de sa poitrine, déjà afïectée,
s'aggrava bientôt par des souffrances
qui devaient , deux ou trois ans plus
tard, amener le terme de sa vie.
Après avoir passé quinze mois , soit
à Hambourg , soit à Anspach , il
rentra en France dans le printemps
de 1800. Des offres brillantes luifu-
rent faites au nom de Buonaparte ,
premier consul • mais il n'en accepta
aucune : sa santé était tellement dé-
MIL
labrée, que la force même de sa
constitution laissait peu d'espéran-
ce de le voir se rétablir. Au milieu
de bien vives douleurs, il donna , jus-
qu'à son dernier moment, l'exemple
de la plus courageuse résignation , et
mourut à Paris, le 17 octobre i8o3,
laissant une e'pouse respectable , et
une fille unique, qui a épouse, en
181 1, son cousin, M. Héron de
Yillefosse, membre de l'académie
royale des sciences. Aux deux écrits
cites plus haut, et qui étaient sortis
de l'imprimerie royale, il faut ajou-
ter : Observations de M. de La Mil*
lière sur un écrit de M. Biauzat,
député à V assemblée nationale, re-
latif h l'organisation des ponts-et-
chaussées.Peu de jours après la mort
de La Millière, Suard donna, dans
le Publiciste , une notice incom-
plète, mais dictée par l'estime et l'a-
mitié, sur celui que Louis XVI avait
appelé le plus honnête homme de
son rovaume. L — p — e.
MILL1ET ( Jean - Baptiste ),
littérateur , naquit à Paris , en
1745: après d'excellentes études,
il fut attaché en sous - ordre à la
bibliothèque du Roi , et mit à pro-
fit les loisirs que lui laissait son
emploi pour se perfectionner dans
la connaissance des chefs-d'œuvre
de l'antiquité. Il s'était déjà fait re-
marquer par quelques essais estima-
bles ; et on avait lieu d'attendre de lui
des productions plus imporfantes ,
Lorsqu'une mort prématurée l'enleva,
le ID juillet 1774 ? à l'âge de trente-
neuf ans. On a de lui , les Etrennes
du Parnasse, contenant les Fies des
poçtes grecs et latins; des Réjlexions
sur la poésie , et un choix de poé-
sies, Vm-is, 1 770-7 \ , i5 vol. in- 12.
Cette compilation , continuée par Le
Prévost d'Exraes, n'est point esti-
mée; mais les Fies des poètes con-
tiennent des recherches fort in!
sautes et bien présentées ; et l'on re-
grette seulement, dit Sabatier, que
le style de l'auteur se ressente lu»;»
de sa jeunesse. On cite encore de lui :
Lettre à un ami de province sur les
Gnèbres et les Scythes , tragédies
de Voltaire. — Lettre sur la Pein-
ture au pastel. W — s.
MILLIET DE CHALLES. /'.
Gn ALLES.
MILLIEU ( Antoine ) , en latin
Millieus , jésuite , né , à Lyon , en
1575 , fut admis dans la Société à
l'âge de dix-sept ans , et professa
successivement la rhétorique, la phi-
losophie et la théologie pendant plu-
sieurs années. Nomméensuite recteur
du collège de Vienne , puis de ce'ui
de la Trinité de Lyon , il fut enfin
désigné provincial , et il alla en cette
qualité à Rome , pour assister à l'élec-
tion du général. L'estime dont il
jouissait parmi ses confrères , l'avait
fait porter à la place de secrétaire
de l'assemblée , lorsqu'il tomba ma-
lade, et mourut , le 1 4 février 1646 ,
dans de grands sentiments de piété.
Le P. Millieu cultivait la poésie la-
tine avec succès ; mais dans une
maladie il demanda la cassette qui
renfermait ses vers, au nombre de
plus de vingt mille, et les jeta au feu :
le premier chant d'un poème héroï-
que échappa seul , et par hasard , à
celte destruction : il l'acheva ensuite
à la prière d'Alph. de Richelieu , ar-
chevêque de Lyon , et l'ouvrage fut
imprimé par ordre de ses supérieurs ,
sous ce titre : Mojses viator , seu
imago militantis Ecclesiœ , libri
xxrm, Lyon, iG3G-3(), a put.
in-8°. Il y a beaucoup d'imagina-
tion dans ce poème; et le style en
est assez pur. Le P. Millieu fut l'un
des premiers conservateurs de la bi-
bliothèque du collège de '
MIL
et sa réputation contribua beaucoup
à répandre de l'éclat sur cet établis-
sement naissant (Voy. Manuscr. de
la biblioth. de Lyon, par Dclaiidine ,
tom. ier., pag..i5 ). W — s.
MILLIN ( Aubin-Louis), l'un des
hommes qui ont le plus contribué à
répandre en France le goût de l'his-
toire naturelle et de l'archéologie,
était né à Paris en 1 7 5g ( 1 ). En sor-
tant du collège, il prit l'habit ecclé-
siastique par déférence pour sa mère :
mais il ne tarda pas à reconnaître
sa véritable vocation; et, renonçant
à l'étude de la théologie, il se livra
entièrement aux lettres , qu'une for-
tune assez considérable lui permet-
tait de cultiver d'une manière indé-
pendante (•.}). Il s'appliqua d'abord à
l'étude des langues modernes, se ren-
dit familiers les ouvrages classiques
dans ces langues , et en traduisit
les morceaux les plus intéressants :
mais l'amitié dont il se lia avec le fils
de-Willemet, célèbre botaniste ( V.
Pier.-Rem. Willemet ) , donna bien-
tôt une nouvelle direction à ses tra-
vaux ; et il conçut le projet d'écrire
l'Histoire des sciences naturelles
sur le plan que Montucla et Bailly
avaient adopté, l'un pour l'histoire
des mathématiques , et l'autre pour
celle de l'astronomie. Il ne se borna
(1) Il prit d'abord le nom de IWUin de Grand-
maison , puis, pendant la terreur, celui d'Eleuthe-
rophde Millin. Lors de son voyage en Italie { 1812 ),
ayant trouvé à Rome le pnrtrait du cardinal Savo
Mellini, mort en 1701, il se laissa persuader qu'il
«■tait son parent, que le nom de ce cardinal était
Milliuo, 'et que la famille Millin était originaire
d'Italie.
(2) Dès l'âge de dix-sept ans , il écrivit VEnnemi
chéri un l' Heureuse Réconciliation , comédie en un
acte et en prose. Le manuscrit autographe de cette
pièce, in-40.de 57 pag. , s'est retrouvé dans sa biblio-
thèque (no. 71a du catalogue de vente) : c'est par er-
reur que M. Debure, rédacteur de ce catalogue . y a
dit que les inuts , /-(/;• .)/. Millin, écrits sur le frontis-
pice du manuscrit, étaient d'uuc autre main. Ces
mots, que j'ai vus, sont bien de l'écriture de l'au-
teur ; mais on s'aperçoit aisément qu'ils ont été écrits
quarante ans plus tard que le manuscrit , dont la date
?.tdei777. C. M. P.
MIL
point à l'examen et à l'analyse des
substances dont se composent les
trois règnes : aux leçons des profes-
seurs les plus célèbres qu'il suivait
avec assiduité , il joignit l'étude ré-
fléchie des naturalistes anciens et
modernes , et , bientôt après , celle
des monuments antiques qui repré-
sentent des plantes et des animaux ,
et peuvent, par conséquent, jeter de
l'intérêt sur quelques parties de la
science. L'ardeur que Millin éprou-
vait pour les progrès de l'histoire
naturelle , il la fit partager à ses
amis , et il devint l'un des fondateurs
de la société linnéenne , dont les tra-
vaux, interrompus pendant plusieurs
années , ont été repris depuis avec
un nouvel éclat (i). Comme tant
d'autres littérateurs , il ne vit dans la
révolution, à sa naissance, que la ré-
forme des abus , et publia différents
opuscules destinés à en défendre les
principes ; mais ennemi de tous les
excès, il les combattit avec un coura-
ge qui ne tarda pas à lui attirer la hai-
ne des chefs du parti démagogique.
Pour se dérober aux persécutions
dont il était menacé, il parcourut les
provinces voisines de la capitale ,
occupé à décrire et à dessiner les
châteaux et les monastères près de
tomber sous le marteau des modernes
Vandales. Arrêté au milieu d'un tra-
vail si intéressant , il fut enfermé
dans une des prisons de Paris , où il
resta une année entière, qu'il em ploya
à rédiger ses Elémens de l'Histoire
naturelle , l'un des meilleurs ouvra-
ges de ce genre. La journée du 9
(1) Cette société a quitté le nom de Linnéenne ,
pour prendre celui de Socitté d'histoire naturelle ;
et elle compte parmi ses membres les plus célèbres
naturalistes français et étrangers. Millin se démit de
la place de secrétaire , lorsqu'il fut nommé conserva-
teur du cabinet des antiques ; et il eut pour succes-
seur M. Cuvier , secrétaire perpétuel de l'académie
des sciences,
MIL
thermidor vint l'arracher à une mort
certaine ( i ) ; etil se bâta de reprendre
le cours de ses travaux littéraires.
La réduction des rentes, sous le gou-
vernement du Directoire , avait fait
évanouir la plus grande partie de sa
fortune ; et Miilin se vit obligé d'ac-
cepter la place de chef de division
dans les bureaux du comité d'instruc-
tion publique. Quelques mois après ,
il fut nommé professeur d'histoire à
l'école centrale du département de la
Seine ; et enfin , en 1 794 , il succéda
au savant abbé Barthélémy , dans la
place de conservateur du Cabinet des
Médailles <KF . Babthelemy ). Mil-
lin avait entrepris , depuis peu , avec
deux hommes de lettres (MM. Noël
et Warens ) la rédaction du Maga-
sin encyclopédique , journal destiné
à ranimer en France le goût des bon-
nes études , et principalement de l'a 1-
chéologie , science alors trop peu
estimée. Abandonné de ses deux col-
laborateurs , il continua seul de di-
riger cette utile entreprise avec un
zèle digne de plus d'encouragement.
La place de conservateur des anti-
ques lui imposait des devoirs qu'il
était jaloux, de remplir : il renonça
donc à l'histoire naturelle, pour se
livrer eu lie renient à la recherche et
à l'étude des vieux monuments ; il
ouvrit un cours d'antiquités, qu'il
sut rendre intéressant , même poul-
ies simples curieux , et publia suc-
cessivement différents ouvrages, dans
le but de faciliter l'intelligence de ses
leçons aux personnes privée!
connaissances préliminaires indis-
pensables. Le travail excessif auquel
il se livrait, altéra sa sauté: les mé-
decins lui défendirent toute espèce
d'application; et for ce d'mter romp#e
(») C tQ juillet .-.)', )
rolutïon-
uiifl , ivee u victiin«i,
MIL 47
ses cours , il visita les départements
du Midi pour examiner les précieux
monuments échappés aux invesl
lions des antiquaires , ou dont on
n'avait que des descriptions incom-
plètes et peu satisfaisantes. La re-
lation de son Voyage qu'il publia,
en 1807 , piqua vivement la curio-
sité ; et malgré un certain nombre
d'erreurs qu'on y a relevées , cet ou-
vrage mérite une place honorable
parmi ceux qui font connaître les an-
tiquités que cette partie de la France
peut offrira l'admiration et à l'étude
des savants. Miilin entreprit , en
181 1, un second voyage, dans lequel
il se proposait de visiter l'Italie ,
cette terre classique , si souvent ex-
plorée , mais qui recèle tant de ri-
chesses qu'on peut toujours espérer
d'en découvrir de nouvelles. Parti de
Paris le 10 septembre, il s'arrêta
dans les principales villes de France,
situées sur la route, pour revoir les
amis qu'il y avait laissés , et les mo-
numents qu'il craignait de n'avoir
pas examinés assez attentivement : il
entra en Italie par le Piémont, et se
hâta de se rendre à Rome, où il pas-
pa l'hiver. Au printemps de l'année
181 2 , il partit pour Naples, visita
les deux Calabres et tous les lieux que
l'histoire recommande à la curiosité
de l'homme instruit. Il était de retour
dans la capitale du monde chrétien,
au mois d'avril 181 3 ; et les bruits
d'une guerre prochaine le déterminé"
rent à reprendre le chemin de Paris,
où il arriva vers la tin du mois
d'août, rapportant un grand nom-
bre de livres, d'estampes, de des-
sins , d'inscriptions, de notes, etc.,
qui réparèrent eu partie le dommage
causé , pendant son absence, à ses
collections incendiées par un do-
mestique infidèle. Miilin, toujours
plein d'ardeur pour la science, vou-
48
MIL
lait faire jouir le public du fruit de
sou voyage ; et il se hâta de met-
tre en ordre les notes et les docu-
ments qu'il avait rassemblés. Ses
amis le voyaient avec peine se livrer
à un travail aussi aride : sa santé' dé-
clinait visiblement ; mais il s'abusait
sur son état, et il n'en connut le dan-
ger que lorsqu'il était sans remède.
11 fut enlevé aux lettres , le 1 4 août
ïSi8. Ses restes furent déposés au
cimetière du P. Laehaise; son orai-
son funèbre y fut prononcée par M.
Gail, son confrère à l'Institut. JYlilIin
était chevalier de la Légion d'hon-
neur, de l'ordre des Deux-Siciles et
de Sainte-Anne de Russie. Il était as-
socié de la plupart des académies de
l'Europe; et on lui a reproché,
comme un trait de vanité puérile,
d'avoir quelquefois, sur les frontis-
pisces de ses ouvrages, fait suivie
son nom de la longue énumération
de ses titres. C'était un homme d'un
caractère doux, affable et très-com-
municatif ; il avait beaucoup d'amis ,
et entretenait une correspondance
active avec la plupart des savants
de l'Europe. Il accueillait les jeunes
gens chez lesquels il remarquait du
goût pour l'étude, mettait à leur
disposition sa nombreuse bibliothè-
que et ses recueils , et les aidait de
ses conseils. On ne peut nier qu'il
n'ait rendu de véritables services à
la science : mais il faut convenir
aussi que ses ouvrages se ressentent
de la précipitation avec laquelle il
les rédigeait ; et c'est avec raison
qu'on le blâme de s'être permis des
conjectures et des interprétations
hasardées , qu'on l'accuse de peu de
profondeur dans ses recherches, et
de peu de fidélité ou d'exactitude
dans ses citations , quelquefois mê-
me dans les nombreux monuments
qu'il a fait graver. La liste de toutes
MIL
les productions de Milîin est très-
étendue ; M. rXrafft en a donné le Ca-
talogue détaillé ( i ), à la suite d'une
curieuse Notice sur cet écrivain ,
dans le tome vi des Annales ency-
clopédiques, année 1818 (2), pré-
cédée d'un portrait très-ressemblant.
On doit se borner ici à indiquer ses
principaux ouvrages : I. Mélanges
de littérature étrangère , Paris ,
1 78.J, 6 vol. in- 12. II. Discours sur
l'origine et les progrès de Vhistoire
naturelle en France, Paris, 1790,
in-4°.; cet ouvrage sert d'introduc-
tion au hecueil des Mémoires de la
société d'histoire naturelle, Paris ,
1 792 , in-fol. III. Minéralogie ho-
mérique , ibid. , 1790, in-8°.; 2e.
éd., corrig. et augm., 1816, in-8°. ;
trad. en allem. par M. Rinck, Leip-
zig, 1797 , in -8°. IV. Annuaire du
républicain ou Lé gende physico-éco-
nomique, Paris , ami (1 793), in- 12 ,
de plus de 4°° Pag«-> devenu rare:
l'auteur , dans ses dernières années ,
en supprima, tant qu'il put, les exem-
plaires. V. Antiquités nationales
ou Recueil de monuments pour
servir à l'Histoire de l'empire fran-
çais, ibid. , 1790-98, 5 vol. gr. in-
4°. fig. Cet ouvrage n'est point ter-
miné: malgré son titre, il contient
presque autant de monuments mo-
dernes que d'anciens; mais il n'en
(1) Cetle Notice des ouvrages deMillin, compo-
sée de 7; S articles, dont 3 étaient sous presse , et i5
se trouvaient seulement en manuscrit , n'est cepen-
dant pas complète : ou n'y trouve point les trois vo-
luius de la traduction abrégée des Transactions
philosophiques , contenant les Mélanges et les Anti-
quités, publies en 1791, et formant les tomes XII à
XIV de cetle traduction; ni le Mémoire sur quelques
Pierres gravées , qui représentent l'enlèvement du
PttUadium, Turin, Galetti, l8l*,iu-4°. de i()pag.
avec 3 pi. . lu à l'académie de Turin, le 12 février
1819. , et tiré à part à un petit nombre d'exemplaires,
ainsi que la plupart des i?.i morceaux qu'il a insères
dans le Magasin encyclopédique.
(«) M. IVIariul a donné, dans le même recueil ( dé<v
îfiiR, VI, 3o3-3i4),uu Supplément à la Jiotice pu-
bliée par M. Kratf't.
MIL
est pas moins intéressant parce qu'il
cfïï-e un grand nombre d'édifices
détruits pendant la révolution. VI.
Éléments d'histoire naturelle, ibid.,
1794, in-8°.; 1797, même form.;
3e. édit. augmentée, 180'^ in-8°. fig.;
trad. en «al., Turin, 1798. VII. In-
troduction à V élude des monuments
antiques; — des pierres gravées;
— des médailles; — et des vases
peints, ibid., 1796-181 1, 4 part.
in-8°. Ces quatre opuscules, insérés
aussi dans le Magasin encyclo;>è\ii-
que , sont les programmes de di-
vers cours donnés par l'auteur : on
les recherche encore , surtout le 3e.
qui est devenu rare, et sur lequel
on trouve un Errata supplémentaire
dans le Journal des Savants de
179G , pag. 193 et '219. VIÏÎ. Mo-
numents antiques inédits , ou nou-
vellement expliqués , ibid., 1802-04,
2 vol. in-4°. avec 92 pi. IX. Dic-
tionnaire des Beaux -Arts , ibid.,
1 806, 3 vol. in-8°. ; il n'est presque
qu'une traduction de l'ouvrage de
Sulzer ( V. ce nom ). X. Voyage
dans les départements du midi de la
France, ibid. . 1807-1 1 , 5 vol. in-
8a. , avec un Atlas in- 4°. de plus de
joo pi. XI. Description des peintu-
res des vases antiques vulgairement
appelés étrusques, tirés de dillc'ren-
tes collections, ibid., 1808-10,
in-fol. XII. Galerie mythologique ,
ou Recueil de monuments pour ser-
vir a l'étude de la mythologie, de
l'histoire de Fart, de l'antiquité,
ibid., 181 1 ,2 vol. in-8». iig. XIII.
Description d'une mosaïque anti-
que du musée Pio- Clé menti n à
Rome, représentant des scènes de
tragédies, ibid. 1809, in-fol., avec
28 pi. XIV. Description des tom-
beaix découverts à Pompci en 1 8 1 2,
Naples, 1 S 1 3 , in-/|'\ , avec 7 pi.
XV. Voy M/voie, en Pt<:-
■ ' x.
MIL
mont, à Nice et dans l'état de
Gènes, Paris, 181 fi, 2 vol. in-8°.
XVI. Description des tombeaux de
Canosa, ainsi que des bas-reliefs, des
armures et des vases peints, qui ont
été découverts en 181 3 , ibid., 1 8 1 9,
gr. in-fol. , iig. XVTI. Forage dans
le Milanais , à Plaisance , Parme,
Mode ne, Mantoue , Crémone , et
dans plusieurs autres villes de l'an-
cienne Lombardie, ibid., 1817, 2
vol. iu-8°. XVUI. Quelques articles
dans la Biographie universelle. Le
Magasin encyclopédique , journal
commencé en 1 792, et continué sans
interruption depuis 179.J jusqu'en
avril 181 fi, par Mil' in , se compose
de 122 vol. in-8°. Ce recueil, indé-
pendamment de l'annonce ou l'ex-
trait détaillé des ouvrages nouveaux,
contient l'analyse des travaux de tou-
tes les académies, et forme ainsi le
monument le plus complet de l'his-
toire littéraire de cette époque. 11 est
surtout précieux à cause d'un grand
nombre de morceaux fournis par
M. Silvestre de Sacy et par d'autres
savants du premier ordre. M. J. B.
Sajou a publié, en 4 vol. in-8°. ,
une Table de ce journal, rédigée
avec peu de soin , mais qui ne
laisse pas d'avoir son utilité ( 1 ).
On y joint les Annales encyclopé-
diques , dont Millin est également
l'éditeur, 1817-1818, 12 vol. in-8°.
( V. pour quelques ouvrages déjà in-
diqués de cet auteur, les a rt.CiiOMrr. k,
(1) La io<". aimée et les suivantes (de l8o5 ,1111110,,
d'avril 1 8 1 6) , n'ont i|ti'tm numéro pne mois; les nenl
|iiiuiiî ris, de 17;)'" iôo4|08l chacune :\.\ i>o*.Le*ea.
vclo|i|>es fie ce* ">. i<> premiers cabie) s , publié» su< ce*
«iremeat par divers libraire*, offrent tant d'irrégula-
rité* qu'on Dt-peàl les collatiouner et en vérifier Ni
collection ((ii'ovec In 'l'aide numérique dis ntuf'prt-
ncyclopédique , publii a
i.iny, i8oG, iu-So. Je i3tî pag. An :
cette table , ni relie en .\ volumes, ne comprennent l.i
première collection du Wagazii (si
diqueon Journa de* ait< ,
. commencée le. 1". .!•
venue loi 1 rare.
5o
MIL
j. C. Fabricius et Linné). On peut
consulter , outre la Notice de M.
Krafft , déjà citée , Y Éloge de Millin ,
par M. P. R. Auguis , dans le tom. 11
des Mémoires de la soc. roy . des
antiquaires de France , pau, 52-69.
W— s.
MILLOT ( Claude - François-
Xavier), historien, était ne , en
1726, à Oruans, petite ville de
Franche-Comté, d'une famille an-
cienne dans la robe. Ses éludes ter-
minées, il fut admis chez les jésuites;
et après avoir enseigné les humanités
dans différentes villes , il fut chargé
de professer la rhétorique an collège
de Lyon, l'un des plus célèbres de
cette société en France. Dans un dis-
cours (1), couronné par l'acad. de
Dijon en 1 767 , il osa faine l'éloge de
Montesquieu ; et cette hardiesse in-
disposa contre lui ses supérieurs. Les
désagréments qui s'ensuivirent pour
lui , le firent rentrer dans le monde ;
et M. de Montazet , archevêque de
Lyon , le nomma l'un de ses grands-
vicaires. L'aLbé Millot était souvent
sorti vainqueur des lices académi-
ques : il se crut les talents propres
à la chaire; mais, après avoir prê-
ché, sans succès, un avent à Ver-
sailles ,^t un carême à Lunéville , il
abandonna une carrière que lui in-
terdisaient la faiblesse de son organe,
sa timidité naturelle et l'embarras de
son maintien. Le désir d'être utile
aux jeunes gens l'avait engagé à
s'exercer dans le genre de la traduc-
tion : ce fut dans le même but qu'il
composa des abrégés de l'Histoire de
France et d'Angleterre, deux ouvra-
ges qui eurent un grand succès. Vers
le même temps , le marquis de Félino ,
(i) Sur cite question : F.st il plus utile d'étudier
les hommes que le; livies ? L 'auteur y donne la |ué-
i'»:rei<ce ù l'élude des boiuzatc.
MIL
ministre à Parme, établissait dans
cette ville un collège pour l'éduca-
tion de la jeune noblesse. L'abbé
Millot y obtint, en 1768, la chaire
d'histoire , sur la recommandation
du duc de Nivernais. 11 resta étranger
aux intrigues qui agitaient la cour ,
et forma pour ses élèves le plan d'un
abrégé de l'Histoire générale. Tandis
qu'il s'occupait de ce grand travail ,
Félino fut désigné par ses enne-
mis à la haine populaire, insulté
dans les rues de Parme , et menacé
jusqu'aux portes de son palais : dès
cet instant l'abbé Millot ne voulut
plus le quitter ; en vain on l'avertit
qiie l'affection qu'il montrait pour le
ministre , lui ferait perdre sa place:
« Ma place , répondit - il , est au-
» près d'un homme vertueux , mon
» bienfaiteur, et que l'on persécute.
» Je ne perdrai point celle-là. » La
retraite du marquis de Félino ra-
mena l'abbé Millot en France, où sa
conduite courageuse était connue, et
lui avait fait de nombreux amis. La
cour de Versailles luiaccorda, au nom
de celle de Parme , une pension de
4ooo francs. C'est au souvenir que
l'on conservait de la noblesse de son
caractère, qu'il dut l'honneur d'être
choisi, eu 1778, pour présider à
l'éducation du duc d'Enghien: il était
près de recueillir le fruit de ses soins,
lorsqu'il fut enlevé aux lettres après
une courte maladie , à l'âge de cin-
quante-neuf ans , en 1780, le 21
mars, le jour même où, dix-neuf
ans plus tard , son auguste élève fut
lâchement assassiné dans les fossés
de Vincennes. L'abbé Millot avait été
reçu à l'académie française, en 1777,
à la place de Gresset ; son élection,
ménagée par la maison de ÎN'oaiiles,
fut une transaction entre les partis
qui divisaient l'académie : il y eut
un des membres qui modifia son
on
MIL
suffrage, en déclarant qu'il ne l'ac-
cordait qu'à condition que le récé-
piendaire écrirait un peu mieux; et
d'Alembert, pour tranquilliser les
philosophes, qui hésitaient à donner
leur voix à un abbé, leur disait : Je
vous assure qu'il n'a de prêtre que
V habit. L'abbé Millot était d'un carac-
tère froid et sérieux- il n'aimait pas
le monde , y parlait peu , et il évitait
surtout le moi, si tyrannique dans la
conversation. Attentif aux discus-
sions qui s'entamaient autour de lui ,
rarement il y prenait part; et la con-
tradiction ne parvenait pas à l'é-
chauffer. Griinm , qui le voyait sou-
vent dans les sociétés de Paris , lui
trouvait l'air souffrant et malheu-
reux. « Et c'est cependant, ajouie-
» t-il, l'un des êtres les plus heureux
» que je connaisse , parce qu'il est
«modéré, content de son sort,
» aimant son genre de travail et de
» vie. » D'Alembert Je citait comme
l'hommeenqui il avait vu le moins de
préventions et de prétentions. La liste
que nous allons donner de ses ouvra-
ges est complète : I. Veux Discours;
l'un a pour but de prouver que le vrai
bonheur consiste à faire des heu-
reux ; l'autre montre que l'espérance
est un bien dont on ne connaît pas
assez le prix: Lyon, 1700, in-8°. II,
Discours académiques, ibid., 1 760,
in-ia. Ce recueil en contient huit,
qui avaient déjà paru séparément ;
savoir : deux couronnés par Pacad.
de Besançon , en 1 7 5 5 el 1 7 5gj deux
sur les sujets proposes pari
mie française, en 1 7") "> et 1 7 ;j8; un
qui a remporté le prix à l'académie
«h' Dijon, eu 17.^7; un autre couronné
par I académie d'Amiens , en 1
l'Eloge de Louis XIV, et enfin un dis-
cours sur les préjugés contre la reli-
gion. 111. : air le patriotisme
français } ibid. ; 17(3-2, in-8°. IV.
Mît
5i
Discours d-e réception à l'académie de
Chalons , Paris , 1 7 68 , in- 4°. • — à.
l'acadéra. française , ibid., 1778,
in-4°. Le caractère de toutes ces pie»
ces académiques est un esprit réflé-
chi , mais trop porté à délayer des
idées communes. V . Essai sur l'hom-
me , traduit de Pope , avec des noies
et un discours judicieux sur la philo-
sophie anglaise , Lyon , 1761 , petit
in- 1 'i. VI. H ara
de Démosthène pour ja
trad. en français, ibid., 1764, in
version trop dépourvue de nerf
Harangue:, d Ëschine et
couronne ,
- ,a}
de
mouvement et de coloris. VIL Ha-
rangues choisies des historiens la-
m] t
tins, ibid., 1764, 'i vol. in-ir2.
Cette traduction, bien qu'un peu
froide et faible de style , obtint plus
de succès que la précédente ; elle a
été réimprimée plusieurs fois sans la
participation de l'auteur.L'abbé Mil-
lot la revit avec beaucoup de soin
dans les dernières années de sa vie ;
et il en a laissé un exemplaire cor-
rigé , pourune nouvelle édition. VIII.
Eléments de l'Histoire de France,
Paris, 1767-69, 3 vol. 1:1; — ibid.,
1806, 4 V°L 1 avcc & continuation
de M. Cn. Millon , jusqu'à la mort de
Louis XVI , et de Dclisle de Sales ,
jusqu'au couronnement de Napoléon :
eet ouvrage a été traduit en allemand,
en anglais et en russe. IX. Éléments
de V Histoire d' Angleterre , Paris ,
1769,3 vol. in-ii.; — ibid., 1810,
augmentés des règnes de George II
et George 111 , par Ch. Millon : il en
parut deux traductions anglaises en
1771. Aucun point important des
minutieux récits de Rapia Toyras,
et du grand travail ào Hume, n'y a
été omis. L'auteur s'est surtout pé-
Détré de l'esprit de r his-
torien. Ce qui i . stitu-
tion anglaise
l'esprit lu
et au mou
Cri MIL
soin, mais avec trop peu d'étendue.
On sent , toutefois, qu'appuyé sur
de meilleurs guides , l'auteur s'est
élevé au-dessus del'abrégé précédent.
X. Éléments d'histoire générale an-
cienne et moderne, ibid. , 1 772-83,
9 vol. in- 1 2 : trad. en allemand (1777-
91), en danois ( 1773)? en hollandais
( 1776), en anglais ( 1778), en suédois
( i 7 7 7 ), en italien (177 8), en portugais
(i78o),enespagnol(i79i);cet(eder-
nière version(Madrid,8vol. in 8°.),
est augmentée de notes sur l'histoire
moderne. Cet ouvrage a été continué
par Delisle de Sales, jusqu'au com-
mencement du dix-neuvième siècle ,
2 vol. in-i 2. L'abbé Millot, dans son
abrégé de l'histoire ancienne , quifor-
me les tom. 1 -4, n'a fait usage d'aucun
système de chronologie , parce que
tous lui paraissaient présenter de l'in-
certitude ; il s'est borné à indiquer
les époques principales. Ces trois
ouvrages ont été réunis sous le titre
à'OEuvres de V abbé Millot , Paris,
1800 , io vol. in-8°. Dans ses abré-
gés , qu'il a intitulés Éléments ,
quoique les sciences seules , dit Mo-
rellet , aient des éléments , et que
l'histoire n'en puisse avoir puis-
quelle choisit les faits , l'abbé Millot
a employé le style convenable; il est
concis avec clarté , pur sans recher-
che , ni trop précipité ni trop lent
dans sa marche : seulement on serait
tenté de lui reprocher la trivialité
de quelques réflexions , si l'on ne
se souvenait qu'il a écrit pour la
jeunesse (1). XI. Histoire littéraire
(l> On loi reproche d'avoir relevé avec une certai-
ne affe' talion, les abus qui se sont glissés dans l'Eglise,
d'avoir trop iusisté sur es maux qui en furent la
suite , tandis qu'il passe très-légèrement sur les grands
biens qu'a produits la religion. Le fcèle des défenseurs
de la foi y est quelquefois représenté avec des cou-
leurs propres à les rendre odi<ux ; c'est ce qui paraît
nommément dans le portrait de saint Hilaire de Poi-
tieis. Cette philosophie tranchante choque surtout
dans un livre élémentaire desliue u l'instruction des
jeunes gens. T — D.
MIL
des Troubadours , ibid., 1774 , 3
vol. in-iaj elle a été abrégée et trad.
en a-nglais par Marie Dobson, 1779,
in-8°. Dans ce recueil de nos vieux
titres littéraires, Millot ne fit que
réduire et mettre en ordre l'es vastes
matériaux rassemblés par Sainte-
Palaye, dont il rcblanchit un peu les
traductions. Du reste, il ne s'imposa
pas la tâche de se familiariser avec
l'ancien idiome provençal; aussi les
juges compétents en cette matière,
tels que l'abbé de Fontenai , MM. de
Rochegude et Raynouard, l'ont -ils
accusé d'avoir apporté peu de dis-
cernement et de soin dans ce travail ,
qui l'occupa quatre ans. Le plus grand
nombre des lecteurs se sont plaints
en outre de la sécheresse et des lon-
gueurs de l'écrivain , qui avait trop
exclusivement considéré son sujet
comme de simples études histori-
ques. XII. Mémoires politiques et
militaires pour servir à V histoire de
Louis XI F et de Louis XF, rédi-
gés sur les manuscrits du duc de
JNoailles, ibid., 1777, 6 vol. in-12;
réimprimés plusieurs fois et traduits
en allemand et en hollandais. C'est,
dit Laharpe, un livre de curiosité et
non pas d'esprit. Le rédacteur a eu
le tort de vouloir assujétir à un p'an
régulier, des détails qui n'en étaient
pas susceptibles, et qu'il rattache
par des maximes trop multipliées et
trop souvent fastidieuses. D'ailleurs
cette production, qui offre le dépouil-
lement de 200 vol. in-fol. de pièces
originales , fait connaître plus parti-
culièrement les personnages célèbres
qui ont conduit les affaires de l'Eu-
rope, depuis laguerre de la succession
jusqu'à celle de 1741 inclusivement,
et renferme des lettres intéressantes
de la princesse des Ursins , du roi
d'Espagne , de Louis xiv , etc. XIII.
Extraits de V histoire ancienne, de
MIL
Vhistoire romaine et de l'histoire
de France; ils avaient été demandés
à l'abbé Millot par le comte de Saint-
Germain , son compatriote, alors
ministre de la guerre ; et ils font
partie du Cours à l'usage de V Ecole
militaire. On a réimprime le second
de ces extraits sous le titre de Ta-
bleaux de Vhistoire romaine, ou-
vrage posthume de l'abbé Millot ,
Paris , 1796, in-4°. , avec 48 fig. ;
il y a des exemplaires en vélin , for-
mat in-fol. XIV. Dialogues , et Fie
du duc de Bourgogne, père de Louis
XV ', Besançon, 1816, in-8°. Le
dernier de ces deux écrits , composés
pour l'éducation du duc d'Enghien,
est une refonte des deux volumes pu-
bliés sur le même sujet par Proyart.
On regrette que l'abbé Millot , résolu
de se conformer à de sévères conve-
nances et de ne jamais dépasser le but
particulier de cet extrait , n'ait pas
fait connaître avec plus d'étendue
les plans d'amélioration et la cor-
respondance du duc de Bourgogne.
Les Dialogues , au nombre de seize,
forment autant de leçons où l'ha-
bile instituteur , caché sous le nom
de Fénélon conversant avec l'héri-
tier du trône , passe en revue les
vérités les plus utiles , et les déve-
loppe de minière à les mettre à la
portée de son élève, dont le carac-
tère offrait une analogie frappante
avec celui du prince désigné à son
émulation. Le volume, orné d'un
portrait du duc d'Enghien, très-
ressemblant, est précédé d'une no-
tice sur ce prince, composée en partie
d'après les notes mêmes de l'abbé
Millot, et d'après l'article delà Bio-
graphie universelle, augmenté de
quelques anecdotes ( V. Engiiikn ).
On attribue à Millot une Histoire
philosophique de l'homme , Londres
(Paris), 1 7G0 , in- 1 r± • mais nous pou-
MTL 53
vons assurer qu'elle n'est point de lui.
Les Eléments de Vhistoire d'Alle-
magne , publiés d'abord sous son
nom , ont été avoués depuis par M.
Duchalel. Les seuls manuscrits que
l'on conserve de l'abbé Millot , sont,
une Histoire de V Eglise gallicane ;
une traduction de Y Histoire de la vie
civile, par Fergusson , et un petit
volume intitulé Examen de ma vie ,
dont ses héritiers ont retranché un
grand nombre de passages, sans qu'on
puisse deviner leur motif. L'abbé
Millot était membre des académies
de Lyon, de Nanci et de Cliâlons-
sur-Marnc; mais celle de Besançon
avait négligé d'adopter un homme
qui faisait tant d'honneur à la pro-
vince. Elle a reparé cet oubli, en
proposant au concours, en 1814, l'é-
loge de cet écrivain : l'auteur du dis-
cours couronné est M. Lingay , jeune
littérateur de Paris. W — s.
MILLOT (Jacquks-Aneré), na«
n 17 38.
a la cl
rendit à Paris, où il devint élève
de Vermont, accoucheur de la reine
Marie- Antoinette, lequel le prit en
aflèction. Sous ces auspices, Millot
se fit agréger facilement au collège et
à l'académie de chirurgie; et il ob-
tint, comme accoucheur, la réputa-
tion la plus brillante. Les duches-
ses d'Orléans et de Bourbon lui ac-
cordèrent leur confiance. C'est lui
qui reçut l'infortuné duc d'Enghien.
Ce prince, lors de sa naissance,
fut près d'une heure sans donner
aucune apparence de vie. Comme
Millot faisait, auprès d'une lumière,
des frictions avec des liqueurs spi-
rituelles, le feu prit a ses \ctemens;
et en un instant le corps du jeune
prince fut en ï-u. Millot n'eut que le
fempS de le plonger dans une pièce
d'eau, et de s'y précipiter lui-même.
quitàDijon,en 17 38. Il se destina de
bonne heure a la chirurgie, et se
54 MIL
C'est à cet événement qu'il attribuait
le retour du prince à la vie. Au com-
mencement de la révolution, Millot
passa plusieurs années à sa maison
de campagne de Colombe ; mais la
perte presque totale de sa fortune, pla-
cée sur l'État ou surla caisse Lafarge,
le détermina , malgré son âge avancé ,
à revenir à Paris reprendre l'exercice
de sa profession. C'est alors qu'il
se fit connaître comme auteur, en pu-
bliant une Observation d'opération
césarienne (Paris, 1798, in-8°.), et
une Histoire de la généra lion , qui, à
raison d'un titre et de quelques idées
bizarres, eut un certain succès dans
le pubiic , et parvint, en 1807, à sa
quatrième édition : c'est X Jlrt de
•procréer les sexes à volonté , in-
8°., orné de quatorze gravures.Millot
publia ensuite divers autres ouvrages
qui se ressentent de la promptitude
de leur composition, et de la facilité
que lui donna un libraire assez con-
fiant pour les acheter, et les livrer à
l'impression, à mesure qu'ils sor-
taient de sa plume. Le discrédit de
ces productions contribua beaucoup
à la ruine du libraire qui s'en était
chargé. Millot , praticien bien supé-
rieur a ses ouvrages, possédait tou-
tes les connaissances et les qualités
qu'exige sa profession. Son sang-
froid, sa prévoyance dans les cas dif-
ficiles , ses attentions délicates pour
les femmes en travail et en couches,
sa sollicitude ingénieuse à les soula-
ger , prévenaient un grand nombre
d'accidents. Il mourut d'apoplexie, en
août 181 1 , vivement regret! é. Outre
les écrits déjà mentionnés , Millot a
publié : I. UJrt d'améliorer les gé-
nérations humaine s, Paris, 'i vol. in-
8°. Cet ouvrage a eu deux éditions,
et a été refondu dans le Nestor fran-
çais. IL Supplément à tous les irai-
tés, tant étrangers que nationaux,
MIL
sur les accouchements, ibid., iSozJ,
in-4°.; réimprimé en 1 vol. III. La
Gérocomie, eu l'Art de parvenir à
une longue vie, s ans infirmités ,ibid.,
in-8°. IV. ( Avec Collin , son beau-
fils ). Le Nestor français ou Guide
moral et physiologique , pour con-
duire la jeunesse au bonheur, ibid. ,
1807 , 3 vol. in-8°. V. La Médecine
perfeetwe , ou Code des bonnes mè-
res , ibid., 1809, in-8°. VI. Disser-
tations surla phthysie , la vaccine,
etc. N — h.
MILLY ( Nicolas - Christier
de Thy , comte de ), connu par son
goût pour la chimie et les sciences
occultes (1) dont il périt victime,
était né en 17*28, d'une famille de
Beaujolais ancienne et illustre. A qua-
torze ans , il entra dans l'état mili-
taire, et servit avec distinction dans
les campagnes de Flandre et d'Alle-
magne. Après la bataille deMinden ,
il passa au service du duc de Wur-
temberg , allié de la France ; et en
moins d'une année, il devint colonel,
adjudant-général , chambellan et che-
valier de l'aigle-rouge. Il rentra en
France, à la paix ( 1762 ), et fut
récompensé de ses services par la
charge de mestre-de-camp de dra-
gons , et le brevet de lieutenant hono-
raire des Suisses de la garde de Mon-
sieur. Ce fut seulement alors qu'il put
se livrer à son goût pour les sciences :
les différentes expériences dont il
rendit compte le firent connaître des
savants , qui s'empressèrent de lui
ouvrir les portes de l'académie. Le
comte de Milly avait malheureuse-
ment trop de confiance dans la vertu
de ces remèdes qu'on nomme secrets :
après les avoir analysés , il voulait
(1) « H se persuadait qu'on lui avait fait voir sr>n
îi génie dans un ■••' g'étnnl anpro.l.é rlr
»i lui , loul nvail disparu. . ^ magatin encycl. du 3
dec. 1792, png. 18. )
M
MIL
encore juger par sa propre expérience
de leur efficacité ; il parvint ainsi à
détruire sa santé naturellement ro-
buste , et mourut à Chaillot , le 1 7
septembre 1784, à l'âge de cin-
quante-six ans. Il était associe libre
de l'académie des sciences de Paris ,
et membre des académies de Lyon ,
Dijon, Madrid , Harlem , etc. Con-
dor et, son ami et son confrère, a
publié son Éloge. «Le comte de Milly,
» dit-il, vivait dans le monde, et il
» y était aimé. Doux , complaisant ,
» facile , ayant même autant de ga-
» lanterie qu'on peut en avoir sans
» être frivole, c'était seulement dans
» la société des savants qu'il laissait
» apercevoir quelques traces d'une
» susceptibilité très-délicate; mais il
» avait assez d'empire sur lui-même
» pour revenir sans peine, et sou-
» mettre à la raison les faiblesses
» d'un amour-propre d'autant plus
v sensible , mais aussi d'autant plus
» excusable, que, dans le peu de
» temps qu'il avait consacré aux scien-
» ces , il n'avaitpu acquérir ces litres
» éclatants qui élèvent au-dessus de
» l'opinion une âme avide de renom-
» mée. » Outre des Mémoires dans
le Journal de physique , et dans les
Recueils des académies dont il était
membre, on a de Milly : I. M Art de
la porcelaine , Paris , 177 1 , in-fol. ;
traduit en allemand , Konigsbcrg ,
1774 , in-/|". : cet ouvrage fait partie
delà Collection des arts et métiers ,
publiée par l'académie des sciences.
il. Mémoire sur la manière Res-
suyer les murs nouvellement faits ,
Paris, 1778, in-8°. — Pierre- A 11-
de Milly, avocat au parle-
ment de Paris, et procureur au Châ-
telet, né à Paris le •>. \ avril 1728,
mort dans la même ville le »3 mars
I7Ç)(), av. lit épousé une nièce de
Mercier , abbe de Saint Léger, et il
MIL
5-)
f>artagea le goût de ce dernier pour
a bibliographie. Le Catalogue de sa
bibliothèque, rédigé par Cbaillou ,
est encore aujourd'hui recherché
amateurs : il est précédé d'une notice
sur Milly, insérée aussi dans le Ma-
gasin encycl., 5e. ann. , 111 , a42«
W— s.
MILNER (' Je a iv ) , savant théo-
logien de l'Église anglicane , naquit
à Skircoat , dans le Yorkshire , en
16-28. Il fit ses premières études à
Halifax. A l'âge de quatorze ans , il
fut envoyé au collège de Christ, à
Cambridge , où il prit les degrés de
bachelier et de maiire-ès-arts. Il fut
d'abord curé de Middleton , dans le
Lancashire ; mais il fut obligé de
quitter cette paroisse , un peu avant
la bataille de Worcester, à cause de
l'inutilité des efforts de George Booth,
pour rétablir Charles II sur le trône
de ses pères. 11 se retira dans sa pa-
trie , ou il resta jusqu'en 1661 . qu'un
de ses condisciples lui procura une
place. En 166:2, il devint mil
de Saint-Jean a Leeds. En 1673, il
fut fait vicaire de Leeds, et chanoine
de Ripon , en 1 68 1 . A l'époque de la
révolution de 1688, n'ayant pas
voulu prêter serment de fidélité au
prince d'Orange , il perdit, sa place,
se réfugia au collège de Saint-Jean ,
a Cambridge, et y passa le reste de
sa vie dans les mêmes sentiments
d'attachement à la maison de Stuart.
Il mourut en 1702 , à Page de
soixante-quinze ans. Nous avons de
lui : I. Conjectanea inparallela quœ*
dam veleris ac novi TeslameiUi ,
in quitus versio 70 interpretwn
cum textu hebrœo conciliatur , etc.',
Londres , 1678, in - 4°. Le docte
Castell (ait le plus grand « :
ige de Milner. 11. Histoire dâ
l'église de Palestine , depw
naissance de Jésus-Çhrist jusqu'au
56
MIL
commencement de V empire de Dio-
clétien, Londres, i(j88, in-4°. III.
Courte dissertation sur les quatre
derniers rois de Juda , Londres ,
», in 4°. L'ouvrage Je Joseph
Scaliger : Judicium de thesi chrono-
logicd , donna lien à cette disserta-
tion. IV. De Nejthinim slve Nethi-
nœis , etc , et de his qui se corbau
Deo nominabant disputatiuncula ,
Cambridge, 1690 , in-4°- V. Dis-
cours de conscience et Réflexions
sur le christianisme sans mys-
tères , Londres , 1697 , in-8°. VI.
La religion de Locke , d'après ses
paroles et ses écrits, Londres , 1 700,
m-8°. VII. Réponse aux réflexions
de Jean Leclerc , sur Jésus-Christ ,
ses Apôtres et les Pères de V Église
primitive , Cambridge, 1 702. Milner
a laisse d'antres écrits tant imprimes
qu'inédits . sur la chronologie , la
critique des Livres saints , etc. , où
l'on remarque de grandes connais-
sances dans les langues, et beaucoup
de sagesse. L — b — e.
MILNER (Thomas), médecin an-
glais , fut attaché à l'hôpital Saint-
Thomas , à Londres , et mourut a
Maidstone, au comte' de Kent , ie 1 3
septembre 1797 , âge de soixante-
dix-huit ans ; il a publie : Expérien-
ces et observations sur V électricité ^
in-8°.,i783. L.
MILON , de Crotone , est le plus
célèbre athlète d'une ville qui avait
fourni plus de vainqueurs aux jeux
olympiques , que toutes les autres
cités delà Grèce ( F. Strabon, liv. vi ,
ch. 2 ). Dès son enfance , il s'était
habitué à porter des fardeaux , dont
il augmentait le poids successive-
ment ; de sorte qu'il parvint à en
porter d'énormes , avec beaucoup de
facilité. Il fut couronné sept fois aux
jeux pythiens , et six fois aux jeux
olympiques; et il cessa de s'y pré-
senter , parce qu'il ne trouvas
d'adversaire. Milon suivit les leçons
de Pythagore , et se montra l'un de
ses disciples les plus assidus. On ra-
conte qu'un jour la colonne de la salîe
où le philosophe donnait ses leçons ,
étant venue à manquer, Milon se
mit à la piace , donna le temps aux
auditeurs de sortir , et s'éehappa en-
suite lui-même. 11 obtint, l'an 5o8
ou 509 avant J.-C. , le commande-
ment de l'armée que les Crotoniates
envoyèrent contre Sybaris , et rem-
porta une victoire signalée. Il était
déjà avancé en âge , lorsque , traver-
sant une forêt , il trouva un arbre
entr'ouvert; ayant voulu achever de
le séparer , les deux parties se re-
joignirent, et il périt, dévoré par
les bêtes sauvages ( F. Aulu-Gelle ,
liv. xv , ch. 1 (5 , et Valère Maxime ,
liv. ix, ch. 12, paragr. 17 ). Le
groupe en marbre de Milon, dévoré
par un lion , qu'on voit à Versailles,
est un des plus beaux ouvrages de Pu-
get( F. ce nom). La Mol he Le Vayer,
dans son Traité de la grandeur et de
la petitesse des corps , a remarqué
que Milon « est le seul personnage de
» l'antiquité, de qui l'on ait dit qu'il
» eut la grandeur de l'esprit propor-
» tionnée à celle de son corps. » W-s.
MILON ( Titus- Annius Milo), tri-
bun romain, l'an de Rome 696, était
issu d'une famille plébéienne illus-
trée par une longue tradition d'exem-
ples vertueux. Doué d'un caractère
actif et d'une énergie éprouvée , il
mit ses plans d'ambition sous la pro-
tection des bons citoyens , et se
dévoua , pour la mériter , à toutes
les fureurs des anarchistes qu'il ne
se lassa point de traverser. Clodius ,
factieux qui n'avait de commun avec
Catilina que l'audace et l'ascendant
de la naissance, fut l'ennemi le plus
acharné de Milon, depuis q
MIL
ri eut réuni ses efforts à ceux de ses
collègues pour faire rappeler Cicé-
j n de l'exil. Milon en vint deux
fois aux mains, au milieu de Rome,
avec sou adversaire , et le traduisit
en justice; mais le consul Méîcllus
écarta l'accusation , et fournit ainsi
à Clodius les moyens de se ména-
ger, encore un an, le privilège de
r impunité, dans les fonctions d'édile.
Milon fit alors pour sa sûreté ce que
Clodius osait pour exercer ses bri-
gandages : il prit à sa solde une
troupe de gladiateurs ; et les gens de
bien l'applaudirent. 11 s'était ruine
trois fois parla magnificence des jeux
et des spectacles qu'il avait offerts au
peuple. Pour réparer l'effet de ses
prodigalités, il épousa Fausta, fille
du dictateur Sylla : il la surprit, quel-
que temps après, entre les bras de Sal-
luste l'historien, et ne laissa, dit-on,
échapper le suborneur, qu'après l'a-
voir passé par les verges et en avoir
tiré une somme d'argent. Clodius ,
inviolable comme édile, eut l'impu-
dence d'accuser Milon de violence,
et d'infraction aux lois par l'entre-
tien de gens armés ; Pompée com-
battit lui-même l'accusation, et la fil.
tomber : mais Milon ayant brigué le
consulat, Pompée en prit ombrage,
et appuya sourdement Clodius. Celui-
ci, avec sa jactance ordinaire, pu-
blia que, si Milon ne se départait de
ses prétentions , dans trois jours il
aurait cessé de vivre. Cette menace
retomba sur la tête de son auteur.
Le hasard lui fit rencontrer, sur la
\ ppienne ( le 20 janvier , l'an de
Rome 701, 53 avant J.-C. ), la voi-
ture de Milon, qui se rendait à La-
nuvium, pour un sacrifice , accom-
de sa femme, d'un ami et de
serviteurs Qe rixe animée
M'ir^agea entre s cortèges ;
Clodius, blessé dans !a mêlée, !
MIL
fûgia dans une hôtellerie voisine :
Milon donna l'ordre à ses gens de l'y
forcer et de Le tuer ; ce qui fui
euté. Deux jours après , Sextus Clo-
dius , parent du mort , souleva là
populace par le spectacle du cadavre
exposé au Forum. Une multitude sé-
ditieuse voulut porter dans la maison
de Milon , les torches dont elle avait
incendié la salle du sénat et la basi
lique Porcienne • mais elle le trouva
sur ses gardes, et futrepousséeavec
vigueur. Cependant Pompée, investi
seul du consulat pour rétablir le
calme, fit informer sur le meurtre
de Clodius. Brutus répandit un dis-
cours où il préconisait ouvertement
cctteaction.Cicéron, qui avait adopté
un langage moins hasardeux , se pré-
senta devant les juges pour défendre
la cause de Milon ; mais l'appareil
militaire déployé par Pompé
encore plus les clameurs delà popu-
lace , paralysèrent son éloquence.
Sur cinquante-un juges , douze seule-
ment conclurent , avec Caton , à l'ab-
solution de l'accusé : il se rendit en
exil à Marseille. Ses biens furent
vendus pour payer ses dettes, mon-
tant à un million ; et Ciccron en
acheta une partie pour la lui con-
server. Ce grand orateur ayant re-
trouvé dans la retraite les inspira-
tions qui lui avaient manqué dans le
moment décisif, envoya une nou-
velle rédaction de son plaidoyer
( celle que nous avons ) , à son ma-
gnanime ami. Celui-ci lui répondit
avec gaîté : « Je m'estime heureux
» que tant d'éloquence n'ait point
» agi sur mes juges : si vous aviez
» parlé ainsi d'abord, je ne m
•» rais pas ici d'aussi bons pois
L'exil commençait, néanmoins à pe-
Milotl , lorsqu'il ïut rappelé
par !>• pre'teur Cœlius , l'an de Home
no5 ( 49 avant J.-C): ili turent
58 MIL
tues l'un et l'autre , eu voulant exci-
ter une sédition en faveur de Pom-
pée. F — T.
MILON , comte de Vérone, au
dixième siècle, était élève , arai et
confident de l'empereur Bérenger:
il vengea, en 924» [a mort de ce
monarque sur son assassin flambert,
et il s'efforça de bonne heure de faire
secouer à l'Italie le joug de Hugues ,
qui rc'gna ensuite. Il appela , en g34?
Arnolphe , duc de Bavière, en Italie j
et en q45 , il ouvrit sa ville de Vérone
à Bérenger II : par-là il contribua
plus qu'aucun autre à placer sur le
trône d'Italie ce nouveau prince ,
petit-fils de son bienfaiteur. S. S-i.
MILTIADE ( Saint ) ou MEL-
CH1 ADE, pipe et successeur de saint
Eusèbe, fut élu le i\ juillet 3n. Il
était Africain de naissance, et fort
considéré pour ses vertus et ses ta-
lents. Maxence était toujours en pos-
session d'un grand pouvoir. Il avait,
à la vérité, fait cesser les persécutions
religieuses : mais ses débauches por-
tées au plus haut degré de violence
contre toutes les personnes du sexe ,
remplissaient Rome de terreur , et
ses nombreuses victimesdemandaient
vengeance. Ces désordres durèrent
jusqu'à ce qu'il fût vaincu , en 3i2 ,
par Constantin , qui entra triom-
phant dans Rome, y rétablit la paix,
en érigeant , au milieu de la ville ? le
trophée de la croix, qui avait été
l'instrument de sa victoire et de sa
conversion au christianisme. Mil-
tiade présida , en 3 13 , le concile de
Rome, contre le schisme des dona-
tistes ( V. Dois at , XI , 53q ), où
Cécilien, accusé par Donat des Cases-
Noires, fut justifié, et confirmé dans
Tévêché de Carthage. Milliade mou-
rut, le 10 janvier 3i4 , après deux
ans et demi de pontificat. Saint Au-
gustin en fait les plus grands élo-
MIL
ges. Miltiade eut pour successeur
saint Sylvestre Ier. D — s.
MILTIADE , l'undes plus illustres
capitaines athéniens, florissait dans
le cinquième siècle avant J.-C. Il fut
désigné par l'oracle de Delphes pour
commander l'expédition envoyée
dans la Chersonnèse; elle eut tout le
succès que l'oracle avait prédit. Mil-
tiade, après avoir chassé les Thraces,
partagea les terres entre ses soldats ,
et les enrichit des dépouilles de leurs
ennemis. Sa douceur , sa modestie et
surtout son amour pour la justice, le
firent chérir des nouveaux colons ,
parmi lesquels il exerçait l'autorité
d'un roi , sans en avoir le titre. Il
accrut encore la puissance des Athé-
niens , en leur soumettant Lemnos et
les autres îles Cyclades. Darius , roi
de Perse , ayant résolu de porter la
guerre chez les Scythes, fit construire
surl'Ister (le Danube) un pont, dont
il confia la garde à Miltiade et à
quelques autres généraux grecs , qu'il
croyait s'attacher par ses bienfaits:
mais Miltiade ne voyait dans Darius
que l'ennemi des Grecs ; et ayant
appris que les Perses avaient été mis
en déroute , il proposa à ses collè-
gues de couper le pont pour leur ôter
tout moyen de retraite. Cet avis ne
prévalut point j et il revint à Athè-
nes. Cependant Darius , à peine de
retour en Asie, se décida , par le con-
seil de ses courtisans , à tenter de
soumettre la Grèce ; et , en consé-
quence , il équipa une flotte nom-
breuse, dont il remit le commande-
ment à Datis et Artapherne, deux
de ses lieutenants. Datis arriva sur
les côtes dcl'Eubée,et, ayant péné-
tré dans l' Altique , à la tête de deux
cent mille hommes , vint camper
dans la plaine de Marathon. L'ap-
proche d'une armée aussi formida-
ble jeta l'effroi dans l'ame des Athé-
MIL
niens. Cependant déterminés à se
défendre jusqu'à la dernière extré-
mité , ils partagèrent leur petite ar-
mée en dix corps , commandés par
autant de généraux , qui reconnais-
saient un chef unique dont le pou-
voir ne durait qu'un jour. C était
une précaution contre les desseins am-
bitieux des généraux; mais, dans la
circonstance , elle pouvait amener la
ruine d'Athènes. Le sage Aristide,
l'un des dix chefs , ayant cédé son
autorité à Milliade , cet exemple fut
suivi par ses collègues; et Milliade
se trouva seul chargé du comman-
dement. Il décida qu'au lieu d'atten-
dre l'ennemi dans les remparts , on
devait marcher à sa rencontre ; et
ayant, par ses discours , ranimé le
courage de ses soldats, il les con-
duisit à la vue du camp des Perses ,
choisit une position favorable , et
s'occupa de s'y retrancher. Cepen-
dant Datis , jugeant qu'il était de
son intérêt d'attaquer les Athéniens
avant qu'ils eussent: reçu les secours
qu'ils attendaient des Spartiates, se
hâta d'engager le combat. Les Grecs
accablés d'abord par le nombre, re-
poussèrent ensuite les Perses, avec
une telle perte, que ceux-ci furent
obligés de regagner leurs vaisseaux.
La journée do Marathon ( l'an 4o°
avant J.-C. ) sauva la Grèce ; et le
modeste vainqueur fut récompensé
par un décret qui ordonnait que son
lit sérail placé le premier dans
le tableau destiné à perpétuer le sou-
a enir de celte victoire , l'une des plus
tantes dont l'histoire fasse men-
tion. Miltiade eut le commande
de l.i flotte destinée à châtier les îles
qui s'étaient déclaras en faveur des
il plusieurs par
la pç] - 1 mit le siège devant
la ville d. ; moment où la
place se di ii|er; le feu
MIL 5§
prit par hasard à un bois voisin ,
et les assiégés , persuadés que la
flamme qu'ils apercevaient était un
signal de la flotte des Perses, refu-
sèrent d'ouvrir leurs portes; Mil-
tiade, craignant lui-même d'être sur-
pris , leva le siège , et revint à Athè-
nes. Accusé de trahison par ses in-
grats concitoyens , et ne pouvant
paraître devant le tribunal , à cause
d'une blessure qu'il avait reçue au
siège de Paros, il chargea Tisagoras ,
son frère , du soin de sa défense. La
calomnie obtint ici un nouveau triom-
phe; et Miltiade ne pouvant payer,
sur-le-champ , l'amende de cinquante
talents , à laquelle il avait été con-
damné , fut jeté dans une prison où ,
suivant quelques auteurs , il mourut,
au bout de peu de jours, de cha-
grin, et des suites de sa blessure, l'an
189 avant J.-C. Ce qu'on a dit de la
pauvreté de Milliade, est une fable
qui ne peut pas soutenir le moindre
examen : il était d'une des familles
les plus riches d'Athènes ; et sou
administration dans la Chersonnèse
ne l'avait pas apauvri. Il avait épousé
la fille d'Olorus , petit roi de la
Thrace, qui lui avait apporté une
dot considérable ; il en eut un (ils
nommé Cimon, l'un des plus grandi
capitaines de la Grèce ( fr. Cimon ,
VIII, 56i). La veuve de Miltiade
eut, d'un second mariage, un (ils,
qui fut le père de l'historien Thu-
cydide. La vie de Miltiade est la
première du recueil de Cornélius
Ncpos. W — s.
MILTON, grand poète anglais,
naquit à Londres, le 9 décembre
1608. Son père, homme instruit ,
passionné pour les arts , ayant même
un talent distingué pour la musique,
lit dans cette \ ille la profes-
sion de notaire. Le jeune Mil ion
recul l'éducation la plus savante; et,
MIL
dès Page de douze ans, son applica-
tion à l'étude, et ses veilles prolon-
gées avaient commence d'affaiblir
.sa vue. Il suivit avec éclat les cours
de l'université de Cambridge : l'ima-
gination de l'auteur >iu Paradis per-
du s'annonçait par des poésies lati-
ires , ou l'on ne peut méconnaître une
élégance et une douceur bien rares
parmi les latinistes du Nord. Mais
son humeur altière lui attira quel-
ques inimitiés, qui l'éloignèrent de
Cambridge , après cinq ans de séjour.
Le ministère ecclésiastique avait été
sa première vocation : il y renonça
sans retour, incapable de plier sou
esprit sous le joug de l'église établie,
et voulant garder l'indépendance de
sa foi. A l'âge de vingt-quatre ans ,
revenu près de son père , qui s'était
retiré à la campagne, Milton passa
plusieurs années dans l'ardeur de
l'étude , et embrassa presque toutes
les connaissances humaines, antiqui-
tés , langues modernes, histoire,
philosophie , mathématiques. La
poésie latine , qu'il aima et cultiva
toujours, et la poésie anglaise, qu'il
devait embellir d'une gloire nouvelle,
servaient seules de diversion à ses
travaux. C'est à cette époque , sans
doute , qu'il faut reporter la compo-
sition de quelques pièces que Milton
publia plus tard, et qui sont pour peu
de chose dans sa renommée. Elles
indiquent seulement ses fortes études,
et le goût profond de l'antiquité qui
se mêlait à son génie original , et qui
semble quelquefois le ralentir sous
le poids de l'érudition et des souve-
nirs. Ses vers latins ont beaucoup
de correction et d'harmonie : ses
vers anglais , qu'il n'osait pas encore
affranchir du joug de la rime, sen-
tent l'elfoit et la contrainte. On a
beaucoup vanté, parmi ses premiers
essais , Y Allegro et le Penseroso ?
MIL
deux pièces où ne se trouve pas le
contraste que promet l'opposition de
leurs titres. Le génie de Milton sem-
blait dès-lors ami des idées tristes et
élevées ; et le Cornus , espèce de co-
médie-féerie qu'il fit à cette époque ,
à l'imitation des Italiens , présente
plus de bizarrerie que de gaîté. Après
plusieurs années passées dans l'étude
et la retraite , Milton, qui venait de
perdre sa mère, partit pour un voya-
ge en Italie. II passa parla France ,
dont il connaissait la littérature, en-
core peu formée à cette époque, et se
rendit à Florence, où il eut plusieurs
fois occasion de voir le grand Gali-
lée dans sa prison. Le beau ciel de
l'Italie , le spectacle de cette contrée
poétique, toute pleine des monu-
ments des arts , et toute retentissante
de la gloire du Tasse, charmaient
l'imagination du jeune Anglais. Mil-
ton visita Rome, où la hardiesse de
ses discours sur les questions reli-
gieuses donna quelque sujet d'in-
quiétude à ses amis. Il fut cependant
très-favorablement accueilli par le
cardinal Barberini; et admis à ses
concerts , où il entendit Léonorâ ,
mu icienne fameuse , dont il a célé-
bré la voix et la beauté , dans quel-
ques vers anglais, et dans un sonnet
italien. Familiarisé dès - long-temps
avec la littérature du midi , Milton
avait composé, dans le pur toscan ,
des vers qu'il lut avec succès aux a-
cadémies d'Italie. Mais son ambition
poétique était de polir sa langue ma-
ternelle , et d'être un jour , diins
cette langue, l'interprète des pen-
sées de ses concitoyens. Il était des-
lors tourmenté de l'espérance d'é-
lever quelque grand monument à la
gloire de son pays. A Naples , il for-
tifia cette pensée par les entretiens
qu'il eut avec le marquis de Villa ,
( V Manso ) vieillard ingénieux et en
MIL
thousiaste, qui avait connu et beau-
coup aimé le Tasse , et qui par-
lait de lui avec cette abondance de
souvenirs et de précieux détails que
laisse dans la mémoire l'intimité
d'un homme illustre et malheureux.
Milton se sentait inspiré en écoutant
l'ami du Tasse. Il lui disait, dans des
vers latins dignes du siècle d'Augus-
te : « Vieillard aimé des dieux, il
;> faut que Jupiter ait protégé ton
» berceau , et que Phœbus l'ait éclai-
» ré de sa douce lumière; car il n'y
» a que le mortel aimé des dieux
» dès sa naissance, qui puisse avoir
» eu le bonheur de secourir un grand
» poète. ». Milton souhaitait pour
lui-même un tel ami , un tel défen-
de sa gloire , un aussi religieux
dépositaire de sa cendre ; et il se
promettait à ce prix de chanter un
jour les antiquités nationales de l'An-
gleterre , les exploits du roi Arthur,
et les héros de la chevalerie. Milton
avait formé à Naples le dessein de
parcourir la Sicile et la Grèce, lors-
que le premier bruit des troubles de
l'Angleterre, en flattant une passion
de liberté qui n'était pas moins forte
en lui que celle des vers, le rappela
dans son pays, qu'il voulait servir. Il
quitta lentement l'Italie , en passant
])ir Rome , Florence , Venise et Mi-
lan. D'après une anecdote rapportée
par Voltaire, c'est dans cette der-
nière ville que Milton, ayant assiste'
par hasard à la représentation du
chaîne italien d'un certain Andreini
sur la chute du premier homme, vit
la grandeur d'un tel sujet, et conçut
le plan de son poème. L'amour-pro-
pre anglais a repousse' cette origine;
et le docteur Johnson a vivement
contre lire. Cependant l'anec-
dote est vraisemblable: le drame
cité existe ; et même, ce que n'a pas
dit Voltaire, la seconde scène du
mil
6
premier acte est un monologue de
Lucifer apercevant la lumière du
jour: et l'on ne peut nier que le mou-
vement et les pensées de ce morceau
ne soient un faible crayon de la su-
blime apostrophe de Satan au soleil.
Mais , qu'importent ces premières,
traces d'imitation effacées par l'en-
thousiasme du poète , et perdues
dans sa richesse ? Au reste, un motif
naturel de croire que Milton rappor-
ta d'Italie quelques pressentiments,
quelques ébauches de sa grande pen-
sée, c'est que l'on retrouve cette pen-
sée dans les écrits qu'il fit paraître
à son retour sur des sujets peu faits
pour y préparer son esprit. En ef-
fet , Milton , revenu à Londres , dans
l'année iG.\o, au milieu des premiers
frémissements de la révolution et
des attaques violentes dirigées contre
l'épiscopat , se jeta d'abord dans ces
querelles où l'esprit républicain se
cachait sous l'argumentation théolo-
gique. Il dirigeait en même temps l'é-
ducation de plusieurs jeunes gens ,
parmi lesquels étaient ses deux ne-
veux; 'circonstance qui a produit
beaucoup de débats entre ses pané-
gyristes et ses détracteurs , sur la
question de savoir s'il avait été maî-
tre-d'école. Paraissant uniquement
occupé de ces soins obscurs , et d'une
polémique qui nel'était guère moins ,
il publia un écrit sur l'épiscopat, un
autre sur le gouvernement de V E-
glise, un traité de la réforniation ec-
clésiastique. Mais au milieu de cette
controverse hérissée, on aperçoit
que, sous la ferveur de parti dont
Milton est obsédé , il nourrit une au-
tre pensée, un autre enthousiasme. A
travers les syllogismes de l'argumen-
tation puritaine, il annonce qu on en?
tendra quelque jour un homme qui,
dans un n i lune sublime et nouveau ,
chantera las miséricordes et les juge-
vients du Seigneur; puis , se livrant
à une digres ion toute poétique, il
rappelle les noms d'Homère , de Vir-
gile , du Tasse ; il annonce que la
religion peut inspirer quelque chose
de plus grand que leurs poèmes ; il
parle d'une dette qu'il lui reste à ac-
quitter envers elle , par un ouvrage
inspire de l'Esprit saint. Enfin, jetant
un triste regard sur les querelles où
il s'engage , il regrette de quitter sa
douce et agréable solitude nourrie
d'heureuses pensées , pour s'embar-
quer sur une mer turbulente , empor-
te loin de la brillante image delà
vérité qu'il aimait à contempler dans
l'atmosphère paisible et pure de ses
études chéries. Les égarements où
fut entraîné M il ton , rendent ce re-
gret plus juste et plus amer. L'en-
thousiasme de la liberté, une sorte
de candeur et de violence , l'igno-
rance des hommes et de la vie ordi-
naire, l'illusion continuelle d'un es-
prit qui ne voit que ses propres pen-
sées , tout ce qui, dans Miilon, pré-
parait un génie original, le dispo-
sait aux plus coupables erreurs , et
le livrait en proie à la contagion des
fanatiques et à l'ascendant des am-
bitieux qui bientôt mirent en feu
l'Angleterre. Au milieu de ces con-
troverses , Miilon avait contracté un
mariage qui servit de texte à de nou-
veaux écrits de sa part. Sa femme,
née dans une famille attachée au
roi , le quitta par haine de ses 0-
pinions. Milton publia successive-
ment quatre dissertations violentes
pour prouver la justice et la néces-
sité du divorce 5 et blâmé par les
presbytériens, dont il avait jusque-là
suivi d'assez près les maximes , il se
jeta dans le parti des indépendants ,
et redoubla de haine contre tous les
pouvoirs religieux et civils. Cette
arne altièrc était pourtant ouverte à
MIL
de plus douces émotions. Dans le
malheur de la cause royale , sa fem-
me ayant essayé de se rapprocher
de lui , une entrevue ménagée par
quelques amis ranima toute sa ten-
dresse. Il reçut même , dans sa mai-
son, la famille entière de sa femme ,
menacée par les proscriptions du
parti vainqueur , et lui prodigua les
soins les plus généreux. Cependant
la défaite de la cause royale, et la
captivité de Charles , amenaient le
grand crime qui a souillé la liberté
anglaise. Le long parlement , si ani-
mé contre le monarque , mais ca-
pable d'un reste de justice et d'hu-
manité , venait d'être violemment
épuré par les soldats de Cromvvcll ;
et quelques hommes furieux ou avi-
lis allaient juger leur roi. sous les
yeux du despote qui se faisait un
marche-pied de son échafaud. Milton
ne fut point mêlé à cette scène d'hor-
reur. Ami passionné de l'indépen-
dance , il avait publié , sous le nom
d' Areopageiica , un écrit plein de
force en faveur de la liberté de la
presse , que déjà Cromweil oppri-
mait, parce que celte liberté s'élevait
en faveur du roi. Milton s'était. abs-
tenu de mettre au jour, avant la fatale
sentence , un autre écrit sur la res-
ponsabilité des magistrats et des rois,
où respirent toutes les fureurs du
puritanisme. Il paraît qu'un grand
projet d'étude l'occupait alors , et
qu'il avait entrepris d'écrire une his-
toire d'Angleterre. Mais ses talents
et l'ardeur de ses opinions l'ayant
désigné au choix de Cromweil , déjà
tout-puissant , il fut nommé, près le
conseil -d'état , secrétaire-interprète
pour la langue latine. Cromweil, par
une 'sorte de politique altière qu'il
appliquait à tout , voulait faire de
cette langue le seul mode de commu-
nication avec les puissances étrau-
MIL
gères. Milton fut jeté , plus que ja-
mais , dans les passions des indé-
pendants ; et , en partageant leur fa-
natisme, il s'égara jusqu'à justifier
crimes. Un livre attribue à
Charles I*r. , et publie sous le titre
de Portrait du roi ( i), avait redou-
blé l'indignation pubiiq::e contre le
parlement et le tribunal régicide.
Milton y répondit par une diatribe
injurieuse. INous l'avons dit ailleurs:
« Ces attaques contre un roi qui n'é-
» tait plus , ces poursuites au-delà du
» jugement iltes au-delà de
» l'échafaud , avaient quelque chose
t> d'abject et de féroce, que l'éblouis-
» sèment du faux zèle radiai! à l'ame
» enthousiaste de Milton. » On a
souvent parle du scandale à-la-fois
odieux et bizarre de son débat contre
Saumaise , qui avait publie, pour dé-
fendre la mémoire de Charles , un
livre peu digne d'une cai.se si belle
et d'une si grande infortune. La ré-
ponse de Milton est hérissée d'une
sauvage érudition. C'est le génie pé-
dantesque du seizième siècle , en-
flammé d'un implacable fanatisme
de liberté , et mêlant les noms de
Brulus , de Samuel et de Judith pour
justifier le crime de Cromwell et de
Bradshaw. Milton était presque aveu-
gle lorsqu'il commença cet ouvrage j
et il se glorifiait de perdre la vue
en achevant celle œuvre odieuse
qu'il croyait patriotique. Aigri par
les haines qu'il avait méritées, il
fil paraître , en i654 -, une nou-
velle Défense du peuple anglais.
C'était le titre qu il donnait à i apo-
logie de quelques hommes , tyrans de
l'Angleterre, et désavoués par elle;
enfin, il mil au joui- sa propre dé-
fense {Defensio autoris , et l'on
doit avouer que , s'il s'était emporté,
(i) Eikvn êasibkt.
MIL
(53
dans ses attaques , à des violences
odieuses, il se défend avec calme et
dignité. En réponse à ses adver
qui lui avaient appliqué le vers de
Virgile:
Monstrum fwrrendum , informe , ingens , cui lumen
adeinptum f
il donne une espèce de description
de sa vie, et même de sa personne.
On voit , par ce récit, que les bas-
sesses de l'intérêt ne se mêlèrent ja-
mais aux passions politiques de Mil-
t . .i. Fanatique de bonne-foi, il avait
sacrifié sa médiocre fortune en dons
patriotiques, pour la cause du par-
lement. Au républicanisme théolo-
gique de son siècle , il joignait d'au-
tres illusions puisées dans ses études
chéries, et dans l'admiration de !a
belle antiquité. La scolastique violen-
te des puritains, la dictature du long
parlement, lui semblaient une imi-
tation de l'éloquence et de la liberté
romaine. Son imagination rêvait l'af-
franchissement de la Grèce paT les
armes de la république d'Angleterre.
Il se livre surtout à cette espérance
dans une lettre qu'il adresse à Phi-
laras, savant Athénien, qui voya-
geait alors en Europe , fuyant la
honte de son pays et la tyrannie des
Turcs. Milton, qui, toujours pré-
occupé de l'antiquité littéraire , se
regardait lui-même, en acceptant les
I dts du parlement, comme un
Grec nourri dans le Prylanéc pour
prix de ses services, aurait voulu
inspirer aux Anglais la pensée d'aller
secourir la véritable Athènes , et de
incr dans ses murs la liberté , la
gloire et les arts. Mais Milton devait
avoir peu de crédit sur les conseils
de Cromwell •> et cet habile usurpa-
teur trouvait, sans doute, plu
cile el plus sur de s'emparer de la
Jamaïque. Après l'expulsion du long
C>\ Mit
parlement , Miltou , comme beau-
coup d'autres indépendants , con-
serva , près de Cromwell, l'emploi
qu'il avait occupe sous la républi-
que ; et , ce fougueux républicain
se trouva le secrétaire d'un tyran.
Le protectorat e'tait établi lorsque
Miltou publia sa seconde Défense
du peuple anglais. Déjà l'on pouvait
juger que cette liberté , dont il
voulait faire l'excuse ou le dé-
dommagement de tontes les violen-
ces , se terminait au despotisme. 11
n'en célèbre pas avec moins d'en-
thousiasme le destructeur du trône
et des libertés de l'Angleterre. On
peut croire que cette imagination
ardente, mystique, élevée, étran-
gère au monde , fut frappée des
exploits audacieux de Cromwell , et
dupe de son hypocrisie. L'homme
extraordinaire, qui faisait de gran-
des choses et de grands crimes, tou-
jours au nom de Dieu ; qui appuyait
sur ses victoires le mensonge de sa
mission; qui jeûnait , priait, pleu-
rait devant le peuple ; qui avait tou-
jours à la bouche l'Evangile et la
gloire de l'Angleterre; qui, despote
dans son pays , humiliait les rois
étrangers avec une fierté toute répu-
blicaine : ce fourbe , d'une conduite
si haute et si ferme; cet imposteur
qui paraissait si convaincu; ce Ma-
homet du nord et de la scolastique ;
ce génie puissant et inégal , mêlant
tous les contrastes de grandeur et
de trivialité , de raison hardie et de
singularité fantasque ; Gro m weîl , en-
fin, par tous les accidents de sa for-
tunée! deson caractère, étaitunhcïos
assorti , pour ainsi dire , à l'imagina-
tion sublime et bizarre de Miltou. Il
devait à-la-fois l'inspirer et le do-
miner. On peut, au reste, remarquer
une sorte de candeur et de courage
dans les flatteries que Milton adres-
MÎL
se à Cromwell tout-puissant : « Res-
pecte , lui disait-il, l'attente qu'on a
fondée sur toi; respecte la présence
et les cicatrices de tant d'hommes
courageux, qui, sous tes ordres, ont
'combattu pour la liberté; respecte
les mânes de ceux qui ont péri; res-
pecte l'opinion des autres peuples ,
et les grandes idées qu'ils se forment
de cette république, que nous avons
si glorieusement élevée, et qu'il se-
rait si honteux de voir disparaître. »
En même temps , il le suppliait de l'é-
tablir la liberté de la presse: mais ,
le jour même où cet écrit fut pré-
senté au protecteur dans son palais
de Windsor , un des amis les plus
chers de Milton, et l'un des répu-
blicains les plus désintéressés, A ver-
ton, était conduit à la Tour; et les
républicains pouvaient apprendre
quel maître ils s'étaient donné. Mil-
ton vécut dans l'exercice obscur de
son emploi: l'infirmité qui le privait
de la vue, l'éloignait du monde;
son mérite était peu connu : son génie
poétique n'était point soupçonné de
Cromwell et de ses confidents ; cl i"
ne les aurait guère intéressés. A l'oc-
casion du traité de commerce entre
la Suède et l'Angleterre , White-
locke , négociateur de Cromwell
auprès de cette puissance, parle
dans ses Mémoires d'un certain Mil-
ton, qui, chargé de traduire ce traité,
avançait fort lentement , parce qu'il
était vieux et aveugle. Whitelocke
était un politique habile , un des pre-
miers conseillers de Cromwell: il se
croyait sans doute fort supérieur au
vieux secrétaire aveu "le qu'il désigne
• i i
si légèrement; et cependant White-
locke, et tous les négociateurs, tous
les conseillers , tous les hommes
importants de cette époque , ont
laissé bien peu de souvenirs, tandis
que la gloire de Milton remplit le
MIL
monde : mais parmi ses contempo-
rains, haï des uns, dédaigne' des
autres , il portait doublement la
peine des services où il avait abaisse
son génie. Après la perle de sa pre-
mière femme, qui lui laissa trois
filles, Milton avait épouse une per-
sonne jeune et belle, qui mourut la
seconde année de son mariage , et
dont il a célèbre la mémoire, dans
quelques* vers d'une admirable dou-
ceur. Prive d'un appui également né-
cessaire à son cœur et à ses maux, il
Se maria de nouveau à une femme
vertueuse, dont les soins adoucirent
sa vieillesse : alors seulement, et
vers la (in de la dictature de Grom-
well , il paraît qu'il commença son
poème; et, par un mélange assez bi-
zarre , il travaillait en même temps
à la composition d'un dictionnaire
latin et à une histoire d'Angleterre.
Mais la mort du Protecteur vint le
distraire. Son aine , qui n'était gué-
rie d'aucune illusion, s'enflamma de
l'espérance de voir enfin la répu-
blique. Il se hâta de publier un écrit
intitulé : Moyen prompt et facile
d'établir une société libre. Il avait
préparé dans le même sens une lettre
adressée au général Monk; enfin il
s'occupait d'une polémique contre
les abus du clergé : mai* déjà le jeune
Richard, vaine ombre de Cromwell,
avait disparu ; et les parodies répu-
blicaines, essayées dans Westmins-
ter sous la protection de l'armée,
toml aient devant le retour désiré de
Charles II. Un nouveau parlement
avail proclamé le roi, et se chargeait
lui-même d'étendre sa sévérité sur
les hommes qui s'étaient le plus signa-
lés par leurs attentats et leur animo-
silé contre le trône, La courte durée
de la révolution, en rapprochant
toutes lesscènesde cedrame terrible,
eten nelaissant vieillir aucune injure,
XXIX.
MIL j65
donnait plus de vivacité à toutes les
haines et à tous les désirs de puni-
tion et de vengeance. Les insultes si
odieuses et encore si récentes que
Milton avait proférées contre la
royauté; son enthousiasme pour une
liberté devenue sanguinaire , ses en-
gagements dans le parti de Crom-
well , son apologie du régicide , ap-
pelaient sur lui les regards du parle-
ment. Il fut arrêté , le 1 3 septembre ,
par ordre c\ tra ordinaire de la cham-
bre des communes ; mais on voit ,
par les registres , que la chambre
le fit mettre en liberté deux mois
après. On a expliqué l'issue prompte
et favorable de cette poursuite , par
une anecdote touchante , et qui mé-
rite d'être vraie. Da venant, poète
ingénieux, qui avait servi dans l'ar-
mée royale , étant tombé au pouvoir
du parlement, en iOjo, courait
risque de la vie. Milton , puissant
alors , obtint qu'il ne serait pas jugé,
et le fit sortir de prison. Da venant,
par son crédit à la cour de Charles
II, rendit la pareille à Milton, et,
par sa généreuse influence, prépara,
dit-on, la décision de la chambre.
Milton, libre et oublié, poursuivit
avec ardeur la composition de son
sublime ouvrage. Il avait alors cin-
quante-six ans. Il était aveugle, et
tourmenté de la goutte. Une Aie
étroite et pauvre , de nombreux en-
nemis, le sentiment amer de ses il-
lusions démenties , le poids humi-
liant de la disgrâce publique, la
tristesse de l'aine et les souffrances
du corps , tout accablait Milton ;
mais un génie sublime habitait en
lui. Dans ses journées rarement in-
terrompues, dans les longues veilles
de ses nuits, il méditait des vers sur
un sujet depuis si long-temps dé]
dans son aine, et qu'avaient m un ,
pour ainsi dire, tous les événement!
56 MIL
et toutes les passions de sa vie. Sé-
pare de la terre parla perte du jour
et par la haine des hommes , il n'ap-
partenait plus qu'à ce monde mysté-
rieux dont il racontaitles merveilles.
Il vivait en lui-même , dans le vaste
champ de sa pensée et de ses souve-
nirs. Les fureurs du fanatisme , l'en-
thousiasme de la révolte , les tristes
joies des partis vainqueurs , les hai-
nes profondes de la guerre civile ,
avaient de toutes parts assailli et
exerce' son génie. Les chaires des
églises d'Angleterre , les salles de
Westminster, toutes pleines de sédi-
tions et de bruyantes menaces , lui
avaient fait entendre ce cri de guerre
contre la puissance, qu'il aimait a
répéter dans ses chants , et dont il
armait l'enfer contre la monarchie
du ciel, l^a religion indépendante
des puritains , leurs extases mysti-
ques, leur ardente piété sans foi po-
sitive, leurs interprétations arbitrai-
res de l'Écriture, avaient achevé'
d'ôter tout frein à son imagination ,
et lui donnaient quelque chose d'im-
pétueux et d'illimité comme les rêves
du fanatisme. A tant de sources d'o-
riginalité , il faut joindre cette fé-
conde imitation delà poésie antique,
qui nourrissait la verve de Hilton.
Homère, après la Bible, avait tou-
jours été sa première lecture,* il le
savait presque par cœur , et l'étudiait
sans cesse. Aveugle et solitaire , ses
heures étaient partagées entre la
composition poétique et le ressou-
venir toujours entretenu des grandes
beautés d'Isaïe, d'Homère, de Pla-
ton , d'Euripide. 11 avait fait ap-
prendre à ses filles à lire le grec et
l'hébreu; et l'on sait que l'une d'el-
les, long-temps après, récitait de mé-
moire dés vers d'Homère qu'elle avait
ainsi retenus sans les comprendre.
Chaque jour Milton, en se levant, se
MIL
faisait lire ira chapitre de la Bibîe
hébraïque ; puis il travaillait à son
poème, dont il dictait les vers à sa
femme , ou quelquefois à un ami, à
un étranger qui le visitait. La mu-
sique était une de ses distractions ;
il touchait de l'orgue , et chantait
avec goût. Au milieu de cette vie sim-
ple et occupe^, le Paradis perdu , si
long-temps médité, s'acheva promp-
te meut. A i 'époque de la peste de
i6o5 , Milton , qui avait quitté Lon-
dres, lit voir à Elwood, jeune qua-
ker , son admirateur et son ami , une
copie complète de son ouvrage, qui
était alors partagé en dix chants.
Deux ans après, il le vendit pour
trente livres sterling , payables à des
conditions qui indiquaient la dé-
fiance de l'éditeur. Le manuscrit du
poème , soumis à l'épreuve d'une cen-
sure minutieusement tyrannique,n'en
sortit pas sans difficulté. Un docteur
Tomkyns, chargé de cet examen, vou-
laitabsolurnent supprimer le passage
admirable et tout poétique où Mil-
ton, faisant allusion à une croyance
superstitieuse de l'antiquité , compa-
re la splendeur obscurcie de Satan
à V éclipse du soleil qui jette un si-
nistre crépuscule sur une moitié de
la terre , et trouble les monarques
de la crainte des révolutions. Enfin
l'ouvrage parut; et ce poème, deve-
nu l'orgueil de l'Angleterre , n'obtint
d'abord aucun succès. Le nom de
l'auteur lui était défavorable. Le sujet
qu'il avait choisi, attirait peu l'atten-
tion. Les amis du trône et des lois
repoussaient le défenseur fanatique
du régicide. Les hommes voluptueux
et légers qui peuplaient la cour de
Charles, les beautés célèbres amusées
par les vers galants ou satiriques des
Rochester et des Waller, et par les
comédies licencieuses de Wicli
ne pouvaient éprouver que du de
MIL
et de l'ennui pour un sujet si grati
et un poème si triste. Le frivole
athéisme, qui avait succède aux fu-
reurs des puritains , l'élégante cor-
ruption qui était alors une mode et
presque un devoir, jetaient une sorte
de dérision sur des chants religieux ;
et le poète avait contre lui les pré-
ventions du vice comme celles de la
vertu. Samuel Johnson , d'ailleurs
sévère pour Milton, a voulu prouver
qu'on avait exagéré la froideur de
i "accueil que reçut le Paradis perdu :
il allègue le suffrage de Drydcn , qui
s'en déclara l'admirateur ; mais , en
dépit de ce suffrage , le génie de Mil-
ton fut méconnu par le public , et son
poème resta sans lecteurs. Mil ion
poursuivit ses travaux , et publia ,
quelques années après , un abrégé
de F histoire d! Angleterre , remar-
quable par la simplicité; et la tra-
gédie de Samson , mêlée de chœurs,
à l'imitation de l'antiquité. On sent
dans cette pièce que le poète aveugle
et malheureux se met involontaire-
ment à la place de son héros, et
souffre de toutes les douleurs qu'il
exprime. C'est lui-même qu'il repré-
sente captif, pauvre, aveugle, et jouet
de ses ennemis. Milton avait eu la
pensée de mettre en tragédies un
grand nombre de traits de l'histoire
sainte. La tragédie de Samson fait
peu regretter qu'il n'ait pas suivi ce
dessein : elle manque à -la -fois de
régularité et de mouvement dramati-
que. C'est une longue déclamation,
ou brillent quelques éclairs de génie,
lie ne reparaît plus dans le
Paradis reconquis, poème en qua-
tre (liants , que Milton composa
comme une suite à son grand ou-
vrage, et qui tomba d'abord dans
l'oubli profond où il est resté. Milton
revint alors à ses travaux d'érudition
et à sa passion puiir la controverse.
MIL G7
L'année qui précéda sa mort, il pu-
blia une logique nouvelle d'après la
méthode de Kamus , et un traiîé sur
la vraie religioji , l'hérésie, la to-
lérance et sur les moyens de préve-
nir les progrès du papisme. Ainsi
cette passion de controverse qui avait
possédé sa jeunesse , le suivit jusqu'à
sa dernière heure ; et, ce qu'il y a de
plus sublime dans l'enthousiasme et
de plus gracieux dans l'amour , sa
peinture du Ciel et de PEden, semble
luire comme un rayon passager sur
cette vie toute plongée dans les noirs
débats de la scolastique et de la guerre
civile. Milton, dans la dernière année
de sa vie , réunit et publia quelques
poèmes de sa jeunesse, et quelques
lettres écrites en latin. Il mourut le
10 novembre 1674 > a l'âge de 65
ans. Cette année, parut une seconde
édition du Paradis perdu, avec quel-
ques changements laissés par l'au-
teur , et une division nouvelle en
douze livres. L'ouvrage fut imprime'
de nouveau en 1678, et commença
dès-lors à devenir plus populaire; il
trouva quelques célèbres admira-
teurs. En 1688, on en publia une
nouvelle édition sous les auspices de
Sommers ; et, quelques années après,
Addison prouva méthodiquement ,
dans le Spectateur, ce que beau-
coup de gens commençaient à soup-
çonner, c'est-à-dire que Milton était
un génie auquel d n'avait manqué que
le climat et la langue d'Homère. 11
montra même que les grandes idées
de la religion lui avaient donné une
nouvelle espèce de sublime , qui sou-
vent le place au-dessus de tout paral-
lèle; et il osa dire que, si l'on refusait
rage le nom de poème
que, il faudrait l'appeler un pi
divin. L'Angleterre , si orgueilleuse
de tout ce qu'elle produit , se vanta
de son Milton comm Sfaaks-
fiS
MIL
peare. Cet enthousiasme, justifie par
de ve'ritabLes beautés , ne lit que s'ac-
croître. Un écrivain écossais , Lau-
der , eut la maladresse et la mauvaise
foi d'accuser Milton de plagiat, eu
produisant , à cote de quelques vers
que ce grand poète avait imités du jé-
suite allemand Masenius , d'autres
vers extraits d'une traduction latine
du Paradis perdu ( V . Lauder et
Masen ). L'Angleterre se souleva
d'indignation : le faussaire fut so-
lennellement convaincu ; et l'on ad-
mira plus que jamais le génie ori-
ginal de Mïlton. Il est certain que
Milton , dont l'imagination était
nourrie par une immense lecture , a
jeté dans son poème une foule d'imi-
tations et de souvenirs. De même que
l'on peut remarquer dans Homère
une connaissance singulière de tous
les objets naturels , Milton possédait
au plus haut degré la science des
livres, et il y puise quelquefois sans
réserve et sans goût; mais il n'en
reste pas moins un génie créateur.
Les idées de l'homme sont si peu
variées , que l'originalité n'est pres-
que toujours que l'expression la plus
heureuse et le sentiment le plus vif
de ce qu'ont éprouvé les autres hom-
mes. D'ailleurs , il ne faut pas s'y
tromper, les premières notions, du
sujet choisi par Milton étaient de
son temps une des idées les plus
communes et les plus familières à
tous les esprits. Le puritanisme re-
ligieux et politique en avait fait
un objet perpétuel d'allusions. Les
f)oètes latins, qui s'exerçaient dans
es collèges et dans les cloitres s'y
trouvaient naturellement conduits.
Que Grotius , que Taubmannus ,
aient, avant Milton , pesamment ef-
fleuré quelques parties de son su-
jet, ce sujet n'en est pas moins de-
venu la conquête exclusive du grand
MIL
pbete qui l'a saisi et pénétré tout
entier ; et autant il était avant lui
vulgaire et rebattu , autant il est de-
venu, sous sa main , sublime. et nou-
veau. Ainsi considéré, ce sujet paraî-
tra le plus grand que l'imagina lion
ait eu jamais à choisir : il a pour
premier caractère d'embrasser l'in-
térêt, non pas d'une famille ou d'un
peuple, mais de l'humanité entière;
sorte de grandeur que l'imagination
ne trouve dans aucune autre épopée.
Addison a tort de vouloir admirer
Milton par les règles et l'autorité
d'Aristote. Ce qui constitue le Pa-
radis perdu, c'est précisément le dé-
faut de ressemblance avec tout mo-
dèle connu. Tandis que les autres
poèmes sont fondés sur le mélange
du merveilleux et de l'historique , le
poème de Milton ne sort pas un inti-
ment des vastes limites du merveil-
leux chrétien. Soit que le poète ha-
bite les ténèbres ou la lumière de ce
monde mystérieux, il faut que tout
ce qu'il raconte soit créé par l'ima-
gination , et soutenu par elle. Le
travail de son esprit , dans ce sujet
tout idéal , ressemble à ce qu'il a lui-
même admirablement décrit, au vol
fantastique de Satan à travers les es-
paces du vide. Un essor si périlleux
n'est pas à la vérité sans chute et
sa us écarts. Les défauts du chantre
du Paradis perdu sont grands , et le
lecteur français doit en être plus bles-
sé qu'aucun autre. Ce n'est pas que
Milton présente fréquemment des
traits de ce naturel bas et effréné qui
heurte dans Shakspeare. Sa muse
savante et mystique toucherait plu-
tôt à l'autre extrémité du mauvais
goût. Shakspeare, dans les élans de
son génie, tire parti de son ignorance.
Il invente hors des règles et des faits
qu'il ne sait pas. Il paraît d'autant
plus neuf qu'il est plus inculte. C'est
MÏ:V
au contraire d'un amas de science 1 1
de souvenirs que Milton fait jaillir
son originalité. Il est d'autant plus
neuf que son imagination chargée de
naissances a fermenté par i'étu-
I qu'elle invente au-delà de tou-
tes les pensées humaines qui lui sont
présentes. Mais l'abus est à coté de
cette richesse : des suppositions bi-
zarres et superflues, de fastidieux
détails de géographie, de mytholo-
gie, des subtilités de controverse; ça
< î là d'insipides plaisanteries ; quel-
quefois une foule d'expressions tech-
niques et un défaut absolu de poésie:
voila ce qui obscurcit le génie de
Milton , et diminue le ravissement
qu'inspire d'abord son magnifique
ouvrage. Quoi qu'eu dise l'ingénieux
Addison y l'idée de rapetisser les
démons pour les faire siéger à l'aise
dans une espèce de parlement infer-
nal est une ridicule fiction ; et l'épou-
vantable fiction du péché et de la
mort, renferme plus d'horreur que
de génie. La Mort , qui lève la tête
pour respirer l'odeur des cadavres
futurs, est une atrocité anglaise, sur-
ch irgée de mauvais goût italien. Les
auges révoltés tirant du canon dans
le ciel, Dieu prenant un compas pour
circonscrire l'univers , les diables
changés en serpents pour siffler leur
chef, sont des inventions plus capri-
cieuses que grandes. On ne peut nier
non plus que Milton ne soit médio-
crement inspiré dans le langage qu'il
prête à Dieu , et qu'il ne le fasse
souvent dogmatiser en théologien.
Enfin , et ce défaut paraîtra plus
grave, sou poème, qui n'offre que
deux personnages réels, el qu'un seul
événement humain , ce poème , sou-
tenu à fuir- tombe au dixiè-
me chant, aussitôt après la déso-
béissancedu premier tomme; et les
deux derniers livres ne sont qu'une
MIL
dé lamation fatigante , mêlée de traits
admirables. Peut-être aussi manque-
t-il au poète anglais quelque chose
qui n'a été donné qu'aux heureux
génies de la Grèce et de l'Italie, et
qui ressemble à l'horizon limpide et
pur dont ils étaient environnés.
Peut-être dans ses mains la Ivre hé-
braïque apesantie par les cieux mo-
notones du nord rend-elle des sons
plus tristes et plus sourds. El toute-
fois quels jets de lumière , quelle poé-
sie de l'Orient , brillent à travers ces
nuages , et les colorent d'un éclat cé-
leste ! On a souvent admiré qu'un
poète d'un génie si fier et si sombre
ait excellé dans les peintures gra-
cieuses. Cette alliance des images
douces et terribles n'est pas cepen-
dant particulière à Milton. C'est le
caractère même de l'inspiration poé-
tique : c'est la source de l'intérêt et
delà variété. Depuis Homère jusqu'au
Dante, depuis le Tasse jusqu'à Ra-
cine , l'ame du vrai poète a toujours
mêlé ces tons divers. Mais comme
jamais les contrastes ne furent plus
marqués , jamais l'art du poète n'é-
tonna davantage. Toutefois ce n'est
pas dans la description même de
l'Éden que Milton se montre le plus
admirable. Ses images ne semblent
pas saisies d'original sur le modèle
vivant delà nature, pour être en-
suite élevées par l'imagination jus-
qu'à l'idéal : il décrit d'après les li-
vres. Cette fois, sa mémoire le gène
au lieu de l'enrichir. Le délicieux
Eden est pour lui la vallée d' limita,
témoin des larmes de Proserpinc ; et
les fleurs de la poésie antique e;i font
toute la parure. Mais Adam el Eve,
leur nature fragile et presque divine,
leur amour qui fait une partie de
leur innocence , l'inexprimable nou-
veauté de leurs sentiments et de leur
langage ) cette création til toute au
7o MIL
poète anglais : la muse épique n'avait
rien inventé de semblable. Maigre le
génie de Virgile et les pleurs dont
saint Augustin s'accuse, Didon mou-
n'égale pas ce tableau chasie
et passionne', i /amour conjugal re-
tracé par Homère , n'atteint pas à
cette pureté sublime. Ici la passion
est la verdi même, et la volupté
semble un des biens célestes que
l'homme a perdus. Confident du char-
me prodigieux attaché à de telles
images, Milton a su varier et prolon-
ger les scènes d'un drame si admira-
blement simple. Il ne lui suffit pas
d'avoir montré dans l'éclat de leur
beauté , dans l'innocence de leur
tendresse , ces deux créatures nou-
velles ; il ne lui suffit pas d'avoir
achevé ce tableau de pureté, de gloire
et de bonheur, par le contraste d'un
témoin invisible échappé de l'enfer,
et tout ensemble jaloux et presque
attendri de la félicité qu'il vient
détruire. Après avoir fait succéder
à ces couleurs naïves cl gracieuses ,
les gigantesques images du combat
céleste , et le spectacle sublime de
la création, le poète, dans le récit
que le premier homme fait à l'ange
Raphaël, ramène la peinture d'Adam
et d'Eve, sortant des mains du créa-
teur : il arrête lentement l'imagina-
tion charmée sur ce premier amour
naissant avec la vie; et il semble
recueillir avec un soin religieux tou-
tes les (races du suprême bonheur
qui va disparaître. Ce fatal dénoue-
ment du poème lui inspire encore
des images, non plus animées d'une
grâce majestueuse comme l'inno-
cence , mais embellies d'une grâce
touchante , comme la faiblesse unie
à la beauté. Bien ne surpasse en pa-
thétique la douleurd'Ève coupable, et
le pardon mutuel des deux époux. On
raconte que le poète a consacré dans
MIL
cette scène un trait de sa vie , sa re'-
conciîialion avec sa première fem-
me. Le génie n'est jamais mieux ins-
piré que par les sentiments dont il a
sonffèrt. Milton, d'ailleurs, ne s'in-
terdit pas des allusions plus directes
à lui-même et à ses malheurs : l'in»
vocation à la lumière que ses yeux
ne voient plus ; la prière à Uranie ,
pour qu'elle daigne visiter sa demeu-
re solitaire , et inspirer ses chants
dans la nuit • le morceau , si poéti-
que , où il se représente tombé dans
de mauvais jours, parmi des lan-
gues mauvaises , entouré de périls
et de ténèbres , seul et redoutant le
destin d'Orphée ,• toutes ces digres-
sions forment une des plus grandes
beautés du Paradis perdu , et l'une
de celles qui rapprochent le plus de
notre nature, ce poème trop conti-
nuellement idéal. Ce n'est pas que
dans l'invention des personnages sur-
naturels , Milton n'ait montré une
grande profondeur de génie, et sur-
tout qu'il ne prête à leurs discours
une admirable éloquence, et une vé-
rité relative, telle que l'imagination
peut la concevoir. Satan est un des
chefs-d'œuvre de l'invention poéti-
que. Ce réveil de l'orgueil foudroyé,
ce désespoir incapable de remords,
cet amour du mal accepté pour con-
solation et pour vengeance,- enfin,
l'hypocrisie, dernier trait d'une ame
infernale , forment un tableau subli-
me d'horreur et de génie. Quel que
soit le peu d'intérêt qui s'attache a
tant d'autres êtres fantastiques, dont
Milton cravonne des portraits arbi-
traires , la plupart de ces portraits,
comme types d'une passien ou d'un
vice , sont d'admirables allégories •
et , malgré les deux vers de Boileau ,
qui s'appliquent si bien à Milton :
El quel objet enfin h préseï t«>r aux yp"* i
Que le diabe Loujou» luulaut contre les cieux I
MIL
il faut avouer que dans ces discours
infernaux l'expression poétique est
portée à un degré de force et d'éner-
gie qu'aucune langue n'a peut-être
égalé. Un écrivain célèbre reproche
à M il ton de n'avoir pas complété
l'image de l'enfer, en mettant la di-
vision et la guerre parmi les anges
rebelles, comme l'a fait Klopstock
dans une belle fiction de sa Afesnade.
Mais dans le plan du poème anglais,
rien n'est pins terrible que cette con-
corde du cri aie : elle accroît l'hor-
reur des lieux qu'il habite. Mil ton
avait approché ces niveleurs , qui
couvrirent de sang l'Angleterre ; il
avait vu ces âmes obstinées , féi oces
avec fanatisme , profondément unies
par la haine: il les avait vues, et
l'empreinte en restait sur son génie ;
elle se communiquait involontaire-
ment à ses tableaux , et mêlait à tou-
tes les images de terreur et d'effroi, la
fureur unanime et l'invariable com-
plicité d'une faction. Les ressources
que le poète a d'ailleurs puisées dans
son génie pour peindre le séjour in-
fernal, sont au rang des plus éton-
nants efforts de l'imagination hu-
maine. Un critique anglais a dit que
Milton avait connu sa force en choi-
sissant un sujet où l'esprit ne peut
rien hasarder de trop, et où l'excès
est impossible. En effet , voyez , au
premier chant , les voûtes de l'abîme
s'ouvrir , et , à travers les ténèbres
visibles, Satan apparaître sur l'étang
de feu, avec la splendeur éclipsée
d'un archange. Jamais poète n'a osé
dès l'abord saisir l'imagination par
de si grandes fictions. Cet enthou-
siasme anime tout le premier chant ;
il se soutient dans le second par l'é-
loquence et la variété des diséours.
Il devient plus merveilleux, (tans la
iption du voyage de Satan à
travers le chaos, l'une des inven-
MIL 5 1
tions où l'emploi de la langue hu-
maine paraît le plus étonnant j
l'inspiration s'élève et monte à son
plus haut degré , en approchant
dÉden, où le beau feu du poèie s'é-
pure sans s'affaiblir, et jette une si
douce lumière. Si les autres parties
du poème égalaient les einq premiers
chants , si ces ailes de feu soutenaient
toujours le poète, l'imagination n'au-
rait rien produit de plus grand çpie le
Paradis perdu; et quelles que soient
les langueurs et les disparates qui se
fassent sentir daus le reste de l'ou-
vrage , il y règne encore un genre de
beauté qui r ichète toutes les fautes :
c'est le sublime. Nul poète, depuis
Homère , n'a eu plus de ce vrai su-
biime, qui consiste , soit dans la ma-
gnificence et la splendeur des ima-
ges, soit dans le plus haut degré de
grandeur et de simplicité réunies.
Sans doute les livres saints ouvraient,
à Milton une source abondante et fa-
cile ; mais il semble plutôt inspiré
qu'enrichi par ce qu'il emprunte ; et
l'on voit que son génie tendait natu-
rellement au grand et au sublime.
Sous ce rapport , le Paradis perdu
fournirait des exemples pour un trai-
té tel que celui de Longin. Comme ic
style ne se sépare point du génie
même de l'écrivain , on conçoit sans
peine les différants caractères de ce-
lui de Milton : il est hardi , nouveau ,
majestueux, excessivement p«u Ûque,
quelquefois d'une extrême simplici-
té , et quelquefois bizarre , pénible et
prosaïque. La recherche des termes
vieillis, l'imitation des tours hébreux
et helléniques lui donnent quelque
chose d'antique et de solennel, qui
convient a l'inspiration du barde su-
cré. Les règles a utgaires du lai
y sont parfois violées. Notre lan
clit kAaisovi y fléchissait sous son gé-
nie j et Joluis'm va jusqu'à dire qiuj
7« MIL
du mélange de tous les idiotisrm
étrangers qu'il emprunte , Mil-
tou s'est forme une espèce de dia-
lecte babylonien : mais ce dialecte
est celui d'un homme de génie; il
abonde en expressions d'une inimi-
table énergie, et quoique modifié sur
le modèle des langues étrangères, il
tient aux racines de la langue an-
glaise, qui nulle part ne paraît plus
pompeuse et plus forte. Cette in-
fluence des langues anciennes se fait
sentir aussi dans la versification de
Hilton, non-seulement par la sup-
pression de la rime , liberté que la
mesure et l'accent du vers anglais
favorisent, mais surtout parles cou-
Î)es suspendues , les mots rejetés ,
es longues périodes , et une marche
généralement conforme au vers grec
et latin. Ces caractères étaient as-
sortis à son sujet ; et l'absence même
de la rime que Pope lui reprochait ,
semble donner à son poème un tour
plus fier et plus libre. Les Anglais
ont loué son harmonie ; et l'on peut
remarquer souvent dans ses vers un
soin curieux de tempérer Pâprele' des
sons anglais par des noms- propres
d'origine italienne. Un critique ha-
bile (1) Jui reproche cependant d'a-
voir manqué souvent à cette harmo-
nie première et véritable, qui repro-
duit dans les sons le caractère des
idées, et qui est, pour ainsi dire,
l'accent de la pensée. On aperçoit ,
dans le Paradis perdu , des traces
fréquentes de fatigue et de négli-
gence , qui peuvent expliquer ce
défaut particulier, dont un étran-
ger n'est pas juge. Ce n'est pas en
vain, sans doute, que le poète, aveu-
gle et malheureux se plaignait d'être
engourdi par le froid du climat et
(0 Rambler, v. 3.
MIL
Il avait commence tan
grand ouvrage : il se hâtait de finir j
et quand l'inspiration lui manquait ,
il laissait tomber ses vers , que son
siècle n'examinait pas. Voltaire fut
le premier qui lit connaître en France
le poème de Milton : il le jugea avec
son goût exqiiis et moqueur; et il en.
traduisit quelques vers, du style d'un
poète. Dupré de Saint-Maur, long-
temps après, fit paraître une tra-
duction en prose du Paradis perdu.
Le sageRoflin, sur cette version in-
complète, mais élégante, conçut pour
le poète anglais une admiration qu'il
a exprimée dans le Traité des étu-
des. Racine le fils , qui d'abord avait
mis en vers faibles quelques passa-
ges de la traduction de Dupré-Saint-
Maur, sentit le besoin d'étudier le
poète dans sa langue ; et ce travail
produisit une traduction du Paradis
perdu , qui est fidèle , écrite avec
goût, et accompagnée de notes ins-
tructives. D'autres traductions esti-
mables ont paru de nos jours ;
mais le monument qui a naturalisé
parmi nous la gloire et le génie du
poète anglais , c'est la traduction en
vers de Jacques Delille. Nulle part
Delille n'a montré un plus riche
et plus heureux naturel , plus d'o-
riginalité , de chaleur et d'éclat. Les
négligences , les incorrections mê-
me , abondent , il est vrai , dans
cet ouvrage , écrit avec autant de
promptitude que de verve. Le ca-
ractère antique et simple de l'Ho-
mère anglais disparaît quelquefois
sous le luxe du traducteur. Ce n'est
pas toujours Milton : mais c'est tou-
jours un poète. La Vie de Milton
a été écrite en anglais par Philips
son neveu , par le célèbre Johnson,
et plus récemment par Hailey. On
attribue, sans fondement peut-être,
à Mirabeau un écrit sur Milton ,
MIL
publié en 1791 > et qui n'est qu'un
pamphlet démagogique, cl une apo-
logie assez, peu voilée du régicide.
L'auteur y traduit , par fragmente,
les traités politiques de Miltou , qu'il
propose à l'admiration. Malgré le
pëdautisme du style , et l'absurdité
fréquente des raisonnements, ils sont
en eilët remarquables par un tour
mâle et vigoureux. Ou conçoit à
toute l'orée que le génie violent et
passionné qui les écrivait, soit de-
venu ie sublime auteur du Paradis
perdu. Mais la postérité, laissant ees
diatribes dans l'oubli qu'elles mé-
ritent, ne cherche Milton que dans
son poème, qui lait un éternel hon-
neur à l'esprit humain. Les oeuvres'
de Milieu eontiennent encore , sous
le titre de Papiers d'état, le recueil
des lettres diplomatiques qu'il rédi-
gea comme secrétaire du parlement
1 Protectorat : et quoique celte
correspondance ne renferme guère ,
suivant l'usage , que des mensonges
officiels expri mes cette fois en beau
latin , elle n'est pas sans intérêt pour
l'histoire , et fait connaître l'audace
altière et l'activité qui caractérisaient
ie despotisme de Gromwell ( 1 ). V-n.
(1) Il existe do ParadUperdu quatre traductions
en prose , et cinq en vers. Les traductions eu prose
sont: 10. de Dupré de Sauyt-Maur ^ ' . Roismo-
KANI) , V, •->.>., et DUPKK Dl , XII ,
3l4);2°- de L. Racine, 1705, '< vol. in-ia, plus
littérale et moins élégante que celle de Dupré; 3«. de
M. Mosnerou, 1786, 3 vol. iu-i» ; 17*8,3 vol. iu-
80. ; ,-(,(,, 9 vol. in 8t..; ,«,..-,, a vol. in-80. , port ut
le titre de seconde édition, paix- que le traducteur
ne ccmple pas les éditions cl- 1786 et 1788
cette de ML Saignes , 1807, in-8». Les traductions eu
1 . 10. de H. M. 1 .r ,y v mort en '"7'i ) ,
< , >. vol. in-80.; ao. J,. li ulalou / I
Ï.ÀTON , III ,63l )j io. de Delill. ; .',o , VEsprii de
Milton, un traduction en vei • perdu
I àutroche ) , 1808, in 80 >. W Pa-
radis perdu, traduction nouvelle et corna
u .)■ S A. Delatonr de Perues , ibi3 , in-80.
Luneau de Boisji riuaui ■ donné uue tradw tion ioter-
lii>< airi du Paradis perdu , dans sou Cours de langue
anglaise. M"" , ,. un Uujtution
« » yeii 1 on , i-»i/, :•! vol. in-8o.
Maizièresa fait imprimer le Paradis perdu , en vers
français , chant
■Tj\> »u-8°- Oes fragment* ont été imites par Je due
MIM 73
RIIMEimE{ Jacques-Louis \ a
loin, marquis de), lieutenant-géné-
ral, et membre de l'académie fran-
çaise, naquit à Dijon, eu iG.jt), d une
famille originaire de Flandre, qui
avait donné un grand nombre d'oih-
ciers au parlement de Bourgogne et
de chevaliers à l'ordre de Malte. Le
jeune Mimerne excitait , des l'âge de
dix ans, l'étonneinentde sa province.
par ses dispositions pour la poésie :
son talent intéressa le grand Condé,
qui le fil placer en qualité de meuiu
auprès du Dauphin, iils de Louis
XIV, A 19 ans, il prit part, en
qualité de volontaire , à l'expédition
d'Alger, devint mestre-de-camp , et
sous - lieutenant des gendarmes an-
glais , et s'éleva enfin au gracie de
lieutenant - générai. 11 avait acquis
des droits à cette distinction par sa
( onduite brillante , aux batailles de
Steinkerque, de Leuze , de Fleurus,
de Marsaiiie, de Kamillics , de Mal-
piaquet , et aux sièges de Luxem-
bourg, Philisbourg , Frankenlhal,
d ■ Nivernais, dans ses Mélanges ; par M. Henné t,
dans sa Poétique anglaise, el par Bontcius fil
lis, V, 146). — Le Paradis reconquis, traduit
en prose , par le I*. de Mari ail , fut imprima •
în-ia , et réimprimé à ia suite <le la trudocl
perdu de L Racine. — L'ouvrage publ e p.^r
Mirabeau , est intitule : Théorie de la loyauté , d a-
près la doctrine de Milton , 17;): , i..
mière édition anonyme avail paru en 1789.
mus-, masque de Milton, ren làteande
LudJow, en i';3'j , etc., traduction littérale , ai te
imprimé I Paris , 1819., in-4°. — C'est dans >.
sur la poésie épique , publie en anglais, en 177.IJ. et
traduit <i imprime eu l'rauçais au comnieneem ni de
1 7 • ■ S , que Vnli.É r 1 mil
CONM ,\\ -, i\ de Mafuj . 1 \, 41)?.. ) M. de I I
brîand en a parle plusieurs fois , dans ■ n G
christ ianistne , secoude partie, livre ]''• cbapilrcH;
livn 11 , ■ bapilre • , >■( livre 111 , chapitrés 9,
l/|. — M. Mosnerou a domié I Villon.,
180 i, iu-80 , réimprimée en tête de l'édil
duction publiée eu i8o5. On doit à M. Iktulard les
Vies de Milton et d' Iddison, etc., tradiiction de
l'anglais de S. Johnson , i8ot> , a vol. in-il !,■ h.iit
Jouy, le sujet ai Milton, fait histoi
un acte ( musique de Spoutiu ti pour w
preinii re fois sur le ibeatre de l'()pérn comique, le
27 iiov. 1804, Imprimé iu-80, Milton c»t I. titre
d'une Oli edollé (1a 70 du second livra
de sel .' * )• A. Il — T.
74 MIM
Mons, Landau et Brisac. Le duc de
Bourgogne, dont il était I'aide-dc-
eamp, el qui lui continuait la bien-
vrillance du dauphin son père, le
chargea de porter au roi la nouvelle
de la capitulation de celte dernière
place. Mimeure avait souvent essaye'
sa muse à la louange de Louis XIV
et des princes du sang; il réussissait
surtout dans les vers latins, qui trou-
vaient à cette époque d'assez nom-
breux appréciateurs , même à la
cour. Une ode anacréontique avait
ouvert les portes de l'académie à
Saiut-Aulaire : la traduction libre
en vers , d'une ode d'Horace (i), y
conduisit également Mimeure , en
i 707. Soit par modestie, soit par in-
souciance comme militaire ou hom-
me de cour , il fit composer son dis-
cours de réception par La Motte -y et
cependant , plus tard, il fut l'auteur
du discours du cardinal Dubois ,
qu'il n'était pas facile, ainsi que l'ob-
serve d'Alembert , de faire parler
d'une manière également décente
pour luf et pour le corps littéraire
dont ce trop fameux prélat devenait
membre. Le marquis de Mimeure
mourut à Auxonue , dont il était gou-
verneur, le 3 mars 1 7 1 9. L'imitation
lyrique , qui fut son titre à l'acadé-
mie, a été louée par Voltaire, lequel,
dans sa première jeunesse, avait eu
des relations avec l'auteur. Il y a de
la facilité; mais le coloris en est fai-
ble. On attribue à Mimeure une tra-
duction en vers , peu connue , de
Y Art iC aimer d'Ovide. F— t.
MIMNJÎRME , poète et musicien
grec , était originaire de Colophon,
de Sinyrne ou d'Astypalée. Selon
Suidas et d'après l'opinion la plus
probable, il vivait du temps de So-
MIM
Ion ou un peu auparavant ( vers l'an
Goo avant J. -C. ) Mimnerme était
joueur de flûte, comme nous l'ap-
prend Plu ta rque, et il composait les
vers qu'il chantait. On trouve quel-
ques notions sur ce favori des Muses
dans un passage d'un ancien auteur
conservé par Alhénée. L'invention
du vers pentamètre lui est attribuée
ainsi que celle de l'élégie : il parait
seulement certain que ce dernier
genre de poésie, consacré jusqu'à lui
à l'expression de la douleur , fut
adapté pour la première fois par ce
poète grec à des sujets d'amour. On
ne connaît pas plus précisément l'é-
poque de sa mort, que celle de sa
naissance; cependant on sait qu'il
vécut long-temps. Des auteurs de
l'antiquité nous ont donné le nom
de plusieurs des productions de ce
personnage. Pausanias dit qu'il com-
posa un poème sur le combat des
Smyrniens contre Gvgès, roi de Ly-
die. Strabon en cite un autre intitulé
Nanno : on prétend que c'était le
nom d'une jeune fille maîtresse de
Mimnerme. De tout cela il ne nous
reste que quelques fragments , dont le
plus considérable , qui n'a que dix
vers , a été conservé par Stobée dans
ses extraits. Le fonds de cette petite
pièce est cette pensée si souvent ré-
pétée par les poètes : a Qu'on ne peut
» vivre sans amour , et qu'il faut
w mourir après que la courte saison
» en est passée. » Grotiusen a donné
une bonne version latine : elle a été
traduite dans notre langue. Mim-
nerme fut estimé des anciens. Horace
le met, dans le genre élégiaque, au-
dessus du célèbre Gallimaque. Pro-
perce dit de lui :
Plus in amore valet Mimnermi versus Homère.
,.» riI , , int, , __ Tout ce qu'on a pu recueillir sur
(.1) 1.11e *-st rapportée dans lLlojje ue Mimeure, ,r. * j , ,
par d'Aicmbtrt. Mimnerme, se trouve dans une Ion-
MÎM
gue note de l'excellente traduction
au Dialogue de Plutai que , sur la mu-
sique , par Burette ( Mém. de L'acad.
des inscriptions et belles - lettres ,
tome x ). La meilleure édition que
nous ayons des fragments de cet
ancien poète, est celle que Brunek
en a donnée dans ses Analecta , et
dans ses Poëtœ gnonici, pag. 68-
72. D— -is.
MINA ( Le marquis de la ), capi-
taine-général de la Catalogne, gou-
verna cette province pendant plu-
sieurs années, plutôt comme un
souverain indépendant, que comme
un sujet revêtu d'une autorité précai-
re. Barcelone lui a de grandes obli-
gations- il nettoya et embellit ses
ru?s , y construisit des édifices utiles ,
et augmenta beaucoup son commerce
et ses manufactures, sans ajouter de
grands frais aux dépenses ordinaires
de la province. Il avait de grands
moyens et de grandes ressources
dans l'esprit. Il fit commencer, en
1 75*2 , les bâtiments de Barcelonette,
espèce de faubourg de la capitale de
la Catalogne. C'est une ville réguliè-
re, consistant à-peu-près en deux
mille maisons. Le marquis de la Mi-
na mourut le 3i janvier 1 7 68 , et
fut inhumé dans la ville qu'il avait
fondée. Z.
MINANA. r.MuiiJ
MINARD (Antoine ) , célèbre ma-
gistrat, était fils d'un trésorier-géné-
ral du Bourbonnais; il parut au bar-
reau de Paris avec une telle distinc-
tion , que François Ier. le nomma
avocat général à la chambre des
ptes, et l'honora de sa confiance.
Qt encore que président aux en-
quêtes , il fut mis à la tête de ia com-
: miner la con-
duite du < I Poyet : mais le
zèle qu'il montra dans l'instruction
de cette afL
MIN 75
tout homme impartial; car il ne
pouvait pas ignorer que les biens de
la victime étaient promis d'avance
au secrétaire Bayart, son proche
parent. ( V. V histoire de France
par Garnitr , xin, j44> cd. in-4°.)
Ses services furent récompenses par
une charge de président à mortier
au parlement; et, en i553, il fut
nommé curateur et principal conseil-
ler de l'infortunée Marie Stuart ,
reine d'Ecosse. Son attachement ,
vrai ou feint , pour la religion , lui
ht approuver toutes les mesures pri-
ses contre les protestants • et l'on
assure même qu'il ne les trouvait
pas encore assez vigoureuses. 11 fut
l'un des magistrats chargés de faire
le procès à Anne du Bourg ( Voj'.
Bourg , V , 37 1 ) ; et malgré les ré-
cusations multipliées de l'accusé ,
il continua de siéger parmi ses ju-
ges. Étonné de cet acharnement ,
Du Bourg l'avertit que s'il ne se dé-
sistait pas de bon £ré , Dieu y pour-
voirait et ne permettrait pas qu'il vît
la fin de cette procédure. Quelque
temps après, sortant du palais, à la
nuit close , Minard fut tué d'un
coup de pistolet, le \i décembre
i55<). Personne ne douta que l'assa-
sin n'eût été aposté parles protes-
tants : ira Ecossais , nommé Robert
Stuart, fut soupçonné de ce crime,
et appliqué à la question ; mais il ne
fit aucun aveu , et l'on se contenta de
l'enfermer à Vincenncs. Les restes
de Minard furent déposés dans l'an-
cienne église des Blancs-Manteaux,
où l'on voyait son épitaphe. Le par-
lement rendit une ordonnance por-
tant qu'a l'avenir, les andiem
-midi, depuis la Saint-Martin
jusqu'à Pâques , s'ouvriraient à qua-
tre heures. Celte ordonnance
nommée ta Minardê, Le portrait do
Minard fait partie du Recueil du
MIN
[oncornet. Mizauld publia un Poè-
me de cent vers sur la mort de ce
magistrat : in violentant et atrocem
cœdem Ant. Minardi prœsidis in-
culpatissimi nœnia, Paris, Fred.
Morel, i55q? in- 4°. W — s.
MINARD (Louis- Guillaume),
fie la congrégation des prêtres de la
Doctrine chrétienne, ne à Paris en
i 71.) , fui interdit pour ses opinions
par M. de Beau m ont, archevêque de
Paris , et se retira au Petit-Berci . a
l'extrémité du faubourg Sain t -An-
toine, où sa congrégation avait une
maison. Là il faisait des instructions
familières , et dirigeait en secret plu-
sieurs personnes. En 1788 , il quitta
Berci , pour une retraite plus pro-
fonde encore. Il se déclara pour l'é-
glise constitutionnelle, et devint curé
de Berci , et membre de ce qu'on
appelait le presbytère de Paris. On
ne connaît de lui que Y Avis aux
fidèles sur le schisme, Paris, 1 796 ,
in-8°., et Supplément à V Avis, même
format. Dans cet écrit, Minard vou-
lait que , sans discuter lacoustitution
civile du clergé, les prêtres des deux
opinions communiquassent ensem-
ble, en attendant que l'Église se fût
prononcée; comme si elie n'eût pas
déjà parlé, et qu'il fût besoin d'une
décision nouvelle. Il fournissait des
articles au journal des Constitution-
nels ( F, Guenin) ; et il prit beaucoup
de part aux démarches faites après la
terreur pour nommer un successeur
à Gobel, évêque constitutionnel de
Paris. On se plaignit qu'il travaillât
ainsi à perpétuer le schisme au mo-
ment où il semblait prêcher la paix.
. Au surplus il ne vit pas ie succès de
ses soins , et mourut le 'l'i avril
1 798. On trouve son éloge dans les
Nouvelles ecclésiastiques , impri-
mées à Utrecht, année 1798.
P— c— t.
MIN
MINAS (Le marquis de la Mina,
ou de las ) , général espagnol , eut
en 1735, le commandement du
corps d'armée qui occupait la Tos-
cane. H se signala dans cette cam-
pagne, par la prise de Porto -Er-
coie et du fort de Mont- Philippe.
Eu 1739, il fut envoyé par le roi
d'Espagne , avec le titre d'am-
ba^a-Jcur extraordinaire, à la cour
de Versailles, pour faire la demande
de Madame Elisabeth de France, au
nom de l'infant don Philippe. A cette
occasion, il fut solennellement créé
chevalier des ordres du roi. Quatre
ans après en septembre 1 742)j iifut
appelé , à la place du comte de Gli-
mes, dont les «opérations militaires
étaient désapprouvées, au comman-
dement de l'armée espagnole, en Sa-
voie, sous les ordres du même infant.
Las-Minas y marqua son arrivée par
la prise du château d'Apremont , et
par une manœuvre d'un succès com-
plet; ce fut de jeter des ponts sur l'I-
sère, comme pour se porter sur Ai-
guebcile et couper la retraite aux
ennemis. Ce coup effraya le roi de
Sardaigne, et le détermina promp-
tement à se retirer en Piémont, der-
rière la ligne des Alpes, qu'il avait
fait fortifier. Laissant avancer les Es-
pagnols sur Chambéri , il évita le
combat , évacua sa capitale et les
villes de Montmélian, Anneci, Mou-
tic r , Saint - Jean - de - Morienne , et
exécuta une retraite désastreuse, pen-
dant laquelle le froid et les maladies
firent dans son armée plus de ra-
vages qi.e i-es Espagnols. Ceux - ci
voulurent forcer le passage du mont
Cenis, pendant que la colonne fran-
çaise essayait de pénétrer dans le
Piémont par les Hautes - Alpes du
DaUphiné; mais Château - Dauphin
opposa une vigoureuse résistance.
Las-Minas fut d'avis alors de tourner
MIN
la chaîne des Alpes , et de se diriger
par le comte de Nice , l'état de Gènes
et le Mont-Ferrat, sur le Tortonèse
et le Parmesan. Cependant, quoique
approuvé par l'infant , ce projet ne
fut pas goûte par le prince de Conti,
qui avait amené une armée française
au secours des Espagnols; et il fut
arrêté dans le conseil , que l'on ferait
de nouveaux efforts pour forcer les
défiles des Alpes , maigre les for-
tifications dont ils étaient hérisses.
La valeur française opéra des pro-
diges : Château-Dauphin et les bar-
ricades furent emportés. Ce fut le
prélude de la bataille de Coui ( 3o
septembre 1714). Cependant Las-
Minas , qui s'était porte sur San-
Reino, avec l'intention d'arriver à
S. .voue, fut rappelé par l'infant. 11
y eut entre les chefs quelque diffi-
culté de s'entendre sur les opérations;
et il paraît que le prince de Conti
dirigea dès-lors les mouvements de
l'armée combinée, et que Las- Mi-
nas n'eut plus aucune part active
dans le reste de la campagne. Du
moins l'histoire du temps ne fait
plus mention de lui D — g.
MIND ( Godefroi ), peintre,
naquit en 1768, à Berne, où sou
père. Hongrois d'origine et menui-
sier de profession, était venu s'éta-
blir. Le jeune Godefroi s'adonna au
dessin , et se forma sous Freuden-
berger , qui pourtant ne l'employa
qu'à l'enluminure de ses Esquissés
des mœurs helvétiques. Après la
mort de ce maître, Mind continua
long-temps de travailler a la journée
la veuve , ayant si peu d'apti-
tude 1 acquérir un état indépendant,
qu'à peine il apprit à signer son nom.
î! dessina les jeux, les divertissements
etles rixes desenfauts, imitai-
succès Part de grouper de Freuden-
bergcr ; mais un goût particulier le
77
porta enfin à dessiner d^ préférence
des animaux , ou plutôt deux espi
d'animaux : les ours et les chats. Ces
derniers surtout étaient ses sujets
favoris ; il se plaisait à les peindre
à l'aquarelle dans toutes les attitudes,
seuls ou en groupe , avec une v< -
rite , un naturel , qui n'ont peut-être
jamais été surpassés. Ses tableaux
étaient, en quelque sorte, des portraits
de chats ; il nuançait leur physiono-
mie doucereuse et rusée ; il variait à.
L'infini les poses gracieuses des petits
chats jouant avec leur mère ; il re-
présentait de la manière la plus vraie
le poil soyeux de ces animaux : en
un mot, les chats peints par Mind
semblaientvivre sur le papier. Mme^
Lebrun , qui ne manquait jamais,
dans ses voyages en Suisse, d'ache-
ter quelques dessins de ce peintre,
l'appelait le Raphaël des chats. Plu-
sieurs souverains , en traversant la
Suisse, ont voulu avoir des chats de
Mind ; les amateurs suisses et autres
en conservent précieusement dans
leurs portefeuilles. Le peintre et ses
chats étaient inséparables. Pendant
son travail , sa chate fa yo rite était
presque toujours à côté de lui , et il
avait une sorte d'entretien avec elle.
Quelquefois cette chate occupait ses
genoux; deux ou trois petits chats
étaient perchés sur ses épaules, et il
it dans cette attitude des !..
entières sans bouger, de peur de dé-
ranger les compagnons de sa soli-
tude. 11 n'avait pas la même com-
plaisance pour les hommes qui
venaient le voir, et qu'il recevait
'avec une mauvaise humeur très-
marquée. Mind n'eut peut-être ja-
mais de chagrin plus profond que
lors du massacre général des 1
qui fut ordonné , en 1800, par la
police de Berne , à cause de !
qui s'était manifestée parmi ces ani-
78 MIN
maux. Il sut y soustraire sa chère
Minette en la cachant; mais sa dou-
leur sur la mort de huit cents chats ,
immoles à la sûreté publique, fut
inexprimable, et il ne s'en est jamais
Lien console. Son second attache-
ment était pour les ours. Il faisait
de fréquentes visites à la fosse où les
magistrats de Berne entretiennent
constamment quelques-uns de ces
animaux, qui figurent, comme on sait,
dans les armoiries de la ville. Il y
était tellement connu que, dès qu'il
arrivait , les ours accouraient pour
recevoir du pain ou des fruits de ses
mains. Il avait aussi beaucoup de
plaisir à examiner des tableaux ou
des dessins qui représentaient des ani-
maux ; mais malheur aux peintres
qui n'avaient pas rendu ses espères
favorites avec assez de vérité ! ils
n'obtenaient aucune grâce a ses yeux,
quelque talent qu'ils eussent d'ail-
leurs. Dans les soirées d'hiver il trou-
vait encore moyen de s'occup°r de
ses animaux chéris, en découpant
des marons en forme d'ours ou de
chats: ces jolies bagatelles, exécu-
tées avec une adresse étonnante ,
avaient un très - grand débit. Minci ,
petit de taille, avait une grosse tête,
des yeux très - enfoncés , un teint
rouge-brun, une voix, creuse et une
sorte de ralement ; ce qui joint à
une physionomie, sombre, produi-
sait un effet, repoussant sur ceux qui
le voyaient pour la première fois. Il
est. mort à Dense , le 8 novembre
j 81 4- ®a a parodié assez plaisam-
ment pour lui , les vers de Catulle
sur la mort d'un moineau :
Lti§et« , o fêles , itrsique lr°ete ,
MorVuus est vobis umicus ;
et un autre vers d'un ancien :
Felibus alr/iic unis jîelilis occidtt.
D— G.
MIN
MINELL (Jean), philologue, néâ4
Rotterdam , en 1 6.25 , professa les
humanités avec succès , et devint
recteur du collège de cette ville , où
il mourut, en l683. 11 a donné des
éditions des classiques latins, des-
tinées principalement aux élèves, et
qui ont servi de modèle au P. Jou-
vanci : i! les a accompagnées de no-
tes courtes et souvent puériles, pour
faciliter l'intelligence du texte; mais
Leclerc lui a reproché d'y avoir omis
beaucoup de choses essentielles, et
même de s'être trompé quelquefois
dans ses interprétations (F*. Leclerc,
Ars critica, ire partie, ch. if parag.
5). Les Editions de Minell les plus
connues sont celles qu'il a données
de Virgile, Salluste, Justin. Florns,
Cicéron ( Epîlres familières ) , Ho-
race, Ovide, Yalère-Maxime , etc.
Elles ont eu une grande vogue en
Allemagne , ou Carpzov , Cellaiïus ,
Juncker, Walch, etc., en ont pu-
blié sur le même plan • mais on
paraît les avoir abandonnées. On
doit encore à Minell une Traduction
de Térence , en hollandais, avec le
texte en regard, Rotterdam ,• i6G3 ,
in-8°. W— s.
MINGARELLI (Ferdinand), sa-
vant théologien , était né à Bologne
eu 1724* Après avoir terminé ses
éludes , il entra dans l'ordre des Ca-
maldules, et fut chargé d'expliquer
l'Écriture sainte dans les maisons de
Ravenne et ensuitede Rome. Le grand-
maître, Franc. Ximénès de Taxada,
ayant obtenu l'érection d'une univer-
sité à Maîte, le P. Mhigarelli y fut
appelé commeprofesseur de théolo-
gie. L'affaiblissement de sa santé
l'obligea de repasser en Italie, après
quelques années d'absence : il donna
cependant des leçons de grammaire
et de belles-lettres à Faenza , où il
mourut, le 21 décembre 1777; à
MIN
l'âge de cinquante-trois ans. Il était
membre de l'académie des Arcadiens.
On a de lui : I. Fersi, Bologne, 1 754.
II. Vêlera monument a ad cLissem
ÏUivenuatem nuper eruta , Faenza ,
1 ^56 , in-4°- Ce volume contient des
notes de Mauro Faliorioiet de Bian-
chi. III. Felerum testimonia de Di-
djmo Alexandrin1) ccpco, et qui-
bus très libri de Trinitate nuper de-
'tectieidrmasseruntur, Rome, 1 764,
gr. in 4°. ( V. Didyme, XI, 33a.)
On doit joindre acet ouvrage un sup-
plément ( AddilamenUim , etc. ),
contenant la réponse à une critique
anonyme, publiée dans la Gazelle
littéraire de l'Europe. IV. Epistola
qud Cl. Nicolai Celoiii emendatio
xi- xvi Matthœi cap. 1, rejicienda
cstendiiur. Cette lettre, insérée d'a-
bord dans la Nuovaraccdia Calo-
gerana , a été réimprimée séparé-
ment avec des additions, Rome, 1764,
-f*9
in-.y
W-
MINGARELL1 (Jean-Louis), sa-
vaut bibliographe, frère aîné du pré-
cédent, naquit a Bologne, en 1722.
Il entra dans la congrégation des cha-
noines réguliers de Saint-Sauveur,
et en remplit successivement les pre-
miers emplois. Ses talents l'ayant fait
connaître, il fut appelé à Rome et
chargé d'enseigner la littérature grec-
que au collège de la Sapiencc : il em-
ploya ses loisirs à visiter les princi-
pales bibliothèques, et il en tira des
ouvrages importants, dont la publi-
cation lui fit beaucoup d'honneur
1 eux des personnes en état d'ap-
précier les difficultés de ce genre de
travail. L'élude et ses devoirs parta-
nt sa vie. Il mourut à Rome, en
1793 grands sentiments de
pieté. On lui doit, comme éditeur :
LcsComm< tnnotationeslit-
1 du P. Ma ri ni ,
;l va ajoute des
MIN 79
explications nouvelles sur les Psau-
mes qui font partie de la liturgie ro-
maine, et une vie de l'auteur, dont
Tiraboschi loue l'exactitude. — Fe-
teru/n Palrum latinorum opuscula
nunquàm anlehac edila , Bologne ,
17JI. Ces opuscules sont précédés
de notices par l'éditeur, et suivis de
remarques pleines d'érudition, dont
plusieurs appartiennent au P. Trom-
belii ( F", ce nom). — Anecd otorum
fascicuius , sive J. Paulini Nola-
ni, Anonymi scripioris , Alani ma-
gni ac Theophylacli opuscula ali-
(jiiot, nunc primant edila, etc., Ro-
me, 1 7 66, g r. i n - 4 ° . — Episl olai\°
sœculo conj'icta et à Basilic Masno
sœpiàs commémorât a-, etc., insérée
dans la Nuov. raccokaCaiogerana,
rom. xxxiii. On a en outre du P.
Mingarelli : I. Sopra un opéra iné-
dit a d'un antico theologo Lettera,
etc., Venise, 1763, in- 12, et dans
la Raccolla Calogerana, loin. xi.
L'ouvrage dont il s'agit est un traité
sur la Trinité, que Mingarelli croit
du onzième siècle. On trouve l'ana-
lyse de sa dissertation dans le Jour-
nal de Bouillon, janvier 1766. II.
G ne ci codices manuscrip l i apud Na -
niospalricios Venelos asseivati ,Bo -
logne, 1784, in 4°- lll.ASgyptiorum
codicum reliquice Veneliis in fiiblio-
ihecd Naniand asseivalœ , ibid. ,
1785,2 pari., in-|(). Ces catalogues
sont estimés et recherchés des sa-
vants. W — s.
MINI AN A (JosErn -Emanuel),
né à Valence, en Espagne, le i5 oc-
tobre 167 1 , perdit sa mère de bonne
heure , et fut élevé durement hors de
la maison paternelle. Il fil cependant
.ses études chez les Jésuites; et
les avoir terminées à l'âge de
neuf ans, il entra dans l'on!
• :i\ de la Rédemption des cap-
tifs. 11 fut envoyé a Naj
MIN
MIN
resta sept ans, s'occupant de la même volume). IV. Debello rustico
Valentino libri très, laTIayc , 1 7.5^ ,
langue latine et de la peinture; a son
retour en Espagne, il professa la
langue latine pendant quatre ans à
Liria, et autant de temps à Mur-
viedro (autrefois Sagonte). Il laissa
dans le couvent de cette dernière
ville deux tableaux de sa composi-
tion, qui sont places sur le maître-
autel. En 1 704,1! fut appelé à Valence
pour enseigner la rhétorique ; et en
prenant possession de sa chaire , ii
prononça un discours De revocandd
eloquentid. Dégoûte de ses fonctions,
il donna sa démission qu'on n'ac-
cepta point; ce qui ne l'empêcha pas
d'y renoncer. 11 se livra tout entier
à son goût pour l'histoire, et au
projet qu'il avait formé de continuer
l'ouvrage de Mariana sur l'Espagne :
il en avait déjà composé dix livres,
lorsqu'il mourut à Valence, le 27
juillet 1780, étant alors pour la troi-
sième fois supérieur de son couvent ;
il avait été deux fois visiteur de son
ordre dans la province d'Aragon.
Miniana était doué d'une grande
mémoire ; il savait par cœur presque
tous les livres de la Bible, et toutes
les comédies de Plante. On a de lui :
I. La continuation (en dix livres,
et jusqu'à l'année 1600, c'est-à-
dire jusqu'aux premières anmvs de
Philippe III ), clc Y Histoire d'Es-
pagne de Mariana. Cette continua-
tion, imprimée d'abord en latin dans
l'édition latine de Mariana, ï ^33 , 4
tomes en 2 volumes in-folio, a été
traduite en espagnol, et imprimée dan s
l'édition espagnole d'Anvers, 1 737 -
3q, 16 volumes in-T 2. II. De thea-
tro Sagimtino dialogns ( imprimé
pour la iie. fois dans le tome v du
Supplément de Poléni aux Antiqui-
tés grecques et romaines de Grono-
vius). III. De circi antiquitate et
ejus structura, dialogus (dans le
in-8°., avec une bonne carte du
royaume de Valence. C'est la rela-
tion des événements qui eurent lieu
dans cette contrée, eu 170.5 et an-
nées suivantes, pendant la guerre de
lasuccession. G. Mayans, quien avait
envoyé le manuscrit eu Hollande, y
joignit une préface, qui contient quel-
ques détails sur la vie de l'auteur. V.
Cinq lettres, imprimées dans le se-
cond livre des Epistolarum libri sex
(r.MAYANs,XXVH,(H 1). Il avait
composé un ouvrage intitulé : Sa-
gunteïda, po'èma de Sagunti excidio;
nous ignorons s'il a été imprimé.
A. B— t.
MINION ( Abraham ) ou M1N-
JON. V. Mignon.
MINOS. V. Mignaut.
M1NOT (George-Richard), ma-
gistrat américain, né à Boston, en
17.58, parut au barreau en 1 781 ;
mais, par l'effet de la délicatesse de
ses organes , il se borna ensuite à la
profession d'avocat consultant , où il
se fit une grande réputation. De 1 781
à 1792, il remplit , avec honneur,
la place de secrétaire de la chambre
des représentants. Il publia, en 1788,
Y Histoire de l 'insurrection de la
province de Massachusselts , qui à
été assimilée à la Conjuration de Ca-
lilina, par Salluste. Il fut successi-
vement membre de l'académie amé-
ricaine des sciences et arts , en 1 789,
l'un des premiers membres de la
société historique de Massachusetts ,
juge des testaments pour le comté
de Suffolk en 1 792 , premier juge de
la cour des plaids-communs en 1 799,
et seul juge d'un nouveau tribunal
criminel à Boston , en 1 800. Il fut
l'un des principaux fondateurs de la
société charitable contre les incen-
dies , dont il était président à sa
MÎN
•nort arrivée en 1802. On a publié
le deuxième vol. de son Histoire de
l'insurrection de Massachusetts. On
a aussi de lui quelques discours pu-
blics. F. son éloge ( Char acier of G.
R. Minot , Esq. , etc. ), dans le Re-
cueil de la société hist. de Massachu-
setts , 180 1 , vin, 86. L.
MINTO ( Sir Gilbert Elliot ,
lord-comte ) , de l'ancienne et puis-
sante famille Elliot , établie dans le
midi de L'Ecosse , qui a produit des
hommes d'état distingués (1) et de
grands capitaines ( V. Elliot, XII ,
21 ), était (ils de sir Gilbert Elliot,
et d'Agnès Murray Knynynmound ,
héritière de Melgund , etc. Gilbert
Elliot , né le 23 avril 1 75 r , com-
mença son éducation dans la maison
paternelle , et la termina dans une
université d'Angleterre. Sa famille
le fit inscrire dans un corps mili-
taire , où il obtint le grade de capi-
taine , même avant d'avoir atteint
l'âge de dix ans ; il voyagea ensuite
sur le continent. En 1774 ■> il fut élu
m embre de la chambre des communes
d'Angleterre, et entra au parlement
au moment où le gouvernement pre-
nait la résolution de soumettre par
la force les colonies américaines.
La chambre était loin d'être una-
nime sur ce point : M. Elliot , quoi-
que d'une famille de whigs , ne dé-
buta pas dans la carrière politique ,
en favorisant la rébellion des colo-
nies , et en se réunissant à l'aristo-
cratie whig de l'opposition. Son
MIN
81
Gilbert Elliot, premier baron d« Miato, sc.n
; | 1,11 ii. 1 lord* le aord
lord justice clerk ; il i [ail an rifi
1 ■■ ■ . uces dej .1 itrs. Son
ul il i g| qui stion dam
tinction les places de lord de
' la chambre, garde d
■ i de la marine. Wilkei l'atta-
qua av.- Vorth Briton; niaii tel
était le i , Gilbert Elliot, que l ■
•atirique
J'avoir nul aux iduUBUtraltoa.
XXIX.
père , alors vivant , était du parti
qu'on appelait les Amis du roi ,
paroe qu'on supposait qu'ils étaient
prêts à sacrifier , dans tous les temps,
leur propre opinion et tous leurs
amis, aux volontés du prince. Subju-
guer par la force des armes les co-
lonies révoltées paraît avoir été une
mesure chère à George III, beau-
coup plus encore qu'à aucun de ses
ministres ; et , par suite , les Amis
du roi (i), furent les promoteurs
les plus actifs de toutes les mesures
qui devaient amener les Américains
à se soumettre ou à se déclarer en
rébellion ouverte, et, dans ce dernier
cas , attaquer les révoltés avec une
force telle , qu'elle dût les écraser en
peu de temps. Sir Gilbert Elliot fit
preuve d'une habileté digne de son
père#, eu défendant les opérations
des ministres ; mais ces derniers fu-
rent loin de le seconder. Ils se mon-
trèrent tous les jours plus faibles et
plus irrésolus : aussi se virent-ils suc-
cessivement abandonnés de tous leurs
adhérents, qui renforçaient les rangs
de l'opposition ; ce qui entraîna en-
fin la retraite de lord North et de ses
amis. Sir Gilbert Elliot, qui s'était
réuni à l'opposition avant cette re-
traite , fut un des défenseurs de la
nouvelle administration , composée
soit de ces whigs qui avaient formé
un parti sous les auspices du céièbre
William Pitt , comte de Chatham ,
et dont la plupart avaient des prin-
cipes inclinant à la démocratie , soit
des restes du grand corps aristo-
cratique qui gouverna l'état sous les
Walpole et les Pelham. L'ancien et
exclusif ascendant des whigs sembla
renaître ; mais la mort du duc de
{i) Ou distinguait , dam la pai ti di
: d Vlaoafield , lord »
grnt , lord Uirriiigtoii , lord Mendip , le couita da
Livwuool , *ir Gilb«rl Elliot, aie. , «te.
MIN
Roekingham rompit bientôt celte
confédération. Il en résulta une coa-
lition entre les partis de Fox et de
North,'lcs whigs aristocratiques et
les toris de l'opposition , à laquelle
sir Gilbert Elliot adhéra , et dont il
partagea le triomphe passager. A la
chute du ministère de la coalition ,
Elliot lui resta fidèle, et s'attira ainsi
l'estime que méritait une si noble
conduite. Il prit une part active aux
discussions de toutes les matières
qui furent soumises au parlement
par le parti de la coalition^ et sur-
tout à celle qu'on appela intérêts de
l'Inde , et qui amenèrent la dissolu-
tion de ce parti. Les amis de sir
Gilbert Elliot, persuades que ses
vertus et la connaissance parfaite
qu'il avait des devoirs et des formes
parlementaires, le rendaient éminem-
ment propre à remplir le poste d'o-
raleurdela cliambredes communes,
essayèrent de l'y faire nommer • mais
ses adversaires empêchèrent que ce
projet ne réussît. Toulon s'étant
rendu aux Anglais , et la flotte fran-
çaise qui se trouvait dans ce port
ayant été détruite, les habitants de
l'île de Corse proposèrent de se
mettre sous la protection de la
Grande-Bretagne. Sir Gilbert Elliot
fut l'un des commissaires désignes
pour en prendre possession. Il prêta
serment comme conseiller-privé, le
%5 septembre 1793; et lorsque les
Français eurent rendu Bastia, Calvi
et les autres places fortifiées , le roi
accepta la souveraineté de la Corse ,
et nomma, le 19 juin 179 + , sir Gil-
bert Elliot, son vice-roi. Celui-ci pré-
sida, en cette qualité, l'assemblée gé-
rale des Corses , ('ans laquelle fut
adopté un code de lois constitution-
nelles , assez analogue à celui de
la Grande - Bretagne. Sir Gilbert
Elliot approuva cette constitution
MIN
au nom de son souverain ; et, dans
un discours plein de sagesse et de
dignité , il recommanda aux Corses
de se conformer aux lois qu'ils a-
vaient adoptées , et de vivre tran-
quilles sous leur empire. Pendant
quelque temps il fut obéi ; mais , en
1 79O, les triomphes des Français en
Italie encouragèrent leurs partisans.
Des insurrections eurent lieu ; et
enfin le vice-roi fut obligé d'aban-
donner ce pays. Il arriva en Angle-
terre en 1797 : le roi récompensa sa
conduite , en le créant, le :i6 octobre
de la même année, pair de la Grande-
Bretagne , sous le titre de lord baron
Minto ; et pour rappeler les services
qu'il avait rendus pendant sa courte
administration de la Corse , il eut
la permission de joindre les armes
de cette île à celles de sa famille
pendant quelque temps il se borna à
remplir' les fonctions de conseille) -
privé et de membre de la chambre-
haute. Mais , en 1799, les circons-
tances difficiles dans lesquell.
trouvait l'Europe, exigeant un am-
bassadeur qui réunît à beaucoup de
talents et d'expérience une discrétion
éprouvée, Lord Minto fut choisi à
celte époque , pour remplir à Vit
le poste diplomatique le plus inté-
ressant et le plus épineux. Après s'ê-
tre acquitté de cette mission , Minto
de retour en Angleterre , déploya
une grande éloquence dans la eîiam-
bre-haute, en faveur de la réunion
de l'Irlande : quand cette union fut
décrétée , il s'opposa cependant à
l'émancipation des catholiques irlan-
landais , quoique ce lut dans l'espé-
rance de l'obtenir , qu'une partie
considérable du peuple d'Irlam
donné son consentement tacite à
(OOn sait qu'ellps figuraient déj:i dans!'.
britannique , il'où elles furent relraju
avec les iuïiK .
MIN
cette union. Lors îgociatioris
pour la paix d'Amiens , lord Minto
fut du nombre de ceux qui pensaient
que les préliminaires el le traite lui-
même ne présentaienl iran-
ties suffisantes pour le '.'une
longue paix, en Europe. 11 crut de-
voir , eu conséquence , s'opposer à
sa conclusion. En 1806, on le nom-
ma président du bureau du contrôle
pour les a • , en
1807 , gouverneur -général du JJen-
i qu'il conserva jusqu'au
1 8 novembre 1 8 1 3 : il fut alors rem-
placé par lord Moira, depuis mar-
quis d'Histings. Ce lut sous sou
L'nement epue l* Angleterre! fit la
conquête de Java et des autres éta-
blissements hollandais dans l'Inde.
la prise de Batavia, il reçut
du ministère anglais l'ordre de pro-
voquer la sortie de tous les Hollan-
dais , et d'abandonner ceux qui se
refuseraient à quitter File , lors de la
remise qu'il devait en faire au prince
du pays, sous la réserve d'un com-
merce privilégié en faveur de l'An-
gleterre. Mais , sur les représenta-
tions qui lui furent faites , qu'une
grande partie des propriétés serait
perdue , et que les habitants qui res-
teraient se trouveraient à la discré-
tion des Malais , lord Minto prit sur
lui de ne pas exécuter les ordres de
son gouvernement , et d'en attendre
de nouveaux. Revenu en Angleterre ,
il vit, en février 181 3 , :
récompensés par son élévation aux
•Ue de Minto et de
lie Melgund. il fut peu question
de lui , jusqu'à sa mort , arrivée le 2 1
juin 181.4. Son (ils aîné, aujourd'hui
(1820) pair de laGi Lagne,
a suc
MINUCGIO • , savant
prélat, né en 1
la mardi -
MIN
8
du pape Clément VIII, qui l'In-
de sa bienveillance, et le nomma à
l'archevêché de Zara. Il fut employé
dans toutes les négociations relatives
aux Uscoqucs, troupe d'aventuriers
qui s'étaient emparé* , vers 1 5 40 , de
Segna , ville de la Croatie , et en
avaient fait leur place d'armes. Ce
prélat mourut eu 160 j, dans un âge
peu avancé. Le plus connu de ses
ouvrages est la Storia de l\U Us-
cocchi cou i progrès si di (jiiella gen-
te sino alï anno i(5o.>,. Le célèbre
Frà Paolo Sarpi continua cette his-
toire jusqu'à l'année \6it), et la fit
imprimer à Venise, tn-4°. Il en pu-
blia une nouvelle édition en 161-7 ,
in- 8°., avec un Supplément : elle a
été traduite en français , par Amelot
de lailoussaye, Paris, i(38'2, in-12;
cette traduction forme le tome 111
de Y Histoire du gouvernement <le
Venise, Amsterdam, i-joj. {V.
àmelot,II, 36.) Les Uscoques,
ainsi nommés de l'italien scoco
(transfuge) , étaient des réfugiés de
la Dalmalie , qui ne vivaient que du
iroduit de leurs pirateries et de leurs
la
existait entre
l'Autriche et les Vénitiens , pour se
fortifier, et désolèrent pendant long-
temps les sujets des deux puissances ,
dont une seule aurait suHi pour les
détruire dans quelques jours. Ou a en-
core de Minuccio , la i ic de Suinte.
Augusta (de Serravalle) , vierge et
martyre; elle a e'té insérée dans le Sup-
plément de Surius , et clans les Bol-
landisles , au 27 mars , avec un
I des notes; — Storia del niar-
tirio délia legione Tebeu ■
dici n ù; — De Tari
— i
ru m i
Ces derniers 01
-s.
13..
brigandages. Us prolifèrent de
mésintelligence qui
84 MIN
MINUTIANUS ( Alex au due ) ,
littérateur et imprimeur à Milan, au
quinzième siècle, naquit à San-Sc-
vero, ville de la Pouille , vers i4-5o.
Il vint, encore jeune, à Venise, et y
étudia sous G. Merula, qu'il suppléa
plusieurs fois, et qui lui procura en-
suite la place de précepteur des en-
fants de B. Calchi, premier secré-
taire-d'état du duc de Milan. L'édu-
cation de ces enfants était achevée
lors de la mort de François Pozzuolo
(PuteolamiSj en français Du Puits),
professeur de belles-lettres aux éco-
les Palatines de Milan, arrivée en
1 489. Minutianus fut choisi provi-
soirement pour le remplacer; mais
ce ne fut qu'en 1 4q i qu'il reçut sa no-
mination de Ludovic-Marie Sforce ,
alors régent par suite de son usurpa-
tion, et depuis duc de Milan. Minu-
tianus n'était encore que précepteur
clans la maison de Calchi , lorsqu'il
fit imprimer à ses frais , chez A. Za-
rotti, une édition d'Horace, ifôô,
in-fol. Neuf ans après, il donna , tou-
jours à ses frais , une édition de Tite-
Live , i49^ , in-fol. , et s'occupa en-
suite d'une édition des œuvres réunies
de Cicéron. Ce fut l'édition princeps
des œuvres complètes de l'orateur
romain ( V. Cicéron , VIII , 5/,8 ).
Tous les ouvi-açes qu'elle contient ,
avaient déjà ete imprimes séparé-
ment. Minutianus n'eut donc pas la
gloire que M. Aimé Guillon lui attri-
bue , de donner la première édition
du traité De Oratore. L'édition in-
4°. sans date, dans la souscription
de laquelle on lit : Alexander Minu-
tianus impressit, ne peut être que
postérieure à 1498; car le premier
volume des Ciceronis opéra , daté de
cette année, porte le nom des frères
Guillaume Signere ou Signerre , de
Rouen; le second , qui porte le nom
de Minutianus, est daté de novembre
MIN
1Î98; les deux derniers sont sans
date. Ainsi ce ne fut que postérieu-
rement au commencement de 1498,
que Minutianus fut imprimeur. Le
traité De Oratore, avait été imprimé
au moins trente ans auparavant; il
en existe une édition, avec la date de
1468, à Rome, chez Ulric Han ,
in-4° ; et l'on a toujours cru que l'é-
dition sans date l'avait précédée ( V.
VIII, 54'* )• On ne peut guère dou-
ter que Minutianus n'ait été impri-
meur. L'imprimerie était dans sa
maison; et on lit sur ses livres tan-
tôt : Minutianus impressit ; tantôt :
Industrie Minutiani; tantôt : Apud
Minutianum. Ces deux dernières ex-
pressions semblent trancher la ques-
tion. Minutianus continua d'impri-
mer jusqu'en 1 5'2i ; et de ce que son
nom ne se trouve sur aucun livre
d'une date plus récente, on présume
qu'il mourut cette année-là même .
ou peu après. Il est possible cepen-
dant que le défaut de facultés pécu-
niaires l'ait empêché de donner
d'autres éditions. M. Guillon obser-
ve que Minutianus y avait employé
toute sa fortune, et qu'il n'en lais-
sa aucune à ses deux fils. L'un
d'eux, nommé Vincent, avait, du
vivant de son père, publié, en 1 5 1 4,
une édition de Térence , accompa-
gnée des commentaires de plusieurs
savants et des siens propres. M. Aimé
Guillon a inséré dans la Bibliogra-
phie de la France (ou Journal de
la librairie) de 1820, pages 817 ,
33i , 348, une notice sur Minutia-
nus et ses éditions : la liste se monte
à 17. La plus importante est sans
contredit son édition de Cicéron : la
plus curieuse, par sa rareté, est celle
des Lettre s -patente s de Louis XII
données à Vigevano , le 1 1 novem-
bre i499,in-4°. de seize pages, in-
connue à Maittaire et à Sassi , ainsi
MIN
qu'aux auteurs de la Biblioth. hist.
de la France. M. Guillon , qui l'a
fait connaître, regarde comme unique
l'exemplaire conserve dans les archi-
ves de Milan, qu'il a examine avec
beaucoup de soin. M. Petit -Radcl a
fait insérer dans la Bibliographie de
la France, 1820, p. 407, une lettre
relative à la notice de M. Guillon.
Jr. aussi le Manuel du libraire par
M. Brunet , troisième édition, tome
m, p. 64 1. A. B — t.
MINUTIUS-FÉLIX (Marcus),
orateur latin, était né en Afrique,
sur la fin du deuxième ou au commen-
cement du troisième siècle. 11 vint à
Rome, où il acquit par son éloquence
une réputation fort étend ue.Lactance
et saint Jérôme le placent au rang
des premiers orateurs de son siècle.
Il avait embrassé les principes du
christianisme; et il en devint l'un des
plus zélés défenseurs. Nous avons de
lui un dialogue .intitulé : Octavius ,
dans lequel il introduit un chrétien de
ce nom, et un partisan des erreurs
du paganisme , qui disputent ensem-
ble. Le style en est très-élégant; et
il y a beaucoup d'érudition et de soli-
dité. Cependant quelques critiques
modernes trouvent que c'est moins
l'ouvrage d'un théologien qui a étu-
dié les matières dont il parle ,
que la production d'un homme du
inonde; mais c'est à tort que Dupin
et ceux qui l'ont suivi lui reprochent
une tendance vers le matérialisme.
Ce dialogue a été long-temps regardé
comme le vin'-, livre du traité d'Ar-
nobe idversus gentes {fr. Arnobe).
Franc. Baudouin reconnut l'erreur
des premiers éditeurs , et publia
1 vi âge sous le nom de Minulius-
Félix, Heidelberg, i 56o , in 8U. ;
il a été souvent réimprimé depuis.
Les meilleures éditions sont celles de
Nicolas Uigault, ayee des rcmar-
MIN
85
ques , Paris , 164 3 , in-40.; de Jacq.
Onzel , Leyde, 1672 , in - 8°. j de
Jacq. Gronovius, ibid. , 1709, in-
8°.; de J. Davis, Cambridge, 17 12,
in-b0., et de J. Goth. Lindner, Lan-
gensalza , 1773, in - 8°. On y a
réuni, dans ces différentes éditions,
le traité de Caecilius Cyprianus de
Idolorum vanitate ; et, dans quel-
ques-unes , celui de Julius-Firmicus-
Maternus de Erroreprofanarum rc-
ligionum. Le dialogue de Minutais-
Félix a été traduit en français par
Perrot d'Ablaucourt, Paris , 1660 ,
in- 1 'i , et plus élégamment par l'abbé
de Gourcy, dans son Piecueil des an-
ciens apologistes du christianisme.
Il existait, au temps de saint Jérôme,
un traité de Fato, qui portait le nom
de Minutius , mais dans lequel les
critiques ne reconnaissaient pas son
style. Pierre Ant. Bouchard a publié
une Dissertation sur Minutius , sui-
vie du catalogue des éditions et des
traductions qui avaient paru de son
Dialogue, Kiel, i685. W— s.
MINUTOLI (Vincent), littéra-
teur, né à Genève, vers 1640, des-
cendait d'une noble famille luc-
quoise, dont une branche s'est éta-
blie à Florence dès la fin du treizième
siècle, et y a rempli les premiers
emplois ( 1 ). L'un de ses àieux em-
brassa la réforme, et se fixa à Ge-
nève. Vincent fut admis au saint-
ministère , et appelé en Hollande
pour y exercer les fonctions du pas-
torat ; mais une intrigue galante,
dans laquelle il fut compromis , l'o-
bligea 'de résigner son bénéfice. Il
revint à Genève, et fut nommé, en
i(iy(>, professeur d'histoire et de
belles-lettres à l'académie. La régu-
larité de ses mœurs lui mérita d'efre
(l) Vn .' lit' , \*f
tété dans le Dictionnaire de liayk.
MINT
réintègre, m 1679, clans la compa-
gnie des pasteurs : il fut désigne
bibliothécaire en 1700; et il mourut,
en 1 7 1 o, dans un âge avance. Minu-
toli, pendant son séjour ai Hollande,
s'était lie d'une étroite amitié avec
Bayle; et il entretint constamment
avec lui une correspondance très-
active sur des objets de littéra-
ture et de philosophie. Outre quel-
ques pièces de vers latins , dont on
trouvera les titres dans le Diction-
naire àe Moréri, et dans Y Histoire
littéraire de Genève par Sencbier,
on a de lui : I. Une Lettre à Juricu ,
insérée dans la Chimère de la ca-
bale de Rotterdam. II. Histoire de
l'embrasement du pont du Rhône,
Genève, 1G70, in- 12. III. Disser-
tation sur un monument trouvé
dans le P.hùne , en 1O78. C'est une
petite statue représentant un druide.
IVr. L'Eloge de Spon, imprime par
extrait dans les Nouvelles de la rép.
des lettres, juin 1G86. V. Les Dé-
pêches du Parnasse, ou la gazette
des savants, Genève, 1693 , in-12.
II n'a paru que cinq numéros de ce
journal , que l'auteur discontinua ,
parce qu'on en publiait à Lyon une
contrefaçon , qui lui enlevait ses
abonnés. Minutoli a traduit du fla-
mand la Relation du naufrage d'un
vaisseau hollandais sur la côte de
Vile de Quelpaert , avec la descrip-
tion du royaume de Gorée, Genève ,
31)70, in-12 (1); de l'allemand, fe
Journal de Just Collier, résident
à la Porte pour les états généraux,
ibid. , 1679. , in-t2 ; et de l'italien , la
Vie de Qaléace Carracciolo , etc. ,
ibid. 1 681 , in- 1 2. Il a laissé en ma-
(O Cette relation a été itisérte ]>ar l'abbé Prévost ,
d'Après la traduction p le 6P. vol. i!e
V Thst. générale des ?jo? âges . éd. in-4°- ; et oh la re-
dims le (orne a de l'Histoire des naufrages
( pur de Ptrtbcs. )
MIQ
nuscrit des Harangues , citées par
Bayle avec éloge, et des traductions
du traité de Léon de Modène des Cé-
rémonies des Juifs , et de l'ouvrage
de Pierius Valerianus Delnfeliciiate
littéral or; W — s.
MIQjUEL-FÉRIET (Louis-Ciiar-
lks ) , le créateur de l'artillerie lé-
eu France, était né le '*4 mai
17GJ, à Àuxonnc, où son père
remplissait les fonctions de répéti-
teur de mathématiques. Après avoir
fait d'assez bonnes études , il entra
au service : quelques étourderies de
jeunesse l'obligèrent de passer, en
170'), en Prusse, où il fut ;
cadet clans le régiment d'artillerie de
Tempelhof. Ses talents lui procurè-
rent de l'avancement; ci à l'époque où
la guerre éclata entre la Prusse et là
France, il était officier dans le pre-
mier régiment d'artillerie. Miquel
n'hésita pas à déclarer qu'il ne
lait point servir contre son pays ; et
le roi , approuvant sa délicatesse , lui
permit de rentrer en France, où il
fui aussitôt employé dans son grade,
avec la condition qu'il ne serait ja-
obligé de servir contrelaPi
Ce fut sur le plan donné par cet
officier, que l'artillerie légère fut
organisée eu France sur le même
pied quelle l'était dans les armées
de Frédéric. Il consigna ses obser-
vations sur cette arme dans un Mé-
moire impriméà Paris , 1 79 "> , \\>\°.
En 1797 , tandis qu'il était attaché
comme adjudant-général à l'artillerie
d'Auxonne , il fit exécuter un nou-
veau modèle des caissons connus
sous le nom de caissons de Wurtz,
qui fut adopté par l'administration
de la guerre. Elevé, en 1800, au
grade de chef de brigade d'arlil
il fut envoyé, en 180a, à Saint-
Domingue, avec le titre de directeur-
commandant de l'artillerie dans la
MIQ
partie espagnole , et y servit deux
ans sous les ordres du gênerai Ro-
chambeau.il avait résiste à la funeste
épidémie qui ravageait l'île ; et , de
retour en France, il avait obtenu la
permission de se reposer de ses fati-
gues dans sa maison de campagne à
îiclleville près de Paris, lorsqu'il
mourut, au mois de mars 1806. —
L'un des frères de cet officier était ,
en i8o!2 , directeur de la manufac-
ture royale de Valence en Espagne.
— Claude- Jean- François Miquçl ,
son second frère , ne à Auxonne, en
1 768 , missionnaire de la congréga-
tion des Eudistes , s'est acquis une
réputation méritée par son talent
pour la chaire. M. J.-J. Lacoste a
publié Y Analyse des semions que le
P. Miquel avait prononcés à la mis-
sion d'Agcn , en 1806, in- 12. Son
portrait a été gravé à Toulouse , en
1809 , avec cette inscription : Erat
lucerna ardens et lucens \ W — s.
MJRABAUD(Jean-Baftiste de),
membre de l'académie française, ne
à Paris, en 1675, embrassa la
profession des armes , et se trouva
a la bataille de Steinkerquc , où il se
distingua par son courage: il renonça
bientôt à cette carrière pour cultiver
!:"cs dont La Fontaine lui avait
inspiré le goût; et il entra dans la
congrégation de l'Oratoire , a(in de
pouvoir se livrer plus tranquillement
à l'étude, devenue pour lui un be-
soin. Il en sortit lorsque la duchesse
d'Orléans le nomma secrétaire de ses
commandements , et le chargea de
h des princesses ses filles.
. en 17-I4, une traduction
de la Jérusalem délivrée ; c'était la
traduction française dont
lure fut supportable ( F. le
•Telle obtint, et
qu'elle lie , attira
au traducteur qu'il
Mm
87
eut le bon esprit de mépriser, et des
critiques dont il profita pour j <
tionner son travail. Il fut reçu, quel-
que temps après, à l'académie fran-
çaise; et il succéda, en 17/,'i, à
l'abbé Houteviilc dans la p)a
secrétaire -perpétuel de cette com-
pagnie. La douceur de son caractère,
sa modestie et son désintéressement ,
lui avaient lait des amis de tous ses
confrères. Sa vie fut tranquille, sa
vieillesse exempte d'infirmités; et
il mourut, le 24 juin 1760, regretté
sincèrement de tous ceux qui l'a-
vaient connu. Il eut pour successeur
à l'académie, Butïbn, qui nous a
laissé de Mirabaud ce portrait ma-
gnifique : «A quatre-vingt-six ans,
» il avait encore le feu de la jeunesse
» et la sève de l'âge mûr ; une gaîté
» vive et douce, une sérénité d'ame,
» une aménité de mœurs, qui fai-
» saient disparaître la vieilles.^
» ne la laissaient voir qu'avec celte
» espèce d'attendrissement, quisup-
» pose bien plus que du respect.
» Libre de passions , et sans autres
» liens que ceux de l'amitié, il était
» plus à ses amis qu'a lui-même. 11 a
» passé sa vie dans une société dont
» il faisait les délices ; société douce
» quoique intime, que la mort seule
» a pu dissoudre. Ses ouvrages por-
» teut l'empreinte. de son caractère:
» plus un homme est honnête , et
» plus ses écrits lui ressemblent. Mi-
)> rabaud joignit toujours le senti-
» ment à l'esprit, et nous aimons à le
» lire comme nous aimions à l'enten-
»dre; mais il avait si peu d'atla-
» chement pour ses productions, il
» craignait si fort et le bruit et l'éclat,
» qu'il a sacrifié celles qui pouvaient
» contribuer le plus ire. »
Outre la traducti '"' loi
en doit une ; - Pa-
lis, 1758, i\ vol. petit i
88
ne fut pas aussi bien accueillie que la
première. Le molle et facetum de
ï'Arioste, cette urbanité, cet atticis-
me , cette bonne plaisanterie , ré-
pandus dans tons ses chants , n'ont
été ni rendus , ni même sentis par
Mirabaud, qui ne s'est pas douté que
Ï'Arioste raillait de toutes ses imagi-
nations. C'est le jugement qu'en porte
Voltaire , qui a exprimé i'opinion
de tous les gens de goût. On attri-
bue à Mirabaud : I. Alphabet de la
fée Gracieuse, 1734, in -12. II.
Opinions des anciens sur les Juifs ,
1769, in- 12. III. Le Monde , son
origine et son antiquité,, Londres ,
1 75 1 , in-8°. Dumarsais est l'éditeur
de cet ouvrage. IV. Sentiments des
philosophes sur la nature de Vame;
inséré dans le recueil intitulé : Nou-
velles libertés de penser , Amsterd.
(Paris), 1743, in- 12, et dans le
Recueil philosophique , publié par
Naigeon , Londres ( Amsterdam ) ,
1770 , 'i vol. in- 12 ( V. le Diction-
naire des anonymes , par M. Bar-
bier ) : mais le code monstrueux d'a-
théisme T connu sous le titre de Sys-
tème de la nature , publié sous le
nom de notre académicien , est ,
comme on le sait maintenant , l'ou-
vrage de la société d'Holbach ( V. ce
nom ). On peut consulter Y Eloge de
Mirabaud par d'Alembert , dans le
tome v de Y Histoire des membres de
l'académie française. W — s.
MIRABEAU (Victor Riquetti,
marquis de), l'un des propagateurs
des doctrines économiques en France,
naquit à Perthuis , le 5 oct. 1 7 1 5. Ses
ancêtres , exilés de Florence par les
troubles civils , s'étaient réfugiés en
Provence, dans le quatorzième siècle,
et s'y étaient maintenus au rang des
plus nobles familles de la contrée.
( V. Medicis, XXVIII, 59 , not. )
Le marquis de Mirabeau } fixant sou
MIR
séjour habituel à Paris, soutint cette
illustration par son crédit auprès des
ministres, et eut l'ambition de con-
duire lui-même les affaires de l'état.
L'opinion publique, facilement in-
fluencée à cette époque par les pro-
ductions littéraires, lui parut le plus
puissant véhicule pour arriver au
pouvoir. Il la pressentit par un grand
nombre d'écrits rédigés d'après les
principes économiques de Quesnay ,
qu'il avouait pour son maître, et
dont il rassemblait chez lui, tous les
mardis , les sectateurs emphatiques.
Plusieurs de ses livres furent accueil-
lis avec faveur: les théories qui s'y
trouvaient développées, étaient en-
core des mystères pour la presque-
totalilédela classe éclairée. L'enthou-
siasme,la pompe du langage, le char-
latanisme philantropique, et jusqu'à
l'obscurité qui enveloppait l'exposé
de principes simples en eux-mêmes.,
caractérisaient en général les ouvra-
ges des économistes , et étaient les
causes premières de leur succès. Le
marquis de Mirabeau se distingua
d'eux tous , par un style raboteux et
bizarre, où perçait une affectation
malheureuse d'imiter la manière de
Montaigne , par une redondance de
trivialités , qu'il appelle sa chère et
nalivfr exubérance, par sa fausse cha-
leur , et une incroyable naïveté d'or-
gueil. Ses premiers essais annon-
çaient un désir timide de ménager
l'ordre établi, et montraient même
une certaine complaisance pour les
mesures prohibitives , que le gros
des économistes était loin d'approu-
ver. Le marquis devint ensuite un
frondeur plus hardi ; et sa Théorie
de l'impôt, en lui procurant les hon-
neurs de la Bastille, donna une vo-
gue subite à son nom. Le roi de
Suède lui envoya, le jour même de
la révolution qui, en 1772 ? lui reu-
dit son autorité , la croix de grand-
commandeur de l'ordre de Wasa. Le
même prince , arrive à Paris , quel-
que temps après, n'oublia pas de vi-
siter le philosophe, et lui parla de
Montesquieu: Montesquieu /répon-
dit Mirabeau, les rêveries surannées
de cet homme ne sont plus estimées
que dans quelques cours du Nord.
« Ce Mirabeau l'économiste, dit La
v harpe , n'avait de l'imagination ,
» méridionale que le degré d'exalta-
» tion qui louche à la folie, et prit de
» la philosophie du temps l'orgueil-
» leux entêtement des opinions et une
» soif de renommée, qu'il crut satis-
» faire en popularisant sa noblesse
» par des écrits sur la science rurale.
» Il possédait assez pour dégrader de
» très-belles terres par des expérien-
» ces de culture, et déranger une
» grande fortune par des entreprises
» systématiques et des constructions
» de fantaisie. ïl se faisait l'avocat du
« paysan dans ses livres , et le tour-
» mentait dans ses domaines, par ses
» prétentions seigneuriales, dent il
» était extrêmement jaloux. » Il écri-
vait à sa femme : Dites au curé duBi-
gnon (l'une de ses terres) de me pré
parer une harangue, et que sans
cela je ne verrai plus d'habits noirs.
Il exigea que le curé de Roquelaure
publiât en chaire qu'il fallait remer-
cier la Providence d'avoir donné a
la contrée un maître doux et d'une
race faite pour commander aux
hommes. Ces extravagances ne sont
que comiques : mais, que dire de la
conduite d'un prêcheur de vertu, qui,
s'il en faut croire sou fils et quelques
mémoires du temps, aurait plusieurs
fois < is, par ses delmiches,
la santé d'une épouse (Marie - Gene-
li lui avait donné
onze enfants et apporté cinquante
mille livres de rentes, l'aurait ensuite
MIR
persécutée , et , après avoir provo-
qué sa réclusion pendant douze ans ,
aurait entretenu des maîtresses , ob-
tenu de l'amitié des ministres cin-
quante-quatre lettres de cachet conl îe
sa famille, et fatigué les tribunaux
de ses scandaleux procès avec elle ;
qui, courtisan aussi lâche que des-
pote impitoyable, caressa les nou-
velles autorités parlementaires créées
par Maupcou; et, jaloux (Se la supé-
riorité d'un fils qui menaçait ele l'é-
clipser, s'efforça de la comprimer,
le précipita, par ses rigueurs , dans
de nombreux écarts, et alla jusqu'à
l'accuser d'avoir souillé sa couche?
Cet homme, qui faisait maudire aux
siens son avarice, offrit un asile à
Jean-Jacques. Le citoyen de Genève
paya cette bienfaisance intéressée par
eles formules d'admiration, et, se re-
tranchant adroitement sur Fini
cité ele son esprit , se dispensa de mo-
tiver ses éloges par la lecture des œu-
vres de son patron. Le marquis de
Mirabeau mourut à Ârgenteinl, le i3
juillet 1789. Ses œuvres, qu'on a jus-
tement appelées YJpocaJipse de l'é-
conomie politique , forment plus de
20 vol. La plus grande partie a été
recueillie à la suite del'^/m des hom-
mes,8vo\. in-i 2 , ou 3 vol., in-4°. En
voici la liste à-peu- près complète : I.
\j Ami des 'nommes , Paris ,17;
vol. in 1 1. Cet ouvrage fit une grande
sensation, fut goûté en Angleterre;
et il en parut une traduction italienne,
à Venise , en 1 784. II. Examen des
poésies sacrées de Lefranc de Pom-
pignan, 17 m, in-iaj fastidieux et
ridicule panégyrique, que Pompi-
gnan eut la mal-adresse d\u!
dans une édition de luxe qu'il donna
i poésies. III. Mémoire sur les
étais provinciaux, 1 7-^7 , in- > •>-. IV.
concernant L'utilit-
étals provinciaux , 1 707 , in-8
9<>
1MIR
Réponse du correspondant à son
banquier, 1 7.^9, in- 4°. C'est la ré-
ponse à la Lettre a un banquier par
Forbonnais. VI. Théorie de l'impôt,
Paris , 1 760 , in-4°' et in- 1 2. Au ju-
gement de L'auteur , c'est son chef-
d'œuvre. VIL Philosophie rurale ou
Economie générale et particulière
de V agriculture, Amsterdam , 1 7O4,
3 vol. in- 1 2 • abrège , sous ce litre :
Eléments de la philosophie rurale,
la Haye, 1 7G7 et 17 68 , in -12.
Oucsnay a eu part «à cette produc-
tion. VIII. Lettres sur le commerce
ralns , 17 08, in- 12. IX. Les
Économiques, dédiées au grand-duc
de Toscane, Paris, 17O9, 3 vol.
in-4% ou 4 vol. in-i 2. Elles parurent
dictées par le succès récent des Dia-
logues sur les blés, deGaliani. X.
Lettres économiques, Amsterdam,
1770 , in - 12. XL Les Devoirs ,
imprime à Milan, au monastère de
Saint- Ambroise , 1770, in-8°. Ce ti-
tre est une allusion a l'un des traités
les plus connus du saint archevêque
de Milan ( F. St. Amdroise ). XII.
La Science ou les droits et les de-
voirs de V homme , Lausanne , 177/},
in- 12. XIII. Lettres sur la législa-
tion, ou l'ordre légal dépravé , ré-
tabli et perpétué , Berne , 1775 , 3
vol. in- 12. Il y aurait quelques bon-
nes idées à y glaner. XIV. Entretiens
d'un jeune prince avec son go
neur, Paris , 1 7 85 , 4 vol. in- 12. Ce
livre a été publié par Grivel. XV.
Uion civile d'un prince , Dour-
lac, 1788, in-8°. XVI. Hommes à
célébrer pour avoir bien mérité de
leur siècle et de l'humanité par
leurs écrits sur l'économie politique,
ouvrage publié par le P. Boscovich,
ami de l'auteur , Bassano , 2 vol.
in -8°. XVII. Tiéve d'un goutteux ,
ou le principal , in-8n. , sans date,
mais de la fin de 1788 ou environ.
MIR
Le marquis de Mirabeau fut un des
rédacteurs du Journal de l'agricul-
ture, du commerce et des finances ,
Paris, 1767 à 1774? 3o vol. in- 12.
Il rédigea aussi avec l'abbé Bandeau,
de 1 765 à 1 7G8, les Ephèméridcs du
citoyen, ou Chronique de V esprit
national et Bibliothèque raisonnes
des sciences , in- 12. Dupont de JNe-
mours en fut le continuateur jusqu'en
1772 , et les porta au 63e. vol. C'est
druis ce recueil que le marquis, in-
séra son éloge du Maître de la scien-
ce, ( Qttesnay ) , qu'il met au-dessus
de Socrate et de Coni'ucius : on re-
cherche encore ce morceau comme
un modèle du style amphigourique.
F — t et W — s.
MIRABEAU (Honore- Gabriel
Riquetti , comte de ), si fameux
par l'influence qu'il exerça sur la ré-
volution française, était fils du pré-
cédent , et naquit au Bignon , près
de Nemours, le 9 mars 1741)- La
nature, en le douant d'une consti-
tution vigoureuse , d'un tempéra-
ment de feu , et des facultés les plus
énergiques , avait jeté en lui tous les
ferments des passions impétueuses ,
également puissantes pour le bien et
pour le mal, suivant la direction
qu'elles recevraient de l'éducation et
des circonstances. Son adolescence
fut confiée à un précepteur instruit,
le père du littérateur Lachaheaus-
sière ; mais cet homme de mérite ,
contrarié dans son plan , ne put met-
tre à profit l'ardeur qui dévorait son
élevé. Celui-ci sortit de ses mains
avec une connaissance légère du la-
tin et des classiques, et fut jeté tar-
divement dans un pensionnat mili-
taire : il y effleura l'étude de diverses
langues et celle des arts d'agrément,
et fut initié' dans les mathématiques
par le célèbre La grange. Sa te te n'é-
tait encore pleine que de notions
MIR
^parses , isolées , lorsque déjà il co-
dait à l'entraînement d'écrire, et pu-
bliait un éloge du GrandrCondé, et
quelques pièces de vers. A 17 ans ,
il entra dans la cavalerie en qualité
de volontaire ; et secouant le préjugé
qui frappait de ridicule les officiers
dont l'émulation tendait à s'élever
au-dessus de la vie futile et oisive des
garnisons , il lut tous les ouvrages
qu'il put se procurer sur l'art mili-
taire. Ces habitudes studieuses, quand
elles n'auraient point eu pour mobile
uu immense besoin de savoir, lui
auraient été commandées par la par-
cimonie d'un père égo'isle et super-
be , qui , démêlant avec inquiétude ,
dans l'héritier de son nom, un es-
prit d'indépendance, incapable de se
plier au joug de l'autorité paternelle,
se lit un système d'enchaîner par des
embarras pécuniaires cette activité
d'ame si prodigieuse. Une aventure
d'amour du jeune comte eut alors un
grand éclat ; et une lettre de cachet ,
sollicitée par son père , le fit enfer-
mera l'île de Rhé. L'Ami des hom-
mes songea même à retrancher son
fils de la société', en le reléguant dans
les colonies hollandaises ; et il ne
lut détourné de ce projet que par les
plus pressantes représentations. Le
comte obtint de faire la campagne
de Corse, et il y servit avi
tinction qui sourit un moment à l'or-
gueil paternel; mais lorsque , récom-
pensé d'un brevet de capitaine de
dragons, il sollicita son père de lui
acheter un régiment, il reçut cette
étrange réponse : Que les Bayard
et les Dbguesdiii n'avaient pas
ainsi. Après la soumission
le comte de Mirabeau
I la plume le ta
|>lcau de l'oppre avait
lait peser sur ce p avail
imparfait, comme ou d'j>
MIR 9t
tendre, mais empreint d'une chaleur
vraie , et où l'indignation n'avait
point trop altère l'exactitude des
faits , fut juge digne de l'impres-
sion par les états de la Corse ; le
père de l'auteur, qui l'avait reçu en
dépôt , s'empressa de l'anéantir. Les
vues philosophiques auxquelles le
comte avait ete conduit, l'impossi-
bilité où le mettaient les refus pa-
ternels de se livrer à son goût pour
la dépense, et l'attrait qui le portait
vers tons les genres de connaissan-
ces, tempérèrent son exaltation mi-
litaire , et donnèrent une autre im-
pulsion à son ambition. De retour en
France, il parvient à captiver VAmi
des Hommes, et consent, pour lui
plaire , à s'enterrer quelque temps
dans le Limousin 7 où il s'occupe
d'améliorer des terres et de poursui-
vre des affaires litigieuses. Las de ces
travaux obscurs, il se rend à Paris,
en 1 77 1 , et s'aperçoit que sa faveur
vient d'expirer. C'est alors qu'il dit
au marquis de Mirabeau : « Mais,
» mon père, quand vous n'auriez
» que de l'amour-proprc, mes succès
» seraient encore les vôtres. » Son
mépris pour le charlatanisme des
économistes , et l'opposition écla-
tante qu'il manifestait contre le des-
potisme ministériel des Maupcou et
des Tcrray, achevèrent de le brouil-
ler avec Y Ami des Hommes , accou-
tumé à caresser l'autorité. Le comte
alla grossir en Provence le nom-
bre des ennemis du nouveau parle-
; et, en 177a, il y épousa
Mlle. de Marignane, belle et riche
héritière , mais dont la fortune con-
sistait presque toute en substitutions
et successions , dont il fallait atten-
dre l'ouverture. Le mari dissipa eo
deux ans le double de ses bien
pouibles : des arrar.
>' être pris facilement avo
92 Mlfv
créanciers; mais le dur patron des
économistes aima mieux faire inter-
dire son fils, et le confiner dans ses
terres par ordre du roi. Ce fut dans
cet exil, qu'échauffé par la lecture
de Tacite et de J.-J. Rousseau , Mi-
rabeau écrivit à la hâte, et sous
l'inspiration du moment , son Es-
sai surle despotisme, morceau plein
d'une verve désordonnée, et le plus
incohérent de tous ceux qu'a pro-
duits sa plume ( i ). >8ur ces entrefai-
tes , comme il avait rompu son ban
pour venger militairement une de
ses sœurs des insultes d'un gentil-
homme poltron, une nouvelle pro-
cédure fut dirigée contre lui ; et
son père s'en prévalu! pour le faire
détenir au château d'If, d'où il fut
transféré au fort de Joux , en 1776.
Il subjugua le, gouverneur par la
magie de son langage , et obtint de
lui que la ville de Pontarlier serait
sa prison. Dans le séjour qu'il y fit,
il vit Sophie de Ruffey, jeune femme
aimable , mais sans éclat , que ses pa-
rents avaient unie à un époux plus
que sexagénaire , le marquis de Mon-
nier, ex-président de la chambre
des comptes de Dole. Enflammé du
plus violent amour, il parvint bien-
tôt à séduire une jeune femme cré-
dule • et cette passion fit éclater de
nouveaux orages contre lui : la fa-
mille du mari outragé, celle de So-
phie et la sienne propre, agirent à-
la-fois avec des intentions opposées ,
pour appeler sur sa tête toutes les
rigueurs des lois. Malesherbes lui
écrivit : « Je quitte le ministère; et
» ledernier conseilque jepuissevous
» donner , est de fuir, et de prendre
» du service chez l'étranger. » Ce fut
le parti que prit Mirabeau : Sophie
(1) Cet écrit fut publié en Hollande , en 1776 ,
in -80. ; la 3«. édition , Paris, «792, e*t augiu;uttc de
Conseils aux Hessoii.
MÏR
alla le rejoindre en Suisse, et ils se
réfugièrent en Hollande. Là, tandis
que le parlement de Besancon le
déclarait coupable de rapt et le fai-
sait décapiter en effigie , le comte
se mit à la solde des libraires, et
subvint, par un travail infatigable ,
aux difficultés de sa situation. La
tâche la plus considérable qu'il eut
à remplir, fut la traduction de Y His-
toire de Philippe II, par Watson ,
qu'il entreprit avec Durival. Il ap-
prit alors que l'auteur de ses jours
l'accusait d'avoir souillé son lit -, et
il exerça de cruelles représailles en
répandant des libelles contre ce père
acharné à le flétrir. L'insuffisance
de ses moyens d'existence lui ins-
pira le désir de se retirer en Améri-
que ; mais il n'eut pas le temps de
le réaliser. Son extradition avait
été obtenue du gouvernement hol-
landais; il fut enlevé d'Amsterdam ,
avec Soplie, par un inspecteur de
la police française : sa maîtresse en-
ceinte fut déposée dans une maison
de surveillance à Paris, et lui , enfer-
mé au donjon de Vincenncs, où il
subit une détention de f\'i mois. Le
lieutenant de police , Lenoir , q
l'esprit insinuant du prisonnier av
intéressé, lui facilita les moyens
correspondre avec Mme. de Mo
nier, à condition que les lettres pas
seraient sous ses yeux , et retourne-
raient à son secrétariat. C'est cette
correspondance que déroba Manuel ,
sur laquelle il spécula comme édi-
teur ( V. Manuel ). Au moment où
ces lettres virent le jour ( 1792 , 4
vol. in -8°. et in- 12 ), Garât leur
rendit l'hommage d'une critique so-
lennelle , dans sa chaire du lycée.
On y trouve l'empreinte d'une tête
fertile en ressources , une grande
facilité d'élocution, un accent pas-
sionné, mais qui appartient exclusi-
l
MÎR
veraent à celle sensibilité' physique
qu'a prônée Helvétius. Des placets
pour appeler l'intérêt sur sa captivi-
té, des conseils à Sophie, pour elle
et pour l'éducation de Ja iiile que lui
a donnée l'amour, des détails de né-
gociations domestiques , tel est le
fonds uniforme de toutes ces missi-
ves, que l'abondance des expressions
et l'extrême variété des tours font ce-
pendant lire sans fatigue. Au milieu
de tout cela, on trouve des traces de
mauvais goût, des inégalités, des
tirades hétérogènes , prises çà et là,
et intercalées pour suppléer à la las-
situde de l'écrivain. Le langage de
Mirabeau explique assez l'ascendant
irrésistible qu'il exerçait sur son,
amante. Il fît pour elle plusieurs
traductions , parmi lesquelles nous
n'indiquerons que celles de Bocace ,
de Tilmile et des Baisers de Jean
Second. La Bible était au nombre
des livres* qu'il recevait dans sa pri-
son : avec les rognures des com-
mentaires de dom Calmet , il com-
posa V Erotica billion , recueil de
grave! ares , où étaient signalés les
écarts de l'amour physique chez les
différents peuples , et particulière-
ment chez les Juifs. L'originalité
condensait cette fuis l'obscénité de
la matière; mais l'amant de Sophie
ne garda plus aucune mesure dans
le roman intitulé , Ma Conversion.
Cet écrit ne présente qu'une série
de tableaux dégoûtants et tout-à-
fait dignes de l'Arélin. Son imagina-
tion ne pouvait s'arrêter long-temps
à de tels objets ; une occupation d'un
genre tout différent, vint fixer toute
.sou attention. Remontant aux prin-
cip is constitutifs de la sociei '
s'armantdes documents del'histoire,
il envisagea les lettres de cachet et
les prisons d'état dans leurs 1 -ap-
ports avec le droit naturel et positif,
9
avec la société et les particuliers :
les i laus d'une indignation assez na-
turelle de sa part, se communiquè-
rent à son style , et lui dictèrent des
pages pleines de force et de chaleur,
mais déparées par des longueurs, et
par les détails disparates et mesquins
de l'intérieur du château de Vin-
cennes , qui remplissent la seconde
partie. Enfin Mirabeau fut rendu à la
société, et à cette vie active dont la
privation avait opéré sur ses forces
une altération sensible. C'est à^cette
époque qu'il faut plafcêr une accusa-
tion souvent répétée , mais qui , nous
devons le dire, ne paraît point éta-
blie sur des preuves suffisantes: c'est
d'avoir acheté les bonnes grâces de
son père , en rédigeant des mémoires
injurieux contre une mère dont la
tendresse envers lui ne s'était pas dé-
mentie un seul instant au milieu de
l'exaspération de sa famille. Mira*
beau avait bien autrement à cœur de
faire tomber l'arrêt qui l'avait con-
damné à perdre la tête. Il se consti-
tua dans les prisons de Pontarlicr ,
a(în de purger sa contumace; là, les
Mémoires qu'il produisit pour sa dé-
fense, effrayèrent ses adversaires , qui
firent de vaines tentatives à l'effet oen
obtenir la suppression. 11 était aisé %
de reconnaître dans ces mémoires
tout le talent d'un grand orateur.
Mirabeau disait lui-même d'un de
ces factums , qu'il appelle sa Philip-
pique : « Si ce n'est pas là de l'elo- ^
» quence inconnue à nos siècles bar-
» lia ies , je tic sais ce que c'est que
» ce don du ciel si séduisant el si
» rare. » Un plein succès couronna
ses efforts. Il lit la loi pour sa co-ac-
une transaction, passée entre
M. de Monnieret lui, mit au néant
toutes les procédures ; el son adver-
saire paya les Trais. Aussitôt, il vo-
le en Provence , tenter un succès
g| M1R
non moins important : il s'agissait
de se réinvestir de six mille livres
de rente, en se rapprochant de son
épouse. Il épuisa , pour y roussir ,
les médiations, les prières 7 les ins-
tances affectueuses : sa compagne fut
émue; mais obéissant à l'impulsion
de sa famille , elle refusa de repren-
dre des chaînes qui l'avaient trop
froissée. Mirabeau iit entendre alors
sa réclamation devant les tribunaux:
son éloquence revêtit des formes
touchantes, et traça le portrait le
plus flatteur de Mme. de Mirabeau ,
qu'il appelait avec complaisance un
ange de douceur et de bonté'. On lui
opposa le tableau des égarements de
sa jeunesse : appelé sur ce terrain , il
voulut montrer qu'il avait été géné-
reux envers sa femme , et produisit
une lettre dont semblait résulter la
preuve d'une infidélité qu'il avait
pardonnée. Cet incident fut décisif,
mais dans le sens qu'il n'avait point
prévu. ( V. Portalis. ) Les juges fu-
rent d'avis, avec d'Aguesseau , qu'un
mari , accusateur de sa femme , ne
pouvait cohabiter avec elle • et la
séparation fut prononcée. Mirabeau
évoqua la cause au grand - conseil ,
et demanda sans succès la cassa-
tion de l'arrêt. Dénué de moyens de
subsistance, et suspecta l'autorité,
il partit pour Londres, en 1784?
accompagné d'une Hollandaise qui
avait succédé à Sophie dans ses
affections. Les institutionsdel'Angle-
terre lui laissèrent des impressions
peu avantageuses , ainsi que l'attes-
tent les lettres qu'il adressait de ce
pays à Ghamfort , devenu son ami,
mais au-dessous duquel il se place
néanmoins à une distance respec-
tueuse. 11 saisit alors l'occasion de
caresser le sentiment haineux dé
celui-ci contre toutes les supériorités
sociales, et retira une gloire facile
MÎR
et lucrative de la publication des
Considérations sur l'ordre de Cin?
cinnalus, où, habile imitateur d'un
pamphlet américain , il signalait les
dangers d'une association honorifi-
que et militaire approchée du ber-
ceau de la liberté. Cet ouvrage ,
dont quelques traits appartiennent à
Chamfort , fut commencé à Paris ,
sous les auspices de Franklin , et
parut a Londres, 1784 , in-8". , eu
français et en anglais. Mirabeau le
compléta par une lettre de Turgot
sur les législations de l'Amer!
et une traduction des Observai
du docteur Priée sur l'importance
de la révolution des Etats-Unis,
suivie de réflexions cl de notes ,
pour lesquelles il eut dans j
un utile collaborateur. Voué désor-
mais exclusivement aux études po-
litiques, il s'éleva, dans ses Doutes
sur la liberté de l'Escaut , contre
les vues de Joseph II , qui , seconde
par la Prusse et la Russie, voulait
ouvrir un débouché maritime auBra-
bant , relever Ostcnde , et tenir la
Hollande en échec. Presqu'en même
temps parut la Lettre au même sou-
verain , qui prohibait l'émigration.
Il ne fut plus possible de nier la vé-
nalité de l'écrivain , lorsqu'il attaqua
la caisse d'escompte , la banque de
Saint - Charles . et l'entreprise des
eaux de Paris. Désigné ouvertement
comme l'instrument de Panchaud ,
de Cïavièrc et autres spéculateurs à
la baisse , il entra dans une lutte
difficile avec Beaumarchais , qui ,
s'étant chargé de répondre pour la
compagnie des eaux, le traitait avec
un dédain calme , auquel des éloges
ironiques donnaient un caractère en-
core plus offensant. « Mirabeau, dit
Laharpe, répliqua en homme que le
mépris rend furieux; il prodigua les
personnalités les plus injurieuses :
Mm
soit parce que Beaumarchais ne s'en
étant permis aucune , il crut voir
encore une espèce de mépris à se
refuser ce nui était si facile avec lui;
soit que , ne doutant pas que sou ad-
versaire n'en vînt , à son exemple ,
aux reproches personnels, il voulût
aiblir d'avance en les réduisant
à la récrimination:. » Le public se
flattait de voir aux prises deux lut-
teurs exerces ; la violente attaque de
Mirabeau contre Beaumarchais, est
peut-être ce qu'ii a écrit de plus élo-
quent : cet écrit ne contribua pas
peu à ses succès ultérieurs ; il pro-
duisit à Paris un effet prodigieux.
Beaumarchais eut le bon esprit de
sacrifier à son repos et à sa di-
gnité ic plaisir de remuer les détails
honteux de la vie privée de son ad-
versaire. Mirabeau, toujours aux pri-
ses avec le ministère, cherchait ce-
pendant à se soustraire à de nouvelles
persécutions ; il obtint alors de Ga-
lonné , qui dirigeait les finances ,
une mission secrète pour Berlin :
elle lui fut donnée dans le triple
but de l'éloigner , de sonder , par son
entremise , les dispositions du jeune
prince qui allait régner sur la Prusse ,
le faire consentir a un emprunt
considérable pour la France. 11 rem-
plit avec zèle son rôle équivoque.
Honoré d'un accueil flatteur par le
duc de Brunswick, il obtint au
suif rage du grand Frédéric, dont il
vit les derniers instants. Il remit au
successeur de ce monarque, le jour
même de sou avènement, une lettre,
dans laquelle il osa lui donner des
avis , dont le jeune prince ne parut
poinl qu'il se garda
i , voulant
dessil Guil-
laume illuminés,
Mira:
où il vers
MIR
95
mains sur Lavater et sur Gagliostro.
11 ne perdait pas de vue les intérêts
de la France; et ses dépêches adres-
sées à Galonné, et au duc de Lau-
zun, faisaient connaître avec détail
l'état de situation journalier du cabi-
net de Berlin. Toujours affamé d'ar-
gent , et dévoré d'ambition , on le
voit demander dans chaque dépêche
des gratifications et de l'avance)
Un tableau statistique secret de l'Al-
lemagne tomba entre ses mains : il
le traduisit, à l'aide d'un valct-de-
chambre, qui ne savait que l'alle-
mand, et d'un secrétaire français,
qui ne connaissait que sa langue. Il
acquit en même temps d'amples ma-
tériaux littéraires , et fut redevable
au major Mauvillon ( V. ce nom ),
de documents précieux sur la Prus-
se, documents qui , élaborés et coor-
donnés par lui, devinrent les élé-
ments de son grand ouvrage de la
Monarchie prussienne. Frédéric^
Guillaume , à qui l'on faisait crain-
dre la perspicacité d'un pareil obser-
vateur , lui ordonna de sortir de ses
états. Galonné mettait alors ses plans
d'administration sous la protection
emiers notables qu'il venait de
Convoquer. Mirabeau intervint dans
ces discussions, de la seule manière
qui fût compatible avec son existence
prééairc, en lançant v.nc diatribe
brutale, sous le titre de Dénon
tion de l'agiotage , au roi et
notables. Dans cet écrit indigeste
et continuellement déclamatoire ,
rsonnalités étaient ac
sans ménagement; Galonné et Necker
y expiaient une prééminence odieuse
a un homme qui ne se sentait pas a
sa place. Les traits de l'écrivain, di-
uniquement contre les joueurs
a la hausse , indiquaient
les instigateurs qu'il avait servis. Ri-
va roi i .
</>
MIP,
irabeau,
Assommer les fripons qui gâl ut nos affaires :
Uu voleur converti doit se faire bourreau ,
Lt prêcher sur l'échelle ou pendant ses confrères!
Les parlics offensées furent encore
mieux vengées par un ordre du roi ,
qui condamna le pamphlétaire à être
enfermé au château de Saumur. Mi-
rabeau se mit en sûreté , et publia
la Suite de la dénonciation de V a-
giotage. Il y mesurait avec audace
la réputation colossale de Necker :
ses Lettres à M. Lacretelle , et sa
Correspondance avec Cérutti , ne
sont que le développement de sa
pensée sur le ministre genevois.
Mme. de Staël a dit que Mirabeau ,
en particulier , ne parlait de Necker
qu'avec admiration ; mais il faut se
défier beaucoup de Mme. de Staël ,
quand il s'agit de son père. Quci
qu'il en soit, Mirabeau devait une
assez grande célébrité à ses écrits
polémiques, dans un temps où les
matières politiques n'étaient pas en-
core entrées dans la circulation des
idées communes , lorsque l'art des
pamphlets n'était point perfection-
né , et qu'un petit nombre d'écri-
vains seulement osait s'y livrer :
ceux de Mirabeau avaient fait for-
tune par sa manière dogmatique et
tranchante , sur des matières qu'il
avait à peine étudiées, et surtout
par le ton de hauteur et d'arro-
gance dont il accablait ses adver-
saires. Ce commencement de célé-
brité lui donna le désir d'élever un
monument plus durable ; et il fit
paraître la Monarchie prussienne ,
Paris, 1788, 4 vol. in-4°. , ou 8
vol. in -8°. avec un atlas in -fol.
Après un exposé rapide des moyens
auxquels la maison de Brandebourg
dut les progrès de son élévation ,
l'auteur traite , en autant de livres ,
de la géographie, des productions ,
des manufactures , du commerce, de
l'état militaire de la Prusse : dans
un huitième et dernier chapitre, où
il a mis son cachet particulier, il
groupe tout ce qui concerne la reli-
gion , l'éducation, la législation et
le système administratif. Les autres
parties , moins soignées ( si l'on
excepte la partie militaire, détaillée
avec complaisance dans de larges pro-
portions ) , décèlent l'extrême pré-
cipitation ou la fatigue. Le tableau de
la population prussienne diffère pro-
digieusement des calculs du comte
d'Hertzberg , dont l'autorité est d'un
grand poids. Les principes des éco-
nomistes sur le commerce sont re-
produits dans toute leur exagéra-
tion ; et la matière mystérieuse des
revenus et des dépenses est à peine
effleurée. V Histoire secrète du ca-
binet de Berlin, révélation indis-
crète clés manœuvres diplomatiques
de Mirabeau , écrite dans un esprit
de critique amère , et avec la liberté
d'un libelle , souleva tous les esprits
contre l'auteur assez peu scrupu-
leux pour faire, des secrets de l'hos-
pitalité , de la confiance de ses amis
et de celle du gouvernement, la pâ-
ture de la malignité publique. L'em-
pereur Joseph II , le roi de Prusse,
et surtout le prince Henri, qui se
trouvait alors à Paris , étaient fort
maltraités dans cette production ( 1 ).
Louis XVI crut devoir une satis-
faction au corps diplomatique ; et
ce libelle fut condamné par le par-
lement à être brûlé par la main
du bourreau (2). Mais les états-g
(1) Le seul duc de Brunswick y reçoit des elogi
sans mélange ; el il est permis de croire que sa p
dilcction pour ce prince ue contribua peut
pi u à former plus lard en France un parti qui voulut
le placer sur le tronc. B — U.
(?.) Les amis de Mirabeau essayèrent depuis de
l'excuser : à les en croire, il ne consentit à livrer son
manuscrit que comme la seule ressource qui pût pré-
venir Li faillite de soa libraire Lejny , auquel il av«i
:
MIR
néraux venaient d'être convoques:
Mirabeau eut la perspective de se
relever de l'abjection de sa jeunesse ,
et de l'inconsidératiou attachée à
l'existence précaire et dégradée qui
l'avait suivie. Sun nom fut proclame
sur tous les points de la Provence ,
a côté de celui de Ray n al , dans la
liste des candidats populaires. Ce-
int il se présente à rassemblée
de la noblesse pour y voler avec ses
pairs : ceux-ci l'écartent sous pré-
texte que les seuls possesseurs de fiefs
ont droit de siéger parmi eux. Il pro-
teste , disant que les aristocrates ont
toujours juré la perte de ceux, qui,
parmi eux, se sont déclarés les pa-
trons du peuple, et il s'écrie : « Ainsi
périt le dernier des Gracques ; mais
avant d'expirer , il lança de la pous-
sière vers le ciel , en attestant les
dieux vengeurs: et de cette poussière
naquit Marius , Marius moins grand
pour avoir exterminé les Cimbres ,
que pour avoir anéanti dans Rome
l'aristocratie de la noblesse. » Ces
paroles étaient d'un homme mer-
veilleusement disposé à chercher un
levier dans les excès révolution-
naires. 11 fit preuve néanmoins , dans
son séjour en Provence , d'une mo-
dération habile : environné de mou-
;»ts séditieux , il se porta plus
d'une fois pour médiateur entre l'in-
surrection et l'autorité, qui peut-
être n'aurait pas été fâchée de trou-
ver l'occasion de le poursuivre. Porté
en triomphe par la multitude, il fut
ic à grands cris aux suil'ra-
des électeurs du tiers- état, et
imé député à Aix et à Mar-
i). 11 opta pour la première
ce livre , lui mirait-
il dit , il me p , . Le barou de
e , lit justice- de
beau.
(i) I ■ Mhrsuillc, Tuf un
0 - riplion dau?
MIR 97
de ces villes , et se rendit immédia-
tement à Paris pour calmer l'effet
des poursuites qu'il s'était attirées
par la publication de ses dépêches
de Berlin (i). Lorsqu'il parut dans
la saile des états-généraux , un mur-
mure improbatcur,donl il saisit l'ap-
plication, se fit entendre; et l'on put
voir, dans la fierté de son maintien,
combien il se sentait au-dessus de ses
antécédents. Entouré de publicistes
exercés , tels que le marquis de Ca-
zaux , Durovcray , Clavièrc et autres
Genevois bannis , il s'aida de leurs
lumières , s'appropria leur expé-
rience, et leur abandonna la rédac-
tion d'un journal entrepris sous son
nom , dépôtde ses opinions et organe
de sa renommée, dont le produit
l'aidait a satisfaire ses goûts dispen-
dieux. Les premiers numéros de cette
feuille portaient le titre de Journal
des États-généraux. Mirabeau , en
se passant de l'autorisation du gou-
vernement, avait voulu enlever d'as-
saut la liberté de la presse. Necker,
qui se voyait attaqué dans ce pam-
phlet périodique , tiré à plus de dix
mille exemplaires , en (it arrêter la
circulation par une décision du con-
seil-d'état. Mirabeau éluda cette me-
sure, en livrant ses pages à ses sous-
eriptèurs sous le titre de Lettres à
ses commettants; et il adopta la dé-
nomination de Courrier de Pro-
vence , lorsque le gouvernement eût
laissé une libre carrière aux jour-
naux, dont la France ne tarda pas
à être inoudée (a). Les députés du
tiers-état qui arrivaient à Paris avec
une réputation déjà faite, pliaient
■a l< ttre en réponae an comte de ' iram m .
n. mu de la Provence . <|ui l'invitait ù ue j>.is al
J'.iiiluMisi.i.iiH' <|n'il avail excité. Il— -u.
i J . , arli m. ni par de* vue* parti.
garmer .--a tevéi it. .
(■>.) Le Cmiiicr de Provence , continué juxju'ru
i .un S \nl. in-8".
98
MIR
sous l'influence de Necker , et recon-
naissaient plus particulièrement pour
chefs Mounicr, Malouet et Rabaut-
Saiul-Etienuo. Les vœuî des deux
premiers se bornaient à introduire
en France les branches principales
de la constitution anglaise. Mira-
Beau, contenu par l'opinion acerë-
de son immoralité, observa
d'abord les espi "ant sur la
marche qu'il devait suivre. Quoique ,
en raison de sa liaison avec Gh
lier et Sieycs , il semblât pencher
vers les opinion lées , il n'i-
gnorait pas quel mépris
la cour pour ceiui qu'elle appelait
ironiquement le Comte plébéien;
mais frappé de L'esprit de ver;
de l'inexpérience d'un grand nom-
bre de ses collègnes , et redoutant
les suites de la lutte qui allait s'en-
gager par la résista née dos deux or-
dres privilégies, il fit des démarches
pour amener les ministres à se con-
certer avec lui , et se n «e en-
trevue avec Necker, par l'entremise
de Malouet. La e fut courte
et sèche, dit ce dernier; Mirabeau
voulait qu'on lui parlât , et on s'é-
tait seulement résigne à l'entendre :
il s'attendait à la communication
d'un plan, et il n'y en avait point
d'arrêté. Il sortit mécontent ; et
on lui entendit dire : Je ny re-
viendrai plus, mais ils auront de
mes nouvelles. Il ne tint que trop
bien parole. Jusque-là il avait évité
de se livrer, à la tribune, aux
gueuses harangues dont il avait
rempli la Provence ; ses premiers
travaux n'avaient été qu'une tra-
duction des ré e la cham-
bre des communes d'Angleterre, et
la motion d'investir les députés du
titre de représentants du peuple , la-
quelle laissait intacte la composition
des états-généraux, et nepréjndk iait
MIR
point aux droits des deux autres or-
dres ; mais lorsqu'il se vit repoussé
parles hauteurs ministérielles , aris-
tocrate par goût, selon la juste ex-
pression de Necker, il devint tribun
par choix. Le 23 juin fit. un des jours
les plus remarquables de sa Carrière
poliii a dire quedans celte
journée fut réellement décidé le sort
de la monarchie. Le roi sortait de
celle mémorable séance , où il venait
de faire les concessions les plus im-
portantes : mais il avait ordonné à
l'assemblée de se séparer ; et déjà
cette assemblée ne'voulâlt plus qu'on
lui do ordres. Le tiers-état
ait ; il resta réuni , gar-
dant sur ses banquettes un profond
silence. Le marquis de Brezé , maî-
tre des cérémonies , vint rappeler à
l'assemblée les ordres du monarque;
Mirabeau lit, an nom de ses
collègues, cette réponse si fameuse:
« Les communes de France ont ré-
» soin de délibérer. lSous avons en-
» fcefldu les intentions qu'on à sug-
» gérées auRoiretvousquincsauriez
» être son organe auprès de l'as-
)> semblée nationale; vous qui n'a-
» vez ici ni place , ni voix, ni droit
» de parler; vous n'êtes pas
» pour nous rappeler son discours :
» allez dire a votre maître que nous
» sommes ici parla puissance du peuS
» pic. et qu'on ne nous en arra<
» que par la puissance des haïon-
paroles p
fet inexprimable. Les députés ,
jusque-là silencieux, et absorbés
dans leurs fè'ftexiems où la crainte
entrait pour beaucoup , parurent ani-
més comme par une explosion élec-
trique; et l'on enlendit cette excla-
mation unanime : Tel est le in
V assemblée: elle retentit bientôt par-
tout ; et c'était à qui appuierait la
violente sortie de Mirabeau. Plus
MTR
».anl, celui-ci liait avec ses amis du
on audace, et il disait
qu'on eut pu, avec ane poignée de
», disperser les nouveaux lé-
gislateurs. On a cru que la •
eu un moment cette pensée. Kilo fit
tout -à -coup entourer La salle des
séances par tous les gardes-du-corps
qui se trouvaient à Versailles : on
rappela en toute hâte ceux qui, ayant
fini leur service, retournaient à Saint*
Germain* et d'autres troupes furent
mises sur pied. Le moment était dé-
cisif. Ce fut dans celte circonstance
qu'évidemment menace par des gens
armes, Mirabeau lit prendre l'arrêté
qui dec'ara l'inviolabilité des de-
putes. Les gardes -du -corps furent
renvoyés dans leurs quai-tiers , et
l'assemblée régna sur toute la Fran-
ce : le roi ne fut plus dès -lors
pouvoir executif, sans forées
et sans moyens d'en créer. Dans cet
Le crise , il se confia au dévoû-
menï du maréchal dcBrogIie,ct, par
son conseil, l:t avancer dix ou dou/.e
mille hommes, un bataillon d'artil-
lerie et du canon. A ces troupes, re-
parties entre Paris et Versailles, de-
vaient se joindre plusieurs régiments
qui marchaient par échelons» L'as*
semblée vit son exi mpro-
mise dans ces préparatifs ; el
beau lui (it adopter un projet d'a-
se au roi pour demander le renvoi
troupes. Celte adresse, chef-
ibinài-
çee daris les
termes d'un re . iueux pour
i.i personne du monarque' mais une
contre
. L'auteur s'était pro-
posé il < .1 faire un appel à la révolte
pour les
complirent. l/insui , ..;. nills.
sauce au Palais royal, le 1 >. juillet,
à l'occasion du ri
MÎR
99
la défeelion devint presque générale
parmi les troupes stationnées a Pa-
aux environs : le régiment
suisse de Cbâtcauvieux fut lui-même
infidèle à ses drapeau* ; et les habi-
tants de Paris, eu cornant aux armes,
prirent l'initiative de Inorganisation
des gardes nationales, qui s'étendit
bientôt «:i toute la France. Les évé-
nemenlsdu 1 \ juillet consommèrent
la révolution. Dans la matinéedu i:j,
au moment où la ville de Paris était
dans un désordre épouvantable , et
n'avait ni subsistances ni police , Mi-
rabeau prononça contre les minis-
tres , la cour , les princes et le roi lui-
même , un discours qui répandit Fcf-
froi dans tous les cœurs attachés au
monarque, et parut le signal de la
proscription. La famille royale fut
éperdue. On représenta au roi que
son trône el sa vie élaicnt menaces :
déjà on avait mis à prix, dans des
placards incendiaires , la tète du plus
jeune de ses frères. Louis XVI cé-
dant, aux sollicitations du maréchal
de Broglie, fut à la veille de se re-
tirer a Metz avec sa famille ; mis,
quelques heures avant son départ t
mseds et surtout les instances
du duc de Lianeourt le délei
vent à rester : il se rendit à l'assem-
blée, accompagné de ses frères, et
mit sou Sort à la disposition
sujets. Avant que le monarque parut,
Mirabeau emblée
à rester immobile et mue
que le silence est i.i
Le i(>, il (il une nouvelle adresse
au roi , pour lui demander le
des minis •:!. eu effet
laces. Le 17 , le comte d'Ar-
tois .
ioo M1R
cocarde tricolore ( V . Louis XVI ).
L'émigration commença. Rappelé' de
son exil momentané, Necker avait
obtenu , des électeurs de Paris , la
cessation des poursuites dirigées
contre le baron de Bezenval ( V. Be-
zen val ) par suite des événements
du i 4 juillet j il voulait faire léga-
liser cette amnistie par l'assemblée.
Mirabeau, dont le système, pour
s'emparer du gouvernement , était
d'attaquer continuellement les minis-
tres , souleva les assemblées des ilis-
tricts de Paris contre la décision des
électeurs. Ces districts , prétendant
exercer la souveraineté, s'opposè-
rent à la mise en liberté du baron ,
qui fut effectivement retenu prison-
nier et livré au tribunal du Châtelel.
Depuis ce moment, Necker vit éva-
nouir, pour toujours, cette popula-
rité qui l'avait rendu maître de la
France. Mirabeau attaqua toutes ses
opérations, discrédita tous ses pro-
jets , tantôt par des raisonnements
sérieux , tantôt par d'amers sarcas-
mes ; et il les rendit ridicules, lors
même qu'il paraissait les défendre.
( F. Necker. ) Ce fut Mirabeau qui
contribua le plus à la formation de
ces districts ou sections de Paris , si
remarqués dans la révolution, et
dont ils furent de si puissants auxi-
liaires. Ce fut également à lui que la
garde nationale dut plus particuliè-
rement sa création : il la demanda dès
le 8 juillet, et ne cessa de la provo-
quer , excité par l'abbé Sieyes , qui ,
n'osant pas manifester publiquement
des dispositions aussi guerrières ,
lui suggéra cette mesure (i), comme
(i) Ou fait houueur à Mirabeau de l'idée de cet
armement général, ordonné pour s'opposer à des
l>i'igands dont la prochaine arrivée fut annoncée dans
toutes les communes à-la-fois : il prit , sa:is doute ,
part à cette manœuvre , et ne contribua pas peu à la
faire réussir; mais l'invention ne lui eu appartient
pas ; V. Adrien DUPOUT, XII, 2^7 ). B— l).
MIR
le plus puissant levier de la révo-
lution. Lprsquc La Fayette , a
l'exemple des Américains , eut pro-
posé d'attacher comme préface, à
la constitution , une déclaration des
droits de l'homme, Mirabeau se tint
en garde contre l'enthousiasme phi-
losophique des jeunes seigneurs en-
rôlés dans le parti populaire, de
même que, le 4 août 1789, il n'a-
vait pris aucune part à. l'intempé-
rance de philantropie qui signala
cette nuit mémorable. Il représenta
les dangers de ces abstractions lan-
cées au milieu d'une population
sans expérience ; il voulait quelles
ne fussent rédigées qu'à la suite de
la charte constitutionnelle , dont
elles seraient le corollaire. La ques-
tion de l'établissement de deux cham-
bres , mise en avant dès l'ouver-
ture des états -généraux, dans une
brochure de l'évêque deLangres , M.
de la Luzerne, trouva dans Mirabeau
un adversaire prononcé. 11 était ce-
pendant loin de vouloir concentrer
l'autorité dans une seule assemblée;
car il se déclara partisan de la sanc-
tion royale , et demanda , dans un
discours plein de force et déraison,
que le monarque pût opposer aux
décrets de l'assemblée, non pas seu-
lement un vélo suspensif, comme
Necker en ouvrait l'avis, mais un
vélo absolu et indéfini : « Oui, je le
» déclare, disait -il à Barnave, je
» ne connais rien de plus terrible
» que l'aristocratie souveraine de
» six cents personnes qui demain
» pourraient se rendre inamovibles,
» après-demain héréditaires , et fini-
» raient, comme les aristocrates de
» tous les pays du monde , par tout
» envahir (1). » On parlait, depuis
(ï) Barnave, avec lequel j'ai vécu un moisà la Con-
ciergerie et tjui était aloxs revenu de ses erreurs, m'a-
Toua que le veto absolu était le plan qu'il avait 1«
plus de regret d'avoir combattu. B— 17.
MIR
le 14 juillet, d'un projet de changer
l'ordre de la succession à la couronne;
et Mirabeau en était considère comme
le principal instrument: ce bruit se
renouvela clans la se'ancc du 18
août. Un député demanda si, en sup-
posant l'extinction de la branche
régnante, celle des Bourbons d'Es-
pagne aurait droit à la couronne de
France, nonobstant la renonciation
stipulée par le traité d'Utrecht. L'a-
journement fut mis aux voix et rejeté.
« Il est une question parfaitement
» connexe avec celle que nous venons
» de traiter, dit alors Mirabeau, et
» sans doute elle n'est pas d'une
» moindre importance : je propose
» qu'il soit déclare que nul ne pourra
» exercer la régence qu'un homme
» ne en France. » A ces mots tous
les regards se fixèrent vers la place
où siégeait habituellement le duc
d'Orléans , qui n'était pas alors dans
la salle : il se promenait d'un air
pensif dans les corridors. Dès-lors
les soupçons qu'on voulait lui défé-
rer celte régence, même avant l'évé-
nement prévu , prirent encore plus
de consistance : au surplus il n'y eut
absolument rien de décidé sur la
question proposée. L'assemblée se
contenta de déclarer que la couronne
était héréditaire dans la famille ré-
gnante de mâle en maie, par ordre
de primogéniture ; et il ne fut plus
question, ni des prétentions de la
blanche d'Espagne, ni de celle d'Or-
léans. Cependant Mirabeau, qui pen-
sait, avec quelques meneurs, qu'une
déviation du principe de l'hérédité
du trône , consoliderait mieux le
nouvel ordre de choses, sonda dans
quelques entretiens la valeur morale
du duc d'Orléans; mais il s'en éloi-
gna presqu'aussitôt, convaincu de
l'impossibilité de Ton. 1er aucun plan
avec ce prince. Depuis les journées
MIR lot
du 5 et du 0 octobre, il était en
mésintelligence ouverte avec le duc.
Lorsque le repas donné par les
gardes - du - corps au régiment de
Flandre , fut dénoncé comme une
orgie où avaient été mêlées à de vifs
témoignages d'intérêt pour la famille
royale , des clameurs injurieuses
pour l'assemblée, Mirabeau échauffé
par les sommations du côté droit,
qui demandait des preuves , promit
d'en produire de foudroyantes, mais
à* condition que le roi seul conserve-
rait le privilège d'inviolabilité , et
que la loi pourrait frapper tous les
autres personnages à quelque éléva-
tion qu'ils fussent. Cette sortie dési-
gnait évidemment la reine, qui avait
paru à ce fameux banquet, portant
son fils entre ses bras ( r, Marie-An-
toinette). On connaît les tragiques
résultats de cette dénonciation; mais
un voile épais est resté sur plusieurs
circonstances, et sur la culpabilité
des individus signalés comme prin-
cipaux moteurs : Mirabeau était en
première ligne; et le Châtclet, chargé
des recherches, déclara qu'il avait
découvert les intelligences du duc
d'Orléans et de Mirabeau. Des té-
moins affirmèrent avoir vu ce der-
nier gesticulant au milieu du régiment
de Flandre : un M. de Valfond soutint
même qu'il l'avait rencontré dans
les rues , armé d'un grand sabre ,
et qu'il lui avait parlé. Enfin on se
rappela qu'il avait dit à Mounier ,
qui frémissait à L'idée d'une répu-
blique : « Eh ! bon homme; qui vous
» a dit qu'il ne faut pas un roi ? mais
» que vous importe que ce soit fouis
» XVI ou Louis XV II? voulez-vous
» que ce soit toujours le bambin qui
» nous gouverne ? » De foules ces
circonstances, Mirabeau i
sa présence parmi les soldais , e!
:iion de M. de Yalfonil
MIR
témoin , clil I la vue basse ,
avait piis pour fui M. de Gamacbe.
11 expliqua les autres chefs d'accu-
sation d'uoe manière plausible ; et ,
passant au rôle d'accusateur, il fît
i;jic violente .sortie contre le côte'
droit. L'assemblée décréta qu'il n'y
avait pas lieu à accusation. La con-
viction générale l'ut qu'on avait
voulu faire le procès à la révolu-
tion ; aussi le comité des recherches
de la commune de Paris j qui avait
entamé une instruction concurrem-
ment avec le Chàtelet, évita (:
blier les pièces qui venaient à l'appui
de son rapport. Mirabeau , qui ,
comme on l'a dit, s'était détaché lies
intérêts du duc d'Orléans, l'avait
l'ait exhorter en vain de ne point
accéder à l'exil que lui imposait
. pour se délivrer d'une
influence qui contrebalançait la sien-
ne. Iî tint même , sur ce prince ,
des propos d'une insolence éner-
gique. Dès-lors il sembla vouloir ar-
rêter la marche de la révolution,
ou du moins la modérer ; mais sa
popularité commençait à s'évanouir.
\ oyant que , tous les jours , de
nouveaux desordres excitaient de
nouvelles plaintes, il disait : « Au
» lieu de ces inutiles lamentations,
» ranimez le pouvoir exécutif , don-
/. -lui de la vigueur par de bon-
» nés lois : c'est le seul moyen de
» ramener la paix, » On voulait chan-
ger le préambule des lois; Pélbion
repoussait la formule : Louis par la
)ieu, comme rappelant des
idées de théocratie; Mirabeau répon-
dit» qu il nevoyail aucun intérêt pour
» les nations cic renoncer aux formes
» ancienr: es à des senti-
» ments religieux, lorsque ces for-
avoir de man-
ies; » et la for-
. Ce fut aussi lui
MIR
qui proposa, et fit décréter Ja loi
i le, pour dissiper les attroupe
ments séditieux. l\ de* lai a qu'iu
ablée législative dans laquelle
le pouvoir exécutif n'aurait pas la
plus grande influence, deviendrait
ôl l'ennemie de ce pouvoir, et
l'anéantirait ou serait sa victime. 11
déploya les plus grands efforts pour
que les ministres du roi fussent admis
clans l'assemblée, avec voix consulta-
tive, jusqu'à ce que la constitution
eût statué s'il ne conviendrait pas
qu'ils en fissent partie. Cette motion
parut assez singulière de sa part ,
pour qu'on eu recherchât le motif ;
et ce fut alors qu'on apprit assez po-
sitivement que le roi , instruit des
dispositions que Mirabeau montrait à
servir la monarchie, avait résolu de
le prendre pour un de ses ministres:
quelques personnes avaient fait en-
tendre à ce prince que l'homme qui
l'avait attaqué avec tant de succès,
lui serait plus utile que ceux qui
n'avaient pas su le défendre j qu'au
surplus c'était le seul moyen <:
ter la révolution. Ce projet ne fut
pas plutôt connu que chacun se mit
en campagne, pour en empêcher
l'exécution. M. Lanjuinais, informé
par l'archevêque < I e Bor< I eaux ( (
pion de Cicé), alors ministre de la
justice, de ce qui se passait, s op-
posa vivement à la motion : il fut
malheureusement secondé par la
pluralité de Passera] e par
ceux des députés qui, dans une
circonstance, se fussent empi
de la soutenir; et l'on décréta, le 7
novembre «789, qu'aucun député
ne pourrait être ministre. Mirabeau
eut beau demander, de toute la force
de ses poumons , que cette exclu-
sion ne portât que sur lui; on lui
répondit par l'ordre du jour. Parmi
les opérations financières sur les-
MIR
quelles il eut une grande influence,
o i doit rappeler la spoliation du
cierge, et la création des assignats.
Dans la ice. question, il se mesura,
sans trop de de- ver Mau-
ry ( 1) . dans la 2e, qui n'était que le
complément de la mesure qui con-
fondait dans le domaine national les
Liens ecclésiastiques, p.
biens devaient être l'hypothèque
billets mis en circulation , on e
de le montrer en contradiction avec
son opinion ancienne, qui était défa-
vorable au papier-monnaie; mais il
avait senti la nécessité d'adopté
moyen facile et vigoureux pu.
menter la révolution. Maury, s'étaut
porté de nouveau son contradicteur,
retraça les funestes effets du système
de Law ; il fut hué, et faillit è;re
assomme par la populace : Mira-
beau fut couvert d'applaudissements
is, même par le commerce de
. dont les assignats devaient
entraîner l,i ruine. 11 voulait cepen-
dant que, dans aucun cas. la i
des assignats ne pût excéder douze
millions; ce qui fut décrété
le ag septembre 1790. Ou sait com-
ment les assemblées qui suivirent
■ ret. Une des dis-
mi lit le' plus d'honneur
à Mirabeau, fut sans contredit celle
qui roula sur le droit de faire la
guerre et la paix : il s'agissait de
décider auquel des dn;\ pouvoirs
appartiendrait l'initiative. Mirabeau
proposa qu'elle fût dévolue au roi;
ii premier discours dans ce dé-
bat, mire lui
de l'assemblée : la G
comte de Mirabeau,
[lies ..,Tar|.h,.,.nl ., I.,
m iniliiC-
icju* titulaires.
MIR io3
fut criée dans les rues ; îa popui
dans ses vociférations , demandait sa
têtej on montrait la corde avec la-
quelle il (levai! être pendu. La force
militaire, déployée par le comman-
dant de la i
l'invioi|abiUlé de Mirabeau, il ■■
es à essuyer a>
trer daj bjée, où un ami lui
mit sous les yeux les dangers dont
il était menacé: — Je 1 sais assez ,
dii-il; on ne raJ<
que tri ou en lambeaux. 11
n'avait eu qu'une nuit pom
séduit une grande partie de
l'assemblée. \\ n
pour texte
de la faveur populaire ,
ces mots qui venaient d'être pré
ces moins élégamment à ses cotés , La
Hoche- Tarpeiewie est p
Capitule', et pressant dans toutes
ses sinuosités fe discours de son ad-
versaire, il ressaisit sa popi
expirante , et une rare
remporta la plus belle victoire de
tribune- qui eut été obtenue dans
cette session. Une seconde lutte s'en-
gagea entre Barnave et lui, mais
avec un résultat bien diiîércnl. Fort
de ses lumières acquises el de la
-ou esprit, Mirabeau
proposa uueloiqnieûx écarté cb
niemenl des affaire rience
eilleuse : nul , d'après cette loi,
tionaiesans un stage préalable dans
les fonctions aduiî et ju-
u'es; et m
le ci'
par! 1 I u'é-
tail point en !.
du moment ; 1
ajournement iudeiini. L<
Mirabeau pour inti
io4 MIR
ments monarchiques dans la consti-
tution, étaient attribues à des vues
cupides. Rivarol , écrivain dévoue' à
la cour, disait : .le suis vendu, mais
non payé. Mirabeau , Rappliquant
cette phrase, la retournait ainsi : Je
suis paré, et non vendu. On n'en
était pas moins persuade qu'il cé-
dait à l'influence de largesses royales;
et l'on crut remarquer en lui un chan-
gement de dispositions , à dater du
jour où , par un discours extrême-
ment sage , il fit décréter le maintien
de l'alliance avec l'Espagne. Le be-
soin des applaudissements, et la né-
cessité de soutenir sa popularité, lui
arrachèrent encore quelquefois des
témoignages d'adhésion aux princi-
pes dés organisateurs. Mais si l'hom-
me révolutionnaire existait encore en
lui, on le voyait décliner de plus en
plus : on peut regarder, à-peu-près,
comme son dernier acte, sous ce
rapport , la motion qu'il fit contre
le prince de Gondé le ^5 juillet 1 790.
On distribuait jusque dans les corri-
dors de la salle, un manifeste at-
tribué à ce prince, et dans lequel la
révolution était fort maltraitée. Mi-
rabeau demanda qu'il fût sommé
de désavouer cet écrit, dans le délai
de trois semaines, et qu'il fût déclaré
traitre à la patrie, s'il s'y refusait.
Qui l'eût imaginé? Robespierre, les
frères Lamctn, et quelques autres
membres de l'extrême gauche , se joi-
gnirent à Cazalès , à t'abbé Maury,
pour repousser cette proposition.
C'est que les amis les plus chauds
de la révolution étaient déjà divi-
sés entre eux , et se détestaient plus
cordialement qu'ils ne haïssaient
ceux qu'ils appelaient contre- révo-
lutionnaires. Depuis cette époque , la
conduite de Mirabeau devint toujours
plus suspecte aux grands meneurs
de Ja révolution , en même temps
MTIR
qu'elle inspirait plus de confiance
au parti opposé. De concert avec
ses amis, le côté droit le porta à la
présidence au commencement de fé-
vrier. 1791. Mirabeau exerça cette
haute fonction d'une manière neuve
et brillante: on applaudit surtout son
allocution philosophique à une dé-
putation de Quakers. Lorsqu'il quitta
le fauteuil , les amis de la monarchie
fixèrent sur lui toutes leurs espé-
rances : chaque fois qu'il demandait
la parole, tout le monde était atten-
tif ; et chacun espérait recueillir dans
ses expressions quelque chose de fa-
vorable à l'opinion qu'il avait em-
brassée : c'est ce qui fut remarqué
surtout , lorsque l'on voulut porter
une loi contre les émigrations. Mes-
dames, tantes du roi, se rendant à
Rome avec des passeports du mo-
narque , avaient été arrêtées par la
ville d'Arnai - le - Duc : Mirabeau fit
déclarer, contre la plus vive opposi-
tion de Barnave , qu'elles pouvaient
continuer librement leur voyage ,
puisqi l'aucune loi n'y mettait obsta-
cle. Quatre jours après , un projet
de loi fut présenté par le comité de
constitution, pour arrêter les pro-
grès de rémigra^ion.D'après ce plan,
on n'aurait pu sortir de France sans
la permission d'une commission de
trois membres revêtus de pouvoirs
illimités pour cet objet j et tous
les absents auraient été tenus de
rentrer immédiatement sur l'ordre
émané de ce triumvirat : Mirabeau
lut, pour écarter cette mesure, un
passage de sa Lettre a Frédéric-
Guillaume , et s'élevant une secon-
de fois contre toute espèce de loi
opposée à l'émigration, il s'écria :
« Il est prouvé par l'expérience de
» tous les temps , qu'avec l'exécution
» la plus despotique, la plus coneen-
» trée dans les mains des Busiris
MIR
* de pareilles lois n'ont jamais été
» exécutées , parce qu'elles sont
» inexécutables. Si vous faites une
» loi contrôles émigrants, je jure
» de n'y obéir jamais. » Celte dé-
claration, prononcée avec énergie,
étonna rassemblée. L'extrémité gau-
che réclama seule avec vivacité:
Goupil, vieillard irascible, se plai-
gnit de ce qu'il appelait la dictature
de Mirabeau; celui-ci eut recours à
l'ironie, et des murmures plus vio-
lents partirent du même côté. Silence
aux trente voix (i),s écria Mirabeau
en regardant fixement les interrup-
teurs* et il continua son discours.
L'assemblée renvoya l'examen de la
question ajournée à tous les comités
réunis. Cependant les rapports de Mi-
rabeau avec le roi prenaient tous les
jours plus de consistance. Un grand
seigneur brabançon , le prince Au-
guste d'Àremberg, connu alors sous le
nom de comte de Lamark, et lié inti-
mement avecluijfut son intermédiai-
re auprès de la cour, et lui ménagea
des communications par lettres avec
Bouille , le général auquel le roi se
confiait le plus depuis qu'il avait ré-
primé la rébellion de Nanci. Bouille
s'empressa de rassurer Mirabeau sur
ses relations avec Lafayette , que
des considérations politiques d'un
moment et les liens de la parenté
avaient formées, mais auxquelles il
était prêt à renoncer. Mirabeau de-
manda , pour premières eonditions
du traité, qu'il lui lut compté une
somme de quarante mille francs par
semaine, et qu'on lui assurât, après
iblissement de l'autorité r<
une ambassade ou un ministère a
son choix. Tout cela lui fut accordé;
(0 En rftel
iik ni un parti iten.iil à
lioinuies
«jni dirigèrent bientôt I
MIR *©5
et il jouit pendant plusieurs mois
du traitement convenu. 11 aurait dé-
siré que le roi se bornât à aller ,
soit à Compiègne , soit «à Fontai-
nebleau , où des-détachements de
l'armée de Bouille auraient formé sa
garde. Il entrait dans son plan rie
dissoudre l'assemblée, par la volonté
de la nation elle-même: ce résultat
aurait été préparé par les adresses
et les pétitions des départements. On
comptait sur trente six , auxquels en
croyait pouvoir joindre les départe-
ments limitrophes de l'Allemagne et
des Pays-Bas, entièrement dévoués
à Bouille. Une nouvelle assemblée
aurait été sur-le-champ composée
d'hommes moins exaspérés les uns
contre les autres, plus affectionnés à
la monarchie, et proprés à opérer
facilement, de concert avec le roi,
les changements arrêtés. « J'écrivis
» an roi, » dit le marquis de Bouil-
le, dans ses Mémoires , « que je pré-
»> ferais ce projet à celui de la retrai-
» te sur Montmédi ; je lui conseillai
» de charger d'or Mirabeau, de lui
» promettre et de lui donner tout ce
» qu'il demanderait ; je l'assurai que
» désormais les gens d'honneur , les
» gens intègres, ne pouvaient plus le
» sauver, et rétablir la monarchie;
» qu'ils ne pouvaient former que des
» souhaits inutiles, tandis que les
» hommes dont l'audace et L'an
» a\ aient causé tout le mal en eonnais-
» saient aussi le remède ( V. Bouil-
le ).» A. l'époque de ces négociations,
on voyait Mirabeau redoubler d'acti-
.1.1 à l'assemblée qu'au club des
jacobins. Dans la discussion sur la ré-
gence, il opina pour le système ({ni la
rait au prince du sang du plus
proche degré , quoiqu'il eu!
ni pencher pour la forme
tive. Cette brusque transition d
io6
MIR
pes, excita de nouveau les clameurs
des tribunes. Mirabeau annonça par
/ fort
pour rallier l'assemblée à des
conservatrices, et l'arracher au joug
te influence extérieure qui avait
; i tant de fois d'une manière funeste
sur ses déterminations. Il rappela le
mot de Cromwell à Lambert, l'un
de ses compagnons, qui s'enivrait
des applaudissements de la multi-
tude : Ce peuple , s'il nous vojait
marcher au gibet , nous applaudi-
rait bien davantage ; et les tribunes
itôt de témois
r que
l'orateur
avait rencontre leur vœu. Le dernier
triomphe de Mirabeau fut d'enle-
ver le décret relatif à l'exploitation
des mines. Lorsqu'il porta la parole,
à cinq reprises, sur ce sujet, dont
l'examen aprofondi l'avait conduit
à une conviction entière, il venait
à peine d'être délivre de douleurs
physiques très - aiguës. Epuise par
cet effort , il fut arrêté au milieu
des immenses projets auxquels ii
voulait dévouer la vie la plus ac-
tive. Aussitôt que la nouvelle d
maladie fut répandue dans la capi-
tale , sa porte fut a siégée par des
groupes considérables d'hommes de
toute opinion, qui se renouvelaient
d'heure en heure , et attendaient avec
impatience le bulletin de sa situa-
tion. Le soin des affaires publiques
et les jouissances de l'amitié rem-
plirent simultanément ses derniers
jours. Le malade se survivait à lui-
même par des élans affectueux et
par les inspirations d'une amc que
la pensée de la mort rendait en-
core plus éloquente. 11 s'enorgueillis-
sait de l'intérêt général qu'il inspi-
rait. Un jeune homme, persuadé que
la transfusion d'un sang plus pur
pouvait le sauver, sciait offert pour
cette courageuse épreuve. Des coups
MIR
lérémonic,
réveillèrent Mirabeau : « Seraient-ce
» déjà les funérailles d'Achille? »
s'écria-t-il avec enthousiasme. Il dit
à son valet-de-chambre : » Soutiens
» cette tête; je voudrais pouvoir te
» la léguer. » La politique du cabi-
net anglais ne l'affectait pas moins
que le mesures dont s'occupaient ses
collègues : « CePitt, disait-il, est
» le ministre des préparatifs; il gou-
» verne avec ce dont il menace, plus
» qu'avec ce qu'il fait. Si j'<
» vécu , je crois que je lui aurais
» donné du chagrin. » A la dernière
extrémité, il appela l'ancien évêque
d'Autun, ami qu'il s'était aliéné
puis trois ans, en le compromettant
dans sa correspondance de Berlin.
Une conférence de six eilla
leur ancienne affection ; et Mirabeau
le chargea de faire hommage à l'As-
on dernier tribut: c'était
un discours tendant à restreindre les
dispositions testamentaires. Cet hom-
I raordinaire s'éteignit enfin en-
us la mati-
née du 2 avril 1 791 . Aucune idée reli-
gieuse ne se mêla à ses derniers mo-
ments; il professait le matérialisme
le plus décidé. L'enthousiasme public
ira son apothéose. Les specta-
cles furent fermés ; un cortège dont
les rangs occupaient un espace de
plus d'une lieue, honora ses ob-
sèques: son oraison funèbre fut pro-
noncée par Cérutti; et son corps fut
déposé au Panthéon, qu'un décret
assigna pour demeure aux grands
hommes dont s'enorgueillirait la
France. On sait avec quels outrages
ses restes furent dispersés par la po-
pulace de 1793, tardivement con-
vaincue de ses intelligences avec la
V. Marat). Les plus chauds
lus de la révolution, qui repu- ,
dièrent alors leur ancienne idole? ac-
MIR
cusèrent, en t 791 , les partisans de la
monarchie d'avoir empoisonne Mi-
rabeau. L'ouverture du corps, faite
en présence de Peut , de Vicq d'Azj r,
et d'un concours nombreux de chi-
rurgiens et de curieux , oïlrit des tra-
ces d'inflammation dans L'estomac,
les entrailles, le diaphragme et le
péricarde : une matière épaisse, jaune
et opaque, remplissait cette dernière
enveloppe, et prouva jusqu'à l'évi-
dence que la robuste .constitution de
Mirabeau, déjà minée par l'excès
des plaisirs et par les fatigues d'une
vie agitée , avait croulé sous les Ira-
vaux prodigieux qu'il < m rassaitde-
Leux ans. Dans un Journal de la
maladie de Mirabeau, Cabanis ren-
dit compte du traitement médical
qu'il avait suivi; et M. Pujouix en-
cadra dans un drame, les particulari-
tés de la mort de cet homme célèbre.
Les jias.sions violentes avaient saisi
Mirabeau dès sa naissance. Les be-
soins de l'amitié, les transports de
la gloire , le délire des sens , ■ 1
putèrent son aine énergique. Des ri-
gueurs multipliées , par lesquelles on
voulut dompter son tempérament
irascible, et mettre un frein à ses pen-
chants désordonnés , le révoltèrent
profondément : (lies auraient per-
entièrement sa raison , et rall-
iaient mis tout a l'ail hors de la mo-
rale , si une bonté de cœur lunée
n'eût tempéré les effets de cette haute
ie, et si des mouvements droits
léreux, dont il était facile de
des vertus, ne l'eussent ra
écarts qu'A ap]
lui-même l'infamie de sa jeun
tir d'avancement dans la
ms ses
, et réduit
vent a des
avec l'honneur, il
Jnen au-dti i i'ap-
MIR
°7
pelait sa naissance : cependant il ne
se laissa jamais avilir , et il op
d'un grand cara
aux humiliations delà fortune. Doue
d'une audace persévérante qui dédai-
gnait les obstacles , il apporta aux
états-généraux une volonté forte de
limiter l'arbitraire dont il avait été
victime, d'amender et de raffermir
des institutions décrépites , et d'ar-
river à-la fois à la fortune et à la
gloire. Le mépris avec lequel les mi-
nistres avaient accueilli ses ouver-
tures , le jeta dans des voies hostiles :
peu scrupuleux sur les me. yens , il
effrayait, par son immoralité , ceux
a (pu ses étonnantes facultés don-
naient déjà de l'ombrage. La petite
morale tue la grande, répétait-il
souvent ; et , dans sa conduite, la
grande cédait presque toujours à des
calculs personnels. « 11 voulait une
«constitution libre, dit Ma'ouet,
» mais en même temps fortement
» prononcée dans les principes mo-
is narchiques. L'éioignement que lui
» montraient les ministres, lespré-
» Tentions qu'il avait à vaincre dans
» l'assemblée , même dans le parti
» populaire, l'entraînèrent à peau-
» coup d'excès : et cependant il re-
» venait, dans toutes les grandes ques-
» lions, aux opinions monarchiques;
)> et dans toutes celles où il voyait
v des écarts dangereux, il s'abste-
» nait d'opiner, «ai arrivait tortueu-
» sèment , et p aies détno-
» cratiques , à des résultats dont il
» s'indignait bientôt après : car il
)> suî.issaii ine . le joug qu'il
» s'était imposé , celui de plaire à la
» multitude. » 11 méprisait ou
tait plusieurs de ses collègui
exaltes comme lui parla faveur po-
cherchaii ut à se la
de plus ( • 11 poussant
la révolution au-delà de son but. li
ir»8 jYiIR
disait que si l'insurrection était né-
cessaire à La conquête de la liberté ,
le respect des lois devait consacrer
ce résultat; que la démocratie infusée ,
dans le gouvernement monareijiq'ie,
ne devait, jamais aller jusqu'à para-
lyser le bras du chef ; que le génie
révolutionnaire n'avait été que l'en-
fance d'une liberté dont il fallait
montrer la maturité dans des insti-
tutions durables. Ses intentions sont
encore révélées par cette phrase :
« J'ai voulu guérir les Français de
» la superstition de la monarchie ,
» et y substituer son culte ; » et par
ces mots d'une lettre écrite pour être
mise sous les yeux de Louis XVI :
« Je ne voudrais pas avoir travaillé
» seulement à une vaste destruction. »
Dans sa maladie , il exprima ses
craintes sur les danger? que courait
la monarchie ; mais on les a tra-
duites avec exagération par cette
phrase , qu'il ne prononça point :
« J'emporte dans mon cœur le deuil
» de ïa monarchie; les factieux vont
» en disperser les débris. » Puisqu'il
ne fut pas donné à Mirabeau de mon-
trer sa force , en luttant contre la
tendance factieuse qu'il avait autre-
fois suivie , et d'appliquer les res-
sources de son génie à un système
de stabilité, on peut dire qu'on ne
le connaît point tout entier. Ce n'est
pas dans ses écrits de circonstance,
presque toujours dictés par un in-
térêt mercantile, et où il compilait
à la hâte les idées qui lui étaient
fournies , qu'on doit chercher ses
véritables opinions , celles que son
esprit juste et étendu aurait avouées
comme le travail de la réflexion ,
dans ces brochures, dont il retira
une renommée plus dangereuse pour
son repos que flatteuse pour son
amour-propre, il condamne le ré-
gime des douanes, les impôts indi-
MIR
rcrîs , lescnlravesmises au commerce
des blés, les corporations; il envc
loppe dans la même réprobatioi
1rs troupes réglées , la police, les
distinctions héréditaires et L'inter-
vention du gouvernement dans L'ins-
truction publique. Onsaii rependant
combien il se montrait attentif à
ne sacrifier aucun de ses avantages.
Racontait-il la journée de la Saint-
Barthélemi, il avait soin d'ajouter :
L'amiral de Coligni, qui , par pa-
renthèse, était mon cousin. L'as-
semblée put se convaincre tout en-
tière qu'il était loin d'avoir dépouillé
le vieil homme, lorsqu'imraédiate-
ment après l'abolition de la noblesse,
désigné dans le Moniteur sous le nom
de Riquctti, il lança le journaliste
avec emportement, et lui cria : Sa-
vez vous au avec votre Riquetti,
vous avez désorienté V Europe pen-
dant trois jours ? Dans son intérieur,
il se faisait appeler M. le comte ; et
il donna des livrées à ses gens lors-
que tout le monde y renonçait. Sa
mauvaise réputation lui avait fermé
les salons de Paris: ses succès de tri-
bune les lui rouvrirent. Son commer-
ce était facile et agréable; sa conver-
sation était féconde , et empreinte
d'une vivacité originale; il se plaisait
à dire des choses obligeantes , appré-
ciait avec une sagacité bienveillante
la valeur intellectuelle des autres , et
paraissait propre à parler la langue
de tous. L'ambition profonde et tra-
cassière du triumvirat de Barnave ,
Duport et Lameth , l'importunait;
mais il rendait justice à leurs talents.
11 avait fait à Sieyes une réputation
colossale; mais il n'accordait pas,
dans le fond, un grand poids aux abs-
tractions de ce collègue : il lui adres-
sait le reproche capital de ne pas
savoir marcher en affaires a
hommes; et il savait que les louan-
MÎR
ces hyperboliques dont il accablait
ià capacité mystérieuse de l'abbé,
ne pouvaient nuire à sa propre gloi-
re. L'influence du compagnon de
Washington lui donna plus d'om-
brage ; rassure cependant par la pré-
pondérance politique à laquelle il
était enfin arrive, il disait à Snleau:
« Lafayette a une armée ; mais ,
» croyez-moi, ma tête aussi est une
» puissance.» Lefanatismedebonne-
foi de Robespierre lui arracha un
jour cette exclamation : II ira loin ,
car il croit tout ce qu'il dit. Mira-
beau, fidèle au plan naïvement ex-
posé à Marmonlel par son ami Cliam-
ï'ort, agissait sur la multitude par
une poignée de perturbateurs à sa
dévotion , parmi lesquels figuraient
au premier rang , Danton , et Ca-
mille Desmoulins, qu'on appelait son
Séide. Planant au-dessus des partis,
il leur échappait à tous, persuadé
que sa volonté les rallierait , les
dominerait, ou au moins contien-
drait leur essor. On le vit prési-
der et quitter tour-à-tour des so-
ciétés animées d'un esprit contraire :
il ne donnait de gages à aucune, mais
il se servait de toutes comme d'ins-
truments. Il s'irritait facilement des
provocations et des obstacles; mais
il se rapprochait «sans répugnance,
lorsqu'il y voyait un objet d'utilité.
Pour peu qu'on sût intéresser sa gé-
nérosité, il n'était pas d'injure qu'on
ne put lui faire mettre en oubli. Les
iusultes littéraires n'avaient sur lui
aucune prise; il avait usé tous les
outrages. Son immoralité invétérée
liait sous des dehors de digni-
té, depuis <pie, placé sur un j
théâtre, il s'astreignait à une repré-
sentation contii le public,
îble à l'amitié, porté à la bien-
faisance, il rechercî irdeur
toutes les jouissances des arts. Ses
Min iog
relations avec la cour lui i.
enfin les moyens de satisfaire ses
goûts. Il occupa une maison à la
Chaussée-d'Antin, acquit le Marais ,
maison de campagne près d'Argen-
teuil , et il acheta une bibliothèque
estimée 3oo,ooo fr. Sa succession
n'en fut pas moins obérée. Un de ses
projets était de refondre dans une
collection générale de ses œuvres,
qu'il aurait fait imprimer sous ses
yeux, à la campagne, les /jo volu-
mes qui portaient son nom , en y
ajoutant un choix des immenses ma-
tériaux que contenaient ses porte-
feuilles ( i ). — Les travaux de Mira-
beau à l'Assemblée constituante ont
été recueillis par Et. Méjan, l'un de
ses auxiliaires, Paris, 1791 , 5 vol.
in-8°., et sous le litre de Mirabeau
peint par lui-même, ibid. chez Buis-
son , 4 vol. in-8°. , avec cette épi-
graphe dictée par l'enthousiasme :
Que serait-ce si vous l'aviez en-
tendu ? Ces deux recueils ont été
reproduits , un peu moins com-
plets, en 1820 , d'abord sous ce
(iN Mirabeau avait légué ses papiers littéraire* à
Cabanis , et ses papiers politiques à M. le comte de
Laïiiarck ( aujourd'hui duc d'Arembers ) : on pré-
tttfue (pie ce dernier conserve encore la COrrcppoU-
Mirabeau avec la cour. On a parlé d'écrits
de Mirabeau qui auraient été détruits, et l'on a cité
dans ce nombre mi Mémoire sur le mariage îles piè-
tres, un sur le divorce, un travail fort avance si
tion de la garde nationale et sur !.
• le l.t constitution, des documents nouibn
l'histoire secrète de la révolution, et peut-être,
e d'une loi sur l'adoptiou. Des amis intimes
j au d'ouI jamais i u < onnaissi me qu'il se
sol occupé d'ouvrages sur ces matières. Mais
ses manuscrits inédit* , '»' peut citer i«. Environ
es importantes et curieuses. ■*<>. Un discours
fort étendu sur la traite tics nègres, 3o. Un Traiti
de lu loin mu;: ',". 1). i
des Etats - I nii ( Hollande ) jusqu'au quinzième
•■- Une /> isertation 'tir
178a ). (io. Des Etudes tur les canaux da
In France. 70, Un Précis de lu révolution dm»
• nii d'Amérique. K<< . •
au donjon tir V incarnes. op. Anuly>c ■
■
1 il<- < es manuscrit
contents su 1 Mirabeau et sa famille , qui enibi
un intervalle de cinquante ami posa d«
publier nue histoire aprofoud
vau* de Mirabeau. A. B — x.
110
MTR
titre: Les Orateurs français ou Dis-
cours choisis de Mirabeau, Ba:
et Vt précédés de notices
par M. Barthe, avocat . des j
ment s de Garât et <
oraison funèbre par
Cérutti, et d'un parallèle entre Mi-
rabeau et le cardinal de Retz, par
M. Boissy-d'Anglas : on doit préfé-
rer les Œuvres oratoires de Mira-
Paris, Blanchard, i vol. in-8°.
On a conteste à Mirabeau la propriété
d'un grand nombre de ses discours ;
et l'on a dit, avec quelque fonde;,
qu'en même temps que le genevois
Duroveray l'initiait dans la tactique
des mouvements populaires, Cla-
vièrclui fournissait les thèmesdeses
productions relatives aux finances :
lui-même publiait qu'il devait à La-
mouretle le discours qu'il prononça
sur la constitution civile du cierge,
et à Chamfort une diatribe sur les
académies, destinée pareillement à
l'épreuve de la tribune* on nomme
encore les véritables auteurs de l'a-
dresse pour le renvoi des troupes ,
du discours sur le veto, du travail
sur le système monétaire, de l'œuvre
posthume contre la faculté de tester.
Des hommes à talent s, et même beau-
coup d'hommes médiocres, dont il
fécondait par ses propres vues l'é-
troite capacité, attirés par son as-
cendant, lui apportaient la contri-
bution de leurs veilles. Ces offrandes
de l'amitié n'étaient le plus souvent
que des canevas dont il avait donné
le programme : Mirabeau s'em parait
e travail brut , et se l'appropriait
eu lui imprimant le cachet de sa
force et de son originalité. Indépen-
damment des ressorts qu'il faisait
jouer en se concertant avec ses af-
auxqueis i! distribuait des rôles
à l'appui de ses propositions , l'en-
chaînement et la gradation savante
MÎR
de ses prouves, l'effet bien ea1
allusions, l'art de reproduire
sous un jour nouveau la question
tient déjà envisagée de nom-
breux orateurs, u i i fi nid s d 'a mertume,
de causticité, une habileté de déduc-
tion développée par de longues ha-
bitudes polémiques , et par-dessus
tout nue action oratoire irrésistible ,
lui assuraient la domination de la pa-
role. «Ses dehors, ditM.Lemercier,
frappaient à son désavantage : sa
taille ne présentait qu'un ensemble
de contours massifs; la vue ne sup-
portait qu'avec répugnance son teint
gravé, olivâtre, ses joues sillonnées
de coutures , ses yeux s'enfonçant
sous un haut sourcil et dans un en-
châssement plombé, sa bouche irré-
gulièrement fendue, enfin toute cette
tète disproportionnéeque portait une
large poitrine. Était-ce en lui la
beauté de la prononciation , qui sup-
pléait à sa figure? Sa voix n'était
pas moins âpre (\\\q ses traits , et le
reste d'une articulation méridionale
l'affectait encore: mais il élevait cette
voix d'abord traînante et entrecou-
pée, peu-à-peu soutenue par les in-
flexions de l'esprit et du savoir; et
tout-à-coup elle montait avec souples-
se au ton plein, varié, solennel , des
pensées que développait son génie.
De là, l'aigle planait; il se jouait des
orages, il lançait mille éclairs. Sa
laideur disparaissait; sa vigueur avait
des grâces , tant son ame le transfor-
mai! tout entier. » C'était cette inspi-
ration , cette puissance de vie, qui
établissait la : de Mira-
beau sur les rivàuxdc son éloquence >
cr qui B aruave : Je
n'ai jamais entendit parler aussi
long-temps, aussi vite et aussi bien ;
mais il n'y a point de divinité en
lui. Le talent de bien dire n'était pas
à ses yeux, le bat, mais seulement
MIR
un moyen : il ne s'occupait point de
la pureté de 1\ , pourvu
qu'il fit sail en la revê-
tant déformes t tendues et
entrai icnts tumuj-
. de l'assemblée, le choedes con-
tradictions, les altercations person-
nelles, donnaient à ses faculti
braillement nécessaire à leur r
gieux effet : i! avait besoin d'être
ému ; c! s'il ne l'était pas , ou s'il n'a-
bordai! pas la tribune avec des
arrêtées , son éloculion se traînai! pé-
niblement , vague, obscure el embar-
rasser. Mais quand , sûr de lui-même,
appuyé d'un travail préalable ou saisi
par une illumination soudaine, i! ren-
voyait à ses adversaii saillies
pénétrantes , découvrait par des ré-
cablantes le défaut de leurs
armes . ou leur imposait par l'audace
de la parole, les plus redou-
taient dre dans l'arène où il
les provoquait. Les e es dé-
sespéraient du succès de la raison, en
.ce de ee foyer de passions bru-
vulgaire dies membres du
Iroit, incapables de répondre à
Mirabeau, s'en dédommageaient en
lui adressant des cartels. On sait
ticertait ces
provocations ; il finit par y opposer
une circulaire ainsi : Mon-
sieur, je vous ai mis sur ma liste;
mais je vous préviens quell
lue je ne saurais faire de
:s. Pourcoraplé
-. oratoires
il faut, y joindre
ùl sur V éducation publique ,
lus, en i 7 .; > i , in 8".
i -.cours sur
ition du <•(,. . nant,
sur i l'éta-
blissement d'n
lu col-
cation
MTR 1 1 r
de l'héritier de la couronne : tous
ces morceaux altesl s leur
étal imparfait, la maturité du sty-
le de Mirabeau , mais font
peu d'honneur à ses vues spéculati-
ves. On a publié, en iS'in et i8ti ,
pour laite suite ; aloi-
res du même personnage , ses Œu-
vres choisies , qui doivent se com-
poser île 8 vol. ont 5 ont
déjà paru. La Monarchie prussienne
n'en fait point partie, Parmi les ou-
- de Mirabeau exclus de celte
lion , et dont il n'a point été
parlé dans le cours de cet article,
nous mentionnerons : 1.
elsohn, ci -.o ine po-
te des Juifs, Londres, 1 78-, iu-
8°. 11. Lettre sur Cagliostro et La-
vater , Berlin , 1 78G ( F. Luchet ).
111. Observations.: , sui-
vies d'aperçus sur la législation pé-
nale. Pais, 1788. IV. Lettre à
Guibert , sur son Eloge de Frédéric,
et son Essai de tactique , ibid. ,
1 788. V. De l'usure. VI. Aux Ba-
taves sur le slathoudérat , 1788.
On y trouve un passage curieux sur
la déclaration 1 d'un peu-
ple. VII. Conseils à un jeune prince
qui veut refaire son édi
1 788; fragment, écrit avec soin, d'un
ouvra Vable abandonri
l'auteur. \ III. Théorie de la r
té, d'après Milton, Pari.. 1791 ( f~.
Miltûn, pag, 71 el 7 3 ci- de*
IX. Lettres à lis en
\e ( Mauviiloi!
de 178'» à 1790. H unswick, \~\y .
d'un 1 rtatiou de
:• '
par-
tit r-
ec un di
M1R
avec uti volume de contes et nouvel-
les , Tours , 1796,3 vol. La Cha-
beaussière, élevé avec Mirabeau , lui
avait fait don du manuscrit de cette
traduction , à laquelle il n'attachait
aucuneimportauce. Mirabeau se l'ap-
propria eu l'enrichissant d'additions
et remaniant le style. La Chabeaus-
sière revendiqua l'ouvrage, lorsqu'il
en vit le succès. XII. Lettres iné-
dites de Mirabeau, Paris, 1806.
L'éditeur, Vitry, a encadre dans
cette correspondance , en les dé-
pouillant des accessoires purement
judiciaires , un extrait des 7 vol. de
Mémoires et observations publies
par Mirabeau dans le cours de ses
procès , et devenus extrêmement ra-
res. Un seul volume contient , avec
les lettres qui forment une introduc-
tion historique , le premier et le
troisième mémoire écrits à Pontar-
lier , avec des fragments du second;
le plaidoyer prononce à Aix, des
morceaux détaches des factums qui
Le suivirent et du mémoire présente
au grand-conseil , enfin une conver-
sation avec le garde - des - sceaux,
pleine de cette arrogance à laquelle
Mirabeau dut une grande partie de
.ses succès. On a mis sous le nom
de Mirabeau les deux premiers vo-
lumes de la traduction de l'histoire
d'Angleterre, par Mme. Macaulay,
version sèche, incorrecte et tron-
quée , dont il faut laisser toute la res-
ponsabilité à Guiraudet, qui avouait
les trois volumes suivants. M. Bar-
bier a donne une longue liste des ou-
vrages attribués à Mirabeau , dans
laquelle il a omis le Rubicon , et le
Libertin de bonne qualité, produc-
tions obscènes qui font le pendant
de Ma conversion. L'écrit Le lecteur
y meltra le titre , Londres , 1777 ,
iu-8°. de 95 pag. , est, dit le Dict.
hist. des musiciens , plein d'exccl-
MIR
lentes vues sur la musique instru-
mentale : on y trouve l'analyse rai-
sonnée des Jfvenlures de Télérna-
que , grand morceau de symphonie
par Raimondi. L' Espion dévalisé
( Neufchâtel , 178-2 ) , rapsodie sa-
li ; i jue désavouée d'une manière équi-
voque par Mirabeau , fut y dit -on,
le fruit d'une escroquerie qu'il se
permit contre Baudouin , maître-
ci es requêtes, homme d'esprit , fer-
tile en anecdotes scandaleuses , qui
partageait sa prison à Vincennes.
C'est à tort qu'on a supposé la
coopération de Mirabeau à la Ga-
lerie des états - généraux ; il était
trop occupé pour mettre du sien
dans les portraits peu saillants que
traçaient Laclos et. Luchet ; et il est
surtout invraisemblable de lui attri-
buer son propre portrait , sous le
nom à'Iramba. Ou n'y reconnaît ni
la manière dont il avait coutume de
parler de lui-même , ni aucune forme
de son style. Ghaussard a publié
Y Esprit de Mirabeau, Paris, 1797
et 1804, 2 vol. in -8°., et l'a fait
précéder d'une notice étendue. On a
encore un éloge historique de Mira-
beau ( Paris , 1 792 ) , par le genevois
Grenus , l'un de ses collaborateurs;
et M. Peuchet promet une Vie cir-
constanciée de cet homme célèbre.
Parmi les productions de l'art qui
nous ont conservé les traits de Mi-
rabeau, nous citerons son buste par
Houdon , et son portrait en pied
par Boze , gravé par Besson.
B — u et F — t.
MIRABEAU (BonifaceRiquet-
ti vicomte de ) , frère puîné du pré-
cédent , né au Bignon le 3o novem-
bre 1754, fut aussi appelé aux étals-
généraux , non par les suffrages po-
pulaires, mais par la noblesse de la
sénéchaussée de Limoges. Il était
alors colonel du régiment de Tou-
MÏR
raine, chevalier de Malte , de Saint-
Loujs, et portait en même temps
la décoration républicaine de l'ordre
de Cincinnatus , obtenue en Améri-
que, où il avait fait la guerre ave-
nue bravoure qu'on a qualifiée de té-
mérité ; mais il ne s'occupa que de
ses devoirs militaires, et ne recher-
cha poiut dans ce pays les nouvelles
règles de politique dont l'application
devait être si funeste à la France,
.le suivre à cet égard l'exem-
ple d'un grand nombre de ses jeunes
camarades, le vicomte de Mirabeau
se montra jusqu'à sa mort l'irrécon-
ciliable ennemi de leurs doctrines :
il n'épargna pas même son frère ,
qu'il combattit plusieurs fois sans
ménagement ; quoique celui - ci le
traitât toujours avec bienveillance ,
et que, par l'ascendant qu'il avait
dans le public et dans l'assemblée ,
i ! évitât à son cadet des désagréments
qui auraient pu devenir des dangers
reçls. Avec moins de profondeur
dans l'esprit, et surtout moins d'ins-
truction, le vicomte de Mirabeau
avait , comme le comte, l'art du sar-
casme , et de ces saillies vives , qui ,
bien que souvent peu convenables en
sui , produisent cependant un effet
prodigieux : peut-être même possé-
dait-il cet art à un degré supérieur.
Il est vrai qu'étant de beaucoup in-
férieur à son frère clans les autres
moyens, il devait avoir plus fréquem-
ment reçpwrs à celui-là. Il faisait plai-
samment les honneurs de ses parents
et les siens. « Dans toute autre fa-
ille , » disait -il , ce je passerais
» pour un mauvais sujet, et pour un
imme d'esprit : dans la mienne,
. » on me lient pour un sot , mais
o pour un homme rangé. » On s'est
plu à 'ni faire partager Ions les torts
de condui beau l'aîné; mais
on n'a pas appuyé cette assertion de
MIR n3
preuves qui la justifient. 11 paraît
seulement que le vicomte aimait
beaucoup la bonne chère, et qu'il
avait un soin tout particulier de sa
cave. Doué d'une figure fort agréa-
ble, ses excès en ce genre l'avaient
rendu , jeune encore , extrêmement
gros; et son embonpoint, fixé sui-
des cuisses et des jambes fort cour-
tes , formait de sa personne une vé-
ritable caricature , et l'avait fait
surnommer Mirabeau - Tonneau.
Son portrait, ou pour mieux dire,
cette représentation grotesque se
voyait au coiu des rues et chez tous
les marchands d'estampes. Arrivé
un jour dans un état voisin de l'i-
vresse a l'assemblée où l'on discutait
la question très-grave de savoir si la
chambre des vacations du parlement
de Rennes serait punie pour avoir
désobéi aux décrets nationaux, il en-
treprit de la défendre : mais l'état où
il se trouvait, ne lui permit pas de
parler d'une manière raisonnable; il
ne montra qu'une violence opiniâtre,
au lieu des arguments que sa cause
pouvait lui fournir. A la suite de
cette scène, son frère . q".i dans cette
occasion avait. prononcé, contre le
parlement de Rennes, le discours le
plus véhément, alla le voir, et lui
lit avec douceur quelques repré-
sentations sur ses excès de table.
« De quoi vous plaignez-vous , lui
» répondit gaîment le vicomte; de
w tous les vices (h- la famille, vous
» ne m'avez laissé que celui-là. »
Dans le cours de la session , il sebat-
tit avec le comte de Latour-Mau-
bourg, et reçut un coup d'épée, qui
le retint long-temps dans sa cham-
bre; son frère étant venu s'informer
de l'état de sa blessure, ce lai encore
par un sarcasme qu'il le remercia :
a Je vous rends grâce de votre visi-
» te , » lui dit-il , lorsqu'il sortait j
8
n4
MIR
« croyez qu'elle m'est d'autant plus
» agréable que vous ne me donnerez
» jamais l'occasion de vous en ren-
» dre une pareille. » Mais il lui fit
dans l'assemblée même une réponse
bien plus terrible : Mirabeau avait
parlé du signal des massacres de la
Saint-Barthélemi , donné par le mal-
heureux Charles IX. « Si l'on abusa
» de la religion , répliqua son frère,
» pour opérer les meurtres de la
» Saint-Barthélemi , des scélérats
» ont abusé du nom de liberté pour
» violer la demeure dés rois. » Mi-
rabeau l'aîné était accusé d'avoir, de
concert avec le duc d'Orléans , pré-
paré les événements des 5 et 6 octo-
bre 1 789. Son frère le vicomte dé-
fendit le roi et l'ancienne royauté
dans toutes les circonstances, mais
jamais par des discours suivis : il
e'tait trop vif et vraisemblablement
n'avait pas assez d'instruction pour
figurer à la tribune avec quelque
avantage; aussi ne l'y vit-on que ra-
rement : il décochait de sa place quel-
ques phrases piquantes , et qui ren-
fermaient souvent un grand sens. Il se
déclara pour la liberté des opinions
religieuses , à condition néanmoins
qu'il n'y aurait qu'un culte public.
Il défendit aussi la cause du clergé ;
mais , ainsi que clans toutes les discus-
sions, il n'en embrassa pas l'étendue,
et ne fit que glisser sur la surface.
Il se fît donc peu remarquer comme
orateur ; on ne peut pas même lui en
donner le titre : c'est par l'énergie rie
son opposition au système révolu-
tionnaire qu'il s'est distingué. Le 4
février 1 790, le roi , espérant rame-
ner la paix en France , vint à l'as-
semblée promettre fidélité à la cons-
titution, qui n'était encore qu'ébau-
chée ; on n'en avait décrété que quel-
ques articles. Tous les députés ayant
été appelés à prêter le même serment,
MIR
le vicomte de Mirabeau sortit de sa
place, traversa la salle, et, arrivé
dans les corridors, il appuya sur le pa-
vé la pointe de son épée , et la brisa ,
en disant : « Puisque le roi de France
» ne veut plus l'être , un gentiîhom-
» me n'a plus besoin d'épée pour le
» défendre (1). » Son régiment qui
était en garnison à Perpignan , s'y
étant insurgé, il partit de Paris, en
juin 1 790; et après avoir inutilement
essayé de faire rentrer les soldats
dans le devoir , il s'empara des cra-
vates qui faisaient partie de ses dra-
peaux, et reprit le chemin de la ca-
pitale. Cette singulière démarche ex-
cita la plus grande rumeur, surtout
dans les départements du raidi. Le
vicomte fut même momentanément
arrêté en route , et dénoncé à l'assem-
blée, où son frère le défendit. La
dénonciation n'eut pas de suite. Mi-
rabeau le jeune émigra immédiate-
ment après ; et , à peine arrivé aux
frontières , il envoya sa démission à
l'assemblée , avec une protestation
contre tout ce qu'elle avait fait et
tout ce qu'elle pourrait faire. L'as-
semblée le décréta d'accusation : pen-
dant ce temps-là , il levait une légion
de royalistes , qui se réunit plus
tard au corps de Condé. Cette lé-
gion , à qui son chef avait inspiré sa
bravoure, fit avec une très-grande
activité, sur les bords du Rhin, une
guerre d'escarmouches contre les
Français de l'intérieur : on parla beau-
(i) L'Introduction au Moniteur ( qu'il ne faut pa»
confondre avec le Moniteur même, qui dp commença
qu'au mois de novembre 1789, lorsque l'assemblée
et le roi vinrent à Paris ) , dit aussi que le vicomte de
Mirabeau brisa sou épée; niais l'auteur prétend qu?
ce fut dans la chambre delà iv blesse, avant la rén-
niou des ordres, et qu'il fs i serment de ne pas sortir
de cette chambre, dut-il y rester seul L» rédacteur
du prisent article ne se souvient de rien de pareil : i(
a compulsé les procès- verbaux de la chambre de la
noblesse, et n'y a vu aucune trace de ce qu'un ht
dans l'Introduction au Moniteur ; mais il a
moin de ce qui s\ st passé le 4 févrwi
Mia
«*oup en France et chez l'étranger de
la légion de Mirabeau ; et cette répu-
tation le fit comprendre dans le dé-
cret d'accusation qui fui rendu , le 1
janvier 1793, contre les deux prin-
ces frères du roi, contre l'ex- mi-
nistre Galonné, et le marquis de La-
queuille. Ce décret avait été proposé
un mois auparavant ; mais Guadet ,
qui l'avait provoqué, Voulut qu'on
le réservât pour le commencement
de Tannée : c'était , disait -il, une
étreune qu'il fallait donner au peu-
ple. Le vicomte de Mirabeau mourut
vers la fin de cette année, d'une
fluxion de poitrine , dont il fut
atteint à la suite d'une opération mi-
litaire où il s'était vivement échauf-
fé. 11 n'a point laissé de réputation
comme littérateur : cependant on a
de lui, le Voyage national de Mira-
beau cadet, brochure de 5'j pages ,
1 790 ; c'est un récit plein de verve ,
d'esprit français et de gaîté , quoi-
qu'il s'agît des scènes révolution-
naires dont il avait pensé être la
victime en allant à Perpignan, et
pendant toute sa route pour rega-
gner Paris. On a encore du vicomte
de Mirabeau une Satire qu'il n'a
point avouée, intitulée la Lanterne
magique ; enfin , quelques pièces fu-
gitives insérées dans le journal inti-
tulé les Actes des apôtres , toutes
remarquables par l'esprit et par la
gaîté» B — u.
MÏRABELLA ( Vincent ) , sa-
vant antiquaire, né en 1 570, à Syra-
cuse, d'une famille noble , s'appliqua
avec une égale ardeur à l'étude des
mathématiques, de la géographie et
de l'histoire. 11 cultiva aussi la poc-
: la musique; mais il ne regarda
les arts que rumine un délassement.
La (I - axactère et ses
talents lui firent de nombreux amis.
11 était membre de l'académie des
m ut
Lyncei de Pvome et des Oziosi de
Naples. Il mourut en i6.i4, à Mo-
tica,etfutinhumédans l'église Sainte-
Marie-des-Grâces, où l'on voit son
épitaphe, rapportée par Mongitore
( bibl. sicula , 11 , 290. ) Plusieurs
e'erivains, entre autres Clurier , le
géographe, ont parlé de Mirabella
avec éloge. On cite de lui : I. Madri-
gali7 Palerme, 1606 , in-4°. Ce vo-
lume ne renferme que le premier
livre ; on ignore s'il a eu une suite.
•II. Dichiarazioni délia pianta delV
antiche Siracuse , e d'alcune scelle
medaglie d'esse , e de principi che
quelle possedettero , Naples , 1 6 1 3 ,
in-fol. , fig. Cet ouvrage, rare et cu-
rieux, a été inséré par Jacques Bo-
nanni , dans le tome 11 Dell7 anti-
ca Siracusa , Palerme, 1 7 1 7 ; il a été
traduit en latin , et imprimé dans le
Thesaur. antiquitatum Italiœ , de
Burmann,tome x. Mirabella a laissé
en manuscrit une Histoire de Syra-
cuse. W — s.
MIRAMION ( Marie Boiyneau ,
dame de ) , seconde fondatrice des
Filles de Sainte-Geneviève, connues
aussi sous le nom de Miramionnes
(1) , naquit à Paris, le 1 novembre
1629 , d'une famille de finance. Elle
joignait , à l'espoir d'une fortune
considérable , beaucoup d'esprit et
de beauté 5 mais les leçons qu'elle
reçut de ses parents , la mirent à
l'abri des séductions du monde.
Restée orpheline, à l'âge de quinze
ans, elle épousa, en 1645 , J. J. de
Beauharnais, seigneur de Miramion ,
conseiller au parlement, qui mou-
rut au bout de quelques mois de
mariage, la laissant enceiute d'une
fille. De nouveaux partis se pr<
tèrent bientôt, attirés par les avan^
(i)ï..;< congrégation
fut touche «h iWU , p«» M*. '..
110
Mm
tages réunis de la jeunesse \ de la
beauté et de la fortune ; mais elle
l*'s refusa : au nombre des préten-
dants se trouvait le comte de Bussy-
ilabutin, à qui elle avait, à son
insu , inspire une passion violente.
Voyant ses propositions e'carlëes , il
la lit enlever , au mois d'août 1648,
par .ses gens, et conduire à son châ-
teau de Launoyy près de Sens, où
elle arriva mourante. Bussy sVper-
cevant que le moyen qu'il avait pris
ne lui réussissait pas, chercha à s'ex-
cuser de sa faute, et la renvoya.
( Voyez les Mémoires de Bussy ,
année 1648. ) La frayeur qu'avait
éprouvée Mme. de Miramionlui occa-
sionna une maladie grave; et après
son rétablissement elle fit chez les
Sœurs-grises une retraite de quelques
mois: ce fut alors qu'elle prit la re-
solution de ne jamais se remarier,
et de consacrer tous ses revenus au
soulagement des malheureux. Pen-
dant les troubles de la Fronde , la
misère ayant augmenté dans Paris ,
elle fit distribuer à sa porte une si
grande quantité de pain etdelégumes,
qu'elle se vit obligée de vendre son
collier, ses diamants et sa vaisselle
pour couvrir cette dépense. Elle
employait tous ses loisirs à visiter
les pauvres malades, et composait
pour eux des remèdes dont l'effica-
cité a été reconnue depuis, et dont
on trouve les formules dans la Méde-
cine des pauvres. Dès que Mme. de
Miramion eut procuré à sa fille un
établissement conforme à sa nais-
sance, elle ne s'occupa plus que de
réaliser les projets que lui avait ins-
pirés son inépuisable charité. Elle
eut part à l'établissement de la
maison de Refuge , pour les femmes
ou filles d'une vie scandaleuse , que
l'on y renfermait malgré elles , et
de la maison de Sainte-Pélagie où
M fil
étaient admises celles qui s'y reti-
raient volontairement; et elle rédi-
gea, pour les deux maisons, des règle-
ments qui sont restés les modèles de
tous ceux du même genre. Elle for-
ma, en 166 1 , une congrégation, dite
de la Sainte-Famille , qui était des-
tinée à instruire les pauvres habitants
des campagnes, à les soigner dans
leurs maladies j et à leur procurer
des secours de toute espèce. C'était
déjà dans ce but qu'avaient été insti-
tuées les Filles de Sainte-Geneviève :
les deux congrégations furent réunies
au bout de quelque temps ; et Mme. de
Miramion en fut élue supérieure. Elle
fonda, dans sa maison, des retraites
qui avaient lieu deux fois l'année
pour les dames , et quatre fois par
an pour un certain nombre de pau-
vres. Jusqu'à l'époque de la révolu-
tion, les règles et les principes éta-
blis par la profonde sagesse de cette
■illustre clame se conservèrent reli-
gieusement; et ses disciples y exer-
çaient chaque jour Jes devoirs de
l'hospitalité. Cette maison était si-
tuée sur le quai Saint-Bernard , qui
a pris ensuite le nom de quai des
Miramionnes : les pauvres y étaient
• soignés , pansés et médicamentés.
-Mme. de Miramion eut occasion
d'entendre parler de Mme. Guyon ,
pendant la détention de celle-ci aux
Filles de Sainte - Marie, de la rue
Saint - Antoine ( 1688 ). Elle vou-
lut la connaître, et fut aussi édifiée
de ce qu'elle vit, et de ce qu'elle en-
tendit, que de ce qui lui avait été rap-
porté. Blessée d'une rigueur qu'elle
regardait comme une injustice , elle
réclama le crédit de Mme. de Main-
tenon, sur laquelle son témoignage
fit beaucoup d'effet. Cette pieuse
dame contribua , par ses largesses
à l'érection du séminaire de Saint
Nicolas- du -Chardonnet; et il n'y
MIR
eut à Paris aucun établissement de
bienfaisance qui n'éprouvât sa géné-
rosité. Ses vertus l'avaient rendue
un objet de vénération pour Louis
XIV, et pour toutes les personnes
de la cour ; mais elle ne se ser-
vit jamais de son crédit et de son
influence qu'en faveur des malheu-
reux. « Leroi,ditDangeau, l'aidait
dans les œuvres de charité qu'elle fai-
sait , et ne lui refusait jamais rien. »
Elle mérita, par sa douceur, la con-
fiance de Mm*. de Montespan; elle
l'aida à supporter, avec résignation,
l'inconstance de son royal amant ,
et finit par la déterminer à quitter la
cour. j\îme. de Maintenon lui donna
des marques particulières de son es-
time, et l'accueillit souvent dans sa
retraite de Saint-Cyr, où Mme. de
Sévigné nous apprend que MnîC. de
Miramion assista à une représenta-
lion iïKsthcr: mais les pompes du
monde ne pouvaient la distraire un
instant de l'unique but qu'elle eut
constamment en vue, l'amélioration
du sort de la classe malheureuse ;
après une vie pleine de bonnes œu-
vres, elle mourut à Paris, le »4 mars
1696, à Tàge de 66 ans, et elle fut
inhumée dans le cimetière de Saint-
IMicolas-du Chardonnet, sa paroisse,
à laquelle elle avait fait des dons con-
sidérables. Mme. de Sévigné, en rece-
vant la nouvelle de sa mort, écrit
à M. de Coulanges : « Pour M'11'', de
Miramion, cette mère de l'Eglise, ce
sera une perle publique.» (Lett. du '29
mars. ) L'abbé deChoisy a publié la
Vie de cette pieuse dame, dont il
était cousin •germain, Paris , 1706,
ii' i".; ibid., 1707, in-8°. On a son
porti parL.Barbery, 1O90,
d'après Nignard, in-fol.$ d'après
De froy, par Edehnck, in-4*. et in-
8°.; et il fait partie de la collection
d'Odieuvre. W — s.
MIR
i 1
MIRAN-CHAH (MirzàMoéz? ed
Dyn), 3e. fds de Tamerlan , n'avait
que quatorze ans, lorsque son père,
l'an 782 de l'hég. (i38odc J. G.),
lui confia le gouvernement du Kho-
raçan, avec une armée, pour achever
de conquérir cette province, lise dis-
tingua dans diverses expéditions; et,
en 795 , sou père lui donna, pour ré-
compense, à titre de fief souverain,
l'Adzerbaïdjan, le Ghirwan, le Ghy-
lan, le Gouhestan, et tous les pays
jusqu'aux frontières des Othomans.
Miran-Chah, s'étant couvert de gloire
à la prise de Baghdad , ayant pour-
suivi le sulthan Ahmed-Djelaïr et pé-
nétré jusqu'à Bassorah , Tamerlan
ajouta ces nouvelles conquêtes aux
états qu'il lui avait précédemment
cédés j et cette réunion composait à-
peu-près l'ancien empire d'Houlagou
( F.ce nom, tom. XX). Miran-Chah,
renommé pour sa justice, son cou-
rage et sa libéralité, respecté comme
le plus proche héritier de l'empire de-
puis la mort prématurée de ses deux
frères aînés, perdit à-la-fois, par un
funeste accident, sa réputation, ses
brillantes espérances et la tendresse
de son père. L'an 801 (1398), dans
une partie de chasse, près de ïauriz ,
il tomba de cheval, et fut blessé si
dangereusement à la tête, que sa rai-
son eu demeura pour toujours altérée.
Dès-lors il fit couler le sang sur un
simple soupçon ; il prodigua ses tré-
sors ; il fit détruire, sans motifs,
les édifices les plus remarquables ; il
entreprit , pendant les plus grandes
chaleurs, une expédition contre Bagh-
dad, où il perdit inutilement beau-
coup de monde , et revint presque
aussi toi , àTauriz, punir avec la der-
nière rigueur quelques mouvements
séditieux. Il mécontenta les Géor-
giens, qui vinrent ravager l'Adzer-
bauljan, et vainquirent l'armé
n8
MIR
Moghols , maigre la bravoure de
Mirza-Aboubekr, son fils aîné. En-
fin , il s'abandonna si honteusement
au vin , au jeu, à la débauche , et se
conduisit si indignement à l'égard de
la princesse Mehd-Alia Khan-Zadeh,
sa principale femme, qu'elle alla s'en
plaindre à Tamerlan, de retour alors
à Samarcande de son invasion dans
l'Iiidoustan. A l'approche de son
père , Miran-Chah courut se jeter à
ses pieds : il en obtint une sorte de
pardon, mais il ne put recouvrer ses
bonnes grâces j et tous les flatteurs
et les favoris auxquels il s'était livré,
furent condamnés à mort. Privé de
ses dignités et de ses droits , il n'en
prit pas une part moins active aux
conquêtes de son père. On le vit avec
Chah - Rokh , son frère , l'an 8o3
( 1 406 ) , commander l'aile droite de
l'armée moghole, à la bataille d'Ha-
lep, que la bravoure de son fils Abou-
bekr fit gagner sur les Mamlouks
( V. Faradj , XIV, 1 48 ) ; on le vit
coopérer à la deuxième réduction de
Baghdad, la même année, et à la
prise de Smyrne, Tan 8o5 (1402 ).
Après la défaite de Bajazetler., soit
que Miran-Chah fût retombé en dé-
mence, soit qu'il eût encouru une
nouvelle disgrâce , il ne joua plus
qu'un rôle passif. Aboubekr, qui,
depuis la bataille d'Ancyre, avait
pris Nicée , poursuivi les débris de
l'armée Qthomane jusqu'à la mer
de Marmara , forcé Mousa-Tchéleby,
fils de Bajazet , à s'embarquer pour
l'Europe , et épousé la fille aînée de
ce superbe et malheureux sulthan ;
Aboubekr obtint de son aïeul, l'an-
née suivante, le gouvernement gé-
néral du Kourdistan , du Diarbekr
et de l'Irak- Araby, jusqu'au golfe
Persique. Mais , quelques mois après ,
JMirza-Qmar , second fils de Miran-
Chah ? lequel , en 802 , avait été
MIR
fait gouverneur de Samarcande et
du Mawar-el-nahr, y fut remplacé
par son frère Khalil - Mirza , et re-
çut de ïamerlan, outre la Syrie et
l'Anatolie , tous les états qui avaient
«té d'abord donnés à son père , et de
plus les troupes et les émyrs de
ce dernier , ainsi que tous les attri-
buts de la royauté. Celte préférence
mit la désunion entre Aboubekr et
Omar , et fut iine des premières
causes de la dissolution de la vaste
monarchie de Tamerlan. Lorsque ce
conquérant marcha contre la Chine ,
il permit à Miran-Chah d'aller de-
meurera Baghdad, avec son fils aîné.
Tamerlan étant mort dans cette ex-
pédition, Fan 807 (i4o5), Omar, au
mépris du testament de son aïeul,
affecta l'indépendance dans les vastes
provinces qui formaient son apanage»
Aboubekr refusa d'abord de lui obéir*
mais se voyant abandonné par une
partie de ses troupes, il se rendit avec
son père à Sulthauieh , pour se sou-
mettre à Omar, qui aussitôt s'assura
de sa personne, et fit pilier ses équi-
pages. Miran-Chah , effrayé de l'ar-
restation de l'un de ses (ils et de
l'ambition de l'autre, alla, en 808,
chercher un asile dans le Khoraçan,
où régnait son frère Chah -Rokh.
Quelques chefs de rebelles, vaincus
par les généraux de ce prince, étant
venus alors se jeter entre les bras de
Miran-Chah, il eut la lâcheté de
les livrer aux ambassadeurs de son
frère, afin de le rassurer sur les mo-
tifs de son arrivée sur ses frontières.
Cependant Aboubekr, renfermé dans
le château de Sulthauieh, gagna ses
gardes , tua les assassins qui venaient
lui ôter la vie , s'empara de la ville ,
des très 0 /s , des arsenaux qu'elle
renfermait- échappa, par des pro-
diges de valeur, aux poursuites d'O-
mar • se rendit auprès de son père,,
MIR
lui reprocha d'avoir viole les lois
de l'hospitalité , et lui persuada de
revenir dans l'Irak- Adjem. Ses forces
s'étant considérab)ejneiit accrues par
la jonction d'une foule de militaires
errants , il reprit Sulthanieh , et dis-
tribua entre ses partisans les fem-
mes d'Omar et de ses émyrs. Il fît
ensuite construire un trône d'or, y
plaça Miran-Chah , lui fit prêter ser-
ment de fidélité par toute son ar-
mée, et marcha vers l'Adzerbaïdjan.
Omar, trahi par la plus grande partie
de ses troupes , rassembla un corps
de Turkomans j Tauriz lui ayant fer-
mé ses portes, il alla réclamer le se-
cours de ses cousins Pir-Mohammed,
Roustam et Iskander , qui gouver-
naient le Farsistan et l'Irak Adjem ,
comme lieutenants de Chah Rokh.
Alors Aboubekr, maître de Tauriz
et aveuglé parla prospérité, détrôna
son père, et prit le titre de roi , au
mois de djoumady n. Informé de
la marche des princes coalisés , il
s'avança contre eux, les vainquit près
de Derghezyn, après une bataille san-
glante qui dura deux jours, assiégea
vainement Ispahan, et fut obligé de
décamper pour voler à la défense de
l'Adzerbaïdjan, envahi successive-
ment par le prince du Chyrwau , et
par le sulthan Ahmed Djelaïr, qui,
mettant à profit les divisions des
petits -fils de Tamerlan , avait re-
pris Baghdad , et s'efforçait de re-
couvrer tous ses états héréditaires
( V. Avéis n; II, 107 ). Abou-
bekr rentra dans Tauriz, en 809;
mais ses injustices et ses extorsions
lui aliénèrent tous les cœurs. Une
conspiration se forma pour rétablir
Miran Chah sur le trône. Abou-
bekr en ht périr les chefs ; et quoi-
que son père n'y eût pris aucune
part, il le relégua dans une prison.
Mais tandis qui ccupé qu'a
MIR 119
réprimer des révoltes sans cesse re-
naissantes, et à faire dans les pays
voisins des incursions plus dignes
d'un brigand que d'un roi, Cara.
Yousouf, qui s'était sauvé del'Égyple
après la mort de Tamerlan , repre-
nait la Mésopotamie , subjuguait
l'Arménie , et envahissait l'A
baïdjan ( V. Cara Yousouf , VII ,
94 ). Aboubekr lui livra bataille ,
près deSerderoud, en 810 (i4<>8) :
il| fut vaincu complètement; et son
père y perdit la vie dans la quarante-
deuxième année de son âge. Un sol-
dat ayant coupé la tête de Mirau-
Chah, la porta au vainqueur, qui,
au lieu de le récompenser, ordonna
qu'on le mît à mort. Cara Yousouf
déplora le sort de ce prince, lui fit
rendre les honneurs funèbres , con-
sentit que son corps fût porté dans
la Transoxane, pour être enterré
auprès de Tamerlan ; et il épousa
une de ses filles qui s'était trouvée
au nombre des captifs. Aboubekr,
après sa défaite, ne pouvant se main-
tenir dans l' Azerbaïdjan, ni dans
l'Irak, prit la route du Kerman, où
régnait Avéis Berlas, dont le père
Idekou en avait reçu de Tamerlan la
souveraineté. Jaloux de la puissance
de ce prince , Aboubekr complota
contre lui, et se rendit tellement
suspect, qu'il fut obligé de gagner le
Séistan. Il y rassembla une armée,
revint attaquer le prince du Kerman ,
et périt dans le combat, en 81 1 (dé-
cembre i4°8), âgé de vingt-sept ans.
Omar, second fils de Miran - Chah ,
depuis ses Eevers, s'était retiré dans
le Khoraçan, où son oncle Chah
Rokh l'accueillit comme un fils , et
lui céda les provinces d'Esterabad
et de Mazanderan , qu'il venait d'en-
lever aux Toga-Tymourides. Mais
l'ingrat fondit sur !<• Khoracan, et
osa se mesurer uvec son 1
Abandonne du plus grand nombre
de ses soldats, il fut vaincu presque
sans combattre, près de Djani (17
avril 1407), et s'enfuit vers le Djy-
lioun , dans l'espoir de se rendre à
Samarcande, auprès de son frère
Khalil. Attaque près de Mograb par
les troupes de Chah Rokh, et blessé
dangereusement, il fut arrêté , en-
chaîné sur un cheval , et amené à ce
prince , qui ordonna qu'on prit soin
de ses jours. Mais Omar, avant d'ar-
river à fièrat , expira (3 mai) , à l'âge
de vingt-quatre ans, Nassir ed-dyn
Khalil-IVÎirza, troisième fils de Mira 11
Chah , avait accompagne Tamerlan
dans sa dernière campagne. Comme,
à la mort de ce conquérant , de tous
les princes de sa famille en âge de
régner, Khalil était le plus à proxi-
mité , les émyrs qu'il commandait ,
le reconnurent pour souverain , mal-
gré le testament de son a'ieul , qui"
avait désigné pour son héritier Pir
Mohammed Djehanghyr , le plus
âgé de ses petits-fds , et le seul issu
de la branche aînée. Khalil monta
sur le trône à Samarcande, le 16 ra-
madhari 807 (18 mars i4°5y? et
régna quaîre ans, sur le Mawar-el-
Nahr et le Tarkestan, dont son on-
cle Chah Rokh lui laissa la souve-
raineté. Doué des plus aimables qua-
lités, mais plus fait pour l'amour
que pour la gloire, il dissipa en
libéralités les trésors de son a'ieul ,
et se livra sans retenue aux plaisirs
et surtout à sa passion pour Schadi-
Molouk, avec laquelle il avait con-
tracté un hymen secret- Source pour
l'un et l'autre, d'une infinité de désa-
gréments et de persécutions , dès le
règne de Tamerlan. Les profusions
de cette femme, et son orgueil mé-
prisant envers les princesses de la
famille impériale, indisposèrent la
plupart des émyrs, et ruinèrent le
M1R
parti de Khalil. En vain il triompha
de son cousin Mirza Houcem , qui
s'était soulevé contre lui, et de Pir
Mohammed Djehanghyr, qui avait
voulu revendiquer ses droits. L'émyr
Khoda'idad,s'étant révolté l'an 81 1,
se saisit de Khalil, par trahison,
et s'empara de Samarcande; mais à
l'approche de Chah Rokh, il aban-
donna le Mawar-el-INahr, et emmena
son prisonnier chargé de chaînes
dansle Turkestan. Samarcande ayant
ouvert ses portes à Chah Rokh, ce
prince fit arrêter Schadi-Molouk :
cette femme, qui avait causé tous les
malheurs de son époux, fut exposée
à milie et mille outrages , traînée
dans les rues, et accablée d'inju-
res par la populace. Le khan des
Djettes, à qui Khodaïdad avait de-
mandé du secours, ordonna de lui
trancher la tête, et de l'envoyer à
Chah Rokh, l'an 81 2. Khalil, devenu
libre, résida quelque temps encore
dans cette contrée, où il s'occupait
à composer des élégies sur l'absence
de sa chère Schadi-Molouk. Ennuyé
enfin de vivre loin d'elle, il vint
trouver son oncle, qui l'accueillit
avec bonté, lui rendit sa femme ,
et leur donna un palais à Hérat, avec
des revenus considérables. Quelque
temps après, Khalil obtint de Chah
Rokh, le gouvernement de l'Irak et
de l'Adzerba'idjan. L'an 81 3, il dé-
fendit Ispahan contre son cousin
Iskander, qui s'était révolté, et il le
força de lever le siège; mais la fa-
mine l'obligea lui-même de retourner
à Réi , où il mourut (81 4) le 3 nov.
1 41 1 , âgé de 27 ans , et regretté de
tout le monde. Schadi-Molouk, ne
voulant pas survivre à son époux,
se perça le cœur d'un poignard.
Mehd-Alia, mère de Khalil, mourut
peu de temps après; et tous trois
lurent réunis dans le même tombeau.
MIR
Les autres fils, de Miran-Chah ont
peu marqué Haas l'histoire; mais
l'un d'eux, Mohammed, fut père
d'Abou - Saïd Mirza, qui enleva la
Perse, le Khoraçan et le Mawar-el-
Nahr , aux petits-fils de Chah Rokh ,
et qui fut l'aïeul de Babour, conqué-
rant de l'Indonstan et fondateur de
l'empire Moghol , dont les souve-
rains titulaires, s'il en existe encore,
sont aujourd'hui probablement les
seuls rejetons de la race de Tamer-
la». (F. AiiOusAM), !. 100; Chah
Rolkii, \11, 662; Babour,, 111,
i5q; Cuaii Aale.m, VII, 6i(5,et
Ïamerlan. ) A — T.
MIRANDA ( François), général
des années républicaines en France,
était ne au Perdu, d'une famille dis-
tinguée. Il s'attacha d'abord au ser-
vicede l'Espagne; et obtint un com-
mandement dans les troupes du gou-
■ ment de Guatimala; mais la
découverte d'une conspiration qu'il
avait tramée pour soustraire ce pays
à l'autorité du vice-roi, le contrai-
gnit à s'expatrier. A quarante-deux
ans , il avait parcouru la moitié du
globe , recueilli dans ses voyages
des connaissances étendues, et acquis
la facilite de parler un assez grand
nombre de langues. 8a pensée domi-
nante était d'affranchir ses compa-
triotes d'Amérique; il s'ouvrit alter-
nativement sur ses projets à l'impé-
ratrice de Russie , et à Pitt , qui
l'écoutèrent avec faveur ; mais la
E rance lui parut plus propre à secon-
der ses efforts : elle était au début de
évolution, et se montrait dispo-
protéger le mouvement des peu-
ples qui voudraient reconquérir leur
libert temple de l'Amérique
anglaise. Miranda vint donc à Paris,
pendant I 1 semblée lé-
ttive; il s* lia promptement avec
Péthion, auquel il était 1
par les chefs de l'opposition anglaise;
et en attendant que la république le
mît en état de fomenter une insurrei -
tion dans le Pérou , les Girondins le
firent nommer général de division ,
et l'envoyèrent, sous Dumouriez, com-
battre les Prussiens qui pénétraient
en Champagne. Miranda prit part à
cette campagne , et suivit Dumouriez
dans la Belgique, en 1 7<)3. La !
du blocus de Maestricht, dont il était
chargé, la perte de la bataille deNer-
winde , attribuée à sa désobéissance
aux ordres qu'il avait reçus, et aux
fausses manœuvres qu'il availfait exé-
cuter à l'aile gauche qu'il comman-
dait, enfin, la chute du parti de la
Gironde , le firent traduire au tribu-
nal révolutionnaire, comme complice
de la défection de Dumouriez. Cette
institution, récemment créée, n'osait
pas encore rejeter les formes protec-
trices de l'innocence. Onze se
furent consacrées au procès de Mi-
randa : soutenu par l'éloquence de
Tronçon -Ducoudrai , il mit une
grande habileté dans sa défense ,
traita chaque déposition dirigée con-
tre lui par les témoins , comme un
procès separéqu'il devait s'appliquer
à vider avant d'en venir aux suivan-
tes ; et en éclairant ainsi dans son in-
térêt les points les plus légers de l'ac-
cusation , il parvint à changer en
bienveillance les préventions du pu-
blic qui demandait sa tète. Son triom-
phe fut complet : les jurés pronon-
cèrent son absolution d'une voix
unanime, en y mêlant des éloges ; et
il fut reconduit a\ee ac< lamation jus-
que dans sa maison.il demeura dont,
constant qu'il ne pouvait encourir le
reproche de trahison; mais l'opinion
publique ne cessa poinl
mer que ses fautes militaires avaient
seules cause' le revers de ^eiwinde.
Ce n'est pas que Miranda fût dé-
lia MTR
pourvu des talents d'un gênerai • il
avait profondément étudié la stra-
tégie , et s'était pénétré de tous les
secrets des grands maîtres de la
science militaire : mais l'expérience
lui manquait , et il s'obstinait avec
trop de confiance dans ses premières
déterminations. Son indignation était
aussi forte que son mépris pour les
vils dominateurs auxquels il voyait
la France en proie : l'expression har-
die de ces sentiments le fit incarcérer
de nouveau , puis condamner à être
transporté hors de France. Il sut se
soustraire à cette première mesure ,
et à la déportation, prononcée contre
lui au 1 8 fructidor; il passa en Angle-
terre , reparut en France , en i8o3 ,
et se vit déporter de nouveau par le
gouvernement consulaire. Il se re-
tira bientôt dans l'Amérique mé-
ridionale, souleva, en 1811, une
grande partie des habitants contre
leur métropole , créa une ombre de
gouvernement républicain à Caracas ,
et remporta de grands avantages dans
le cours de 18 i 2 , appuyé qu'il était
par l'Angleterre et les États-Unis. La
fortune lui devint enfin contraire ; il
tomba entre les mains de ses enne-
mis , et mourut dans les prisons de
Cadix, en 18 16. Son esprit était
plein de ressources ; beaucoup de
fermeté , une grande élévation dans
les idées et une activité remarquable,
le servaient dans ses projets. On a
de lui : I. Une Correspondance avec
Dumouriez , depuis janvier 1793.
II. Ordre de Dumouriez , pour la
bataille de Nerwinde et la retraite
qui en a été la suite , 1798 , in-8°.
III. Opinion sur la situation de la
France , 1 7q3 , in-8°. F — t.
MIRANDOLE ( François Pic de
la ), gentilhomme feudalaire qui dé-
pendait de l'état de Modène , se ren-
dit indépendant à la Mirandole, dont
MIR
ses ancêtres possédaient le diâteau
depuis plusieurs générations. En
1 1 18 , Manfred Pic de la Mirandole
avait étépodestat de Modène; et, de
concert avec les Ferrarais, il s'était
emparé de Rubbiera. François Pic
fut revêtu de la même dignité en
1 3 1 2. Il était chef du parti Gibelin ,
et soutint des combats continuels con-
tre les Guelfes : vaincu et chassé de
Modène , le 8 juillet 1 3 1 2 , il y rentra
après la mort de l'empereur Henri
VII ; et la faveur du parti Gibelin
Péleva au pouvoir souverain. Il en
abusa bientôt pour mettre en vente
cette ville qu'il n'espérait pas de gar-
der. Les Bolonais n'ayant pas voulu
lui en donner le prix qu'il en de-
mandait , il la vendit, en 1 3 1 7 , pour
cinquante mille florins , à Passerino
Bonacossi , seigneur de Mantoue. 11
se retira ensuite à la Mirandole; maïs
Bonacossi, impatient de lui reprendre
l'argent qu'il lui avait payé, surprit
la Mirandole, en 1 32 1 , fit prisonnier
François avec ses deux fils, et les
poignarda dans leur prison. Un troi-
sième fds, Nicolas Pic, surnommé
Papino , échappa à ce massacre ;
et lorsqu'en 1S28, les Bonacossi fu-
rent chassés de Mantoue et de Mo-
dène parles Gonzagues, il entra dans
la conjuration contre eux , et il de-
manda qu'en récompense de ses ser-
vices , on lui livrât François Bona-
cossi , fils de Passerino, pour le faire
mourir de faim dans la même pri-
son où son père avait été massa-
cré. — François III de la Miran-
dole fut créé, en 1 4T4? comte de
Concordia , par l'empereur Sigis-
mond : aucun de ces princes n'avait
mérité ou obtenu de gloire. Seigneurs
indépendants d'un très-petit château
qu'ils avaient bien fortifié, ils étaient
entraînés dans les révolutions de
Loinbardie sans se faire remarquer.
MIR
Le dixième , nommé Galeotto Isr. ,
était le fils aîné de Jean-François II ;
il avait deux frères , Antoine-Marie et
Jean. Galeotto et Antoine-Marie se
rendirent fameux par leur férocité ,
leurs guerres civiles , l'expulsion
d'Antoine-Marie par Galeotto , et les
efforts de Sixte IV et d'Hercule , duc
de Ferrare, en i483, pour les ré-
concilier. Le troisième, pour se vouer
sans partage à l'étude, abandonna
Je gouvernement des petits fiefs de sa
famille à ses deux frères. ( Voyez
l'article suivant. ) S. S — i.
M1RANDOLE ( Jean Pic de la ),
l'un des hommes les plus célèbres^ar
la précocité et l'étendue de leur es-
prit, naquit le 24 février i463. Il
était le troisième iils de Jean-Fran-
çois, seigneur de La Mirandole et de
Concordia. Sa mère, persuadée que
la Providence avait des vues parti-
culières sur lui (1), ne voulut céder
à personne le soin de sa première
éducation , dont elle se chargea elle-
même : elle le confia ensuite aux
maîtres les plus habiles, sous les-
quels il fit de rapides progrès. Son
goût le portait vers la littérature: il
avait à peine dix ans, que le suffrage
public le plaçait au premier rang des
orateurs et des poètes. Mais sa mère,
qui ambitionnait pour lui lesdignités
ecclésiastiques , l'envoya, à l'âge de
quatorze ans , étudier à Bologne le
droit- canon. Il se dégoûta bientôt
d'une science qui ne semblait reposer
que sur des traditions dont l'auihen-
ae lui était pas démontrée , et
t de se livrer uniquement à l'é-
tude de la philosophie et de la théo-
logie. Il parcourut pendant sept ans
(^ ' u orlum
apparuit ■. visa ipràua
■ r, -te
Pic de la Mm. . .a«d, îJjtf
H '9)
MIR 123
les plus célèbres universités de l'Ita-
lie et de la France ; il étudia la mé-
thode de Lui le , suivit les leçons des
plus illustres professeurs , et acquit ,
en disputant eontre eux, une facilité
d'élocution étonnante. Sa mémoire
tenait du prodige : il n'oubliait rien
de ce qu'il avait lu, ou seulement en-
tendu réciter; et son esprit était si
pénétrant, qu'on ne pouvait lui pro-
poser aucune difficulté qu'il ne réso-
lût à l'instant même. A la connais-
sance des langues grecque et latine ,
il désira joindre celle de l'hébreu, du
chaldéen et de l'arabe, et il s'y ap-
pliqua avec son ardeur accoutumée.
Dans le temps qu'il étudiait l'hébreu,
un imposteur lui fit voir soixante ma-
nuscrits qu'il assurait avoir été com-
posés par l'ordre d'Esdras, et con-
tenir les plus secrets mystères de la
religion et de la philosophie. Ce n'é-
tait dans le fait qu'un recueil de rêve-
ries cabalistiques : l'obstination qu'il
mit à les entendre , lui fit perdre un
temps plus précieux quel'argent qu'il
en avait donné, et le remplit d'idées
chimériques dont il ne fut jamais en-
tièrement désabusé (1). Après avoir
terminé ses voyages scientifiques, il
se rendit à Rome, en i486, sous le
pontificat d'Innocent VIII. Voulant
trouver l'occasion d'y étaler sa vaste
érudition , il publia une liste de neuf
cents propositions De onini re sci-
bili, qu'il s'engageait de soutenir pu-
bliquement contre tous les savants
qui se présenteraient pour les atta-
quer; et il offrit de payer le a «
de ceux qui seraient éloignés, et de les
défrayer pendant leur séjour. Ce trait
de vanité puérile excita l'envie de quel-
ques graves personnages, fâches de
s« voir éclipsés par un jeune homme
ins«r« u la lin <iu lome l de au bibUuihtcu h*
MIR
à peine sorti des bancs. Ils lui firent
défendre toute discussion publique,
et dénoncèrent au souverain pontife
treize de ces propositions , comme
entachées d'hérésie. En vain il prou-
va qu'avant qu'il les publiât , elles
avaient été revêtues de l'approbation
de théologiens éclairés ( i ) : les com-
missaires chargés de les examiner ,
les ayant déclarées dangereuses, elles
furent condamnées par le pape, il se
soumit a cette décision , et quitta
Rome pour retourner en France , où
il avait laissé de nombreux admira-
teurs. Ses ennemis profilèrent de son
absence pour l'accuser d'avoir déso-
béi au Saint-Siège, en soutenant pu-
bliquement les propositions condam-
nées: c'était une absurde calomnie.
Le pape Innocent VIII le cita cepen-
dant à son tribunal; mais La Miran-
dole n'eut pas de peine à se justifier, et
son innocence fut pleinement recon-
uue. Les persécutions dont il avait
failli être la victime, lui firent mieux
apprécier celte gloire bruyante, qui
avait eu pour lui tant de charmes.
Dans l'âge des succès, et avec toutes
les qualités qui les assurent, il eut la
sagesse d'y renoncer: il jeta au feu ses
poésies amoureuses , productions de
sa première jeunesse , que Politien
se repentit d'avoir jugées trop sévère-
ment {F. A. Politien); et, renon-
çant aux lettres et aux sciences pro-
ianes ,' il s'appliqua uniquement à
l'étude de la religion et de la philo-
sophie platonique. Il avait cédé tous
ses domaines à son neveu (dont l'art.
suit) ; et il vivait de son revenu , à
Florence , au milieu de ses livres, et
(i) Il a cherché dans son apologie à jeter beaucoup
de ridicule sur ses détracteurs. Il y rapporte qu'un
théologien, q:;i se mêlai I rie censurer ses thèses , in-
terrogé sur ce que signifiait le mot de cabale , répon-
dit que c'était un scélérat, et un homme thabolique
qui avait écrit contre Jésus -Cbrist ; et que ses secta-
teur» avaient eu de lui le uom de cabalistcs.
MIR
dans la société des amis des lettres les
plus distingués: mais il ne jouit pas
long-temps de la paix qn'il avait eu
le bonheur de recouvrer; il ne survé-
cut que deux mois à Politien, le plus
cher de ses amis, et mourut en 1 494,
le 1 7 novembre, jour où le roi Char-
les VIII fit son entrée à Florence. Ce
prince, qui l'avait connu à Paris, ap-
prenant sa maladie , se hâta de lui en-
voyer deux de ses médecins; mais
leur visite fut inutile au moribond ,
qui expira quelques heures après ,
dans de grands sentiments de piété.
Il n'avait que trente-un ans huit mois
e! quelques jours. Ses restes furent
déposés danslecimetière Saint-Marc,
sous une tombe décorée d'une épita-
phe honorable ( 1 ). Par son testa-
ment, il fit des legs considérables à
ses domestiques, et donna le reste de
son bien aux pauvres. Les ouvrages
qu'il a laissés , prouvent tous la péné-
tration de son esprit, au milieu des
erreurs dont son siècle était infesté.
Ils ont été recueillis, et publiés à Bo-
logne, 1496, in-fol. Cette première
édition, fort rare, a été suivie de celle
de Venise, i49& Suivant Tirabos-
chi, il en a paru sept dans le seizième
siècle. La dernière est celle de Bâle,
16 vol. in-fol.; elle passe pour la
plus complète. On trouvera le détail
des opuscules qu'elle renferme, dans
les Mémoires de Niceron , tome
xxxiv, et dans la Biblioth. Mode-
nese de Tiraboschi , tom. iv, p. io5
et suiv. On doit se borner à citer ici
les principaux : I. Heptaphis de stp-
tiformi sex dierum Geneseos enar-
ratione ad Laur. Medicemy in-fol.,
s. d. Cette édition , imprimée aux
frais de Robert Salviati , a paru à
[l) La voici :
Johannesjacel hic Mirnnduhi : cœtera jiôvunt
Et Tagus et Ganses ;joisan et aiitt/jode .
Florence, vers i4<So(/r. Y Index du
P. Laire, tom. h, |>. 19). L-auteur,
dit Ginguené, pour faire mieux com-
prendrela ci lu monde, éclair-
ai les obscurités du texte de Moïse
par les allégories de Platon. 11. Con-
clusiones philosopldcœ, cabaUsticœ,
et theologicœ , etc., Rome, Silbert,
14BO, in-fol.Cetédit. originale des
neuf cents propositions dont on a
parle, est d'une extrême rareté. Mais
c'est le seul mérite de l'ouvrage; car
de l'aveu même de Tiraboschi, on
ne peut que gémir, eu le parcourant,
de voir qu'un si beau génie, un es-
prit si étendu et si laborieux, se soit
occupé de questions si frivoles. III.
Apoiogia J . Pici Mirandulani, Con-
cordiez CQmilis, 1489, in-fol., raris-
sime. C'est la défense qu'il publia des
treize propositions censurées. IV.
Disputaliones adversùs astrologiam
dwinatricemlibrix 11 , Bologne, 1 \() 5,
in-fol. C'est le meilleur et le plus so-
lide de ses ouvrages; il y combat,
dit encore Ginguené , cette science
prétendue , avec les armes réunies de
l'érudition et de la raison. V. Aurecc
ad f'amiliares Epistolœ,Parïs, 1 49Q,
in-4°., réimprimées en i5o'2, in-4°.;
à Venise, i5'>.ç), in-80., et eniin, par
'lis de Christ. Cellarius , 1682,
i i-<S°. Quelques-unes de ces lettres
ont été traduites en italien, par Lud.
Dolce; elles sontpleines d'érudition.
VI. Elegia deprecatoi lu ad Deum,
etc. , Paris, i6'^o, in-/j°.; on en a vu
un exeinpl. sur vélin. On citera en-
core de lui : un Traité De Ente et
uno, « où l.i doctrine dePJaton,sur ce
» double sujet, est exposée avec plus
» de profondeur que de clarté ( Gin-
guené ; » ira discours De hominis
dignitate un Commentaire
sur la Canzone de Jérôme Be'nivieni
])cli amor < tUviho9 plus
propre à obscurcir le texte qu'a l'e-
cl. dreir ( V. Bemvieni, IV, :
Les différente* éditions die
musont précédées d'une / ïede Fau-
teur, par J. F. Pic de la Mirandole,
son neveu, écrite avec diffusion, mais
remplie de détails intéressants ( Cette
vie se trouve aussi dans les recueils de
.1. Fichârd et de Bâtes). On lira enco-
re avec intérêt l'article que ïirabos-
chi lui a consacré dans la Bibl. Mo-
denese, tom. iv, 95-108; mais il s'y
est glissé plusieurs fautes d'impres-
sion, particulièrementdans les dates.
W— s.
MIRANDOLE ( Jean- François
III, Pic de la ), était l'aîné des trois
bis dcGaleotto Ier: à l'exemple de son
oncle Jean , il s'était voue à l'étude
des lettres; et il s'est acquis quelque
gloire par ses ouvrages, quoiqu'il
soit resté bien au-dessous de son on-
cle, dont il a lui-même écrit l'his-
toire. Vertueux et très-religieux , on
dit qu'il fut arrêté dans ses études
par la crainte de se distraire de la
piété; cependant il ne réussit point a
se faire aimer de ses sujets. Il avait
deux frères : Frédéric, de qui l'on con-
serve peu de souvenirs ; et Louis, qui
s'engagea au service du pape, après
avoir fait souvent la guerre à son
frère aîné, de concert avec le maré-
chal Jean- Jacques Trivulce, dont il
avait épousé la fille. Louis, en recon-
naissant la flotte des Vénitiens
la guerre deFerrare,fui tué, en 1 5 m,
d'un coup de fauconneau , qui lui en-
leva la tête couverte de son casque.
Depuis dix ans, il possédait la Mi-
randole, d'où il avait, eu 1
chassé .Iran - François III , aidé
de Trivulce et du duc de Ferrai .
Jean-François, protégé par Jules II,
vint assiéger la Mirandole I
suivant. La veuve de Louis, .
fils Galeotto 11 , la drfendai. \
vieux pontife p
126
MIR
les travaux du siège, malgré les ri-
gueurs de l'hiver. La place se rendit,
le 21 janvier i5n; et Jean-Fran-
çois III en fut remis en possession.
Avant la fin de l'année, il en fut
chassé par Trivulce , puis rétabli
au bout de quelque temps par un mi-
nistre de l'empereur Maximilien.
Il y demeura sans cesse en guerre
avec la veuve et le fils de son frère,
jusqu'à l'an i532, que la Mirandole
fut surprise par Galeotto II. Jean-
François fut tué au pied du crucifix,
avec son fils Albert, par son neveu :
sa femme et les enfants de son autre
fils furent enfermés dans d'horribles
prisons, et Galeotto II s'empara de
cette petite principauté. — Galeotto
II Pic de la Mirandole, -après s'être
rendu maître , comme on vient de le
dire , de la principauté de la Mi-
randole, en massacrant son oncle
et son cousin, au mois d'octobre
i533, se mit sous la protection de
François Ier. roi de France; et plus
tard, il livra, en 1 548, la Mirandole
à Henri II, moyennant une compen-
sation qu'il reçut en France. Aussi ,
ce château-fort fut-il presque tou-
jours, pendant les guerres du sei-
zième siècle, la place d'armes des
Français.Galeotto II mourut en 1 55 1 ;
et la maison d'Autriche, pour ne
pas laisser aux Français cette forte-
resse au centre de l'Italie, la fit ren-
dre à Louis Pic, son fils , qui mou-
rut en i574- — Frédéric , fils de ce-
lui-ci, prit les titres de prince de la
Mirandole et de marquis de Concor-
dia. Étant mort sans enfants, son
frère Alexandre , que Henri IV n'avait
point réussi à faire nommer cardinal,
lui succéda, et se détacha de la France
pour rechercher la protection de
l'Espagne. L'empereur Ferdinand II
le créa duc de la Mi randole en 1 6 1 q.
Il mourut en 1637. — Son petit-fils
MIR
Alexandre II lui succéda , et régna
de i63i à 1691. — Enfin un petit-
fils de celui-ci, François-Marie , né
le 3o septembre 1688 , et âgé à peine
de trois ans lorsqu'il parvint à la sou-
veraineté, sous la tutelle de sa mère,
ayant , dans la guerre de la succession
d'Espagne, embrassé le parti de la
maison de Bourbon , perdit ses états
par décret du conseil auliqucà\ ienne.
L'empereur Joseph Ier. les vendit en-
suite pour 200000 doublons en 1 7 1 0,
à Renaud d'Esté, duc de Modènc, qui
joignit dès-lors à ses litres celui de
duc de la Mirandole. La famille des
Pics de la Mirandole se relira en
France , où elle s'est conservée jus-
qu'à nos jours. S. S — 1.
MIRASSON ( Isidore k littéra-
teur, né , vers 1 720 , à Oloron, pe-
tite ville de Béarn , entra jeune dans
la congrégation des Barnabites , et
professa les humanités et la rhétori-
que dans divers collèges. Son atta-
chement au parti janséniste le fit
interdire par l'archevêque de Paris.
Soupçonné d'avoir eu part a quel-
ques écrits où ce prélat n'était pas
ménagé , il fut arrêté dans le mois
d'août 1772. On le traita avec beau-
coup d'égards dans la prison • et
comme il ne se trouva aucune charge
contre lui , il recouvra la liberté. Il
partagea le reste de sa vie entre l'é-
tude et les devoirs de son état , et
mourut en 1787. On connaît de lui :
I. Examen du Discours qui a rem-
porté le prix de l'académie française,
en 1760 (l'Éloge de d'Aguesseau) ,
ou Lettre à M. Thomas , 'professeur
au collège de Beau vais , 1760, in- 12,
IL Toinette Le Vasseur , cham-
brière de J. - /. Rousseau , à la
femme --philosophe , ou Réflexions
sur Tout le monde a tort, 1 762 , in-
12. III. Le Philosophe redressé , ou
Critique impartiale du livre iuîi
MIR
tulé : Sur la destruction des Jésuites
en France ( par d'Alembert ) , au
Bois-Valon , 1765, in-12, <2e 179
pag. ( 1 ) IV. Histoire des troubles
de Béarn , au sujet de la religion ,
dans le dix-septième siècle , avec
des notes historiques et critiques ,
etc. , Paris , 1768 , iii-if2. Elle est
bien écrite et très-inte'ressante : les
notes offrent des recherches curieuses
et des réflexions judicieuses. W — s.
M1IUULMOST ( Pierre de),
historien , né à Amiens, vers i55o f
était fils d'un notaire de cette ville.
Il acheva ses études , à Paris , d'une
manière brillante , et fut pourvu
d'une charge de conseiller du roi en
la chambre du trésor, qu'il remplit
pendant vingt-deux ans. Il fut nom-
mé, vers i58o, lieutcnant-genéral,
et ensuite prévôt de l'hôtel et grande
prévôté de France. Il mourut subi-
tement à Paris • le 8 juin 161 1 (d) ,
âgé d'environ soixante ans. « C'était,
dit Lacroix du Maine , un homme
docte et grand rechercheur de l'an-
tiquité. » On a de lui : I. Mémoires
sur V origine et institution des cours
souveraines et justices royales ,
étant dans V enclos du Palais, avec
une suite des premiers - présidents ,
Paris, i584, in-8°. ; nouvelle édi-
tion , corrigée et augmentée , sous ce
titre : De l origine et établissement
du parlement et autres juridic-
tions royales , etc. , ibid. , 1612 ,
(1) On ne d,,it pas confondra l'oavroge du 1'. Mi-
iwtec une Mitre brochure qui pmi.
titre: Le Philosophe rea
du liv.o i..t;i,.;.
' . • fteynaud ,
curé du diurèse d'Auj.
Ile que P. L'Estoile donne dans
st .-vident qu'il a
de démentir : c*
lart-Sill v
•vier lliia , ij jv4it cfcN U>ç 16 il.
MIR
127
in-8°. Cet ouvrage est estime' pour
l'exactitude des faits, tirés de re-
gistres et pièces authentiques. On y
trouve un chapitre sur le royaume
de la Bazoche , ou la juridiction des
clercs du Palais. A travers d'arides
et insignifiants détails qu'il ne devait
point exhumer des registres du par-
lement et d'autres monuments pu-
blics , l'auteur1 a posé quelques ja-
lons pour servir à l'histoire de notre
ordre judiciaire. II. Le prévôt de
Vhotel et grand-prevôt de Paris ,
ibid. , 1610, in-8u. j avec les arrêts ,
règlements et ordonnances concer-
nant la juridiction du prévôt, ibid.,
161 5 , in - 8°. Cette édition a été
publiée par Charles de Miraulmont ,
son fils , avocat au conseil. Celle de
i65i , citée par la plupart des bi-
bliographes , ne doit son existence
qu'a un déplacement de chiffres. III.
Traité de la chancellerie , avec un
recueil des chanceliers et garde Sr
des-sceaux de France, ibid. , 1 6 1 o,
in-8°.; ouvrage estimable, plein de
recherches curieuses , mais qui a été
effacé par celui que Tessereau a pu-
blié sur le même sujet. Dans sa liste
des chanceliers, Miraulmont prend
pour point de départ Wiodomarc,
référendaire de Çnijdéric Ier. , et
s'arrête à Brûlart de Sillery, auquel
il dédie tous ses livres. W — s.
MIRBECK ( Frédéric - Ignace
de ) , né en 1 73*2 , à Neuville en lor-
raine , d'une famille originaire du
Brabant, fut d'abord avocat à la
cour souveraine de Nanci. Son mérite
attira les regards de Stanislas , et ce
prince le fit entrer dans son c<
ÎYlirbeck, éprouvant le besoin d'un
plus vaste théâtre, se rendit à Paris,
et se pourvut d'une charge d'avocat
au conseil, en i^n^Pannila Mémoi-
res sortis de sa plume laborieiu
distingués par une forte diale
MR
mariait au sentiment,
attirèrent particulièrement l'atteu-
tion. L'un, de 1777 , est celui où, se
rendant l'organe des serfs du Jura , il
ma l'affranchissement de 1-2000
familles agricoles. Celte requête de-
meura sans eiïct ; mais elle obtint les
éloges c!c Voltaire. « Voire Mémoire ,
» écrivait-il à l'auteur, me parait
» excellent dans le fond et dans la
» forme. Le commencement est d'une
» éloquence touchante , et ia fin parait
» d'une raison convaincante. » Un
deuxième Mémoire, où l'avocat s éle-
vait contre les vexations fiscales qui
entravaient la liberté du commerce,
lui mérita de nouveau le suffrag
vieillard de Ferney ( 1 ). Mirbeck em-
brassa la cause delà révolution, dont
les principes étaient dans son cœur.
Il fut l'un des commissaires du roi
envoyés à Saint-Poraingue. En 1 7<p ,
il sauva un moment, le Gap, menacé
par 10000 noirs révoltés. Us avaient
égorgé des députés chargés de paro-
les de paix ; il ne va pas moins
eux , invoque les droits de l'autorité ,
les rappelle avec onction et chaleur
à la loi du devoir : subjugués par son
langage , les chefs de l'insurrection
se précipitent de cheval , tombent à
ses pieds, et. jurent de rester soumis.
Mirbeck parut , le 9.7 mai 1792 , à
la barre de l'assemblée législative ,
pour rendre compte de sa conduite
et réclamer des secours pour la co-
lonie. Il obtint , sous le ministère de
M. François, de Neuf château , la di-
rection de l'opéra : il prit part en-
suite aux travaux de l'académie de
(ï) Mirheck écrivit dans un gra:id nombre de cau-
ses remarquables; il s caudal adversaire de !\L Desèze
dans uneallairc célèbre de letlres-de-chan?,e , qui créa
la réputation de ce dernier. On trouve dans le re-
cueil de D" sessnrts , l'extrait de plusieurs d< s Mémoi-
res judiciaires de Miibeck ; quelqjues-ui s lurent at~
triturés à M. François , de Nuifoli âteatl . sans autre
motif que l'amitié qjMUnissail les deux avocats, dont
:id etail de plu* ! .
MIR
législation , établie d'abord sous le
nom de Lycée de jurisprudence ,
et dont l'objet était de remplir dans
renseignement le vide que laissait la
disparution des écoles de droit. Mir-
beck, mourut le 'i() déc. 1818, a
l'âge de 86 ans. Il a fourni des arti-
cles à la collection formée par une
réunion de jurisconsultes sous le ti-
tre de Répertoire de jurisprudence.
F— T.
MIRE (Le). r.LEMiBE.
M1REPOIX (Gui de Levis, sei-
gneur de ), guerrier du douzième
siècle , fut la tige commune des dilïe-
S branches de l'ancienne maison
de Levis. Il se rangea sous les dra-
peaux de Simon de Montfort, son
voisin et son ami, déclaré chef de
l'expédition contre les Albigeois, et
reçut lui-même le titre de maréchal
de Farinée des croisés. Ses exploits
dans cette guerre déplorable furent
récompensés par la concession delà
terre de Mirepoix et autres, situées
en Languedoc, dont on déposséda
les vaincus. Sur ces dépouilles, en-
levées dans une cause réputée sainte,
il crut devoir prélever la portion de
l'Église , et il fonda l'abbaye de la
Roche, en n 90. Il était mort en
i'23o. Le titre honorifique de Maré-
chal de laj'ci , conquis par sa bel-
liqueuse ferveur , fut transmis ta ses
descendants , qui le portèrent jus-
qu'à l'époque de la révolution, dette
famille avait tiré son nom de la terre
de Lévis , près de Ghevreuse. Dans
les temps d'ignorance, elle s'était
prévalue de la tradition populaire
qui faisait remonter son origine à la
tribu de Lévi. Le premier nom his-
torique dont elle ait reçu de l'éclat,
est celui de Philippe de Lévis , l'un
des témoins de l'engagement que prit
envers le roi, en 1 198, Eudes , duc
de Bourgogne, de refuser l'alliance
de l'Angleterre , et de la parole dou-
. !!■ le monarque à Thibaut ,
comte de Champagne, de le déten-
dre envers et contre tous connue son
homme-lige. Philippe lut aussi pré-
sent au traité conclu entre la France
et l'Angleterre, en 1200, et il mou-
rut en i'2o5. — Mirepoix ( Gui de
Lévis, troisième du nom, seigneur
de), petit -fils du compagnon de
Montfort , seconda Charles d'Anjou
dans sa prise de possession du royau-
me de Naples,etse fit remarquer
au combat où petit Manfred ,
de Bénc'vent, le 26 février i.i66. De
retour en France , il fut maintenu ,
eu \ ->-()[) , par arrêt du parlement de
Toulouse, dans la prérogative de
connaître et de juger les délits d'hé
re'sie dans l'étendue de ses fiefs, il
it encore en 1286. F — t.
MIREPOIX ( Charles-Pierre-
Gaston-Framçois h. mar-
quis , puis duc de ) , maréchal de
France, chevalier des ordres du roi,
interrompit sa carrière militaire
pour remplir les fonctions d'ambas-
sadeur à Vienne, en 1737. Il en re-
vint L'année suivante, fut promu au
le de lieutenant-général en 1 744 >
servit avec distinction en Italie, et
commanda eu Provence, puis dans
l'état de Nice. C'était un homme do-
miné par les idées chevaleresques,
mais d'un esprit médiocre. Le gou-
vernement jeta néanmoins les yeux
sur lui pour l'ambassade de Londres,
en 1 749- U y fut envoyé avec le titre
de duc. Le ministère anglais n'eut
de peine à en imposer à sa fran-
el : Lui dj (simuler les projets
de guerre qu'il méditait alors. Deux
iprès, le duc de Mirepoix reçut le
bâton de maréchal : il remplaça , eu
1756, le maréchal de Richelieu dans
lue, et
fut nommé capitaiu
IX!\.
129
corps. Il mourut l'année suivante,
sans postérité: sa deuxième femme,
sœur du prince «le Beauvau . particu-
lièrement chérie de Louis \ V, et da-
me du palais de la reine Marie i
zioska, partagea l'empire, qu'exer-
çait sur la haute société la maréchale
de Luxembourg , en fait de bon goût
et de convenances. Ou blâma la com-
plaisance qu'elle eut de se montrer
à la cour avec Mmo. Dubarrj
qui ne fut, de sa part, que l'erreur de
la reconnaissauec qu'elle croyait de-
voir au roi. Il ne faut pas confon-
dre le maréchal de Mirepoix. avec le
maréchal de Lévis , son cousin ( V.
-, XXIV, 38 1 ). — Mikei'oix
(Charles-Philibert , comte de L.
de la même famille , maréchal-de-
camp , député de Paris aux états-
généraux , vola pour que les mem-
bres du comité des rapports ne
fussent pas , dans l'assemblée cons-
tituante , pris indistinctement parmi
les députés. Il demanda la conserva-
tion des banalités conventionnelles.
Il fut condamné à mort par le tri-
bunal révolutionnaire en i^()\.
F T.
MIREVELT (Michel Jaan-
zoon), peintre hollandais, naquit
à Delft , en i568. Son père, orfèvre
habile, ne négligea rien pour son
éducation; dès Page de huit ans le
jeune Michel était déjà avancé dans
le latin, et son écriture était si par-
faite , qu'il surpassait tous les maî-
tres de Delft. 11 apprit alors L
vuresouS Jérôme Wierix; età douze
ans il avait déjà donné au publie les
planches d'une Samaritaine , d'une
Cène y et d'une Judith, de s< n in-
ve iiion, qui montraient 1
rait un jour. Antoine Montfort de
Blockland voulut 1er la
peinture ; et bientôt les 0
l'élè\
u
i3o MIH
Mircvelt étudia d'abord l'histoire ;
mais convaincu qu'un peintre, pour
atteindre la perfection , ne doit né-
gliger aucune branche de son art , il
cultiva également le portrait, le genre
et la nature - morte. Lorsqu'il eut
ainsi perfectionne ses talents , et que
l'on s'attendait à le voir s'élever au
rang des peintres d'histoire fameux,
l'amour du gain , le elétournant des
grands travaux , restreignit son
genre au portrait. Le talent qu'il y
déploya le justifie cependant en quel-
que sorte. La plupart des souverains
de son temps voulurent être peints
par lui. Charles Ier. , après son ma-
riage avec Henriette-Marie de Fran-
ce, fille d'Henri IV , l'appela en An-
gleterre. La peste qui éclata , en
1 6^5 à Londres , put seule empêcher
l'artiste de se rendre à cette invita-
tion. L'archiduc Albert se distingua
entre tous ses protecteurs ; et quoi-
que Mirevelt eût embrassé la secte
des Mennonites , ce prince ne cessa
de le combler de faveurs : il lui
accorda une pension considérable ,
et lui laissa une entière liberté de
conscience. Fixé à Delft , Mirevelt
ne quittait celte ville que pour aller
à la Haye , où il fut plusieurs fois
appelé pour peindre les comtes de
Nassau. On regarde comme des ou-
vrages parfaits les Portraits enpetit
sur cuivre de Guillaume Maurice
Ier ; de* Philippe et de Frédéric
Henri de Nassau. Il peignit , a di-
verses reprises , la princesse d'O-
range. Sa vogue et sa facilité étaient
si prodigieuses , que Sandrart , son
historien , évalue ses portraits à plus
de dix mille : Effigies plusquàm de-
ce-, mille confecisse dicitur. Aussi ,
pour modérer l'ardeur de ceux qui
désiraient être peints par lui , il fixa
le prix de ses portraits d'ordinaire
grandeur , à cent cinquante florins ,
MIR
qu'il doublait ou triplait même sui-
vant la dimension et le travail, prix
très-considérable pour le temps. II
mourut à Delft , eu 164.1 , laissant
deux fils, dont rainé, nommé Pierre,
se distingua comme peintre de por-
traits. Les ouvrages de Mirevelt sont
rares en France ; ils sont remar-
quables par leur extrême fini : le ton
de couleur en est vraiment admira-
ble , le pinceau est frais , la touche
recherchée , quoique l'ensemble soit
plein d'harmonie ; mais ils sont
plutôt peints dans la manière d'Hol-
bein , que dans celle de Van-Dick.
Guillaume Delft, son beau-frère, a
gravé, d'après lui, plus de cinquante
portraits ; Bary, un portrait en petit
d'Hugues Grotius ; et Muller , ceux
de Jean Neyen et de Spinola. P — s.
MIR-GIIOLAM-HOUCEIN-KHAN,
historien persan , naquit à Dehly ,
l'an de l'hégire n4° ( 17^3 de J.-
C. ). Il éîait fils de Hidaict-Aly-
Khan , homme distingué par sa
noblesse et ses talents. A l'âge de
cinq ans, Mir-Gholam quitta le lieu
de sa naissance pour se rendre à
Azemabad. Son père fut nommé gou-
verneur de cette ville, quelques an-
nées après • mais des démarches in-
considérées lui firent perdre ce poste
honorable. Lorsque les Mahrattes ,
conduits par Baladji-raou , vinrent
tout dévaster dans le Bengale ( 1 742) 7
Gholam se réfugia dans sa ville na-
tale, avec une partie de sa famille.
Ce fut à cette époque qu'il composa
une pièce de vers , intitulée le Dé-
vouaient du pontife , pour honorer
la bravoure de son aïeul ^ Ce magna-
nime, vieillard, loin de suivre ses pe-
tits-enfants , s'était mis à la tête des
troupes; et malgré son grand âge, it
aurait livré le combat, si des né-
gociations heureuses n'eussent éloi-
gné d' Azemabad les hordes des
MÎR
battes. Lorsque Mir-Gholam revint
dans cette ville, ses parents étaient
auprès du gouverneur du fiahar , à
feagvangolan , où il s'empressa de
les rejoindre. Il resîa avec eux jus-
qu'au moment où Seradj-eddaulah
marcha contre les Anglais, et s'em-
para de Calcutta ( 1737). Mir Gholam
servait alorssousles ordres de Ghaou-
cati-Djenk, un des chefs de l'armée.
Ge fut dans cette circonstance, qu'il
fit tous ses efforts pour sauver au co-
lonel Laily ( Demotz de Lalle'e ) les
mauvais traitements que cet oflicier
eut à éprouver de la part du gênerai
indien. Ses sages -, représentations à
cet égard , lui valurent un éléphant.
Mais bientôt le caractère impérieux
de Ghaoucali - Djcnk l'emporta ; le
colonel Lally fut^ dépouillé de tout
ce qu'il possédait, et renvoyé avec
trente roupies ( enyir. 70 fr. ) , trop
heureux encore d'en être quitte à ce
prix. Cependant la discorde avait
désuni les chefs des deux armées :
Mir- Gholam engagea son général à
temporiser; mais il eut la douleur de
le voir livrer bataille et périr dans
la mêlée : lui-même se serait trouvé
dans un grand embarras , sans les
liens de parenté qui l'unissaient à un
des capitaines de l'armée ennemie.
La retraite qu'il avait choisie à Pou-
ranah , fut respectée par les vain-
queurs • et on lui rendit son fief,
que Seradj-eddaulah avait confisqué.
Lorsque le chahzadeh (qui monta
depuis sur le trône, sous le nom de
Chah-Alem), porta la guerre dans
, Mir-Gholam fut envoyé
lui en ambassade ; mais tes né-
dons furent infructueuse
1 ville nat;
quelques emplois obscurs à Chaunar
et à Calcutta , et mourut dans la
ville d'Azcmabad , vers la fin du dix-
huitîèi
MIR i3i
persan deux ouvrages dans lesquels
se trouvent consignés les principaux
événements de sa vie : le premier ,
Seiri-Moutakherin (Coup-d'œil sur
les dernières affaires ) , embrasse ce
qui s'est passé sous les sept derniers
empereurs del'Indoustan. On trouve,
dans les treize livres qui le compo-
sent , une fouie de faits curieux ,
que l'on chercherait vainement ail-
leurs, et qui sont en général d'au-
tant plus sûrs, que l'auteur raconte
ce qu'il a vu de ses propres yeux. Le
style est bien nourri, clair et précis;
il est dégagé des ornements super-
flus qui surchargent ordinairement
les écrits des Orientaux. Dans son se-
cond ouvrage, Mir-Gholam énu-
mèrejles causes qui doivent amener
un jour la chute de la puissance des
Anglais dans l'Indouslan : il les voit
dans l'orgueil de ces insulaires , dans
leur pende sociabilité, et principa-
lement dans la différence des mœurs
des deux peuples. Ces deux intéres-
santes productions ont été traduites
en anglais , par un libraire français,
et publiées à Calcutta, 1789,3 vol.
iu-4°. , avec des notes. Cette traduc-
tion est de la plus grande rareté.
G T R.
MIKKHOND (IIamam eddyn Mir-
kuawend Mohammed , ibn Kha-
wend-Chah , ibn Mahmoud, vulgai-
rement appelé ) , célèbre historien
persan , naquit l'an de l'hég. 836
ou 837 ( de J. C. i433-4). Il se
distingua dès sa plus tendre jeunesse ,
par ses qualités naturelles et la jus-
de son esprit. Passionné pour
la lecture de l'histoire, il acquit dans
celte science des connaissant.
profondes , que ses frères et ses amis
le sollicitèrent souvent de compo-
ser un ouvrage qui renfermât les
principaux événements des temps an-
ciens ci mo
9-
MIR
tances l'empêchèrent long - temps
de céder à leurs désirs. Depuis la
mort de Chah - Rokh, fils de Ta-
merlan, la Perse fut, pendant trente
ans , déchirée par l'ambition et les
guerres civiles des princes issus de
ces deux monarques, les lettres et
les sciences furent négligées; et ceux
qui les cultivaient, ne trouvèrent ni
appui ni encouragements. Enfin, l'é-
myr Aly-Chyr, étant; devenu vézyr
et confident du sultlian Aboul-Ghazy
Houcein-Bahadour, prince de la race
de Tymour , et souverain du Kho-
raçan et du Mazanderau, fut pour
Mirkhond un protecteur puissant et
généreux. Il le fit venir à Herat , où
le sulthan tenait sa cour; et pour fa-
ciliter au savant les moyens d'exé-
cuter la grande entreprise qu'il
méditait , il lui donna un logement
dans le monastère nomme' Khankah-
Ahhlassyah , Khalassiah ou Sala-
hiah , situé en face du collège qui
portait le même nom , et près du
palais et de la mosquée que cet
c'myr avait fondés , ainsi que les
deux autres édifices sur les bords
de la rivière Ab-Khil ou Andjil , ou
Khalil ( V. Aly-Chyr , I , 655).
Ce fut dans cette retraite, où Mir-
khond trouva la tranquillité d'esprit
et tous les secours dont il avait be-
soin, qu'il composa son ouvrage in-
titulé: Rouzat al safafi sirat al an-
bia wal molouk wal kolofa ( Le
Jardin de la pureté, contenant l'his-
toire des prophètes , des rois et des
khalyfes ). Outre une préface et une
introduction sur l'utilité de l'His-
toire, et sur les qualités qu'on exige
d'un historien , ce livre se divise eu
sept parties et un appendice. La
première partie contient l'histoire
de la création, des patriarches, des
prophètes , des rois de Perse jus-
qu'à l'islamisme, et des anciens phi-
MIR
losophes. La seconde partie ren-
ferme la vie de Mahomet et des
quatre premiers khalyfes. La troi-
sième , celle des douze imams et des
khalyfes Ommayades et Abbassides.
La quatrième comprend les dynasties
qui ont régné en diverses parties de
l'Asie du temps des Abbassides, celle
des Fathimides d'Afrique et d'E-
gypte , les rois de l'Indouslan et les
Molouk-Kurts. Dans la cinquième ,
on trouve une introduction à l'his-
toire des Tartares et des Moghols,
avec celles de Djenghyz-khan et de
ses successeurs en Tartane et en
Perse, des Ikhanides et des Sarbé-
dariens. La sixième donne l'histoire
de Tamerlau, de son fils Chah-Rokh
et de leurs descendants, jusqu'à la
mort d'Abou Said. La septième est
entièrement consacrée au règne du
sulthan Houcein - Behadour ; mais
cette dernière partie n'est point l'ou-
vrage de Mirkhond , et ne se rencon-
tre pas dans tous les manuscrits de
son histoire. Elle a été ajoutée par
un autre auteur , peut-être par son
bis Khoiidemir. Ou y voit d'ailleurs
plusieurs événements postérieurs à
la mort du sulthan Houcein
qui
survécut huit ans à Mirkhond. En-
fin , l'appendice contient des mélan-
ges d'histoire , de géographie et
d'histoire naturelle , un tableau des
différentes merveilles de la nature,
la relation de l'ambassade envoyée
en Chine par Chah-Rokh, l'an S'io
( 1 4 1 7 ); l'histoire de la ville de Heïat
et l'éloge de l'émyr Aly-Chyr. Cet ap-
pendice doit avoir été composé par
Mirkhond; mais dans quelques exem-
plaires , il y a des interpolations. Il
paraît que la mort l'empêcha de ter-
miner son ouvrage. Sur la fin de ses
jours, il rompit tout commerce avec
les hommes, et passa une année aux
environs de la montagne de Kiazer-
MTR
gah, dans la méditation et les pra-
tiques religieuses, Au mois de ramad-
han 902 (. mai 1 497 )? d revint à Hé-
rat ; sa saute, déjà troublée, aeheva
de s'y déranger. Il nous apprend
lui-même que lorsqu'il fut arrivé au
règne de Chah-Rokh , il lui survint
une maladie du foie et une douleur
de reins si violente , qu'il fut oblige
de garder le lit , et qu'il écrivit pen-
dant dix mois , couche' sur le côte',
l'histoire de ce prince et de ses suc-
cesseurs. Ce travail , autorise par
son médecin , sans aggraver le mal
de Mirkhond , lui procurait un som-
meil plus paisible. Il mourut de ca-
chexie , âgé de soixante - six ans,
au mois de dzoulkadah yo3 ( juillet
1498 ). L'ouvrage de Mirkhond
a été abrégé par son fils Khonde-
invr ( 1\ ce nom, XXII, 3-7 ).
D'Herbelot, qui cite souvent ces
deux auteurs, dans sa Bibliothè-
que orienlalc, scmb'c ne pas les
avoir suffisamment distingués l'un
de l'autre ; et il n'a donné des ex-
traits que du second. Malgré la ré-
putation dont jouit Mirkhond en
Orient et en Europe, malgré les
éloges qu'il donne lui-même, dans
sa préface, au style, à l'exactitude,
à la nouveauté, à l'universalité' de
son histoire; malgré l'utilité réelle
d'un ouvrage qui renferme des maté-
riaux précieux pour l'histoire orien-
tale du moyen âge, ce n'est au fond
qu'une compilation peu intéressante.
L'auteur n'y fail souvent (pie rap-
!is examen , sans diseus-
cu-sion et sans critique, les divers
récits des historiens qui l'ont pré-
: les i'iits n'y sont point liés ;
les I.. Qt fréquentes , U
tes omises ou peu fidèles , et le style
sans couleur. Sous tous ces rapports,
il nous semble bien inférieur
devanciers > surtout à Otbi, dai
MIR
manière dont ils ont écrit l'un et
l'autre la (in de l'histoire des Sa-
manicles et le commencement de
celle des Ghaznevides. ( V. Otm. )
L'ouvrage de Mirkhond ne répand
d'ailleurs aucune lumière sur les
temps anciens de la Perse, jusqu'à la
destruction de l'empire des Parthes.
On doit néanmoins beaucoup de re-
connaissance aux savants qui , en tra-
duisant des fragments de Mirkhond,
ont étendu e domaine de nos cou-
naissances sur l'histoire orientale.
Les morceaux qui en ont été pu-
bliés jusqu'à ce jour, sont : I. La Pré-
face, traduite en français par le ba-
ron Silvestre de Saey, dans le
ix des Notices et Extraits des manus-
crits de la bibliothèque du roi, Paris,
1 8 1 3 , p. 26 1 . II. L' Histoire des rois
de Perse de la dynastie des Sassa-
nides, trad. parle même, dans ses
Mémoires su • diverses antiquités de
la Perse, Paris, 179Ï , in-40. III.
L' Histoire des dynasties des Tahe-
rides et des Sofjarides, trad. par le
baron de Ienisch , sous ce litre : Ilis-
toriapriorum regum Persarumpost
firmatum islamismum , Vienne ,
1792, in-4°. IV. L' Histoire des Sa-
in ani des et celle de Cubons, par
Fréd. Wilkcn , sous ce litre : Mo-
hainniedisfilii Chawendschahi, vul-
gb Mirkhondi , historia Samanida-
rum , persicèj Gottingue, 1808,
in-,j". V. L' Histoire des Gliazuevi-
des, irad. en latin par le même, et
promise depuis long-temps dans les
Mines de l'Orient. VI. Divers frag-
ments, contenant la mort et quel-
ques traits du kbalyfc Almamouu ,
l'histoire des Schars du Gardjçstan ,
la prise de Soumenath par Mah-
moud, ci quelques anecdotes de ce
Snlthan, trad. en latin par le même ,
dans sa Chrestomatft* Leip-
i8o5, in-8°. VIL Des Extraits
U4
M1R
de ['histoire de Djenghyz-Khan et
de son code , trad. par M. Langlés ,
le tome v des Notices , pag.
U)4- VIII. L'Histoire des Ismaé-
liens de Perse, ou Assassins, trad.
par Jourdain, dans le tome îx des
Notices, pag. 1 1 7. IX. Fragments sur
Y histoire d'Alexandre -le- Grand ,
trad. en anglais et en français par
M. Shea. M. Boscherou-Dcspories ,
en rendant compte de cet extrait
dans les Annales de la société royale
des sciences , belles - lettres et arts
d'Orléans, 1 re. année, n°. 1 2 (tom. 11,
p. a3y-'i63), insiste avec raison sur
le peu de cas qu'on doit faire des
récits exagérés et fabuleux de Mir-
khond , et en général de tous les
historiens orientaux sur le héros
macédonien. M. David Priée dans
son ouvrage intitulé : Chronologi-
cal retrospect , or memoirs of the
principal events of mahommedan
kislory , Londres , 1811 - i8i3, 3
vol. in-4°. , dont le dernier n'a pas
été publié, paraît avoir principale-
ment consulté Mirkhond. Quant aux
Belaciones de Pedro Teixeira , dvl
Qiïgen , descendencia y succesion
de los rejes de Persia, 1610 , in-
8°., trad. en français, par Cotolendi,
Paris, 1681 , ce n'est qu'une imita-
tion très-abrégée , très-incomplète ,
très -infidèle et presque informe de
l'histoire de Mirkhond. On peut à
peine y reconnaître les dynasties Sas-
sanides , Samanides , Gliaznevides ,
Seldjoukides , et quelques - uns des
descendants deDjenghyz-Khan et de
Tamerlaii. La bibliothèque du Roi
possède cinq manuscrits de la pre-
mière partie du Rouzdt al safa ;
cinq de la seconde partie ; deux de
la troisième; quatre de la cinquième;
trois de la sixième; un de la sep-
b, et un de l'appendice. La qua-
trième partie y manque entièrement;
MIR
mais on la trouve aux archives du
ministère des affaires étrangères. La
bibliothèque de l'Arsenal possède
aussi un exemplaire de Mirkhond,
-dûmes, contenant la seconde,
la quatrième , la sixième partie et
l'appendice. On a vu pendant quel-
ques années à la bibliothèque du Roi,
un manuscrit de cet auteur , en 6 vo-
lumes , formant près de 'if\oo pages,
et contenant ics six premières par-
ties de son histoire, très-complètes ,
à l'exception de quelques lacunes
dans la cinquième , au règne de Hou--
lagou-Khan; mais ce manuscrit est
retourné à la bibliothèque impériale
de Vienne, en 181 5. A — t.
M1R-MAHMOUD ou Mahmoud-
Chah , roi de Perse de la dynastie
Afghane de Khaldjeh , était fils de
Mir-Wcis, qui l'avait fondée dans le
Candahar , au commencement du
dix-huitième siècle La faiblesse du
gouvernement de Chah - Houeéin ,
l'un des derniers monarques de la
race des Sofvs , et les vexations de ses
ministres et de leurs agents , a",
excité des mécontentements dans plu-
sieurs provinces de la Perse : Gour-
ghin-Khan ( George XI) , privé lui-
même du tronc de Géorgie, pour
cause de rébellion , fut chargé de ré-
duire le Candahar, principalement
habité par diverses tribus d'Afghans,
peuples montagnards, belliqueux et
féroces, plus ennemis que sujets de
la Perse. L'approche du nouveau
gouverneur dissipa les mutins; mais
ses mesures rigoureuses et tyranni-
ques exaspérèrent de nouveau les es-
prits. Mir-Wcis, clnvf de la tribu
de Khaldjeh, et kalenter ( intendant )
de la provir.ee , vint à Ispahan , vers
l'an 1707, soit comme accusateur,
soit comme accusé. Ses plaintes , ses
raisons n'y furent pas écoutées: mais
il s'y ménagea des amis parmi les
MIR
grands opposes au ministère; il y
observa l'esprit de la cour , le mau-
vais état des affaires : il s'y affermit
, dans la résolution d'affranchir son
pays de la domination des Sofys ; et
de retour du pèlerinage de la Mekke,
ou il s'autorisa , dit-on, des décisions
des docteurs sunnites, il mit son pro-
jet à exécution. Par de fausses appa-
rences de soumission et d'amitié, il
sut endormir la défiance du prince
géorgien , qui eut l'imprudence de
cantonner la plus grande partie de ses
troupes ; et il le fit périr, vers le mi-
lieu de 1709, soit dans une attaque
inopinée avec des forces supérieu-
res, soit dans une fête à laquelle il
l'avait invite'. Mir-Weis alors s'em-
para du Candahar, où il fut procla-
me roi ; et pendant un règne de sept
à huit ans, il battit cinq ou six géné-
raux persans , entre autres Kaï-Khos-
rou, qui voulant venger son oncle
Gourghin-Khan, eut d'abord quel-
ques succès , et fut ensuite tué dans
une bataille, en 1 7 1 1 , après avoir été
forcé de lever le siège de Candahar.
A Mir-Weis succéda, vers 17 16,
son frère Mir-Abdallah ou Abdel-
Aziz, prince pacifique, qui écouta les
propositions de la cour de Perse, et
cia la reddition de Candahar.
Mais Mir-Mahmoud, à peine âgé de
dix-huit ans , s'indigna que son oncle
osât disposer, sans son aveu, d'un
royaume dont il devait hériter; et
pour empêcher l'exécution de ce
traité , il pénétra dans le palais d'Ab-
dallah, le poignarda de sa propre
i , et prit possession du trône
- la mort de son père.
A ci | Abdallis,
ennemie de
celle dcKhaldj ut emparés
de Hérat et dune partie du Kliora-
çan Je-» 1 : -aB (17JG;.
Mahmoud, m tfnpatientde
MIR i35
se signaler par quelques exploits,
que d'agrandir ses
contre les Abdallis, les vainquit dans
une bataille, où périt Açadallah, fils
de leur chef; mais il échoua d<
Ferah , dont la prise était le principal
but de son expédition. Il osa néan-
moins porter lui-même à la cour du
roi de Perse, qui se trouvait à Caz-
wyn , la nouvelle de sa victoire , et en
demander la récompense. Il fut , en
effet, confirmé dans la souveraineté
du Candahar , gratifié d'une robe
d'honneur , d'un sabre , du titre
de Safy-Zémir (conscience pure),
et autorisé à continuer la guerre
contre les Abdallis. Mais , dans cet
intervalle., un autre ambitieux ayant
voulu se rendre maître du Kerman ,
les habitants se donnèrent à Mah-
moud, qui s'y rendit en 17 19. Rap-
pelé à Candahar, par la révolte du
gouverneur qu'il y avait laissé, il re-
vint en 1721 dans le Kerman, resté
sans défense par la disgrâce du gé-
néral persan qui l'avait repris l'an-
née précédente, et il le soumit de
nouveau. Enhardi par ses succès ,
par l'anarchie qui se propageait dans
toutes les parties de l'empire, par le
découragement de la nation entière,
l'apathie de la cour et les intelli-
gences qu'il entretenait avec quel-
ques ministres; Mahmoud, à !
de huit à dix mille Afghans et Be-
idutchis, et avec quelques canons
sans affûts, portés à dos de chameau,
osa marclîcr sur Ispahan, Après une
victoire remportée, le 8 mars 1
à Ghulnabad, à quelques liei
cette ville , sur l'armée persane ,
trois ou quatre fois plus nombreuse
que la sienne; il assié^M la Capitale,
dont l'immense population
amollie par les arts, et j
ceurs d'une loi
Djoulfa et des autres faubpurg
MIR
réduisit à une si horrible famine,
que le faible Chah-Houcéin , dont il
avait rejeté les offres de paix et de
pardon, fut oblige de descendre du
trône, d'aller s< discrétion
avec toute sa famille , et d'attacher ,
de sa propre main, l'aigrette royale
au turban de son ennemi. Cet évé-
nement arriva le 1 1 moliarrcm 1 1 35
(9/2 octobre xyvi). Mir-Mahmoud
fil alors son entrée dans Ispahan , où
il prit le titre de Chah ; son nom fut
proclame dans la khothbah , et grave
sur les monnaies. Il fit d'abord ces-
ser la famine, rétablit le bon ordre
et la tranquillité, sévit contre les lâ-
ches qui avaient trahi leur souverain,
et confirma les privilèges des nations
européennes. Bientôt, au moyen des
secours que son frère floucéin Khan
lui envoyait du Caudahar, il pour-
suivit ses conquêtes en diverses par-
ties de la Perse: vers le nord, il
soumit Kachan, Kom et Çazwyn,
où s'était d'abord retiré, pendant le
siège d'ïspahan, Ïhahmas-Mirza ,
fils du monarque détrôné. Mais la
garnison afghane, ayant été massa-
crée à Gazwyn , à cause de ses excès ,
Mir-Mahmoud, pour prévenir un
pareil soulèvement à Ispahan , y fit
égorger un nombre infini de citoyens,
à commencer par les plus notables,
par les fonctionnaires publics et par
un corps de trois mille Persans qu'il
avait incorporés dans sa garde. Cet-
te horrible boucherie dura quinze
jours. Mahmoud repeupla sa capi-
tale, en y amenant cent mille habi-
litants du territoire de Dcrghezyn ,
près d'Hainadau, et en y attirant de
Candahar les familles des Afghans,
qui composaient son armée. Ces peu-
ples étant Sunnites, par conséquent
de la même secte que lui, il comptait
plus sur eux que sur les Persans.
L'usurpateur n'ayant pu reprendre
MIR
Gazwyn , où Thahinas avait été re-
connu roi , ne fut point en étal d'em-
pêcher les Russes de conquérir Je
Chyrwan et le Ghylan, Il ne réussit
pas mieux à s'opposer aux progrès
des othomans, qui, profitant
f'cs révolutions de la Perse, enva-
hirent la Géorgie, l'Arménie, TAd-
zerbaïdjan, et se rendirent maîtres
de Kermanehah et d'Hamadan. Mah-
moud parvint toutefois à s'empa-
rer de Chyraz, et soumt tout le
midi de là Perse, jusqu'à Bender-Ab-
bassy ; mais son bonheur échoua
contre les Louris et les Bakhtiaiis,
qui habitent les montagnes à l'ouest
d'ïspahan. Ils taillèrent en pièces un
corps d'Afghans, et l'obligèrent lui-
même de se reli er honteusement de
leur pays, où il avait pénétré à la
tête de presque toutes ses forces, au
printemps de 17^4. Enfin il ne fut
pas plus heureux dans une expédi-
tion qu'il entreprit contre Yczd , dont
la possession aurait facilité ses com-
munications avec Candahar. Abattu
par ces revers , et croyant avoir
mérité le courroux céleste, il veut
l'apaiser par une retraite absolue ,
par une privation totale de nourri-
ture et de sommeil : il se livre pen-
dant quarante jours à toutes les pra-
tiques superstitieuses que la terreur
lui inspire. Epuisé parle jeûne et les
mortifications , il perd l'usage de sa
raison , et tombe dans une noire mé-
lancolie qui dégénère bientôt en fré-
nésie. Dans un de ses accès de rage,
il rassemble tous les princes de
la race des sofys, les mains liées der-
rière le dos , au nombre de plus de
cent , suivant quelques versions ,
mais au moins de trente -un, sui-
vant un historien persan ; il fond
sur eux à coups de sabre , et en fait
un massacre épouvantable. Deux fils
de Ghah-Houcèm, dont le plus âgé ,
MIR
n'avait q^c cinq ans, se jettent clans
les bras de leur père, qui leur sauve
la vie en exposant ses jours. À la vue
du sang de ce monarque infortune,
la fureur de Mahmoud se calme, et
il épargne ces trois seules victimes.
L'état de ce monstre ne fait qu'em-
pirer. Vainement les piètres armé-
niens viennent en procession dans
son palais, réciter sur sa tête I'
gile rouge. Son corps se convie de
lèpre; sa chair tombe en pourriture ,
et il rend les excréments par la bou-
che. Enfin ce furieux maniaque se
déchire lui-même avec les ongles et
les dents ; et il ne lui restait pi s
qu'un souffle de vie, lorsque les Af-
ghans , le voyant hors d'état de gou-
verner, forcent la prison où il re-
tenait son cousin Asehraf , qu'ils
placent sur le trône , en chai au
i i3j (a3 avril 1725). Le nouveau
roi venge aussitôt la mort de son
père Mir-Abdallah, en faisant tran-
cher la tète de Mir-Mahmoud.
périt à l'âge de vingt-sept ans, après
en avoir régné deux et demi a lspa-
han, et. neuf à Candahar , ce singulier
et barbare usurpateur, qui aurait
laissé un nom et une domination plus
durables, si à l'audace, à la valeur
brutale d'un soldat, il eût joint la
prudence, l'habileté d'un grand ca-
pitaine, l'art de gouverner, et sur-
tout le talent plus rare de se
aimer. Mais sa séveViîé, sa d
sa difformité, repoussaient tout sen-
timent d'amour et de respect. Il
avait la taille courte et ramassée, le
col si court que sa tête louchait pres-
1 î> Miles, le visage large, le
ne/ enfoncé, les yeux louches, la
barbe rousse, la physionomie rude,
et le regard l'ai , -»iquc con-
trarié ,; physique,
il se livrait av. 1 tous les
ices du corps; et. pour ci.;
MIR
nir sa force et son adresse à m
le sabre, il se faisait amener tous les
jours quelques moutons, qu'il parta-
geait en deux d'un seul coup. Il pos-
sédait d'ailleurs des qualités plus
essentielles : sa sobriété, sa conti-
nence, son éloignement pour la mol-
lesse, sa vigilance, étaient extrêmes;
et il se montra toujours exact ob-
servateur des droits de l'amitié.
( F. Aschraf , au supplément. )
A T.
MIR-MAHNNA , fameux cheikh ,
et pirate arabe, était d'une famille
de la tribu de Saab , qui , vers le
commencement du dix-huitième siè-
cle , avait passé des côtes du pays
d'Oman en Arabie , sur celles du
Kerman en Perse, où elle s'était em-
parée de Bender-Ryck. Ce fut dans
cette ville que Mir Malmna naquit en
1 70 ~>. Son père, Mir-Nasser, qui s'en
était arrogé la souveraineté pendant
les troubles de la Perse, avait en-
voyé son fi!s aîné dans l'île de
Rahraïn qu'il venait de soumettre en
société avec son voisin le ckeikh
d'Abou-Schehr (1). Mir Mahnna,
profitant de l'absence d'un frère dont
il était jaloux dès son enfance, réso-
lut d'assassiner son père, vieux et
aveugle , et d'usurper la souverai-
neté. Près de le frapper, il recula
d'horreur; mais il souffrit qu'un de
ses officiers, en l'accusant de lâcheté,
lui arrachât le poignard de la main ,
et consommât le crime en sa pré-
sence. Mir-Mahnna se défit de tous
ceux qui désapprouvaient son atten-
tat; et comme sa mère lui reprochait
; uautés , il la tua d'un coup de
sellé qu'il lui jeta à la tète. En 1 7 "* 7 ,
i.Tir est d. |iui> une -
l
fituùlle ■' g
i38 MIR
Kerym-Khan ( V. ce nom , XXII,
3>4 ) , l'un des trois principaux pré-
tendants au troue de Perse, étant
venu à Bender-Ryck, pour exiger le
tribut; le (ils aîné de Mir-Nasser ,
accourut de Bahraïn , dans l'espoir
de chasser son frère ; mais Kerym
les emmena tous deux à Ghyraz.
Bientôt il fut battu lui-même par
Mohammed Haçan Khan, aieul du
roi de Perse d'aujourd'hui; et les
deux frères s'étant alors échappés,
revinrent à Bender-Pxyck , où Mir-
Mahnna fit périr son frère , avec
quinze on seize de ses parents qui lui
portaient ombrage. R.ctombé entre
les mains de Kerym-Khan , il obtint
sa liberté par les bons offices de sa
sœur , mariée à un officier de ce
prince. Depuis il pilla les cara-
vanes entre Abou-Schehr et Ghyraz ,
et exerça sur mer les mêmes brigan-
dages. Kerym-Khan, qui déjà Pavait
assiégé inutilement dans sa capitale ,
lui ayant fait demander le tribut , en
1764 , avec menaces, en cas de re-
fus, de l'attaquer avec toutes ses
forces , le pirate fît couper la barbe
à l'envoyé, en signe de mépris, et
s'attira la vengeance du régent de
Perse, qui fît marcher contre lui
une armée, au commencement de
Pannée suivante : le général qui la
commandait , perdit plus de trois
mois à prendre une petite place voi-
sine , où il attendit les alliés qui de-
vaient lui fournir des vaisseaux. Ces
lenteurs laissèrent à Mir-Mahnna le
temps de faire des approvisionne-
ments , et de pourvoir à sa sûreté.
Il transporta sa famille , et une par-
tie des habitants de Bender-Ryck ,
dans la petite île déserte de Khouéry
ou Kargou; et il s'y rendit lui-même
a la fin du mois , avec ce qui lu
restait de sujets et de troupes fidèles.
Sa capitale tomba, sans résistance ,
MIR
au pouvoir des Persans. Mais leur
flotte , ou plutôt celle que leur four-
nit le cheikh arabe d' Abou-Schehr ,
renforcée par un navire anglais ,
et montée par quelques canonniers
de cette nation , échoua devant les
forces navales de Mir-Mahnna, qui ne
consistaient qu'en dix-sept gai vettes
ou autres petits bâtiments. Descente ,
blocus , canonnades , il triompha de
tout dans son île, quoique malade et
privé d'un œil , quoiqu'il y manquât
de fourrages, et qu'il n'eût pu s'y tor-
tiller que par des remparts de sable :
mais Khouéry était alors l'île la plus
peuplée du golfe Persique. TJn grand
nombre d'Arabes établis sur les
cotes de Perse , ne voulant pas se
soumettre au tribut que leur impo-
sait Kerym-Khan , étaient venus se
joindre à Mir-Mahnna. Les Anglais,
ennuyés de- sa résistance , et rebutés
par l'orgueil et l'ignorance du jeune
cheikh qui commandait la flotte
coalisée, abandonnèrent la partie.
Ils furent remplacés par les Hollan-
dais. Ceux-ci avaient enlevé , depuis
onze ans , au père de Mir-Mahnna ,
l'île de Karek , située à une lieue
de celle de Khouéry ; et depuis
ils avaient été presque toujours en
guerre avec l'un ou avec l'autre. Us
avaient gardé néanmoins la plus
stricte neutralité, pendant les der-
nières hostilités ; et ils auraient sans
doute persisté dans ce système, sans
les provocations de Mir-Mahnna.
Ce cheikh venait de recouvrer Ben-
der-Ryck, évacué par les troupes
persanes ; et pour se venger à-la-fois
de Kerym - Khan , et du cheikh
Nasser , il bloquait le port d' Abou-
Schehr, et en défendait l'entrée aux
Européens. Ce fut alors que les Hol-
landais se décidèrent à l'attaquer
dans l'île de Khouéry. Leur escadre,
composée de deux gros navires et de
MIR
trois galvelfces , et réunie à la fîotille
clu cheikh d'Abuu - Schelir , détrui-
sit ou brûla trois galvettes à Mir-
Mahnna ( le 9 octobre 1 7O0 ). Ils
tentèrent ensuite une descente, et pé-
nétrèrent sans opposition jusqu'aux
tentes et aux cabanes des habitants.
Mais tandis qu'ils se livraient im-
prudemment au pillage, Mir-Mahn-
11a fondit sur eux avec sa cavalerie ,
tailla en pièces : soixante-dix
Européens furent massacrés; et dou-
ze seulement parvinrent à se sauver
à la nage malgré leurs blessures : Jcs
Arabes d'Aboii - Schokr y perdirent
plus de deux cents hommes. Le vain-
queur ne laissa pas le temps aux Hol-
landais de réparer leurs pertes, et de
se fortifier dans l'île de Karek. Il y
aborda sur la fin de décembre, as-
siégea la ville qu'ils y avaient ;
et s'en rendit maître, ainsi que de
délie, au commencement de
1766, par la trahison d'un inter-
persan, qui avait persuadé au
gouverneur hollandais d'y intro-
duire Mir-Mahnna, et une partie
de ses gens , pour traiter d'un ac-
commodement. Le butin , les muni-
tions, l'artillerie et les vaisseaux qui
tombèrent au pouvoir du pirate , le
mirent en état d'enlever, deux mois
. l'île de Bahraïn à son rival, le
cheikh d'Abou - Scîiehr, et
sister , avec avantage, en 1767 et
17O8 , aux forces considérables que
les Anglais envoyèrent de Bon
pour tenter de s'emparer de Karek.
Ambitieux, actif, plein de bravoure
uts , Mir-Mahn-
na aurait infailliblement acquis plus
de pi itc, s'il eût
joint quelques •
I 1 moins i faire
ic ha-
bituelle,
es. lui ali
MIR i3q
tous ses sujets, ou, pour mieux dire,
des brigands qui s'étaient assoi i
son sort. Pour la moindre faute, il
leur faisait couper la barbe, le nez
ou les oreilles. Il n'était pas moins
cruel envers son propre sang. Irrité
de n'avoir point d'héritier mâle , il
avait fait exposer au soleil sur le
bord de la «mer, et laissé périr mi-
sérablement son premier enfant,
pai ce qu'il était du sexe féminin ; et
quoiqu'il eût consenti a épargner sa
seconde fille , il n'aurait pas manque
de la livrer à la mort, si le ciel lui
eût donné un fils. Deux de ses sœurs
avaient été noyées par son ordre ,
sous prétexte qu'elles avaient atten-
té à "ses jours ; mais son but fut
plutôt d'éluder la demande que lui
avait faite de l'une de ces princes-
ses , pour son fils , le cheikh Soli-
man , son ennemi , chef de la tribu
de Kiab, autre pirate non moins fa-
meux , et non moins redoutable aux
Turcs , aux Persans et aux Euro-
péens. Eufin un soulèvement géné-
ral éclata dans l'île de l
premiers jours de février 1769 : *s
rebelles s'étant emparés de la cita-
delle, Mir-Mahnna se défendit vail-
lamment dans un bazar, peu
mis heures , avec une petite
troupe de gens qui lui étaient dé-
voués ; mais leur nombre se trou-
vant réduit à 17 , il battit en re-
traite jusqu'au bord de la mer, où
il trouva un bateau. N'osant gagner
ses états de terre-ferme, de ci
d'être livré aux Persans , ni cher-
cher un asile, soit auprès des Turcs
de Bassorah qui avaient à se plain-
dre de ses pirateries , soit aupr<
autres princes du golfe Persique, qui
tous étaient ses ennemis; il aborda
près l'ancien Bassprah ),
petite place voisine de l'un des
du Schat cl Ârab , d'où il c
MIR
tait se retirer dans le désert elicz les
Arabes de la tribu de Mouni
Mais des soldats envoyés par le mut-
ra de Bassorah , l'arrêtèrent le
1 4 du même mois , et le conduisirent
celte ville, où ce gouverneur ,
après l'avoir d'abord traite avec dis-
tinction , le fit étrangler dans sa pri-
son quelques jours après, pour faire
sa cour au souverain dfë la Perse.
Mir-Mahnna n'avait que trente-qua-
tre ans. Les sujets de ce tyran se
soumirent à Kcrym-Khan; sa famille
alla chercher à Chyraz un abri con-
tre la misère. Maître de l'île de Ka-
rek, ce prince refusa de la livrer
aux instances des Anglais, qui en
connaissaient l'importance, et il la
céda la même année aux Français ,
par suite d'un traité dont la né-
gociation fut confiée par le sieur
Pyrault, agent de la compagnie des
Indes à Bassorah , au sieur Rous-
seau, père du consul actuel d'Alep.
Les pièces relatives à celte cession
furent envoyées en France : mais
le ministère qui gouvernait pendant
les dernières années de Louis XV,
ne sut tirer aucun parti de cette
affaire; et les Français n'ont jamais
pris possession de l'île de Karek.
A T.
MIRMEGYDES. V. Callicra-
TES , VI, 542.
MIRO (Gabrtel), ou Miron (1),
issu d'une famille du Roussillon ,
originaire de Catalogne, et qui est
devenue illustre par ses alliances,
par les places qu'elle a occupées , et
par les services qu'elle a rendus à
l'État, était professeur en médeci-
ne dans l'université de Montpellier.
(l) On a prétendu que ce nmn de Miron n'était.
qu'un surnom, diminutif de Mire , ternie usité clins
quelques province? pour désigner ces csculapes de
campagne qui font métier de racouiiaoder les mem-
bres rompus ou disloqués.
Nommé, en 1 489 , premier méde
ci 11 de Charles VIII, roi de France,
il allait rejoindre ce prince, lors-
qu'il mourut l'année suivante à Ne-
vers. On voit encore, sur la porte
de l'université de Montpellier, une
inscription où il est appelé l' Ora-
cle de la médecine ( Medicinœ divi-
num oraculum). — Son frère, Fran-
çois Miro, fut conseiller et médecin
du même roi Charles VIÎI , accom-
pagna ce monarque dans son expé-
dition du royaume de Napies, mou-
rut au retour , et fut enterré à Nanci.
— Gabriel'll Miro, fils de François,
fut médecin ordinaii e du roi, premier
médecin et chancelier de la reine
Anne de Bretagne, femme de Louis
XII, et ensuite de la reine Claude ,
femme de François Ier. Il fonda
\\\\g chapelle dans l'église des Corde-
liers de Tours. On a de lui : De re~
gàniîie infantum tractatus très ,
Tours, 1 5 4 4 ; ibid., i553, in-folio. Il
eut une fille , mariée avec Bernard de
Fortia, dont les descendants ont oc-
cupé les premières places de l'Église,
de i'épée et de la magistrature , et
un fils, qui fut médecin ordinaire des
rois Henri II et Charles IX , et qui
est plus connu sous le nom de Miron
( F. ce nom ). T— n.
MIROMÉNIL (Armand-Thomas
Hue de), né en 1723 dans Y Or-
léanais, fut d'abord attaché au grand
conseil, puis nommé, en 1^55 ,
premier président du parlement de
Rouen. Lors des persécuîions du
chancelier Maupeou contre la ma-
gistrature, cette compagnie fut exi-
lée en grande partie, et son chef
eut le même sort. Les circonstances
le rapprochèrent dp château de Pont-
train, où toutes les connaissan-
ces du comte de Maurepas étaient bien
reçues , surtout quancl les disgrâces
de la cour et quelques qualités ai-
mablcs pouvaient donner aux per-
sonnes des aluni maître de
la maison. Le président nor
avait tous ces titres de recora
dation. Il sut plaire : on le fêta; et
quand le comte de Mann-pas d
principal ministre de Louis X\ 1 ,
on fit de Mirome'nil , qui avait mon-
tre assez d'énergie en faveur des par-
lements supprimés, un garde -des-
sceaux ( '\\ août 1774)? Pour ame"
ncr, par lui , la réintégration de ces
cours souveraines. Sun crédit bais-
sa un peu à la mort du ministre en
chef; mais il trouva un nouveau
soutien dans le comte de Vergeoues ,
et surtout dans la confiance du Rui.
La simarre du garde-des -sceaux
n'empêchait pas qu'on ne se souvînt
dans le monde que le successeur de
tant de graves magistrats avait joué
quelquefois la comédie dans les
pi ois les plus gais. Une dame de la
cour, qui se permettait de tout dire,
parce qu'elle disait tout avec esprit ,
rencontre un jour Mirome'nil, qui
se disposait à entrer chez M. de
Maurepas; elle le saisit par le bras ,
traverse le salon au milieu de trente
personnes, l'amène au ministre, et
lui dit : « Je vous présente M. de Mi-
rp.... bolan (1).» Le crédit du garde-
des-sceaux se maintint assez bien
jusqu'à l'assemblée des notables, de
1 787. La cabale de Brienne renversa
celle de Calonne. Mirome'nil, qui ,
dit-on, après avoir approuvé et ap-
puyé au conseil les plans du contrô-
lai, était soupçonné d'avoir
eu la faiblesse de l'abandonner , fut
le premier dont la disgrâce éclata.
Obligé de donner sa démission, il
fut remplacé, I ; 7S7 , par
le président de Laraoignon. [1 sortit
itiliLul 1
I4I
du ministère aussi peu riche qu'il y
était entré , et sans demander a
recompense extraordinaire. S
traite n'excita ni joie ni regre;.-. bien
vifs. Sa mort, arrivée le 6 juillet
1796, dans sa terre de Miroménil
en Normandie , ne produisit aucune
sensation , et ne fut pas même remar-
quée. Sans développer pendant les
quatorze ans de sa magistrature su-
prême , les qualités éminenles de
quelques-uns de ses prédécesseurs,
Miroménil montra un esprit de sa-
gesse et de modération qui suffiraient
pour honorer sa mémoire. Ce fut lui
qui eut le mérite de seconder les vues
d'humanité de Louis XVI, en rédi-
geant la déclaration ( du 24 août
1780) portant abolition de la ques-
tion préparatoire. Z.
M1RON (François), fils de Ga-
briel IL Miro {F. ce nom), fut reçu
docteur en médecine de Montpellier ,
en 1 >oc), et de Paris, en 1 5 1 4. Il
remplit les fonctions de médecin or-
dinaire auprès de Charles IX. îl
laissa trois enfants, dont unefilie,
mariée avec le gardc-des-sccai:x ,
Caumartin. On a de lui : Relation
curieuse de la mort du duc de Guise,
et du cardinal son frère, dans le tome
ni du Journal de Henri III , et
dans d'autres recueils: les p roi-,
duc, les causes et les circonst;
de sa mort, y sont très-bien détailles.
— François MÎront, petit- fils du
précédent, lieutenant civil, et prévôt
des marchands, à qui la ville de
Paris doit une partie de ses embel-
lissements, quais, ports, plue
la façade de l'hôtei-de- ville, qu'il lit
mire en \ consacrant les émo-
is de sa place, sut
■unie police dans d
troubles. Ce furent les rcinouti
■ pr vol d, ,
veur
142 MIR
qui détournèrent, en i6o5, Henri
IV de réduire les rentes consti-
tuées sur l'hôtel-de- ville de Paris.
On trouve ces Remontrances dans
les Œuvres de Jac. Leschassier ( F,
ce nom , XXIV, 279 ). Il mourut le
4 juin 1609. — Robert Miron, frère
du précédent, mort en 1 64 1 > inten-
dant dès finances en Languedoc ,
après avoir été ambassadeur en
Suisse, s'était distingué à la tête du
tiers-état, qu'il présidait aux états
de 1614, étant alors prévôt des mar-
chands. 11 s'y opposa vigoureuse-
ment aux efforts du cierge pour la
publication du concile de Trente.
« La bigarrure du temps auquel
» nous vivons, répondit-il àl'évéque
» de Beauvais , apporte à vous et à
» nous la nécessité de rejeter la pu-
» blication de ce concile , plutôt que
» de l'embrasser, Néanmoins MM.
» du clergé se peuvent mettre d'eux-
» mêmes dans ce concile , en prati-
v querles résolutions, en retranchant
» la pluralité des bénéfices, et au-
» très abus auxquels il a remédié. »
— Charles Miron , (ils du premier
médecin de Henri III , de la même
famille que les précédents, nommé,
en 1 588, à l'évèehé d'Angers, n'en
put prendre possession qu'après a-
voir fait casser l'appel comme d'abus
de son chapitre, qui refusait de re-
connaître un évêque de dix-huit ans.
Mais enfin, dégoûté par les différends
qu'il avait eus avec cette compagnie
au sujet de la juridiction, il se démit
en faveur de Guillaume Fouquet de
la Varenne. Celui-ci étant mort,
Richelieu, inquiet du crédit que Mi-
ron avait à la cour, le fit nommer
de nouveau, en 1 ()>..*, au même
évêché, d'où Louis XIII le transfé-
ra , quatre ans après, à l'archevêché
de Lyon. Il mourut dans ce de
siège, en 1628, étant le
MIR
prélats du royaume , quoiqu'il hë
lut âgé que de soixante-deux ans,
Miron. avait rendu de grands services
à Henri IV : il prononça 1 oraison
funèbre de ce prince. Ses entreprises
contre son chapitre furent réprimées
par le parlement de Paris. On a de
lui une Lettre sur quelques affaires
traitées dans les états de 1 6 1 4 ; une
autre sur les miracles de Notre-Dame
de Saumur, et des Statuts synodaux
insérés dans ceux de M. Àrnauid,
son successeur à Angers. ï — d.
MIROUDOT du BOURG (Jean
Baptiste), évêque de Bahylone, était
né en 1 7 16 , à Vesoul , d'une bonne
famille de robe. Après avoir terminé
ses études , il embrassa la vie reli-
gieuse dans l'ordre de Cîteaux, et fut
envoyé a Morimont enBarrois. Ses
talents et son goût pour l'agriculture
le firent connaître du roi Stanislas ,
qui le nomma son aumônier, et l'ho-
nora de sa confiance. Ce fut par l'or-
dre de ce prince, que D. Miroudot
sema du raj-grass ou faux seigle,
dans un terrain qui lui avait été a
donné pour faire des expériences.
Cet essai ne réussit point, parce que
les semences qu'on lui avait envoyées
d'Angleterre étaient avariées; mais
il rendit compte de ses observations
dans un Mémoire, qui fut couronné
par l'académie de Nanci. D. Mirou-
dot fut nommé évêque de Babyîone,
le i3 avril 1776, sacré le 21 juin
suivant , et , quelque temps après ,
nommé consul a Baghdad. Mais la
guerre qui désolait le pays , ne lui
permit d'aller qv'h Halcp. 11 rendit
d'importants services à la religion
dans cette contrée, et contribua à ra-
mener un grand nombre de Syriens à
l'unité de l'Eglise. Le pape le récom-
pensa de son zèle, en lui adressant
le pallium, décora tion réservée aux
métropolitains. Des raisons de san-
MIR
te ne permirent pas à D. Miroudot
de prolonger son séjour en Asie; il
y fut remplace par Beauchamp , son
neveu, qu'il destinait à lui succéder
dans la dignité épiscopale ( V. Jos.
Beauchamp, III, 619). Il repassa
en Europe , vers la fin de 1781 , et
vécut à Paris , où il remplissait les
fonctions de suffragant des arche-
vêques de la métropole. Il prêta son
ministère pour la consécration des
évêques constitutionnels; et, le ei'\
février 1791 , il fut , avec Gobel ,
assistant de l'évêque consécrateur ,
l'ancien éyêque d'Autun. Pie VI le
déclara suspens dans le bref du î 3
avril 1 7<) 1 ? et lui relira la pension
que lui faisait la propagande. D'un
autre côté Miroudot fut mal récom-
pensé par ceux, qu'il avait servis , et
il mourut dans la détresse à l'hôpital
des incurables de Paris , en. 1798.
D. Miroudot était membre des aca-
démies de jSanci etde Metz ; il aimait
les antiquités , et en avait découvert
un grand nombre en Lorraine. On
ignore ce que sont devenues ses col-
lections. Le seul ouvrage qu'on con-
naisse de lui , est le Mémoire sur le
■j^rass , ou faux seigle, Nanci,
1760, in-8°.; trad. en allemand,
par S. S. Rcinhard, Carlsruhe, 1 ^65,
in-8°. Ce graminée, que Miroudot a
fait connaître le premier en France,
fournit un excellent fourrage. —
Miroudot de Saini k (Ga-
briel-Joseph), frère du précédent,
subdélégué à Vesoul,a publié: .tissai
sur l'agriculture du comte de Bour-
gogne , Lyon, 1762, petit in-8°.
— sur le bailliage de
1, 1774 , in-8°.
D statistique des
L'arrondissement. Le P.
Dunand dans i m- les
. Dunand),
lui attribue un opuscule intitule :
MIS
i43
Ceci et cela , qu'il aurait imprime
lui - même à deux ou trois exem-
plaires. W — s.
MIR-WEIS. V. Mir-Mahmoud.
MISHA- PALÉOLOGUE , connu
aussi sous le nom de Mesih-Pacha ,
célèbre renégat , de la maison im-
périale grecque des Paléologues, s'at-
tacha au conquérant de Goustanti-
nople, et adopta sa religion. L'ava*
rice et l'ambition avaient été les
premières causes de son infidélité à
son Dieu et à sa patrie : la haine
qu'il portait aux Chrétiens, assurait
eu lui à Mahomet II le plus dévoué
des esclaves, et l'ennemi le plus im-
placable de ses ennemis. 11 obtint,
en 1480, le commandement de l'ex-
pédition contre l'île de Rhodes; et
toute l'intrépidité , les talents et
le bonheur de d'Aubusson, suffi-
rent à peine pour la repousser. Le
cruel et perfide renégat attaqua ce
noble adversaire avec toutes les ar-
mes de la force et de la lâcheté :
irrité de ne pouvoir le vaincre, il
essaya de le faire empoisonner ;
toutes ses tentatives furent inutiles,
et il se vit forcé de lever le siège et
de se rembarquer. Mahomet II ,
pour le punir , lui ôta le comman-
dement, la dignité de pacha , et le
relégua à Gallipoli. Mesih-Pacha se
trouva trop heureux de conserve)" sa
vie aux dépens de quelques hon-
neurs et de sa liberté. La mort de
Mahomet releva ses espérances de
fortune. En 148% Bajazct II lui
rendit tous ses emplois, et le nomma
pour traiter de la paix avec les chi -
valiers de Rhodes , qui avaient donne
asile au prince Zizim , et qui
saient de le livrer. Paléologue avait
appris à les craindre: mais n.
toute sa haine, il crut de son 1
de jouer, dans cette importune né-
gociation, le rôle d
144 &ÏS
et il fit conclure à son maître un.
traité honteux. Ce renégat couron-
na sa vie ambitieuse et méprisée , en
perdant, par sa méchanceté, le
brave et vertueux grand-vizir Ach-
met ( y. Âchkïet ) , objetde sa haine
et de sa jalousie. Il l'accusa, auprès
de Bajazet, d'avoir blâmé le traité
conclu avec les chevaliers de Rho-
des, et d'avoir dit que, sous un sultan
faible , l'empire était devenu le tri-
butaire d'une poignée de pirates. Le
lâche et vindicatif Bajazet finit par
abandonner une innocente victime
à Mesih-Pacha et à ceux de son parti :
il permit qu'Achmet fût étranglé a
Andiïnople, sous ies yeux et par les
soins du renégat. C'est à ce crime
odieux , c'est-à-dire , à l'année 1 4<S3 ,
que se termine la vie historique de
Misha -Paléologue , dont la honte,
aux yeux de la postérité, s'accroît
des malheurs mêmes de sa famille.
S— Y.
MISRI -EFFENDI , sectaire mol-
lah de Pruse, et poète turc , natif
de l'Egypte, comme son nom l'in-
dique , ne se rendit pas moins cé-
lèbre par ses opinions religieuses et
hardies , dont l'impunité prouva jus-
qu'où les Musulmans portent la to-
lérance , que par le rôle extraordi-
naire qu'il joua sans but comme
sans châtiment. Ce fut sous le règne
d'Achmet second, vers l'an de l'hé-
gire 1 104 ( 1693 de J. - C. ) , qu'à
l'exemple de Schéitan-Culi et de Sa-
batié Sévi, ce nouveau fanatique leva
l'étendard du prosélytisme, et se fit
.suivre de trois mille volontaires ,
auxquels il donna le pieux nom de
derviches. Il aborda avec cette ar-
mée sainte à Rodosto , l'ancienne
Héraclée , et s'avança , sans oppo-
sition , jusqu'à Andrinople , où le
sullhan taisait alors son séjour. C'é-
tait le moment où !a Porte se pro-
MIS
posait de reprendre les armes con-
tre les Impériaux. Misri, suivi de
son immense cortège , entra dans
la mosquée du sulthan Sélim , à
l'heure de midi. Tout ce qu'il y avait
Fusulmans religieux était dans
le temple. Misri, à la suite de la plus
fervente prière , prêcha publique-
ment, avec autant de hardiesse que
d'enthousiasme : il fit passer son
saint zèle dans tous les esprits , et
finit par déclarer , au nom du ciel ,
que le succès de la guerre dépendait
de la punition des infidèles qui
étaient à la tète du gouvernement ; et
il demanda la mort du grand- vézir,
du eaïmacan , du defterdar, de l'aga
des janissaires et du reis - éffendi.
Le bruit d'un pareil événement frap-
pa de terreur tous les ministres du
sulthan. En vain envoyèrent-ils mes-
sage sur message à l'audacieux mol-
lah , pour l'inviter à venir conférer
avec eux. Aucun d'eux n'osait l'ar-
racher de vive force du milieu du
peuple. Le sulthan apprit ce qui se
passait : dans cette circonstance . il
fut forcé de faire céder la colère à la
prudence ; et Misri fut mandé par
le souverain lui-même au palais im-
périal. Il obéit, mais déclara qu'il
ne serait pas plutôt parti, que Dieu
ferait sentir les elfets de sa puissance,
et témoignerait ainsi que sa mission
était toute divine*. En effet , dès que
les officiers du sulthan curent le mol-
lah en leur pouvoir , ils l'escortèrent
respectueusement , et sans lui faire
aucun mal , jusqu'à un chariot cou-
vert , dans lequel il monta sans ré-
sistance : Misri fut reconduit promp-
tement à Rodosto , où il s'embarqua ;
et il retourna à Pruse. Sans doute ,
le sulthan et toute sa cour se félici-
tèrent d'être débarrassés d'un pareil
hôte : ses prosélytes se dissipèrent ;
- , par un basai r , un
nu
I
MIS
orage épouvantable s'éleva en plein
midi , deux jours après son départ :
les tentes du camp ottoman lurent
renversées ; le plus violent incendie
se manifesta , et les plus riches pa-
villons des commandants de l'année
furent embrasés et consumés. Per-
sonne ne douta que ce malheur ne
fût l'accomplissement de la prophé-
tie de ce nouveau Jonas. Lesulthan ,
par politique, ou par superstition,
envoya , à Pruse, inviter Misri- Ef-
fendi à revenir continuer ses prédi-
cations : mais le mollah déclara que
sa mission était finie ; et il eut la
prudence de ne pas risquer un se-
cond voyage. Misri- EtYendi est mis,
par les savants , au rang des poètes
turcs : la question historique ne porte
pas sur le mérite de ses poésies ,
mais sur leur esprit. On sait que les
Musulmans admettent que J.-G. était
non pas le vrai Dieu , mais un per-
sonnage d'une très-haute sainteté , un
prophète divin , né d'une Vierge.
Misri -EfFendi osa ce qu'aucun doc-
teur hétérodoxe n'avait hasardé dans
l'empire othoman , qu'au péril de
sa vie ( V. Gabiz) : il célébra
l'incarnation , comme on peut le
voir par les vers que le prince Can-
limir cite de lui ( Ilist. Ott. , t. iv,
p. 1 87 ): « Je suis toujours avec Jésus
» et en union avec lui. » — a En
» cet alphabet mystérieux est joint
» l'accord de Jésus et de Misri. »
\ers lurent chantés dans les
mosquées, et dénoncés au inupliti ,
le tumulte qu'ils excitèrent. La
seule sentence que l'oracle dé la loi
prononça , fut que le sens de ces vers
ne pouvait être connu et entendu de
»nne que de Dieu et de Misri.
Sur la foi de cciic décision , les vers
«lu poète-mollah lurent réputés Or-
thodoxes. Seulement , pour rassurer
ne pareille tolé-
I \.
MIS 145
rance effrayait , la sublime Porte
ordonna que les copies des po<
sacrées de Misri-Ellendi port ass<
en tête ces paroles , émanée!
muphti mieux informé : « Quicon-
» que parle ou pense comme Misri ,
» doit être livré aux flammes : mais
» Misri seul doit être épargné, parce
» qu'il ne faut pas condamner ceux
» qui sont possédés de l'enlhou-
» siasme. » Misri-EHèndi , qui peut
passer pour un poète chrétien , zélé
musulman , et ami du patriarche
grec Gallinique, mourut mollah de
Pruse, et fournit à l'histoire un exem-
ple de plus des inconséquences de
l'esprit humain. S — y.
MISSON ( Maximilien), connu
surtout par son Voyage d'Italie ,
était né en France vers le milieu du
dix-septième siècle, de parents protes-
tants. Il fut destiné à la magistrature,
et obtint une charge de conseiller de
la chambre mi-partie, au parlement
de Paris, emploi qu'il perdit à la ré-
vocation de l'élit de Nantes. S'étant
retiré alors en Angleterre, il y montra
un zèle fanatique pour les principes
des réformés. Chargé de surveiller
l'éducation d'un jeune seigneur an-
glais, il l'accompagna dans ses voya-
ges en Hollande , en Allemagne et
en Italie. De retour en Angleterre 7
il mit en ordre les notes qu'il avait
recueillies, et les publia sous le titre
de Nouveau Voyage d'Italie. C'était
le premier ouvrage qui fit connaître
d'une manière un peu satisfaisante
toutes les parties de ce pays si in-
téressant pour les amis des lettres
et des arts. II eut un grand succès.
L'édition de la Haye, i7<>>. , 3 vol.
in-i). , 6g., est la quatrième et la
meilleure. Ou y ajoute les Remarques
sur divers endroits d'Italie , pour
faire suite au \ oyage , etc. par Addi-
son , in-ia ( /'.
i4<5
MIS
11 y a beaucoup d'érudition, mais
mal digérée : l'auteur est d'ailleurs
très -partial. Un bénédictin franc-
comtois, le P. Freschot, dans les
Kern arques historiques et critiques
faites dans un voyage d'Italie, etc.,
Cologne, i^oj , 1 vol. in-8. , a re-
levé avec force les railleries que
Misson s'est permises contre les usa-
ges de L'Église romaine. Misson lui
répondit très-amèrement dans la pré-
face des Voyages de François Lé-
guât , dont il est le véritable éditeur,
et non pas Gabillon , comme l'avait
soupçonné le président Bouhier {V.
Léguât, XXIII, 5ç)o )-, et Freschot
lui répliqua, avec beaucoup de vi-
vacité , dans la Nouvelle relation
de la ville de Venise ( Voy. V Exa-
men critique des dictionnaires par
M. Barbier, tom. jer. , p. 355 ). Mis-
son passa dans la retraite les derniè-
res années de sa vie, et mourut à Lon-
dres, le 16 janvier 1721. On cite
encore de lui : I, Observations faites
par un voyageur en Angleterre ,
la Haye , 1 698, in- 1 2. Il y en a quel-
ques unes de curieuses. II. Le Théâ-
tre sacré des Cévennes , ou Récit des
■prodiges arrivés dans cet te partie du
Languedoc , Londres, 1707 , in-8°.
Celte production, dans laquelle il
pousse la crédulité et le fanatisme
aussi loin qu'on peut le faire, nuisit
h sa réputation d'homme d'esprit et
de jugement. W — s.
MITCHELL (Su* André ), di-
plomate anglais, était fils unique
d'un ministre de la haute-église d'É-
dinbourg. On ignore la date précise
de sa naissance ; mais on sait qu'il
se maria fort jeune, en 1710. La
douleur qu'il éprouva de la perte de
sa femme, morte en couches quatre
années après son mariage , l'obligea
de discontinuer l'étude des lois , et
d'abandonner même tout-à-fait la
MIT
carrière du barreau , à laquelle son
père l'avait destiné. Il essaya de se
distraire en voyageant et en se livrant
aux plaisirs. C'est à ce genre de vie
qu'on attribue ses liaisons avec les
principaux seigneurs et propriétai-
res du nord de l'Angleterre, auprès
desquels il acquit de la considéra-
tion par son caractère et par le ton
piquant de sa conversation. Mitchell
avait fait peu de progrès dans les
sciences ; mais il aimait les savants
et recherchait leur société. Vers
1786, il parait s'être occupé parti-
culièrement de mathématiques sous
la direction du célèbre Maclaurin.
Il commença , bientôt après, sa car-
rière politique , comme secrétaire du
marquis de T weedale, qui , en 1 74 r ,
fut nommé ministre pour les affaires
d'Ecosse. Ce seigneur ayant résigné
sa place de secret aire-d'état lors de
la rébellion de 1745, Mitchell nen
resta pas moins en faveur; et il sié-
gea, en 1747^ à la chambre des com-
munes , où il représenta les bourgs de
BamfF, Elgiu , etc. En 1 ^5 1 , il fut
nommé, par le roi, son résident à
Bruxelles ; et après un séjour de deux
ans , il revint à Londres , fut créé
chevalier du Bain , et envoyé à Ber-
lin , en qualité d'ambassadeur ex-
traordinaire. Ses manières polies , et
ses liaisons intimes avec miloid ma-
réchal (Keith), lui firent obtenir une
assez grande influence sur le roi de
Prusse, pour détacher ce souverain
des intérêts de la France. Cet événe-
ment fut très-funeste à la cour de
Versailles , non-seulement à cause
des énormes subsides qu'elle fut obli-
gée de payer aux cours de Vienne ,
de Pétersbourg et de Stockholm,
mais encore par les revers qu'il lui
occasionna. Mitchell accompagnait le
grand Frédéric dans ses campagnes.
Il se trouvait dans la tente du roi; le
MIT
jour de la bataille de Cnnnersdorff
( 14 août 17.JQ ) , où l'armée prus-
sienne fut mise dans une déroute
complète par Soltikoff; et ce fui
beaucoup de difficulté qu'on le dé-
termina a s'éloigner, lorsque la con-
fusion était à son comble. Un écrivain
de nos jours nous a donné quelques
détails sur la manière dont Mitchell
vivait à Berlin. Lorsqu'il arriva dans
cette capitale, comme il ne jouait à
aucun jeu de hasard , il ei
d'abord ceux qui l'invitaient chez
eux. « Que ferons-nous de cet An-
» glais qui ne joue pas aux cartes ? »
se disaient entre eux ses hôtes. Mais
cet embarras dura peu de temps;
car, partout où se trouvait Mitchell ,
les tables de jeu se dégarnissaient :
chacun cherchait à jouir de sa bril-
lante conversation. Ses bons mots
devinrent à la mode, et circulaient
dans tous les cercles. Thiébaulten a
pvé quelques-uns dans ses Sou-,
venirs de vingt ans de séjour à Ber-
lin. On sait que le roi de Prusse était
très-caustique , et que, dans ses bou-
tades de mauvaise humeur, il exer-
çait son esprit , même aux dépens
de ses allies. Le ministère anglais
exprima à Sir André le désir qu'il
U dans ses dépêches officielles
quelques-unes de ces saillies. Mais
celui-ci, après avoir établi dans sa
réponse la distinction qui existait
entre ce genre de renseignement
qui appartenaient proprement
à son emploi, refusa positivement de
.1 cette espèce de commé-
■ ne fut pas i-c-
nouvi I s l'affaire de Port-
Mahon, le roi de Puisse dit à Mit-
chell, qui e'tail venu le voir : a Vous
» avez fait un mauvais début, M.
» Mitchell; >tre flotte battue,
» et le Porl , 0tre
» première camj procèsque
MIT i47
» vous intentez à votre amiral Byog,
» est un mauvais emplâtre pour la
» maladie : vous ave/, fait une cam-
» pagne pitoyable; cela est certain.»
Sire, répondit l'envoyé anglais,
« nous espérons, avec l'aide de :
» en faire une meilleure l'année
» chaiuc. — Avec l'aide de Dieu
» dites vous, M. Mitchell j m
» ne savais pas que vous eussiez un
» tel allié. — Nous comptons beau-
coup sur Un, répliqua celui-ci ,
» quoiqu'il nous conte beaucoup
» moins que les, autres (1). » Eu
17G.J, Sir André revint à Londres ,
pour rétablir sa santé, qui était con-
sidérablement altérée ; et après avoir
passé quelque temps aux eaux de
Tunbridgé, il retourna, dans le mois
deraai 176Ô, à Berlin, oui! mourut
le 28 janvier 1 7 7 1 . La cour de Prusse
honora ses funérailles de sa présence;
et ou rapporte que le roi lui-même ,
en voyant passer le convoi de des-
sus son balcon
larmes.
, ne put retenir ses
D— z— s.
MITCHELL (Sir André >, ami-
ral anglais , naquit dans un des com-
tés de l'Ecosse méridionale, vers
17.I7 , et fut élevé à Édinbourg. Son
père étant mort pendant qu'il était
encore en bas âge, Sa mère se 1
gea du soin de son éducation. Étant
destine' pour le service de la marine,
il fut placé, comme aspirant , a
du Rippon, alors commandé par l'a-
miral Vernon,avec lequel il arriva
dans l'Inde, en 1 776 ; e! il fournit
l'exemple rare d'un jeune homme
venu dans - imtne aspirant,
et retournant en Europe avec !
isseau. La Fran-
ce s'étant déclarée «m faveur des in-
surge ils américains , l'Inde 1
iub»i(U|
. , UMC
lu..
i£8
MIT
bientôt le théâtre de la guéri e. Nom-
mé lieutenant en 1778, et comman-
dant le Coiwcntjy, de ^8 canons ,
Mitchell eut peu d'occasions de se si-
gnaler avec un si petil bâtiment dans
la mémorable campagne où les An-
glais eurent en tête l'habile et brave
comte de Suffren. Mais , en 1782 ,
envoyé en croisière à la hauteur de
Ccylan , il soutint un combat contre
la Bellone , frégate française de 4°
canons. Peu après celle action , il
obtint le commandement du Sul-
tan, de 74, et fut présent à plu-
sieurs batailles navales. Le 20 juin
1783, un engagement général, le
dernier de cette guerre, eut lieu à la
hauteur de Goudeiour , entre l'ami-
ral Hughes et le comte de Suffren : la
perte des Anglais fut très-considéra-
ble, au rapport même de leurs pro-
pres historiens ; le Sultan , en par-
ticulier, fut très-maîtraité. La paix
ayant été conclue peu de temps après,
Mitchell retourna en Europe avec
un convoi. Ses parts de prises de-
vaient lui assurer une existence indé-
pendante; mais l'agent chez lequel il
avait placé sa fortune , ayant fait de
mauvaises affaires , le capitaine
Mitchell, à son arrivée à Londres, se
trouva aussi peu riche qu'a son dé-
part pour l'Inde. Il resta sans em-
ploi pendant la paix : mais à peine
la guerre eut -elle éclaté entre la
France et l'Angleterre, qu'il reçut le
commandement d'un vaisseau; et on
le voit servir sous lord Howe , à
bord de Y Asie, de 64 , et de 17m-
prenable , àc 90. En 1793, il prit
rang de contre-amiral : en février
1799, il arbora son pavillon comme
vice-amiral , à bord de la Zélande,
de 64 ; et peu après , il passa sur
Ylsis, de 5o canons. A celte époque,
Pichegru venait de pénétrer dans la
Hollande , à la tête des armées fran-
MIT
çaises , et de renverser la maison
d'Orange. Le cabinet anglais ne pou-
vait voir avec indifférence la situa-
tion de ce pays, si long-temps son
allié , dont les forces allaient être
dirigées contre la Grande-Bretagne.
Il résolut d'affranchir la Hollande ,
en rétablissant le stathouder par la
force des armes. On réunit à cet ef-
fet un grand nombre de transports :
un corps considérable de troupes , à
la tête duquel devait être le due
d'York , fut dirigé vers les côtes; et
une escadre de vaisseaux de guerre
fut placée sous le commandement
immédiat de Sir André Milchell (i),
quoique toutes les opérations fus-
sent conduites au nom de lord Dun •
can , alors commandant en chef de
la flotte de la mer du Nord. Dès le
moment où sa nomination lui fut
notifiée, Mitchell visita toutes les
parties de la côte où les transports
avaient été rassemblés, et fit embar-
quer les différentes divisions de l'ar-
mée vers la fin de l'automne de 1 799
avec une incroyable activité. Il re-
joignit ensuite l'amiral Duncan, qui
croisait dans les mers du Nord , et
opéra le débarquement des troupes
au Helder. Peu après, il entretint
une correspondance avec le contre-
amiral Sîorey, commandant en chef
de la flotte hollandaise , pour l'enga-
ger à se réunir aux forces navales de
la Grande-Bretagne, et arborer le
pavillon du prince d'Orange : mais
celui-ci ayant refusé d'écouter ses
propositions, Mitchell, qui avait pra-
tiquédes intelligences avec les marins
hollandais , parvint au même résul-
tat, par l'insurrection de la flotte,
qui se rendit aux forces britanni-
(1) Mitchell (lutte choix Ma liante idée que Henri
Dtsiulas ( depuis, lord Melville), trésorier de la ma-
rine , avait conçue de sou habileté , de sa prudence tt
de sou intrépidité.
MIT
qnes. L'amiral TSÏitclicll la conduisit
en Angleterre , après avoir laisse Ta-
rai rai Dickson pour surveiller rem-
barquement des troupes du duc
d'York , qui venait d'être battu
par l'armée française. A peine arri-
vé en Angleterre, Milcliell fut déco-
ré des insignes de Tordre du Bain.
Eu 1800, il servit dans la flotte du
Canal , sous l'amiral Bridport , et
fut ensuite employé sous Cornwallis,
qui croisait à la hauteur de Brest.
]! fut employé à diverses croisières,
et fut enfin envoyé en 1 8o<2 , comme
commandant en chef, dans l'Améri-
que méridionale, à la station d'Ha-
lifax. Il eut ordre de suivre la flotte
française expédiée à Saint-Domingue;
mais il ne put l'entamer : une insur-
rection assez violente s'étant mani-
festée à bord de quelques vaisseaux
de son escadre , il vint à bout de la
comprimer, en faisant pendre aux
vergues quelques - uns des plus mu-
tins. Il fut remplace en 1818, dans
la station d'Halifax , et mourut en
Angletei re , peu de temps après son
retour dans sa patrie. D — z — s.
M1TELLI (Augustin), peintre,
né à Bologne en 1607, fut élève du
Dentone : il peignait a fresque l'ar-
chitecture et les ornements. Appelé
en Espagne par Philippe IV, il y
exécuta un grand nombre de décora-
tions dans les appartements du roi.
Il mourut à Madrid, en 1660. On a ,
d'après ses dessins, plusieurs orne-
ments, composés avec beaucoup de
goût; «litre autres un recueil dequa-
lniit frises, et vingt-quatre car-
tes et ornements, gravés à l'eau-
François Gurti, et par son
fils Joseph - Marie Mm lli , ne à
Boloene en i<»r, , qui s'est distingué
dans l.i gravure. On a de ec dernier
un grand nombre d'estampes , d'a-
près des maîtres italiens. Il gi
MIT i }9
à Teau-forte avec esprit, et d'un bon
caractère de dessin. Quoique ses tra-
vaux soient un peu maigres, ils sont
disposés avec intelligence. On lui
doit la gravure du tableau connu
sous le nom de la Nuit du Gorrége.
Il a gravé aussi d'après ses propres
dessins. On a encore de lui une suite
de douze estampes, d'après les plus
beaux tableaux qui se trouvent dans
les églises de Bologne , l'histoire d'E-
née ou de la Fondation de Rome ,
en dix-sept pièces , les Cris de Bolo-
gne , d'après les tableaux peints par
Ann. Carrache , dans une des salles
du palais Fava, et quantité de sujets
et d'emblèmes de sa composition.
J. - M. Mitclli mourut en 1718.
P— E.
MITHRIDATE !<% satrape de la
Cappadoce maritime , pays qui fut
ensuite plus connu sous le nom de
Pont , succeVIa à son père Rhodo-
bate , dans son gouvernement. Il
descendait d'un certain Artabaze ,
regardé , par quelques historiens ,
comme un fils de Darius Hystaspes,
roi de Perse , dont il avait obtenu la
satrapie héréditaire du Pont. Mithri-
dale 1er. vivaitdu temps d'Artaxerxès
Miiémon; il se révolta, fut vaincu par
ce prince, et dut à la médiation du
satrape Tissapherne , d'obtenir la
paix. Peu après il voulut se rendre
maître d'Heraclée , ville grecque de
la Bithynic. Gléarque , qui en fut par
la suite tyran , avait promis de la lui
livrer: il y était à peine entré, qu'il
fut arrêté prisonnier ; et il ne re-
couvra si liberté qu'en donnant une
forte rançon. Ce satrape n'était sans
doute pas étranger a la langue 1
sciences des Crées , puisqu'il lit éle-
ver , dans L'enceinte de l'académie
d'Athènes, une statue de Platon, <pu
était consacrée aux muses. Ariobar-
zanc lut , a ce qu'il parait , le si
i5o MIT
seur do Mitliridatc Ier. , dont il était
I lementle fils. — Mithridate
il , (ils d'Ariobarzane , gouvernait
le Pont, à l'époque du passage d'A-
lexandre en Asie; il vint trouver ce
conquérant lorsqu'il était dans la
Carie , après la prise d'Haliearnasse ,
et il le suivit dans son expédition
contre !a Perse. Il conserva, sous le
règne de ce prince , la possession de
sa satrapie: après la mort d'Alexan-
dre, (l!c se trouva comprise dans les
provinces échues à Antigone. Celui-
ci, ayant eu des soupçons sur sa fidé-
lité, voulut le faire périr ; mais pré-
venu à temps par Demétrius , fils
ci' Antigone , Mithridate eut le temps
de s'enfuir dans la Pa pli la go nie , où
ai se rendit maître de la forteresse
de Ciniatum , dans les monts Olgas-
sys. Il y fut bientôt joint par plu-
sieurs de ses amis et de ses sujets ,
de sorte que, seconde' par eux, il fit
une irruption dans la Cappadoce ,
en soumit une partie, et reconquit
les étals qu'il tenait de ses ancêtres.
Antigone n'ayant pu les lui enle-
ver , l'en laissa tranquille possesseur.
C'est à cette époque, dont la date
précise nous est inconnue , qu'il faut
véritablement faire remonter L'ori-
gine du royaume de Pont, qui jus-
qu'alors n'avait été qu'un simple
gouvernement. Ces succès ont fait
donner à Mithridate II, le surnom
de Ctisiès , ou fondateur. Dix-huit
ans environ après sa révolte contre
Antigone , il eut à soutenir une
nouvelle guerre contre ce prince,
pour avoir contracté alliance avec
Cassandre, fils d'Antipater. Moins
heureux celle fois , il tomba entre les
mains d' Antigone, qui le fit mourir
e de quatre-vingt quatre ans.
Son fils, Mithridate III, fut. son suc-
cesseur. — MiTHRiDATi, 1 ! i parvint à
remonter sur le trône de son père,
MIT
et fut assez heureux pour y joindre
diverses parties de la Cappadoce et
de la Paphlagonie ; il secourut aussi
la ville d'Heraclée contre Seleucus
Nicator, roi de Syrie. Comme c'est
sous son règne que fut instituée
l'ère politique , portée dans le Bos-
phore , par Mithridate Eupator , il
est probable qu'elle eut pour com-
mencement l'époque du rétablisse-
ment de Mithridate, qui fut, sans
doute , une suite de ses victoires sur
les Macédoniens. Un tétradrachme,
daté de l'an 29 ( 268 et 267 avant
J.-C. ), nous présente les traits de
ce prince j il existe dans le cabinet
de M. Knobelsdorffà Berlin. Mithri-
date III mourut après un règne de
trente-six ans , à une époque qu'on
ne peut déterminer avec certitude.
Son fils , Ariobarzane II , fut son suc-
cesseur. — Mithridate IV, fils d'A-
riobarzane II, était jeune lorsqu'il
monta sur le trône: les Galates voulu-
rent profiter de cette circonstance
pour lui enlever son royaume; mais les
secours que les Grecs d'Heraclée lui
fournirent, le mirent en état de les
repousser. Voilà tout ce qu'on sa-
vait de Mithridate IV; la version
arménienne de la chronique d'Eu-*
sèbe , récemment découverte , nous
apprend que ce prince fut obligé de
soutenir une guerre contre Seleucus
Caliinicus , roi de Syrie : le prince
sélcucide fut entièrement défait par
Mithridate ; il perdit vingt mille
hommes dans la bataille, et n'osa plus
rien entreprendre contre le roi de
Pont , qui, selon le même historien ,
épousa une fille d'Autiochus le Dieu ,
par conséquent sœur de Caliinicus.
Ce fait est confirmé par Justin , qui
rapporte un des discours que Tro-
gne-Pompée prêtait à Mithridate le
Grand, et dans lequel il faisait dire à
ce prince que la Cappadoce avait été
MIT
donnée en dot à l'un île ses ancêtres ,
parCallinicus: Gentem quant et pro-
avo suo Mithridati Seleucus Çalli-
nicas in dolem dedisset. Ce passage
un peu obscur de Justin , est expli-
qué par l'Eusèbe arménien ; il en
résulte que le roi de Syrie, défait
par Mitliridate , lui donna sa sœur,
et quelques provinces pour en obte-
nir la paix. Le reste de l'histoire de
ce roi de Pont nous est inconnu. —
Son fils Mituridatk V lui succéda.
Nous ne connaissons de ce prince
que sa guerre contre les habitants
de Sinope ; il s'empara de toutes les
autres villes grecques de la Paphla-
gonie ; mais celk-t i , défendue par sa
position avantageuse , lui résista vi-
goureusement avec le secours des
Rhediens. Mitliridate , perdant tout
espoir de la soumettre, (ît un traite
de paix avec les habitants cl avec
les Rhodiens , auxquels il envoya
par la suite de grandes sommes
d'argent pour réparer les dom-
s qu'un tremblement de terre
avait causes dans leur ville- Mitliri-
date V maria sa fille Laodice à Au-
tiochus le Grand, roi de Syrie. Il
eut pour successeur son filsPharnace,
dont le règne commença vers l'an 18 j
avant J.-C. — Mithridati: \ 1 , sur-
né Evergète , fils et successeur
dePharnaceIer. , monta sur le trône
de Pont, vers fan i5^ avant J.-C.
Il se mon' nt allie des
tins: pendant la troisième guerre
punique, il leur envoya nue Hotte et
tuxiliaires ; à la
■que il lit, dans la Cappa-
ision dont nous igno-
résultat La guerre
rès la mon d'At-
"i de Pergame , Mi-
tliridate fut le i les rois
montrer son at-
tachemest aux Romains contre Aris-
MIT i5i
tonicus, fils naturel d'Atlale. Les
défaites que les Romains éprow ;
ne purent le détacher de leur alliance;
il en fut récompensé après
parla cession de la grande Phr
qui lui fut faite par le proconsul
Manius Aquilius , ]:.■ une
somme d'argent. Après un i
long et paisible, Mitliridate Yl fut
assassiné par un de ses favoris , vers
l'an lïo avant J.-C. Il laissa deux
fils , dont l'aîné , nommé aussi Mi-
thriclale , peut être regarde' comme
un des plus grands monarques dont
l'histoire fasse mention. S. M — n.
MITHR1DATE VII, surnommé
Eupator et Dionysus ou Bac,
le plus grand et le plns célèbre
princes qui se sont illustres par leur
naine contre les Romains , naquit
vers l'an i35 avant J.-C, et hé-
rita du royaume de Pont , a l'âge de
douze ou treize ans. 11 est difficile
de déterminer avec précision l'épo-
que de son avènement au trône; tout
ce qu'il y a de certain à cet égard,
c'est que son père Mitliridate Ever-
gètes , régnait encore en l'an i^4
avant J.-C. Evergètes , en mou-
rant, avait laissé l'administration du
royaume et la tutelle de son fils eut re
les mains de sa femme. Les circons-
difficiles dans lesquelles
thridate se trouva pendant les pre-
mières années de son i outri-
buèrent puissamun lopper
en lui cet égoïsme politique qui lit,
dans presque tous les temps ', le fond
re des princes de l'Orient ,
mais qui était tout chez lui. I
rent pour toute autre chose q
soin de sa grandeur el l'augmenl
de son pouvoir , les liens du -
de l'amitié étaient nuls chez, lui, du
moment qu'il avait ! pour
ilement en butfe.auxiiUi
)1
MIT
aux complots, aux conspirations,
que tout ce qui l'environnait était
l'objet de ses soupçons. Se croyant
sans cesse expose au poison , il étu-
dia l'histoire naturelle des plantes ,
pour connaître les plus vénéneuses ,
et pour trouver les moyens de se
mettre à l'abri de leurs atteintes. Il
eu fit sagement usage , et parvint ,
dit-on , à se familiariser avec elles ,
au point qu'il n'eut plus rien à en re-
douter. Un ouvrage compose' par le
roi de Pont , et qui fut traduit , en
latin , par l'ordre de Pompée , était
la preuve, sinon des succès, au moins
des recherches et du savoir de ce
monarque dans cette branche des
connaissances naturelles. Toutes ces
précautions sont pour nous l'indice
certain des orages qui agitaient la
cour de Mithridate pendant les pre-
mières années de son règne. L'a-
mour du pouvoir devança en lui
le progrès des ans : quoique bien
jeune lorsqu'il perdit son père , il
paraît que dès-lors il voulut régner
par lui-même. Sa mère gouvernait ;
sa mère fut donc sa première victi-
me: Il n'eut plus à redouter que les
complots des officiers de sa cour ;
effrayés d'avoir un maître qui , si
jeune, se montrait déjà si terrible,
ils tentèrent plusieurs fois de le faire
périr : tous leurs projets furent dé-
joués. Pendant quatre ans Mithridate
fut toujours hors de son palais , oc-
cupé de chasse et d'exercices vio-
lents. Il y acquit une vigueur et une
force de cor|)s extraordinaires , qui
le rendirent capable de supporter les
plus grandes fatigues. Bientôt , cu-
rieux de connaître, par lui-même, la
situation et les forces des royaumes
qui environnaient ses états , il laisse
le gouvernement entre les mains de
Laodice , qui était sa femme et sa
sœur ; puis, suivi de quel «pies amis ,
MIT
i! parcourt inconnu les pays étran-
gers, afin de pouvoir un jour les sou-
mettre plus facilement. Sou absence
fut si longue , et ses courses si mys-
térieuses , qu'on le crut mort. Lao-
dice , qui avait eu la faiblesse de cé-
der à l'amour d'un des principaux
du roy
aume , eut l'imprudence d'a-
jouter foi à ce bruit. Mais Mithri-
date reparaît au moment où on l'at-
tendait le moins; et bientôt la mort
de Laodice est suivie du supplice de
tous ceux qui avaient pris part à son
crime. Le roi de Pont ne tarda pas de
mettre à exécution ses projets ambi-
tieux • ce fut contre les Scythes, qui
habitaient au nord du Pont-Euxin ,
qu'il tourna ses armes. Ces barbares
menaçaient d'envahir le royaume
grec du Bosphore - Cimmcrien , et
de se rendre maîtres des cites mile-
siennes, situées dans le voisinage. Mi-
thridate offre ses secours à Périsa-
dès , qui régnait alors dans le Bos-
phore ; et ses armées passent sur les
rives septentrionales du Pont-Euxin.
La ville ùc Chersonesus, pressée par
les Scythes , fait le sacrifice de sa li-
berté; elle reconnaît le roi de Pont
pour souverain , et ouvre ses portes
à son armée. Scilurus , et son fils
Palacus, roi des Scythes, sont vain-
cus par Mithridate , et repoussés jus-
qu'aux rives du Borysthènes : les
exploits de son allié ne rassurèrent
pas le roi du Bosphore , sur les
craintes que les Scythes lui inspi-
raient; soit manque de forces , soit
défaut de courage, il céda volon-
tairement ses états au roi de Pont.
Cette acquisition importante aug-
menta considérablement les forces
de Mithridate. Le royaume du Bos-
phore , rempli de villes florissantes ,
possédaitde grandes richesses, fruits
du commerce perpétuel que les villes
milésiennes faisaient avec les Grec*
MIT •
et les régions scythiques. b.a posses-
sion seule du Bosphore procura de
grands trésors à Mithridate ; mais ,
de plus , elle lui donna les moyens
d'attirer, à son service, de nom-
breuses troupes de ces Scythes qu'il
avait vaincus, et que ses largesses et
l'appât des richesses qu'ils pouvaient
acquérir en Asie , décidèrent facile-
ment à marcher sous ses
Tous ces événements durent arriver
vers l'an 1 18 avant J.-G. Mithri-
date n'avait encore-que dix-huit ans.
Bientôt, deconcert avecJNicomèdc 1 1,
roi de Bithynie , il entra dans la Pa-
phlaganie , qui venait d'être i
re'e libre par le sénat romain. 11 s'en
rend maître , et la partage avec son
allié. Mithridate, qui , ta son avène-
ment au trône , avait été dépouillé
de la grande Phrygieque l<
avaient donnée à son père , n'était
pas fâché de trouver une occasion
de se dédommager : aussi ne daigna*
t - il pas répondre au message qi
sénat lui fit pour qu'il renonçât à sa
conquête; en congédiant l'envoyé, il
donna ordre à ses troupes d'occuper
la Galatie. La Cappadoce attira bien-
tôt son attention; son allié Nicomède
prétendait avoir des droits sur ce
et YOulait les faire valoir en
ant A riai a! lu- Vil , qui en était
souverain. Ce projet n'entrait pas dans
Des de JVlilhridate, qui convoi-
tait aussi ce royaume , et qui , d'ail-
leurs , ne se souciait point d'avoir
usin aussi puissant que l'aurait
LCOmède , en joignant la Cappa-
doce a la Bithynie. Ariarathe, d 'ail-
leurs . était beau-frère de Mithridate :
celui-ci feignit doue de prendre son
parti , et entra dans la Cappadoce
pour en repousser Nicomède ; mais
bientôt Ai ! .iik1 par
un seigneur nommé Gordiui, secrè-
tement dévoué au roi de l'ont.
rathe laissait d(
fit aussitôt proclamer roi l'aîné
il chassa de la Cappadoce les tn i
bithyniennes. Pendant la minoriti
ce prince , sa mère Laodice fut char-
gée du gouvernement: connais
mieux que personne le caractère et
les véritables intentions de son frère ,
elle chercha les moyens de défendre
son fils contre l'ambition du roi de
Pont , et ne crut pas en trouver un
plus efficace , que de donner sa main
au roi de Bithynie , qui naguère vou-
lait s'emparer de la Cappadoce; elle
comptait plus sur la générosité de
cet ennemi , que sur la justice et
l'affection de son frère. Sous pré-
texte de protéger son neveu contre
l'ambition de INicomi de , Mithridate
rentre en Cappadoce , et y fait recon-
naître Ariarathe VIII , comme seul
légitime roi. Cette générosité ne fut
pas long-temps sans se démentir:
quand Ariarathe eut été rétabli sur
sou trône, il demanda le rappel de
Gordius ; le prince cappadocien ,
surpris que son oncle s'intéressât à
l'assassin de son père , conçut des
soupçons contre lui , et refusa d'ac-
quiescer à ses désirs: ce refus amena
une rupture entre les deux rois. Mi-
thridate se met aussitôt à la tête de
plus de quatre-vingt mille hommes ,
croyant surprendre la Cappadoce
sans défense: il sel rompait; Aria rat ho
était en mesure de le repousser, et
il parut sur les frontières de seseftats
avec des forces non moins considé-
rables. Le roi de Pont, voyant que le
succès était douteux , eut recours à
la ruse , et lit demander une entre! ue
pour régler à l'amiable leurs dif-
férends. Ariarathe eut la fa
de consentir à cette demande :
victime de SOH imprudence. M
date h- poignarda en pi •
deux ai mées l l'an 107 ai
iu
MÎT
L'armée cappadocicnne , frappée de
terreur par un tel crime , se dis-
persa sans combattre ; et l'usurpa-
teur se rendit maître du royaume
sans coup férir. Mithridate fut à
e en possession de la Câppa-
docc , qu'il se hâta d'y faire déclarer
roi un de ses fils âge de huit ans. Pour
plaire à la nation, il donna à ce jeune
prince le nom d'Ariaratiie, cher aux
Cappadociens ; et il confia sa tu-
telle, ainsi que le gouvernement du
royaume, à son infâme créature, Gor-
dius, assassin d'Ariaralhe VIL Mi-
thridate ne jouit: pas long- temps du
fruit de son crime; le gouvernement
de Gordius et de ses délègues fut
trouve' si dur par les Cappadociens,
qu'une révolte éclata bientôt dans
toutes les provinces , et que les trou-
pes de Mithridate furent chassées du
royaume en moins de temps qu'il ne
leur en avait fallu pour en faire la
conquête. A peine délivrés du joug
de l'usurpateur , les Cappadociens
envoyèrent chercher le frère de leur
infortuné roi, qui, jeune encore,
était élevé dans l'Asie proconsulaire,
à l'abri des atteintes du persécuteur
de sa famille. Il céda au vœu de ses
compatriotes , et vint occuper un
trône souillé du sang de son père et
de son frère ; il n'y fut pas plus heu-
reux : les Cappadociens avaient bien
pu lui rendre sa couronne, mais ils ne
purent la lui conserver. Mithridate,
irrité de l'affront qu'il venait d'éprou-
ver, rassemble une nouvelle armée ,
rentre dans la Gappadoce , et en
chasse Ariaralhe IX , qui , errant et
fugitif, mourut de misère, sans avoir
pu obtenir un asile dans ses propres
états ; tant était grande la terreur
qu'inspirait le nom de Mithridate.
Le fds du conquérant fut donc re-
placé sur le trône. Nicomède, mari
tte Laodice 7 mère des deux derniers
MIT
Ariarathes , et. sœur de Mithridate,
n'ayant pu empêcher , avec ses seules
forces , les conquêtes du roi de Pont ,
et prévoyant toutes les conséquences
fâcheuses qu'elles pouvaient avoir
pour la sûreté de ses états , imagina,
pour chasser Mithridate de la Cap-
padoce, de produire un jeune hom-
me , qu'il fit passer pour un troisiè-
me fils d'Ariaratiie VIL La reine
Laodice, sa femme, donna les mains
à cette supercherie : pour la rendre
plus efficace , il résolut d'intéres-
ser les Romains dans celle affaire ,
sentant bien que sa ruse seule ne
prévaudrait pas contre les armes de
son redoutable voisin. Laodice se
transporta donc à Rome, avec son
prétendu fils , pour implorer en
sa faveur la protection du sénat.
Les sénateurs ne crurent pas pou-
voir refuser de replacer sur Je tro-
nc de ses pères , le dernier rejeton
d'une famille toujours dévouée aux
intérêts delà république. Avant que
le sénat eût songé à mettre sa pro-
messe en exécution , Mithridate ,
qui avait été informé de toutes ses
manœuvres , envoya son dévoué „
Gordius, avec ordre de déclarer que
le jeune enfant que son maître avait
proclamé roi était le véritable fils
d'Ariaratiie VIL Cette déclaration
rendit les deux partis également
suspects aux Romains. On ordonna
une enquête, qui fit connaître tous les
détails de cette traîne scandaleuse,
presque aussi honteuse pour les uns
que pour les autres ; et le sénat ren-
dit un décret également contraire
aux deux parties. Le roi de Pont
eut ordre d'abandonner la Cappa-
doce, et Nicomède d'évacuer la por-
tion de la Paphlagonie, qu'il avait
usurpée. Mithridate ne se sentant pas
en état de résister à un décret du sé-
nat, qui pouvait lui attirer une guerre
MIT
dont toutes les chances étaient contre
lui, s'il tentait de résister, prit le
parti d'obtempérer. Ses troupes sor-
tit eut donc de la Cappadoee ; et il
ajourna ses projets sur ce pays , jus-
qu'à des circonstances plus favora-
bles. L'ordre du sénat Romain, qui
chassait Mithridatede la Cappadoee,
déclarait les Cappadociçns libres.
Cette dernière disposition ne plut pas
à ce peuple , qui se hâta d'envoyer
une ambassade pour remontrer au
sénat, qu'accoutume à vivre depuis
long - temps sous le gouvernement
monarchique, il lui était impossible
de se passer d'un roi. Cette réclama-
tion parut un peu singulière aux sé-
nateurs romains, qui cependant per-
mirent aux Cappadociens de pren-
dre parmi eux un so e leur
choix. Ceci ai n a 99 avant
J.-C. Les agents et l< ms du
roi de Pont intriguèrent pour faire
élire Gordius: le parti romain fut le
plus fort ; le cappadocien Ariobar-
zane , fut déclare roi , et bientôt
.me par le sénat. Comme Mi-
thridate avait envoyé quelques trou-
pes pour appuyer Gordius, Sylla,
qui était alors en Asie , avec une
mission du ni romain ,
vsa de la Cappa its du
Pont , ainsi que les partisans de
Gordius, et fit reconnaître Ai
bandonner encore une fois la Cap-
Mithridate ne renonç
rentrer un
jour, et d'vn rester le maître. Le
nt romain
montrait ; r un princ
ticuli
itenir
toul le poi 1 ntre la
république. ! . p iné-
MIT
i55
gale ; le Pont n'était pas le plus ;
sant des royaumes de l'A; ie-Mineure:
le géni son souverain pou-
vait lui faire tenir une pla< e hoi
Lie dans le système politique
pays; la possession du Bosphore,
qu'il fallait défendre contre les incur-
sions des Scythes, n'ajoutait pas à sa
puissance militaire. Cependant ce
prince avait une trop grande envie
de combattre les Romains , et de leur
arracher la Cappadoee, pour ne pas
le tenter malgré l'infériorité de ses
forces. Afin de se procurer ce qui lui
manquait, Mithridate tourna ses re-
garda vers l'Orient , et parvint à en-
gager dans sa querelle le roi d'Ar-
ménie , son beau-père. Ce prince,
qui prenait le titre de roi des
lors le monarque de tout l'O-
rient. Quelques explications n;'
pas inutiles ici , pour mettre dans
leur véritable jour les motifs qui
dirigèrent Mithridate pendant !.
te de sa vie. Les rois de Perse, suc-
cesseurs de Cyius , se regardaient
comme les seuls légitimes monar-
ques de l'Asie. Ils la possédaient
au même titre que les anciens rois
mèdes et assyriens. Tous les autres
rois , princes ou dynastes , étaient
ou devaie : 5 f< udal
Les titres de grand roi, de roi des
de maîtres du Monde, distin-
guaient ce suprême monarque; él ,
le celui d'empereur dans l'an-
cienne diplomatie européenne , il
n'appartenait qu'au prince qui , de
droit ou de l'ail . était le suzerain de
. S'il était fort, l'Asie obéissait
à ses lois; quand il était faible, les
princes inférieurs cherchaient
: e indépendants, et ils étaient
5 des rebelles, j qu'un
d'entre eux fût assez beureux pour
autres , détruit
race du <brand roi, et succéder aiu*j,
MIT
•« ses droits. La chute de Darius mit
le sceptre de l'Asie entre les mains
d'Alexandre; il passa ensuite aux Sé-
leucides. Les Arsacides se révoltèrent
contre eux; et quand ils furent assez
puissants , ils prirent hautement un
titre qui ne leur fut plus conteste
dès que l'accroissement de leur domi-
nation les eut mis en état de ne plus
rien redouter des Séleucides. Le chef
de la branche aînée des Arsacides ,
qui régnait sur la Perse , portait les
titres de grand roi , et de roi des rois ;
il était le suzerain de l'Asie, par le
droit ou par le fait. Une branche
arsacide s'était établie en Arménie ;
un de ses princes acquit assez de
puissance pour oser prendre le titre
suprême. La victoire couronna son
audace; et le prince des Arsacides
de Perse, fut oblige de reconnaître
sa suprématie. Le premier Arsacide
d'Arménie , qui fut roi des rois , est
appelé Ardasehès par Moise de Kho-
reu ; et il vivait dans le temps
que Mithridate régnait sur le Pont.
En rapprochant les faits rappoités
par les auteurs arméniens , de ceux
qu'on trouve dans les anciens , on
acquiert la certitude que cet Ar-
daschès est le même qu'un premier
ïigrane, père du célèbre Tigrane,
lequel fut aussi roi des rois. Si, com-
me on n'en peut douter, un prince
aussi puissant que le roi de fer se ,
reconnaissait la suzeraineté' de celui
d'Arménie, il devait en être de mê-
me à plus forte raison du roi de Pont,
dont les états héréditaires étaient si
peu de chose en comparaison de
l'Arménie. Cette remarque explique-
ra d'une manière claire et naturelle
un grand nombre de circonstances
de la vie de Mithridate, fort diffici-
les à comprendre sans cela : nous ne
manquerons pas de les signaler.
Avant les Arsacides, les rois Grecs
MIT
delà race des Séleucides avaient été
les souverains de l'Asie ; et, à ce
titre , tous les princes de l'Asie-Mi-
neure leur étaient subordonnés, le
roi de Pont comme les autres. Lors-
qu'Antiochus-le-Grand eut été vain-
cu par les Romains, et contraint
d'abandonner toutes les régions en
deçà du Taurus , la situation politi-
que de ces princes changea; l allian-
ce de la république les affranchit de
toute dépendance à l'égard des Sé-
leucides ou des princes qui leur suc-
cédèrent dans l'empire de l'Asie. Les
rois de Pont, souvent alliés des Ro-
mains, étaient donc réellement in-
dépendants du grand roi. Telle était
la situation politique de Mithridate,
lorsqu'il cherchait à s'emparer de
la Ctppadoee, employant tour-à-
tour les armes ou les intrigues , pour
en obtenir la possession. Il s'adressa
donc à Tigrane Ier. , roi d'Arménie,
et contracta une alliance avec lui.
Gordius fut chargé de cette négocia-
tion , qui fut aisément conclue ; les
armées de Tigrane entrèrent aussitôt
dans la Gappadoce , qui fut conquise
sans combat; Ariobarzane abandonna
son royaume , cl s'enfuit à Rome. Ce-
ci dut arriver vers Tan 97 av. J.-G.
Tigrane , maître de la Cappadoce ,
la donna aussitôt au fils de Mithri-
date. Nous pensons que c'est après
cette conquête que le roi de Pont
réunit à ses états les pays situés à
l'Orient de Trcbizonde, qui apparte-
naient à un prince appelé Antipater,
filsdeSisis, lequel les lui céda volon-
tairernenuDans le même temps, il
porta ses armes dans la Colchide y
soumit toutes les régions arrosées par
le Phase , et pénétra au - delà du
Mont-Caucase, où il subjugua un
grand nombre de nations scythiques.
Ces expéditions augmentèrent consi •
dérablement ses forces ; de sorte
MIT
MIT
'7
«SI
q.i i! put se flatter d'être en éfat
de lutter désormais avec avantag
contre les Romains. Non content
néanmoins de cet ac< eflt de
puissance , il renouvela et iî resser-
ra son alliance avec le roi d'Armé-
nie : les conditions en étaient , que
th ridât e posséderait tous les pays et
toutes les vil' es conquises, tandis
que les prisonniers et le butin appar-
ti< odraient à Tigrane. Les auteurs ar-
méniens confirment la vérité de ce
récit , en nous disant que diverses
statues de Scyllis et de Dipène de
Crète, célèbres statuaires grecs fu-
rent déposées dans les citadelles <Y Ai i
et d'Armavir , où, plusieurs siècles
après, elles attestaient encore la part
glorieuse que les Arméniens avaient
prise aux conquêtes de Mithridate.
Ce prince put désormais étendre au
loin ses vues ambitieuses. Quelques
années avant cette époque , était
le roi de Bithynie, Nicomède-Épi-
pbanes; son fils, du même nom, sur-
nommé Philopator, 1 ;i avait succé-
dé, et il était, comme lui, allié des
Romains. Le roi de Pont résolut de
l'attaquer : ses années entrèrent pres-
qu' aussitôt dans son royaume, et pla-
cèrent sur le trône son frère Socra-
tes, tandis qu'il allait, comme Ario-
barzane, à Rome, pour y implorer
l'assistance du sénat; ceci dut arri-
ver en l'an (>> avant J.-C. A la con-
quête de la Bithynie, Mithridate joi-
bientôt celle de la Phr) gie, et fut,
pour quelques instants, le maître de
f dsie-Mineure. Les Romains cepen-
dant résolurent de rétablir Nicomède
i : ariobarzane dans leurs états. Mal-
I ilius furent char-
lithridate les
Longi-
bus, qui , Pergame
avec un petit corpa de troupes, eut
ordre de se joiudre à eux, i
réunir à son armée des troupes
tes et phrygiennes. Le roi de Pont
ne fit aucune résistance; il se con-
tenta de dévaster la Cappadoce et la
Phrygie,et il rentra dans ses <
Nicomède et Ariobarzane furent donc
presque sans aucune peine rétablis
sur leur trône. Ceci arriva en l'an
91). La résolution que prit alors
Mithridate , est tout-à-fait inexpli-
cable de la manière dont la chose est
ntée dans les historiens ordi-
nales : on en jugera différemment
après ce que nous allons dire. La
chronologie arménienne nous ap-
prend que le roi d'Arménie, Tigra-
ne 1er. , mourut en l'an Qi ; que
des dissensions s'etant élevées dans
sou armée , cantonnée dans l'Asie-
Mineure , il fut assassiné par un de
ses généraux. La retraite des trou-
pes arméniennes fut sans doute la
conséquence de la mort de leur roi ,
dont le successeur , qui est le cé-
lèbre Tigrane, encore mal affermi
sur son trône, ne put alors fournir
aucun secours au roi de Pont. On
conçoit par-là pourquoi ce dernier
abandonna si facilement la Cappa-
doce et la Bithynie aux Romains.
Ces faciles succès donnent de l'auda-
ce4 aux généraux romains ; ils exhor-
t< nt Ariobarzane et Nicomède à at-
taquer le roi de Pont, leur promet-
tant de les soutenir; Ariobarzane,
qui connaissait à quel ennemi il au-
rait à faire , résista aux instigations
de Cassius, et se garda bien de donner
aucun sujet de plainte à Mithridate.
Nicomède fut moins prudent : ce-
pendant il hésita long-temps; mais
à la fin, décidé par les largesses el
les secours des gouverneur!
mains, il fit une irruption dans
la partie de la Paphlagonie qui ap-
partenait à Mithridate; et il porta*
ges jusque
i58 MIT
d'Amastris. Le roi de Pont aurait
bien pi repousser un si faible ennemi;
mais n'étant pas alors en mesure de
se eo in mettre arec la république, et
voulant que tous Jes torts fussent du
côte de son adversaire, il défendit
à ses généraux! de repousser celte
agression. Pelopidas fut chargé d'al-
ler se plaindre de sa part auprès
des commandants romains, disant
que, non content de lui enlever la
Cappadocc , sur laquelle il avait
des droits qu'il tenait de ses ancê-
tres , et de lui ravir la Phrygie ,
qui était le prix des services que son
père avait rendus à la république en
combattant Aristonicus, on permet-
tait encore à Nicomède , de venir
ravager ses étals héréditaires, et de
couvrir l'Euxin de ses pirates. Il de-
mandait ou qu'on lui fît justice du
roi de Bithynie , ou qu'on lui fournît
des troupes pour qu'il le punît lui-
même. Les ambassadeurs de Nico-
mède répliquèrent que Mitliridale
était le premier agresseur; bien plus,
qu'il s'était déclaré l'ennemi de la
république, eu attaquant un roi ami
et allié des Romains, et qui avait
été placé sur le trône par la faveur
du sénat : « Ce n'est pas assez, dirent-
» ils , que, méprisant vos décrets qui
» interdisent aux fois de l'Asie, l'en-
» trée de l'Europe, il ait réuni à ses
» éiats, la plus grande partie de la
» Cbersonnèse Taurique; ses émis-
» saires vont lever des troupes chez
» les Scythes , et jusques chez les
» Thraces; il contracte une alliance
» avec le roi d'Arménie; il excite à
» la guerre ceux d'Egypte et de Sy~
» rie. 11 couvre la mer de ses vais-
» seaux: trois cents sont déjà dans
» ses ports; il en fait construire une
» multitude d'autres; des pilotes,
» des matelots lui arrivent de l'É-
» gypte et de la Pliéuicie. C'est cou-
M1T
» Ire vous, Romains, qu'il dirige ses
» immenses préparatifs ; halez-vous-
. » donc de le prévenir, et d'écraser
» un adversaire qui n'est pas moins
» votre ennemi que le nôtre. » Péio-
pidas, sans même daigner répondre
à ces allégations, répondit que le roi
soumettait volontiers au jugement du
sénat, ses anciennes querelles avec Ni-
comède; mais qu'à l'égard des griefs
actuels, il avait trop bonne opinion
de la justice des Romains, pour ne
pas croire qu'ils le vengeraient de
son ennemi, soit en le châtiant eux-
mêmes, soit en lui fournissant des
secours pour l'aider à le punir, ou
qu'aumoinsils garderaient uneexacte
neutralité, etuel'empêcheraient point
de se faire justice. La politique ro-
maine fut dupe cette fois de l'adresse
du roi de Pont: certes, ce n'était pas
l'envie qui manquait aux gouverneurs
romains , pour attaquer Milhridale;
mais la conduite de ce rusé mo-
narque avait été tellement circons-
pecte, qu'ils n'osèrent se déclarer
ouvertement contre lui : ils se conten-
tèrent d'ordonner aux deux rois de
s'abstenir de tout acte d'hostilité. C'é-
tait-la tout ce que voulait Milhridate.
Il prévoyait bien que les Romains ne
seraient pas long-temps dupes de .ca
feinte modération ; il connaissait
d'ailleurs leurs véritables intentions :
il savait que , comme lui , ils n'atten-
daient qu'un instant favorable pour
commencer les hostilités; et il voyait
que le moment était venu , où il
fallait, pour mettre à exécution ses
projets d'agrandissement, se décider
à soutenir une guerre sérieuse avec la
république. Gomme l'alliance du roi
d'Arménie, à peine établi sur le trône,
et occupé d'une guerre contre les
Parthes, ne pouvait pas lui être d'une
grande utilité , quoiqu'il en eût ré-
cemment resserre les nœuds en don-
MIT
nant a Tigrane sa fille Gléopatre ,
il se trouvait alors réduit presqu'à
ses seules forces; il appelle donc la
ruse à son secours : pendant qu'il
amusait les Romains, il s'assure se-
crètement des Gaulois de l'Asie; ses
émissaires p ireourent la Scythie, et
bientôt des troupes innombrables de
Gimmëriens, de Sa r ma tes , de }3as-
tarnes , et une multitude d'autres
barbares, passent la mer ou fran-
chissent les défiles Caucasiens pour
combattre sous ses ordres. Plus de
3oo,ooo hommes sont réunis sous
ses drapeaux ; il a 4oo vaisseaux
prêts à le seconder : il ne s'agit
donc plus de dissimuler ; ses for-
ces immenses lui promettent des
victoires certaines , qui doivent lui
fournir de nouvelles forces, gage as-
suré de nouveaux succès. 11 jette
enfin le masque : sou fils Ariarathe
entre aussitôt en Ga] et en
chasse Âriobarzane, qui se lia te de
fuir; et Pélopidas va encore* une
fois signifier aux gouverneurs ro-
mains, les plaintes de son m
mais cette fois d'un ton si menaçant
que ce fut plutôt une déclaration de
guerre qu'une ambassade. « Mithri-
» date, disait-il, a souffert patiem-
» ment qu'on lui ravît la Phrygie et
» la Gapppadoce; il s'est plaint de
omède; vous avez me'pri
» plaintes : c'est en vain qu'il a invo-
» que l'alliance et l'amitié que nous
!Z jurée avec lui. Aux forces
» qu'il a tirées de ses états hérédilai-
, il a joint cell
qu'il a re'ui
:i habitent
» la Golchide, 1 luPont, les
irent , ont
» j'>i"t lein s ; les
» Scyl
' i us les
MIT 1 5^
» Danube , du Tana'is et des marais
» Mœotis , sont prêts à combattre
» pour lui. Tigrane d'Arme'ni
» son gendre : le roi des Parthes est
» son ami et son allié. Tous les jours
» on voit augmenter la quantité de
» ses vaisseaux, qui est déjà innom-
» brable. On vous a dit que les rois
ypteet de Syrie se réunissaient
» à bu; n'en doutez pas : s'il entre
» ci! campa- tic, i! scia secondé par
» bien d'autres puissances ; l'Asie, la
» Grèce, l'Afrique, victimes de vo-
» tre insatiable cupidité, brûlent de
» secouer le joug. L'Italie même,
» qui soutient contre vous en ce mo-
» ment une guerre implacable, lui
» fournira de nouveaux auxiliaires.
» Pesez toutes ces considérations.
» Pour l'amour de Nicomède et d'A-
» riobarzane , n'armez pas contre
» vous vos alliés naturels; revenez
» à de meilleurs conseils; empêchez
» Nicomède d'offenser vos amis, et
» je vous promets , au nom du roi
» Mitliridate, des secours pour sou-
» mettre l'Italie révoltée: sinon c'est-
» à Rome que nous irons terminer
» nos différends. » Ces insolentes
protestations d'amitié durent faire
reconnaître aux gouverneurs ro-
mains, la faute énorme qu'ils avaient
commise, en laissant au roi de Pont
ips de devenir aussi formidable.
position était d'autant plus cri-
tique , (pie la guerre sociale, dont l'I-
talie était embrasée , ne permettait
pas au sénat d'envoyer de grandes
forces dans l'Asie. La fierté romaine
démentit cependant pas dans
dia Pélopidas, en lui ordonnant de
fier à Mithridafe la défense
d'attaquer Nicomède, et l'or I
tuerlaGappa
Ainsi la guerre fut et l'on
se disposa de ; à la
i6o
MIT
soutenir avec vigueur. Toutes les
troupes dispersées dans l'Asie Ro-
maine, et dans les royaumes allies,
furent réunies. Le proconsul Gassius,
qui avait le priori pal commandement,
divisa ses forces < n trois corps : lui-
même se posta sur les frontières de
]a Galatîe et de la Jïïthynic ; Ma-
rins fut chargé de défendre contre
Mithridate l'entrée de la liithynie,
tandis que Q. Oppius devait s'avan-
cer par les montagnes de la Cap-
padoce. Une flotte était à Byzam-.e,
prête à agir; et Nicomède s'était réuni
à l'armée romaine , avec 5o,ouo
hommes d'infanterie, et 6,000 che-
vaux. Il y avait long-temps que Mi-
thridate était réellement en guerre
avec la république; mais c'est vrai-
ment de cette époque (l'an 88 av. J.
Ci ) , que datent ses premières hosti-
lités contre les Romains. Le premier
coup fut porté par Nicomède : brû-
lant de venger ses injures particuliè-
res, il s'avança vers le fleuve Amnius,
et il attaqua Neoptolème et Arche-
laiis, qui étaient postés sur ce point.
La victoire fut long-temps disputée ;
mais à la fin elle resta aux soldats du
Pont , qui firent un grand carnage
des Bithyniens; et Nicomède se retira
auprès de Gassius avec les débris
de son armée. Un butin immense,
le camp entier de Nicomède, et une
multitude de prisonniers, restèrent
entre les mains de Mithridate, qui
traita ses captifs avec douceur, et les
renvoya chez eux, comblés de pré-
sents. Partout il traita ses prison-
niers asiatiques, avec la même bonté;
ce qui contribua, autant que la terreur
de ses armes , à accélérer le rapide
cours de ses conquêtes. Après cette
victoire, Neoptolème et Némanès, à
la tête d'un corps de troupes armé-
niennes , se portent par les défilés
des monts Scoboras qui séparent la
MIT
Paphlagonie de la Dithynie, pour
attaquer Aquilius. Celui-ci avait plus
de 4o,ooo hommes sous ses ordres;
ils furent complètement défaits :
dix mille restèrent sur le champ de
bataille; le reste fus pris ou dispersé.
Aquilius , échappé seul avec un pe-
tit corps de cavalerie, tra versa le San-
gariusâ la nage, et chercha un asile
à Pergame. Les Romains furent vain-
cus de même sur tous les points ;
Gassius se retira sans combattre , à
Apamée, puis à Rhodes ; Nicomède
s'enfuit à Pergame , et Manius à Mi-
ty'iène. Oppius ne fut pas plus heu-
reux du côté de la Cappadoce; il
fut repoussé dans la Pamphylie, et
la flotte romaine , chargée de dé-
fendre l'entrée de l'Euxin , fut com-
plètement détruite , tandis que les
vaisseaux de Nicomède étaient li-
vrés à Mithridate. Ces succès sou-
mirent au vainqueur toute l' Asie-
Mineure. Les Lycieris , les Magnètes,
et quelques Paphlagoniens , lui résis-
tèrent; mais bientôt ils furent subju-
gués par ses généraux. La domination
romaine était tellement en horreur
chez les peuples de l'Asie, que d'eux-
mêmes ils volaient tous au-devant
du joug de ce prince. Les villes grec-
ques surtout se distinguèrent par leur
empressement pour cette coalition :
elles se soulevèrent spontanément con-
tre les Romains , et elles livrèrent à
Mithridate tous ceux qui tombèrent
entre leurs mains , et parmi lesquels
étaient les généraux Q. Oppius et
Manius-Aquilius. Mithridate les fit
mettre à mort , après les avoir pro-
menés par dérision dans les prin-
cipales villes de l'Asie. Partout le
roi de Pont fut reçu comme un li-
bérateur et un sauveur. Dans l'excès
de leur joie, les nations de l'Asie qui
abhorraient les Romains, se crurent
pour jamais affranchies de leur joue :
MIT
elles pensèrent que les exploits de
Mithridatc allaient élever un nouvel
empire. Les bienfaits qui suivaient
chacune des victoires de ce prince ,
achevèrent de lui gagner tous les
cœurs. Partout on lui prodiguait
les noms de nouveau Bacchus , de
père, de sauveur, de monarque de
l'Asie; et partout on lui o (Trait des
secours et de l'argent pour achever
d'affranchir l'Asie. Quand on apprit
à Home les rapides conquêtes du roi
de Pont, le sénat fut comme frappé
de terreur : les peuples de l'Italie
étaient tous armés contre la répu-
blique: etil lui était bien difficile d'en-
voyer des troupes en Asie , quand elle
en avait à peine assez pour se défendre
dans ses murs. On blâma l'impru-
dence de Cassius et des autres offi-
ciers qui, par leurs agressions et sans
ordre du sénat , avaient mis l'état
dans u ne si fâcheuse position. On n'en
décréta pas moins la guerre contre
le roi , il fut déclaré ennemi du peu-
ple romain. etSylla, alors consul, fut
désigné pour aller le combattre. On
lit pas d'argent ; on vendit tous
les objets précieuxautrcfoisconsacrés
aux dieux par Numa, et l'on fit des
préparatifs de guerre. Les troubles
qui déchiraient l'Ital ie , empêchèrent
pendant long-temps Sylla de marcher
contre le roi de Pont , qui continuait
de pousser au loin ses conquêtes. Le
supplice des généraux romains ne suf-
fisait pas à la haine de Mithridate :
il connaissait trop bien ses ennemis
pour croire que , si jamais la for-
tune lui était contraire, il pût eu ob-
tenir des conditions honorables : i!
résolu! flr s'attacher par des liens in-
dissolubles , les peuples qui se ran-
geaient avec tant d'enthousiasme sous
ses lois. ( nombre de Ro-
mains habitaient dans les provinces
soumises à la république et dans les
XXIX.
MIT iôi
villes grecques de l'Asie: des o
secrets sont adressés en même temps
à tous les gouverneurs et à tous
les magistrats de ces villes ; et, dans
un même jour, à la même heure,
cent mille Romains sont immoles.
Peu échappèrent; tant était grande la
haine des Asiatiques. Personne ne fut
épargné : femmes, enfants, serviteurs,
tout fut enveloppé dans la même
proscription ; leurs corps mêmes
furent privés de sépulture. Toutes les
villes rivalisèrent de cruauté; mais
Éphèse se distingua entre toutes :
noncontents de poursuivre leurs vic-
times jusque dans les temples , et
de les immoler jusque sur les au-
tels qu'ils tenaient embrassés , les
Ephésiens renversèrent tous les bâ-
timens et les monuments élevés par
les Romains. Pour affermir sa domi-
nation sur l'Asie , Mithridate fixa sa
résidence à Ephèse : c'est là qu'il
épousa une Grecque de Stratonicée ,
Monime, fille de Philo pœmen, dont
les vers de Racine ont immortalisé
le nom et les malheurs. Il alla en-
suite à Pergame, où il tint sa cour.
Pendant ce temps-là , sa flotte , éga-
lement victorieuse , avait passé de
l'Euxin dans la mer Egée , dont elle
soumit toutes les îles. L* général
Ménophane s'empara de Délos, ou
il trouva d'immenses richesses: de-
puis long - temps cette île s'était af-
franchie de la domination des Athé-
niens; le roi la leur rendit pour les
engager dans sou parti. Il trouva
dans l'île de Cos de grands trésors
quiy avaient été déposés parPtolémee
Alexandre Ier., lorsqu'il fut contraint
d'abandonner l'Egypte : Mithridate
s'en empara, et emmena à sa cour,
le fils de ee roi, nommé , comn i
père, Alexandre, et il l'y traita
tous le. égards «lus à son rang. Les
Rhodiens,qui avaient alors unepuis-
ii
1(52
MIT
santé manne, et qui avaient été com-
bles de faveur par le sénat , restèrent
fidèles à la république , et se pré-
parèrent à résister. Milhridate vint en
personne les combattre; il leur livra
plusieurs batailles navales, où il mon-
tra beaucoup de valeur, et dans l'une
desquelles il pensa périr: mais ce fut
en vain ; l'avantage fut toujours du
côte des iîhodiciis, et il renonça, pour
le moim ni , à les soumeltre. Ii sentit
qu'il était temps de prévenir les Ro-
mains (peut être avait-il tiop atten-
du), et de passer en Europe, où il eut
l'imprudence de ne pas aller en per-
sonne.Sa présence y aurait sans doute
produit un enthousiasme aussi grand
que celui qu'elle avait excité en Asie.
Plus de 130 mille hommes traver-
sèrent la mer sous les ordres d'Arché-
laùs, pendant que Taxile et Arcathias,
fiîsvdu roi, -partaient de la Thraee ,
où ils trouvèrent des alliés , et d'où
ils devaient, après avoir conquis la
Macédoine et la Tîiessaîie, se join-
dre avec Archéiaùs. Ce général dé-
barqua dans i'Altique: les Athéniens,
excités par le philosophe Aristion,
massacrèrent les Romains, et embras-
sèrent avec chaleur le parti de Mi-
thridate. Les Lacédémoniens et tous
les autres Grecs du Péloponnèse sui-
virent leur exemple, ainsi que les
Béotiens. A la première nouvelle du
débarquement des troupes de Milhri-
date en Europe , Bruttius, gouverneur
de la Macédoine , s'avança pour les
repousser. L'Eubée avaiiété soumise
par un détachement que commandait
Mélrophaiic;ct ce général vainqueur,
après avoir pris Démétrias, s'avan-
çait à travers la Magnésie, pour sou-
mettre la Thessalic : il y fut vaincu
par Bruttius , qui , secondé par une
ilotte puissante , reconquit plusieurs
iïes de la mer Egée. Fier de ces suc-
cès , ii entre avec ses troupes de terre
MIT
dans la Béotie; et pendant trois jours
il lutte avec avantage dans les plaines
de Chéronée contre les troupes d'Ar-
chélaùs et d' Aristion. L'arrivée des
Lacédémoniens et des Achéens força
le général romain à îa retraite ; il se
dirigea vers le Pyrée, qui tenait en-
core pour les Romains, mais qui fut
bientôt occupé par Archéiaùs. De
Pergame, où il avait fixé son séjour,
Milhridate se regardait comme maî-
tre de la Grèce; et déjà il menaçai; l'I-
talie, lorsque Sylla, qu'un sénatus-
consulte avait chargé de combattre
le roi de Pont, débarqua en Grèce
avec cinq légions, quelques cohortes
détachées , et divers corps de ca-
valerie. Des secours lui arrivèrent
de l'Étoiie et de la Thessalic; et,
sans perdre de temps, il marcha
pour attaquer Archéiaùs dans I'Alti-
que. Ce général gardait le Pyrée avec
des forces imposantes; Aristion était
renfermé dans Athènes, décidé à s'y
défendre jusqu'à la dernière extré-
mité. Les premières attaques furent
terribles : la résistance fut vigoureuse,
et Sylla fut repoussé avec perte. De
nouvelles forces vinrent encore d'A-
sie ; Sylla tenta de s'opposer à leur
descente : il se livra une bataille dans
laquelle l'avantage ne resta aux Ro-
mains, qu'après une lutte longue et
sanglante. L'hiver approchait ; et
Sylla , désespérant, d'emporter la
place avant le retour de la belle sai-
son , prit le parti de se retrancher
auprès d'Eleusis , pendant qu'Athè-
nes , bloquée par une partie de son
armée, était livrée à toutes les hor-
reurs de la famine, et qu'une multi-
tude de combats meurtriers se don-
naient tous les jours sous ses mu-
railles. La trahison et la disette lui
rent enfui cette malheureuse
cité, qui, emportée d'assaul , fut
abandonnée aux flammes, et éprouva
MIT
tontes les horreurs qu'elle pouvait
attendre d'un vainqueur impitoyable.
Tous ceux de ses citoyens qui échap-
pèrent au glaive, furent réduits en
esclavage et vendus à. l'encan , avec
leurs femmes et leurs enfants. Cepen-
dant Aristion et un grand nombre
<!e ses partisans s'étaient retires dans
la citadelle, où ils essayèrent de se
défendre; mais la faim et la soif les
contraignirent de s'abandonner à la
discrétion du vainqueur, qui les livra
au supplice. Archélaiis , qu'un puis-
sant corps de troupes contenait dans
le Pyrée , avait été spectateur forcé
de la prise d'Athènes : les ligues qui
l'enveloppaient avaient été le théâtre
de combats acharnés, qui se renouve-
laient sans cesse. Obligé de combattre
ainsi dans une position resserrée ,
il y consumait en pure perte une
grande partie de ses soldats, et il ne
pouvait profiter de l'avantage que
l'immense supériorité de ses forces
lui donnait sur l'ennemi. Athènes
prise, Archélaiis n'avait plus aucun
motif de défendre le Pyrée: comme il
était le maître delà mer, il eut bientôt
transporté ses troupes sur un autre
point. Son arrivée en Thessalie fut
suivie de sa jonction avec l'armée
qui, sous les ordres de Taxile et d'Ar-
cathias, fils du roi, avait passé le
Bosphore. Arcathias était mort à Po-
tidée,de sorte que Taxilc était le seul
chef de celte armée , qui s'était con-
sidérablement augmentée par les ren-
forts qu'elle avait reçus des différent es
nations de la Thrace et de la Macé-
doine. Archélaiis avait sous ses or-
dres plus de cent vingt niillehommcs,
quand il franchit les Thermopylcs,
pour venir atl . , , qui l'at-
tendait dans la Béotié. L'inconstance
des G [le oc-
casion; 1 •> mo itanl d'em-
pressement à : j Sylla ?
MIT
qu'ils en avaient mis à se réunir aux
soldats de Mithridate, qu'ils i
daient naguère comme des lil
teurs. Renforcé par leurs troupes
auxiliaires , Sylla fut encore joint par
les Macé Ioniens, qui changèrent aus-
si de parti, de sorte qu'il fut bientôt
en état de combattre avec avantage
Archélaiis, et vint Je chercher dans
les plaines de Chéronée.Gcs lieux qui,
deux siècles auparavant, avaient vu
la liberté grecque expirer avec gloi-
re sous les armes des Macédoniens ,
furent cette fois témoins d'un spec-
tacle bien différent. On y vit les
Grecs, tout-à-fait dégénérés et bien
dignes de leur esclavage, insensibles
au noble exemple que leur donnaient
les ruines fumantes d'Athènes, com-
battre pour leurs oppresseurs , après
avoir lâchement déserte les drapeaux
d'un roi qu'As avaient appelé de tous
leurs vœux. Attaqués à l'improviste
dans une position désavantageuse ,
les soldats de Mithridate se défen-
dirent avec leur valeur accoutumée;
mais ils ne purent arracher la vic-
toiic aux Romains: réduits à com-
battre dans des lieux où ils ne pou-
vaient se développer, leur nombre
fut la cause de leur perte; de manière
que le désordre qui se répandit par-
mi eux, eut plus de part à la vic-
toire que les armes des Romains.
Archélaiis , après la perte ou la dis-
persion de la plus grande partie de
son année , se relira à Chaleis, dans
l'Eubée, où il ne pat être forcé, parce
que les Romains n'avaient pas de
flotte, tandis qu'il était maître de
la mer. La nouvelle de la défaite
d'Ârchélaùs fut à peine connue <u
isie, qu'une agitation soin
nifesta sur (eus les poiuts. Les Ro-
mains y avaient cons
sans; et les Gri tic dû
monde n'étaient pas moins incons-
i(H MIT
tants que leurs compatriotes d'Eu-
rope : d'ailleurs Mithridate régnait
depuis assez long-temps sur eux,
pour qu'ils fussent dégoûtes de sa
domination , et pour que celle des
Romains leur offrît tous les charmes
de la nouveauté. Ils avaient aussi une
trop liante idée de la fortune de
Rome , pour ne pas croire que la
victoire de Sylla serait bientôt suivie
de succès non moins décisifs : il
était donc Lien important pour eux
de prévenir par des services signalés
sa vengeance imminente. Des insur-
rections se manifestèrent sur plu-
sieurs points; diverses villes chas-
sèrent les garnisons politiques : les
Calâtes, dont Mithridate redoutait
la valeur, et qui ne lui avaient jamais
été bien affectionnés, menacèrent de
se soulever; presque tous leurs te'trar-
ques furent sacrifiés, et leur pays fut
confié à un gouverneur particulier.
Ce peuple opprimé n'attendait qu'un
instant favorable pour secouer le
joug , tandis que de fréquentes cons-
pirations éclataient contre la vie du
roi. Au milieu de tous ces embarras,
Mitliridate , plutôt étonné qu'effrayé
par la victoire de Sylla, ne renon-
çait pas à poursuivre ses conquêtes
en Europe. Par ses ordres , une nou-
velle armée de 80,000 hommes ,
passa la mer sous le commandement
de DoryJaiïs , pour aller rejoindre
Àrchélaiis : ce général reprit bientôt
l'offensive, et vint chercher Sylla,
qui n'avait pas quitté la Béotie.
Le sort lui fut encore contraire ; il
eut le dessous dans un premier en-
gagement, qui fut suivi, à peu de
distance, d'unebataille générale. Son
armée y fut complètement défaite ;
et la plus grande partie de ses sol-
dats furent engloutis dans les marais
d'Orchomène : lui-même, caché pen-
dant trois jours au milieu des morts,
MIT
ne gagna qu'avec peine la ville de
Chah is , où il se hâta de réunir tout
ce qui restait des troupes de Mithri-
date qui étaient passées en Grèce.
Après celte victoire , Sylla alla pren-
dre ses quartiers d'hiver^en Thessa-
lie. Pendant que ce général triom-
phait des armées de Mithridate, ses
ennemis étaient tout-puissants à Ro-
me. Cinna et Marins le faisaient
déclarer ennemi de la république,
et donnaient ordre à Flaccus et à
son lieutenant Fimbria d'aller en
Asie achever cette guerre acharnée.
Peu après son arrivée en Asie,
Fimbria s'était défait de Flaccus -?
et seul commandant des forces ro-
maines, il luttait avec avantage con-
tre le roi de Pont. Déjà il avait re-
pris Chalcédoine et Byzance; et la
plus grande partie de la Bithynie était
en son pouvoir, quand un fils de
Mithridate vint lui livrer bataille.
La victoire fut long-temps balancée;
mais , à la fin , elle resta à Fimbria ,
qui poursuivit les vaincus jusqu'à
Pergame , que Mithridate fut obligé
de quitter en toute hâte , pour se
réfugier à Pitane. Le roi rassembla
dans cette ville tout ce qui lui restait de
troupes ; Fimbria vint bientôt l'y as-
siéger : ayant besoin d'une flotte , il
envoya demander des secours à Lu-
cullus, qui était parvenu à réunir un.
grand nombre de vaisseaux ; mais ,
comme celui-ci était attaché au parti
de Sylla , il ne voulut pas aider Fim-
bria dans cette entreprise. Le roi
cependant, appréhendant que tôt ou
tard la route de la mer lui fût fermée,
prit le parti d'abandonner Pitane. Il
s'embarqua pour Mitylène , d'où il
repassa ensuite en Asie. Fimbria se
rendit alors le maître de Pitane , et
soumit le reste de la Mysie avec la
Troade. Tous ces revers inspirèrent
à Mithridate le désir de la paix.
MIT
Connaissant la position particulière
de Sylla, il espéra obtenir de lui de
meilleures conditions que de Firabria.
En effet , le gênerai romain , que son
ambition rappelait en Italie, avait
autant d'envie que lui de voir la
guerre terminée. Archélaiïs fut chargé
de négocier pour le roi de Pont, et il
eut une entrevue avec Sylla. La si-
tuation difficile daus laquelle celui-
ci se trouvait , ne le porta pas à ac-
corder des conditions plus avanta-
geuses à Mithridate : il exigeait, entre
autres choses , qu'il remît sa flotte à
la discrétion des Romains , qu'il
évacuât tous les pays qu'il avait
conquis , et qu'il payât les frais de
la guerre. Archélaùs , pour montrer
que les intentionsde sou maîtreét.iient
sincères , abandonna sur-le-champ
les places qu'il occupait encore en
Euro jie, s'en référant , pour les autres
conditions, à la volonté du roi; et
aussitôt il repassa en Asie. Sylla, dé-
barrassé de toute inquiétude, s'a-
: vers la Tlirace , où il soumit
les nations barbares qui , de con-
cert avec les troupes politiques ,
avaient ravagé la Macédoine. Les
conditions imposées par Sylla, pa-
rurent un peu dures à Mithridate :
ses ambassadeurs répondirent à Sylla
que le roi ne consentirait point à li-
vrer sa flotte, ni a évacuer la Paphla-
gonie,ctque Fimhria était disposé à
lui accorder de meilleures corn! it ions.
Lucullus venait de joindre Sylla ivre
sa flotte; et celui-ci, pour en finir,
I it de passer en Asie, pensant
bien <fiic sa présence mettrait fin
délais du roi. En effel , a peine
Sylla était-il en Asie, que Mithridate
vint le trouver àDardanus en Troade.
Les deux chefs eurent une entrevue ,
et la paix fut conclue : Mithridate
consentit à livrer quatn -vingts de ses
vaisseaux , à abandonner ses con-
MIT
65
quêtes en payant les frais de la guerre,
et à laisser remonter sur leurs trônes
Nicomèdect Ariobarzane. Tels étaient
les articles apparents de cet arrange-
ment ; mais l'examen attentif des
événements qui suivirent, fait voir
que Sylla , pressé de retourner en
Italie , fut bien aise de terminer la
guerre de la manière la plus courte;
il eut l'air d'imposer au roi de Pont
des conditions bien rigoureuses , que
celui-ci se réservait les moyens de ne
pas exécuter : le traité ne fut, ni Sou-
mis à l'approbation du sénat , ni
consigné par écrit. Sylla laissa un
corps de troupes en Asie, sous les
ordres de Muréna ; Nicomèùe et
Ariobarzanefurentrétablis dans leurs
états: Mithridate restitua toutes ses
conquêtes, à l'exception de la Pa-
phlagonie et d'une partie de la Cap-
padoce;èt il rentra dans son royaume
où sa présence était très-nécessaire.
Ainsi se termina la première guerre
des Romains contre Mithridate , en
l'an 85 avant J.-C. Ce prince était
à peine de retour dans ses étals hé-
réditaires , qu'il se hâta de marcher
contre les peuples de la Golchide,
qui s'étaient révoltés pendant sonab-
sence. Cette guerre ne fut cependant
pas de longue durée ; ces peuples
lui demandèrent pour roi , son fils
nommé comme lui Mithridate , ce
qui leur fut facilement accordé : mais,
peu après , le roi, soupçonnant que
c'étail ce même fils qui les avait ex-
cites à la révolte pour obtenir la cou-
ronne, le fit charger de chaînes d'or,
et Lui fil trancher la tète. Cette af-
faire terminée, il ordonna d'immen-
ses préparatifs de guerre pour sou-
mettre les peuples du Bosphore,
qui s'étaient aussi revoit,
para: ifs furent si formidables que
le bruit se répandit bientôt qu'il
voulait profiter de l'absence de Sy L
i66 MIT
pour recommencer les hostilités. Le
refus qu'il faisait de restituer à Ario-
barzane une partie de la Cappadoce,
et les plaintes qu'il ne cessait de pro-
r coutre Archdlaus , qu'il accu-
sait du mauvais succès dç la dernière
guerre , ne pouvaient que fortifier
ces soupçons. Celui-ci, pour,se mettre
à L'abri de la vengeance bien ou mal
fondée de Mit nridate , prit le parti
de s'enfuir auprès de Murena, auquel
il représenta le roi de Pont comme
décide à recommencer la guerre. Bien
aise de trouver une occasion de se
signaler, Murena se bâta de prévenir
Mithridate , et de faire une invasion
dans la partie de la Cappadoce que
ce monarque avait retenue. En vain
le roi de Pont se plaignit de l'infrac-
tion du traite conclu avec Sylla; Mu-
rena en nia l'existence, et continua
ses ravages : l'intervention d'un en-
voyé de Sylla fut également inutile ;
tiridate fut donc oblige de se dé-
fendre contre les Romains. Gordius,
<pi lui avait donne tant de preuves
de son dévoûment , fut chargé par
lui de chasser Murena de la Cappa-
doce ; il s'acquitta de sa commission
avec un tel succès, que Murena, battu,
se vit contraint rie repasser Tria lys
avec perte. Milhridate arriva lui-
même à la tête d'une nouvelle armée;
?<\ fleuve fut passe de vive force :
Murena, complètement vaincu, fut
contrant d'opérer sa retraite dans
1 a Phrygie. Cependant Sylla était fort
mécontent que son lieutenant eût, au
jnépris de ses cidres, attaqué le roi
rot, qui n'avait que sa parole
■pour garantie de la paix. ; il envoya
en Asie G; binais , pour régler ers
çnds. Murena fut rappelé, et
!■:)* pays qu envahis furent
restitués. Ensuite, par la médiation
rie Gabinius , la paix fut rétablie en-
tre Mithridate et Ariobarzaue : le roi
MIT
de Pont promit d'épouser une fille
d'Ariobarzane , âgée alors de quatre
ans , et reçut pour sa dot une p<
de la Cappadoce, qu'il joignit à celle
qu'il occupait. Ainsi se termina, en
l'an 82 avant J. -C. , la seconde
guerre des Romains contre Mithri-
date. Celui-ci, libre désormais de
toute inquiétude, ne s'occupa plus que
de réparer les maux que la guerre
lui avait fait éprouver , et de raffer-
mir sa puissance. Il passa dans le
Bosphore, qui fut bientôt soumis,
et dont il confia le gouvernement à
son fils Macbarès , qu'il décora du
titre de roi. Les Acbéens, peuple bar-
bare qui habitait entre la Golchide
et la Chersonèse Taurique , fixèrent
ensuite son attention. 11 ne fut pas
heureux contre eux : la nature mon-
tagneuse de leur pays leur fournit
les moyens de résister avec avantage;
la rigueur du froid , et une multitude
de petits combats , lui enlevèrent la
plus grande partie de son armée, et
avec le reste il fut obligé de se reti-
rer honteusement dans le Pont. Cet
échec engagea vraisemblablement
Ariobarzaue ^ réclamer auprès du
sénat contre les arrangements peu
avantageux qu'il avait contractés avec
Milhridate, et à demander la resti-
tution de la partie de son royaume
que celui-ci avait usurpée. Sylla lui
accorda la satisfaction qu'il desirait,
et Milhridate ne put se dispenser d'o-
béir. Quelque temps après , il envoya
une ambassade au sénat pour qu'il
ratifiât le traité qu'il avait fait avec
Syila. Ce général mourut dans ces en-
trefaites ', et le sénat fut trop occupe
pour faire grande attention aux sol-
licitations du roi de Pont, dont les ,
espérances d'ailleurs se relevèrent
par cet événement : aussi le roi n'in-
sista-t-il pas davantage, et tourna -
t-il ses vues d'un autre côté. Ne
MIT
voulant pas encourir le reproche
de violer ses traites , i! fit engager
sous main le roi d'Arménie, Tigrane,
à opérer pour son compte une inva-
sion danslaCappadoce. Les Romains
ne furent point dupes de cette ruse ;
et dès -lors ils purent se regarder
c oui me en état de guerre avec ?-!i-
th rida te, qui n'attendait plus qu'une
occasion pour se déclarer ouverte-
ment. Dans le même temps, il reçut
des ambassadeurs de Sertorius , qui
s'était révolté en Espagne contre la
république , ou plutôt contre le parti
de Pompée, lequel maîtrisait le sé-
nat : une alliance fut bientôt con-
clue, lis se promirent d'attaquer si-
multanément les Romains, à l'occi-
dent, et a 1'oriqnt : l'Asie, la Bi-
lliynie, laPaphlagonie, la Cappadoce
et la Gaîatic, devaient appartenir
à Mithridatc, si la victoire couron-
nait les cffbrti des deux alliés. M.
Varius et deux autres officiers ro-
mains furent envoyés par Sertorius,
pour aider Mithridatc de leurs con-
seils : ainsi commença la troisième
guerre politique, en l'an n$ av.
J.-C Violant aussi brusquement la
paix qu'il avait lui-même sollicitée ,
il dut, après la terrible expérience
qvi'il avait faite de la puissance des
Romains, prendre toutes ses précau-
tions, pour soutenir avec avantage
une guerre qui désormais devait- être
implacable. Une année entière fut
icrée à équiper une flotte for-
midable, et à amasser d'immenses
provision^ pour ses troupes. Pres-
que tous les peuples du Caucase,
le la Scythie - Asiatique j lui
fournirent dès soldats ; il lui en
vint a tnénie : les Sarmates,
les la Bastarnes, les Thra-
ces, et to iples barbares de
l'Eun , le Mont-
Haemus et le furent ses
MIT
auxiliaires. Il se trouva Lientôt i
la tête de plus de 160,000
tants, e! il résolut de corn.
bostililés, au printemps d<: 1'
avant J, -C. Deux de
( Taxile et Hermocraîe )
dans la Papldagonic, qui fut promp-
tement soumise. Aupremi.
préparatifs du roi de Pont, le sénat
s'était hâté d'envoyer les deux con-
suls en Asie. Cotta avait le gouver-
nement de la Bithyuie, que Nico-
mède, son dernier roi, fils de Nico-
mède Philopator, dont nous avons
souvent parlé, avait cédée par son
testament a\x Romains; Luculins
était chargé de défendre la Cilicie.
Pendant que, d'un cote , Milhridate
était maître de la Paphlagonie ,
Diophante , un de ses plus habiles
généraux , s'emparait de la Cappa-
doce , et empêchait Lucullus de sor-
tir de la Cilicie , où il le tenait dans
une inaction forcée. Le roi en pro-
fitait pour se porter en personne
dans la Bilhynie, qu'il soumit toute
entière. Cotta n'osa lui résister; il
se hâta c!e chercher un asile dans
les murs de Chalcédoine, où Milhri-
date vint l'assiéger , après avoir
vaincu Rutilius , son lieutenant, qui
fut tué dans la bataille. Les forces
navales du roi arrivèrent }.
aussitôt devant la place. San
rer , il donna l'ordre d'attaquer la
flotte romaine, qui fut bu
eue, et toute prise ou brûlée. Plus
de 5 0,000 hommes furent tués ,
noyés, ou faits prisonniers dans cette
journée.Ne voulant pas s'arrêter plus
long - temps devant Chalcédoine ,
Mithridatc laissa un corps pour la
contenir ; et il se porta , en toute
hâte , à la rencontre de Lucullus.
Fier de la supériorité de ses 1
il était impatient de c<
mail ! romain, qui avait
i68
1\1IT
!iu que la partie n'était pas
égale , recula devant lui. Il desi-
rait faire traîner la guerre en lon-
gueur, pour détruire en détail l'ar-
mée politique. Mithridate avant vai-
ut tente d'amener Lucullus aune
action générale , mit le siège devant
Cyzique, ville forte et très-affection-
née aux Romains, dans le but de con-
traindre Lucullus à livrer bataille
pour sauver la place. Les attaques
furent poussées avec vigueur , et la
résistance fut opiniâtre. En vain Mi-
thridate voulut-il épouvanter lesCy-
zicéniens, en leur annonçant que le
roi d'Arménie allait arrivci , suivi
de toutes les forces de l'Orient : ils
étaient animés par la présence de Lu-
cullus , retranché avec son armée sur
une hauteur à peu de distance de la
ville. Le siège se prolongeait ; et les
soldats de Mithridate , obligés de
soutenir de rudes combats contre
les assiégés , étaient perpétuellement
harcelés par les troupes de Lucul-
lus. Pour comble de malheur, les
vivres leur manquèrent; la famine
fut suivie de la peste , qui fit de
grands ravages. Le roi voulut alors
lever le siège , et opérer sa retraite.
Lucullus , informé de son dessein ,
se mit aussitôt en marche , pour
lui disputer le passage du Rhyn-
dacus : Mithridate y fut repoussé
avec perte , et il reprit sa position
devant Cyzique. Pendant qu'il se con-
sumait inutilement sous les murs
de cette place, Eumachus, un de ses
généraux , lui soumettait la Phry-
gie , la Cilicie , la Pisidie et l'Isau-
rie. Ces succès partiels ne pouvaient
le tirer de la position fâcheuse où il
se trouvait; la peste continuait de
ravager son armée, et l'hiver ap-
prochait. Il résolut donc de faire sa
retraite à quelque prix que ce lût.
Trente mille hommes., seul reste de
MIT
toutes ses forces , se retirèrent sur
Lampsaque ; Lucullus en tailla en
pièces la plus grande partie : le reste
se sauva par mer. Pour le roi , monté
sur un vaisseau léger, il s'enfuit a
Nicomédie , d'où bientôt il se ren-
dit à Sinope, puis à Amisus, dans
le Pont, après que les tempêtes de
PEuxhi eurent détruit toutes ses for-
ces navales , qui avaient eu peu à
souffrir des Romains. Mithridate fut
à peine de retour dans le Pont , qu'il
se hâta d'envoyer demander du se-
cours à Tigrane et à son fils Macha-
rès , roi du Bosphore. Mais Lucul-
lus ne perdait pas de temps : tan-
dis que Cotta et d'autres généraux
soumettaient les villes de Bilhynie
qui tenaient encore pour le roi, il
s'avançait, lui-même, avec toutes
ses forces, pour le poursuivre dans le
cœur de ses états. Le roi ne ju-
gea pas à propos de l'attendre dans
Amisus : pendant que cette ville fai-
sait une résistance aussi vigoureuse
qu'inutile , il rassemblait une nou-
velle armée dans la partie orien-
tale du Pont : bientôt un renfort
de quarante mille hommes lui ar-
riva des régions caucasiennes ; et il
fut de nouveau en position de se me-
surer avec son ennemi. Amisus te-
nait encore : Lucullus laissa un corps
de troupes pour continuer le siège ;
et avec le reste de son armée il s'a-
vança pour combattre Mithridate.
Celui-ci, posté dans les montagnes
qui séparent le Pont de l'Arménie
et de la Colchide , y occupait des
positions très - avantageuses. Aussi ,
plusieurs fois , obtint-il la supério-
rité sur les soldats de Lucullus , qui
fut contraint de se retirer devant
lui jusqu'à Cabires , où le roi le sui-
vit. Lucullus employa, pour le vain-
cre , la même tactique qui lui avait
si bien réussi devant Cyzique; il
MÎT
fatigua ses ennemis par une multi-
tude de petits combats : la famine
qui l'avait inquiété pendant quelque
temps , passa dans ie camp du roi ,
quand on eut intercepté toutes ses
communications avec la Çappadoce,
où il avait encore une armée ; la
trahison et la désertion achetèrent
sa défaite. Sans avoir pu livrer de
bataille , Milhridate n'eut bientôt
plus d'armée ; il se vit réduit à pren-
dre la fuite : pour éviter la pour-
suite des Romains , il fit le sacrifice
d'une grande partie de î>cs trésors ,
qu'il répandit dans la route, de sorte
qu'il parvint à gagner l'Arménie avec
deux mille chevaux seulement. Dé-
sespérant de recouvrer jamais son
royaume, il envoya Bacchus, un de
ses plus dévoués serviteurs , donner
la mort à ses sœurs et a ses ïcr.
qui se trouvaient enfermées dans les
murs de Pharnaeia , ville-forte, qui
n'avait pas encore subi le joug des
vainqueurs. Monimc , cette Grecque
de Stratonicee, qui après ses revers
avait abandonné sa patrie pour le
suivre, et qui était la plus chérie de
ses femmes, s'empressa d'obéir à ses
ordres suprêmes , et prenant le dia-
dème qui ornait encore son Iront,
elle voulut s'étrangler ; trop faible,
il se rompit : Fatal diadème , dit-
elle en le foulant aux pieds avec, mé-
pris, tu m'as toujours été inutile;
que ne me sers-tu aujourd'hui en
rn aidant à mourir ? et elle s'offrit
i ourage au glaive qui l'immola.
Bérénice, autre femme de Mithri-
date , s Statira et Roxanc ,
s'empoisonnèrent. Celte dernière, en
prenant le funeste breuvage, acca-
bla son frère d'imprécations; mais
Statira . pi plus héroï-
que peut -être, le remercia de ce
qu'au milieu de tant de dangers, il
ne les oubliait i
MIT
préserver des outrages du vainqueui .
('elle terrible catastrophe fut bien-
tôt suivie de la reddition de la plu-
part des villes du Pont; Héraclée et
Siuope se rendirent après une vigou-
reuse résistance; les Chaldéens, les
Tibaréniens et les peuples de la Pe-
tite Arménie, se soumirent. Àmisus
résistait encore; mais elle ne tarda
pas à subir le joug dos Romains :
prise de vive force, elle fut livrée
aux flammes; un grand nombre de
ses habitants s'enfuirent par mer, et
Callimaque, son gouverneur, se re-
tira en Arménie, où le frère de Ti-
grane lui confia la défense de ISisibe
en Mésopotamie. Tout le Pont était
soumis : il ne restait plus rien à Mi-
lhridate ; et Lucullus , après avoir
rendu la liberté aux villes de Sinope
et d'Amisus , en lit une province ro-
maine, en l'an (5;) avant J.-C. Dans
le même temps, Mâcha r es, indigne
fils de Mithridate, envoya une cou*
ronne d'or à Lucullus , et lit alliance
avec lui. Tout était tranquille dans
P Asie-Mineure ; Lucullus ne s'occupa
plus que des moyens de s'emparer
de la personne du roi de Pont. C?
prince avait bien trouvé un asile eu
Arménie; cependant il n'y élait pas
traité comme devait l'être un roi si
illustre, parent et allié de Tigranc.
On lui donna pour séjour un palais
royal; mais rien ne put décider Ti-
grane, qui était mécontent de lui , à
l'admettre en sa présence. Cette con-
duite singulière contraste trop avec
la générosité que Tigranc montra
en soi te , pour ne pas donner à croire
qu'il fut dirigé , dans celte circons-
tance, par quelque motif particulier,
qui a échappé aux historiens. Ce
: . nous croyons l'avoir décou-
vert. Ce n'était certainement pis
la crainte de déplaire aux Romains
qui, ainsi que le pensent quelques
i7o MIT
auteurs, portait à agir ainsi îe roi
des rois. Ce maître de tout l'Orient
ne les redoutait pas : la suite le fera
bien voir. Le mécontentement du
roi d'Arménie venait de plus loin;
lorsque Mithridate, vainqueur des
Romains et maître de l'Asie, couvrait
la Grèce et la Thrace de ses armées,
et que déjà, en espérance, il ache-
vait la conquête de l'Italie; .quand ,
dans l'enthousiasme de la nouveauté
et de la victoire, les peuples de l'Asie
lui décernaient les titres les plus
pompeux , il oublia que. le roi d'Ar-
me'nie était ie suprême monarque de
l'Orient : ses défaites purent seules
lui rappeler que naguère il en avait
obtenu des secours. On conçoit d'a-
près cela comment pendant la troi-
sième guerre contre les Romains,
Tigrane n'envoya , comme l'attes-
tent les historiens , que de très- fai-
bles secours à Mithridate, secours
encore que celui-ci ne dut qu'aux
sollicitations de sa fille Gléopàtre,
mariée avec Tigrane. Si l'on ad-
met que le roi de Pont , .enor-
gueilli , se soit arroge tous les titres
réserves au rang suprême , et que
même il se soit paré du nom de roi
des rois , on ne doit plus s'étonner
que Tigrane n'ait pas voulu admettre
en sa présence , celui qui venait
chercher un asile dans ses états ; il
était devenu pour lui un rebelle. Que
Mithridate, dans ses jours de pros-
périté, se soit considéré comme mo-
narque indépendant , il n'y a pas de
doute : qu'il ait usurpé le titre de
roi des rois, les anciens ne nous en
donnent point la preuve directe,
mais ils nous fournissent d'autres
moyens d'aniver à ce résultat. Une
usurpation justifiée par la force,
était le seiil droit de Tigrane au ti-
tre de roi des rois; quand il eut été
vaincu par les Romains, et dépouil-
M1T
lé de la plus grande partie de sa
puissance, le roi des Parthes secoua
le joug qu'il avait été contraint de su-
bir, et i eprit ce titre qui lui apparte-
nait légitimement.Tigranen'y renon-
ça pas pour cela. Les Romains furent
bien aises de le lui laisser , pour en-
tretenir toujours un motif de guerre
entre lui et le roi des Parthcs; il ne
le quitta que long-temps après, au
temps de la défaite de Crassus. Alors
il y renonça par un traité, et con-
tracta une intime alliance avec les
Parthes. Mithridate, vainqueur des
Romains, et maître de l'Asie-Mineu-
re, était, par rapport à Tigrane, pré-
cisément dans la même position que
celui-ci à l'égard du roi des Parthes.
Sa fuite et ses sollicitations pour ob-
tenir des secours étaient la preuve
sulïisante de son repentir. Mithri-
date n'avait pas besoin de renoncer
autrement à un litre que nous suppo-
sons qu'il avait usurpé. Quand Ti-
grane eut déclaré la guerre aux Ro-
mains , les événements se succédè-
rent avec tant de rapidité , qu'il fut
impossible au roi de Pont de faire
une renonciation plus formelle. En
signant la paix avec Rome , le roi
d'Arménie abandonna la cause de
Mithridate, qui put dès-lors se con-
sidérer comme dégagé de tout de-
voir envers lui , et reprendre un ti-
tre dont il n'était point indigne, et
auquel il n'avait pas solennellement
renoncé par un traité. Son fds aura
donc pu hériter de ce titre suprê-
me ; or , c'est précisément ce qui ar-
riva : Pharnace ne possédait que le
Bosphore, et cependant , avant d'a-
voir envahi l' Asie-Mineure, il pre-
nait sur ses monnaies îe litre de
roi des rois; la preuve de ce fait
important existe dans tous nos ca-
binets numismatiques. On retrouve
cette même qualification sur plu-
MIT
sieurs monuments relatifs aux suc-
cesseurs dePharnace , dans le Bos-
phore ; ils ne le prenaient certaine-
ment que comme successeurs de Mi-
thridate. Il y avait vingt mois que ce
monarque était en Arménie, quand
P. Clodius fut envoyé par Lucullus,
pour demander son extradition. Ti-
grane , indigne d'une telle proposi-
tion , oublia tous les sujets de plainte
qu'il avait contre son beau-pire, le
fit venir à sa cour, embrassa ou-
vertement sa (' et congédia
l'ambassadeur romain avec mépris.
Après une telle démarche, il fallait
se préparer à la guerre. Tigrane fit
un immense armement ; et Mitliri-
date, à la tête d'un corps de dix mille
hommes, se disposait à rentrer dans
le Pont. Lucullus se mit aussitôt en
campagne; Fabius, gouverneur du
Pont, et Soruatius, furent charges
rie défendre ce royaume , tandis que
lui-même, avec toutes ses forces,
se portait vers l'Euphrale , a tra-
vers la Cappadocc. Ses attaques se
dirigèrent vers la partie méridio-
nale des états de Tigrane , c'est-à-dire
vers la Syrie et la Mésopotamie, qu'il
avait enlevées aux Sélcucides ; il es-
pérait triompher pins facilement de
ce côté , parce que Clodius , pendant
son ambassade , y avait pratique' des
intelligences , et que les habitants
n'en étaient pas bien ait. i
Tigrane. En ellct-, il y eut de rapi-
des succès , et il y trouva des
liaires : peu après le passage de l'Eu-
phrale , il vainquit Mithrobarzane ,
dynaste de la Sophènc; et bientôt il
se trouva en présence des troupes
, dont le nombre si:
sait de beaucoup Les siennes. Le roi
d'Arménie , fier t!«- sa supériorité,
voulait sur p en v< nir aux
mains, pensant ilirait fa-
cilement cette -'ennemis.
MIT 171
Milhridate , qui connaissait 1
q:!c lui l'advcr.
. ne cessait de l'< , par
ses messages , à ne r ba-
taille ; à harceler , à fatiguer les Ro-
mains par de petits combats, et à
profiter de sa nombreuse cavalerie
pour les affamer. Tous ces avis fu-
rent inutiles ; Tigrane , se confiant à
sa fortune , livra bai a i ; com-
plètement vaincu. Sa défaite en1
la prise de Tigranocerte, qui, assiégée
depuis quelque temps , se défendait
avec courage, mais qui fut livrée
par la trahison. Cependant Tigrane
fuyait sans armée , dans le plus
granddésespoir, etne sachant où trou-
ver un asile dans son royaume,
quand Mithridale,qui se préparait à
entrer dans le Pont, vint à sa rei -
contre, le consola, et lui fil envisager
qu'il ne fallait pas désespérer du
salut de ses étals pour la perte d'une
bataille. 11 le décida donc à pri
des mesures pour continuer la guerre
avec vigueur au retour du printemps.
On fit dés levées d'hommes dans
toutes les parties de l'Arménie. Me-
gaclalcs, gouverneur de Syrie, fut
rappelé avec les troupes qu'il com-
mandait. Tous les aliiés furent con-
voqués , et bientôt les deux rois se
virent a la tête d'une armée moins
forte que la précédente , mais Lieu
plus redoutable , parce qu'elle était
mieux choisie, et composée d'hom-
exercés à combattre à la ma-
ies Romains. Pendant ce temps-
là, Lucullus s'emparait de plusieurs
provinces de l'Assyrie ci de La Gor-
ciyène ; il marcha ensuite à la ren-
contre des troupes arméniennes ,
commandées par les deux monar-
ques, 1 s au milieu des mon-
du Taurus, dans desposi
rai romain
vint plusieurs fois Les insulter , pour
i-> MIT
les décider à livrer bataille : n'ayant
pu y réussir , il feignit de vouloir
s'enfoncer dans l'intérieur du royau-
rae, pour attaquer la capitale, Ar-
taxate. Afin de sauver cette place
importante, Tigrane décampa, et
vint disputer le passage de l'Arsa-
liias : maigre la vigoureuse résis-
tance que ses soldats opposèrent,
l'avantage resta aux Romains ; et
IiUcullus marcha aussitôt contre Ar-
taxate , dont il croyait s'emparer
sans coup - férir : il se trompait ;
le gouverneur lui résista avec cou-
rage , et , après avoir consumé inu-
tilement beaucoup de temps devant
cette place, Lucullus fut contraint,
par les murmures de ses soldats ,
de lever le siège , et d'aller cher-
cher ses quartiers d'hiver dans la
Mésopotamie. Alors il s'occupa de
soumettre la Mygdonie , et la ville
de JNisibe , appartenant à Tigra-
ne , et commandée par Gallimaque,
qui avait défendu avec tant de cou-
rage Amisus dans le Pont. .Cette ville
fut prise de force après une résis-
tance opiniâtre. Au retour du prin-
temps , Lucullus voulut rentrer en
Arménie; mais son armée toute en-
tière se mutina , et refusa de l'ac-
compagner : il lui fallut abandon-
ner tous les pays qu'il avait conquis,
et ramener ses troupes dans i'A-
sie-Mineure , où le même esprit d'in-
subordination se manifesta, de sorte
qu'il lui fut impossible de rien en-
treprendre. Mithridate et Tigrane
n'avaient pas attendu tous ces em-
barras pour reprendre l'offensive ; il
y avait déjà long-temps que Mithri-
date était dans l'Asie - Mineure : à
peine eut-il la certitude de la défaite
de Tigrane , au passage de l'Arsa-
nias , qu'il se porta rapidement vers
le Pont , pour faire une diversion
avec les troupes qu'il commandait.
MIT
Sa marche fut si prompte , que
tombant à l'improviste sur le gou-
verneur Fabius , il le défit entière-
ment : l'armée de Mithridate se gros-
sit de plusieurs corps de Th races
qui désertèrent les drapeaux ro-
mains; mais, retardé par les bles-
sures qu'il avait reçues dans cette
bataille , il ne put poursuivre Fa-
bius aussi vite qu'il l'aurait voulu.
Triarius eut le temps de venir join-
dre celui-ci , et de livrer à Mithri-
date une bataille acharnée , mais non
décisive , quoiqu'elle fût suffisante
pour arrêter, pendant quelque temps,
les progrès du roi. Les Romains n'o-
saient plus en venir aux mains avec
Mithridate , qui avait recouvré la
plus grande partie du Pont. Tigrane,
de son coté, avait repris tout ce que
les Romains avaient occupé dans
l'Arménie ; et , à la tête d'une puis-
sante armée , il se préparait à pas-
ser l'Euphrate , pour se joindre à
son beau-père , et envahir la Cap-
padoce. Cependant Lucullus avait
appris que le roi de Pont menaçait
encore une fois de reconquérir i' Asie-
Mineure; et comme il ne pouvait dé-
cider ses soldats à pénétrer en Ar-
ménie , il partit en toute hâte afin de
s'opposer à Mithridate, qui devenait
inquiétant : mais il ne put arriver
assez tôt pour empêcher la défaite
de Triarius. La perte des Romains
fut très-considérable; Mithridate au-
rait achevé la destruction de leur
armée, si un Romain, qui était à
son service , ne l'eût perfidement
blessé au milieu de la mêlée. Cet
assassin fut massacré par les servi-
teurs du roi de Pont qui , averti par
cette tentative, résolut de se mettre à
l'abri d'un pareil malheur. Il avait un
grand nombre de transfuges romains
dans son armée; il les fit tous égor-
ger. Cependant Lucullus arriva pour
•'• la défaite Je Triarius : Mi-
thridate ne jugea pas à propos de lui
résister de front; il se retira xcv*
la Petite -Arménie, pour faire sa
jonction avec Tigrane, qui bientôt
après passa l'Euphrate, et envahit
toute la Cappadoce. Ariobarzane ,
fidèle à son ancienne coutume , quit-
ta encore une fois son royaume ,
pour chercher un asile dans les
provinces romaines. Dans le même
temps , les soldats de Lucullus , mé-
contents depuis long-temps de leur gé-
néral qu'ils accusaientdetousles mal-
heurs de cette guerre qu'il avait pro-
longée pour s'enrichir, l'abandonnè-
rent entièrement. Personne ne resta
auprès de lui : Glabrion , alors con-
sul (l'an 67 avant J. C. ), arriva vers
la même époque , en Asie , et dé-
pouilla Lucullus du commandement.
Mithridate prit l'offensive , chassa
les Romains de toute la Cappadoce,
et reconquit son royaume en entier.
Glabrion , qui avait plus d'ambition
que de courage , voulut lui résister et
demeurer dans le Pont. La présence
de Mithridate suffit pour repousser
le consul, qui prit honteusement la
fuite, sans oser livrer bataille ; et le
roi s'avança jusque dans la Bîthy-
nie , menaçant encore une fois de
chasser les Romains de l'Asie. Dans
ce péril extrême, le sénat se bâta
deconférerlccommandemcntàPom-
Dee,qui venait de terminer la guerre
des pirates , et qui était en Cili-
cie : le nouveau général se transpor-
ta aussitôt en Gaiatie, où il donna
rendez - vous à toutes les troupes
romaines cantonnées en Asie. La re-
prise des hostilités fut précédée de
quelques né ». Mithridate ve-
nait de perdre l'appui de Tigrane,
retourné dans son : avec
son armée, pour y combattre un de
51s, révolté; dans cette 1
MIT
i:3
mité , il envoya demander à Pompée
à quelles conditions on lui accorde-
rait la paix. Pompée lui répondit
qu'il devait s'en remettre à la généro-
sité du peuple romain. Cette réponse
réduisit Mithridate au désespoir; il
jura de ne jamais faire de paix avec
les Romains, et de les combattre
jusqu'à son dernier soupir. Pompée
avait soixante mille hommes • les
forces du roi étaient à -peu -près
égales. Fidèle à la manière de com-
battre qu'il avait adoptée depuis ses
revers devant Cyzique , il recula
devant l'ennemi , épiant une occa-
sion favorable pour l'attaquer avec
avantage. Il gagna les montagnes
de la Petite-Arménie : Pompée le
poursuivit, mais avec précaution, se
doutant de son dessein ; et il fut as-
sez heureux pour l'enfermer dans
une gorge étroite et dominée de tous
les cotés, située sur les frontières de
l'Acilisène, province delà Grande-
Arménie. Là, l'armée de Mithridate
fut entièrement détruite: Pompée
l'attaqua de nuit; le courage et le dé-
sespoir furent inutiles : tout périt, et
la puissance du roi de Pont fut anéan-
tie. Pour perpétuer à jamais le sou-
venir de cette importante victoire ,
Pompée y fit, quelques années après,
bâtir une ville qu'il nomma Nicopo-
lis,avec le titre de colonie romaine.
Au milieu de ce désastre, Mithridate
parvint à s'échapper, en se faisant;
jour à travers l'armée romaine, suivi
de huit cents cavaliers. 11 en fut bien-
tôt délaissé, et réduit à errer dans les
montagnes, avec sa femme Hypsi-
cratia , sa lille Dripetine , et un offia
cier fidèle. Par bonheur, il rencon-
tra un corps de trois mille hommes,
qui était en marche pour se joindre
a son armée : il le conduisit aussitôt
au fort dcSinoria , <'ù il avait di
ses trésors; il « 1 la plus
i74 MIT
grande partie aux compagnons de
son infortune, et emporta le reste :
il tourna ensuite ses pas vers l'Armé-
nie, et lit prévenir Tigrane de son dé-
sastre et de son arrivée. Ce monar-
que , qui songeait à traiter de la paix
avec les Romains, et qui croyait que
le roi de Pont avait excite son fils
à la révolte , refusa de le recevoir,
et lui lit signifier l'ordre de "sortir
de ses états. Mithridatc résolut alors
de se retirer dans la Colcliide : il
passa l'Euphrate , qu'il suivit jus-
qu'à sa source. Arrivé sur les fron-
tières de la Ghotène, province d'Ar-
ménie , il repoussa un corps de
Ghoténiens et d'ïbériens qui lui dis-
putaient le passage, et traversa l'Ap-
sarus , d'où il arriva bientôt dans la
Colcliide, qui n'avait jamais cessé de
lui être fidèle dans ses malheurs ; et
il passa l'hiver à Dioscurias. Dans
cet asile, il méditait encore des pro-
jets dignes de son ancienne fortune :
il voulait se porter dans le Bosphore,
y soumettre son fils révolté; et de là,
secondé par les Scythes et tous les
barbares qu'il rencontrerai; dans sa
route , il devait franchir les Alpes ,
et aller attaquer les Romains jusque
dans l'Italie. Après avoir réuni tout
ce qui lui restait de soldats, il se
met en marche au retour du pria-
leraps ( G5 avant J.-C. ) , et arrive
chez les Hénioches , qui le reçoivent
avec amitié : les Achéens osent lui
résister ; il les bat : de là , il passe
chez les Mœotes , qui , pleins de la
plus grande admiration pour lui,
s'empressent de lui prodiguer tous
les soins de l'hospitalité. Afin de
tromper les Romains , Mithridatc
resta pendant quelque temps ca-
ché chez ces peuples. Cependant
Pompée s'était mis a sa poursuite :
après avoir vaincu Tigrane, et l'a-
voir forcé à la paix? il avait pénétré
MIT
dans FIbe'rie et l'Albanie, franchi îe
Caucase , et parcouru plusieurs des
régions désertes de la Scythie : n'en-
tendant plus parler de Mithridatc ,
et le croyant mort, il revint dans le
Pout , où il soumit plusieurs forte-
resses qui tenaient encore pour le roi;
il a!la ensuite porter la guerre bien
loin de là, dans la Syrie et jusqu'en
Judée. Quand Mithridate fut informé
du départ de Pompée, il sortit de sa
retraite , et reparut sur la scène , à la
tête d'une puissante armée. Aussitôt
il marche pour soumettre l'ingrat
Macharès , son fils , qui , placé par
lui sur le trône du Bosphore , n'avait
pas eu honte de s'allier avec les
Romains. Etonné de voir arriver
son père , Macharès implora sa clé-
mence; ce fut en vain: Mithridate,
impatient de se venger , avance eu
toute hâte; déjà il est maître de
Chersonésus : pour prévenir le châ-
timent qui l'attendait , Macharès se
donne lui - même la mort. Bientôt
le roi s'empare de Panticapéc; il y
fait poignarder , sous les yeux de sa
mère, un autre de ses fils , nommé
Xipharès, parce que, pour sauver
son fils , cette femme avait livré aux
Romains un fort rempli de trésors ,
qui appartenait à Mithridate : tout
le reste du Bosphore fut prompte-
ment soumis. Cependant les projets
que Mithridate méditait pour aller
attaquer les Romains, commençaient
à être connus de ses soldats : la gran-
deur de ses malheurs et l'audace de
cette entreprise les épouvantaient j
ils n'osaient envisager sans frémir,
les périls et les fatigues prodigieuses
qui les attendaient, et qui étaient peut-
être tout ce qu'il y avait à retirer d'un
projet désespéré.Un mécontentement
général , une fermentation sourde ?
étaient répandus dans son armée; et,
parmi ses officiers , plusieurs se ré-
MIT
oltèrcnt: Castor de Phanagorie don-
na l'exemple en s'em parant de celte
ville; il fut bientôt imite par d'au-
tres. Le roi apprit par ces défections
qu'il devait peu compter sur ses sol-
dats, et qu'il lui fallait chercher
d'autres auxiliaires pour achever
la glorieuse expédition par laquel-
le il voulait illustrer ses derniers
instants: il chargea plusieurs de ses
afBdés de conduire ses filles chez
les Scythes , et de les marier avec
les chefs de ces barbares , pour en
obtenir des secours." Mit h rida te n'at-
tendait plus que leur arrivée, pour
mettre à exécution son grand des-
sein, quand Pharnace, son fils bien-
aimé , son héritier désigné , espé-
rant que les Romains lui restitue-
raient le Pont , a l'infamie de cons-
pirer contre son père. Le com-
plot est découvert , et Mithridate
pardonne à son fils ; mais celui-ci ,
craignant que l'auteur ses jours ne se
repentît de son indulgence , se hâte
de former un nouveau complot. Il
divulgue dans tout le camp les pro-
jets de son père; gagne les transfu-
ges romains , qui étaient les plus
opposés à cette entreprise: l'esprit
de révolte se propage rapidement
parmi les Soldats de la flot
bientôt la défection devient générale.
Mithridate est réveillé par les cris
belles; il veut monter à che-
1 il pour les ramener à leur devoir:
rie qui l'accompagne, pa
leur coté. Il rentre clans son palais.
Les révoltés proclament Pharnace
i\ sa tête du sacré dia ;
et marche;, : j pour s'emparer
de l'infortune monarque. Vainement
plusieurs messagers à
Pharnace , pou rvec lui: ne
les voyant pas t craignant
d'être livré
lut, sans | ; Irè , d« mettre
MIT 175
lui-même fin à sa vie et à ses mal-
heurs. Quelques serviteurs fidèles le
gardaient encore : il monte sur les
murs de l'enceinte qui environne son
palais. La il reproche amèrement à
Pharnace sa lâche ingratitude, l'ac-
cable de ses justes im précations, et le
dévoue à la vengeance des dieux , en
les priant de donner à ce fils crimi-
nel , des enfants aussi dénaturés. Se
tournant ensuite vers ceux qui lui
avaient été constamment attachés
dans sa bonne et sa mauvaise for-
tune, il les remercie de leur fidélité
et de leurs services , et leur conseille
d'obtenir des conditions honorables
de Pharnace, leur déclarant que pour
lui , la mort seule peut le préserver
de l'ignominie qu'on lui prépaie : il
se retire enfin dans l'appartement de
ses femmes , et prend un poison très-
subtil, qu'il avait coutume de porter
sur lui. Ses deux filles, Mithridatis
et Nyssa , promises aux rois d'E-
gypte et de Cypre, le supplient à ge-
noux de les admettre à {partager sa
glorieuse mort, ne demandant que la
grâce de mourir avant lui. Deux cou-
pes sont préparées pour elles ; elles
meurent , mais le poison est impuis-
sant contre Mithridate : il a recours
à son épée , elle trahit encore son es-
pérance ; alors il s'adresse à Bitui-
tus , officier gaulois , qui était là :
« Ton bras m'a souvent et bien
» dans les combats* en m'immolant
» aujourd'hui , tu me prouveras ton
» inviolable attachement. » Ainsi
périt Mithridate, après un règ
57 ans , qui ne fut qu'une longue
guerre contre les Romains. I
où Pompée reçut le cada^ re
grand roi , des mains de S( u mdi-
fils, fut un jour de triomphe.
ne du corps de Mithridal
uperbe armure qu'il
tait dans les bataille t seu-
176 MIT
sibilité de Pompée, qui ne put s'em-
pêcher de plaindre la fin malheureuse
monarque , et de témoigner
l'admiration qu'il avait pour ses gran-
des qualités, en disant que sa mort
avait mis fin à la haine des Romains.
Il traita avec les plus grands égards
les enfants de Mithridate que le sort
des armes avait fait, tomber entre
ses mains; ordonna ensuite défaire
des obsèques magnifiques au roi , et
de le déposer avec honneur dans le
tombeau de ses aïeux, à Sinope. ?ùi-
thridate était d'une haute stature;
l'énergie de son ame indomptable
se peignait dans les traits mâles rie
sa physionomie : son corps n'était
pas moins robuste ; accoutumé dès
son enfance à des exercices très-vio-
lents , il supportait avec facilité les
plus grandes fatigues; il pouvait en
un jour faire des traites de mille sta-
des, en courant sur des chevaux dis-
poses de distance en distance. Son
adresse égalait sa vigueur; il diri-
geait facilement trente -deux che-
vaux dans leur course. Ces qualités
si importantes pour un prince guer-
rier , n'étaient surpassées que par
son courage imperturbable sur le
champ de bataille. Il s'exposait com-
me un simple soldat ; et , couvert
de blessures, il pouvait, pour ainsi
dire, compter , par ses cicatrices ,
le nombre de ses journées mémo-
rables. Il n'était guère moins bien
partagé pour les facultés de l'esprit :
il aimait passionnément les beaux-
arts, surtout la gravure en pierres
fines ; il en avait réuni une immense
collection qui, après sa mort, servit
à orner le triomphe de Pompée , et
fut ensuite consacrée dans le Capi-
tale. Les sciences, les lettres, avaient
été aussi les objets de son affection ,
et plus particulièrement la médecine
et l'histoire naturelle. I! existait de
MIT
lui un traité de botanique , fort esti-
mé des anciens, et très-fréquemment
cité par eux. Enfin sa prodigieuse mé-
moire était telle, qu'il pouvait facile-
ment parler vingt-deux langues, et
s'entretenir, sans interprètes, avec
les nombreuses nations barbares de
la Scythie et du Caucase, qui étaient
soumises à son empire. C'est de là
que nous est venue l'habitude de
désigner par le nom de ce monarque
les recueils de grammaire, de voca-
bulaires , ou d'extraits sur les lan-
gues ( V . Adelung et Conrad Ges-
ner ). Les monnaies de Mithridate ,
en tout métal, sont fort rares; il
n'en existe pas en bronze. Cette ra-
reté a fait croire à plusieurs numis-
mates que ce prince avait renouvelé
la monnaie d'Alexandre, se conten-
tant de distinguer la sienne par un
monogramme particulier. Cette opi-
nion , que nous ne partageons pas,
est sujète à de très-grandes difficul-
tés ; il nous semble que sans y re-
courir, on peut trouver des moyens
plus vraisemblables d'expliquer l'ex-
trême rareté de ses monuments nu-
mismatiques. Quoi qu'il en soit, le
portrait de ce prince nous est par-
faitement connu par des tétradra dî-
mes, frappés dans le Pont, en l'an
1 1 3 de l'ère de ce royaume ( 84 et
83 avant J. G. ), c'est-à-dire, après
que le roi eut fait la paix avec Sylla.
M. Visconti, dans son Iconographie
grecque, tom. n, pag. 137, a donné
une médaille de Smyrne, qui pré-
sente une tête sans légende; mais nous
pensons qu'il a tort d'y voir un por-
trait de Mithridate (1). S. M— -n.
[t) La chronologie de cet article , pour toul
précède la première guerre d. Mithridate contre 1rs
Romains, < >t entièrement neuve; nous
de divers mémoir s encore inédits , mais déjà r<*tn-
muuiques à l'académie ries inscriptions el
lettres , et dans lesquels l'auteur de cet article a <(<•-
■us qu'on peut avoir d'adopter
eau système.
MÎT
MITHRIDATE 1
des Part lies , surnomme le Grand et
le Dieu , peut être regarde comme
le véritable fondateur -de l'empire des
Parthes , qu'il affranchit pour jamais
de la domination des Grecs. Jusqu'à
lui les princes Arsacidcs, renfermes
dans les montagnes de la Parthyène
et de l'Aiie, s'étaient bornes à défendre
leur indépendance contre les Séleu-
, dont ils avaient secoue le
joug. Sous Mithridate le Grand , le
destin des deux familles fut irrévo-
cablement fixe. Tous les pays com-
pris entre l'Euphratc et l'Indus se
soumirent au monarque des Arsa-
cidcs , distingue par le titre auguste
de Roi des Rois; et, de plus , des
princes de la même race furent éta-
blis dans l'Arménie et dans l'Inde.
MitbriÀate voulut unir le nom de
législateur à celui de conquérant :
« Ce roi , ( dit Diodore de Sicile ) ,
» préférait à tout la clémence et la
» bonté: aussi eut-il partout de grands
» succès ; et il étendit fort au loin les
» limites de son empire. Il pénétra
» dans l'Inde, jusqu'aux pays où Po-
» rus avait régné, et subjugua tout
» sans obstacle : arrivé à un tel de--
» gré de puissance , il ne s'aban-
» donna pas au luxe et à l'orgueil,
» comme la plupart des princi
» montra de l'humanité poui
» sujets et du courage conti
» ennemis ; il choisi
» lois des nations nombreuses qui
» étaient soumises à sa puissance ,
m pour les donner aux. Parthes ».
Tun prince qui exerça une
tnde influence sur les destinées
. < t qui devait être si inté-
. nous est
nconnue. Quel-
ques ; . dans les
auteurs grecs , i rmeniens ,
sont tout ce (pu : leur
XXIX.
MIT j7:
intelligence parfaite, et l'ordre dans
lequel il faut les disposer, | ■■
tent de grandes difficultés ; < 'est avec
ces faibles débris , que, dans une His-
toire des Arsacides, eue oie nu
l'auteur de cet. article a essayé d'éta-
blir la véritable succession des faits
relatifs à ce prince , en éclaircissant
tous les textes anciens qui le concer-
nent : voici le résumé de ses recher-
ches sur ce sujet. Mithridatagtoquit
vers l'an 'j>3*>, avant J.-C. SdHpre,
Priapalius, monta sur le troue des
Parthes , en l'an iq3 , après la mort
d'Artaban Ier. : il paraît que dès-lors
Mithridate fut investi du gouverne-
ment de quelque province, où il
exerçait tous les droits de la sou-
;eté; car c'est de cette époque
que datent les années de son règne ,
qui dura cinquante-quatre ans. Pria-
patius occupa le troue pendant quinze
ans , et fut remplacé par son fils
aîné Phrahates 1er.; celui-ci régna
peu de temps : en mourant , il céda
la couronne à son frère, déjà célè-
bre par ses grandes et belles qua-
lités , préférant la gloire et le bon-
heur de son pays a l'élévation de
ses enfants. Dans le même temps
que Mithridate montait sur le tronc
des Parthes, le royaume des Grecs
de la Bactiiane était gouverné par
un prince non moins digne de
lébnté , mais dont l'histoire nous
est également mal connue, (l'était
Eucratydas Ier. : à l'exemple de'
plusieurs de ses prédécesseurs , il
porta ses armes dans l'Inde; et,
comme eux, il fut souverain d<
IS, faut que ses années v furent
cantonnées. Après v avoir promené
longtemps ses troupes victorii
!é de ricin
lis, lorsqu'il fui as-
son fils Eucratydas H , qui étail as-
socié au troue.
12
*1*
MIT
giquc fournit au roi des Parthes une
occasion favorable pour attaquer ce-
lui de la Bactriane ; les Grecs , peu
nombreux , et fatigués par les lon-
gues guerres qu'ils avaient soutenues
dans l'Inde , dans la Sogdiane et la
Drangiàûe, ne firent pas une résis-
tance digne de leurs exploits , dont le
souvenir était encore récent. L'hor-
reur que les compagnons du grand
vdas avait conçue contre
sodHkcide fils, rendit peut-être
aussi plus facile la défaite de ce der-
nier. Quoi qu'il en soit , Eucratydas
II , vaincu par Mithridate , fut obligé
de lui céder plusieurs provinces , et
de reconnaître sa suprématie. Bien-
tôt après, Mitliridate passa dans
l'Inde , redevenue libre par l'abais-
sement des Grecs de la Baclriane.
Nous ignorons le détail de tout ce
qui concerne cette expédition ; nous
savons seulement que Mitliridate sou-
mit toutes les nations situées sur les
rives de l'Indus , et qu'il porta ses
armes jusqu'aux rives de l'Hyphasis ,
dans les pays possédés autrefois par
Porus. I! laissa la souveraineté des
paysconquisàunde sesfrères, qui fut
lasouche d'une nouvelle branchedela
race des Àrsarides. Ces princes sont
connus chez les écrivains orientaux,
sousle nom de rois deKouschan, et
chez les Latins , sous celui de rois de
la Baclriane etdes Indo-Scythes. L'un
d'eux , Arlaban III, parvint à mon-
ter sur le trône de Perse , au com-
mencement du ier. siècle de notre
ère , et devint roi des rois , tandis que
les princes légitimes furent réduits à
chercher un asile chez les Romains:
il transmit le pouvoir à ses des-
cendants, qui le conservèrent jus-
qu'à l'établissement de la dynastie
des Sassanidcs. D'autres princes de
son sang, issus d'une branche colla-
térale, continuèrent de régner dans
MIT
la Baclriane, dont ils étaient encore
maîtres à la fin du quatrième siècle.
Après la soumission de l'Inde , Mi-
tliridate qui, par ses conquêtes, avait
accru considérablement ses forces,
résolut de se mesurer avec les Sé!eu-
cides , et de leur arracher le sceptre
de l'Orient. Le moment ét;;it favo-
rable : la mort d'Antiochus Epi-
phane avait été suivie de longues
dissensions civiles pendant la mino-
rité d'An:iochus Eupator , et les
premières années de DemetriusSoter.
Tandis que ce prince s'abandonnait
à la mollette, Mithridate se rendit
maître de la Médie ; puis il fit la
guerre aux peuples de l'Atropatène ,
vers l'an 160 avant J.-G. Après une
vigoureuse résistance , les Atropaté-
niens reconnurent l'empire du roi des
Parthes , qui leur donna pour prince
un certain Bacasis. Mithridate mar-
cha bientôt après contre les Hyrca-
niens , qu'il vainquit : ce fut ensuite
contre les peuples de l'Elymaide qu'il
tourna ses armes ; ils subirent le joug
comme tous les autres, et accrurent
la puissance de Mithridate , qui se
contenta de leur soumission , et les
laissa sous le gouvernement de leurs
princes particuliers. Les richesses
qu'il trouva dans les temples de l'E-
lymaide, que le roi de Syrie, A11-
tiochus Epiphane avait vainement
tenté de piller quelque temps aupara-
vant , augmentèrent, considérable-
ment les moyens qu'il avait déjà de
faire la guerre aux Séleucides. La
conquête de l'Elymaide fut bientôt
suivie de la prise de la grande Sé-
leucie , sur le Tigre, qui avait suc-
cédé a la puissance et à la splendeur
de Babylone , et qui avait été long-
temps la capitale de l'empire des
Grecs. L'Assyrie et la Mésopotamie
eurent le même sort. En l'an i5i }
les peuples de l' Arménie appellent
MÎT
d'eux- mêmes les armées des Par-
tîtes; et Mithridate place sur le trô-
ne de ce pays , un de ses frères ,
nomme par les Arméniens Vaghar-
schag, qui fut le chef d'une autre
branche de la race des Arsacides.
Après tous ces succès , l'empire des
Parthes, parvenu au pins haut degré
de splendeur , s'élendit depuis le
Caucase indien > jusqu'aux rives de
FEuphrate. La mort de De'mètrius
Soter , roi de Syrie , l'usurpation
d'Alexandre Bala , la guerre qu'il
eut à soutenir contre Déniétrius Ni*
cator , et la révolte de Tryphon ,
donnèrent à Mithridate le temps
d'affermir sa domination sur les pays
qu'il avait enlevés aux Séleuc^dcs.
L'est à cette époque que l'empire des
Parthes, d'abord faible et chance-
celant, fut définitivement constitué.
Ce ne fut que long-temps après , a ers
l'an i43, que Demétrius Micator ,
fils de Demétrius Soter, voulut re-
conquérir l'Asie: voyant que presque
tous ses sujets étaient révoltés contre
lui , et que le perfide Tryphon s'em-
parait successivement de toutes les
provinces, il résolut, par quelque bril-
lant exploit, de regagner l'affection
des peuples de Syrie, et de leur faire
oublier l'indigne mollesse dans la-
quelle il avait passé les premières
années de son règne. Il tenta donc
une expédition dans la Haute-Asie,
afin de recouvrer les provinces que
les Parthes avaient enlevées
vitre, et d'en tirer de nouvelles forées
pour combattre Tryphon. Tous les
peuples de l'Orient . impatients du
joug des Parthes, l'invitèrent, par
leurs arabi ntreprendre
cette expédition. ! de la Perse,
de l'Elymaïdei
contents defaii tu utiles
au succès de g
rcut encore de uiétrius
MIT
passa donc l'Euphrate, et vainqui,
les Parthes dans plusieurs bâtai
Séleucie lui ouvrit ses portes ; et il
pénétra jusque dans la Médie, où
il trouva le terme de ses
Trompé par de feintes propositions
de paix , il vit son armée défaite par
un des généraux de Mithridate, et lui-
même tomba entre les mains du vain-
queur. Le roi des Parthes fit parcou-
rir tous ses états à son prisonnier ,
et le mena particulièrement dans les
pays qui s'étaient révoltés , où il le
montra comme un exemple éclaLant
de l'instabilité de la fortune. La dé-
faite de Demétrius fut suivie de la
soumission de tous les pays qu'il avait
envahis; et l'Asie rentra presque sans
combat sous l'empire de Mithridate.
Demétrius fut aussitôt envoyé dans
l'Hyrcanie, où il fut traité avec beau-
coup de douceur, et d'une manière
conforme à son rang. Pour adoucir
ses chagrins, Mithridate lui donna en
mariage une de ses filles, nommée
Piodogune, et il promit de le rétablir
- sur le trône de Syrie. Le roi des Par-
thes mourut avant d'avoir pu ac-
quitter sa promesse : il périt, eu l'an
189 avant J.-C. , empoisonné, à ce
qu'il paraît, par un de ses frères
nommé Gosithris ,à l'âge de quatre-
vingt-treize ans. Son fils Phrahates
Il lui succéda. S. M—
MITHRIDATE II, neuvièn
des Parthes , neveu du préc<
était fils d'Artaban II , mort des
suites d'une blessure qu'il avait re-
çue dans une bataille contre les Tho-
chariens , nation scythique qui, de
concert avec plusieurs autres
pladcs barbares , faisait une
acharnée aux Parthes. Phraha
prédécesseur d'Artaban ,
ses | 1 urs , Mithridate II
12..
MÎT
reprit la guerre avec une nouvelle
ardeur ; il paraît qu'elle fût encore
très-longue : à la fin , la victoire resta
aux Parthes. Nous ignorons tous les
détails de ces événements : tout ce
que nous pouvons démêler , c'est que
les nations scylhiques qui avaient dé-
truit le royaume grec de la Bactria-
ne, et quil'avaicnt occupé,ainsi que la
Sogdiane,la Draugiane et les régions
limitrophes de l'Indus, furent obli-
gées de reconnaître alors la supréma-
tie des Arsacides ; que la branche de
la famille royale, établie dans l'Inde,
reçut une extension de territoire , et
que c'est alors qu'elle fixa sa rési-
dence dans la ville de Balkh , la Bac
tra des anciens. En partant pour com-
battre les Scythes, Mithridate avait
confié le gouvernement et la défense
des provinces occidentales de son
empire à un Hyrcanien appelé Hirné-
rus , qui avait été son compagnon
d'enfance. Sous prétexte de recher-
cher ceux qui avaient pris le parti des
Grecs pendant l'expédition qu'An-
tiochus Sidétès , roi de Syrie, avait
faite sous le règne de Phrahatcs II ,
Himérus appesantit le joug le plus
tyrannique sur les habitants de Ba-
bylone et de Séleucie : croyant aussi
que Mithridate ne viendrait jamais
à bout de la guerre contre les Scy-
thes , il se révolta , et prit le titre
de roi , qu'il garda quelques années ,
jusqu'à ce que la victoire eût mis
Mithridate en état de le châtier.
Nous ignorons la suite de l'histoire
de ce prince ; nous voyons seule-
ment, par les historiens arméniens
qui le nomment Arschagan , qu'il
eut de grands démêlés avec Ardas-
chès ou Tigrane , roi d'Arménie
( père du célèbre Tigrane ) , qui , d'a-
bord trop faible pour lui résister ,
avait été forcé de lui donner son
fils comme un gage de sa soumission,
MIT
mais qui, ensuite plus heureux, avait
réduit Mithridate à lui céder le titre
de roi des rois , et a le reconnaître
comme le premier prince de l'Asie.
On sent bien que cet abaissement
forcé ne devait pas faire du roi des
Parthes un vassal bien fidèle pour le
roi d'Arménie : aussi quand Syllà ,vers
Tan 96 avant J.-C. , eut replacé sur
son trône Ariobarzane, roideCappa-
doeequienavaitétéchassépar Mithri-
date roi de Pont, et par Tigrane roi
d'Arménie, le souverain des Parthes
envoya Orobaze, un de ses courti-
sans , pour faire alliance avec le gé-
néral romain. Il paraît que celle
ambassade mécontenta le roi d'Ar-
ménie ,• car, peu après, Mithridate fit
mourir son envoyé, sous prétexte
qu'il s'était mal conduit dans cette
occasion, mais sans doute pour ne
pas s'attirer une guerre avec Je roi
d'Arménie. La mort de ce prince, qui
fut assassiné en l'an 91 , dans l'Asie-
Mineure, où il avait entrepris une
expédition de concert avec le roi
de Pont, présenta une occasion fa-
vorable à Mithridate pour reprendre
le titre dont il avait été dépouillé. Le
jeune Tigrane,* mal affermi sur son
trône, fut forcé de lui céder soixan-
te-dix vallées ou cantons limitro-
phes de ses états ; et le royaume des
Parthes fut replacé au premier rang
dans le système politique de l'Asie.
Mithridate intervint alors clans les
démêlés qui agitaient la Syrie. Sin-
nacès, un de ses généraux, passa
l'Euphrate par son ordre, et se joi-
gnit à Straton , tyran de Berrhée ,
qui défendait le roi de Syrie, Phi-
lippe fils d'Antiochus Grypus , con-
tre son frère Démétrius, qui lui dis-
putait la couronne. Démétrius fut
vaincu, et emmené prisonnier chez
les Parthes , l'an 88 avant J.-C. Dans
le même temps, Mithridate faisait la
MIT
guerre à Tigrane, qui voulait sans
doute reprendre le titre supr< *
dans une bataille livrée sur les bords
de ('Araxe, le roi des Parthes fut
tue par un soldat thrace; et l'empire
de l'Asie resta aux. Arméniens. Cet
eVénement arriva également en l'an
88. L'histoire de Milhridate II a en-
core plus souffert des ravages du
temps, que celle de Milhridate Ier.
Ce n'est pas sans beaucoup de peine
que nous avons retrouvé dans les
auteurs anciens, le petit nombre de
passages qui concernent ce prince, et
que nous sommes parvenus a les ex-
pliquer et à les coordonner. S. M.-x.
MITHRIDATE III, treizième roi
des Parthes, iiis et successeur de
Phrahates III ; monta sur le trône ,
en l'an 58 avant J.-C, par l'assassi-
nat de son père. Il fut à peine roi,
qu'il entreprit une expédition en Ar-
ménie, contre Tigrane et son fils Ar-
le; il était excite' à cette guerre
par Tigrane le jeune, fils du roi d'Ar-
ménie, qui s'était échappé de Rome,
où on le gardait prisonnier, et avait
hé un asile chez les Parthes.
Tandis que Mit hridate faisait la guer-
re en Arménie, son frère Orodes, qui
avait pris part au meurtre de son
père , voulut profiter de sou absence
pour s'emparer do La couronne. Mi-
lhridate revint aussitôt dans son
royaume, et vainquit Orodes, qui se
réfugia dans une province éloignée,
abandonnant ses partisans à la ven-
e de son frère : celui-ci se con-
duisit avec tant de cruauté, que les
grands et le peuple, également indi-
gnés , rappelèrent Orodes, Milhri-
date fut vaincu , et contraint de lui
céder la couronne i e du
royaume de Médie, qu'il obtint en
Q nouveau
partage, Mil ni. innés
bientôt après ; ce fut sans succès :
MIT
8t
Orodes le vainquit encore, le chassa
de son royaume, cl le força de cher-
cher un asile en Syrie , auprès de
( i.ojinius , lieutenant de Pompée, qui
en était alors gouverneur, l'an 5.J.
avant J.-C. Ce général se préparait
à l'aire la guerre aux Arabes, lorsque
Milhridate vint réclamer son secours
pour être replacé sur son trône. Déjà
: uns se disposait à passer l'Eu*-
phrate, quand des ambassadeurs de
Ptolérnée Aulélès vinrent l'engager à
rétablir ce prince, qui avait aussi ete
dé'rôné. Cette expédition présentait
à Gabinius des succès plus faciles, et
plus de richesses à acquérir : il ajour-
na donc à l'année suivante l'expédi-
tion contre les Parthes. A son retour
d'Egypte , il fut rappelé par le sénat;
de sorte que Mithridate se vit privé
de tout espoir de rentrer dans ses
états. Gabinius , en partant de Sy-
rie , donna une forte somme d'ar-
gent à Mithridate. Celui-ci ^accom-
pagné du général parthe Orsanes ,
qui l'avait suivi dans son exil, passa
l'Euphrate, et alla joindre les Arabes
de Mésopotamie , qu'il n'eut pas de
peine à réunir à son parti. Bien-
tôt, par leur secours, il fut maître
de Babylone et de Séleucie: Surena,
général d' Orodes, fut envoyé pour
le repousser, et y réussit. Mithridate
vaincu se réfugia dans Babyione , où
il fut assiégé; il y (it une vigoureuse
résistance : la famine le força de s'a-
bandonnera la générosité de son frè-
re, qui le (il m • veux,
en l'an 53 avant J.-C. S. M — y.
MITTARELL1 Jean-Benoit ) ,
l'un des plus savants hommes qu'ait
produits l'ordre des Cainaldules,était
: 1 708. Après avoir
terminé ses études, il prit l'habit re-
ligieux, et fut chargé par ses supé-
rieurs d'enseigner la philosophie, et
la théologie au couvexU de Saint-Mi-
s->.
MIT
. îl s'acquitta de celte double
avec beaucoup de succès, et
fui élu, en 1747, procureur de sa con-
. Dans Ja visite qu'il fit des
monastères, il recueillit
Un grand nombre de chartes et de
s originales très-intéressantes ;
igocicle P. Aat. Gostadoni,
l'un de ses élèves {V. Gostadoni,
X, 5i), ils rédigèrent les Annales
de l'ordre des Camalduïes, et les ac-
compagnèrent de dissertations qui
jetient un grand jour sur les points
les plus importants de l'histoire ec-
clésiastique et civile de l'Italie au
moyen âge. D. Mirtarelli fut élu, en
1^56, supérieur des maisons de son
ordre dans les états Vénitiens, et,
en 1764? supérieur-général de l'or-
dre , dignité qui l'obligea de fixer sa
résidence à Rome. \\ y reçut un ac-
cueil distingué du pape Clément XIII,
la plupart des membres du
s acre' collège' mais en quittant ses
ions, il se hâta de revenir au
couvent de Saint-Michel dont il était
: il y passa les dernières années
de^ sa vie, partageant son temps
entre la prière et l'étude, et mourut
le 14 août 1777. Ses principaux
iges sont : J. Memorie délia
-vita di S. Parisio , monaco camal-
dolese , e del monastero di S S.
Cristina e Parisio di 1 'révisa , etc.,
Venise, 174S. II Memorie del
monastero di Sl\ Trinità, Faënza ,
1749. III. Annales Camaldulenses
ordinis S. Benedicti, ab anno 907
ad ann. 1770, etc., Venise, 1 755-
73, 9 vol. in-fol. Ce grand ouvrage
est exécuté sur le même plan que les
des de D. Mabillon. IV. Ad
Script ores rerum Italie arum CL
■orii accessiones Faventinœ ,
etc., ibid., 177 1 , in-fol. C'est un
il d'anciennes chroniques delà
"Ville de Faënza. Y. De litteraturd
MIT
Faventinorum sive de vins doctis
eïseriptoribusurbis Faventinœ ,'ibià*
1775 , in-fol. C'est l'histoire litté-
raire de Faën/.a. André Zannoni a
publié sur cet ouvrage des observa-
tions critiques auxquelles Mittarelli a
rependu {P. le Journal des savants,
nov. 1776, p. 75S ). VI. Bibliotlie^
ca codicum Mss. S. Michaelis Ve-
netiarum cuin appendice librorum
impressorum xvsœculi , ibid., 1 7 79,
gr. in-fol.; ce Catalogue est estimé.
W— s.
MITTERPACHER (Louis), pro-
fesseur d'économie, d'histoire na-
turelle et de technologie, à Pesth ,
y est mort le 24 mai 181 4 : il était
né en 1734. Outre plusieurs ouvra-
ges en allemand et en hongrois, il a
écrit en latin : Elementa reirusticœ}
à l'usage des académies de Hongrie,'
1779-94, en 3 parties, in-8°. —
Iter in Poseganam Slavoniœ pro-
vinciam , avec Mathias Tiller, Pesth,
1783, in-4°. — Primes lineœ histo-
riée naturalis , à l'usage des acadé-
mies de Hongrie , ib. , 1 79$ , in-8°. ;
■nouv. éd., 1807. M — on.
MITTIÉ (Jean-Stanislas), né
à Paris en 1727, devint médecin or-
dinaire de Stanislas , roi de Pologne,
qui tenait sa cour à Nanci. Sa qua-
lité, et plus encore ses talents, le fi-
rent recevoir à l'académie de cette
ville. Après la mort du monarque,
Mitlié vint à Paris exercer son état :
il fut docteur-régent de la faculté de
médecine, et mourut en 1795. Il
s'était spécialement occupé des ma-
ladies vénériennes , voulait faire re-
noncer à l'usage du mercure, et a
publié quelques écrits sur ce sujet.
II est inutile de rapporter les vers
très-médiocres que jui avait adressés
l'abbé Porquet; mais voici la liste de
ses ouvrages : I. Dissert atio : ergo
in vulneribusihoracis lœsi pulmoniç
MIT
condhioni conducet aèrperipsum et
qjuIjius in thoracem admissus, 1 7 60,
in-4°- II. Etiologe nouvelle de
la salivation, 1777, in-8°. III.
Lettre à V auteur de la Gazette de
santé, 1780, in-8°. IV. Observa-
tions sommaires sur tous les rai-
tements des maladies vené iennes,
particulièrement avec les végétaux,
pour servir de suite à V Etiologie
de la salivation, 1779, in- 12. V.
Suite de V Etiologie de la saliva-
tion, 1781 , in-8°. VI. Lettres à la
faculté de médecine, au collège de
chirurgie, et à ï académie des scien-
ces, en leur envoyant les pièces ou il
(Mittié) a publiées sur les maladies
vénériennes, 1784, in - 8°. VII.
Avis au peuple (sur les maladies vé-
nériennes), I7g3, in-8°. , etc.
A. B— t.
MIZAULD (Antoine ) , médecin
ri astrologue , était ni >o , à
Montluçon , petite ville du Bour-
bonnais. Il vint achever ses études
à Paris , et y reçut ses degrés en mé-
decine : il avait appris, dans le même
temps , les principes de l'astrologie
d'Oronce Fine ; et à une époque où
tout était encore conjectural dans
l'art de guérir , il chercha les causes
des maladies et leurs remèdes, non
dans l'observation de la nature,
mais dans la position des planètes
entre elles ou à l'égard de la Terre.
Un jai . otifique , el , sans
doute , quelques cures heureuses, le
luirent assez promptement en vogue.
On apprend , par Ja dédicace d'un de
ses ouvrages ( De mundi Sphœrd ) ,
qu'il était, fort bien vu à la cour , et
que la , ite de \ a-
lois lui faisait l'honneur de l'admettre
on intimité. Quelques vers, dans
lesquels on 1 |,. surnom
d'Esculape de ' • , v\ [es at-
tculious dont il était l'objet, lui per-
MIZ i83
suadèrent qu'il avait quelque chose
de divin. Il abandonna la médecine,
comme une science trop vulgaire,
pour se livrer entièrement a 1"
îogie , et a la rédaction de ses ou-
vrages , qui eurent un succès bien
inconcevable aujourd'hui. L'illustre
de Thon lui-même en parle avec élo-
ge; et il ose assurer qu'ils seront tou-
jours estimés des juges compétents.
Mizauld mourut à Paris , en 1078.
Sa réputation lui survécut long-
temps : vers le milieu du dix-septième'
siècle , le libraire P. Ménard avait
formé le projet de publier le recueil
des ouvrages de Mizauld ; mais il en
fut détourne4 par Naudé , qui lui fit
sentir qu'il garderait dans son ma-
gasin ce fatras d'inepties , de men-
songes et de contes puérils ( Voj. le
M as curât , p. 1 35 ). On ne s'atroid
pas à trouver ici la longue no
clature des écrits de Mizauld ; Nice-
ron en a rapporté les titres dans le
tome 4° de ses Mémoires ; on se
bornera à citer ici les principaux :
I. Le Miroir du temps, autrement
dit Ejjhémérides perpétuelles de
l'air, etc., Pa;is, i5/J7 , in-8°. ;
rare et recherché de cpielques cu-
rieux. II. Cometographia ; item
Catalogus cornet arum usauè ad an-
num i54o visarum , cum portentis
et ( ve.nl i s quœ secuta :unt, ibid. ,
î549, in-8G. Lalande dit que celte
édition est in-4°. III. Planetogra-
phia ex (pid cvlcstium
cum hum unis et astronomiœ cum
medicind societas eihannonia ape-
ritur , Lyon, r">5i , in-4à. ; trad.
en français par Montlyard. IV. De
mundi sphœrd wgraphid
libri très, Paris
. > ».
1567
un poème dédi
de Valois. V. Noi
pour incontim lu naturel
d'un chacun pa
i8'f MIZ
du front et de ses linéaments, ibicl. i
i ;")'():"), in-8°. Cette invention n'était
nouvelle , puisque la Méto-
poscopie de Cardan avait été publiée
dès i558, eu latin et en français
( V. Cardan ). VI. Memorabilium ,
ulilium et jucundorum centui
arcanorjun 7 ibid. , 1 5(30 , in-8°.;
compilation réimprimée plusieurs
fois avec des additions et des com-
mentaires, et enfin sous ce titre :
Mizaldus redivivus sive memorabi-
lium centuriœ su, etc., Nurem-
berg, 168.1 , in- 13. C'est un tissu
de fables et de contes populaires.
VII. Les Secrets de la lune , opus-
cule non moins plaisant qu'utile ,
sur le particulier concert et mani-
feste accord de plusieurs choses du
le avec la lune, etc., Paris,
1 5jb , in -4°. ; 1071, in-8°. : au dé-
faut de l'ouvrage qui est rare , on en
trouvera l'analyse dans les Mélanges
tirés d'une grande bibliolh. t. b b,
p. 1 1 3 et suiv. Il y a des choses bien
singulières. VIII. Ifistoria horten-
sium irovusculis methodicis conten-
ta, etc., Cologne, 1 S77, in-80.; trad.
en français par André de La Caille .
sous ce titre : Le Jardinage de Mi-
zauld , contenant la manière d'em-
bellir les jardins , et comment il
faut enter les arbres et les rendre
médicinaux, Paris, i5n8, in-8°.
Cette traduction est rare et recher-
chée. Mizauld conseille, dans cet ou-
vrage, de préférer dans les maladies
l'usage des plantes indigènes aux
remèdes composes des apothicaires:
cette idée , qui trouva des partisans,
le brouilla , dit- on, avec ses con-
frères. Ghilini a publié Y Éloge de
Mizauld dans le Teatro d'huomini
letterati, t. Ier. W — s.
MNÉSICLÈS, architecte grec,
construisit à Athènes , sous le gou-
UTnement de Péridès, un des plus
MNE
parfaits monuments de l'art des an-
ciens, le vestibule et les porliq
connus sous le nom de Prop;. I
qui formaient la magnifique entrée de
F icropolis ou citadelle d'Athènes.
Mnésiclès les commença sous Far-
chontat d'Euthymène, 4^7 ans av«
J.-C, et les termina en cinq années:
les dépenses s'élevèrent à f2,oia ta-
lents ( 10,864,800 fr.) Les plafonds
étaient formés par des blocs de inar-
bre d'une grandeur et d'une î;
surprenantes. Tous les arts rivalisè-
rent avec l'architecture pour orner
ce superbe vestibule : les Romains y
ajoutèrent quelques embellissements.
Lorsqu'Athènes passa sous la domi-
nation des Turcs, ceux-ci ouvrirent
une autre entrée à la citadelle -y et
les Propylées furent encombrées de
murs qui bouchèrent les entrecolon-
ncments , et flanquées de lourds bas-
tions qui masquèrent leur noble as-
pect. Les combles et les architraves
furent presque entièrement détruits :
mais ce qui reste aujourd'hui de cet
élégant édifice , suffît encore pour en
retrouver tout l'ensemble, pour en
faire admirer la perfection , et pour
rendre immortel le nom de Mnési-
clès. L — s — E.
MOAWYAH ter. sixième succes-
seur de Mahomet et premier khalyfe
de la dynastie des Ommayades, na-
quit à la Mekke , vers le commen-
cement du septième siècle de l'ère
chrétienne, dans la tribu de Cora'isch
ou Koréisch. Arrière-pelit-fils d'Om-
maya , qui était cousin - germain
d'Abd-al-Mothalleb, a'ieul de Ma-
homet , il avait pour père le fameux
Abou-Sofyan , l'un des décemvirs de
la Mekke, le plus puissant et le plus
cruel ennemi du législateur des Mu-
sulmans {V. Mahomet, XXVI,
190 ). Après la conquête de cette
ville par Muhqmet 7 Abou - Sofyan
MOA
et son fils embrassèrent l'islamisme ;
et le second devint un des secrétaires
du prophète. Nomme , l'an 20 (6 \ 1 ),
au gouvernement de Syrie, il le pos-
pendant les quatre dei •;.
années du khalyfat d'Omar, et les
douze années que dura celui d'O-
thmau, dont il était proche parent.
Il dut, sans doute , à ce titre l'indul-
gence de ce prince , auquel il avait
été dénonce comme concussionnaire.
Sous le règne de au 28
(648-9;, il conquit l'île de Cypre •
mais, deux ans après, el!e retourna
au pouvoir des Grecs. L'an 3o (6 ~> 1 ),
il s'empara de l'île de Rhodes , fit
mettre en pièces le fameux, colosse,
et en vendit les débris à un Juif,
qui en chargea, dit-on, neuf cents
chameaux. La même année , il per-
dit son père Abou-Sofyan. Othmaii
ayant été «ssassinë, Moawyah , sous
prétexte de venger sa mort , 1
de reconnaître Aly, son succès
( V. Aly , \. 5Gg ) Proclamé khaiyfe
en Syrie, et voulant enlever l'Egypte
à son compétiteur , il lui en r
suspect le gouverneur ? qu' Aly rem-
plaça par Mohammed, fils d'Abou-
et l'un des assassins d'Othman.
Ce choix ilé des troubles
en JÈgypte , Moawyah donna des
troupes à son ami Amrou , pour
qu'il en chassât Mohammed; et afin
de lui cii ouvrir l'entrée, il lit em-
poisonner, dans du miel , le gi
qu'Aly envoyait au secours de ce
1 aeur, Amrou joignit al;.,
forces aux partisans d'Othman, et
attaqua Mohammed qui , ayant élé
vaincu et t'ait prisonnier, fut 1
dans le corps d'un âue , et brûlé
vif. Tel fut le sort du ûls du premier
khaiyfe, du frère de l'épouse chérie
du prophète. 1 Moawyah
soumit, pai iants
Médine, ta Mekke, l< et lit
MO
périr en Arabie un grand m
de partisans d'Aly. Sur la fin de la
même année, trois Kharedjites a
tenté d'immoler à-la fois Aly , Moa-
wyah et Amrou, k la tranquillité de
l'empire, Aly seul succomba sous
le fer de l'assassin • et Moawyah ,
quoique blessé de manière à ne pou-
voir plus désormais être père, de-
vint plus puissant par la mort de
son rival. Il contraignit Haçan, fils
et successeur de ce dernier , à se dé-
mettre du khalyfat , l'an 4 l (66 1 ), et
à se retirer à Médine, où il le fit em-
poisonner dans la suite. Moawyah fit
alors son entrée dans Koufah; et mal-
:s efforts des Kharedjites , il fut
reconnu khaiyfe dans tout l'empire.
Deux ans après , mourut le célèbre
Amrou , conquérant de l'Egypte ,
dont Moawyah lui avait rendu le gou-
vernement, et laissé, en quelque so; te,
la souveraineté ( V \ Amrou, tom. II.
p. 65). Le khaiyfe répara bientôt
cette perte, eu attirant dans son. parti
et à sa cour le fameux Zcïad , gouver-
neur du Farsistan , qu'il reconnut
publiquement pour son frère, et au-
quel il confia les gouvernements im-
portants de Bassorah et de Koufah ,
tels dépendait toute la Perse ; et
il y ajouta plus tard ceux du Sind et
de toutes les cotes et îles du golfe
Persique. L'an 40, Moawyah fit em-
poisonner Abd-crrahman (fils du cé-
Khaled ), parce qu'aimé des
Syriens, celui-ci pouvait être un jour
un rival redoutable pour Je fils du
khaiyfe. Se voyant affermi sur le
trône, Moawyah s'occupa de reculer
les bornes de l'empire, par des
quêtes que les guerres ci\ îles avaient
rompues depuis plusieurs an-
En Occident, les armées mu-
sulmanes pénétrèrent jusqu'à !"•
Atlantique; et Okbah, l'un de leurs
généraux, bâtit, près de Tunis, la
i85
MOI
ville de Kairowan , qui devint la
résidence des gouverneurs de l'Afri-
que. Vers l'Orient, les Arabes, sous la
conduite d'Obéid-AIlah, fils de Zéiad,
et ensuite de Saïd , fils du khalyfe
Otliman , traversèrent le Djihoun
( l'Oxus ) , envahirent la Sogdiane ,
s'emparèrent de Samarkand, et pri-
rent Termed par capitulation. Les
armes de Moawvah eurent moins de
succès contre les Grecs. Son fils Ye-
zid , et Sofyan, fils d'Auf , l'un de
ses généraux, arrivèrent devant Cons-
tantinople , qu'ils assiégèrent par
mer et par terre. Ce siège dura six
à sept ans; mais, pendant l'hiver ,
les Musulmans se retiraient à Cyzi-
que, et recommençaient les hosli-
lite's à chaque printemps. Enfin, leur
flotte ayant été détruite, en grande
partie, par le feu grégeois, et leur
armée de terre complètement battue
par les troupes de Gonstantin-Pogo-
nat, Moawyah fut obligé d'acheter
la paix, l'an 58 ( 678). Ce fut pen-
dant cette expédition que mourut
Abou-Ayoub, l'un des compagnons
du prophète. Il fut enterré près des
remparts de Constantinoplc; et sur
son tombeau fut depuis élevée la
mosquée qui porte encore son nom ,
et dans laquelle les sulthans otho-
mans se rendent en pompe le jour
de leur avènement à l'empire. Trois
ans auparavant , Moawyah , qui ré-
sidait à Damas , avait voulu y faire
apporter le bâton et la chaire du
prophète , de peur que ces précieu-
ses dépouilles , restées à Médine, n'y
tombassent au pouvoir des partisans
d'Aly : mais une éclipse de soleil
ayant eu lieu dans le moment même
où les gens du khalyfe portaient la
main sur cette chaire, on crut que
Dieu s'opposait à son dessein , et on
hissa ces reliques à Médine. Jusqu'â-
iurs le khalyfat avait été électif; ce
MOA
fut l'an 56 (G76) que Moawyah ,
le possédant sans compétiteur, vou-
lut le rendre héréditaire dans sa fa-
mille, en faisant reconnaître son fils
Yezid pour son successeur. Il y réus-
sit en employant à propos l'argent
et les menaces, et malgré la résis-
tance d'Abderrahraan , d'Abdallah
et de Houcéin, fils des khalyfes Abou-
bekr , Omar et Aly , et d'Abdallah ,
fjls de Zobeir. Mais la mort le déli-
vra, deux ans après, d'Abderrahman
et d' Aiescha , sa sœur, veuve du pro-
phète. Le jour que Yezid fut procla-
mé khalyfe , son père adressa cette
prière à Dieu : « Seigneur, affermis-
» sez mon fils sur le trône, s'il en est
» digne, comme je le crois ; sinon ,
» arrachez de ses mains un sceptre
» qu'il ne porterait point pour votre
» gloire. » Il est évident que l'ambi-
tion et la tendresse paternelle aveu-
glèrent également Moawyah. Aussi
trouva-' -il des désapprobateurs dans
sa propre famille, et surtout dans
sa tante Arwah , qui était cousine
germaine d'Aly ; et le choix qu'il fit
de son fils excita plus de méconte-
ments, de troubles et de guéries que
sa propre usurpation f V. Yezid Ier.)
Moawyah mourut à Damas , à l'âge
de soixante- dix ans , au mois de
redjeb 60 de l'hégire ( mai 680 ) ,
après avoir régné dix-neuf ans , de-
puis l'abdication de Haçan. Il avait
possédé la Syrie pendant quarante
ans, soit comme gouverneur, soit
comme khalvfe. Avant d'expirer , il
se fit porter à la mosquée , et dit au
peuple : « Je suis comme le blé
» qu'on va moissonner ; je vous ai
» gouvernés si long-temps , qu'enfin
» nous sommes las les uns des au-
» très : si je n'ai pu égaler aucun de
» mes prédécesseurs , je ne serai sur-
» passé par aucun de ceux qui me
» succéderont. » Ensuite il envoya
MOA
ses derniers avis à son fils qui était
absent , et lui recommanda surtout
de traiter avec beaucoup d'égards
les Arabes dont il tirait son ori-
gine ; de ménager les Syriens , ses
plus fidèles sujets ; de s'attacher par
ses bienfaits , Houcein , (ils d'Aly ;
de ne faire aucun quartier à Abdal-
lah, fils de Zobéir; et d'être avare
du sang des Musulmans. Moawyali
possédait éminemment toutes les qua-
lités nécessaires à un usurpateur , à
Un fondateur de dynastie. Toujours
maître de lui-même, il savait à pro-
pos cacher ses desseins, réprimer sa
violence naturelle, mettre des bornes
à son économie, oublier les injures,
caresser ses ennemis, et gagner tous
les cœurs , par ses manières pleines
de grâce , de noblesse et de bienveil-
lance. Ce fut par ses artifices , par
ses perfidies, qu'il triompha d'Aly,
qui poussait la franchise et la loyauté
jusqu'à l'inconséquence et à l'indis-
crétion. Moawyah eut surtout l'art
de se faire des amis, de les conser-
ver, et de s'attacher les soldats; ce
talent manquait à son rival. Enfin , il
montra l'heureux et redoutabie as-
semblage des traits qui ont caractérisé
les trois premiers empereurs romains:
il eut le courage, l'éloquence, l'affa-
bilité, la libéralité de César; l'ambi-
tion, 1j souplesse et la tardive clé-
mence d'Auguste; la politiqu
dissimulation et la cruautéde ï '$
yah fut le premier khalyfequi
établit des relais sur les routes; le
premier qui, à cause de son embon-
point, se tint assis en parlant au
peuph mosquée j le premier
q«i s'j lieu disti
exhaussé; le premier qui, de peur
d'oublier le qu'il aval;
paré , prononça la khotkbah( le prô-
ne ou sermi
es. Mais i ; a |e
MOA 187
plus contribuéà le rendre odieux aux
les, ou sectateurs d'Aly ,
d'avoir, le premier, obligé les Mu-
sulmans de prêter serment de fidélité
à son ills, et d'avoir dépouillé du kha-
lyfat la famille du prophète. A — t.
MOAWYAH 11, 3V khalvfe
Ommayade, petit-fils du précédent,
fut proclamé à Damas, le \5 ra-
by 1 , (34 de l'hég. ( l 'i nov. 683), aus-
sitôt après la mort de son père Yezid
Ier. qui, avant d'expirer, l'avait dé-
claré son successeur. A peine âgé
alors de 2 1 ans, ce prince , faible de
complexion, se distinguait par sa
piété, par l'austérité et la simplicité
de ses mœurs. Élevé par le docteur
Omar-al-Maksous , dans la secte des
Kadaiïtes (1), il le consulta, avant
d'accepter le khalyfat; et d'après son
avis, il consentit à essayer s'il au-
rait assez de forces pour supporter
le poids du gouvernement. En quit-
tant sa retraite, il fit graver sur son
cachet cette devise qui était l'expres-
sion de ses sentiments : Le monde
nest que tromperie. Mais à peine
eut-il régné six semaines, ou , selon
quelques auteurs, trois ou quatre
mois, que, fatigué d'une grandeur im-
portune, il résolut de s'en dépouiller.
11 convoqua donc une grande assem-
parla ainsi : « Moawyah , mon
aïeul , a usurpé le khalyfat sur le
gendre du prophète , le vertueux Aly :
, mou père, a consommé celte
lion par la mort de Houcein,
fils d'Aly. Je ne veux point me char-
ger d'une autorité injuste dont j'au-
rais à rendre compte devant Dieu,
(moisissez donc un autre k!ial\i'<-. »
Kl comme on le pressait dedésif
lui-même son successeur: « J'au
• il'- s r|c , ,|, , .
11 i. lit li pi< il. -il ual Ion . alhil)U«i( & Dieu ti i I
tu me C.iil , el h l'homme ieul tout le mal
:i mI naîtra Je >e§ action*
MOA
bien en cela , rcpiit-il , suivi l'exem-
ple d'Aboubekr, si j'avais connu un
Omar; et j'aurais imite ce dernier,
en désignant six candidats, si j'avais
pu trouver six hommes qui en fussent
dignes. N'ayant pas joui des avan-
tages du khalyfat, il n'est, pas juste
que ma conscience soit chargée du
choix délicat de celui qui doit me
remplacer. J'aime mieux vous en
laisser juges vous-mêmes. » A ces
mots , il quitta l'assemblée, et alla se
renfermer dans sa maison, dV>ù il
ne sortit plus jusqu'à sa mort, qui
suivit de très-près son abdication.
Il fut surnommé, à cause de cela ,
Aboù-Leilah ( le Père de la nuit ).
Il mourut de la peste ou par le poi-
son. On prétend que les Syriens en-
terrèrent vivant Al-Maksous, le soup-
çonnant d'avoir conseillé à Moa-
wyah cette démarche impolitique,
qui occasionna de grands déchire-
ments clans l'empire , et i;t couler
des flots de sang musulman. ( Voyez
Merwan Ier. tom. XXV1ÏI , Ab-
dallah ibn Zobaïr et Abdelmelek.
tom. I , p. 5 1 et 54. ) A — t.
MOB AREZ - EDD YN MOH A M-
MED-CH AH, fondateur de la dynas-
tie des Modhafferides , en Perse ,
était issu d'une famille arabe, éta-
blie dans le Khoraçan dès le pre-
mier siècle de l'islamisme. Son bi-
saïeul , Éuiyr Gaïath-eddyn Hadjy ,
ayant quitté cette province, lors de
l'invasion des Tartares sous Djen-
ghyz-Khan , se retira dans les envi-
rons de Yezd. Sa taille et sa force
étaient si prodigieuses , qu'il ne put ,
dit-on , trouver de chaussure à son
pied dans cette ville, et que , plus de
trois cents ans après, on y montrait
encore son épée, qui pesait trente-
six livres. Modhaûer, son petit-fils,
distingué par sa bravoure, ses ver-
tus et sa piété , obtint le gouverne-
MOB
ment de Mibad , de l'atabek You-
souf Chah, prince de Loin is tan; et
ayant ensuite passé au service d'Ar-
ghoun Khan , souverain de la Perse ,
il parvint à divers emplois impor-
tants, sous les successeurs de ce prin-
ce , et mourut l'an 713 de l'hégire
( i3i4de J.-G. ). Mobarez-eddyn ,
fils de Modhafï'er, alors âgé de i3
ans , se rendit célèbre de bonne heu-
re par une valeur extraordinaire. 11
terrassa un fameux brigand qui dé-
solait la contrée entre Yezd et Ghy-
raz, et porta sa tête au sulthan Abou-
Saii-Behader-Khan , qui , charmé
de cet exploit , gratifia le jeune brave
du gouvernement de Yezd , en 718,
quoique celui-ci fût à peine dans sa
19e. année. Mobarez eddyn prouva
par des services plus essentiels , qu'il
était digne de celte récompense.
Une horde de bandits, appelés Ni-
coudariens } infestait le Farsislan :
il leur livra vingt-un combais , dans
l'espace de quatre ans , et vint à bout
d'en purger le pays. Enfin, il épousa
la fille unique de Cothb-eddyn Chah-
Djihan , dernier prince de la dy-
nastie des Gara-Khatayens, lequel,
après avoir perdu la souveraineté du
Kerman, avait, au moyen de ses im-
menses richesses , obtenu des khans
moghols le gouvernement de Chy-
raz , où il s'était retiré. Ce mariage
ayant fort accru la puissance et la
considération personnelle de Moba-
rez-eddyn dans le midi de la Perse ,
il y jeta les fondements d'une nou-
velle domination pendant l'anarchie
qui suivit la mort d'Abou-Saïd ( F.
Beiiader , IV, 5q , et Haçan-Bu-
zurk. , XIX, -.i83 ). Nommé gouver-
neur du Kerman, par Haean Djou-
bany, l'an 740, il ne lui fut pas dif-
ficile de se faire reconnaître souve-
rain , eu moharrem ^4'2 ( jum l ^4 l )>
dans un pays que les ancêtres de sa
MOB
femme avaient possédé près d'un
siècle. Alors il attaqua Cheikh-Chah-
Abou-Ishak Indjou, prince vertu
mais sans énergie , qui régnait dans
le Farsistan ; et , après une guerre
longue et cruelle , il lui enleva succes-
sivement Chyrazel ïspalian. L'infor-
tuné Indjou arrêté dans cette dernière
ville, et ramené à Chyraz, V eut la
tête tranchée , le 1 1 juin i357 , aux
yeux de ses compatriotes , de ses
amis, de ses anciens sujets, et au
milieu de L'hippodrome qu'il avait
fondé. Tandis que Mobarez-eddyn ,
par cette exécution solennelle, ef-
frayait les peuples du Farsistan, et
leur ôtait tout prétexte de révolte ,
son fils aîné, Modhatfer, subjuguait
le Khouzistan , et allait ensuite recu-
ler les états de son père, vers le Sois-
tan et le Mekran. L'ambitieux Mo-
barez eddyn convoitait aussi l'Adzer-
ba'idjan, où avaient résidé les Djen-
gliyzkhanides. Après diverses ré-
volutions ( V. MeLIK EL ASCHRAF,
X \ VIII , 'i 1 4) > celte province élait
tombée au pouvoir du tyran Akhid-
jouk.Le mauvais succès du sultlian de
Laghdad, Cheikh-Weiss ( V. Av i'is
I), ne rebuta point le roi de Chy-
\ la tête de douze mille cava-
liers d'élite , il partit au milieu de
l'hiver 7(50, vainquit, près de IVIeïa-
na, l'armée d'Akbidjouk, forte de
trente mille hommes , s'empara de
Tauryz , y remplit les fondions d'i-
mam , et y prononça la khothbah
in propre nom. Mais deux m ni ,
- . la mort de son (ils aîné , et
l'approche du sulthan de Baghdad,
l'obligèrent d'abandonner sa nouvelle
conquête. Depuis son retour de cette
ilion, Mobarcz -eddyn ne fut
plus le même prince. Sans respect
pour les mœurs et la religion, il s'a-
bandonna a is honteux
avec tant de scandale , que les prinei-
MOC 180
paux habitants de Ghyraz , et ses fils
mêmes , le dénoncèrent au magistrat
comme le témoigne le poète Hafyz ,
dans une élégie où il dépeint les tur-
pitudes de ce monarque. Méprisé
de ses sujets , aigri par le chagrin ?
Mobarcz- eddyn devint encore plus
cruel. 11 fit mourir plus de mille in-
dividus dans les supplices; et plu-
sieurs périrent de sa propre main.
Effrayés de ses menaces, ses parents,
ses enfants fuyaient sa présence. En-
fin , Gîiah-Sullhan , son neveu et son
gendre, et ses fils Chah-Choudja et
Chah -Mohammed, l'ayant surpris
un jour dans sa chambre, occupé à
lire le Coran , se saisirent de lui, et le
renfermèrent dans une tour, où ils lui
firent crever les yeux le lendemain,
19 ramadhan 760 ( 14 août i35g \
Hafyz , qui avait déploré la mort
tragique d'Abou-Ishak Indjou, com-
posa aussi une élégie sur ce dernier
événement. Mobarez -eddyn survé-
cut cinq ans à son malheur, et mou-
rut en 765 ( 1 364 ) •> après avoir ré-
gné quarante-deux ans à Yezd, <ih-
nuit dans le Kerman , sept à Ghy-
raz , et deux à Ispahan. Son fils ,
Djelal-eddyn Chah-Choudja , prince
habile, sage, pacifique, protecteur
des lettres , et bon poète, triompha
de ses frères et de ses neveux , qui
s'étaient révoltés ; il régna vingt-six
ans avec gloire, sul ménager Tamer-
lau, dont il devinait la grandeur fu-
ture, et mourut eu 780 ( i384),en
lui recommandant son fils Z<
Ab-eddyn , dont les malheurs entrai -
nèreut la catastrophe qui mit lin à
la dynastie des Modhafferides ( A".
Mansour-Chah , XXVI ). A — t.
MOCAILYIL P. MoSSAtLAMAH.
MOCANNA. V. Ai
MOCEILAH. /'. Moss
MOCENIGO( Thomas
Venise, succéda, le 7 janvier 1
igo MOC
à Michel Stcno. II était alors ambas-
sadeur de sa république à Crémone,
auprès de Gabrino-Fondolo , tyran
de cette ville: il s'enfuit secrètement
dès qu'il eut la nouvelle de son élec-
tion , de peur que Fondolo ne voulût
retenir prisonnier un personnage qui
devenait aussi important. Pendant
son règne , les Vénitiens firent la con-
quête du territoire d'Aquilée, mal-
gré l'alliance du patriarche avec
l'empereur Sigismond , qui tenta
vainement de le défendre. Mocénigo
empêcha ensuite, autant qu'il put, sa
république de s'engager dans la guer-
re contre le duc de Milan; il mourut
dans un âge avancé, au mois d'avril
i4^3 , et il eut pour successeur
François Foscari, moins pacifique
que lui. — Pierre Mocemgo, doge
de Venise de i 474 à '4)6 , avant
de parvenir à la dignité ducale, avait
obtenu la plus haute réputation ,
comme généralissime de la républi-
que , dans la guerre qu'elle soutenait
contre les Cypriotes et contre les
Turcs. Il avait été chargé, en 1 47° ?
du commandement de la flotte, au
moment où la perte de Négrepont
jetait le découragement dans les trou-
pes vénitiennes. En arrivant à son
poste , il avait fait arrêter son pré-
décesseur , Nicolas Canale , avec son
fils et son secrétaire, auxquels la ré-
publique attribuait les revers qu'elle
avait éprouvés. Il avait ensuite pro-
fité de la guerre que le roi de Perse
avait déclarée à Mahomet II , pour
ravager , en 1 472 , Mitylène , Dilo et
les Cyclades, pendant que le sulthan
était occupé ailleurs: il avait menacé
toute la Natolie, et avait enfin pris
Smyrne, qu'il ruina de fond en com-
ble. La retraite d'Ousoun-ÎIaçan,
qui n'avait pu forcer le camp retran-
ché de Mahomet, priva, en 1 47^,
Mocénigo , des avantages qu'il avait
MOC
espérés. D'ailleurs, à la même épo*
que , il fut obligé de passer en Cypre ,
pour prendre la protection de la
reine Catherine Cornaro, fille adop-
tivede la république, qui venait de
perdre son mari: il punit sévèrement
les nobles Cypriotes qui avaient cons-
piré contre cette princesse, et qui
avaient voulu maintenir la liberté de
leur patrie opprimée par les Véni-
tiens. En 1 474 ■> il conduisit une nou-
velle flotte au secours de Scutari,
que le grand- vézir assiégeait: il con-
tribua beaucoup à la glorieuse dé-
fense de cette place ; mais il y con-
tracta une maladie dangereuse dont
il ne «se guérit jamais. Les Vénitiens,
par reconnaissance pour tant d'ex-
ploits, le choisirent pour succéder
à Nicolas Marcello , au mois de dé-
cembre de cette même année. Mais
tout le temps qu'il fut doge, sa santé
fut très -chancelante; il mourut le
23 février 1476. André Vendramino
lui succéda. S. S — r.
MOCENIGO ( Jean ), frère du
précédent , fut nommé pour succé-
der à André Vendramino , qui n'a-
vait régné que deux ans. Venise à
cette époque fut affligée par de nom-
breux fléaux : un incendie consuma
le palais public; la peste et la fami-
ne désolèrent les habitants ; la guer-
re avec Mahomet II durait encore ,
et Venise n'acheta la paix, en 1479,
que par la cession de Scutari. Cepen-
dant la république , oubliant bientôt
ces calamités, entreprit, en 1482,
une guerre nouvelle de pure ambi-
tion contre Hercule III , duc de Fer-
rare; mais, abandonnée par Sixte
IV , son premier allié , elle ne put
faire les conquêtes sur lesquelles elle
avait compté. Jean Mocénigo mou-
rut le 5 novembre i4H5. Marc Bai
barigo lui fut substitué. — Louis
Mocemgo, doge de Venise, succéda
MOG
le 9 mai i5-;0,à Pierre Loredano,
mort six jours auparavant. La répu-
blique était alors engagée dans une
guerre coi; tic les Turcs , pour la dé-
fense de l'île de Cypre : les prin ci-
pales puissances de l'Europe lui
avaient promis des secours ; mais
leurs généraux, par de ridicules dis-
putes de prééminence, perdirent l'oc-
casion d'agir. Nicosie fut prise par
les Turcs, le g septembre 1570, et
quinze mille chrétiens y furent mas-
sacrés. Farnagouste, après un siège
soutenu avec beaucoup de bravoure,
capitula le 1 août i5^ ij mais la
capitulation ne fut point observée,
et les commandants vénitiens, avec
leur brave garnison , furent victimes
de la perfidie des Musulmans ( V
Baglioni et Bbagadini ). La gran-
de victoire remportée à Lépante, le
7 octobre, par don Juan d'Autri-
che , ne dédommagea point les Vé-
nitiens de la perte de l'île de Cypre;
ils se déterminèrent, en 1073, à
faire la paix avec les Turcs, en aban-
donnant à ceux-ci leurs conquêtes.
Pendant le gouvernement de Louis
Mocenigo , Venise fut désolée par
la peste, en 1676; la contagion
lui enleva soixante-dix mille habi-
tants. A peine s'était - elle apaisée,
lorsque Louis Mocenigo mourut, le
4 juin 1077. Il eut pour successeur
Sébastien Vcnieri. S. S — 1.
MOCENIGO (André), historien,
Venise, vers la un du quinzième
siècle', était de la même famille
({ne les précédents. Il montra, dès
sa première jeunesse , une grande
ardeur pour l'étude. Il fut chargé
de différentes négociations, dont il
s'acquitta avec autant de zèle que de
capacité ; et . après avoir rempli plu-
sieurs eni; 1 la sa-
tisfaction . vé au
rang de sénateur. 11 trouva dans la
1VIOC 191:
culture des lettres, un délassement
à ses travaux, et publia l'histoire
de la ligue de Cambrai, sous ce
titre : llelli memorabilis Caméra-
censis adversùs Fenetos historice
libri ri, Venise, i5i5, in-8°. ; elle
a été insérée dans le 12e. vol. du
Thesaur. anllquitat. lia!., par Grae-
vius et P. Burmann. André Arriva-
J>ene la fit traduire en italien; et cette
traduction, imprimée en 1 544? l'a
été de nouveau en 1 060 , in - 8°.
Quoiqu' écrite d'un style peu élégant,
dit Tiraboschi, cette histoire est re-
cherchée pour l'exactitude avec la-
quelle les faits y sont rapportés.
Mocenigo avait laissé en manuscrit
un Poème latin sur la guerre que
les Vénitiens soutinrent contre lia-
jazet II, en i5oo : il est perdu,
ainsique quelques autres productions
de cet écrivain , dont Marc Foscarini
rapporte les titres dans sou ouvrage
Délia letteratura Feneziana. Quel-
ques bibliographes citent encore de
lui un traité de théologie en cinq
livres, sous ce titre singulier : Pen-
tadoponet Pentateuchon, Venise,
i5i 1 , in -8°. : l'auteur l'a dédié an
pape Jules II. Ghilini a donné une
place à Mocenigo dans le Teatro
d'huomini letterati. W s.
MOCLAH ( Abcu-Aly Moham-
med, Ibn-Aly, Ibn- ) , inventeur
des caractères arabes modernes ,
uaquil à lîaghdad, l'an 272 de 1
( 885-6 de J.-C ). Après avoir gou-
verné une partie de la Perse , sous
le khalylatde Moctader, il fui
parce prince, à la dignité de \
\lQ ; 928 ). 11 en fut dépouillé
l'année suivante ; mais il la recouvra
lorsque Gaher eut succédé
a son frère ( / '. WoCT kDEB ). Ibn-
Muclah ayant trempé dans une cons-
piration contre le nouveau khalyfe,
eu 'ri\ , perdit une seconde f.
lO'i
MOC
charge. II se déroïw au supplice par
la fuite, et ne songea, dans sa re-
traite, qu'à se venger de Caher. Dé-
guisé en femrrte , en aveugle, en men-
diant, il se rendait secrètement chez
les grands officiers de l'empire, et les
irritait contre ce prince, en leur rap-
pelant sa perfidie et sa cruauté. Il ga-
gna même par ses présents l'astrolo-
gue et l'interprète des songes de Si-
211a, l'un des principaux chefs de la
milice turque , pour qu'ils persua-
dassent à leur maître que ses jours
étaient menacés par le khalyfe , et
qu'il ne pouvait les sauver qu'en le
précipitant du trône. Gaher fut dé-
posé, en 3ii (F. Gaher, VI, 4^8);
et Radhy, son successeur, récompen-
sa Ibn-Moclah de son zèle, en lui
rendant les sceaux. Ce vézyr fit ar-
rêter et condamner à mort le fa-
meux imposteur Sehalmagany ( F.
ce nom ). En 3^3 , il chassa de Mons-
soul, Nasser-ed-daulah Haçan, fon-
dateur de la dynastie des Hamdani-
des , lequel recouvra bientôt ses états,
moyennant un tribut qu'il promit de
payer au khalyfe. La même année ,
Ibn-Moclah ayant déplu à la solda-
tesque, les portes de son palais fu-
rent enfoncées ; et il n'eut que le
temps de se sauver avec son fils ,
dans la partie occidentale de Bagh-
dad. Mais il fut arrêté et destitué,
en 3.ï4- La charge de vézyr ayant
été bientôt après abolie, et rempla-
cée par la dignité plus éminente d'é-
myr-al-Omrah , dont Àbou-Bekr-
Ibn-Ra'iek fut revêtu 5 Ibn-Moclah,
plus sensible à la perte de sa place
qu'à l'avilissement où était tombé
alors le khalyfat , intrigua contre
Ibn-Raïek, et lui suscita un rival
dans le turk Yahcam. Soit qu'il eut
écrit au khalyfe , en faveur de ce
dernier, soit plutôt qu'il eût invité
Yahcam, au nom de ce prince 7 à
MOC
venir supplanter Ibn-Ra'iek , ses me-
nées furent découvertes : Radhy le
fit arrêter et condamner , maigre
ses dénégations, à avoir la main
droite coupée, au mois de chawal
3^6 ( août q.38 ). Loin d'être corrigé
par cette cruelle disgrâce, Ibn-Mo-
clah continua d'intriguer pour re-
couvrer la charge de vézyr* et afin
de prouver au khalyfe qu'il était
toujours capable de la remplir, il
s'habitua à écrire, en attachant sa
plume à son poignet. Son ambition ,
son orgueil et ses propos indiscrets
sur le compte du khalyfe et de Pé-
myr- al - Omrah , achevèrent de le
perdre. On lui coupa la langue, et on
le resserra plus étroitement. N'a vaut
personne pour le servirai fut réduit
à un tel état de détresse, que lors-
qu'il puisait de l'eau , avec sa main
gauche , il était obligé de retenir la
corde avec les dents. 11 périt enfin
misérablement et sans secours , en
chawal 3'28( juillet 940) : vézyr sous
trois khalyfes , il avait trois fois
commandé les armées, fait trois fois
le pèlerinage de la Mekke , copié
trois exemplaires du Coran , et il fut
enterré trois fois. Ibn-Moclah culti-
va la poésie • et quelques-uns de ses
vers nous ont été transrais par El-
makin : mais il est surtout célèbre
pour avoir remplacé les anciens ca-
raotères koufîques , par l'écriture
arabe , nommée neskhi ; ce qui l'a
fait surnommer Fadhékhath ( le
père de l'écriture ). Cette invention ,
attribuée néanmoins par quelques
auteurs, à son frère Abou- Abdallah -
cl-Haçan, fut perfectionnée, un siècle
après , par Aboul-Hacan-Aly , Ibn-
Hallal ( F. Ibn-Al-BIwab , XXI ,
i/f3 ). A— T.
MOCLAH ou MOCLÈS ( Seid
supérieur d'un monastère de dervi-
ches , de l'ordre des Meulcvyy à Ispa-
MOC
Lan, florissatfenl'an 1G7") de J.-C. ',
sous le règne de Chah-Soleiman , roi
de Perse, de la dynastie des Sofys.
Comme ce derviche était de la race de
Mahomet, le monarque, lorsqu'il le
rencontrait , descendait de cheval ,
eï allait lui baiser l'étrier. Le peuple
avait aussi pour lui beaucoup de vé-
nération, et ne le craignait pas moins,
parce qu'il était grand cabaliste.
Comme Moclah tendait à devenir
chef de parti, et à fonder une nou-
velle secte , il ne laissait pas d'être
suspect à la cour. Outre les dervi-
ches qui vivaient sous sa direction ,
il avait douze disciples qui portaient
de longues robes blanches. Pelis de
la Croix, le fils, pendant son séjour
à Ispahan , apprit de ce docteur à
expliquer le Mesnevy, sorte de poè-
me théologique. Moclah avait tra-
duit en persan, dans sa jeunesse, des
comédies indiennes , dont il doit
exister aux manuscrits de la biblio-
thèque du Roi, une version turque,
sous le titre de Al farad] baad al~
schidda ( La Joie après l'affliction ) :
pour leur donner un air d'origi-
nalité , il les avait mises en con-
tes , qu'il appela Hezariek-Rouz
( Mille et un jours ). Petis de la
Croix obtint une copie de ces contes
persans , qu'il traduisit en français ;
mais il ne les publia qu'après les
avoir soumis à la révision de l'au-
teur de Gil-Blas. On ignore le genre
et l'époque de la mort du docteur
lah. A— t.
MOCQUET ( Jean ) , voyageur
us , était né dans les em irons
ienne , en 1 575. Lorsque Henri
IV fut parvenu à La couronne, Moc-
fjuet , dont les parents avaient beau-
• usc de ce
e , fut apothicaire de la cour.
Le désir d\ I .1 Si demander
la permissi
x \ 1 \ .
»'9
étrangers : l'ayant obtenue , il fut
chargé de recueillir des ra
le cabinet du Roi. 11 partit le icr, oc-
tobre 1601 , et, jusqu'en juillet 1612,
lit cinq voyages : le premier à la cote
occidentale d'Afrique , le second à
la Guiane et à Cumana , le troisième
à Maroc , le quatrième à Goa , le
cinquième à la Terre-Sainte. Chaque
fois qu'il revenait, il déposait dans
le cabinet du Roi aux Tuileries , les
singuliers objets qu'il avait rappor-
tés. « Le roi, » dit-il, « prenait
» plaisir aux discours que je lui
» faisais de mes voyages. » Il eut le
titre de garde du cabinet des singu-
larités, avec 600 francs de gages. Le
repos ne lui convenait pas. En j G14 ,
il résolut de faire le tour du monde,
et il partit pour l'Espagne, où on
lui refusa la faculté de s'embar-
quer pour l'Amérique, et où il eut
beaucoup à souffrir. Alors il revint
à Paris , et y remplit tranquille-
ment son emploi. Sa relation est
intitulée : Voyages en Afrique,
Asie , Indes orientales et occiden-
tales , divisés en six livres , et enri-
chis de figures, Paris, 1617, 1 vol.
in- 12 • Rouen , 1G4J J ibid. , i665.
Il en existe une traduction hollan-
daise , Dordrecht, i656 , in 4° , et
une allemande , 1GG8 , in~4°. , qui est
fort mauvaise. Mocquet est un voya-
geur assez recommandante; il donne
des détails curieux sur les sauvages
et sur l'histoire naturelle de l'Améri-
que méridionale. Il raconte, entre
autres , une histoire qui ressemble
beaucoup à celle dïukle et Yariko.
Sànoticesur Maroe'a été abrégée par
Dapper. Il fait un tableau repouss mt,
eï malheureusemenl vrai, de 1 1
lion des Portugais dans I
des, cl donne des détails 1
sur leur commerce. Il coni
le voyageur Pyrard, qui I
i3
if) i
MGG
beaucoup de particularités sur les
Maldives. Quand Moequet revint de
la Palestine , le roi fit placer dans
son jardin du Louvre les plantes
qu'il avait recueillies au Mont-Liban.
E— s.
MOCTADER-BILLAH ( Aboul-
Fadhl Djafar II , surnomme Al ),
xvniC!. kalyfe abbasside de Bagh-
n'avait que treize ans, lors-
qu'il succéda , l'an 2g5 de l'hég.
( go8 de J.-C. ) , à son frère Mok-
tafy. Aucun prince de sa race , avant
et après lui , ne fut installe aussi jeune
dans la chaire du prophète. Aussi
cette innovation occasionna-t-elle une
violente sédition dans la capitale, dès
le commencement de l'année suivan-
te : on massacra le vézyr de Mocta-
der , et l'on donna le khalyfat à son
oncle Abdallah, bis de Motaz, avec le
titre de Radj-billah, suivant Aboul-
Féda , ou de Mortadj-billah , sui-
vant Abouîfaradj. Mais le parti du
jeune khalyfe ayant prévalu le lende-
main , Abdallah prit la fuite , fut
arrêté , et on l'étrangla dans sa pri-
son, au grand regret des Alydes et
des gens de lettres qu'il protégeait.
Ce prince, dont Elmakin a con-
servé quelques vers , et Aboulféda
quelques sentences, ne se distinguait
pas moins par sa piété que par son
esprit et son talent pour la poésie.
La tranquillité se rétablit à Baghdadj
mais Moctader , gouverné par ses
femmes et par ses eunuques , esclave
de ses plaisirs, jouet des factions , dé-
posant ou sacrifiant, sans motifs, ses
. .; , négligea tellement les soins
de f empire musulman, déjà ébranlé
depuis un demi-siècle par l'inso-
lence et l'insubordination delà garde
turke, qu'il en hâta la décadence.
Son règne fait époque dans les fastes
de l'Orient , par les malheurs qui
affligèrent l'islamisme. Le fameux
MOG
Obeid- Allah al-Mahdy, fondateur de
la dynastie des Fathimides , enleva ?
pour jamais, l'Afrique aux Abbas-
sides , attaqua l'Egypte, et fut l'au-
teur du grand schisme qui divisa si
long-temps les Musulmans ( Voy.
Obeid-Allaïï ) : les Grecs pénétrè-
rent jusqu'aux frontières de la Méso-
potamie, et en enlevèrent une infi-
nité de captifs; les Garmathes con-
tinuèrent leurs progrès en Arabie et
dansi'Irak( F.Cabmath, VII, i63);
quelques ambitieux s'établirent dans
d'autres parties fie l'Orient. Les vic-
toires de l'eunuque Mounès , à qui
Moctader devait le trône , sauvèrent
pour long-temps l'Egypte et la Mé-
sopotamie : mais ce grand capitaine,
loin de pouvoir rétablir la paix dans
l'empire , et le bon ordre dans Bagh-
dad , fut forcé de se mettre à la tê-
te des mécontents qu'indignaient la
mollesse du khalyfe autant que l'or-
gueil et la rapacité de ses favoris. Le
i4 moharrem , 3 1 7 (27 février,
929 ) , il entra dans le palais impé-
rial qu'il livra au pillage, se saisit
de Moctader , de sa mère , de ses
enfants et de ses femmes, les fit con-
duire chez lui ; et contraignit ce
prince, le lendemain, à abdiquer le
khalyfat en faveur de son frère Ca-
hcr-Billah. Mais, le 1 7, tout changea
de face. Une cérémonie religieuse
avait attiré la foule devant le palais :
unepartiedela garde ayant demandé
la gratification d'usage à l'inaugura-
tion d'un nouveau khalyfe , îe refus
de Gaher excite une émeute qu'il es-
saie en vain d'apaiser. Son palais
est forcé, son chambellan égorgé, ses
partisans et ses serviteurs dissipés, et
lui-même réduit à se cacher. Les fac-
tieux vont chercher Moctader dans
la maison de Mounès, le portent sur
leurs épaules, et le replacent sur le
trône. Ge princç honora son triom-
MOC
plie par sa clémence: ayant décou-
vert la retraite de son frère, il le fit
amener en sa présence, le reconnut
innocent de la dernière sédition , le
consola, l'embrassa, et se contenta
de le confier a la garde de sa mère ,
qui traita le prisonnier avec beau-
coup d'égards, et le laissa jouir d'une
grande liberté. Moctader, dépose et
rétabli en si peu de temps, n'en régna
pas avec plus de talent ni plus de bon-
heur. La même année , Nasser-eddau-
lah s'affermit dans la souveraineté de
Moussoul, que ses ancêtres avaient
gouverné, et y fonda la dynastie des
Hamdanidcs, qui devint, sous son frè-
re, une puissance redoutable pour
l'empire grec ( V. Saif-ed-daulaii).
En Arabie , les Carmathcs prirent la
Mekke, massacrèrent trente mille
pèlerins, comblèrent le puits Zcm-
zem, après y avoir précipité le corps
de l'émyr de celte ville, pillèrent la
Caabah , en enlevèrent la pierre noi-
re et la gouttière d'or, et interrom-
pirent pour plusieurs années le pè-
lerinage des lieux révérés parles Mu-
sulmans {V. Abou-Taheb, I, IOl).
Dans un moment, où pour résister
à ces cruels sectaires, l'union la plus
étroite était un besoin pour tous les
Mahomélans qui suivaient les quatre
sectes réputées orthodoxes, les rues
de Baghdad étaient le théâtre de leurs
sanglantes querelles. L'année si;i\ .di-
te, Moctader , ne pouvant satisfaire
les prétentions des troupes qui l'a-
vaient rétafcli sur le trône, elles
voltèrent , furent vaincues par Mou-
liès, et allèrent s'emparer de \V,i-
néral leur enleva bien-
tôt. Mais, dans le même temps,
Mardawidj d'une
de la . p près
d'Holwan, l'ai i . et fai-
sait trembler le kh; :
dad(r.RvKD^
MOC
Les Musulmans soupiraient
la fin d'un règne plus long et plus
honteux que tous ceux des pré
seins de Moctader. Il se perdit lui-
même, en favorisant les ennemis que
Mounès avait à la cour. Ce général ,
pour se dérober à leur haiue , se re-
lira du cote de Moussoul , avec un
petit nombre de ses partisans. Le
khalyfe confisqua ses biens, et man-
da, au prince de cette ville de l'arrê-
ter. Nasser-eddaulah se mit en de-
voir d'obéir : mais malgré l'extrême
supériorité de ses forces, il fut vaincu;
et sa capitale, ses trésors et plusieurs
de ses places tombèrent au pouvoir
de Mounès. Un pareil suects grossit
tellement le parti de ce dernier, qu'au
bout de neuf mois, il fut en état de
se présenter sous les murs de Bagh-
dad. Moctader, affaibli par la déser-
tion de son armée, voulait s'embar-
quer sur le Tygre , pour se retirer à
Waseth ; ses amis le firent changer
de résolution. Par leurs conseils , il
se revêtit du manteau du prophète,
et, précédé des docteurs de la loi,
qui portaient des exemplaires du
( ! 0] au, il s'avança contre les rebelles,
Ce spectacle n'ayant pu les faire ren-
trer dans le devoir, il donna le signal
du combat dont il fut Je spectateur,
du haut d'une colline. Mais ses trou-
pes ayant bientôt lâché le pied, il fut
entraîné dans leur fuite. Poursuivi
par des soldais africains, et gène par
son embonpoint, il leur cria qu'il
le khalyfe : « Oui, nous le savons , »
lui répondirent-ils, « lu es le khaljj'a
i aire) du diable, et non pas de
» Mahomet. » Aussitôt l'un d'eux
! perce de son
achevèrent de le tuer, 'c dépouillè-
rent, et enterrèrent son < < •
lui avoir cou] ■■■■
Moctader , à la fin i il 3ao
(find'octol
z0G MOG
îiuit ans, dent il en avait règne vingt-
cinq. Ce prince clément, généreux et
charitable, mai s faible, superstitieux,
inconstant et voluptueux, dissipa ses
trésors par son faste et ses folies
prodigalités. Après avoir prohibé le
vin par des édits sévères, et diminué
par -Là les revenus de l'empire, il
avait fini par s'adonner avec excès
à cette boisson. Ce fut sous lui
que le khalyfat parvint à-la-fois au
plus haut point de magnificence et
de faiblesse. On peut juger de l'éclat
de sa cour, par les fêtes qui avaient
eu lieu pour la réception de l'empe-
reur de Constantinople, l'an 3o4 de
l'hég. (917 de J.-C.) et dont on trou-
ve les détails dans l'Histoire du Bas-
Empire. Après la mort de Moctader,
sa tête fut promenée dans les rues de
Baghdad, et portée ensuite a Mou-
nès , qui voulut placer sur le troue
un fils de ce malheureux prince :
mais la faction opposée , rendit le
khalyfat à Caher , qui, l'année sui-
vante, fît trancher la tête à ce fa-
meux eunuque. - A — t.
MOCTADY. V. Moktady.
MOCTAFY. V. MoKTAi v.
MODÉER ( Adolphe ) , savant
Suédois du dernier siècle , secrétaire
de la société patriotique de Stock-
holm , et membre de l'académie des
sciences de la même ville , naquit en
1738, et mourut à Stockholm, le
16 juillet 1799. Il eut part, tant à
l'établissement qu'aux progrès de la
société patriotique , qui a rendu de
grands services à l'agriculture et aux
arts industriels. Le premier volume
des Mémoires de cette société con-
tient l'histoire du commerce de la
Suède , par Modéer. Ce savant, très-
versé dans les sciences physiques ,
communiqua un grand nombre d'ob-
servations et d'expériences à l'aca-
démie de Stockholm , qui les fit im-
MOD
primer dans ses Mémoires. Indépen-
damment de cinq Mémoires (en sué-
dois), insérés dans le recueil de cette
société , tom. 'j>3 - 28 , on a de ce
savant naturaliste : I. Histoire du
commerce de la Suède , Stockholm ,
1770, in-8°., en allemand. If. Trois
Opuscules, dans la même langue,
sur l'amélioration de l'agriculture,
les colonies , et l'économie domesti-
que , ibid. , 1774, 1776, 1780,
in-8°. III. Bibliotheca helmintholc-
gica, seu enumeratio auctorum qui
de vermibus scilicet cryptozoïs ?
gymnodelis , testaceis atquephjto-
zoïs , tam vhns quam pelrificatis
sàipserunt, Erlang, 1776, in-8°.
Cette bibliographie spéciale, compre-
nant environ 1900 articles, serait
plus utile si l'auteur , au lieu de se
borner à donner exactement les titres
des livres , y eût joint plus souvent
un jugement raisonné sur le mérite
des principaux ouvrages qu'il indi-
que. C — AU.
MODÈNE ( Duc de ). V. Este.
MODÈNE ( Esprit de Raymond
DE MoRMOIRON , COUlte DE ) , d'une
des plus anciennes familles du com-
tat Venaissin, naquit à Sarrians ( à
deux lieues de Carpentras ) , le 19
nov. 1608. Après avoir été page de
Monsieur, frère de Louis XlU ,
et ensuite un de ses chambellans , il
suivit en Italie la fortune de Henri
de Lorraine , duc de Guise , qui se
rendit à Naples , le 1 5 novembre
1647, sur la demande d'Annèse >
successeur de Masaniello. Cette ca-
pitale et tout le royaume étaient eu
proie à des troubles suscités par
l'oppression des vice-rois espagnols.
Le peuple écrasé d'impôts cherchait
à secouer le joug de la maison d'Au-
triche. A peine Guise fut-il nommé
général en chef de la république
naissante, qu'il témoigna le désir
MOD
d'avoir sous ses ordres le comte de
Modène, alors connu sous le titre
de baron • ce qui lui fut accorde :
mais ils ne tardèrent pas à avoir en-
semble tles discussions assez vives
( T. Guise, XIX, 19g). Modène prit
la qualité de mestre - de - camp - gé-
néral des armes du peuple. Après
avoir obtenu d'assez grands succès ,
il finit par tomber entre les mains
des Espagnols , qui le retinrent pen-
dant plus de deux ans prisonnier
dans le château- neuf de ÎNaples. 11 y
fui traité en esclave ; et il s'en plaint
avec dignité dans l'histoire qu'il a
écrite des révolutions de ce pays.
Modène mourut en janvier 1^70.
Marié deux, fois (d'abord en iG3o ) ,
et ayant du premier lit un fils unique,
il eut , de plus , de Madelène Bé-
jard, une fille , qui naquit le 3 juil-
let i638, fut baptisée, le 11, à
Saint-Eustache , et nommée Fran-
çoise. C'est ce qu'atteste une Disser-
tation sur J. B. Poquelin de Mo-
lière , publiée en 1 82 1 , par M. Bef-
fara , et qui renferme des actes de
famille très-curieux pour ceux qu'in-
se tout ce qui concerne l'homme
dont s'honore le plus notre scène
comique. Grimarest ( Voy. son arti-
cle, XV III , 5oi ) , dit dans sa Vie
de Molière, imprimée en 17 o5 , que ,
« celui-ci, en formant sa troupe, Ha
•» une forte amitié avec la Béjard ,
» qui, avant qu'elle le connût, avait
» eu une fille du comte de Modène ,
» gentilhomme d'Avignon , avecle-
'I il a su ( lui Grimarest ) , par
» des témoignages très -assurés , que
» la 1. 1 contracté un mariage
1 'i<;. » Voltaire qui a aussi écrit
une Fie de V '73q, con-
firme le 1 .A won tour,
l'abb Court, auteur d'une
Histoire de la • du comte
Vcnaissin ( Pa jo , 4 vol.
MOD 19;
in-4° ), a imprimé que « le comte
» de Modène eut, huit ans après
» son mariage , de la nommée Guè-
» vin , femme de Béjard , et comé-
» dienne de la troupe de Molière ,
» une fille que celui - ci épousa. »
L'exactitude du premier des auteurs
cités a été quelquefois contestée. Vol-
taire s'en est-il tenu au témoignage
de Grimarest , ou bien s'esl-il oc-
cupé d'aprofondir ce qui était de
tradition au théâtre et dans la so-
ciété? Quant à Pilhon-Court , il n'a
jamais passé pour un généalogiste
dont on doive adopter , de con-
fiance, toutes les assertions (1). Celle
dont il s'agit ici , et que bien des per-
sonnes admettent encore comme in-
contestable, tend «à faire croire que
Molière prit pour femme Françoise,
la fille de M. de Modène et de Ma-
delène Béjard, née en it>38 : mais
une telle assertion ne porte -t -elle
pas atteinte à la mémoire de Molière
qu'on a prétendu sur la parole de
Moutfleurv père ( F. son article )
avoir vécu très - intimement avec
cette Madelène Béjard , mère de
Françoise, quoiqu'il ne l'eût connue
que long - temps après la naissance
de la fille dont il est question '.>
Le fait semble complètement dé-
menti par l'acte de mariage bien
authentique de Jean - Baptiste Po-
quelin , en date du '.>.o février 1662 ,
qu'à aussi publié M. Belfara. Il ré-
suite de cet acte qu'Armande-Grc-
sinde Béjard , femme de Molière ,
était fille de Joseph Béjard et de Marie
Hervé. 11 serait donc naturel de con-
clure que Françoise, fille illégitime,
et Armande-Grcsinde, fille très-légi-
time , sont deux personnes disfine-
(1) Quand il dit la nommée Guirin , ilftul
[ue ti'éto t le nom '!>• fille b> M"" . Dé ard .
i.inciis que < ■'< tnit le nom «lu mari >\< ■
nori d< Molière, »a veuve née Béjard
[), L'auteur de l'article des da-
Bejard , dans la Biographie
. ÏVT, 71 ), a très -bien in-
dique la femme de Molière ; mais
n'a-t il pas été induit en erreur, lui
aussi , lorsqu'il a dit , que : « La
» mère d'Armande - Gresinde et de
» Geneviève Béjard fut mariée sc-
» créiemenî à M. de Modène ? » S'il
y avait eu mariage de ce seigneur
avec une comédienne du nom de
Be'jard , ce serait avec Madelène ,
mère de Françoise. Sans pousser plus
loin cette discussion, nous ferons re-
marquer que, dans l'acte de naissance
de Françoise, le parrain est Jean-Bap-
tiste de l'Iiermite, sieur de Vauscîlc,
qui semble bien être le beau-frère du
comte de Modène, puisque celui-ci
épousa en secondes noces M11 '. l'Her-
mite de Soulier. Ce beau-frère est dé-
signé dans l'acte, comme a tenant lieu
» de messire Gaston - Jean-Baptiste
5> de Raymond, seigneur de Modène , »
<nu très-certainement était le propre
fils, alors âgé d'environ sept ans,
du personnage auquel notre article
est consacré , mais le fils né d'un
premier mariage contracté en iG3o
avecMlle. de La Baume. L'interven-
tion de deux parents aussi proches
du comte de Modène , dans un acte
qui concerne sa fille naturelle, n'est-
(11 On n'a point encore trouvé l'acte de naissance
d'Àrni&ude Gresinde , qui a pu, dit. M. Beffara ,
voir le jour en province. Elle est appelée /limande-
• Jisabeih Gresinde, dans {'Extrait des rt-
retti •! et dès affaires de la comédie, depuis Pdqne
i/e l'année 160g, jusqu'au 3o omit i685 , appartc-
La Grange, l'un des comédiens du
!. in -i',0. f mss. , rju^ possède M. Le Mazurier ,
é^e cite par M. in ftara, dans sa Dissertation.
Cime Armande-Gresinde-Claii e
■r.c cette comédienne est désignée dans la
'Liste des acteurs et actrices dont le roi veuf et or-
médiens français soit
JaU: ùe \ . is;.iiles , x\ OCtofcl
différent des prénoms n'empêche pas absolu-
. •• qu'ils appartenaient tous ?> ÎVi '"•-•,
. 1. qui, après la mort de sou
• . i ~/j , Guérin-d'Estricbé, acteur
dr h troupe du Marais, alors réunie à celle du Palais-
MOD
elle pas au moins bizarre ? Ajoutons
que la marraine fut Marie Hervé,
femme de Joseph Béjard , et par
.équent mère de Madelène, ainsi
que d' Ar mande - Gresinde Béjard.
Enfin arrêtons-nous sur un autre fait
digne d'attention : c'est que le deuxiè-
me enfant de Molière, et de sa femme
Armande-Gresinde. qui était une fille,
fut tenu, le 4 août 1OO0, sur les
fonts de baptême par messire Esprit
de Raymond de Modène , et par
Madelène Béjarcr , fille de Joseph
Béjard , ainsi que l'établit un exti ait
baptistairc du 4 août i6G5. Ici les
parrain et marraine sont, sans nul
doute, les père et mère de Françoise ,
baptisée en iG38 ; mais sont-ils les
père et mère d' Armande-Gresinde ,
qui était la mère de l'enfant ? voilà
toute la question , et nous croyons
l'avoir résolue , plus haut , néga -
tivement. On a du comte de Mo-
dène : I. Histoire des révolutions de
la ville et du royaume de Naples.
Pithon-Gourt cite une édition in-4°.
de cet ouvrage, 1666 et 1667. La
plus connueesten 3 vol. in-i 2 , Paris ,
1 667 . C'est une histoire assez métho-
diquement composée ; le style en est
vif et énergique , mais enflé et tenant
presque de la poésie. L'auteur s'étend
beaucoup sur l'éloge du connétable
de Luynes, son parent, et à la veuve
duquel il adresse son épitre dédica-
toire. II. Un ouvrage burlesque sur
les mœurs de ses compatriotes : l'his-
torien du comtat Venaissin l'indique
comme écrit en vers provençaux, et
imprimé à Paris. Il est probable que
c'est 1' ' Adiousias , pièce de vers qui
n'est point en langage provençal ,
mais dans un français poétique , dont
on ne peut guère louer que la facilite.
C'est du reste un tableau piquai)
la vie des Avignonais;nousne pensons
pas que cette pièce ait jamais été li-
MOD
vrée à l'impression. III. Un fragment
du livre des Rois, écrit en prose, et
intitulé Salomcn ou le Pacifique.
C'est une paraphrase du deuxième
chapitre du troisième livre. — IV.
Une paraphrase du psaume 5o. —
V.Des Prières pour la messe, en vers;
des Odes et des Sonnets ; le tout ma-
nuscrit. Le comte de Modène avait
aussi laisse des Mémoires depuis? ex-
pédition de Bénin jusqu'au siège de
Montauban. Ils sont restés inédits ;
mais le président de Gramond en a
fait usagedans son histoire latine de
Louis XIII. L — p — e.
MODÈNE (Pierre, chevalier de),
delà branche de Pomerols, et appar-
tenant à la même famille que le pré-
cédent, fut reçu chevalier de Malte ,
en 17 15. Successivement capitaine
au régiment de Bourbon , et aide-ma-
jor-général dans l'armée du roi de
France en Westphalie , et en Bo-
hème sous le maréchal de Maille-
bois en 1743, il remplit ces der-
nières fonctions dans l'armée de Pié-
mont en 1744? devint colonel d'un
régiment de grenadiers - royaux en
1 7 \ 5, et mourut maréchal-de-camp,
en 176:^. Il écrivait en vers avec une
grande facilité. Il fit surtout parler
de lui, à propos d'un quatrain , qu'il
avait composé après la bataille de
Fontenoy : c'était au sujet d'un bal
donné par Louis \\ , à son armée ,
mais où l'on devait être en habit de
cour, afin d'en écarter les militaires
qui ne pouvaient faire cette dépense.
L_P_E.
MODESTIN ( Herennius Modes-
tinus ) , l'un des neuf jurisconsultes
romains aux opinions desquels l em-
le jeune imprima
fore- de loi , 0 dans le troi-
sième led'Ulpien,
me celui-ci no1 ;nd lui-
même dans la io, au Di-
MOD
*99
geste, Defurtis. Modestin fut admis
au conseil d' Alexandre-Sévère, et de-
meura en faveur sous Maximin, qui
lui confia l'éducation de son fils. 11
fut consul avec Probiis , l'an
C'est à lui que l'on doit une connais-
sance distincte de l'édit d'Amoiiin ,
dont le professeur flegelmaycr à
prouvé l'authenticité dans un Com-
mentaire historique et théologique ,
Tubingen, 1777 •> m_4°' C'est dans
le sixième livre de ses Règles de
droit , qui comprenait dix livres, que
Modestin fait mention de cet édit. II
avait composé, en outre, dix-oeuf li-
vres de Réponses , douze livres Pan-
dectarum, neuf livres Différentiel-
rum, six Excusationum , quatre De
pœnis , plus de trente - un livres
adressés à Quintus Mucius ; et des
Traités en un seul livre : De prœs-
criptionibus ; De inofjicioso lesta-
mento ; De manumissionibus , de
legntis et jideicommisïis ; De Tes-
tamentis ; De eurematicis seu m-
ventionibus ; Deenucleatis casibus ;
De diff'erentîd dotis ; de ritu nup-
tiarum. On a de Jacques Lect, juris-
consulte genevois du seizième siècle,
Ad Modesiinum de pœnis liber ; et
de Brenkmaun , De euremalicis diu-
triba , seu in lier. Mbdestihi li-
b; uni singularem Commentai ius ,
Leyde , 1706, in-8". F — t.
MODIIAFFER ou MOUZAFFEll
Cuaii II , 14e. et dernier roi mu-
sulman du Gouzeràt , succéda , l'an
969 de Thég. ( i56i-->. de J.-C. ),
à Ahmed II , qui , a l'époque de sa
'majorité, ayant voulu ressaisir son
autorité, que le régent Etmad avait
usurpée , venait d'être assassiné par
ce dernier, et n'avait pas laisse
fants. Mod Initier fut ah :
roi, sur le témoigna 'Minis-
tre, qui att l III
l'ayant charge de faire périr une de
200 MOD . ,
ses propres femmes , il l'avait sau-
vée, ainsi que l'enfant dont elle ac-
coucha ; et que cet enfant, élevé par
lui secrètement , sous le nom de Na-
thoii ou Nanou , était Modhaffèr ,
dernier rejeton de la famille royale.
Ce prince , à peine adolescent , fut
oblige de consentir au partage de
ses états, entre plusieurs émyrs; et,
prisonnier dans Ahmed-abad , qui
faisait, partie du lot de l'ambitieux
Etmad, il ne fut qu'un fantôme cou-
ronne'. Cette olygarchie acheva de
ruiner le Gouzerat , déjà déchire de-
puis plusieurs années par les fac-
tions. Les peuples , lassés de l'oppres-
sion et des guerres continuelles de
ces petits tyrans , implorèrent la
protection de l'empereur moghol
Akbar , qui entra sans peine dans
ce royaume , l'an 980 ( 1. 5 7 2-3 ). A
son approche de la capitale, Modhaf-
fer en sortit , et vint se soumettre à
lui. Akbar, après avoir achevé la ré-
duction du Gouzerat , reprit la route
d'Agrah, l'année suivante, emme-
nant ce prince avec la plupart des
émyrs prisonniers. Modhaffèr ga-
gna bientôt les bonnes grâces de
l'empereur , qui l'admit au nombre
de ses courtisans , et l'adjoignit au
général KhanKhanna, chargé, Fan
989 ( i58i ), de conquérir le Ben-
gale. Modhaffèr, se voyant libre, s'en-
fuit dans le Gouzerat, où les peuples
se soulevèrent en sa faveur : il vain-
quit Etmad, qui en était gouverneur
pour les Moghols . recouvra ses états,
et y régna deux ans, assez paisible-
ment. Mais KhanKhanna , étant ve-
nu l'y attaquer , par ordre d'Akbar ,
le défit , le i5 moharrem 992 ( 28
janvier 1 584 ) , près d' Ahmed-abad ,
avec des forces très s, le
poursuivit du coté de Gambaye , le
débusqua des dédiés des montagnes
de JNadout, où il s'était fortifié; et
MOD
l'ayant entièrement chassé de ses
états , il le contraignit de se réfugier
a Djounaghar. Après le départ de ce
général , Modhaffèr obtint encore;
quelques succès : vaincu enfin, pour
la dernière fois , par le nouveau
gouverneur du Gouzerat, il se retira
dans une place-forte, dont le com-
mandant le livra au général moghol ,
l'an 1001 ( 1692 ). Modhaffèr , fa-
tigué de ses malheurs , et craignant
dètre donné en spectacle dans son
ancienne capitale, où on le condui-
sait prisonnier , se coupa la gorge
avec un rasoir , et périt d'une mort
affreuse; exemple remarquable, et
peut-être unique d'un suicide, dans
les fastes des monarques musulmans.
Le Gouzerat fut alors incorporé a
l'empire moghol , dont il a fait par-
tie jusqu'au milieu du dix-huitième
siècle, qu'il a passé sous la domina-
tion des Mahrattes ( V. Mohammed
XIV ). A— t.
MODITJS (François), savant ju-
risconsulte et humaniste flamand ,
né à Oudeuburg, dans la banlieue de
Bruges, en i536, mort chanoine à
Aire, en Artois, l'an 1 ^97 7 a exer-
cé sa judicieuse critique sur plusieurs
des classiques latins , qu'il a publiés
ou enrichis de notées; tels que les tac-
ticiens Végèce, Frontin, Elien et
Modeste , Cologue , 1 58o , in-8°. ; Q.
Curce,ibid., i583, in-8°.;Tite-Live,
Francfort, 1607 in-fol.; Justin, ibid.,
1 587. On a encore de lui : I. Lectio-
nes nov-anliquœ , Francfort, 1 584 ?
in-8°. , et dans le Fax critic. de Gru-
ter. II. Octosticha ad nngulas cleri
romani figuras, suivis d'un petit trai-
té De ordinis ecclesiastici origine, ,
progressif vestitu, ib. i585,in-4°.
III. Poèmata varia , adressé à son
protecteur, Erasme Neustetter, chez
lequel il passa trois aus à Wurtz-
bourg, comme il avait vécu à Golo-
MOI)
gue dans la famille du comte d'Eg-
mond. IV. Pandectœ triumpliales ,
sive pomparum , festorum ac so-
lemnium apparatuum , coivlviorum
spectaculonwi, etc., tomi n, Franc-
tort, Feyerabend, i586, in-foi. ,et
dans le Thésaurus ant. Grœc, de
Gionovius, tome il. Foppcns i
que encore d'autres ouvrages posthu-
mes du même auteur , et un manus-
crit curieux : Collectanea de rébus
potissimàm Flamiriœ, que l'on con-
servait à la bibliothèque de Saint-
Omer. M — o.\.
MOEHS EN (Jean-Charles-Guil-
laume), médecin, ne à Berlin en
1722 , montra , dès sa plus tendre
enfance , un goût décide pour l'é-
tude. M. llorch , sou grand -père,
était médecin du roi de Prusse Fré-
déric Guillaume Ier., et jouissait d'une
certaine réputation* ce qui détermina
le jeune homme à se vouer s]
iement à la médecine. A l'âge de
dix-sept ans ( en 1739 ), il fut en-
voyé à l'université de léna* et
ensuite à celle de Halle , où son ex-
trême application le mit en cul de
recevoir à vingt ans le bonne! 'de
docteur. Peu d'années après son re-
tour à Berlin , son grand père lui
céda sa place de médecin au gym-
de Joachim; et le jeune doc-
teur s'y fit remarquer par les soins
particuliers qu'il y donnait au;
lants. Sa douceur et son enjouement
ne le rendant pas moin
'lames , sa fortune se U
pour toujours assurée parla vogue
obtint comme médecin du
1 1 du jeune âge. Aggrégé a
en 17 i7 , il s'y
disfii! une longue suite
d'années, antai | perspicacité
quep lances
eu matièr<
MOE
me des modèles. Zélé pour tout ce
qui pouvait favoriser l 'avancement
de la police médicale encore dans
l'enfance , il fut , sans l'avoir solli-
cité, appelé , en 1763 , au collège de
santé , qui dirige tout ce qui tient à
la salubrité publique. Plus tard , il
fut aussi nommé médecin du collège
des n obi es-cadets , puis de l'académie
militaire de Berlin , et finît par
attaché, en 1 778 , à la personne de
Frédéric II, qu'il accompagna dans
la guerre de la succession de Bavière.
Déjà membre de plusieurs sociétés
savantes , il le devint , en l*]§5 , de
l'académie royale des sciences et des
arts de Berlin. Moehsen était né avec
des dispositions très-heureuses; et si
mémoire prodigieuse seconda bien
son goût pour l'étude. M. OËlrichs ,
historien estimé, favorisa son pen-
chant pour les recherches histori-
ques ; et les meilleurs artistes de sou
temps entretinrent, en lui le goût des
arts et de l'antiquité. Naturellement
gai, ayant la mémoire meublée d'a-
necdotes curieuses , qu'il racontait
avec grâce et avec une douce ironie,
Moehsen croyait que l'on contribue
plus à la guérison de ses malades en
leur donnant du courage et de la pa-
e , n en les entretenant a
blement , pour laissera la nature le
temps de les guérir, qu'en employant
des remèdes héroïques et dangereux,
dont il était ennemi juré. Quelques
médecins, ses contemporains , lui re-
prochèrent une certaine timidité dans
moments critiques , où il faut
. non avec témérité , mais
force et promptitude. Peut-être les
tux historiques lui avai
donné trop de méfiance , li
doutes a l'égard des hypothi
des méthodes nouvelles et
qui se souj succédé plus rapidement
depuis le dernû
202 MOE
obtenu leur renommée aussi vile
qu'elles l'ont perdue. Pendant que les
journées de notre médecin se pas-
saient d'une manière si active, il con-
sacrait les nuits à ses études, dirigées
surtout vers 1 histoire de la méde-
cine, principalement dans sa patrie.
Ayant eu le malheur de perdre , en
1753 , dans un incendie , une bi-
bliothèque de 8000 volumes , il
s'empressa d'en former une nouvelle
beaucoup plus considérable : eu mê-
me temps il rassembla , en médailles
et en gravures relatives à son étude
favorite , une collection unique en
son genre. Les ouvrages sur l'histoire
du Brandebourg , sa collection con-
sidérable de bractéates , on t été réunis
à la bibliothèque du roi. Moelisen
était sans contredit l'un des méde-
cins les plus érudits de son temps :
on pourrait le comparer à Charles
Patin , qui paraît lui avoir servi
de modèle , mais qu'il surpassait
néanmoins par une modestie , une
bonté rares , et par un esprit plus
philosophique. Né et élevé avant que
la langue allemande eût pris un élan
nouveau , on trouve dans son style
moins de pureté, de goût et de cor-
rection qu'il n'en eût acquis s'il eût
pu fréquenter les écoles qu'a fait naî-
tre, depuis, la critique de Leasing.
On reconnaît trop souvent le carac-
tère des langues dont les matériaux
de ses écrits ont été tirés ; tantôt
c'est le style diffus des Italiens, tan-
tôt le génie de la langue française,
étranger à la formation du tudesque :
mais l'auteur animait toujours son
sujet par une variété , par une ori-
ginalité d'esprit, toute particulière,
il traita les parties négligées de l'his-
toire, sans ensemble, à la vérité,
mais avec une exactitude si scrupu
\mse. , une critique si impartiale, si
tpte de préjugés , qu'il y offre
MOE
jusqu'ici une source aussi pure qu'a-
bondante pour l'histoire de la m< "
ci ne et celle de la Prusse, de mer
que ses catalogues en seront une pour
quiconque s'occupera des médailles
et des beaux-arts. Moehsen mourut
le l'ï septembre T7q5 , trois ans
après avoir célébré, au milieu d'in-
nombrables amis , le jubilé de sa
pratique médicale. Meierotto pro-
nonça son éloge à l'académie , et
peignit tout le regret de cette com-
pagnie célèbre, qu'il instruisait et
qu'il égayait souvent par ses savants
mémoires. Voici ses principaux ou-
vrages : I. Dissertalio inauguralis
de passionis iliacœ causis et cura-
tione , Halle, 1742. IL De manu-
scriptismedicis quœinler codices bi-
blioth.reg. Berolin.servantur Epist.
1 et 1 , 174C et 1747. On y trouve ,
entre autres, l'idée que les Arabes
avaient de la petite-vérole, et une
histoire de la culture des tulipes , à
l'occasion du jubileum de la tulipo-
manie. III. Fersuch , etc. ( Essai
d'une notice historique iur V art de
travailler l'or et l'argent dans les
temps reculés ) , Berlin , 1757, sans
nom d'auteur. IV. De medicis eques-
tri dignitate ornatis , ibid . , 1768,
in-4°. A la fin , l'auteur traite du
passage des arts et des sciences de
l'Italie vei-s le Nord, et de quelques
statues d'Esculape , d'Hvgiéa , et
d'Hippocrate , qui se trouvaient en
Prusse. Il s'excuse lui-même sur ses
digressions ; et ce traité , l'un de
ses premiers ouvrages, quoiqu'il ne
• l'ait publié que quinze ans après l'a-
voir composé , se ressent de la ré-
daction à la mode dans le temps.
V. Ferzeichniss , etc. ( Catalogue
d'une collection de portraits , la
',rt de médecins célèbres , tant
gravés qu'à V aqua-tinta ou en bois ,
et de quelques dessins ) , Berlin ,
MO
1771* in-4"., avec beaucoup de
vignettes de Rode, directeur cie l'a-
cadémie. VI. Beschreibung , ete.
( Description de médailles ou je-
tons frappés en l'honneur des mé-
decins , avec des Mémoires expli-
quant l'art de monnayer des an-
ciens , ou concernant lliistoire et
la littérature médicales) , t. 1 et
II, Berlin et Leipzig , 1773 , in-4°.
Sa collection consistait en pins de
deux cents médailles frappées depuis
le quinzième siècle en l'honneur des
médecins , et en monnaies, , médail-
les et pierres gravées antiques. L'au-
teur y a joint une troisième partie
relative aux pièces frappées en mé-
moire des épidémies , de certaines
guérisons , ou des événements et
des phénomènes physiques remar-
quables. On y lit aussi la descrip-
tion de celles qu'on suppose faites
avec de l'or ou de l'argent des alchi-
mistes , et de toutes sortes de mé-
dailles magiques. Reincsius , Weiscb,
Meibom , Lochner, et autres méde-
cins , avaient eu le projet de publier
de ces collections : Moehsen l'a
exécuté; mais l'ouvrage devient au
moins aussi intéressant par les hors*
d'œuvre qui tiennent à l'histoire de
la médecine, que par le catalogue
des médailles. La deuxième partie du
même ouvrage, publiée en 1781 ,
I histoire des sciences dans la
: tndebourg , surtout de
la médecine , depuis le seizième
. Les recherches sur les habi-
tants, la population, les mœurs ,
etc. , donnent un grand intérêt à
histoire, divisée en quatre pé-
jusqu'à 1 i/j| ;
la deuxièm i.jin ; la troi-
sième jusqu'à 1 -1- )(> ; et la quatrième
jusqu leur (init 1
donner le ne ^\a
j) rince Jean- G
MOE
2o3
tai!s sur ses médecins , et l'état de
zième
élec-
tion d' Expériences remarquables
pour déterminer l'utilité de l'ino-
culation de la f.et,ite-vérole ), B
1782. Sans être absolument partirai!
de cette inoculation, il ne se refu-
sait pas à faire l'opération quand on
le lui demandait. Les tab es q Vil
publie, à ce sujet , prouvent soa
impartialité. VIIT. Bejlrag, etc.
( addition à V Histoire des sciences
dans la Marche de Brandebourg),
Berlin, 1783. On y trouve la vie de
Léonard Thurneisen , médecin de
l'électeur; une idée de l'alchimie du
temps ; des fragments de l'histoire
de la chirurgie , de 1 4 > 7 à 1 498 ;
avec la liste des couvents cpii exis-
taient alors dans la Marche. La vie
de Thurneisen a aussi été imprimée
séparément. IX. Sur V Histoire de
la Marche de Brandebourg dans le
moyen âge, et explication des mon-
naies contemporaines ( Mém. de l'a-
cadémie royale des belles-lettres de
Berlin , 1 793 ). X. Vie du conseiller
privé Cothenius ( dans la collection
des Mémoires de l'académie de Ber-
lin, écrits en allemand). La vie de
l'auteur est insérée dans les Éphémé-
rides médicales de Berlin , de M. L.
Formey, Berlin, 1799, p. 118. Son
Eloge, par Meterotto, est imprimé
dans les Mémoires de l'académie ,
publiés en langue allemande.
M OE L L EN D 0 R F ( Richard-
Joachim - Henrj comte de), feld-
maréchal prussien, naquit en 1
dans une terre de la marche de Pn-
gnitz, où sou père avait la cl
de capitaine des digues, \près .s'ètiu
militaire dans l'aca-
démie équestre de Brandi
lacé, en qualité de pa{
a6i MOË
auprès de Frédéric II, qu'il accoin-
ta dans la première guerre de
^ilc'sic , et notamment aux batailles
de Molwitz et Chotusitz. Trois ans
après , il fut porte-drapeau au pre-
înier balaillon de la garde ; et , en
i 744 ■> le r°i le nomma adjudant. Il
eut dès-lors la première occasion de
se signaler; Frédéric en parle dans
les termes suivants ( Ilist. de mon
temps , t. il ) : « Le jeune Mœllen-
» dorf reçut, dans des circonstances
» très -difficiles, l'ordre d'escorter
» avec 3oo hommes d'infanterie , un
» grand convoi de vivres, que Fran-
« klini , qui, de tous les officiers au-
» trichions, possédait la connaissant
« ce la plus exacte des chemins con-
>> duisant de la Bohème en Silésie,
» attaqua avec 4<>oo pandoures, en-
y> tre Chatlzar et ïrautenau. Mœllen-
» dorff soutint toutes les attaques de
» l'ennemi, et s'empara d'un cime-
» tière qui dominait le défilé. De là
» il protégea les caissons , et se dé-
» fendit pendant trois heures, jus-
» qu'à ce que Dumoulin vint à son
« secours. » Depuis , chaque campa-
gne lui fournit une occasion de nou-
veaux exploits et d'avancemcnt.Dans
la seconde guerre de Silésie, il as-
sista au siège de Prague , et fut blessé
assez grièvement au combat de Carr.
Nommé capitaine en 1746 , il' ob-
tint une compagnie de la garde. Il se
trouva au siège de Prague , en ï 757 ,
ainsi qu'à la nataille de Rosbach , et
à celle de Leuthen , où sa manœuvre
brillante contre le village de ce nom
décida la victoire, et lui valut l'or-
dre du Mérite. Après avoir assisté
au siège de Breslau , il eut , en 1 7 58 ,
le grade de major, et de comman-
dant du troisième bataillon de la
garde. Deux ans après, il obtint celui
d'un régiment de la garde, à la tête
duquel il se signala à la journée de
MOIS
Liegnitz. Élevé immédiatement a près
au grade de lieutenant-colonel , il ac-
quit de nouveaux titres à la bataille
de Torgau, où ses manœuvres furent
encore décisives. Cependant il tomba
dans les mains des Autrichiens , et
resta quelques mois prisonnier de
guerre. Échangé en 1 761 , et fait co-
lonel , il mérita , bientôt après , le
grade de major-général, par la prise
d'vm poste fortiîié auprès de Bur-
kersdorf. Dans la guerre de la suc-
cession de Bavière , il commanda ,
comme lieutenant-général , un corps
de l'armée du prince Henri , en Saxe
et en Bohème : une expédition qu'il
dirigea avec succès , auprès ae Baut-
Zen, lui mérita la décoration de l' Ai-
gle-noir. Depuis 1 783 , il fut gou-
verneur de Berlin : dans ce poste
honorifique , il se rendit utile par
le soin qu'il donnait à l'améliora-
tion du sort du soldat, alors extrê-
mement négligé. Frédéric II , habi-
tée à sa société, n'en eut presque pas
d'autre dans les dernières années de
sa vie. Son successeur lui conféra la
charge de général de l'infanterie.
Mais il n'eut point d'occasion , sous le
règne de ce prince, de cueillir de
nouveaux lauriers. Le seul comman-
dement qu'on lui confia, fut celui des
troupes qui allèrent effectuer, en 1 793,
le démembrement de la Pologne.
Tout ce qu'il put faire d'honorable
dans cette occasion, ce fut d'adoucir
les charges des habitants. On le ré*
compensa a son retour, comme s il
eût fait une opération difficile et glo-
rieuse. Il fut nommé feld-maréchal ,
puis gouverneur de la Prusse méri-
dionale. Dès le commencement des
troubles de France, il avait été ques-
tion d'envoyer aussi des troupes prus-
siennes contre ce royaume. Mcellen-
doif, en émettant un avis contraire,
déplut à la cour : cependant il ne
MOE
fut pas entièrement disgracié ; cl
lorsqu'en 17g j, le duc de Brunswick
se démit du commandement de i'ar-
me'c prussienne sur le Rhin , le cabinet
de Berlin qetrouva que le vieux com-
pagnon de Frédéric II , qui fût digne
de lui succéder. Mœllendorflfaccepta;
et il vint se placer en présence des
Français, qn'il ne fit guère que conte-
nir, continuant d'occuper le pays de
Deux-Ponts : le seul avantage qu'il
obtint fut la victoire de Kaiserslau-
tern, où l'armée prussienne soutint
pendant trois jours les attaques des
Fiançais, qu'elle obligea de se reti-
rer. ( F. Hocqe.) Il jouissait, à cette
époque, d'un très-grand crédit* et
l'on prétend que ce fut par ses avis ,
que le cabinet de Berlin commit la
faute irréparable de laisser envahir
la Hollande. Son âge avancé, et tous
les honneurs dont il était comblé,
niais qu'il ne voulait plus compro-
mettre dans des expéditions incer-
taines , tout le portait alors à dé-
sirer la paix; et il est bien sûr qu'il
fut, en 1797, un des principaux
auteurs du traité de Bàle , dont il
avait fait les premières ouvertures
un an auparavant. Pendant les douze
ans de repos dont ce traite' fut suivi,
IMœllendorf jouit en paix de sa gloire
et de ses emplois ; et il continua
d'accumuler des rie! c une
ardeur qui a été souvent taxée d'a-
yarfee. Il était plus qu'octogénaire,
lorsqu'en 1 806 , la Prusse prit la ré-
solution de combattre la France :
son avis était encore opposé à cette
• ; mais , entraîné par le mou-
vement généra] , il accepta du ser-
vice. On a .lit qu'avant la bataille
ivedu 1 '| octobre, qui se donna
à-la-fois aiipiv et d'Auer-
Staedt,et qui, par 1 «'l<- «iivision mê-
me , devint si désastreuse pour les
prussiens, il s'opp<- que le
roi, au plan du duc de Brunswick ,
qui consistaità attendre que le brouil-
lard lut tombé, et à profiter de l'in-
tervalle pour rassembler les corps
d'armée disloqués. La bataille lut
commencée au milieu du brouillard •
etle désordre, qui alla toujours crois-
sant , ne tarda pas à se mettre dans
l'armée prussienne. 11 parait que
Mœllendorf ne commanda point de
division, quoiqu'on l'assure dans les
relations françaises sur cette bataille,
qui sont également fautives lors-
qu'elles disent que le fcld-maréchal
mourut, quelques jours après, des
blessures reçues à Iéna. Il fut blessé,
il est vrai, et obligé le lendemain de
rester à Erfurt malgré l'approche
des troupes françaises. Murât ayant
fait sommer le commandant prussien
d'ouvrir les portes de la ville , celui-
ci y après avoir pris les avis de Mœl-
lendorf et du prince d'Orange , se
replia sur Halle avec la garnison.
Mœllendorf et d'autres officiers-gé-
néraux blessés, qui s'étaient réfugies
dans la place, furent compris dans
l'article de la capitulation qui accor-
dait la faculté de la retraite aux Prus-
siens. Murât envoya même son chi-
rurgien au feld-maréchal, qui re-
gagna Berlin, dès que son état le
lui permît. Les généraux français ,
qui occupèrent bientôt eette ville, lui.
témoignèrent beaucoup d'égards ;
Buonaparte le fit plusieurs fois dmëru
sa table, et lui continua ses pensions.
Mœllendorf se retira ensuite à Ha-
velsbcrg, où, selon un usage prussien
assez singulier, il possédait une pré-
bende de prévôt du chapitre 1
siastique. Il y est itmrt le '.$ jan-
vier 18 16. Les eoutemporaii
Mœllendorf ont été à <!'.(<.-
cor I sur sou caractère
talents. « Cet homme, du \
est loyal , simpl
aoG MOE
et en première ligne de talents mili-
taires. » D — G.
MOELLER. V. Moller.
MOEBK ( Jacob-Henri ) , litté-
rateur suédois, ne en 1714? mort
en 1 763 , était pasteur à la campa-
gne , et. consacrait ses loisirs à i'é-
tude. L'académie des sciences de
Stockholm le plaça parmi ses mem-
bres , en 1748. On a de lui : I.
Adalric et Gothilde , Stockholm,
174-Ï-43, 2 vol. C'est le premier
roman original , qui ait paru eu lan-
gue suédoise. II. Thecla , roman
moral en trois parties , Stockholm ,
1748-38. 111. Portrait du vrai hé-
ros , discours couronné par l'acadé-
mie des belles-lettres de Stockholm,
en 1755. IV. Plusieurs Éloge > d'a-
cadémiciens . lus à l'académie des
sciences. V. Des sermons et des dis-
cours de circonstance. VI. L'union,
poème , en suédois. C — au.
MOËSEK ( Juste ) , littérateur al-
lemand, né à Osnabruck le 1 4 décem-
bre 1720, était (ils du directeur de la
chancellerie de cette ville. Il eut ,
dès son enfance, un goût très-vif
pour l'étude, et fut in^ruit par sa
mère dans la littérature française.
Il n'avait que yi ans, lorsqu'il con-
çut et exécuta le projet d'une petite
société littéraire, dans laquelle il en-
rôla ses camarades, et leur enseigna
une langue de son invention. En
1740 , il fut envoyé à léna , puis à
Gôttingne, pour étudier la jurispru-
dence. 11 s'appliqua , en même temps,
avec beaucoup d'ardeur, aux belles-
lettres , et à la littérature étrangère.
De retour dans sa ville natale, il y
exerça l'état d'avocat, en recherchant
surtout les qames qui intéressaient
l'humanité : il dérendait l'innocence
avec un courage et une franchise peu
communes. La vivacité de la résis-
tance qu'il opposa quelquefois à l'ar-
MOE
traire du gouverneur de la \
lui valut l'estime et la confiance de
ses concitoyens. 11 fut revêtu, en
1 7 >7? de la charge d'advocatuspa-
tjiaj, qui, sous ses prédécesseurs,
n'avait souvent été qu'un vain litre ,
mais dont Mœser tacha de remplir
toutes les obligations. Les états du
pays le nommèrent également se-
crétaire et syndic de l'ordre équestre.
Lors de la guerre de sept ans, il ren-
dit, par son activité et ses mesures
économiques , de grands services à sa
patrie, et lui épargna, dit-on, des
sommes considérables. Le duc de
Brunswick ne put voir de près cette
conduite patriotique, sans concevoir
une haute estime pour Mœser. Dé-
pute à Londres , afin d'y diriger
l'envoi des subsides pour l'armée
alliée, Moescr mit à profit ce sé-
jour par une étude profonde des
institutions et du peuple d'Angle-
terre. En 1761, un prince anglais,
encore enfant , obtint le titre de
prinec-évèque d'Osnabruck. Le gou-
vernement dirigea, pendant toute la
minorité de ce prince, les affaires de
son diocèse, mais se laissa guider
par les sages avis de Mœser, qui se
trouva pourtant plusieurs fois dans
une position assez embarrassante,
ayant à concilier les intérêts des ha-
bitants, et la volonté du gouverne-
ment anglais. Il s'en tira toujours
avec habiletéet avec honneur. Mœser
est principalement connu par ses
Idées patriotiques, recueil pério-
dique , auquel il doit le surnom flat-
teur de Franklin allemand. L'Al-
lemagne n'avait pas encore eu d'é-
crivain qui fût devenu aussi popu-
laire par une suite de morceaux sur
la philosophie, la morale, l'écono-
mie politique et domestique , etc.
Gœthe, dans les Mémoires de sa vie
( tom. 11 ), fait le plus grand éloge de
MOE
ce recueil, a II faudrait citer , dit-il ,
tout ce qui concerne le monde civil
et moral , pour faire connaître les
divers sujets traites par Mœser ; et
la manière dont il les a traites , est
admirable. C'est un homme-d'état
verse dans les atîaires publiques , qui
parle au peuple par la voie de la ga-
zette, pour faire envisager sous leur
véritable face et mettre à la portée
de tout le monde les mesures qu'un
gouvernement éclairé et bienveillant
se proposede prendre ou qu'il exécute:
mais, au lieu du ton magistral, il em-
ploie les formes les plus variées , et
en gardant toujours tant de modéra-
tion , qu'on ne peut s'empêcher d'ad-
mirer à-la-fois l'esprit, la facilité,
l'adresse, le goût et le caractère de
l'écrivain. Sous le rapport de l'utilité
des sujets choisis , de la profondeur
de ses vues , de l'indépendance de sa
manière de voir, des formes heureu-
ses enlin et de l'aménité qui caracté-
risent ses articles , je ne saurais le
comparera d'autres qu'à Franklin.»
Mœser devint aussi l'historien de sa
patrie, mais seulement pour l'époque
ancienne de l'évêchc d'Osnabruck :
son ouvrage est plus remarquable
pour les recherches savantes aux-
quelles l'historien s'est livré , que
pour le style; les petits événements
d'un pays de quelques lieues d'éten-
due ne prêtaient pas d'ailleurs à un
grand mouvement. En 1783, i!
le titre de conseiller de justice
<n 1 7<>a , l'ordre équestre d'Osna-
bruck célébra le cinquantième anni-
'■'■ son entré< fonc-
tio»)S . Ayant jferdu sa
fenni!
de sa
fille, M ; m t en-
suite 1 pere<
Mœser et ut d'un tution,
et avait une pkj u verte et
MOE 207
agréable. Il avait pour principe ,
comme Montaigne , que les mala-
dies n'étant que des luttes de la na-
ture contre le mal , il n'y avait qu'à
se reposer, afin de faciliter à la na-
ture le moyen de vaincre son adver-
saire; en conséquence, il allait aux
eaux de Pyrmont, mais sans dessein
d'en boire et seulement pour se ré-
' iV( r. Dans sa dernière maladie, sen-
tant approcher la mort, il revint de
son système, et avoua qu'il avait
perdu son procès : il expira le 7 jan-
vier 1794. Un nouveau recueil d'ar-
ticles détachés de Mœser, dans le
goût de ses Idées patriotiques , pa-
rut après son décès ; il suffit de citer
les titres de quelques-uns de ces arti-
cles pour en faire sentir le but utile ,
tels que ceux-ci : Sur la Moralité
des plaisirs ; — De la valeur des
compliments ; — Projet d'éloigner
les cimetières des villes; — De la
différence du mariage ecclésiasti-
que et du mariage civil ; — De la
police des divertissements villa-
geois; — De la tolérance générale ,
etc. On remarque dans ce recueil ,
plusieurs morceaux où l'auteur, quoi-
que partisan de ce qu'on a nommé
le progrès des lumières, prend quel-
quefois la défense des institutions
des temps féodaux ; et, ce qui sur-
prendra sans doute, il y fait l'éloge
de la servitude. On présume <|
articles furent composés en partie
pendant les troubles de la France,
qui durent inspirer à l'auteur des
craintes sur les effets des institutions
Iles. Les principaux ouvi
eser sont : I. Essai
ques tableaux des mœurs de 1
, Hanovre, 1 7 ^ 7 , in-8°. 11.
y/rminius , tragédie , ibid. , 1
in-H*'. 111. De veterum G
ritinei Galloru,
et populari , Osnabri
MOE
4°. IV. Epitre à Voltaire sur le
caractère de Luther ( en français ) ,
i^jo, in-8°.; sa femme traduisit ce
morceau en allemand. V. Arlequin ,
ou défense du comique grotesque ,
Hanovre, 1761 ; Brème, 1777. VI.
Lettre au Ficaire savoyard, à re-
mettre à M. J.-J. Rousseau, Ham-
bourg et Leipzig 176.5 ; Brème ,
1777, in-8°. ( en allemand). VII.
Histoire d' Osnabruck , Osnabruck ,
1 7G 1 , Berlin et Steltiri , 1 780 , 2 vol.
in-8°. VIII. Lettre à M. Mendez
da Costa , grand rabbin d' Utrecht ,
sur la facilité du passage de la
secte pharisienne à la religion chré-
tienne , Amsterdam , 1 773; Brème ,
1777. IX. Idées (Phantasien) patrio-
tiques, 4 vol., Berlin, 17 74- 1786;
4e. édition, Berlin 1820, augmentée
du jugement de Gcelhe sur Mœser.
X. De la langue et littérature alle-
mande , avec un postscriplum con-
cernant l'éducation nationale des an-
ciens Allemands, Osnabruck., 1781 ;
Hambourg, 1781. XI. Le Célibat
des prêtres sous le rapport politi-
que , Osnabruck et Leipzig, 1783.
XII. Mélanges de Mœser , avec une
Notice biographique sur cet écri-
vain, publiés par Frédéric Nicolaï ,
Berlin et Stettin ,1797-1798, 2 vol.,
in-8°. XIII. La vertu sur la scène,
ou le mariage d'Arlequin, Berlin,
1798. Il a fourni divers morceaux à
des journaux littéraires , et à l' Alma-
nach des inuses , de Leipzig. De
Bock, dans ses OEuvres diverses,
a traduit en français quelques essais
de cet auteur. D — g.
MOET ( Jean - Pierre ) , né à
Paris, en 1721 , essaya sur des su-
jets assez divers sa plume laborieuse.
De tous ses travaux littéraires, celui
auquel il attachait le plus d'impor-
tance , était une traduction des ceu-
Yres volumineuses de l'illuminé S we-
denborg , laquelle est demeurée mé-
dite. Moct se refusa , dit-on , aux
propositions de Gustave III, qui lui
offrait 3o,ooo francs de cette traduc-
tion. Il avait des connaissances nu-
mismatiques, et s'était formé un ri-
che médailler. La philosophie pra-
tique dont il se piquait, était mêlée de
beaucoup d'originalité. Il avait réuni
dans sa bibliothèque tous les ouvra-
ges des illuminés, qu'il avait pu se
procurer. Il est mort à Versailles ,
le 3i août 1806. La France lit-
téraire de 1769 donne la liste sui-
vante de ses productions : I. La
Félicité mise à la portée de tous
les hommes , Paris , 174.Ï , in- 12.
II. Code de Cythère ou lit de jus-
tice d'amour, ibid. , 1 7 46 ? in - 12.
III. Lucina sine concubitu , ou Lu-
cine affranchie des lois du concours,
1730, in- 1 2 ; débauche d'esprit don-
née comme une traduction de l'an-
glais d'Abraham Johnson : cet écrit
fut condamné au feu par le parlement.
IV. Conversation de la marquise de
L**+, avec sa nièce nouvellement
arrivée de province , Amsterdam
( Strasbourg ) , 1753 , in-8°. V.
Traité de la culture des renoncu-
les , des œillets, des auricules, des
tulipes, et des jacintes, Paris, 1754,
2 vol. in- 12 ; ouvrage assez recher-
ché , quoique l'auteur , plagiaire
d'un bout à l'autre , n'y eût rien mis
du sien {YojAaiBibliogr. agronom.)
VI. Le dernier volume du Specta-
teur ou Socrate moderne , traduit
d'Addison , 8téele et autres , ibid. ,
1755 , un vol. in- 12. VII. Disser-
tations insérées dans les dix pre-
miers volumes du Journal étran-
ger. M. Barbier attribue à Moët une
nouvelle édition très-ausmentéc du
n°. in , sous ce titre : La Femme
comme on nen connaît point , ou
Vrimauiéde l a femme sur ï homme,
MO
Londres, Gabriel Goldt , au Phénix,
1706, in-12, de i65 pag. Moè'tà
• donné une édition de VAlqy-
sia, augmentée, Paris , 1757 , in-8°.
( V. Cuorier ) ; et il a publié les 4
derniers volumes du Moréri espa-
gnol. F — T.
MOEZZ-ED-DAUL \H (Aboul-
Houcein-Aumed), troisième p
de la dynastie des Bowa'ides, et le
premier de sa famille qui ait règne'
à Baghdad , fut envoyé par Aly
son frère aîné , souverain d'une
partie de la Perse, l'an 3*. vi de l'hé-
gire, pour enlever le Ker m an à Abou-
Aly Mohammed, prince issu d'une
branche de la race des Samanidcs.
Ahmed conquit cette province, dont
il laissa le gouvernement à Moham-
med , en reconnaissance de ses géné-
reux procèdes; mais Elias, fils et suc-
cesseur de Mohammed, ayant refuse
de payer tribut aux Bowa'ides, Ah-
med le tua dans une bataille, et sub-
jugua, pour la seconde fois, le Ker-
. 1 1 lit ensuite la guerre aux Be-
loutchis,et y perdit la main gauche.
Cet accident ne l'empêcha pas de
jouer bientôt un rôle plus important
sur un plus vaste théâtre. Depuis que
Radhy-Billah avait consomme l'a-
vilissement du khalyfat, en déposant
entre les mains d'un émyr-al-om-
rah le peu d'autorité qui lui restait,
le désordre n'avait fait que s'accroî-
tre dans le sein de l'empire musul-
man. Abou -Bekr ibn- Raïek , re-
vêtu de cette dignité suprême, était
en butte à la jalousie des autres
émyrs, et employait les forces de son
tin à s itisfaire son ambition
h mes particulières. Obeid-
allah-al-Baridy , chassé par lui du
Khouzistan , s< auprès d'A-
ly , prince bowaide de Chyraz, et
l'intéressa dan . < n lui
procurani I • andir.
xxix.
MOE
Ahmed, chargé encore de cette expé-
dition par son frère, conquit leKhou-
zistan, fan 326 de l'hég. (ç)3Ôde J.
et prit ensuite Bassorah et Wa-
seth. Cependant la charge d'émyr-al-
omrah était devenue successivement
la proie de quelques Turks, qui sem-
blaient ne l'exercer que pour se livrer
impunément aux plus affreux brigan-
dages. Appelé parles vœux des ha-
bitants de Baghdad , Ahmed entre
dans cette capitale le 12 djoumady
ier. 334 (20 décembre q45), après
le départ des troupes turkes. Le kha-
lyfe Mostakfy, qui s'était enfui à son
approche, y revient, le nomme érayr-
a-]omrah,ledécoredu titre de Moezz-
ed-daulak ( la force de l'empire ) ,
confère ceux de Imad-ed-daulah et
de Rokhn-ed-daulah , a Aly et «à Has-
san, frères de ce prince, et ordon-
ne que leurs trois noms soient pro-
clamés dans la khothbah , et gravés
sur les monnaies. Moezz occupa v.w
des principaux palais de Baghdad ,
etlogea sestroupes chezles habitants.
En même temps, il assigna nu kha-
lyfe mille drachmes par jour (envi-
ron 2^5 mille francs par an), pouF
son entretien et celui de sa maison ,
et se chargea de fournir à toutes les
dépenses de l'état, en s'en attribuant
toutes les recettes. Mais, quarante
jours après, une défiance réciproque
ayant rompu l'union qui paraissait
régner entre ces deux princes, Moezz-
ed - daulah fit arrêter, déposer ei
aveugler Mostakfy ( V . ce nom ).ZéIé
partisan de la maison d'Àly, il vou-
lait rendre le khalyfat à un prime
de cette famille persécutée depuis
près de trois siècles. 11 <-n fut dis-
suadé par son ve'/.ir, qui lui repré-
senta qu'une pareille mesure :
verserait l'empire , el nuirait
propres intérêts; paire que, sous un
prim prophète, !«• kh
210 MOE
recouvrerait son éclat et la puissance
qu'il avait eue sous les premiers suc-
cesseurs de Mahomet. Alors Moezz-
ed-daulah se détermina en faveur de
ÎVIothy-Lillah, cousin -germain de
Mostakfy; mais il ne lui laissa aucuue
espèce d'autorité, et ne lui accorda
qu'une très-modique pension (^.Mo-
thy). Il fit long-temps la guerre avec
divers succès, contre ISasscr-cddau-
lah , prince hamdanidedeMoussoul,
qui, sous prétexte de délivrer Bagh-
dad de l'oppression des Bowaïdes ,
voulait y commander à leur place : il
lui enleva plusieurs villes, et même
sa capitale, qu'il ne lui rendit qu'a-
près l'avoir obligé à lui payer tribut.
Moezz-ecldaulah , partisan fanati-
que des descendants d'Aly, fit affi-
cher aux portes des mosquées , l'an
35 1 ( 962 ), les plus affreuses malé-
dictions, contre Moawyah, premier
usurpateur du khalyfat , et persécu-
teur d'Aîy; contre les possesseurs in-
justes de l'héritage de Fathimah et
d'Aly; contre ceux qui s'étaient op-
posés à ce que Haçan et Houcein ,
leurs fds, fussent enterrés, l'un auprès
de Mahomet , son aïeul , et l'autre
auprès d'Aly , son père; enfin contre
ceux qui avaient refusé d'admettre
le fils d'Abbas oncle du prophète, au
nombre des électeurs désignés par
Omar, comme candidats au khalyfat
( V. Omar Ier. ) Ces imprécations ,
qui étaient, pour la première fois,
fulminées par écrit, excitèrent de
violents murmures à Baghdad. On
arracha les affiches; et on les rem-
plaça par une autre , ainsi conçue :
Dieu maudisse tous les persécuteurs
des personnes issues de la famille
du prophète ! reproche sauglant ,
adressé à l'émyr-al-omrah, qui avait
envahi toute l'autorité du khalyfe,
et qui traitait ce prince avec le der-
nier mépris. Moezz-cddaulah, crai-
MOË
gnant une révolte générale, se con-
tenta de faire placarder de nouveaux
aualhèmcs qui ne portaient que sur
Moawyah 1er. et sur les persécuteurs
des descendants de Mahomet. L'an-
née suivante, il signala encore son
zèle pour la secte d'Aly, en insti-
tuant, contre le gré du khalyfe, la
fête, si célèbre depuis dans toute la
Perse, et consacrée au 10 mohar-
rem de chaque année, en commémo-
rationdu martyre de l'imam Houcein,
fils d'Aly. Celte fête, dont tous les
voyageurs ont donné la description,
et qui se termine toujours par des
scènes sanglantes , n'a pas peu con-
tribué à perpétuer la haine entre
les Sunnites et les Chyit es (F. Aly et
Houclin, I," 56getXX, 45 1 ). Moezz-
eddaulah venait d'entrer en campa-
gne contre un fameux brigand qui
s'était formé une souveraineté dans
les marais du Tygre, lorqu'il mourut
de la dysenterie, le i3 raby :2e. 350
(28 mars 967), après avoir gouver-
né près de vingt-deux ans l'empire,
et en avoir vécu cinquante -quatre.
Avant d'expirer, ii se frappa la poi-
trine, pleura ses fautes, et crut les ex-
pier en donnant la liberté à ses escla-
ves, et en laissant aux pauvres la plus
grande partie de ses trésors. Afin
d'entretenir des communications plus
fréquentes avec son frère Roklm-cd-
daulah , qui régnait à lspahan, il
avait établi des coureurs , dont les
deux pins agiles faisaient cinquante
à soixante lieues par jour. Moezz-ed-
cîaulah eut pour successeur son fils
Azz-eddauîah , qui fut dépouillé et
mis à mort, quelques années après,
par son cousin, Adhad - ed-dauîah
( r.t.i, p. 224, et t. m, p. 149).
A— t.
MOEZZ-EDDYN DJIHAîsDAR-
CÎ1AH , fils aîné de l'empereur mo-
ghol Bchader-Chah , lui succéda sur
MOE
le trône de l'Indoustan , au mois de
safar i i^4 ( mars 17 12 ): il s'était
distingué pendant cinq ans contre les
Beloutchis , qu'il avait presque entiè-
rement extermines ; et son père, en
récompense de ces exploits , lui avait
donné le titre de prince des haches ,
et cédé une partie de son autorité.
Mais bientôt Behader, jaloux de la
gloire et de la puissance de ce prince,
idole de tout l'empire , lui suscita
un rival dans son second fils , Mo-
hammed Azem-al-Chan. La discorde
entre les deux frères éclata du vivant
de Behader Chah , et hâta sa fin V.
Bi.hader-Chaii , IV , 137). Comme
Azem s'était emparé des trésors ,
Moezz-eddyn et ses deux autres frè-
res se liguèrent contre lui , sous la
^Smesse de partager avec eux l'In-
donstan. Azem, attaqué par eux, per-
dit la bataille et la vie. Djihan-Chah
Kliodjista-Akhter, le pins jeune des
frères et celui qui avait le plus contri-
bué à la victoire, demande vainement
le partage convenu : indigné contre
Moezz-eddyn Djihandar, il lui livre
un second combat, et l'oblige de s'en-
fuir à Lahor ; mais en le poursuivant,
il est tué avec son fils. Rafyah-el-Ka-
der, qui était resté neutre dans cette
dernière querelle , marche aussi con-
tre son frère, et tombe mort dans
une troisième action , au mois de
raby 1 ( avril ). Ces triomphes assu-
raient à Djihandar-Chah le trône de
VI ndoustan ; mais ils achevaient d'é-
puiser l'empire, et en préparaient la
dissolution. Ce prince , jusqu'alors
respecté et adoré pour sa bravoure et
ses m îles, devient tout-
à-coup un autre homme. Épris des
(h unies d'une «I inseuse , il oublie
pour elle. Il lui donne le nom
ourdjihan reine,
lumière du 1 [donne
les rênes du
MOE 2ii
poussière les parents de cette femme,
les élève aux premières char,
l'état, et indispose les principaux
omrahs , et particulièrement Dzoul-
Fekar, son vézyr. L'an 1 ri j ( 1 7 1 3),
Mohammed Ferakh-Syr, tils Q? Azem-
al-Chan , lève des troupes dans le
de, et marche contre son oncle.
Deux frères , Haçan-Aly-Khan , et
Abdallah - Khan , seids ou descen-
dants de Mahomet, et gouverneurs des
provinces de Beliar et d'Al!ah-Abad ,
se déclarent hautement en faveur
de Ferakh-Syr, cl le proclament em-
pereur. Le monarque indolent se con-
tente d'opposer aux rebelles un corps
de 1 5,ooo hommes, sous les ordres
de son (ils Azz-ed-dyn , et lui envoie
bientôt des renforts commandés par
un de ses favoris et par le vézyr ,
ennemis irréconciliables. Ses troupes
sont vaincues près d'Agrali; je \ 1
prend la fuite dès le commencement
de l'action ; ie favori est tué : tout
le camp reste au pouvoir du vain-
queur , et le brave Azz-ed-dyn vient
expirer de ses blessures auprès de son
père , que Nour-djihan berçait encore
par le récit de prétendus succès.
L'empereur sort enfin de Dchly, et
mper sur les bords du Djemnah;
mais il fuit sans oser en disput
passage à son rival , qui l'atteint , le
combat et le défait à Daoura , le 1 i
dzouihadjah ( 3 1 décembre 1 7 1 3 ).
Abandonné par la plus grande par-
tie de ses troupes , Djihandar revient
dans sa capitale, qu'il met vainement
en état de défense. Le vainqueu
entre le 19 du même mois ( G jan-
vier 17 1 \ ) , et lui fait, t ranci'
tête. Le cadavre de ce monarque fut
os (lu palais, et promené
dant trois jours sur un éléphant
duquel Le tfézyi , attach
un pied , fut tr
jusqu'à ce qu ; ire.
MOE
Moezz-eddyn Djihandar-Chah n'a-
vait pas régfté deux ans. A — t.
) EZZ LEDIN-ALLAfi (Abou-
Temym Maadal-), quatrième kha-
lyfe fathimidc d'Afrique , et le pre-
mier de sa famille qui ait régné en
Egypte, naquit a Mahdiah, l'an de
l'hég. 3 19 (q3 i de J.C.; Il succéda,
le 16 ciiawal 3^i (19 mars 902), à
son père, Mansour - Billalij mais
il ne prit le titre de khalyfe, et ne
reçut les hommages de sa cour, que
trente-sept jours après; ayant passe'
tout ce temps dans la retraite, oc-
cupé à mettre ordre aux affaires de
l'empire. Ce prince fut le plus célè-
bre, le plus brave, le plus riche et
le plus puissant de sa dynastie. L'an
344 (<p5), un vaisseau d'Abdel-
Rahman III , roi de Cordoue, ayant
pris un navire qui portait un ambas-
sadeur de l'émyr de Sicile à Moezz,
cette agression occasionna une rup-
ture entre le souverain de l'Afrique et
celuiderEspagne.L'amiraltleMoezz,
renforcé par des troupes siciliennes,
entra dans le port d'Almeria , brûla
tous les vaisseaux qui s'y trouvaient ,
descendit ensuite sur les côtes d'An-
dalousie , y commit d'affreux ra-
vages, et retourna, presque sans por-
te, à Mahdiah. Abdel-Rahman vou-
lut user de représailles; mais sa flotte
fut battue par celle du monarque afri-
cain, et ne put rien en t reprend re.
En 347 (o58), Moezz, afin défaire
rentrer sous sa domination l'Afri-
que occidentale, qui s'en était affran-
chie sous les deux lègues précédents,
y envoya une armée nombreuse, avec
des munitions de toute espèce, sous
le commandement d'Aboul -llaçan
Djewhar, qui , d'abord esclave grec,
puis renégat, était parvenu jusqu'à la
chargede Crtïed(généra!issime;. Dje-
whar s'empara d'abord deTahort;
mais ayant échoué devant Fez , dé-
MO
fendu par son prince Ahmed, fiU
de Bekr , il alla soumettre toute la
Numidie et la Mauritanie, depuis
Sous jusqu'à lOcéan, et revint assié-
ger Fez, qu'il prit d'assaut, en 348
(960). Le khalyfe fit les plus grands
efforts pour propager l'islamisme en
Sicile. La conquête de cette île fut
terminée en 35'2 (963 ), par la prise
de Taormina, que ses troupes appe-
lèrent Moezzîak, en l'honneur de
leur souverain. Les Grecs reprirent
bientôt cette place , et la reperdirent
l'année suivante , à la suite d'une
grande bataille, où leur général fut
tué. Après diverses hostilités , la
paix, conclue avec l'empire grec,
en 35fî (968), assura la possession
de la Sicile à Moezz. Tranquille alors
dans ses états, ce prince reprit les
projets de ses ancêtres sur l'Egypte ,
que la mort de Kafour avait plongée
dans l'anarchie [F. Kafour, XXII,
29.8 ). Djewhar , son général , y cu-
ira sans résistance, le 6 juillet 969;
et , trois jours après, dans les mos •
quées de Misr ou Fostât , capitale
du pays , on prononça la khothbah
au nom de son maître, et l'on en
supprima celui du khalyfe abbas-
sidcMothy-Lillah.Oii changea aussi
la formule usitée dans YEzdn ( l'ap-
pel à la prière publique). Ce fut Djew-
har qui jeta, près de Fostât, les fon-
dements d'une ville nouvelle, qu'il
nomma Al-Kahirah (la Victorieuse),
d'où s'est formé le nom du Caire.
Alors commença le grand schisme
qui divisa les Musulmans, enleva l'E-
gypte aux khalyfesabbassides, et la
mit, pendant plus de deux cents ans,
sous l'autorité spirituelle et tempo-
relle des Fa thimides. Djewhar soumit
encore la Palestine et une partie de
la Syrie , jusqu'à Damas. Cependant
les Carmathes, ayant pris cette s
dont ils avaient assassin* le gouver-
MOE
îietir, pénétrèrent jusqu'en Egypte ,
l'an 36o (97 i); mais ils furent taillés
en pièces j l. M /. , in-
formé que sa nouvelle capitale était
fée, et jugeant que sa présence
était nécessaire en Egypte, fit fon-
dre tout son or et son argent en lin-
gots qui avaient la forme de meules.
il laissa le gouvernement héréditaire
Afrique à Yousouf BaIlun,dont
le père, Zeïii, fondateur de la dy-
nastie des Zéirides ou Sanliadjitcs ,
lui avait rendu d'importants services
dans ses conquêtes en Occident; et
il partit de Mahdiah, en chawal 36 1
( 97a ), avec sa famille, sa garde
et quinze cents chameaux qui por-
taient ses trésors, ses bagages et les
corps de ses ancêtres : après un voya-
ge de dix mois , il reçut à Alexan-
drie les hommages de tous les chefs
de L'Egypte , et fit son entrée au
Caire, le 1 5 ramadhan 30'.* (973 )
(1). L'année suivante, il remporta
une victoire signalée sur les Caima-
thes, les chassa de l'Egypte, leur
reprit Damas , les força de se retirer
en Arabie, et délivra pour jamais
ses états de ces barbares sectaires.
Les révoltes fréquentes des habitants
de Damas l'empêchèrent de s'empa-
rer du reste de la Syrie ; mais son
nom ne laissa pas d'être proclamé
dans les mosquées d'Alep, de Médine
et de la A.Mke. Moezz s'aftèrmit sur
le trône, sans s'inquiéter des ana-
thèmes ni des libelles du khalyfede
Baghdad. Ce fut lui qui choi
blanc pour la couleur de ses éten-
dards et de sa livrée, en opposition
les Abbassides, qui avaient
adopté le noir. Il termina glorieuse-
L belol et Cm
! ■ '/ Jil 1 !•
fr'i J'°ù ■' ïaudric.
i\3
ment sa carrière, en raby ier., 365
(novembre 976; , dans là quarante-
sixième année de son âge, après avoir
régné, par lui-même et sans vézyr,
plus de vingt ans en Afrique , et trois
en Egypte. 11 laissa pour successeur
son fils, Azyz-Biilah ( F. ce nom,
III , i4ç) )• Quoique Moezz fût très-
enfichéde la science des astrologues,
et qu'il n'entreprît rien sans les con-
sulter , il était savant et vertueux.
Aucun prince arabe ne fut plus
grand par sa libéralité , son amour
pour la justice , sa piété, la régula-
rité de ses mœurs, son affection pour
ses sujets et la douceur de son gou-
vernement. Il fit creuser , dans le
Delta, un canal qui a longtemps re-
tenu son nom; et il embellit le Caire
de plusieurs édifices, entre autres, de
la grande mosquée, ou il fut enterré
auprès de ses aïeux. On lui contesta
toujours la généalogie qui le faisait
descendre d'Aly et de Fathimc, fille
de Mahomet. Un jour qu'il passait la
revue de .ses troupes, un prince aïy-
dc lui demanda de quelle branche de
cette maison il était issu : « Voilà
» mes titres, dit Moezz en tirant son
» sabre, et voilà ma race, ajouta-î-
» il, en jetant des poignées d'or à ses
» sol lats ! » A — t.
MOEZZ SCHERYF-EDDAULAI1
( Ar.ou Temym ), cinquième prince
de la dynastie des Zéirides ou Badi-
sùles , monta sur le trône de Tunis
et de Tripoli , à Mahdiah , après la
mort de son père Badis, à la fin de
l'an |o6 ( mai 1016) ; et son oncle,
qu'une faction avait proclamé roi ,
abdiqua volontairement au moyen
de quelques dédommagements. Moezz
n'avait alors que onze ans. 11 alla
au-devant de l'année qui accompa-
gnait la pompe funèbre de son père,
mort au siège de Madjila ;
Bières gracieuses et allubles lui ga*
'±\\
MOE
gnèrcnt tous les cœurs. Il se rendit à
Kairowan , où ses ministres, abusant
de son inexpérience, ordonnèrent
un horrible massacre des chyites ou
sectateurs d'Aly , Fan 4«7' Moezz
vainquit ensuite Hamad,son grand-
oncle , fondateur de la dynastie des
Hamadides , a Aschir , Budgie , Al-
ger , etc. Il extermina les Zeuates
qui habitaient le pays de Barca • fit
périr son vézyr à cause de son or-
gueil et de ses concussions , ainsi que
le gouverneur de Tripoli , qui avoit
voulu venger la mort de son frère ;
et il subjugua plusieurs tribus de Ber-
bers. En 4'-)-7 ( io35-36 ), il envoya
bon (ils Abdallah en Sicile , avec un
corps de troupes pour seconder un
parti de Musulmans révoltes contreAl-
Akkal , leur gouverneur; mais après
la mort de cet émyr , les Siciliens se
réunirent contre les Africains , leur
tuèrent huit cents hommes , et les
forcèrent de se rembarquer. L'an
43o, Moezz s'empara de File Djerby,
dont il fit passer au fil de l'épéc tous
les habitants. Deux ans après , il dé-
clara la guerre à son parent Caïed ,
roi d'Âschir et de Budgie; mais son
armée échoua devant le château d'fia-
mad. La même année, il cessa de
reconnaître la suzeraineté et l'auto-
rité spirituelle des knalyfes Fathi-
mides d'Egypte , auxquels ses ancê-
tres avaient été redevables de leur
puissance 5 et il fit prier , dans tous
ses états, pour Caïm Beamr-allah
khalyfe abbasside de Baghdad , qui
par reconnaissance et en signe de sou-
veraineté , lui envoya l'étendard , et
les autres attributs de la royauté.
Mostanser , khalyfe d'Egypte , écri-
vit, à ce sujet, une lettre menaçante
à Moezz, qui lui répondit avec, non
moins de fierté. La querelle entre
ces deux princes était aigrie par le
vézyr Hassan al-Yazoury7 dont le
MOE
prince africain avait choqué l'amour-
propre : il en résulta une guerre des
plus opiniâtres et des plus cruelles
dont l'Afrique ait été le théâtre. Le
ministre égvpîien ayant, réconcilié
les tribus arabes de Zabah et de
Riah , leur fournit de l'argent et des
provisions , et les envoya ravager
les états de Moezz , en 442 ( io5o).
Elles s'établirent d'abord dans le
pays de Barca , riche en pâturages ,
mais absolument désert depuis que
ce prince y avait exterminé les Ze-
nates : de là les Arabes firent des in-
cursions dans les provinces voisines.
Moezz leur opposa une armée , qui
fut vaincue l'année suivante -? mais il
s'alarma peu du voisinage de ces
hôtes dangereux. Les conquêtes des
Normands en Sicile , et l'anarchie
qui régnait dans cette île parmi les
Musulmans, lui avaient inspiré le
désir de s'en emparer. 11 équipa une
puissante flotte, en 444 ( io5'2);
comme on était dans l'hiver , elle fut
presque entièrement détruite par une
tempête , près de l'île Gousira ou
Cossyre, aujourd'hui Pantalaria (i ).
Ce désastre affaiblit considérable-
ment Moezz, l'empêcha d'arrêter les
progrès de Roger en Sicile, et fut
cause que les Arabes pénétrèrent
dans le cœur de ses étals. Après lui
avoir enlevé Tripoli , l'an 44^>
( i o54 ) , ils s'avancèrent en exerçant
partout les plus affreux brigandages.
Moezz marcha contre eux, à la tête
d'une armée nombreuse , dont un
corps de trente mille esclaves faisait
la principale force ; mais il perdit la
bataille , parce que ses autres trou-
pes , jalouses de sa prédilection pour
ces soldats qu'il avait formés, ne
donnèrent que lorsque la déroute fut
(t) Et nu pas l'Ile de Coise, comme l'a dit de
MOE
inévitable. Vaincu pour la seconde
fois près de Kaïrowau , et force
d'abandonner successivement cette
ville, et celles de Rakkadah et de
Mansouriah , il se renferma dans
Mahdiah, où commandait son filsTe-
mym , dont la pie'té filiale le consola
de ses disgrâces. Les Arabes, maî-
tres de la campagne , prirent et pillè-
rent Kaïrowau , détruisirent les pa-
lais bâtis par les monarques afri-
cains , détournèrent le cours de la ri-
vière qui arrosait la ville ; et ils par-
coururent ensuite le royaume, démo-
lissant les places-fortes , coupant les
arbrps , comblant les canaux et les
sources. Tant de revers accablèrent
Moezz, et le mirent au tombeau, Tan
453 ou 4'j4 ( 1061 ou 62 ) , dans la
cinquante-huitième année de son âge,
et la quarante-septième de son règne.
C'est ce prince qui a introduit, en
Afrique, la doctrine de l'imam Ma-
ïek, à l'exclusion de celle de Chafeï
( V. Malek et Giiafei ) : il eut pour
successeur son fils Temym. A — t.
MQFFAN ( Nfcolas de ) , histo-
rien , né au seizième siècle, dans le
bailliage de Poligni, d'une noble et
ancienne famille, fut d'abord desti-
né à la magistrature. Il faisait ses
études à l'université de Dole, lors-
que Charles-Quint, effrayé des pro-
grès de Soliman , leva des troupes
pour garantit- l'Allemagne d'une nou-
velle invasion. Le jeune Mollau ré-
pondit a l'appel de son souverain ,
<i pirtit, brûlant de signaler son cou-
contre les ennemis du nom chré-
tien. Le corps d'armée dans lequel
il servait ayant été attaqué à l'im-
proviste par les Turcs en i55'2 , il
fut blessé grièvement, et mené pri-
sonnier àConstantinople. On le traita
d'abord avec beaucoup de rigueur,
pour l'obliger Leterj mais
ses gardiens se relâchèrent inscnsi-
MOF 2i5
blemcnt d'une sévérité inutile : ils
finirent par lui permettre de se pro-
mener seul dans les rues de Conslan-
tinople ; et, le soir, on renfermait
dans une chambre où se trouvait un
Turc, arrêté pour dettes. La nécessité
avait fait faire à iMoiïan de ra
progrès dans la langue turque : il fut
bientôt en état de converser avec son
compagnon ; et ce fut de lai qu'il ap-
prit les détails de la mort de Musta-
pha , victime de la jalousie de Uoxc-
lane. Après trois ans d'esclavage y
Mo flan recouvra sa liberté , qu'il dut ,
probablement, à la compassion gé-
néreuse de Christophe, duc de Wur-
temberg. Il se hâta de rejoindre l'ar-
mée chrétienne en Allemagne, et fut .
blessé une seconde fois, en i556.
Ce fut à la prière du duc de Wirtem-
berg , regardé par lui comme son
prince et son patron , qu'il mit
par écrit les particularités recueillies
dans sa prison , sur la mort de Mus-
tapha. Cet ouvrage est intitulé: Soi-
tant Sotymani , Turcarum impera-
toris , horrendwn facinus in pro-
priwn jilium , nalu maximum ,
soltanum Mustaphum , panjcidio ,
anno Domini i553, pairatum. Il a
e'té imprimé à Bàîe , i555, in-8°.
Chevalier {Ilist. de Poligni, tome 11,
pag. 4 H) ) -en cite une édition de
Paris, i5.j6; mais Duverdicr nous
fait connaître qu'il en parut, cette an-
née là, une traduction française par
J. V. On a encore de Mollau : De
origine do m Us ottomanes et debello
turcico sui temporis. Crevenna en
possédait une copie in-fol. d
feuillets ( Voy. son Catalogue, éd.
iu iu., tome v , p. 219). Cet ou-
vrage est divisé en deux parties ;
conde est datée du mois d
vembre i55ô. C'est dans :
dicatoire que Mollau nou
craie , mis I ,l V'u" unQ
2îG
MOF
blessure peu dangereuse , il ava i I
ployé ses loisirs forces à écrire l'his-
toire des événements dunt il venait
d'être le témoin. W — s.
MOGLIANO (Gentile de), l'un
de ces tyrans qui déchirèrent la mar-
che d'Ancone, au milieu dudouzième
siècle , avait profité du séjour du
pape à Avignon , pour s'emparer de
la seigneurie de Fermo , avant Tan-
née i348 , épo jue où il fut fait pri-
sonnier dans une guerre contre ses
voisins , les Malatesti, princes de Ri-
mini. 11 racheta sa liberté par une
grosse rançon ; et bientôt après , il
recommença la guerre, appelant à
son secours , en i353, la compa-
gnie d'aventure du chevalier de
Montréal. La haine entre Malatesti et
Mogliano causa la ruine du dernier ,
îorsqu'Égidio Albornoz entreprit,
cette année même, de reconquérir les
états de l'Égbsr. Les petits souve-
rains, qui s'étaient partagé le domaine
ecclésiastique, ne surent pas demeu-
rer unis pour résister au cardinal.
Dès l'année 1 354 ? Gentile de Mo-
giiauo ouvrit volontairement les por-
tes de Fermo à Égidio Albornoz ,
qui, en retour, le nomma gonfalonier
de l'Eglise. L'année suivante , Mo-
gliano voulut s'allier de nouveau aux
Malatesti et aux Ordelalli; il reprit
alors la garde de Fermo , d'où il
chassa les soldats de l'Eglise ; mais
il fut à son tour abandonné par les
Malatesti, dèsleurs premiers revers :
le peuple de Fermo se souleva contre
lui et le chassa, au mois de juin i355.
Mogliano finit ses jours en exil ^tan-
dis que ses deux filles , qui s'étaient
réfugiées à Gésène , auprès deMarzia
des Ordelalli , partagèrent avec cette
femme intrépide les dangers de sa
valeureuse défense, et furent faites
prisonnières avec elle ? le 21 juin
i357. S. S— 1.
MOH
MOHALHAL (Adyben il
estl'imdes plus anciens poètes arabe
Avant lui , les poésies des Arabes n'é-
taient autre chose que des vers iso-
lés. Le premier, il composa des
pièces de trente vers ( Gasydah ) ,
créa des compositions plus légères,
et lit servir la poésie à chanter les
charmes de l'amour. C'est ce qu'in-
dique le nom de Mohalhal , qu'on lui
donna. Son frère, Goléib, ayant été
tue injustement par des Arabes d'une
tribu voisine de la sienne , il se mit
à la tête d'une petite troupe , mar-
cha contre la tribu meurtrière, et la
punit par de sanglantes représailles.
Mais ses succès lui inspirèrent une
telle présomption , que le desir de
se venger dégénéra chez lui eu fé-
rocité. Abandonné des siens, qu'a-
vait irrités sa conduite, il fut obligé de
fuir. Même dans sa retraite, son goût
pour les expéditions ne le quittait
pas. Ses esclaves , lassés de ce genre
de vie , le massacrèrenL Mohalhal
était antérieur de quelques années a
Mahomet. J — n.
MOHAMMED I™. , empereur de
de l'Indoustan ( V. Mas'oud et Mau-
doud, tom. XXVII. -p. 37<jet495.)
MOHAMMED II ( Aboul-Mod-
IIAFFER ClIAil-CuYR-ZAD ChEIïAC-
ED DYN ) AL GhAURY , 5e. SUÏthail
de la dynastie des Ghaurides en Per-
se, et 17e. souverain musulman de
l'Indoustan, fut associé au trône, l'an
567 (1 1 7 1) par son frère Gaïath-ed-
dyu , dont il avait partagé les ex-
ploits , et qui lui céda le royaume
de Ghaznah ( Voyez Mohammed *
Gaiatii-eddyn). Ghehab-eddyn Mo-
hammed, autant par inclination que
par déférence pour son frère, conti-
nua de reculer les bornes de ses
états du coté de l'Indoustan. Eu 572,
il conquit la province de Moultau :
en 574, il pénétra dans le Gouzcràl;
m
mais son année y fut taillée en pièces
par celle du radjah Bim-déou. L'an-
née suivante , il s'empara de
chour- en 5"6 , il iuarcha sur La-
lior, où résidait Khosrou - Meiik ,
dernier prince de la dynastie des
/•ic vides : après avoir tenu quel-
que temps la place assiégée , il em-
mena le fils de ce prince , comme
prisonnier ou comme otage. Il sou-
mit ensuite le Sind, et en rapporta
de riebes dépouilles. Il assiégea vai-
nement Lahor en 58o, la prit enfin
par stratagème, en 58'2 . et anéantit
la dynastie dv.s Ghaznevi des ( V.
Kiiosrou-Chah, XXII , 3()i ). L'an
587 , il retourna dans l'Indoustan ,
se rendit maître d'Adjemyr et de Ti-
berhind ; mais il fut surpris entre
cette ville et Dehly parles radjahs de
Dehly et d'Adjemyr, qui l'attaquè-
rent avec des forces infiniment supé-
rieures : il courut les plus grands
dangers dans cette bataille , qu'il
perdit par la lâcheté de plusieurs de
ses oiliciers. Arrivé à Lahor , il ne
laissa pas de pourvoir à la sûreté
de ses provinces dans l'Indoustan;
et il revint à Ghaznah , où , après
avoir infligé des peines infamantes
aux lâches qui l'avaient abandonne',
il passa le reste de l'année dans les
plaisirs , en attendant le moment
de réparer sa honte. Au printemps
suivant, il rentra dans l'Indoustan ,
à la tète de cent mille cavaliers turks ,
persans et afghans, et rempi
près des bords du Sursoit
grande victoire sur les radjahs In-
dous , dont l'armée était de trois
rent nulle chevaux, de trois mille élé-
phan: infanterie innombra-
ble. ! lincus fut im-
mense, fii en bestiaux, et
en bai Dehly
et d'Adjemyr y furent tués, Moham-
med soumit Ad] r au
MOU .m 7
fil de l'épée , ou réduisit en 1
vage tous les habitants ; mais il
rendit cette ville au fils du dernier
prince , moyennant la promesse d'un
tribut annuel ; et le nouveau radjah
de Dehly conserva aussi les étals de
son père aux mêmes conditions. Le
sulthan reprit la route de Ghaznah ,
laissant le gouvernement de ses con-
quêtes au Turk Cothb-eddyn Aïbek ,
qui avait été son esclave. Ce général
se rendit bientôt maître de Dehly ,
et força tous les peuples voisins
d'embrasser l'islamisme. En 589
( 1 193 ), Chehab-eddyn Mohammed
reparut dans l'Indoustan , vainquit
le radjah de Canoudj et deBénarès ,
entra dans ces deux villes , y ren-
versa toutes les idoles , et changea
les temples en mosquées ( 1 ). En
Sgi , il prit Biana , dont il confia
le gouvernement à Boha-ed-dy:i
Thogrul , autre a'ïranchi turk , qui ,
suivant les ordres de son maître,
avant soumis Goualyor, fut ensuite
battu complètement par les radje-
pouts qu'il avait imprudemment at-
taqués. En 5q3 , Cothb-eddyi
para cet échec par la conquête de
Narnai , Calindjar , Calpy et Bou-
daoun. Mohammed se trouvait à
Thous, dans le Khoraean , occupé
à faire la guerre au sulthan de Kha-
rizin , lorsqu'il apprit la mort de
son frère Gaialh - eddyn Mcham-
med , en 599 ( iao3) : il se ren-
dit aussitôt «i Ghaznah , s'empara
du trône , dépouilla les enfants de ce
prince , auxquels il ne laissa que
des apanages peu importants , et fît
presque mourir sous le bat.
femme favorite , afin d'avoir s<
( 1 1 B '•■•• 1 '•• 1 rii ■
BratimiDei ; el 'I e»l prohablt au» • • \<>t
époque . «|n<- I'- un» ■- » t , ..li
ai 8 MOH
sors. Ce fut ainsi qu'il reconnut les
bienfaits de son frère : son ingrati-
tude ne demeura pas impunie. Ayant
voulu soumettre Mérou, Fan (ioo,
il marcha contre le sulthan de Kha-
rizm, qui, n'étant pas en état de
tenir la campagne, fut oblige de se
renfermer dans sa capitale ; mais
le roi de Samarkand , et le général
du khan des Khitans, vinrent au se-
cours des Kharizmiens. Ghehab-ed-
dyn , enveloppé de toutes parts , se
battit en désespéré : il vit périr la
plus grande pariie de son armée ;
blessé lui-même dangereusement , il
ne dut son salut qu'à une poignée de
braves, qui , s'ouvrant un passage à
travers les rangs des ennemis, portè-
rent le sulthan dans le château d'Hin-
dou -Koud. Il y fut bientôt assiégé;
mais , en rendant la place , et en
payant une rançon, il obtint du roi
de Samarkand , la liberté de retour-
ner dans ses états. On l'avait cru
mort ; ce bruit avait donné lieu à de
grands désordres. Lorsque le sulthan
arriva devant Ghaznah , le comman-
dant lui en refusa l'entrée. Forcé de
fuir vers Moultan, il y fut traité en en-
nemi par le gouverneur. Enfin , avec
îe secours de ses fidèles sujets , il
triompha de ces deux rebelles, rentra
dans sa capitale, et fît la paix avec le
sulthan de Kharizm. Les Djakkars ,
peuples féroces, sans morale et sans
religion , qui habitaient les mon-
tagnes de Sewalek, près du Niiab ,
(un des affluents de l'Indus) , avaient
ravagé le Pendjab , et exercé mille
cruautés sur les Musulmans. Chehab-
eddyn Mohammed marcha contre
secondé par Cothb - eddyn
Aibek , qui lui amena des troupes
de Debly , il tailla en pièces ces bri-
gands, et contraignit leur prince et
îa nation entière d'embrasser l'isla-
misme. Apres avoir pacifié ses pro-
MOH
vinces de l'Indoustan , le monarque
partit de Lahor, pour retourner à
Ghaznah, dans la résolution de pren-
dre sa revanche sur les Khitans.
Arrivé, le •>, chaban G02 ( 1206),
sur les bords de l'Indus , il y fut as-
sassiné par vingt Djakkars , qui le
surprirent seul , pendant la nuit dans
sa tente , où il était en prières. Il
avait régné 3i2 ans à Ghaznah , et un
peu plus de trois , comme sulthan ,
depuis la mort de son frère. Ce
prince , l'un des plus célèbres qui
aient occupé le trône de l'Indoustan,
avait toutes les qualités d'un conqué-
rant ; mais il en eut aussi tous les
vices. Il fut souvent ingrat, perfide
et cruel. La soif de l'or et des con-
quêtes, non moins que le fanatisme de
la religion, fut le premier mobile de
ses invasions dans l'Indoustan , qui
furent au nombre de neuf: aussi pos-
sédait - d des trésors incalculables.
On dit qu'il y avait cinq cent mans
(dix quintaux) de diamants et de
pierreries, et la charge de mille cha-
meaux en pièces d'or. Se voyant
sans héritiers mâles , il avait fait
élever avec soin plusieurs mil-
liers d'esclaves turks, qu'il regardait
comme ses enfants; et il se vantait
de laisser en eux une nombreuse
postérité qui perpétuerait la mé-
moire de son nom. Il distribua des
gouvernements à plusieurs de ces es-
claves ou mamlouks, dont les plus
célèbres furent Tadj-cd-dyn Udouz,
qui régna dans le Kerman et à
Ghaznah; Nassir - eddyn Kobah,
dans leSindetleMoullan( ^.Kocah,
XXII , 5o8 ) , et Cohb- eddyn Aibek ,
qui fut , à proprement parler , le
premier roi musulman de Dehly.
A — t.
MOHAMMED III, 33e. empereur
de l'Indoustan , fils et successeur de
Touglouk-Chah , l'an 725 de l'hég.
mou
( ï3'2.5 de J.-C. ), gouverna, du vi-
de ce prince , tout ce que les
Musulmans avaient conquis dans le
Dekhan. Il agrandit la ville deDéou-
gbyr , lui donna le nom de Daulat-
Abad, y fixa sa résidence, y attira
un grand nombre de savants et d'é-
trangers , et la rendit la cite la plus
riche de tout le Deklian. Appelé au
trône de Dehly, par la mort de son
père , il sut joindre les vertus d'un
bon roi aux qualités d'un grand mo-
narque. 11 entretint toujours une ar-
mée nombreuse, pour l'aire respec-
ter son autorite: mais les princes du
Dekhan profitèrent de son éîoigne-
ment pour recouvrer leur indépen-
dance j ils chassèrent les Musulmans
de toute la contrée , et ne leur lais-
sèrent que Daulat-Abad. Mohammed
entreprit d'y transférer le sfége du
gouvernement, sans pouvoir y réus-
sir. La malheureuse issue de ses ten-
tatives pour conquérir la Chine, af-
faiblit sa puissance. Des révoltes
dans le Bengale , le Gouzerât et le
Pendjab, lui firent perdre une grande
partie de ses états. II mourut sur les
bords du Sind , en marchant contre
dos rebelles , l'an 759, (i35u) , après
un règne de 27 ans, laissant pour suc-
cesseur son fils, Fyrouz Chah III ( Z7".
ce nom. \\ i, > 1 1 . — "
Cuaii IV, pclit-fils t;. it,fut
reconnu empereur à JNagarkot , par
une partie ue l'armée , l'an
>rt de son ;
iZ-Chah ; tandis que les gi
m pire plaçaient sur le trône à
Delily, son frère Touglouk-Chah II.
vboubekr ,
fils d'un autre do ses frères, détrôna
et mit. 1 mort Touglouk, qui s'était
rendu iches.
Mohammed fil , ,. aou_
veau compi
trer dans I On vit ; • '"
mou
219
Dehly deux empereurs se disputer
le trône, et remplir de carnage les
rues de celte ville. Enfin , au bout de
deux ans, Aboubekr, forcé de se
rendre , fut confiné dans une prison,
en rç)"\ ( i3ç)ï ); et Mohammed de-
meura paisible possesseur de l'em-
pire, qu'il transmit, par sa mort,
en 796 ( i3g4), après un règne de
six ans el demi, à son fils Iskander-
Chah qui fut bientôt remplacé par
son second fils Mahmoud-Chah J II
( V. ce nom , XXVI , 179). — Mo-
hammed-Chah V, 43°. souverain
de Dehly , était lils de Ferid , et
petit-fils de l'empereur Khizer, seïd
ou descendant de Mahomet, lequel
avait dû à ïamerian les commence-
ments de son élévation. Mohammed
fut mis sur le trône, en 8^7 ( 1 434),
par la faction qui avait fait périr
Moubarek II, son oncle et son pré-
décesseur : mais des révoltes éclatè-
rent de toutes parts. Mohammed ,
assiégé dans sa capitale , négocia se-
crètement avec les rebelles, pour leur
livrer le vézvr, principal auteur de
la mort de Moubarek. Le vézyr , in-
formé de ce qui se tramait contre lui ,
força les portes du palais pour assas-
siner l'empereur : mais Mohammed
s:- tenait sur ses gardes; et des sol-
dats, au premier signal qu'il donna,
tombèrent sur les conspirateurs , et
les mirent en pièces. Ce prince ne
fut, après ce coup d'autorité, ni
plus heureux ni plus puissant: jouet
des factions, réduit à ne commander
que dans sa capitale, il mourut . en
cî/j7 ( l/|43), après un règne de dix
ans , dont la fin ne fut tranquille
que parce que Bahloul-Lody, gou
neurde Moultan et de Labor, a
soumi lit tous les autres i< -
iblit l'ordre dans l'em-
pire , el demeura maître de tout If
;r, sous le titre de vézvr, jus-
MOU
qu'à ce qu'il eût force Ala-ed-dyn ,
i successeur de Mo ha Dirai
descendre du trône, pour y montera
sa place.— Mohammed VI et Vlï.
( V. Babour, III, i 58, et Houmaioun
au Supplément. ) — Mohammed
VIII , l'un des princes Afghans ou
Patatis , qui interrompirent le règne
de l'empereur moghol Houmaioun,
usurpa le trône de Deldy, l'an ç)5G
( ir)/jo), en faisant pe'rir le jeune
uz-Chah IV, dont il était oncle
maternel. Ce fut ainsi qu'il se mon-
tra reconnaissant envers sa sœur ,
mère de Fyrouz, laquelle, du vi-
vant de Selim-Chah, son époux, avait
sauve la vie à Mohammed , que ce
prince , connaissant la perversité
de son beau -frère, voulait sacrifier
à la sûreté de son fils. Moham-
med fut un monstre de débauches et
de cruauté. Il régna un peu plus de
deux ans, et fut assassiné, en 969
( i-55 1 ), par ses deux beaux-frères j
qui occupèrent successivement le trô-
ne de Dchly , et dont le deuxième,
Iskàttder, fut vaincu et tué , l'année
suivante, près de Nagarkot , par
Houmaioun, auquel cette victoire
rendit L'empire. A — t.
MOHAMMED IX, X , XI et XII.
( V. AiiBAR , I , 36o ; Djih an Ghyr ,
XI, 449? Chah Djih an , VII, 618;
et Bi'HADER-CiiAn , IV, 57. )
MOHAMMED XIII ( Ferjkh-
Syr ), empereur moghol de l'Indous-
tan, était fils d'Azem-al-Chân , et
petit-fils de l'empereur Behader-
Chah , (|ni lui avait donné le gouver-
nement du Bengale. Il s'y fit telle-
ment aimer , que les habitants ont
long-temps célébré sa mémoire dans
leurs chansons. Après la catastrophe
de son père et de ses oncles , l'an
1 1 «24 de i'hég. ( 1712 de J.-C. ) , il
abandonna Dacca , sa résidence pour
se soustraire à la vengeance de son
OH
oncle, Moezz-cddyn Djiliandar-Chah
( V. ce nom); et, à la tète d'un corps
de troupes affolées, il se rendit à
Patnah , où les mécontents le procla-
mèrent empereur, en t 713 : il re-
çut le même honneur à Deldy, après
la défaite et la mort de son oncle ,
eu 1 19.5 ( 17 14 )• Il recompensa les
qui t'avaient placé sur le trône ,
choisit Abdallah, l'un des deux frè-
pour son vézyr , et donna au
second , Haçan-Aly , les charges de
bakhehy ou trésorier-général, et d'é-
myr-al-omrah. Ces deux ambitieux
s'emparèrent de toute l'autorité, dis-
posèrent des trésors, des emplois, et
ne laissèrent à Mohammed que le
nom et les signes extérieurs de la
souveraineté. Pendant les troubles
qui agitaient l'Indoustan , depuis la
mort d'Aureng-Zcyb , la puissance
des Seikhs, comprimée par ce monar-
que , s'était relevée ( V, Govinda ,
XVIII, aie), et Nanek). Bendah-
Singh , leur nouveau chef, à la tête
cent mille hommes, avait rava
tout le Pendjab, et fait périr succes-
sivement trois gouverneurs de Lah or.
Enfin Abd-el-Sernad khan, nommé
à ce poste périlleux , lassa les Sei-
khs , par de fréquentes escarmou-
ches , sans hasarder de bataille dé-
cisive, et força Bendah de se renfer-
mer dans Eohagar , où, après un siè-
ge de onze mois , il le réduisit, par la
faim et la soif, à se rendre, ainsi que
toute sa famille. On l'envoya à Deh-
ly, avec trois cents Seikhs, dont pen-
dant un mois, dix eurent la tête tran-
chée chaque jour sur la place publi-
que. Bendah et ses trois fils subirent
le même sort, parce qu'ils refusèrent
d'embrasser l'islamisme. L'empe-
reur publia une loi sévère contre les
Seikhs , mit leurs têtes à prix et les
poursuivit avec tant d'acharnement
qu'ils semblèrent anéantis, et qu'ils ne
it de trente
important
du r< : Ferakh-
Syr. < : prince que la com-
pagnie anglaise des Indes obtint un
mplaitdetous droits
d'entréeet de sortie , et qu'elle a re-
gardé comme sa charte commerciale
dans l'Inde, tant qu'elle a eii besoin
de la protection des princes du ;
odant Mohammed soullrait,
depuis plus de quatre ans , le despo-
tisme et les indignes procèdes des
deux seuls , et il avait t'ait de vaincs
tentatives pour se défaire d'eux. En-
fin, Abdallah étant parti , en 1718,
pour a! 1er chasser du Malwa, Nizam-
el-Molouk, l'empereur se concerte
avec quelques omrahs , pour faire as-
sassiner à-ia-fois ces deux factieux.
Le projet avorte : Abdallah tire de
prison à Sa tara h , un petit-fiis
,'eyb , revient à Dchly, à i
dite mille Mahrattes, et annonce
a Mohammed qu'il vient lui disputer
l'empire, au nom de ce prince. Il lui
de néanmoins la paix , et lui li-
vre le prétendant; mais il exige que
Mohammed congédie sa garde , et
qu'il en accepte une autre du choix
(lu vé/.yr. Alors, les tiens: frères, mai-
!.i personne de l'empereur, lui
font crever les yeux, après lui avoir
reproché son ingratitude, et l'avoir
uillé des marques de la souve-
nue révolution arrti
avril ou mai 17 18. On voulut étran-
gler ce malheureux prince: il eut la
de casser le cordon qu'on avait
déjà passé autour de son col ; mais
le lendemain on se défit de lui par
led Ferakh-Syr
•ans et de-
itraint
sseur ,
l Dird-
jah . qui , peu éprou-
va le même <•' par
son-frère, Rafyh-ed-daulah. A — t.
MOHAMMED XI\
MoDIIAFFER Ni
schaii (jiiazy ), empereur m<
de l'Indoustan , était fils de khod-
jistah-Akhter Djihan-Chah, le
nier des fils de l'empereur Bebader
Chah. Il passa de la prison sur le
trône où le placèrent les deux frères
seïds, en Dzoul hadjah 1 1 3 1 (septem-
bre 1719) , après la mort de Rafyh-
ed-daulah , son cousin. Les fréquen-
tes révolutions qui avaient ensan-
glante l'Indoustan , depuis la mort
d'Aureng-Zeyb, la faiblesse de ses
successeurs, l'ambition des omrahs,
et l'avilissement de l'autorité si
raine, avaient prépare la décadence
de l'empire moghol. Le règne de
Mohammed fut l'époque de sa disso-
lu! ion totale. Pour se délivrer de la
tyrannie de ses deux ministres, ce
prince excite sous main à la révolte
plusieurs gouverneurs de provinces,
entre autres Nizara-el-Molouk
bah-dar du Malwa. Les troupes
envoyées contre ce dernier, par les
seuls , sont battues, et deux de leurs
neveux périssent sur le champ de
bataille. Les deux frères se séparent
pour faire tête à l'orage qui les me-
nace de toutes parts. Abdallah
che contre les rebelles : Baçai
avec l'empereur, est assassine ,
à une journée de Dehly, par le
qui servaient la cause de
hammed ; et ce prince , à la té
ses troupes , tue de sa main un ne-
veu de l'ambitieux vézyr, qui
excité une sédition pour venger la
mort de son oncle. A cette
Abdallah tire des prisons de S
gar , Ibrahim , frère
derniers monarques , le proclame
impéi iale, le 1
aaa
moh
venibre 1750; il est vaincu et fait
prisonnier , ainsi que le prince Ibra-
him : on le conduit à Mohammed ,
qui lui pardonne , et se contente de
le reléguer dans un château, où il
pourvoit splendidement à tous ses
besoins ; mais , peu de temps après ,
Abdallah mourut des suites de ses
blessures. Telle fut la chute des
Séïds qui , dans l'espace de sept
ans , avaient été assez puissants pour
donner quatre empereurs à i'Indous-
tan, et pour en sacrifier cinq à leur
ambition ( V. l'article précédent, et
3YÏOEZZ-EDDYN DjIIIANDAR CllAII ).
Mohammed , qui se vantait de n'a-
voir commence de régner que depuis
la mort de ces deux factieux , n'en
fut pas moins toujours un fantôme
de souverain. Les omrahs , qu'il re-
gardait comme ses libérateurs, ob-
tinrent, les uns les premières dignités
de l'empire, les autres de grands
gouvernements , où ils se rendirent
indépendants; et l'empereur, livré
sans retenue à sa passion pour le
vin , la chasse et les femmes , aban-
donna entièrement à ses ministres !c
soin des affaires. Celui qui avait le
plus de crédit à la cour , et d'ascen-
dant sur l'esprit du monarque , était
Khan-Dowran , qui, réunissant la
charge de bakhehy, et celle d'émyr-
al-omrah, disposait à son gré des
finances et de l'armée. Cependant ,
les Mahrattes qui avaient su résister
à Àureng Zeyb, étaient devenus, sous
ses faibles successeurs , des ennemis
redoutables à l'empire moghol. Ils
dévastèrent les provinces de Mal-
wa, d'Adjemyr , de Gouzerât , vin-
rent ravager les environs de Goua-
lyor , et menacèrent souvent la ca-
pitale. Khan-Dowran , et les autres
généraux que Mohammed leur op-
posa , aimèrent mieux traiter avec
eux que de les combattre. L'empe-
MOH
renr s'obligea de leur payer le clwiit ,
c'est-à-dire , le quart du revenu an-
nuel des provinces envahies : mais
cette condescendance les rendit plus
exigeants, et ils finirent par s'empa-
rer de ces mêmes provinces. Ces bri-
gands étaient excités par Isizam-cl-
Molouk, qui , deux fois appelé à la
cour , où ses talents avaient été jugés
nécessaires , s'était retiré deux fois
mécontent, parce que ses projets de
réforme avaient déplu au parti de
Khan - Dowran : il était retourné
dans le Dekhan, qu'il gouvernait en
véritable souverain. Ce fut alors
qu'il invita le fameux Nadir-Chah ,
usurpateur du trône de Perse , à
conquérir l'Indouslan. Au bruit de
la marche du monarque persan , on
rappelle encore ISizam-el-Molouk à
Dehly; mais il n'y travaille qu'à per-
dre son rival. Cependant Nadir, maî-
tre de Kaboul , de Peïchour, de La-
hor, poursuit sa marche triomphante
vers la capitale. Mohammed en sort,
avec sa cour et son armée, et vient
camper à Pannipout, d'où il envoie
la plus grande partie de ses forces ,
sous les ordres de Khan-Dowran ,
et de Sadet-Khan, soubah - dar
d'Aoude, pour tenir tête à l'en-
nemi. Ces deux généraux rencon-
trent l'armée persane dans les plai-
nes de Karnâl ; la bataille se donne
le c2/\. février 1739; les Indiens y
sont mis en déroute. Khan-Dowran ,
blessé mortellement, va expirer aux
pieds de son maître ; et Sadet-Khan,
ennemi de ce général, est fait pri-
sonnier. Alors, l'empereur, trompé
par le perfide Nizam -ei-Molouk ,
monte sur un trône portatif, et se
rend au camp du vainqueur, qui le
reçoit avec tous les honneurs dus
à son rang , l'embrasse, lui donne
place à ses côtes, cause familière-
ment avec lui, blâme son apathie ;
MOH
F.i mollesse , et surtout son impru-
dence d'être venu se mettre à la dis-
crétion de son ennemi , et finit par le
rassurer sur ses intentions. Un traite
avait été négocié d'avance, par
Nizam-el-Nfolouk, entre les deux
monarques. Nadir devait recevoir
deux krors de roupies (environ 5o
millions de francs); et, à ce prix, il
consentait à retourner dans ses états :
mais Sadet-Khan, jusqu'alors com-
plice des intrigues de Nizam-el-Mo-
louk, quoique zclé pour la gloire et
le bonheur de l'Indoustan, craignit
que cet omrah ne recueillît seul
l'honneur et l'avantage de ce traite:
il éveilla la cupidité de Nadir-Chah ,
et lui persuada de visiter la capitale.
Le conquérant licencie les restes de
l'armée moghole , s'empare de la
caisse militaire et de l'artillerie, qu'il
envoie en Perse, avec tous les équi-
pages de l'empereur , retient ce mo-
narque prisonnier, et marche sur
Dehly. Il y fait son entrée le '20
mars , et va occuper le palais impé-
rial, après avoir préalablement en-
voyé Sadet-Khan, pour apposer
le scellé sur les effets les plus pré-
cieux , notamment, sur le fameux
trône du Paon, et dresser l'état des
omrahs , et des plus riches citoyens,
qui devaient être mis à contribution.
Le lendemain , une querelle, au su-
jet delà taxe du blé, et un faux bruit
I tdir avait «:!<; tué, ayant i
une insurrection parmi les habitants ,
ils font main-basse sur tous les Per-
san-, qu'ils rencontrent. Nadir, me-
■ Utieux, quitte I
on quartier dans la
grande mo -me un pil-
et un ma aérai. Pour
iper à l'a\ . eur, et
à la urutali i , plusieurs
famili i
leurs maisons, et se précipitent dans
MOH v±3
les flammes. Le nombre des victi-
mes, de tout âge, de tout rang et de
tout sexe, fut de cent mille, suivant
les rapports les moins exagères, et de
deux cent vingt cinq mille, suivant
Olter. Une grande partie de la ville
fut consumée. Enfin, le soir, Nadir,
touché par les prières de Nrzam-el-
Molouk, et du vézyr Kamar-ed-dyn-
Khan, fit cesser le carnage, et réta-
blit l'ordre et la tranquillité; mais
les cruautés les plus inouïes furent
encore exercées sur tous les malheu-
reux: que frappait la contribution
et coûtèrent la vie à plusieurs d'en-
tre eux. Nadir-Chah interrompit la
désolation générale par les fêtes bril-
lantes qui solennisèrent les noces
de l'un de ses fils , avec une prin-
cesse du sang de l'empereur moghol.
Après avoir exerce les droits de
souveraineté à Dehly, il assembla
les omrahs; replaça la couronne, en
leur présence, sur la tête de Moham-
med-Chah; se (il céder, par ce prince,
toutes les provinces à l'ouest de
l'Indus ; lui donna des conseils sur
la manière dont il devait gouverner;
enjoignit à ses ministres de lui êtie
fidèles, cl partit enfin de Dehlv ,
le 16 mai i 7 ?9 , emportant les dé-
pouilles de l'Indoustan, évaluées à
quinze cents millions , cl même à
plus de deux milliards, selon quel-
ques relations. L'invasion de ce con-
quérant avait porté le dernier coup
a la puissance de i'empire moghol.
Aly-Yerdv-khan usurpa le Bengale;
; Vlahrattes pénétrèrent dans le
Carnate, dont ils tuèrent le nabab ,
qui avait osé leur résister : les
liillalis, peuples Afghans, formèrent
un état indépendant à l'ouest du
;e, et a quatre-vingts milles de
la capitale. Sa'if-dar-Djenk , soubah-
dar d'Aoude, ennemi juré
niers, détermiu eur a leur.
22 \ mon
faire la guerre, et s'obligea a en
payer tous les frais. Mohammed-
Chah commanda lui - même cette
expédition, Tan 174^ ; il s'empara
du pays des Rohillahs, contraignit
Aly-Mohammed, leur chef, de se
rendre à discrétion , lui fit grâce , à
Ja sollicitation du vézyr Kamar-ed-
dyn, et l'emmena prisonnier àDehly;
mais, l'année suivante, une troupe de
Bohiiîahs s'introduisit dans la capi-
tale, et, par ses cris séditieux, força
l'empereur de mettre en liberté Aly-
Mohammed , à qui ce prince donna
même le gouvernement de Serhind.
Après la mort de Nadir-Chah , en
1747? Ahmed- Abdally, l'un de ses
généraux, s'étant formé un royaume
de toutes les provinces nouvellement
cédées à la Perse par l'empereur mo-
ghol , entra dans l'Tndoustan , à
l'exemple de son maître, prit Lahor,
et pénétra jusqu'à Serhind. Moham-
med-Chah lui opposa une armée,
sons les ordres de son fils Ahmed,
et du vézyr Kamar-eddyn. Ce dernier
fut tué, dans sa tente , par un boulet
de canon , ce qui n'empêcha pas le
jeune prince de battre Ahmed -Ab-
dally , et de le forcer à la retraite
( V . Ahmed - Cuaii Abdally , I ,
335 ). Depuis la décadence de l'em-
pire moghol, Kamar-ed-dyn , autre-
fois le compagnon de débauches de
Mohammed-Chah , était devenu son
confident et son ami. En apprenant
la mort de ce favori , le monarque
se retira dans son appartement , où
il passa toute la nuit, en larmes. Le
lendemain matin ( 8 avril 1748),
tandis qu'il donnait audience, i! fut
frappé d'apoplexie , et mourut sur
sou trône , après un règne orageux
et malheureux de 3o ans. Moham-
med se distinguait par sa beauté ,
son esprit , et ses connaissances ; il
écrivait purement l'arabe cl le per-
MOÏÏ
san ; il était brave, affable, et géné-
reux : mais son caractère facile , et
porté à l'indulgence , lui fit trop
souvent sacrifier son autorité à sa
clémence. Indolent et voluptueux, il
joignait à ces défauts une extrême
défiance en ses propres talents : il
écoutait tous les conseils , et flottait
dans une incertitude continuelle ;
aussi fut-il toujours dominé par ses
omrahs et par ses faVoris. 11 eut
pour successeur son fils Ahmed -
Chah. A — t.
MOHAMMED , sulthan d'Egypte.
V. Nasser Mohammed.
MOHAMMED ( Abou-Add-Al-
lau ) , connu sous le nom d'Ebn-
Batouta , célèbre voyageur arabe,
était natif de Tanger, et appartenait
à la tribu africaine de Léwata : c'est
du moins ce que l'on doit , ce semble ,
conclure des surnoms de Léwati et
Tandji , qu'on lui donne. Son père se
nommait, comme lui, Mohammed.
Nous ignorons d'où lui venait le sur-
nom d'Èbn - Bat ou ta. 11 naquit en
l'année 703 de l'hégire, comme
nous l'apprend M. Graberg de Ilem-
so , dans son Précis de la littérature
historique du Magbrib - el - Aksa
( Lyon, 1820 ). En l'an 725 ( 1 324-5
de J.-C. ) , il quitta Tanger sa pa-
trie , et ce premier voyage dura vingt
années. 11 visita l'Egypte , l'Arabie ,
la Syrie , plusieurs provinces de
l'empire grec , et la capitale de cet
empire, îaTartarie, laPerse, l'Inde,
les îles de Ceylan et de Java, les
Maldives et la Chine. Il fixa quelque
temps sa résidence à Dehly, et ensuite
dans l'une des îles Maldives , et exer-
ça même , dans l'un et dans l'au-
tre endroit , les fonctions de kadhi.
De retour dans sa patrie après une
si longue absence , il ne tarda pas à
la quitter de nouveau pour parcourir
l'Espagne. Ce voyage terminé , il en
MOH
entreprit un autre dans L'intérieur de
l'Afrique septentrionale , et du pays
5, dont il vit les principales
villes , notamment celles de Tom-
bouclou et de Melli. Rentre enfin
dans ses foyers, il rédigea une ample
relation de tous ses voyages. Cette
relation a été abrégée plus tard , et
vraisemblablement vers la fin du
seizième siècle, par un Arabe, nommé
Mohammed Ben-Mohammed Kélebi.
Jusqu'à ces derniers temps, on ne
possède point eu Europe la relation
complète des voyages d'Ebu-Balouta,
telle qu'il l'a écrite lui même ; quoi-
que l'on suppose que Dombay s'en
était procuré un exemplaire pendant
son séjour à Tanger. L'Abrégé de Mo-
hammed Kélebi l'ait partie des ma-
nuscrits que le docteur Seetzen avait
acbete's dans le Levant, et envo
tiothèque du duede Saxe-Gotha.
M. Kosegarten, professeur de langues
orientales en l'université de Iéna , a
publié un mémoire curieux surEbn-
Batouta , et sur ses voyages ( i ) ; et
il a donné trois fragments très-inté-
ttts de la relation abrégée de Mo-
hammed Kéléiu. Un nouveau frag-
ment de la même relation a été pu-
blié par Al. Henri Apetz , élève de
M. l\i >.). Si Ebn-Batouta,
paraît être, dans gments, un
rédule et disposé à ajou-
ter foi a des récits absurdes , il s'y
montre aussi narrateur véridique et
, distinguant avec soin ce (huit
il a ete témoin, de ce qu'il n'a appris
que par oui-dire. Les notions qu'il
donne sur l'intérieur de l'Afrique sep-
île , ont surtout fixé l'a Iten-
■ pour lesquels
: devenues, depuis les
i
dernières années du dix-huitième siè-
cle, l'objet de recherches assid
de savantes combinaisons. En
rai, la relation d'Ebn-Batouta mérite
d'être publiée* et les savants sauront
beaucoup de gré a M. Kosegarten ,
de la leur faire connaître en entier,
comme il semble en avoir formé le
projet. Si M.Graberg a réussi, comme
on le présume , a se procurer un
manuscrit de cette même relation ?
on peut aussi espérer que le public
n'en sera pas privé. Nous ignorons
l'année de la mort d'Ebn B ;touta.
S. d. S — Y.
MOHAMMEi udjah
; u m dyn Ier.), 5'-'. sulthan sel
djoukidede Perse, était le deuxième
lils du célèbre Melik-Chah . et frère
deBarkyaroc {K. ce nom, fil, 378),
auquel il disputa l'empire dès l'an de
i'hég. 492 « «'D^y. Après une guerre
cruelle de cinq ans et des suc* À-
ries , il obtint enfin îe titre de Melik
( roi ) et la souveraineté absolue de
l'Adzerba'idjan , de l'Arménie, du
Diarbekir , de la Syrie , et de tous
les pays jusqu'à Derbend. Ces que-
relles sanglantes, entre les deux frè-
res , portèrent un grand coup à l'is-
lamisme, et facilitèrent les su
des Chrétiens occidentaux qui, sous
■ ires de Godefroi de Bouillon ,
et des autres chefs de la première
s'emparèrent d»; >ïj
d'Antioche, d'Edesse, de Jérusalem ,
d'Acre , et fondèrent , en Syrie et en
Palestine , diverses principautés, qui
ant deux cents ans
les Musulman .
hammed , devenu maître de toute la
II,!) 1 105 ) , par la
mort de Barkyaroc , et |> ir 1 1 re-
nonciation de son u, . ; ihah
an titre de sulthan , lit
l'émj 1
inU qu'il 1
2-26
TVIOH
placer un jour son pupille sur le
trône. Au lieu de marcher en Syrie,
contre les Chrétiens, à la tête de
toutes ses forces ; au lieu de faire la
guerre aux Batîteniens ou Ismaé-
Hens, qui, au centre de ses états , pos-
sédaient plusieurs forteresses inex-
pugnables , d'où leur souverain en-
voyait des troupes attaquer les
caravanes, et des sicaires assassi-
ner les princes et les grands dont il
voulait se défaire ( V. Haçan Ben-
S abbah , XIX , 280 ) ; Mohammed
tourna ses armes contre les Mu-
sulmans , et ne s' attacha qu'à sou-
mettre ou à détruire les grands vas-
saux dont l'ambition préparait déjà
la ruine de l'empire seldjoukide. 11
se détermina pourtant à investir un
château dont les Ismaéliens s'étaient
emparés dans le voisinage même
d'Ispahan. Les assiégés, pressés par
la famine , songeaient à se rendre ,
lorsque le commandant mit dans ses
intérêts le vézyr du sulthan. Ceprince,
incommodé par une trop grande
abondance de sang, avait coutume
de se faire saigner tous les mois. Un
chirurgien , gagné par le vézyr, pro-
mit de se servir d'une lancette em-
poisonnée : mais le complot fut dé-
couvert , et, au moment de l'opéra-
tion, l'assassin, effrayé par un regard
terrible du sulthan , laissa tomber
l'instrument, et avoua son crime. Le
vézyr fut condamné à mort : le chi-
rurgien fut saigné avec la lancette
qu'il avait préparée pour son maître;
et la place ayant été prise et rasée ,
le commandant ismaélien fut aban-
donné aux outrages delà populace, et
ensuite écorché vif par ordre de Mo-
hammed. Les progrès des Chrétiens
qui avaient pris en Syrie, Tripoli ,
Beyrout , Siclon , etc. , réveillèrent
eniin ce prince. Il envoya , contre
eux , une armée nombreuse, sous les
MOH
ordres de Maudoud , auquel il venait
de donner le royaume de Moussoul.
Après divers succès , Maudoud fut.
assassiné à Damas ( V. Maudoud ,
XXVII, 498); et Toghtcghyn,
violemment soupçonné d'avoir été
l'instigateur de ce crime , obtint son
pardon du sulthan , qui le confirma
dans la souveraineté de Damas, et
qui reprit Moussoul dont Acsencar
al-Bourski s'était emparé ( V . Ac-
sencar , 1 , i05 ). Les auteurs ex-
traits par d'Herbelot , et ceux du
Loub el Tawarikh et du Gulchenal
Kholafah, parlent d'une prétendue
expédition dans l'Inde , entreprise
par Mohammed , el que de Guignes
a regardée, avec raison, comme fa-
buleuse. La partie orientale de la
Perse était alors possédée par le célè-
bre Sandjar, frère de ce prince; et
Mas'oud , qui régnait à Ghaznali et
sur toutes les provinces du nord de
l'Inde, vivait en paix avec les Sel-
djoukides ( V. Mas'oud m, XXVII,
3hb ). D'ailleurs Ferischlah , dans
son Histoire de l'Indoustan , traduite
en anglais par Dow, ne fait aucune
mention de cette expédition. Mo-
hammed mourut à Ispahan, le s&4
dzoulhadjah 5 1 1 ( 1 1 18 ) , dans la
trente-septième année de son âge , et
la quatorzième de son règne , après
avoir lui-même placé son fils sur le
trône ( V. Mahmoud , XXVI , 1 7.4 ).
Ce prince dans ses derniers moments
composa des vers sur le néant des
grandeurs humaines. Il s'était rendu
recommandable par sa clémence , sa
justice, etia régularité de ses mœurs.
Quoiqu'il eût considérablement allé-
gé le poids des impôts, il laissa dans
son trésor pour deux-cent-vingt mil-
lions , tant en or qu'en pierreries et
autres choses précieuses. A — t.
MOHAMMED ( Abou-Ciioudjah
Gaïatii-eddyn II), i oe ou 1 1 e sulthan
tofl
Seldjoukide do Perse, fils de Mah-
moud et petit-fils du précédent, se
trouvait dans le Kliouzistan , lorsque
son frère , Melik-Chah II , fut arrête
et déposé par ses émyrs , l'an 5 \r] de
rhég. ( 1 i5a de J.-C. ) Khass-Beye ,
le plus puissant d'entre eux, appela
Mohammed à Hamàdan , dans le des-
sein de l'arrêter aussi , et de s'empa-
rer du troue: mais ce prince , peu de
temps après, fit périr le traître, et
abandonna son corps aux chiens. Un
Î>areil coup d'autorité souleva tous
es autres seigneurs déjà disposés à
î 1 révolte. La défaite et la captivité
du solthan Sandjar, grand-oncle de
Mohammed, chez les ïurkomans ,
offrirent aux factieux une occasion
favorable de s'élever sur les ruines de
l'empire seldjoukide. L'atabek Yl-
deghiz déposa Mohammed , et fit
reconnaître sullhan Soleïman-Ghah ,
oncle de ce prince. Ceiui-< i, forcé de
quitter Hamadan , se relira à Ispa-
lian , d'où il fut rappelé, six mois
après , pour remplacer le stupide
Soléiman. Mohammed eut bientôt
à-la-fois sur les bras son propre fre-
itlik-Chah , qui s'était échappé
de sa prison, Soléiman, qui s'était
réfugié à Baghdad, et le khalyfe qui ,
sous prétexte de soutenir les droits
de ce dernier, ne travaillait qu'à di-
viser les princes seldioukides, afin
de s'affranchir de leur joug ( /'. Mon-
TAF1 II ). Cependant Mohammed
ayant vaincu Soléiman, sur [es bords
de l'Aïav, et affermi son autorité
en Perse, marcha vers Baghdad ,
pour i- di, kh d\ IV.
. us très-vives , il
[ut oblige', au boni de trois mois, do
levtM e ville , pour vo-
1 secours 1
talc, que son fi ih , et
l'atabek Yldeghiz \ de pil-
ler , et d'où il
MOU
femmes de ses émyrs, Mohamn
harcelé dans sa retraite par les trou-
pes du khalyfe, aurait néanmoins
triomphé de son frère , qui faisait lu
guerre moins en prince et en général
qu'en partisan et en brigand ; mais
il tomba malade, et ne lit plus que
languir. Pour arrêter les ravages de
Melik-Chah, il lui promit inutile-
ment sa succession, et ne put l'em-
pêcher d'aller s'emparer du Kliou-
zistan. Mohammed mourut au mois
de dzoulhadjâh 554 ( lï~>9 )» dans
la 33e. année de son âge, et la 8 ". de
son règne. Avant d'expirer, il voulut
voir encore ses armées , sa cour et
ses trésors : « Hélas , dit-il , tant de
» puissance ne peut ni soulager mes
» maux ni prolonger mes jours ! Que
» l'homme est malheureux de s'at-
' » tacher aux choses périssables, et
» de négliger celui qui est la source
» de tous biens! » Mohammed joi-
gnait à beaucoup d'esprit , de bra-
voure , de prudence et de fermeté ,
un caractère plein de douceur et de
boulé: il accueillait les savants et les
gens de mérite , et semblait destiné à
relever la gloire de sa maison, dont
il prévit la décadence. Aussi , loin
d'assurer le troue à son (ils, il lui
chercha un asile , pour
d'un
circonstances difficiles. 11 eut poui
esseur son oncle Soleïman-Chah
( /r. cenoi a — t.
MOHAMMED, roi de Perse. T.
KnoD et Oldjaïtou.
■il kMMED AbôudCacem au
MàHADY. y. M UU)Y.
lHAMMED(AonA),KnA»
cond prince de la dynastii
jais, aujourd'hui régnant
le deuxième filé de Ylohai
Haçau khan, qui ai
disputé le
l'éloigner
peux dans
•>'>8
MOH
Après la dernière défaite et la mort
de son père en 1 758 , il fut pris avec
quatre de .ses frères , et emmené
à Ghyraz, où Keiym-Khan le ren-
dit eunuque ; il y demeura com-
me otage , jusqu'à la mort de ce
prince, en mars 1779. Ayant trouve
moyen de s'évader , pendant les
troubles qui suivirent cet événement,
il retourna dans l'Esterabad , que
son père et son a'ieui avaient gouver-
ne': l'enleva à son frère Mourteza-
Couli-Khanj et, favorisé par les guer-
res civiles des princes zends, succes-
seurs de Kerym, il s'empara aussi du
Mazanderan, et obligea le gouver-
neur du Gliylan de se reconnaître son
vassal. Aly-Mourad-Klian, vainqueur
de tous ses rivaux, maître de Ghy-
raz, et reconnu souverain par la plus
grande partie de la Perse , voulut
de même soumettre les provinces au
sud de la mer Caspienne. Il envoya-
son fils Cheikli-Weis-Khan, qui ob-
tint d'abord des succès sur Agha Mo-
hammed, et lui enleva Esterabad,
Semnan et Damegan : mais , tandis
qu'il assiégeait Bostam, où l'eunuque
avait déposé ses trésors , rebutée par
la fatigue et la disette, son armée l'a-
bandonna , et il fut contraint , pour
échapper aux séditieux, de se retirer à
Thehran. La mortd'Àly-Mourad, en
janvier 1 780, ayant replongé la Perse
dans l'anarchie (K Aly-Mourad) ,
Agha Mohammed fit des progrès
plus rapides , et se rendit enfin maî-
tre d'Ispahan , la même année. Cette
ville lui fut long-temps disputée par
Djafar-Khan , frère d'Aly-Mourad ,
lequel s'était maintenu à Ghyraz et
dans tout le midi de la Perse {V.
Djafar, XI , 4^9)- La mort délivra
Mohammed de ce compétiteur , en
janvier 1 789; mais il trouva dans son
fils, Louthf-Aly-Khan, un rival plus
brave, plus redoutable, contre lequel
MOH
il recourut plusieurs fois à la perfidie
et à la corruption, n'ayant pu le vain-
cre par la force des armes ( V.
Louthf-Aly-rhan, XXV, 271 ).
Enfin il triompha;et son or lui ayant
successivement ouvert les portes de
Ghyraz et de Kerman, il se vit maî-
tre de toute la Perse méridionale, et
affermit le trône dans sa famille, en
exterminant tous les princes zends
qui tombèrent en son pouvoir. Eu
1794, il marcha vers l'Adzerba'id-
jan, dont les divers khans s'étaient
maintenus dans l'indépendance , de-
puis la mort de Kerym - Khan , au
moyen de leurs intelligences avec
Héraclius , prince de Géorgie. Mo-
hammed, les ayant forcés de le re-
connaître pour souverain , fit de
grands préparatifs de guerre , pour
punir Héraclius de s'être affranchi,
depuis quarante - cinq ans , de la
soumission et du tribut envers la
Perse, et de s'être rendu, en 1783 ,
vassal de la Russie : il entra dans
l'Arménie en 1795,- battit, sous les
murs d'Erivan, les troupes géorgien-
nes, commandées par un fils d'He-
raclius ; se contenta de bloquer cette
ville et celle de Gh outché, dont les gou-
verneurs refusèrent de se soumettre ,
et marcha sur Téflis, qu'Héraclius ,
privé du secours des Russes , avait
quittée précipitamment. Agha Mo-
hammed la prit sans résistance, au
mois d'octobre , en fit massacrer ou
charger de fers tous les habitants, la
livra au pillage, mit le feu aux mai-
sons et démolit le château. Après
avoir répandu la terreur dans les
environs, reçu les soumissions des
khans du Chyrwan et du Daghes-
tan, et permis au fils d'Héraclius de
retourner en Géorgie, en l'obligeant
de se reconnaître de nouveau , tant
pour lui qu'au nom de son père, vas-
sal de la Perse, il reprit la route de
MOH
Thehran.Chah-Rokh, petit-fils de Na-
dir-Chah , régnait depuis près d'un
demi-siècle dans le Khoraçan , où il
s'était maintenu par la protection
des rois de Caudahar et par la bra-
voure de son fils, Nasr- Allah, qui
avait deux fois sauve Meschehd, sa
capitale, de la fureur des avides Ouz-
b'eks ; mais il ne put résistera la puis-
sance de l'ambitieux eunuque. Agha-
Mohammcd ayant marche contre ce
vieillard aveugle et infirme, au prin-
temps de 1796, Chah-Rokh persua-
da a ses fils de se retirer à Cauda-
har , et alla au-devant de l'usurpa-
teur, dans l'espoir de le toucher par
cet acte de soumission , par l'aspect
de ses malheurs , et surtout par ses
riches présents. Mohammed lui té-
moigna d'abord beaucoup d'égards;
mais lorsqu'il fut entré dans Mes-
chehd, il s'empara du palais, s'ar-
rogea tous les droits de la souveraine-
té, lit arrêter Chah-Rokh, et le força,
par les douleurs de la torture, à décla-
rer où étaient ses trésors. Il quitta le
Khoraçan, après y avoir laissé des
garnisons, et emmena l'infortuné
Chah-Rokh, qui mourut près d'Este-
rabad . soit par le poison , soit des
suites des mauvais traitements (fu'il
avait endurés. Pendant cette expédi-
tion d'Agha Mohammed, une armée
russe, sous les ordres du comte \ .de-
rien Zouboff, avait passé le Térek,
prisDerbend, Bakhou, Chamakhy,
etc. . posait à pénétn
Gébi que la nouvelle de la
I atherine \\ , et les ordres
tie Paul i lièrent ee général
et son an . Agha Mo-
hammed pas moins
l'Ai 1797 ,
pour ch 1 places
qu'ils avaient gard
jet, après la (in
de tounu icIaPorte-
MOH
-"9
Olhomane , lorsqu'un ofïieier d<
maison, gagné par Sadek-Khau Clia-
kaky , l'un de ses généraux , l'assas-
sina clans sa tente, prés de Chou-
tché,le 14 mai 1797. Sadek s'em-
para aussitôt des trésors , décampa
avec une partie des troupes et des
munitions , et se rendit a ïauryz ,
dans le dessein de disputer le trône
à Baba-Khan , neveu et successeur
désigné d'Agha Mohammed ; mais
Baba-Khan triompha de Sadek et de
quelques autres compétiteurs, et fut
reconnu roi , sous le nom de Fcth-
Aly-Chah ( V, ce nom dans la Bio-
graphie des Hommes vivants ).
Agha Mohammed était âgé d'envi-
ron soixante ans , et en avait régné
dix-huit à Esterabad et dans le Ma-
zanderan , douze seulement à Ispa-
han , et moins encore sur les autres
parties de la Perse. Quoiqu'il n'y prît
jamais le titre de chah (roi) , il réu-
nit plus de provinces sous sa dorai-
nation qu'aucun des autres succes-
seurs dufameuxNadir.il était grand,
maigre , sec ; et sa physionomie dé-
sagréable et repoussante. Avare, dur,
perfide et cruel , il n'avait pas su ga-
gnci' les cœurs de ses sujets- mais on
le craignait. Spoliateur et tyran de
sa propre famille, il avait fait périr
ou aveugler presque tous ses frères ,
et rendre eunuques la plupart de
leurs (ils , afin , disait - il avec une
atroce ironie, de se voir revivre
dans ces enfants. Agha Mohammed
khan ne manquait, au reste, ni de
ige, ni de talents politiques.
C'est auprès de lui que les natu-
ralistes Èruguières et Olivier rem-
plirent, en 1*796, une mission di-
plomatique, de la part, du gouver-
nement français. 11 avait d'abord
résidé à Sari, d;iv.A le INa/anderan ,
OÙ il avait fait élever un ,
fortifications ; mais dep
MOIÏ
sa demeure à Thehran , qui , sous
lui n sou successeur, est devenue , eu
qudquc sorte , la ci pila le de la
Perse : quoiqu'il eût fait revêtir de
lames de cuivre dore les dômes des
mosquées d'Imam - floucein et d'I-
mam-Gasem , et fondé d'autres mos-
quées dans le voisinage de Bagh-
dad , il ne laissait, pas de menacer
souvent le pacha de cette ville d'y
aller en pèlerinage , à la tête de son
armée. A — t.
MOHAMMED (Ala-eddyn), 6e.
sulthàn de Kharizm, était le deuxiè-
me fils de Takasch. Devenu , par la
mort de son frère, l'an de l'hég.5g3
( i i()G de J.-G. ) , l'héritier présomp-
tif du trône , il quitta le surnom de
Cothb - eddyn , pour celui d' Ala-
eddyn , et obtint Je gouvernement
du Khoraçan. Il faisait la guerre aux
Ismaéliens, ou Assassins , et assié-
geait le château de Terschiz , lors-
que la nouvelle de la mort de son
père l'obligea de retourner précipi-
tamment dans le Kharizm , ii y
fut reconnu sulthan, l'an Sgfy ( i aoo;,
et reçut le serment de fidélité des
Is de l'empire et des princes ,
.ses vassaux. Hindou - Khan , son
neveu . s'étant relire aussitôt à la
cour du roi de Ghaur, y trouva de
puissants secours. Ce monarque , et
ïe roi de Ghaznah , son frère, entrè-
rent dans le Khoraçan , dont ils fi-
rent la conquête , et le donnèrent
à Hindou - Khan ; mais après le
départ des princes Ghaurides , Mo-
hammed reprit tout ce qu'ils lui
avaient enlevé, et mit en fuite son
neveu. Vaincu, l'an 600 ( X2o3 ) ,
par Chehab - eddyn Mohammed ,
roi de Ghaur et de Ghaznah , il
eut recours aux Khilans qui vengè-
rent sa défaite. Taudis que les états,
des Ghaurides étaient en proie aux
►us et aux guerres civiles , par
MOH
la mort de leur monarque ; les rois
de Bokhara et de Samarkande im-
plorèrent la protection du sulthan
de Kharizm , contre ces mêmes
Khitans, non moins insupportables
à leurs aidés que terribles à leurs
ennemis. Mohammed traversa le
Djihoun , l'an 604 ( 1207), enleva
tout le Mawar-el-Nahr aux Khitans ,
gagna sur eux une grande bataille
l'année suivante , envoya leur gé-
néral prisonnier dans le Kharizm,
pour y porter lui-même la nouvelle
de sa déroute , et le fit périr dans la
suite. Cette victoire fut si complète ,
que le sulthan prit le surnom de
Sanàjar, le plus vaillant des princes
seldjoukides ; mais les peuples lui
donnèrent celui de second Alexan-
dre. Mohammed pénétra dans l'O-
rient jusqu'à Otrar ou Fariab , y
laissa un gouverneur , et revint dans
le Kharizm. Une guerre contre le
khan des Khitans et celui des Naï-
mans , son gendre , fournit à Mo-
hammed l'occasion de rentrer dans
leTurkestan, comme alliédu second.
Mais il fut vaincu , et fait prisonnier
par la trahison d'un de ses géné-
raux; il ne recouvra sa liberté qu'en
passant pour l'esclave d'un çle ses
officiers, qui consentit» jouer, dans
cotte circonstance , le rcle de sul-
than. Aly-Chah, gouverneur du Kho-
raçan, s'était emparé du trône, pen-
dant la courte captivité de son frère.
Le retour de ce prince l'obligea de se
réfugier auprès du roi de Ghaur,
qu'il entraîna dans son malheur.
Mohammed les fit périr l'un et l'au-
tre. Après avoir conquis tout le pays
de Ghaur , l'an 6o5 ( V. Gaïath
eddyn Maumoud , XXVI, 1
il prit encore part aux querelles en-
tre les Naïmans et les Khitans , et
contribua beaucoup à la ruine de ces
derniers, dont l'empire fu.t ip
MOH
par îa prise de Kascligar. Délivre' de
ces dangereux voisins , et tranquille
dans ses états , Mohammed , tel que
le héros macédonien dont on lui a\ ait
donné le surnom , s'abandonna au
vin et aux femmes , fit périr un
célèbre docteur musulman, qui lui
reprochait ses débauches; et, comme
le meurtrier de Clitus , il se repentit
de ce crime, lorsque les fumées du
vin furent dissipées. L'an 6 1 1 ( i i 16),
il s'empara de Gliazna sur Tadj-ed-
dyu-Ildouz , l'un des Mamlouks qui
s'étaient partagé les démembrements
de l'empire Ghauride. Ayant trouvé
dans les archives de cette ville , une
lettre par laquelle le khalyfe Na<-ser-
Ledin- Allah avait engagé Chehab-
eddyn Mohammed à faire la guerre
au sulthan de Khaiïzm , celui-ci la
déclara lui - même au chef de l'is-
lamisme , et résolut de le déposer.
En effet , il convoqua une assemblée
d'imams et de docteurs , qui dé-
clara que les abbassides étaient des
usurpateurs, et que le khalyfat ap-
partenaitde droit auxdescendantsde
Iloucéin , fds d'Ali. En conséquence ,
Ala-eddyn al-Melik al-Termedy fut
élu khalyfe, l'an 61 4 ( 1 2 1 y ), et re-
connu comme tel dans tous les états du
sulthan. Mohammed, voulant l'ins-
taller à Baghdad, marche à la tête
d'une année , s'empare de Kazwyn ,
d'Hamadau , d'Ispahan , oblige les
princes de l'Adzerbaïdjan et du Far-
ir ses vassaux e
tributaires , et menace la capitale de
l'empire musulman : des neiges
'antes, et le bruit de l'invasion
de Djenghyz-Khan , sauvent le kha-
et rappellent Mohammed dans
leKharizm. Le conquérant moghol,
vainqueur de toutes les hordes tar-
avâit envoyé un ambassadeur
au sulthan de khan/m f pour lui
faire part de ses triomphes , et lui
MOU
u3i
proposer une alliance, comme celle
d'un père avec son fils. L'o»
leux Mohammed, accoutumé
flatterie, s'indigna de ce ton d
périorilé : mais il dissimula ; et la
paix entre deux monarques qui se
redoutaient mutuellement, su!
quelques années , malgré les sollici-
tations du khalyfe Nasser auprès de
Djenghyz-Khan, pour l'engager à la
rompre. Plus taid une caravane de
marchands tartares étant arrivée a
Otrar, avec trois ambassadeurs que
Djenghyz-Khan envoyait à Moham-
med , pour lui proposer un traité
de commerce, le gouverneur leur
donna audience. Fier de sa parenté
avec la mère du sulthan , et offensé
que l'un d'eux , en raison de leur
ancienne liaison , l'eût familière-
ment appelé par son nom, sans
lui donner ses titres 5 il fit arrêter
tous les marchands , ainsi que les
ambassadeurs, et manda au sulthan
qu'une troupe d'étrangers , auxquels
il supposait de mauvais desseins, ve-
nait d'arriver sur cette frontière; et
qu'il s'était assuré d'eux, en atten-
dant ses intentions. Mohammed, sans
s'éclaircir de la vérité, envoya l'or-
dre de les faire périr; et le gouver-
neur s'empressa d'obéir , aiin de
confisquer les richesses et les mar-
chandises des malheureux Moghols.
Un seul, échappé au triste sert de
ses compagnons, retourna en Tar-
tarie, et instruisit Djenghyz-Khan de
cette horrible violation du droit des
gens. Telle fut la cause de l'incendie,
qui devait bientôt embraser l'Asie
occidentale, et s'étendre jusque dans
le nord de l'Europe {F. Djenghyz-
Khan. XI, 438). Le conquérant mo-
ghol usa d'abord de modérât ion; mais
le sulthan ayant refusé audit 1
l'ambassadeur chargé de lui deman-
der satisl*action; Djenghyz-Khan. I14.
•232
mou
déi lara solennellement la guerre, et
marcha vers le Turkestan, à la tête
de ses nombreux el terribles Tarta-
res. Mohammed, qui s'était avancé
jusqu'à Khodjend, avant connu à
quels ennemis il avait affaire, dès la
qu'il dit à soutenir
contre Touchy Khan, fils du monar-
que moghol, ne crut plus devoir ha-
sarder de batailles, li laissa de furies
garnisons dans toutes les places du
Turkestan et du Mavvar el-nahr; et,
sans s'inquiéter du découragement
où son départ allait jeter les habitants
de ces vastes provinces, il repassa le
Djihoun , incertain sur le parti qu'il
avait à prendre, cl déjà trouble par
de funestes pressentiments. Il son-
geait à se retirer dans l'Indouslan ,
et à mettre sa famille et ses trésors
en sûreté dans les montagnes du Ma-
ïanderan; mais craignant de laisser
la Perse entière exposée à la fureur
des barbares , il s'arrêta à Nischa-
bour, dans le Khoraçan, et s'y li-
vra pendant quelques jouis aux déli-
ces de la table. Ce furent les derniers
plaisirs de sa vie , qui désormais ne
fut plus qu'un enchaînement de mal-
heurs. Déjà les villes d'Otrar, de
Khodjend, de Sarnarkande, de Bo-
khara, etc., étaient tombées au pou-
voir des Tartares ; Khai izm , capi-
tale des états de Mohammed, n'avait
pu tenir contre eux. Poursuivi par
un corps de leur avant - garde , ce
prince prit la route de l'Irak-Adjem,
s'arrêta quelques moments a Bostam,
pour y déposer dans une forteresse
dix caisses de pierreries ; et arriva
prèsd'Hamadan, où, par la jonction
des troupes que lui amena Rokn-ed-
dyn, l'un de ses fils , il se vit encore
à la tête de vingt mille hommes.
Mais ces faibles débris de sa puis-
sance furent surpris el taillés en piè-
ces par les Moghols ; et lui-même fut
JVIOH
réduit à se sauver dans les défilés
du Gliylan , d'où il gagna Esterabad,
suivi d'un petit nombre d'officiers.
I si traître ayant découvertaux vain-
queurs le lieu de sa retraite, il fut
près de tomber entre leurs mains ,
et ne leur échappa qu'en se jetant
dan., mie barque , qu'il trouva sur
les bords de la mer Caspienne , et
qui , à travers une grêle de flèches
lancées du rivage, le transporta dans
l'île d'Abiscoun, à quatre ou cinq
lieues d' Esterabad. La , dénué de
tout, accablé de chagrins et d'in-
firmités, livré aux plus tristes ré-
flexions, ne subsistant que de quel-
ques provisions que les habitants de
la cote lui apportaient, il charmait
ses ennuis en faisant paître un che-
val autour de sa tente. Ce fut dans
cette situation, qu'il apprit que sa
mère, ses femmes, ses plus jeunes
enfants et ses trésors , étaient deve-
nus la proie des Tartares. 11 ne put
résister à tant d'infortunes , et n'eut
que le temps de révoquei le testament
qu'à la sollicitation de sa mère, Ter-
kan-Khatouu ( V. ce nom), il avait
fait en faveur de Cothb-eddyn , l'un
de ses fils; et de déclarer pour son
successeur Djelal - eddyn , qui était
l'aîné , et qu'il eut la consolation
d'embrasser avant de mourir. Telle
fut, en 617 (1220), la triste fin d'un
monarque qui naguère , au lever et
au coucher du soleil, voyait vingt-
sept rois, ou fils de roi, battre la
caisse aux portes de son palais, sur
des tambours d'or, avec des baguet-
tes ornées de perles. Son orgueil fut
cruellement puni; car il ne laissa pas
de quoi l'ensevelir, et on fut obligé
de l'envelopper dans la seule chemise
qui lui restait: exemple mémorable
de la fragilité des vanités humaines!
Mohammed avait régné vingt-un ans
et quelques mois. Ce prince était sa-
MOÎÏ
vant, grand guerrier, actif, infati-
gable; et sa coi tns les re-
égala son courage dans les
combats. Mais son ambition déme-
surée, sa soif des richesses, sa haine
contre ses frères , la mort de l'un
d'eux , et le massacre des marchands
moghols à Otrar , sont des taches
éternelles à sa mémoire. Au com-
mencement de ses disgrâces, il avait
partagé ses vastes états entre ses
quatre fils aines; il avait: donne à
Djelal-eddyn M mklterny les royau-
mes de Ghàznah , de Ghaur, et tous
les pays depuis Bost jusqu'à l'ïndus;
àCothb-eddyn Azlagh-Chah, leKha-
rîzm , le Khoraçan et le Mazanderan :
Gaialh-eddyn Tiz-Chali eut le Ker-
man avec le Mc'kran; et l'Irak ïui le
partage de llokn-eddyn Gour Chah
( V. DjELAL-EDDVN MANKBERNY,
XI, 433). A-t.
MOHAMMED-ALY-HAZIJN , né
à Ispahan, en 1691, et mort dans
e à Bénarès en 1779, est au-
teur de plusieurs ouvrages persans ,
en prose et en vers. On parle surtout
avec éloge de ses Mémoires, qui cou •
tiennent le récit de ses voyages en
Perse, en Arabie et dans l'Inde, et
qu'il composa peu de temps avant
sa mort. Outre la relation de ses
voyages, on y trouve, dit-on, des
jugements sur diverses productions
littéraires modernes , des oL
tions intéressantes sur les opinions et
les usages des nations qui habitent
les contrées qu'il a parcourue
un grand nombre d'anecdotes cu-
rieuses. Ce fut pour se soustraire
aux persécutions de Nadir-Schah ,
qui- !Vïohammed-Aly se retira dans
L'Inde. Aussi était-il ennemi de ce
conquérant, qu'il n'a pas ménagé
dans ses mis. : quable
ducaractèrede Mohammed Ah
qu'il poussait très-loin !
MO
pour les divcr.-;
peut douter, ce semble, qu'il fût
bien sincère musulman. Cette manière
de penser , jointe à de grands talents,
lui conciliait l'amitié de tous ceux,
qui le connaissaient: et iJ mourut
également regretté des Musulmans,
des Indous et des Anglais, avec les-
quels il avait eu des relations. Sir
William Ouseley, qui a inséré dans
le tome 11 de ses Oriental collections
quelques fragments des Mémoires de
Mohammed- Aly-Hazin, a manifesté
plusieurs fois l'intention d'en publier
une traduction : le manuscrit du texte
persan , que possède sir William ,
est un volume in-8°., de 1 53 pages
seulement. Le recueil des poésies de
Mohammed-Aîy forme, dit-on ,
gros volumes manuscrits. S. d. S-y.
MOHAMMED re* ABDALLAH.
V. ToMRl
MOHAMMED f.f.n ALBAREZÏ ,
dit encore Aldjohni , poète arabe et
..in renommé pour son élo-
quence , était natif de Haraath , ap-
partenait à la secte des Oh a ici tes , et
etailehefdcsbureauxdelasecrétairc-
l'état du royaume d'Egypte. Il
composa, Tan ^-ij de l'hégire ( 1 3> \
de J.-C. ), un beau poème en l'hon-
neur de Mahomet, intitulé: Bedîyet
(Chose excellente ou admirable'*,
fait à l'imitation et sur le mètre du
célèbre poème Borda, et qui
commenté par Taki-eddyn de Ha-
math (1). 11 en existe deux exem-
plaires à la bibliothèque royale de
Paris, cotés i38i , 1 382 , tous deux
ce commentaire qu'on trouve
aussi a l'Escurial et à la bibliothèque
Bodleïenne. — Mohammed be« Ca-
CEM , né eu 80.4 de l'hég. ( i/j(3o ) ,
(1 ) C'est j>:\r crrnir que .1. I!. '!
■'■ .,'//' un!, uni,'
tnenUîre , qui porte I- titre il<- Takdin,
lui-ujême.
a34 moh
à Lmasia, dans la Natolic, d'où il
a été surnommé Amasi , est auteur
d'un livre intitulé, Raud alakhiar
( Jardin des gens de bien ). C'est
l'abrégé d'un ouvrage de Zamachs-
cari , assez estime qui est intitulé :
Rebialabrar (Printemps des justes) :
cet abrège d'une espèce de biogra-
phie musulmane est intéressant par
plusieurs observations que l'auteur
y a jointes sur la vie et les écrits
des principaux docteurs arabes, et
dont d'Herbelot a fait un très-grand
usage dans sa Bibliothèque Orien-
tale. On le trouve aussi à la biblio-
thèque du Roi , à Paris , et dans la bi-
bliothèque du roi de Saxe. R — d.
MOHAMMED bew HASSAN
ALTOUSSY ( Abou-Djafar ). F.
Nassir-eddyn.
MOHAMMED ben IBRAHYM-
AL-FAZARY. F. Fazary , XIV ,
233.
MOHAMMED Ben Mousa Kho-
1VABEZMITE. F. MoUS.4.
MOHAMMED ben THAHER,
cinquième et dernier prince de la
dynastie des Thahérides, fut confir-
mé par îe khalyfe Mostaïn-Billab ,
l'an 248 de l'hég. ( 86a de J.-G. ) ,
dans la souveraineté de tous les états
que Thaher Ie*-. son bisaïeul avait
reçus du klialyfe Al-Mamoun, c'est-
à-dire, du Khoraçan, qui compre-
nait alors toute la Perse orientale,
depuis Réi jusqu'aux frontières de
llndoustan et du Turkestan. ( V.
Thaher L '. ) Son oncle, Moham-
med, fds d'Abdallah, fut en même
temps déclaré émyr et des
deux villes sacrées d'Arabie; de sor-
te que, des rives du Sihoun et de l'In-
clus jusqu'à la mer bouge, tout était
soumis immédiatement ou indirec-
tement à la puissance des Thahéri-
La splendeur de cette illustre
famille éclipsait même celle de la
MOH
maison d'Abbas , lorsqu'elle fut
anéantie par une suite d'événements
qu'un prince plus habile et plus
guerrier que Mohammed aurait su
maîtriser. Affable , humain , géné-
reux, ami de la justice , cet émyr se
distinguait encore par son esprit et
par ses connaissances. Il excellait
dans la musique : mais sa passion
pour cet art , son penchant pour le
jeu , le vin et les femmes , éteignirent
en lui tout sentiment d'énergie , de
courage, d'activité, de prévoyance ,
et le rendirent incapable de s'appli-
quer aux soins du gouvernement.
Son exemj)le corrompit ses courti-
sans, amollit ses sujets et ses trou-
pes; les hommes vertueux s'indignant
de la conduite d'un tel prince , prévi-
rent une révolution prochaine. En ef-
fet,la même année, le fameux Yacoub
ben Léilh , s'empara du Séistan , où
il fonda la dynastie des Sofiarides
(F. Yacoub ). L'an 'i5o (804) » Ha-
çan , fils de Zeïd , de la- race d'Aiy,
enleva îeThabaristan et le Deïlem à
Mohammed, et les transmit à sa pos-
térité. Trois ans après , l'émyr du
Khoraçan fut revêtu de la dignité
à' al scharta ( lieutenant- général du
khalyfe, à Baghdad), charge impor-
tante qu'avaient occupée ses oncles
Mohammed et Soléiman , et qu'il fit
exercer par Obeid-Allah , qui était
aussi son oncle. Mais le crédit des
Thahérides n'en diminua pas moins
à la cour du khalyfe. Dans le même
temps, Yacoub entra dans le Khora-
çan , s'empara de Herat, força Mo-
hammed de lui abandonner Fous-
chendj , et de se retirer à Nischa-
bour. L'an ibn (871 ), Haçan, fils
de Zcïd , pénétra dans le Djordjan ,
fit un carnage épouvantable d'une
armée que Mohammed avait levée à
la hâte et à force d'argent , et annexa
cette province à ses nouveaux états.
MOH
Cependant Yacoub avait obtenu du
khaiyfe, par ses menaces et ses hos-
tilités, la souveraineté du Seïstan , de
Balkh , et d'autres démembrements
de la puissance thabéride. Quelques
seigneurs n'ayant pas voulu le recon-
naître, s'étaient retires à Nischa-
bour. Mohammed , somme de les
livrer , respecte les droits de l'hos-
pitalité' : son refus lui attire une nou-
velle guerre. Mais le bruit de la mar-
che de son ennemi ne peut l'arra-
cher du sein des plaisirs et de la
mollesse. Des sujets fidèles, de vérita-
bles amis, veulent l'instruire du dan-
ger qui le menace : l'énirrdcrt, leur
dit le portier du palais ; et leurs ins-
tances sont vaines pour pénétrer jus-
qu'au prince. Enfin, Mohammed sort
de sa léthargie , à l'aspect des éten-
dards victorieux de l'usurpateur.Il re-
fuse alors toute proposition de paix;
il jure de s'ensevelir sous les ruines
de sa capitale : généreuse , mais trop
tardive résolution ! Il ne trouve que
des lâches ou des traîtres. Ses favo-
ris mêmes font avec Yacoub leur ca-
pitulation particulière; et les habi-
tants vont en foule au-devant du
vainqueur, qui entre dans Nischa-
bour , le 4 chawal *»:>) ( 3 août 87') ).
Mohammed, arrête dans sa fuite,
est conduit à Yacoub, qui, dédai-
gnant de lui ôter la vie , le relient
prisonnier, auprès de sa personne,
et relègue ioï ou même 160 prin-
ces de la maison de Thaher
divers châteaux du Seïstan, où ils
•ut misérablement. Mohammed
avait régné 1 1 ans et 2 mois, et sa
\ \'\i duré un peu plus de
54 ans. La déroute de Yacoub , près
1 ><»' 876 , brisa
qui se réfu-
BaehcUd , où il fut mis en pos-
çharta. 11
1rs quelqu< rcs pour rc-
MOH s35
couvrerle Khoraçan. Mais son frère,
Houcein , qui était rentre dans
chabour, ne put s'y maintenir : et
lorsqu'en 266(879), Amrou, frère
et successeur de Yacoub, eut regagné
les bonnes grâces du khaiyfe;
hammed fut dépouille du gouverne-
ment de Baghdad, et ve'cut dans une
telle obscurité, qu'aucun historien
n'a pris la peine d'indiquer l'époque
de sa mort. On rapporte de ce prince
un trait de générosité qui a pu four-
nir à Marsollier le sujet de son ope
ra-comiquede Gulnare ou Y Esclave
persane. A — t.
MOHAMMED bei» YAHYA ben
ISMAIL ( Aboul-wafa ) , Al Bouz-
djany , célèbre mathématicien et as-
tronome arabe, né l'an 328 de l'hég.
q3q de J.-C. , à Bouzdjan, petite villo
du Khoraçan, passa, en Qjg, dans
l'Irak, où il s'appliqua à l'astrono-
mie, et fit ses observations pour cor-
riger celles qui avaient été faites par
l'ordre du khaiyfe Al-Mamoun. La
table qui en contient les résultats ,
fut a ppelée alzjdje al-chamil (tables
aies ) , et a été commentée par
le seid Aîy Alcouschgi et par son Gis
le seid Hassan. Il a beaucoup écrit
sur l'astronomie et les mathémati-
ques. Il mourut en 998. On trouve
la liste exacte de ses ouvrages , dans
Gasiri , Bibliotheca arabico - hisp.
tom, i«'-. p. 433. R — d.
MOHAMMED ben ZEIN-EIr
ABEDIN-ALY , est le cinquième des
douze imams, issus d'Aly et de Fa-
thimah , et regardés par les Cl
comme les soûls héritiers légitimes
du khalyfat. Il naquit à Médiue,
l'an 57 de l'hég. (677 de J.-C),
trois ans avant la fin tragiquexiu
bre Houcein , son aïeul; et il eul ,
mère une fille du khaiyfe IL
raod- oncle. Sa passion
. ta profondeur de ses cou-
$rj
mou
naissances le firent surnommer Ba-
ker {on le Scrutateur) j on lui a donne
aussi les surnoms de Iîadj ( Direc-
teur), et de Schaker , parce qu'il
rendait à Dieu de fréquentes actions
de grâces. Il mourut en Syrie , l'an
1 14 ou 1 i(j ( >j3'2 ou 734), empoi-
sonné, dit-on, par ordre du khalyfe
Hescham. Son corps fut transféré à
Médine, et inhume , suivant ses vo-
lontés, dans le cimetière public , où
on ne l'ensevelit qu'avec la chemise
qu'il portait pendant ses pùèrcs. Il
eut deux filles et six fils, dont l'aîné
Djâfar-ai-Sadik lui succéda. — Mo-
hammed II , 9e. imam , surnommé
al Djawad ( le Généreux) , al Taki
( craignant Dieu ) , et al Zaki ( le
Pur), naquit à Médine, l'an icp de
i'hég. ( 810- 1 1 de J.-G. ) Il était fils
d'Aly-Riza , que le khalyfe Al - Ma-
moun avait déclaré son successeur,
ïlalla dans le Khoraçan avec son
père, après la mort duquel il suivit à
Baghdad le khalyfe dont il épousa la
fille. Il mourut dans cette ville, très-
regretté de ses partisans , l'an 220
(835) à l'âge de ci5 ans ; et quoiqu'on
ait prétendu que Motasem , frère et
successeur d'AÎ-Mamoun, le fit empoi-
sonner, ce fut Wathek, fils du premier
île ces princes,qui récita sur son corps
les prières funèbres. Mohammed fut
enterré auprès de l'imam Mousa, son
aieul.il eutpour successeur Aly l'aîné
de ses deux fils. — Mohammed , fils
d'Abdallah , et arrière-petit-fils de
Houcéin, fut le premier prince aly-
de qui prit le titre de khalyfe à Mé-
dine, l'an i3ï de l'hég. ( 749 ). For-
cé de celer à la puissance d'Abou-
Djâfar al-Mansour, et de se dérober
à ses poursuites, il s'enfuit aux Indes.
Mais les cruautés de ce prince envers
le père et les parents deMohammed,
furent pour celui-ci un motif de re-
paraître sur la scène ( V. Mansour,
MOH
XXVI , 5 1 4 )• Maître dcMcdinc, de
la Mckkeetdu Yémen,il prit le litre de
Mahdv (Directeur); et celui deJYafi
zaki ( Ame pure). Vaincu par Isa,
neveu de Mansour , il périt , les armes
à la main, sur les remparts de Mé-
dine , l'an i45 ( 762 ) ; et son frère
Ibrahim éprouva un semblable sort
la même année, dans une bataille,
deKoufah. Ce fui sur Moham-
med que l'on trouva le fameux sabre
dzoul-fekar ( à deux lames ) , dont
Aly avait hérité du prophète , et
qui fut depuis conservé religieuse-
ment par les khalyfes abbassides ,
jusqu'à ce que l'un d'eux le rompit
un jour à la chasse. On voit encore
la représentation de ce sabre sur les
étendards othomans. A — t.
MOHAMMED - BEYG ABOU-
DrlAHAB , successeur du fameux
Aly-Beyg , dans le gouvernement de
l'Egypte, avait été acheté par lui,
en 17.58. Admis au nombre de ses
mamlouks, il devint son favori , son
gendre, et fut élevé au rang de l'un
des 'il\ beygs de l'Egypte, en 1766.
Mohammed répondit d'abord à la
confiance de son maître. Il lui soumit
le Saïd, après avoir détruit la puissan-
ce d'un cheikh arabe qui s'en était
emparé. L'année suivante, il condui-
sit une armée en Arabie , conquit la
Mekke , détrôna le scheryf , et mit
à sa place l'émyr Abdallah. En 1 77 1 ,
il commanda l'armée qu' Aly-Beyg
envoyait en Syrie; et, renforcé par la
jonction des troupes du cheikh Dha
lier , émyr d'Acre , il vainquit , le 6
juin, les forces réunies des quatre pa-
chas de Syrie, sous les murs de Da-
mas, prit cette ville, et assiégea le
château, qu'il força de capituler le
troisième jour. Mais au moment d'en
prendre possession , Mohammed ,
excité par la jalousie ou l'ambition,
et séduit par les intrigues d'Osman j
pacha de Damas, décampe brusque-
ment, évacue toutes les places qu'il
a conquises, et reprend, a la têîe de
ses mamlouks,la route du Caire,
avec tant de précipitation , que le
bruil de leur arrivée ne les y piè-
ce, le que de six heures. Bientôt la
mésintelligence éclale entre Al y et
Mohammed. Ce dernier, se croyant
désormais plus puissant que son
maître , jette le masque , échap-
pe à sa surveillance et à ses em-
bûches , court , dans le Sa'id , se
mettre à la tête des ennemis d'Aly,
et revient bientôt , avec une armée,
menacer le Caire. Aly lui oppose
une autre armée : mais le perfide Is-
maëi , qui la commandait , ayant
passé dans le camp de Mohammed ,
celui-ci , vainqueur presque sans tirer
l'épée , rentre dans le Caire, que la
fuite d'Aly met en son pouvoir , en
avril 1 77-ï; et, l'année suivante, dans
le même mois, il devient paisible pos-
sesseur de toute l'Egypte , par la dé-
faite et la mort de son rival ( V. Aly
Bey, I, 572 ). Mohammed , feignant
de n'être que le ministre des volon
tés du sullhan, se soumit à la Porte,
et lui envoya le tribut interrompu
depuis six ans. Il obtint le titre de
pacha du Caire, et l'autorisation de
faire la guerre au cheikh Dhaher,
autant pour se venger du fidèle allié
d'Aly-Bey, que pour s'emparer de
ses trésors. Muni d'une artillerie
extraordinaire, et pourvu de c
niers européens , it paraît eu Pales-
tine, au mois de février 177O, ac-
l.i reddition de Gaza , assiège ,
prend «■! saccage Yalïa , et fait e'riger
une pyramide avec les tètes de ses
ibandonnee
par Dhahe 1 pillage; et
Mu !i soir enlevé
les richesses de Péglise du Mont'
Garmel , fait trancher la tète à
*J7
trois moines, sous prétexte qu'ils
refusaient de lui livrer les trésors
de Dhaher et d'Ibrahim, son mi-
nistre. Il réservait le même sort aux
négociants français établis dans cette
ville, et qu'il croyait dépositaires de
ces trésors , lorsqu'il fut emporté à
la fleur de son âge , par la peste ou
par une lièvre maligne , au mois de
juin 177O. Ce tyran éphémère de
l'Egypte avait été surnommé Abou-
Dhdhdb ( le père de l'or ), à cause
de son avidité , et du luxe de sa tente
et de ses équipages. Après sa mort,
les beygs Ismaél , Haçan , Ibrahim
et Mourad, se disputèrent le gouver-
nementde l'Egypte, que les deux der-
niers finirent par posséder en com-
mun. ( V. Mourad beyg. ) A — t.
MOHAMMED ( Cheikh ) , fon-
dateur de la secte musulmane des
Wahabis , ainsi nommée de son père
Abd-el-Wahab , naquit en Arabie ,
vers le commencement du xvme.
siècle de l'ère chrétienne, dans la
tribu de Temim , au village de He-
reinlé, dans la vaste province de
Nedjed. On prétend que son aïeul
Soléiman était de la race des Seuls ou
descendants de Mahomet , et qu'il
avait eu en songe le presagede l'illus-
tration de son petit-fils. Cheikh Mo-
hammed invenU peut-être lui-même
ou répandit ces bruits , afin d'accré*
diter sa mission. 11 étudia la théolo-
gie et la jurisprudence musulmanes ,
avec succès , à Sana. Doué d'un
quence persuasive, aifectant une aus-
tère piété , et joignant l'audace à la
prudence, il débita des fables, con-
trefit l'homme inspiré , et s'<
en réformateur de l'islamisme. 11 osa
même adresser des reproches a
à son père, qui se li\ rail à I
ce fut pour se dérober a
qu'il s'enfuit à Bassorah, d'où il en-
treprit pliftieui
238
MOH
Baghdad , Damas , la Mekke cl les
autres principales villes de l'Irak, de
la Syrie et de l'Arabie. Rebute ou
maltraite partout , il se rendit à
Dréîé , où régnait Moliammed ibn
Séoiul,qui le reçut favorablement, et
lui permit de répandre sa doctrine,
dontles principes s'accordaient assez
avec ses propres vues d'agrandisse-
ment. Il en obtint même un détache-
ment de soldats montés sur des cha-
meaux , pour commencer ses cour-
ses apostoliques. ïl lit la guerre avec
succès à quelques tribus , et conver-;
lit plusieurs villages ; mais ayant
voulu propager ses principes reli-
gieux dans l'Irak et à Medine, il y
éprouva toutes sortes de dégoûts et
d 'humilia lions. Après une absence
de plusietu il retourna dans
le viiîage où il était né; et n'ayant
pas mieux réussi, il vint à Aïnié, bour-
gade gouvernée par Ibn-Mômar, dont
il épousa la sœur. Peu de jours après,
comme il avait fait punir de mort une
femme accusée d'adultère et parente
de Soléiman , émyr de Lahsa, les me-
naces de ce dernier auraient détermi-
né Ibn-Mômar a lui livrer son beau-
frère, si Moliammed, averti par sa
femme , ne se fût relire de nouveau
chez Ibn-Séoud : mais cette fois il
n'y trouva d'abord que l'hospitalité,
et ne dut qu'au nombre et à l'audace
de ses partisans le nouveau zèle de
l'émyr de Dreié pour la défense et la
propagation du Wahabisme. Tandis
qu' Abdel- Aziz, qui venait de succéder
à son père Ibn-Séoud, convertis-
sait par la force des armes les diver-
ses tribus du Nedjcd ;le Cheikh , brû-
lant de se venger de son beau-frère
Ibn-Mômar , l'attira dans une em-
buscade, et lui fit trancher la tète.
A la suite d'une expédition malheu-
reuse contre les Arabes du Yémcn ,
Abdel- Aziz découragé fut exposé en
MOH
même temps à la vengeance de ces
derniers, et à la colère du prince de
Lahsa. Cheikh Mohammed ranima
son courage, le délivra des Arabes
du Yémen , à force d'argent, et l'aida
à repousser les attaques de l'émyr de
Lahsa. Après avoir triomphe dans
deux autres guerres défensives , le»
Wahabis prirent enfin l'essor; et éft
moins de douze ans , ils furent en
e'tat de dicter la loi à ceux qui le*
avaient d'abord méprisés. Croire ou
mourir- était leur devise , et le choix
qu'ils laissaient aux vaincus. La doc-
trine du Cheikh Mohammed était
l'islamisme ramené à sa pureté pri-
mitive. 11 admettait le Coran; mais
il rejetait toutes les traditions , taut
écrites qu'orales. II regardait Jésus-
Christ, Mahomet et les prophètes
comme des sages, aimés du Très-
Haut ; mais il leur refusait toute es-
pèce de culte : il se montrait néan-
moins plus tolérant pour les Chré-
tiens elles Juifs, que pour les Maho-
m étans. li bornait la profession de
foi musulmane à ces mots : II ny
a a nuire Dieu que Dieu , et en sup-
primait ceux-ci : et Mahomet est
l'apôtre de Dieu, il interdisait tous
les pèlerinages, à l'exception de celui
de la Caabah , objet de l'antique
vénération des Arabes. Il prohibait
les cérémonies et les décorations fu-
nèbres comme impies , et ordonnait
de détruire les Turbcs ou chapelles
sépulcrales élevées sur les tombeaux
des cheikhs et des imams réputés
saints parmi les Musulmans. Les pro-
grès de la secte des Wahabis , qui
avait commencé vers le milieu du siè-
cle , et l'accroissement de leur puis-
sance alarmèrent enfin la Porte. So-
léiman , pacha de Baghdad, eut or-
dre de marcher contre eux ; mais
l'issue malheureuse de l'expédition
d'Aly ,son kiaya, en 1798, servit
MOH
de prétexte à ces sectaires pour user
de représailles. En 1801 , ils vin-
rent, an nombre de quinze mille
hommes , surprendre ia petite ville
d'Imam - Houceïn ou Kerbelah ; ils
changèrent en cloaque le tombeau du
(ils d'Aly, exercèrent des cruautés
inouïes sur les habitants et sur les
pèlerins , et se retirèrent sans nul
obstacle , emmenant 'ioo chameaux
chargés de butin , et surtout des tré-
sors de la mosquée qu avaient en-
richie depuis plusieurs siècles la
piété et la libéralité des princes
Chyiles de la Perse , de l'Inde et de
l'Arabie. Deux ans après , les Waha-
bis s'emparèrent pour la première
fuis de la Mekke , qu'ils ne purent
conserver : ils échouèrent à Médine
et à Djidda. Abdel-Aziz, leur prince,
fut assassiné le 10 novembre i8o3.
( V. Abdel- Azyz , I , 54- ) Cheikh
Mohammed, leur prophète, l'avait
précédé au tombeau peu d'années
auparavant. Il mourut dans \\\\ âge
très-avancé, laissant plusieurs Gis,
dont l'aîné, Houcéin, aveugle et in-
firme , lui a succédé dans les fonc-
tions de kadhy , ou pontife suprême.
Niebuhr , qui parle de la secte des
Wahabis , dans sa Description de
V Arabie , 2e. partie , p. 2o5 a '2 1 1 ,
édit. de Paris, en attribue la fonda-
tion à Abd-el-Wahab père du Cheikh
Mohammed ; mais il convient que
ce dernier en était déjà le chef en
j. Une Notice sur l.> > fi alubis,
pwliiie'e dans le Moniteur du 3.1 oc-
tobre 1804, reparut avec plus d'é-
tendue sous ce titre : Histoire des
Wahabis , de/mis Leur origine , jus-
qu'à la fin d par L. A***
( M. I Baghdad ) ,
Paris, 1810 , . e No-
tice historique bis fut
imprimée
tion du PachaUk d il , par
MOH 239
M*** (Rousseau, consul d'Alep),
Paris , 1809 , in-8°. ; ce dernier l'a
continuée jusqu'en 1 81 3 , et l'a pu-
bliée sous ce nouveau titre : Mé-
moires sur les trois plus fameuses
sectes du musulmanisme , les Wa-
habis, etc. , Paris et Marseille, 1 8 1 8
in 8°. Ces deux ouvrages ont donné
lieu à quelques diseussions entre les
deux consuls, qui paraissent avoir
travaillé sur les mêmes matériaux •
mais la priorité doit être accordée à
M. Rousseau. A — r
MOHAMMED-COTHB-EDDYN.
V. CoTHB-EDDYÎV.
MOHAMMED - DJELAL ED-
DYN. V. Akdar.
MOHAMMED-EL AZDY-IBN-
DOREYD ( Abou-bekr ). V. Ibn
Dorhid.
MOHAMMED- EL -NASER. V.
Mehemed et INaser-Mohammed.
MOHAMMED ( Gaiatii -eddyi*
Aboul-Feïhaii ) , 3e. sultban de la '
dynastie des Ghaurides, dans la Perse
orientale, était fils de Sam , et neveu
d'Ala-eddyn-Haçan , fondateur de
cette dynastie ( V. Djiiian-Souz,
au Supplément ). Avant succédé ,
l'an 556 de l'hég. (1 161 de J.-C.) , â
son cousin Saif-eddyn-Mohammed ,
qui avait péri par la main d'un des
siens, dans une bataille ; il vengea la
mort de ce prince par celle de l'as-
sassin et de ses complices , et réta-
blit la tranquillité dans ses états (0.
Après avoir recouvré Ghaznah, qui
lui avait été ! ment enlevée
par les Turkomans G nazis et par
Khosrou-Melik, dernier prince gbaz-
nevide , Mohammed conquit le Ker-
Min et les provinces limitrophes 1
l'iudousian : il tourna ensuite ses ar-
mes contre Takasch , sulthan du Kha-
(1) Aboul-Feda !<■ foît succéder iuimMiattmeut \
njiljMU-SuU'* , ■>«" oudt: et »ou beau ;
a.èo
MOU
auquel ii disputa le Khora
livré à l'anarchie depuis la mort du
ux sulthan scldjoukide Sandjar
( Voy. ce nom ). Eu 5^ i , il prit
Badghiz et Hérat , choisit celle der-
nière ville pour sa résidence, qui
été jusqu'alors à Firouz-Couh
dans le Ghauristan , er il céda le
urne de Ghazuah à son frère
Chehab-eddyn Mohammed. En 573 ,
il força la ville de Fouschcudj , s'em-
para , en £77, de celle de Chad-Bagh
qui avait remplace Nischabour, et
y lit prisonniers un fils et plusieurs
princes de la famille de Takasch.
L'année suivante , il acheva la con-
quête du Khoraçan par la prise de
Merou. Long-temps il s'était contenté
du titre de Melik ( roi ) : mais lors-
que son frère , en 58a, eut soumis
une partit de l'Indoûstan , par la des-
truction de la puissance ghaznevide
( V, Kiiosrou-Chah , XXII, 4°5);
il voulut être proclamé sulthan , et
joignit à ce titre ceux de Moïn-el-ïs-
lam ( soutien de l'islamisme ) , et de
Cacim-émyr-al-Moumenin ( intime
ami du kalyfe ): Ce prince ayant ap-
pris, eu 586, la mort de Takasch ,
son ancien ennemi , ordonna qu'on
cessât, pendant trois jours , de mon-
ter la garde et de relever les senti-
nelles devant son palais au son des
instruments, et reçut les compliments
de condoléance de toute sa cour ,
comme s'il eût perdu un prince de sa
propre iamille ; action qui honore
également les deux monarques. On
cite un autre trait delà magnanimité
de Gaïath-eddyn Mohammed : son
oncle Fakhr-eddyn , gouverneur de
Ivuniân, s'étant révolté, ainsi que le
gouverneur de Balkh , celui-ci fut
1 is et enveloppé par les troupes
ilthan , qui envoia la tête du
rebelle à son oncle , et marcha con-
tre ce dernier. Fakhr-eddyn serepent,
MOH
mais trop tard, de son imprudence ;
il n'ose combattre , et ne peut échap-
pera la juste vengeance <ie son neveu.
Le sulthan l'atteint , met pied à terre ,
lui baise l'étrier et la cuisse , le loge
dans sa propre lente, lui donne la
place d'honneur; et après s'êtreamusé
[ue temps de l'embarras de son
oncle et de son inquiétude sur le dé-
nouement de cette comédie , il !e con-
sole de sa disgrâce, le comblé de
présents, et lui rend la liberté avec
le gouvernement de Bamiân, que
Fakhr-eddyn transmit à ses descen-
dants. Gaiath-eddyn Mohammed lit
la guerre avec succès au nouveau
sulthan dcKharizm ( F. Ala - eddyn
Mohammed, pag. 23o ci-dessus ), et
mourut en djoumady Ier. 599 ( i'2o3
de J.-C. ) , dans la 43e. année d'un
règne plein de gloire et de bonheur :
il fut enterré dans la principale mos-
quée de Hérat, qu'il avait fondée , et
qui passait pour une des plus magnifi-
ques de l'Orient. A de grands talents
militaires et politiques, ce prince joi-
gnait des vertus essentielles , la bon-
ne-foi, la piété, la bienfaisance , et
des mœurs pures. Une se distinguait
pas moins par son esprit et par son
éloquence. Il copia plusieurs exem-
plaires du Coran, et les distribua
dans les divers collèges qu'il avait
créés. Attaché d'abord à la doctrine
des Karamites, il l'abjura pour pro-
fesser celle des Chaféites , à la per-
suasion du célèbre docteur Fakhr-
eddyn Razy , qu'il protégea ouver-
tement contre les envieux qui avaient
voulu le perdre ( V. Fakhr-eddyn,
XIV, 12 ). Ce sulthan, dont la do-
mination embrassait la Perse orien-
tale, tout le nord de l'Indoûstan,
jusqu'à Dehly, et s'étendait jusqu'aux
frontières du Turkestan'et du Thi-
bet , ne laissa qu'un fils , sous la tu-
telle de son frère ( V. Mohammed II ,
MOU
pac;. 2 1 6 ci-dessus , et Gaïa&-< i :
Mahmoud, \\\ 1, 176 . A— t.
MOHAMMED HAÇAN KH
fondateur de la dynastie des Kad-
jars (1), aujourd'hui régnante eu
Perse, était fils de Feth-Aly-Khan ,
gouverneur du Mazânderan , sous le
rè^ne de Chali-Thahmasp II, en
. et depuis, Tune des premières
victimes immolées à l'ambition de
Thahmasp-Oauli-Khan. ( r.NÂDià-
Chab. ) Mohammed Haçan ne laissa
pas d'être nommé dans la suite gou-
verneur d'EsteraLad , par Nadir ,
qu'il servit fidèlement. 11 corn;;:
un corps de troupes, au siège de
Moussoul, en 1 ^43. L'année suivante,
il marcha au secours de Houcéin,
5011 fils aîné, et son lieutenant, que
les Turkoinans avaient chassé d'Es-
terabad; il vainquit les rebelles, et
fit périr avec eux un grand nombre
d'habitants de la province. Après la
mort de Nadir et celle d'Adel-Chah ,
son neveu, qui avait usurpé le tronc
sur Chah-Rokh , petit-fils de ce prin-
ce; et pendant la guerre qui eut lieu
entre Chah-I\okli, et Ibrahim, frère
d'Adel, Mohammed Haçan fut un
des premiers ambitieux qui affecta
l'indépendance, en 1 7 jS. Deux ans
après , il vainquit le gouverneur du
Mazânderan, le fit brûler vif, et s'em-
para de cette pi ttaquébictt-
lôt lui-même p.r Ahmed -Chah-Ab-
dally , roi de Gandahar , qui venait
Mimetlre le khoraian , il le bat-
tit dans les défilés, a l'orient d'Es-
terabad , et. lui 6ta tout espoir de
conquérir le reste de la Perse / .
al k nom tu.!.
lomiadu
■ "t <i.s irouLl s
Mazantic
r.ui, .
fondu
XXIX.
M'. 24 ï
Ahmed - Chah, 1 , 335 ). Cette i ic-
toire affermit la puissance de Mo-
hammed Haçan, etle mit en étal tYvn
étendre les bornes. Une sorte d'oli-
ibliedansleGbylan:
il sema la division parmi les chefs ,
et assujélit cette province , dont il
donna le gouvernement à l'un d'eux.
Il refusa de reconnaître, pour sou-
verain, Chah-Rokh le jeune, a qui
le roi de Candahar , son protecteur,
avait laissé Meschehd et quelques
cantons du Khoraçan. II méconnut
aussi les prétendus droits d'ismaél,
rejeton des Sophis , qu'Aly- Merdan
et Kcrym-Khan avaient placé sur
le trône à Ispahan. Alors Pauarchie
devint générale en Perse. Tous les
gouverneurs se rendirent indépen-
dants, et plusieurs aspirèrent a la
souveraineté. Mais bientôt les trois
principaux compétiteurs furent Ke-
rym-Khau , qui , sous le nom du jeu-
ne Ismaël-Chah, régnait sur la Perse
méridionale; Asad- Khan, qui était
maître de Tauryz et de toute la par-
tie nord-ouest jusqu'à la Géorgie (F'.
ÂSAD-KnAN, au Supplément ) ; et
Mohammed- flaçan-Khan. Celui-ci,
après avoir vaincu , sur les frontières
du Mazânderan , Kerym-Khan , qui
était venu l'attaquer, prit à son tour
l'offensive, et s'avança vers Ispahan,
taudis que Keryra venait de repren-
dre cette capitale, à la suite d'une lon-
gue lutte contre Asad. Mohammed
vainquit , sans beaucoup de peine 7
les troupes de son rival , fatiguées et
découragées à la vue d'un nouvel
ennemi. Il s'empara d'ïspahan . et do
fi personne d'ismaél dont il feignit
d abord de n'être que le génér,
me. Mais ayant poursuivi Kerj m qui
s'était retiré à Chyraz. il fut battu et
forcé de retourner . Plus
heureux contre Asad. en mai 1767
il dissipa ses troupes, en ineoi ;
16
a4a MOH
plus grande partie dans son année,
et réduisit cet afghan à quitter la
Perse et à se re'fugier à Bagndad. De-
venu alors le plus puissant des pré-
tendants au tronc , il ma relie vers
Chyraz avec toutes ses forces , dans
le dessein d'écraser Kerym-Khan ,
et refuse un combat singulier que
celui-ci lui envoie proposer. Mais au
moment où il se croyait sûr de triom-
pher, les Persans et les Afghans qui
servaient dans son armée, ayant dé-
serté spontanément, il se voit con-
traint de décamper avec les Kadjars
et les Turkomans , et s'enfuit à Ispa-
han, où ne se trouvant pas en sûreté,
il reprend bientôt la route d'Es-
terabad. Cependant Kerym , ren-
tré dans Ispahan , charge son cou-
sin Cheikh-Aly-Khan de poursuivre
Mohammed. Celui-ci se fortifie dans
ses montagnes , et en ferme tous les
passages : mais un traître sert de
guide aux troupes de son rival. Mo-
hammed se bat en désespéré : vaincu
et .«sans ressource, il fuit à travers
un marais , où son cheval s'enfonce.
On l'arrête , et on lui coupe la tête
( 1 7 58). Mohammed Haçan avait ré-
gné une dixaine d'années dans le
nord de la Perse ; il laissa huit fils ,
dont les principaux furent Agha Mo-
hammed qui subjugua cet empire
( V. Mohammed - Agiia , XXlX ,
l'i'j), Houccïn Couli-Khan, père du
roi de Perse actuel, et Mourteza-
Gouli-Klian , qui fut long-temps en
guerre avec son frère Agha Moham-
med , et qui vivait encore à Astra-
kan , l'an 1798. Les autres ont tous
été aveuglés , ou mis à mort , par
ordre d'Agha Mohammed ou de
Feth-Aly-Chah , son successeur. A-t.
MOHAMMED - 1 BN - B ATOUT A.
Voy. Mohammed abou Abd-Allah.
MOHAMMED-IBN-HANEFIAH ,
était le 3e. fils du khalyfe Aly , et de
MOH
llanefiah, l'une de ses femmes, qu'il
avait épousée depuis la mort de
Fathimah : ce personnage n'a pas
été mis au nombre des i 2 imams ,
parce qu'il n'était point de la race de
Mahomet; néanmoins , après la fin
tragique de son frère Houcéin , qui
n'avait laissé que deux fils en bas
âge ( V. Hoce'ïn , XX, 434) 1 il &* re-
gardé comme le chef de la maison
d'Aly , et comme l'espérance de son
parti. Malgré la conduite circonspecte
qu'il tint à la Mekke, où Abdallah,
fils de Zubeir , s'était fait proclamer
khalyfe, Mohammed ne fut point
étranger aux démarches de ses par-
tisans pour rendre le khalyfat aux
enfants d'Aly ( V. Mokiitar) ; mais
il leur défendit toujours de recourir
aux armes et de répandre le sang,
déclarant qu'il s'abandonnait aux dé-
crets de la Providence. Cependant
Abdallah, soupçonnant la vérité, fit
arrêter Mohammed, et toute sa fa-
mille, l'an de l'hégire 66 (685 de
J.-C), les renferma dans l'enceinte
du puits Zemzem, et les menaça de
la mort, s'ils ne lui prêtaient pas
serment de fidélité, dans un délai
qu'il leur fixa. Deux jours avant
l'expiration du terme fatal, sept cents
cavaliers déterminés , venus de Kou-
fah, délivrèrent les prisonniers , se
saisirent d'Abdallah, et lui auraient
fait un mauvais parti, si Mohammed
n'eût sauvé les jours de son rival , et
empêché ses libérateurs de violer le
sancluaire de la Caabah, près de la-
quelle se trouve le puits de Zemzem.
Il se retira sur le mont Kedhwa , non
loin de la Mekke, avec 4ooo de ses
sectateurs, pour se soustraire aux
persécutions du khalyfe ommayade
Abdel-?delek,qiti avait détruit ie par-
ti d'Abdallah ( F. ces deux noms , 1 ,
5 1 et 54 ). Mohammed Ibn Hanefiah
mourut àMedine, l'an de L'hég. 81
MOU
(700 de j.-< ilesCîiyi-
tes, il y a u [ui lui applique
ce que les antres disent de Moham-
med-Aboul- Cacein , le 13*. imam
( ^.Mahdy, XXVI, 1 56) : cette secte
prétend que ee fils d'Aly est encore
vivant suri a, qu'il est
le Mahlr ( ou directeur ) prédi
Mahomet, et qui doit venir, à la lin
des siècles, faire régner la justice et
le bonheur. On voit d'ailleurs que
Mokhlar, qui agissait en apparence
comme lieutenant de Mohamined-
Ibn-Hauefian , lui donnait le titre de
Mahdy; et il c>\ certain que le chef
de la secte des Carmathes, qui se
faisait passer pour le Mahdy, avait
pris ie nom de Mohammed-Ibn-Ha-
nefiah. Celui qui fait le sujet de
article, est quelquefois appelé Ibn
al fYassi (le 01s de l'héritier légitime,
c'est-à-dire d'Al a quelques
cillants; et l'historien Ibn-Co!
re que l'un d'eux, Abou-Has-
chem , héritier des droits de son
père , étant mort sans enfants en Sy-
rie , les transmit aux. Abhassides ,
dans la personne de Mohammed, ar-
rière petit-fils d'Àbbas. A — t.
MOHAMMED (Smi). V. Sidi.
MOHAMMED-SU LT11
za), né à Herat, l'an 821 de l'hég.
( i/jiBde J.-C. ), était arrière ;
fils de Tamerlan, et second bis de
Ba'isangar Mirza. L'an 8 {.6 1 j
Chah-Kokh, son aïeul, lui donna le
gouvernement d'une grande partie
de l'Irak- Ad jem , avecles droits et les
attributs de la royauté; mais, l'année
suivante, mécontent de l'adminis-
tration du jeune prince, il ne lui lais*
pour apanage, que les villes de
vu et de Sulthauieb. Moham-
1 celle
1 paterncll 1 sur Hama-
dan , attaqua le
isé de lui r
MOH
5143
vainquit, lui fit cou]
s'empara de cette ville, Chah-1
i inutilement à son petil
les plus sanglants reproches sur la
mort de cet e'myr, dont l.
Qt rendu de grands ser\ •
la famille de Tamerlan : Mol
med , entouré de jeunes courl
qui lui exagéraient sans cesse le
grand âge et les infirmités de Chah-
Rokh, dont il était un des plus
cbes héritiers, sentit redoubler son
ambition , par l'espoir de l'impunité.
L'an 849, il entra sans résistance
dans Ispahan, et mit le siège devant
Chyraz, où régnait Mirza- Abdallah ,
son cousin-germain , qui , hors d'é-
tat de tenir la campagne, se défei
en attendant les secours qu'il solli-
cita son aïeul de !ui*envoyer. Chah-
Rokh, oubliant sa vieillesse, mar-
che en personne, en 85o ( i-
contre un ingrat qui osait troubler
la paix dont la Perse jouissait*'
plusieurs années , et préparait ainsi
la ruine de la maison de Tymour. A
l'approche de son aïeul, Moham-
med, saisi de crainte, abandonne
ses conquêtes, son armée, et s'enfuit
dans le Louristan, avec ses femm< s
et un petit nombre d'eunuques. Chah-
Rokh sévit rigoureusement contre les
flatteurs et les complices du ;
rebelle ; mais ce grand monarque
ayant succombé sous le poids dc^
ans et de la fatigue ( V. Chaii-Pu
Vil . 662) , son armée retourna dans
le Khoraçan, où ses petits-fils dispu-
tèrent le tronc à leur oncle 0
le seul de ses fils qui h
survécu. A la faveur
Mohammed rentra dans U\'
l'an 85 1 , et reprenant '
s sur le Farsistan,
Abdallah , le ti
et lui fournit un r le ie-
i\llO<
l6..
i I
MOU
raçan. Reconnu sultlian dans i'Irak-
Adjem , le Farsistan et le Kerman ,
Mohammed, reçut les soumissions de
tous les princes tributaires delà Perse.
Le seul Djihaii - Chah , souverain
de l'Adzerbaïdjan , et (ils du fa-
meux turkoman Cara-Yousouf ( V.
ce uom , VII , ()i ) , se croyant déga-
ge de la fidélité qu'il avait jurée à
Chah-Rokh, se mit en mesure d'a-
grandir ses étals. Mohammed mar-
cha contre lui ; mais au moment où
les armées étaient en présence, et où
la Perse occidentale allait être livrée
à toutes les horreurs de la guerre ,
les deux rivaux firent la paix. Mo-
hammed épousa la fille de Djihan-
Chah, céda Cazwyn et Suithanieh
à son beau-père , et reprit la route de
Ghyraz, où , pendant deux ans , il ne
s'occupa que du bonheur de ses
sujets. Mais lorsque son oncle Ou-
lough-Beyg, par sa retraite dans le
Mawar-el-Nahr, eut abandonné la
Perse orientale à l'ambition d'Ala-
ed-Daulah , et de Babour , frères de
Mohammed, ce dernier entra dans
l'arène, et voulut être reconnu pour
unique successeur de Chah-Rokh.
L'an 853 , il marcha vers le Khora-
çan, dont il s'empara, après avoir
vaincu Babour, près de Djam ; et il
fut reçu dansHerat, aux acclama-
tions universelles. Il mit en liberté
son neveu Ibrahim, fils d'Ala-ed-
Daulah , le renvoya à son père, et
rendit aussi Mahmoud , fils de Ba-
bour, à sa mère. Babour, ayant levé
une armée dans le Mazanderan, re-
parut en 854- Mohammed lui op-
posa des troupes qui furent battues,
et n'arriva lui-même avec un corps
de cavalerie, que pour être témoin
de leur fuite. Sa présence intimida
néanmoins Babour , qui, le croyant
suivi de toute son armée, se relira
dans une forteresse. Mais Moham-
MOH
me 1 , étant retourné dans son camp ,
le trouva abandonné : ses soldats s'é-
taient dispersés sur un faux bruit
qu'il avait été tué. Tandis que ces
deux princes, à-la-fois vainqueurs et
vaincus, dans celle singulière cam-
pagne, se disputaient le Khoraçan
presque sans combattre , Ala -ed-
Daulali , leur frère aîné, surprit Hc-
rat. Cette nouvelle obligea Moham-
med de. retourner à Chyraz; et les
émyrs qu'il avait laissés pour assié-
ger Babour, s'étant rangés sous les
étendards de ce prince , l'aidèrent à
reprendre Herat sur Ala-ed-Daulah.
Cependant Mohammed, loin d'être
rebuté par le mauvais succès de sa
dernière expédition, faisait d'im-
menses préparatifs pour recouvrer
le Khoraçan. Babour employa tous
les moyens pour le ramener à des
sentiments plus pacifiques. -Enfin un
traité fut conclu entre les deux frè-
res ; mais Mohammed , le rompant
presqu'aussitôt , envahit le Khora-
çan , avec une armée formidable. La
bataille se donna en dzoulhadjah
855 (janvier i45'i), près d'Esfe-
rain, vers les frontières de l'Este-
rabad. Mohammed d'abord vain-
queur, s'étant imprudemment achar-
né à la poursuite des fuyards , fut en-
veloppé par des cavaliers ennemis ,
et conduit à Babour, qui lui repro-
cha son ambition et son parjure.
« Mon frère, répondit Mohammed,
» un roi comme moi ne devait pas
» agir autrement.» Cette réponse fut
l'arrêt de sa mort. Ce prince , l'un des
plus vaillants et des plus généreux
de la postérité de Tamerlan , n'était
âgé que de 34 ans, et il en avait ré-
gué dix. La sulthane , son épouse ,
mourut de douleur, deux jours après
lui. Babour ne put s'emparer des
états de son frère , qui passèrent
sous la domination de Djihan-Chah,
MOH
beau-père do Mohammed, lequel les
conserva jusqu'au règne de Ouzoun-
Haçan ( V. ce nom ). A — t.
MOHAMMEDTARAGHY. Voy.
OuLOUGU-BeYGH.
M01IEDANO:RAPiiA.L-Let Pierre
Rodriguez ) frères , et tous deux reli-
gieux du tiers-ordre de la Merci, au
couvent de Saint-Antoine, à Gre-
nade, se sont fait une réputation, par
leur Histoire littéraire de l'Espagne:
ils ont en gênerai beaucoup contri-
bué à y répandre ic goût des études
savantes. C'est d'après leurs sollici-
tations que des chaires de langues
orientales, de mathématiques et de
physique, furent établies dans les col-
lèges de leur ordre , et que tous les
livres nécessaires furent distribués
aux étudiants et aux maîtres. Ils fi-
rent envoyer à Madrid deux reli-
gieux de leur ordre , pour y appren-
dre de Gasiri l'hébreu et l'arabe.
Leur zèle désintéressé pour les pro-
grès des sciences , leur attira quel-
ques tracasseries; mais du moins
il fut récompensé. Ils furent admis
tous deux dans l'académie d'histoire
à Madrid ; et le roi leur accorda
une pension de mille ducats. Il pa-
raît qu'ils sont morts à peu de clis-
taiice l'un de l'autre, vers la fui du
dernier siècle. Leur ouvrage prin-
cipal est, comme il vient d'être dit,
Historia literaria de Espana ; ori-
gen , progresos , decadencia y res-
tauration delà literaiura espanofa,
Madrid, 1766-17&), <) vol. in-/,0.
Les deux frères avaient eu le projet
d'écrire celte histoire, sur un plan
aussi \ asle que celui de l'histoire lit-
téraire de la France; mais ils n'a-
>re terminé l'histoire
ancienne, el déjà I. ur ouvrage était
h si voltie [ut l'on dut
pérerde le \ oii ,. miné.
Us y renoi
MOH
histoire littéraire, embarrassée par
une foule de digressions, n'a pas at-
teint même l'époque du règne des
Goths : le dernier volume s'arrête a
Poinponius Mêla, à la vie et aux
ouvrages de qui ce volume est pres-
que entièrement consacré. A l'exem-
ple des autres auteurs espagnols, ils
revendiquent , pour leur patrie , l'o-
rigine de plusieurs auteurs latins , qui
ne paraissent pas être nés en Espa-
gne; ils analysent leurs ouvrage», et
discutent longuement le mérite des
traductions qui en ont été faites par
des Espagnols. Us avaient destiné
leur travail a l'instruction de la jeu-
nesse, ainsi que l'indique le titre de
leur ouvrage : les attaques dirigées
contre quelques-unes de leurs asser-
tions, forcèrent les auteurs à en pu-
blier une apologie sous le titre de /ipo~
logiadelur.no F de la Historia
literaria de Es fana, Madrid, 1 779,
in-4°- Quelques années plus tard,
don J. Suarcz, de Tolède, publia
une autre défense de cette histoire
littéraire, Madrid, 1783, in-4°.
Les PP. Mohedano ont laissé en ma-
nuscrit plusieurs Dissertations et Mé-
moires , tels qu'une Apologie de la
nation Espagnole contre quelques
auteurs modernes et étrangers , des
Réflexions sur la littérature espa-
gnole des trois derniers siècles , com-
parée à celle des Français, et d'au-
tres nations ; une Dissertation sur
l'histoire d'Espagne du P. Mariana;
enfin une Dissertation historique et
géographique sur lès Celtes cl autres
peuples qui ont habité l'Espagne.
D— G.
MOHSIN-FANI (oulVfOHSAN .
comme ce nom est écrit pa
écrivains), poète célèbre de I .
dans le dix-septième siècle , n'est
guère connu eu Europe que comme
auteur du Dabislan , ouvrage per-
24<3
MOH
.van, où il est traite d'un grand nom-
bre de sectes religieuses, anciennes
et modernes, de VAsie. 11 esl cepen-
lin aujourd'hui
• Dabistan a été mal-à-propos
attribue a iVlohsiu-Fani par William
Jones et Gladwin, qui ont été copiés
à cet égard par d'autres écrivains.
Ajoutons que ce livre a beaucoup
perdu aujourd'hui de l'importance
qu'on lui avait accordée, sur l'autori-
té du même W. Jones, et que tout
Ce qu'il raconte des antiquités de la
Perse et de la dynastie des Mahaba-
diens , est justement relégué parmi
les fables les plus absurdes. Au sur-
, il y a lieu de croire que le Da-
bistan est postérieur à Mohsin-Fani,
et ne lui a été attribué que parce que
l'auteur, à 5a suite de son introduc-
tion , cite un couplet de Mohsin ,
et que les mots par lesquels il in-
dique la citation , mal entendus, ont
été cause de cette erreur. Les raisons
qui prouvent que Mohsin ne saurait
ttre l'auteur du Dabistan, ont été
exposées par MM. Vans Kennedy et
William Erskine, dans deux mé-
i a o ires qui Tout partie du second vo-
lume des Transactions de la société
littéraire de Bombay. Ii paraît aussi
que c'est à tort qu'on a donné à
in le nom de Mohammed.
Quoi qu'il en soit , Mohsin était natif
de Cachemire. Après avoir étudié
dans sa ville natale , sous un doc-
teur célèbre , il se rendit a Dehlv ; et
.s'j- étant fait avantageusement con-
naître de l'empereur moghol Schah-
Djihan , il fut nommé par ce prince
sadder , c'est-à-dire, juge suprême
llahabad; et dans ce poste émi-
., il devint le disciple du sel
ibb-alîah, docteur célèbre de
ville. Dans la suite , lorsque
ah-Bjihan soumit la viile de
■ , le prince Uz
MOH
qui la possédait, ayant pris la fuite ,
et tout ce qui lui appartenait ayant
été livré au pillage , on trouva dans
sa bibliothèque une copie du divan
(c'est-à-dire, du recueil des poésies)de
Mohsin- Fani, parmi lesquelles était
une ode en l'honneur de l'infortuné
prince. Schah-Djihan , irrité contre
Mohsin, le destitua, mais lui assura
une pension. Le poète se retira dans
la viile de Cachemire , lieu de sa
naissance; et il y passa le reste de
ses jours dans un entier éloigncmeiit
des affaires , heureux , et générale-
ment respecté. 8a maison était le
rendez-vous des hommes de lettres
et des personnages les plus éminents
en dignité. ïl donnait chez lui des
leçons de littérature et de morale ,
dont le sujet lui était fourni par les
ouvrages des plus célèbres écrivains
qu'il commentait , et dans l'explica-
tion desquels il développait toute son
érudition. De cette école sont sortis
plusieurs bomm es-de-lettres très-
distingués. Les œuvres poétiqu
Mohsin-Fani se composent, dit-on ,
de six ou sept mil] s. Ce
poète mourut en iiro ( 1081 de
l'hégire ). Fani est le surnom poé-
qu'it avait adopté , suivant
ge des poètes persans : il veut
dire périssable , sujet à la destruc-
tion. S. d. S — Y.
MOHTADY-BÏLLA.H( Abou-Ab-
ballaii Mohammed VI , al-), i4e.
khalyfc abbasside , et (ils de Wa-
thek , fut appelé de Baglidacl, et pro-s
clamé à Sérmenraï , l'an x55 de
l'hég. ( 869 de J.-C. ) , après la dé-
position de Motaz , son cousin-ger-
main , qu'il voulut d'abord r.
ciiicr avec les milices turkes : il
n'accepta le khalyfat que sur le re-
fus obstiné de ce prince. Mohtady
s'attira d'abord l'estime gcV 1
en rappelant |es beau:; jours c* U
MOÏI
simplicité des premiers temps de
l'islamisme. Il défendit le jeu , le
vin , les représentations de figures
humaines sur les lapis ; et donnant
lui-même l'exemple de la soumis-
sion aux préceptes du Coran , il
bannit de sa cour les musici
les baladins, les boulions , les ani-
maux , et tous ces vains objets de
luxe qui avaient entretenu la mol-
lesse eliez ses derniers prédéces-
seurs, en épuisant les finances de
l'empire. Ses réformes embrassèrent
aussi l'administration de la justice :
il examina la conduite des juges , et
les comptes publics : deux i'o;s la
semaine , il donnait audience publi-
que à tous ses sujets indistinctement,
écoutait leurs plaintes, et redressait
leurs griefs ; enfin , il supprima la
moitié des impôts. La douceur, l'équi-
té , le; mœurs austères et la piété de
Mohtady, le faisaient comparer au
vertueux Omar II : mais un tel prince
ne pouvait plaire aux factieux. Mou-
sa , l'un des chefs de la garde turke,
ayant fait assassiner Sàleh , l'un de
ses collègues , qui avait obtenu le vé-
zyriat parce qu'il avait placé Mohta-
dy sur le trône; ce prince prit des me-
sures col; Ire les auteurs de la mort
de son vézyr. Sa sévérité aigrit les
mutins. Ils viennent en tumulte in-
vestir le palais , et réclamer l'élar-
gissement d'un des principaux cous-
us. Loin d'elle intimidé par
leurs cris et leurs menaces , le kha-
, au milieu d'eux , la
lu rebelle. Leur fureur redouble :
un combat terrible s'engage aux por-
Quatre mille hommes
sont I mi et d'autre : mais
lent. Le khalyfe
qui, ; arde , avait
■ la iiièléc ,
est poursuivi d on voi-
sine. Ou ie saisit, on lu crache au
MOI i\-j
visage, on l'accable de coups; on
veut le forcer d'abdiquei .
épuisé , presque mourant , brave la
rage de ses assassins. Ou le rem
on lui marche sur la tète, on lui
serre les parties naturelles •. i! i
avec fermeté. Enfin , l'un d
monstres termine ses sou!V,
d'un coup de poignard, et avale un
trait de sou sang. Ainsi périt Moh-
tady, Je 3 1 juin 870, à l'âge de trente-
huit ans , après un règne de onze
mois et demi , prince digne d'un
meilleur sort et d'un autre siècle.
Il eut pour successeur Motamed.
A— r.
MOINE (Le). V. Lemoine.
MOISANT DE BRIEUK (Jac-
ques ) , l'un des bons poètes latins
de son temps, était né, en 161 j,
à Caen, de parents nobles , attachés
à la réforme. Il fit ses premières
études à l'académie de Sedan , avec
le duc de Montausier , qui devint:
bientôt son ami , et qui resta son pro-
tecteur; il se rendit ensuite à Leyde, où
il suivit deux ans les leçons du célè-
bre Vossius, dont il reçut des preu-
ves multipliées de bienveillance
bout de ce temps , le désir qu'il avait
de s'instruire, le détermina à passer
en Angleterre , et il y demeura trois
ans , qu'il employa à Iréquenl
cours des plus babil*
et à visiter les bibliothèques. ! I
tour dans sa patrie, 1
it, et fut, peu après, pourvu
charge de conseiller au parle-
ment de Metz. Des raisons de santé'
l'obligèrent de donner sa démission ;
et il se hâta de revenir dans si ville
natale, pour laquelle il avait beau-
coup d'affection. Il trouva un
traction à ses douleurs i uis i I
ture des lettre*
,1 parmi Si
triotes , eu fondaut
:v',8 MOI
dont les assemblées se tinrent d'a-
bord dans sa maison , et ensuite
dans celle de Segrais ( V. ce nom ).
Les dernières années de sa vie turent
troublées par la mort d'un de ses
fils , jeune homme (Je belle espé-
rance , qui fut tué à la première
■ ■quelle il prit part. ( V. sa
Lettre à Halley, Rcc. de 1670 , pag.
100 ). Il était tourmenté de la pierre
depuis long-temps; il se décida à se
faire tailler, et mourut quelques jours
après l'opération, en 1674, à l'âge
d'environ soixante ans. Moisant était
non-seulement bon poète, mais en-
core savant littérateur • il avait
pour amis les hommes les plus célè-
bres: Chapelain, Tanncgui Lefèvre,
Bochart , Huet , Hcinsius , Yossius ,
etc. On a de lui : I. Trois différents
Recueils de -poésies latines, Caen ,
i658 , in- 4°. ; ibid. , i663 , in-8°. ;
et ibid., 1669, in -16. Bayle et
d'autres critiques parlent des vers
de Moisant avec les plus grands
éloges : cependant Huet pense qu'ils
n'ont pas toute la vivacité ni toute
cette richesse d'invention qui fait les
grands poètes. La pièce qu'il com-
posa sur son Coq passe pour la meil-
leure. A la suite du recueil de 1669 ,
on trouve quatre lettres latines ; la
première sur l'académie de Caen , et
igme
en i65'2 : la seconde
sur Malherbe ; la troisième sur les
antiquités de Caen, et la quatrième
sur les littérateurs qu'a produits cette
ville. IL Epistolœ , ibid., 1670,
in-8". ; elles sont pleines d'érudition,
et le style en est très-agréable. Ou-
dendorp en a extrait des Remarques
sur Lucain , qu'il a insérées dans la
belle édit. de ce poète, Leyde, 1729,
in-4°. III- Les Origines de quel-
ques coutumes anciennes , et de
plusieurs façons de parler triviales,
ibid., 107'Ji , in-i2- ouvrage rare
MOI
et curieux. Il a publié à la suite ,
d'après un manuscrit que M1"'1, de
Matignon lui avait, confié, un poème
intitulé : Cy est V ordre des banne-
rets de Bretagne et leur origine ,
translaté sur le latin , et depuis mis
en rimes françaises. IV. Les Diver-
tissements de M. D. B. . ibid., 1G73,
in- 12 ; rare. C'est un recueil de
lettres, et de vers français et latins.
On y trouve quelques vers heureux ,
et quelques réflexions judicieuses.
Moisant a laissé en manuscrit la tra-
duction latine d'une partie des épi-
grammes de Y Anthologie , et un
volume de Méditations chrétiennes ,
morales et politiques , dont Segrais
avait eu sans doute communica-
tion , car il dit, « que ces méditations
» ne sont pas seulement propres
» pour les calvinistes , mais encore
» pour nous, puisqu'il n'y a rien qui
» regarde les points de contrô-
la verse. » ( OEuv. de Segrais , 11 ,
18.) .. W— s.
MOÏSE , législateur des Hébreux,
né dans la terre de Gessen ou Go-
sen , l'an 1^71 avant J.-C. , était
filsd'Amram et de Joeabed, de la
tribu de Lévi , et frère puîné de Ma-
rie et d'Aaron. Le roi d'Egypte Pha-
raon avait ordonné aux sages-fem-
mes de ses états d'étouffer tous les
enfants mâles qui naîtraient par-
mi les Hébreux. Joeabed ne put se
résoudre à faire périr son fils ; elle le
ca< ha pendant trois mois. Au bout
de ce terme , voyant qu'il n'était plus
possible de garder le secret , elle mit
l'enfant dans une de ces petites na-
celles de jonc qui étaient en usage
dans l'Egypte, après l'avoir enduite
de poix et de bitume, et l'exposa
parmi des roseaux, sur le bord du
fleuve. Marie, sœur de l'enfant, se
tenait à une distance convenable ,
pour voir ce qui arriverait. La fille
MOI
de Pharaon vint au fleuve pour se
baigner ou pour se purifier a la ma-
nière du pays. Voyant la nacelle, elle
envoya une de ses filles, qui la lui
apporta ; elle l'ouvrit , et y trouvant
cet enfant, qui était d'une beauté ex-
traordinaire , elle fut touchée de ses
cris, et pensa bien que c'était un des
enfants des Hébreux. Alors la sœur
de l'enfant , s'élant approchée, dit à
la fille de Pharaon: f ous plaît-il que
je vou> ailh quérir une femme des
Hébreux , qui soit en élut d'alaiter
cet enfant? Elle lui répondit : Allez.
Marie alla promptement avertir sa
' mère, qui vint , et la princesse lui
donna l'enfant à nourrir. Quand il
put se passer de nourrice, Joca-
bed le mena à la fille de Pharaon,
qui l'adopta pour son fils, et le nom-
ma Moïse j car , dit-elle , je Vai tire
de Veau. Si l'on en croit Josèphe,
Philon, Clément d'Alexandrie, le P.
Kircher , Hottinger , J. Leclerc ,
dom Calmet, et quelques autres sa-
vants , Moïse est un composé de
deux mots égyptiens, moi ou moyy
qni signifie eau, et hyses , sauvé.
ïsaac Abarbanel pense que le nom
de Mosche ( sauvé, retiré ) , lui fut
imposé par Jocabed , lorsqu'elle
le remit entre les mains de la prin-
cesse. Abcn - Ezra , au contraire ,
croit que le vrai nom de l'enfant fut
MonioSj en égyptien , <-t que Mos-
che n'en est que la traduction dans
la langue hébraïque. Nous appre-
nons du discours du martyr saint
Etienne, dans le livre des Act<
vu , que Moue fut élevé dans la sa-
gesse, c'est-à-dire, dans les si :
des i , par la Qlle de Pha-
raon , qui Thermutis
par Josèphe, Artapan,
et par la ehroniqui d' Mexandrie.
Philon (I I | Irni vont
jusqu'à faire I mt des
sciences que l'on apprit à Mois
ils ne se bornent pas à ceïh
étaient alors cultivées en Egypte.
L'auteur de l'ancienne Vie de Moïse.
en trente-sii parties , raconte , après
plusieurs autres fables , qu'il fut
rendu à la fille de Pharaon à l'âge
de trois ans. Vers ce temps , le roi
se maria, et donna un grand festin.
Sa femme était à sa droite, et sa fille
avec, le petit Moïse à sa gauche .
enfant, en se jouant, prit la couron-
ne du roi , et se la mit sur la tête. Le
mage Balaam, eunuque du roi, lui
dit : Seigneur , souviens-toi de ton
rêve ; certainement , l'esprit de Dieu
est dans cet enfant. Si tu veux que
V Egypte ne soit pas détruite, il faut
le faire mourir. Cet avis plut beau-
coup au roi , qui avait vu en songe un
vieillard tenant eu main une balance
dans un bassin de laquelle étaient
tous les habitants de l'Egypte, et
dans l'autre un enfant dont le poids
égalait celui de tous les habitants.
On était près de tuerie petit Moïse,
lorsque Dieu envoya l'ange Gabriel ,
qui prit la figure d'un des princes de
la cour de Pharaon , et dit au roi : Je
ne crois pas qu'on doive faire mou-
rir un enfant qui n'a pas encore de
ient , mais il faut l'éprouver :
présentons-lui à choisir, d'une perle
ou d'un charbon aident : s'il choisit
le charbon , ce sera une preuve qu'il
est sans raison , et qu'il n'a pas eu
mauvaise intention en prenant la-
couronne royale ; mais s'il choisit
la perle , ce sera une preuve qu'il a
du jugement , et alors on pourra le
tuer. Aussitôt ou met devant Moïse
\\>.\ charbon ardent et une perle.
Moïse allait prendre la perlej mais
l'ange lui arrêta la main subites
et lui fit prendre le chai bon, qu'il
porta lui-! i .niant
lia la langue et la main; et
2.JO MOI
ce qui le rendit bègue pour le res-
te de sa vie. Josèphe ne s'éloigne pas
essentiellement de ce récit : Pharaon ,
dit-il, ayant pris l'enfant dans son
Sein, pour le caresser, et lui ayant
mis en jouant, son diadème sur la
tête, Moïse l'arracha , le laissa tom-
ber à terre, et le foula même aux
pieds. Les devins, et surtout celui
qui avait inspire au roi le dessein de
faire périr tons les enfants mâles qui
naîtraient des Hébreux, commencè-
rent à crier qu'assurément c'était-!à
cet enfant, dont les Dieux avaient
annoncé la naissance pour la ruine
de la nation, et qu'il fallait le faire
périr. Mais Tliermulis l'enleva d'en-
tre les mains du roi , et le déroba à la
mort qui le menaçait. Artapau, la
Chronique d'Alexandrie, et les an-
ciens rabbins , racontent encore
d'autres particularités de l'enfance
de Moïse. Voltaire qui en avait con-
naissance, et qui cite même le trait
de l'ancien historien et celui de Jo-
sèphe , conclut hardiment qu'il en a
été de l'histoire sacrée de Moïse ,
comme de l'histoire profane d'Her-
cule ; que chaque auteur qui en a
parié , y a mis beaucoup du sien , et
qu'enfin Moïse pourrait bien être un
personnage fabuleux! Josèphe ra-
conte ensuite comment Moïse, par-
venu à l'adolescence, fut chargé du
commandement des armées égyp-
tiennes contre les Ethiopiens; com-
ment il assiégea le roi d'Ethiopie
dans Saba , et le força de lui livrer
cette forteresse ; comment enfin il
épousa Tharbis , fille de ce prince,
et retourna victorieux en Egypte.
Ce n'est pas contre les Éthiopiens ,
que les rabbins font marcher Moïse
à la tête des Égyptiens, mais au se-
cours du roi d'Ethiopie , contre le-
quel les magiciens Baiaam , Janncs
et Mainbrès s'étaient révoltés, et
MOT
employaient toutes les ressources de
leur art. Mais laissons-la toutes ces
rêveries. Lorsque Moïse eut atteint
sa quarantième année , il renonça à
la pompe et aux richesses de la cour
de Pharaon , pour partager l'igno-
minie de ses frères. Témoin de leur
affliction, il en fut profondément
ému. Il rencontra un Hébreu qui
était maltraité par un Égyptien ; et
ne voyant personne autour de lui , il
tua l'Egyptien, et ensevelit son corps
dans le sable. Le lendemain , il ren-
contra deux Hébreux, qui se querel-
laient ;et dit au plus fort : Pourquoi
frappez-vous votre frère? Cet hom-
me lui répondit : Oui vous a établi
sur nous pour prince et pour juge ?
Est - ce que vous voulez me tuer
comme vous tuâtes hier un Egyp-
tien ? Moïse eut peur , ne pouvant
comprendre comment son action
était connue. Cependant Pharaon en
fut informé, et chercha réellement
à faire mourir Moïse. Les rabbins
ajoutent même que le roi ordonna
qu'on lui tranchât la tête , mais que
son col devint dur comme une co-
lonne de marbre, et que l'épée ne
put rien contre lui. Moïse sortit
alors d'Egypte , et se retira dans
le pays de Madian, au-delà de la
Mer-Rouge, sur le bord oriental ,
dans l'Arabie-Pétrée , vers le Mont-
Sina. Il y avait à Madian un prêtre ,
nommé Raguel ou Jéthro, qui , se-
lon quelques anciens , était également
roi de la contrée. Jéthro avait sept
filles, qui, étant sorties de la ville
pour puiser de l'eau, et ayant rem-
pli les canaux , voulaient faire boire
le troupeau de leur père. Des ber-
gers qui étaient survenus T les chas-
sèrent. Alors Moïse, qui était pré-
sent, prit la défense de ces filles, et
fit boire leurs brebis. De retour à la
maison de leur père, Jéthro leur
MOI
îles étaient re-
venues plutôt qu'à l'ordinaire; elles
répondirent: Un Egyptien nous a
délivrées dé la violence des bergers;
il nous a même tiré de Veau en
abondance , et a donné à boire à nos
brebis.~- Où est-il ? dit Je'thro , pour-
quoi avezvous laissé aller cet hom-
me? Appelez-le f afin q 'il mange
ici. Moïse consentit a demeurer avec
et Je'thro lui donna sa fille Së-
phora. On sent bien que ce récit est
trop simple pour les rabbins , et
qu'ils ont dû l'accompagner de tout
ce que l'imagination orientale enfante
de bizarre. Ceux qui seront curieux
de savoir les amours de Moïse et de
Sëphora , n'ont qu'à lire la Vie de
Moïse, par Gaulmin , Paris, i(r.U),
in-8u. , ou même X Histoire de V an-
cien Testament , par dom Calmet,
liv. ier. Sëphora mit au monde Ger-
sam,et ensuite Eliëzcr. Long-temps
après, le roi d'Egypte mourut : les
: , gémissant sous le
poids des travaux qui les accablaient,
crièrent vers le ciel. Dieu entendit
leurs plaintes, et se souvint de l'al-
qu'il avait faite avec Abra-
ham, Isaac et Jacob. Un jour (pie
Moïse menait paître les brebis de son
beau-père , et qu'il avait conduit son
troupeau bien a - le désert ,
jusqu'au Mftnt-Horeb, il aperçut de
Join un buisson qui paraissait tout en
feu, sans que le feu le cou
Frappe d'ëlonnemeut , il dit en lui-
même : Il faut que j'aille voir celle
grande merveille, et que je sache
pourquoi ce buisson brûla sans se
consumer. Mais le Seigneur , ou
• m ii] tri ûl ( ■! son nom,
lui di -un : N'ap-
procl tuliers
de VOS pt<
vou i
flt'V'
MOI
i!j i
visage, parce qu'il n'osait re^,
Dieu. L'ange lui dit : J'ai considéré
rlion de mon peuple ; je suis
descendu pour le délivrer de l'es-
clavage des Egyptiens , et pour le
faire entrer dans un pays excellent ;
je vous ai choisi pour exécuter ce
grand ouvrage ; je veux vous en-
voyer ves Pharaon. Moïse objecte
sa faiblesse ; mais l'ange lui promet
d'être avec lui. Moïse insiste, et de-
mande le nom de celui qui lui parle.
Je suis celui qui suis ( Jchovaîi ) .
(0 lui répond l'ange. Ils ne me croi-
ront pas , reprend Moïse; ils ne vou-
dront pas écouter ma voix. — Jetez
par terre la. verge que vous tenez
à la main. Moïse obc'it , et la verge
est changée en serpent. — Prenez ce
serpent parla queue.Mdise le prend,
et le serpent redevient verge. — J'ai
fait ceci, ajouta l'ange , afin qu'ils
croient que le Seigneur vous a ap-
paru. Pour surabondance de preuve ,
l'ange lit un second miracle, afin de
,incre ceux qui n'écouteraient
point la voix du premier , et s'en-
gagea à lui en faire opérer d'autres
jusqu'à la conviction la plus entière
( V. l' Histoire des apparitions di-
vines faites a Moïse , par Monceaux ,
i5<)r2, in-rr2 ). Moïse opposa une
nouvelle difficulté ; il représenta le
peu de facilite qu'il avait de parler.
Quoi donc , dit l'ange ! Qui a fait
la bouche de l'homme ? N'est-ce pas
moi qui suis le Seigneur? Allez
donc , je vous apprendrai ce que
vous aurez à dire. Moïse ne se ren-
du pas encore: Envoyez, dit-il ,
celui que vous devez envoyer, i
alors se fâcha contre Moïse. Il lui
révéla que s<>:! frère Aaron rie
au-devant de lui. eî
à52
prête. Moïse prit congé de Jélhro ,
et partit avec sa femme et ses enfan ta.
Aaron , suivant la parole du Sei-
gneur, alla à sa rencontre sur la
montagne d'Horeb , et l'embrassa
tendrement. Moïse lui communiqua
la mission dont il était charge , et
ils continuèrent ensemble leur route.
Séphora était retournée à Madian
avec ses deux fils. A leur arrivée dans
la terre de Gessen , ils assemblèrent
le peuple, lui annoncèrent les ordres
du Seigneur , et lui prouvèrent, par
des miracles , cpie c'était lui qui les
envoyait. De là , ils se rendirent à la
cour de Pharaon , et le supplièrent
d'accorder aux. Israélites la permis-
sion d'aller sacrifier dans le désert.
Loin de se rendre à celte prière ,
Pharaon apesantit encore son joug
sur les Hébreux , et exigea d'eux
de nouveaux travaux. Ces persécu-
tions les forcèrent de porter leurs
plaintes au pied du trône } mais
elles furent sans succès. Le roi leur
répondit que s'ils n'avaient pas tant
de loisir , ils ne penseraient point à
aller sacrifier dans le désert. Les
Israélites s'en prirent à Moïse , qu'ils
accusèrent d'avoir aggravé le poids
de leur servitude. Celui-ci s'adressa au
Seigneur, et lui transmit les plaintes
de son peuple. Le Seigneur lui ré-
pondit : C'est à présent que vous
allez voir ce que je ferai à Pha-
raon ; je le contraindrai , par la
force de mon bras , à laisser sortir
les Israélites. Je suis celui qui suis.
Dites , de ma part , aux enfants
d'Israël : Je vous prendrai pour
mon peuple , et je serai votre Dieu ;
je vous déchargerai dos fardeaux
dont les Égyptiens vous accablent ;
je vous mettrai en possession de la
terre que j'ai juré de donner à vos
pères. Moïse rapporta cette réponse
aux Hébreux ; mais ils ne l'écoutè-
MOl
rent pas, à cause de la dureté de leur
servitude , et de l'excès de leur aiilic-
tion. Le Seigneur commanda pour
lors à Moïse de paraître en la pré-
sence de Pharaon, et d'exercer sur
ses états un empire divin. Moïse fut
chargé d'agir au nom du Seigneur,
et Aaron d'expliquer ses ordres. Ils
reviennent tous les deux à la cour;
et là commencent les dix miracles ,
appelés les dix plaies de l'Egypte.
Clément Alexandrin , livre Ier. des
Stromates , rapporte , d'après Aria-
pan , que Moïse prononça le nom de
Jhaho f ou Jehovah , d'une manière
si efficace à l'oreille de Phara-Ne-
kefr , que ce roi tomba sans con-
naissance. Le livre de l'Exode nous
apprend que Moïse changea sa ver-
ge en serpent, devant Pharaon, et
que les magiciens du roi imitèrent ce
prodige, mais que la verge de Moïse
dévora les leurs. Le lendemain il
changea l'eau du Nil en sang, de sor-
te que les poissons moururent , et que
les Egyptiens furent obligés de creu-
ser la terre le long du lleuve , afin
d'avoir de l'eau pourboire. Les ma-
giciens de Pharaon imitèrent encore
ce second prodige. Sept jours après,
Moïse couvrit tout le pays d'une
multitude de grenouilles , qui en-
traient dans les maisons , et y por-
taient la plus grande incommodité :
même imitation de ce troisième pro-
dige par les magiciens. Il changea la
poussière en moucherons , qui atta-
quèrent les hommes et les bêtes : ce
fut la quatrième plaie; elle ne put être
imitée. Les magiciens reconnurent
hautement que le doigt de Dieu était
là : mais le cœur de Pharaon s'endur-
cit de plus en plus. Pour cinquième
prodige, Moïse fit paraître nnegrande
quantité de mouches, qui dévoraient
tout en Egypte, excepté dans la ter-
re de Gessen. Pour sixième plaie , il
;\i< il
étendit la mortalité sur tons les ani-
maux qui étaient dans les champs.
Pour septième plaie, il répandit de
la cendre vers le ciel , et en même
temps il se forma des ulcères en-
flammes el des tumeurs sur les hom-
mes et sur les animaux. Pour hui-
tième plaie, il fit tomber une grêle
horrible, qui écrasa les hommes et
les animaux , et qui ravagea les plan-
tes et même les ai bres. Pour neuvième
plaie, il fit souffler un vent brûlant ,
qui amena des sauterelles en telle
quantité, qu'elles couvrirent la sur-
face delà terre et causèrent beaucoup
de dégât. Pour dixième plaie enfin,
il forma des ténèbres si épaisses ,
qu'elles étaient palpables , et qu'on
ne se voyait pas l'un l'autre. Tous
les genres de fléaux semblaient être
épuisés, sans que Pharaon eût pu se
résoudre à laisser partir les Israéli-
tes. Pour le déterminer, Moïse lui
annonça que le Seigneur extermine-
rait pendant la unit tous les premiers
nés de? Égyptiens, depuis l' héritier
présomptif du tronc, jusqu'au fils
de l'esclave. L'exécution suivit de
près la menace. Alors les cris du
peuple forcèrent le roi à permettre
aux Hébreux de sortir de l'Egyp-
te. Des contradictions apparentes
entre ces prodiges, tels qu'ils sont
racontés dans l'Exode , celles qui
semblent aussi résulter du récit de
Moïse, et de celui de David dans
ses Psaumes, ont été n I
emphase par Voltaire ( Bible enfui
expliquée).hes commentateurs n'ont
rien laissé a désirer sur ce point.
On peut consulter principalement
dom Calmet el la Bible de \
Disse '-talions sur tes faux miracles;
l'abbé Guénée, et l'abbé du Contant,
Exode expliqué. ) \< aut de quitter
la tei rdonna
aux Hébr<
MOI 20 1
gneur, de demander aux Égyptiens
ises d'argent, des \
et des habits, alin de se les ap]
prier. Cette conduite du chef du peu
pie de Dieu a été a Lolemment atta-
quée par les incrédules, et victorieu-
sement défendue par les apologistes
de la religion , à la tète desquels on
doit mettre le savant auteur des
très de quelques Juifs portugais ,
etc. , Grotius et Puflendorf. Les en-
fants de Jacob, sous la conduite de
Moïse, sortirent de l'Egypte, j i.>
ans après que leurs pères y avaient
fixé leur demeure. Leur premier cam-
pement, en quittant Ramcssès , fut à
Socoth , près de la mer Rouge ; le
second à Etham , à l'extrémité du
désert ; le troisième à Phihahiroth ,
sur les bords de la mer. C'est dans
cette dernière station, qu'ils aperçu-
rent Pharaon et son armée , qui ve-
naient à leur poursuite. Moïse éten-
dit sa verge miraculeuse, et ans
les eaux de la mer se partagèrent : le
peuple juif en traversa les abîmes à
pied sec. Moïse étendit encore sa
verge, et les eaux se rejoignirent,
pour engloutir Pharaon et toute sou
armée , qui suivaient de près les Hé-
breux. Après cet événement , Moïse
fit chanter par le peuple un cantir
que de louanges, qui est un des plus
beaux poèmes que l'on connaisse.
Lowih en a fait remarquer les beau-
tés , dans son livre De sacra poësi
Hcbrœorum.\\QY<dn , cité par Rolliu,
Traité des études , en a également
donné un commentaire, que M. Fab
bé Guillon, professeur d'éloquence
sacrée, a adopté et perfectionné,
Leydecker , lib. îr de repu!
brœorum , rapporte une traduction,
en vers latins, d e ce subi im
faite par un de ses amis, Coi
Laurimann. Dans le cam]
I\]ara. Moi
rj54
MOI
eaux., en y jetant un morceau deLoîs
que le Seigneur lui avait indique.
Dans le désert île Sin , il obtint de
Dieu, par ses prières, un grand nom-
bre de cailles pour la nourriture du
peuple, et cette rosée du matin, qui
î ut appelée manne, des mots hébreux
m an- hou ( qu'est- ce que cela ? ) A
Raphidim , il fit jaillir des eaux vives
du sein d'un rocher, en le frappant
de sa verge. Il y triompha aussi des
Amalécites, par la valeur de Jo-
sué, et y érigea un monument de sa
victoire. Jethro , son beau - père ,
alla le trouver et lui ramena sa femme
et ses deux fils. Ce sage vieillard lui
conseilla de choisir , entre tout le
peuple , des hommes fermes et cou-
rageux, de leur partager le com-
mandement des tribus , et de leur
confier la distribution de \a jus-
tice. De Raphidim , Moïse arriva à
Sinaï, où Dieu donna la loi à son
peuple , au milieu des éclairs , du
tonnerre et du plus terrible appareil.
Moïse descendit de la montagne, où
il était demeuré quarante jours : il
portait dans ses mains deux tables de
pierre , sur lesquelles étaient gravés
les dix commandements de la loi ;
mais il les brisa dans son indigna-
tion , à la vue du veau d'or qu' Aaron
avait érigé , pendant son absence , à
la demande du peuple : il fut obligé
d'en tailler de nouvelles; et il re-
tourna sur la montagne, où il passa
de nouveau quarante jours. Dans les
divers entretiens qu'il eut avec l'Eter-
nel, il reçut de sa bouche les ordon-
nances morales, civiles et religieuses
qu'il promulgua solennellement, et,
suivant les rabbins, les traditions,
qui se transmirent comme de main
en main jusqu'aux auteurs de la Mis-
chna qui les ont recueillies. C'est à
l'occasion du veau d'or, fondu en si
peu de temps par Aaron , et réduit en
MOI
poudre par Moïse, suivi de la puni lion
d'environ vingt-trois mille hommes,
que Voltaire n'a rien épargné pour
rendre odieux le nom de ce législa-
teur ( V. l'explication de tous ces
faits, dans les Lettres de l'abbé Gue-
née , et dans Y Exode de l'abbé du
Contant ). Moïse étant de retour de
la montagne , son visage parut tout
resplendissant d'un éclat divin , dont
il porta toujours l'empreinte. Moïse
ne quitta pas la station de Sinaï ,
qu'il n'eût achevé le tabernacle , l'ar-
che d'alliance, et tout ce qui servait
au culte du Seigneur ; qu'il n'eût
consacré le grand-prêtre, la race sa-
cerdotale et les lévites. Il y fit aussi
le dénombrement des tribus d'Israël,
assignant à chaque famille le rang
qu'elle devait occuper à jamais dans
la Palestine. A Hazerolh, le Seigneur
glorifia son serviteur , en couvrant
d'une lèpre honteuse Marie et Aaron,
qui s'étaient livrés à des murmures.
Du désert de Pharan, Moïse fit partir
un des principaux de chaque tribu ,
pour reconnaître la terre promise, et
lui en faire un rapport exact. Les
envoyés, à l'exception de Caleb et de
Josué, exagérèrent tellement les dan-
gers dont ils avaient été frappés, que le
peuple tomba dans le désespoir et se
plaignit amèremeut d'avoir été séduit
par Moïse. Il se serait peut- être porté
àdesexcèseontrelui, sile Seigneur ne
l'avait protégé visiblement, et n'a-
vait frappé les séditieux de mort subi-
te. Israël étaitencoredans ce campe-
mentlorsqueCoré, Dalhanet Abiron,
jalouxde la prééminence d'Aaro
révoltèrent coutrerautoritéde Moïse.
Cette révolte fut étouffée d'une ma-
nière miraculeuse : à la voix de cet
homrnede Dieu, la terre sefenditsous
les pieds des rebelles , et les engloutit
dans son sein, eux, leurs familles et
toutes leurs richesses. Ce châtiment.
MOI
loin d'intimider le peuple, l'irrita
contre son chef, et le lendemain il
se ligua pour le perdre. Le Seigneur
lit mourir quatorze mille sept cents
des plus coupables; et il en aurait
puni un plus grand nombre , si
Moïse n'avait fléchi sa colère. Dans
le désert de Sin, près de Cadès, les
Israélites, ne trouvant point d'eau
pour se désaltérer, murmurèrent se-
lon leur coutume, et renouvelèrent
contre leur chef le reproche de les
avoir tirés de l'Egypte, pour les
faire périr dans ces lieux arides.
Moïse frappa deux fois ( i ) le rocher
de sa verge, et il eu sortit des eaux
abondantes. De là , il adressa des am-
bassadeurs au roi d'Édom , pour lui
demander un passage à travers sou
pays ; ce qui lui fut refusé. Aaron
étant mort sur la montagne de Hor,
Moïse revêtit Éléazar des habits pon-
tificaux, et le reconnut pour grand-
prêtre. Vers le même temps, il vain-
quit le roi d'Arad, qui avait réduit
en captivité quelques espions israé-
lites. Dans le circuit qu'on fut obligé
de faire pour ne point eu lier dans le
pays d'Edom , les Hébreux méritè-
rent, par leur indocilité, que le Sei-
gueur leur envoyât des serpents de
feu pour les dévorer; et ils n'en fu-
rent préservés que par L'inauguration
d'un serpent d'airain , qui fut ex-
posé à tous les regards, au milieu
du camp. Moïse coin] cette
époque, un cantique, qui comm
par ces mots : Chantons ce <jiie le
a fait dans la mer Ri
et ce qui regardâtes eaux du torrent
non; et uu autre, à Béer, qui
cou;' i : 0 puitS.
vas eaux: n'existent plus.
'■"■' ,"' I"""" '"■ : i d'Iiésita.
i itrer lui
MOI
( Voy. Buddaeus , Historia eccle-
siastica veteris Tèstamenti , tome
Ier. ) De Pharga , il lit demand
Sehon, roi des Amorrhéens , un pas-
sage par son pays. Sehon ne l'ac-
corda point : on entra de vive force,
et son pays fut livré au pi liage. Ogr
roi de Basait, ayant levé une année
contre Moïse, le Seigneur le lui livra,
et il fut taillé en pièces. Tandis qu'Is-
raël était campé à Setlim, le peuple
s'abandonna au péché avec les filles
de Moabet deMadian. En exécution
des ordres du Seigneur, Moïse or-<
donna la peine de mort contre tous
ceux qui furent convaincus de forni-
cation. Il ne tarda pas à se porter
sur les terres des Madianites ; le
ravage fut horrible, et le butin con-
sidérable. Moïse paraît n'avoir en
aucune part dans la division qui
s'en lit. Peu de temps après, il an-
nonça aux enfants d'Israël que ceux
qui étaient sortis d'Egypte depuis
l'âge de vingt ans et au-dessus, n'en-
treraient point dans la terre promise,
excepté Josuéet Caleb. Bientôt, d'a-
près des demandes réitérées, il mit
en possession de Galaad les tribus de
Gad et de Ruben , et la moitié de la
tribu de Manassé. Le premier jour
du onzième mois de la quarantième
année depuis la sortie d'Ég}
dans une plaine du désert , "entre
Pharan, Thpphel, Laban et H
roth, il rappela aux Hébreux tout
ie le Seigneur avait fait pour
eux, tous les événements qui leur
étaient arrivés , et finit par leur an-
noncer que le Seigneur L'avait averti
qu'il serait privé de la satisfaction
luire dans l'héritage pru-
nus a leurs pères. ( Voyezles j pre-
miers chapitres du D<
lit ensuite une second
loi, qu'il ai
dictions pour ceux <p
a56 M<
raient, et de grandes malédictions
pour les iniraçteurs (Deutéronotne ,
chap. iv-xxx). 11 ne se contenta pas
de publier la loi de vive voix; il la
fit écrire dans il/) livre, composa
mi cantique qu'il fit apprendre par
cœur, et q li commence par ces mots :
deux, prêtez l'oreille, etc. (Dcut.
chap. xxxn. ) Outre les commenta-
teurs du Pentateuqué, qui l'ont ex-
pliqué, on peut distinguer le gros
ouvrage du jésuite Balthasar Paëz,
dans lequel il y a beaucoup d'érudi-
tion. Moïse, se voyant près de sa
fin , donna ses dernières instruc-
tions à chacune des tribus. Il monta
sur la montagne de Nébo , d'où il
pouvait distinguer tout le pays de
Galaad jusqu'à Dan , et il s'endormit
dans le Seigneur, à l'âge de six-vingts
ans. 11 n avait éprouve aucune des
incommodités de la vieillesse. Les
Hébreux le pleurèrent pendant trente
jours. Josué fut son successeur. On lit
dans le Deutérononie, qu'il ne s'éleva
plus dans Israël de prophète sem~
blable à Moïse , à qui le Seigneur
parlât comme à lui face à face, ni
qui ait agi avec un bras si puissant,
et qui ait fait des œuvres aussi
grandes et aussi Inerveilleuses ; et
dans le livre des Nombres, chap. xii,
que c et i-.it l'homme le plus doux
qui fût sur la terre. « Moïse, dit
l'Ecclésiastique, chap. xlv , vers.
1-6, a été aimé de Dieu et des hom-
mes,et samémoireesten bénédiction.
Le Seigneur l'a environné d'une gloire
égale a celle des saints; il l'a rendu
grand et redoutable à ses ennemis;
et, à sa parole, il a fait cesser les
plaies les plus étonnantes. 11 l'a élevé
en honneur devant les rois ; il lui
a prescrit ses ordonnances pour
son peuple , et lui a fait voir sa
gloire. 11 l'a sanctifié par la foi et
par la douceur qu'il lui a inspirée.
MOI
et l'a choisi d'entre tous les hom-
mes. Il lui a fait entendre sa voix,
et l'a introduit dans la nuée. Il lui a
parlé face à face pour lui donner ses
préceptes , qui contenaient la loi de
vie et de science. » L'apôtre saint
Paul ( Epi tre aux Hébreux, chap. xi,
versets '23-'2S),lui paye également
son tribut d'éloges. Saint Jude rap-
porte que le Diable se querella avec
l'archange Michel , au sujet du corps
de Moïse; mais on ne trouve rien de
semblable dans le canon judaïque.
Celte dispute de Michel avec le Dia-
ble n'est que dans un livre apocryphe,
intitulé : Analypse de Moïse , cité
par Origène , livre 3 des Principes.
Voltaire , qui a montré une si vio-
lente animosité contre les écrivains
sacrés , s'est particulièrement dé-
chaîné contre Moïse. Il a commencé
par nier son existence {Dictionnai e
philosophique , art. Moïse; Philoso-
phie de V histoire; Pyrrhonisme de
l'histoire ). Celte opinion a trouve
peu de partisans ; elle ne doit point
en avoir chez les Juifs et chez le;>
Chrétiens, qui voient à chaque page,
dans leurs livres sacrés, que Moïse est
un personnage réel . et véritable ( i ).
Voltaire n'a pas eu plus de raison
d'attaquer la certitude des miracles
opérés en Egypte par Moïse, sous
prétexte que d'anciens écrivains n'en
ont point parlé. Parce que, ni Sancho-
niaton le Phénicien , ni Manéthon ,
ni Chérémon, auteurs Egyptiens , ni
Ératosthène , ni Hérodote , ni Dio-
dore de Sicile , qui ont tant écrit sur
l'Egypte , n'ont dit un seul mot de
(i) Il paraît (jue Voltaire n'était pas bien convaincu
de la non-existence de Moïse , ou que ramené parles
objections de ses adversaires , il revint à l'opinion
générale : car , dans un écrit posthume , ( Diction».
philosop/i. art. MoïSE , sect. i ) , il dit positivement
qu'on ne fient douter qu'il y ail eu un Moi se légis-
lateur du peuple juif; rétractation précieuse de la
part d'un homme qui uVtait guère dans l'usage d'en
&ir«. T— D.
MOI
ces terribles miracles qui durent lais-
ser d'eux une mémoire durable, et
effrayer les hommes de siècle eu siè-
cle, s'ensuit-il que ces miracles n'aient
point étéopérés? Que prouveie silence
de quelques écrivains , sur des faits ,
quand ils sont rapportés par tant
d'autres , bien instruits et dignes de
loi? Voltaire suit pas à pas Moïse,
dans ses quarante-deux campements
depuis la sortie d'Egypte ; et a cha-
que instant il relève avec malignité,
ou la prétendue dureté du législateur
des Hébreux , ou sa mystérieuse con-
duite ( F. sur ce point l'abbé Guenée,
et l'abbé du Contant de la Molette ).
Le philosophe de Ferney n'a pas le
même iort en tournant en ridicule le
système du docte Huet, qui a pré-
tendu que Moïse était Bacchus : celui
de l'abbé Guérin du Rocher ( His-
toire véritable des temps fabuleux ),
lui donnait encore plus de prise.
Quant aux attaques qu'il a dirigées
contre la législation de Moïse, elles
sont anéanties par quelques-uns des
auteurs que nous avons indiqués , et
par Selden , Louis de Dieu, Spencer,
Cuneus , Basnage , Méuochius, Ley-
decker , Constantin Lempercur, par
M. de Pastoret ( Moïse considéré
comme législateur, Paris, 1788,
in - 8°., Histoire de la législation ,
18 iG, in-8u. ), et surtout par le
savant J. D. Michaëlis , qui tous ont
aprofondi la matière. Il n'est pas
sans intérêt de voir ici ce qu'en
ut J.-J. Rousseau : « La loi ju-
daïque , toujours subsistante , an-
nonce encore aujourd'hui le grand
homme qui l'a dictée • et taudis que
l'orgueilleuse philosophie ou l'aveu-
pril <le parti i.e voit en lui
qu'un heureux imposteur , le vrai po-
litique ad- les institutions,
ce grand et puissant g< nie qui pré-
v.\ cia!i!i durables. »
w
MOI
257
( Contrat social , liv. 1 , chap. 7 ).
Moïse a-t-il écrit le Pentateuque, tel
qu'il est aujourd'hui , ou b:en des
écrivains postérieurs Font-ils com-
posé d'après ses Mémoires ? \
Kzra, Maïmonidc, Spinosa, Ilobbcs,
La Peyreire, Richard Simon , Jean
Leclerc , Newton, Middleton, Vol-
taire , etc. , ont cru que Moïse n'é-
tait pas l'auteur du Pentateuque *
mais ils ne se sont pas accordés
sur l'écrivain auquel il fallait l'at-
tribuer. Il était facile de prouver
que le Pentateuque est l'ouvrage
de celui dont il porte le nom ; et
c'est-lace qu'ont fait avec avantage
plusieurs savants du premier or-
dre, dans toutes les communions
chrétiennes , les Bossuct , les Clé-
mence, les Dupin, les Jahn, les Mi-
chaëlis, les Rosenmuller, les Duvoi-
sin , etc. Voyons de quelle manière
l'illustre Bossuet expose les motifs
qu'allèguent les adversaires, pour
ôter à Moïse la gloire; d'avoir écrit
le Pentateuque : « Puisque de nos
» jours on a bien osé publier en tou-
» tes sortes, de langues, des livres
» contre l'Ecriture , il ne faut point
» dissimuler" ce qu'on dit pour dé-
» crier ses" antiquités. Que dit-on
» donc pour autoriser la supposi-
» tion du Pentateuque? et que peut-
» on objecter à une tradition de trois
» raille ans, soutenue par ses pro-
» près forcesetparlasuitedes choses?
» Rien de suivi , rien de positif,
» rien d'important* des chicanes sur
» des nombres , sur des lieux , ou
» sur des noms ; et de telles obser-
» rations qui , dans toute autre ma-
lt hère, ne passeraient tout au plus
» que pour de vaines curiosin
» capables de donner atteinte au fond
» des choses, nous sont ici aile.;
» comme faisant la décision de I
» tain; la plus scrute qui lVit j 1
258
MOI
» mais ! » Et il discute les alléga-
tions des adversaires , avec cette
force de raison et d'éloquence qui
le caractérise. ( Voyez Discours sur
V Histoire universelle , seconde par-
tic , n°. i3. ) Après avoir essayé
d'enlever le Pcntateuque à Moïse , on
a chicané sur chacune de ses parties.
Il n'est point d'événement sur lequel
ne se soit exercé l'esprit de critique.
Le plan de cette Biographie ne nous
permet pas d'entrer dans l'e'numé-
ration des traités qui ont été com-
posés au sujet de chaque ligne du
Pentateuque, si l'on peut parler ainsi.
Ce recueil a eu des commentateurs
généraux et particuliers. Parmi les
Juifs et parmi les Chrétiens , on
peut remarquer Âben Ezra , Maï-
monide, Iarchi, Abarbanel , Aaron
Ariscon, Cornélius à Lapide, Me-
nochius , Bonfrère , saint Jérôme t
dom Calmet , Sacy , la Bible de Ven-
ce, Rosenmuller, Ainsworth , et au-
tres, cités par Rosenmuller, en têfe
de son commentaire; le P. Mcrsen-
ne ( Quœstiones celeberrimœ in Ge-
nesim ) , Duguet, Alix^Aretin , sur
le même livre ; Astruc ( Conjectures
sur la Genèse ) , etc. Les objections
physiques et géologiques par les-
quelles on a prétendu attaquer le
récit de Moïse , ont , de nos jours ,
été victorieusement réfutées par de
Luc et le P. Ghrysologtje de Gy
( Voy. leurs articles, XXV, 334,
et VIII , 497 ). On a attribué à
Moïse le livre de Job , ou du moins
sa traduction en hébreu ( V. ce nom,
XXI , 57-2 ). On lui a aussi attribué
quelques psaumes , et particulière-
ment celui qui porte son nom ( le
90e.) Bossuet, d'après saint Jérôme,
ne trouve point d'inconvénient à le
lui accorder (Voy. sa Première dis-
sert, sur les Psaumes).\\ n'en est pas
de même de quelques autres ouvra-
MOI
ges : il serait ridicule de dire qu'ils
sont de lui. ( Voy. J. A. Fabricius,
Codex pseudo-epigraphus veteris
Testamenti , tome Ier. , où l'on trou-
vera des choses fort curieuses sur
Moïse ; et Buddœus , Historia eccle-
siastica veteris Testamenti , tome
Ier.) Les Orientaux, amateurs du
merveilleux, racontent, entre beau-
coup d'autres fables , que Moïse ,
après avoir long-temps prêché au roi
Pharaon, qui était athée et tyran,
l'existence d'un Dieu éternel , et la
création du monde, voyant qu'il
ne gagnait rien sur son esprit , ni
sur celui de sa cour , fit bâtir en
secret un beau palais , dans un en-
droit désert, à deux journées d'une
maison de campagne où le monar-
que passait tous les étés ; et quelques
années après , il fit ensorte que Pha-
raon , étant à la chasse, allât de lui-
même de ce côté-là. Le prince, aper-
cevant de loin un grand édifice dans
ce lieu désert, voulut voir ce que
c'était, et demanda qui l'avait fait
bâtir? Personne delà suite n'ensavait
rien ; Moïse à la fin s'avança , et dit
au roi qu'il fallait que ce palais se
fût bâti de lui-même : le roi se mit
à rire , et lui dit que pour un hom-
me qui se disait prophète , c'était
une belle chose à dire, qu'un tel pa-
lais se fût fait de lui - même, au mi-
lieu du désert. Moïse arrêta Pharaon
là-dessus, et lui dit : Fous trouvez
extravagant qu'on dise que cette
maison s'est faite d'elle-même,
comme étant une chose impossible;
et cependant vous croyez bien que
ce monde s'est fait de lui-même. Si
ce beau palais, qui n'est qu'un ato-
me en comparaison , ne peut être
venu de soi-même en ce désert ,
comme en effet cela est impossi-
ble , combien plus ést-il impossible
que ce monde , aussi solide, aussi
MOI
grand et aussi admirable qu'il Vest
dans toutes ses parties , se soit fait
de lui-même, et ne soit pas au con-
traire l'ouvrage d'un architecte
très- sage et tres-piussant. Le roi
fut convaincu par ce raisonnement ,
et adora Dieu, comme Moïse lui en-
seigna de t'ait e ( J. Chardin, Descrip-
tion de la Perse, tome x . page 4 6 ).
D'Herbelot , dans sa Bibliothèque
orientale ■-, rapporte plusieurs anec-
dotes sur Moïse, d'après les Musul-
mans (Art. Moussa ben Àmran, qui
est très-curieux j Feraoun, Pharaon;
Caroun, Gore'j Saoum, Amal, etc.)
Outre les auteurs que nous avons in-
diques, on peut consulter : J. Tlumi.
Fregii Mosaicus , Bàle , 1 583 , in-
8°. — De vitd et morte Mosis Ubri
très , traduit de L'hébreu, par Gaul-
min, Paris, i6'2§; Hambourg, avec
unepréfacedeFabricius, 1 7 1 £,in-8°.
— Phùon, vit a Mosis. — IjeTarguni,
le Zoar, le schialceth hakkaba-
la. — J osèphe, antiquités judaïques.
— Spon, Becherches curieuses d'an-
tiquités. — The divine légation of
Moses demonstrated, par Guillaume
Warhurton , cvêque de Glocesler ,
imprimée plusieurs l'ois, 5 vol., in-
8°., et les réfutations qui en ont été
faites par Lowth, etc. L — b — e.
MOÏSE (François-Xavier), sa-
vant théologien, ne le 11 décembre
1 7 4'-* 7 àUX Gras , village d< Fr,ui-
che-Comté, acheva ses études d'une
manière brillante, et concourut, à
l'âge de vingt-sept ans, pour une des
chaires de théologie de L'univer-
sité de Besançon. Présenté !<■ pre-
mier par les juges du concours ,
ii eut !«• chagrin A- <v voir préférer
nu de ses rivaux : le cardinal de
Choiseul , afin de !<• consoler , le
lit nommer |>> m collège
royal de Dole.
coude l'ois sur les rangs . pour une
MOI irj9
chaire à l'université , après la mort
du savant abbé Bujlet , et ne fui
plus heureux; mais il fut dédomma-
gé de celte nouvelle mortification,
par le plaisir de voir les élèves, dé-
serter les bancs de l'université, pour
aller l'entendre à Dole, où sa réputa-
tion attirait une foule d'auditeurs
de toutes les provinces voisines. Ce
furent peut-être les injustices qu'il
croyait avoir essuyées, qui le jetèrent,
en 1790 , dans le parti du clergé fa-
vorable à la révolution. Il prêta le
serment de la constitution civile, fut
nommé évêque du Jura par l'assem-
blée électorale de ce département , et
sacré à Paris , le 1 o avril 1 791. Pen-
dant la terreur , il fut enfermé ou
obligé de se cacher dans les monta-
gnes. Ce traitement ne refroidit point
son zèie pour la catfce qu'il avait
embrassée. Il adhéra aux deux en-
cycliques publiées par les évoques
constitutionnels en 179$, et parut
aux conciles tenus par eux en 1.797
et en 1 80 1 . On trouve , dans les An-
nales de ce parti , un discours de
lui , sous le litre de Considérations
surle Saint-Siège (tome vu, p. 1 3o).
11 avait essayé, en 1798, de tenir
un synode dans son département :
mais l'administration l'en empêcha;
et une semblable tentative qu'il fit
en 1800, ne fut pas plus heureuse.
Les ac^es du concile de 1801 , ren-
ferment (tome m, p;ig. i»->), un
long rapport qu'il fit sur les démis-
sions demandées aux éyêquesj rap-
port où, entre autres choses assez
étranges , ii disait que les sièges des
constitutionnels étaient remplis plus
canoniqueraent que Le Saint -Siège
même, le chagrin d'être obi;
se démettre , paraît ayoir dv '
en it assez peu modère', ainsi qu'une
lettre que MoiseeJ ML Gré]
sèrent de concert au pag>e , le li
2Go
MOI
octobre 1801 ,. pour annoncer leur
démission. Ces deux prélats étaient
fort lies; et Moïse eutniême la com-
plaisance de publier eu 180 1 , pour
la défense de son ami , un petit écrit
intitulé : De V 'opinion de M. Gré-
goire dans le procès de Louis XVI,
où il dit ingénument qu'à la véri-
té M. Grégoire a condamné Louis
XVI, mais qu'il l'avait condamné
à vivre ; ce qui parut un peu ridi-
cule. Moïse quitta Paris peu après ,
fut fait chanoine honoraire de Be-
sançon par Lecoz, et se retira dans
une petite ferme qu'il possédait à
Morteau. Il partagea dès -lors son
temps entre l'étude et les travaux
agricoles. Le costume qu'il avait
adopté , ne. différait point de celui
des autres montagnons; et il a joui
plusieurs fois*de la surprise des étran-
gers , étonnés de trouver un pay-
san qui parlait avec une facilité et
un choix d'expressions que ne donne
pas toujours l'éducation la plus cul-
tivée. Il était versé dans l'histoire
civile et ecclésiastique, dans le droit-
canon et les langues orientales; et sa
bibliothèque, qu'il avait formée lui-
même, était riche en ouvrages de
son état. Moïse mourut dans cette
retraite , le 7 fëvil^i ï8i3. On a de
lui : Réponses critiques aux incré-
dules , sur plusieurs end oits des
Livres saints , Paris , 1783, in- 12.
Ce livre forme le tome quatrième de
l'ouvrage de l'abbé Ballet ( V. ce
nom ); mais on a fait disparaître le
nom de Moïse dans les réimpressions
publiées récemment. Il a laissé en
manuscrit deux volumes , qui termi-
nent cet important ouvrage; on peut
présumer que, s'ils paraissent ja-
mais, ce ne sera pas sous le nom
de leur auteur. Outre plusieurs let-
tres pastorales , d<js mandements ,
etc.; on a de Moïse plusieurs petits
MOI
écrits, insérés dans les Annales de
la religion, par Desbois de Roche-
fort ; et il a laissé , entre les mains
d'un de ses amis, une Défense des
libertés de V Eglise gallicane, dont
on promet la publication. On trouve
dans la Chronique religieuse, tome
v, pag. 385 , nue Dissertation sur
l'origine des fausses décretales, qui
est attribuée à cet évêque , et qui
forme 4o pages. P — c — t et W — s.
MOÏSE ALSCHECH, filsdeRahbi
Chajim , flo lissait vers le milieu du
seizième siècle , à Saphet , ville
de la haute Galilée , dont il élait
grand- rabbin. Il jouissait d'une ré-
putation distinguée parmi ses co-ré-
ligionnaires, comme prédicateur, et
comme interprète des Livres saints.
Il a laissé sur tous les livres de l'An -
cieu-Teslament , des Commentaires
également estimés des Juifs et des
Chrétiens qui s'appliquent à l'étude
des rabbins. Richard Simon le range
parmi les meilleurs commentateurs
de l'Écriture. Constantin Lempereur
en fait aussi un grand éloge. Ses
Commentaires surl'Ecclésiaste, les
Lamentations , Ruthet Esther, ont
été imprimésensemble, Venise, 1601,
in-4°. ; Prague, 1610, in-fol.; Ams-
terdam , 1 098 , in- 1 2 : ses Commen-
taires sur les grands Prophètes, Ve-
nise , 1620, et Francfort-sur-Mein ,
1719, in-fol. : ses Commentaires sur
les : etits Prophètes , léna , 1 720 j
su r les Psaumes , Venise , 1 6o5 ,
in-4°.j! Iéna, 1721 , in-fol.; sur le
Pentateuque, Venise, 160 r , in-fol.,
Prague, 1616, in-fol. F. Wolf.
Bibl. , hehr. , tomes 1 et m. L-e-e.
MOÏSE ben NACHMAN, célèbre
rabbin espagnol du treizième siècle,
naquit à Girone, en 1 194. Les Juifs
l'appellent Ramban, nom formé des
initiales des quatre mots, Rabbi Mo se
ben Nachman. Il étudia et pratiqua
MOT
la médecine avec succès, et ne fit pas
moins de progrès dans les sciences
qui conduisent à l'intelligence de la
loi et du Talmud. L'éloquence ne lui
fut pas étrangère; et un discours
qu'il prononça devant le roi de Cas-
tille ( Prague , 1 5»)7 , in-4°. ), lui mé-
rita la dénomination de père de V élo-
quence, qu'il ajouta aux titres depère
de la sagesse, de luminaire } de fleur
de la couronne de sainteté , que lui
avaient valu ses vastes connaissances.
Aussi philosophe que Maïmonide ,
presque son contemporain, il adopta
ses opinions, qu'il défendit avec cha-
leur, et qui lui attirèrent des enne-
mis, entre autres le rabbin Méir. Il
avait d'abord méprisé la cabale; mais
il en goûta insensiblement les subti-
lités , et y devint fort habile. Il ne se
borna pas à la spéculative ; il se jeta
dans la pratique ou Yopérante. Il
trouvait tout ce qu'il voulait dans
le Cantique de Moïse ( Deutéro-
norae xxxn '). On raconte qu'un de
ses disciples l'ayant défié d'y trouver
son nom d' Abner , Ramban lui cita
aussitôt le verset 26 : J'ai dit. ...j'a-
bolirai leur mémoire d'entre les
hommes. La troisième lettre de cha-
que mot , dans la langue hébraïque,
compose celui d! Abner. Le disciple,
effrayé, demanda s'il n'y avait point
de pardon pour lui ? — Vous avez
entendu les paroles de V Ecriture ,
répondit Ramban. Abner, au déses-
poir, se jeta dans un vaisseau sans
voiles et sans 5am.es, et on ne le re-
vit jamais, bai ia63, Jacques, roi
d'Aragon, voulut que ce rabbin en-
trât en conférence, à Barcelone,
docteurs catholiques. Ram-
ban disputa plusieurs jours en pré-
• du "" - de m cour, et d'une
foule immense, » ontre frère Paul
i li.iui , reli mûneain, et
on seul jour contre] Martin,
MOI 261
religieux du même ordre, auteur du
Pugio jidei. Chacun s'attribua la
victoire, comme il arrive ordin
ment dans ces sortes de disputes.
François Bosquet, évêque deLodèvé,
dans une lettre à Joseph Duvoisin ,
qui se trouve en tète du Pugio
assure que le rabbin Moïse Nach-
manide fut réduit au silence par ses
adversaires , notamment par Rai-
mond Martin; mais cette dernière
circonstance prouverait que le récit
des catholiques n'est pas .tut lien-
tique, puisque Martin parla très-peu,
et que frère Paul soutint seul tout le
choc, suivant l'édit du roi , qui pa-
rut après la conférence, et qu'on
trouve dans Wagenseil ( Tela i^nea
Satanœ , tome 11 ) , mais non dans
le Codex legum antiquarum de
Lindcnbroch, comme le prétendent
mal à-propos Wagenseil et Basnage.
Au reste, le savant évêque de Lo-
dève n'a fait que suivre ce qui est
rapporté dans le Candor Ulii , et
dans la Bibliothèque des frères Prê-
cheurs de Venise. Ramban publia
de son côté les actes de la confé-
rence, dans lesquels il insulte à la
faiblesse de ses adversaires , et pa-
raît s'arroger tout l'honneur du com-
bat. Le fond de la dispute était de
savoir si le Messie est déjà venu ,
et s'il faut le regarder comme Dieu :
sur le premier point , Babbi Moïse
semble convenir, avec Maïmonide,
que le Messie est né à l'époque de
la destruction de Jérusalem par Ti-
tus, et avec Rabbi Josué Ben Levi,
qu'il s'est montré à Rome; mais d
assure que sa manifestation solen-
nelle n'aura lieu qu'à la fin du mon-
de. Sur le second, 11 oie formellement
que le Messie soit Dieu. Vois avouons
franchement que, maigre
eearroganceel
ban s'y montre très-subtil e. h
9,0
MOI
tieux. Wagenseil ;\ insère lès actes de
ectic conférence dans le second tome
du Tela ignëttSàtanùe , p. i/^So. Cet
habile ci i: irju.e reeoniiàîl qu'on y a
fait des itatèrpolalions et des ihuli-
la lions ; d'où liàsnage ( ffistuire âei
Juifs), et Wolf ( Bibliotheca he~
uni a ) , concluent assez lesienient
qu'ils sont supposes. Si l'on en croit
Ramban, le roi Jacques lui donna
trois cents c'eus d'or pour ses liais de
voyage, comme une marque de sa
bienveillance. Après être resté quelque
temps à Giroue, environne de con-
sidération et d'honneur, il se retira,
par dévotion , a Jérusalem , où il bâ-
tit une synagogue. 11 mourut en 1 3oo,
suivant Ghédalia {Schialal el hhak-
kabala).\\ a composé un grand nom-
bre d'ouvrages, h plupart inédits.
On peut eu voir le catalogue dans
Wolf (Bibl. fteb.), tomes I et m.
Voici les plus connus : I. lgherclh
hakkodesch ( Lettres de sainteté ) ,
Rome, 1 540, m 8°.; Cracovie, 1 694,
ln-\'i. ïï. Sëpher Jezira, avec un
commentaire de sa façon, et des
commentaires de quatre autres rab-
bins, Mantoue, i56'2, in-8°. III.
Milmolh Jefavah (Guerres du Sei-
gneur ) , Venise , 1 552 , iu-Fol. • il y
défend le rabbin Alpliès. IV. Ighè-
réth Rumbam ( Apologie deMa'imo-
rude ). V. Thorah Jdom (Loi de
l'homme), Venise, i5v)5, in- 4°. VI.
Tephilah ( Prière sur la mine du
fera pîe ) , dans le MàchasoY de Rome ;
se , \6ï6 , in-8°. VII. Saar ha-
monah (Porte de la foi), Venise,
1G01 , et Cracovie, î6'j8. L-B-fe.
TIBBON , célèbre
Samu el Àb en Ti bb 0 n ,
lait à Grenade dans le treizième
siècle , du temps d'Alphonse X, roi
■slillc: ï. Il a traduit, de l'arabe
breu, les Eléments d'Euclide,
dont le manuscrit se conserve à
MOI
Rome. II. La Logique de Màimo-
-nide, qui parut à Baie avec la version
latine, 1 5iï8. III. Les Tables astro-
Ttotniques d' 'Atfergany ', imprimées
à \ 'mise. IV. Des Commentaires
d' Avevroes sur Ai istole. V. Le livre
des Préceptes usuels, par Maïmonide,
VI. Le Livre de l'angle , où sont
enseignées l'arithmétique et la géo-
méirie. Il a composé quelques ou-
vrages, assez estimés, dont on peut
voir le catalogue dans Bartolocci ,
Bibliolh. rab.y et dans Wolf , Bi-
blioth, heb.. tomes 1 cl ni. L-b-e.
MOÏSE de KHOREN , le plus cé-
lèbre des historiens arméniens , fut
surnommé Kherthogh ou hherthog-
Iwhair, c'est-à-dire le Poète. L'élé-
gance , la pureté de diction , la con-
cision , et un choix d'expressions
admirable , sont ce qui le fait dis-
tinguer entre tous les écrivains de
sa nation. Ces qualités lui ont valu le
premier rang parmi les ailleurs clas-
siques de l'Arménie. Il naquit à Kho-
ren ou Khorni, bourg du canton de
Baron , dans la province de Dourou-
peran , vers l'an 870. Dès sa jeu-
nesse , il s'attacha au célèbre Sahag,
descendant de saint Grégoire , et pa-
triarche de l'Arménie, qui , de con-
cert avec Mesrob , autre personnage
émi uent , s'occupait de faire fleurir
dans son pays l'étude des lettres , et
s'efforçait d'y propager la connais-
sance de la langue et des ouvrages
des Grecs', pour y affermir la foi
chrétienne. Sahag et Mesrob formè-
rent donc une école nombreuse de
jeunes gens zélés, qui pussent les se-
conder dans leur projet, et les aider
à traduire en langue arménienne tou-
te l'Écriture sainte et les principaux
ouvrages des Pères. Jusqu'alors les
A ru ioniens n'avaient pu lire les Livres
saints que dans la langue syriaque,
fort peu connue dans leur pays. Pour
MOI
exécuter leur entreprise , ils résolu-
rent d'envoyer leurs jeunes disciples
dans l'Empire romain, afin d'y étu-
dier avec soin la langue et la littéra-
ture grecques , et d'en rapporter
des manuscrits. Moïse visita d'abord
Edesse, Antiocheet Alexandrie, où
il demeura long-temps. Il se rendit
ensuite à Rome ; et , en revenant ,
il séjourna quelque temps dans Athè-
nes, puis à Constantinople, d'où il
revint dans sa patrie, riche de con-
naissances utiles et de manuscrits
qu'il avait rassemblés. Il fut alors
nommé garde des archives patriar-
cales , et remplit les fonctions de
juge auprès de Sahag , et de Mesrob ,
qui ne survécut au premier que de six
mois , et mourut en l'an 441 • Moïse
de Khoren les seconda dans toutes
leurs entreprises littéraires, et s'oc-
cupa constamment de traduire en
langue arménienne les ouvrages grecs
qu'il s'était procurés dans ses voya-
ges. Il jouit aussi de la confiance de
Joseph Ier., successeur de Mesrob, et
l'ut ensuite archevêque des provinces
de Pakiévant et d'Arscharouni. 11
prolongea son existence jusqu'à un
âge très-avancé : selon Thomas Ardz-
rouni , il vécut jusqu'à cent vingt ans ;
et Samuel d'Ani place sa mort eu l'an
489 de J.-G. , ce qui équivaut à l'an
487 , selon notre manière de comp-
ter. Quoi qu'il en soit , il est certain
qu'en l'an 4^° , son disciple Eznig
était archevêque de Pakiévant, et que
ce ne lut que plusieurs années après ,
que Moïse die Khoren lui succéda. On
voit, par le témoignage d'Asolnig,
que Moïse vivait encore sous Kioud ,
qui occupa le troue patriarcal , de-
puis l'an }65 jusqu'en 475. Le prin-
cipal ouvrage de Moïse de Khoren
nia, compo-
sée ver, l'an i i ' .< la prii re de Sa-
bag, princenagratide, qui Cm ,
MOI 263
481 , marzban d'Arménie, et mou-
rut en combattant les Persans. Cette
histoire est divisée en trois livres.
Le premier traite de tout ce qui con-
cerne l'Arménie, depuis Haïk , qui
en est regardé comme le premier roi ,
jusqu'à l'établissement delà race des
Arsacides. Maribas Kathina, d'an-
ciennes poésies , et des écrits chal-
deens et persans, en ont fourni les
matériaux. Le deuxième livre con-
tient le ré( it de tous les événements
arrivés depuis Vagharschag , pre-
mier roi Arsaçide en Arménie , jus-
qu'à la mort de ïiridate, qui Je pre-
mier professa la religion chrétienne.
Les principaux auteurs dont Moïse.
de Khoren s'est servi pour compo-
ser cette partie de son ouvrage, sont
Maribas Kathina; Leroubna , fils
d'Apschatar d'Edesse; Olyp , prêtre
d'Ani; le fameux hérésiarque Bar-
desane, auteur d'une histoire en sy-
riaque; Khouroutoud qui avait écrit
celle de Perse , et d'autres historiens
dont les ouvrages sont également
perdus. Le troisième livre s-étènd
depuis le règne de Khosrou II ,
jusqu'à la mort de Sahag et de Mes-
rob. A ces trois livres, Moïse de
Khoren en ajouta dans la suite un
quatrième, qui contenait le récit de
tout ce qui s'était passé en Armé-
nie depuis la destruction de la mo-
narchie Arsaçide, jusqu'au temps de
l'empereur Zenon. Cette continua-
tion est perdue. Les trois premiers
livres , qui forment un ouvrage com-
plet , ont été imprimés, pour la pre-
mière fois , en arménien seulement ,
à Amsterdam , iGcp , in 12. Cette
édition fort jolie contient un grand
nombre de fautes ; l'éditeur , Tho-
mas de Vanant, n'avait a sa dispo-
sition qu'un seul manuscrit-, <jui
tait ni bon. ni ancien. En
, ères W histon donnèrent à Lun-
•jh \
MOI
drcs, une nouvelle édition de ce Ut!
histoire; et ils y joignirent une ver-
sion latine , accompagnée de notes
en trop petite quantité pour pouvoir
lever les nombreuses difficultés litté-
raires et historiques que présente le
texte de Moïse de Khoren. Un ma-
nuscrit que les frères Winston s'é-
taient procuré, leur servit à corriger
quelques-unes des fautes de l'édition
d'Amsterdam. Quoiqu'il y en existe
encore beaucoup , et que les frères
Winston se soient trompés plus
d'une fois dans leur interpréta-
tion , il est étonnant qu'avec le peu
de moyens qui étaient à leur dis-
position , ils aient pu entreprendre
et exécuter un pareil travail , qui ,
malgré ses imperfections , doit tou-
jours être regardé comme très-
recommandable. Quelques années
après , un évoque arménien , nom-
mé Sergius , donna à Venise une nou-
velle édition de l'histoire de Moïse
de Khoren , mais en se bornant à
reproduire le texte des frères Wins-
ton. Il serait fort important de pos-
séder une bonne édition de cet ou-
vrage ; mais la rareté des manuscrits
rend cette entreprise fort difficile.
M. Zohrab, de Constantinople , cé-
lèbre par la découverte de la version
arménienne de la Chronique d'Eu-
sèbe , en prépare une depuis long-
temps ; il a revu le texte de Moïse
de Khoren, sur trois manuscrits,
dont deux fort anciens: la profonde
connaissance que M. Zohrab a de la
littérature classique de sa nation, et
sa grande sagacité, t'ont vivement
désirer la publication de cet impor-
tant ouvrage. Moïse de Khoren est
aussi l'auteur d'un Trailé de rhéto-
rique , dédié à l'un de ses disciples
nommé Théodore , et divisé en dix
livres. Cet ouvrage , écrit dans le
goût des rhéteurs grecs , contient un
MOT
grand nombre de discours composés
par Moïse de Khoren lui-même , pour
mieux, inculquer dans l'esprit de ses
élèves , les préceptes qu'il enseigne.
Ce livre , fort difficile à entendre ,
est un trésor inépuisable pour ceux
qui veulent pénétrer dans toutes les
délicatesses de la langue arménienne.
Moïse de Khoren y cite souvent des
auteurs et des ouvrages grecs , par-
mi lesquels on remarque les Peliades,
tragédie perdue d'Euripide, dont il
donne une courte analyse. M. Zohrab
adonné, eu 1 796, à Venise, en 1 vol.
in-8°. , une fort bonne édition de ce
livre, avec un ample commentaire,
le tout en arménien : pour faire cette
édition, il a eu à sa disposition cinq
manuscrits, dont un de l'an 547 de
l'ère arménienne ( 1098 de J.-C. ; Il
existe, en arménien, une Géographie
qui porte le nom de Moïse de Khoren :
un traité de Pappus d'Alexandrie,
forme la principale partie de cet ou-
vrage; on y a joint quelques détails
qui ne pouvaient être donnés que par
un Arménien, sur ;a Perse, l'Armé-
nie et sur les pays Caucasiens ; ou y
a aussi joint des prolégomènes, tirés
de la partie mathématique de la Géo-
graphie de Ptolémée. Si cet ouvrage
appartient à Moïse de Khoren , ce
dont on a de fortes raisons de dou-
ter , comme on peut le voir dans
un Mémoire composé par l'auteur de
cet article ( Mémoires historiques et
géographiques sur V Arménie, tome
11, ]). 3oi -317), on ne peut au
moins disconvenir qu'on y a fait un
grand nombre d'interpolations, qui ,
pour la plupart , paraissent dater
du dixième siècle. Cette Géogra-
phie a été imprimée quatre fois.
La première édition est de Mar-
seille, i683, in - 8°. de 3'2o pa-
ges , dont 60 pour la géographie ; le
re;te est un recueil de fables et d'his-
MOI
toricttes. Cette édition , toute armé-
nienne, fourmille de fautes. En 1 736,
les iïères Winston ont ajoute cette
géographie à leur édition de l'his-
toire de Moïse de Khoren. Ils n'ont
corrigé aucune des fautes de l'édi-
tion de Marseille , et se sont con-
tentés de joindre au texte une ver-
sion latine. Le même texte , toujours
fautif, a été reproduit dans l'édition
faite à Venise par i'cvêquc Scrgius.
Enfin, en 1819, Fauteur de cet ar-
ticle en a donné une nouvelle édition,
dans le second volume , p. 3 18-094
de l'ouvrage déjà cité. On y a cor-
rigé, autant qu'on l'a pu, les nom-
breuses fautes qui existent dans
le texte de cet ouvrage; et l'on y a
joint une traduction française et dus
notes. Moïse de Khoren est aussi
l'auteur d'un grand nombre de piè-
ces de vers et d'hymnes qui se chan-
tent encore dans les offices de l'É-
glise d'Arménie, et qui ne sont pas
moins estimés que ses autres pro-
duclions, sous le rapport du style.
On en trouve un grand nombre dans
le Scharayiols , ou Recueil d'hym-
nes et de cantiques imprime en ar-
ménien, à Amsterdam, 170:1, 1 vol.
in-8°. Le témoignage unanime des
auteurs arméniens , et ce qu'il dit
lui-même, dans plusieurs pas
de son histoire, suifisenl pour qu'on
croie que Moïse de Khoren tradui-
sit un grand nombre d'ouvi
grecs en langue arménienne. Nous
1 onnaissons aucune de ces tra-
ductions : il eu existe probable
plusieurs dans nos bibliothèques et
dans celles des arméniens; mais
l'absence de son nom empêche peut-
être «l'en connaître le véritable in-
terprète. Vmi^ qu'on a ni-
cemmeni t}« ouvra-
uous vou!'
arménienne de la Ûhroniqut d'Èu-
MOI 265
sèbe. Dans son histoire d'Arménie ,
Moïse de Khoren cite trop fréquem-
ment ce livre, pour qu'on puisse dou-
ter qu'il fît partie des manuscrits
grecs qu'il rapporta dans sa patrie.
Bien plus : les morceaux d'Eusèbe ,
insérés dans l'histoire d'Arménie ,
présentent quelques contre - sens et
une disposition de mots qui se re-
trouvent précisément dans le texte
de la version arménienne. Enfin l'on
y remarque un style pur , élevé , et
un choix d'expressions «{ni ne peu-
vent appartenir qu'au beau siècle
de la littérature arménienne, et qui
rappellent toutes les qualités exclusi-
vement propres à Moïse de Khoren.
Cette traduction était perdue depuis
long-temps, lorsqu'en l'an 1784, le
docteur Zohrab en découvrit à Gons-
lantinople un manuscrit sur parche-
min, qui avait appartenu autrefois
au patriarche Grégoire IV ( 1173-
1 193 ), et qui était alors en la pos-
session d'un savant Arménien , qui Je
tenait d'un prêtre de sa nation, attaché
au patriarche de Jérusalem.Une co-
pie de cet important ouvrage fut ap-
portée à Venise par ledocleurZohrab
et déposée dans la bibliothèque des
Mekhitharistes , qui songeaient dès-
lors à en donner une édition. Les
révolutions de l'Italie empêchèrent
ce projet d'être mis à exécution :
il était abandonné , lorsqu'en l'an
1816, M. Mai annonça que, de
concert avec le D'. Zohrab , il se
proposait de donner une édition la-
tine de la Chronique d'Eusèbe ; elle
parut effectivement bientôt après ,
sous ce titre : l'hisebii Pamphiti
Chronicorum canormm Ubri duo.
Omis ex llaicaw) codicei à d*
J. Zohrab 0 , diligenter
ci castigatum. 4ng, Vtdius et ./.
Zoh 'abus mine primàm conjunctis
cutis latinitate tl< oiisque
266 MOI
illuslralum , addilis Grœcis reli-
quiis ediderunt , Milan, 1818, un
vol. grand in -4°. Peu après, dans
la même année , on publia à Ve-
nise, le texte arménien, avec une
nouvelle version laîiuc : Eusebii
Pamphili , Ca>sariensis episcopi ,
Chronicon bipartiîum , mine pri-
mùm ex anneniaco lexlu in lali-
mim conversum , adnotationibus
auctum, Grœcis j'ragmentis exorna-
ttim, operci P. J. B. Aucher, Venise,
18 18, 2 vol. in-4°. On peut voir,
dans le Journal des savants , février
1820 , le jugement qu'on a cru de-
voir porterde cette seconde édition,
qui , à l'exception du texte arménien
qu'elle contient , est de beaucoup
inférieure à celle de Milan, pour la
fidélité de la traduction. S. M — n.
MOISSON-DKV AUX (Gabriel-
Pierre-François ) , naturaliste , né
en 1 74^? à Caen, d'une ancienne fa-
mille de robe, fut envoyé de bonne
heure «à Paris , où il fit ses études
avec beaucoup de distinction. Il ob-
tint à seize ans un brevet de lieufe-
nant, dans le régiment de Dauphin
cavalerie , et fit toutes les campagnes
de la guerre de 1 7 58. La paix Payant
ramené en France, il offrit la démis-
sion de son emploi, et s'appliqua
dès-lors à l'étude de l'histoire natu-
relle, et en particulier de la botani-
que. Moins occupé de la nomencla-
ture des plantes que de leur utilité, il
fit beaucoup d'essais inîércssants, et
réussit à acclimater dans la Norman-
die le Sassafras d'Amérique et le
grand. Magnolia. Appelé, pendant la
révolution , par le suffrage de ses
«oneitovens, dans nos assemblées dé-
libérantes, il n'ambitionna point les
succès de la tribune, et n'y parla
que pour demander la reprise
des travaux du port de Caen, et l'a-
chèvement du canal de l'Orne. Après
MOI
avoir rempli pendant plusieurs an-
nées des fonctions publiques avec zèle
et désintéressement, il s'empressa de
revenir à l'étude de la botanique. Il
lut dilfércnts mémoires à la société
d'agriculture de Caen, entre autres,
un sur la nécessité d'établir des pé-
pinières dans le département du Cal-
vados. Cet homme estimable mou-
rut le 8 sept. 1802. Il a laissé beau-
coup d'ouvrages en manuscrit, parmi
lesquels on distingue un Traité com-
plet sur les Fucus , que l'abbé Rozier
se proposait de donner au public;
mais sa modestie était si grande,
qu'il n'a jamais rien imprimé. V. son
Eloge , par M. P. A. Lair, dans le
liecueil de la société d'agriculture j
et dans le Magasin encyclopédiq. ,
ann. i8o3, tome m. W — s.
MOITTE ( Pierre-Etienne ) ,
graveur à la pointe et au burin , na-
quit à Paris , en \yi'i. Elève de
Bcaumont, il cultiva également le
genre du portrait et celui de l'histoire.
L'ouvrage qui a le plus contribué à le
faire connaître, consiste en deux gra-
vures qu'il a exécutées pour la ga-
lerie de Dresde, et neuf pour celle du
comte de Bruhl. Il a gravé en outre
six tableaux , d'après Greuze , ainsi
que quelques portraits , parmi les-
quels Diderot cite avec éloge celui de
Duhamel du Monceau , exposé au
Salon en 1 767. Il fut reçu de l'acadé-
mie , en 1770 , sur la gravure du
Portrait de fiestout. Il obtint, quel-
ques années après, le titre de graveur
du roi. Il mourut en 1 780 , laissant
six enfants, qui tous ont suivi la car-
rière des arts , et parmi lesquels ses
deux filles ( Angélique-Rose et Éli-
sabeth-Mélanie ) ont cultivé la gra-
vure avec succès. — François-Au-
guste Moitte , fils du précédent ,
naquit à Paris, en 174B, et s'a-
doitna, comme ses sœurs , à la gra-
rMOI
vnre. Elève de son père , il se fît
distinguer par la jwrdpteté de son
burin et la iincsse de son exécution.
Il a grave d'après différents maîtres;
mais (ircuze était celui qu'il affec-
tionnait le plus. On connaît de lui
trente pièces exécutées d'après ce
maître, parmi lesquelles on doit par-
ticulièrement citer une suite de vingt-
quatre feuilles , publiée par cahiers
de six feuilles , sous le litre de Divers
habillements, suivant le costume
d'Italie , dessinés d'après nature i
par J. B. GréUzè, ornés de fonds ,
par J. B. Lallemand , et gravés par
A. Moiite , d'après les dessins tirés
du cabinet de l'abbé Gougenot.
Cette suite , piquante par la variété
des objets , est très-estimée. Cepen-
dant , la Récréation de table qu'il a
gravée, d'après Jac. Jordaens , passe
pour son chef-d'œuvre. — Jean-Bap-
tiste-Philibert Moitié , autre fils de
Pierre-Etienne, cul tival'archit cet i ire,
et mourut en 1808, professeur de l'é-
cole de Dijon. Il s'était fait remar-
quer par un projet de cathédrale, et
par un arc de triomphe, qui obtin-
rent un prix en 179'*. — Jean-
Guillaume Moitte , frère du précé-
dent , et l'un des plus habiles sculp-
teurs de ce siècle , naquit à Paris, en
17^7. Son goût pour le dessin se ma-
nifesta presqueau sortir de l'en!
et son père, charmé des dispositions
qu'il annonçait, s'empressa de les
seconder , en dirigeant lui-mêmi
études. Les nombreux artistes qui
fréquentaient sa maison, étonnés 1
mêmes des progrès du jeune Moiite,
lui prodiguaient les encouragements.;
et Pigalle, mie l'on regardait alors
leur , solli-
cita lui même la faveur de l'ai oir
.
dans laquelle il d bonne
heure ; ne tudier
MOI 267
assidûment la nature. Convaincu que
le dessin est la seule bise d'une ins-
truction solide, il employait tous les
loisirs qui lui restaient, a copier le
modèle vivant. Après la mort de
Pigalle, il passa dans l'atelierd( ■■Jean-
Baptiste Lemoync. Dans les oilïé-
ren.'s concours de l'académie, il rem-
porta presque toutes les médailles; et
en 1 768, ayant obtenu le grand prix
de sculpture , sur une figure de David
portant en triomphe la tête de Go-
liath , il partit pour l'Italie. La vue
des chefs - d'œuvre que renferme la
capitale du monde chrétien , frappa
le jeune artiste , et vint donner un
autre cours à ses idées. 11 s'aperçut
que la route qu'il avait suivie jus-
qu'alors, laissait presque tout à dési-
rer : il se mit donc à étudier l'an-
tique, non-seulement dans les belles
statues dues au ciseau des Grecs ,
mais dans les monuments de l'ar-
chitecture qui subsistent encore à
Rome. Les usages , les mœurs , les
costumes , les formes les plus belles
du corps humain , rien n'échap-
pait à ses recherches assidues. C'est
ainsi qu'il acquit le goût exquis et la
correction de dessin , 1 élégance des
fortees, la beauté des proportions,
l'heureux choix des draperies, et la
variété d'expression qu'il a su répan-
dre dans ses ouvrages. Il aurait pro-
longé son Séjour en Italie, si le dé-
. ment de sa saule' ne l'eût force,
en 177 J, a retenir en France, où
sa réputation l'avait devancé depuis
long-temps. Il reçut à Paris , des ar-
tistes et des amateurs, l'accueil le
plus distingue'. Ce fut dans lé ealme
qu'il retrouva , après son retour ,
que Moitte dessina à la plume plu-
sieurs grandes frises d'un beau St) le,
et qui exriurei:! l'admiration des
artistes. 1M. kucttste, 01 lè\re du roi ,
se L'attacha fit pont lui des
o. 68
MOI
dessins qui servirent de modèles à
ses plus beaux ouvrages , et qui lui
donnèrent une grande supériorité sur
tous les autres orfèvres. Moitié a
produit peut-être plus de mille des-
sins de ce genre ; et il a , sous ce
rapport , éminemment contribué à
rendre à un genre de luxe que les
plus grands maîtres n'ont pas refusé
d'illustrer , un degré de mérite qui
n'existait plus en France depuis plus
d'un siècle. Agréé à l'acadéniie , en
1783, sur une figure représentant
un Sacrificateur , il fut chargé de'
"plusieurs travaux importants , dans
le nombre desquels on remarque une
Vestale faisant Vaspenion de Veau
lustrale, exécutée pour M. de Jou-
bert, trésorier des étals de Langue-
doc ; une Ariane , pour M . Brack-
ford, Anglais; les Bas-reliefs de plu-
sieurs des barrières de Paris; les figu-
res colossales représentant les Prç-
vincesde Bretagne et de Normandie,
placées à la barrière des Bons-Hom-
mes, et plusieurs Bas - reliefs et
Sphinx , au château de l'Isle-Adam.
Louis XVI lui avait commandé la
Statue de Cassini. La révolution
l'empêcha d'abord de la terminer;
et ce ne fut que plus lard qu'il put
mettre la dernière-main à cet ou-
vrage, qui est un de ses plus beaux ti-
tres de doire.Des artistes ont rendu
justice au rare mente des parties
nues , mais ils ont critiqué la pose et
la draperie : ils ont pensé qu'en vou-
lant s'affranchir du costume mo-
derne , Moitte avait trop , ou trop
peu fait , et que le costume ne doit
être ni suivi , ni observé à demi. Au
milieu de nos troubles civils , il fut
choisi pour exécuter le bas -relief
du fronton de la nouvelle église de
Sainte-Geneviève , alors nommée le
Panthéon. Il y représenta la Patrie
amant les vertus civiques et
TVÏOI
guerrières (1). En 1794, on établit
un concours pour une Statue de
J. J. Rousseau , qui devait être
exécutée en grand , et coulée en
bronze pour êti <> placée aux Champs-
Elysées. Le modèle de Moitte repré-
sentait le Citoyen de Genève médi-
tant le plan de son Emile, et exa-
minant les premiers pas de V enfan-
ce. Il obtint le prix; mais le projet
ne reçut point son exécution. Quel-
que temps après , il fut l'un des deux
artistes désignés par le gouverne-
ment, lors de la création de l'Ins-
titut , pour former le noyau de la
classe des beaux - arts. Après la ba-
taille de Marengo , il fut chargé de
l'exécution du Mausolée en bas-re-
lief du général Desaix , pour l'église
de l'hospice du mont Saint-Bernard.
Il représente le Général Desaix ,
frappé du couji mortel, expirant en-
tre les bras du colonel Lebrun , son
aide-de-camp. On vanta, dans le
temps, la grâce de la composition,
l'élégance des figures et le fini de
l'exécution; mais on reprocha jus-
tement à l'artiste de n'avoir pas
su donner à ses personnages le ca-
ractère sévère et héroïque, qui con-
venait à son sujet. Le bas-relief d'un
des avant-corps de l'intérieur de la
cour du Louvre, à la droite du pa-
villon de l'horloge , dans lequel il a
représenté la Muse de V histoire ,
ainsi que les deux figures de Moïse
et de JVuma qui l'accompagnent ,
sont d'un style plus grandiose, et rap-
pellent davantage les compositions
du même genre , que Jean Goujon a
exécutées de l'autre côté. On a vu,
à l'exposition du Louvre, une Statue
(1) L'église de Saiute-Genev.ève ayant été rendue
au culte , on a cru devoir détruire le vaste bas-relief
d. Moitte il existait en Franc»: peu de monuments
m e , dont il avait été pour ainsi dire le nre-
inier exemple et le modèle.
MOI
équestre en bronze de Buonaparle ,
de moyenne proportion ; elle lai mé-
rita d'être choisi pour exécuter la
Statue équestre du général d'Haut-
poul, dont il n'a fait que le modèle.
Il reçut alors la décoration de la
Légion-d'honneur ; et on lui confia
l'exécution des bas-reliefs en bronze
destinés à décorer la Colonne du
camp de Boulogne , ainsi que le
Tombeau du général Leclercr qui
devait être érigé dans l'église de
Sainte-Geneviève. Quoique d'un tem-
pérament robuste, qu'avait encore
affermi L'habitude du travail , la
mort de sa femme, Adélaïde- Ma rie-
Anne Castillas, distinguée eile-même
par ses talents dans les arts, l'af-
fecta profondément. Sa santé s'en
ressen it ; elle s'affaiblit progressi-
vement , et il ne put se livrer avec
la même vigueur et la même assi-
duité au travail de son atelier : il
mourut le :i mai 1810, regretté de
tous ceux qui avaient pu apprécier
la bonté de son cœur, à travers
l'austérité de ses principes et la sé-
vérité de son caractère. M. Quatre-
mère de Quincy prononça sur sa
tombe un discours dans lequel il sut
dignement apprécier ses talents (1).
Cet habile artiste s'était aussi fait con-
uaître de la manière la plus avanta-
geuse par une foule de beaux dessins.
Outre les ouvrages dont on a parlé,
la mort l'empêcha d'achever un bas-
relief pour le péristyle du palais du
sénat, et les statues du Destin, de la
Force , du Rétablissement des Cultes
et du Traité d' Amiens , dont il n'a
laissé que les modèles. Celui du bas-
relief représentant des Guerriers se
dévouât* pour le salut de la patrie ,
oit dans la salle d'entrée de la
galerie des tableaux <!<■ la chambre
f 1) V<>y. It Bfoi 1 1810.
MOI
1269
des pairs. Parmi les élèves sortis de
son école, et qui font honneur à ses
leçons, on peut citer MM. Gatteaux,
Gérard, Taunay jeune, etc. P — s.
MOIVRE ( Abraham ), géomè-
tre, né en 1O67, à Vitri , en Cham-
pagne , où son père exerçait la chi-
rurgie , fut envoyé à l'académie de
Sedan, pour y faire ses études. La
lecture d'un traité de Legendre lui
inspira le goût des mathématiques ;
mais il ne s'y livra qu'en secret ,
par ménagement pour son profes-
seur , qui regardait comme mal em-
ployé tout le temps qu'il dérobait
à la langue grecque. iVIoivre passa
ensuite à Saumur , puis à Paris ,
pour y achever ses cours de phi-
losophie : mais il avait sans cesse
entre les mains les ouvrages «les
meilleurs mathématiciens; et sa pé-
nétration naturelle lui aplanissait la
plus grande partie des difficultés
qu'il y rencontrait. Son père , cé-
dant enfin à ses instances , consentit
à lui donner un maître de mathéma-
tiques; et son choix tomba sur Oza-
nam. A la révocation de l'édit de
Nantes, Moivre, élevé dans la reli-
gion protestante, se retira en An-
gleterre, où il se fit appeler De Moi-
vre. Il n'apportait d'autres ressour-
ces pour y subsister, que l'enseigne-
ment des mathématiques , dont il
croyait avoir atteint le sommet : la
lecture des Principes de Newton le
Misa ; étonné de ne point en-
tendre un ouvrage dont la simplicité
apparente l'avait séduit, il n'hésita
pas à le prendre pour l'unique
de ses études, et il en portait tou-
jours sur lui quelques feuillets, qu'il
relisait dans ses moments de I
La rapidité de ses progrès, et sou
application . le rirent connaître, en
i(h)>., (le l'astronome Halley, qui
se cli s pre-
270
MOI
miers écrits à la société royale, et
l'y lit admettre, en 1697. ^jC gra,)d
Newton, dont il s'honorait d'être le
disciple, voulait qu'il le regardât
comme un ami ; et une discussion
assez vive qu'il eut à soutenir contre
le médecin Chcync, acheva d'éten-
dre sa réputation ( V . G. Cueyne ,
VIII , 36g ). Leibnitz fit d'inutiles
démarches pour lui procuver une
chaire dans quelque université d'Al-
lemagne ; on tenta avec aussi peu
de succès de l'attacher à l'académie
de Cambridge. Moivre fut l'un des
commissaires désignés pour pro-
noncer sur la contestation qui s'é-
leva entre Leibnitz et Newton , au
sujet de l'invention du calcul intégrai
( V. Leibmtz et Newton) • et peu
après, il communiqua a la société
royale un petit traité : De Mensurd
sortis, qui ajouta encore à l'opinion
qu'on avait de son talent. Montmort
s'était occupé , avant lui, du calcul
des jeux de hasard; mais il avait
pris une route si différente , qu'il
reconnut lui-même qu'on ne pouvait
accuser Moivre de plagiat. Ce der-
nier perfectionna ce travail , et en
fit d'ingénieuses applications aux
usages de la vie. Il se délassait de
l'étude des mathématiques par la
lecture des meilleurs auteurs , an-
ciens et modernes; il possédait par-
faitement les classiques, et on le
consultait souvent sur des passages
difficiles ou contestés : il savait par
cœur Rabelais et Molière; et si l'on
en croit son panégyriste, il aurait
mieux aimé être ce célèbre comique
que Newton. Dans sa vieillesse il fut
privé de la vue et del'ouie, sans rien
perdre de ses facultés intellectuelles:
sur la fin de sa vie, il éprouvait un
besoin de sommeil tel, qu'il dormait
vingt-trois heures par jour; enfin il
cessa de se réveiller le 27 noy.
MOI
1754, à l'âge de 87 ans. Moivre,
religieux par conviction , ne connut
jamais l'envie ni les passions basses
dont les savants eux-mêmes ne sont
pas toujours exempts. Il évitait
la société plus qu'il ne la recherchait;
et il ne savait pas déguiser son aver-
sion pour le manège et la fausseté. Il
avait été reçu membre de l'académie
des sciences de Paris , quelques mois
avant sa mort, et il était depuis long-
temps de celle de Berlin. Ou!re des
Mémoires nombreux dans les Tran-
sactions philosophiques , on a de
lui : I. The doctrine qf chances,
Londres, 17 16; ibid., 1738; ibid.,
1756, in-4°. C'est la traduction an-
glaise qu'il publia de son traité des
probabilités , avec des additions ; l'éd.
de 17.56 est plus complète que les
précédentes. On trouve l'analyse de
la méthode de Moivre dans Yllist.
des mathématirj., par Montucla, t.
m, p. 3g6 et suiv. Lagrange avait
le projet de traduire cet ouvrage en
français; c'est dire assez combien
il est intéressant. Jï. Miscellanea
analytica deseriebus et quadraturis,
Londres, 1730, in-4°. Cet excellent
ouvrage, divisé en huit livres, con-
tient les plus savantes recherches
d'analyse; c'est le recueil des décou-
vertes de Moivre et des méthodes
qu'il av. lit employées pour y parve-
venir. III. Annuities on lives ( Des
rentes à vie), ibid., 1724, 174^?
1750, in-8°. (1); trad. en italien
par le P. Fontana, Milan, 1776 7
in-8°. C'est Moivre qui a revu et
publié la traduction latine de l'Opti-
quede Newton. Y oyezle Méinoire sur
( i) I.a deuxième édition renPermp quelques expres-
sions désobligeantes contre Simpson qui wnait de
publier sur le même sujet un traité, où Moivre était
mentionné, lionoi , il. I< nient : Simpson répliqua , eu
I<7/|3 , avec décern-e . .lans un Appendix ; et Moivre,
dans l'editiou de i~5» , montra la nolilesse couve*
cable.
MOI
la Vie de M. Abraham de Moivre ,
par Maty, La Haye, in- 12 , et son
Éloge par Grandjean deFouehy,
dans le Recueil de l'académie des
scien. • W — s.
MOKHTAR, fameux capitaine
arabe, ne dans la première année de
l'hégire (6'12 de J.-C), était fils
d'Abou-Obéid, qui avait commandé
les Musulmans, à la journée de
Cosson Natef , près de Koufali, et
qui, avant tué l'éléphant sur lequel
était monté le général persan , avait
été écrasé par la chute de l'animal.
Un des frères de Moklitar périt
dans le même combat; et sa sœur
épousa Abdallah, fils du khalyfe
Omar. Moklitar, qui devait être le
plus grand fléau des ennemis de la
famille du prophète, montra cepen-
dant peu de zèle pour le service du
khalyfe Haçan fils d'Aly. Mais lors-
que Houcein, frère de Haçan , eut en-
voyé son cousin Moslem à Koufah,
l'an 60 de l'hég. (67g), pour attirer
à son parti les habitants de cetteville;
Moklitar accueillit daus sa maison le
prince alyde , l'aida de son crédit , et
se rendit tellement suspect à Obéid-
Allah, gouverneur de l'Irak pour
le khalyfe Yézid Ier. , qu'il en 1
un coup de bâton dont il perdit
un œil. Moklitar fut même. envoyé
en prison, et y demeura jusqu'à la
mort de Houcein, l'année suivante
{V. Hoceïiv, XX, 43/f ). Il obtint
alors sa liberté par ordre de ï
et se relira dans le Hedjaz , en jurant
de se venger d'Obcid-Allah, et de
tous les meurtriers de Houcein. Lors-
qu'il arriva à la M< kke, Abdallah ,
fds de Zobéir, venait d'y être pro-
clamékhalyfe, et disputait à Yezid
L'empire musulman. Wokhtar lui of-
frit ses services . 1 esqucîs
il exigea une confiance illimitée ;el il
combattit vaillamment pour la dc-
MOK 37!
fense de la Mekke , jusqu'à ce que
la mort de Yézid obligea l'armée
syrienne à lever le siège {V . Abdal-
LAn-IBN-ZoBEiR,I,f)I,etYlîZID I' '. ).
Voyant qu'Abdallah le consultait
peu , et ne le chargeait d'aucun em-
ploi important, il se rendit à Koufah,
où les partisans de ce khalyfe étaient
moins nombreux que ceux de la
maison d'Aiy : il convoqua ces der-
niers ; mais , quoiqu'il s'annonçât
comme lieutenant de Mohammed-
ibn-ii aneûah , chef de cette illustre
famille, il s'efforça vainement d'af-
faiblir leur confiance et leur con-
sidération pour Soléiraan , fils de
Sorad, leur général, et il ne put en
séduire d'abord qu'un petit nombre.
Ses démarches et ses intrigues inspi-
rèrent même des soupçons au gou-
verneur de Koufah, qui le fit mettre
en prison. Sur ces entrefaites , Soléi-
man , à la tête d'une troupe de fana-
tiques, qui s'appelaient Pénitents,
partit pour venger la mort de Hou-
cein , sans attendre les secours que
voulait lui donner le gouverneur de
Koufah , lequel , dans l'intérêt du
khalyfe Abdallah, se servait des par-
tisans d'Aly, pour faire la guerre au
khalyfe Oaimayade de Syrie. Vaincu
en Mésopotamie, par Obeid - Allah
ibn-Zéiaa , général de ce dernier, So-
léinian périt avec tous les siens. Cet
événement rendit la liberté à Mokli-
tar, et rallia autour de lui à Koufah
tous les sectateurs d'Aly. Il sut même
attirer dans son parti Ibrahim ibn-
al-Aschtar,homme brave et puissant,
jusque- là dévoué au khalyfe de la
Mekke. Moklitar commença dès-lors
sa guerre d'extermination contre lès
meurtriers de Houcein : presque tous
furent arrêtes , et expirèrent dans
divers supplie; . Se reconj ai
aucun des deux khah fe$ q
putaient le tronc de l'islamisme, il
'.iy.i MOK
feignit cependant de ménager Ab-
dallah , qui ne fut point sa dupe, et
qui fit tailler en pièces un corps de
trois mille hommes, que Mokhtar
lui envoyait, en apparence comme
auxiliaires, mais eu effet pour l'as-
siéger clans la Mekke. Mokhtar au-
rait eu l'occasion de prendre sa re-
vanche, sans la modération de Mo-
hainmed-ibn-Hanciiali ( V. ce nom).
L'an 67 ( 687 ) , il dirigea une ar-
mée sous les ordres d'Ibraliim-al-
Aschtar , contre les troupes syrien-
nes , commandées par Obéid-Allah ,
qui venait assiéger Koutah. Pour ani-
mer le courage de ses soldats, Mokh-
tar fit construire une espèce de tro-
ue , que l'on portait devant eux sur
une mule; et il leur persuada que ce
trône leur serait aussi utile que l'ar-
che d'alliance l'avait été aux Israé-
lites. Il se prétendait inspiré de Dieu,
et il assurait que l'ange Gabriel lui
apparaissait sous la forme d'une co-
lombe. Afin d'appuyer cette impos-
ture, il donna des colombes blanches
à quelques oîvieiers qui lui étaient
dévoués , et auxquels il recommanda
de les retenir, si la victoire se dé-
clarait pour eux, mais de les lâcher,
si elle penchait du côté de l'ennemi;
et de pu! lier alors que les anges, sons
la forme de ces colombes, venaient
combattre pam la bonne cause. En
congédiant ses troupes, il leur promit
aussi le secours des anges, cl les ha-
rangua en vers, suivant son habi-
tude. Elles remportèrent une victoire
complète : Obeid - Allah fut tué ; et
presque toute la Mésopotamie se sou-
mit à Mokhtar. Mais la tyrannie de
cet ambitieux devint si insuppor-
table, que les Koufiens implorèrent
la prolection deMosab, qui gouver-
nait Bassorah au nom du khalyfe
Abdallah son frère. Mokhtar, atta-
qué et vaincu par Mcsab, se réfugia
MOK
flans le château de Koufah; il y fut
pris , et on lui trancha la tète en
ramadhan 67 (687), à l'âge de 67
ans. Ainsi périt ce capitaine dont
les cruautés souillèrent les talents , et
qui avait knmolé 5o mille victimes
aux mânes de llouecïu, sans comp-
ter celles qui étaient restées sur les
champs de bataille. A — t.
MOKTADY BIAMR- ALLAH
( Aboul-Cacem -Abdallah VI al ),
'.27e. khalyfe abbasside , né six mois
après la mort de son père , était l'u-
nique héritier mâle et la seule con-
solation de son aïeul Caïm Biamr
Allah , qui le fit reconnaître pour son
successeur, avant de mourir. ( V.
Caïm, VI, 479) Moktady fut inau-
guré khalyfe, le i3e. chaban 4^7
( 3 avril 1074), par Mowaïed el-Mo-
louk, lieutenant, à Baghdad, du sul-
than Melik-Chali Ie*. ( F. ce nom ,
XXVIII , 204 ) : il fut traité par ce
prince avec plus d'égard , que ses
prédécesseurs ne l'avaient été pen-
dant '2l>6 ans, par leurs Emyrs al
Omrah. Depuis plus d'un siècle, l'A-
rabie s'était soumise à la domination
des khalyfcs fathimides d'Egypte ,
et ne reconnaissait plus ceux de
Baghdad. La puissance de Melik-
Chah, ayant accru l'influence re-
ligieuse de Moktady , on recom-
mença, Tan 468 (1076), à la Mekke
et à Medine, de réciter la khothbah
au nom de ce dernier; ce qui eut lieu
pour lui et ses successeurs , jusqu'à
l'extinction du khalyfat. Ami des
sciences et des lettres , il favorisa les
opérations astronomiques qui furent
faites pour la réforme du calendrier,
quoique toute la gloire en ait été attri-
buée au sulthan. L'an 480, ce khalyfe
épousa la fille de Meîik-Chah , qui lui
imposa l'obligation de n'avoir point
d'autres femmes , ni de concubines.
Les noces furent célébrées à Bagh
*
tlad, avec une magnificence inouïe;
mais ce mariage , qui devait resser-
rer l'union des deux princes , occa-
sionna uue rupture. La nouvelle
épouse, d'humeur acariâtre, vécut en
si mauvaise intelligence avec Mokt»-
i'au bout de deux ans, il fut
obligé de la renvoyer à son père.
Celui-ci conçut tant de haine contre
son gendre, que non-seulement il le
força de déshériter sou fils Ahmed,
qui fut depuis khalyfe sous le nom
de Mostadhcr, et d'appeler au tronc
pontifical Djafar qu'il avait eu de
la princesse seldjuukide; mais en-
core il voulut contraindre Moktady
d'abandonner Baghdad , et d'aller ré-
sider à Basrah. Le khalyfe, ayant
obtenu de son beau-père, un délai de
dix jours , pour faire ses préparatifs
de voyage et de translation, passa
tout ce temps à prier, «à jeûner , assis
sur la cendre , et implorant la ven-
geance divine contre son persécuteur,
qui mourut en effet peu de jours
après. Moktady ne lui survécut que
de 1 5 mois. II venait de signer le di-
plôme qui confirmait le sulthanat à
Barkiarok , fils de Mélik-Chah , le 1 5
moharrem 4&7 ( 4 février 1094 ) ,
lorsqu'au sortir de table , il fut frap-
pé d'apoplexie , auprès de deux de
ses femmes, dans la 3if. année de
son âge , et la 9,0e. de son règne. Ce
khalyfe était affable, bienfaisant,
pieux et très-versé dans les rites et
les pratiques delà religion. 11 aima
lice et corrigea une infinité' d'a-
bus. On trouve , dans Elmaeiu , quel-
ques vers de sa façon. 11 eut pour
mère une arménienne , qui survécut
non-seulement aux khalyfats de son
fils et de son petit fils Mosthadcr ;
mais qui ! celui de son ar-
rière-pet 1: lied. A-T.
MDKTAFY-BILLAHCAbou-Mo-
•n i> Vit 11 plus cor-
• ! T.
MGR 273
reetement Moetafy , 17°. khal
ade , se trouvait à ftakka lors-
qu'il apprit la mort de son père ,
Motadhed , l'an 289 de l'hég. ( 902
de J.-C. ) : il se rendit aussit
Baghdad, où le vézyr Caeem l'avait
fait proclamer khalyfe. Ce ministre
avait eu néanmoins l'intention de le
priver du trône , et avait confié ce
projet à Bader , l'un des courtisans
de Moctafv. Mais, craignant ensuite
qu'il n'abusât de son secret , il pro-
fita de l'absence de Bader, pour le
rendre suspect à ce prince, qui mar-
cha contre lui , corrompit ses trou-
pes , et le força de se renfermer dans
Waseth. Alors Bader se soumit , li-
cencia ses troupes, et partit pour
Baghdad ; mais le vézyr, qui l'avait
porté à cette démarche, le fit assas-
siner en chemin. Les Carmathes exer-
cèrent de grands ravages en Syrie ,
sous le règne de Moetafy : en 2JQO ,
ils taillèrent en pièces une armée de
ce prince , dont le général , poursui-
suivi jusqu'à Halep , les empêcha
néanmoins de prendre celle ville. Le
khalyfe marcha contre eux, l'année
suivante , à la tête de cent mille hom-
mes • et s'étant arrêté à Rakka , il
envoya un de ses lieutenants, qui rem-
porta une grande victoiresurcesbar-
bares sectaires. Moetafy, rentré dans
Baghdad , fit couper les pieds , les
mains, et ensuite la tète à tous les
prisonniers Carmathes , ainsi qu'à
lloueéin,leurgénéral.L'an..i9'2(9o5),
le khalyfe détruisit la dynastie des
Thoulounides , et réunit î'Égyptc et
la Syrie sous sa domination immé-
diate ( V. klIOMAROUYAII , XXII,
375 ). Les Carmathes continuèrent
leurs dévastations, les deux années
suivantes; ils remportèrent quelques
avantages sur les troupes de Moetafy,
pillèrent la caravane de la Mekke ,
et massacrèrenl vingl mille pèlerins.
2^4
MOK
Mais un des généraux de ce prince,
ant attaqués tandis qu'ils étaient
chargés et embarrassés <3e leur bu-
tin , gagna sur eux une bataille dé-
cisive, dans laquelle Zakrou'iah , leur
général , fut blessé mortellement
et fait prisonnier ; il envoya la fa-
mille de ce rebelle, avec un grand
nombre de captifs , à Baghdad , où le
khalyfe les fit expirer dans les sup-
plices. Les Garmathes furent si affai-
blis par cette défaite, qu'ils laissè-
rent respirer quelque temps l'em-
pire ( V. Abou - Tiiaiier , 1 , 101 ).
Moetafy mourut à la (in de Pan 295
( 908) , âgé de trente-un ou trente-
trois ans , après un règne court, niais
fortuné, de six ans et demi. Quoique
sévère jusqu'à la cruauté à l'égard des
rebelles et des grauls coupaLles , il
était humain et généreux. 11 maintint
ses finances et ses armées sur un pied
respectable ; et il aurait relevé la
gloire et la puissance du khaîyfat , si
la mort n'eût arrêté ses projets. Il eut
pour successeur son frère , le faible
et voluptueux Mbctader. A — t.
MORT AF Y-LE AMR-ALL AH
( Abou - Abdallah Mohammed IX
al), 3 ie. khalyfe abbasside, fils
de Mosladher, et petit-fils de Mok-
tady, fut installé sur la chaire de
Mahomet, après la fuite et la dépo-
sition de son neveu Rasched , le 12
dzouîhadjah 53o de Phég. ( 1 1 36 de
J.-C, par !e sulthan seldjoukide Ma-
s'oud, auquel il témoigna sa gratitude
par une entière condescendance. ( V.
Mas'oud, XXVII, 38s).L'an 535, il
recouvra le manteau et le bâton du
prophète, qui lui furent renvoyés par
le sulthan Sandjar , entre les mains
duquel ces dépouilles sacrées étaient
tombées , après la mort tragique du
khalyfe Most^rsched ( V. ce nom et
Sandjar ). L'an 54o, il fit renfermer
étroitement son frère Abou-Taleb et
MOL
plusieurs autres princes de sa famille,
La mort de Mas'oud, en 547 , et la
captivité de son oncle Sandjar ayant,
hâté la décadence des Seldjoukides ,
qui , depuis cent ans, étaient les véri-
tables maîtres de l'empire musul-
man; Moktafy profita des guerres qui
curent lieu entre leurs successeurs ,
pour affranchir le khaîyfat du joug
humiliant qu'il avait subi pendant
plus de deux siècles sous la tyran-
nie des Einyrs al- Omrah; et il fit
tous ses efforts pour rétablir l'an-
tique puissance de ses ancêtres. Il
s'empara d'abord du palais que ]es
sulthans avaient à Baghdad; mais il
assiégea vainement Tekrit , en 54f) ,
et ne réussit pas mieux , l'année sui-
vante , devant Dacuca , dont les trou-
pes du roi de Moussoul le forcèrent
de lever !e siège. Il parvint néan-
moins à gouverner, par lui-même et
avec un pouvoir absolu, Baghdad et
PIrak-Araby, faible et unique reste
de l'empire musulman, et à obtenir
une certaine prépondérancepolitique,
qu'il transmit à ses descendants. Ce
khalyfe entretenait, à grands frais ,
des agents secrets, qui l'instruisaient
exactement de tout ce qui se passait
dans les diverses cours de l'Orient.
Il mourut le 2 raby 1, 555 ( 14 mars
1 160 ) à l'âge de 66 ans, après un
règne heureux de 24 aKS- Moktafy
avait fait enlever les portes de la
Gaabah à la Mekke ; et les ayant rem-
placées par d'autres, qui furent re-
couvertes de lames de vermeil , il
ordonna que le bois des anciennes fût
employé cà faire son cercueil. Il eut
pour successeur son fils Mostandjed.
A — T.
MOLAI ( Jacques de ), dernier
grand-maître des Templiers, était de
la famille des sires de Longwic et
de Raon. Vers l'an ia65 , il fut ad-
mis, encore très-jeune, dans l'ordre
MOL
d«;S Templiers , et reçu par Irnbert
de Peraudo , visiteur de France et
de Poitou , dans la chapelle du tem-
ple à Beaunc. A peine arrivé en Pa-
lestine , il se distingua conlre les in-
fidèles. A la mort de Guillaume de
Beâujeu , quoique Molai ne fût pas
dans l'Orient, une élection unani-
me le nomma grand-maître. 11 se
trouva, en 1299, à la reprise de
Jérusalem par les Chrétiens. For-
cé ensuite de se retirer dans File
d'Arad, et de là dans l'île de Gypre ,
il allait rassembler de nouvelles for-
ces , pour venger les revers des ar-
mes chrétiennes , lorsque le pape
Fappela en France ( i3o5 ). Arrivé
avec soixante chevaliers et un trésor
très-considérable , il fut reçu avec
distinction par Philippe-le-Bel , qui
le choisit pour parrain de l'un dos
enfants de France. En rappelant le
grand-maître , la politique qui pré-
parait la destruction de l'Ordre
avait donné pour prétexte le projet
de réunir l'ordre du Temple et celui
de l'Hôpital. Le pian de celle des-
truction, concerté par le roi et ses
agents, fut caché avec tant d'adres-
ie,le 1 3 octobre i3on , tous les
Templiers furent arrêtés à la même
heure dans toute la France. La veille
de l'arrestation , legrand-maitreavait
porté le poêle à la cérémonie de l'en-
terrement de la princesse Cathe-
rine, héritière de l'empire de
tanttnople, épouse du comte de Va-
lois. Depuis l'arrestation des 1
liera nid-maître*, les desti-
nées de cet illustre chef furent liées à
celles de l'ordre entier. On sait que
cet Ordre r dn^
croi: -but de
protéger et de les pèlerins
qui ;\. La
noblesse et la bi 1
l'utilité et la gloire'
MOL
la rendirent recomraanlable dès son
origine. Les statuts furent dressés
dans un concile; et, pendant deux
siècles, les privilèges accordés par
les papes, la reconnaissance des rois,
des grands et du peuple, l'autorité
et le crédit qu'augmentaient chaque
jour les exploits et les grandes ri-
chesses des Templiers , en firent l'Or-
dre le pins puissant de la chrétienté.
Il dut exciter la jalousie, même des
rois, parce que dans le haut rang où
il s'était élevé , il était difficile que
tous les chefs et tous les cheva-
liers se maintinssent toujours et
partout dans cette sage modération
qui aurait pu seule prévenir ou
désarmer l'envie et la haine. Mal-
heureusement pour l'Ordre , le roi
de France eut plusieurs motifs de le
perdre ; et le principal peut - être .
ce fut la pénurie du trésor royal ,
laquelle le rendit moins difficile
sur les moyens de s'approprier une
partie des biens de l'Ordre, et de
jouir de tous pendant long-temps.
A l'instant où furent arrêtés le grand-
maître et tous les chevaliers qui
étaient avec lui dans le palais du Tem-
ple à Paris , le roi occupa ce palais,
et s'empara de leurs possessions et
de leurs richesses. Eu arrêtant les
autres chevaliers dans les diverses
parties de la France, on saisi:
leurs biens. Des inquisiteurs procé-
dèrent aussitôt contre tous, les in-
terrogèrent en les livrant aux tortu-
ou en les menaçant de les y li-
vrer. Partout, ou presque partout,
ils arrachèrent au plus grand nombre
des chevaliers, l'aveu de quelques-uns
des crimes honteux dont on les accu«
et qui offensaient à-la-f<
nature, la religion ei les . ,
menaces on joignail ens de
séduction pour obtenir les
qui devaient justifier les ri
n6
MOL
mesures employées. Le procès con-
tre les Templiers existe en original à
la bibliothèque du Hoi. Au commen-
cement des procédures , trente-six
chevaliers étaient morts à Paris , dans
les tortures. Philippe le-Bel mit en usa-
ge tous les moyens qui pouvaient per-
dre l'ordre et les chevaliers dans l'o-
pinion publique. Le pape, croyant sa
propre autoritéblessée par les agents
du roi , avait d'abord réclame en
faveur des chevaliers. Philippe sut
bientôt calmer les scrupules du pon-
tife. La faculté de théologie applau-
dit aux mesures du roi ; et une as-
semblée convoquée à Tours , s'ex-
pliquant au nom du peuple français ,
demanda la punition des accusés ,
et déclara au roi qu'il n'avait pas
besoin de l'intervention du pape ,
pour punir des hérétiques notoire-
ment coupables. Jacques Mariai avait
été envoyé, avec d'autres chefs de
l'Ordre, auprès du pape , pour s'ex-
pliquer devant lui ; mais sa mar-
che fut arrêtée à Ghinon , où des
cardinaux vinrent l'interroger. Des
historiens ont cru que Philippe-le-
Bel avait procuré la tiare a Clément
V, en lui imposant diverses condi-
tions , l'une desquelles étaitl'abolition
de l'Ordre. Dans les premières infor-
mations , un très-grand nombre de
chevaliers firent les aveux exigés ; et
l'on croit généralement que le grand-
maître lui-même céda, comme ceux-
ci, ou à la crainte des tourments et
de la mort , ou à l'espérance qu'il
obtiendrait quelques conditions favo-
rables pour l'Ordre , s'il ne résistait
pas aux projets de la politique du
roi. Cependant le pape , obligé de
donner une apparence juridique aux
moyens violents qui (lovaient ame-
ner la destruction de l'Ordre , con-
voqua un concile œcuménique à
Vienne , et nomma une commission
MOL
qui se rendit à Paris , afin de prendre,
contre l'Ordre en général, une infor-
mation nécessaire et même indispen-
sable pour motiver la décision du
concile. La bulle porte que l'ordre
comparaîtra devant le concile, par le
ministère de ses défenseurs. Jacques
Molai fut amené en présence de ces
commissaires du pape; et on lui lut,
en langue vulgaire, les pièces de la
procédure. Quand il entendit des
lettres apostoliques qui supposaient
qu'il avait fait à Ghinon certains
aveux , il manifesta son étonnement
et son indignation contre une telle
assertion. Un grand nombre de Tem-
pliers comparurent après leur chef.
L'affaire prit alors un caractère im-
posant et extraordinaire ; les cheva-
liers se montrèrent dignes et de l'Or-
dre et d'eux-mêmes , et des grandes
familles auxquelles ils avaient l'hon-
neur d'appartenir. La plupart de
ceux qui , forcés par les tourments
ou la crainte , avaient fait des aveux
devant les inquisiteurs , hs révo-
quèrent devant les commissaires du
pape. Us se plaignirent hautement
des cruautés qu'on avait exercées
envers eux., et déclarèrent, en ter-
mes énergiques, vouloir défendre
l'Ordre jusqu'à la mort, de corps et
d'ame, devant et contre tous, con-
tre tout homme vivant , excepté
le pape et le roi , etc. , etc. Le grand-
maître demandait sans cesse qu'on
le conduisît eu présence du pape ,
qui devait le juger. Cinq cent qua-
rante six Templiers, soit de ceux
qui avaient fait des aveux , soit de
ceux qui avaient toujours résisté
aux moyens des oppresseurs , se
déclarèrent et se constituèrent dé-
fenseurs de l'Ordre. Bientôt d'autres
chevaliers, détenus dans les diverses
prisons de la France , demandèrent
a partager cet honorable péril, et ils
MOL
furent traduits à cet effet dans les pri-
sons de la capitale. Alors le nombre
des défenseurs fut d'environ neuf
cents. Il était facile de justifier l'Or-
dre ; et comme ils commençaient à
le faire avec un succès qui déconcer-
tait le roi et ses agents, on imagina
un moyen aussi cruel que prompt:
ce fut oie livrer au jugement des in-
quisiteurs, les chevaliers qui, ayant
rétracte les aveux précédents , sou-
tenaient l'innocence de l'Ordre. Tous
ceux qui persistèrent dans leurs ré-
tractations furent déclarés héréti-
ques relaps , livrés à la justice sé-
culière, et condamnés au feu. Ceux
qui n'avaient jamais fait d'aveux , et
qui ne voulurent pas en faire, furent
condamnés à la détention perpétuelle,
comme chevaliers non réconciliés.
Quant à ceux qui ne rétractèrent pas
les aveux des impiétés et des lurpitu-
iputées à l'Ordre, ils furent mis
en liberté, reçurentrabsolution,et fu-
rent nommés Templiers réconciliés.
Pour accuser , interroger , juger les
prétendus relaps , les condamner aux
flammes, et faire exécuter le juge-
ment , il suffit du temps qui s'écoula
fin lundi il mai au lendemain ma-
lin. Cinquante-quatre chevaliers pé-
rirent à Paris ce jour-là. La procé-
dure indique nominativement quel-
ques-uns des chevaliers qui subirent
cet honorable supplice. Il est du de-
voir de l'histoire de transmettre
leurs noms à la postérité. En voici
huit sur lesquels il ne peut y avoir
aucun doute : Gaucerand de Buris ,
Guido de Nici , Martin de Nici ,
Gaultier de Bullens , Jacques de
Sansy , Henri d'Anglesi , Laurent de
Beaune, Raoul de Frémi. Tous les
historiens qui onl parlé du supplice
mille, ont attesté
la noble intrépidité qu ils montrèrent
jusqu'à la mort: entonnant les saints
MOL 277
cantiques , et bravant les tourments
avec un courage chevaleresque et une
résignation religieuse , ils se mon-
trèrent dignes de la pitié de leurs
contemporains et de l'admiration de
la postérité. Les commissaires du
pape crurent qu'il n'était plus pos-
sible de continuer la procédure ,
quand la franchise, dont la religion
et la loi faisaient aux accusés un
droit et un devoir pour éclairer le
concile qui devait juger l'Ordre ,
devenait un prétexte pour les con-
duire au bûcher : ils se retirèrent.
D'autres exécutions eurent lieu en
France et par les mêmes motifs.
Dans les pays étrangers , les Tem-
pliers , poursuivis à l'instigation du
pape et de Philippe- le-Bel, résistè-
rent avec succès , parce que l'on n'a-
vait point recours contre eux aux
terribles moyens employés en France.
En Portugal ils furent conservés sous
un autre nom ( V. Denis, XI, 80). Le
i3 octobre i3i 1 , jour anniversaire
de celui où , quatre ans auparavant ,
ils avaient été arrêtés dans toute la
France , le pape ouvrit le concile
œcuménique de Vienne : on y lisait
les procédures faites contre l'Ordre,
quand tout-à-coup neuf chevaliers se
présentent comme délégués de quinze
cents à deux mille, et offrent de pren-
dre la défense de l'Ordre accusé. Le
pape les fit mettre aux fers; et l'Ordre
ne fut point défendu par ces dignes
mandataires , quoique les membres
du concile fussent d'avis de les
entendre. Pour imposer aux pères
du concile, Philippe - le - Bel ar-
riva dans Vienne, accompagné de
ses trois fils, et d'une suite nom-
breuse de gens de guerre. Bientôt)
dans une séance, le pape, vans con-
sulter le concile, publia le décr t
d'abolition de l'ordre du Temple ,
par voie de provision. Le actes du
*78
MOL
concile de Vienne ont été soustraits
dans le temps; et la bulle même du
2 mai i3i2, qui supprime ainsi, par
voie de provision, l'ordre du Tem-
ple, n'a été imprimée, pour la pre-
mière fois, qu'en 1606. Dans sa bulle
Considérantes , publiée 4 jours seu-
lement après la bulle d'abolition , le
pape déclare que l'ensemble des in-
lormations faites contre l'Ordre et
les chevaliers n'offre pas des preuves
suffisantes pour les croire coupables,
mais qu'il en résulte une grande sus-
picion. C'est de cette forme employée
par Clément V, contre les Templiers,
que Clément. XIV se prévalut quand
il abolit l'ordre des Jésuites ; dans le
fcref du 21 juillet 1 773, 6n lit : « Le
» pape Clément V a supprimé et to-
» taicment éteint l'ordre militaire des
» Templiers, à cause de la mauvaise
» réputation où il était alors, quoi-
» que cet ordre eût été légitimement
» confirmé, quoiqu'il eût rendu à la
» république chrétienne des services
» si éclatants que le Saint-Siège apos-
» tolique l'avait comblé de biens , de
» privilèges , de pouvoirs , d'exemp-
» lions et de permissions, et quoi-
» qu'enfin le concile de Vienne, que
» ce pontife avait chargé de l'exa-
» men de l'affaire, eût été d'avis
» de s'abstenir de porter un juge-
ai ment formel et définitif. » II paraît
qu'après l'abolition de l'ordre, la per-
sécution contre les chevaliers cessa:
cependant Molai était encore en pri-
son à Paris. Il avait toujours récla-
mé son jugement, que le pape s'était
réservé personnellement • mais le
pontife , craignant la présence du
grand-maître, nomma trois commis-
saires pour le juger à Paris, ainsi que
irois autres chefs de l'Ordre. Ces
commissaires, ayant appelé les ac-
cusés sur un échafaud dressé dans le
de Noire-Dame 7 leur lu
MOL
une sentence qui les condamnait à la
réclusion perpétuelle. Aussitôt Jac-
ques de Molai , rendant hommage à
l'innocence de l'Ordre , déclara qu'il
savait qu'en parlant ainsi , il se dé-
vouait à la mort, mais qu'il aimait
mieux, renoncer à la vie , que de faire
des aveux mensongers qui terniraient
la gloire de l'Ordre. L'un des trois
chevaliers parla de même: le conseil
du roi, assemblé à l'instant, les con-
damna tous deux à la mort, sans ré-
former la sentence des commissaires
du pape, sans faire prononcer aucun
tribunal ecclésiastique. Le bûcher
fut dressé a la pointe de la petite île
de la Seine, à l'endroit même où est
la statue d'Henri IV. Les deux che-
valiers montèrent sur le bûcher, que
l'on alluma lentement, et ils furent
brûlés à petit feu ( 18 mars 1 3 14 ) :
jusqu'au dernier soupir, ils protes-
tèrent de leur innocence et de celle
de l'Ordre. On a dit que leurs cendres
furent recueillies pendant la nuit.
On a ajouté que le grand-maître ,
avant de mourir, avait cité le pape et
le roi au tribunal de Dieu. Si ces sortes
de traditions ne spot pas toujours
véritables , elles permettent du moins
de croire que l'opinion publique, qui
les accueillit, jugeait que les condam-
nés étaient innocents. Toute l'affaire
s'explique par ce mot profond de
Bossuet : Ils avouèrent dans les tor-
tures , mais ils nièrent dans les sup-
plices. Les documents nombreux ap-
portés de Rome il y a quelques an-
nées, la publication de la procédure
faite contre l'Ordre , les débats aux-
quels a donné lieu la tragédie des Teni
pliers , publiée par M. Raynouard ,
en 181 3, ont permis de jeter un
grand jour sur ce grand et terrible
événement ; et l'opinion publique pa-
raît désormais fixée sur l'injustice
de l'accusation et sur l'innocent
MOL
cet Ordre célèbre. Voy. Y Histoire de
la condamnation des Templiers par
Dupuy, Bruxelles, 1 75i, in-4"-; His-
toire apr.lo^étique des Templiers,
par le P. Lejeune, Paris, 1789,
1 vol. in-4°. ; Moldenhawer , Pro-
cès gegen den Orden des Tem-
pelherren , Hambourg , 1792 , in-
8°. ; Mémoires historiques sur les
Templiers par Grouvelle , Paris ,
i8o5 , in-8°. ; Monuments histori-
ques relatifs à la condamnation des
chevaliers du Temple, et à V aboli-
tion de leur Ordre, par M. Ray-
nouard, Paris, i8i3,ih-8°. M. de
Ilammer a tenté récemment d'établir,
par de nombreux monuments, la
réalité des crimes imputés aux Tem-
pliers ; mais il a été victorieusement
réfuté dans le Journal des savants ,
mars et avril 1819, et dans la Bi-
bliothèque universelle, même année.
Z.
MOL ANS ( Philibert de ) , gen-
tilhomme franc - comtois , né au
quatorzième siècle, fut un très-vail-
lant chevalier , et se signala dans
maintes occasions. 11 était écuyer
du duc de Bourgogne , et maître
visiteur des arsenaux et artillerie des
rois de France et d'Angleterre. Il en-
treprit deux fois le voyage de la Pa-
lestine, pour satisfaire sa dévotion en
visitant les lieux où se sont accom-
plis les augustes mystères de notre
foi , et en rapporta une partie des
reliques de saint George, dont il fit
présent à l'église de Rougemont , où
il institua , l'an i3qo, une confré-
rie sous l'invocation de ce glorieux
martyr. Les confrères doivent être
ou domiciliés dans le comté
de L quar-
buil paternels et
de leur
admission , \V >t d'em-
ployer leur fortune et leur vie au
MOL 279
maintien de \a religion catholique
et à la défense des faibles , spéciale-
ment des vierges et des orphelins.
Leur décoration est un Saint-George
en or , suspendu à un ruban !
Les confrères prennent le titre de
chevaliers : mais le parlement de
Besançon leur a toujours contestée*
droit; et l'on trouve dans la Biblio-
thèque historique de France , t. iv ,
p. 5 1 4 , les motifs des deux derniers
arrêts du parlement , rendus sur
cette matière. Thom. Variu a publié,
en i663 , Y Etat de V illustre con-
frérie de Saint- George en ladite
année, avec les armoiries gravées
par P. de Loisy. M. de Poutier de
Gouhelans (aujourd'hui maréchal-de-
camp en retraite ) est l'éditeur des
Statuts de l'ordre de Saint-George ,
avec la liste des chevaliers , depuis
1390, Besançon , 1768, in-8°. Mal-
gré l'indication du frontispice , la
liste ne commence qu'en i43i. On
trouve, dans le Journal encyclopédi-
que , ann. 1 773 , 4. vu , p. 334 , un
Mémoire très- court sur l'ordre de
Saint-George. W — s.
MOL ANUS (Jean Ver-MEU-
LEN , plus connu sous le nom latin
de), savant théologien, était né en
i533 , à Lille, de parents originaires
de Louvain , et qui y retournèrent
peu après. Il lit ses études à l'uni-
versité de cette ville, à cette époque ,
la plus célèbre des Pays-Bas : après
y -avoir pris ses degrés , il obtint la
chaire de théologie, et fut pourvu
d'un canonicat de l'église Saint-
Pierre. Le roi d'Espagne , Philippe
II , lui accorda sa bienveillance , et
lui prouva,dans différentes occasion*,
l'estime particulière qu'il fais
ses talents. Nommé doy<
culte* de théologie , et en.
il pai
voies et la recherche des antiquités
2So
MOL
ecclésiastiques : comme il était très-
laborieux, il aurait publié un grand
nombre d'ouvrages, s'il n'eût été en-
levé par une mort prématurée, le 18
septembre i585. Ses restes furent
déposés dans la collégiale de Saint-
Pierre, sous une tombe décorée d'une
épitapne lionorable , rapportée par
différents auteurs. Molanus a dorme
une bonne édition du Martyrologe
d'Usuard, avec des notes , des addi-
tions, et une curieuse préface , dans
laquelle il démontre la supposition
de différents écrits attribués à des
Pères de l'Église et la fausseté de
quelques légendes. La première édi-
tion { Louvain , 1 568 , in-8°. ) est
la plus recherchée, parce qu'on a
retranché des suivantes plusieurs pas-
sages importants ( V. Usuard ).
On trouvera la liste des ouvrages de
Molanus , dans les Mémoires de Ni-
ceron , t. xxvn , et plus complète-
ment dans la Bibl. Belgua de Fop-
pens. On doit se borner à citer ici les
principaux : I. annales urbis Lova-
niensis, Louvain, 137:2, in-4°. II.
De historid sacrarum imaginum et
picturarumpro vero earum usu con-
tra abusas lib. îr , ibid. , iS^o , in-
1 '2. Cet ouvrage a été réimprimé trois
fois à Anvers , dans le dix-septième
siècle; et Paquot en a donné une édi-
tion enrichie de notes et de supplé-
ments , Liège , 1771, in-4°. La par-
tie qui traite des erreurs commises
par les artistes dans la représenta-
tion des sujets religieux, est intéres-
sante , et a fourni à l'abbé Méry l'i-
dée de sa Théologie des peintres,
sculpteurs et dessinateurs. III. Na-
tales S. S. Belgii et eorum chronolo-
gica recapitulatio , Louvain, i5çp,
in-8°. ; avec un supplément d'Arnold
de Raisse , Douai, 16*26 , iu-8°. IV.
Medicorum ecclesiaslicum diarium,
Louvain, i5()5 , in-8°.Cet ouvrage,
MOL
publié par H. Cuyek, qui Ta fait
procéder d'un court éloge de l'auteur,
est ordinairement réuni au pr<
dent. V. Defïde hœreticis seruandd,
libri très ; de fide rebellibus servau-
dd liber unus ; et de fide ac jura-
mento quœ à tjrannis exigun'ur,
Cologne, i584? bi-8°. VI. De piis
testamentis , et qudeumque alid
pid ultiiriœ voluntatis dispositione ,
ibid., 1 584 7 réimprime en 1661 ,
in-8°. VIL De canonicis libri très ,
ibid. 1587 , in-8°. VIII. Militia
sacra ducum ac principum Braban-
tiœ , cum annotationibus , Anvers _,
1 5cp , in-8°. , ce livre , rare et cu-
rieux, contient l'histoire des guerres
entreprises par les ducs de Brabant,
pour cause de religion. IX. Biblio-
theca materiarum theologica quœ à.
quibus auctoribus cum antiquis} tùm
recentioribus sint pertractatœ , Co-
logne, 1618, in-4°. Cette première
partie est la seule qui ait été pu-
bliée : la seconde se trouvait entre
les mains d'Aub. Lemirc , et l'on
ignore les motifs qui l'ont empêché
de la mettre au jour. W — s.
MOLANUS ( Gérard- Walter),
dont le nom de famille était origi-
nairement Fan der Muelen , ab-
bé de Lokkum , né à rlameln , en
i633 , fut professeur de mathéma-
tiques et ensuite de théologie , à
Pvinleln, et obtint, en 1677, l'abbaye
de Lokkum , avec la direction géné-
rale de toutes les églises protestantes
du duché de Lunebourg. Il passait
pour le plus habile et le plus conci-
liant des docteurs luthériens de son
temps. L'évêque de Neustadt ( Chris-
tophe de Spinoia), qui desirait avec
ardeur la réunion des communions
chrétiennes , s'adressa pour cet objet
à Molanus , alors surintendant des
églises de Hanovre. Après être con-
venus que le moyen d'abréger les
MOL
«lis eussions était de rédiger une ex-
position simple et claire dcspoiutsde
Foi communs aux Catholiques et aux:
Luthériens, ils commencèrent
conférences dont le résultat fut un
écrit, attribué généralement à Mo!a-
mis,etquiest intitulé: Régulas citcà
Christianorum omnium ecclesiasti-
cam reunionem. Cet opuscule fut
adressé à Bossuct par la duchesse
d'Hanovre, qui réclamait ses lumières
et son intervention. Le prélat déclara,
dans sa réponse, quele projet de conci-
liation présenté par Molanus ne lui pa-
raissait pas suffisant, qu'il avouait
qu'on pourrait accorder aux. Lu-
thériens certaines choses qu'ils dé-
sirent beaucoup, mais que l'Égli-
se n'accéderait, jamais à aucune ca-
pitulation sur le fond des dogmes
définis. Cette noble franchise de Bos-
suet ne fit qu'ajouter à L'estime
•îolanus avait pour le caractère
de l'évcquc de Meaux; et en lui fai-
sant passer une nouvelle copie de
son opuscule, il y en joignit un se-
cond, sous le titre de : Cogitai tours
privât ce de methodo reunionis eccle-
siœ Protestantium, etc. ( Ces deux
écrits sont imprimes dans le tome 'i5
des Œuvres de Bossuet. ) Ce second
opuscule, dit Mgr. le cardinal de
Bausset, est conforme à beaucoup
d'égards au premier; il est surtout re-
marquable par un ton de candeur et
de bonne-foi qui honore le caractère
de Molanus : cet abbé alla plus loin ,
puisqu'il composa un troisième écrit
dont on n'a que des fragments), dans
lequel il était parvenu à concilier ciu-
quante articles controversés entre les
Luthériens et les Catholiques. Après
cela , on ne peut guère douter que si
l'abbé de Lokkum lui .-< sté seul char-
ec Bossuet,
ils auraienl »uver d'ac-
cord sur tous 1- le doctrine.
Quant ta la discipline udait
des concessions que Bossuet ne se
montra pas éloigné d'accueillir; m,
par une contradiction manifeste avec
les principes qu'il avait lui-même
établis, Molanus refusait de recon-
naître la légitimité du concile de
Trente, et voulait que les Luthé-
riens fussent admis à la communion
de l'Église romaine, jusqu'à ce qu'un
nouveau concile, convoqué et prési-
dé par le pape, eût définitivement
prononcéfir les points controversés.
Bossuct employa plus de quatre mois
de l'année 1692 à L'examen des pro-
positions de L'abbé de Lokkum; et
il lui démontra, dans sa réponse,
avec la dernière évidence , que les
décrets du concile de Trente offraient
aux Luthériens tous les éclaircisse-
ments qu'ils pouvaient raisonnable-
ment désirer, et que la proposition
de les laisser en suspens ne tenait
qu'à un vain point d'honneur. La
discussion en était là, lorsque Leib-
nitz y intervint; et le premier résul-
tat de ses démarches fut d'écarter
de la négociation le sage abbé de
Lokkum , qui y avait apporté un si
excellent esprit et des intentions si
estimables \Vt Leibnitz, XXI II,
599). 11 parait qu'on fit crain
Molanus d'avoir déplu aux princes
d'Hanovre, en s'avançant plus qu'il
onvenait aux intérêts de leur po-
litique. Knelîèt, il semble revenirsur
ses premiers aveux, dans un dernier
e'cril qu'il adressait à Bossuet, le rv.
août 1693 , intitulé : Nouvelle expli-
cation de la méthode qu'on doit sui-
vre pour parvenir à la réunion des
Eglises. Il ne se mêla plus de
importante négocia tion,qui n'cehou/i
probablement que par la crainte
qu'eut L'électeur d'Hanovre de
met l'accès .ni trône d'Angleterre.
Molanus vécut toujours u'lib.
a8'.
MOL
il possédait une riche collection de
médailles dont parle Leibnitz. Lés de-
voirs de sa charge et l'étude rempli-
rent le reste de sa vie, qui se termina
le 7 septembre 1722. On lira avec
intérêt les détails cpie le cardinal de
Bausset a donnés sur Molanus, dans
le livre xu de Y Histoire de Bossuet :
c'est la source où l'on a principale-
lement puisé pour la rédaction de
cet article; et on s'est attaché, au-
tant qu'on l'a pu, à conserver les
propres expressions de l'ittustrc his-
torien. On peut voir dans Si rider
( Ifist. litt. de la Messe), et dans la
Vie de Molanus, par J. Just. Vou
Einem ( Magdebourg, i 734? in-8°.,
en allemand) , la confession de foi de
ce prélat, son testament et la liste de
ses ouvrages. Rotermund en compte
trente-quatre , tant en latin qu'en al-
lemand, outre plusieurs manuscrits.
W— s.
MOLAY (Jacques de). T.Molaï.
MOLDOVAJNDGF, grand -vézir
sous Mustapha III , et successeur
de Méhémet-Kmin, sembla promet-
tre aux Othomans un vengeur, et
aux Russes un ennemi digne d'eux.
D'abord bostandgi ou jardinier dans
le sérail, puis simple soldat dans ia
garde du grand-seigneur, il mérita,
par son intrépidité dans les fonc-
tions de police auxquelles son corps
est consacré à Constantin op le , les
regards de son maître, le titre de
chef des bostandgis , et ensuite Je
gouvernement d'une petite province.
Tel était son rang , assez obscur ,
lorsque Méhémet-Emin le tira de la
foule des officiers de l'armée , pour
Fcnvoyer, avec quatre mille hommes
d'élite, défendre la Moldavie et la
Valachie, contre les ravages des
Othomans eux-mêmes. A la nouvelle
de l'investissement de Choczin
les Russes, Moldovandgi marcha de
MOL
lui-même au secours de la place.
Renforcé , sur la route, par tous les
soldats qui avaient quitté le grand-
vézir, et qui suivaient avec plus de
confiance un homme dont la bravou-
re et la réputation leur était connues.
Ce corps devint une armée considé-
rable, qui fut en état de contrain-
dre les Russes à débloquer Ghoczim , "
et à se retirer. Le même ordre qui
demanda la tête de Méhémet-Éinin ,
éleva Moldovandgi. à la dignité de
grand-vézir. Il se montra plus brave,
mais non moins ignorant que son
prédécesseur. Dans la même cam-
pagne , en l'année 1769, si peu
glorieuse pour les armes olhoma-
nes , Mustapha III ôta à Moldo-
vandgi le commandement et le vézi-
riat. Sa disgrâce n'alla pas jusqu'à
la spoliation de sa fortune ou à la
perle de sa tête. Il fut puni d'avoir
été battu : le sullhan mitigea sa
peine , et lui donna le gouvernement
subalterne des châteaux du Canal,
sous le nom de défenseur des Dar-
danelles. Le baron de Tott confirme,
dans ses Mémoires, tout ce qu'on
doit penser de l'ignorance, du cou-
rage, et des vicissitudes de fortune
de Moldovandgi pacha, commandant
une armée othomane , et ne sa-
chant pas mêmeeommentune bombe
se tirait; élevant des murs de dix-
huit pouces d'épaisseur, et les fai-
sant peindre à l'eau de chaux, de
peur de masquer trop ses batteries;
devenu pour une seule année général
et grand-vizir, et de grand vizir re-
tombé en un jour au grade obscur
de concierge de l'Hellespont. S — y.
MOLE (L 1). Voj. Coconas.
MOLE (Edouard), conseiller,
puis procureur-général , et enfin ,
président à mortier au parlement
de Paris, était né vers i55o. Son
père , Nicolas Mole , avait une char-
MOL
MOL
283
ge de conseiller au parlement. Sa
famille était originaire de Troyès,
où Guillaume, l'un de ses ancêtres,
échevin de la ville, avait , en 14-iQ ,
fait entrer Charles VII , pour s'a-
vancer jusqu'à Reims, et hâter ainsi
l'accomplissement des paroles pro-
phétiques de la Pucelle d'Orléans.
Edouard, destiné dès sa naissance à
la magistrature , était devenu conseil-
ler, et l'un des membres les plus
distingués du parlement de Paris ,
lorsqu'il se trouva enveloppé avec
toute sa compagnie dans les événe-
ments funestes du 16 janvier 1589
( V. Harlay ), et emprisonné à la
Bastille: il revint , avec la plupart de
ses collègues , reprendre ses fonctions
au paiais ; mais moins heureux que
quelques-uns d'entre eux , il ne put
s'échapper pour aller se jeter dans
le parti qui convenait à ses prin-
cipes d'honneur et de fidélité. Le
'il du même mois, il fut, à la cla-
meur publique, nommé procureur-
général, et contraint de prêter ser-
ment à la Ligue. Sa position de-
vint extrêmement difficile. Surveillé
par des furieux , qui ne se mépre-
1 point à des apparences for-
cées, il cultivait avec loyauté', mais
• rudence, ses liaisons avec les
magistrats demeurés fidèles au fond
de leur cœur, tels que Le Hfaistre,
* on, Tardif, LareËer; il parta-
geait avec eux les espérances d'un
meilleur avenir, et se consolait en
secret des horreurs du présent par
ation d'un fils, qui devait un
jour faire son bonheur, en élevant
au plus haut degré ta gloire de son
nom. | d'autant plus
uaeements r , qu'il fal-
lait (! jaloux ses
intelii
■pendant d [a fu-
reur des Sciî e af-
faire de Brigard ( V. le Journal de
l'Étoile , 3 novembre i5()i ). Il fut
assez heureux pour leur échapper ;
et il eut la douleur de voir ses amis ,
Brisson, Larcher et Tardif, payer
de leur vie la plus généreuse fidélité.
Mole négociait en secret l'abjuration
de Henri IV. Cet heureux événement,
qui désarmait enfin les rebelles , fit
rendre le fameux arrêt du 28 juin
i5ç)3, prononcé sur les conclusions
d'Edouard Moié, et porté par lui-
même au duc de Maïennc. ( V. Le
Maistre et P. Prmou.) Mole, dit un
auteur contemporain , parla fort ver-
tueusement au duc de Maïerine. « Ma
» vie, lui dit-il, et mes moyens , sont
» à votre service; mais je suis vrai
» Français, et perdrai la vie et les
» biens devant que jamais être au-
» tre » ( Voy. V Esprit de la Ligue,
tome m ). Ce digue et courageux
magistral, après avoir vu ses vœux
comblés par le retour du souverain
légitime , reprit modestement sa
place de conseiller. Eu 1699, la
reine Marguerite de Valois le nom-
ma un de ses fondés de pouvoir
pour la dissolution de son ma-
riage. En 1602, Henri IV, qui n'a-
vait point oublié les services de Mo-
le, lui donna une charge de prési*
à mortier, qui est restée dans
sa famille jusqu'à la révolution.
É louard Mole mourut en 161 4. On
trouve un arrêt prononcé par lui ,
dans le Journal de V Etoile ( 18
août 160.4 )? arrêt, dont la sévérité
étonnerait un peu nos mœurs ac-
tuelles; il fut rendu contre un maître-
des-eomptes de Rennes, qui refusait
d'épouser une veuve, à laquelle il
avait promis foi de mariage, et dont
il avait eu un enfant. L'arrêt portait
qu'il épouserait m.i -h -eliamp , ou
serait pendu à deux heures après
midi. Ce qu'il y eut de singulier,
MOL
c'est la manière dont Mole annonça
celte nouvelle au délinquant : « Ou
» mourez, ou épousez, lui dit - il ;
» telle est la volonté et décision de
» la cour. » On devine sans peine
que le mariage s'ensuivit. D— -s.
MOLE (Matthieu ), fils du précè-
dent, était né en 1 584- Les fureurs
de la Ligue qui environnèrent sou
enfance, et menacèrent souvent les
jours de soii père, une éducation de
famille, modeste dans ses formes,
mais riche d'instruction et forte
d'exemples de vertus , lui donnèrent
cette fermeté d'ame , cette supério-
rité de lumières , et cette dignité de
mœurs, qu'il développa dans tout le
cours de sa vie. Il résista «à la toute-
puissance de l'homme le plus absolu
qui ait jamais tenu les rênes du gou-
vernement, et reçut ses faveurs sans
les avoir recherchées. 11 eut depuis
à combattre des hommes moins forts
de caractère, peut-être , que Riche-
lieu, mais tout aussi dangereux par
la souplesse de leur esprit et par l'ha-
bileté de leurs manœuvres, ou plus
imposants encore par l'éclat de leur
naissance, de leur rang et de leurs
qualités personnelles. 11 en triompha
par la droiture et l'intrépidité de sa
conduite, ne les trompa jamais , et
les força de l'admirer. Matthieu
Mole, reçu conseiller au parlement,
en 1606, devint, au bout de quatre
ans , président de l'une des chambres
des enquêtes, et succéda, en i6i4 ,
à M. de Bellièvre,dans la charge de
procureur-général. On s'étonna de
voir un jeune homme , à peine âgé
de trente ans, appelé à un poste aussi
difficile. C'était l'ouvrage du cardi-
nal de Richelieu, « qui savait, » dit
un écrivain de nos jours, « juger les
» hommes, indépendamment des
» données ordinaires de l'âge et de
» l'expérience. » Ce fut vers cette
MOL
époque , que Mole épousa Renée de
INicolaï, fille du premier président
de la chambre des comptes. Le bon-
heur de sa vie se partagea bientôt
entre L'éducation de ses enfants, et le
charme qu'il trouvait dans ses liai-
sons avec les solitaires de Port-Royal.
L'abbé de Saint Gyran, surtout, lui
avait inspiré un de ces attachements
dans lesquels la raison ne se défend
qu'avec beaucoup de peine des excès
d'une prévention exclusive. Mole con-
naissait tropbien , d'après l'exemple
de sa famille ( i ) , les dangers d'une
exaltation dont le résultat, en isolant
des êtres remplis de talents et de ver-
tus, pouvait devenir si contraire aux
intérêts de la société, par des renon-
cements et des sacrifices exagérés. Il
n'en conserva pas moins la plus
profonde vénération pour l'abbé de
Saint-Cyran; et quoique, sous cer-
tains rapports , il désapprouvât la
doctrine de cet ecclésiastique , il eut
bientôt l'occasion de lui prouver son
attachement personnel. Le cardinal
avait Tait renfermer à Vincennesrab-
bé de Saint-Cyran, accusé d'hérésies
religieuses et politiques : le procu-
reur-général vole à Saint- Germain ,
et n'est point écoulé ; il y retourne
encore : à chaque instant il est sur
les pas du premier ministre. Celui-ci,
impatienté un jour, le saisit par le
bras, et lui dit : « M. Mole est un
» honnête homme , mais il est un
» peu entier. » Mole ne se rebute
point ; il fait passer au prisonnier
toutes les instructions qu'il croit né-
cessaires pour sa défense. L'abbé de
Saint-Cyran, ayant recouvré sa liber-
té à la mort du cardinal, vint remer-
cier son ami, qui lui donna mille écus
pour l'impression d'un grand ouvrage
(i) Un de ses frères s'était jeté dans Je cloître,
c mtrele gré ds ses parents (Journ. de l'Etoile^ oct
X'jo'6 ).
MOL
que l'abbé avait médite dans sa cap-
tivité. Depuis il se rendit de nouveau
suspeet à la régente , et Mole s'offrit
encore pour être sa caution. Cepen-
dant une autre affaire non moins
importante avait également com-
promis celui-ci avec le cardinal j
c'était le procès du maréchal de
Marillac. Le procureur - général
e'tait son parent, et fut soupçonné
d'être son complice; un arrêt du
conseil l'interdit de ses fonctions.
Ii parut à la cour pour se justifier , .
et n'eut que la peine de se montrer.
«Sa gravité naturelle, dit Talon,
» dont il ne rabattit rien dans cette
» circonstance, loi fit obtenir sur-
» le-champ arrêt de décharge. » Pen-
dant le cours de ces altercations, Mo-
le, dont l'esprit était assez enclin à
la raillerie, s'était permis contre le
cardinal quelques traits malins; ils
pouvaient faire craindre des ressen-
timents de la part du ministre. Riche-
lieu, qui savait tout, ne parut point
offensé; il lit nommer Mole premier
président (novembre 164 1). Le jour
où il devait être reçu, sa femme mou-
rut en le laissant père de dix en-
fants.Après avoir donne' les premiers
moments au sentiment d'une trop
juste douleur , il commença ses nou-
velles fonctions, qui devaient jeter
tant de trouble et tant d'éelat sur le
restedesa vie. On est tenté de remar-
.1 cette époque deux: hommes
différents dans cet illustre magistrat.
<rait, à notre avis, une grande
erreur. Mole, que leeoadjuteur nous
représente comme étant tout d'une
: Molé, qui , suivant l'expres-
sion du même écrivain, voulait le
bien du Vétat / m ml à tou-
tes choses , fut invariablement fidèle
a ce devoii Les moyens
différents double position
lai imposa, u-géncral, son
MOL
9.S.
aine indépendante et ficre ne lui
permit pas d'être servilement l'hom-
■ la cour, eu ployant sous un
ministère despotique, qui se jouait de
toutes les libertés , et vrblait toutes
les justices. Premier président, dans
un moment où la minorité du roi et
la faiblesse du conseil avaient be-
soin d'un appui contre une foule de
factieux, qui se disputaient l'usur-
pation de l'autorité légitime, il dut
chercher à éteindre le feu de la sé-
dition , qui se rallumait sans cesse
dans la compagnie dont il était le
chef. Sous l empire absolu de Ri-
chelieu, on l'a vu défendre les droits
des sujets : il Va , sous le ministère
souvent trop faible de Mazarin ,
soutenir le pouvoir du monarque.
Pour remplir ce double devoù
fallut à Mole les mêmes vertus ; et
loin que son caractère ait fléchi en
lien , il paraît peut - être et plus
grand et plus fort dans les nou-
veaux dangers qu'il va courir. Ce l'ut
en 1648, qu'éclatèrent les premiers
troubles de la Fronde , qui voulut un
moment se modeler sur la Ligue, et
n'obtint pas le funeste honneur de
lui ressembler. Des édits bureaux,
dictés par les besoins du trésor pu-
blic, excitèrent les oppositions du
parlement et des autres cours sou-
veraines ; et ces oppositions produi-
sirent le fameux arrêt d'union, du
i3 mai, où elles mirent en commun
leurs intérêts et leur résistance. Le
président n'ignorail pas que la pre-
mière efifi rvescence des compagnies
se refroidit parles délais des formes
et par la longueur des délibérations :
il parut ne rien faire, dès le prin-
cipe, pour arrêter ces mesui
traordinaires qui, sous le prétexte dt^
remontrances usitées alors, étaienl ,
jusqu'à nu certain point, dans les
attributions delà hante m
aS6
MOL
Mais l'impatience de la régente qui
dicta les de'marches du premier mi-
nistre , et les menées sourdes du
coadjutcur , déjouèrent tous les cal-
culs de Imprudence. Une déclara-
tion apportée par le chancelier ,
pour révoquer ou modifier la plu-
part des impôts proposes , fut jugée
insuffisante , et surtout entachée de
cette ambiguïté tortueuse qui déce-
lait trop la politique italienne. Les
délibérations. des chambres recom-
mencèrent , malgré la présence de
Gaston, lieutenant-général du royau-
me; les avis les plus violents furent
ouverts, et les emportements écla-
tèrent contre le cardinal. Dès ce mo-
ment , deux partis se mirent en pré-
sence , les Frondeurs et les Maza-
rins. La cour crut pouvoir profiter
de la victoire de Lens, pour frapper
un coup décisif. Le '26 août , après
le Te- Deum chanté en actions de
grâces, deux membres du parlement
furent arrêtés par les troupes qui
avaient servi de cortège à la céré-
monie. A l'instant même , toute l'al-
légresse publique se changea en fu-
reur. Le peuple prit les armes, et. se
porta en foule au Palais-Royal. Tous
les mémoires du temps ont rapporté
les circonstances de celle journée,
qui fut signalée par des scènes san-
glantes. Le lendemain, ce fut le par-
lement qui eut toute la part du dan-
ger. La nuit entière avait été em-
ployée à des préparatifs de défense ;
les barricades avaient été établies
dans toutes les rues. Mole' , à la tête
de sa compagnie , à pied , en robes
rouges, se mit en marche pour aller
demander à la régente la liberté des
prisonniers. Il parla avec force, fut
refusé avec aigreur, revint a la char-
ge, et n'obtint qu'une promesse vague
de relâcher les détenus, pourvu que
le parlement cessât ses assemblées
MOL
On prit le parti de délibérer su;
réponse; et l'on se mit en chemin
pour retourner au Palais de justice.
Les deux premières barricades s'a-
baissèrent assez paisiblement; mais,
à la troisième, l'effervescence popu-
laire éclat ; de la manière la plus vio-
lente. Des cris furieux, qui redeman-
daient les deux magistrats, et surtout
Brousscl , des attroupements formi-
dables , arrêtèrent la marche cl for-
cèrentde rétrograder. Un marchand
de fer, capitaine du quartier, saisit
Mole par le bras , et le menaçant de
son pistolet : « Tourne, traître , lui
» dit-il; si tu ne veux être massacré
» loietles tiens, ramène -nous Brous-
)> sel , ou Mazarin et le chancelier
y> en otage. » Plusieurs des membres
prennent la fuite, et se perdent dans
la foule ; d'autres hésitent , incertains
encore s'ils chercheront à suivre cet
exemple, ou s'ils resteront auprès de
leur chef , que les mutins harcèlent
et menacent (1): « pour lui,conscr-
)> vant la dignité de la magistrature,
» dans ses paroles et dans ses dé-
» marches , il rallia tout ce qu'il put
» de sa compagnie, et revint au Pa-
» lais-Royal, au petit pas, dans le
» feu des injures, des exécrations et
» des blasphèmes. » ( Mémoires du
cardinal de Retz. ) c«. Cet homme, »
dit encore le coadjuteur , « le plus
» intrépide , à mon sens , qui ait
» paru dans son siècle, ne parlait
» jamais mieux que dans le péril. »
Sa diction était souvent incorrecte,
mais véhémente et persuasive. 11 se
surpassa dans cette occasion. La ré-
gente, outrée de dépit, fut néanmoins
contrainte de céder; elle signa la
liberté des deux magistrats. Le par-
lement retourna comblé des louanges
bruyantes de cette même populace,
(ï) H fui , (lit Gui Joly, dans se* Mémoires, ti-
y ris par sa larbt: , yu'iijjurtaUfcrt longue.
MOL
qui , l'instant d'auparavant , vou-
lait le déchirer. Les barricades dis-
parurent, et tout sembla plus tran-
quille qu'un jour de vendredi saint
(Mém. de Retz). Le coadjuteur fut
mande à la cour, remercie par la
reine, et caresse' par Mazarin. Ce-
pendant il s'en fallait beaucoup
qu'il fût satisfait. Il était depuis
long -temps l'artisan principal de
tontes ces discordes, par les largesses
qu'il avait répandues dans le peuple,
et par les intelligences qu'il s'était
ménagées dans le parlement, où il
avait obtenu de prendre séance à
la place de son oncle ( V. Retz).
La cour espérait profiter des vacances
pour se débarrasser des imporlunités
du parlement ; il n'en prit point , et
resta assemblé. La reine quitta Paris ,
avec le roi. Alors il fallut négocier ;
et le premier président fut nommé
l'un des députés. Des articles furent
signés , et produisirent une déclara-
tion , enregistrée le 24 octobre , qui
accorda presque tous les points de-
mandés par la chambre d'union. On
n'y parla pas d'un arrêt qui ex-
cluait tous les étrangers du minis-
tère. La reine crut avoir tout gagné
par cette omission , qui lui paraissait
rassurer la position du cardinal :
elle ramena la cour à Paris, le 3 1 .
Cependant les a s du par-
lement recommencèrent a la ri
( i3 novembre ). La reini
de cette fermentation ; elle quitta de
nouveau Paris , le 6 janvier 1
et mena li cour à Saint-Gem
fuite inopinée remit les afl
point où elles étaient trois
mois aupai : s frondeui
iprès
du peuple 1 rient ; et la
e fut résolue. 1 '-onde
se range» du par quoi-
qu'il m éj nisàt M
MOL 287
président partageait ses sentiments;
et sa position n'en devint que plus
difficile. « Obligé de ménager sa
» compagnie pour conserver sur elle
» quelque pouvoir , Mole était ré-
» duit sans cesse à composer avec
» ses principes , afin de mieux ser-
» vir l'état et la cour : tous les jours
» le coadjuteur essayait de l'effrayer
» par les menaces du peuple
» remplissait les avenues du palais ;
» et tous les jours le sang-froid et
» l'intrépidité de Mole le déconcer-
» taient davantage. » ( Voy. Essais
de morale et de politique. ) Mais
celui-ci manquait de cette séduction
qui fournissait tant de ressources à
son adversaire , pour renouer ses in-
trigues , se relever de ses défaites ,
et recommencer ses attaques. La ré-
gente , en partant , avait ordonné au
parlement de se transférer à Mon-
targis. Le^ gens du roi essayèrent de
porter des remontrances , et ne fu-
rent point reçus. Le parlement n'o-
béit point; et, dès le 8 , il prononça,
en forme de manifeste, l'arrêt qui
proscrivait le cardinal de Mazarin, et
ordonnait de lui courre sus , comme
ennemi de l'état. Cet acte de violence
perça , pour ainsi dire.
la di
gue qui
arrêtait le débordement de la haine
publique contre le ministre. La
prise de la Bastille , qu'on avait né-
gligé d'approvisionner , fut le pre-
mier "exploit des Parisiens mutinés.
Le parlement ordonna des levées ,
imposa des taxes , et nomma des gé-
néraux, ou plutôt les reçut de la main
du coadjuteur, qui eut bien de la
peine les rangs , et à satis-
faire toutes les prétentions. L'assem-
blée des -chambres, malgré les efforts
de Mole, refusa d'entendre un hérault
envoyé par le roi , et ne lit p
difficulté d'admettre a sa barre im
prétendu envoyé de l'archiduc. Au
MOL
milieu de ces scènes d'extravagance,
le premier président conservait un
calme inaltérable, qui bravait tous
les dangers et désolai les factieux. Il
prévoyait que ce feu si ardent s'étein-
drait aussitôt que l'ennui d'une agita-
lion sans but , La lassitude de sacri-
fices exorbitants , et la mésintelli-
gence des chefs, auraient ramené' les
esprits à des pensées plus raisonna-
bles. Tous ces présages ne tardèrent
pas à se vérifier. Les faits d'armes , si
l'on excepte la prise ;de Charcnton ,
furent peu dignes du héros de Lens
et de Rocroi. Lorsqu'il s'agit de négo-
cier, Mole fut encore un des députes,
et les conférences s'ouvrirent à Ruel.
Le devoir des députés les mit souvent
dans une fausse position; ils étaient
obligés de dissimuler tantôt les ré-
ponses ou malveillantes ou tortueu-
ses des ministres , tantôt les pré-
tentions excessives des frondeurs.
Les absences de Mole laissaient un
champ trop libre aux intrigues du
coadjuteur, dans les délibérations du
parlement; et d'un autre côté sa pré-
sence eût été continuellement néces-
saire à Ruel , pour y combattre les
obstinations de la reine, la fierté de
Condé, et les astuces du cardinal. Ce-
pendant on menaçait deretircrlcspou-
voirs aux députés. Une autre consi-
dération importante mit les négocia-
teurs dans la nécessité de brusquer,
pour ainsi dire, la signature des arti-
cles : ee fut la crainte de voir les
oppositions du parlement appuyées
par les talents de Turenne, et par les
secours des Espagnols , avec lesquels
le coadjuteur n'avait cessé d'entre-
tenir ses coupables intrigues. Le
traité fut donc conclu, Ic3i mars,
souscrit par tous les princes , par
tous les ministres, et même par le
cardinal , malgré l'opposition des
députés, qui prévoyaient bien qu'un
MOL
tel nom ne manquerait pas d'ex-
citer de nouveaux orages. Les fron-
deurs furent outrés : ce qui les
exaspérait davantage, c'était l'oubli
des intérêts des généraux, qu'on s'é-
tait contenté de comprendre dans
une amnistie, sans leur accorder
aucune faveur. Aussi , lorsque Mole
apporta le traité au parlement, la
fureur était à son comble : jamais
séance ne fut plus tumultueuse. Aux
reproches outrageants des conseil-
lers-frondeurs, se joignirent les vo-
ciférations d'une foule de peuple ,
dont le coadjuteur n'avait pas man-
qué d'encombrer les salles du palais.
Les mutins voulaient qu'on leur li-
vrât le traité pour brûler la signa-
ture de Mazarin , et qu'on pendît
les députés, ou qu'on les désavouât.
Enfin, on se contenta d'arrêter que
ces députés retourneraient à Ruel,
pour traiter des prétentions des gé-
néraux. Au milieu de ces mouve-
ments désordonnés, Mole fut le seul
sur le visage duquel on n'aperçut
aucune altération. Il recueillit les
voix , prononça l'arrêt avec un cal-
me , une présence d'esprit presque
surnaturels; « ce qui est , dit Gondi ,
» quelque chose de plus grand que
» la fermeté. » Le véritable danger
l'attendait au sortir de la grand'
chambre. Les chefs des factie
qui, tout en le haïssant, ne pouvaient
s'empêcher de l'estimer, ou qu'une
espèce de honte retenait encore, lui
proposaient de retourner chez lui
par les greffes. « Jamais la cour ne
» se cache, leur répondit-il; si j'é-
» tais assuré de périr, je ne commet-
» trais pas cette lâcheté, qui de plus
» ne servirait qu'à donner de la har-
» diesse aux séditieux. » Le coadju-
teur le conjurait au moins d'attendre
qu'il eût parlé aux mutins pour les
apaiser : « Eh! mon bon sei
gneur,
I
MOL
» lui dit ironiquement Mole, dites
» le bon mot. » Le coadjuteur, qui
devait sentir toute l'amertume de ce
reproche, ne put que l'admirer. Il
se mit, en sortant, au-devant de
Mole. Un bourgeois appuya son
mousqueton sur le front du prési-
dent, en le menaçant de le tuer; Mole,
sans détourner )a tète, sans écarter
Tarmc, lui dit froidement : « Quand
» vous m'aurez tue, il ne me faudra
» que six pieds de terre. » Et il
continua sa marche, sans doubler
le pas ( i ). Un des chefs de la Fronde
lui avait dit que c'était bien dom-
mage qu'on les eût abandonnés au
moment où plusieurs d'entre eux ve-
naient de conclure un traite avec les
j,no!s, sous la sauve-garde de
la compagnie : « Nommez-les, ré-
» pondit impétueusement Mole, et
» nous leur ferons leur procès coni-
» me à des criminels de 1 se-ma-
» jesté. » Tant de traits décourage,
de grandeur , arrachent au coadju-
teur ces expressions me'morables',
au-delà desquelles l'admiration sem-
ble forcée de s'arrêter : « Si ce n'é-
» tait pas, dit-il , une espèce de blas -
» phème de dire qu'il y a quelqu'un
» dans notre siècle plus intrépide
» que le grand Gustave et ML. le
» Prince, je dirais que ça été M.
» Mole, premier président s >. ;. » Ce-
I ut le traite de Ruel a\ ail pro-
duit d'heureux effets. Les partis
I rapproches; les frondeurs,
lifts, qni m* ttenl dans leui i ré-
lion , |in I. iiilrnt que
1 . Il'l ■ // 1 II
■:■■ d'un
m disent
Il , (pli nr «'un -
ut .1 ail-
XXI
MOL 289
excepte le duc de Beaufort et le coad-
juteur, reparaissaient à la cour, et le
roi était revenu à Paris. Mais le coad-
juteur , qui ne desirait que la prolon-
gation des troubles, cherchait à in-
terrompre un repos qui le condam-
nait à une insupportable obscurité.
Pour y parvenir, il n avait que deux
moyens : eeiui de se recoudre, com-
me il le disait lui-même , au parle-
ment, et celui d'attirer M. le Prince
dans son parti. Quant au premier, il
trouvait une opposition trop redou-
table dans l'inflexible Mole, dont
il était impossible de tromper la pé-
nétration ; et quant au second, Cou-
dé lui opposa une hauteur, un dé-
dain, qui dissipèrent toutes ses es-
pérances. Il ne lui resta plus qu'à
imaginer un moyen détourné pour
parvenir à sou but. Il le trouva
dans le mécontentement excité par
le retard des paiements des rentes
sur l'hôtel -de- ville : les rentiers
nommèrent des syndics pour sou-
tenir leurs droits. Mole s'opposait
de toute sa force à cette mesure,
qui instituai' un corps délibérant in-
connu jusqu'alors dans l'état. Gondi
et ses partisans imaginèrent un ex-
pédient qui pût forcer le parle]
à se mêler de ces intérêts, d'abord
d'une manière judiciaire, et bientôt
après d'une manière politique. Tel
fut le motif de l'assassinai simule' de
Joly, l'un de ces syndics, confident
intime du coadjuteur. Cet événement
produisit au palais ht fermentai ion
qu'on s'était promise; mais Mole
« d'assembler les chambres, et
(ii voir que ce procès ne devait être
soumis qu'aux formes ordii
Tandis que le parti du coadjuteur
pand en imprécati
1 irdinal , le pin
le premier président, qu'on a
hautement de cet assassiihi'
2Q0 MOL
un autre incident vient répandre des
impressions contraires : la voiture
de M. le Prince est attaquée, et les
frondeurs sont accuses à leur tour
de ce nouveau forfait. Cette dernière
affaire fit oublier celle de Joly ,
et se poursuivit criminellement dans
les chambres assemblées. Gondi et
ses deux consorts présentèrent une
requête de récusation contre le pre-
mier président , qui fut oblige de
descendre au greffe pendant qu'on
délibérait. « Ici la constance de Mo-
»Ié,» dit son biographe moderne,
» vint échouer contre l'injustice.
» C'est la faiblesse des grandes âmes
» de ne pouvoir la supporter. Il vit,
» avec douleur, une jeunesse fac-
» tieuse se venger de l'ascendant
» que ses vertus lui avaient donne'
» sur elle , et ses ennemis aperçu-
» rent enfin dans ses yeux quelques
» larmes. » La récusation fut rejetée
à la majorité de quatre-vingt dix-huit
voix contre soixante-deux ( 4 jan-
vier i65o ). Le lendemain , un con-
seiller , nomme Daurac , osa rap-
peler à Mole cette espèce d'humilia-
tion en termes outrageants. « Mole,
i) saisissant sa barbe (i), se leva,
» déclarant qu'il laissait sa place cl
» celui qu'on en croirait plus digne.
» Ce mouvement, dit le coadjuteur,
a fit une commotion , qui pensa de-
» venir fatale parmi tous les ^ens ar-
» mes des deux partis , dont les salles
» étaient pleines : si le moindre la-
» quais eût tiré l'épée , tout était
» confond'!. » Le provocateur de
cette scène imprudente alla Je soir
même faire ses excuses à Mole,, qui
lui parla avec douceur, et l'assura
qu'il ne se souvenait plus d'avoir été
offensé. Au reste celte affaire se dis-
(i) C'était son geste familier, quand il était y i ve-
inant emu»
MOL
sîpa en fumée , à cause de la foule
des témoins que la cour avait pro-
duits. Le grand Condé sentit qu'il
était joué j et il imputa, non sans
raison , à Mazarin , une machina-
tion , qui venait de l'abaisser à un
rôle aussi ridicule. Sa colère, ses
mépris , redoublèrent contre le mi-
nistre. Ses insultes s'étendirent jus-
qu'à la reine, qui, lasse enfin d'un
despotisme aussi violent , résolut
de le faire arrêter. Mule ne l'apprit
point sans la plus vive douleur : il
était sincèrement attaché à ce prince,
et par reconnaissance et par l'estime
que les hommes supérieurs s'inspi-
rent mutuellement , même quand
leurs intérêts deviennent contraires.
Alors ces intérêts étaient encore les
mêmes ; et Mole ne fut pas maître
des mouvements de son cœur. Dans
le discours qu'il fit à la tête du par-
lement pour demander !a liberté des
pi inces , il mit peut-être ses senti-
ments à la place des convenances ,
dit ici l'écrivain que nous nous plai-
sons à suivre et à citer. Le premier
président rappela , « avec la pins
» grande force, les services éclatants-
» de son héros , de son ami ; il le
» nomma le principal appui de l'E-
» tat ; il blâma sans ménagement la
» faiblesse et l'imprévoyance du gou-
» vernement , et fit sentir que le
» contre-coup de la mesure qui ve-
» naît d'être prise retomberait sur
» l'autorité royale elle - même. » Ce
discours ne pjut qu'au public, qui
applaudit toujours à l'attitude de la
résistance. Mais le duc d'Orléans se
trouva blessé de la supériorité qu'on
attribuait à M. le Prince; le cardinal
et la régente ne le furent pas moins :
il n'y eut pas jusqu'au jeune roi qui ,
alors âgé de treize ans , ne témoignât
une vive impatience contre le pre-
mier président. Mole s'aperçut bien-
MOL
tôt qu'il avait été emporte au-delà des
bornes de la prudence. II voulait sin-
cèrement la liberté des princes ; mais
il la voulait avec les formes légales ,
et tenait à ce que l'on conservât en-
vers la cour l'apparence de la soumis-
sion et du respect. Aussi , lorsqu'on
dressa chez lui la requête au nom du
parlement, il dit : «Voilà ce qui s'ap-
» pelle servir les princes en gens de
» Lien , et non comme des fac-
» tieux (i). » Mole observait avec
inquiétude tous les mouvements des
deux factions , qui se réunirent enfin
pour arracher à la régente une grâce
qui devait produire de tristes ré-
sultats. Frappés d'un bruit, vrai ou
supposé T que la cour devait encore
sortir de Paris , les séditieux pous-
sèrent l'audace jusqu'à se présenter
en armes au Palais ttoyal , et forcer
les portes de la chambre où le jeune
roi dormait. Cet attentat pénétra
Mole de la plus vive douleur. Lors-
qu'on apporta au parlement la lettre
de la reine , qui promettait d'élar-
gir les prisonniers, il ne put s'empê-
cher de s'écrier en poussant un pro-
fond soupir : « M. le prince est en
» liberté, et le roi , le roi notre maî-
» tre , est prisonnier ! » On avait en
même temps exigéd' Anne d'Autriche
l'éloignement de son ministre; et
Mazarin s'était retiré dans l'électo-
rat de Cologne. Condé triomphait,
plus puissant, plus exigeant que ja-
i 11 icrait ùillic il*- de naivre , <! i
labyi inthed'iuti igu > -j«ii occit| èreirt touiloa
i les ruées i i
Gotidi e t de Maxai i ni
an m .m. ni' pour
a un mot di' de-
MOL
9.9 1
brouille
politique
'!"
l'a,».
■ • ', déCui-
l'a fiu.
mld.
mais. L'orgueil- du prince ôfl
l'emporta sur les devoirs du sujet
fidèle; ses prétentions n'avaient plus
de frein : il demanda, ou plutôt il
prescrivit le changement du minis-
tère. La reine se crut heureuse île
donner les sceaux à Mole. Quant à
lui, cette grâce devait peu le tou-
cher ; il ne pouvait que servir à re-
gret une cabale si outrageuse pour
l'autorité du roi (1). En effet , les
factieux des deux Frondes, Gaston,
le coadjuteur , les amis de M. le
Prince , se réunirent bientôt contre
lui , et songèrent même à des moyens
de la dernière violence pour l'ecar-
ter. Anne d'Autriche , désespérée
qu'on lui enlevât le seul homme
sur la vertu duquel elle pût compter,
! !a résolution de le consulter
lui-même. Mole, en voyant son trou-
ble , ne la laisse pas achever, et lui
remetsur-le-champla elef'des sceaux.
La reine lui offre successivement le
chapeau de cardinal pour lui , une
place de secrétaire-d'état pour son
fils , une somme de cent mille écus.
Il refuse tout avec respect , sans at-
tacher plus de prix à la générosité
de son désintéressement qu'à la gran-
deur du sacrifice. Mole reprend sa
plac* de premier président, peut-être
avec l'orgueil de croire « que !..
» ce la plus difficile était toujours
» celle qu'il méritait le mieux. » De
nouveaux dangers l'y attendaient eu
effet : il allait avoir pour atlv
le grand Condé; et quelque ci.
qu'il éprouvât à combattre
qu'il admirait à tant de titres , il ne
balança pas tin iostani eôl
sentiments et ses devuirs. M. h»
IV". ce a ficelait dans sa conduite une
telle !
— ■ — ■ '
ftàilf II moiudi
MOL
It nient exorbitantes, que ses ennemis
l'accusaient d'aspirer même à la cou-
ronne. Feignant de croire qu'on vou-
lait attenter de nouveau à sa liberté ,
il s'était retiré à Saint-Maur, d'où il
ne revenait à Paris, qu'avec une es-
corte nombreuse. Mole , alarmé de
cet e'tat de choses, en lit, dans l'as-
semblée des chambres , des repro-
ches au frère de M. le Prince, don-
nant clairement à entendre qu'une
telle conduite pourrait devenir le si-
gnal de la guerre civile. A ce mot,
le prince de Gonti prit feu, et inter-
rompit avec force le premier prési-
dent , qui repondit, avec non moins
de vigueur , « qu'il ne devait pas être
foiré dans son discours; qu'à la pla-
ce où il était , nul autre que le roi
n'avait le droit de lui imposer silence;
qu'il n'avait point eu dessein d'accu-
ser personnellement M. le Prince;
mais que des mesures semblables à
celles qui étaient prises en ce mo-
ment, avaient souvent causé la guerre
civile, témoin celles qu'avaient allu-
mées le père , l'aïeul et le bisaïeul de
M. le prince de Conti. » Gaston ,
présent à la séance , apaisa celte al-
tercation , et recommanda les voies
d'accommodement. On était bien
éloigné de part et d'autre de s'y
prêter. Mécontent de ne pouvoir ob-
tenir à son gré une garantie irrévo-
cable de l'éloignement de Mazarin,
M. le Prince affectait de ne point
retourner à la cour, soit pour for-
tifier les craintes publiques , et l'in-
térêt que l'on portait à sa per-
sonne , soit pour braver la reine.
Mole n'épargnait ni les prières , ni
les remontrances , pour le fléchir.
« Faut - il , Monsieur, lui disait - il ,
» que vous vous présentiez ici sans
» avoir paru chez le roi , et que vos
» ennemis vous accusent d'élever au-
» tel contre autel? » Le Prince re-
MOL
pond que le premier président a
quelque intérêt à lui tenir ce langa-
ge. « Je n'en ai aucun, s'écrie Mole,
» et je veux bien le déclarer, quoique
» je ne doive compte de mes senti-
« ments qu'au roi. » Il part de là
pour peindre les malheurs qui doi-
vent résulter d'une fatale division,
et finit par cette vive apostrophe :
« Est-il possible , Monsieur , que
» vous n'ayez pas frémi d'une sainte
» horreur, après ce qui s'est passé
» au cours ( i ) ? » Gondé fait quelques
excuses; mais, comme Achille, il
reste courroucé, inexorable. La reine
accusait M. le Prince du crime de
lèse-majesté. Le public se partageait
entre les deux Frondes. Celle du
Prince, où se trouvait la populace la
plus animée, insultait le premier pré-
sident ; on l'appelait Mazarin; ou
menaçait sa vie. Le parlement n'é-
tait plus qu'une arène , où les deux
partis allaient se disputer la vic-
toire. Dans une telle irritation des es-
prits, une crise était inévitable : elle
arrivale 2 ï août; c'était le jour où l'on
devait entendre au palais ia réponse
de la reine au mémoire justificatif
de M. le Prince. Dès la veille, le co-
adjuteur y avait fait pénétrer des
gens à lui. Le matin, il les renforça
par les troupes que la reine avait
mises à ses ordres. Les dispositions
de Gondé ne furent pas moins dé-
monstratives. A sept heures , le pre-
mier président tenait l'audience or-
dinaire , « montrant, dit le coad-
» juteur, par son visage et par ses
» manières, qu'il avait de plus gran-
it des pensées dans l'esprit. La tris-
» tesse paraissait dans ses yeux,
» mais cette sorte de tristesse qui
» touche et qui émeut, parce qu'elle
(ï) 11 avait osé disputer le pas à l'escorte du
dans uie promenade.
MOL
y> n'a rien de l'abattement. » Le
coadjuteur arriva le premier; M. le
Prince vint ensuite , et tous deux se
délièrent par des menaces. Quatre
mille e'pc'cs allaient se tirer et se
croiser sous les voûtes du palais,
lorsque Mole, suivi de quelques-uns
de ses collègues, se précipita entre
le Prince et le coadjuteur, les con-
jurant, au nom de saint Louis, de ne
pas ensanglanter le temple de la jus-
tice. A la vue du magistrat suppliant ,
les combattants s'arrêtèrent; Condé
fut le premier à donner l'ordre à ses
gens de se retirer. Gondi sortit pour
en taire autant. En rentrant dans la
grand'-chambre, il se trouva la tête
prise entre les deux battants de la
porte. Ce fut M. de Cbam plâtreux ,
fils du premier président , qui le dé-
gagea , et 1 ui sauva la vie. 11 faut lire ,
dans les Mémoires de Retz, tous les
détails de cette séance trop mémo-
rable, et surtout les expressions ma-
gnifiques et sincères de sa reconnais-
sance envers Mole' et son fils. Quoi
qu'il en soit, celte journée orageuse
ne produisit aucune délibération. La
séance finit à dix bernes : tous ceux
qui y avaient figuré, se retirèrent ,
étourdis et presque honteux des ex-
cès qui avaient failli de la rendre fu-
neste. La reine crut avoir obtenu
un avantage; et passant rapidement
de la frayeur aux moyens de vio-
lence, elle voulait défendre à M. le
Prince et au coadjuteur de paraître
aux chambres. Mole s'y opposa. Il
lui représenta avec force les droits
que le Prince tenait de sa naissance ,
eut l'air de déprécier ceux du co-
adjuteur, malgré \c petit iervieeque
son (ils lui avait rendu le matin ( ce
furent ces i ps),et lui con-
serva son en parlement.
Gondi le remerci i de l'avoir tiré avec
honneur d'un ti as. « H
MOL
$93
» est sage de le penser , lui dit Mole,
» et encore plus honnête de le dire.»
Là-dessus , ils s'embrassèrent eu se
jurant une éternelle amitié. « Je la
» tiendrai, s'écrie Gondi , dans ses
» Mémoires ; je la tiendrai à lui et à
» toute sa famille avec tendresse et
» reconnaissance. » Dans tout le
cours de cette affaire , Mo'é s'était
couvert de gloire , se surpassant lui-
mêràe en courage, en prudence, en
générosité: un événement impatiem-
ment désiré de toute la France vint
ajouter un nouvel éclat à sa dignité.
On lui rendit les sceaux , le jour mê-
me où le roi venait faire reconnaître
sa majorité au parlement ( lit de jus-
tice du 7 septembre ). Condé, qui
avait refusé d'y paraître, quoiqu'on
y proclamât son innocence , appre-
nant que Mole rentrait au conseil ,
déclara qu'il ne retournerait plus à
la cour : il partit pour la Guienne,
contre son gré, dit le coadjuteur ,
et entraîné par les conseils de ses
amis; et de ce moment datèrent ces
pages déplorables que la Musc de
l'histoire aurait voulu retrancher
d'une si belle vie. Le 10, la cour
se transporta à Bourges. Mole resta
à Paris, tenant les sceaux et pré-
sidant le parlement. Les chefs des
partis le respectaient; mais le peu-
ple était toujours furieux contre lui
(i). Bientôt un ordre delà cour l'ap-
pelle à Bourges ; il est obligéde par-
tir. Son ame était navrée de tristesse,
(1) Un Jour qu'il travaillait avec le maréchal de
Schoinherg, ou vint l'avertît' qu'une troupe de force-
lit entrer daiu son hôtel , meuaçail d'enfon-
cer 1m portes, et demandait ta tele. Le maréchal lui
offrait ses suisses pour dissiper l'ait i oupeiueul
» monsieur le maréchal, lui ''.il Mol en sour'aut ,
» laissex-moi terminer seul celte affaire j i
» (oujoui la porte d'un
» a. 1 .1 .lrv.it être ouverte '< loul le "• ■
effel , ,l . v inntioi , lui
«m air sévère ce qu'ils v< uleut , !■ » menai e >!<• Ii - faire
p. ndre, i V '•s i '"*
prompte : la foule »e <l ssipa à l'iusiaut, cl .V
tourne achever son trw
MOL
en prévoyant les maus qui allaient
tondre sur la capitale. 11 pair, mai-
gre les instances do Gaston, du m;i-
îéchal de LTiôpilal, gouverneur de
Paris, et du eoxdjuîeur. 11 épanche
ses douleurs dans leur sein > et (ii.it
en adressant à Talon ces paroles re-
marquables : « Au reste, je porterai
» à la cour le même esprit dont vous
» m'avez vu anime dans la grand'-
v chambre; je ferai tous mes efforts
» pour empêcher le retour du car-
» dinal. Je dirai la vérité' ; après
» quoi, il faudra obéir au roi. »
C'était-là, en effet, le fond de son
ame et le système de toute sa conduite.
Tâcher d'écarter le ministre chargé
de la haine publique et l'auteur de
toutes les discordes, mais s'abstenir
de l'arracher avec violence ou avec
insulte à l'autorité qui le protégeait ,
dans la crainte de l'avilir, en la for-
çant de céder; telle était son opinion,
plus convenable peut-être dans une
monarchie paternelle et absolue, que
dans un gouvernement représentatif,
où la majesté du troue doit êde
sauvée par la responsabilité des mi-
nistres. Les vœux de Mole ne furent
pas accomplis. Mazariu revenaii à la
cour, amenant avec lui, de h Cham-
pagne-, une armée aguerrie et com-
mandée par Turenne. Loin de céder ,
ia cour prit le parti de résister à M.
le Prince. Ici commence une série
d'événements qui n'appartient phis à
notre travail. La cour suit les dra-
peaux du rival de Coudé : elle se ra p-
proche de la capitale , à mesure que
la victoire étend ses conquêtes. Le
parlement de Paris , privé de la pré-
sence de son chef, était à la merci
des factieux , qui se disputaient à
main armée le pouvoir dans l'en-
ceinte de la ville. Mole, attaché au
conseil , suit les quartiers du ici.
Après le combat du faubourg Saint-
MO?
Antoine, décidé par le canon delà
Bastille , après le massacre de l'hôtel-
de-viljc, les horreurs, la misère , la
confusion qu'entraînait un tel étal de
es , des négociations sont ou-
vertes : le roi ordonne au parlement
de se transférer à Pontoise. Mole s'y
trouve à la tête des membres les plus
lidèles de sa compagnie , auxquels il
fait partager la sagesse de ses pen-
sées. Cependant , on juge encore né-
cessaire d'écarter Mazarin , pour
accélérer la paix- intérieure. Enfin,
le génie de Turenne surmonte tous
les obstacles. Le ministre revient
triomphant. Tout fléchit , excepté
Condé , qui s'éloigne et va se livrer
à de graves erreurs : on oublie tous
les torts, on pardonne à tous les
coupables , hormis à Gondi , dont
l'audace factieuse est punie par la
perte de sa liberté, mais qui semble
encore défier le favori victorieux ,
de ses tristes et intrépides regards
( Bossuet, Oraison funèbre du chan-
celier Le Tellier ). Les maux de l'É-
tat louchent à leur terme. Le. beau
règne de Louis XIV a commencé.
Témoin de cette gloire naissante ,
pour laquelle il a si vertueusement
combattu , prêt «à combattre encore ,
s'il en était besoin, toujours chef du
conseil et du sénat , Mole meurt , le
3 janvier i656, au terme d'une heu-
reuse vieillesse entièrement exempte
des faiblesses de la caducité. Tel fut
le grand magistrat que nous avons
essayé de peindre. Au milieu des dan-
gers , des agitations qui exercèrent
son courage , il faut remarquer sur-
tout cette suite, cette tenue, cette
force de caractère , qui ne le laissa
îs dévier de la ligne droite qu'il
s'était tracée , dans les deux époques
si dilîérentes de sa vie politique.
C'est la vertu, la justice elle-même
qui brave les BK r.c autorité
MOL
violente, et qui tient toujours, d'une
main ferme et vigoureuse , les fais-
peaux consulaires , malgré les ca-
prices ou les fureurs d'une multitude
insensée. A coté de ces grandes qua-
lités , on observe des traits de sensi-
bilité qui pénètrent d'un sentiment
plus doux, témoin sa constante ami-
tié pour Saint-Cyran, sa facile indul-
gence pour une jeunesse téméraire
qui l'insultait jusque dans le temple
de la justice, et sa généreuse réconci-
liation avec le coadjuteur. Toutefois
l'historien fidèle ne saurait dissimu-
ler quelques imperfections qui trop
souvent ont nui au bien que Mole de-
vait faire. On l'a vu se livrer trop
facilement, tantôt à cette ironie ma-
ligne qui fait des blessures cruelles
et produit de longues inimitiés, tan-
tôt à cette impétuosité du premier
mouvement qui , en plusieurs occa-
sions, lui fit dépasser le but. Celte
aspérité de formes, qui aurait été
incompatible avec les mœurs plus
élégantes de la société , sous le règne
de Louis XIV , convenait peut-être
davantage à l'époque où Mole vécut ,
et surtout aux difficultés qu'il eut à
combattre. Son histoire est dans tous
les Mémoires du temps. Parmi les
écrits modernes qui contiennent son
Eloge , on distingue celui de M. Ilcn-
rion de Pansey ( Éloge de Mathieu
Mole , Paris, 177 0 ). L'arrière petit-
fils de Mole a aussi écrit la vie de
ce grand magistrat , sans dissimuler
le sentiment qu'il éprouvait , en rc-
:.it la gloire de sa famille, mais
blesser le devoir de l'historien
( Essais de morale et de politique ,
'le la vie de Mathieu Mo-
it, Paris, irt'><) ). D— s.
I r iwçois),pe^
iil-(ils du précédeM , ne' le 3o m. us
17"") , fi 1 président du
parlement es la démis-
MOL
29-)
sion de Picnc Charles de Maupeou,
en 1707, et se démit, en 17G • .
faveur de Maupeou le fils, <!
chancelier. Ce magistrat mourut à
Pari-, on 1 79 > , et laissa pour (ils :
MOLE DE ClIA^ÎPLATliLLX ( É-
douard- François- Mathieu ) , né le
5 mars 1700, qui devint président
à mortier, en 1788. Il avait émi-
gré , et rentra au temps prescrit
par les décrets de l'assemblée natio-
nale. Croyant pouvoir servir mieux
Je roi dans l'intérieur de la France,
il lui écrivit dans ce sens; la lettre
fut trouvée dans l'armoire de fer.
Ce ne fut pas le seul motif de pros-
cription qui le fit monter sur l'é-
chafaud révolutionnaire : il avait
souscrit, avec plusieurs de ses collè-
gues , la protestation du parlement
contre les opérations de l'assemblée
constituante. Ce magistrat périt le
1er. floréal an 11 ('20 avril 1791 ):
il avait épousé une des filles du
garde-des-sceaux Lamoignon, et il
en eut le comte Mole , aujourd'hui
pair de France. D — s.
MOLE (François-René* ) , célèbre
comédien, dont le véritable nom était
Molet ( 1) , naquit à Paris, en 1784.
Sou père était un graveur pauvre et
obscur. Le jeune Mole, après avoir
été successivement clerc de notaire
et commis d'un intendant des finan-
ces, sentit qu'il avait plus de
tion pour le théâtre que pour les af-
faires : il trouva moyen de débuter
à la Comédie -Française (le 7 oc-
tobre 1754 ), quoiqu'il eut à peine
vingt ans, et qu'il ne se fût encore
exercé que. sur des théâtres d'ama-
teurs. Sêfi premiers essais furent en*
1 1 Lemazttrîer pr< teud nue Pm »Gm dm . t I. *
tu l'ptiuille du yr««<Uol
?.f)6
MOL
courages : il joua , avec chaleur et
intelligence, le rôle ■ ieus,
ni d'Olinde ( dans la comédie
intitulée Zéneïde), et' continua ses
débuts par ceux de Néreslan, S<
etc. Les femmes, surtout, furent en-
chantées de ses grâces naturelles, et
<iu charme particulier qu'il savait
donner à l'expression de l'amour :
néanmoins les comédiens jugèrent
qu'il avait besoin de parcourir la
proyince, pour acquérir l'usage de
la scène ; et • ce fut seulement en
1760 (le '28 janvier) qu'il obtint
la permission de recommencer à
Paris ses débuts : ils lurent heureux
et même brillants. Reçu, en 1761 ,
pour les jeunes premiers et les amou-
reux , il ne tarda pas à mériter la
confiance des auteurs dramatiques ,
qui s'empressèrent de lui donner dans
presque toutes leurs pièces nouvel-
les , des rôles importants. La comé-
die à' Heureusement , où il remplit
le personnage d'un jeune otïicier ,
avec la légèreté la plus piquante, fut
une des premières qui lui valurent
un succès de vogue. Ce fut environ
à la même époque qu'il représenta
le marquis du Cercle , rôle de fat ,
dont son jeu brillant et original fit
presque tout le mérite, et dans le-
quel plusieurs petits-maîtres de la
cour et de la ville voulurent bien-
tôt Je prendre pour modèle. Il se-
rait trop long de citer ici tous les
autres ouvrages dramatiques qui lui
fournirent des occasions , plus ou
moins favorables , de développer
son talent : nous nous bornerons à
dire que l'espèce d'engouement, dont
il se vit l'objet, tint long-temps de
l'idolâtrie; un seul fait en donnera l'i-
dée. Dans le courant de 1 766, cet ac-
teur est atteint d'une fluxion de poi-
trine : à peine en sait-on la nouvelle ,
cjue l'alarme se répand dans toutes les
MOL
classes de la société; chaque soir , le
public demande aux acteurs des nou-
de Mole; des bulletins de sa
santé circulent à toute heure dans
Paris : l'idée d'une calamité publique
n'aurait pas inspiré de plus vives in-
quiétudes. Tous les sujets de crainte
sont-ils passés, chacun veut contri-
buer, pour quelque chose, à la con-
valescence du malade. Les vins les
plus exquis , les analeptiques les plus
recherchés, lui sont, envoyés de toutes
parts. La cour, et le roi lui-même, lui
prodiguent de riches présents. Quel-
que intéressants que fussent les jours
de Mole, on ne peut nier qu'il n'y
eut, dans cet enthousiasme général,
une exagération un peu ridicule. Plu-
sieurs beaux-esprits du temps en fi-
rent l'objet de piquantes railleries.
Le chevalier de Bouliers , entre au-
tres , composa des couplets , qui
commençaient ainsi : Quel est ce
gentil animal, et dont nous ne rap-
porterons que ce passage :
L'animal , un peu lib'. ri in ,
Tombe malade un b< bu matin ;
VoiFi t"iit Paris dans la pt ine ,
On crut voir la mort de Turenne :
Ce uVt;>if , pourtant , que Molel ,
Ou le singe de Nicolet (i).
( Voyez les Mémoires secrets de Ba-
chaumonl, où la chanson est entiè-
rement rapportée. ) Mole est malade,
disait-on au marquis de Bièvre : —
Quelle fatalité ( quel fat alité ! ) ré-
pondit ce fameux faiseur de calem-
bourgs. Toutes ces malignes facéties
n'empêchèrent point l'acteur chéri
de recevoir encore de nouvelles mar-
ques de la munificence publique. Une
repiésentation fut donnée à son bé-
néfice, sur un pe.tit théâtre construit
exprès à la barrière de Vaugirard;
et, quoique la salle pût à peine con-
(1) Il y avait alors, au théâtre rie Nicole!, un siuge
ejui, par sts lourd iuer\tilleux , attirait la foule.
MOL
tenir six cents personnes, la recette
s'éleva à plus de vingt-quatre mille
francs. 11 est inutile d'ajouter que la
rentrée de Mole à la Comédie- Fran-
çaise lui valut un nouveau triomphe.
Nous sacrifions ici une loue d<
tails et de petites anecdotes de cou-
lisses , qui ont peu d'intérêt pour
l'histoire , et dont la véritable place
n'est, d'ailleurs, que dans les chro-
niques scandaleuses. L'année 1778
fut marquée par des événements qui
procurèrent à Mole le moyen d'a-
grandir sou répertoire : Lekain et
Bcliecour moururent. Jusque-là,
Mole n'avait encore joué, uans les
pièces anciennes des deux genres ,
que des rôles du second ordre, dont
il avait su , à la vérife' , faire des pre-
miers rôles : il crut devoir alors pro
fiter de son droit d'ancienneté, pour
remplacer à-la-fois ees deux acteurs.
Ses efforts ne furent pas sans succès
dans le grand emploi de ia tragédie.
Cependant, comme il y restait très-
évidemment au-dess* q pré-
décesseur, et qu'il se fatiguait ex-
traordinairement , il prit le parti de
résigner en faveur de ses doubles.
Larive. dont V xtéri ix et
toutes les habitudes théâtrales étaient
héroïques, n'eut pas de pane 1 l'y
faireoublier. Mais Mole fi
beureux dans les premiers rôles
de la < où, du moins, il ne
trouva pas de rivaux. S'il n'y repro-
duisit pas tout-à-fait la noblesse et les
grandes manières de Bellecour, il
l'emporta de beaucoup sur ce comé-
dien , pour la chaleur de l'action, la
fincssi riété des intentions, et
le brillant prestige du débit. Ce fut
dans l'année 1778, que Mole,
chargé deprononcer, au théâtre, le
discours d< publi-
quement des h \ «baire
qui assistait , ce jour-U
MOL
tacle , et qu'il jeta en même temps
des fleurs sur ia tombe de Lekain.
Ce discours, médiocrement écrit,
mais non dépourvu d'idées , fut ap-
plaudi avec transport. Mole avait
eu le tort de le faire lui-même, sans
vouloir consulter personne. Cet ac-
teur n'était pas sans esprit : il par-
lait même de son art d'une manière
fort intéressante; mais, ni ses dispo-
sitions naturelles, ni le grand usage
du monde, n'avaient pu lui tenir en-
tièrement lieu des premiers éléments
de l'instruction classique. Arrivé à
l'époque de la révolution , il en em-
brassa d'abord les principes, sans
toutefois afficher l'exagération. Sa
réputation de civisme le préserva du
sort de ses camarades , les comédiens
français, qui furent tous incarcérés
en 1 790; et il s'attacha au théâtre de
Mlle. Montansier , où , forcé, par une
trop juste crainte, de suivre la route
malheureuse dans laquelle il s'était
engagé , il prostitua son talent aux
plus honteuses productions de l'es-
prit revolutionnairc.il eut la douleur
d'y jouer le rôle de Marat ( 1 ) ; nous
disons la douleur, car il ne put long-
temps la dissimuler: ce fut même le
sujet d'une assez vive altercation ,
qu'il eut avec l'auteur de la pièce
ignoble dont Marat était le héros.
Celui qui rapporte ce fait, en fut le
témoin oculaire. A l'époque où le
gouvernement rassembla tous !<
inents de l'ancienne Comédie-Fran-
çaise, Mole, qui s'était successive-
ment attaché aux théâtres de 1V\-
deau et de Louvois, se réunit enfin
anciens camarades , le 3 mai
1 79g ; et , quoiqu'il lut déjà d'un âge
avancé, il y lit encore, jusqu'à
poque de sa mort, c'est-à-dire pen-
dant trois ans et demi, le service
(0 D«U li> CatiUna modciuet.
2C)8
MOL
le plus pénible. Ce qu'il y eut alors
(le très-remarquable, c'est que ja-
mais, aux plus belles époques de sa
vie théâtrale, il n'avait montre plus
de vivacité et de talent. C'était une
admirable réunion de toute la cha-
leur brillante qui accompagne la jeu-
nesse, avec toute la sûreté de goût
et de jugement qu'on n'acquiert que
par l'expérience. Une représentation
que la Comédie-Française donna à
son bénéfice, en 1802, et dans la-
quelle il joua le rôle de Y amant
bourru , lui valut au moins 3o,ooo
francs. On assure que ce fut une des
causes de sa mort. Cette somme , mal
employée, lui servit presque entière-
ment à payer des plaisirs , qui ne
devaient plus être ceux d'un vieil-
Jard; et, après une maladie d'épui-
sement, dont la durée ne fut que
trop prolongée , il mourut dans
d'horribles souffrances, le 1 1 décem-
bre i8o'2. Toute la Comédie-Fran-
çaise, tous les acteurs des théâtres
de la capitale, une députation de
l'Institut (dont il était membre de-
puis l'origine (1)), et une foule
d'hommes de lettres, assistèrent à
ses obsèques. Deux discours furent
prononces sur sa tombe, l'un par
Monvel , son camarade; l'autre, par
M. Mahérault, commissaire du gou-
vernement près le Théâtre -Fran-
çais. Mole peut, à juste titre, être
1ère comme un des plus habiles
comédiens que nous ayons eus depuis
Baron. 11 avait contracté, dans la
tragédie , certaines habitudes qui
(1) La loi rfu 3 l-rumaîre an IV autorisa le direc-
toire ej
ronl les
lé fut <iii nombi e 'les
oii.uarl- eu ho s conié-
(Irand-
' nr art
s'ils veu.eal è'.re admis dans ce corps à d'autres litres,
A. B— T.
MOL
s'accordaient quelquefois mal avec
la sévérité du genre. « Plein d'esprit
et d'à me, dit Laharpe, il a déna-
ture la déclamation tragique, en y
portant les tons tâtonnes, la vivacité
bavarde, les nuances familières, qui
appartiennent a la comédie; sa répu-
tation et ses succès ont égaré tous les
jeunes acteurs qui vont s'exercer en
province, et qui, ne pouvant imiter
sa sensibilité et ses grâces, ne savent
plus que trépigner et bégayer comme
lui. » Toutefois, malgré ces imper-
fections , Mole n'a pas laissé de
créer, avec un succès mérité, des rôles
de tragédie très-difficiles et très-fati-
gants, notamment celui de Hamlet.
En admettant au surplus, que Mole
ne fût pas toujours au niveau de sa
réputation lorsqu'il chaussait le co-
thurne , par quelle supériorité incon-
testable ne nous en dédommageait-
il pas dans la comédie ! Que d'ai-
sance, que de feu, que de vérité,
et quelle variété inépuisable d'inten-
tions dramatiques ! S'il faut s'en rap-
porter aux vied lards qui ont vu sa
jeunesse, nul ne jouait mieux que
lui la fatuité vive et légère; nul,
dans le genre lugubre du drame, ne
portait plus loin l'effet pathétique.
On en cite pour exemple, d'une part,
les applaudissements qu'il était sûr
d'obtenir clans le marquis du Dis-
sipateur , dans le Chevalier à la
mode , dans le marquis de Turcaret,
et, d'une autre part, les pleurs qu'il
faisait répandre, la terreur dont il
remplissait la scène , lorsqu'il jouait,
ou le Beverley de Saurin , ou le
Saint-Albin du Père de famille. Son
talent, disait, il y a vingt ans, l'au-
teur de cet article, dans une cri-
tique du théâtre, est si naturel, si
varié, si chaud, si brillant; son
intelligence est si étendue , que ,
« quel que soit le caractère de so
MOL
»'rôle , sombre ou comique , flcgma-
» tique ou impétueux , ouvert ou con-
» centre, galant ou bourru- il sait al-
» ternativement , sans charge, sans
» charlatanerie , v faire rire ou
» pleurer , suivant les intentions de
» l'auteur. Jamais il ne cesse de par-
» 1er au cœur ou à l'esprit , et le plus
» souvent , il parle à tous deux à-
» la-lois. » Mole était d'une taille
moyenne et d'une figure agréable _j sa
corpulence, dans les derniers temps,
était devenue un peu épaisse , sans
pourtant nuire à la vivacité de ses
mouvements. Sa voix, qui avait plus
de timbre que de corps , laissait dési-
rer, dans la tragédie, plus de gravité
de sons , et plus de mordant. Il était
tellement comédien , et il avait une
présence d'esprit si extraordinaire,
qu'il lui arrivait fréquemment de
jouer tout un rôle qu'il ne savait point,
et d'être par conséquent en rapport
continuel avec le souffleur , sans que
le public pût s'en apercevoir. Des
critiques un peu vétilleux ont re-
marqué que Mole avait souvent un
balancement de bras trop précipité ;
qu'il portait sans cesse la main à
sa bouche ; qu'il disait presque tou-
toujours Ma-ame, au lieu de Ma-
dame ; et, enfin , qu'il lui arrivait de
négliger quelque* o diction.
Mais en faisant ces observations , il
eût été juste de ne pas, nous donner
pour des défauts réels , ce qui n'était,
en lui, qu'un abus de talent, une !
imperfection , néede l'habitude. ( ictlc
imperfection même, à laquelle Mole
nais avait accoutumés, pouvait être
jusqu'à un certain point, justifiée par
exactitude
les petits-n: temps. Ainsi que
«eus i », Mole n'était
pas éciïva; outre les
qu'il fit à k i] pr0-
MOL
299
nonça en séance publique au Lycée
des arts, le 1 1 août 1 793, \\i\ éloge de
Préville; et, le (i septembre l*
celui de M11*. Dangevilie : de plus , il
donna, sous son nom, une petite co-
médie intitulée le Quiproquo, la-
quelle ne fut pas favorablement ac-
cueillie. Il a aussi composé un Eloge
de Mlle. Clairon : il y a de lui quel-
ques lettres dans le Journal de Pa-
ris , et quelques poésies dans divers
recueils. Enfin , l'on trouve, dans un
Supplément aux Mémoires de Le-
kain , une assez bonne notice de
Mole sur le talent de ce grand tra-
gédien. Mole avait épousé, en 1 16g ,
une actrice du Théâtre - Français,
M,1(\ Dépinay, qui joignait alors aux
grâces de la figure, un talent assez
agréable. Cette actrice , connue de-
puis sous le nom de Mme. Mole, dou-
blait Mme. Préville, dans les rôles
de grandes coquettes. Elle avait de
l'intelliocncc; mais un grasseyement
assez prononcé musait à sa diction.
Elle mourut, en 1^83, à la suite d'une
maladie longue et doul oureuse. Voyez
la Vie de Fr.-îi. Mole , comédien
français , et membre de F Institut
national de Fran> e , Paris , am xi ,
(i 8o3) , tn-iâ , de 2tx3 ]^. , devenu
tris-rare. Sur le frontispice même
est gravé le buste de Mole ( de pro-
fil ). Les auteurs sont MM. Etienne
elNaulcuil. F. P — t.
MOLESWORTH (Robert), di-
plomate irlandais , naquit à Dublin,
en décembre i656. Le zèle qu'il mon-
tra eu faveur du prince d'Orange , * u
i , lui attira des persécutions du
parti oppose' \ niais des que ce prince
fut monté sur le trône d'Angleterre ,
il le nomma consciller-d'état ; et Mo-
traordinaire , à la coi
Danemark . où U dem< ura troi
lu bout de <
MOL
manifesté des prétentions injustes et
ridicules, comme de chasser le gi-
bier du roi , il lui fut défendu de re-
paraître à la cour : prétextant des
affaires indispensables, il partit sans
audience de congé , et revint en An-
gleterre. Il publia, quelque temps
après, un ouvrage intitule : Relation
du Danemark , où il s'attache à re-
présenter le gouvernement de ce
royaume comme arbitraire et tyran-
nique. Le succès qu'eut cet ouvrage ,
attira l'attention de la cour de Da-
nemark, qui y fit repondre par le
docteur Guil. King. La liberté' avec
laquelle Molesworth parle , dans son
livre , de la religion , qu'il semble re-
garder comme une imposture , mais
comme une machine politique utile,
lui valut l'amitié du comte de Shaf-
tesbury , auteur des Caractères , et ,
pour la lui prouver, celui-ci voulut
épouser une parente de son ami ; ce qui
cependant n'eut pas lieu. Elu mem-
bre de la chambre des communes ,
tant en Angleterre qu'en Irlande,
Molesworth y montra beaucoup de
fermeté , de talent et de fidélité à
ses principes politiques. Il fut con-
seiller-privé de la reine Anne , jus-
qu'en 1 7 1 3 'y fut nommé , en 1714?
conseiller- privé de George Ier. , en
Irlande , commissaire du commerce
et des plantations , et élevé à la pai-
rie , en 1716, avec le titre de baron
de Philipstown , et vicomte Mo-
lesworth de Swordes , en Irlande.
Il était membre de la société royale.
Il mourut dans sa terre de Breedens-
town , le 'il mai 1725 , laissant*
onze enfants, dont une fille nommée
Marie , d'un caractère peu commun ,
qui épousa George Monk, et de la-
quelle on a des poésies estimées. On
connaît encore de lord Molesworth
une Adresse à la chambre des com-
munes , pour l'encouragement de
MOL
l'agriculture , et la traduction de
l'ouvrage latin du jurisconsulte Hot-
man , intitulé : Franco - G allia.
Cette traduction fut réimprimée, en
1721 , in-8°. , avec des additions et
une nouvelle préface par le traduc-
teur. L.
MOLEVILLE ( Antoine Fran-
çois de Bertrand ). V. Bertrand
au Supplément.
MOLIERE (François de) , sieur
de Molière et d'Esscrtines, était qua-
lifié gentilhomme du Bi ionhais (pro-
bablement au diocèse d'Autun ). Il
vivait à la cour, et fut assassiné (1)
assez jeune, en i6'23, au plus tard,
puisqu'Anne Picarde! prend le titre
de sa veuve, à la tête du volume dont
elle est l'auteur, et qui est intitulé :
Odes spirituelles sur l'air des chan-
sons de ce temps, seconde éd., Lyon,
i6i3 , in-8°. On avait de son mari :
I. La Semaine amoureuse , 1620,
in-8°.j c'est un roman. IL Le Mé-
pris de la cour, imité de l'espagnol
de Quevara, 1621,111 8°. III. La
Polixène, avec la suite et conclusion,
par Pomeray , i63'2, 2 vol. in -8°.
On voit que ce roman est un ouvra-
ge posthume, et qu'il avait été laissé
imparfait. Sorel dit que la Polixène
n'est qu'une imitation de l'histoire
de Daphnide dans VAstrée. Depuis
on a imprimé la Fraie suite de Poli-
xène , suivie et conclue sur ses Mé-
moires, i634, in-8°. IV. Lettres
(au nombre de sept) , dans le recueil
de Faret, 1627 , iu-8°. {F. Faret,
XIV, i53.)La table du Catalogue
de la Bihl. du roi (belles-lettres; at-
tribue ces lettres à Poquelin de Mo-
lière. C'est une transposition éviden-
te, puisque, lorsque ces lettres paru-
(0 D'après un passage du Bergrr extravagant , de
Sorel (Remarques sur le livre XIII, tom. il), p.
708 de P rtition de 1728 ), il paraîtrait qu'i f'ulas-
*as>iiie par eux qu'il tenait [Jour it$ amis.
MOL
rent pour la première fois, l'auteur
du Tartuffe n'avait que sept ans.
V. Quelques pièces de vers, dans les
Délices de la poésie française (edit.
de 1620, publiée par Baudouin )
page 48 1-5 12). Le seul Dictionnaire
historique qui parle de François de
Molière , est celui de Moréri , qui
lui a consacre' deux lignes et de-
mie, et qui lui attribue des Pièces de
théâtre. C'est une erreur, conservée
même dans le Moréri de 1709 ; ce-
pendant elle avait e'té relevée par La
Monnoye, dans une de ses notes sur
les Jugements des savants, par Bail-
let,in-4°.,t.iii, 1 24, ou in- 1 2, tome
11, 3e. partie, page 4^' Non-seule-
ment Fr. de Molière n'a fait aucune
pièce de théâtre ; mais il est douteux
qu'une tragédie de Polixène , attri-
bue'e par Léris, à un Molière, qu'il
dit avoir été comédien, et surnom-
me le tragique , ait jamais cxÉfc'.
Voltaire, dans sa Vie de Molière ,
parle en effet d'un comédien nommé
Molière, auteur d'une tragédie de
Polixène. La Biblioth. du Théâtre
français ne mentionne sous ce titre
que les pièces de Behourt , Bilîiard ,
Lafosse et d'Aigueberre; et la pièce
attribuée à Molière le tragique, n'exis-
tant ni dans la collection de Pont de
Veslc, ni dans celle de La Vallière ,
ni dans celle de M. de Soleines , on
peut presque assurer qu'elle n'a ja-
mais été imprimée, et même présu-
mer que du titre d'un roman on a fait
celui d'une tragédie. La Bibliothèque
des théâtres, par Maupoint, que pa-
raît avoir copiée Leris , et que Vol-
taire n'asuiviequç trop souvent, s'au-
torise d'une épigramme de Racan,
qui s'applique très-bien au roman. La
Monnoyr. Baillet,
n'\ <){(>, parle d'un amie Molière ,
auteur d'un Dictionnaire francois
historique. Cet auteur n'i
MOL 3ot
Juigne, sieur de la Broissinière, et
sieur de Molière ( V. Juignj: . XXII,
na). A. B— t.
MOLIÈKE (Jean-Baptiste Po-
QUELIN, quia rendu si fameux le
nom de ), naquit à Paris, le quinze
janvier 1622 ( 1), de Jean Po-
quelin, marchand tapissier, et de
Marie Cressé, dont le père exerçait
la même profession. Destiné par
ses parents à les remplacer dans leur
commerce, après les y avoir aidés,
il ne savait encore, à quatorze ans
qu'un peu lire, écrire et compter.
Heureusement il avait un grand-père
qui aimait fort la comédie, et qui le
menait quelquefois avec lui à l'Hôtel
de Bourgogne. Il n'en fallut pas da-
vantage pour lui inspirer le dégoût
de son état , et l'envie d'acquérir
l'instruction dont il se sentait juive.
11 obtint de ses parents, non sans
beaucoup de peine, qu'ils le fissent
étudier; et il fut envové comme ex-
terne au collège de Glermont. Les
circonstances les plus favorables à
sa fortune et à son génie l'attendaient
dans cette maison. Il y eut pour ca-
marade de classes Armand de Bour-
bon, prince de Gonti, dont la pro-
tection affectueuse devait lui être
utile plus d'une fois dans la suite.
Chapelle suivait les mêmes cours,
Chapelle, fils naturel de Lhuillicr,
riche magistrat, qui lui avaii d
pour précepteur le célèbre Gassendi,
el pour compagnon d'études Bernier,
alors enfant pauvre, et depuis homme
fameux pai dans l'Inde.
Cassen li, frappe des beureuses dis-
positions du jeune Poquelin , l'admit
aux leçons particulières qu'il donnait
à ses deux élèves : faveur dont jm.it
me s I.!.' nvoir ■ tabli i <■ poi
teraiio , iar dri preu\ ■
3o-2 MOL
également Cyrano de Bergerac , qui
n'en profita pas tout-à-fait aussi bien.
Dans les entretiens du sage qui avait
combattu, et souvent avec succès,
Aristote et Descartes, les deux gran-
des puissances rivales delà philoso-
phie antique et moderne, Poquelin
contracta l'habitude de ne soumettre
sa raison à aucune autre autorité
qu'à celle de la vérité démontrée.
La morale d'Epicure, presque éga-
lement calomniée par ses adversaires
et par ses sectateurs , mais vengée
des uns et des autres par les écrits
et surtout parles mœurs du vertueux
prêtre de Digne, celte morale fut celle
que Poquelin adopta dès loi s , et qu'il
professa toujours. Quant à la phy-
sique des atomes, pour être plus
ancienne que celle des tourbillons ,
elle ne dut pas lui en paraître moins
chimérique • et tout porte à croire
que, sur ce point, il ne demeura pas
fidèle aux enseignements de son maî-
tre. Il lui en resta toutefois une cer-
taine prédilection .pour le poème de
Lucrèce , qu'il entreprit plus tard de
traduire en vers. Un valet ayant par
mégarde déchiré quelques feuillets
de cette traduction, il jeta, de dépit
tout l'ouvrage au feu. Sa mémoire
en conserva seulement quelques
vers qu'il plaça dans une scène
du Misanthrope. Poquelin le père
avait une charge de vaiet-de-cham-
bre tapissier du roi, que son grand
âge ou sa mauvaise santé l'empêchait
de remplir. Le fils , qui en avait
obtenu la survivance , et en exerçait
les fondions, fut obligé de suivre
Louis XIII dans le voyage que ce
prince fit à Narbonne, en 164 1. Re-
venu à Paris avec la cour, son goût
pour la comédie se réveilla plus vif
que jamais. La passion du cardinal
de Richelieu pour les amusements
dramatiques s'était communiquée à
MOL
la nation; et de toute part , dans la
capitale, s'ouvraientdcs théâtres par •
ticuiiers, où l'on allait applaudir in-
distinctement Rotrou et Desmarcfs,
Corneille et Scudéry. Poquelin réunit
plusieurs jeunes gens, qui avaient
ou croyaient avoir du talent pour la
déclamation. Cellesociété, qui éclipsa
bientôt toutes les autres , fut ap]
Y Illustre Théâtre. Ce fut alors que
Poquelin, déterminé à suivre la vo-
cation, prit le nom de Molière, afin
sans doute que ses parents n'eussent
pas à lui reprocher de tramer et de
prostituer leur nom sur des tréteaux.
Si nous sourions aujourd'hui de cette
délicatesse bourgeoise, c'est par une
espèce d'anachronisme , c'est en dé-
plaçant les époques et en confon-
dant les idées. Molière, à son début,
n'était qu'un comédien sans renom
et peut-être sans talent, légitime sujet
d'nîquiétude et de chagrin pour sa
famille, dont l'honnête obscurité ne
pouvait prévoir quelle glorieuse il-
lustration elle recevrait un jour de
son génie comme poète. Les troubles
de la Fronde vinrent interrompre
les jeux du théâtre. Molière dispa-
raît dans cette ridicule tempête, et
ne doit plus se remontrer qu'à l'épb-
que où l'autorité royale aura recon-
quis ses droits par des transactions
plus victorieuses que ses armes. Ce
moment arrivé, Molière, à la tête
d'une petite troupe qu'il avait for-
mée, se mit à parcourir la province
pacifiée, préludant aux merveilles
de son art par de petites pièces bouf-
fonnes,composées à lahâte et jouéesà
Vimprovisade, comme les farces ita-
liennes, dont elles n'étaient souvent
qu'une imitation. Sa première pièce
régulière fut V Etourdi y représenté à
Lyon en i653. A son arrivée dans
celte ville , il y avait trouvé une autre
troupe de comédiens , que le public
MOL
abandonna promplement pour la
sienne, et dont les principaux sujets
s'attachèrent dis -lors à sa fortune
pour ne plus s'en séparer. Avec ce
renfort , ii se rendit à Beziers , où son
ancien condisciple, le prince de Gonti,
tenait les états de Languedoc. Spécia-
lement charge' d'amuser la ville, l'as-
semblée et le prince, il fit passer en re-
vue, devant eux , toutes les pièces de
son petit répertoire , qui venait de
s'enriinir du Dépit amoureux. Le
•_rnre , charmé de son esprit et de
son zèle, lui offrit de le prendre pour
secrétaire : il refusa. Qui put lui faire
préférer à ce poste tranquille, avan-
tageux et honorable , la vie errante ,
nécessiteuse et presque humiliante
de comédien de campagne? Son gé-
nic , sans doute , qui le retenait in-
vinciblement dans la carrière où il
devait s illustrer ; sa passion pour la
gloire , qui venait de lui faire goûter
ses premières faveurs ; le scrupule ,
a-t-oif dit, qu'il se faisait de laisser
là de pauvres comédiens amenés de
loin, qui s'étaient liés à son sort,
dont le leur semblait entièrement
dépendre j peut-être aussi d'autres
motifs moins nobles , tels que rem-
pire de certaines liaisons , et un [jeu
de goût pour cette existence
bonde et agitée, mêlée de loi
de travail, de peine et de pi
d'abondance et de détresse , qui ,
malgré son asservissement réel , offre
à la folle jeunesse la séduisante image
de l'indépendance. Molière, après
avoir continué quelque tein
courses dans le midi de la France,
se rapprocha de la capitale , où l'at-
tirait en s< cr< l l'espoir d'une meil-
leure fortune et d'une plus grande
renommée : i!
p retrouva la protecl m au-
guste camarad.
elle, acquit des protections plus e!e-
MOt
3o3
vées encore : celles de Monsieur,
frère du roi, et du roi lui-même.
C'est sous leurs aupices et en leur
présence, que, le 3 novembre i658,
il fit l'ouverture d'un théâtre qu'il
devait enrichir, en moins de quinze
années, de plus de trente ouvra-
ges, dont la moitié sont des chefs-
d'œuvre. Paris , pris à son tour
pour juge de V Etourdi et du Dépit
amoureux y confirma le jugement de
la province. On admira , dans la
première de ces pièces , malgré les
vices du plan et les incorrections du
style , le comique franc de plusieurs
situations , cette fécondité d'imagi-
nation qui renouvelle tant de fois drs
stratagèmes si souvent déconcertés,
surtout ce dialogue gai, rapide, na-
turel , qui anime constamment la
scène , et dans lequel chaque person-
nage se peint lui-même des couleurs
qui lui sont propres. Dans le Dépit
amoureux, on applaudit avec trans-
port cette admirable scène debrocil-
lèrie et de raccommodement , déli-
cieuse image d'une nature char-
mante, que Molière a reproduite plu-
sieurs fois sans la surpasser , et qu'on
a mille fois répétée d'après lui sans
l'égaler jamais. Dans ces deux 01-
s , Molière a suivi , avec la
fouie de ses devanciers et d<
contemporains , la roule tracée par
omiqnes italiens et espagnols.
11 va s'ouvrir une carrière nouvelle
où il n'aura d'autre guide que son gé-
! (es Précieuses ridicules ( i
i ïsent; et les ruelles, ces orgueil-
i ù l'affectation déna-
turait à-la fois l'esprit et le senli-
menl , dont le jargon infestait h lit-
térature comme , sont tout-
à-coup frappées de consternation.
Ménage , qui avait long-temps
fié à ces fauss<
que, sur les ruiu
Zo.\ MOL
allait s'élever celui du véritable es-
prit , dit a Chapelain , comme autre-
fois saint Rémi à Ciovis : II nous
faudra briller ce que nous avons
adoré , el adorer ce que nous avons
brûlé. Un vieillard s'écria du milieu
du parterre : Courage, courage ,
Molière , voilà la bonne comédie !
et ce cri du vieillard a et c' répété par
la postérité. Aux Précieuses ridi-
cules succéda le Cocu imaginaire
( 1660), petite pièce dans laquelle
Molière , peut-être importuné des
scandaleux succès de Scarron , sem-
ble avoir emprunté ses armes pour
le vaincre , et l'emporte en effet
sur lui par des mœurs plus vraies ,
une gaîté plus naturelle, une bouffon-
nerie de meilleur goût. Il avait déjà
montré assez de mérite et acquis
assez de célébrité pour avoir des
envieux. Ceux-ci prétendirent qu'il
n'avait de talent que pour la farce ,
et qu'il était incapable de s'élever
jusqu'au genre noble et sérieux. Cette
espèce de défi avait tout le danger
d'un piège , s'il n'en avait la perfidie.
Molière, en l'acceptant, voulut don-
ner un démenti à ses détracteurs ;
et ce fut un triomphe qu'il leur
procura. Don Garcie de Navarre ,
comédie héroïque , imitée de l'es-
pagnol , fut plus que froidement
accueillie, et disparut promptement
du théâtre. L'auteur fut bientôt ven-
gé de ce premier échec par le suc-
cès de f Ecole des maris ( 1661 ),
comédie à -la -fois de mœurs , de
caractère et d'intrigue. Les Adel-
jjhes de Térence lui avaient fourni
l'idée fondamentale de sa pièce, le
contraste des deux vieillards , en qui
se trouve personnifiée l'opposition
des deux systèmes d'éducation , l'un
sagement indulgent et l'autre folle-
ment sévère. Mais il ne devait qu'à
lui-même son intrigue intéressante et
MOL
comique; son Sgana relie, si plai-
sant dans son humeur chagrine et
bourrue; son Isabelle, si ingénieuse
parce qu'elle est dans l'esclavage^ sa
Léonor , si prudente et si sage , parce
qu'il dépendrait d'elle de ne jias l'être;
son dénouement, dont h spirituelle
adresse ne permet pas d'apercevoir
oude blâmer l'invraisemblance, etson
style aussi vif, aussi gai que celui de
Plaute , aussi élégant, aussi pur que
celui de Térence. C'est de ïî vcole
des maris que date véritablement $$
qu'on pourrait appeler la seconde
manière de Molière, celle où, cessant
d'imiter avec talent , il invente avec
génie; où, renonçant à copier les
tableaux fantastiques d'une nature
de convention , il prend pour uni-
ques modèles l'homme de tous les
temps et la société du sien. Les Fâ-
cheux ( 1 66 1 ) , lui furent demandés
par ce riche et généreux Fouquet, à
qui Mlle. de la Vallière eut seule
quelque chose à refuser. La pièce
fut jouée à Vaux, en présence de
Louis XIV , peu de jours avant que
le monarque , à qui la fête était don-
née, fit arrêter et emprisonner, pour
le reste de sa vie, le fastueux minis-
tre qui la lui donnait. Le roi goûta si
fort l'ouvrage, qu'il voulut y contri-
buer en indiquant à l'auteur un origi-
nal dont la manie avait échappé à ses
crayons. Cet original était un grand
seigneur de la cour , chasseur déter-
miné et narrateur impitoyable de ses
prouesses en ce genre. Molière, igno-
rant les termes de vénerie, imagina
de s'adresser à lui-même pour les
savoir; et il écrivit , pour ainsi dire,
le rôle sous la dictée du personnage.
Les Fâcheux , premier modèle ,
dans l'ordre du temps et dans celui
du mérite , des comédies à scènes
détachées, autrement appelées comé-
dies à tiroir, sont aussi la première
[OL
pièce où la danse ait c'te liée à l'action
«ie manière à en remplir les interval-
les sans en rompre le fil. L' Ecole des
femmes ( 166a ) eut un de ces succès
que la contradiction anime et prolon-
ge parles efforts mêmes qu'elle fait
pour en amortir l'éclat et en abréger la
durée. La pièce fut déchirée avec rage
et applaudie avec fureur : excellente
suivant les uns, détestable selon les
autres, elle n'était ennuyeuse au ju-
gement de personne. Beaucoup la
trouvaient indécente- et l'on crut re-
marquer que celte manière de la dé-
crier ne faisait qu'augmenteiTafîluen-
ce. Tout Paris la vit, la voulut revoir;
et les plus ardents à en dire du mal
ne furent pas les moins empressés à
y retourner. Pièce singulière, et digne
de sa singulière destinée ! Un double
nom porté par un des personnages,
voilà tout le nœud ; ce nom , révélé
par hasard à un autre personnage
qui l'ignorait, voilà tout le dénoue-
ment; une suite de récits , faits au
même personnage, sur le même su-
jet, par le même narrateur, voilà
toute l'intrigue. On parle, on écoute,
et il semble qu'on agisse • de simples
confidences deviennent des situa-
tions dramatiques; il n'y a aucun
mouvement sur la scène, et tout y
paraît animé. Les envieux, les sots
et les prudes, s'étaient lignés contre
ce chef-d'œuvre: Molière voulut les
en punir, et il lit la Critique de V É-
coû des femmes 166 ; | monument
nieuxd'une juste ^engeance; ind-
iquante et fidèle d'une coin •
OÙ la raison et la folie, l'esprit
el la sottise, l'instruction polie et le
if nédantescpie, semblent étaler
à l'envi leurs grâces et leurs ridi-
cules, pour se faire valoir mutuelle-
ment par l< | Impromptu
de l une repré-
irsault
MOI, 3o5
qu'on regrette de rencontrer parmi
les ennemis de Molière, avait l'ait
contre lui m:e pièce impudemment
satirique, intitulée le Portrait du
peintre; et les comédiens de l'Hôtel
de Bourgogne avaient saisi avec em-
pressement celte occasion de diffa-
mer en plein théâtre le chef d'une
troupe rivale et heureuse. Les comé-
diens et le poêle furent à leur tour
immolés à la risée publique. Le Ma-
riage forcé (i664) est tire de Babe-
lais, dont Molière, ainsi que La Fon-
taine, faisait ses délices et son profit.
La scène où Sganarelle demande à
Géronimo son avis sur le mariage
qu'il est décidé d'avance à contrac-
ter; celle oùlemême personnage fait
sortir à coups de bâton Marphurius
de son scepticisme obstiné, et le
force au moins à reconnaître la cer-
titude delà douleur; celle enfin où,
Pancrace, furieux qu'on ait osé, à
propos de chapeau, prendre la for-
me pour la figure, fait innocemment
la satire des inintelligibles absurdi-
tés du moderne péripalétisme : ces
trois scènes d'une petite comédie
qu'on néglige, et qu'à peine on con-
naît, sont des chefs-d'œuvre de vé*
rite comique ou d'ingénieuse bouf-
fonnerie. Ce fut pour plaire à Louis
XI V,et pour embellir une de ses plus
belles fêtes , que Molière composa
la Princesse d' Elide (1664), dont
le sujet appartient au théâtre espa-
gnol. Pressé par le temps, il ne put
en vers que le premier acte
et la première scène du second. « 11
semblait, » a dit spirituellement Ma-
rigny, le fameux chansonnier de la
île, « que la comédie n'avait eu
« le temps que de prendre un de ses
» brodequins, et qu'elle était venue
» donner des marques de son obéis-
p sauce, un pied ehau.vsé et l'autre
» nu. » Le roi ayant applaudi Pou-
'10
3o6
MOL
vrage , la cour crut l'avoir admi-
re, et la ville elle-même 11e l'accueil-
lit pas défavorablement. Transporte
d'Espagne en Italie, et d'Italie en
France, le bizarre et monstrueux
spectacle d'une slalue qui marche et
qui parle, avail déjà attire la foule
à deux théâtres de la capitale. Mo-
lière, cédant aux instances de sa
troupe , fil aussi son Festin de Pier-
re (iG(35). Deux scènes , qu'on peut
au moins dire hardies, excitèrent
un tel déchaînement, qu'il fut obli-
gé de les retrancher dès la secon-
de représentation. Le courroux des
rigoristes, faux ou vrais, n'en fut
point desarme : ils continuèrent de
peindre Molière comme un impie,
un athée, un scélérat pire que son
héros, et plus que lui digne de
tous les châtiments de la vengeance
céleste. Il n'avait pu entièrement
soumettre aux rigoureuses lois de
notre théâtre un sujet essentielle-
ment irrégulier; mais si les unités
dramatiques sont violées dans l'ou-
vrage, l'unité de caractère y est du
moins respectée au point de de-
venir un mérite supérieur , et une
source de beautés du premier ordre.
Don Juan, armé contre la société
de mille qualités brillantes dont il
s'est fait des instruments de vices,
capable de tout subjuguer par l'é-
nergie de caractère , de tout séduire
par le charme des manières et du
langage, Don Juan est, si l'on ose
s'exprimer ainsi, un monstre subli-
me et le beau idéal de la scéléra-
tesse. L' Amour médecin (i665) fut ,
a dit Molière lui-même, proposé,
fait, appris et représenté en cinq
jours. Ce n'est, a - 1 - il dit encore,
qu'un petit impromptu , un simple
crayon; mais il commence par une
scène de génie; celle où Sganarelie
demandant des conseils pour ne pas
MOL
les suivre , en reçoit qui ne pour-
raient profiler qu'aux bons amis qui
les lui donnent. Ici , Molière , dès
long-temps malade , et sans foi aux
promesses d'un art dont il n'avait
pu obtenir l'adoucissement de ses
maux , déclare à ceux qui l'exer-
cent une guerre qui ne doit finir
qu'avec sa vie , puisque nous le
verrons mourir au champ d'hon-
neur en combattant contre eux.
Quatre médecins de la cour furent
joués dans sa pièce , sous des noms
qui désignaient leurs personnes , et ,
s'il enfant croire la tradition, sous
des masques qui représentaient leurs
visages. Depuis quatre ans, Molière
avait peu fait pour son art et pour sa
gloire. Son génie, paraissant tout-à-
coup s'élever au-dessus de lui-même,
atteignit à une hauteur qu'il ne de-
vait plus pouvoir surpasser; il créa
le Misunthrope ( 1666 ). L'action ,
simple et peu animée , les beautés
fines, délicates et quelquefois un peu
sérieuses de ce chef-d'œuvre, n'étaient
pas de nature à frapper, à saisir, à
enlever des spectateurs qu'il avait
accoutumés lui-même à des intrigues
plus vives , et à un comique plus po-
pulaire. La pièce n'eut donc pas d'a-
Î3ord tout le succès qu'elle méritait
et qu'elle a obtenu depuis. II fallut du
temps pour reconnaître par quelle
profonde et heureuse conception le
poète, voulant ouvrir un champ vas-
te et fertile- à la satire des vices et
des ridicules, avait, pour ainsi dire,
élargi la scène comique, jusque-là res-
serrée de manière à ne permettre
que le développement de quelque tra-
vers particulier; et, transportant sur
le théâtre, non plus une coterie, mais
la société presque entière, avait pla-
cé , au mi!icu de cette foule de per-
sonnages , un censeur de leurs
iauts , atteint lui - même d'une ma-
MOL
nie sauvage, qui l'expose justement
à la risëe de ceux dont il condam-
ne légitimement la conduite et les
discours. Tandis qu'Alceste , ver-
tueux et inflexible, gourmande élo-
quemment les vices qui sont seuls di-
gues de sa colère, Célimène, vicieuse
et médisante, fronde gaiment les ri-
dicules qui sont seuls à la portée de
sa malignité : ainsi , ces deux person-
nages se partagent entre eux la satire
de tout ce qui existe, et nul ne peut
échapper aux traits lancés par l'un
ou par l'autre. Le Médecin malgré
lui ( 1666 ), dont un de nos vieux
fabliaux a fourni le sujet, n'eut pas ,
comme on le croit communément,
l'honneur de soutenir le Misanthro-
pe ; mais , ce qui est plus vrai, sans
être moins singulier, en le rempla-
çant sur la scène, il l'y éclipsa , puis-
qu'il obtint une plus longue suite de
représentations, et attira un plus
nombreux concours de spectateurs.
Jamais pièce, uniquement faite pour
exciter ie rire, n'a mieux atteint son
but. C'est le modèle du genre bur-
lesque, de ce genre désigné par le
nom de farce, qui , peignant une na-
ture triviale, en renforce les traits
au lieu de les affaiblir, substitue la
caricature à l'imitation , la bouffon-
nerie au comique, les joyeux quoli-
bets aux mots fins et piquants , les
bévues de l'ignorance ou de la sottise
aux saillies de la passion ou du <a-
re. Oui pourrait ne pas recon-
naître dans Sganarelle l'image vivan-
te d une espèce d'hommes
commune dans les derniers rangs de
la société, de ces nommes possédant
un fonds a prit et de gaîte';
fertiles eu rébus , gri-
s mots
mal appris et plus mal einplc
qui les font ado
docteurs au
Mol
3o?
publique ; aimant leurs femmes , et
leur donnant des coups; chérissant
leurs enfants, et ne leur donnant pas
de pain ; travaillant pour boire, et
buvant pour oublier leurs peines ;
n'ayant ni regret du passé, ni soin
du présent , ni souci de l'avenir ; vé-
ritables épicuriens populaires , à qui
peut-être l'éducation seule a manqué
pour figurer, sur une plus digne scè-
ne , parmi les beaux-esprits et les
hommes aimables ? Le Sicilien ou
Y Amour peintre ( 1(367 )> succédant
au Fagotier, se distingue par un mé-
rite di lièrent et tout-à-fait opposé,
celui de la grâce et de la galanterie.
La singularité des mœurs siciliennes,
l'amour ombrageux et tvrannique
d'un noble messin ois ou palermitaia
aux prises avec l'amour tendre et
respectueux d'un gentilhomme fran-
çais, des scènes de nuit, des séréna-
des galantes ; tout cela formait un
spectacle animé, varié, pittoresque,
que la danse et la musique venaient
naturellement embellir. L'idée de
mettre l'hypocrisie sur la scène, dans
un siècle tout religieux, était le pro-
jet le plus hardi qu'un poète pût for-
mer : Molière le conçut, et l'exécuta
dans le Tarlu/fe. Les faux dévots en
furent frappés de terreur; des hom-
mes vraiment pieux en conçurent de
Vives alarmes : ils ne voyaient pas
sans horreur le profane théâtre s'ar-»
r, pour ainsi dire, un droit de
juridiction en matière sacrée; et ;
dans ce zèle ardent d'un comédien
contre un vice dont l'Église gé-
t , ils n'apercevaient
qu'une envie mal déguisée d'insulter
a la vertu même dont ce vice 1 m-
pruntait les dehors. (
au nombre, à la pui
sonnes que les calculs d'un odieux
i ou les erreurs d'ui
tre 1«
SJO..
3oS
MOL
Tartuffe^ on ne peut être surpris des
difficultés qu'éprouva la représenta-
tion de ce chef-d'œuvre : on doit l'être
seulement que Molière soit parvenu
à les surmonter. L'honneur toutefois
n'en appartient pasàlui seul. Sa per-
sévérance n'eût rien produit , si Louis
XIV , par la rectitude et la force de
son jugement , ne se fût élevé au-
dessus des scrupules qu'on avait
réussi à lui inspirer. Après trois ans
de refus ou d'indécision, il avait
permis verbalement à Molière de
l'aire jouer sa pièce. Le lendemain de
la représentation ( 1667 ), arriva un
ordre du premier président, qui dé-
fendait aux comédiens d'en donner
une seconde. Attirés par le succès
de la première , d'innombrables spec-
tateurs étaient déjà rassemblés dans
la salle pour jouir à leur tour du chef-
d'œuvre nouveau. Molière, dit-on ,
leur fit part de la défense en ces ter-
mes : Messieurs , nous allions vous
donner le Tartuffe; mais monsieur
le premier président ne veut vas
qu'on le joue. On peut douter qu'il
ait osé se permettre nue si injurieuse
équivoque. Louis XI\ était alors de-
vant Lille. Molière lui dépêcha deux
comédiens porteurs d'un placet fort
pressant ; ils revinrent sans réponse.
Deux années environ s'écoulèrent
encore avant que Molière obtînt du
roi la permission par écrit de re-
mettre sa pièce au théâtre. En accueil-
lant les préventions dont le Tartuffe
était l'objet, et en y cédant, Louis
XIV ne s'en était jamais dissimulé
tout-à-fait l'injustice. Sortant un
jour , avec le prince de Coudé, de
la représentation d'une farce im-
pie et obscène, intitulée Scaramou-
che ermite : — Je voudrais bien
savoir, dit - il au prince , pourquoi
les gens qui se scandalisent si fort
de la comédie de Molière , ne di-
MOL
sent mot de celle de Scaramcu-
che. — La raison de cela , répon-
dit le prince, c'est que la comé-
die de Scaramouche joue le ciel
et la religion dont ces messieurs-là
ne se soucient point , et que celle de
Molière les joue eux-mêmes , ce
qu'ils ne peuvent souffrir. Que dire
du Tartuffe, considéré sous le rapport
de l'art? Uu tel ouvrage est sans doute
une matière inépuisable d'éloges ;
mais combien de fois et sous combien
de formes cette matière n'a-t-ellc pas
été traitée? Plus de cent cinquante
ans d'un succès que le temps n'a pu
affaiblir ; Tamuence toujours crois-
sante du public, à chaque représen-
tation nouvelle de ce chef-d'œuvre ,
sans cesse représenté; le rire, l'indi-
gnation et l'attendrissement du spec-
tateur, toutes ces émotions si diver-
ses, si contraires , et pourtant si na-
turellement unies et confondues ,
grâce à l'art infini du poète; voilà ,
sans contredit, un genre de louanges
plus expressif, plus éloquent que
tous les discours, et qui semble les
rendre tous superflus. Molière, dans
Amphitryon (1668) , imite le chef-
d'œuvre de Plaute,> et il le surpasse.
DansY Jvare (1668), il emprunte au
même comique latin, avec l'idée d'un
caractère qu'il rend plus dramatique
et plus moral, celle d'une intrigue
qu'il rend plus vive et plus attachan-
te. L'avarice de l'indigent Euclion ,
occasionnée par la découverte d'un
trésor qui l'éblouit et l'embarrasse,
n'est qu'une folie digne de pitié. Celle
d'Harpagon, né au sein des richesses,
et contrarié par les convenances d'un
état honorable, est une manie odieu-
se et risible à -la-fois. Harpagon a
réduit son fils , par les plus in-
justes privations , à la ressource des
plus onéreux emprunts ; et c'est lui-
même qui exerce envers ce fils la
MOL
plus impitoyable usure. Celui-ci, dé-
couvrant l'infamie de son père , le
méprise et l'outrage. Quel exemple!
quelle leçon! De graves philosophes
eu ont grondé. Pensent - ils donc
qu'un père comme Harpagon, ne
mérite pas un fils comme Gléante ?
Ne voient-ils pas que le vice impuni
de l'un serait une infraction aux lois
de la justice naturelle, et que la vertu
impraticable de l'autre serait une
faute contre les règles de la vérité
dramatique? Enfin, ne se plaignent-
ils pas, au nom de la morale, de ce
que la moralité d'une pièce de théâ-
5t trop énergique et trop effica-
ce? Leur censure a été plus juste
et plus éclairée, lorsqu'elle a atta-
qué la comédie de George Dandin
( 1668). On peut penser avec eux, que
la sottise d'un paysan qui a pris pour
femme une demoiselle , est trop pu-
nie par les déportements de sa noble
épouse, et que l'avantage de préser-
ver les petits du ridicule de s'allier à
plus grand que soi , n'est pas pro-
portionné à l'inconvénient de mon-
trer sur la scène le triomphe d'une
coquette, pour le moins, qui trom-
pe impudemment son mari, et qui
donne des rendez-vous nocturnes à
son galant. Pourceaugnac ( 1669)
qu'une farce; mais dans cette
farce il y a des scènes du meilleur
comique. C'est le moule d'où sont
sorties, d'où sortent chaque jour,
sans qu'il paraisse encore usé, ces
petites pièces sans nombre, desti-
1 faire rire le parterre delà ca-
pitale, des ridicules d'un homme
de province, qui vient, par le co-
che, à Paris, pour y épouser une
jolie ûlle , et qui s'en retourne baf-
foué, tourmenté, excédé par des
valets malins, qu'un rival préféré
a mis dans sea intérêts. Louis XIV
fourni 1 I mjet des
MOL 3og
amants magnifiques (1679). Mo-
lière, à défaut de comique, sut y
mettre quelque philosophie , en se
moquant des chimères de l'astrolo-
gie, dont plusieurs esprits étaient
encore infatués. La pièce, faite pour
la cour , ne pouvait réussir que là ;
et c'est là seulement qu'elle fut
jouée. C'était un de ces ouvrages de
commande, entrepris par nécessité,
et exécutés avec précipitation, dont
tout le mérite devait être dans la
prompte obéissance du poète, tout
le succès dans une parole flatteuse
du monarque. Ce monarque , doué
d'un esprit juste et d'un goût sur,
fut le premier a sentir et à procla-
mer l'excellence comique du Bour-
geois gentilhoinme (1670). Il en
avait vu la première représentation ,
sans donner aucun signe de satis-
faction : les courtisans en conclu-
rent qu'il était mécontent de la piè-
ce, et ils se mirent à la déchirer.
Leur délicatesse affectait d'être ré-
volléc de la bouffonnerie des deux
derniers actes • et peut - être quel-
ques consciences étaient-elles eu se-
cret blessées du rôle élégamment vil
et odieux de Dorante. Molière était
consterné; le roi, ayant assisté à une
secoudeVeprésentation,luidit : Vous
n'avez encore rien fait qui ni ait
tant diverti, et votre pièce est excel •
lente. — Votre pièce est excellente,
lui redirent aussitôt tous les échos
de Versailles. Le ridicule que cette
pièce attaque, était alors dans toute
sa force. Il s'est affaibli depuis, à
mesure que la noblesse perdait de
son prix; et enfin , il a dû périr avec
clic, dans cette révolution où tant de
chose ont péri. Nous l'avons vu revi-
vre un moment , à la faveur d'une no-
blesse nouvelle; et peut-être su:
tc-t-il encore dans quclq .
mais le ridicule contraire, né de-
3io MOL
puis peu d'années , menace de lui
survivre; et ta société semble at-
tendre un Molière qui lasse la co-
médie du Gentilhomme bourgeois.
Les Fourberies de Scavin ( 1G71 )
ont attiré à Molière, de la pari du
sévère Boileau, le reproche d'avoir
allié Taharin à Térence. On dirait
en effet qu'il a pris quelques scènes
au farceur populaire- mais tout le
reste, il l'a emprunté au pins délicat
des comiques latins, et en l'emprun-
tant,!] Ta perfectionne. Lerci lui avait
demandé une pièce dont le spectacle
prêtât au jeu des plus savantes ma-
chines que l'on connut alors, et qui
pût inaugurer dignement une salîe
magnifique qu'il venait de faire cons-
truire. Molière choisit le sujet de Psj •
ché (iô^i), ce sujet, qui, comme a
dit Lamotte, eût pu lui seul faire in-
venter l'opéra. Pour que les désirs
du monarque fussent plus prompt e-
ment satisfaits, i! crut devoir associer
à son travail le vieux Corneille et le
jeune Quinault. Corneille s'assujétit
modestement au plan tracé par un
autre ; et Quinault eut l'heureuse
occasion de pratiquer, sous deux
grands maîtres , l'art qu'il devait
illustrer en créant Alceste , Roland
et Ârmide. Molière avait peint, dans
Pourceaugnac, les ridicules natu-
rels que les gens de province appor-
tent à Paris : il peignit dans la Com-
tesse d'Escarbagnas ( 167 1 ), les
ridicules empruntés qu'ils en rappor-
tent. La libéralité grossière et la ga-
lanterie brutale des traitants sont ef-
fleurées, en passant, dans un rôle de
cette pièce : c'est v,n sujet de comédie
que Molière semble avoir légué au
talent satirique de Lcsage;M. Har-
pin, plus riche, et plus insolent à pro^
portion , deviendra M. Turcaret.
La comédie des Femmes savantes
{i0"j'2) fut condamnée avant d'être
MOL
entendue. Sur le titre seul, on jugea
que le fond était trop stérile pour
qu'il pût en sortir antre chose qu'une
pièce languissante et froide, où le
défaut d'action entraînerait l'abus du
dialogue, et où. quelques portraits
satiriques Rendraient lieu de carac-
tères. La prévention avait fasciné
les yeux à ce point, qu'on vit l'ou-
vrage, non pas tel qu'il était, mais
tel qu'on se l'était figuré d'avance.
Le succès fut différé, et même com-
promis. Ii fallut que la voix tardive
des hommes de goût s'élevât contre
cette injuste froideur qui accueillait
un chef-d'œuvre, et ramenât le pu-
blic à la vérité de ses propres im-
pressions. Jamais, sur la scène, la
raison n'avait encore eu plus d'in-
terprètes, et mieux vu défendre ses
droits. C'est la raison qui domine
dans cette pièce , et qui en fait le
principal charme; c'est elle qui, se
montrant dans tous les états , pre-
nant tous les tons, et parlant tous
les langages , inspire et passionne
les discours fins et délicats du cour-
tisan Cîitandre, les boutades fami-
lières du bourgeois Chrisale , et les
saihies incorrectes de la villageoise
Martine. Le Malade imaginaire
( 1673 ) termina la carrière drama-
tique de Molière. C'est une excellente
comédie, qui dégénère en une farce :
les deu?; premiers actes sont un ta-
bleau delà vie humaine; le dernier
est une mascarade invraisemblable.
Il fallait amuser le roi, a qui l'excès
de l'ennui, dans les vains exercices
de sa représentation, rendait peut-
être quelquefois l'excès de la gaîté
nécessaire. Il fallait fournir un ca-
nevas aux pas des danseurs, aux
chants des musiciens, aux notes et
aux lazzis boulions de Lulli. M.
Argan est reçu médecin par la même
raison que M. Jourdain a ç'té faj$
MOL
mamamouchi. Ou doit donc consi-
dérer chacune des deux cérémonies
comme la machine obligée d'une
comédie faite pour la cour , et
absoudre le poêle d'un reproche
qu'il n'eût sans doute pas mérité,
si le chef de troupe n'eût été forcé
de se conformer à des program-
mes de fêtes. Le jour de la qua-
trième représentation du Malade
imaginaire, Molière souffrait delà
poitrine plus qu'à l'ordinaire. On
voulut lui persuader de ne pas jouer.
Eh! que feront, dit-il , tant de pau-
vres ouvriers qui rCont que leur
journée pour vivre? Je me repro-
cherais cl' avoir négligé de leur don-
ner dupainun seul jour, le pouvant
faire absolument. Il joua; et, dans
le divertissement de la pièce, au mo-
ment où il prononçait le mot Juro,
il lui prit une convulsion , qu'il
essaya vainement de cacher sous
un ris forcé. Ou le transporta chez
lui. Deux de ces religieuses qui ve-
naient quêter à Paris pendant le ca-
rême, étaient alors dans sa maison,
où il leur avait donné un asile. Ces
charitables filles luiprodiguèrent inu-
tilement les soins les plus empressés;
il mourut bientôt, étouffé par le sang
qui sortait de sa bouche en abon-
dance. Ce fut le vendredi 1 7 février
1673, à dix heures du soir, qu'il
rendit le dernier soupir, âgé seule-
ment de cinquante-un ans, un mois
et deux, ou trois jours. Comme il
mort en état d'excommunica-
tion , le curé de Saint-Eustachc, sa
paroisse, lui refusa la sépulture ccclé-
siastique. Quoi! s'écriait sa veuve, on
lui refuse ici la sépulture! en Grèce
on lui eut élev -Is. Le roi
engagea , dit-on , l'archevêque de
. candale,
et Molière fu! u cimetière
Saint-Joseph. Le jour de ses oIji,c-
MOL
3ir
ques (ai février) , le peuple se ras-
sembla en tumulte devant sa maison.
Sa femme, effrayée, jeta de l'argent
par les fenêtres ; et la multitude ,
qui était peut être venue pour insul-
ter son cadavre, se dissipa , en fai-
sant des prières pour son amc. Les
pieux empressements de l'amitié sup-
pléèrent aux pompes religieuses :
deux cents personnes , ayant des
flambeaux à la maiu , suivirent le
corps que deux prêtres seulementcon-
duisaienten silence. Les libelles sati-
riques avaient poursuivi Molière pen-
dant sa vie: les épi ta phes louangeuses
furent entassées sur sa tombe (1).
L'auteur d'une de ces pièces, et d'une
des plus mauvaises , eut la malencon-
treuse idée d'aller l'offrir au grand
Coudé. Plût à Dieu, lui dit un peu
durement le héros, que celui dont tu
me présentes V épitaphe , fut en état
de me présenter la tienne ! Ce prince,
d'un esprit encore plus élevé que son
rang , n'avait pas pour Molière celte
espèce d'affection sans estime que les
grands prodiguent trop facilement à
ceux qui les amusent : s'il aimait
l'auteur et son talent, il considérait
l'homme et son caractère. Il exigeait
qu'il le vînt voir souvent, et disait
qu'il trouvait toujours à apprendre
sa conversation. Molière eut
pour amis tous les grands écrivains
de son temps. Il en faut excepter
Racine, qm, après avoir reçu de
lui cent louis et un plan de tragé-
die, enleva du même coup à son
théâtre une pièce et une actrice, qui,
toutes deux, y attiraient la foule. On
doit regretter que deux hommes de
génie, dont l'un avait été le bienfait
leur .le l'autre, ne soient pas
unis; niais du moins leur iiiésin(rlli<
(t) Celte '['"' ''■ u Po»t»in«, »"« flu.d.fcii» -mm
« •
3f2
MOL
gence ne fut marquée par aucune
perfidie, par aucun mauvais procède,
et ils rendaient mutuellement justice
à leur talent. Molière avait beaucoup
d'autres ennemis ; mais c'était de
ceux dont la haine est honorable. Il
y en avait de la ville et de la cour.
Ceux-ci étaient des sots qui ne pou-
vaient lui pardonner de les avoir
immoles sur la scène; ceux-là, des
envieux qui lui pardonnaient encore
moins de les y avoir éclipsés. D'o-
dieux libelles décrièrent s s senti-
ments et ses mœurs. Plus d'une fois ,
pour le mieux diffamer , on imagina
de publier , sous son nom , les plus
condamnables écrits. Mais la cons-
tante faveur du roi le soutint contre
tant d'attaques furieuses ou perfides;
cette faveur assura le repos de sa
personne , comme elle protégea la
gloire de ses ouvrages. L'ame de
Molière semblait être au niveau de
«on génie ; il n'y en avait pas une
plus droite , une plus élevée , une
plus généreuse. La contemplation
habituelle des vices et des travers de
l'humanité, ne hù avait fait ni haïr
ni mépriser les hommes ; il croyait
à leurs vertus , voyait avec indul-
gence leurs faiblesses, avec joie leur
bonheur , avec compassion leur mi-
sère. Un pauvre comédien, nommé
Mondorge , qui avait été son cama-
rade en province , vint un jour chez
lui pour solliciter quelque secours.
Comme , dans son pileux accoutre-
ment , il n'osait se présenter lui-
même , Baron se chargea de sa
supplique. // est vrai, dit Molière,
que nous avons joué la comédie
ensemble : c'est un fort honnête
homme , et je suis fâché que ses pe-
tites affaires soient en si mauvais
état. Que croyez-vous que je doive
lui donner? — Quatre pisl oies, ré-
pondit en hésitant Baron. — Je vais
MOL
lui donner quatre pistoles pour moi ,
répliqua Molière ; en voilà vingt
que vous lui donnerez pour vous. 11
se fait présenter Mondorge , l'ac-
cueille affectueusement , et joint au
don de l'argent celui d'un magnifi-
que habit de théâtre, dont il prétend
n'avoir plus besoin. Un autre jour il
avait fait l'aumône à un pauvre. Un
instant après , le pauvre court après
lui , et lui dit : Mpnsieur, vous n'a-
viez peut et re pas dessein de me don-
ner un louis d'or ; je viens vous le
rendre. — Tiens , mon ami, lui dit
Molière , en voilà un autre ; et il
s'écrie : Où la vertu va-t- elle se ni-
cher ? Cette exclamation fameuse
n'est pas celle d'un riche insolem-
ment surpris et presque irrité de
rencontrer quelque délicatesse sous
les haillons de la misère ; c'est celle
d'un philosophe humain, qui sent
profondément combien la probité ,
devoir facile pour l'homme opulent,
quand elle ne lui commande pas de
trop grands sacrifices , est une vertu
pénible et méritoire dans l'homme
indigent, qui toujours lui immole ses
propres besoins et ceux de sa famille.
Molière était justement chéri et ho-
noré des comédiens qui composaient
sa troupe. Aucun sacrifice ne lui
coûtait pour assurer leur existence
et servir leurs intérêts. Nous l'avons
vu, au commencement de sa carrière,
refuser de s'attacher à un prince du
sang, en partie pour ne pas se sépa-
rer d'eux. Plus d'une fois , subor-
donnant son goût et le soin de sa
gloire à l'avantage de son théâtre ,
il descendit à traiter des sujets plus
populaires , pour lui procurer de
plus abondantes recettes. Parvenu
au faîte de la célébrité et comblé des
biens de la fortune, ses amis le
pressaient de renoncer à l'action
théâtrale , si contraire à l'état de sa
MOI,
poitiine. Il y a, leur rcpondaiî-il ,
un point-d'honneur pour m<>i à ne
point quitter { i ). Ce point-d'honneur,
Lien différent du préjuge cruel qu'on
invoque sons ce nom, lui comman-
dait d'achever la ruine de sa santé ,
et d'avancer le terme de ses jours,
pour soutenir des comédiens et des
gagistes. ,Sa fin , nous l'avons vu ,
fut, sinon causée, du moins préci-
pitée par la crainte de les frustrer du
produit d'une représentation. Ainsi,
il est presque vrai dédire qu'il vécut
et qu'il mourut victime de son dé-
voûmenl pour eux. L'homme qui
pénétrait si avant dans le secret des
faiblesses humaines , qui savait si
Lien démêler et vaincre l'artifice de
leurs innombrables métamorphoses,
pour les forcer à venir se trahir et
s'accuser elles-mêmes sur la scène,
cet homme qu'on pouvait croire
exempt des infirmités morales de
son espèce , en avait pourtant sa
part ; et le ridicule même dont il
s'était le plus souvent moqué , était
précisément celui dont il avait le
moins su se préserver. En 1662 , il
avait épousé la fille d'une comé-
dienne , nommée Béjard, avec la-
quelle il avait eu une longue et
étroite liaison {'>.). Ses ennemis ré-
pandirent le bruit qu'il avait épouse
sa propre fille; et l'un d'eux, Mont-
fieury, eut la hardiesse de l'en
accuser auprès du roi. Cette calom-
nie fut aisément détruite. Mai
Molière n'était pas le père d
M Ce Fui \ oelte occatian que Baileau di| un |oi r
hel honneur qu
w rf< tplanchi
(•*) J 'ai un i 1 1 tradition commune , qui Fait de l.i
• Bile naturelle <l ■ lu Béjard .1
«i un fp-ntilboim
^•''"'li' ipuieuts
•""' •pécieuji i ,,, ,.,„, .
• .. u< m Je prends !•■ . . , ux ,.,„,
pourrait inten
MOL 3i3
femme , il aurait au moins pu l'être;
et cette disproportion d'âge , jointe à
son état valétudinaire et à ses habi-
tudes sérieuses, était un désavantage
que tout son génie et toute sa gloire
ne pouvaient racheter auprès d'une
jeune et jolie comédienne , fort en-
cline à la coquetterie , et entourée de
mille dangers qu'elle craignait trop
peu pour s'en garantir beaucoup.
Molièie , né tendre et mélancolique ,
avait donné tout son cœur, et vou-
lait en retour un cœur tout entier. 11
cuttous les tourments, il eut presque
tous les ridicules d'un mari jaloux.
Avait-il raison de l'être? on ne peut le
savoir; mais qu'importe? La jalousie,
pour n'être pas fondée , en est-elle
moins un mal réel? et ne saiL on pas
qu'ordinairement elle nous fait moins
souffrir de ce qui est , que de ce qu'elle
invente? Mari trompé ouuon trompé,
Molière ne pouvait manquer d'être
malheureux , et il le fut beaucoup. La
femme du comédien Poisson , comé-
dienne elle-même, qui avait connu
Molière , et joué d'original dans une
de ses nièces , nous a laissé de lui ce
portrait : « 11 n'était ni trop gras , ni
» trop maigre. Il avait la taille plus
v grande que petite , le port noble ,
» la jambe belle. 11 marchait graves
»ment, avait l'air très-sérieux, le
» ne/, gros , la bouche grande , les
» lèvres épaisses, le teint brun, Les
» sourcils noirs et forts ; et les divers
» mouvements qu'il leur donnait lui
» rendaient la physionomie extrême
» meut comique. » A ces détails sur
sa personne, la tradition ajoute quel-
ques particularités qu'il est de notre
devoir de recueillir. Une
hoquet, qu'il avait contracté en vou-
lant modérer i
de sa voix , rendait son jeu dans la
comédie plus plaisant , mais AUSSI le
rendait ridicule dans la tragédie que
3i
MOL
malheureusement il aimait à jouer.
Cette prédilection pour le genre où
il réussissait le moins , fut cause que
Mignard , son ami , ie peignit plu-
sieurs fois sous l'habit romain, dans
les rôles de César ou d'Auguste, il se
plaisait également à haranguer; iîen
recherchait ou en faisait naître vo-
lontiers les occasions, et il y réus-
sissait. Excellent maître , il était
pourtant maître assez difficile. Il
voulait qu'on sût interpréter son
geste, et comprendre son silence. Il
voulait qu'autour de lui tout offrît
l'image de l'ordre et de l'exactitude;
et la bonne Laforest elle-même, cette
servante à laquelle il lisait ses farces,
pour en essayer. l'effet, n'était pas à
l'abri des marques de son impatience,
quand quelque meuble, quelque li-
vre, quelque papier, ne se trouvait
pas à sa place. Eu tout, ses habitudes
se ressentaient d'un certain goût pour
l'apparat et pour le commandement.
Les soucis, les dégoûts attachés aux
fonctions de chef d'une troupe de
comédiens, semblaient être compen-
ses pour lui par le plaisir d'avoir
dans sa dépendance et de gouverner
à son gré un certain nombre de per-
sonnes. Peu de paroles doivent suf-
fire pour assigner à Molière la place
qui lui appartient parmi !es hommes
de génie qui ont instruit ou charmé
l'univers. En tous les genres de lit-
térature , nos prosateurs et nos poè^
tes ont été les disciples des écrivains
de l'antiquité: quelques-uns les ont
égalés; peu les ont surpasses ; il a
.. a la gloire du plus grand nom-
bre de ne pas rester trop au-dessous
d'eux. En tous les genres encore,
nos auteurs trouvent dans ceux des
autres nations modernes, des rivaux
à qui tantôt ils disputent, tantôt ils
enlèvent , tantôt ils cèdent la supério-
rité. Par la plus glorieuse excepi
MOL
Molière ne rencontre , en aucun
temps, en aucun lieu, ni émule, ni
vainqueur; et l'on ne peut pas dire
qu'il soit vainqueur lui-même, puis-
qu'où il n'y a pas de combat , il n'y
a pas de victoire. La Grèce et Rome
n'ont rien qui lui puisse être com-
paré ; leurs plus fanatiques adora-
teurs en conviennent : les peuples
nouveaux n'ont rien qu'ils lui puis-
sent opposer; eux-mêmes le recon-
naissent sans peine. Pour lui seul, on
s'est dépouillé de tout préjugé litté-
raire, de toute prévention nationale;
et tous les pays, comme tous les siè-
cles, semblent unir leurs voix pour
le proclamer l'auteur unique, le poè-
te comique par excellence. L'Aca-
démie française, qui n'avait pu ad-
mettre Molière au nombre de ses
membres , à cause de sa profession
de comédien, voulut du moins ren-
dreàsa mémoire les honneurs qu'elle
s'était crue obligée de refuser à sa
personne. En i 778, elle décida que,
dans la salle où étaient rangés les
portraits des académiciens , serait
placé le buste de Molière , portant
pour inscription ce monostique heu-
reux, proposé par Saurin :
Rien ne ninnquo à sa gloire : il manquait à la nôtre.
Non contente de cet hommage, elle
mit l'éloge de Molière au concours.
Le prix fut remporté par Chamfort,
qui mit beaucoup d'esprit à juger et
à iouer les œuvres du génie. On a
des OEuvres de Molière : i°. l'édi-
tion publiée par La Grange et par
Vinot, en 8 vol. in-12 , dout deux
d'OEuvres posthumes, Pans, iGS'i;
— '2°. Celles d'Amsterdam , Jacques
Lejeune, 1670 et 1679, en 5 vol.
petit in 12, et celle du même, i(>84,
G vol., même format; — 3°. Celle
d'Amsterdam, Wetstein, 1691 , 6
vol. petit in-12; — 4°. Celle dont
MOL
Joly est l'éditeur, et qui est précédée
de M émoi es sur la vie et les ouvra-
ges de Molière, par De !a Série,
Paris, 1 7 3 t , 6 vol. in-y'-; — 5°.
réimpression de ia précédente,
Paris, 1739, 8 vci. in- 12; — 6°,
Celle d'Amsterdam , 1 -; \ 1 ou 1 749 ,
4 vol. petit in- 12, avec fîg. dePunt;
— 7°. Celle que Bret a donnée, avec
des remarques grammaticales , des
observations, etc., Paris, 1778,6
vol. in-8\ . fig. gravées d'après les
dessins de Moreaujcunej — 8°. Celle
de P. Duiot l'aîné, 1792 , 6 vol. gr.
in-4°., pap. vél.; — q°. Celle du
même, faisant partie de la collection
des meilleurs ouvrages de la langue
française, 1817, 7 vol. in-8°. ; —
io°. Celle qui est accompagnée d'une
Vie de Molière, d'un discours préli-
minaire et de réflexions sur chaque
pièce, par M. Pétitot , Paris , 181 3 ,
6 vol. in - 8°. ; — 1 1°. Celle que
l'auteur de cet article publie en
neuf vol. in-8°., dont cinq ont déjà
paru : cette édition t ornée de gra-
vures, faites d'après des tableaux
d'Horace Vernet, est accompagnée
d'une Vie de Molière , d'un Discours
préliminaire, et d'un Commentaire.
A G R.
MOLIÈRES (Joseph Privât de),
physicien, né à Tarascou , en 1O77 ,
avait reçu de la nature une constitu-
tion fort délicate. Ses parents le
laissèrent le maître de s'amuser ou
d'étudier , par la crainte que l'appli-
cation ne nuisît au développement de
ses forces. 11 apprit cependant , par
la méthode ordinaire , le latin , les
humanités, la philosophie, et les élc-
es, science
qui lui inspira ! dégoût de
toutes les autres. Son 1 ayant
ét(; tué à l'armée, en i(i<p , on le
pressa de songer à m ment :
niais il résista à toul
MOL
3i5
de ses parents; et voulant s'assurer
une vie paisible et studieuse , il em-
brassa , en 1701, l'état ecclésias-
tique. Il entra, quelque temps après,
dans la congrégation de l'Oratoire ,
et enseigna dans différents collèges.
Conduit à Paris , par le désir de voir
Malcbranche.il parvint à l'intéresser,
et vécut plusieurs années dans sa so-
ciété la plus intime. Après la mort de
cet illustre philosophe, il reprit l'é-
tude des mathématiques, qu'il avait
négligées pour !a métaphysique , et
rédigea des mémoires qui lui ou-
vrirent , en 17^1 , les portes de l'aca-
démie des sciences. Deux ans après ,
il remplaça Varignon dans la chaire
de philosophie , au collège de France,
ïl partagea le reste de sa vie entre ses
devoirs et les soins qu'exigeait la pu-
blication de plusieurs ouvrages, ou-
bliés maintenant , ainsi que le sys-
tème des tourbillons , dont il fut l'un
des derniers , mais des plus zélés dé-
fenseurs. L'abbé de M obères , d'un
caractère vif, supportait difljçile-
ment la contradiction : ayant eu à
soutenir une discussion pénible à
l'académie , il rentra chez lui avec
une fièvre violente, et mourut au bout
de cinq jours , le l'J mai 17 ,
l'âge de soixante-cinq ans. C'était un
iiilc philosophe, obligeant, scr-
viable, et d'un désintéressement sans
égal 'y il était quelquefois si absorbé
par ses méditations, qu'il ne voyait
pas ce qui se passait autour de lui.
Saveiïen rapporte qu'un jour un dé-
crotcur lui ôla ses boucles d'argent ,
et y en substitua de fer, sans qu'il
s'en aperçût. Dans le temps qu'il lo-
geait au collège de France, il tra-
vaillait toute la matinée dans sou
lit , pendant l'hiver, pour se garantir
du froid , par économie. 1 a \ ■
, m, matin dans sa chambre, et
le trouva demi- couché, occupé à
3i6
MOL
chercher la solution de quelque pro-
blème : l'abbé s'apercevant de l'objet
de eetle visite , lui indique du doigt ,
sans se déranger, l'endroit où il ser-
rait son argent , le priant de ne pas
toucher à ses papiers Outre des Mé-
moires dans le Recueil de l'académie
des sciences , ou dans le Journal de
Trévoux., dont on trouvera les titres
à la suite de son Eloge par Mairau ,
on a de l'abbé de Molières : I. le-
çons de mathématiques , nécessaires
jjour V intelligence des principes de
physique qui s'enseignent actuelle-
ment au Collège royal , Paris, 1 726 ,
in- 1 'l ; traduit en anglais par Husel-
dcn. C'est , dit Mairan , un Traité
de la grandeur en général , où les
principes d'algèbre et le calcul arith-
métique sont exposés avec ordre , et
les opérations bien expliquées et bien
démontrées. II. Leçons de physique ,
contenant les éléments de la phy-
sique , déterminés par les seules lois
des mécaniques , ibid. , 1733-89,
l\ vol. in- 12 ; trad. en italien , Ve-
nise, 1743, 3 vol. in-8°.Des ouvra-
ges de l'abbé de Molières, c'est celui
qui lui a l'ait le plus d'honneur; c'é-
tait son ouvrage favori , auquel il
rapportait tous les autres, et où il a
refondu la plus grande partie des
Mémoires qu'il avait lus à l'académie.
Il y cherche à faire prévaloir le sys-
tème des tourbillons : mais cène sont
ni les tourbillons de Descartes, ni
ceux de Malcbianche j il modifie les
principes de ses maîtres , quand ils se
sont, écartés de la nature : en conser-
vant ce qu'il y a de plus vrai dans le
i rue de Descartes , il le fortifie
«les calculs de Newton, et s'efforce
de démontrer que les découvertes de
ce grand géomètre ne sont que des
applications des principes du philo-
sophe français ( V. l'analyse de l'ou-
vrage , par Mairan ). III. Eléments
MOL
de géométrie , dans l'ordre de leur
génération , Paris ,1741, in- 1 x. Cet
ouvrage , qu'il destinait à servir d'in-
troduction à ses leçons de physique ,
n'a point été terminé. W . Plusieurs
Mémoires dans le Recueil de l'aca-
démie des sciences et dans le Jour-
nal des savants. L'abbé Le Corgnc de
Launay, son élève, a publié, en
1743, in-8°. : Principes du sys-
tème des petits tourbillons , ou
Abrégé de la Physique de l'abbé de-
Molières , avec une dissertation pos-
thume ( F. Sigorgne ). On peut
consulter , pour plus de détails ,
outre l' Eloge de notre auteur par
Mairan , Y Histoire du collège de
France , par Goujet, tom. 11 , éd.
in- 1 'i , et les Vies des philosophes
modernes , par Saverien , tom. vi ,
p. '217:248. On trouvera , dans ce
dernier ouvrage , quelques particu-
larités curieuses , échappées aux au-
tres biographes. W — s.
MOLIN ( Laurent ) , professeur
et archidiacre à Upsai , rie en 1657 >
moitié 19 septembre 1729, était un
théologien estimable, un philologue
très-savant , et en même temps un
homme d'état souvent consulté. Ou
a de lui : I. Disputatio de clavibus
veterum , 1 684 5 dissertation pleine
de recherches savantes , insérée dans
le Thésaurus antiquitatum de Sal-
leugre , 3e. partie , p. 789-844- H»
Disput. de origine lucorum , 1688.
III. Disput. de pietate heroied ,
îGiyi. IV. Poème eu grec , adressé
à l'archevêque BenzeSius , 1(378. V.
Une Edition portative de la Bible ,
en suédois, qu'on appelle, enSuède,
la Bible de Molin , et qu'il fit im-
primer, à ses frais, à l'usage des voya-
geurs et des étudiants , Stokholm ,
17.x» , in-12. On trouve l'Éloge de
Molin , dans les sîcta litter. Sueciae
de 1724. C — AU-
MOL
MOLTN ( Jacques ) , plus connu
sous le nom de Dumoulin , célèbre
médecin de Paris, fut l'un dos plus
grands praticiens de son temps. Il
était ne à Marvége, petite ville du
Gévaudan, le '?.<) avril 1 (>(>(>. Après
une enfance qui n'annonçait pas ce
qu'il devait être un jour, son esprit
se développa tout-à-coup , et il fit de
rapides progrès dans les lettres grec-
ques et latines. La médecine ayant
fixé son choix, il partit pour Mont-
pellier, où tous ses moments fuient
consacrés aux études qu'exigeait la
profession qu'il avait embrassée:
il y reçut le bonnet de docteur, et
se rendit a Paris , où tous les cours
publics devinrent l'objet de ses soins
assidus. 11 fut nommé professeur
d'anatomie au Jardin du roi ; et il
n'était âgé que de vingt-six ans , lors-
que le maréchal de Noailles le dé-
signa pour être médecin en chef de
l'armée de Catalogne. En 1G9». , le
duc de Vendôme lui fit expédier des
lettres de premier médecin pour toute
cette province. Api es avoir suivi ce
prince, en qualité de médecin en chef
des armées du roi, il revint dans la
capitale en 1706, et y augmenta en-
ta réputation en guérissant le
prince de Coudé; bientôt il fut l'Es-
eulape de la cour et fie la ville :
Louis XIV l'appela d I rniè-
uiées de sa vie , et voulut qu'il
lût consulté dans toutes ses maladies.
En 17a 1 , il contribua au réta! !
ment delà santé de Louis \\ , et fut
ifié d'une pension de quinze 1
livres , sur le trésor royal. Le roi
lui accorda, en 1728, un nouveau
brevet de médecin consultant. Lors
de la mal,:' | rince, en 1744,
Molin, âgé te-dix-huit ans,
vole à Metz , el -. rend
le monarque an h France :
cependant la craint chute ,
MOL 3 17
fit qu'il s'opposa au départ de Louis
pour l'armée; il ne fut point écouté,
et quand il reparut devant le mo-
narque après la prise de Fribourg :
« lié bien , lui dit ce prince, si je
» vous avais cru, je n'aurais pas pris
» Fribourg. — Sire, répond Mo-
» lin , j'étais plus occupé de votre
» sauté que de votre gloire. » Neuf
mille livres d'appointement furent
ajoutées à son brevet de médecin
consultant; il les conserva jusqu'à sa
mort, arrivée à Paris, le 21 mars
1755. H était alors âgé de près de
quatre-vingt-neuf ans . et il n'a point
laissé d'enfants. A la faveur delà cour,
Molin joignaitl'estime et la confiance
du public; iJ soignait tous les malades
sans distinction de rang et de fortune.
Sa théorie était solide , fondée sur
l'observation et l'expérience; sans
système et sans verbiage, il consta-
tait les maladies par leurs signes et
leurs symptômes : peu curieux d^en
rechercher les causes, il fixait le
régime le plus convenable , et se
bornait aux remèdes les plus surs
et les plus éprouvés. Personne n'a
mieux connu , avant lui , l'art diffici-
le d'employer convenablement dans
chaque maladie , les différentes -
minérales. Partisan de la saignée,
< n être prodigue , il était hardi
dans l'emploi des moyens héroïques
•s'ils étaient indiqués , et il était
habile à saisir le moment. Le lait
toute nourriture, était un des
remèdes qu'il exaltait au-dessus des
res-; cl il avait l'art d'y prépa-
rer ses malades. Souvent il n'or-
donnait aucun remède; un régime
plus régulier, l'application des
eeptes d'une hygiène éclairée, lui
suffisaient pour faire cesser des ma-
ladies très-graves. On croit que
ce médecin , que Lesage a désigne
sous le nom du d odeur Sa::
3i8
MOL
( i ) , parce que Molin saignait fré-
quemment , prescrivait la diète et
l'eau ; et que lui-même s'abstenait
de vin , pour éviter la goutte à la-
quelle il était sujet. Lesage, peut-être ,
avait eu à s'en plaindre. Toutefois
Molin fut le plus habile praticien de
son temps : son coup-d'œil était sur,
et ne le trompait jamais sur le diag-
nostic le plus difficile. Oir rapporte
qu'étant âge, quelques jeunes méde-
cins, qui venaient s'instruire dans sa
conversation , le pressant , un jour ,
de designer celui de leurs confrères
qu'il jugeait digne de le remplacer ,
Molin leur répondit : « Je laisse
» après moi trois grands médecins.»
Nouvelle instance de la part des in-
terlocuteurs , pour savoir le nom de
ces trois favoris d'Esculape : « Ce
» sont , répliqua Molin , la diète ,
» l'eau et l'exercice. » S'il n'a rien
e'erit sur la médecine (2), on peut
assurer qu'il a beaucoup contribué à
établir la meilleure manière de la
pratiquer. Molin avait acquis une
fortune considérable (on la portait à
seize -cent mille francs). On raconte
de lui des traits d'avarice dignes de
figurer avec ceux de l'Harpagon de
Molière: mais, ce qui ne doit pas
être oublié, c'est que 32 neveux ou
petits-neveux lui durent leur éduca-
tion et leur établissement; qu'il don-
nait gratuitement ses soins aux pau-
vres , et leur fournissait de l'argent
pour se procurer du bouillon et les
choses nécessaires : quelquefois mê-
me il distribua des sommes assez
fortes, en cherchant toujours à mé-
nager l'amour-propre et la délica-
tesse de ceux qui auraient pu rougir
de leurs besoins. Jean-Baptiste Cho-
(i) On l'a dit aussi d'un autre médecin contempo-
rain ( V, Hecquet ).
(a) \ l'exception d'un Recueil d'obie/vations sur
le r/tumatisnu . iu-»aj ouvrage ;iss<;> médiocre.
MOL
mcl a publié un Éloge historique
Molin, Paris , 1761 , in -8°.; cet
article en est un extrait. F — r.
MO LIN A ( Marie de), l'une des
plus grandes reines qui aient occupé
le trône de Gastille et de Léon , était
fille d'Alphonse de Molina , du sang
royal. Elle fut mariée, en 1282, à
l'ambitieux Sanche IV, son cousin-
germain , qui , après avoir détrôné
son propre père, s'était fait déférer le
titre de roi par les états (Foj, Al-
phonse x , 1 , 618 ). Leur parenté
était unobstacle à leur union : le pape
ordonna aux évoques de Burgos et
d'Astorga, d'en prononcer la nullité,
et d'excommunier les deux époux ,
dans le cas où ils refuseraient de se
séparer. Tandis que Sanche était oc-
cupé à affermir son autorité, Marie
travailla avec succès à le réconcilier
avec son père; et Alphonse mourant
révoqua l'acte par lequel il l'excluait
du trône. Marie se rendit aussitôt
avec son époux, à Tolède, pour y
recevoir le serment des grands du
royaume; et elle réussit, par sa sa-
gesse et sa prudence , à en ramener
plusieurs à des sentiments pacifiques.
Sanche mourut en 1 29.5 ; et Ferdi-
nand , son fils aîné , âgé de dix
ans , fut déclaré son successeur , sous
la tutelle de la reine Marie : mais
don Jean, oncle de Ferdinand, re-
fusa de le reconnaître, sous le pré-
texte qu'il n'était pas né d'un maria-
ge légitime; et, appuyé par une foule
de mécontents, il essaya de lui ravir
la couronne. Marie n'avait cessé de
faire des démarches pour obtenir de
la cour de Rome la confirmation de
son mariage : ce ne fut pourtant qu'en
i3oi, qu'elle obtint du pape Boni-
face VIII une bulle qui légitima ses
enfants. Dès qu'elle eut été reconnue
régente dû royaume, elle chercha à
11er l'affection des peuples est
as
MOL
adoucissant leur sort;ellediminua les
impôts, et supprima entièrement
ceux f|ue le malheur des temps avait
fait établir sur les denrées nécessai-
res à la vie : elle convoqua ensuite
les états à Yalladolid, pour les con-
sulter sur les moyens à prendre dans
les circonstances, et en obtint des
sommes considérables, dont elle em-
ploya une partie à payer la fidélité
des grands restés attachés à son (ils,
ou à en acheter d'autres. Elle aban-
donna à D. Denis , roi de Portugal ,
quelques villes qui étaient un sujet
de guerre, et lui demanda pour Fer-
dinand la main de l'infante Constan-
ce. Dès l'a nuée suivante ( 1 296 ) , les
grands envoyèrent dire à la régente
qu'elle ne devait plus compter sur
leur fidélité, et élurent D. Alphonse
de Cercla, roi de Castille. Aidés du
roi de Grenade , les rebelles entrèrent
aussitôt dans l'Andalousie , où ils
commirent beaucoup d'excès; mais
arrêtés devant Mayorga, une mala-
die contagieuse se déclara dans le
camp , et ds furent obligés de -
tirer. Le roi de Portugal, oubliant les
sacrifices dont Marie avait acheté
son alliance, avait pénétré en même
temps dans la Castille : informé de
la levée du siège de Mayorga , et
abandonné par les Si
lans qui servaient sous ses drap
il se hâta de reprendre le chemin de
ses étals. Marie profita habih
du mécontentement du roi de Portu-
gal, pour lui faire de nouvelles pro-
positions;^, avec les secours qu'elle
ut, elle acheva de pacifier le
ridant cou
point
compter sur les] jrands,
elle voulut avoii 1 cons-
tammi et les
états lui a
1
MOL 3kj
au courage et à la sagesse de sa mère,
que Ferdinand devait le tronc: mais
ce fds ingrat, séduit par ses courti-
sans , ne larda pas à se lasser de l'in-
fluence salutaire qu'elle exerçait sur
l'administration du royaume; il lui
signifia qu'il voulait régner par lui-
même. Marie quitta, sans se plain-
dre , les rênes du gouvernement , et
sut néanmoins conserver sur Ferdi-
nand une autorité qu'elle n'employa
qu'à le garantir des fautes où l'en-
traînait un caractère cruel et empor-
té ( V. Ferdinand iv, XIV, 3ii ).
Ce prince mourut en i3ri, laissant
au berceau un fils, qui fut reconnu
son successeur, sous le nom d'Al-
phonse XI. Marie fut aussitôt nom-
mée régente; mais une partie des
états se déclara en faveur de Cons-
tance, mère du jeune prince. Cette
double élection occasionna des trou-
bles qui déterminèrent Marie à re-
re l'autorité aux infants, oncles
du roi; elle garda toutefois la sur-
veillance de son petit-fils , qui fut
élevé sous ses yeux. Cette princesse
mourut à Valïadolid, le 1e1'. juin
i3*22, regrettée de ses sujets, dont
elle s'était montrée la mère plutôt
(pie la reine: elle fut inhumée dans
le couvert de las Huclgas ( du Re-
pos ), qu'elle avait fonde'. Ses vertus
grandes qualités lui ont mérité
les éloges des historiens espagnols,
et la reconnaissance de la postérité.
W— s.
MOLINA ( Alphonse de ), mis-
sionnaire espagnol, fut conduit, dans
remière jeunesse, au Mexique,
par ses parents, et apprit la langue
des indigènes, qu'il parla bientôt
la plus grande facilité. Le
deliçrs missionnaires dans celte par-
tie de I' \ le prirent pour
leur interprète ; el à l'âge d •
MOL
il avait rendu d'importants services.
Il fut attache pendant cinquante ans,
à différentes missions, dans la Nou-
velle-Espagne, et eut le bonheur de
convertir a la foi catholique un grand
nombre d'iufidèles. Après une vie
remplie de bonnes œuvres et d'utiles
travaux, il mourut, en 1 58o, dans le
couvent de son ordre, à Mexico. Le P.
de Molina a publie une Grammaire
et un Dictionnaire mexicains ; et ii a
traduit dans la même langue, les
Evangiles de Vannée, des Instruc-
tions famih ères sur les vérités de la re-
ligion, une Méthode pour la confes-
sion, et plusieurs ouvrages ascétiques,
dont on trouvera les titres dans Wa-
ding, Scriptor. ordin.minor. p. i3 et
i4> Le plus remarquable des écrits
du P. Molina, est le Vocabulario en
lengua castillana y mexicana, Me-
xico, 1371, 1 part., in fol. ; c'est
le plus ancien livre connu imprimé
en Amérique, et la rareté en est ex-
cessive. M. Is. Thomas en a donné
la description , dans le The history
ofprinting in America ( V. le Ma-
nuel du libraire, par M. Brunct,
3°. édition, à l'art. Molina). W-s.
MOLINA ( Goivzalve Argote
de), généalogiste espagnol, naquit
non à Bacza , comme le dit Nicolas
Antonio , mais à Séville ; c'est du
moins l'opinion de D. Jean - Lucas
Cortès , dans sa Eihliotheca hispa-
nica , Jristorico-genealogico-heraldi-
ca, publiée sous le pseudonyme de
Gérard-Ernest de Franckenau. Mo-
lina s'adonna , dès sa jeunesse , aux
lettres et aux armes. Il se signala
non-seulement dans la guerre de Gre •
nade, eu i5G8, mais encore dans
une expédition aux Canaries, contre
les pirates qui infestaient ces para-
ges. De retour dans sa patrie, il y fut
nommé échevin , commandant de la
Sainle-Ilermandad, et alferez major
MOL
( premier enseigne ) d'Andalousie.
Ces fonctions lui attirèrent quelques
procès avec le chapitre de Séville.
Il avait épousé la fille naturelle et
unique d'Augustin de Herrera et Ra-
jas, marquis de Lanzarote; et dans
l'espoir d'en hériter, il avait déjà pris
le titre de son beau-père. Maisle mar-
quis s'etant remarié, et ayant eu des
enfants mà'cs, Molina dut se conten-
ter du litre de seigneur de la Tour de
Gilde-Oiid. Il avait eu lui-même des
enfants de son mariage; mais il les
perdit de bonne heure. Il tomba dans
le besoin pendant ses dernières an-
nées ; tous ses chagrins avaient altéré
sa raison, lorsqu'il mourut, en i5f)o
environ. Les ouvrages généalogiques
de Molina sont tellement estimés,
qu'ils font autorité , dit Antonio.
Cortès en donne une liste, dans la-
quelle il a compris même les manus-
crits. Les ouvrages imprimés de Mo-
lina sont : l. Nobleza del AndaUt-
zia, Séville, i588, in-folio. II.
Historiadel gran Tamerlan, 1087.,
in-folio, imprimé dans le tome m
du Cronicas de los reyes de Castillay
Madrid, 1782, in-4°. {V. Clavijo,
VIII, 64a.) C'est à Molina que l'on
doit la première édition du Comte de
Lucanor ( V. Manuel , XXV 1, 5 \ o),
et l'édition du Libro de la Monteria
( Traité de vénerie, composé au qua-
torzième siècle, par ordre d'Alphon-
seXI ) , Séville , 1 58a, in-fol. Argote
de Molina ajouta à la fin un discours
ou notice historique sur cet ouvrage,
très-rare, dit La Serna Santandcr
et en même temps très-utile pour 1
connaissance de la géographie du bas
âge de l'Espagne. A. B — t.
MOLINA ( Louis ) , théologien
espagnol, né en i535, à Cuenca ,
dans la nouvelle Castiîle, entra chez
les Jésuites à 18 ans , fit ses éludes à
Coïmbre, et enseigna, pendant vingt
MOL
ans , la théologie dans l'université
d'Evora. Il quitta ensuite le Portugal,
et mourut à Madrid le 12 octobre
1601. En travaillant à un commen-
taire sur la Somme de saint Thomas
(publié en kh)3, 2 vol. in loi. ) , il
fut conduit à chercher les moyens
de concilier le libre-arbitre de L'hom-
me avec la prescience divine et avec
la prédestination ; matières qui sont
Iraite'es dans la irc. parlic de la
Somme du saint docteur. S'étant
beaucoup occupe de cet objet , il
lit un ouvrage sépare' de son com-
mentaire, et le publia, in*4°., à Lis-
bonne , en i588, sous ce titre : De
liberi arbitra cum gratiœ donis....
concordid, avec un Appendix publié
en 1 589 ; ce livre parut avec l'appro-
bation du censeur: il était dédié à l'ar-
chiduc d'Autriche, inquisiteur-géné-
ral du royaume. Il a été depuis im-
primé à Lyon en i5q3 , à Venise en
1 5g [, et à Anvers en 1 5q5 ; mais l'é-
dition originale est la plus recher-
chée. C'est dans ce livre que Molina
expose le système qui depuis a été
si fort agité dans les écoles. Ce théo-
logien n'admet point de grâces effi-
caces par elles-mêmes, et paraît ac-
corder beaucoup au libre-arbitre ; il
suppose en Dieu une science qu'il ap-
pelle moyenne , relativement aux
actes conditionnels, et croit que là
prédestination est postérieure à I 1
vision des mérites. Une anal)
j stème passerait les bornes qui
nous sont tracées.; on eu trouvera
une dans l'Histoire ecclésiastique
du dix-septième siècle , par Dupm j
tome ier.L'auteurneconnaît que Mo-
lina procè in de clar-
té, de méthode el <le subtilité. Sua-
rez, confrère de Molina , modifia un
peu son - \ 1 celui
qu'on a appelé l< we.L'unet
l'autre sont abandonnés aujourd'hui;
XXIX.
MOL
3?.i
mais ils ont dans l'origine donne lieu
à de vives disputes. Les Dominicains,
qui avaient tout mis en œuvre pour
empêcher le livre de Molina de pa-
raître , le poursuivirent dès qu'il eut
été publié. Les Jésuites prirent parti
pour leur confrère. On s'attaqua
dans des thèses, dans des sermons ,
dans une foule d'écrits. Le livre de
la Concorde fut déféré à l'inquisition
d'Espagne , ensuite à Rome , ou Clé-
ment VIII nomma , en 1 597 , une
congrégation pour prononcer à ce
sujet : c'est ce qu'on appela la con-
grégation de auxiliis , parce qu'il
s'agissait d'y examiner la nature des
secours de la grâce et la manière
dont elle opère ( V. Lemos ). Cette
congrégation tint un grand nombre
de séances où les Dominicains et les
Jésuites furent entendus. Clément
VIII ne vitpas la fin de cette affaire,
et elle se renouvela sous Paul V : on
prétend savoir que la plupart des
consulteurs furent d'avis de censurer
la doctrine de Molina. Mais Paul V
ne publia aucune censure ; et, en con-
gédiant les contondants, il leur défen-
dit , en 1607 , de se censurer mutuel-
lement. Le même pontife prescrivit
depuis de ne rien publier sur ces ma-
tières; et plusieurs de ses successeurs
ont renouvelé cette recommandation,
qui n'a pas été religieusement obser-
chaque parti a fait paraître
des histoires des congrégations de
auxiliis ; et les adversaires de Mo-
lina , entre autres, ont présenté son
svsièmc comme monstrueux en lui-
même , et horrible dans ses consé-
quences. C'est le jugemenl qu'on m
porte dans un grand nombre d'écrits
dictés par l'exage'ration. IVIai
même temps il faut convenir a
me paraît invraisemblable et
lettre
de l'Écriture ainsi qu .lion :
321
MOL
aussi n'est-il , depuis long-temps , ni
enseigné ni suivi Les théologiens
de nos jours s'abstiennent de sonder
ces questions profondes , qu'il n'est
peut-être pas donne à l'homme d'é-
claircir. C'est donc à tort que quel-
ques-uns continuent d'appeler Moli-
nistes ceux qui sont opposes à un
certain parti, comme s'il n'y avait
aucun milieu, et que l'on fût néces-
sairement Moliniste parce qu'on re-
jette les opinions de ce parti. On peut
assurer, au contraire, que les théo-
logiens les plus déclarés contre ces
opinions, ne sont pas pour cela plus
favorables au molinisme. Il y a seu-
lement cette différence qu'ils rejettent
ces opinions comme condamnées ,
tandis que le molinisme , quelque peu
vraisemblable qu'il paraisse, n'a ^ubi
aucune flétrissure. Les autres ouvra-
ges du P. Molina étaient à-peu-près
oubliés : en fouillant dans son traité
De Justitid el jure (Maience, 1609,
6 vol. in-fol.) , on y a trouvé quelques
propositions de morale relâchée , au
sujetdes compensations occultes, etc.
Elles ont servi à grossir Y Extrait
des assertions , etc. , qui a servi de
prétexte à la suppression des Jé-
suites. P — c — T.
MOLINELLI ( Jean-Baptiste ),
prêtre de la congrégation des Écoles-
Pies, né à Gènes en 1730, enseigna
d'abord la philosophie à Oncille, et
ensuite la théologie à Gènes. En 1 769,
il fut appelé à Rome pour y rempla-
cer le père Natali , qui venait d'être
nommé professeur à Pavie. Moli-
nelii occupa, pendant huit ans, la
chaire de théologie dans le collège
Nazaréen, dirigé par sa congrégation
à Rome. On loua beaucoup une thèse
qu'il y fit soutenir, en 1777 , sur les
sources de l'incrédulité et sur la vé-
rité de la religion chrétienne ; cette
thèse, qui futimpiïniée(89 p. in-4°.)>
MOL
était rcdige'e suivant les principes du
système .iitgustinicn. L'auteur quitta
Rome peu après, et retourna dans
sa patrie, où il professa de nouveau
la théologie. 11 publia cependant à
Rome, en 1788 , un Traité de la,
primauté du pape. Tl joignit des re-
marques et des notes à l'édition de
la Théologie de Lyon, faite à Gènes ?
par Olzati, en 1788. Ce soin mon-
tre assez à quelle école appartenait
Molinelli : il eut, sur ses opinions, des
démêlés avec le savant et pieux Lam-
bruschini, barnabite, alors profes-
seur de théologie au séminaire de
Gènes, et aujourd'hui archevêque de
cette ville. 11 se montra favorable à
la révolution de son pays ; et il faisait
partie d'une espèce d'académie ecclé-
siastique , formée à Gènes dans ce
sens : les principaux membres étaient
l'évêpieSolari, Palmieri, Degola, et
autres patriotes ; ils donnaient des
ouvrages en faveur du système démo-
cratique. Molinelli publia pour sa
part (en italien), le Préservatif con-
tre la séduction , et Du droit de
propriété des Églises sur les biens
ecclésiastiques. Le sénat de Gènes
l'aVait nommé un de ses trois théo-
logiens ; et il rédigea, en cette qua-
lité , des mémoires et des consulta-
tions sur différentes matières. Il mou-
rut à Gènes , au commencement de
1799, laissant beaucoup de manus-
crits. P C T.
MOLINET ( Jean ), poète fran-
çais, naquit au quinzième siècle, dans
un village du Bouîonais ( 1 ). 11 fit ses
(O Son épitap!>e porte qu'il naquit à Diverma f
que l'abbé Goujet rend par Desvres ; l'r sp. Mar-
dis d par Desvrenn- s , el !a Bi!>l. histor. de France ,
par I)isvcrn<s. M. Chevalier { Ilist. de Potigrii ,
tome 11 , p. 4°.r>- et suiv. ) , a voulu prouver qu Mo-
linet elait ne à Poligtii , ou du moins qu'il elait ori-
ginaire de cette ville; et c'est dans son e'pitaphe mê-
me qu'il a cherche les preuves d'une opinion aussi
singulière. Voici cette e'pitaplie , rapportée par Fop-»
peus , dans 1% Bill, Belgica :
MOT,
études à l'université de Paris , et
retourna en Flandre, où il se maria
(a)« Devenu veuf, il embrassa l'état
ecclésiastique , et fut pourvu d'un
canonicat de la collégiale de Valen-
ciennes. Il était l'ami et le disciple
de George Châtelain • et il lui suc-
céda dans la place d'indiciaire et
îiistoriograpliede la maison de Bour-
gogne. Marguerite d'Autriche , gou-
vernante des Pays-Bas , le nomma
son bibliothécaire. Il mourut , en
1507 (3) , à Valenciennes , dans un
âge avancé , et fut enterré dans l'é-
glise de la Sale-le-Comte , à côté de
Châtelain. C'était lui qui avait pris
soin de l'éducation de Lemaire de
Belges , son parent , qui lui succéda
Me Molinet peperit Dh-erniu Bùloniensit ;
l'arisiis docuit , aluit quoque ValUs amorum ;
Et quaïnvis magna fuerit inca lama per orbeia,
Haec mihi pro cuuctis fruclibus nain fuit.
Divcrnia , dit M. Chevalier, est le nom de la mère
de Molinet, qui était de la maison du Vernois de Po-
lîgni; fiolaniiriisis , le (graveur lest trompé, eu
substituant un P au B, il tant lire Polàtiîenris , de
Poligni ; f'allii amorum , c'est le V;.l d'amour, tan-
ton près de Poli^ui , où Molinet fut nourri dans
son enfance. Cependant il est évident que Divemia
n'est pas le nom de la mère de Molinet , mais bien
celui du lieu de sa naissance, que tous les biographes
s'accordent à placer dans Je Boulouaù : quant a la
signification de Vatlii amorum , elle est expliquée
]>.ii' l'epitaphe française du même Moliu t, rap-
Sortpe par Jules Chiffiét, à la lèle de l'histoire de
Boqaes de Lalain , p. ia.
Valr.ncienncs , val doux , val insiçne et floury.
11 n'est pis permis de supposer que l'auteur de IVp»-
taphe latine ait \oulu parler dl
cte en nourrice, . t qu'il ail oublie de faits
ti n dé la ville où cet écrivain, de l'aveu de tout li s
p .-.se la ului i
Molinet, à la prière île Jean I'.. i ii. ni.l , de P
lé nue //, //i/ie en l'honni ur de s mit Hipp< l\te,
patron de cette ville ; et le lilence qu'il i, ••
Celte pifci . /. longue i 'tendue, mu- les liens
• i. i.i l'.,ii „ ht -r .'. cette ville , . -t une nouvelle
preuve qn on ne rtoil point y placer sa naisxance.
(') Ci de Molinet n'a
i ] . . ■ he; mail
on ne pi .!,• , d'api, s le témoi-
gnage d< i,- »econd volu-
me et le lupplément de s xerapnire de la < 'hrorti-
inie de Min. t mit .i
lils , Augustin .Moliii. i . , y0v j;l
Bibl-hislor.di I
(3) Jul< sChi xàphê ù<]\ ci-
tée, dit qncl'an du di
que , luuii qu'il trouve qu'il tuouiwt IwH. OVUI
MOL
323
dans la place d'indiciaire ( F. Le-
maire , XXIV , 33 ). Il était fort lié
avec le poète Guillaume Crétin , com-
me on le voit par deux épîtres que
celui-ci adressa à Molinet. La plu-
part des beaux-esprits de son temps
le regardaient comme leur maître et
leur modèle ; mais, après avoir lu ses
ouvrages , on est bicu étonné qu'il
ait jamais pu obtenir une si grande
réputation. Dépourvu de goût , d'i-
maginalion et de sensibilité, il n'a-
vait d'autre mérite qu'une facilité
malheureuse a écrire sur toutes sor-
tes de sujets ; son style est défiguré
par de pitoyables jeux de mots , de
froides allusions, et par une atten-
tion puérile à ramener sans cesse les
mêmes rimes , défaut que Rabelais
a tourné en ridicule dans le chap.
liv de son Gargantua. Outre la
traduction du roman de la Rose,
dont on a parlé à l'art. Jean de
Meung , on a de Molinet : I. Les
Faits et Dits, contenant plu ieurs
beaux traictés , oraisons et chants
royaux , etc., Paris, i53i , in-fol.;
ibid. , 1 537 , in-8". , et 1 :>4o , même
format ; ces trois éditions sont rares
et recherchées. C'est de ce recueil
qu'on a extrait les poésies diverses
de Molinet, imprimées à la suite de
la Légende de maître Pierre F ai feu
( V. Bourdigivé, V, 3G3 ). L'abbé
(ioujet a donné une !n.m:e analyse
des ouvrages de cet écrivain , dans la
Bibliothèque francaie , t. x, T-17.
De toutes ses productions la plus en-
rieuse est sans contredit : la Hecol-
lection des Mciveilles advemtt
notre temps , comment ■»•«• par Cli.ttc-
lain , et continuée par son disciple
(fr. Ci. ati i. ain, VIM, ••:<). H. ^e
Temple de Mais , dieu des bat.:
Paris, Petit Laurent , s. «1. , in-80.,
gOth.; sans nom de ville* !
in- 16 , gOthi, de îG pag. Cette pièce
SU. ,
:3-4
MOL
a été réimprimée dans les Faits et
Dits , cte. La dernière stance nous
apprend que Molinet avait éprouve
de grandes pertes par les guerres
qui désolèrent les Pays-Bas, vers la
fin du quinzième siècle , et qu'il ne
put recouvrer les sommes qu'on lui
avait enlevées. III. Le Calendrier
mis par petits vers , s. d. , in-8°. ,
insère' dans les Faits et Dits. C'est
une face'tie , dans laquelle on trou-
ve quelques traits assez plaisants.
IV. Moralité intitulée : Vigile des
morts , mise en rimes françaises ) et
par personaiges , Paris , Jean Jehan-
not, s. d. j in-16 , go th. ; pièce très-
rare. V. Histoire du rond et du
quarré , à cinq personaiges , assa-
voir : ie rond , le quarré , honneur ,
vertu et bonne renommée , où sont
contenues plusieurs choses singu-
lières touchant le saint-sacrement de
l'autel; plus la plainte de Constanti-
nople , le tout en rimes , imprimé
par Ant. Blanchard , sans nom de
lieu et sans date. Cette pièce, citée par
Duverdier , ne peut être que de la
plus grande rareté , puisqu'elle a été
inconnue à tous les autres bibliogra-
phes. Molinet a laissé en manuscrit :
\] Art de rimer , conservé à la bi-
blioth. du Roi , sous le n°. 1 1 88 ; et
une Chronique, de l'an i474 à i5o4,
dont on connaissait plusieurs copies
dans les Pays-Bas. Jean Godefroy,
archiviste de la chambre des comptes
de Lille , en possédait un exemplaire
en *2 vol. in- fol. , avec un supplément
jusqu'en 1 5o6 ; et il se proposait de
publier cet ouvrage, qu'il regardait
comme une bonne suite aux Mé-
moires de Comines ; mais sa mort
priva le public de ce travail. Dès
1610, Aubert Lemirc avait eu l'in-
tention de faire imprimer un Extrait
de la Chronique de Molinet ; son
manuscrit autographe , revêtu de
MOL
l'approbation du censeur , est indi*-
qué dans le Catalogue de La Serna
Santander, sous le n°. 3053. W — s.
MOLINET ( Claude du ). F. Du-
MOLINET.
MOLINEUX. r.MoLYNEux.
MOLINIER ( Guillaume )brilla,
dans le quatorzième siècle , comme
chancelier de l'association de trou-
badours toulousains qui , sous le
nom de Collège du gai savoir , fut
l'origine de l'académie des jeux flo-
raux ( V. Camo et Clémence). Com-
posée de sept poètes qui prenaient
individuellement le titre de Main-
teneurs du gai savoir , et s'appe-
laient collectivement le Gai consis-
toire, cette compagnie affectait les
formes des universités , dissertait
périodiquement sur la matière des
belles -lettres , et se recrutait de
bacheliers et de docteurs ? après
leur avoir fait subir un examen sur
les Leys cl 'anwrs, synonyme des rè-
gles de la poésie , dans la langue
romane. Les mainteneurs appor-
taient une loyauté scrupuleuse dans
le jugement des compositions pro-
duites au concours , au point d'ex-
clure les femmes que l'élévation de
leur rang , et leur grande réputation
d'esprit et de vertu, ne mettaient pas
à l'abri du soupçon d'avoir emprunté
le secours d'une main plus exercée.
Cependant le gai consistoire sentit
la nécessité de propager, par des
moyens moins bornés , les tradi-
tions de goût qui dirigeaient ses mem-
bres. Molmier, qui ne faisait point
partie intégrante de ce corps , mais
qui , par un long exercice de ses
fonctions de chancelier , et par l'é-
terfdue de ses lumières, y avait ac-
quis une autorité prépondérante , fut
chargé, en 1348, de préparer une
Poétique , dont il devait soumettre
les difficultés aux mainteneurs assem-
MOL
ble's. Le vieux chancelier fondit dans
sa rédaction les observations du gai
consistoire -y et , pour perfectionner
son travail, il recueillit les conseils
de deux commissions, l'une de cinq
membres, l'autre de onze , dans les-
quelles figuraient encore les mainte-
neurs. Enfin, cet important ouvrage,
médité avec lenteur , et rédigé à deux
reprises , fut en état de voir le jour
en i35G. Les sept poètes L'approu-
vèrent, et en envoyèrent des copies,
non seulement aux lettrés , mais aux
princes et grands seigneurs , dans
tous les pays où. la langue romane
était cultivée. Cet effort pour multi-
plier l'instruction, un siècle avant
la découverte de L'imprimerie, ne
demeura pas infructueux : en 1 388 ,
Jean , roi d'Aragon , voulut fon-
der
dans ses états , une
école de gaie science. Pour y par-
venir , il demanda des poètes de la
langue d'Oc au roi de France, Char-
les VI; -et deux académiciens de
Toulouse portèrent leurs talents à
Barcelone, d'où ils envoyèrent une
colonie littéraire à Tortose. Le pre-
mier de ces établissements commen-
çant à déchoir, Ferdinand le Catho-
lique en confia la direction au mar-
quis lie Villena, qui, pour ranimer
les bonnes éludes , fit paraître son
livre de la Gaie science , dont Gré-
goire de Mayans a publié des frag-
ments. La Poétique, pu
d'amors, rédigée par Moliniei
un monument tout ; pré-
cieux pour constater l'état de la lilté-
ratm lu quatorzième si
Deux . conservés par I
déni:' ux, contiennent
la p et la rédaction
Les règles
générales dion , les
petits poè-
epoque , y
MOL 325
sont déduites avec ordre , détail et
netteté ; on y trouve une sévérité
remarquable sur les hiatus , au sujet
desquels on ne se montrait pas scru-
puleux au temps, bien postérieur, de
Marot. Une Grammaire et un Traité
étendu des figures de rhétorique eora-
Slètent cette production. L'érudition
ont elle est remplie ne nuit pas trop
à la clarté. Des détails qui décèlent
un homme versé dans la connais-
sance du droit , font reconnaître la
main d'un jurisconsulte de profes-
sion , le plus éclairé des collabora-
teurs de Mobilier, qui en a enveloppé
le nom dans une équivoque latine
devenue inintelligible. Les Leys*à'a-
mors sont en prose , mêlée de quel-
ques vers : M. Raynouard en a pu-
blié le commencement dans sa Gram-
maire P,omane. Ce morceau peut
donner une idée du style de Mobilier,
qui, d'ailleurs, abonde en jeux de
mots , et surtout en comparaisons
et en métaphores. On attend la pu-
blication du texte de cette Poétique ,
avec la traduction en regard , par
MM. d'Escouloubre et d'Àguilar,
académiciens des jeux floraux.
F_T.
MOLINIER ( Etienne ), prédica-
teur, né à Toulouse , vers la fin du
seizième siècle , y exerça qu<
temps la profession d'avocat, puis
entra dans l'état ecclésiastique, et se
fit nu nom dans la chaire ; ce fut lui
qui porta la parole, au sacre de Louis
XIII , le l] octobre i(J i o : son dis- I
cours , imprimé sous le nom de Pa-
négfi: noyé dans de longs
détails sur l'origine de la cérémonie
qui y avait donné lieu. Mobilier cul-
tivait aussi ia poésie; et il e'tail parti-
culièrement lie' avec M11'-, de (iour-
nay , la fille d'alliance de Montaigne.
Jl mourut en i65o , pourvu dune
cure dans sa pn>\ ince, f <iu-
SiG
MOL
vragcs, nous mentionnerons : I. Des
Sonnons pour tous les dimanches de
l'anr.r'c, Toulouse, iG3i, 2VoLin-8°,
II. Idem , pour le Carême , Lyon ,
iG5o, i vol. in-8°.lll. Vomies Fêtes
des saints. Douai, i65sî , 3 vol.
in-8°. IV. Vour Y Octave du Saint-
Sacrement, Toulouse, 1640, in-8°.
V. Sur le mystère de la Croix, ibid. ,
i643, in-8°. On trouve, à la fin,
une Oraison funèbre du garde-des-
sceaux Duvair. VI. Panégyrique de
saint Louis , Paris, 16 18, in- 12.
VII. Panégyrique de saint Thomas,
archevêque de Canterbury. VIII.
Œuvres mêlées , Toulouse, i65i ,
in-8°. Ce volume se compose, en
grande partie , du panégyrique de
Louis XIII , d'un plaidoyer pour la
préséance des avocats sur les méde-
cins , et de quatre discours acadé-
miques. F T.
MOL1NIER ( Jean-Baptiste ) ,
prédicateur comme le précèdent, né'
à Arles, en 167.5 , d'un va!et-dc-
chambre de l'archevêque François
deGrignau, étudia cliezlesOratoriens
de Pézenas , et, en 1700 , entra dans
cette congrégation , après avoir porté
quelque temps l'habit militaire. Il
passa des travaux c!e l'enseignement
à ceux de la chaire , et prêcha avec
succès à Grenoble , à Aix , à Tou-
louse , à Lyon , à Orléans et à Paris.
Massillon , frappé de Fé< lat et de
l'inégalité de son talent, lui exprima
son étonncmciit : « Il ne lient qu'à
•» vous , Fui dit-il - d'être ie predica-
■n teurdu peuple ou ceiui des grands. »
Molinier quitta l'Oratoire, en 1720,
et se retira au diocèse de Sens ;
3nais il fut ramené à Paris , par le
désir de reparaître dans la chaire.
L'archevêque de Paris , Vinlimilic,
lui ayant interdit la prédication , il
ne s'occupa plus que de la révision
des sermons qu'il avait prononcés. H
MOL
mourut à Paris, le i5 mars 174^
On a de lui : I. Des Sermons , 1 730
et années suivantes, 14 vol. in-12 ,
dont 3 de Panégyriques, et 1 de Dis-
cours sur la vérité de la religion chré-
tienne. Un style vif, mais peu cor-
rect, un ton véhément, de riches
images, attestent le génie oratoire de
Molinier: malheureusement il tombe
à chaque instant dans les répétitions
et dans un langage prolixe, bas et
parfois bizarre. Son sermon sur le
Ciel passe pour son chef-d'œuvre;
on peut le comparer avec la compo-
sition d'un autre orateur méridional ,
l'abbé Poulie, qui a traité le même
sujiet.II. Une traduction àesPidumes,
avec le latin, et des notes littérales et
morales , in-12. III. Une traduction
de Y Imitation de J.-C, 17^5, in- 1 2,
et 1 730, in- 18. IV. Extrait s de î'His-
foire ecclésiastique de Fleury, sur
V Jvianisme , avec une préface tliéo-
logique, 1718, in-e4°. Cette préface
ayant essuyé des critiques très-vives,
l'auteur en retira les exemplaires. V.
Instructions et prières, pour soutenir
les aines dans les voies de la péni-
tence, 17^4? in-12. VI. Exercice
du pénitent . avec l'office de la péni-
tence , in- 18. VII. Prières et Pen-
sées chrétiennes ; Cantiques spiri-
tuels , etc. F — t.
MOLINOS (Michel), théologien
espagnol, né dans le diocèse de Sara*
gocc en 1 627 , alla se fixer à Rome,
et s'y lit une réputation de piété et
de talent pour diriger les consciences.
Il publia, dans celte ville, en 1673,
avec l'approbation de cinq docteurs,
un livre qu'il intitula La Guide spi-
rituelle, et dans lequel il prétendait
diriger les âmes dans le chemin de
la perfection. Cet ouvrage parut d'a-
bord en espagnol, et fut ensuite ini-
primé en italien, et enfin en latin
avec l'approbation de l'archevêque
MOL
dePalcrme. Si l'on jugeait de sa doc-
trine par l'analyse qu'en donne Du-
pm
dans son I/istoi c ecclésias-
tique, il ne paraîtrait point offrir les
principes monstrueux attribues à
l'auteur; on y voit seulement des idées
de mysticité fort bizarres et qui pou-
vaient donner lieu à des conséquence s
fâcheuses. Ce furent ces conséquen-
ces, et ce que l'on rapportait des en-
tretiens particuliers de Molinos, qui
donnèrent l'éveil sur son livre. Le
père Segneri , jésuite italien , célèbre
par sa pieté et ses travaux, écii\it
contre lui : d'un autre côté, le père
Petrucci et Fr. Malaval soutinrent
la doctrine de La Guida. En i685,
Molinos fut arrêté, et conduit dans
les prisons de l'inquisition romaine j
l'inquisition d'Espagne condamna
son livre la même année. L'instruc-
tion de son procès , à Rome, fit con-
naître, dit- on, des erreurs plus gra-
ves qu'il avait enseiguées dans ses
entreliens particuliers, et des écarts
dans sa conduite ; plusieurs person-
nes furent arrêtées à ce sujet. Le i5
février 1686, le cardinal Cibo , se-
crétaire d'état du pape Innocent XT,
écrivit une circulaire aux évêques
d'Italie, pour les avertir de se défier
des nouvelles méthodes d'oraison
avec lesquelles on cherchait à trom-
per les simples : on signalait dans
cette lettre les propositions tirées des
livres des Quictistes,elà chacune des-
quelles on avait joint une courte ré-
futation. Le ^8 août 1687, l'inqui-
sition donna un décret pour condam-
ner 08 propositions dé Molinos ,
qui y est qualifie d'Enfant déper-
dition. On obligea Molinos à faire
une abjuration publique ; ce qui eut
lieu le 3 septembre suivant, Le 19
novembre de la même année, Inno-
cent XI confirma . par une bulle, le
jugement de l'inquisition, et censura,
MOL 327
in globo, les 68 propositions. Mo-
linos mourut en prison, le 29 rîéç.
1 (>9<j , étant âge Se 69 an
la Guide spirituelle , ii avait publié
un petit traité de la Communion quo-
tidienne, où on l'accuse d'autoriser
le relâchement. On trouve, dans
l'édition des OEuvres de Fénéhm,
chez Lêpel, à Versailles , tome iv,
une analyse judicieuse de la doctrine
de Molinos; et la différence de cette
doctrine avec le quiétisme mitigé de
Mmc. Guyon , et le système plus
adouci encore de Fénélon , y est ex-
posée avec autant de précision que
de clarté. Lé même volume renferme
une Réfutation des soixante -huit
propositions de Molinos, par l'ar-
chevêque de Cambrai. Voyez aussi
les Actes de la condamnation des
quiétLtes, dans les OËtivres de Bos-
suet , édition de Versailles , tome
xx vu. P — c — T.
MOLLENDORF. V. Moellen-
DORF.
MOLLER ou MOELLER (Henri),
théologien luthérien, était né, vers
i5si8, à Hambourg. Sa réputation
le fit appeler à l'académie de Wit-
temberg , où il professa les langues
anciennes et l'hébreu avec beaucoup
de succès. Ayant refusé de signer les
articles de foi dressés par le synode
deTorgau, il perdit son emploi, et
revint dans sa ville natale, où il
mourut le 26 novembre 1689. C'é-
tait nu homme très-savant dans les
langues; et Mélanchthon en faisait
on cas particulier. On a de lui , des
1 itnèntaires en latin, sur Isa le,
Maiarhie, Osée , et sur les Psaumes
de David : son Commentaire sur les
. DnpiQ cl d'Aviiunv mettent '« date de la m-'rt
i.iM.ivi
la date oiai-qu'e <J..i.-, HorérI et le» autre» dictiou-
Dairei historique» , et qdi • il '<• der-
nier .il.t ur de i • i>'l"". >'i <it^ ieê /iuics de la C0ii-
damnation dWi Quiélisiêit
3s8
MOL
Psaumes a été imprime au moins
deux fois, Wiltcmbcrg, i573, 3 vol.
in-8°., et Genève, iGo3, in-fol.; il
v a ajouté une traduction , dont Bèzc
s'est servi pour faire sa paraphrase
en vers. Suivant Richard Simon, les
Commentaires de Mol 1er sont diffus ,
mais écrits d'un style net et clair.
On citera encore de lui . I. Disserla-
tio in cœnd Domini. 1 1 . Scholia in
omnes prophetas. III. Adhorlatio in
cognoscendam linguam hebrœam,
insérée dans le tome v des Decla-
mationes selectœ de Me'lanclithon,
Wittemb. , 1 590 , in - 8°. IV. Des
Vers latins , dans le tome iv des De-
liciœ poèlar. garni anor. W — s.
MOLLER (Daniel-Guillaume) ,
l'un des -plus savants et des plus la-
borieux philologues allemands , au-
rait mérite une place parmi les e'rn-
dits précoces. Né en 1642 , à Pres-
bourg , de parents protestants , il
acheva son cours de philosophie à
dix-huit ans , et visita les principales
villes d'Allemagne , dans l'unique but
d'acquérir de nouvelles connaissan-
ces. S'étant arrêté à Wittemberg , il
y suivit les leçons de théologie et de
médecine , et s'appliqua en même
temps à l'étude des langues orien-
tales , dans lesquelles il fit de rapides
progrès. Il parcourut ensuite la
Prusse , la Pologne , l'Angleterre ,
la Hollande , et , remontant les bords
du Rhin , arriva à Strasbourg , où
il acheva son cours de théologie.
S'étant chargé de surveiller l'éduca-
tion des fils du gouverneur de Col-
mar, il employa ses loisirs à étu-
dier l'alchimie , science qui comp-
tait alors de nombreux partisans , et
profita du voisinage de la Suisse
pour voir un pays qui lui offrait tant
de sujets d'observations. Il aban-
donna son emploi , dans la vue de
satisfaire plus librement sa curiosité,
MOL
visita à pied les différentes provinces
de France , séjourna quelque temps à.
Paris , et de là se rendit à Rome afin
d'assister au couronnement du pape
Alexandre VII. Il était de retour à
Presbourg en 1670, et il fut nommé,
l'année suivante , sous - recteur du
collège de cette ville. Ayant été dé-
puté vers l'empereur pour demander
la conservation des privilèges dont
jouissaient les protestants de Hon-
grie , la liberté avec laquelle il ré-
clama les droits de ses coreligion-
naires , déplut aux ministres; et il
reçut l'avis de s'éloigner au plutôt ,
s'il ne voulait être arrêté. Il revint
promptement à Presbourg régler ses
affaires , et choisit pour asile Nu-
remberg, où il fut accueilli avec dis-
tinction. Il fut nommé, en 1674, à
la chaire de métaphysique et d'his-
toire de l'université d'Altdorf • et
l'on joignit bientôt à cette place celle
de bibliothécaire. Il remplit ces dif-
férentes fonctions avec beaucoup de
zèle, et mourut le 25 février 17 12.
Il était membre des académies de
THistoire de l'empire , des Curieux
de la nature et des Fdcovrati. On a
de lui un très-grand nombre d'ou-
vrages, mais peu volumineux; la
plupart ne sont que des thèses , des
programmes et des dissertations. Ni-
cèron rapporte les titres de tG4 ,
dans le tome xn de ses Mémoires.
Nous nous bornerons à indiquer les
principaux: I. Oratio de confusions
linguarum Babylonicd , Wittem-
berg , 1662, in-4°. Il n'avait que
vingt ans quand il prononça cette
harangue, qui est fort savante. II.
Meditatio de insectis quibusdam
Hwigaricis prodigiosis ex aère unà
cum nive in a gros delapsis, Franc-
fort, 1673, in-12. III. Curriculam
po'êticum , Altdorf, 1 67 4; Mens a
poétisa , ibid., 1678, in-12 ? deux
MOL
recueils des poésies que l'auteur avait
composée* dans sa jeunesse. I\ . Pro-
muls.is arlisheraUlicœ, ibid., 1681,
in-4°- Cette dissertation contient des
recherches sur les principaux écri-
vains qui se sent occupes de l'art
héraldique. V< Indiculus mediooruni
)gorum ex Germanid oriun-
ilorum, ibid. , 1691 , in-4°. VI. De
tjpographid, ibid., 1692, in -4°.
Cette courte dissertation a été n
primée à la suite de la Fie de Jean
Luft, en allem. , par Zeltner , Nu-
erg, 17-27 , et dans les Monu-
menta typographica , par J. Chr.
Wolf , tom. 11, p. 607-14. VII. Dis-
sertatio de opsimathid , ibid. , 1 69 \ ,
. Elle traite de l'utilité des bi-
bliothèques, et des services qu'on en
peut retirer. VIII. De scjtald La-
vedœmoniomm , ibid. , 169 J 5 in- 4°.
Ce sont des recherches sur les moyens
employés par les anciens , pour
communiquer secrètement. IX. De
technophjsiotamis , ibid., 1704,
în-4°. Cette dissertation , très-inté-
ressante , contient des recherches sur
les cabinets d'histoire naturelle et de
curiosités , et leur utilité , avec des
observations sur les devoirs de ceux
»ut chargés de leur conserva-
reimprimëc par
koeller, dans II pliq. scrip-
for. de benè on
hiblloth. ( F. \\{ ,
. ) X. Cinquante ations
)uinte-Curcc , Gornelius-Ncpos ,
Florus, Justin, Sui I
etc. , et les principaux lus-
yen âge. Dan. Czvit-
linger a rassemblé une feule de dé-
la vie et les
ouvr '•
peut consulter illem.
ïïungar.yU, 6 Wiil, Dic-
tionnaire à
MOL
329
640-6 J9 ? et Klein , Notice des pas-
leurs hongrois. W — s.
MOLLER (Jean), célèbre phi-
lologue, né en 16Ô1, à Fiensbourg,
dans le duché de Sleswig, était fils
d'Olaiis Moller , pasteur de cette
ville. Il fréquenta successivement les
universités de Kiel , de Iéna et de
Leipzig, et fit de grands progrès
la théologie, la philosophie et
la littérature. Ses études terminées,
il alla visiter les bibliothèques de
Hambourg et de Copenhague, et eu
tira un grand nombre de pièces iné-
dites, et de notes relatives à l'his-
toire littéraire des pays du Nord.
Ayant reçu une vocation pour l'é-
glise de Fiensbourg , il la refusa, pré-
férant suivre la carrière de l'ensei-
gnement, à laquelle il se croyait
plus d'aptitude. IL fut nommé, en
168.), régent au collège de sa
natale- il en devint co-rcctcur , en
1 690 , et recteur , en 1 7 0 1 . ( '
le dernier terme de son ambition ;
car il ne voulut accepter, ni les
chaires émineutes qu'on lui offrit
dans les principales universités d'Al-
lemagne , ni la place de conserva-
teur de la bibliothèque d'Oxford ,
avec j<>o 'iv. sterl. d'appointements.
Son modique revenu suffisait à
besoins; et il n'avait d'autre plaisir
que de rassembler et de incii
ord re des mater ; il 1110.
nument qu'il se proposait d'él
à la gloire de son pays. Il suppor-
ta avec résignation les infirmités ,
suite de sa vie sédentaire et
occupée, et mourut le 20 octobre
>. On a de lui : ï. Prodr*
■//> Uttera
. C'est le plan de IV
quel il travailla pcndanl
ans, ei qu'il n\ ut] as la
de terminer. II. /
riam Ch
33o
MOL
bourg, 1691 , iu-8°. On y trouve
l'indication de tous les ouvrages qui
avaient paru sur l'histoire du Dane-
mark et des pays voisins. III. Ho-
monymoscovia hisloriço-philologi-
co-crilica, ibid. , 1697, lQ-8°« ^a
ressemblance des noms est la princi-
pale source des erreurs qui se glis-
sent dans l'histoire littéraire : Molicr
en a relevé un grand nombre dans
cet ouvrage vraiment utiie( V. \eVic-
îionn. de Bayle, art. Demetrius ,
note B ). IV. Bibliotheca septentrio-
ms erudili, ibid. , 1699, in -8°., 1
part. 11 a réuni sous ce titre l'ouvra-
ge d'Alb. Bartholin : De scriptis Da-
norum {V. Bartholin, 111, 4^0?
celui de J. Scheffer : Sueci a litter ci-
ta, et Vlsagogj ad hisloriam, ci-
te'epkïs haut, avec des notes et des
additions importantes. V. Diatribe
de llelmoldo presbytevo , hislorico
sœculixii ineditOy Lubeck, 1 702, in-
4°. VI. Une bonne e'dition du Poly-
histor(J/'. Morhof). Mais l'ouvrage
le plus considérable de Molier, et
celui qui a mis le sceau à sa réputa-
tion , est le suivant : VIL Cimbria
îilterata seu historia scriptoriim
ducdtûs uiriusque Sleswicensis et
Hblsatici, quibus Lube censés et
II ambur penses aecensenfur, Copen-
hague, 1 744 ^ 3 vol. in -fol. La
première partie comprend les vies
de plus de deux mille écrivains nés
dans le Danemark ou dans les pays
voisins; la seconde, celle des auteurs
étrangers qui s'y sont établis, ou qui
y ont fait un long séjour; et la troi-
sième, les vies que Molier n'a pas
cm devoir faire entrer dans les deux
premières classes, à raison de leur
étendue. Cet ouvrage n'est pas exempt
d'erreurs; mais, tel qu'il est, il prou-
ve une immense érudition et une p 1-
tience infatigable. Les deux fils de
flcr; Bernard et Cflaus - Heur ,
MOL
ont publie' sa Vie en latin , Slcswig,
1734, in-4°. — Olaiis -Henri Mol-
lir, né à Flensbourg en 17 i5, fut
nommé en 17/ij, professeur hono-
raire d'histoire littéraire à Copenha-
gue, et devint, en 1749, recteur
dans sa vile natale, où il mourut le
5 avril 179G. Outre la vie de Jean ,
on a de lui un grand nombre de tables
généalogiques, et des notices histo-
riques sur Flensbourg et sur d'autres
villes, etc. du duché de SIeswig, et
sur divers points de l'histoire de Da-
nemark Il fut le rédacteur de la Bi-
bliothèque danoise (en allemand),
depuis le 4e. cahier jusqu'au 9e.
(Copenhague, 17 43-49 > in-8°.)Les
trois premiers sont dus à L. Harboe
et à Jacq. Langebek. W — s.
MOLLET ( Claude ) , premier
jardinier de Henri IV «et de Louis
XIII, se distingua par son goût et
ses connaissances dans son art. On
ignore l'époque de sa naissance , et
le genre d'éducation qu'il reçut ;
mais les travaux qu'il a exécutés
pendant sa vie , les découvertes qu'il
a faites, et les principes qu'il a con-
signés dans son ouvrage, lui assi-
gnent, dans la culture des jardins , le
même rang qu'Olivier de Serres oc-
cupe parmi nous dans la culture des
champs. Henri IV, l'ayant nommé
son premier jardinier , s ît appré-
cier son mérite. Ce prince suivait
avec, intérêt les travaux et les embel-
lissements que Mollet exécutait dans
ses différentes maisons. Il s'entrete-
nait familièrement avec lui. Ce fut
par ses ordres que plusieurs milliers
d'arbres fruitiers furent plantés à
cette époque dans les jardins de Fon-
tainebleau. Mollet introduisit, dans
ce lieu et dans d'autres maisons roya-
les, bien des plantes qui y étaient
inconnues auparavant; telles que les
pins } les pais sans parchemin , etc.
MOT,
îl s'appliqua aussi à tracer des jar-
dins à grands compartiments, et à
dessins figures , genre d'ornement
que nous avions emprunte aux Ita-
liens, et qu'un goût plus simple et
plus réfléchi a heureusement pros-
crit dans ces derniers temps. C'est
d'après ces principes , qu'il traça , en
i 5qj , les jardins de Saint-Germain,
et qu'il tailla les cyprès qu'il avait
plantes, en les soumettant aux for-
mes de l'architecture. Ces arbres
ayant pe'ri par le froid rigoureux de
1608, il les remplaça par le buis.
Mollet recueillait avec soin toutes
les plantes nouvelles qu'il pouvait
se procurer, soit comme ornement,
soit comme objet d'utilité. Il culti-
vait une grande quantité d'herbes
médicinales. Il allait visiter les jar-
dins les plus célèbres de celte épo-
que, et il obtenait, par des échan-
ges , les plantes les plus remarqua-
bles. Après avoir été le créateur des
parterres à compartiments , vers
l'année i58'2, et avoir ordonné un
assez grand nombre de jardins
d'après ce système, il fut chargé,
en 1608, de faire des plantations
dans le jardin des Tuileries. Mollet
vécut encore quelques années, re-
cherché et considéré par les per-
sonnes de distinction. Ses deux bis,
André et Noël Mollet, firent pa-
raître après sa mort son ouvrage in-
titulé : Théâtre des plans et jardi-
nages , contenant des secrets et in-
ventions incognus à tous ceux qui
jusqu'à présent se sont meslés d'é-
l'i'ire sur cette matière , avec un
Traité d'astrologie , propre pour
toutes sortes de personnes , et par-
ticulièrement pour cent: qui s'occu-
pent à la culture des jardins, par
Claude Mollet , Pai il . ch< / Charles
de Sercy, in-/j°., ave< • - planches
de dessins, m\ 1 . .-Jac-
MOL 33 1
ques et Noël , fils de l'auteur, ï652.
Cet ouvrage , où l'on trouve la in été-
réologie appliquée pour la première
fois aux travaux du jardinage, a eu
plusieurs éditions. La seconde, pu-
bliée en 1660, sous le titre de Théâ-
tre du jardinage , contenant une
méthode facile, etc. , celle de 1676,
ainsi que les suivantes , sont infé-
rieures à la première sous tous les
rapports. L — ie.
MOLYJSEUX( Guillaume), ma-
thématicien irlandais , né à Dublin
en i656, étudia à l'université de
cette ville, et entra , en 1675, dans
la société de Middle-Temple , à Lon-
dres , non dans la vue de s'attacher
au barreau , mais pour ajouter à ses
connaissances celle des lois de son
pays. Les mathématiques , et ce
qu'on appelait alors la nouvelle phi-
losophie, mise en vogue par la so-
ciété royale, avaient captivé tous
goûts. Il épousa, en 1678, la
fille du procureur - général du roi,
en Irlande. Cette femme lui apporta
de la fortune; mais elle n'en jouit pas
long -temps elle-même. Une mala-
die lui ravit l'usage de ses yeux , d'a-
bord après son mariage, et elle mou-
rut au bout de douze ans , en donnant
le jour à un (ils. En i()83, Molyneux.
fonda , à Dublin , sur le modèle de la
société royale de Londres, une so-
ciété littéraire dont il fut le premier
secrétaire. Le duc d'Ormond, lord-
lieutenant en Irlande, le nomma, en
i6$4j conjointement avec sir W.
.-on , ingénieur en chef et inten-
dant général des bâtiments de S. M.:
la société royale l'admit dans son
sein, en i685. H publia, en 1686,
à Dublin , un ouvrage intitulé Scio-
thericum telcscopium . contenait la
description de la structure et l'usage
d'un cadran solaire à lunette de son
invention. Il en parut une autre édi-
33s MOL
tion à Londres, en 1700 , in-4°. La
société de Dublin fut dissoute, et
ses membres disperses, en 1G88,
par l'effet des desordres civils. En
1689, Molyneux se vit contraint,
ainsi qu'un grand nombre d'autres
protestants, d'aller chercher un re-
fuge en Angleterre. Il vint se fixer
à Chester, où, aide par Flamsleecl,
il mit la dernière main à son traité
de Dioptrique. Ce traité , après avoir
été revu par Halley, parut à Lon-
dres, eu 1692, sous le titre sui-
vant : Dioptrica nova; traité de Diop-
trique en deux parties , où sont
expliqués les divers effets et appa-
rences des verres sphériques, tant con-
vexes que concaves , simples et com-
bines, dans les télescopes et les micros-
copes , avec leur usage dans les dif-
férentes circonstances de la vie. C'est
le premier ouvrage qui ait été im-
primé sur ce sujet dans la langue an-
glaise ; et il a été long- temps le ma-
nuel des opticiens. On y voit le théo-
rème célèbre de Halley, pour trouver
les foyers des verres d'optique. La
tranquillité étant rétablie en Ir -
lande, et un nouveau parlement s'y
étant formé en 1G92, Molyneux y
devint un des représentants delà ville
de Dublin : il représenta l'université
dansleparlemcntde 169.5, et jusqu'à
sa mort. A la même époque , il refusa
la place lucrative , mais peu tran-
quille, de commissaire pour les biens
confisqués, qui lui fut offerte par le
lord -lieutenant. L'oppression dont
le gouvernement anglais accablait les
manufactures de laine de l'Irlande,
lui inspirale désir de prouver l'indé-
pendance de ce royaume ; ce qu'
avec beaucoup de talent dans un ou-
vrage qui parut, en 1698, sons ce
titre : La cause de l'Irlande établie
relativement à l'opinion qu'elle est
liéepardes actes de parlement faits
MOL
en Angleterre. Cet ouvrage fut réim-
pi imé en 1 7^0 , in-8°. , avec des ad-
ditions. Grand admirateur de Locke,
Molyneux, quoique infirme et souf-
frant , fit encore une fois , en 1 698 ,
le voyage d'Angleterre, exprès pour
le voir. Mais ce voyage abrégea ses
jours ; et à peine fut-il de retour
dans ses foyers, qu'il y mourut, le
11 octobre delà même année, âgé
de f\i ans. On trouve, dans les Tran-
sactions philosophiques, plusieurs
Mémoires de Molyneux. — Son (ils ,
Samuel Molyneux, né à Chester
en 1689, et qui fut élevé d'après la
méthode recommandée par Locke,
hérita du goût de son père pour les
études astronomiques , et contribua
comme lui aux progrès de l'optique.
Il fut secrétaire du prince de Galles
( George II ) , et ensuite commissai-
re de l'amirauté. Ses premiers tra-
vaux se trouvèrent interrompus par
ses occupations obligées , mais ne
furent pas perdus pour la science : il
en communiqua le résultat au doc-
teur Robert Smith, qui en fit usage
dans son Traité complet d'optique.
— Thomas Molyneux, médecin,
frère de Guillaume , a aussi laissé
plusieurs Mémoires dans les Tran-
sactions philosophiques. Il mourut
le 19 octobre i"j33. L.
MOLZA ( François-Marte ), i'im
des meilleurs poètes de son siècle,,
était né à Modène, le 18 juin 1 489 ,
d'une famille noble. Il avait reçu de
la nature les plus heureuses dispo-
sitions; et rien ne fut négligé pour
les développer. Après avoir terminé
ses études classiques, il alla suivre ,
à Bologne, les leçons de Jas. Mavno,
célèbre jurisconsulte; et de là , il se
rendit à Rome , pour se perfection-
ner dans la connaissance des langues
par la fréquentation des savants.
Quelques pièces de vers , pleines d'é-
MOL
4égance et de facilite , lui méritèrent
bientôt des protecteurs dans une
cour où tous les talents étaient ac-
cueillis avec empressement ; mais
son goût excessif pour les plaisirs
alarma son père, qui se hâta de le
rappeler à Modène. Moka joignait
aux dons He l'esprit une belle ligu-
re : sa naissance et sa fortune lui
permettaient de prétendre aux meil-
leurs partis. Son père se flatta de
le ramener à une conduite plus ré-
gulière, en lui choisissant une épouse
dont les grâces et la douceur sau-
raient le captiver. Il fut marié en
i5i2; et les premières années de
son union furent assez heureuses :
lassé enfin d'une vie tranquille et
uniforme, il revint à Rome, sous le
prétexte de hâter la conclusion de
quelques procès , et s'y livra de nou-
veau à son goût effréné pour les
plaisirs. Quelques-unes de ses intri-
gues eurent un éclat scandaleux;
dans une querelle avec un de ses ri-
vaux, il fut provoqué en duel, et
reçut un coup d'épée qu'on crut mor-
tel : son père indigné cessa de lui
envoyer de l'argent, et finit par le
déshériter. Molza trouva une com-
pensation aux chagrins qu'il s'était
attirés, dans le qu'eurent
ses poésies , et dans l'amitié dont les
plus illustres personnages lui don-
naient chaque jo preu-
ves ; mais l'argent qu'il recevait de
ses Mécènes:, étail aussitôt dissipé,
et il se voyait souvent obligé de re-
courir à dès emprunts. II suivit une
de ses maîtJ ne, et elle
etint près de trois ans. 11 était
de retour à Komc, eu i 5î5 : il fut
témoin de la pri ,,• ,|c cettc
ville, en i ivante,
il fit U is l'es-
poir d'obtenir ,!
mille. Ses paie de le
MOL 333
recevoir; et il dut chercher uu asile
dans une campagne voisine, où il
resta une année entière, occupé uni-
quement de la culture des lettres.
Ce fut à cette époque qu'il composa
ses élégies latines , qui , suivant Ti-
raboschi , le placent au rang des plus
heureux imitateurs de Ti bulle. Il
fut rappelé à Rome, en 152g, parle
cardinal de Médicis; et, après la mort
de cet illustre protecteur, il passa au
service du cardinal Farnèsc : mais
les bienfaits dont ils le comblèrent
l'un et l'autre, ne purent le reti-
rer de l'état misérable où il avait
presque constamment langui. On
voit, par une de ses lettres à sa fem-
me , qu'il manquait de linge et des
vêlements les plus indispensables;
et il supplie celle même femme qu'il
avait si indignement abandonnée, de
lui envoyer quelques légers secours.
Aux embarras de la pauvreté se joi-
gnit bientôt une maladie, suite hon-
teuse de ses débauches. Il se fit trans-
porter à Modène, au printemps de
l'année i5{3, pour respirer l'air
natal dont les médecins attendaient
sa guérison ; mais le mal n'en conti-
nua pas moins ses ravages, et il mou-
rut, le '.>8 février i544i âgé de
quarante-cinq ans. Alors ou oublia
ses vices pour ne se rappeler que ses
qualités aimables et ses talents ; la
mort de Molza mit eu deuil tout le
Parnasse italien. Une médaille fut
frappée en son honneur, parles soins
de Léonard A ré! in; et des recueils de
vers furent publiés à sa louange. Tous
ses contemporains l'ont comblé d'é-
loges*; Annibal Gard, Pirro Ligoriôj
le comparent à Homère, à Virgile^
à Platon, et d'au! ces on! osé dire qu'il
était supérieur h ces trois grands
hommes. Les poésies de Vïolza .sont
pleines de douceur et d' igrémcnl ;
tour-à-tour, sérieux et badin ^ il i
334
MOL
MOL
sit également dans tous les genres,
et il joint, à l'élégance du style , la no-
blesse des pensées et la vivacité des
images. Ses OEuvrcs ont été r\ cueil-
lies parPier. Ant. Serassi, Bcrganie,
1747-54, 3 vol. in 8.; et l'esti-
mable éditeur les a fait précéder
d'une Vie de Molza . remplie de dé-
tails intéressants. Celte édition ren-
ferme des rime , des capitoli, dans
le genre auquel Fr. Berni a donné
son nom ( V . Fr. Bkrjni ) , des nou-
velles , des 'vers latins , et des let-
tres. La plupart des pièces rassem-
blées par Serassi , avaient déjà paru
séparément, ou dans des recueils de
poésies italiennes , dont les éditions
originales sont très-recherchées des
curieux. Mais on conserve dans les
bibliothèques d'Italie beaucoup de
morceaux encore inédits de Molza ,
et qui figureraient avec avantage
dans une réimpression de ses œu-
vres. Son Capitolo in Iode de' fichi ,
a été publié à la suite des Dialogues
de l'Arétin : cela sufht pour faire
juger de la nature de l'ouvrage ; il a
été imprimé pour la première fois ,
en 1 53g , in-40., avec un commen-
taire d'Annibal Garo , caché sous le
nom d'Agresto : Comento di ser
Agresto daficaruolo sopra la prima
ficatadel P. Siceo. Ce dernier nom
est celui qu'avait pris Molza dans
l'académie délia Virtù. Baylelui a
consacré un article curieux. Voy.
aussi la Bibliot. modenoe. W — s.
MOLZA (Tarquinia), petite-fille
du précédent, lui fut supérieure, non
par ses poésies , mais par l'étendue
et la variété de ses connaissances.
Née à Modène, le iev. novembre
i54r-i, elle annonça, dès sa plus ten-
dre enfance , des dispositions dont
son père favorisa le développement ,
en confiant son éducation aux meil-
leurs maîtres. Elle apprit d'abord le
grec, le latin et l'hébreu, et se ren-
dit familiers les ouvragesdes anciens;
elie étudia aussi la philosophie, les
mathématiques et l'astronomie , et
cultiva en mêineteraps les arts d'agré-
ment. Tarquinia épousa, en i56o,
Paul Porrino, gentilhomme de Modè-
ne, avec qui elle vécut près de vingt
ans, dans une parfaite union. Restée
veuve sansenfants, elle fut recherchée
par différents partis honorables;
mais elle refusa de contracter de
nouveaux engagements , afin de se
livrer à sa passion pour l'étude. Des
procès que lui suscitèrent les parents
de son mari, troublèrent sa retraite;
et elle se vit obligée de recourir à la
protection du duc de Ferrare , pour
obtenir justice. L'accueil qu'elle re-
çut de ce prince , et les bontés de
la duchesse, la retinrent à la cour de
Fenare, dont elle fut pendant six
ans le principal ornement. Sa dou-
ceur , sa modestie et la pureté de sa
conduite, ne purent la mettre à l'abri
des attaques de la calomnie. Elle
revint à Modène , en 1 58g , désabu-
sée des grandeurs et des vanités du
monde. La réputation dont elle jouis-
sait , lui mérita un honneur jusqu'a-
lors sans exemple. Un décret du sé-
nat ( du 8 décembre 1600 ) lui con-
féra le titre de citoyenne romaine,
transmissible à perpétuité aux per-
sonnes de sa famille. Le pape et les
plus illustres prélats la pressèrent de
venir se fixer à Rome ; mais elle
s'excusa sur son âge et ses infir-
mités , et ne voulut point sortir de
Modène, où elle mourut, le 8 août
161 7, à soixante-quinze ans. Les ou-
vrages de Tarquinia ne justifient guè-
re les éloges dont elle a été comblée
par le Tasse, Guarini et les plus il-
lustres écrivains de son temps. Fr.
Patrizi , qui avait enseigné à cette
dame les éléments de la philosophie
MOL
pla'onicienne,lui a dédie ses Disser-
tationcs peripaieiicœ ; et d'autres
auteurs ont suivi cet exemple. On a
d'elle la Traducti m de deux dialo-
gues de Platon ( le Carnéade et le
Criton), des Sonnets, des Madri-
gaux et des Epigramites, en lat. et
en itaî. , etc. Toutes ces pièces ont
été' publiées dans les tora. n et m du
recueil des OEuvres de l;r. Mo'za ,
son aïeul ( F. l'art, précèdent ). On
trouve, dans le tome n , la Fie de
cette dame, par Dan. Yandelli. Son
Eloge, par Pierre-Paul de Ribera ,
chanoine de La Iran /insère dans les
Glorie immortali, a été traduit en
français par le P. Hilarionde Coste;
et Bayle en a rapporte de longs frag-
ments, à l'art, de cette dame. On peut
encore consultera Bïbliot .modenese
de Tiraboschi. W — s.
MOMORO (Antoine-Fuançois),
imprimeur, né à Besançon, en i -p(>,
d'une famille obscure, alla jeune à
Paris , et fut admis , au mois de dé-
cembre 1787, dans la communauté
des libraires de cette ville. Il épousa
la petite-nièce de Fournier, artiste
très-distingué dans la gravure des
caractères , et montra l'intention de
marcher sur ses traces ; mais , ayant
embrassé avec ardeur les principes
de la révolution, il abandonna son
'atelier pour suivre les séances dp la
société' des Cordcliers, à laquelle il
se fit agréger l'un des premiers. Il fut
arrêté au mois d'août 17Q! , comme
l'un des chefs des attroupements qui
avaient eu lieu au Ghamp-de-Mars,
pour forcer l'Assemblée naiioi
pronom.' -r la déchéance «I" 'oi; .'nais
cette affaire n'eut aucupesiute. Ipr s
la chute du tronc , il fut nommé
membre «le la ci a adminis-
trative qui itiii, parlement
de Paris , et em
pour presser les nouveaux
NOM 333
bataillons. Arrêté à Lisieux, il fut
mis en liberté, par un décret delà
Convention , et se hâta de revenir à
Paris. Il fut envoyé deux fois, en
1-9'î, dans la Vendée, pour sur-
veiller les opérations des généraux.
A son retour, il se lia plus particu-
lièrement avec Hébert, Chaumette,
etc.; il déclama hautement contre
les prêtres., qu'il accusait des mal-
heurs de la France, et provoqua
contre eux les mesures les plus vio-
lentes. Danton et Robespierre, dont
il s'était séparé, le firent compren-
dre dans le décret d'accusation lance'
contre Hébert et ses partisans, et il
fut condamné à mort, le 4 germinal
an n ('^4 mars 1794), à l'âge de
trente huit ans ( F. Hlbert). Mo-
moro s'intitulait le premier impri-
meur de la liberté. C'était un homme
d'une exaltation extraordinaire. la
loi agraire eut en lui un prédicateur
forcené : il accusait le retard des
poètes à propager, par l'influence du
théâtre, ce principe d'une rigoureuse
égalité. Sa femme, qu'il traitait as-
sez durement, était bien prise dans
sa taille, et avait de la fraîcheur.
Dans les fêtes décadaires , il la fit
monter sur le piédestal où, pendant
quelques mois, la Raison personni-
fiée fut offerte aux hommages d'une
superstition nouvelle, On a de i\ïo-
moro : I. Epreuve d 'une parité des
caractères de sa fonderie, 17H7,
in-i(). II. Manuel des impositions
/ > pograpJûques , 1 7 <S( ) , in- 1 2 , de
a 4 pag.. avec '^3 pi. représentant 7*2
impositions pour toutes sortes dt
formats. Id. a0, édition, 17»)». , aug-
mentée d'un supplément de 4 plan-
ches offrant a5 impositions; troi-
sième édition, Bruxelles, 1819, in-
8". , avec. 33 planches . el une ;
d'anglaise, Ce u'esl qu'un
sauf les augnwWa lions, de «1
336 MOM
de l'imprimerie. III. Le Traité élé-
mentaire de l'imprimerie , 1 793 ,
in-8°., avec 36 pi. ; ouvrage estime,
et que l'on peut consulter avec fruit.
IV. Rapport sur les événements de
la guerre de la Vendée , et le plan
d'oppression dirigée contre les
chauds républicains , suivi de plu-
sieurs pièces intéressantes ; fait à
la société des cordeliers (le 1 4 ni-
vôse an 2 ) , in-8°. en trois parties;
la première de six pages , la seconde
de vingt-quatre, la troisième de cin-
quante. On lui attribue encore : Ré-
flexions d'un citoyen sur la liberté
des cultes religieux , pour servir
de réponse à l'opinion de M. V abbé
Sièges*, in-8°., et le Journal des
Cordeliers, dont il a paru dix nu-
méros, forai. in-8°.7 du 28 juin
au 4 août 1791. W — s.
MONACI ( Laurent de' ), chro-
niqueur , ne à Venise , florissait au
commencement du quinzième siècle.
Il remplit quelque temps les fonctions
de secrétaire du sénat , et fut nommé
grand - chancelier du royaume de
Candie , où il mourut en 1 429. On a
de lui , une Chronique de Venise en
seize livres , intitulée : De rébus
Vendis ab urbe conditd ad annum
i354; ^e savant FI. Cornaro Fa pu-
bliée avec une préface et des notes ,
Venise, 1758, in-4°. ( V. Cornaro,
IX, 6o5. ) Félix Osio en avait extrait
le treizième livre, qui contient la vie
d'Ezzelin , tyran de Padoue ( V.
Romano ) , et l'avait publié, avec des
notes , dans les pièces préliminaires
àeYflistoria augusta d'Albert Mus-
sato , Venise , 1 (336 , in-fol. Ge mor-
ceau , l'un des plus intéressants de
l'ouvrage , a été inséré dans le The-
saur. ital. de Burmann , t. vi , et
dans les Scriptor. ital. de Muratori,
tom. vin. On conserve dans les ma-
nuscrits de la bibliothèque de Tré-
MON
vise, Y Oraison funèbre de Vital
Lancli, prononcée par Laurent de7
de
doge
Monaci , en présence du
Venise. On cite encore de lui deux
pièces de vers : Carmen metricum
de Caroli parvi régis Hungariœ
lugubri exiiio ; et JPia descriptio
miserabilis casûs illustrissimœ regi-
nœ Hungariœ, W — s.
MONACO ( T.-F. de Ciioiseul-
Stainville , princesse de Grimal-
di- ) , fille du maréchal de Stainviile,
nièce du duc de Ghoiseul , ministre ,
naquit à Paris, en octobre 1767.
Douée de beaucoup d'avantages ex-
térieurs et de qualités attachantes ,
elle fut mariée très-jeune au prince
Joseph de Monaco , qui était le se-
cond fils du possesseur d'une petite
souveraineté d'Italie ( V. Grimaldi ,
XVIII , 4ï)5 )• Elle avait émigré ;
mais elle rentra de bonne heure en
France, où étaient restés ses enfants.
On vint l'arrêter en vertu de la loi
des suspects du 1 7 septembre 1 793 :
le motif allégué était qu'elle portait
sur elle une somme très-considéra-
ble. Le comité révolutionnaire de sa
section lui promit de la laisser chez
elle avec des gardes , et n'en renvoya
pas moins la chercher, peu de temps
après , pour la mener dans une mai-
son d'arrêt. Elle parvint à s'évader,
mais ne tarda pas à être saisie et
constituée prisonnière. Ayant été
condamnée à mort le 8 thermidor
an 11 , elle écouta sa sentence avec
calme et sérénité. Une heure avant
que la princesse de Monaco parût
devant ses juges , on lui avait fait
entendre qu'en se déclarant grosse,
elle pourrait se sauver. Ne pensant
qu'à ses deux filles qui restaient sans
soutien, elle se prêta un instant
cette ruse- mais comme il y avaii
long-temps qu'elle était éloignée
son mari , elle ne voulut pas devoiî
MON
la vie à un mensonge qui l'aurait
dégradée à ses propres yeux. Une
lettre qu'elle écrivit à Fouquier-Tin-
yille , décida sa perte. Au moment
d'aller à l'échafaud , elle demanda du
rouge, de peur que la nature ne l'em-
portât, et qu'un instant de faiblesse
ne fit douter du courage dont son ame
était remplie. En même temps elle
brisa avec vivacité un carreau de
vitres, hacha par morceaux ses beaux
cheveux blonds , les adressa à ses
enfants, et marcha ensuite à la mort
avec dignité. On prétend que dans la
fatale charrette , elle dit au peuple
qui accourait : « Vous venez nous
» voir mourir ; il fallait venir nous
v voir juger. » La feinte qu'on lui
avait conseillé d'employer au tribu-
nal révolutionnaire eût été proba-
blement inutile. Cependant trente
heures plus tard une révolution nou-
velle survint : les affreux attentats
d'une tyrannie de quinze mois furent
dévoiles ; et quoique le retour com-
plet à des idées de justice et de mo-
dération fût encore bien éloigné, on
ne vit plus guère , à dater du 9 ther-
midor, que le sang des démagogues
couler sur les ér.hafauds. L-r-i:.
MONALDESCHI ( Benoît), sei-
gneur d'Orviète , conçut, en 1 35 1 ,
le projet de s'emparer du pouvoir
suprême dans sa ville natale, qui
était alors gouvernée en république,
la protection du pape. Il s'as-
sura d'abord les secours de Jean \ is-
conti, archevêque de Milan, et l'allie
«{«■tous les usurpateurs d'Laïic. Réu-
nissant ses satellites dans sa maison,
il leur distribua des armes; il les
il auquel ils devaient
paraîl p| tee : puis il se ren-
dit au conseil, où il reneentra deux
de ses parents les Monaldi de'
Monaldeschi , dont il connaissait
pérer qu'ils
tix.
337
consentissent à son usurpation. Il
les prit à part, dès que le conseil
fut terminé , et les conduisant de-
vant sa maison, il les fit poil
der sous ses yeux. C'était le signal
qu'attendaient les brigands rassem-
blés chez lui : ils remplirent aus-
sitôt la place , prirent d'assaut le pa-
lais du gouvernement, pillèrent les
maisons et les magasins des mar-
chands , massacrèrent tous ceux
qui (îrent résistance, el proclamè-
rent le nouveau prince, Benoît , fils
de Bermonle Monaldeschi. L'al-
liance de ce tyran avec l'archevêque
de Milan, fut publiée peu de jours
après. Monaldeschi conserva son
pouvoir jusqu'en i355 , que le légat
Egidio Alboruoz s'empara ri'Ôr-
viète. Les habitants, reconnaissants
de ce qu'il les avait délivrés de la
tyrannie, donnèrent la Seigneurie de
leur ville à ce prélat. S. S — 1.
MONALDESCHI (Louis-Bonco^
te de), chroniqueur , né à Qrviète,
eu i3'i^, fut élevé à Home, où il pas-
sa toute sa vie, n'en étant jamais
sorti que pour aller rendre visite à
ses parents. Il poussa sa carrière jus-
qu'à Tâge de cent quinze ans , sans
avoir éprouvé aucune maladie, et
mourut, ou plutôt s'éteignit comme
une lampe qui reste privée d'aliment,
en 1 \ \ «i.Ges détails .sont tirés du pro-
logue de sa Chronique; et ce qui est
très- plaisant, c'est que, comme il y
parle à la première personne, c'est
lui -même qui affirme qu'il est mort
douleur, de décrépitude. On
icture que ces particularités
avaient été mises par un contem-
porain, a la marge de son ou\i
d'où elles ont passé dans le !
par ^inadvertance de quejqu*
piste. La Chronique de Monaldes-
chi devait comprendre l'histoin
nérale de son temps, Mjiratori
338
MON
publié un fragment assez court, dans
les Scriptor. rer. ital. ((tome xn,
p. ryi"r\'}, ) , d'après un manuscrit
de la bibliothèque de Vienne; il finit
a l'an i3 \o. La bibliothèque du Roi
en possède. un beaucoup plus com-
plet. Cette Chronique est écrite dans
le dialecte alors en usage à Rome, et
et qui a des rapports frappants avec
l'idiome napolitain. L'examen qu'on
en ferait, pourrait fournir des ob-
servations intéressantes aux sa-
vants qui s'occupent de la critique
verbale. L'ouvrage de Monaldeschi
paraît plus important sous ce rap-
port, que sous celui des faits qu'il
contient , lesquels se retrouvent dans
la plupart des chroniques du même
temps. W — s.
MONALDESCHI ( Jean ). ( Voy.
Christine , VIII , 433. )
MONANÏflEUIL ( Henri de ),
mathématicien , né à Reims , vers
i536, d'une famille noble, fit ses
études à l'université de cette ville .
nouvellement fondée par le cardinal
Charles de Lorraine , et y enseigna
lui-même les humanités pendant
quatre ans. Il vint ensuite à Paris ,
où il suivit le cours de philosophie
du célèbre Ramus , et étudia en mê-
me temps les mathématiques et la
médecine. Après avoir terminé ses
cours , il reçut le doctorat , devint
régent à la faculté de médecine , et
joignit la pratique à l'enseignement.
Sur la recommandation de P. Bru-
lart, secrétaire-d'état, dont le fils
était l'élève de Monanlheuil , il fut
nommé professeur de mathémati-
ques au Collège royal ; il prit pos-
session de sa chaire, au commence-
ment de l'année 1^74, par un dis-
cours : Pro mathemalicis arfibus ,
qui fut imprimé. Amyot s'était op-
posé à sa nomination , comme con-
traire à l'usage qui ne permettait
MON
pas qu'une même personne cumulât
deux emplois, et il vint à bout de
faire rayer Monanlheuil du tableau
des professeurs. Celui-ci réclama
contre une décision qu'il regardait
comme injurieuse à son honneur; et
ses collègues se réunirent pour pré-
senter à Henri III une requête favo-
rable à ses prétentions, et que P. Bru-
lart appuya de tout son crédit. Il fut
réintégré dans ses fonctions en 1577,
et rouvrit son cours j>ar une haran-
gue : Pro suo in cathedram regiam
reditu. Monanlheuil resta constam-
ment attaché à Henri IV ,* et il con-
tribua , du moins par ses vœux et ses
démarches, à hâter la soumission
de Paris. Son zèle l'avait rendu sus-
pect aux ligueurs, comme on en peut
juger p.ir divers passages du Dialo-
gue entre leMaheustre et le Manant
(Voy. cette pièce à la suite de la
Satyre Ménippée, éd. in-8°. , t. ni);
et il est probable que s'ils fussent
restés plus long-temps les maîtres ,
ils lui auraient fait un mauvais parti.
Il mourut presque subitement, en
1606, à l'âge de 70 ans, et fut in-
humé dans l'église Saint-Benoît, où
l'on voyait son çpitaphe. La douceur
de ses mœurs et son obligeance lui
avaient mérité l'estime de tous les
gens de lettres. Guill. Duvair l'a dé-
signé sous le nom de Musée dans
son livre de la Constance : il a eu la
gloire de former un grand nombre
d'élèves distingués, entre autres, le
savant Pierre de Lamoignon et de
Thou l'historien. Outre des Haran-
gues, et une traduction latine du
livre des Mécaniques , avec un com-
mentaire, Paris, 1599, in-4°. (i)?
on cite de lui : I. Ludus iatro-ma-
(1) Cctls édition contient le texte grec. Dans la
préface , Moiianlhenil revendique cet ouvrage pour
Aristote, à qui Fr. Patrizi et Jos. Cardon l'avaieut
ôté ; et sou opinion a prévalu parmi les tavanU.
MON
thematicus musis factus , ibid. ,
î 597 , in-8°. C'est un discours dans
lequel il s'efforce de prouver qu'il
est indispensable à un médecin de
posséder les mathématiques. II. De
puncto, primo geometriœ principio,
liber, Leyde, it>oo,in-4°. III. Pro-
blematis, omnium quœ à duodecen-
tis annis inventa sunt , nobilissimi
demonstratio , Paris, 1600. IV. 11 a
laisse en manuscrit un Commentaire
latin sur le Serment d'IIippocrate,
dont Jacques Mcntel promettait la
publication, et un grand ouvrage
intitule ïfeptatechnon , auquel il tra-
vaillait depuis long-temps, et qu'il
n'eut pas la satisfaction de terminer.
On peut consulter, pour plus de dé-
tails, son Éloge par Nicolas Goulu ,
son petit-fils {V. Goulu, XVIII,
190); les Mémoires de Niceron,
t. xv ; mais surtout le Mémoire de
G ouj et sur le Collège royal, t. 11,
éd. in-i'2, p. 83-g5. W — s.
MONARDÈS (Nicolas), méde-
cin, né à Séville, au commence-
ment du seizième siècle, prit ses
degrés à l'université d'Alcalà, et,
de retour dans sa patrie, y prati-
qua son art avec une réputation
qui bientôt s'étendit au loin. Il s'at-
tacha à l'étude de la botanique, et
publia, sur les propriétés des plantes
employées en médecine, plusieurs
ouvrages estimables , qui furent tra-
duits en latin, en français et en ita-
lien. Il mourut à Séville, en 1078 ,
flans un âge avancé. On cite de lui :
I. De seconda vend in pleuritide
inter Grœcos cl Arabes concordia,
Séville, i5rH), in-/v°.; Anvers, i564,
in-8°. Il- De rosci et pàrtibus ejus;
de succi rosarum temperaturd ; de
rosis persicis seu aie x and nuis ; de
m alis , cil ris , aura* : , miis,
Anvers, î5C5 , in S". III. libro de
dos medicinas eccelentissimas co/i-
MON
339
tro todo veneno, Séville, 1^69, et
1080, in-8°. Les deux contrepoisons
dont Monardès exalte l'importance,
sont la pierre de bezoard et la scor-
zonère. IV. Libro que trata de la
nieve, ibid., 1671 , in-8°. C'est un
traité sur les effets des boissons ra-
fraîchissantes, et en particulier sur
l'usage de la glace, dont il dit
que les Espagnols ne sont jamais in-
commodés. V. De las cosas que si
traen de las Indias Occidentales ,
que sirven al uso de medicina. Cet
ouvrage est divisé en trois parties.
Les deux premières furent d'abord
imprimées séparément. L'auteur les
réunit toutes les trois dans l'éd. de
Séville, 1074, in-4°., qu'il dédia au
pape Grégoire XIII , et les fît suivre
de ses dialogues sur la pierre de
bezoard, etc., sur la neige, et d'un
troisième Traité, encore inédit : De
la grandeza del hierro , touchant
les propriétés du fer dans les mala-
dies causées par les obstructions.
Tous ces différents ouvrages ont été
traduits en latin, par Ch. Lécluse
( V. Lécluse, XIII, 52i ). Linné
cite un Jean Monardls, dans sa
Biblioth. botanica, et lui attribue
quelques lettres ( Epistolœ médicina-
les), et des Notes insérées dans l'é-
dit. des Œuvres de Mesué, Leyde ,
1 556 , in-fol.; mais ce médecin n'est
point connu, et il est probable qu'il
ne faut pas le distinguer de notre au-
teur. W— s.
MONBODDO ( Jacques Bur-
NETT,lord), écrivain écossais, na-
quit , en 1 7 t 4 , à Rfoilboddo , dans
le comté de Kinkardine. résidence de
sa famille, qui descendait des anciens
Burnett de Leys. Il fit ses étud<
collège d'Aberdeen, et étudia le droit
à l'université de Groningue. Il ie\ int,
en 1738 , <\;ms sa patrie, .1 •
mençade plaider au barreau écu
•il..
3£o
MON
J. j obtint nue clientclle très-consi-
dérable , et se distingua par plusieurs
plaidoiries j entre autres dans la cause
de la famille Doublas , qui fil beau-
coup de bruit , et qu'il gagna com-
plètement. La rébellion qui éclata ,
en Ecosse, en 1745 , l'ayant déter-
mine à se retirer à Londres , et le
goût des lettres balançant en lui celui
de son état , il rechercha la connais-
sance des écrivains fameux du temps.
Celui qui influa le plus sur l'esprit de
Monboddo , fut Harris, dont il de-
vint l'ami et partagea l'enthousiasme
pour le génie des anciens Grecs. En
1 7O7 , après la mort de lord Milton ,
son parent , il fut nomme' juge à la
cour de session à Edimbourg, et prit
le titre de lord Monboddo. Il con-
serva celte place touîe sa vie , n'ayant
jamais voulu en accepter de plus éle-
vées ) et il en exerça les fonctions
avec une intégrité qui lui a valu les
e'ioges de ses contemporains. Dans
les intervalles des sessions delà cour,
il se retirait dans un domaine qui lui
rapportait 3oo liv. sterl. par an, et
y vivait presque en paysan par-
mi ses fermiers pour lesquels il
avait l'affection d'un père , ne haus-
sant jamais le bail , quelques pro-
positions qui lui fussent faites. Son
esprit méditatif s'appliqua de bonne
heure à l'étude de la littérature, des
arts et des lettres des anciens , sur-
tout des Grecs. Plus il s'enfonça
dans cette étude , plus son ame ,
concentrée dans ses affections , v
trouva de sujets d'admiration, et
plus il conçut de mépris pour les
petitesses qui trop souvent occupent
toute l'attention des modernes. Il
se fit un projet d'histoire du savoir
humain, en commençant par celle
de notre langage ; et à force de 1 atta-
cher à sa vaste esquisse tous les faits
que lui offrait l'histoire générale, il
MON
vint à créer un système , grand et
étonnant par sa conception , mais
faux et paradoxal dans sa base. Les
Grecs furent pour lui l'idéal des peu-
ples; et pour les élever encore plus
haut, il abaissa devant eux les mo-
dernes, au point de leur refuser même
la faculté d'égaler en force physique
et en longévité les anciens habitants
de la Grèce , et de ne les représenter
que comme une race abâtardie suc-
cessivement depuis l'antiquité. S'il
n'avait développé que ce paradoxe ,
Monboddo se serait rendu ridicule ,
et aurait été oublié ; mais les médi-
tations que lui fit faire le génie des
Grecs, le conduisirent à de grandes
idées sur l'origine des langues ; et
c'est ce beau travail , publie sous le
titre de : On the.originandprogress
aflanguage, 1773-1791, 6 vol.
in-8°. , qui a illustré son nom. Il ne
faut pas en juger par les clameurs
que cet ouvrage excita parmi les lit-
térateurs anglais , que l'auteur avait
trop peu ménagés pour qu'il pût en
espérer de la modération: d'ailleurs
son enthousiasme pour les anciens ,
l'avait rendu injuste envers les mo-
dernes. Son mépris pour les idées
rétrécies du vulgaire des écrivains
lui avait même inspiré des préveu
tions contre des hommes tels que
Newton et Locke. L'ouvrage de
Monboddo a fait peu de sensation
en France , où l'on en voit à peine
des exemplaires; mais il a trouvé rt
appréciateur et même un admira
teur en Allemagne. Ileivler, quiavai
aussi aprofondi l'histoire des fa-
cultés intellectuelles de l'homme , a
exprimé sur l'ouvrage de l'écrivain
anglais , dans le discours prélimi-
naire de la traduction allemande ,
une opinion motivée , dont voici la
substance. Le premier Inéritc d
Monboddo est, selon Herder, so
e
:
MON
jugement profond et solide , exprimé
dans un langage mâle et nerveux ;
on voit que , nourri de l'antiquité ,
il dédaigne le clinquant des moder-
nes. Quelquefois sa philosophie tom-
be dans les subtilités d'Aristote j
mais en général elle est profonde ,
éclairée et élevée : il ne s'attache
pas d'ailleurs uniquement au maître
de Stagyre ; il suit aussi Platon et
les Pythagoriciens , et il les com-
mente même avec succès en quelques
endroits. Cet esprit , vraiment phi-
losophique , règne surtout dans la
première partie de son ouvrage. Les
recherches sur l'origine et les pro-
grès du langage sont extrêmement
ingénieuses : ce n'est pas de la gram-
maire spéculative ; c'est l'histoire
philosophique de l'homme même.
Herder , qui assure avoir lu à peu-
près tout ce qui a été écrit sur cette
matière, et qui s'en est occupé lui-
même dans ses ouvrages, avoue que
Monboddo mérite la palme. Home
rassemble beaucoup de faits, et en-
visage le genre humain sous bien des
rapports : mais ses principes sont
vacillants ; et la partie de son ou-
vrage a laquelle il a donné le pins
d'importance , eu est précisément
la pins faible , tandis que Monboddo
a presque épuisé son sujet, et qu'il
n'y a qu'à suivre la route frayée par
un écrivain aussi judicieux pour dé-
velopper la nature de l' homme dans
ses diwrséiais. La comparaison qu'il
fait des langues , est encore un coup
de maître: rien de plus ingénieux que
l'idée de comparée les langues de
peuples arrives a des degrés divers
de la civilisation. Pour continuer ce
travail , <»n pourra mettre en paral-
lèle les languesdes peuples haï baies,
mieux obfcervés depuis Moohoddo ;
çl . par c< I examc
arrivera enfin a CU philo-
sophie de l'esprit humain. Mais il
faut dire aussi , et Herder l'avoue ,
quoique avec ménagement, que l'au-
teur de l'ouvrage sur l'origine
langues a été conduit à des h
bizarres et même absurdes. Tirant
parti de quelques récits fabuleux des
anciens sur de prétendus peuples
dépourvus de toute sensibilité , et
comptant sur les assertions hasar-
dées de quelques voyageurs , qui ont
pris de gros singes pour des hommes
sauvages , Monboddo s'appuie de
ces témoignages fragiles , pour pla-
cer, sur le dernier échelon des êtres
humains, des peuples qui, selon lui,
n'ont point de langage , et pour tirer
de là cette conclusion , que la faculté
des langues est, non pas naturelle ,
mais acquise à force de travail et
de raisonnement. Monboddo insinue
que c'est dans les contrées regardées
comme le berceau du genre humain ,
c'est - à - dire, en Asie , que la pre-
mière invention du langage a eu lieu ,
ainsi que l'emploi des autres facul-
tés humaines : cependant , pour ne
pas trop s'écarter de son peuple
favori, les Grecs, il attribue aux
Égyptiens l'honneur d'avoir ensei-
gné le langage aux peuples d'Euro-
pe. Les Egyptiens ont, selon lui,
possédé le véritable savoir humain;
et il cherche a démontrer comment
hs événements ont produit la dé-
cadence de ce prétendu grand
voir. Après avoir recherché l'ori-
gine et examiné le génie des langues ,
l'auteur développe, dans les derniers
volumes, leurs progrès chez les peu*
pics les plus civilisés, surtout chez
les Grecs et les Romains ; il passe en
revue tous les genres de style dans
lesquels ils se sont < \ I ana-
lyse et juge les chefs-d'œuvre pro-
duits dans chaque genre: il les.eom*
pare aux chefs-d'œuvre mod'
342 MON
surtout à ceux de l'Angleterre. Mais
il ne se contente pas d'examiner la
forme des ouvrages classiques ; il en
aprofondit encore le sujet. Ses juge-
ments ne sont pas exprimés d'une
manière aussi concise et aussi ner-
veuse que le dit Herdcr. Monboddo
est au contraire un peu verbeux, et
son style manque d'éclat; mais il y a
dans ces analyses des vues très-judi-
cieuses et une grande érudition. A
l'occasion du style didactique , il est
amené à s'occuper de la philosophie
des anciens; et là , il va jusqu'à pré-
tendre que les modernes n'ont point
traité de la véritable philosophie ; que
le système de Newton , par les attri-
butions qu'il accorde à la matière ,
détruit l'idée de la Divinité ; qu'au-
cun moderne ne définit le mouve-
ment, ni ne distingue Dieu d'avec
la nature, ni la nature d'avec l'hom-
me. Monboddo assure que ce n'est
qu'après avoir étudié Aristote et
Platon , qu'il a été en état de faire
ces distinctions. Il accorde un si
grand avantage à ces deux philo-
sophes , qu'il les recommande , mê-
me pour l'explication des mystères
de la religion chrétienne, qui, selon
lui, s'y trouvent développés tous,
sans en excepter l'incarnation. Mon-
boddo est en général très-pieux; il
fait observer que ce qui distingue
éminemment les historiens classi-
ques, et ce qui manque un peu aux
modernes, c'est la piété, ou la foi
en un régulateur suprême de toutes
choses. Dans un ouvrage plus volu-
mineux encore , auquel il consacra
le reste de sa vie , et dont la pu-
blication n'a été terminée qu'après
sa mort, dans VAncient metapky-
sicsy or the science ofthe universals,
Edimbourg, 1-779- 1799, G vol.
in- 4°., il renchérit encore , s'il est
possible, sur les opinions systé-
MON
matiques et paradoxales qu'il avait
exposées avec tant de savoir , dans
son premier ouvrage. Il se propose
particulièrement , dans le second ,
de développer la philosophie d'A-
ristote , et de réfuter Newton et
Locke. Il y expose habilement les
systèmes des philosophes anciens,
et , sous ce rapport , son ouvrage
est utile ; il est fâcheux que cet
exposé soit entremêlé de ses para-
doxes, qui prouvent, entre autres
choses , une crédulité surprenante
dans un homme aussi instruit : il y
regarde l'orang - outang comme un
être humain abâtardi; il admet l'exis-
tence des syrènes et d'autres préten-
dus animaux participant des qualités
de l'espèce humaine. Par ses ouvra-
ges, Monboddo s'était attiré des en-
nemis , et avait donné beau jeu à la
raillerie. Johnson fut du nombre de
ses antagonistes. Monboddo ayant
soutenu que tous les objets imagi-
nables se trouvaient réellement dans
la nature, quelque bizarres que l'i-
magination les créât , le savant cri-
tique dit , dans une société , qu'il
était persuadé de ce principe, de-
puis qu'il avait vu la nature pro-
duire un Monboddo. Le comédien
Foote, connu par ses bons mots,
comparait souvent les deux antago-
nistes , et appelait Monboddo , pro-
bablement à cause de sa taille , une
édition elzévirienne de Johnson. Ce-
lui-ci, néanmoins , clans son voyage
en Éeosse , reçut l'hospitalité chez le
lord écossais, et le quitta, à ce qu'il
assure dans la relation de ce voyage ,
avec des sentiments d'estime. On pré-
tend que Boswell avait engagé John-
son à cette visite, pour mettre aux
prises les deux antagonistes. La con-
versation de Monboddo se ressentait,
suivant l'assertion d'un de ses amis,
de l'étude profonde qu'il avait ail©
MON
des auteurs anciens : elle c'iait ner-
veuse , concise et pleine d'un esprit
original Ses soupers , auxquels il in-
vitait un petit nombre d'amis, res-
semblaient , par les sujets des entre-
tiens , aux banquets des anciens
sages. Monboddo y frappait d'ad-
miration ses convives , par la forme
sentencieuse et classique de ses maxi-
mes, ou par l'éloquence avec laquelle
il soutenait ses théories et ses para-
doxes. Il paraissait vouloir imiter
les anciens jusque dans leur endur-
cissement aux fatigues du corps. II
prenait des bains froids pendant
toute l'année, même dans le cœur de
l'hiver et dans ses indispositions. Il
dédaignait les voitures, comme un
usage trop efféminé, et faisait tou-
jours à cheval le voyage de Londres.
Mais vers l'âge de quatre-vingts ans,
voulant aller de cette manière pren-
dre congé de ses amis dans la capi-
tale, il faillit mourir en route. Il
survécut à sa femme , à un fils et à
à une fille : la perte de la dernière
lui causa un chagrin violent, et hâta
sa fin. Il mourut d'une attaque d'a-
poplexie, à Edimbourg , le 2G mai
!*7QQ,danssa quatre-vingt-cinquième
année. Aucun de ses ouvrages n'a,
jusqu'ici, été traduit en entier dans
d'autres idiomes. La traduction alle-
mande de l'ouvrage sur l'origine des
langues , par Schmidt , Riga , 178/1-
8(3, '1 vol. in-8°., n ut que
la moitié : encore eçt-< lie al :
dans les deux dernières parties.
sieurs recueils littéraires anglais ,
tels que YAnnual regisler , 1799,
; le Ylonthlj m
zinc, août ,1799; le Gentleman s
magazine, juin et décembre 1799,
ont donné des notices sur la vie de
Monboddo. On letrou?e peint aussi
dans les Publu années
1798-1799. D— G.
MON 343
MONBRON ( Fougeret de ), né
à Péronne, servit quelque temps dans
les gardes-du-corps. Son caractère
inquiet le fit renoncer à cette car-
rière pour le métier d'écrivain. Hu-
moriste et frondeur, il communiqua
l'empreinte de cette disposition d'es-
prit à la plupart de ses productions;
mais la gaîté qui règne dans quel-
ques-unes , contraste singulièrement
avec l'attitude morne et la taeitur-
nité qu'il gardait dans la société. Il
mourut en septembre 1761. On a
de lui : I. La Jlenriade travestie ,
1745, in- 12 j on cherche en vain
dans cette parodie la franchise d'ex-
pressions burlesques de Scarron , et
ce gros sel qui rachète un peu la
pauvreté du genre : Monbron ne fait
aucuns frais d'imagination ; il suit
Voltaire pas à pas , et transforme
en style trivial la substance de cha-
que chant, avec une facilité sans
mérite. Il est assez remarquable que
la parodie n'ait paru que l'i ans
après la Henriade : cependant elle
a eu beaucoup d'éditions ; la dernière
est de 181 7. II. Préservatif conUe
V anglomanie , 1787, in-8u. 111. Le
Cosmopolite ou le citoyen du mon-
de, 17J0 , in VI. Ce sont deux dia-
tribes pleines d'âcreté. IV. Margot
la ravaudeu e , Thérèse Philoso-
phe, et quelques autres romans li-
cencieux (Voy. le Dict. des ano-
nymes au mot Fougeret). F — t.
MONCABRIÉ de PEYTFS (le
comte Joseph-Saturnin ) , contre-
amiral, naquit à Toulouse, le 9 août
[741, d'une famille distinguée du
Languedoc. A l'âge de quinze ans, il
fut lait garde de la marine : embar-
qué sur le vaisseau le f aillant , il
assista au coriibal que Boutim
dans le détroit de Gibraltar, quatre
\ jeaux français contre cinq An-
glais. En 17 5g , comme il montait le.
MON
Souverain, le comte de Panât, qui le
commandait , le chargea de coopérer
«à la défense de deux frégates françai-
ses qui, mouillées aux Sablettes(rade
de Toulon ) , avaient été attaquées
par l'amiral Boscawen; etMoncabrié
donna , dans cette circonstance , des
preuves d'une bravoure peu com-
mune. 11 assista, sur le même vais-
seau , au combat que livra M. Dela-
çiue à ce même amiral. Dans ce'ui
que soutint le Souverain contre Y Her-
cule , il fut blessé aux deux jambes
par un éclat de canon. Nommé en-
seigne de vaisseau en 1764, lieute-
nant et chevalier de Saint-Louis en
j 777 , il servit successivement sur
divers bâtiments., sous les ordres des
amiraux d'Estaing , Guichen et de
Grasse. Il/it^ sous ce dernier amiral,
la guerre d'Amérique; il eut part à la
prise de Saint-Christophe , et aux
combats des 9 et 1 Si avril 178-2, sur
îe Triomphant : Du pavillon , qui
commandait ce vaisseau, ayant été
tué dans la dernière action, le marquis
de Yaudreuil désigna Moncabrié pour
îç remplacer ; et quoiqu'il ne fût que
lieutenant, la cour le confirma dans
ce commandement. Peu de temps
après , le roi le nomma capitaine de
vaisseau , et lui accordaiine pension.
La paix ayant été faite , il ramena en
France , le Souverain , dont il garda
le commandement. En 1786, il prit
celui de la corvette la Poulette,
qui faisait partie de l'escadre d'évo-
lution a;;\ ordres du comte d'Albert
deRioras. En 1 788, nommé au com-
mandement de la frégate la Vestale^
il fit partie de la division de Saint-
Domingue. L'année suivante, i! pro-
tégea efficacement la pêche de Terre-
fteuve, et rendit les plus grands ser-
vices au commerce. A son retour à
Saint-Domingue, il trouva cette co-
lonie en proie aux dissensions poli-
MON
tiques. Après le départ de La Galis-
sonière , i! prit le commandement de
la station , qu'il conserva seize mois ,
dans les temps les plus critiques; et
il sut, par sa fermeté, maintenir le
plus grand ordre. En 1791 , il fut
appeléau commandement du vaisseau
le Lj s, et, peu de temps après , des-
titué comme noble. Le séquestre fut
mis sur ses biens, et il subit une
longue détention. Apres le 18 bru-
maire ( 8 novembre 1 799 ) , il fut
nommé membre du conseil-général
du département de la Haute-Garonne ;
et il reçut, en i8o3, une marque
flatteuse de l'estime de ses con-
citoyens , lorsque son département,
ayant vote un million pour la cons-
truction d'un vaisseau de ligne , de-
manda que le commandement lui en
fat confié. En 1 8 1 4 , le roi le nomma
comte, commandeur de Saint-Louis,
et contre-amiral en retraite avec une
pension ; mais une maladie longue
et cruelle l'enleva à sa famille et à
ses amis, le 9,0 septembre 1819. Le
comte de Moncabrié fut l'un des offi-
ciers de notre marine les plus distin-
gués ; et il jouissait, dans ce corps ,
de la plus grande estime. Deux de
ses enfants ont suivi cette carrière*
l'aîné est contre amiral en retraite ,
et le troisième trésorier-général des
invalides de la marine. — Le cheva-
lier de Peytes-Moncabrié ( Pierre-
É isabeth ) , second fils du comte, né
à Toulouse en 1 77 1 , entra fort jeune
à l'École militaire, et fut nommé
éiève d'artillerie des colonies en
1790. Il était, en 1806, chef d'état-
major au quatrième corps de la
grande -armée , commandé par le
maréchal Soult, lorsqu'il fut tué par
un biscaïen sous les murs de Lubeck.
H— q— N.
MONC4DE (Hugues de), vaillant
capitaine espagnol, descendait d'une
MON
des plus anciennes et des plus illus-
tres maisons de Catalogne. D.ns
sa jeunesse, il vint offrisses services
à Charles VI lï , et ie suivi' à sa bril-
lante et malheureuse expédition d'I-
talie. Après la retraite des Français,
il s'attacha au service de César Bor-
gia ; el il accepta enfin un comman-
dement dans les bandes espagnoles
Stationnées au-delà des Alpes, sous
les ordres de Gonsalve de Gordoue.
11 jouissait déjà d'une grande répu-
tatioii , due au courage et au sang-
froid dont il avait donné des preu-
ves dans les occasions les plus pé-
rilleuses. 11 profita d'une trêve pour
aller à îa poursuite des pirates qui
infestaient les côtes de l'Italie, et
les purgea , pour quelque temps , de
ces dangereux ennemis. Il reçut, eu
i5i(5, l'ordre de ramasser les mi-
lices napolitaines pour les conduire
au secours du pape, presse' par le
duc d'Urbin, que les Français ap-
puyaient secrètement. Quelques mois
après la funeste bataille de Pavic, il
fut fait prisonnier, sur la cote de
Gènes , par André Doria, qui tenait
alors pour les Français. La régente
le retira des mains de Doria, et le
renvoya à Charles-Quint, sans con-
dition, espérant que cette marque
de générosité déterminerait L'empe-
reur a user de plus de ménagement
envers François 1 •'. Moncaoe, de
retour en Italie, embrassa Le parti
des Colonne contre le pape Clémenl
VII, et désola ses états par des (our-
ses continuelles. Il signa, eu i .■"»'». 7 ,
avec fc pape, un traité de neutralité,
bien dé< idé » ne le point tenir : in-
formé que le pontife venait de con-
gédie] ses soldats, d pénétra dans
Home a la faveur de la nuit, < ;
tant emparé du , en aban-
donna le pillai; . 1 s. Le
pape n'eut que le t< re'fu-
IVÎON
345
gier au château Saint-Ange-, d'où il
lit savoir à Moneade qu'il était prêt
à signer toutes les conditions que ce*
Loi-ci voudrait lui imposer, pourvu
qu'il se retirât. Moneade, nommé
vice-roi de Nap'cs-, eut bientôt à dé-
fendre cette ville contre les Français.
Lautrec chargé de cette expédition ,
voulant ménager ses troupes, se con-
tenia de bloquer Naples par terre,
tandis que Philippe Doria en fermait
le port avec quelques gffercs. Mon-
eade, résolu d'éloigner Doria, vint
l'attaquer avec des forces inférieures:
« Il combattit pendant l'action, dit
» Brantôme, avec une rondelle d'une
» main, et l'épée en l'autre, tout ce
» que pouvait faire le plus vaillant
» homme du monde. » Il tomba
percé de coups, au moment où la
galère qu'il montait coulait à fond,
de sorte que son corps ne put être
retrouvé. Ce combat eut lieu dans
les premiers jours de juin 1 5^8. Phi-
libert de Châlons, prince d'Orange,
lui succéda dans la vice-royauté de
Naples, qu'il n'avait exercée que six
mois. « Il se lit, dit encore Bran-
» tome, que le pape Clément fut fort
» joyeux de sa mort, parce que ce
» fut lui qui prit le Vatican, et pilla
» la sacristie de la Sainte-Eglise. »
( V . Brantôme , Vies des grands
capitaines étrangers, iv , àa3r. )
W-vS.
MONCADE (François de), coin 1-
d'Ossone et marquis d'Aytona, de
la même famille que le précédent,
naquit à Valence, le 29 décembre
i >. après avoir fait ses étude!
avec le plus grand succès, il ob-
tint un régiment, qu'il ne quitta
que pour le commandement de la
Hotte de Dunkerque, destinée à ap-
puyer les opérations de l'armée de
terre. Il joignait aux talenls d'un ge
néral , beaucoup d'esprit et d'ins truc
146
MON
tion , et la connaissance des inte'rêts
des différents états de l'Europe. En-
voyé par Philippe IV en ambassade
à la cour de Vienne, il y mérita
bientôt la confiance des diplomates
les plus éclairés, et aplanit les dif-
ficultés qui s'opposaient au rétablis-
sement de la paix en Allemagne.
Nommé, en i633, généralissime des
troupes espagnoles dans les Pays-
Bas, sous les ordres de l'infante
Isabelle , il réussit à calmer les es-
prits disposés à la révolte, forti-
fia plusieurs places, et, par d'habiles
manœuvres, fit échouer toutes les
tentatives du prince d'Orange sur la
Meuse. Il mourut au milieu de ses
succès, en i635, au camp deGlock
dans le duché de Cléves, empor-
tant les regrets du peuple et des
soldats. Le comte de Moncade a
publié, en espagnol, Y Histoire de
l'expédition des Catalans et des
Aragonais , contre les Turcs et les
Grecs , sous le règne de l'empereur
Andronic Paléoïogue , Barcelone,
i6'23 , in-4°. On cite encore de lui,
une Vie de Manlius Torquatus,
Francfort, 16/p, et une Histoire
du célèbre monastère de Mont serrât ;
ces deux derniers ouvrages sont écrits
en latin. Le Portrait de Moncade,
par Van-Dyck, qui l'a représenté à
cheval, a fait partie, quelques an-
nées, du musée du Louvre , et a été
repris, en 181 5, par les puissances
alliées : il a été gravé par Morghen.
W— s.
MONCADE ( Louis- Antoine de
Belluga de ), cardinal, né le 3o
novembre 166-2 , à Motril , dans le
royaume de Grenade , descendait
d'une famille illustre de la Catalo-
gne. Il fit ses études à Motril , et les
acheva tant à Grenade qu'à Séville ,
où ii prit, en 1686, le bonnet de doc-
teur en théoiogie.Devenu, l'année sui-
MON
vante, chanoine de Zamora , puis de
Cordoue, il se livrait jeune encore à
la pratique des bonnes œuvres et aux
fonctions du ministère ecclésiastique.
Il établit à Cordoue les prêtres de
l'Oratoire de saint Philippe Néri, et il
observait lui-même leur règle , vi-
vant avec eux, et donnant l'exemple
des vertus de son état. Il montra
beaucoup de zèle pour la cause de
Philippe V , quand ce prince vint
prendre possession de la couronne
d'Espagne. Aussi fut-il nommé à
l'évêché de Carthagène. Sa modes-
tie s'effraya d'abord d'une dignité
dont il connaissait les devoijœ • et il
n'accepta que par déférence pour les
conseils des hommes les plus recom-
mandâmes. Il fut sacré le 19 avril
1705 , et se rendit dans son diocèse
où il ne se fit pas moins estimer qu'à
Cordoue. Les impériaux étant entrés
en Espagne, le prélat publia un mé-
moire pour la défense des droits de
Philippe V , et maintint son diocèse
sous l'obéissance de ce prince, qui,
par reconnaissance , le nomma , en
1706, vice-roi de Valence et capi-
taine-général de Murcie. Ces titres
parurent, à l'évêque, incompatibles
avec ses fonctions pastorales ; il ne
les accepta que sur un ordre exprès
du nonce du pape , et il ne tarda
pas de s'en démettre. Il refusa le
riche évêché de Cordoue , pour res-
ter au milieu d'un troupeau qu'il
affectionnait. Charitable , zélé, il fit
beaucoup de fondations pieuses et
utiles: deux collèges, un séminaire,
deux maisons de refuge, deux hôpi-
taux, des églises bâties, sont des mo-
numents de sa libéralité. Sa vie re-
traçait la sainteté des évêques des
premiers siècles ; et son gouverne-
ment était réglé sur les canons de
l'Église et sur les principes de la plus
exacte discipline. En même temps
MON
qu'il soutenait avec vigueur les droits
du souverain, il défendait aussi ceux
de l'épiscopat, et il s'opposa aux em-
piétements de quelques agents de l'au-
torité' civile. On a de lui plusieurs
Mémoires en faveur des immunités
ecclésiastiques et des prérogatives de
son siège. La réputation de doctrine
et de vertu du pieux eveque engagea
Clément XI à le nommer cardinal
de son propre mouvement , le 29 no-
vembre 17 19. M. de Belluga refusa
d'abord, ayant fait vœu de n'accep-
ter aucune dignité qui pût le détour-
ner du devoir de la résidence. Mais
le pape , voulant honorer un sujet si
distingué , le dispensa de son vœu ,
etluiordonnaformcllement, en 17*20,
d'accepter le chapeau. Le prélat sou-
haitait du moins se démettre de son
évêché; et il ne le conserva que jus-
qu'en 1724, qu'étant allé à Rome
pour la deuxième fois, à l'occasion du
conclave , il se fixa dans cette ville ,
partageant son temps entre l'étude et
la prière. Il refusa l'archevêché de
Tolède , le siège le plus riche de la
chrétienté. Il avait , à Rome , le titre
de protecteur d'Espagne , et fut quel-
que temps chargé des affaires de cette
couronne auprès du Saint-Siège. Le
cardinal Belluga mourut à Rome, le
22 février 1743- Il était fort instruit
dans la théologie et le droit canon;
et les papes Clément XI, et !
XIV , le citent avec honneur dans
leurs ouvrages. Outre ït's Mémoires
sur les immunités et la juridiction,
dont nous avons parlé, ce cardinal a
publié un Mémoire dogmatique sur
la conception de la Sainte- Vierge ,
in- i". ; — Epistola dogmatica ad
irmenos, in-fol.; — Explication de
la doctrine V usage des
'[idclcs, in-
— dcsLet: ! ..
in-4% et qucl<( sur des cau-
MON 347
ses de canonisation. Il avait de plus
laissé en manuscrit une défense des
droits du Saint-Siège , une apologie
de la constitution Unigenitus , et
quelques traités de théologie. Benoît
XIV lui fit ériger un mausolée , et
en composa lui-même l'épitaphe, qui
est conçue dans les termes les plus
honorables pour ce cardinal , et qui
se trouve dans Moréri, édition de
I759. P— C— T.
MONCE ( Ferdinand de la ) ,
peintre et architecte, naquit à Mu-
nich, en 1678. Son père, Paul de
La Moncc, Dijonnais d'origine, mort
en 1708 premier peintre et premier
architecte de l'électeur de Bavière,
lui donna les premières leçons , et
l'envoya bientôt à Paris, pour s'y
perfectionner. La Monce visita suc-
cessivement Rome et les principales
villes d'Italie, et revint en France ,
par Marseille. Pendant son séjour à
Rome , le duc d'Orléans , régent , le
chargea d'acquérir le célèbre cabinet
de la reine Christine , que possédait
le duc de Braccianc ; et La Moncc en
dirigea l'envoi à Paris. A son retour
en France, s' étant arrêté à Grenoble,
il s'y fit connaître par quelques ou-
vrages, s'y maria , et , en 1781, alla
se fixer à Lyon. Sur sa réputation ,
on lui confia plusieurs travaux im-
portants. 11 fit construire Y église des
Chartreux , qui passe pour une des
plus belles de cette ville. Il donna
ensuite les du Portail de
Saint-Just , dont les connaisseurs
font un cas particulier; le Styl
est simple et noble tout-à-la-fois:
mais ice le cède au ;
hôtel-dieu, dont le vestibule 1
né par une coupole, les ailes
façadequl répond au préau, forment
1 ornements de
Lyon. II avait donne', pour tout l'é-
difice, un beau plan, qu'il ne put
MON
exécuter lui-même, mais qui fut
entrepris dans la suite, et termine par
Soufflot. C'est encore La Monce qui
construisit le quai du Rhône , de-
puis la chapelle du Saint-Esprit, jus-
qu'au po>t du Tibre ( aujourd'hui
port de l'hôpital ) , qu'il fit à l'imi-
tation de celui de Ripelta, à Rome.
Enfin il est l'auteur de la magni-
fique chaire en marbre et en bronze
do.**:', que Yon voit dans l'église
du collège de la Trinité, et dont la
composition ingénieuse est égale-
ment remarquable par la hardiesse
et par l'élégance. Accable de bonne
heure d'infirmités incurables, il fut
obligé d'abandonner l'architecture;
mais la culture des arts fut toujours
un besoin pour lui. Dans les moments
de relâche que lui laissaient ses souf-
frances , il composait des dessins
pour la gravure. C'est d'après lui que
furent exécutées les planches de la
belle édition deY Essai sur l'homme
de Pope, publiée à Lausanne. C'est
encore d'après lui qu'on a gravé les
planches qui font partie de la Des-
cription de la chapelle des Invalides,
à Paris. La Monce mourut à Lyon,
d'une hydropisie, le 3o septembre
1753. P— s.
MONCHAUX. V. Dumonchaux.
MONGHESNAY (Jacques de
Losme de ) , littérateur , né à Paris
le 4 mars \666y était fils d'un pro-
cureur au parlement. Il montra, dès
son enfance , un goût très-vif pour
les lettres : h quinze ans , il avait déjà
publié, dans le Mercure , quelques
imitations en vers des plus belles
épigrammes de Martial ; elles lui
méritèrent, de la part de l'illustre
Bayle , des éloges et des encourage-
ments (1). Après avoir terminé ses
(1) La Lrttrc de Bayle à Monchesnay ne se trouve
•point dans le recueil de ses œuvres ; mais elle est iiu-
})riiaca dans le Mercure de septembre 1740.
MON
cours , il se fit recevoir avocat ( i ) j
mais la fortune dont il jouissait le
dispensait d'exercer aucune profes-
sion , et il ne parut point au barreau.
Il fit jouer par les comédiens ita-
liens , quelques pièces dont le succès
ne fut point contesté : cependant il
se repentit bientôt d'avoir travaillé
pour le théâtre; et à l'exemple de
certains moralistes rigides , il en
vint à condamner , sans exception ,
toute espèce de représentations dra-
matiques. Boileau , moins scrupu-
leux , prit contre Monchesnay la
défense de la comédie ; mais ce-
lui-ci ne se rendit point, et sou-
tint dans sa réponse (a) que Molière
avait beaucoup contribué à cor-
rompre les mœurs en France ; opi-
nion embrassée et défendue par le
philosophe de Genève , avec une rare
éloquence , et combattue avec beau-
coup d'adresse par d'Alembert et
Marmontel. ( V. la Lettre a d'sJlem-
berl sur les spectacles , et les ré-
ponses de ses deux adversaires. )
Monchesnay, l'un des plus grands
admirateurs de Boileau , lui rendait
de fréquentes visites , dont le satiri-
que l'aurait volontiers dispensé : « Il
» semble, disait-il , que cet homme-
» là soit embarrassé de son mérite et
» du mien. » J.-B. Rousseau le ju-
geait, « plus né avec les talents du
» cabinet qu'avec ceux du monde. »
Les suites du système si fatal à la
France dérangèrent la fortune de
Monchesnay : des motifs d'écono-
mie le déterminèrent à se retirer à
(1) Le panégyriste anonyme de Mffochrsuay dit
qu'il fit imprimer , en 1691*011 i6t)3 , une traduction
du Plaidoyer de Cicéron pour Milan 4 qu'il y mit
son nom , et y prit la qualité d'avocat. C'est une er-
reur qui s'est glissée dan* le Dictionn. de Moréri En
irj;j3 , il a paru nue traduction delà Mdonienne ,
mais elle est de Cl. Delaistre , avocat.
(n) Elle est imprimée à la suite de la lettre île Boi-
leau, dans le Vite, tome de la Continuât, des Mémoi-
res de. littéral. ( V. De'SMOLETS ), et d;ms redit,
de Boileau , par Saiut-Marc , III , 5*1-53.
MON
Chartres, pays de sa femme , où il
passa les dernières aimées de sa vie
dans la retraite et dans la pratique
i\i's vertus chrétiennes : il y mourut le
i(j juin 1740- Un littérateur de cette
ville a publié son Eloge dans le Mer-
cure; septembre , même année ). On
a de lui : I. Cinq Comédies: la Cause
des Femmes; la Critique delà Cause
des femmes 'y Mezetin grand sophi
de Perse ; le Phénix ou la femme
fidèle, et les Souhaits. Os pièces ,
représentées de 1687 H ,(\)3, ont été
imprimées dans le Théâtre italien
do Gherardi ; et elles ne sunt , ni les
meilleures, ni les plus mauvaises du
recueil. IL Satires nouvelles sur
l'esclavage des passions , et sur l'é-
ducation des enfants, Paris, 1698,
in-4°. III. Bolœana ou entretiens
avec Despréaux. Il rédigea cette
compilation peu de temps avant sa
mort , à la prière de l'abbé Soueliav,
qui l'inséra dans les pièces prélimi-
naire? de son édition des OEuvres de
Bûtleau (Paris, 1740, in-j°. ) Le
Bolœana a été réimprimé avec les
Poésies de Sanlecque, Amsterdam ,
1 7 \i , iu-i -2 , et dans le tome v du
luàltau de Saint-Marc, avee des ad-
ditions et des corrections de l'éd iteur,
nécessitées en général par les erreurs
que Monchesnay avait commises,
sans qu'il soit permis d'en rien con-
clure contre saionne foi ( /'. \eIMct.
universel, au mot Monchesnay ,
xii, 67). IV. Il a laissé en manuscrit
des Epitres, des Satires cl des /•. /
grammes, trad. de Martial, qu'il
avait eu l'intention de publier: « Je
ne sais, » dit Rousseau dans une let-
tre à Brosaelte , « si ses épigrammes
« amont un l'oit grand succès : la na'i-
» veté ne lasse jamais , et les pointes
» d'esprit lassent bientôl Au
ste , ML >1 m besna) est plus ca-
» pabled- I .l'un autre,
MON
349
m et je ne connais que lui présente-
» ment (17 1G) qui sache faire des
» vers marqués au bon coin. J'ai en-
» tendu quelques-unes de ses satires,
» où j'ai trouvé des endroits parfaile-
» ment bien louches, etc. » {Lettres
de Rousseau, n, 1 15.) Cet éloge est
évidemment dicté par la complai-
sance: c'est un des exemples que l'on
pourrait citer, pour prouver com-
bien notre grand lyrique écoutait
quelquefois, clans ses jugements, non
son excellent goût, mais ses affec-
tions particulières. W — s.
MONCHRÉTIEN. V. Mont-
CIIRESTIKN. V.
MONCK (George). V. Monk.
MONCLAR ( Jean-Pierre-Fr ^x-
çois Rippert de ) , procureur-géné-
ra! au parlement d'Aix, se distingua
parmi les magistrats qui, dans le dix-
huitième siècle, répandirent, pai leurs
lumières et leur éloquence , sur les
cours souveraines deprovince un éclat
jusque - là réservé au seul parlement
de Paris. Profondément versé dans
le droit public , il déposa la preuve
de ses connaissances dans une foule
de mémoires et de réquisitoires sur
des objets d'une haute importance.
Les secours à dispenser aux véri-
tables indigents , l'administration
des maisons de dépôt, la police des
collèges, l'intérêt de l'argent, la ma-
rine, la maréchaussée, la libellé du
commerce des grains , occupèrent
successivement sa plume. D'Agues-
seau se plaisait à nommer VAmi du
bience. magistral infatigable, Chargé
de rédiger des remontrances .m noin
de sa compagnie, Monclar, sans l'aire
fléchir la dignité du Langage et la fer-
meté de ses réclamations, sut con-
server h' respecl dû au souverain, el
se préserver de cette dureté ni! peu
républicaine que \ oltaire repi 0
à Malesherbes. Genève rendit un
35o
MON
Îmblic hommage à son intégrité, en
e choisissant pour arbitre entre les
deux partis qui la divisaient. Louis
XV, ayant, par suite d'une mésintelli-
gence avec la cour de Rome , fait
occuper Avignon et le Gomtat en
1768, Monclar, de concert avec le
comte de Rochcchouart , comman-
dant de l'expédition, prit possession
de ce territoire autrefois démembre'
de la Provence. L'année suivante , il
publia un Mémoire pour établir les
droits du roi sur cette enclave. Cet
exposé fut d'un grand secours aux
orateurs qui reproduisirent , depuis 7
la même question à la tribune de l'As-
semblée constituante. Monclar eut à
soutenir de longues luttes avec le
clergé j il multiplia les réquisitoires
contre les brefs du pape et les man-
dements des évêques. Mais ce fut sur-
tout contre les Jésuites qu'il déploya
toute l'énergie de son caractère et
toute l'activité de son zèle. Son
compte rendu des constitutions de
cette société, les réquisitoires où il
l'attaquait, plus substantiels que les
philippiques de La Chalotais,, ne leur
sont point inférieurs en force. On les
a imprimés dans le format in- 12.
Monclar montra la morne chaleur au
sujet des refus de sacrements, et des
autres actes de l'assemblée du clergé
de 1765. Cet inflexible exercice de
son ministère, l'indépendance d'o-
pinion qu'il professait, les traits que
l'on remarque dans ses écrits contre
les papes et les évêques , et les éloges
que lui donnèrent ceux qui régnaient
alors dans la littérature , le firent re-
garder comme un adepte de la secte
philosophique , et, par suite , indis-
posèrent contre lui un certain nom-
bre de parlementaires. On lui repro-
cha , entre autres , la sévérité de ses
procédés envers le président d'A-
guilles, poursuivi si rigoureusement
MON
pour avoir opiné suivant sa cons-
cience dans un procès fameux. Son
confesseur, par l'ordre de l'cvèque
d'Apt, exigea de lui, dans ses der-
niers moments , qu'il rétractât ce
qu'il avait avancé de défavorable au
clergé. Il se résigna, dit-on, à cet
acte de repentir et de soumission.
Il mourut à l'âge de soixante - sept
ans , dans sa terre de Saint - Sa-
vournin , le \'i février 1773 , pen-
dant la disgrâce des parlements.
Son Mémoire pour le procureur-gé-
néral de Provence, servant à établir
la souveraineté du roi sur Avignon
etlecomtat Venaissin, 1769,^1-4°.,
est devenu extrêmement rare, le dé-
pôt des affaires étrangères ayant ab-
sorbé le fonds de l'édition. Il est
aussi très-difficile de se procurer son
Mémoire théologique et politique
au sujet des mariages clandestins
des Protestants de France , 1755,
in-8°. (1) F— t.
MONCONYS ( Baltuasar ) ,
voyageur français , était né, en 1 6 1 1 ,
à Lyon , où son père exerçait les
fonctions de lieutenant - criminel ,
auxquelles il succéda. Monconys ve-
nait d'achever ses études , quand ,
sous prétexte d'éviter la peste qui
(1) Il y prouve, par l'Écriture et la tradition, qu'en
fait de croyance , la violence est tout-à-fait con ■
traire à la religion: il propose que, conformément
M l'arrêt du conseil du i5 septembre i685 , on per-
mette aux protestants de se marier devant le prin-
cipal officier de justice du lieu de leur résidence;
et que les bans soient publiés au siège le plus pro-
chnin. On y trouve la force qu'on reconnaît dans
tout ce qui est sorti de sa plume ; i! fait monter le
nombre des protestants à trois millions. Tous ses
réquisitoires annoncent une imagination vive; mais
elle l'égaré quelquefois , comme dans son réquisi-
toire du 3o mai 1-76; contre un recueil apologétique
de l'assemblée du cierge de i-65 , où il réduit l'au-
torité ecclésiastique presqu'à néant. La rareté du
Mémoire relatif aux dioits delà France sur Avi-
gnon, vitnt, dit-on, de ce que les Auglais ayant
menacé de se déclarer en faveur du pape , la cour
crut devoir les apaiser; cet écrit {fut brûlé par arrêt
du parlement de Paris, et les exemplaires en furent
enlevés : c'était un ouvrage de commande , et Mon-
clar avouait franchement que s'il l'eût composé à
Naples , il eût parlé tout autrement. T — J8>.
MON
commençait à se manifester en 1628,
il obtint de son père d'aller prendre
ses degrés à l'université de Sala-
manque. Il parcourut une partie de
l'Espagne ; et il songeait à passer
aux Indes ou à la Chine : son père
le fit revenir , et espéra le fixer par
une charge de conseiller ; ce fut im-
possible. Monconys, n'écoutant que
son penchant, partit, en i645,
pour le Portugal , avec le dessein
d'aller aux Indes Orientales ; mais il
ne poussa pas ses courses aussi loin.
11 visita successivement la Provence,
l'Italie, l'Egypte, la Palestine, la
Syrie , la Natolie , Constantinople ,
et fut de retour au mois de janvier
1649. Un des buts de son voyage
avait été d'apprendre des savants de
ces pays, s'il restait quelques traces
de la philosophie de Trismégiste et
de Zoroastrc : car il cultivait assidû-
ment les sciences occultes ; et l'au-
teur de sa vie dit qu'en Portugal , il
fit admirer sa facilité à dresser des
horoscopes. Cependant ses connais-
sances lui avaient acquis l'estime et
l'attachement des personnages les
plus illustres et les plus doctes de
sou temps. Leduc de Luy nés, ayant
eu à traiter une négociation impor-
tante avec la cour de Rome , en char-
gea Monconys, qui , dans deux au-
diences, amena le pape à tout ce
qu'il desirait La satisfaction que le
duc de Luynes en éprouva , fut si
vive, qu'il pria Monconys d'accom-
pagner son fils , le duc de Chc-
vreuse , dans les pays étran
Monconys ne put refuser cette pro-
position qui s'accordait si bien avec
ses anciens goûts; el il parcourut
successivement , au mois de
juillet \6(>\ , I e , les Pro-
vinces-Unies et l'Ail et re-
vint par le Milanc Savoie.
Une maladie dont il fut attaqué ,
MON
55 1
peu de temps après son retour dans
sa ville natale, le mit au tombeau
le 28 avril jGGj. Son (ils ( le sieur
de Liergues ) publia les Voyages
de M. de Monconys , etc. , Lyon ,
i665 , 3 vol in - 4°- ■> avec fig. ;
Paris , 1667 , 1 vol. in- 4°. ; ibid. ,
i6g5 , 5 vol. in - i-i , 6g, ; trad. en
allemand, par Chr. Juncker, Leip-
zig, i(>97 , in- 4°« i fig« Monconys
était un homme estimable , et, sans
doute , très-instruit pour son temps ;
mais la relation de ses voyages ne
répond pas à la haute réputation
dont il a joui de son vivant. L'on
n'y trouve , le plus souvent , qu'un
journal fort sec , ou rempli de par-
ticularités très-insignifiantes , et en-
tremêlé d'une prodigieuse quantité
de recettes et de formules médicales
et chimiques , toutes plus bizarres
les unes que les autres. Les observa-
tions utiles y sont extrêmement ra-
res. E — s.
MONCOUSU (Pierre- Augustin),
capitaine de vaisseau , né en 1 7 56 , à
Beauné, en Anjou, entra dans la
marine , à l'âge de dix -sept ans ,
comme matelot , fut fait officier bleu
en 1 779 ? et embarqué sur la frégate
la Terpsicore. Nommé capitaine de
vaisseau en 179I, il prit le com-
mandement du Redoutable. Au com-
bat d'Algésiras, livré par l'escadre
de Liuois , à celle de l'amiral Sau-
marez, le 5 juillet 1801 , Moncousu
commandait le vaisseau Y Indompta-
ble. 11 lit, dans celte action, des
prodiges de valeur j mais le sort tra-
hit son courage, et il fut emporté
par un boulet sûr son banc de quart,
vcis la fin du combat, La perte du
brave Moncousu fut vivement ap-
préciée par ses camarades, qui le
< onside'raient comme un '1rs meil-
leurs officiers du corps. Il a\ ait ac-
quis des connaissances peu commu-
35j
MON
nés, dans ses nombreuses campagnes
de guerre et de paix. H — Q — rv.
MONCRIF ( François-Augustin
Paradis de ) naquit à Paris en 1 687 .
Il perdit , bien jeune encore , son
père, qui était procureur. Sa mère,
femme d'esprit , d'origine anglaise ,
ne négligea rien pour l éducation des
deux fils dont elle restait chargée. Un
peu plus tard, elle mit un vif intérêt
a introduire dans le grand inonde
Faîne, dont il s'agi; ici, et auquel
elle lit prendre le nom de Montcrief ,
.son aïeul , en le francisant un peu.
On a prétendu que cet aîné, ayant
très - bien réussi dans l'art de l'es-
crime, voulut être reçu maître d'ar-
mes. Il est à-peu-près démontré que
cette circonstance s'applique au frère
cadet : Mme. Paradis ne reconnaissait
pas en lui d'autre moyen d'arriver à
la fortune que celui-là ; mais , grâce au
crédit de Moncrif , il finit par être
commandant d'une petite place. Le
plus âgé des frères , dont la figure
était prévenante , l'esprit fin , l'hu-
meur douce et égale , dut surtout
aux talents agréables qu'il cultivait,
l'avantage d'être accueilli dans des
sociétés brillantes , où il fit connais-
sauce avec la jeunesse la plus distin-
guée du royaume. Poète, musicien, ac-
teur , il était l'ame des divertisse-
ments à la mode. Le grand-prieur
d'Orléans et le comte de Maurepas
aimaient extrêmement les parodies
et les parades. Ce fut pour eux qu'il
travailla dans ce dernier genre , sou-
vent beaucoup trop gai , et que de-
puis long-temps le bon goût a relégué
, chez nous sur les tréteaux , qui n'at-
tirent guère que le peuple (1). Mon-
crif trouva des dispositions particu-
lièrement bienveillantes dans la mai-
(1) Collé nous apprend que Y Amant cochemar ,
parade en vers , imprimée daus le Théâtre des lou-
dtyards . i?56, 2 vol- >» i ■■
IVSGSi
son de MM. d'Argenson , qui, de-
puis , furent ministres. Celui qui por-
tait le titre de comte, commença par
s'attacher à lui en raison delà com-
plaisante facilité de caractère qu'il
remarquait dans ce compagnon de
quelques-uns de ses plaisirs : il le
prit ensuite pour secrétaire. Moncrif
ne se borna pas à rechercher, un
peu plus tard, la protection d'un
prince du sang, ami des sciences,
des lettres et des arts . le comte
de Clermont : il prélendit à sa fa-
veur. Ce prince - abbé le fit secré-
taire de ses commandements ; et ,
de plus , ayant été chargé par Louis
XV de la feuille des bénéfices , il en
laissa , pour ainsi dire , la dispo-
sition à son protégé. On ajoute cpie
les propositions des sujets ecclésias-
tiques ne furent pas toujours di-
rigées d'après les conseils des hom-
mes les plus moraux que fréquentait
le secrétaire. Il se brouilla dans cette
petite cour , en 1 7 34 ; mais il fut dé-
dommagé de ce qu'il perdait, par la
place de lecteur de la reine Marie
Leczinska ; et il eut ainsi ses entrées
chez le roi. Cette princesse l'honora
de sa confiance, et le traita même
avec une bonté toute particulière ,
qui lui donna dès- loi s une sorte de
crédit à la cour. Il avait eu l'obliga-
tion de sa nouvelle place au comte
d'Argenson , devenu ministre de la
guerre, et qui, ayant aussi la sur-
intendance des postes, lui assura,
dans cette dernière administration ,
l'emploi de secrétaire-général. Mon-
crif avait été reçu à l'académie fran-
çaise, en 1733 , avanl que ses litres
littéraires fussent très-nombreux, 11
y succédait à M. de Caumartin , évê-
quede Biois , et oncle des deux d'Ar-
genson qui s'étaient si efficacement
intéressés à lui. Le cours de sa vie
n'oS'rit plus d'evénemcntsremarqua-
MON
blés jusqu'au moment où il apprit
que le comte d'Argenson était exilé à
sa terre des Ormes ( 17^7 ). Aussitôt
il mauifesta sa douleur par des té-
moignages très- marques , eu parais-
sant braver Mme. de Pompadour, qui
avait provoqué la disgrâce de ce mi-
nistre , et il sollicita la permission de
le suivre dans sa retraite. On laissa
seulement Moncrif maître d'y aller
passer six semaines ; et il retourna
tous les ans donner la même preuve
de reconnaissance et d'attachement
à l'un des premiers auteurs de sa for-
tune , qui ne voulait plus être sou
pro lecteur , mais son ami. Indépen-
damment de ce qu'il mettait d'agré-
ment dans le commerce du inonde ,
par ses talen ts aimaLIes,on apprécia it
en lui une ame sensible et une grande
aménité de mœurs. Mais Marmon-
te! , dans ses Mémoires , et Cirimm ,
dans sa Correspondance , semblent
s'être accordés à le peindre comme
minutieux et susceptible. Voltaire
lui écrivait assez souvent; et tout
en se permettant, en secret, quelques
plaisanteries sur son compte, il mé-
nageait le secrétaire des commande-
ments du comte de Clermont, et
surtout le lecteur de la reine, dont il
avait besoin dans la capitale , pour
les ouvrages qu'il y envoyait succes-
sivement, et en général pour ses in-
térêts littéraires. Du reste, il ne par-
donna pas sans peine à son confrère
de l'académie française d'avoir, par
obéissance pour la princesse qu'il
avait l'honneur d'approcher souvent,
mis en vers quelques cantiques pieux,
que d'Alerabert a cependant loués,
en disant que c'étaient des poésies
spirituelles , dans tous les sens pos-
sibles de ce mot. On a prétendu que
si Moncrif se montrai! dévot a la
cour, il était toujours ,. Paria homme
de plaisir. Il mourut âgé de qiutre-
XXIX.
MON
353
vingt-trois ans (1), le 1 3 novembre
1770 , au palais des Tuileries , où il
avait un logement. On trouve, sur les
derniers jours de sa vie, des particula-
rités singulières, dans le huitième
volume des Pièces intéressantes et
peu connues de La Place , qui d'ail-
leurs atteste que la fin de son ami fut
chrétienne. Tous les emplois que
Moncrif réunissait, lui avaient for-
mé le fonds d'une fortune assez con-
sidérable , qui fut recueillie par ses
héritiers (2). Il avait toujours fait
le plus généreux et le plus noble
usage de cette sorte d'opulence ,
dans le cours de sa longue car-
rière. Il faut ajouter aux détails de
ses titres ou places , qu'il fut lec-
teur de Mme. ladauphine, secrétaire
du duc d'Orléans, enfin académicien
de Berlin et de Nanci. Ses ouvra-
ges les plus connus sont : I. Essais
sur la nécessité et sur les moyens
déplaire (1738, in 12), production
où il y a de la raison et des maximes
sages; qui est, de plus, écrite avec,
agrément, mais avec un peu de dif-
fusion. On pourrait reprocher à l'au-
teur de ces Essais, comme l'observe
d'Alembert, d'avoir cherché a rédui-
re en préceptes un art dont il n'ap-
partient qu'a la nature de donner
des leçons. II le connaissait parfai-
tement, cet art, et il savait le mettre
en pratique; mais c'était un tort de
vouloir le révéler aux autres , et le
leur enseigner théoriquement. Mon-
(1) Loui» XV. qui aimait à s'entretenir d'Açe ,
dit un jour 'i Moncrd qu'où lui donnai! QO wuf - Oui ,
Sue , r> pondit-il , mait jâ ne Ut prer.ds pax.
(l) Voltaire, dans une lettre de i -<!">. parle d'un
bâtard de Moncrif, dont lïge tres-avancé -
mal accord»' avec celui de son pére qui iv.nl alorf
Deux de ses parent! , !<■ père rtle BU, <(iu
ntaietit probablement ses héritiers, périrent
mu le. Ii ,t ml , en 1-ij) , avec plusieurs ilioStl
timet. Il» lurent exécutes le jour même do m ther-
midor an • , le | • r . >
à l'écbafàud avec- toute la fermeté i|n |< mu- bomma
qui rt recueillir une palme m< nj iUit
', au».
u3
354
MON
cvii* fit imprimer, à la suite, quatre
coûtes 'le fées , genre de composi-
tion dont lui-même se moqua plus
tard. On disait, dans le temps où ils
parurent , qu'ils étaient trop sérieux
pour des enfants, et pas assez amu-
sants pour ceux qui ne le sont plus..
II. Plusieurs petits romans, parmi
lesquels on distingue les Ames r va-
les { 1738 ). La chimère indienne de
la transmigration des âmes lui en
avait donne l'idée. On remarque ,
dans cet opuscule , des traits de cri-
tique ; , qui portent visible-
ment sur nos mœurs et nos ridicules.
L'auteur en avait donne un exem-
plaire à un de ses amis , qui partait
pour le Mogol. Un brame, instruit
de notre langue , crut voir dans ce
roman un développement merveil-
leux du système de la métempsy-
cose : « en sorte , dit Moncrif , que
» je passais dans le Port -Royal du
» Gange pour mi génie transcendant.
» Je reçus même , ajoute-t-il, un pré-
» sent du brame, avec mille assu-
» rances d'estime et de vénération. »
C'est un petit in - foiio représen-
tant les principaux dieux de l'Inde ,
avec des notes mystiques; Moncrif
en fit hommage à la bibliothèque
du roi. III. Histoire des chais, ou
Dissertation sur lavrééminence des
chats, dans la société, swles autres
animaux d' E gj pie ; sur les distinc-
tions et privilèges dont ils ont joui
personnellement ; sur le traitement
honorable qu'on leur faisait pendant
leur vie, et des monuments et au-
tels qu'on leur dressait après leur
mort, avec plusieurs yi'eces qui y
ont î^apport , Paris , Quillau , ï 727-
1748? et réimprimé a Amsterdam ,
en 1767 , in 8°. Moncrif avait pro-
digué dans cette production, grave-
ment frivole , ainsi qu'il la qualifiait
lui-même, une érudition pédantesque
MON
dont il ne voulait que s'égayer. Le
principal mérite était dans les gravu-
res faites par le comte deCaylus, d'a-
près les dessins de Coypel : mais le
ridicule s'y attacha ; e; il en résulta,
pour l'historien des chats, pendant
toute la diiréede sa vie, beaucoup de
critiques et de sarcasmes. Ceux du
poète Roy excitèrent sa colère. Un
jour que, pour le châtier, il avait
pris un bâton : Patte de velours ,
Minet , patte de velours , lui dit
Roy, eu tendant le dos. Moncrif
retrancha ses Lettres sur les chats ,
du ivecucil de ses œuvres publiées
par lui-même en 17JI , et il mo-
tiva cet acte de justice sévère. Com-
me il cherchait , après le départ de
Voltaire pour la Prusse, à intéres-
ser le comte d'Argenson, pour qu'il
lui fît obtenir la place d'historiogra-
phe: « Tu veux dire liistoriogrifje, »
lui répondit le ministre. IV. Quel-
ques Dissertations, dont une , lue
à l'académie française, fixe avec jus-
tesse et équité la différence entre l'es-
prit de critique et l'esprit critique.
Dans unéautre dissertation non moins
digne d'éloges, il met à leur place
ces prétendus romans , connus sous
le nom de Féeries^ et qui ne mëri
tent pas même , selon lui, le 110
d'ouvrages d'imagination. V. L' O
racle de Delphes , comédie en troi
actes et en vers, jouée au Théâtre-
Français, en 17*22, sans nom d'au
teur. Le public la reçut très-bien
mais le gouvernement la défendit à 1
quatrième représentation, parce qu'
s'y trouvait quelques plaisanterie
sur la religion païenne, dont on fai
sait des applications dangereuses
VI. Les Abdèrit.es , autre comédi
en un acte et en vers libres, compo
sée pour madame la duchesse, doua'
rière, mère du comte de Clermont
elle fut représentée à Fontainebleau
us
\
us
3-
?s
MON
dans le mois de novembre 1732 ,
mais ne partit jamais sur la scène
française. VIL Divers petits Opéras-
ballets, dont le succès ne s'est pas
soutenu loue-temps. Presque tous
sont des modèles de celle galanterie
fade que nous ne pourrions suppor-
ter aujourd'hui. L'acte de Zelindor
fit plus de plaisir que tous les autres.
VIII. Poésies chrétiennes , compo-
sées par ordre de la reine, Paris,
17 47 , petit iu-8°. IX. Des Poésies
fugitives, à la tête desquelles il faut
placer le Rajeunissement inutile, pe-
tite pièce charmante, qui suffirait
pour transmettre avec honneur à la
postérité le nom de son auteur. X.
Des Chansons dont ou ne peut assez
vanter le sel ou la grâce. Moncrif re-
mit en vogue parmi nous un genre
dans lequel il n'a pas de rivaux : quel-
ques-unes de ses romances sont vrai-
ment dignes du bon vieux temps ,
dont il a imité le langage avec
beaucoup d'art et de talent • on
y trouve autant de finesse que de
sentiment , de délicatesse et de naï-
veté. 11 Tut éditeur d'un Choix de
chansons , à commencer par celles
du comte de Champagne, jusques et
compris celles de quelques poètes
vivants , 1 7 > 7 , in- 12. Moncrif tra-
vailla , de 1 7^9 à I7f3, au Journal
des savants. Il composa IVpîn
dicaloire et la préface du /<'
des pièces choisies , rassemblées par
les soins du Cosmopolite , Aucune ,
1735 ; recueil que l'on attribue à la
princesse de Conti, ou bien au duc
d'Aiguillon. 11 prit part aussi à la
rédaction des h'drcnnes de la Saint-
Jean. En 17 i '), il pensait adonner
une édition deJ.-B. Rousseau : nous
ne croyons pas <pi<- ce projet ail
eu son exécution. L'auteur des Me'?.
lances d'une grande bibliothèque
( tome 11 ) lui attribue les Mille
MON 355
et une faveurs, contes indiens , un
vol. in- 12 (1716), <| 1 est fort ra-
re. Cet ouvrage a\ ail paru en 1714,
sous le titre tf Aventures de Zéloïde
et d'Ainanzarijdine. Les Œuvres
de Moncrif ont été imprimées a Pa-
ris, en 1701,3 vol. in- 1 G. Il en existe
une édition de 1768, en 4 vol. in-
1 2 , avec figures ; une autre, augmen-
tée de l'histoire des chats, et publiée
à Paris, en 1791, 2 vol., in-8°; : en-
fin une nouvelle édition a paru en
1801, 2 vol. iu-18. L — P — e.
MONDEVILLE. F. Hl:rmo*da-
VILLE.
MONDINO ( abréviation de Ri-
mondino ) , en latin Mundinus , mé-
decin et anatomiste italien, du qua-
torzième siècle, naquit à Milan, sui-
vant quelques-uns , et suivant d'au-
tres , a Florence. On sait, avec plus
de certitude, qu'il mourut à Bologne,
en i3'i6 , après a\ oir enseigné long-
temps avec beaucoup d'éclat dans
l'université de celte ville. On regarde
généralement Mondino comme le
restaurateur de Fanatomie , dans l'é-
tude de laquelle il prit Galien pour
son principal guide. 11 eut plus de
facilités que le médecin de Pergamc
pour disséquer des cadavres humains*
et il sut en tirer un grand avantage
pour confirmer ou corriger les des-
criptions des anciens , et en donner
de nouvelles. Les ouvrages de Mon-
dino ont été long-temps classiques en
Italie » *>ù ils servaient de texte dans
les universités , pour les leçons d'a-
natonue. Mondino a laissé' Y Ouvrage
suivant : Anatomè omnium humant
corporis interiorum membrorum ,
Pavie:, 1 178, in-folio; ibid. , 1
in i»., et iii-S\ , avec les Commen-
taires de Mathieu Curtius ; Bolo
, , iu-i.l. ; ibid. , 1 Ï2i , belle
édition , avec ce titre : Càrpi nom-
mcnlaria CUtn amplissimis annota-
23..
3jG
MON
tionibus super anatomiam Mundini
unà cum textu ejusdem inpristinum
et verum nitorein redacto , avec des
ligures; Padoue, avec les Commen-
taires de Berenger de Garpi, 1484 ,
in-4°. ; ibid. , publié par André
Merlianus , en i5s3 , in-fol. ; par
Jean de Katam , en i(î38 , avec des
notes ; Leipzig , 1 5o5 , in-4°. , avec
des Commentaires de Martin Polich ;
Venise , 1507 , in-fol. , publiée par
Jérôme de Maffei ; Strasbourg , 1 5o9,
de l'imprimerie de Martin Flach ,
caractères gothiques ; ibid. , en 1 5 1 3 ,
avec ce titre particulier : Mundinus
de omnibus humani corporis inte-
rioribus membris anatomia; Lyon ,
i5'iS7 in-8°. 5 Marbourg , i54i ,
in-4°., publié par Dryander. D-g-s.
MONDONVILLE (Jeanne de
Juliard, dame de), fille d'un con-
seiller au parlement de Toulouse ,
devint veuve au bout de cinq ou six
ans de mariage, et résolut de se con-
sacrer à l'instruction et au soulage-
ment des pauvres. Elle ouvrit des
écoles gratuites, et institua une con-
grégation de filles , qui devaient
s'appliquer aux œuvres de charité.
Alexandre VII approuva cette con-
grégation, en 1662; et plusieurs évé-
ques l'autorisèrent dans leurs dio-
cèses. Mme. de Mondonville obtint
aussi un arrêt du parlement de Tou-
louse en faveur du nouvel institut ,
qui prit le nom des' Filles de V en-
fance de Notre-Seigneur. Outre la
maison de Toulouse 7 il s'en forma
d'autres à Pézenas, à Saint-Félix, à
Montesquieu, à Aix. Toutefois Mme.
de Mondonville éprouva des contra-
riétés : des liaisons qu'elle avait for-
mées , déplurent ; on l'accusa d'in-
trigues, soit dans l'affaire du jansé-
nisme , soit dans celle de la régale.
En i685, elle eut défense de rece-
yoir aucune fille, puis de prendre
MON
des pensionnaires; et un arrêt du
conseil, du 12 mai 1686, supprima
la congrégation. L'autorité ecclé-
siastique appuya cette mesure : les
maisons furent détruites; et Mme.
de Mondonville, exilée à Coutances ,
y mourut le 3 janvier 1703(1). An-
toine Arnauld prit la défense des
Filles de l'enfance, dans son livre in-
titulé, Y Innocence opprimée , 1 688 ,
in-i 2 , où il présente leur destruction
comme l'ouvrage d'une horrible ca-
bale. On essaya , en ï 7 1 7 , de rétablir
la congrégation ; et il parut, l'année
suivante , un Recueil de pièces con-
cernant les Filles de l'enfance ,
in- 1 2 , 2 parties : d'un autre côté ,
Reboulet , d'Avignon , publia une
Histoire de la congrégation des
Filles de l'enfance , 1734, 2 vol.
in-12., où il donne une idée peu
avantageuse de cet institut, et de la
fondatrice , qu'il présente comme
livrée à un parti. L'abbé Juliard,
prévôt de l'église de Toulouse, et
neveu de Mme. de Mondonville ,
obtint du parlement de Toulouse ,
en 1735, un arrêt qui condamnait
cette Histoire , et fit imprimer un
Mémoire in-folio , pour la réfuter.
Reboulet soutint sa relation par une
Réponse au Mémoire de M. Juliard,
1737, in-12, de 348 pages ; écrit
contre lequel le parlement de Tou-
louse sévit aussi, en 1738, à l'ins-
tigation des parents de Mme. de Mon-
donville. P — c — T.
MONDONVILLE ( Jean-Joseph
Cassanea de ) , né à Narbonne 7
d'une famille noble , mais pauvre ,
le 24 décembre 171 5, se fit remar-
quer par un talent précoce sur le
violon. Après avoir voyagé et com-
posé trois grands motets à Lille en
(1) Moréri dit, le 4 janvier 1704 : nous avons suiv »
l'abbé Racine daus son Abrégé de l'histoire ecclé-
siaitiqu*.
MON
Flandre , il vint , en 1 737 , les faire
entendre à Paris, a* Concert spiri-
tuel , où ils furent très-applaudis. Ce
succès , dans le genre qui a le plus
contribue' à la réputation de Mon-
douville , lui valut une place dans la
musique du roi , et plus tard celle de
maîtrc-de-chapelle à Versailles. Il
publia d'abord des sonates et des
trio de violon , des concerto d'orgue,
et des sonates de clavecin , avec ac-
compagnement de violon. Mais sa
pastorale historique d'Isbé, jouée en
f]^'2 , sur le théâtre de l'Opéra, n'y
réussit point. Plus heureux , eu 1 749,
son Carnaval du Parnasse y eut
trente -cinq représentations, et fut
repris en 1759 et 1767. Ce fut ce-
pendant moins à ses talents qu'à
sa souplesse , et à quelques circons-
tances particulières , que Mondon-
ville dut une vogue de quelques an-
nées. Il s'était fait, à la eour, de puis-
sants protecteurs, qui voulurent l'op-
poser au célèbre Rameau , dont la
rude franchise leur avait déplu , et
procurer à Mondonvillc une sorte de
triomphe sur le compositeur bour-
guignon. La guerre était alors décla-
rée entre les partisans de la musique
française et ceux de h musique ita-
lienne. Une troupe de bouffons avait
fait tomber plusieurs opéras fran-
çais ; et le champ de bataille allait
rester aux chefs-d'œuvre de Pergo-
lèse et des autres grands maîtres de
l'Italie , lorsque Mondonvillc donna
Titon et V Aurore , en 1753. Mme.
de Pompadour prit hautement la dé-
fensedela musique française. Le jour
de la première représentation , le par-
terre de l'Opéra fut occupé par les
gendarmes de la maison du roi, les
mousquetaires et les < lievau-légers :
!<s messieurs du eàin de lareine(\ )
— 'I - U Manque
H<„fjii»e q „ |f plaçaient JU jkuUto du tôle de U
MON 357
ne purent trouver de place que dans
les corridors. La pièce réussit com-
plètement , grâce à une cabale si for-
midable ; et l'on envoya un courrier
à Choisi , pour porter au roi la nou-
velle de cette victoire. Les bouffons
furent renvoyés en Italie; et l'on con-
tinua de brailler à l'Opéra , jusqu'au
temps des Gluck et des Piccini. En
1 754 , Mondonvillc obtint un double
triomphe , comme auteur et compo-
siteur , par sa charmante pastorale
languedocienne de Daphnis et Alci-
madure, avec un prologue par l'abbé
Voisenon. On lui contesta néanmoins
cette double paternité : on prétendit
que la pièce était connue depuis long-
temps en Languedoc , sous le titre
d' Opéra de Frontigtian ; que la mu-
sique était un plagiat d'intermèdes
italiens et de chansons languedo-
ciennes. Au surplus , cette innovation
dut une partie de son succès aux ta-
lents de J éliotte, de Latour et de M1Ie.
Fel , qui , nés tous trois dans les
provinces méridionales , rendirent
l'illusion complète ( V. Jéliotte au
Supplément. ) En 1 768 , Mondon-
villc remit au théâtre cette pastorale
traduite par lui- même eu français ,
presque littéralement. On trouva que
la traduction avait souvent chan-
gé en niaiserie la naïveté languedo-
cienne; que la musique y avait perdu
une partie de son charme ; que le
jeu froid , gauche et maniéré de Le-
gros et de Mme. Larrivée , donnait
lieu de regretter les acteurs qui a-
vaient créé les deux premiers rôles;
qu'enfui , c'étaient les ballets qui a-
vaient le plus contribué au nouveau
succès de cette pièce. Cependant l'en-
thousiasme fut si grand , que les
applaudissements forcèrent les ac-
teurs et les musiciens de suspendre
loge de U reine , et pwmi lesquels m f»u»i«ut MM .» -
MMH d'Aleuibert et l'abbé G»na
358 MON
leur exécution. Cette pastorale fut
reprise encore en 1 7"3. Les autres
opéras de M on don vil le sont : Les
Fêtes de P'ajphâs, en 17.58 ; Psy-
ché , jouée en 1 762 , devant la cour
à Fontainebleau , et à Paris en 1 769 ;
c'est le troisième acte de la pièce
précédente ; Thésée , dont il refit la
musique sur les paroles de Quihault ,
en conservant les récitatifs de Lulli,
et qui ne réussit pas mieux à la
cour en i-j(i5 , qu'à Paris en 1 7O7 :
après la troisième représentation ,
l'auteur eut même l'humiliation de
voir remettre la pièce avec l'an-
cienne musique de Lulli , qui ne
Valait pas mieux ; enfin , les Pro-
jets de V amour , ballet héroïque en
trois actes, joué en 1 77 1 . A la mort
de Rover, en janvier 1755, Mon-
donville avait été chargé de la direc-
tion du Concert spirituel . Il s<
quitta avec beaucoup de zèle ; et ses
motets en furent long-temps le fonds
le plus riche. Ce fut lui qui , le pre-
mier, en 1758, y fi* exécuter, à
l'imitation des Oratorio d'Italie, les
Israélites au mont Oreb; il y donna
encore les Fureurs de Saûl et les
Titans. Mécontent des offres deDau-
vergne , qui l'avait rem plate en
1762 , mais qui ne le fit point 011-
'biier , Mondonville lui retira d'a-
Lord sa musique, passa depuis un bail
de neuf ans, et s'obligea, moyennant
117000 francs, de fournir ses motets
et d'en diriger l'exécution ; mais il
exigea qu'on les laissât reposer deux
s , afin de ne pas en fatiguer le
public. Ce compositeur avait beau-
coup d'ainour-propre : il avait sur-
tout la prétention de passer pour
homme-dc-lettres ; et la plupart des
poèmes de ses opéras furent affichés
et imprimés sous son nom, quoique
: de Voisenon eu fût le véritable
auteur. En 1768, MondonviUeob-
MON
tint une pension de 1000 fr. sur
l'Opéra. Contre'f ordinaire des musi-
ciens , il était très-avare. 11 avait
amassé une fortune assez considé-
rable, et mourut néanmoins sans
médecin , sans chirurgien et sans se-
cours , dans sa maison de campagne,
ta Belleville , près de Paris, le 8 oc-
tobre 1772.U s'occupait, dit-on, de
traduire le Thémistocle de Métas-
tase : l'ardeur qu'il mettait à ce tra-
vail , enflamma son sang , et causa
sa mort. La réputation de Mondon-
ville , contestée de son vivant , est
bien déchue depuis long-temps. Il
excellait dans les motets , dans les
chœurs , dans les symphonies • mais
ses compositions étaient sans verve ,
sans génie , et ses chants aussi traî-
nants , aussi monotones que ses réci-
tatifs. Grimm , partisan outré de la
musique italienne, l'appelle un musi-
cien de guinguette (1). La femme
de Mondonville cultivait la musique
et la peinture. Leur fils, né en 1748,
et mort vers 1808 , publia des so-
nates de violon, en 1767. À — t.
MONDR AIN VILLE. V. Du val.
- MONDRAJN ( De ). V. Dupuy du
Gp.ez.
MONET ( Philibert ) , jésuite
savoisien , né en i566, à Bonneville,
entra dans la Société à l'âge de vingt-
quatre ans , et. ne tarda pas à se faire
Tcmarquer par ses connaissances ap-
profondies dans la langue latine. Il
fonda ie collège de ïhonon, en 1 597.
et fut très-iîtiie à saint François de
Sales dans la mission du Chablais. Il
enseigna les humanités pendant cinq
ans dans le collège de la Trinité , à
(1) Doué d'un caractère on'siual et même bigarre ,
jWondonville aTait mis en musique !e privilège de la
librairie , qui précédait nue de .ses partitions, Louis,
par la 2,1 are. de Dieu , etc. , etC; ; et sp'i-
fette putnlilé comme d'un chef d'œiivre , il
tait de faire cbtrtitei U Gazelle de HvUande, comme
»oacLt>u.a« (TopÔH. . S — Y — *»
MON
Lyon, où il fut vingt-deux ans préfet
des études; il professa aussi la théo-
logie morale dans la même ville, et
y mourut, en i643. Quelques-uns de
ses nombreux, écrits, très -estimés
dans le temps, méritent encore d'être
cités. Son Delectus latinitalis a l'ait
dire au P. De Colonia ( Ilist . litlér. de
Lyon ) , que personne ne connut
mieux que le pèreMonet la propriété
et la force des mots latins, sans ex-
cepter même les Aide -Ma nu ce, les
Maffeï , les Scioppius , etc. Voici
le catalogue le plus complet des œu-
vres de ce savant jésuite : I. Feterum
nummorum ad récentes francicos
propordo-, une feuille in-fol., Lyon ,
1617. II. Abacus Romanorum ra-
tionum , h. e. de nummariis , de
mensurarum ponderumque notis ,
etc., ibid., 1G18, in-8°. Yil./lnnuoe
litterœ Indiaru m , a un . 1 Ci 1 -i - 1 4 ,
ibid. , 1618, in-8\ : ce fut le P. Mo-
net qui traduisit ces lettres en latin.
IV. Delectus lalinitatis , Douai ,
1625, in- 12; celte édition était
déjà la septième, et ij^s'en fil un grand
nombre d'autres depuis : l'auteur eu
publia , eu 1 G \-i, une nouvelle édition
in-8°. , avec des augmentations con-
sidérables. V. Ligatures des langues
française et latine, in- 12 , Lyon,
1 6 M). Y l. Parallèle des l
une et française, in-.j°.,ibid., iG 3o,
3i, et iG3G. VII. Rupecula capta,
Cracina (Rhé) servata <
X i lï, Carmen, iu-i.>, ibid.. 1
VIII. Origine et pratiqua ti-
Lyon,
i63 1 ; la lilion de <
vrage, dont Mcnestrier parle
éloge, parut en i65q. IX. 6Y
phia Calliœ veteri^ recentisque ,
in-ia,(l . Inventaire
des dem ! fran-
çais* i'i veut
rpie l'un 1
MON
35f)
on le prononce, et c'est ainsi qu'il
orthographie : la préface qu'il a faite
à ce sujet est savante. XI. Al
du Parallèle des lan
et latine, m j1., Rouen, iG3*;. XII.
JSfomenclatura geograahica G ailia-
rum, in- 12, Lyon, i6£3. XII 1. 1 il-
bonius Cymnasiarcha , in Vespau-
terii grammaticam ; in-8°. , ibid.,
i654« Quoique cet ouvrage porte mi
titre pseudonyme, on ne peut douter
qu'il ne soit du P. Monet. Ce fécond
écrivain a encore laissé plusieurs ou-
vrages mss. , parmi lesquels le P.
Lelong cite des Mémoires sur la
Bourgogne, sous le titre Burgundio-
nica, que l'on possédait à Dijon; et
la Bibliothèque dos Jésuites, un autre
écrit sous ce titre : Formularium ar-
tium completum ex sentants sym-
bolis, qui devait contenir d'immen-
ses délai 1s. G. M. R.
MONET, lieutenant -général au
service de Pologne , associé de l'aca-
démie de Nanci , et de celle des Ar-
cadirns de Rome , sous le nom d'.^/-
jo-Leuconiense , de la même
famille que le précédent, naquit,
eu 1 703 , de François Monet , contrô-
leur de la chambre des comptes de
Savoie. Il entra d'abord dans la so-
îsùites , d'où sa faible san-
té l'obligea de se retirer : il étudia
le droit à Turin , et fut fait ensuite ca-
ie d'infanterie. Il passa,
uveraiu, en Po-
•, auprès du priii riski ,
-pour diriger les éti 0 fils.
!u'il fit avec son
, i! recul , dans plusieurs cours ,
.leur de Bavière
1 te 111, roi de
•cialio
et du roi de Sar daigne, le titre
3fio
MON
de comte. Ayant épouse une noble
suédoise, il en eut deux fils. A l'oc-
casion du mariage de Mmc Marie-
Clotilde-Xavièrede France, sœur de
Louis XVI . avec le prince de Pié-
mont , depuis roi de Sardaigne, sous
le nom de Charles - Émanuel IV,
le comte Monct , qui était alors au
service de France . publia un petit
ouvrage anonyme , intitule : Essai
historique sur la maison de Savoie ,
in-8°., Paris , 1779. Cet Essai , un
-peu superficiel , contient quelques
détails inexacts. L'abbé de Martilly,
auteur d'un Abrégé chronologique de
l'histoire de la maison de Savoie , en
Vers techniques , publié en 1780 , se
plaint amèrement, dans son aver-
tissement , de l'auteur de \'E>sai his-
torique , qu'il accuse d'avoir copié
presque mot à mot quelques uns des
écrits ou il a puisé ses matériaux,
et d'avoir ensuite voulu faire enten-
dre que lui . Martilly .avait profité de
son Essai, et n'était qu'un plagiaire.
G. M. H.
MONET ( Jean ). V. Monnet.
MONFORT. r. Montfort.
MO>OAULT(Nicolas-Hubert),
excellent traducteur , né a Paris , en
1674 était fils naturel de Colbert-
Pouanges. Il (il ses études au collège
Duplcssis , et mérita , par son esprit
et par son application, l'estime de
Roliin (1 ). A seize ans il entra dans
la congrégation de l'Oratoire , et fut
envoyé au Mans faire son cours de
philosophie. On n'enseignait encore
que la philosophie ancienne : il étu-
dia seul celle de Descartes, et se
(1) B'il'in a inséré dans son Traité des études,
deux lettre! de Cicéroa, traduites par Mongault ,
(lont il O mpare la version avec telle de Saint- Real ;
toutcsd'ux lui semblei t laisser «Deere quelque chose
J> désirer, et ses observations soi;t pleines de goût et
'«le justesse •• mais son attachement pour Mongault
perce i<u travers de ses critiques, et il en convient
ïiii-inème avec nue admirable candeur. Voye* le
*u»p. été la Truduc.tifti , tome j"
MON
trouva en état, à la fin de ses cours ,
d'en prendre la défense dans des thè-
ses qui furent très-applaudies. Il pro-
fessa ensuite les humanités à Ven-
dôme : n;aisla faiblessedesa poitrine
ne lui permit pas de soutenir long-
temps les fatigues de cet emploi; et
il quitta la congrégation, en 1699,
pour se retirer au collège de Bourgo-
gne. Colbert, archevêque de Toulou-
se, qui prenait un vif intérêt à l'abbc'
Mongault, l'appela près de lui, et le
combla de témoignages solidesde son
affection ,• cependant il regrettait le
séjour de Paris , si utile à un homme
de lettres : il y revint dès qu'il en eut
obtenu la liberté, et peu de temps
après il fut admis à l'académie des
inscriptions. Chargé, en 17 10, de
l'éducation du fils aîné du duc d'Or-
léans , régent du royaume , il s'ac-
quitta de ses importantes fonctions ,
de manière à se concilier l'estime et
la bienveillance de son élève. Il s'at-
tacha surtout à lui inspirer les prin-
cipes religieux , capables de le pré-
server de la corruption générale.
Mongault fut récompensé de ses soins
par plusieurs bénéfices , et par la
place de secrétaire-général de l'in-
fanterie , dont le duc de Chartres
était colonel. L'abbé D.»bois , devenu
premier ministre, aurait voulu que
le prince vînt travailler avec lui, et
il pria Mongault de l'y engager : « Je
» n'abuserai jamais , lui répondit
» celui-ci , de la confiance du prince
» pour l'engager à s'avilir ». On voit
que si Mongault avait de l'ambition,
comme on le lui a reproché, il était,
du moins , bien étranger aux moyens
de réussir. Le succès de sa traduction
des Lettres de Cicéron à Atticus, lui
ouvrit, en 17 18 , les portes de l'aca-
démie française. Rendu à la vie pri-
vée , il se proposait d'entreprendre
quelques ouvrages importants; mais
MO?J
sa santé chancelante ne le lui permit
pas. Peuiant les vingt dernières an-
nées de sa vie , il fut continuellement
tourmente par des douleurs de gra-
velle, ou par les vapeurs qui leur
succédaient. Un jour on lui deman-
dait ce que c'étaient que les vapeurs
dont il se plaignait : « C'est » ré-
pondit-il « une terrible maladie ; elle
» fait voir les choses telles qu'elles
« sont. »I1 conserva jusqu'au dernier
moment la fermeté d'un philosophe
chrétien , et mourut le 1 5 août 1 746
(1), emportant les regrets de tous
ceux qui l'avaient connu. Fréret pro-
nonça son éloge à l'acad. des inscrip-
tions ( tom. x vin ) ; et Duclos fut son
successeur à l'acad. française. C'était
un homme d'un caractère franc ,
vrai , bon ami ; joignant à la sagacité
qui saisit le ridicule , l'indulgence
qui le fait pardonner ; au talent d'une
plaisanterie fine , un talent encore
plus rare , celui d'en connaître les
bornes ( Voy. le Discours de récept.
de Duclos ). On a de l'abbé Mon-
gault , la traduction de Y Histoire
d'Hérodien , Paris , 1 700 , in-i 2 , et
celle des Lettres de Cicéron à Atti-
cus, ibid. , 1714, 4 vol. in- 1 a. Elles
jouissent toutes deux de l'estime gé-
nérale : le style en est pur et élégant ;
et les notes dont est accompagnée la
traduction des Lettres à Atticus of-
frent une érudition choisie : elles ont
été fort utiles à Middleton pour la
vie de Cicéron ( F. Middleton ). On
a encore de l'abbé Mongault deux
1 lations, l'une sur les honneurs
divins rendus aux gouverneurs des
(0 Vollu.re prétend que l'»U>é Monpauît mourut
de chagrin de n'uvoùrpa fefa . « élève la
m me fortnfte que IV. , ,,.„ n>est
moini vraisemblable. Eet-il d<>u«. ai étonnant qu'un
homme d'une •
avant l'âge, meure à 7» ■
c'e»l qu'il ail rtti touleurs
lonliuuclle».
MON 36 1
provinces, du temps de la république
romaine ; et l'autre sur le fanum ( ou
temple) de Tullia : elles font vive-
ment regretter que sa santé ne lui ait
pas permis d'en rédiger quelques
autres comme il en avait le projet.
W— s.
MONGE ( Gaspar ) , créateur de
la géométrie descriptive, et l'un des
fondateurs de l'école polytechnique,
naquit à Beaune , en 17 46. Son père,
livré à la chétive industrie de mar-
chand forain, soutenait difficilement
sa famille 5 elle se composait de trois
fils, que de communes dispositions
entraînaient vers les sciences. Cet
homme de bien, à qui un sens droit
faisait sentir l'importance de l'ins-
truction , ne négligea rien pour leur
en procurer le bienfait. Tous les
trois se dirigèrent vers les fonctions
de l'enseignement : les deux plus jeu-
nes suivirent d'abord les traces de
leur aîné, qui fait l'objet de cet ar-
ticle ( 1 ) ; mais une célébrité assez ra-
pide l'eut bientôt mis à part. Les
Oratoriens, qui dirigeaient le collège
de sa ville natale , après l'avoir initié
dans les premières notions des ma-
thcmatiqueSjPadressèrentàleurs con-
frères de Lyon , comme à une école
supérieure , où ses talents précoces
achèveraient de se développer. Il fut
jugé, à seize ans , digne de s'asseoir
à coté de ses nouveaux maîtres, et de
professer la physique. Les vacances
lavant ramené au sein de sa famille ,
il entreprit de lever le plan de Beaune
sur de larges dimensions. Les instru-
ments nécessaires lui manquaient : il
Mit en créer, et fit présent de son
ouvrage à l'administration munici-
pale (2). Un lieutenant- colonel du
(1) L'un mcàéda depvii ■ no tii
HYxnminnteiir delà marine ; l'autre cet moi I pcofi
scur d'hydrographie •'■ I
: ^,iavc ù la («te d« l'Hi>lo.ie
de Beaunu ,parGwÂ
3f>2
MON
génie, frappe de L'élégante précision
de ce travail , recommanda Monge
au commandant de l'école fondée
depuis quelques années à Mezières
pour les officiers de cette arme. Mais
cet établissement ne s'ouvrait qu'à
des élèves privilégies , au nombre de
vingt, qui se renouvelaient par moi-
tié tous les ans : il fallait , pour en
faire partie , appartenir à une con-
dition élevée; et l'humble fortune
de Monge était un titre d'exclusion.
Il ne trouva place que dans la classe
des appareilleurs et conducteurs de
travaux des fortifications, en qualité
d'élève et de dessinateur. Isolé au
milieu d'obscures pratiques , où la
dextérité de la main prévalait sur
l'intelligence , on méconnut d'abord
la portée de la sienne : on ne voyait
en lui qu'un dessinateur exercé ; et
il brûlait d'échapper à cette estime
exclusive dont s'irritait son amour-
propre. Cependant le commandant
de l'école jeta les yeux sur lui pour
faire les calculs pratiques d'une opé-
ration de défilement. Monge , rebuté
des longs tâtonnements par lesquels
on arrivait à la solutiouduproblème,
«t inspiré par l'importance de son
début dans la carrière , chercha ses
moyens de plus haut, et imagina une
voie plus expéditive et non moins
sûre : ce fut la première méthode
géométrique et générale essayée pour
atteindre au résultat désiré. Sa solu-
tion lui fut contestée , attendu , lui
dit le commandant , qu'il n'avait pas
même pris le temps rigoureusement
nécessaire pour épuiser la série des
calculs obligés. Force fut néanmoins
d'examiner le procédé de l'élève, et
sa capacité fut révélée avec éclat. Il
avait dix-neuf ans alors. Bossut, qui
professait les mathématiques à Me-
zières, l'adopta pour son suppléant;
et Monge fut attaché, au même titre,
MON
à l'aLbéNolîct, pour la chaire de phy-
sique. Bientôt il remplaça tout à-fait
ce dernier dans ses fonctions : ce fut
pour lui l'occasion d'une foule d'ex-
périences curieuses sur les gaz , l'at-
traction moléculaire, les effets d'op-
tique et l'électricité, de déductions
fines sur la météorologie , et de la
découverte importante de la produc-
tion de l'eau par la combustion de
l'air inflammable. Prévenu , mais
sans le savoir , par Cavendish , il
poursuivit avec une attention scrupu-
leuse ce phénomène , dans lequel il
assigna la part du calorique et de la
lumière ( V. Lavoisier ). L'ingé-
nieux expérimentateur ne se bornait
pas à ses leçons journalières : il ai-
mait à mettre ses élèves en présence
des phénomènes de la nature , à leur
faire prendre sur le fait les créations
des arts et à les pénétrer de leurs dé-
tails. Le territoire de Mezières, par
la variété de ses sites , par ses aspects
géologiques et le rapprochement des
fabriques qui le couvrent, prêtait un
intérêt très - vif aux excursions du
professeur avec ses élèves, et leur of-
frait un champ fécond d'instruction.
Dans le même temps , Monge éten-
dait et généralisait toujours ses pre-
miers essais mathématiques; et par-
tant du principe qui rapporte à trois
coordonnées rectangulaires- la posi-
tion d'un point quelconque pris dans
l'espace, il en fit le fondement d'une
doctrine neuve et féconde, indispen-
sable à tous les arts de construction ,
et qui , complétée par des développe-
ments successifs, a reçu le nom de
Géométrie descriptive. Cet ensemble
de méthodes simples et uniformes se
trouvait en conflit avec des pratiques
incohérentes , mais consacfées par
la tradition : de là l'opposition op
niâtre qu'eut à surmonter le gé
mèlre-iiiYenteur , pour faire passe
3
MON
dans l'enseignement de l'e'cole , ses
heureuses innovations. Ses efforts
furent même inutiles, pendant plus
de vingt ans , pour obtenir l'applica-
tion de sa géométrie aux traces de la
charpente. Un charpentier, charge
d'expliquer un certain nombre (le
tracés, tint ferme pour l'intégrité de
ses routines,* et, pour prix du carac-
tère vigoureux qu'il déploya contre
la raison, il fut autoridé à enseigner
toute sa vie ses pratiques particuliè-
res , en dépit de toute théorie géné-
rale. Monge éprouva moins de dif-
ficultés pour la coupe des pierres; et
il lui fut permis de perfectionner ,
dans cette partie, les procédés accré-
dités. Mais ces améliorations demeu-
rèrent renfermées dans l'enceinte qui
les avait vues naître; le corps du gé-
nie, aveuglé par un esprit peu noble
de supériorité, se réservait des con-
naissances exclusives, dont il inter-
disait la publicité. Monge, en subis-
sant cette règle, se dédommagea par
des recherches d'analyse et de géo-
métrie combinées , bien propres à
répandre sa réputation au dehors. On
a remarqué que les géomètres lisaient
peu les ouvrages les uns des autres :
Monge, surtout, éprouvait une ex-
trême répugnance à suivre dans les
livres la marche de la * ience. Il
lui paraissait moins pénible de s'in-
culquer, d'après ses pro
ment s ^ les vérités déjà connue!
imagination se pliait aussi <!r
nient au soin de fixer par une t
tion définitive les résultats d<
méditations. Cette premier'- disposi-
tion d'esprit raient: i de
son génie, en lui faisant m .
les ti . iers : la .se-
cond- c fois à se
voir enlever la
qu'il avait m di-
te classer dans le m m lui
MON
363
arracha enfin quelques mémoires sur
le calcul intégral. Monge venait passer
tous les ans le temps des vacances à Pa-
ris,au milieu des hommcsquilenaicnt
le premier rang dans les sciences.
Déjà correspondant de l'académie
aux honneurs de laquelle il devait pré-
tendre, il trouva des patrons actifs
dans Lavoisier, Condorcct, le ver-
tueux la Rochefoucauld et le prési-
dent Bochart de Saron. D'Alombert,
qui avait encore présents les obstacles
qui entravent le mérite sans appui,
mit surtout un empressement très-
vif à faire valoir un savant qui pa-
raissait s'ignorer lui-même; et il lui
procura le litre de membre de l'a-
cadémie des sciences, en i 780. La
même année, Monge fut adjoint à
Bossu t, nommé professeur du cours
d'hydrodynamique établi au Louvre
par Turgot. Les intervalles de ses le-
çons furent consacrés à initier dans
les hautes mathématiques, des élè-
ves d'élite, entre autres M. Lacroix
et Gay deVernon, auteur d'un Traite
de Géométrie desciiptivc , appli-
quée à l'art militaire. Cette géomé-
trie, Monge leur en dérobait alors les
théories avec regret. « Tout ce que je
» fais ici parle calcul, leur disait-il, je
» pourrais l'exécuter avec la règle et
» leeompas;inaisil ne m'est pas per-
» mis de vous révéler ces secrets. »
Pour satisfaire à ses doubles fonc-
tions, il fut obligé d'alterner entre
Paris el Me'/ il res. La place d'exami-
nateur de la marine, à laquelle il fut
nommé après la mort de Bezoufc, l'en-
leva , en 1 783 , à cette dernière éco-
le, où il avait préparé pour les scien-
•!i -usiner, les Tinscm , les
Carnot Jcs Coulomb, et où il )•
enfin à faire adopter, par son intim-n-
. ente, les 1!
M. Ferry, son élève, pour le p
uonnement des ti 1 ['ente.
364
MON
Le maréchal de Casti ies le pressa de
refaire les cléments de Bezout, long-
temps recommandés par leur clarté,
mais prolixes, peu rigoureux, et en
arrière des nouvelles acquisitions de
la science. Monge refusa de dépouil-
ler ces écrits de leur caractère classi-
que, et de frustrer ainsi la veuve de
Bezout du seul moyen de subsistance
qu'elle eût conservé. Il consentit
seulement à composer, pour les
élèves de la marine, un traité de
statique. Borda en avait prescrit
le cadre ; et , pour se conformer à
ses instructions , Monge procéda
parla synthèse, et écarta les équa-
tions. Par-là, son livre rendit les prin-
cipes plus accessibles, en se relâ-
chant de la rigueur des démonstra-
tions ; et le mérite d'une exposition
simple et facile l'a fait comprendre
parmi les ouvrages destinés aux as-
pirants de l'école polytechnique. La
conception de ce traité guida Monge
vers des idées-mères sur les machi-
nes; idées qu'il a négligé de dévelop-
per, mais qui fructifierait dans la tête
du jeune Prony, dont il cultiva , par
des soins assidus , les heureuses dis-
positions. Le lycée de Paris , fon-
dation qui avait pour objet de dé-
guiser l'instruction sous des formes
agréables pour une centaine d'ama-
teurs oisifs , venait d'accueillir les
sciences dans sou sein. La chaire de
physique fut confiée à Monge. A des
auditeurs aussi frivoles , il eût fallu
un Fontenelle î si Monge ne le rap-
pela pas , du moins il sut donner de
l'attrait à ses leçons par des aperçus
piquants, par des rapprochements
ingénieux, indépendants des grâces
du langage. Des détails tirés de la
vie commune, des observations sur
les objets qui nous frappent à tous
les instants , et qui , par-là même ,
échappent à l'attention ordinaire.,
fcoir
des opérations surprises dans les
ateliers , et développées avec une
admiration réfléchie, prenaient un
intérêt varié dans la bouche d'un
homme accoutumé à passer conti-
nuellement de la sphère des abstrac-
tions à la contemplation des objets
sensibles , et que les plus légères
particularités ne trouvaient point in-
différent. 11 ne le fut point aux pro-
messes de la révolution française.
Adoptant les espérances de perfecti-
bilité qui étaient dans toutes les têtes,
il crut surtout voir tomber les bar-
rières qui arrêtaient l'émulation, et
les talents prendre sans effort le rang
qui leur était dû. Les terribles épreu-
ves qui se succédèrent sous ses yeux
dissipèrent imparfaitement ses illu-
sions. Porté au ministère de la ma-
rine , après la journée du 10 août
1792 , dans laquelle s'écroula le
trône, il accepta celte fonction , dé-
terminé , disait - il , par la présence
des Prussiens sur le sol français j il
fit ainsi partie du gouvernement que
formèrent alors les ministres sous la
dénomination de Conseil exécutif j
et ce fut en cette qualité qu'il con-
courut , avec ses collègues , à faire
exécuter le jugement qui condamnait
Louis XVI à mort. C'était une des
obligations de sa place ; et l'on sait
qu'il a vivement regretté dans la suite
cette participation à un aussi funeste
événement. Si l'on recherche ses
actes personnels , on le voit commu-
niquer aux ports une nouvelle acti-
vité , sauver son prédécesseur Du-
bouchage en lui conférant un grade ,
et vaincre , par ses instances , la ré-
sistance de Borda , qui se refusait à
continuer ses services. D'un autre
côté, on ne peut oublier que sous
son ministère les bureaux de la ma-
rine se remplirent d'hommes ignares
et grossiers , et que les meilleurs of-
MON
ficiers , poursuivis par la faction ré-
volutionnaire , furent cnleve's à nos
escadres. Parmi les torts de son es-
prit , qui ne furent jamais ceux de
son cœur , nous sommes encore for-
ces de rappeler son adhe'sion aux
formes cyniques introduites par d'ab-
surdes niveleurs ( i ) , et sa subor-
dination à son collègue Pache. Il
ne tarda pas à reconnaître que la
partie n'était plus tenable au milieu
de l'acharnement des factions; et
il donna sa démission , au mois d'a-
vril 1793. Le comité de salut pu-
blic fit , quelque temps après , un
appel aux savants pour concourir à
la défense du territoire. Neuf cent
mille hommes étaient prêts pour re-
pousser la croisade européenne qui
menaçait la république ; mais les fa-
briques existantes ne pouvaient pro-
duire la dixième partie du matériel
nécessaire à d«^ si grands préparatifs.
Il fallait multiplier les manufactu-
res, décrire et simplifier leurs pro-
cédés, diriger les opérations des ate-
liers , décomposer d'innombrables
alliages métalliques pour les besoins
de l'artillerie, extraire le cuivre,
créer l'acier qui manquait , et tirer
des seules ressources du sol une
quantité prodigieuse de poudre. Les
progrès de l'ennemi commandaient
une célérité extraordinaire. Monge
se livra tout entier à ces opérations.
Mêlé aux savants qui , dans un coin
du comité de salut public, concer-
taient leurs combinaisons , il se dis-
tinguait d'eux tous par une infatiga-
ble activité. Les manufactures d'ar-
mes , les fonderies , les foreries , les
poudrières, l'appelaient tour-à-tour ;
MON
3G5
( 1) Monge , dtM 1.
vf nnnee* , duut le l>«.»
Meut.
m de l'école oor-
-nt :iviv lot 1 li -
Bl Klil <OH
K faisait
il surveillait leurs travaux intérieurs,
en simplifiait l'exécution , passait les
jours à donner des instructions sur
la préparation du salpêtre; et il écri-
vait , pendant les nuits , son Ait de
fabriquer les canons , où, bien qu'il
fût commandé par le temps , il con-
signa des détails extrêmement pré-
cieux pour les directeurs d'usine et
les artistes, et où il jeta , sur les diffé-
rents états du fer, des considérations
générales qui ne sont pas indignes de
l'attention des savants. Dans un Avis
aux ouvriers enfer , sur la fabrica-
tion de l 'acier , rédigé en 1794, in-
4°., avec Vandermonde et Bertliol-
let , il exposa les moyens d'obtenir
l'acier , eu combinant le fer et un peu
de charbon; et, grâce encore aux
soins de ces trois physiciens , s'ac-
complit cette promesse qui paraissait
téméraire : On montrera la terre sal-
pêtrée , et en trois jours on en char-
gera le canon. Des services aussi
éclatants ayant mis en honneur les
savants , sur lesquels se levait naguère
la hache de la proscription , ils obtiii-
rent, après la chute de Robespier-
re, une tardive protection pour rins*
truction publique. L'écolenorinalefut
créée , et une lumière plus pure s'éten-
dit sur l'exposition des vérités scienti-
fiques. Monge eut enfin le bonheur
de mettre au jour sa Géométrie des-
criptive si long-temps tenue secrète.
En exposant cet ensemble ingénieux
de méthodes, où les modifications de
l'étendue sont développées et combi-
nées à l'aide du dessin f cette langue
imitative d'où se déduisent , par une
description exacte , les vérités qui
résultent des formes des corps et de
leurs positions respectives , il s'é-
tendit avec prédilection rar les a-
vantages qu'il sérail facile de reti-
rer de sa doctrine , ]><»ur la rectitude
du jugement , pour le perfectionne-
366 MON
ment de la main - d'oeuvre dans les
arts , les jouissances de la société et
la simplification des machines. De
toutes les applications dont sa géo-
métrie elait susceptible, il n'a em-
brasse que cinq chefs d'opérations :
la charpente , la coupe d?s pierres ,
le défilement , la perspective linéaire
et aérienne , et la distribution de
la lumière et des ombres. Il a laisse
dans ses papiers , sur ces deux der-
niers objets , trois leçons interes-
sanl <j<ù n'ont été recueillies dans
îe édition de ses cours. Les mé-
thodes qu'il n'a pas indiquées avec
assez, de détails ont été reprises et
complétées par plusieurs de ses élè-
ves ; et d'autres ont abordé les ques-
tions importantes pour les arts , qu'il
avait écartées comme trop compli-
quées pour renseignement. Ces élè-
ves , qui se sont trouvés en gi and
nombre dignes rie continuer l'oeuvre
de leur maître, ont fait partie de
celte école polytechnique qui lui dut
plus particulièrement son existence.
Si Caruot , Prieur et Fourcroy, en
qualité de membres de la Convention
nationale, prirent l'initiative des me-
sures législatives dont émana cette
institution , s'il convient d'associer à
leurs noms ceux de Berthol'et et de
Guyton-Morveau ; à qui, plus qu'à
Mongc, appartint le système d'études
qui fut adopté, et dont le succès délia
la mobilité rapide des créations ré-
volutionnaires ? L'école polytechni-
que, véritablement digne de ce nom
dans l'origine, n'était pas seulement
une école centrale où les aspirants al-
laient puiser les principes généraux
qui lient toutes les branches de ser-
vices publics, et établissent une com-
munication fraternelle , une trans-
mission de pensées uniformes, entre
des classes que divisait la rivalité;
elle s'ouvrait encore à tous ceux qui
MON
tendaient â éclairer , par les concep-
tions de la science, les arts manufac-
turiers exercés par une libre indus-
trie. On a reproché quelquefois à
cette institution de dépasser le but
par la profondeur et l'étendue de son
enseignement: on ne voulait pas voir
que les élèves arrivaient munis d'une
instruction préalable assez forte 5
qu'on avait tout arrangé pour les
forcer à se former par leur propre
travail ; que la variété des études , et
les exercices manuels exigés d'eux ,
concouraient à détendre leur pensée,
à reposer leur imagination. Pour s'as-
surer que les professeurs s'étaient
fait entendre à tous , que leurs con-
ceptions avaient été généralement
saisies, Monge donna l'idée de ré-
partir les élèves en brigades, à la
tête desquelles seraient préposés des
sujets d'élite, destinés à servir d'in-
termédiaires entre ics. maîtres et la
masse de leurs disciples, et faire des-
cendre a la portée de ceux-ci les pro-
positions qui leur auraient échappé.
La première promotion de ces ins-
tructeurs secondaires fut fixée au
nombre de vingt, choisis sur quatre
cents élèves. Monge se chargea de les
préparer à leur nouvelle destination,
dont dépendait la mise en activité de
l'école. Il les exerça sans relâche sur
l'analyse et la géométrie, enflammant
leur zèle , les suivant d ms leurs labo-
ratoires et guidant toutes leurs tenta-
tives : il ne se séparait d'eux qu'à la
fin du jour pour écrire les feuilles
d'analyse qui devaient servir de texte
à ses prochaines leçons ; et , après
quelques heures de sommeil , il re-
paraissait au milieu de ses enfants
adoptifs. En trois mois, ils furent en
état de réaliser les plus belles espé-
rances. Monge s'éloigna de ce ber-
ceau florissant des travaux publics ,
pour recueillir eu Italie , avec le
MON
sculpteur Moitte, le peintre Barthé-
lémy et MM. Berthellet , Thouia et
Labillardtère , ses collègues à l'Ins-
titut , les chefs - d'œuvre des arts
dont la cession avait été stipulée par
Buona parte victorieux. Cette mission
dura plus d'une année. Monge , par
son expérience des procédés mécani-
ques , seconda singulièrement le zèle
qui animait ses collègues pour la con-
servation et ie déplacement des mo-
numents conquis. Tandis qu'on accor-
dait au souverain dépouillé la faculté
de prendre des copies des originaux
réservés pour la France , des moyens
délicats furent employés pour restau-
rer des chefs-d'œuvre qui dépéris-
saient, négligés sous le ciel qui les
avait vus éclore : ou arracha aux in-
jures des hommes et du temps, on
rendit à leur fraîcheur première, la
/ ierge de Foligno, de Raphaël, et
son immortelle Transfiguration. Des
échantillons des trois règnes de la
nature, des manuscrits tirés du Va-
tican , accompagnèrent les tributs
levés sur les arts de l'Italie: Monge y
ajouta la statue de Notre-Dame de
Lofette, et quelques autres dépouil-
les de la sonia casa. Lorsque Paris
célébra , par une fête brillante , l'a-
pothéose des monuments qu'il rece-
vait en dépôt, Monge était encore
occupé à visiter l'Italie, cl se rendait
à l'invitation de Buonapnte, qui
rappelait auprès de lui. i
le chargea ensuite d'apporter au Di-
rectoire , avec le général Berthier,
le traité de Gampo-Formio. Dans
de réception, on < rul qu'il
allait entretenirles directeurs , de là
•■lit remplie, el des
• I <i -uwedont .l'apparition avait
un moment i !<• cri des dis-
corde alta au
souvenir d ! i républi-
que ; il demanda grâce pour la nation
MOU
dont le gouverneur
sait en; rainé dans un abîme;
il compara Buonaparte à Epaminon-
das, et finit d'une manière inatten-
due , en assimilant son héros à Ver*
cingentorix , que mille ans avaient
enfin réussi à reproduire, il est dou-
teux que le vainqueur de l'Italie eût
été content de ce panégyrique , et
qu'il eût trouvé quelque chose de
commun entre lui et le chef d'une
confédération gauloise accablée par
César. Le discours de Monge expli-
que son républicanisme : ce n'était
qu'une réminiscence prolongée de
l'enthousiasme excité dans les jeunes
têtes par la lecture des classiques de
l'antiquité. Cependant, quelque étran-
ger qu'il fût à la connaissance des
affaires et des hommes , on le porta
deux fois comme candidat au Direc-
toire. Comme il ne fut point élu , on
l'envoya à Rome, avec M. Daunou ,
pour organiser une république. L'ou-
vrage de ces deux législateurs ne
dura pas long - temps ; et il était à
peine achevé , que Buonaparte qui
faisait voile vers l'Egypte, emme-
nant une élite de savants et d'artis-
tes dévoués à sa fortune, écrivit à
Monge de mettre en mouvement les
bâtiments de transport qui se trou-
vaient à Cisita- Veechia , et de par-
tir sans délai. Monge s'embarqua
ligoit l'armée à
Malte ( juin H98 }. Il assista , avec
Berthollet et quelques autres
vaot9,à la victoire remportée par
la flottille française, sur celle
MamlouLs , dont les troupes de
terre étaient , en même temps, mi-
ses en fuite au village de Ghébi
Pendant le trajet d' Alexandrie au
Caire, parle Désert, il observa te
ûomène d'optique connu sous le
nom de mirage, et qui ne se renou-
velle nulle pari avec un caractère
3G8
MON
aussi frappant que sous le climat
brûlant de l'Egypte : à une heure
avancée du jour , lorsque les sol-
dats étaient dévorés par la soif, la
plaine qui se déployait devant eux
leur offrait l'apparence d'un lac peu
éloigné. Ils couraient vers ces eaux
salutaires; mais là commençait pour
eux le supplice de Tantale : l'image
qui les avait séduits disparaissait ,
et les laissait au milieu d'un espace
aride. Monge , privé d'instruments ,
distrait par les embarras d'une mar-
che pénible, décrivit le mirage, et
lui assigna pour cause l'altération des
densités de l'atmosphère , produite ,
de bas en haut, par la terre saturée
de chaleur, de manière que les objets
saillants , vus près de l'horizon ,
envoient parfois une double image ,
l'une directe , l'autre renversée , sui-
vant que les courbes trajectoires pré-
sentées par la réfraction des rayons
solaires, se croiseront ou ne se croi-
seront pas. Monge porta deux fois
son admiration au pied des pyra-
mides ; il visita l'obélisque et les
murailles d'Héliopolis , et tous les
restes d'antiquités dispersés autour
du Caire et d'Alexandrie. Il décrivit
l'état du Mékias , puits construit
dans l'île de Raoudah par le khalife
Al-Mamoun , pour mesurer les eaux
du Nil. Ses souvenirs demeurèrent
tellement empreints du grandiose de
ces monuments , que long - temps
après il en parlait avec cette inspi-
ration qui semble n'appartenir qu'à
la présence des objets. L'école po-
lytechnique avait fourni quarante-
un de ses élèves à la colonie savante
embarquée pour l'Egypte. Sous sa
direction , et celle de MM. Berthollet
et Fourier , ils exécutèrent la des-
cription géodésique et monumentale
de cette merveilleuse contrée. Le
général en chef , ayant formé au
MON
Caire un institut sur le modèle de
celui de France , Monge en accepta
la présidence. La défaite navale d'A-
boukir isola l'armée de toutes com-
munications avec l'Europe. Les sa"
vants , réunis au Caire, eurent a
faire face à des besoins bien p!us
multipliés que ceux dont la France
avait présenté le spectacle en 1793 :
là , en effet , il fallut créer , in-
dépendamment des approvisionne-
ments militaires , les ustensiles pro-
pres aux usages de la rie et aux opé-
rations des arts. Les membres de
l'institut se partagèrent ces travaux •
et l'examen de commissions , tirées
du même corps , éclaira et facilita
les tentatives individuelles. Le géné-
ral Berthier écrivait au ministre de
la guerre : « On ne parle pas des ci-
» toyens Monge et Berthollet ; ils sont
» partout, s'occupent de tout, et sont
» les premiers moteurs de tout ce qui
» peut propager les sciences. » Le
Caire s'étant révolté , l'institut , qui
contenait tous les résultats des tra-
vaux de l'expédition, se trouva quel-
que temps menacé, réduit qu'il était
à une poignée de savants pour tous
défenseurs. Monge et Berthollet ( il
devient difficile de les séparer ) re-
tinrent ceux qui voulaient se faire
jour, l'épée à la main, jusqu'au quar-
tier-général : tous restèrent fidèles à
leur poste; et l'Egypte ne vit point
un second exemple d'une perte-dé-
plorable pour l'esprit humain. Dans
un voyage à Suez, entrepris avec
Buonaparte, Monge reconnut les ves-
tiges du canal qui communiquait de
la Mer Rouge, par le Nil, à la Médi-
terranée : il visita les ruines de Pe-
luse; et à deux lieues et demie de
Suez , au débouché de la vallée de
l'Égarement, par où l'on présume
que les Hébreux se dirigèrent vers
le mont Sinaï, U observa, la. fou-
taine de Moïse. Il sui\ it encore Buo-
ôaparte en ta mur-
murèrent plus d'une fois, dans leur
langa [ue . ronde te vieux
.savant qu'ils croyaient l'auteur de
l'expédition. Mais à ces explosions
d'une humeur grossière, succé
Un sentiment (Tanecfîon pour l'hom-
me distingué qui fraternisait avec
eux, Icscncouragcailet entrai fen par-
tage de leurs privations et de '
fatigues"; Mongc fut atteint, devant
Saint-Jean d'Acre, d'une maladie
dangereuse ; il eut la douleur de re-
cueillir , de sa tente, les derniers sou-
pirs de son élève, le général Caffa-
re'li ( F. Caf^aAelli, VI, éfi). De
retour eu Europe avec Buonaparte ,
il présida la commission des seien-
: des arts d'Egypte, revenue plus
tard en France;et, sous ses auspices ,
furent coordonnés les Mémoires où se
île en grande partie le tableau de
pte, telle que ses antiquités té-
moignent qu'elle fut sous ses Pha-
raons et ses Ptolémécs , et telle que
l'a faite l'influence du mahométis-
nïê : magnifique entreprise , où les
poétiques, les recherches
conjectures de l'érudition, et
mnaissances positives, emprun-
tent un nouveau lustra i\<-> arts, leurs
: fciliai
vint le père de l'école ; nique,
en reprenant sa place p Mini les pro-
■ . ! I él ,t , contre
.lions de Buon parte, une
im', i| i i nporturtait
l'instinct despoti [ue du soui crahi ;
: e
, menl ci à
i l'elle lut
as fortune.
a iprès
i é< ai
u ment
abienlran-
XXIX.
MON 36g
montra if
îitntions : il ne
fut poi ins i! clier-
cha des consolai adon-
nant son traiie. uent de professeur, et
ensuite sa pension de retraite, aux
élèves que la foitu! e n'avait point
favorisés. BuonStpàrte, attentif à ré-
vcilier les Souvenirs d'une ancienne
amitié qui dans Monge s'et it trans-
ie en enguûment invincible pour
son héros, avai: triompher
delà IbégUe abnégation de ce savant,
et l'avait comble d'honneurs. Nom-
mé membre du sénat, de 1 1 ■ reniière
atîon de ce corps, Monge fut
pourvu de la sénatorerie de I\iége.
avec le titre de comte de Peluse
reçut !e grade de graiid-ouicier de
la Légion - d'honne: Ir et de. ia Réu-
nion, Un majorât en VVest)}haliè, et,
sur la lin de sa carrière" , un don dé
•2oo,()oo francs. Le d( e Mos-
cou lui causa une affliction pro-
fonde : son irtiagi ilutnee
à s'exalter aux Récits de notre gloire
militaire, se sentit amassée. Envoyé
dans sa sénatorerie, pour prendre
des mesures extraordinaires, il y
accueillit la division Macdonald. qui
revenait dans un état de dénuement
absolu, et il fit en sa faveur le sacri-
i une somme de i'.aooo frai
qu'il vetiail fit1 recevoir L'amertume
que lui laissa la chut) .parte
s'augmenta par la dislocation de l'é-
cole polytechnique, el par le bannis-
sement dcsconventionnelsâqûïavaient!
envoyi I "•• V I à la moit, mesu-
re qui frappait M. I .uix,
Sa radiation de
l'Iustil t. par suite de nsde
r 8 i (> ( y. Maury), j)ona lé'fl :
coup a sa sehsibi
i . d'apople
rnpé-
ramentencure r iaiiou
37o MON
de ses idées , et tous les symptômes
d'un déclin rapide , annoncèrent à
ses amis que sa mort anticipée avait
commencé. Il cessa de vivre, le 18
juillet i8i8.M.Berihollet lit éten-
dre sur sa tombe les regrets d'une
amilié de cinquante ans. M. Du]. in a
publié un Essai historique sur les
services et les travaux scientifiques
de Monge , Paris , 1819, in-4°. et
in 8°. Monge a élevé, à coté de sa
Géométrie descri tive , un monu-
ment à la géométrie analytique, où
l'on reconnaît un cligne continuateur
des travaux de Clairaut, d'Euler et
de d'Alembert. a Son Analyse ap-
» pi quée à la géométrie, dit M.
» Del ambre , présente les équations
» des lignes, des plans, des courbes
» du deuxième degré, la tliéorie des
•» plans tangents , enfui les princi-
» pales circonstances de la géne'ra-
» tion des surfaces courbes , expri-
» mées par des équations aux dif-
» férences partielles , dont il se sert
» pour intégrer d'une manière élé-
» gante , un grand nombre d'équa-
» tions, en suivant pas à pas les dé-
» tails de la description géométri-
» que. Dès 177*2, il avait montre'
» la liaison qui existe entre les cour-
» bes à double courbure et les sur-
» faces déve'oppées. » Quelques par-
ties de ce que Monge a écrit sur la
physique , peuvent paraître aujour-
d'hui surannées. Par exemple , des
erreurs se sont glissées dans ses ex-
plications des phénomènes de la mé-
téorologie : prenant pour point de
départ les principes posés par le doc-
teur Leroy, relativement aux varia-
lions de l'atmosphère, il a fait fausse
route , par sa facilité à substituer des
inductions ingénieuses aux moyens
sûrs de l'observation. Monge effleura
quelques cô'és de la théorie des phé-
nomènes capillaires, si complète-
MON
ment analysés depuis par M. de La-
placc. On avait remarqué que deux
corps nageant dans un fLide , qui
s'eiève ou s'abaisse autour de tous
deux, s'approchent l'un de l'autre,
et se réunissent par un mouvement
accéléré : mais ils se repoussent le
plus souvent, si le flui 'e qui s'élève
autour de l'un s'aba.sse autour de
l'autre; et, alors, si l'on diminue
convenablement la < istanee, on voit
l'attraction succéder à la répulsion.
Amontons, l'un des plus estimables
savants sauvés de l'oubli par Fonte-
nelle, avait tenté d'expliquer ce phé-
nomène. Monge , en 1787 , démontra
l'insuffisance, et même l'inexacti-
tude des principes d'Àmontons, dans
un Mémoire où l'on trouve des
aperçus heureux, des vues fines , et
des expériences curieuses (Delam-
bre, Mém. de V Institut, 1806). Les
essais de Monge, en chimie, prou-
vent encore qu'il eût mérité la gloire
d'un expérimentateur habile, si celle
de géomètre ne l'eût pas si impérieu-
sement attiré. Cependant il travailla
moins pour la gloire que pour les
jouissances intimes et profondes que
les sciences lui présentaient en e!les-
mêmes. Le plaisir le plus vif qu'el-
les lui procurèrent, fut peut-être
d'avoir été applaudi un jour par La-
grange, pour une leçon d'éclat, don-
née a l'École polytechnique. Quand
sa réputation fut assurée , il parut se
reposer dans la carrière laborieuse
de l'enseignement. Presque bègue, et
accoutumé à une prosodie vicieuse,
il suppléait aux difficultés de son ar-
ticulation par une pantomime très-
animée. Une bonté naïve, combinée
avec un penchant prononcé à l'en-
thousiasme, était le trait distinctif
de son caractère. Sa seule bonhomie
apparaissait dans ses habitudes pri-
vées j mais l'on s'étonne que, pre-
MON
Dànl sa gaucherie dans la société
pour l'indice d'un esprit borné, Mme.
Roland ait lait une caricature de cet
homme célèbre, à qui des apprécia-
teurs plus justes appliquaient ce juge-
ment de Bull'un sur d' Aubeaton , qu'il
n'avait jamais ni plus ni moins d'es-
prit que n en exigeait le sujet de sa
pensée. Mme. Roland, tout eu ren-
dant un témoignage remarquable à
la probité de Mongc , insinue encore
qu'il fut ingrat envers Bossut : la
vérité est que celui-ci s'éloigna le
premier de Monge, qui lui avait été
préféré dans la place d'examinateur
de la marine. Monge a inséré quatre
Mémoires d'analyse pure dans la
Collection des savants étrangers de
J académie des sciences de Paris ,
tomes vu, ix et x. Pour marquer
la progression de ses travaux scien-
tifiques , nous désignerons , par leurs
titres , ceux qu'il a consignés dans
les Mémoires de la même académie:
1781, Mémoire sur la théorie des
déblais et des remblais ; — 1783,
Sur le résultat de V inflammation du
gaz inflammable y et de V air déphlo-
gistiqué dans des vaisseaux clos ;
Sur une méthode d'intégrer les équa-
tions aux différences finies non li-
néaires ; — 1 784 , Sur t expression
anal/tique de la génération des
surfaces courbes ; Sur le calcul in-
tégral des équations aux différences
partielles ; mémoire supplémentaire
( les deux premiers morceaux avaient
déjà été publiés dans les Mémoires
de l'académie de Turin )j — 1786
( avec Vandermonde et Bertliollet ),
Du feu, considéré dans ses diffé-
rente états métalliques ; Sur l'effet
étincelles électriques excitées
dans l'air fixe; — 1 7 S- . Sur quel-
ques ctjcts d'attraction ou de répul-
sion apparente <
de matière ; - Rapport sur
MON
37i
le système général des poids et me-
sures ( avec Borda et Lagrange ).
Monge a enrichi le premier volume
du Journal de l'École polytechnique,
d'un cours de stéréotomie , et a ré-
pandu divers Mémoires dans les
tomes îv, vi et vin de ce Journal.
Il a rempli d'un bien plus grand
nombre de morceaux détachés la
Correspondance polytechnique , ré-
digée par M. Hachette. Son nom
figure parmi ceux des collabora-
teurs du Dictionnaire de physique
de Y Encyclopédie méthodique; et
les Annales de chimie contiennent
de lui, un Mémoire sur quelques
phénomènes de la vision ; un autre
sur les causes des principaux phé-
nomènes de la météorologie ; des
Observations sur le mécanisme du
feutrage ; et des Notes sur la fabri-
cation du fromage de Lodésan, to-
mes m , v, vi et xvii. 11 faut ajouter
à cette énumération, des Observa-
tions sur la fontaine de Moise, dans
le premier volume de la Description
de l'Egypte, in-fol. j l'Explication
du mirage , dans le premier volume
de la Décade égyptienne. Mongc a
publié séparément : I. Traité élé-
mentaire de statique , Paris, 1786,
in-8°. ; ibid. i8i3 , 5e. édit. II. Des-
cription del'art de fabriquer les ca-
nons, Paris, au 11, in-4°. , ornée
de soixante planches. On la joint,
quelquefois, à la Collection des arts
et métiers , d'Yverdun , dont elle
forme alors le 9.1e. volume. HT.
Leçons de géométrie descriptive,
publiées d'abord dans le Journal des
séances de l'Ecole normale. Paris,
an ni; ibid., i8i3, in-80., 3°. ëdit.
IV. Application de l'analyse à la
géométrie des surf mes du premier
et du deuxiètm r- édition ,
Paris, 1809, in-4° : ta première
édition , in-fol. , avait paru, dans
*4..
;7*
MON
l'an m, sous te titre de Feuilles
d analyse appliquée à la géométrie.
Z.
MONGEZ ( Jean- André ) , né à
Lyon en 17JI , entra chez les cha-
1 • :s réguliers de Sainte-Geneviève,
et s'adonna à l'étude des sciences.
Ses connaissances en physique la-
vaient fait agréger à plusieurs socié-
tés savantes ; et déjà il avait obtenu
quelques voix pour entrer à i'acadé-
mie des sciences, lorsqu'il partit, en
1^85, avec La Pérousc, en qualité
de physicien , et avec les fonctions
d'aumônier. Les dernières nouvelles
qu'on ait reçues de La Pérouse
étaient datées de Botauy-Ray, où
l'expédition avait relâché dans l'es-
poir , qui fut trompé, de rafraîchir
ses provisions, Il est donc à croire
que Mongez a partagé le sort de l'in-
fortuné voyageur qu'il accompagnait
( V. PÉrousb ). On a de lui : 1. Des-
cription, usages et avantages de la
machine pour la fracture des jam-
bes d'Albert Pieropan , 1 7S2 , in-
8°. IL Manuel du minéralogiste 7
etc. , trad. de Bergmanu , et augmen-
té de Notes ( V. Bergmann, IV,
160 ). 11 avait eu une grande part
aux premiers volumes du Cours
d'agriculture , de l'abbé Rozier ; et
avait, depuis 1779, rédigé le Jour-
nal de physique, commencé par cet
abbé. Il y avait précédemment fait
insérer plusieurs morceaux, et, entre
autres, un sur les Ombres colorées du
matin, et ( mars 1777 ) un sur les
Causes principales qui font fumer
les cheminées, sujet proposé quel-
ques années auparavant par l'acadé-
mie de Bordeaux. On a presque tou-
jours confondu J. A. Mongez !e jeune
avec son frère, M. Antoine Mongez,
membre de l'Institut. A. B — t.
MONGIN ( Athanase de ), pieux
et savant bénédictin, né en 1389, à
-
Gray , ville de Franche - Goiat^ ,
d'une famille noble, fit profession a
i'abhayc de Luxeul , et l'ut envoyé à
Paris , pour y terminer ses études et
prendre ses grades. Il sollicita, lun
des premiers, la réforme des abus
qui s'étaient glissés dans les princi-
pales maisons de l'ordre, et, s'étant
rendu à Saint-Vannes , y prit l'habit
des mains de D. Didier de Lacour. Il
fut ensuite chargé d'enseigner la
philosophie et la théologie à Gluni ,
et fut élu , au bout de quelques an-
nées , supérieur de cette maison. 11
arquit bientôt la réputation d'un des
plus habiles maîtres dans la vie spi-
rituelle, et, malgré samodestie, se vit
obligé de répondre aux questions
que lui adressait la Sorbonne , dans
les cas diiiiciles. Il fut nommé, en
iGi4 -, prieur de Goibie , d'où il
passa , avec le même titre, à Saint-
Remi de Reims , pour y introduire
la réforme. Elu, en i63o, visitei
de la province de France, il fut apr
lé, en quittant cette charge, à la da-
tion de Saint-Germain-des-i;res,
chargé, par le chapitre général ,
revoir les constitutions de l'ordre
et d'y proposer les changements qi
le temps aurait rendus nécessaires
Il était occupé de ce travail, lor:
qu'il mourut presque subitement.
1 7 octobre i633 , à l'âge de 44 ,m<
avec la réputation d'un savant tbéi
logien , et laissant à ses confrère
l'exemple d'une vie irréprochable.
D. Mongin a laissé en manuscrit r
un grand nombre d'ouvrages , la plu-
part ascétiques. On en trouvera la
liste à la suite de sa Vie, dans la
Bïblioth. de la congrégat. de Saint-
Maur, pag. 17 et 793. ~ L'un de
ses frères , jésuite , distingué dans
son ordre par sa science et sa piété ,
a publié un des ouvrages du béné-
dictin, intitulé: Les Flammes eu-
MON
charis tiques , Paris, i634, in-8°.;
ibid., i<ii(), in ia* W — s.
AiO_\ GIN ( Edme ) , né à Baro-
ville , dans le diocèse de L.mgres, en
i(j(>8, se consacra de bonne heure
à la chaire chrétienne. Suivant un
usage qui était alors nouvellement
■ l\e- 1 lémie française lui dé-
suecessivement trois prix, d'é-
ice. Il prononça devant eile le
gyrique de saint Louis. Ce fut à
iccès réitères , comme orateur ,
qu'il dut le choix que fit de lui la
maison de Condé, pour l'éducation
de deux de ses princes , le dm
Bourbon et le comte e!e Charol .. ; !
dut à ces mêmes succès (en 1708 ) le
litre d'académicien; et en cette qua-
lité i! - . de l'orfisou fui
de LOUIS XIV , qu'il lit entendre
dan s la chapelle du Louvre. 11 donna
d grand nombre d'autres
discours, qui, presque tous , avaient
la religion pour objet, et qu'il a lui-
même publiés, une année avant sa
, dans le recueil très-bien im-
prima de ses œuvres 17'p, in-4''.)
On loue surtout son Sermon sur la
? son Oraison funèbre de
Henri de Bourbon, prince de Condé.
Nomme, en 17^4, à l'évcelié de
i , il s'y fit respecter en même
temps que chérir, et entretint la paix
au milieu des quer .'uses
qui tioub'aicnt l'église de France.
'. gin mourut à I) 1 1 r\(\.
On trouve son Éloge dans !<• i
Llembert. L — p — e.
MONGINOT ( François), né à
Langres, le i(i mai-, i56<), médecin
dupri londé «m 1616*, devint
1 in ordinaire du roi , en i635.
Il est auteur d'un Traité SW la Cori-
qui pa-
raît a ; 'il fut
réimprimi
giuol
MON
3-3
en i(>4o , et publia l'année suivantes
Résolution sommaire et Décision sur
les doutes et controverses entre Vé-
glise romaine et la religion n
mée , Cliarenton , i:i-8°. D — b — s.
M03G1TORE ( àntonm ) , anti-
quaire et biographe laborieux, né a
Païenne en i(j63, embrassa l'état
ecclésiastique , et fut pourvu d'un
canonieat de la cathédrale : il devint
dans la suite l'un des juges du tri-
bunal diocésain , consulteur du Saint
Office, et mourut le 6 juin 1743 (1).
Sa longue vie fut consacrée à la re-
cherche des antiquités historiques et
littéraires de son pays; aussi a-t-il
publié un grand nombre d'ouvrages.
Le plus connu de tous est la Biblio-
theca Sicula sive de scriptoribus si-
culis notitice locuplet'ssimœ , Pa-
ïenne , 1 708- 1 4 , ^ vol. in-fol. L'au-
teur l'a fait précéder d'une courte
description de la Sicile , avec des
remarques sur ses différents noms,
bseï valions sur le caractère dts
Siciliens , etc. : cette introduction a
été insérée sous ce titre, Begni Sicilicu
delinealio , dans le Thés ur. anii-
cfùtat. Italiœ. , etc. , tome x. Les
écrivains sont rangés dans l'ouvra-
ge, suivant l'ordre alphabétique de
leurs prénoms, d'après l'usage as-
sez généralement suivi au dix -
tième siècle; mais on trouve, à la
fin du second volume, des tables
qui facilitent les recherches. Ce livre
n'est pas exempt d'erreurs ; Tira-
bosehi en a relevé un assez
nombre : cependant il y a beau-
coup d'érudition , et quelques noii-
iODt fort intéressantes. L'article
qui concerne l'auteur lui-même est
le dernier de tous; il y doi
'*.„,,, dit «euleiuent uu
t. P.
Jo • Il •
374
MON
liste des ouvrages qu'il avait déjà pu-
blies, et de ceux qu'il se proposait de
mettre incessamment sous presse.
Parmi les derniers , on remarque ,
Degli scrittori mascherati centurie
cinque, qui n'a point paru, ou qui, du
moins, a échappé à Struvius et aux
autres auteurs de l'histoire littéraire.
On citera encore de Mongitore : I.
Divertimenti geniali ; ce sont des
remarques et des observations qu'il
avait faites sur la Sicilia inventrice
de Yinc. Auria, à mesure qu'on l'im-
primait : elles ont été réunies à l'ou
vrage dont elles sont le complément
nécessaire , Palerme , 1704 , petit
in-4°^ Mongitore prononça , dans la
suite , Y Éloge d 'Auria ; il fait partie
du tome m des Fitœ illustrium Ar-
cadum. II. Brève compendio délia
vita di S. Francesco di Sales , Pa-
lerme, i6g5 , in 12. III. Palermo
santificato dalla vita de suoi santi
cittadini , ibid. , 1708, in-8°. Il a
réuni sous ce titre plusieurs vies qu'il
avait données séparément. IV. Me-
morie istoriche délia funda zione del
monastero di S. Maria di tutte le
grazie , ibid. , 1 7 1 0 , in- 4°. V. Dis-
sertazione sopra un antico sepolcro
e simulacro ritrovato nella campa-
gnadi Palermo , l'ann. î6q5 , dans
la Raccolta Calogerana , tome x.
VI. Palermo divoto di Maria ver-
gine ; e Maria vergine , protettrice
di Palermo , ibid. , 1 7 1 9 , 2 tomes ,
in-4°. VII. Sacrœ domûs mansionis
S S. Trinitatis, militaris ordinisTeu-
tonicorum urbis Panormi, et magni
ejus prœceptoris, monument a histo-
rica , ibid. , 1721 , in-fol. , et dans
le tome xiv. du Thés, antiquit. Ita ■
lin. VÏÎI. Bullœ , privilégia et ins-
trumenta Pdnormitawe metropoli-
tance ecclesiœ regni Siciliœ prima-
riœ, collecta , notisque illustrata ,
ibid., 1734, in-fol. IX. Discorso
MON
storico su V antico titolo di regno }
concesso alV isola di Sicilia , ibid. ,
1735, in-4°. X. Parlamenti gene-
rali di Sicilia daV anno 1 44^ ? s*no
aV 1 748, con le cerimonie istoriche
dell' antico e moderno uso del par-
lamento appresso varie nazioni, etc.,
ibid., 1749, in-fol., publié par le
docteur François -Senio Mongitore,
prêtre de Palerme, qui l'a enrichi de
notes et d'additions. On doit à Mon-
gitore une nouvelle édition augmentée
de la Sicilia sacra7 de Roch Pirrho,
W— s.
MONGLAT. V. Montglat.
MONGOMERI. V. Montgom-
MERY.
MONÉGARIO ( Dominique ) ,
doge de Venise, fut substitué, en
756, par le peuple, à l'usurpateur
Gallo , qui avait été déposé, et privé
de la vue dans une insurrection. Mais
Monégario , après avoir gouverné
huit ans les Vénitiens, éprouva le
même sort. Des factieux se saisirent
de sa personne en 764 , lui arrachè-
rent les yeux, et lui donnèrent pour
successeur Maurice d'Héraclée.
S. S— 1.
MONIGLIA ( Jean André ) , mé-
decin et littérateur , était né , vers
1 64« , a Florence , d'une noble et an-
cienne famille , originaire de S
zane , dans l'état de Gènes. Ses ta-
lents, comme médecin, lui méritè-
rent la confiance des plus illustres
personnages ; et le grand-duc de Tos-
cane l'honora du titre de son pre-
mier archiâfre. Il fut nommé , en
i68'2 , à l'une des chaires de l'uni-
versité de Pise ; niais les devoirs de
sa place ne l'empêchèrent pas do
suivre son goût pour les lettres. 11
composait des intermèdes, et des
pièces de théâtre, que ses protec-
teurs faisaient représenter avec une
magnificence dont elles étaient peu
MON
dignes ; car on n'y trouve ni régula-
rité , ni vraisemblance., et le .*>tyle
eu est défigure par les pointes et les
concelti , qui déparent tous les ou-
vrages du même temps. Ce fut lui
qui eut avec le docteur Bamazzini
cette violeii.'e querelle dont on a parlé
à l'article Ciwelli ( VIII , 5G7 ) , et
dont le détail se trouve à la tête du
tome 11 de la Biblioteca volante ,
dont cette dispute pensa causer la
suppression. Moniglia était mem-
bre de l'académie de la Grusca et
de celle des Arcadiens. Il mourut
en 1700 , à l'âge de soixante ans.
On a de lui : 1. De viribus arcani
aurei antipodag-ici epistola , Flo-
rence, 1666. in-4°. H. De aquee
usu in febribus , ibid., \6&'i. III.
Opère dainaticke , ibid., 1O89,
3 tomes in-40. 11 fait entier dans ce
recueil des pièces qui ne sont pas de
lui, mais dont il avait composé le
pro ogucet les divertissements. W-s.
MONIGLIA ( le P. Thomas-Vin-
cent ), savant théologien de l'ordre
de Saint-Dominique, né à Florence,
le 18 août iG8(3 , alla Caire ses pre-
mières études à Pise , où son oncle
professait la médecine. ( V . l'article
précédent. ) Il revint à Florence ,
après la mort d?. son protecteur, et
embrassa la vie religieuse , avant de
s'être bien assuré de sa vocation. La
liberté que lui laissèrent ses supé-
rieurs , de fréquenter les écoles pu-
bliques, lui donna le moyen de faire
connaître ses talents pour la discus-
sion. Henri Newton, ambassadeur
d'Angleterre près le grand-duc de
Toscane , ayant eu l'occasion (l'en-
tendre le jeune religieux, rechercha
uifiance, et vint à bout de lui
; iader de passer a Londres, où il
jouirait d'une 1 'ion qu'il ne
pouvait p.* : lie. Séduit
par les avantages que le ministre lui
MON 37 5
faisait entrevoir, Moniglia s'échappa
de son couvent , et, ayant gagné Li-
vourne , il s'embarqua sur un vais-
seau qui allait mettre a la voile pour
l'Angleterre. Arrivé à Londres , il
visita les bibliothèques , rechercha
la société des savants, et acquit dans
leur commerce des connaissances
très-étendues, (lependant les pro-
messes de Newton ne se réalisaient
point : toutes les ressources du reli-
gieux fugitif étaient épuisées ; et il
se vit forcé d'accepter l'emploi de
précepteur chez un lord auquel il
avait inspire quelque intérêt. Plein
d'inquiétude pour l'avenir , il prit le
parti de s'adresser au grand- duc ,
qui, touché de l'état d'abandon où se
trouvait un jeune homme intéressant,
obtint de l'Ordre le pardon uc ses er-
reurs. 11 revit l'Italie, après trois ans
d'absence, et fui accueilli de ses an-
ciens confrères avec une bonté qui
augmenta le regret qu'il éprouvait de
les avoir quittés. Il se dévoua dès-lors
à la prédication avec un zèle infati-
gable, et qui fut couronné du succès.
On le donna quelque temps , pour
adjoint, au P. Miuorelli, préfet de
la bibliothèque Casana'.a ; mais ses
supérieurs jugèrent plus utile de ti-
rer parti de son rare talent pour
l'enseignement : il professa succes-
sivement la théologie, a Florence et
à Pise , et mourut dans cette dernière
ville, le i5 février 17O7 , à quatre-
vingt-un ans. On a de lui : I. De ori-
i^iiu saciarum precuni rosarii B.
M. virghiis Dissert atio , Rome ,
l-^o5 ,, in-8°. C'est la réfutation t'a
sentiment des Bollandistes , qui ne
croient point que saint Dominique
soit l'auteur de ces prières, IL Dû
annis Cliristi sah>ato>is, et de rcli-
gione ut iusquô Vhilippi tugusti ,
Dissertatioins (hue, ibid., 1^4* >
in-4°- U y a di l'érudition du:
;->7<j MON
dissertations. III. Disserlazione con-
tro ij cil alisti , L u c q tes , i n \ \ , •. i
part. in-8". IV. Dis*, contî'o i ma-
te •ialisti , e ali ri inci eduli , i 'a < i u u e ,
17 "io , i tomes in 8' . V. Osseva-
zwni critic'-; iusoj ckti contrai ma-
teri isti, Lucques, 176'», a tomes
in 8°. VI. La mente umana, spiriio
imniortale, non materia pansante,
Padoue," 17O6 , 'i tomes in-8°. ( V.
Fabroiii , Vitœ Italorum, tom. 11,
p. 148. ) W- s.
MON] VIE. V. M1THRIDATE.
MON1N ( Du ). P. Dumonin et le
Supplément.
MONIQUE (Sainte), mère de
l'illustre évêque d'Hippone , nëe en
332, de parents pieux, fut confiée
aux soins d'une sage gouvernante,
qui sut lui inspirer de bonne heure
l'amour de ses devoirs. La surveil-
lance qu'on exerçait sur ses moindres
actions ne l'empêcha pas de contrac-
ter insensiblement l'habitude déboire
du vin en secret; mais une servante
lui ayant reproclié ce défaut dans
un moment, de mauvaise humeur,
elle s'en corrigea, et veilla de^plus
près sur sa conduite. Quoique chré-
tienne, elle fut mariée à un bourgeois
dcTagasle, nomme Patrice, qui con-
tinuait de professeï- ieculte dcsidolcs.
La douceur et la patience ciel Ionique
triomphèrent à la fin de l'obstination
de son époux , et, quelques années
avant de ftioÇrii', il embrassa le chris-
tianisme. Restée veuve avec trois en-
fants , Augustin et Navigius , et une
filie dont on ignore le nom, Moni-
que se dévoua toute entière à leur
éducation. A:igu-;lin, âge rie dix-sept
ans , se distinguait dans les écoles de
Cartilage, par des talents qui pro-
mettaient alors, non un défenseur à
l'Église, mais au monde un orateur
éloquent. Séduit par les discours des
Manichéens., il partageait déjà leurs
MON
erreurs ; et ni les prières , ni les lar-
mes de sa mère , ne purent le déter-
miner à renoncer a des principes
qu'entretenait sa raison égarée par
la passion. Il partit pour l'Italie,
dans le des ein d'y établir une école
de rhétoîique; et cette tendre mère,
informée qu'il était à Milan, se hâta
de l'y rejoindre, malgré la longueur
du vovageet les dangers de la naviga-
tion. A son arrivée , elle eut le bon-
heur d'apprendre de la bouche d'Au-
gustin que , grâce à ses conférences
avec saint Ambroise, il n'était plus
ma 'iclfén; et ayant demeuré quelque
temps avec lui, dans une campagne
où il s'était retiré pour vaquer plus
tranquillement à l'étude et à la p« i re,
elle le décida à repasser en Afrique.
Arrivée à Ostie, où i.s devaient s'em-
barquer, elle tomba malade, et y
mourut, à l'âge de cinquante-six ans,
en 387, le 4 niai, jour où l'Église
célèbre sa fête. Le corps de sainte
Monique fut transporté à Rome, en
i43o, sous le pontiîicat de Martin
V , qui a rédigé lui-même l'histoire
de cette translation. Cependant les
chanoines réguliers d^Arouai e, près
de Bapaume, avaient la prétention
de le posséder ( V. la Vie de sainte
Monique par Godescard ). C'est dans
les Confessions de saint Augustin
qu'on trouvera les détails les plus
vrais et les plus touchants sur la vie
et les vertus de sa mère. W — s.
MONK (George), un des person-
nages les plus célèbres de l'Angle-
terre, dans le dix-septième siècle,
naquit , Je 6 décembre 1 ho8, dans le
Devonshire. Son père était d'une
noblesse ancienne, mais sansfortune :
le jeune IVÏonk dut sou éducation aux
soins de son aïeul maternel , sir
George Smith. Une action hardie dé-
cida de bonne heure, de sa vocation :
un officier du shérif arrêta son père
MO
en sa présence ; le jeune homme ,
pour venger l'auteur de les jours,
assomma l'agent à coups de bâton.
Il fallut fuir, eti'élat militaire était sa
: i! entra , comme vo-
lontaire à Tàge de i 7 ans , dans le ré-
giment de sir ftichardGrenville, allie
àsafamillc, etlit ses premières armes
(i dis une expédition maritime contre
Espagnols. A peine revenu dans
su patrie, il fut emplové , en qua-
lité d'enseigne, su l'escadre chargée
de l'attaque des ii -s de RûC et d'Oie-
et son corps étant passé en
Flandre, i! y prit part à dix cam-
pagnes successives. C'est la qu'il ac-
quit des connaissances militaires qui
le (lient distinguer de ses chefs. Il
retourna en Angleterre , à. l'époque
même où les mécontents d'Ecosse y
allumèrent la guerre civile. Lord
Newport lui offrit la place de lieute-
nant- colonel oc son régiment, qui
faisait partie de l'armée que Charles
lt!. rassemblait sur les frontières
d Ecosse. Cette campagne fut peu
ac ive : Monk accepta avec empres-
sement la proposition de passer en
Irlande, comme colonel du régi-
ment de Leicester. Il y fit une guerre
très-vive aux. rebelles, jusqu'à ce que
le vice-roi, marquis d'Or moud, eût
conclu une
afin de pouvoir disposer de ses trou*
pes en faveur de (maries I1'., qui
était alors en liostilit
le parlement. Monk fut soup<
de pencher pour ce parti : a peine
de retour eu Angleterre, i! fui ai
et on lui o';t le commandement de
son eor| s. Peu de temps après, r,e-
lil , on lui ;
à Oxford sur sa parole; él delà il
parvint à se ji complète-
auprès de mi, qu'il fut rap-
tou* ses drape toi . el élevé au
grade de major .
MON
irlandaise, qui était alors employée
au siège de Nantwich, sous le coin-
maudemeut de lord liyron. Monk
ne prit possession de ce nouveau
poste que pour tomber avec tout son
corps au pouvoir de Fairfax., dans
une surprise nocturne ( i ti 4 4 ) • En-
voyé sur-ic-champ à la tour de Lon-
dres, il y resta jusqu'au mois déflo-
re i(> j(). Pour charmer les en-
nuis de sa captivité, il écrivit ses
Observations sur des .sujets mili-
taires et politiques. Il envoya son
manuscrit à lord Lisle, qui ne le pu-
blia qu'après sa mort ( Londres ?
1G71, in - fol. ). Ce fut ce même
lord, fils aîné du comte de Leicester,
alors en grande faveur auprès du
parlement , qui obtint la liberté de
ftïoflk, mais sous la condition ex-
pi esse qu'il adhérerait au covenant ,
et qu'il accompagnerait en Irlande
le comte qui s'y rendait avec des
pleins-pouvoirs du parlement. Monk,
servant une cause contre laquelle il
avait, combattu jusqu'à ce moment,
reçut le commandement en chef du
nord de l'Irlande. Il marcha au se-
cours de Londondcrry, attaqué par
les loyalistes, et leur fit lever le
sie'ge. Bientôt cependant la supério-
lu nombre lé contraignit à traiter
avec lord Inchiquin, commandant
pour le roi, à lui remettre la place
dcDimbalk, et finalement a n .
■ Jeterrc. Le parlement, très
mécoutenl <te ce résultat, refusa de
ratifier le traité, mais déclara que
Monk ne serait point poursuivi pour
h luite. Ou a prétendu . néan-
moins, qu'il fut si sensible au blâme
de ses opérations militaires, qu'il en
conserva un ressentiment <
fui a cette epoqne qu'il vil Crom
pour la première fois : le pron 1
lin conféra le grade de lieutenant
ner al d'artillerie, et remmena
373 MON
lui en Ecosse. Monk se distingua par-
ticulièrement à la bataille de D.m-
bar. Gromweil le laissa en Ecosse
avec un corps d'armée , lorsqu'il re-
passa en Angleterre pour y combat-
tre Charles II. Monk déploya la plus
grande vigueur : il prit le château de
Stirling, et fit transporter à Lon-
dres les archives qui s'y trouvaient.
Il prit Dundee d'assau' ; et voulant
imiter l'inflexible sévérité de Crom-
well, il livra au fil de l'épée le gou-
verneur e' toute la garnison. Il avait
soumis l'Ecosse , à l'exception de la
partie inaccessible des montagnes ,
lorsqu'une maladie grave l'obligea de
se rendre aux eaux deBath, en i65a.
11 retourna l'annéesui vante en Ecosse,
comme membre de la commission
qui négociait alors la réunion de ce
royaume avec la république d'Angle-
terre. Une carrière toute nouvelle
s'ouvrit tout- à -coup pour Monk :
général de terre, il se vit transporter
sur un vaisseau pour faire la guerre
aux Hollandais. On ne croyait pas ,
dans ce temps , que le service de la
marine exigeât des études et un exer-
cice préliminaires. Monk se trouva
commander une division sous l'ami-
ral Blake. Il soutint, avec cette divi-
sion seule, un combat très-vif contre
le fameux amiral Troinp. L'action
dura deux jours : enfin Blake vint
le dégager. Deux mois après (juillet
i653 ) , Monk , commandant en chef
la flotte anglaise , livra bataille à l'a-
miral Tromp , qui fut tué dans le
combat. La victoire de Monk était
attestée par la prise ou la destruc-
tion de trente vaisseaux hollandais.
Elle fut célébrée à Londres par une
fête extraordinaire ; et Gromweil, de
sa propre main, passa une chaîne
d'or au cou du vainqueur. La paix
maritime le rendit à sa première des-
tination j et il prit le commandement
MON
en chef de l'Ecosse , où venaient
d'éclater de nouveaux troubles. Il
fit proclamer le protecteur a Edim-
bourg , et parviut à désarmer les
montagnards. Débarrassé alors de
tout soin militaire, il se retira dans
les terres Je !a comtesse de Bunleugh,
à Dalkeith, et passa cinq ans dans ce
séjour, plus occupé d'agriculture que
de son gouvernement. Les peuples
avaient su apprécier sa justice , et ils
lui obéissaient sans contrainte. On
prétend que c'est dans la paix de cette
retraite que se réveillèrent ses anciens
sentiments royalistes. Ce qui semble
plus sûr , c'est qu'il n'échappa point
aux soupçons de l'ombrageux pro-
tecteur. Moiik ne négligeait rien ce-
pendant pour les écarter : non con-
tent de rompre ouvertement avec qui-
conque avait la réputation d'être at-
taché aux Stuarts , il dénonçait au
protecteur toutes les menées des ca-
valiers; il lui envoya enfin une lettre
qu'il avait reçue du roi par une voie
secrète. Toutes ces précautions, à ce
qu'il paraît, ne rassurèrent point en-
tièrement Cromwell : on peut en ju-
ger par ce post-scriptum d'une lettre
qu'il adressait à Monk, peu de temps
avant de mourir. Le ton de plaisan-
terie qui y règne, n'empêche point de
pénétrer la pensée du tyran : a J'en-
» tends dire qu'il y a en Ecosse un
» certain drôle fort rusé, que l'on
» appelle George Monk, qui n'attend
» que le moment d'ouvrir la porte à
» Charles Stuart : je vous prie de
» faire tous vos efforts pour mettre la
» main sur cet individu, et de me l'en»
» voyer aussitôt.» Lorsque Monk ap-
prit qu'Olivier Cromwell était mort,
et que son fils Richard lui avait suc-
cédé dans le protectorat, il ne fit au-
cun mouvement , et ne parut occupé
que du soin de se maintenir dans son
commandement. Richard tomba ; et
MON
Monk se soumit au parlement avec
la même docilité : il fit plus; il pro-
testa contre la violence de l'année
qui avait chasse cette assemblée usur-
patrice. Quels étaient dès-lors ses des-
seins? chaque historien s'est fait, à ce
sujet, des opinions particulières. Les
panégyristes de Monk n'ont pas
manqué d'affiriner que , constam-
ment fidèle au sang de ses rois , tout
le temps qu'il passa sous les dra-
peaux du protecteur et de la républi-
que, ne fut pour lui qu'une longue
dissimulation. Un examen réfléchi
de sa conduite permet de penser
que c'est lui faire trop d'honneur:
la suite de sa vie le prouvera.
Son frère, ecclésiastique respectable,
étant allé le trouver en Ecosse ,
pour lui remettre une lettre du roi ,
il le reçut assez bien : mais , non-
seulement il ne voulut point répon-
dre à la lettre; il refusa même opi-
niâtrement d'entrer dans la plus
légère explication avec son frère.
Lambert , son rival , qui com-
mandait alors dans le nord de
l'Angleterre, marcha sur les fron-
tières d'Ecosse, pour faire la loi à
Monk. Celui-ci négocia pour tem-
poriser, et envoya des agents secrets
a Londres, chargés de plaider sa
Cause auprès du parlement. Lambert
fut arrêté; et Monk, devenu le seul
chef militaire redoutable, entl
Angleterre ( iGfio): il y k<<
chaque pas des adresses , où il était
conjuré d'établir un gouvernement
I et régulier. En approchant de
Londres, il envoya un i
parlement, pour demander I
tent immé régiments
qui ai immis les dernières
violences. furent remplis,
ilte : il vint alors oc-
cuper We i n'annon-
çait que son ex ; e pour
MON
379
les ordres du parlement fut changée.
Pour lui complaire, il ne craignit
point d'irriter les habitants de I
dres , en s'emparant des portes de la
cite' : il ne lui fallut ensuite qu'un si-
gnal du parlement pour abattre ces
portes , et. les herses qui les défen-
daient. Les murmures qui s'élevè-
rent alors de toutes parts contre lui,
firent quelque impression sur son
esprit ; il se rendit l'organe de la na-
tion, auprès du long parlement (ou
rump ) : il le pressa de se dissoudre ,
et d'abandonner la place à des dé-
putés librement élus. Cet infâme
rump disparut enfin. Tout semblait
tendre vers la restauration de la mo-
narchie: rien ne s'opposait plus à ce
que Monk ouvrît des communica-
tions directes entre le roi et lui. Ou
n'observe cependant, à cette époque,
dans toute sa conduite et dans tous
ses discours , qu'un redoublement de
réserve et d'impassibilité. Un ins-
tant de plus ; et la contre-révolution
allait se faire sans son intervention :
il prêta enfin l'oreille, pour la pre-
mière fois, à l'un de ses parents,
nommé Morice , qui le détermina à
s'aboucher avec sir John Grenville ,
principal agent de Charles IL II lui
donna des instructions verbales pour
ce prince, qui , d'après ses conseils,
quitta l'Espagne , et vint établir sa
résidence a Breda. Tout paraissait
prêt pour lui ouvrir les portes de
l'Angleterre , Lorsque Lambert s'é-
chapp 1 de la prison où il était déte-
nu , et rallia aussitôt autour de lui
un as.se/. grand nombre de vieux ré-
publicains: niais il fut proiuptenient
repris; et les alarmes qu'il
secs, cessèrent entièrement Monk,
libre d'agir, consentit à faire
clamer le souverain légitime dans
Londi mai 1660. Il ;
1 parut devant Charles 11.
3
MON
lorsque ce prince descendit à Dou-
vres. Mouk tomba aux pieds du mo-
narque, qui le releva et l'embrassa.
Charles lui sut un gré particulier de
ce que, non content de relever le
trône, il avait rejeté toutes les con-
ditions et les reserves que le parti
républicain voulait mettre à l'exer-
cice du pouvoir royal. Le premier
soin du monarque fut de récompen-
ser, d'une manière digne de lui, l'au-
teur d'un si grand service. Mouk l'ut
nommé chevalier de la Jarretière ,
membre du conseil-privé , grand-
écuyer, gentilhomme de la chambre,
premier commissaire de !a trésore-
rie , et enfin duc d'Albemarie. Ce
titre fut attaché à des biens d'un
revenu considérable , indépendam-
ment de plusieurs pensions. Los
gouvernements du Devonshire et du
Middlcsex achevèrent de compléter
son élévation : il la supporta avec
une modestie trop peu commune.
Peut-être aussi se rendait-il intérieu-
rement justice : il devait , mieux que
personne, savoir si c'était réellement
à lui, plus qu'au cours fortuit des
événements , que l'Angleterre était
redevable du rétablissement de la
monarchie. Cette question a été sou-
vent débattue; mais elle est devenue
beaucoup moins compliquée depuis
la révolution française. Plusieurs
fois , cette révolution fut sur le point
d'être comprimée, ou, du moins, de
recevoir une autre direction ; et ce
bieufait eût été dû a des hommes
que les circonstances eussent mieux
servis que leur génie ou leur courage.
Quant à Mouk , on peut , sans se
rendre coupable d'injustice envers sa
mémoire , attribuer à la mort de
Cromwell ta principale part dans les
événements dont il recueillit ensuite
toute la gloire. L'anarchie s'établit
dès le jour où le protecteur disparut:
MON
ecux-mêmes qui avaient !e plus con-
tribué à renverser le trône , les pres-
bviériens, sentirent qu'il était temps
de le relever ; et si Mouk ne l'eût
fait , plus d'un antre allait le faire.
Il se montra extrêmement modéré
dans le procès des régicides , dont
il fut un des juges. Cette cons-
tante indulgence envers ceux dont
ii avait partagé les erreurs , ne l'a-
bandonna qu'une fois. Lorsque le
comte d'Argylc fut arrêté et mis en
jugement comme coupable de baute-
trahison , Mouk produisit contre
lui des lettres confidentiels q i'il
en avait reçues; lettres qui témoi-
gnaient du dévouement pour l'ftsiîr-
pateur, à l'époque où le général lui-
même commandait en Kros.se, au
nom de Cromwell. Le nouveau duc
d'Albemarie trouva bientôt l'occa-
sion de justifier les bienfaits de son
souverain. 1! fut adjoint au duc
d'York, dans la direction et le com-
mandement des armées navales, lors-
que la guerre éclata contre la Hol-
lande, en 16O4. L'armement d'uni
flotte redoutable fut dû presque en-
tièrement à ses soins. Les matelots
l'avaient pris en une telle affection ,
qu'ils l'appelaient familièrement le
brave George, il commandait en
commun avec le prince Rupert, lors-
qu'ils rencontrèrent la flotte hollan-
daise, sous les ordres du célèbre
Ruyter, et du jeune Tromp, qui avait
succédé à son père (1666). Le prin-
ce,par le conseil d'Albemarie, s'étant
porté au-devant de l'escadre françai-
se, qui arrivait au secours des Hol-
landais, leduc soutint seul les efforts
de ceux-ci. Trop inférieur en forces,
après un combat de trois jours, il se
vit obligé de faire retraite , mais
toujours couvrant l'arrière -garde ,
et déterminé à se faire sauter, plu-
tôt que de se rendre. Il prit une re-
vancbe éclatante, dans la même cam-
pagne, et signala ençpre sou coura-
ge tannée suivante, lorsque la flotte
hollandaise remonta la Tamise, et
vint brûler [es vaisseaux anglais a
Cbatam. Ce fut le terme de sa car-
rière : il ressentit les premières atta-
ques d'une hydropisie qui causa sa
mort, le 3 janvier 1670. II laissa
une fortune immense à son fils uni-
que, qui 11 est guère connu que pour
avoir été une des principales causes
de la défaite totale des allies, à De-
nain, par le maréchal de villars.
Charles voulut que le duc d'Albe-
raarlc, et son frère , Nicolas Monk ,
évêque d'Hcreford , fussent enterres
avec une pompe presque royale, dans
la cli a pelle de Henri VII, à West-
minster ; mais, par une singularité re-
marquable , aucun monument ne fut
érige à leur mémoire que plus d'un
demi siècle après (1). La simplicité et
un flegme imperturbable firent le
fonds d u caractère de Monk. Cesdcux
qualités le servirent mieux que la po-
litique la plus délice, clans les cir-
constances épineuses où il se trouva.
Mais sa grande renommée ne doit
point en imposer : c'était au total
un homme médiocre. Il existe en an-
glais une Fie du général Monk, écri-
te par son aumônier, Thomas (lum-
l»ie; elle a été traduite en français
Gui Miége; mais cette traduc-
tion^ publiée en it>7->. , a vieilli. M.
D.'svaulx, baron d'Oinville, m.in--
i-'camp, et l'un des otages de
Louis XVI, lui a rendu, en 181G, le
service de la rajeunir. S — v — s.
>NK IUm*), Irlandaise, fille
du lord Molesworth , et femme de
1 >nk, morte à Bat h < n
MTS
38 r
.;.:,,
,
1 ■'. Westioini-
joignaità la connaissance des la:
latine, italienne et espagm
lent assez distingué pour la p
Ses productions en ce genre ont été
imprimées en 1716, 1 vol. in-8°. ,
sous le titre de Marinda , Poésies
et Traductions sur différents sujets.
On trouve aussi quelques-uns de ses
vers dans les Poems of eminent
Ladies? et dans les Fies des poètes
anglais, par Cibber. L.
MONLUC. F. MoNTLuc.
MONMOUTH ( Jacques / duc
de ), passe communément pour le
fils naturel de Charles II, roi d'An-
gleterre. Il est certain , du moins ,
que Lucy Waîters, sa mère, fut une
des maîtresses de ce prince; mais il
n'est pas moins certain que les per-
sonnes qui avaient connu le plus in-
timement cette Lucy, doutèrent tou-
jours que Charles fut le père de l'en-
fant auquel elle avait donné le jour.
Le roi Jacques II lui-même donne,
dans ses Mémoires , des détails qui
ne peuvent que fortifier les soupçons
à cet égard. Lucy Walters se trouvait
en Hollande , avec le colonel Robert
Sidney, (frère du fameux Alger:: on.
Sidney ), qui l'entretenait publique-
ment. Charles II vint à la Ha\
cette époque. Frappé de l'extrême
beauté de la jeune Anglaise, ii mit
tout en œuvre pour l'enlever au co-
lonel , qui s'y montra peu sm
e! dit hautement : u La prenne qui
» veut; son affaire est faite. » A
peine avait-elle passé dans hs bras
du roi , qu'elle déclara sa gros-
Elle accoucha à Rotterdam , nu peu
avant terme ( i64{) ) ; et ce qui fut
bien plus remarque encore , c'est que
l'enfant qu'elle mit au nouai.
dépendamrnenl d'une rea
frappante avec le colonel Sid
avait , comme lui , un
apparent »ur U joue. Pendant Pex*
382 MON
péditiondc Charles en Ecosse, Lucy
mena une vie si dissolue , que ce
prince , à son retour , refusa de
la voir. Le roi Jacques ajoute que
Charles II, presse un jour de re-
ntre le duc de Monmouth , s'é-
cria qu'il aimerait mieux le voir
; re à Tyburn. 11 prit , au reste ,
le plus grand soin de son éducation,
et l'envoya en France, à l'âge de
neuf ans , pour y être instruit dans
la religion catholique. Après la res-
tauration , il le fit venir à sa cour ,
et le créa successivement comte
d'Orkney, duc de Monmouth, che-
valier delà Jarretière, et capitaine
de ses gardes. 11 saisit l'occasion de
lui faire faire ses premières armes
sous le prince d'Orange, dans les
Pays-Bas. Le jeune duc commandait
un corps d'Anglais et d'Écossais, à
la*bataille de Saint-Denis, que ce
prince livra au maréchal de Luxem-
bourg , en 1678. Il fut employé,
l'année suivante, avec plus d'éclat
et d'utilité, contre les rebelles d'E-
cosse , qu'il défit complètement. La
faveur et le crédit dont il jouissait ,
semblaient s'accroître chaque jour,
lorsqu'une violente maladie dont fut
attaqué Charles II , fit craindre pour
ses jours. Alarmé lui-même , le mo-
narque voulut revoir le duc d'York ,
son frère, éloigné de la cour paries
cris du parti protestant. Le premier
effet de ce rapprochement fut l'exil
du duc de Monmouth , en Hollande.
Depuis ce moment , il fut accusé
plusieurs fois , et non sans motif
peut-être , d^ctre entré dans des cons-
pirations d'état. Son nom figura dans
celie qui est encore désignée sous le
titre de conspiration du Tonneau de
farine { Meal-tub ). Peu de temps
après , les artifices du comte de
Shaftsbury qui, comme lui, avait ju-
ré une guerre à mort au duc d'York ,
MON
le déterminèrent à répandre le bruit
qu'il était le fruit légitime de l'union
du roi avec miss Walters. Il alla
jusqu'à soutenir que leur contrat de
mariage était renfermé dans une cas-
appartenant à un nommé Gil-
bert Géraid. Cet homme, cité de-
vant un conseil extraordinaire, fît
serment que jamais il n'avait ouï
parler de l'existence de ce contrat.
CharlesIIsesenlit d'autant plus irrité
contre le duc de Monmouth , qu'au
mépris de ses ordres , ce dernier
avait quitté la Hollande pour repas-
ser en Angleterre, où il travaillait
avec audace à grossir son parti. S'il
n'est point prouvé qu'il connût toute
l'atrocité du complot de Rje-hause ,
dont le but direct était l'assassinat
du roi , il résulte , du moins , de ses
propres aveux , qu'il était intime-
ment lie avec les chefs des conjurés.
Dès qu'il apprit qu'ils étaient décou-
verts, ii se cacha; mais le monarque
ayant rendu une proclamation qui le
sommait de comparaître , il futforcé,
pour sa sûreté , de faire une démar-
che à laquelle ,dit le roi Jacques, son
cœur ne l'eût point porté. II écrivit
à Charles II, implorant humblement
le pardon de ses fautes, protestant
que la mort serait moins pénible pour
lui que les tourments de sa cons-
cience. Par une seconde lettre, il sup-
plia ce prince de lui accorder une en-
trevue , dans laquelle il promettait de
faire les plus importantes révélations.
En effet , il indiqua les conspira-
teurs les plus dangereux, et dévoila
tout ce qu'il savait de leur plan.
Mais à peine le roi lui eut-il accordé
un généreux pardon, qu'il renoua
toutes ses anciennes liaisons. Char-
les, au reste, ne s'était pas contenté
d'une confession verbale; il avait
exigé que le coupable, qu'il traitait
encore en fils, lui écrivît une lettre
MON
qui pût lui servir de garantie. Le duc
traça cette lettre daus les termes les
plus humbles et les plus soumis.
Mais bientôt, comme effraye' de se
voir compromettre envers un para
qu'il affectionnait toujours, il osa
presser le roi de lui rendre cet e'erit.
Cbalcs, justement irrite, lui ren-
voya sa lettre, et lui fit signifier en
même temps la défense de paraître
à la cour. Monmoutb se retira une
seconde fois en HoUan !e,oùle prin-
ce d'Orange le reçut avec une affec-
tation de tendresse qui était Irop éloi-
gnée de son caractère pour n'être
point attribuée à une politique ar:ifi-
cieuse. Ou a prétendu que Charles II
n'avait point entièrement banni Mon-
m >uth do son cœur, et qu'il lui fai-
sait passer îles secours par une voie
secrète. Il ne devait plus le revoir :
Charles cessa bientôt de vivre (168 '5).
Le prince d'Orange , en apprenant
sa mort, craignit que Jacques II,
son successeur, trop autorisé à re-
garder le duc de Monmouth comme
son ennemi , ne sommai les états-
généraux de le lui livrer. Il lui con-
seilla de se réfugier à Bruxelles :
mais Monmouth se crut moins en
sûreté encore sous le gouvernement
espagnol , et il retourna secrètement
en Hollande. Le comte d'Argyle y fai-
sait déjà les apprêts de son expédi-
tion. Il pressa le jeune duc. de s'unir
à lui; mais, dit un écrivain célèbre,
qui s'est cependant rendu son pané-
gyriste, Monmouth ne montrait plus
qu'une répugnance extrême pour tout
ce qui portait l'empreinte de la té-
mérité ( « ). Il avait résolu d'ajourner
toute tcutitive contre le gouverne-
ment de Jacques, jusqu'à ce qu'une
occasion plus favorable se présentât
(l)l > oflht €arljr punvjth» reigf
g/James i't€ ncund.
MON 383
d'elle-même. Mais ce que Monmouth
voulait différer , l'impatient Argyle
vou lait le brusquer :i! desirait qu'une
descente en Angleterre pût se com-
biner avec celle qu'il méditait en
Ecosse. Il mit donc le premier à la
voile ( V. Jacques fï , xxi , 35g ).
Peu de temps après , Monmouth part
du Texel , avec trois petits bâti-
ments et quatre-vingts hommes. Il
débarque à Lyme, sur la côte du
Dorsetshire, le 11 juin 168"). Sa
première opération fut de publier
une proclamation , dans laquelle
n'appelant Jacques II que le duc
d'York et l'usurpateur, il poussait
la fureur contre ce prince jusqu'à
l'accuser d'être l'auteur de l'incendie
de Londres , et d'avoir empoisonné
le roi Charles II , son frère. Les pro-
testants se rallièrent avec d'autant
plus d'empressement à Monmouth ,
que depuis long-temps il avait apos-
tasie , pour grossir son parti de
tous les ennemis du duc d'York. Il
se vit bientôt ta la tête de deux ou
trois mille hommes , et marcha sur
Axminstcr. Mais déjà le roi avait
obtenu du parlement un bill d'at-
tainder contre lui, et !a promesse
de einq mille livres Sterling à qui le
livrerait mort ou vif. Déjà aussi Ar-
gyle, pris en Ecosse, avait payé
de sa tête la hardiesse de sou en-
treprise. Monmouth n'avait plus
de ressources qu'en lui - même ;
et c'est alors que l'on put voir
combien étaient médiocres toutes
ses facultés. Parvenu jusqu'à Taun-
ton , il y fit une seconde procla-
mation dans laquelle, se disant fils
lé-ilime du feu roi, il se déclarait
son successeur , et prenait le titre
de Jacques II. Mais bientôt l'année
royale parut : elle étail comman-
j) ir le i<>uue du< marie ,
fils du laineux Monk. Monmouth
:' •
avait besoin d'un coup d'éclat pour dans sa fuite à travers champs. C'est
U
la coiiliance : au lieu cic
chercher une action générale, ii mit
tous ses soins à l'éviter. Il tenta,
mais vainement, de se faire ouvrir
les portes de Balh et de Bristol. Ses
partisans appartenaient presque tous
à la classe du peuple; et ils étaient
sans influence. Fox, qui a recueilli
îfous les détails de celte expédition,
lait, à ce sujet, une réflexion très-di-
<!c remarque, et surtout sous sa
plume: « La laveur populaire, dit-
» il , a ses douceurs ; mais Mon-
» moutli savait bien que, s'il ne par-
» venait pas à gagner les premières
» classes , il lui était difficile de se
» flatter du succès. 11 est impossible
» qu'il n'eût point observé que les
» habitudes et les préjugés du peu-
» pie anglais sont éminemment aris-
» tocratiques. L'histoire ne luifour-
» nissait pas un seul exemple d'une
» révolution qui eut réussi sans le
» concours des anciennes familles
» et des grands propriétaires. » Ce-
pendant l'armée royale s'approchait.
Monmouth , après avoir témoigné de
l'hésitation et même de l'abattement,
prit tout-à-coup la résolution déses-
pérée d'aller surprendre l'ennemi
à Sedgemore, près de Bridgewater.
Mais sa marche fut découverte :
sa cavalerie , commandée par lord
Grey, compagnon de son exil, lâcha
pied honteusement. L'infanterie pa-
rut vouloir tenir ; mais Monmouth ,
en se retirant irop tôt pour sa gloire,
dit Fox lui-même, donna le signal
d'une déroute complète ( 6 juillet
i685 ). Abandonné bientôt par sa
petite escorte , réduit à errer à pied
dans la campagne, il tomba de las-
situde, et se coucha dans un fossé,
à demi recouvert par des orties et
de la fougère. Il n'avait sur lui
que quelques pois verts , cueillis
i! fi
le le. idem;
m qu u lut pris le Jenacmant gc
la bataille. Il fut conduit aussitôt
à Londres. Son découragement et
sa faib'esse étaient extrêmes. En ar-
rivant à la Tour, son premier soin
fut d'écrire au roi une lettre exces-
sivement humble, où , après avoir
protesté de son sincère repentir, il
suppliait le monarque de daigner
l'ai mettre en sa présence, protestant
qu'un seul mot suffirait pour dé-
sarmer son courroux. Fox , qu'il
faut toujours citer de préférence ,
parce qu'étant l'apologiste de Mon-
mouth et l'ennemi de Jacques II ,
son témoignage contre le premier ne
peut être suspect , Fox avoue naïve-
ment que, si le duc écrivit cette lettre
humiliante, c'est qu'il tenait for-
tement à la vie. On s'accorde généra-
lement à penser que le seul mot au-
quel Monmouth attachait tant d'im-
portance, était la révélation de ses
intelligences secrètes avec le perfide
comte de Sunderlaud, premier mi-
nistre et favori de Jacques II. Il est
certain, du moins, que le duc en fit
part à Ralph Sheldon, qui avait été
envoyé au-devant de lui , pour l'ame-
ner à Londres. Le roi Jacques lui-
même a consigné ce fait dans ses
Mémoires. C'est là aussi qu'il rap-
porte les détails de son entrevue avec
le prisonnier. « Monmouth , dit-il ,
» se jeta à genoux en entrant, et
» rampa sur le plancher pour em-
» brasser les pieds du roi : oubliant
» qu'il avait voulu jusque-là se faire
» passer pour un héros, il se con-
» duisit avec bassesse et abjection, »
Après avoir déduit toutes les raisons
d'état cpii ne lui permettaient pas
de faire grâce, Jacques II ajoute :
« Monmouth alla jusqu'à faire enten-
» dre qu'il desirait revenir à la reli
» gion catholique. Le roi ayant en-
MON
» Toyé quelques personnes pour l'en-
» treteniràce sujet, on n'eut pas de
» peine à découvrir qu'il songeait
» plutôt à sauver son corps que son
» arae. Quand il vit qu'il ne réussirait
w pas par ce moyen , il se déclara
m meilleur protestant que jamais ; ce
» (.;ne les ministres anglicans qui l'as-
» sistèrent, ne voulurent point re-
» connaître. — 11 prétendit ensuite
■» que lady Henriette Wentworth , sa
n maîtresse, était sa femme légitime,
» à la face du ciel, tandis que, d'un
» autre cote, il recommandait aux
)> bontés du roi les enfants qu'il
» avait eus de la duchesse de Mon-
» mouth, laquelle vivait encore. »
La duchesse , qui appartenait à l'an-
cienne famille écossaise de Buc-
cleugh, demanda elle-même avoir
son époux dans la prison : quelques
écrivains ont prétendu qu'il s'y refu-
sa ; mais il est certain que l'entrevue
eut lieu, et qu'elle fut extrêmement
froide. Les mêmes écrivains se sont
également trompes, quand ils ont dit
que la reine, présente à L'audience
que Jacques accorda au duc, l'acca-
bla elle-même des plus sanglants ou-
;s. Fox fait observer queBurnet,
si passionné contre les Stuarts, n'eût
point manqué de rapporter cette cir-
constance, si elle eut été conforme à
rite'. Le 1 ~> juillet , jour fixé
pour l'exécution , Moumouth fut
! ut à Tovverhill. Deux évéques
anglicans L'accompagnèrent jusque
sur l'eehafaud; ils le pressaient de
manifester hautement des principes
plus orthodoxes sur la doctrine de
non-résistance , ci de demander pu-
bliquement pardon de sa révolte,
qu'il affectait de n'appeler qu'une
invasion. Il secontruta de dire : «Je
» meurs bien i .!<• s'en
!i<»u qu'il avait
le le matin même : il reconnais-
MON
38
sait, par et 'ait contre
:e qu'il avait pris le titre de
roi , et que Charles 11 lui avait affir-
me n'avoir jamais été marie' a\
mère. Mon mouth alors n'adi
plus la parole qu'à i ;;• : il
le pria de ne point lui bander les
yeux, et de ne point le manquer
comme il avait manque lord Russel.
L'ex^utcur, troublé par ce souvenir,
n'en devint que plus mal-habile; et
ce ne fut qu'au cinquième coup que
la tête de Moumouth fut séparée du
corps. Il n'avait que trente-six ans.
Ou a prétendu que le fameux Masque
de fer ( V. XXVII, 393 ), n'était
autre que le duc de Moumouth. De
toutes les conjectures qui ont été fai-
tes à ce sujet, c'est peut-être une des
moins déraisonnables. S — v — s.
MONNET ( Jean ) , né à Con-
drieux , près de Lyon , fut orphelin
à l'âge de huit ans , et resta jusqu'à
l'âge de quinze ans, chez un oncle
qu'on appelait le Rabelais du canton,
mais qui, tout à ses plaisirs, négligea
l'éducation de son pupille. Le jeune
Monnet savait à peine lire, lorsqu'un
de ses compatriotes le conduisit à
Paris, et le plaça auprès de la du-
chesse de Berri ( tille du rég
Cette princesse, charmée du talent
qu'il montrait pour exécuter ei
trefairela voix 1 1 les g< stes de tout» s
les personnes qu'il \ oyait , le pril eu
affection, et lui lit donner plusieurs
maîtres d'agrément. Déjà Monnet se
livrait aux plus douces espérances,
lorsque lout-à-coup il perdit sa bien-
faitrice , le •>.() juillet 1719. H était
sans ressource : la veuve d'un vieux
militaire le reçut chez elle,
pas une existence honorable ; 1
dant elle lui offrait quelques
mentS : mais les parents de l,i dame
la firent enfermer. Monnet alla de-
mander asile à un cousin qu'il
386
MON
à Mortagne. Il ne tarda pas à ressen-
tir une vive passion pour une jeune
personne d'une bonne famille; et,
payé de retour, il se disposait à l'en-
lever. Le projet fut découvert, et
manqua. Dans son désespoir, Mon-
net se retira à la Trappe; mais, le
neuvième jour, il quitta le couvent,
et reprit le chemin de Paris. Pendant
dix ou douze ans , il exerça plu-
sieurs métiers. « Je fus, dit-il, bi-
» bliothécaire, éditeur, mêrneauteur
» de plusieurs ouvrages. » Après une
jeunesse dissipée et orageuse , il ob-
tint, en 1743, la direction de l'Opé-
ra-Coraique , dont on le priva bientôt ,
quoiqu'il eût revivifié ce spectacle.
Il était , en 1 7 45 , directeur du théâ-
tre de Lyon, et, en 1748, d'une
troupe française à Londres. Il se lia,
dans cette ville avec le fameux Théo-
dore, roi de Corse. De retour à
Paris , il y reprit , en 1 752 , la direc-
tion de l'Opéra-Comique , qu'il con-
serva jusqu'en 1757 : ce fut l'époque
la plus brillante de ce spectacle.
Monnet fit, en 1766, un nouveau
voyage à Londres , puis revint à
Paris , où il est mort obscurément
vers 1785. De nombreuses recher-
ches sur les premiers ouvrages que
Monnet lui-même, ainsi qu'on l'a vu,
dit avoir publiés de 1720 à 1780
environ, n'ont amené aucun résultat.
Mais il a fait imprimer plus tard :
I. Anthologie française , ou Chan-
sons choisies depuis le treizième
siècle jusqu'à -présent , Paris , Bar-
bou, 1 765 , 3 vol. in-8°. La Préface
ou Mémoire historique sur la chan-
son, est de Meusnier de Querlon. Ce
recueil est estimé, et mérite de l'être.
II. Choix de chansons joyeuses,
Supplément à V Anthologie , in-8°. ,
de 1 10 pag. , à la suite desquelles on
trouve ordinairement les Chansons
gaillardes, en 80 pag, , et un cahier
MON
d'airs notés en iG pag.; niai
Chansons gaillardes et la musique
ne sont autre chose que le recueil de
Collé, intitulé : Chansons joyeuses
mises au jour par un âne onynte
OTiissime, 1765, in - 8°. Le Choix
seulement est donc de Monnet. III.
Supplément au Roman comique, ou
Mémoires pour servir à la vie de
Jean Monnet, écrits par lui-même ,
1772, 2 vol. in-12, ornés du por-
trait de l'auteur , au bas duquel on
lit ces mots : Mulcet , Mtvet , Mo-
net ; il avait déjà pris pour inscrip-
tion de son théâtre à Lyon, cette
devise , où il fait allusion à son
nom. Les Mystifications de Poin-
s'uiet se trouvent à la suite des Mé-
moires de Jean Monnet, qui ont
fourni à MM. Barré , Radet et Des-
fontaines , le sujet d'un joli vaude-
ville intitulé : Jean Monnet , joué
pour la première fois , le 4 thermi-
dor an vu ( '21 août 1 799 ) , et im-
primé in-8°. A. B — t.
MONNET (MarietteMort:au fe.),
née à la Rochelle, d'une famille pau-
vre, reçut une éducation très-bor-
née; mais, la vivacité de son esprit
suppléant au défaut d'instruction ,
elle avait à l'âge de seize ans obtenu
déjà plus d'un succès littéraire. Vol-
taire , lui - même , lui écrivit une
lettre très-flatteuse , à l'occasion de
ses poésies. Peu de temps après elle
fit paraître sa charmante Idylle sur
lesjleurs; mais toutes les ressources
de son imagination brillante et de son
esprit philosophique se déployèrent
surtout dans les Contes orientaux ,
qu'elle publia, Paris, 1779, in-12,
et dans Y Histoire d! Àbd-Almazour,
ou Suite des Contes orientaux, 1 784,
in-12. Nous avons encore d'elle, Let-
tres de Jenny Bleinmore , 1787, 1
vol. in-12, et quelques pièces de
théâtre. Mm*. Monnet parlait avec
MON
beaucoup d'agrément et de facilite ;
elle eut pour amis D'Alembert ,
Diderot, et principalement Thomas,
qui entretenait avec elle une corres-
pondance suivie. Elle mourut dans
é peu avance, le xi novembre
1790. Une opération intempestive
au sein, fut la cause de sa mort
G— r— r.
MONNET (ANTOiNfe-fcRlMOÀLD),
chimiste distingué, naquit, en 1734,
à Champeix , en Auvergne , de pa-
rents peu favorisés de la fortune.
Porté par son goût naturel à l'étude
des sciences physiques, il s'y appli-
qua avec beaucoup d'ardeur, et éta-
blit une pharmacie à Rouen. Ses
succès l'ayant l'ail connaître, il vint
à Paris, et mérita la protection de
Malesherbcs , qui lui procura, en
1774^ la place d'inspecleur-général
des mines. 11 remporta, la même an-
née, un prix à l'académie de Berlin,
par un Mémoire sur l'arsenic; et,
l'année suivante , il fut encore cou-
ronné par l'académie de Manheim.
Guettard associa Monnet à ses tra-
vaux, et lui confia la publication de
l'Atlas minéralogique de la France
(T. G i/. Monnet
cul le tort de s'aveugler, au point de
ne pas reconnaître les progrès que
la chimie dut aux d
îsicr, des Fourcroy, des Bcr-
thollet, etc. , et le tort plus grand de
combattre les résultats évidents de
l'expérience. Son entêtement
: h- brouilla avec presque tous
les savants, el nuisit beaucoup à sa
célébrité. Privé dé sa place, par la
révolution, il passa sa vieillesse dans
une retraite profonde, et mourut à
Palis, le 23 mai 1 S 1 - .dans un âge
avancé. Il était meml
démies de Stockholi d et de
Turin. Il a traduit plusii
ges de l'allemand : Exposition des
MON 387
mines, et Dissertation sur les mines
de cuivre , Londres ( Paris ) , 177»,
in- 12. — Traité de V exploitation
Ses mines, avec des notes, 1773,
in-/>°.; traduction très -estimée.'—.
Voyage miner alogi que, fait en Hou-
grie et en T ranssylvanie , par de
Boni, Paris, 1780, in-8°. On a eu
outre de Monnet : I. Traité des eaux
minérales, Paris, 17 08, in-12. il.
Traité de la vitriolisalion et de l'a-
lunation , ibid. , «7^9, in-12. Iil.
Catalogue raisonné minéralogique
ou Introduction à la mû
ibid., i 77*2, in- 12. IV. Nouvelle hy*
drologie, ou Exposition • i ■
et de la quaiiti
1,772, in-12. V. Traité de la dis-
solution des métaux, ibid., i
in- 1 2 ; ouvrage estimé. Y ; .
système de mu: uillon
1779, in-12. Vil. Dissertatii
iences itlat'wes aux principes
de la chimie pneumatique , Turin
178;), in-4'J. VIII. Mémoire his-
torique et politique sur les mines
de France, Paris, 1790, in -8°.
IX. Démonstration de la fausseté
des principes des nouveaux chimis-
tes, ibid. , 1 798 , iu-8°. X. Un grand
nombre à'dnalyses et de Mémoires,
dans le Journal de lJhysique} etc.
—s.
MONNIER (Dorn Hilarion ), sa-
vant cohtroversiste. naquit, en i(j j(j
à Toulouse, bailliage de Poligni i
d'une famille noble. Resté orphelin
en bas-âge, il fut élevé., par les soins
d'un oncle , pi<>n\ ecclésiastique y
qui lui inspira l'amour de l'étude et
de la retraite. Si
prit rhabil
sançon, el, '
ies supérieurs , d'ei
philosophie et la th
qu'il professai! S ûnt-
Miliiel; le cardinal tic R<
25..
388 MON
Commcrci , entendit, parler des ta-
lents de D. Monnier, et l'invita à
assister aux conférences qu'il avait
le projet d'ouvrir sur la philosophie
de Deseartes. Le modeste religieux
fît briller dans ces assemblées une
telle pénétration d'esprit , une si
grande facilité d'élocution , qu'il en
devint le modérateur et le chef, sans
avoir pensé à briguer cet honneur.
Envoyé à Paris , en 1677 , il y fut
accueilli par Mabillon , Nicole , Du-
guet, et d'autres savants hommes
avec lesquels il resta en correspon-
dance. Ce fut par leurs conseils qu'il
se voua à la carrière de la chaire.
Après la révocation de l'édit de
Nantes , il fut chargé de prêcher la
controverse à Metz , en 1 686 ; et il
s'en acquitta avec beaucoup de suc-
cès. D. Monnier remplit successive-
ment les premiers emplois de sa con-
grégation. Nommé, en 1706, prieur
de Morey , i! y tomba malade , et
mourut dans de grands sentiments
de piété, le 17 mai 1707. Ou a de
lui : Eclaircissement des droits de
la congrégation de saint Vannes ,
sur les monastères qu'elle possède
en Franche-Comté , 1688, in-4°. ;
utile pour l'histoire monastique de
cette province. — Sept Lettres ,
contenant la réfutation du système
de Nicole , sur la grâce ; elles ont
été publiées par Duguet , à qui elles
sont adressées dans l'ouvrage inti-
tulé : Réjlexions sur le traité de
la grâce générale , 1 7 1 6 , in-i 2.
— Deux Lettres à Mabillon , sur
les études monastiques , dans les
Œuvres posthumes de Mabillon.
— Lettre à un docteur de Sor-
honne , sur la vocation à la vie re-
ligieuse. 11 a laissé en manuscrit des
Serrm
des Traités de morale et
de controverse , conservés dans sa
famille. L'abbé Monnier chanoine
MON
de Troies , l'un de ses petits-neveux 7
a publié : Abrégé de la vie de D.
Ililar. Monnier ( Dole, 1 786 ) , in-
12 de 12 pag. W — s.
MONNIER ( Louis - Gabriel ) ,
graveur, né à Besançon, le 1 1 octo-
bre 1733, fut placé jeune dans l'a-
telier de Durand, graveur de la
monnoie, à Dijon, et vint ensuite
à Paris se perfectionner dans les
principes de son art. De retour à
Dijon, il se lia d'une étroite amitié
avec Devosges, qui venait de créer ,
dans la capitale de la Bourgogne, une
école de dessin , justement célèbre
par le grand nombre de bons élèves
qui en sont sortis ( F. Devosges). Ce
fut par ses conseils que Monnier s'ap-
pliqua à l'étude de l'antique, à la-
quelle il dut cette pureté de dessin
qui distingue ses productions de celles
des artistes de la même époque. Le:
états de Bourgogne, désirant le fixe
dans cette province , lui coniièrcn
l'exécution de divers ouvrages con
sid érables , qu'il termina avec le plus
grand succès. Cet artiste, d'un carac-
tère doux et modeste , sortait ran
ment de son atelier , où il se plaisait
à recevoir les savants et les curieux
qui s'empressaient de le visiter
conserva , jusqu'au terme de sa car-
rière , la même égalité d'humeur, 1
même assiduité au travail , et mouru
à Dijon, le 28 février 1804 , uni ver-
sellement regretté. Il était, membre
de l'académie de cette ville. Parmi
les plus belles productions de Mon-
nier, on cite, la Carte topographique
de la Bourgogne , par Paucher,
sous-ingénieur de la province, 3 feuil-
les ; la Carte des chaînes de monta-
gnes et des canaux de la France , par
le même; la grande Carte synopti-
que, qui accompagne les Notions
élémentaires de botanique ( V. Dl-
iujnde, XII , 346 )'} les Vignettes et
i
MON
les Estampes du iv°. vol. de Y His-
toire de Bourgogne, par D. Plan-
cher; celles du Salluste, trad. par le
président de Brosses; des Antiquités
de Diji n1 par Legoux de Gerland;
le beau Frontispice des Mémoires de
l'acad. de Dijon, tic. 11 a grave en
creux et en relief un très -grand nom-
bre de Sceaux , de Cachets , de Je-
tons , et de Médailles recherchées
des curieux. « Les médailles de Mon-
» nier, dit M. Paillet, ne représen-
» tent pas des figures isolées sur des
» fonds unis ; elles y sont placées sur
» des fonds d'architecture, etaccom-
» pagnées d'accessoires qui rendent
» reflet des bas-reliefs. Le nu y est
» correctement et savamment expri-
w me ; les tètes et les extrémités ,
» toutes gravées dans le creux, ont
» les perfections qu'on pourrait de-
» sirer dans de grandes statues. » On
peut consulter , pour plus de détails ,
V Eloge de Monnier dans le Pan-
théon dijonnais , p. 8 0-8 5. W — s.
MONNIER (Le). ^Lemonnier.
MONNIOTTE ( Dorn Jean-Fran-
çois ) , habile mathématicien, né en
17 >. 3, à Besançon, entra fort jeune
dans la congrégation de Saint-Maur,
et fut chargé, par ses supérieurs,
d'enseigner la philosophie et les ma-
thématiques ii l'abbaye de Saint-Gcr-
main-des-Prés. Religieux simple et
modeste, attaché à sa règle, il par-
tageait son temps entre l'étude et les
devoirs de son état Apres la suppres-
sion de son ordre, il se retira a Tï-
gery, près de Corbeil3 el y mourut le
\ ril 1797. 11 avait eu la douleur
de voir périr, sur l'échafaud, son
table, qui
urage contre les
décrets sanguin 1 nven-
tion. 1). Monuiotte csl l'éditeur des
Institutiones pi
Pan- 1 ( /''.
MON 38o
: d ) ; et il est le véritable au-
teur de Y Art du facteur d'orgues ,
publié sous le nom de D. Bedos de
Celles, dans la Description des arts
et métiers ( V. Bedos ). On trouve
dans le Magasin enejelopéd. ( 111e.
ann. , tom. icr., pag. 267) une Pièce
de vers latins , à la louange de D.
Monniotte, par M Guiot, ci-devant
prieur de Saint - Guerrant , à Cor-
beil. W— s.
MONNOIE ( Bernard delà),
né à Dijon, en 1641 , étudia sous
les Jésuites , et, dans son cours d'hu-
manités, commença de se faire un
nom par des épigrammes latines ,
que suivirent des compositions fran-
çaises , doublement remarquables
par la jeunesse de l'auteur, et par
une élégance alors peu commune en
province. Pour répondre aux vœux
de son père, qui lui marquait sa place
au barreau , il alla faire son droit à
Orléans : là, cédant, à son insu, à
l'ascendant de ses goûts littéraires ,
il s'appliqua surtout à recueillir ,
parmi les épines de la jurisprudence,
des particularités curieuses sur les
auteurs et les livres qui en avaient
traité. Il débuta au parlement de Bi-
jou , en 1662 ; mais l'incompatibilité
de sa nouvelle profession avec les
besoins de son esprit se fit bientôt
sentir- et colorant sa répugnance du
prétexte de l'affaiblissement de sa
santé, il échappa au labyrinthe des
lois, et se livra tout entier aux let-
tres. Dijon possédait à cette époque
une réunion d'hommes qui justi-
fiaient les éloges donnés par Voltaire
à l'esprit cultivé de ses Habitants :
il un noyau d'académie, dans
lequel on distinguait le président
Bouhier, Lamare, Dumaj , Lantin ,
Legoui ,' Moreau de Mautour, le I*.
mi et l'abb&Nicaise. L 1 Monnoie
se partagea entre ses livr< -
3qo
MON
amis : il leur offrait les primeurs de
sou talent poétique; et l'approbation
d'un perde pajsibîe suâ^sait à son
ambition. 11 allait jusqu'à gourman-
•is, s'il leur arrivait de le
tra air parla publicité' de leurs éloges.
Un succès .sur lequel il avait peu
compte, lit réfléchir sur lui l'éclat
qu'il redoutait si fort. L'académie
française proposa, en 1671, pour
sujet du prix de poésie qu'elle décer-
nait pour la première fois, Y abolition
:cl. La Monnoie se mit sur les
ïanjgsj et Sa pièce qu'il envoya, fut
couronnée. Avant que l'auteur fût
u , Charles Perrault la vantait
avec chaleur. Mais, lui dit quel-
qu'un, si elle était de Despréaux ?
— Fut elle du Diable, répondit l'é-
quitable académicien , elle mérite
le prix , et l'aura. Le texte des com-
positions que l'académie demandait
pour ses concours, roulait .éternelle-
ment sur les louanges de Louis XIV:
ce fonds uniforme offrait pourtant
encore des inspirations au talent. Si
l'on excepte La gloire acquise parie
roi, en se condamnant dans sa pro-
pre cause , les autres sujets traités
par la Monnoie, La gloire des armes
tt des lettres sous Louis XIV, L'é-
ducation du Dauphin , Les grandes
choses faites par le Boi en faveur
de la religion, pouvaient soutenir
sa musc : il triompha cinq fois, et le
bruit courut que ses juges l'avaient
fait prier de s'abstenir désormais du
concours, dont sa supériorité écar-
tait trop de rivaux. En célébrant le
zèle de Louis pour la cause de la re-
ligion , la Monnoie eut pour concur-
rents Fontenelle et cet abbé Dujarry,
qui depuis , dans une autre joute aca-
démique , l'emporta sur Voltaire
adolescent. C'est à Santeul que la
Monnoie fut redevable de son der-
nier succès. Le Yictoriu avait chanté
MON
le succès des me
envers latins
prises par le roi pour extirper l'iu
résie ; mais sa pièce ne pouvant dis-
puter le prix, il envoya au concours
la traduction eu vers français qu'en
avait faite la Monnoie , et sans en
prévenir celui-ci. La Monnoie ayant
obtenu la médaille , Santeul la ré-
clama comme premier auteur : uu
acfe par-devant notaire termina le
différend • le religieux fut nanti de la
médaillé, moyennant quoi il déclara
que la Monnoie en avait toute 1 a
gloire. Le désintéressement du poète
dijonnais lui aurait fait oublier le
soin de sa fortune , sans la sollici-
tude de sa famille. Pour la satisfaire
et pour ne point demeurer sans état,
il acheta, en 1672 , une charge de
conseiller-correcteur en la chambre
des comptes , qu'il garda pendant
huit ans. Quelque temps après il se
laissa marier , et n'eut point à s'en
repentir. Ses amis le pressaient de-
puis long-temps de se fixer à Paris ;
il leur répondait qu'il n'y serait con-
sidéré que comme un bel-esprit , rôle
dont il se souciait fort peu. « Toute
» petite qu'est ma fortune , ajoutait-
» il, j'en suis coûtent; je n'ai aucune
» ambition : je n'ai jamais rien dc-
» mandé, et neveux rien demander
» encore aux puissances. » 11 répé-
tait la même chose en vers :
A te nil unquàm petit , Lodotce ,pciamve ;
A ma ml itmjuàm sic , Lodotce, petits.
Ce qui le faisait insister sur ces pa-
roles, c'était la mauvaise humeur que
lui causaient certaines mesures fis-
cales : il s'en prenait aux instruments,
des exactions dont il avait «à se
plaindre. Publicanus, disait-il , équi-
vaut à publiais canis. Du sein de
son indépendance philosophique, il
laissait couler des vers , dédaignés
aujourd'hui, mais qui servirent alora
W
MON
à augmenter sa réputation. Santeul ,
aux productions duquel Corneille
prêtait quelquefois le secours de son
talent, préférait la manière de la
Monnoie , traducteur plus souple et
plus fidèle. Celui-ci, en se mettant
en veine pour le lyrique latin, entre-
prit le même travail sur un grand
nombre d'hymnes, et rendit en fran-
çais , vers pour vers, la Glose de
sainte Thérèse, composition espa-
gnole en stances, qui expriment les
transports de l'ame unie à Dieu par
la communion (i). Il voulut dédier
cette traduction à Mlle. de Lavallière,
alors carmélite; mais elle refusa par
humilité. On raconte que Racine , in-
vité ta traduire de nouveau cette
pièce ascétique, répondit quon ne
-pouvait mieux faire que M. de la
Monnoie : paroles évasives , qui ne
prouvaient que le sentiment des dif-
ficultés d'une telle entreprise. La
Monnoie, par la tournure de son es-
prit, était peu propre à la poésie
noble : dominé par l'enjoûment de
son caractère, il se montait diffici-
lement au ton de son sujet; cédant à
sa facilité, il rencontrait le plus sou-
vent des expressions Vulgaires , et
tombait dans le prosaïsme, sermone
pedestri. Voltaire, fidèle aux admi-
rations de sa jeunesse, a loué
bitamment le Duel aboli; c'est dans
cette pièce, et dans celle que la Mon-
noie composa sur l'éducation du
Dauphin , qu'il a semé' ses meilleurs
: il y a de la force e! du mouve-
ment; nuis Les négligences et les inver-
sions \ icieuses y forment de trop fré-
quentes disparates. Le poète a mieux
es épigrammes et ses
• ntewbic
MON 39x
contes, imités pour la plupart, et
qui ne demandaient que du naturel et
de la vivacité (i). Il fit surtout une
heureuse application de son talent ,
en écrivant des Noèls dans le patois
de son pays. Aimé Piron, père de
l'auteur de la Métromanie , et apo-
thicaire à Dijon, s'était d^jà essayé
dans ce genre; et ses pc'iles pièces,
adaptées aux circonstances, avaient
joui d'une vogue extraordinaire. La
Monnoie lui reprocha un jour sa
manière expéditive, qui l'empêchait
de mettre dans ses compositions tout
l'art et toute la finesse dont elles
étaient susceptibles. L'apothicaire
le défia de faire mieux; et il répon-
dit en publiant treize Noèls, sous le
nom de Gui Bdrozai , dénomination
par laquelle on désignait les riches
vignerons de la Côte, porteurs de bas
à coins de couleur rose. Seize autres
Noèls parurent la même année
( 1700); et l'on put dire que la Mon-
noie avait tué son devancier. Ces
chants populaires , où des grâces
toutes nouvelles ornaient un dialecte
naïf; mais pauvre et borné dans ses
moyens, et où le sel de la satire
remplaçait quelquefois une gaîté tou-
jours ingénieuse, furent bientôt dans
toutes les bouches : ils pénétrèrent à
la cour, et y furent chantés. De-
discordantes troublèrent ce concert
de louanges : une piélé méticuleuse
crut apercevoir, dans des couplets,
(1) Parmi les lions 1
piul <i" 11 forme
Id , lion! quel* I Mij>< 1 it un •- «
lout 1 1' qu'on ;>\ .ni al 1 1 u>- mil ux
\\ .llilili's Mil II
..• 111 coltégl 1
,1 . i<t. HH'di
. ou .le
'i de lu
CtUc provocation par un
3q> MON
tout au plus malins, le dessein for-
mel de touiiier la Bii le en ridicule.
Un nomme Magnicn , vicaire à Di-
jon, déjà plusieurs fois repris pour
arts de son zèle, fit, en chaire,
une violente sortie contre L'élégant
badinage dont les mondains se lais-
saient charmer. Vers ce temps-là,
un missionnaire qui avait opéré
beaucoup de conversions à Dijon ,
fit, dit- on, brûler entre autres livres,
sur la place publique, le josèphe
d'Arnauld d'Àndiliy, attendu que
tout ce qui venait d'un janséniste
était suspect. La Monnoie n'eiail
donc pas rassuré par son orthodoxie
et par la régularité de ses mœurs. Ses
ÏSo'èh furent déférés à la censure de
la Sorbonne; mais, quoiqu'en ait dit
Voltaire , elle évita, contre i'avis de
neuf de ses docteurs , le ridicule de
fulminer en pareille occasion. La
Monnaie se vengea de ses détrac-
teurs par le sarcasme; et voulant
multiplier ses lecteurs, et donner un
démenti à Dumay, qui , très-versé
dans ie patois bourguignon, trouvait
dans les Noëls la preuve d'une con-
naissance imparfaite de ce dialecte,
il composa un Glossaire des mots
bourguignons les plus difficiles à
entendre. Ce fut pour lui un cadre ,
où il fît entrer une érudition agréable,
et où il sut glisser de piquantes anec-
dotes : de ce nombre est l'extrait d'un
sermon de saint Vincent Ferrier, sur
le devoir conjugal, morceau qui a
beaucoup d'affinité avec le Calen-
drier des vieillards de La Fontaine ,
et qui est un monument précieux de
l'innocence de l'orateur, ainsi que
de la simplicité du temps. La Mon-
noie passait, de ces débauches d'es-
prit, à l'élude réfléchie des écri-
vains de l'antiquité: quoiqu'il ne se
fût appliqué au grec que vers l'âge
de quarante ans, si nous en croyons
MC.
d'Olivct, il était aussi versé dans
la littérature grecque que dans celle
de Home. 11 avait un goût particu-
lier pour faire des vers dans l'une
et l'autre langue. C'est ainsi qu'il
traduisit en latin son poème du Duel,
que, dans celte forme, il préférait à
l'original , et qu'il mil en grec plu-
sieurs odes d'Horace , et la sixième
satire deBoileau. La langue espagno-
le et la littérature italienne lui étaient
aussi très-familières; et les fàcovrati
de Padoue lui envoyèrent des lettres
d'académicien, en 1687. Ses corres-
pondances avec les savants avaient
répandu dans toute l'Europe sa ré-
putation de philologue consommé.
Nicaise, qui se faisait un plaisir d'é-
pargner quelques lettres à la paresse
de son ami, le plaça très-haut dans
l'estime de Bayle. Ce philosophe, re-
connaissant des utiles matériaux et
des nombreuses observations que la
Monnoie lui a^ait fait passer pour
améliorer la première édition de son
Dictionnaire , rendit un hommage so-
lennel à l'érudition saine, étend
ornée de son bienveillant auxiliaire.
En 1 707 , la JVlonnoie consentit en-
lin à venir à Paris avec ses livres.
Sa modestie put seule, pendant plu-
sieurs années, l'écarter de l'acadé-
mie française : il y fut reçu à l'unani-
mité , en 1 7 1 3 , à la place de Régnier-
Desmarais. On a imprimé sans fon-
dement qu'il fut dispensé des visites
d'usage. Son élection offrit une par-
ticularité plus intéressante. Trois car-
dinaux, membres de l'académie , l'y
portaient avec vivacité; mais comme,
dans les assemblées, le directeur, le
chancelier et le secrétaire avaient
seuls des fauteuils , l'étiquette, faisant
à leurs ëminences une loi de ne point
se confondre avec la foule sur ries
sièges inférieurs, les empêchait d'as-
sislcr aux séances , et de donner leur*
MO
voix à leur protégé. Louis Xl\
cette difficulté, en faveur de l'égalité
académique , eu accordant quarante
fauteuils a la compagnie. En 17 ( ~>,
la Monnoie se vit compromis dans
de nouvelles tracasseries, parla pu-
ilion du Mena ^iana. En corri-
geant les erreurs de Ménage , en
éclaircissant certains articles, il ce
da à la tentation d'y intercaler une
partie des remarques curieuses dis-
persées dans son porte-feuille. Des
esprits scrupuleux trouvèrent mau-
vais qu'il eût levé le voile sur cer-
taines personnes , et qu'il eût mêlé
à ses citations des traits un peu li-
bres. Le livre fut arrêté, et soumis à
des censeurs, avec lesquels il fallut
composer. La Monnoie eut assez bon
marché d'eux, servi qu'il fut par
leur impéi ilie et par le crédit du car-
dinal de Kohan. Après les avoir com-
- au Bridoie de Rabelais , il s'ap-
plaudissait de leur honte à laisser
par-ci par-là des articles plus licen-
cieux (fue ceux qu'ils avaient sup-
primés. Il prépara lentement les cor-
rections exigées; et l'édition eut le
temps de s'écouler sans cartons. Tan-
dis qu'il jouissait paisiblement de la
consid due à ses travaux, le
1 le de Law le dépouilla de toute
sa fortuné convertie en renies sur
L'état, et le Ire jusqu'à
médailles académiques. \
pertes se joignit celle d'une compa-
gne qu'il chérissait : sa sei eiuu
lut point altérée. Les consolations de
l'amitié, le produit de sa biblii
([uc, dont l'acquéreur lui laissa Pu-
I endanl sa vie , une pension de
six cents francs, qu'il dut à la géné-
' I' roi, une autre
d'égale valeur, que lui firent des li-
brair< remarques
Mti - Baillel . le
conduisirent san* 1
de sa vieillesse, arrivé le i5 octobre
17:28. De ses quatre enfants, trois
embrassèrent la vie religieuse. L'aî-
maric à Paris, fut le père d'eu
célèbre avocat au parlement. Ce
dernier, dit M. Lacrelclîe
homme plein d<
comme dans la figure : il portai
barreau le ion d'une conversation
agféable et facile ; et ses qualil
niables lui a •■ncilié l'attache-
ment et le respect. La douceur, la
Btie et l'urbanité de Bernard la
Monnoie , lui avaient fait de uoin-
. anus. Sa gaîté,quelquefoi
, perce dais ses contes et ses
épigrammes ; mais on se tromperait,
si Ton eu tirait quelque induction
contre ses mœurs : elles étaient irré-
prochables de tout point ; et naturel-
lement insouciant, il ne paraît pas
qu'il ait jamais pensé à justifier sou
anagramme : lo amo le donne.
uniquement comme critique et phi-
lologue que la Monnoie a conservé
sa célébrité : encore est-on un peu
fondé a lui reprocher la frivolité de
ses recherches. Burinait s'en expri-
mait durement, en l'appelant i/irir-
j'essus nugaiwn indagëtfor. La Mon-
noie avait pourtant trouvi
Allemagne : et 1 teta erutii-
torum de ! par Leib-
t.it/. , il était q
ele^aniiw periïi$$imus ci studiosis-
. pal mi ses contem-
porains, ne ; mieux l'histoire
littéraire, et ne le lui disputait et
il est
néanmoins remarquable qu'il n'eut
que des notions superficielles sur nos
trouvères , sui î< urs fa pliai
notre
e encore r •
si complètement exploité*
derni< rs lem] I 1 VI<
fencon
3o4
'
toute superstition dans son culte
pouf les aticiens . et se prononça
franchement en faveur de V OKdipe
de Voltaire. Il avouait hautement la
{> référence que lui paraissait mériter
a culture de notre langue; et il se
bornait à féliciter Santeul de s'être
empare, par ses hymnes, du seul coin
de réserve qui restât aux vers latins.
Les siens ont été insérés, ainsi que
ses vers grecs, dans le recueil des
Mecenliotes po'élœ selecti , par d'O-
livel. Ses poésies françaises, entre-
mêlées, sans discernement, de mor-
ceaux qui n'étaient pas de lui , fu-
rent publiées d'abord par Sallengre
sur des copies incorrectes et tron-
quées , la Haye , 1 7 1 6 , in-8°. : l'abbé
Joly rassembla de nouvelles poésies
pour faire suite au volume précé-
dent , Dijon , 1 743 , in-8°. Rigoley
de Juvigny , dans ses Œuvres choi-
sies de la Monnoie , la Haye ( Dijon ),
1770,2 vol. in-4°. ou 3 vol. in-8°. ,
divisés en ix liv. , ne fit guère que re-
procl uirele fonds de ces trois éditions :
ii entassa , sans méthode comme sans
goût, tous les matériaux qui se trou-
vèrent sous sa main* et il ne jugea pas
à propos de comprendre les Noels dans
sa compilation. Ses additions consis-
tent principalement dans le discours
de la Monnoie à l'académie, et en
rognures de ses lettres (1). Mercier
de Saint-Léger , et après lui Chardon
de la Rochette, avaient promis de
suppléer à l'ineptie de Rigoley , en
élaguant considérablement son re-
cueil , et en publiant, avec un choix
de Mélanges philologiques de la Mon-
noie , d'élégantes pièces de vers que
le pauvre éditeur avait oubliées. Ce
projet n'a point reçu d'exécution (2).
(\) Voycx d'autres fragments de Lettres delà Mon-
foie, Jiïagas. encycl., 1807, lotae m.
(a) On a f.iil un nouveau choix des poe'sies de la
ie, Palis, J780, in ii , et quelques-uns de
MON
Voici la 1 ste des productions de la
Monnoie , qui complètent la collec-
tion de Rigoley. I. Noeiborguignons
de Gui Bdrozai; ai Dioni (Dijon ),
1720 , petit in-8°. , avec le glossaire
et la musique. M. Louis Dubois ,
ancien bibliothécaire à Lisieux , a
qui l'on doit la récente édition des
Vaux-de-viredeBassclin, a donné le
texte plus épuré, plus complet des
Noèls et autres poésies bourguignon-
nes delaMonnoie, Châtillon, 181 7 r
in- 1 2, Ce n'était que l'annonce d'un
travail plus considérable, pour le-
quel il aura été gagné de vitesse par
M. Peignot, dont l'Essai historique
et bibliographique sur les ouvrages
publiés en patois bourguignon , par-
ticulièrement sur les Noèls de la
Monnoie , et le Virgile Viraien vers ,
est sur le point de paraître (1). IL
Menagiana, Paris, 17T5, 4 v°l*
in- 12 {V. Ménage, XXVIII, 254).
ses contes ont été inse'rés par Nougaret, à la suite de
ceux de Vergier, il>id. , 1801 , •?. vol. iu-ia.
1 Voici la série des diverses éditions dis Noëls:
ïr<\ Noei tô noven (au nombre de ïi) , composai an
lai me du tillô , Dijon , 1700, in-i» ; — ?.e. ibid. ,
même année, in-i?. , avec 16 nouveaux noei s corn-
posai an
lai rue de lu Roulotte
— 4e- P\eumeire (Dijon) , sans date, in-iî». ; — 0e.
(avec i'Épâlâgie dé Noei , qui avait paru à part en.
170(1;, Lucsambor (Dijon), 1717, in-12 ; — 6».
(cotée 4e) bonne édit. donnée par te président Bon-
hier, Dijon, 1720 , in-80. de 4itr nages, avec le
Glossaire; eile a servi fie typf? aux édit. suivantes, qui
en ont scupuleusement reproduit toutes les fautes , et
n'ont pas manque d'y en ajouter : il y eut. deux réim-
pressions des noels dans la même année; — 7<-'. Dijon,
1-2 4, iu-12; — 8e. (cotée 5c.) , avec les pièces d'uu
autre auteur, ifil , in-ia; — 9e- Dijon , Det'ay ,
1738 , avec la musique à la fin ; — îoc. de 1748 , in-
Ia ; ne, (cotée 5e.} de 177?. , ou environ , m-80.
de /pG p.; — i?.c, Dijon, 1^6 , in-80. ; _ i3«. , vers
1780,111-19-, sansle Glossaire; — 14e , vers 178?.,
in-ia , id. ; — i5e. (cotée 7e.), in-a4 > de 170
p., Dijon , 17<)9- , avec un abrégé du Glossaire; —
1 rie. édit. de 1817, procurée par l'auteur de cette
note. Uu amateur s'est donné la peine de mettre les
noëls en vers français; celte pitoyable traduction se
trouve dans un livre très-rare, Recueil des pièces
S , rassemblées par les soi/is du cosmopolite ,
]7.i5 , in-.',o. On sait que ce recueil est de d'Aiguillon
le pire , moitié 3i janvier i75o. G'est par erreur
que , tome I , 346 , °» l'a attribué à son fils. ( Voyew
les articles G RECOURT , XVIII , 373 , et MoNCRIF ,
p. 355 ci-dessus. ) Celte traduction a été reproduite;
par P. S. Canon , sons la même date , in-8«.
pnij. , non compris le titre. D— B — S.
MON
La Monnoie a rassemble , à la fin du
quatrième volume , quelques piè<
qui méritent plus particulièrement
l'attention des curieux: i°. Lettre
au président Bouliier sur le prétendu
livre des Trois imposteurs. II y dé-
montre, par une suite de raisonne-
ments sans réplique, qu'aucun de ceux
qui ont cile' cet ouvrage , ne l'avait
VUj etque, commeil est impossible,
quelque rare qu'on le suppose, qu'il
ait échappé aux recherches de tant
d'érudits , on en doit conclure qu'il
n'a jamais existe' que dans l'imagina-
tion de quelques impies. Cependant
un téméraire , qui spéculait sur la
crédulité des amateurs , a publié un
ouvrage sous le titre fameux : De
Tribus impostoribus , anno m duc ,
( i5g8) , petit in-8°. de 48 p. Un
exemplaire de celte édition , tirée cer-
taineuientà un très-petit nombre , est
annoncé dans le catalogue de Cre-
venna ; un second, acheté au prix
exorbitant de 474 fr« a ^a vente du
duc de la Vallière, est conservé à la
bibliothèque du Roi ; et M. Renouard
en possède un troisième , dont il a
donné une notice assez détaillée dans
son Catalogue de la Bibliothèque
d'un amateur (torn.i, 118). L'exa-
men que M. Bruneta lait de ce livre,
l'a mis à même de décider qu'il a été
imprimé en Allemagne, ou tout au
moins à l'imitation des éditions de
ce pays, dans le courant du w m' .
le. La note, avec la date manus-
crite de 1762 , que porte l'exeni-
Slaire de M. Kenouard , semble ;i ( e
ernier une preuve décisive que L'ab-
bé Mercier de Saint-: Léger n'a eu
aucune part a cciîc édition. ( F. le
Man. du libraire, tome 111 , p. 355;
lesj Questions de littérature légale
(de M. Nodier et le Dict.
des anonym. 1 Quant à la
prétendue e de ce
MON 3q5
livre , elle est évidemment de l'in-
vention de quelqu'un de nos esprits-
Torts de ees derniers temps. On trou-
vera dans le Dictionnaire de Pros-
per Marchand ( 1 , 3 1 1 ) , la notice de
tous les écrits qui ont paru pour
repousser ou pour soutenir l'exis-
tence du traité de Tribus impos-
toribus. — 'i°. Dissertation sur le
Moyen de. parvenir. La Monnoie
prouve que Beroalde de Vcrville en
est l'auteur. — 3°. Autre Disserta-
tion , sur le Songe de Poliphile ( V*
F. Colonna, IX , 3 19 ). 4°- Enfin ,
Dissertation sur la célèbre Epi-
gramme latine de Pulci sur un her-
maphrodite ( F. Pulci ). III. Re-
marques sur les Jugements des
savants de Raiïlet. ( V. Baillet,
III, '.128. ) Elles sont intéressantes,
et supposent une immense lecture.
La Monnoie se refusa aux instances
vindicatives du président Cousin ,
qui voulait qu'il les publiât du vi-
vant de Ménage. IV. Des Observa-
tions sur le Cjmbalum mundi , et
sur les Contes de Bonav. Despcr-
riers , publiées par P. Marchand ,
dans les éditions qu'il a données de
ces deux ouvrages. V. Remarques
sur le Poggiana ( de Lenfant ) , Pa-
ris , 1 n'i'i , in- 1 a. VI. Une Préface
et des Notes sur les Nuits de Slra-
parole. La Monnoie méprisait beau-
coup ces contes italiens ; il n'en ex-
ceptait que deux ou trois, qu'il a imi-
i H. Deux Préfacés pour \nPan-
charis, de Bonnefons. V1IÏ. des No-
tes sur la Bibliothèque choisie et sur
les Opuscules àeColqmies. 1\. Une
Dissertation sur le Passavant 1
de Bèze ; la Fie du poète S.inaziu
dans le tome r1. des Mémoires de
Sallengre. X. Une lettre à l'abbé
Conti sur les pruu tuteurs.
français; dans le tome \ 11 de li
JJibl. franc. Elle ne va que jusqu'à.
3/> MON
!. Rigoley a Cru sérieusement
que Voltaire en avait eu besoin pour
son Catalogue des Ecrivains du siè-
* le de Louis xiv. XI. La Vie de
Pyrrhon; trad. du grec de Diogène-
Laërce , et quelques autres mor-
ceaux , dans la continuation de
meir. de ,.,
tpme m et vi. XII. Lettre à Mait-
taire, contenant diverses]
sur h- s de Vimp i un erie , et
sur t.; Estiennes , Dm
1.7x2, 111-8.; et insérée dan
BibHoth. angk tome vu. ( F. MLâiï-
taire. ) XI IL Remarques sur les
Bibliothèques de Lacroix -Dum
et Duverdier, Paris, 17^2, 6 vol.
iii-4°. ( V. Rigoley de JuVfGPnr. )
La Monnoie fut encore l'éditeur du
Recueil de pièces choisies tant en
prose quen vers , la Haye ( Paris ) ,
1 7 1 4 5 2 vol. in- 12. Leuucnat pour
son Rabelais , Cosle pour son Mon-
taigne, Brossette pour son commen-
taire de Boileau, Gibert pour ses
jugements sur les rhéteurs, Sallengre
pour l'histoire de Montmaur, durent
beaucoup à ses communications : il
ne fut pas moins utilement consulte
par l'abbé d'Olivct pour l'édition des
lettres de Pogge , par Morabin et
d'Olivet pour plusieurs de leurs tra-
ductions. Il laissa eir manuscrit, des
Observations sur l'Anacrcon de Bé-
gnier-Desmarais , et des Remarques
sur les vies des jurisconsultes , de
Taisand. Le fils de celui-ci n'eut pas
l'esprit de profiter de ces Remarques
pour rendre moins fautive et moins
pauvre la compila lion de son père.
j.a Monnoie avait commence un tra-
vail sur la farce de Patelin ; mais
le déplacement d'un directeur de la
librairie , sur la tolérance duquel il
comptait, lui lit poser la plume. La
même considération l'empêcha de
tirer de son porte -feuille un com-
MON
méntairc sur Melin de Saint-Geïaîs.
On lui a faussement attribué une part
à i 'édition des anciens Poètes fran-
çais, imprimée chez Coustellier, et
«ne V ie de Bayle, qui parut à la tête
du dictionnaire, édition de 1 7 1 j ,
i > «renient à Amsterdam , 1 7 1 6 ,
et dont l'auteur était un abbéDu Re-
vest. B'Alembért regrettait la perle
Recherches de la Monnoie sur
les livres proscrits ou condamnés au
feu. M. Peignot nous en a dédom-
;s par son dictionnaire sur le
même objet, Vcsoul, 1806, '2 voL
in-8°. F— ï et VV — s.
MONNOT ( Pierre-Etienne ) ,
sculpteur distingué , né à Besançon ,
vers 1660 , alla jeune en Italie , où
il se perfectionna dans la pratique
de son art , par les leçons des plus
habiles maîtres et par l'étude réflé-
chie de l'antique. On lui confia, en
1690, l'exécution du Tombeau en
marbre , élevé au pape Innocent XI ,
dans une des chapelles latérales de
la basilique de Saint-Pierre. Le ta-
lent qu'il montra dans cette grande
composition, lui mérita des protec-
teurs ; et il fut chargé successivement
de différents travaux , entre autres ,
de deux Statues colossales des apô-
tres saint Pierre et saint Paul, qui dé-
corent l'église de Saint -Jean-de-La-
tran. Il fut aussi employé par l'em-
pereur Léopoîd (1) et par l'électeur
de Hcsse , qui lui commanda les co-
pies des plus belles statues antiques,
qu'on voit encore dans le palais et
les jardins de Cassel. Monnot fut
anobli par le souverain pontife , et
décoré du titre de chevalier : il était
l'un des directeurs de l'académie de
(1) M. Grappin (Hisi. du comté de Bourgogne)
<l»l que Mon.sot fut attire à Vienne par l'empereur
Lr opold, cf qu'il y mourut au commencement du dix-
huitième siècle ; c'est une erreur ; ccL artiste n'a w -
mais q littc l'Italie.
MON
Saint-Luc. Il mourut à Rome , vers
i^3o , dans un âge avancé. W — s.
MONNOT ( . ) , anato-
miste , né en ï 76.5 à Besançon , fut
. en 1788, membre du collège
irurgie de cette ville, et nomme,
l'année suivante, démonstrateur d'a-
mie à l'université, don! la up-
sion le laissa sans emploi. Il ne
tarda pas d'être attache au service
des hôpitaux militaires , et fut rap-
pelé , en 1794 j à Besançon , |
remplir la place de ;
couchements, vacante par la mort
dr Nedey / ". < e nojn). Il ouvrit, à la
même époque, un cours gratuit
tomie pour les élèves de l'école de
dessin, et fut enfin désigné, en 1807 ,
l'un des professeurs de chirurgie de
l'école secondaire de médecine , place
qu'il a remplie avec beaucoup de
zèle. Il est mort le 4 juillet uS'20 ,
emportant les regrets des pauvres
qu'il soignait , dans leurs maladies ,
avec un désintéressement extraordi-
naire. Monnot a publié différents
opuscules : Description d'une nou-
velle machine pour obtenir l'exten-
sion continuée dans les fractures des
extrémités inférieures, 1791, in-8°.
— Introduction à V élude de Vana-
tomie , 1791. — Observations sur
une grossesse de trompe, commu-
niquée à l'académie royale de chi-
rurgie , 171)1 ; — sur le déchire-
ment du col de la matri e dans Fac-
ilement , 1 7Q'i ; — sur une fis-
tule biliaire , et sur les succès ob-
tenus par l'emploi du cai 1ère dans
les maladies cancéreuses, 1 -- < >
Précis cfanalomie à l'usage des
I <lc dessin , 171)9. —
ra* Phydrophobie ,
1799 ; — mg et
l'emploi du gil\ >miuedei-
nier moyen
d'acci
fait un Manuel pratique des accou-
chements.
MONOD ( Pierre ) , jésuite et
deMme. Royale Christine
de France, fille de fleuri IV, femme
de Victor- Amé I"'., duc de Savoie,
naquit en i586,à Bonnevillc , d'un
père sénateur à Chambéri; ce qui a
fait dire à Moréri qu'il et lit né dans
celte dernière ville. Entré chez les
Jésuites à l'âge de dix-sept ans , Mo-
nod fut d'abord destiné à ensei-
gner les humanités au collège de la
Roche , petite ville de sa province;
il professa ensuite la rhétorique , \a
philosophie, et devint recteur du
collège de Turin. Ses connaissances ,
son habileté dans les affaires , et ses
qualités personnelles, lui acquirent
l'affection et l'estime du duc Charles-
Enianuel Ier. , de son fils Victor-
Ame, et de la princesse Christine :
celle-ci , dont il fut le confesseur , lui
accorda beaucoup de confiance , et
ne le sacrifia , dans la suite , qu'avec
peine , en faveur des intérêts du pays
qu'elle gouvernait , au ressentiment
du cardinal de Richelieu , comme
on le verra plus bas. Quatre ans après
la paix de Ratisbonne , du 3 octobre
i03o , l'Espagne ayant pris la ville
de Trêves , et fait enlever l'électeur,
qui s'était mis sous la protection de
la France, celle-ci ménagea , contre
Philippe IV, une ligue dans laquelle
entrèrent la Hollande , le duc de
Parme et le duc de Savoie. Victor-
Ame', qui n'avait pris que par force le
parti de la Fiance , fui cependant le
plus Utile de ses allies dans la guerre
d'Italie, par sa valeur et parsona^ti-
particulièrcmi ni au combat de
Tornavi oto • •■ juin i636 .
Je cardinal de Richelieu , oui d
lorsqu'il faisait ï'éloj
ce pliure , lui donn i-t-il, tant de la
part d
393 MON
toutes sortes de marques clc satis-
faction. Ces dispositions favorables
que Victor-Ame' trouvait à la cour de
franco, lui tirent juger le moment
opportun pour une négociation qu'il
avait en vue. Le pape Urbain VIII
avait change, en i03o , le titre d'ïl-
luslrissime que portaient les cardi-
naux, en celui d1 'éminéntissirrte , ne
leur permettant de recevoir désor-
mais le premier titre que de la part
des empereurs et des rois. La répu-
blique de Venise , par suite de ses
prétentions au royaume de Cypre,
voulut conserver , à cet égard , la
prérogative des rois , et le doge
prit la couronne fermée. Charles-
Emanuel Ier. , duc de Savoie, or-
donna à son ambassadeur, à Rome,
de maintenir la même prérogative.
Ce prince étant mort peu après ,
Victor - Ame , son fils , soutint ses
droits au royaume de Cypre, fit aussi
fermer sa couronne , et prit le titre
<T Altesse Royale. A l'époque dont
nous avons parlé plus haut, voulant
affermir ce titre royal dans sa mai-
son , il chargea le P. Monod d'une
mission à la cour de France, pour
cet objet. Le jésuite eut ordre de faire
valoir les droits de la maison de
Savoie au royaume de Cypre , ses
grandes alliances , ses prérogatives ,
les services rendus à la France , la
qualité particulière de Victor-Ame,
peau-frère de Louis XIII , les pro-
messes faites à son père Charles-
Emanuel, etc.; et, en conséquence,
de demander que le régiment des
gardes prît les armes lorsque l'am-
bassadeur de Savoie irait à l'au-
pience , comme il le faisait pour les
ambassadeurs des rois ; enfin, d'ob-
tenir que , par la médiation du roi
de France , le pape accordât , à Rome,
aux ministres de Savoie , les mêmes
donneurs qu'à ceux des cours royales.
MON
Le P. Monod devait , avant tout ,
s'entendre avec le marquis de Saint-
Maurice , ambassadeur du duc de
Savoie ta la cour de France : mais
ayant négligé de consulter ce mi-
nistre, il agit seul ; et se livrant à 1
pente naturelle d'un caractère imp
tueux et remuant , il prétendit obt
nir sur-le-champ, et comme pa
force , ce qu'on ne voulait accorder
qu'avec le temps. Ses ardentes solli-
citations importunèrent le cardinal
de Richelieu , qui s'opposa à ses de-
mandes. Le jésuite , piqué de cette
résistance, voulut, dit - on , se ven-
ger du cardinal , et se flatta de l'es-
poir de le perdre à la cour. Dans ce
dessein, il s'adressa au P. Caussin,
confesseur du roi , et a MIle. de La
Fayette, l'une des filles d'honneur
de la reine. Le cardinal , qui décou-
vrit tout , fit enfermer Mlle. de La
Fayette dans un monastère , éloigna
le P. Caussin , et obligea le P. Monod
de se retirer. Victor-Amé désavoua
la conduite de son envoyé. Après la
mort de ce prince , le cardinal de
Richelieu poursuivit sa vengeance
contre le P. Monod auprès de la du-
chesse régente. Celte princesse ayant
d'abord refusé de lui livrer le jésuite,
comme il l'exigeait, et même ensuite
de le faire sortir des états de Savoie,
se vit enfin dans la nécessité d'exiler
son confesseur à Coni , pour donner
quelque satisfaction au cardinal. Le
P. Monod, irrité de cette condes-
cendance de sa souveraine , se con-
certa secrètement avec le marquis
de Légancz , gouverneur de Milan
pour le roi d'Espagne : Léganez ré-
solut de faire enlever le jésuite à
main armée , dans la première pro-
menade qu'il ferait hors de Coni , et
de le faire conduire à Madrid , où
la cour ne pouvait manquer de le
voir avec un grand intérêt , eu égard
MON
à ses connaissances clans les affaires
de Savoie, et à l'utilité qu'on aurait
cru pouvoir retirer de la possession
d'un tel personnage. Le projet d'éva-
sion ayant transpiré Ja veille de son
exécution, Madame Royale Christine
fit enfermer le P. Monod dans le fort
de Montmélian, le 8 janvier i
et écrivit au cardinal de fâch
qu'il n'y aurait plus de sujets de re-
prochât de part ni d'autre ; quelle
avait assuré la personne du P. Mo-
nod , et lié sa langue à Montmé-
lian. Mais le prisonnier avant encore
intrigue, du fond de sa retraite, la
régente le fit transférer au fort de
Miolans. Le pape Urbain le réclama
par l'entremise de D. Juste Guérin ,
évèquc de Genève, comme unique-
ment justiciable du Saint - Siège.
La mort du jésuite , qui arriva
peu après , mit fin à toutes ces con-
testations ; et toutes les agitations
cessèrent avec la vie d'un homme
qui , relègue dans une prison au pied
des Alpes , occupait à-la-fois les cours
de Paris , de Madrid, de Home et de
Turin , et troublait le repos d'un
ministre-roi , qui remuait l'Europe
à son gré. Le P. Monod mourut à
Miolans, le 3i mars ii)44« On pré-
tend qu'il avait refusél archevêché de
Turin et celui de Tarent aise. Ce reli-
gieux avait des talents et d
connaissances : « Personnage » dit
Guiclienon , « d'un esprit
11 des mieux verse's (!•
» l'histoire , et qui eut moins de loi -
11 lune que de mérite. » Il était ha-
bile , éclairé , lier et entreprenant.
Le P. Monod a composé les ou
t. //ermes Christia-
hus, in-12, Lyon, i(iif); traduc-
tion d'illl \.\ p.
Jacquinot, litre:
dans
le monde. IL Rjchgrch*> ûi^loi-
MON
ques sur les alliances royales de
France et de Savoie, i'i-4°., Lyon
1 62 I. III. Amedeus pat
de Eagenii IF, et Amedei Sabau-
dicè Ducis , in sud obedientid Feti-
cis F nuncupati , controversiis com-
menlarius , etc. , in - 4<\ , Turin ,
1 ()> \ ; et in -8°. , Paris , idiO. Cet
tige, l'un des meilleurs écrits
du P. Monod , a été inse'ré dans le
17'. volume des Annales ecclésiasti-
ques de thronius. 1 V. Apologie fran-
çaise pour la Sérénissime Maison de
Savoie , contre les scandaleuses in-
vectives intitulées Première et Se-
conde Savoy siennes , in-4°. , Cham-
béri , 1 63 1 : la première Savoysienne
était d'Antoine Arnauld, avocat au
parlement de Paris; et la seconde, de
Bernard de Rechignevoisin , seigneur
de Gurou. V. Apologia seconda per
la Casa di Savoja, tradoita dal
francese, in-4°., Turin, i63a; la
traduction est de l'auteur lui-même.
V I . Trattato del tîtolo regio dovuto
alla Serenissima Casa di Savojacon
un ristretto délie rivoluzioni del
Beame di Cipri e ragiorti délia Ca-
sa di Savoja sopra di esso , in-foî.,
Turin, i033. Cet ouvrage, oui pa-
rut en même temps en latin, brouilla
la cour déTurin avec le sénat de Ve-
nise; il fut: durement réfute par uu
jurisconsulte allemand ( F. Gras-
wmcKEL ). VIL // (
si a Voroscopo (ire y
taglio del dco S. L. ,
in-8'., Turin, IÔ33; ouvrage pseu-
donyme, attribn ontestatioit
au P. Monod. VIII. L'/
de It rébellion, ou Déclaration
des motifs que le roi de France a
d' abandonner la protection de Ge-
nève, 'i vol. , doi
ment a été' irnprim .iiya
dans la chambr
Miolam, queues mauuscnb qui
4°
MOM
furent déposés dans la bibliothèque
de l'université de Turin : i". An-
nales ccclesiaslici et civiles Sabau-
diœ; — 2°. Eloge de Charte s- E 'ma-
nuel Ier. ; — 3°. Vie de Marguerite
de Savoie, marquise de Monti'errat;
— 4°. Traie de la faveur des
princes; — 5°. Dictionnaire des rites
religieux, sous le titre de Hierolo-
gitim alphabeticum ( ¥o-y. le Mo-
réri de 1739). G. M. R.
MONOD ( Gaspard- Joël ) , mi-
nistre de l'Église réformée, né à Ge-
nève eu 17 17, mort en 178*2, cul-
tiva les sciences pour lui-même , et
a laissé un nom plus cher à sa famille
que célèbre dans la postérité. On n'a
de lui que quelques traductions d'ou-
vrages anglais, parmi lesquelles nous
remarquerons celle des Lettres , Mé-
moires et négociations du chevalier
Dudlejr Carleton , 1759, 3 vol.
111-12, pour relever une erreur qui
s'est glissée dans ce Dictionnaire , à
l'article George Carleton ( F. ces
deux noms, VII, t43 ). Ce ne sont
pas les Mémoires de ce dernier que
Monod a traduits. Ses autres traduc-
tions principales sont celles de Gran-
disson, Leyde , 17-57,7 vol. in- 1 1 ,
réimprimée à Leipzig ; — d'Hen-
riette Courteney, 1 vol. in-iaj — du
Monde par Adam (ÏYIoore), ou Suite
du Spectateur , 1758, % vol. in- 12
( V, le Dict. des anonymes) ; — de
la Philosophie morale , d'Hutche-
son, qu'il ne publia pas, parce qu'il
en parut une autre , malheureuse-
ment peu cligne de l'ouvrage. Sa
traduction de Grandisson est bien
moins élégante que celle de Prévost,
mais infiniment plus exacte et plus
complète , en sorte que ceux qui ne
pourront lire l'original, et qui vou-
dront le connaître , feront bien de
lire la version de Monod. L'abbé
Prévost a presque défiguré l'ouvrage
MON
de Richardson au moyen de ses sup-
pressions , en sorte qu'il a fait mal
juger l'auteur anglais. Monod n'a
point mis son nom à ces traductions,
non plus qu'à plusieurs bons articles
qu'il a fournis aux journaux de Hol-
lande : Bibliothèque raisonnée , et
Bibliothèque des sciences. En 1 7^9,
la Guadeloupe ayant été occupée par
les Anglais , Monod y fut envoyé ,
comme chapelain du gouverneur, et
pasteur des protestants français , as-
sez nombreux dans cette colonie. Il
faisait le service dans les deux lan-
gues. Il comptait cette époque comme
une des plus heureuses de sa vie; et
il parlait souvent , avec le plus vif in-
térêt, de l'accueil qu'il avait reçu au
milieu de ces honnêtes colons , qui
jouissaient pour la première fois du
libre exercice de leur religion; et de
la douleur qu'ils éprouvèrent quand,
au bout de trois ans et demi l'île ayanl
été rendue à la France , ils se virent
privés à* la-fois de leur pasteur et d<
leur culte. M — n — d.
MONOYER ( jEANrBAPTISTE ),
nommé communément Baptiste ,
peintre de fleurs , naquit à Lille en
Flandre, en i635. 11 vint fort jeun
à Paris , et s'y fit bientôt distinguer,
L'académie l'admit dans son sein
en 1 665 ; et son tableau de réceptioi
fit long-temps l'ornement des salles
de cette compagnie. Le genre de son
talent ne lui permettant pas d'être
professeur, l'académie, par une
distinction honorable , le nomma
conseiller, en 1679. Lord Montagu
le choisit pour orner de fleurs et
de fruits le grand salon , l'escalier et
une partie des appartements de son
hôtel à Londres; Lafosse et Rous-
seau , si fameux dans la perspective,
travaillèrent avec lui à la décoration
de cet hôtel. Monoyer s'y surpassa
et ses peintures charmèrent tellement
\
u
«
c
I,
]
MON
;u, qu'il combla l'auteur
de bienfaits , et 1 lêmc à se
fîxcràLond enait alors
en An lier rang com-
me peintre de portraits : pour don-
ner à ses ouvrages une nouvelle va-
il composa d.'s fonds, dans
; tisail entrer des V.
et c'est à Baptiste qu'il en confiait
Lition. Cet artiste mourut à
Londres , en 1699. Ses dessins sont
peu communs en France : l'Angle-
terre en possède davantage mais
comme il ne peignait jamais que
d'après nature, il dessinait rarement.
Ceux de ses dessins que l'on connaît
sont remarquables par la légèreté de
la main, la finesse de la louche et le
moelleux des tons. L'hôtel de lire
tonviîliers a e'té décore par lui.
On voit, dans la chapelle du Grand-
ïrianon , une Annonciation de La-
t fosse, entourée d'une guirlande de
fleurs , peinte par Mono ver : c'est un
de ses plus beaux ouvrages. 11 eut un
iils qui cultiva la peinture, mais qui
n'a point acquis la réputation de son
père. P — s.
MONPL AISIR. V. Caillavet et
MoNTPLAISIR.
MO>RO ( Alexandre ), théolo-
gien e'cossais, né en 164.8, dans le
• - l'ut nommé prof
de philosophie à l'ui l'Abcr-
deen , et, en 1686, principal de l'u-
niversité d'Édinbourg. Il j erdit cet-
te place par son opposition à la révo-
lution de 168$, et devint prédj
d'une congrégation épiscopale. En
169), il écrivit quelques pamphlets
contre Les presbytériens , notam-
ment des Recherches sur les nou-
velles opinions, qui attirèrent sur lui
le ressentiment de l'assemblée géné-
>ir vécu ca-
ché j mées, il re-
parut à Édi La fureur
1 1 K,
MON
4o 1
des persécutions fut passée; <f il re-
prit ses foD pasteur d'une
■ ;ation épiscopale, qu'il ei
jusqu'à sa mort, arrivée en 1-
L.
MON H 0 ( A lex andre ) , professeur
d'anatoraie à l'université d'Édin-
bourg, et regardé comme le père de la
célèbre école médicale de cette ville,
naquit , en 1 697 , à Londres , où son
père, chirurgien des armées du roi
Guillaume enFlandre, passait une par-
tie de l'année. A près avoir terminé ses
études à Edinbourg, et à Londres
sousCheselden, il voyagea en France
et eu Hollande, et suivit à Leyde,
les leçons de Boerhaave. 11 revint
ensuite se fixer à Edinbourg, où il fut
nomme ( en 1719 ), démonstrateur
aux écoles de chirurgie. Ses leçons,
et celles de botanique et de matière*
aie que donnait en même temps
le docteur Alston , son ami (Pr.
Alston) , commencèrent la réputa-
tion de cette université , devenue
l'une des premières de l'Europe, de-
puis qu'elle fut complétée, en 1 748 ,
par les cours de clinique médicale
du docteur Kutherford. Monro fut
long-temps secrétaire de la société
royale d'Edinbourg; et il publia six
volumes des Médical essuys and
observations de cette compagnie,
dont le premier parut eu 17 '!•>,. 1! fut
un des meilleurs anatomistes de son
siècle, et ne se distingua pas moins
dans la pratique de la chirurgie. Il
essaya le premier d'opérer la cure
radicale de L'hydrocèle par les injec-
tions avec le vin et l'alkool , et se
montra l'un des plus grands antago-
nistes de l'ablation dc<. seins cancé-
reux. Il résigna, en 1759, sa chaire
d'anatomie à son hls
mais il continua de donner -
nuis de clinique à L'infirmerie an-
à l'école. Il consacrait le reste
•20
qOA
MON
de son temps aux divers cm;
demi on l'avait honoré dans là di
rectionde ia banque d'Ecosse, la jus-
ticc-dc-pùix, ia commission des gran-
des routes, etc. Il e'tait membre de !a
société royale de-Londres, Honoraire
de L'académie de chirurgie de Paris,
etc. 11 s'énonçait avec facilité et avec
grâce, et fit toujours ses leçons sans
préparation. Il était sujet au crache-
ment de sang et aux fluxions; et dès
son enfance il l'avait été aux lièvres
inflammatoires. 11 attribuait ces ma-
ladies aux trop grands soins que ses
parents avaient pris de lui pendant
sa jeunesse, et à l'abus des saignées:
on lui en avait fait régulièrement
deux par an; car, selon le préjugé
du temps , rien n'était plus propre à
conserver la santé. 11 mourut le io
juillet 1 767. Nous avons de cet auteur
les ouvrages suivants : I. Anatomie
du corps humain , en anglais, Edim-
bourg, 17*26, in-8r\; huit éditions
parurent du vivant de l'auteur: celle
de 1785 est grand in-fol. La partie
qui traite du système nerveux, a été
publiée en latin, sous le titre sui-
vant : Anaiome nervorumeontracta,
Franeker, 1709, in-8°. , avec des
notes par Coopmann; '2e. ©dit. , Har-
lingen, 1768, in-8°.; en allemand 7
Leipzig, 1785, in-4°- : traduit en
français par Lebègue de Preste, avec
ie traité des maladies nerveuses de
White, Paris, 1767, in- 12 ; la
partie qui traite de Y Ostéologie, a
été traduite en français par Sue , Pa-
ris, 1759, 1 vol. in-fol., avec un
grand nombre de planches. II. Es-
sai sur les injections anatomiques ,
traduit en latin (par J. Ch. Fred.
Bonnegarde) , sur le mémoire anglais
inséré clajis les Essais de la société
d'Edinbourg, Leyde, 174* > în-8°.
III. Examen des remarques de
Winslow , Ferrein et ïValthers, sur
MON
les muscles, en anglais, Edimbourg,
i752 , in-8". ; 1783, in-fol. IV. t)e
testibus , et de semine in variis ani-
malibus, ibid., 1755, in-8°. avec li-
gures. V. Vu succès de l'inoculation
en Ecosse, ibid. , 1765, in-8°. ; tra-
duit en français , Paris , 1 766, in-8°.
C'est une réponse aux questions qui
lui avaient été adressées de la part
de la faculté de Paris. Le résultat
de ses recherches fut que la petite
vérole naturelle qui , suivant les lis-
tes mortuaires de Londres, depuis
plus d'un siècle, détruit la quator-
zième partie du genre humain, le-
vait en Ecosse Un tribut annuel d'un
dixième sur l'humanité. Monro fut
un des plus chauds partisans de l'ino-
culation; et il rapporte que les mon-
tagnards écossais avaient depuis
long- temps l'habitude de s'inoculer
la variole, en s'attachant autour du
poignet des (ils de laine qu'ils trem-
paient dans le pus des boutons. Il pen-
sait aussi qu'on pourrait inoculer la
rougeole avec succès, en employant à
cet effet la salive , les larmes et d'au-
tres humeurs prises sur les individus
attaqués de cette éruption. On trouve,
dans le Recueil de la société d'Edin-
bourg , plusieurs morceaux fort inté-
ressants sur divers sujets d'anatomie
et de chirurgie , publiés par Monro ,
à diverses époques , et dans le nom-
bre desquels on distingue surtout un
Mémoire sur la nutrition du fœtus.
L'un de ses fds (1) a réuni tous les
ouvrages que nous venons de citer ,
(O Donald MoNRO . médecin des armées . et mem-
bre du collège de médecine, à Londres , ne en 17^1 ,
mort en juillet 1802 , après avoir publié des Observa-
tions sur les moyens de conserver la santé des soi-
dais, traduites en français, sous le titre de. Médecins
d'armée, par Lebègue de Presle, Paris, 1709 , iu-
8". , ii'i Essai sur Vhjdropisie , un Rappoi l ( Ac-
count ; sur les hôpitaux anglais i n Allemagne , un
Traité, lies eaux minérales , un Traité de cîiimie
médicale et pharmaceutique , et de matière médica-
le , 1788 , 4 vol. iu-8°. , irad. en allemand , par Sam.
Hauuenianu , Leipzig , 1791 , 2A' •!. in 80.
MON
sous le titre suivant : Œuvres d'A-
lexandre M< nro , Londres , i 781 ,
in 4°. , en anglais. Voyez la IVolice
( Account ) iiir la vie et les ouvrages
de feu Al. Monro ( par André
Dimcan ), Edinbourg , 1780. —
Monro ( Jean ) , médecin anglais ,
naquit à Greenwich , dans le comté
de Kent , le 16 novembre 1715(1).
Après avoir étudie la médecine à
Edinbourg, il se rendit à Leydc
pour y entendre les leçons du célèbre
Boerliaave; il parcourut ensuite les
principales villes de l'Europe , et
revint en Angleterre , en 1 ^5 t . Nom-
me à celte époque adjoint de Jacques
Monro , son père , pour les hôpi-
taux de Bridëwel et de Betblem , il
en devint le médecin titulaire en
175*2. Il s'occupa , presque exclusi-
vement, du traitement de la manie,
et réfuta l'ouvrage publié sur cette
maladie par le docteur Beattie , dans
lequel cet auteur avait attaqué Jes
médecins de l'hôpital de Bethlem. Il
mourut d'une attaque d'apoplexie,
en janvier \ ^83. P. et L.
MONROE Ulysse), noble Ecos-
sais , d'une bravoure et d'une probité
reconn es,. se signala par son dévoue-
ment aux intérêts de ' . , en
Ecosse et en Irlande. En i(>48,le
parlement d Iv osi arra-
cher le roi des mains de Cromwell,
ordonna L'armement de qua
mille hommes, cl le rappel de M
roe , qui s'était déjà réi i.i, avec un
corps ible d'Écossais, à Eu-
gèneO aérai dupa
te en Irlande. Le commandement de
l'arm ; confié au duc
(l) (,' tïl lils de
M m"
j»;.ii 1 tiil 1 >•" * » * lUl l! '
mu |,.u-
ant (lu
|0j Guillaume l'i
MON 4o3
d'Hamilton. Arrivé sur les frontières
de l'Angleterre, Hamilton ordonna à
Monroe de s'arrêter dans le West-
morland, et se porta dans le comté
de Lancastre, avec les troupes dont
il s'était réservé le commandement ;
imprudence qui eut , pour la cause
royale, les résultais les plus funes-
tes. Utaque à l' improviste par Crom-
wcll, près de la ville de Preston, le
duc fut réduit à se livrer , lui et son
armée, à la discrétion du vainqueur.
Par suite de cette honteuse défaite ,
Monroe et les troupes sous ses or-
dres furent rappelés en Ecosse • et
le comte de Lanerik , malgré les
doutes déjà élevés sur la sincérité de
son dévouement , succéda au duc
d'Hamilton , son frère , dans le com-
mandement de l'armée. Ses magnifi-
ques promesses ayant dissipé les pré-
ventions qui existaient contre lui, la
plupart des chefs de clan ou tribu ,
et d'autres seigneurs royalistes, se
réunirent à son armée , qui s'avança
sur Edinbourg, où le duc d'Argvle ,
chef des rebelles, avait rassemble ses
partisans. Monroe, à la tête de l'a-
vant-garde, composée de vieilles
troupes irlandaises x attaqua l'ennemi
à Musselburg , lui tua beaucoup de
monde, et mit le reste en fuite. En-
couragés par ce premier succès, les
Ecossais demandèrent à grands cris
a poursuivre leurs avantages : mais
Lanerik ordonna de marcher sur
Stiriing. Monroe résolut dès-lors de
déjouer les intrigues n al déguisées de
son général , OU du moins de les ex-
poser clairement à tous les j
L'avaut-garde écossaise touch.
peine a la t< rr de V\ al lace, q e, sans
attendre le reste de I arnii
pide IVIonri se porte, avec me poi-
gnée de irfldats, vei , ,,ù
j(. il !.. . ' \niaii de se
un renfort de sept cents hom-
■20..
4»4
MON
mes. Il se rend maître de la place ,
par le coup de main le plus hardi :
toute la garnison est tuée ou faite
prisonnière; et Argylc lui-même n'é-
chappe qu'avec peine à la poursuite
de Monroe. Dès cet instant, il n'y
eut plus de doute sur les intentions
de Lanerik ; celui-ci ne songea plus
qu'à faire sa paix. Celte brave armée,
la dernière espérance du parli roya-
liste, fut licenciée; et l'on stipula
que Monroe et ses Irlandais seraient
obligés , sous peine de mort, de quit-
ter l'Ecosse. Monroe se retira donc
de nouveau en Irlande , où ses ef-
forts, ceux du marquis d'Ormond ,
et les tentatives de Mont rose sur
l'Ecosse, retardèrent quelque temps
encore la chute du parti royaliste ,
déjà affaibli par la mort du général
O'-Neile. Mais la faction de Crom-
well ayant enfin entièrement pré-
valu, Monroe fut proscrit, dégradé
de son nom et de ses litres , et dé-
pouillé de ses biens. La révolution
de i(JGo, qui replaça Charles II sur
le trône de ses ancêtres, ayant été
opérée par ceux-mêmes , qui avaient
suivi le parti de Cromweil, n'apporta
que peu de changements dans la si-
tuation des royalistes catholiques.
Ulysse Monroe avait épousé Marie
Brady, d'une maison d'Uitouie; son
fils aîné, qui ne s'appelait plus qu'En
gène Roë, épousa Catherine O'Kely,
dont il eut deux fils : Edmond et
Charles. Edmond fut garde du-corps
du roi Jacques II. Lors de la révolu-
tion de 1688, qui précipita de nou-
veau les Stuarts du trône d'Angle-
terre, Edmond fit déclarer sa
compagnie en faveur du malheureux
monarque; mais, surpris par les
partisans du prince d'Orange , il fut
enfermé dans la tour de Londres , où
il resta long-temps. Parvenu à s'é-
chapper de sa prison, il erra pendant
MON
plusieurs années dans les trois royau-
mes, et unît [>ar se réfugier en Lor-
raine, où son frère Charles lui céda
sa place d'officier dans les gardes-
du-corpsdu due Le'opold. — C
les, le plus jeune des deux frères -
naquit en i(>; 4, au château d'Oid-
Castel , que ses parents possédaient
dans îc comté de Mealh , en Irlande.
Très-jeune encore, il suivit la fortu-
ne de Jacques II , qu'il accompagna
en France. Lorsque la paix de Uys-
wick eut amené , en 1 698 , le licen-
ciement des régiments irlandais ,
Charles Roë fut appelé en Lorraine ,
par le comte de Carlingfort, son
compatriote, qui venait de prendre
possession du duché, et qui y com-
mandait , au nom du duc Léopold.
— Deux de ses petits-fils, après avoir
servi avec distinction dans les trou-
pes impériales, parvinrent au grade
de général-major, et moururent en
1801 et 1816. A. D — r.
MONS ( Claude de ). F. Démons.
MONSIGNY (Pierre-Alexandre),
un des plus célèbres musiciens fran-
çais, naquit, le 17 octobre 1729, à
Fauquemberg en Artois , d'une fa-
mille noble. Il vint très-jeune à Pa-
ris : à l'âge de dix-neuf ans , il ob-
tint un emploi dans les bureaux de
la comptabilité du clergé. C'est en
assistant à une représentation de la
Servante maîtresse, de Pergolèse ,
qu'il sentit se développer en lui , un
goût inné pour la musique. Il reçut
les premières leçons de composition
de Gianotti, contre-basse de l'Opéra,
et assez bon harmoniste. Devenu ,
en peu de mois, aussi savant que son
maître, Monsigny essaya ses forces
dans un petit opéra , intitulé : Les
Aveux indiscrets, représenté en
17:39, sur le théâtre de la foire
Saint-Laurent. Ce début , qui eut
quelque succès ; place Monsigny au
MO
rang des créateurs Je l'opéra-co-
mi que à ariettes, qui date de 170.
Peu de personnes, aujourd'hui même
encore , daignent considérer que
c est principalement a lui que nous
sommes redevables de notre second
re lyrique, et qu'il a précédé
Grétry. À l'exception de Dauvergne
et de Laborde, dont la musique est
aujourd'hui oubliée, il n'avait pour
rivaux, à l'époque où il entra dans
la carrière, que Duni et Pbilidor,
dont presque tous les opéras ont
disparu de la scène, tandis que ceux
de Monsigny y occupent encore un
rang distingué. Monsigny donna
aussi à ce spectacle avec Lemon-
nier, le Maître en droit , en i 760 ,
et le Catl'i dupé, en 1761. Ce fut
de ce moment , qu'il attira l'attention
du publie. L'anonyme qu'il garda
toujours en publiant ses ouvrages,
contribua peut-être autant à la réus-
site de ses premiers essais que leur
■ intrinsèque. Les spectateurs
PS , dont les oreilles et le goût
peu exercés avaient pris pour de la
musique italienne, celle que Dau-
vergne avait composée sur les Tro-
queurs deVadé, firent, avec bien
plus de raison , le même honneur à
celle de Monsigny; 1, que
souvent, dans ce temps-là, on pro-
nonçait et on imprimait Moncini ,
lit même l'erreur plus 1
sable. Son Cadi dune frappa telle-
ment Sedaine, qu'il s'écria : « Voilà
mon homme ! » et, dès le lendemain,
il s'empress 1 ae i ire connais*
avec : . Leur amitié l'un
pour l'autre devint fort vive dés le
premier in L'alliance de leurs
S ouvrages,
quis à la mémoi-
re de toi ivoir :
en 17O1 , On jamais de
tout , c'est la dern de ce
MON
40^
genre, jouée à l'Opéra-Comique, qui
lut supprimé au commencement de
l'armée suivante : les succès de Mon-
signy avaient excité la jalousie de la
comédie italienne , et ils furent la
principale cause de la réunion des
théâtres; — en 176-2, le Roi
et le Fermier, qui eut plus de deux
cents représentations , et qui valut au
moins vingt mille francs aux au-
teurs ; — eu 1764, Rose et Colas;
— le Déserteur en 1 769 ; et Félix ou
Y Enfant trouvé en 1777. Il avait
donné aussi en 1768, V lie sonnante
avec Collé; — en 1774, le Rendez-
vous bien employé, avec Anseau-
mejeten t. 7 7 5 7 la Belle Arsène
avec Favart. Il a composé trois
grands opéras, dont les paroles sont
de Sedaine : Aline, reine de Gol-
conde , joué en ^66, repris en-
1782 ; et deux autres, non représen-
tés : Pagamin de Monègue, et Phi-
lémon et Baucis : il craignait alors
de se risquer sur la scène lyrique ,
où brillaient les chefs-d'œuvre de
Gluck et de Piccini. On y a mis de-
m ballet-pantomime sou opéra
du Déserteur. Le caractère domi-
nant de la musique de Monsigny est
le naturel et la vérité : sans aucun ef-
fort, sans aucune recherche, il lui
arrive souvent d'atteindre à un degré
d'expression et de pathétique qui le
: lit digne du surnom de Gluck
de l'Opéra - Comique. Sa modestie
était néanmoins si grande, qu'il ne
voulait se ranger que parmi les sim-
ples amateurs. La concurrence qui
s'établit entre lui et Grétry, sans
nuire à la réussite de ses ouïra
lêcbé le public de lui rendre en
tout point une exacte jusl I
try, généralement accusé de jalou-
sie, a cependant cité plusieui i
son illustre rival dans nés i
sur la musiqjte, et toujours dajpj
4o6 MON
des termes honorables : « Monsi-
•» gny , dit-il , le plus chantant des
» musiciens, Monsigny qui chante
» d'instinct... » Cette expression est
d'une justesse rigoureuse : les per-
sonnes cpii ont. connu l'auteur de la
Belle Arsène et. de Félix , savent
qu'il lui a suffi souvent de se péné-
trer des paroles ; et , prenant son
violon , il jouait aussitôt d'inspira-
tion les airs qui ont encore tant de
charme pour les cœurs sensibles. Le
sien l'était au suprême degré; on
peut s'en faire une idée, d'après une
anecdote que rapportent les auteurs
du Dictionnaire des musiciens : « En
» nous expliquant , disent-ils , la
» manière dont il avait voulu rendre
» la situation de Louise dans le Dé-
» serteur, quand elle revient par
» degrés de son évanouissement, ce
» vieillard , déjà plus qu'octogé-
» naire , pleurait à chaudes larmes,
)> et tomba lui-même dans l'acca-
» blement qu'il peignait avec tant
» d'expression. » Les premiers suc-
cès de Monsigny lui avaient valu la
protection de ravant-dernier duc
d'Orléans , et une place de maîlre-
d'hôtel dans la maison de ce prince,
vers 1 765. Il la perdit à l'époque de
la révolution , qui lui enleva aussi
une partie de sa fortune. En 1798,
les artistes du théâtre Favart lui dé-
cernèrent une pension de deux mille
quatre cents francs , et acquittèrent
ainsi l'ancienne dette de la comédie
italienne. La place supplémentaire
d'inspecteur de renseignement au
Conservatoire de musique, vacante
parla mort dePiccini, en 1800,
iwi maintenue par le ministre de
ï'inlérieur en faveur de Monsi
;ny
qui s'en démit au bout de deux ans ,
et fut remplacé par Marlini„Succes-
seur de Grétry, à l'Institut (4e.
classe), en i8i3, il fut nommé
MON
membre de la Légion-d'honneur en
181 5, et de l'académie des beaux-
arts en 181 6. Il jouit fort peu de
temps de ces honorables, mais trop
tardives récompenses. Retiré dans
une petite maison du faubourg Saint-
Martin, il y mourut, doyen des
musiciens, le 14 janvier 1817 , âgé
de quatre-vingt huit ans. Ses obsè-
ques furent célébrées dans l'église
Saint-Laurent, sa paroisse, quartier
de cette fameuse foire Saint-Laurent,
qui fut le berceau del'Opéra-Comique
et le théâtre des premiers triomphes
de Monsigny. Cet excellent compo-
siteur n'était pas moins recomman-
dabie par ses mœurs , son esprit et
ses qualités sociales , que par la su-
périorité de son talent. On regrettera
toujours qu'un excès de modestie et
de désintéressement ait borné , à
quarante-huit ans, sa carrière lyri-
que, lorsque, s'arrêtant à Félix,
il pouvait encore enrichir la scène de
plus d'un ouvrage, qui n'aurait pas
été indigne de ce chef-d'œuvre, si
l'on en juge par les progrès conti-
nuels du génie de l'auteur. L'éloge de
Monsigny a été lu par M. Quatre-
mère de Quincy, dans la séance pu-
blique de l'académie des beaux-arts,
en octobre 18 18.
A — t et S — v — s.
MONSON ( Guillaume ), ami-
ral anglais, né a South -Carlîon ,
dans le comté de Lincoln, d'une fa-
mille assez distinguée, entra de bon-
ne heure dans la marine. Ce fut au
commencement de la guerre d'Elisa-
beth avec l'Espagne , qu'il s'embar-
qua à bord d'un vaisseau, à l'insu
de ses parents. Il eut, en 1587, le
commandement d'un petit bâtiment ,
et fut, deux ans après, vice-amiral
du comte de Cumberland, dans son
expédition aux îles Açores, où il as-
sista au siège de Fayal. Dans la tra~
MON
versée pour revenir en Angleterre ,
son vaisseau éprouva de grands dé-
sastres, et surtout un manque d'eau
qui fit périr une grande partie de
l'équipage : lui même en tomba ma-
lade , et fut obligé de rester en repos
pendant une année. En 1 5g\ , il ser-
vit pour la seconde fois sous le duc de
Cumberland, contre les Espagnols,
auxquels ils prirent plusieurs vais-
seaux. Monson , chargé d'en con-
voyer un en Angleterre, fut entouré
et pris par six galères espagnoles ,
après un combat long et sanglant.
Il fut retenu comme otage, et con-
duit en Portugal, où il resta prison-
nier pendant deux ans à Cascaès et
à Lisbonne. Mis en liberté, sa mau-
vaise fortune ne le découragea pas ;
il reprit du service, en i:hj3, et se
comporta , comme dans les autres
expéditions, eu marin plein de bra-
voure et d'habileté. En 1 Jt>4 7 il fat
créé maître-ès-arls à Oxford , et ser-
vit, en 1 596 , dans l'expédition de
Cadix, sous WalterDevercux, comte
d'Essex, auquel il rendit de grands
services par ses conseils sages et mo-
dérés ; sa récompense fut d'être nom-
mé chevalier: il fut encore employé
dans d'autres expéditions sous le rè-
gne d'Elisabeth.
de la reine , n'aimait pas les militai-
res : aussi, depuis la mort d'Elisabeth
Monson ne reçut ni use ni
encouragement. 11 fut cependant nom-
■ m \Chk\ , amiral de la Manche,
aserva ce poste jusqu'en 1O1O.
Pendant ces douze années, il soutint
l'honneur du pavillon anglais contre
de la république
saute de Hollande, doul i; se plaint
souvent d, u la mari-
ne ; et il pr<. contre
les F) 1 i Gdè-
1 baine
de quelques courtisans [
MON 407
tomba dans la disgrâce , et fut même
enfermé à la Tour, en 16 16 ; mais
ayant été examiné par le grand-juge
Coke, et le secrétaire Wiuwood, il
fut déchargé de l'accusation qu'on
faisait peser sur lui. Il écrivit une
apologie de sa conduite, ayant pour
titre : Sur les insolences des Hollan-
dais, et Justification du chevalier
W. Monson, et il l'adressa au chan-
celier Ellesmère, et à F. Bacon, pro-
cureur-général et conseiller. Son zèle
contre les Hollandais , et la demande
qu'il avait faite d'une enquête sur
l'état de la marine, que le comte de
Noltingham, alors grand -amiral,
n'approuvait pas, semblent avoir été
les motifs des désagréments- qu'on lui
(it éprouver. Il avait eu aussi le mal-
heur de s'attirer la haine universelle ,
en arrêtant lady Arabella Stevvart,
après sa fuite Jjiors (l'Angleterre, en
juin 1G11, quoiqu'il n'eût agi que
conformément aux ordres qu'il avait
reçus cl à son devoir. Cette dame fut
renfermée, dit-on, à la Tour, à cau-
se de son mariage avec Guillaume
Seymour; mais le vrai motif de sa
proven;
îlle avait
couronne d'Angleterre. Le chevalier
Monson recouvra cependant son cré
dit à la cour; car on le voit appelé
au conseil, en 1G17, pour donner
son opinion sur les moyens de dé-
truire les pirates d'Alger, et d'atta-
quer leur ville. II démontra l'im-
5 « m parer d*Alg<
parla fortement contre cette expé-
dition, qui fut néanmoins témérai-
.1 entreprise par Buckingham.
Le chevalier NJonson fut également
opposé, eo 1 ti'") el 16 '•
projets des minisl
aussi mal combines , l'un
et l'autre sur l'île de |;l.,
fat-il ,pasempl<
détention provenait de ce que par ses
alliances elleavaitdes prétentions àla
MO: "
tions. En >(335 , le gouvernée
' jugé nécessaire d'équiper une
grande flotte pour s'opposer à la
confédération des Français et des
Hollandais, Monsonfut nomme vice-
amiral de cet armement , et s'acquitta
de son emploi avec autant de bra-
voure que de talent. Retiré ensuite
dans sa terre de Kinnersley, il y
mourut en février 1G.43, après avoir
terminé ses Essais ou Traités sur
la marine ( Naval tracts ) , publiés
dans la Collection de voyages de
Churchill. D — z — s.
MONSTIER ( De ). V. Mérin-
VILLE.
MONSTIER ( Artus du ) , com-
pilateur, né dans le diocèse de Rouen,
au commencement du dix-septième
siècle, embrassa la vie religieuse dans
l'ordre des Récollets , et s'appliqua
particulièrement à rassembler les
titres et chartes relatifs à l'histoire
de sa province. Il mourut en 1662,
laissant en manuscrit une compila-
tion en 5 vol. in-fol. Les deux pre-
miers, intitules Neu stria christ iana,
contiennent l'histoire chronologique
des archevêques et évêques de Nor-
mandie, depuis l'établissement du
christianisme; le troisième, Neus-
triapia , imprimé en i (iG3 , traite de
l'origine et de la fondation des ab-
bayes et prieurés de la province ; le
quatrième , Neustria sancta , ren-
ferme les vies des saints du pays • et
le cinquième , Miscellanea Neus-
tria , les titres et chartes dont l'au-
teur n'avait pi' faire usage dans
les premières parties. D. Toussaint
Duplessis a relevé quelques inexac-
titudes deDuMonstier, dans la Des-
cript. de la Haute-Normandie. On
a encore de ce bon religieux : I. La
Piété française envers la Sainte-
Fie: ge Marie , N.-D. de Liesie ,
Vins , 1G3-: , in-8°. On trouve dans
cet ouvrage quelques pièces intéres-
santes pour l'histoire de Picardie,
II. De la Sainteté de la monarchie
française^ des rois très-chrétiens, et
de s enfants de France , ibid. , 1 638,
in-8°. III. Martrrologium fra
canum , Paris, i653, in-fol. IV.
Fortissimi martjris ChristiD. Lau-
riani archiep. Eispaliensis agon ,
hravium et elogium , cum annota-
tionibus, ibid., iGoG, in- 12. V.
Martrrologium amplissimum sanc
tarum et beatarum mulierum , Paris,
1657 , in-fol. Tes Bollandistes ont
consacré le sixième chapitre de leur
tome Ier. de février, à la critique
de cet ouvrage. L'abbé Saas a lu , à
l'aead . de Rouen , un Eloge du P. Du
Mousticr , conservé dans les regis-
tres de cette compagnie. W — s.
MONSTRELET ( Enguerrand
de ) : on ignore en quelle année na-
quit cet. historien. La plupart des
biographes indiquent l'an i3qo, pré-
tendant qu'il avait, trente ans , lors-
qu'il commença à écrire ses Chroni-
ques en 1 4'io. Aucun détail sur sa
vie pii vée n'est parvenu jusqu'à nous;
seulement en sait qu'il lut prévôt de
Cambrai , et bailli de Walincèurt.
Un acte capitulaire de la métropole
de Cambrai , daté de 1437 , prouve
qu'il était, à celte époque, bailli de ce
chapitre; mais il avait perdu
qualité au moment de sa mort, ai ri-
vée en i/j53. Les Mémoriaux de Jean
le Robert , abbé de Saint-Aubert ,
contemporain de Monstrelet , rela-
tent, ainsi qu'il suit, les obsèques du
prévôt de Cambrai : « Le xx jour
» de juillet , l'an xiiii c. iàii , hono-
» rable homs , et noble Engherans
» de Monstrelet , escuvers , prevost
» de Cambray , et baiilis de Waliu-
» court , trépassa et eslisit se sepul-
» tureaux Cordelois de Cambray , et
» fula porté en 1 por'a'>oire entelo-
» pez dune en %abit de
» Cordelois , le visage au nud , et y
» heult vi flambiaux et iiij chirons
» de i>j quarte chacun autour de le
» bière , ou il y avoit un linceul cs-
» tendu.... un habit de Cordelois , et
» heult loilïce de le tresorie , le quart
» de ledite chire, et li curez de cheens
» le quart des offrandes , et ny heult
» nient de drap. Il fut né de bas , et
» f u uns biens honnestes lioms et
» paisibles , et croniqua de .son tems
» des gherres de France, d'Artois ,
»'dc Picardie et de Engle terre , et de
» FI and. de ceulx de Gand contre
» Mous, le ducs Phelippe, et très
» sa xv ou xvj jours avant que la
» pais fust faicte qui se fist en le fin
» de jullet l'an xiiij c. LÎij. Loez en
» soiî Dieiix et bénis. » Cet article
rie nécrologie a fait penser que Mons-
trelctéiait bâtard, a cause des mots
né de bas , qu'il en impossible de
concilier avec les titres de noble et
d'écuyer , donnes à Monstrelet, qui
d'ailleurs commence sa chronique par
ces mots: Je Enguerrand , issu de
noble génération. Si Monstrelet lut
né de basse extraction suivant la si-
gnification que l'académie attache
aux mots ne de bas , il n'eût point
! » tête du corps échevinal d'une
ville impériale, alor pres-
qu'entièreraent d< listo-
phes contemp tecor-
le qualifier de nobilis senti fer,
■ f r. A L'appui de ces pre
oîi peut ajouter celle qu'un f
ii chevalier de Malte,
en ' e qualité, le 19
juillet 1 î i i , dans la cathedra
1 | oque , la quali-
fication de bâtard n'avait rien d'in-
us le règne
ttureLs
de la nobh
MON 409
tuel de la société d'émulation
de Cambrai, dans un rapport fait à
ectîe société en 1808 , insinue qu'au
lieu de né de bas lieu, il devait y
avoir né de Ponthieu, contrée où se
trouve la terre de Monstrelet. Quoi
qu'il en soit de sa qualité, Monstrelet
est jugé favorablement comme his-
torien : l'hommage le plus flatteur
qu'il ait pu recevoir , est d'avoir
été consulté et suivi par le président.
Hénault. Bayle , Moréri, le P. Lc-
long , Foppens , Duverdier , Du-
chêne , Sorel , Lenglet-Dufresnoy ,
s'accordent à louer la fidélité des
dates , la naïveté du style , et la
clarté des faits de ses Chroniques.
Monstrelet nedissimulepas son atta-
chement pour le duc de Bourgogne,
qu'il suivit au siège de Compiègne en
i43o. Il se contente de dire que la
mémoire lui manque, lorsqu'il pour-
rait aggraver les torts de son maître ,
en rapportant exactement ses paroles.
Les Chroniques de Monstrelet em-
brassent les années de 1400 à i/p3:
elles commencent précisément où
finit Froissart , quoique le premier
chapitre de Monstrelet remonte à
i38o, et présente un abrégé de l'his-
toire de Charles VI, depuis son
couronnement. On a reproché à no-
tre historien d'être diffus , parce
qu'en trois gros volumes in- fol. , il
ne donne que l'histoire de r>7> ans ;
ses Chroniques réunissent une
Dse quantité de pièces justifica-
très-précieuses : il y a inséré
textuellement des édits, des haran-
gues, des plaidoyers, des d
>. C'est une mine féconde à
exploiter pour les savants, qui
discuter les faits , et en apro-
fondir les causes. Monstrelet a
arec cette nan été , cette si«npli<
isail le prit
. il se
MON
distingue dos autres historiens en
appuyant sa narration sur les pièces
mêmes, qu'il rapporte en entier, ce
qui la rend diffuse et languissante.
Rabelais, dans son Pantagruel, liv.
m , chap. '2.4 , maltraite singuliè-
rement Monstrelet ; et , avec ses ex-
pressions originales de malice et de
méchanceté, il lui reproche d'être
baveux comme un pot à moutarde,
et lui assigne un chaperon verd et
jaune à oreilles de Heure. On sent
que le jugement du satirique curé de
Meudon, contredit par des témoi-
gnages infiniment moins légers que
le sien , ne peut cire d'aucun poids ,
le graveleux docteur ayant souvent
exerce la licence de ses plaisanteries
sur des choses qui méritaient tout
son respect. La Chronique d'En-
guerrand de Monstrelet, commen-
çant à l'année 1400, devrait finir à
i453, époque de sa mort. Son con-
tinuateur ( que M. Dacier soupçonne
être Jacques Duclerq ) l'a portée jus-
qu'en 1467; et différents éditeurs ,
par d'autres continuations , l'ont
prolongée jusqu'en i5i6. La pre-
mière addition n'est autre chose que
la Chronique de Louis XI , connue
sous le nom de Chronique scanda-
leuse^ attribuée à Jean de Troyes ,
greffier de l'hôlcl-de-ville de Paris.
Toutefois il se trouve des difleren-
u commencement de ces deux
ouvrages , qui ne deviennent une
même chose qu'au débordement de
la Seine et de la Marne, arrivé en
1460. La seconde continuation com-
prend tout le règne de Charles VIII ;
elle est de Pierre Desrey : on la
trouve littéralement reproduite à la
suite de la traduction de Gaguin,
jar le même Desrey , à la fin de la
Chronique de Bretagne par Alain
Bouchard , et dans le Charles V1ÎI
de Godefroy. Il y a différentes édi-
tions des Chroniques de Monstrelet.
Antoine Verard, de Paris , en a
donné, sans date, deux différentes,
chacune en 3 volumes in-fol., qui ne
vont que jusqu'à 1 4^7 ? et sur les-
quelles on peut consulter le Manuel
du libraire. Les plus anciennes édi-
tions, avec date, sont celles deJ.
Petit et Lenoir , 1 5 1 ri , et de Fr. Re-
gnault, i5i8, publiées aussi à Pa-
ris, chacune en 3 volumes in-fol.
Voici le titre de celle de Pierre L'Hui-
lier, Paris, 1572; c'est presque une
analyse de l'ouvrage : « Volume pre-
» mier des Chroniques d'Enguer-
)> rand de Monstrelet, gentilhomme,
«jadis demeurant a Cambray en
» Cambresis , contenant les cruelles
» guerres civilles entre les maisons
» d'Orléans et de Bourgongne, l'oc-
» cupation de Paris et Normandie
» par les Anglois, l'expulsion d'i-
» ceux, et autres choses mémorables
» advenues de son te m s en ce
» royaume, et pays étranges. His-
» toire de bel exemple, et grand fruit
» aux François, commençant en l'an
» mccgc , où fini&t celle de Jean
» Froissard , et finissant en l'an
» mcccc. lxvii , peu outre le com-
» mencement de celle de messire Phi-
» lippe de Gommes; revue et cor*
» rigée sur L'exemplaire de la librai-
» rie du roy, et enrichie d'abbregez
«pour L'introduction d'i«elles, et
» de tables fort copieuses. » La bi-
bliothèque du Roi possède un exem-
plaire de cette dernière édition, pro-
venant du savant Huet, évêque d'A-
vranches:il contient plusieurs notes
manuscrites très-précieuses, et une
table chronologique , faite aussi de
sa main, présentant les diverses
branches issues de Charles VI , de
Charles VII et Louis XI , aux rè-
gnes desquels ces chroniques se rap-
portent. L'édition que Denis Sauvage
MON
a donnée de ces Chroniques ( Pa-
ris, Chaudière, 1572, 3 vol. in-fol.),
quoique plus belle que les précé-
dentes, est des moins estimées, par-
ce que cet historiographe a change'
beaucoup de mots et de, phrases,
dont même il n'a pas toujours rendu
le sens. La traduction anglaise, par
Thomas Johnes, imprimée en 1809,
Hafod , 4 vol. in-4°. , pour faire
suite à l'édition de Froissard, sortie
des mêmes presses, a aussi été tirée
in-fol. , et a reparu à Londres, 18 1 o,
eu 12 vol. in-8°. Bullart , dans son
Académie des sciences et des arts ,
Amsterdam, Eizevir, 1680, 2 vol.
in-fol., etFoppens, tom. 1 , pag. 263 ,
de sa Bibliothèque belgique, nous
ont donne le portrait de Monstrelet.
La bibliothèque du Roi possède trois
beaux manuscrits de ses Chroni-
ques • et M. De Bure a détaille les
beautés d'un exemplaire manuscrit
qui se trouvait dans la bibliothèque
du duc de la Vallière. D — os.
MONTAGNAC ( François de
Gain ) , évêque de Tarbes , né Je (J
janvier i«j44 1 3U château de iVIoii-
tagnac , en Limousin , fut d'abord
aumônier du roi et grand-vicaire de
Reims. En 1768, il fut nomi
l'abbaye de Quarante , au diocèse de
Narbonne, et, en 1783 , a L'évéché
de Tarbes. 11 fut sacré po
le 20 octobre de la mime
Ayant obtenu , en 1788
de Saint-Vincent du Mans , 1! remil
son abbaye de Quarante. !
3ats s'opposèrent avec plus d<
aux innovations de l'assemblée cons-
tituante: il adressa sur ce sujet plu-
. 11 s'était
la fin de
1790 ; mais il revint inopinément à
iis 179»
| ■
uonça un disco. lotiversoi
MON 4»i
refus du serment. Tl fut dénom
l'on commença des poursuites contre
lui. En même temps , on élut pour
évêque des Hautes - Pyrénées Guil-
laume Molinier, doctrinaire, auquel
M. de Moutagnac adressa vainement
des exhortations pour le détourner
du schisme. L'évêque de Tarbes fut
obligé de se réfugier de nouveau en
Espagne : il habita quelque temps
dans la vallée d'Aran , à peu de dis-
tance de son diocèse ; et de là il fai-
sait passer des instructions et des avis
au clergé et aux fidèles , pour les
soutenir dans les circonstances diffi-
ciles où l'on se trouvait. Cette proxi-
mité et cette correspondance dé-
plurent aux révolutionnaires fran-
çais, qui menacèrentles habitants du
village espagnol , où l'évêque était
retiré , de piller leurs maisons , si
l'on continuait à donner asile au pré-
lat. Celui-ci quitta donc ce séjour
avec deux autres évoques français ;
et il haleta pendant trois ans le mo-
nastère de Mont -Serrât, en Cata-
logne. On a de lui plusieurs mande-
ments et écrits datés de ce lieu. A la
.fin de 1 794 , il se rendit en Italie, et
résida plusieurs années à Lugo. Ce
fut de cette ville , qu'il adressa au
clergé de son diocèse une Instruction,
du 20 niai 179:), pour les prêtres
missionnaires , une Lettre contre la
soumission demandée alors aux çc-
elésiasiifjnes , une Instruction du 21
décembre 1797 , sur les droits du
roi . et quelques autres écrits tic cir-
constance. Cet évêque n'approuva
punit les tempéraments que ses col-
,: France, autoris
en plusieurs occasions sur les aJ
de l'Eglise. En 1800 , il j
Portugal , et envoya sa d<
(i no\ 'i ; niais il ré
contre l'exécution et les suiti
concordat , et se joignit a;,
•
non-démissionnaires, dans plusieurs
de leurs démarches. Le nombre des
écrits de M. de Môntagnac , sur les
matières ecclésiastiques de ce temps-
là , est de cinquante-sept , qui paru-
rent depuis 1790 jusqu'en îHo'i; on
en trouve la liste dans l'ouvrage in-
titulé : Extraits de quelques écrit»
de fauteur des Mémoires pour
servir à l'histoire de la révolution
française , Pi se , 181 4 , tome 11 : il
parait que M. de Môntagnac avait
envoyé à M. l'abbé d'Auribeau , au-
teur de ces Mémoires , une copie
authentique de ces divers écrits ; et
M. d'Auribeau en donne une analyse
assez étendue. Quelque temps après
le concordat , l'ancien évêque de
Tarbes se rendit en Angleterre : il y
vécut dans la retraite , occupe de la
prière et d'études convenables à son
état, et mourut à Londres en i8ofj.
P— c— T.
MONTAGU ( Sir Edouard ) ,
magistrat anglais , de la même fa-
mille que les comtes de Manchester
et d'Halifax ( V. ces noms) , naquit à
Bridgstock (comté de Northampton),
vers la fin du seizième siècle. 11 sui-
vit ia carrière du barreau. Élu mem-
bre de la chambre des communes ,
il devint bientôt président de cette
assemblée {speaker). Montagu exer-
çait cette fonction, aussi honora-
ble qu'importante (1) , lorsque Henri
VIII, ayant un pressant besoin d'ar-
gent , proposa un bill de subsides ,
qui fut rejeté ( i523 ). L'influence
de Montagu était si grande et si
connue, que le roi , irrité de ce re-
fus , lui fit donner l'ordre de se ren-
(1) Arthur Collins, dans son Histoire de Îh pairie
. assure , d'après son manuscrit posséda par
]a famille de Montagu , qu* *« dernier était à «cite
époque président de la chambre des communes : Hu-
me et d'autres historiens accordent bien à Montagu
i me très-grande influence sur l'esprit de se? collègues ;
mais ils affirment que Thomas More présidait la
chambre lorsque le subside fut demandé.
7
dre auprès de lui , et s'écria en le
voyant : « Eh quoi , l'ami , ils ne
» veulent donc pas admettre mon
» bill ! Faites que demain , à telle
«heure, » ajouta-t-il , en mettant
sa main sur la tête de Montagu,
» mon bill ait passé, ou cette tête ne
» restera pas sur vos épaules. » Sir
Edouard connaissant le danger qu'il
courait, d'api es le caractère im-
pétueux et sanguinaire de Henri ,
agit si efficacement auprès des mem-
bres de là chambre, que le bill passa
avant l'heure indiquée En i53i,
Montagu obtint le degré de docteur
es -lois, et fut nomme' avocat du
roi , .six ans après. Il fut élevé , en
1 533 , au rang de chevalier, et
obtint, l'année suivante, la conces-
sion de plusieurs terres qui avaient
appartenu à des abbayes que Henri
V 1 1 1 venait de supprimer. Après
avoir exercé , pendant quelques an-
nées, la place de président ou grand-
juge de la cour du banc du roi , il
résigna cet oin.ee , en i545, et fut
nommé, la même année, président
de la cour des plaids - communs ;
changement que Fuller appelle une
abaissement en honneur, mais une
élévation en profit. Il fut aussi l'un
des membres du conseil - privé , et
jouit d'une telle faveur auprès de
Henri VIII , que ce souverain le
nomma l'un des seize exécuteurs
de son testament , qui devaient être
en m^me temps régents du royaume,
et gouverneurs du jeune Edouard
VI, son fils. Au couronnement de ce
prince ( février 1 54 7 ) , Montagu dut
à rattachement qu'Edouard lui té-
moignait, d'être chargé, avec d'au-
tres commissaires , de recevoir les
plaintes des sujets du roi , et d'y faire
droit. En i54ç), une conspiration
ayant clé formée contre le prolecteur
Sommerset, Montagu se joignit à ses
MON
adversaires , et contribua ainsi a son
renversement. Cependant la santé du
jeune roi déclinant rapidement, le
duc de Northumberland , qui avait
remplace Sommerset , résolut de
changer l'ordre de la succession à la
couronne , en laveur de Jeanne Grey,
qu'il avait t'ait épouser à son fils ,
lord Guilford - Dudley. Il usa de
son ascendant sur l'esprit du jeune
Edouard, pour lui faire approuver
son projet , et exigea (pie Montagu
et les autres chefs de la magistra-
ture, qu'on avait fait appeler à un
conseil tenu à cet effet , rédigeassent
en forme de lettres patentes la mi-
nute de l'acte projeté. Le danger
qu'une telle condescendance pouvait
faire courir à ces magistrats , les fit
long-temps hésiter. Us représentèrent
que le règlement de la .succession à la
couronne ayant été fait par Henri
VIII, en conséquence d'un acte du
parlementâtes lettres-patentes seraient
nulles, et exposeraient à la peine de
haute - trahison non - seulement les
juges qui les auraient dressées, mais
tout conseiller qui les aurait signées ,
et que la seule voie régulière était de
convoquer un parlement, et d'obtenir
le consentement de cette assemblée.
Northumberland s'emporta contre
eux d'une manière violente , et dit à
Montagu qu'il était un traître. Mais
les magistrats persisl s leur
opposition , qui ne cessa qu'après
plusieurs assemblées du conseil , et
lorsque Montagu eut fourni un expé-
dient qui réunit tous les suffra-
ges. Il proposa qu'une commission
du roi , en son conseil , fût doi
pour requérir les juges de dresser
1rs letl
tement après, un pardon fût accordé
pour '
vitation. 1
MON
*i->
pour plus grande sûreté , que tous Ics^
membres du conseil signassent ces
lettres-patentes , en vertu desquelles
les princesses Marie et Elisabeth fu-
rent exclues, et la couronne fk
la tête de Jeanne Grey. Mais ce triom-
phe de Northumberland fut de peu
de durée; car Edouard VI étant mort
Iques jours après, Marie, ap-
e par les barons, mécontents
du despotisme du protecteur , par-
vint à déjouer ses projets , et monta
sur le trône de ses pères. Montagu
reçut la punition que méritait sa
complaisance.il fut envoyé à la Tour,
et privé de ses emplois. Mis en li-
berté après une courte détention , il
se retira dans le comté de North
ton, où il mourut le i o février ;
D— z— s.
MONTAGU ou MONTAGUE
( Edouard ), comte de Sandwich ,
également distingué comme général ,
comme amiral et comme homme
d'état, mais dont la conduite politi-
que fut une suite de contradictions,
était pelit-Ols de lord Montagu de
Boughton ,et delà même famille que
le précédent. Né en 16^5, il débuta
fort jeune dans la carrière militaire,
puisque dans le mois d'août iG43, il
reçut la commission de lever un 1
de troupes, au service du parlement,
contre Charles 1er. (1). Montagu se
rendit à L'armée avec son régiment ,
distingua à l'assaut de l,in<
aux batailles de Marstcn-Moor et de
INaseby , et dans d'autres circons-
tances importantes, n s en-
ans. Nomme meml 1
la chambre des communes, par le
comté d'Hungtindon, il siégea au
parlement avant d'avoir atteint ■■
ni fi "'"" lui lit tdoptci li > pi iiuri-
414 mon
requis, et obtint aussi une place dans
la trésorerie, sous l'administration
i!e Cromwcll. La paix ayant été con-
clue avec la Hollande, il quitta le ser-
vice de terre, pour entrer daus la
marine, et fut associe' au célèbre ami-
rai Blake , dans le commandement
de la flotte destinée pour !a Méditer-
ranée. Les deux amiraux finlbt voile
vers les côtes d'Afrique ( i656),
châtièrent les corsaires barbaresques,
et s'emparèrent, après celte expédi-
tion, de deux galions espagnols, ri-
chement chargés , queMontagn con-
duisit en Angleterre. L'année suivan-
te, il obtint le commandement d'une
flotte dont l'objet était de veiller sur
les démarches des Hollandais, de
commuer la guerre contre les Espa-
gnols , et de faciliter aux Français la
prise de Dunkerque. Il s'acquitta de
cette commission avec autant de cou-
rage que de prudence, vainquit la
flotte espagnole près des Dunes, et
fut envoyé ensuite auprès du maré-
chal de Turenne, pour conférer avec
lui sur les moyens de continuer la
guerre. Après cette entrevue, Mcn-
tagu renonça tout-à-coup au service,
cl se retira dans ses terres ( i ). Après
la mort de Cromwell , il obtint du
fils du protecteur, le commande-
ment d'une grande ftolte , qui fut
envoyée dans la Baltique ( 1659 ) •>
de concert avec les Hollandais, pour
arrêter les progrès des Suédois , et
obtenir, par une médiation armée ,
un accommodement entre les puis-
sances du IN ord. Il y réussit; et le
roi de Suède, jadis l'allié de l'An-
gleterre, fut obligé de lever le siège
de Copenhague , et de consentir à la
paix avec le Danemark. Il paraît qu'à
MON
cette époque, Montagu conçut un
grand dégoût contre ceux qui l'em-
ployaient : on l'attribue à la réforme
de son régiment de cavalerie, et à la
mesure qui fut prise, de subordon-
ner tous ses actes à l'approbation
d'Algernon Sidney et d'un autre com-
missaire. Il était dans celte disposi-
tion d'esprit , lorsque Charles II lui
écrivit deux lettres , une pour le
chancelier Hydc , et l'autre pour lui-
même , dans laquelle il l'engageait à
abandonner le service du parlement,
et à ramener sa flotte en Angleterre,
où il pourrait agir de concert avec
sir George Booth et d'autres roya-
listes disposés à effectuer la restau-
ration. Montagu , prenant pour pré-
texte le manque de provisions, fit
voile pour les cotes d'Angleterre.
Mais il eut le chagrin d'apprendre ,
en arrivant, que sir George Booth
avait été arrêté et conduit à la Tour;
que le parlement jouissait encore de
l'autorité, et qu'Algernon Sidney l'a-
vait dénoncé comme traître. Sans se
laisser effrayer par ces événements ,
Montagu n'hésita pas à paraître à
Londres, et se défendit, devant le
parlement, d'une manière si plausi-
ble , qu'on se contenta de lui ôter
son commandement (1). Sa retraite
ne fut pas de longue durée : car ,
peu de temps après , le conseil-
d'état l'adjoignit à Monk, dans le
commandement de la flotte anglaise.
Il profita de son autorité pour se
rendre sur les côtes de Hollande; et
lorsqu'il fut en vue de Scheveling ,
sans s'inquiéter des intentions du
parlement , il détermina ses officiers
à se soumettre à Charles II,, qui
s'embarqua avec le duc d'York , à
[t'\ On attribua cette retraite extraordinaire à la
peinture touchante que Tureune lui avait faite des
ji»iil,eurs de Cliarle
CJIH
s il.
(1) La situation difficile dans laqu 'lie se trouvait
alors le parlement , ne lui permit pas d'aprofondir les
motifs qui avaient déterminé Montagu à quitter s«m
poste.
MON
bord de la flotte anglaise dont Mon-
tagu résigna le eom mandement à
ce dernier prince , en sa qualité de
grand - amiral. Montagn eut ainsi
l'honneur de concourir au rétablis-
sement de Charles II , qu'il ramena
en Angleterre. Deux jours après le
débarquement , le roi lui remit l'or-
dre de la Jarretière , et le créa en-
suite baron Montagu de Saint-Neoth,
vicomte Hinchinbroke et comte de
Sandwich. Il fut nommé, peu après,
membre du conseil-privé, maître de
la garde-robe, amiral de la Manche ,
et lieutenant du duc d'York. Lorsque
la guerre éclata avec la Hollande ,
en 166 j , le duc d'York prit le com-
mandement en chef de la flotte ,
comme grand-amiral ; et le comte de
Sandwich, mis à la tête de l'escadre
bleue, contribua, par ses manœu-
vres, à la prise d'un grand nombre
des vaisseaux de l'ennemi. Dans Ja
grande bataille du 3 juin 1 665, où les
Hollandais perdirent leur amiral Op-
dam , et eurent dix-huit vaisseaux de
guerre pris et quatorze détruits, on
attribua en grande partie l'honneur
de la victoire au comte de Sand-
wich , qui s'empara , le 4 septem-
bre suivant , de huit vaisseaux de
guerre hollandais . de deux de leurs
meilleurs bâtiments de i.; compagnie
des Indes, et de vingt bâtiments mar-
chands. A peine de retour en Angle-
terre, il fut envoyé a Madrid, pour
icier la paix entre li .
Mlugal : il y réussit eom]
ment. Il conclut aussi , av. m: la cour
de Madrid, eu t ra ■. ! traerce
erre. Au re-
nouvellement c
Hollande en i»;-- qUa de
nouve tcom-
mand ■! hol-
landais Ki, c nue
flotte fou le (ji
MON
«
vaisseaux de ligne et de 44 brûlots ;
et le 28 mai , à la chute du jour, il fut
en vue des Anglais, qui avaient été'
joints par les Français commandés
par le maréchal d'Estrées. Les flottes
combinées étaient mouillées à Sole-
bay, et n'avaient pris aucune des
précautions que la prudence indiquait.
Sandwich crut devoir donner au duc
les avis que son expérience consom-
mée lui suggérait sur le danger qu'ils
couraient. Mais il paraît que ses
conseils furent mal accueillis, et que
le duc se permit même une réponse
piquante, dans laquelle il attribuait
ses appréhensions à un manque de
courage. A l'approche de l'ennemi ,
chacun courut à son poste avec pré-
cipitation; et plusieurs vaisseaux fu-
rent obligés de couper leurs cables
pour être prêts. Sandn ieh comman-
dait l'avant-garde; et quoique déter-
miné à vaincre ou à périr, il écoula
d'abord la voix de la prudence, en
se hâtant de sortir de la baie, où
Kuyter aurait pu détruire, avec ses
brûlots , les deux flottes combinées ,
dont les bâtiments pressés les uns
contre les autres, étaient hors d'état
de manœuvrer. Il les sauva ainsi
d'un danger imminent, et donna le
temps de se dégager au duc d'York ,
qui commandait le corps principal,
et au maréchal d'Estrées, qui était a
la tête de l'arrière-garde. Sandwich
récipita ensuite au milieu des
[liants, et, par cet acte dés<-
attira tous leurs efforts sur le /.
Jacques, qu'il montait. 11 tua de sa
propre main l'amiral hollandais
Van-Gheilt, repoussa son vaisseau ,
coula bas un autre bâtiment , et trois
brûlots qui cherchaient à l'aborder.
Quoique le Royal Jacques fût criblé
de toutes parts, et que, sur mille
hommes qui le montaient, si\ cents
fussent étendus morts sur le pont, il
4i6
MON
n'en continua pas moins à faire ton-
ner son artillerie au milieu Ses en-
nemis; mais un autre brûlot, masque
par la fumée, étant parvenu à se
cramponnera son vaisseau, sa perte
devenait inévitable. Averti par sir
Edouard Haddock son capitaine, ce
brave amiral refusa de se sauver, et
périt ainsi au milieu des flammes ,
avec presque tous ses officier*. Quinze
jours après ia bataille, les habitants
de Ilarwich , reconnurent son ca-
davre flottant sur le rivage, à l'ordre
de la Jarretière dont il était décoré.
On le fit embaumer; et, d'après les
ordres du roi , il fut porté à Londres
et enterré avec une grande solennité
dans l'abbaye de Westminster. La
malheureuse fin de Sandwich fit faire
de grandes réflexions sur la conduite
du duc d'York; et, dans le pari*
qui se tint à Westminster en octobre
1680, lors du débat du bill d'exclu-
sion , plusieurs membres des Com-
munes la lui imputèrent hautement.
Il n'y a qu'une opinion sur la bra-
voure et les talents du comte de
Sandwich , considéré comme com-
mandant, ou comme homme-d'état :
mais on lui reproche avec raison les
inconséquences de sa carrière poli-
tique , qui ne furent égalées que par-
les inconséquences de la cour dans
la distiibution des faveurs dont elle
le combla après la restauration. Il
avait en effet contribué à détrôner
le père, et avait offert la couronne
à l'usurpateur : cependant , pour le
récompenser de quelques légers ser-
vices à la veille d'une inévitable
restauration , Charles II fit pleuvoir
sur lui les honneurs et les récom-
penses , tandis qu'il négligeait mille
sujets fidèles qui avaient risqué leur
vie et leur fortune pour défendre la
cause royale dans toutes ses vicis-
situdes. Walpole 7 qui a donné une
MO
place à Montagu dans son Catalo-
gue of Royal ami noble authors ,
cite de lui : i°. Lettre au secrétaire
Thurlce , dans le Ier. volume des
Papiers d'état de Thurloe. — 2°.
Diverses lettres , écrites pendant
sou ambassade en Espagne, publiées
dans les Lettres d\A*lingion , et
dans les Lettres originales et négo-
ciations de sir Richard. Fanshaw ,
du comte de Sandwich , etc. Le
comte de Sandwich est aussi l'au-
teur d'une traduction (de l'espagnol)
do la Métallurgie d'Alonzo Barba ,
1 0 7 4 , petit in-8°. Enfin on trouve,
dans le n°. 21 des Transactions phi-
losophiques , quelques observations
astronomiques du comte de Sand-
wich. D — z — s.
MONTAGU (Jean), quatrième
comte de Sandwich , de la même fa-
mille que le précèdent, naquit à West-
minster , en in 1 B. Il avait à peine
quatre ans, lorsqu'il perdit le vicomte
cTiiinchinbroke son père. Il reçut
une brillante éducation par les soins
delord Sandwich son aïeul , et entre-
prit , au sortir du collège, un voyage
autour de la Méditerranée , dont il
écrivit lui-même la relation, publiée
après sa mort. Montagu rapporta de
ses excursions plusieurs momies, des
ibis , un grand nombre de médailles
et d'autres objets curieux ( 1 ). Il avait
succédé, en 1729, cala pairie de son
grand-père; et, dès qu'il eut atteint
l'âge requis , il siégea clans la cham-
bre haute. ïl commença sa carrière
politique, en se joignant au parti
alorsen oppositionavec Robert Wal-
pole. A la formation du ministère
désigné sous le nom de Broad-Bot-
(l) Pnrmi ces objets se trouvait une pièce
marbre Je deux pieds de long, sur les deux cil
de laquelle était une inscription qu'on Fut long-teni]
MHS pouvoir deçhilïrer. Le savant D. Taylor , du C<
lége delà Trinité , parvint à l'expliquer, eu ly.J^j
lui doauu le wjiu d^ Marbre de Sandwich,
MON
fom , il fut nomme second lord de
l'amirauté' ( i5 décembre 1744)?
et obtint un grade dans l'armée , à
cause de la part active qu'il avait
prise dans les levées de troupes pour
éteindre la rébellion de i;45. Il pa-
raît qu'on avait reconnu en lui des
talents politiques; car, en novembre
1 74O, il Iut envoyé, comme plénipo-
tentiaire, au congrès qui devait se te-
nir à Bréda ; et ses pouvoirs furent
continués jusqu'au traité d'Aix-la-
Chapelle ( octobre 1748). A son
retour, il fut admis au conseil-privé,
et nommé premier lord de l'amirauté,
Lorsque George II s'embarqua pour
le Hanovre , lord Sandwich fut un
des lords-justiciers du royaume pen-
dant l'absence du roi. En juin 1 7 5 1 ,
il fut éloigné de l'amirauté, et resta
sans emploi jusqu'en 17 55, qu'il de-
vint l'un des vice-trésoriers adjoints
d'Irlande. En avril 1763, il reprit
sa place de premier lord de l'ami-
rauté. Eloigné encore des affaires
en 1765, il obtint, en 1768, l'em-
ploi d'adjoint directeur-général des
postes avec lord Le Despcncer. Sous
l'administration de lord North , il
fut replacé, pour la troisième fois , à
la tête de l'amirauté (janvier 177 1);
emploi qu'il occupa pendant toute
la période orageuse de la guerre d'A-
mérique, et qu'il résigna lors de la
dissolution du ministère qui Payait
provoquée. Sa conduite , à la tète de
cette administration dans des cir-
constances difficiles, lui fit beau*
coup d'honneur. Il réforma plu-
: ! abus dans les arsenaux de
marine, qu'il visitait tous les ans;
augmenta les établissements des sol-
le marine, encouragea les voya-
ges de découvertes , dont il pro-
1 les autei aontra une
grande connal- devoirs du
département qui lui ; ,
xxix.
MON
417
1783, lors du ministère de la coali-
tion, il accepta la capitainerie des
chasses , qu'il conserva seulement
pendant une anne'e; et il rentra pour
toujours dans la vie privée, jusqu'à
sa mort, arrivée le 3o avril 179-ï»
Le comte de Sandwich était un ora-
teur plus solide que brillant. Pen-
dant la guerre d'Amérique , il fut
fréquemment attaqué dans les deux
chambres, pour sa conduite admi-
nistrative, ou pour des malversations
qu'on lui imputait. Dans les débats
parlementaires qui eurent lieu lors
des fâcheux événements de la guerre
d'Amérique, il eut souvent pour ad-
versaire le célèbre lord Chatham ,
dont l'éloquence extraordinaire im-
posait silence, et inspirait la crainte
aux pairs dont l'habileté était le
plus reconnue. Lord Sandwich ne
se laissa pas éblouir par l'éclat de
ce talent oratoire : il n'hésita ja-
mais à lui répondre , et il le fit tou-
jours de manière à prouver que sa
réplique était nécessaire et convena-
ble. Il avait une politesse aisée , et
une gaîté peu commune. Il aimait à
rendre service, et le faisait toujours
avec grâce. C'était un homme de
plaisir , passionné surtout pour la
musique. On lui attribue un pam-
phlet intitulé : Etat de la question
relative à Vhospice de Greenwich ,
177g, en réponse à l'écrit du ca-
pitaine Baillie : JEtat de Vhospice
royal de Greenwich, publié en
1778. Depuis sa mort, John Cookr
son chapelain, a publié: Voyage
fait par le comte de Sandwich ,
dans la Méditerranée, dans I
nées 1738 et 1739, écrit par lui-
même. LVditeùr y a \o\zà sur l'au-
teur une notice oétatUee, d\
extraite en partie celle que nous don-
nons. L'ouvrage du noble lord , quoi-
que bien écrit ; et rempli d\>l-
37
4i8
MON
lions justes, a perdu beaucoup de
son intérêt — George Montagu,
naturaliste distingué ', né en Angle-
terre , membre de la société Lin-
néenne, a publié: i°. Dictionnaire
ornilhologiquc , i vol. in-8°. , 180a ;
'2°. Testacea britannica , ou Histoire
naturelle des coquillages anglais, in-
4°., i8o3, avec un supplément qui
a paru en 1809. George Moutagu
est mort à Knowle , dans le Devon-
sliire, en 181 5. D — z — s.
MONÏAGUE. V. Mowtagu (1).
MONTAGUE (Ourles), comte
d'Halifax. F. Halifax.
MONTAGUE ( Lady Marie Wor-
tley ) naquit à Thoresby, dans le
comté de Nottingham , en 1690, du
duc de Kingston , et de lady Marie
Fulding, fill'e du comte deDenbigh,
laquelle mourut en 1694. Lady Ma-
rie Pierrepoint ( nom qu'elle porta
jusqu'à son mariage , et qui était
celui de sa famille ) montra , bien
jeune encore , les dispositions les
plus heureuses ; et le duc , son père ,
se plut à les cultiver. Aussitôt que
ses facultés le permirent, il lui donna
dans tous les genres les mêmes maî-
tres qu'à ses fils : elle apprit succes-
sivement le grec , le latin, le fran-
çais, l'italien, l'allemand, et fit de
grands progrès dans ces différentes
langue*. Une telle éducation deman-
dait qu'elle vécût dans la retraite; et
en effet , elle eut très - peu de rap-
ports avec le monde, jusqu'à ce que
son intimité avec Mmc. Wortley
Monta gtie lui fit connaître Edouard
Montague , fils aîné de cette dame.
Un mariage d'abord secret, on igno-
re pourquoi , l'unit à l'héritier de
cette famille, au mois d'août 17 12.
(1) Les Anglais écrivent , presque indistinctement ,
«le ces deux manières ; Us prononcent toujours Mon-
totzti.
MON
Excité par l'ambition de sa femme
à se présenter aux élections et porté
au parlement , Edouard Wortley ne
tarda pas à s'y distinguer par ses
talents et ses connaissances : il par-
vint bientôt à la place de lord de la
trésorerie , et fut nommé , quelque
temps après , à l'ambassade de Cons-
tantinople. Lady Marie suivit son
époux en Turquie, où l'appelait une
curiosité excitée par tout ce qu'elle
avait lu sur des contrées aussi célè-
bres. La partie la plus intéressante
de ses lettres est sans contredit celle
où elle rend compte de ce voyage.
Elle visita d'abord la Hollande ,
parcourut l'Allemagne , s'arrêta à
Vienne , traversa la Hongrie , et
arriva heureusement auprès de son
mari. Elle s'empressa de prendre
des leçons de langue turque , sur-
moDta toutes les difficultés , et , au
bout d'un an , parvint à l'entendre ,
et même à la parler intelligiblement.
Elle obtint du sulthan Achmet la
permission d'entrer dans le sérail,
où elle se lia d'amitié avec la sultane
favorite Fatima. Les fréquentes visi-
tes qu'elle lui fit, la mirent à portée
de redresser bien des préjugés , et
de donner , du harem du grand-
seigneur, des idées plus justes que
les Européens n'en avaient eu jus-
qu'à elle. Ce fut à Beligrad , pe-
tite ville située à quatre lieues de
Constantinople , que lady Marie eut
la première connaissance de l'ino-
culation de la petite- vérole , prati-
quée depuis long-temps dans cet en-
droit , où les agents diplomatiques
vont ordinairement pendant l'été se
dérober à la peste, et aux chaleurs
delà saison. L'ambassadrice recueil-
lit quantité de documents sur cette
pratique , et fut si convaincue de son
utilité , qu'elle fit inoculer son fils
sur les lieux mêmes avec un grand
MON
succès. Elle résolut d'introduire ce
procède en Europe , et crut ne pou-
voir faire un plus beau présent à
sa patrie en particulier, que de lui
fournir un moyen fort simple d'at-
ténuer au moins les i'ifets d'une aus-
si cruelle contagion. M. Wortley
ayant été rappelé de Constantinople,
environ trois ans de séjour
dans celte capitale, (it voile, avec
lady Marie, vers l'Italie. Ils débar-
quèrent sur les cotes d'Afrique , allè-
rent voir Tunis et les ruines de Car-
tilage, se rendirent ensuite à Gènes,
et retournèrent en Angleterre, en
passant par la France. M. Wortley
y suivit sa carrière politique- et lady
Marie put s'y livrer à son goût pour
les lettres et jouir de la conversation
des hommes qui s'y e'taient rendus
célèbres. Pope, Addison , Steele,
Young, et plusieurs autres littéra-
teurs moins fameux , formèrent à
Twickenham , village charmant, à
trois lieues de Londres, la société
habituelle de lady Montagne; mais
le commerce des gens de lettres, et
particulièrement celui des poètes, a
I incs. Pope était le plus irascible
des favoris des Muses. Des plaisan-
teries piquantes, qui parvinrent à
sa connaissance, l'aigrirent contre
lady Marie; et il se irdes
traits de satire , qui amenèrent une
rupture et un éclat qui morli:
beaucoup celle qui en «tait l'objet.
Ce désagrément et les dégoûts dont
l'accabla le parti des Toris, qui par-
vint a écraser les Whigs dont elle
partageait l»-s opinions, la décidèrent
à se rendre en Italie : elle y fit con-
sentir M. Wortley , et alla séjourner
tantôt .1 \ mis
près du lac d'1
délices delacul qu'elle
joignait a des
très. Elle avait pris beaucoup de
MON 4*<J
goût pour la langue et pour les mœurs
italiennes ; et les vingt-deux années
qu'elle passa dans ce pays , le prou-
vent suffisamment. Un exil volon-
taire si long, et qui plaçait une si
grande distance entre elle et tout
ce qu'une femme a de plus cher,
démontre, à notre avis, que sou
caractère n'était pas exempt de sin-
gularités. Elle sentit cependant la né-
cessité de retourner dans ses foyers ,
après la mort de son mari, en 1 76 1 •
et elle partit pour l'Angleterre , dans
la même année. Comme elle traver-
sait la France , quelqu'un lui parla
des lettres de Mme. de Sévigné :
Elles sont fort jolies, répondit-elle ;
mais , dans quarante ans , les mien-
nes ne seront pas moins recherchées.
Sa santé avait décliné depuis un cer-
tain temps : ses infirmités augmen-
tèrent; et elle mourut uu an après
son retour au sein de sa famille ,1e
•21 août 176:2, âgée de soixante-
treize ans. On voit, dans la cathé-
drale de Litchfield , un monument
en marbre , consacré à la mémoire
de cette dame illustre. La beauté;
y est représentée versant des larmes
sur la tombe de celle qui, par l'ino-
culation qu'elle introduisit en Euro-
pe, enleva à la mort et à la laideur
une multitude d'enfants destinés à
devenir leurs victimes. Ce cénota phe
est dû aux soins généreux et phi'an-
tropiques de Henriette Inge, fille
d'un baronet de cette contrer
Lettres de lady Montague , quelques
Fragments , et des Poésies en petit
nombre, ont été recueillis en cinq vo-
lumes imprimés à Londres, ru i8o3,
d'après les originaux remis j
famille à l'éditeur. L'édition en
lûmes, in- 12, publier à Londres .
par Becket, en 17'' avoir
. M. Cléland, qui la
mit au jour; encouragé par le succès
-
4^o MON
qu'elle obtint, en fit paraître une au-
tre en 4 volumes , 1 767 ; mais ,
comme il n'existe point de manus-
crit des lettres du quatrième volume
de cette seconde édition , on est fon-
de à croire que Gléland en est l'au-
teur. On sait même qu'il n'a jamais
repousse le soupçon de les avoir sup-
posées. Les critiques anglais qui ont
compare' lady Montague à Mme. de
Sévigné , ont sans doute voulu dire
uniquement qu'elle est pour sa na-
tion ce que la mère de Mmc. de
Grignan est pour la notre. Rien
n'est d'ailleurs plus différent que
leur tour d'esprit et leur style. En
lisant lady Montagne, on est frap-
pé de je ne sais quelle force de ré-
flexion , qui décèle des études classi-
ques et une tête formée à l'école des
anciens. Ses jugements ont une har-
diesse, et sont exprimés avec une
3 prêté satirique., qui souvent annonce
une liberté de penser que rien n'ar-
rêtait, de son temps, en Angleterre,
et que favorisait le protestantisme.
Dominée par l'orgueil et étrangère
à toute sensibilité, on ne la vit jamais
contente d'elle-même et de sa posi-
tion, a A seize ans , dit M. Fiévée ,
« elle regrette de n'être pas homme ^
» à trente elle demande déjà dix an-
» nées de moins; mère de famille,
» elle fait l'éloge du célibat. La toi-
» lette des Françaises lui paraît ri*
» dicule; et , tant qu'elle a l'espoir
» de plaire , elle tire ses modes de
» France. A soixante-huit ans, il y
» avait déjà onze années qu'elle n'a-
» vait osé se regarder dans un mi-
î> roir; et , lorsqu'on venait lui ren-
» dre visite, elle recevait en domino
» et en masque. Ses vœu?: les plus
» ardents étaient qu'aucune de ses
» petites-filles ne lui ressemblât pour
» l'esprit et le caractère; enfin , dans
» ses vieux jours ? en voyant passer
MON
» une grosse villageoise, elle regret-
» tait de n'avoir pas été toute sa vie
» ignorante et sans ambition. «C'est
encore milady Montague qui disait
de son sexe , que sa seule consola-
tion d'être femme avait toujours été
la certitude de n'en point épouser
une. On ne peut méconnaître non plus
dans sa manière, un peu de cet ap-
prêt et de ce travail qui laissent voir
qu'elle destinait ses Lettres à être un
jour imprimées. Ce ne pouvait être
en effet dans un autre dessein qu'elle
en remit elle-même une copie eu
deux volumes in-4°.7 à M. Sowden,
ecclésiastique hollandais, constatant
cette remise par une note signée de sa
main, qui était en tête du manuscrit.
C'est vraisemblablement à cette cir-
constance, qu'il faut attribuer le man-
que de naturel, tranchons le mot, la
pédanterie de quelques passages, ainsi
que la pesanteur et la tournure pé-
nible de la plupart de ses fins de let-
tres. Ces défauts n'empêchent pas le
recueil dont il s'agit, d'être un des
plus piquants que l'on ait publiés en
aucune langue, et de faire le plus grand
honneur aux connaissances , à la sa-
gacité de vues et à l'art d'écrire que
possédait l'auteur. Quant à ses Frag-
ments et à ses Poésies, ils méritent
assez peu d'attention. Ce n'est pas
qu'ils n'offrent des preuves de talent *
on y remarque des pensées fines et
agréables , et souvent une causticité
pleine de sel: mais avec ce qu'il fal-
lait pour faire quelques bons vers ,
lady Montague était loin de posséder
les qualités nécessaires pour compo-
ser une bonne pièce de quelque éten-
due. Elle néglige fréquemment l'ob-
servation des règles , sans lesquelles
les bagatelles, même en ce genre,
perdent beaucoup de leur prix. En-
fin, l'on peut dire que le dernier vo-
lume ajouté aux Lettres , «juoiqua
MON
propre à satisfaire les curieux, dimi-
nuerait plutôt qu'il n'augmenterait
les litres de cette dame anglaise à la
célébrité'. On a publié les OEuvres
de lady Montagne, contenant sa
vie , sa correspondance avant son
mariage et durant son ambassade en
Turquie , et pendant ses voyages en
Italie , trad. de l'anglais , Paris ,
1804, 4 vo'- in-lX On cite deux
traductions françaises de ses Lettres;
la plus estimée est celle d'Auson ,
i8o5, 1 vol. in-i'js : elle contient
les poésies de lady Montagne , tra-
duites par M. Germain Garnier. On
doit ranger parmi les fables ce que
l'on a débité de la passion que le sul-
tan Achmet avait conçue pour lady
Montagne, et à laquelle elle ne serait
pas demeurée indifférente. Indépen-
damment des préjugés turcs, qui,
surtout chez un empereur , ne per-
mettent pas d'adopter une pareille
idée , on croira difficilement que les
charmes de cette dame anglaise aient
pu balancer aux yeux du grand-sei-
gneur les attraits célestes d'une Fa-
tima, et de tant d'autres créatures
angéliques, qui environnaient leur
fortuné possesseur. C'est peut-être
avec aussi peu de fondement que l'on
Înétend à Londres, au moins parmi
e peuple, qu'Edouard Wortley, fils
aîné de lady Montagne, fut enlevé à
l'âge de quatre ou cinq ans , par des
mendiants de la classe appelée en
Angleterre Gypsiçs (Bohémiens),
qui en firent un ramoneur ; qu'un
heureux hasard le fit reconnaître,
et ht rendit à sa famille; et qu'a-
fmde perpétuer la joie qui avait suivi
our, la mère de cet enfant af-
"ii vivant, et légua par tes-
tament, un annuelle, pour
quel Londres eussent
régulièrement ,m bon
dîner, daoi lus de l'hôtel de
MON 421
Montague; et qu'enfin chacun d'eux
reçût en se retirant un shelling. Ce
qu'il y a de certain, c'est le dîner et
le shelling donnés, le Ier. mai, dans
ces jardins, et la permission qu'a
chaque convive d'emporter son cou-
vert : le fait est connu de tous ceux
qui ont habité Londres. D — p — c.
MONTAGUE ( Edouard Wor-
tley ) était fils de la précédente.
Autant sa mère s'est distinguée par
son esprit, autant Edouard W. Mon-
tagne s'est fait remarquer par la
bizarrerie de sa conduite et par les
aventures de sa vie, qui n'a été qu'un
enchaînement d'actions singulières.
A l'âge de trois ans , il avait déjà fait
du bruit dans le monde , ayant été le
premier Anglais sur lequel on eût
essayé l'inoculation ( V '. l'article
précédent). En 17 19, ses parents
revinrent à Londres , et le placèrent
à l'école de Westminster : mais après
l'avoir fréquentée pendant quelques
années , il disparut ; et malgré des
perquisitions continuées durant une
année entière , on ne put savoir ce
qu'il était devenu. Un jour, un ami
de la famille ayant affaire chez un
capitaine de navire, et s'étant rendu ,
avec un vieux domestique de la mai-
son de Montague, sur le port de
Blackwall , fut frappé de la voix
d'un enfant qui offrait dans la rue
des poissons à vendre : il l'observe
de plus près , et reconnaît avec sur-
prise le jeune Edouard, qui avait
changé d'état. Celui-ci , dès qu'il se
voit reconnu , abandonne les pois-
sons , et se sauve à la hâte. On ne
tarda pas à découvrir la demeure du
marchand de poissons chez lequel
il s'était engagé depuis un an comme
apprenti', et qui était fort content
de lui. L'ambassadeur fit sur-le-
champ retirer son (ils de l'apprcn-
e pour h ramener à Técoledc
%ra MON
Westminster. Bientôt après, Edouard
disparut de nouveau ; et cette fois i!
prit si bien ses mesures, que, malgré
tous les efforts de la famille, il fut
impossible d'apprendre de ses nou-
velles. Gomment se serait-on doute,
en effet , qu'un enfant de dix ans
irait engager ses services à un maître
de bâtiment, prêt à mettre à la voile
pour le Portugal; et. qu'à peine* dé-
barqué à Oporto, il s'échapperait des
mains de son maître pour errer à
l'aventure dans un pays où le lan-
gage des habitants lui était inconnu?
c'est pourtant ce que fît le jeune
Edouard. On était alors dans la sai-
son de la vendange. L'enfant, courant
à travers les champs d'Oporto, offrit
ses services aux. vignerons , en fut
accueilli tant bien que mal, et apprit
un peu de portugais. Il avait vécu
chez les paysans deux ou trois ans ,
lorsqu'un d'eux lui commanda de
conduire des ânes chargés à la fac-
torerie anglaise sur la côte. Edouard
IMontague se met en route; mais ar-
rivé à la factorerie , il y trouve son
ancien maître de navire, et, de plus ,
le consul anglais à qui l'on avait en-
voyé son signalement. On le recon-
naît; et , malgré lui, on l'embarque
pour l'Angleterre. Ses parents déso-
lés le comblent de caresses. Cependant
le jeune Montagne, dont le goût pour
la vie aventurière semblait l'em-
porter sur tous les sentiments , dé-
joua une troisième fois l'espoir de
sa famille : devenu plus robuste, il
s'engagea celte fois comme matelot
dans un bâtiment destiné pour la
Méditerranée. Le père, irrité d'une
désobéissance aussi obstinée, ne vou-
lut plus faire aucune démarche pour
un fils qui le fuyait avec tant d'ar-
deur. Le même ami de la famille qui
avait retiré Edouard do l'apprentis-
' Ue.z le marchand de poissons,
MON
le ramena encore à la maison pater-
nelle, et le réconcilia avec ses pa-
rents. Il fut convenu alors que, puis-
que le jeune homme avait un goût
si décidé pour les voyages , il irait
aux Indes-Occidentales avec ce fidèle
ami de la maison, nommé Forster ,
et qu'il ferait ses études en voya-
geant. Le précepteur et l'élève s'em-
barquèrent en conséquence pour les
îles : ils y passèrent quelques années ;
et il paraît que, tout en courant le
monde , le jeune Montagne ne laissa
pas de s'instruire assez profondément
dans le latin et le grec. Lorsqu'ils
revinrent en Angleterre , les parents
crurent que M. Forster leur rame-
nait un enfant entièrement guéri de
sa folie. Ils procurèrent à leur fils
un emploi public ; et, en 1 747 , ils le
firent nommer un des chevaliers du
comté d'Huntingdon. Mais on eût pu
croire qu'Edouard n'ambitionnait
que la qualité de chevalier errant : il
joua; il s'endetta, et ne trouva d'au-
tre moyen de se tirer de ses embarras
que de quitter encore l'Angleterre, il
vint à Paris, en 1^5 1; et la première
aventure qu'il eut dans cette capitale,
le conduisit dans les cachots du
grandChâtelet. Un riche juif, nom-
mé Abraham Paybot, l'avait accusé
de s'être entendu avec plusieurs
complices, pour l'entraîner dans un
tripot, où ils l'avaient enivré, forcé
de jouer , et dépouillé de son argent et
de ses bijoux, en lui enlevant, en
outre, sa maîtresse. Le procès fut
instruit devant le lieutenant-criminel
de Paris : ce juif, ne pouvant prou-
ver les charges proférées contre
Montagne et un doses compatriotes,
fut condamné à payer à chacun d'eux
10000 livres à titre d'indemnités.
Mais, ayant appelé de cette sentence
à la haute-cour de la Tournellc, il
eu obtint un jugement qui cas-
MON
premier, et mit les plaideurs hors
de cour. Tl parut dans ee procès plu-
sieurs mémoires , pour et contre
chacune des deux parties. Apres ce
fâcheux début à Paris , Montague
revint à Londres ; et maigre la tache
qu'une pareille affaire devait laisser
sur sa réputation, il fut élu , en i 7 5 i,
membre du parlement. Le grand
Chàlelet l'avait un peu dégoûte des
aventures ; il devint sage , vécut
dans la retraite à la campagne, y
étudia l'histoire, et écrivit des Ré-
flexions sur les progrès et la chute
des anciennes républiques , avec des
aiiplications à L'état actuel de l'An-
gleterre , 1 7 jg ( i ). Quelque temps
après i! perdit son père, qui, quoique
très-riche, nelui laissa que ioooliv.
sterling de revenu , en réservant 800
liv. sferl. de rente pour la femme
qu'il épouserait, et une belle terre
dans le Yorkshire pour le (ils qui
naîtrait de ce mariage. Sa mère, qui
mourut un an après son père, ne
lui lé-ua qu'une guinée , en laissant
toute sa succession à la sœur d'E-
douard, qui avait épousé le comte de
Bute. C'est ainsi que ses parents le
(»)Ti ,,//e ,/,<
-
jis , 1 7' »» » , in m. Cautwel m i .ne Irn-
ductien ( D» la hnitsai
uhlùiuet ) , il...-.
Kings-
ton , ineinne qui | .m* |j_
- iqde qui ;.vail été , h
lil- de i
pour m. obtenir du pi-
■ que li* j«uua
■
pareille
il laite
et qui [>a
I U'eut lieu,
I I ittribut;
, tuti» ou n'ni-
•|)i ucl jil
.i,..,,,,,.,
di'iuc paj le lîci
MON 423
punirent des folies de sa jeunesse.
Cependant le comte de Bute , sou
beau-frère, fut assez généreux pour
lui céder une partie de la succession.
Devenu maître d'une assez grande
fortune, Edouard Montague ne son-
gea plus qu'à satisfaire son goût pour
la vie aventurière. Ses courses sur
le continent d'Europe ont été telle-
ment multipliées, que l'on ne peut in-
diquer que celles dont il a parlé lui-
même, ou dont nous connaissons les
détails parles rclationsd'autres voya-
geurs. C'est ainsi que nous savons
qu'il se trouvait , en 1 "fyi , à Turin ?
parce qu'il adressa de là au comte
de Macclesfield deux lettres archéo-
logiques, qui furent lues à la société
royale de Londres, et publiées sous
le titre de Remarques sur un pré*
tendu buste antique à Turin, in-4°.
Les Lettres de Sharpe, sur l'Italie,
nous apprennent comment Montague
employa les trois années suivantes.
II parcourut la Terre-Sainte , l'E-
gypte ( 1 ) et l'Arménie : avec le Vieux
et le Nouveau Testament à la main ,
ii chercha la route des Israélites à
travers le désert. Il avait laissé croî-
tre sa barbe; il s'était coiffé à l'ar-
ménienne , et il ne se nourrissait que
de riz, d'eau et de café. Il efait de-
venu presque Arabe, lorsqu'il repa-
rut à Venise, en 1 -;G5. Il parlait aveo
enthousiasme . de la simplicité des
s orientales , aux Anglais qui
allaient le voir. Cependant Winfcel-
man, dans .ses Lettres, nous apprend
une anecdote, qui ne dépose pas en
c de la pureté des ma?m
noire • . A Alexandrie, Mon-
tagne s'était lié avec un consul da-
qui avait une très-jolie femi
afin d'éloigner le mari , il I"
( I 1 I 1 v
vinoii, dont Im icthciclu.» ..'. .-ut été
publiée».
4*4
MON
charge de commissions importantes
pour la Hollande ; et aussitôt qu'il
sut que le trop crédule consul était
arrive dans ce pays , Montague alla
trouver la femme avec une lettre
à la main , qui lui annonçait qu'elle
était veuve. Soit que cette femme
fût encore plus crédule que son
mari, soit qu'elle feignit de l'être,
elle pleura le consul , et épousa no-
tre voyageur, qui l'emmena en Sy-
rie : voilà ce que raconte Winkel-
man. Montagne ne s'est jamais vante'
de ce tour infâme; mais il avoue ,
dans une lettre au P. Lami , qu'il
a joué tous les rôles dans ses voya-
ges. « Chez les nobles d'Allemagne ,
» dit-il , j'ai fait l'ecuyer ; j'ai été
» laboureur dans les champs de la
» Suisse et de la Hollande; je n'y
» ai pas même dédaigné l'humble
» métier de postillon : à Paris, je
» me suis donné les airs d'un pelit-
» maître : j'ai été abbé à Rome : à
» Hambourg, j'ai pris la grave con-
» tenance d'un ministre luthérien,
•» et j'ai raisonné théologie, de raa-
» niére à rendre le clergé jaloux.
» Bref, j'ai joué tous les rôles que
3> Fielding donne à son Julien, et
» j'ai eu le sort d'une guinée, qui
î> est tantôt entre les mains d'une
i) reine , et tantôt dans le sac d'un
» sale Israélite. » Cet aveu semble
confirmer ce que l'on rapporte de ses
changements de religion. Anglican
de naissance , il se fit, dit-on, catho-
lique en Italie, et musulman en Tur-
quie. L'islamisme lui plut apparem-
ment de préférence aux autres reli-
gions ; il en pratiqua du moins les
rites tout le reste de sa vie. On pré-
tend même qu'il recevait une pension
de la Porte othomane ; et comme sa
mère avait séjourné quelques années
à Gonstantinople , et avait pénétré
dans les harems , la malignité ajouta
MON
qu'Edouard Montague était fils du
grand-seigneur. Mais, sous ce rap-
port, l'honneur de ladyMontague est
à couvert: car elle eut cet enfant avant
son voyage en Turquie. Ce qu'il y
a de certain , c'est qu'Edouard Mon-
tague s'était tellement identifié avec
la vie des Musulmans , que l'imam
le plus scrupuleux n'aurait pu l'accu-
ser de négligence. Il se levait avec
le soleil , faisait ses ablutions , et se
tournait vers l'Orient dans ses prières,
qu'il marmottait en arabe. On dit
qu'il voulut aussi que sa femme
embrassât le mahomélisme : il n'en-
seignait pas d'autre religion à un en-
fant presque noir, qui l'accompagnait
dans ses voyages en Orient , et qui
passe pour avoir été son fils ; il l'ap-
pelait Fortunatus , et ne lui parlait
qu'arabe. 11 avait lui-même appris
à fond cette langue (i), pour plaire
à une femme arabe dont il parle avec
enthousiasme dans ses lettres. Cepen-
dant ce zélé Musulman avait con-
servé de son éducation anglaise un
goût assez vif pour l'étude des anti-
quités. Il adressa à la société royale
de Londres , le récit de son Foyage
du Caire au désert de Sinaï, et ses
Observations sur la colonne de Pom-
pée auprès d'Alexandrie. Ces deux
Mémoires ont été insérés dans les
volumes 56 et 57 des Transactions
philosophiques. Après avoir fait de
nouveaux voyages dans l'Orient, de-
puis 1 766 jusqu'en 1773, il revint en
Italie avec l'intention de se préparer
au pèlerinage de la Mecque. A Venise,
le duc d'flamilton, curieux de con-
naître un compatriote aussi original,
s'étant annoncé pour lui rendre vi-
site , Montague le reçut à la manière
orientale. Assis, les jambes croisées,
(0 U possédait encore l'hébreu, le rhaldcea et le
persan, aussi biea <jue ** ku^ue uatvudk.
MON
sur un coussin , il fit présenter au
duc du café , et brûler devant lui des
parfums dans une cassolette : il se
parfuma lui-même la barbe, qui lui
descendait jusqu'à la ceinlure. Dans
cette entrevue, il lit le plus grand
éloge des Turcs: c'étaient , selon lui,
les gens les plus hospitaliers . les plus
généreux et les plus sages de la terre.
Dans la même ville , l'habile peintre
anglais Romney le visita plusieurs
fois, et fit son portrait, que l'on con-
serve encore en Angleterre , et qui a
e'té grave1. Ce fut en dînant avec ce
peintre, que Montague , ayant le go-
sier embarrasse d'un os de perdrix,
tomba malade ; ses domestiques ap-
pelèrent à la haïe un prêtre : celui-ci,
informe des aventures de Montague,
lui demanda dans quelle foi il vou-
lait quitter le monde. J'espère que
ce sera dans celle d'un bon musulman,
répondit Montague sans hésiter. 11
mourut quelques jours après ( le 2
mai 177G), et fut enseveli dans le
cloître d'un couvent à Padoue , où
une table de marbre avec une ins-
cription indiquait encore , il n'y a
pas longtemps , le lieu de sa tombe.
Il avait laisse un testament, parlequel
il ordonnait que son fils Fortunatus ,
oxiMasioud, fût élevé en Angleterre ,
pourvu qu'il n'apprît ni le latin ni
le grec , et qu'il n'habitât point la
ville de Londres , ni ■ - deux
universités anglaises. Ce t< -.lanient
pourvoyait aussi au sort d'un iils ,
héritier de son nom dans l'Inde , et
d'une fille qui avait pris le voile au
couvent desUrsulines a Rome. Os
deux entants paraissent être issus d'un
autre mariage que celui qu'il avait
contracté furtivement en Egypte, i Fne
Notice détaillée lui m vie 9 été insé-
rée dans 17//'.v/. toté de /.<;-
cester, et reimprim j ■ . vol,
des AiLtcdolcs littéraires du dix-
MON
4^5
huitième siècle , par J. Nichols ,
Londres, 181a. D — g.
MOiNTAGUE (Elisabeth), dame
anglaise , aussi distinguée par son
érudition que par son esprit, était
fille de Mathieu Robinson, riche
propriétaire , et d'Elisabeth Drakc.
Elle naquit à York, le 2 octobre
1720, et fut élevée à Cambridge, où
résidait sa famille , par les soins du
docteur Conyers Middleton ( V. ce
nom, pag. 3 ) , second mari de sou
aïeule. Le docteur Middleton exigeait
que sa jeune et belle pupille lui pré-
sentât le résume de toutes les con-
versations savantes auxquelles elle
était souvent présente dans sa so-
ciété : il l'habitua ainsi à écouter
attentivement, et à analyser dans son
esprit tout ce qu'elle entendait. Elle
épousa en 174-*, Edouard Montagne,
petit-fils du premier comte de Sand
wich, et membre de plusieurs par-
lements successifs pour le bourg
d'ïluntingdon. Il mourut en 1775,
laissant à sa veuve une fortune con-
sidérable , dont elle lit le plus noble
usage pendant le cours de sa longue
carrière, qu'elle termina, le 25 août
1800, à l'âge de quatre-vingts ans.
Mistriss Montague se fit remarquer
de bonne heure comme auteur;
d'abord, par ses Dialogues des
morts, publiés avec ceux de lord
Lyltetton; et, ensuite, par un i.ssal
sur la génie et les écrits de Skak-
speare, qui parut eu »7*'<), ou-
vrage classique et élégant, où l'on
trouve beaucoup plus de savoir et
de critique qu'on n'eu devait atten-
dre d'une femme du grand monde.
La manière dont Les jugements de
Voltaire sont relevés dans cel I
entrepris surtout pour venger Sliak-
speare des sarcasmes de l'auteur de
la Hcnriade, attira à mistriss Mon-
tague i'anuuadvcriuu de cet homme
fcQ
MON
illustre, qu'elle avait autrefois connu
en Angleterre : il ne lui pardonna ja-
mais, et il ne pouvait prononcer son
nom de sang-froid ( i ). Mistriss Mon-
tagne ayant fait un voyage en Fran-
ce, envoyason Essai sur Shakspeare
a Voltaire, avec cette épigraphe:
Immolât.
Pallas te, hoc vulnere , Pallas
Se trouvant à Paris , quelques an-
nées après ( 1776 ) , elle apprit, en
société, que le philosophe de Ferney
avait dit que ce n'était pas une mer-
veille de trouver quelcpies perles dans
l'énorme fumier de Shakspeare: elle
répliqua vivement, en faisant allu-
sion aux emprunts de Voltaire, que
c'était pourtant à ce fumier qu'il de-
vait une partie de son meilleur grain.
Mistriss Montagne vivait dans l'in-
timité de tout ce qu'il y avait de
grand et d'illustre dans les lettres en
Angleterre. Pope, Johnson, Golds-
mith , Pulteney , depuis lord Bath ,
Lyttelton, Burke, etc., formaient sa
société (2), Le docteur Bcattie et
mistriss Carter furent, pendant toute
leur vie, ses amis et ses correspon-
dants. Mistriss Montagne joignait à
(t) Voltaire, dans s» Lettre à l' tir a demie française,
lue le «5 auguste 177!), juge sévèrement Iç tragique
anglais. Il avait fait la même chose clans son Appel à
tontes les nu/ions de l'Europe, i;fn ,111-80. Mistriss
Montague prù la plume pour ia défense de son com-
patriote ; et son ouvrai;:' a él(; traduit en français sous
te titre : Apologie rU Shakspeare , en réponse à la
critique de M, de Voltaire , 1777 , in- 80. Voilaire la
«élu ta dais une nouvelle Lettre à l'académie fran-
çaise , imprimée à la tête d'Irène. A. lï— "t.
{%) Mistriss Montagne avait formé une société lit-
téraire qui, pendant plusieurs années, attira l'atten-
tion générale , sou> le nom lie Ciuh de<; bas bleus.
( Bine stockings club. ) On s'est livré dans le temps
i, beaucoup de conjectures pour trouver l'origine de
cMte singulière dénomination. 11 parait qu'elle pr ..-
vint de 1e qu'une personne qui en faisait partie, s'e-
taut excusée de paraître ;'i une îles premières réu-
nions, parce qu'elle était en déshabille du malin , il
lui fut répondu qu'on s'occupait peu de costuinedans
une société uniquement consacrée a cultiver l'esprit.
»< Ou fait si peu d'attention à l 'habillement des per-
>i son nés qui s'y rendent, ajduta-t-on, qu'un gcnlil-
l> homme en bas bleus ne serait même pas trouve*
}j mis ridiculement. »
MON
un profond jugement et à une ima-
gination vive et brillante, un goût
aussi pur que sévère. Le recueil des
Lettres que nous avons d'elle, et tout
ce que les contemporains racontent
du charme de sa conversation, à-la-
fois instructive et piquante , prou-
vent qu'elle méritait l'estime que les
gens les plus érudits accordaient
à ses talents. Elle avait cependant
le défaut de vouloir se conformer
trop strictement aux mœurs et aux
usages du grand monde qu'elle fré-
quentait. Le désir excessif qu'elle
avait de plaire et d'obtenir la répu-
tation de femme à la mode , lui fai-
sait souvent adopter un ton léger et
frivole, qui trompait les observa-
teurs superficiels. Depuis sa mort ,
quatre volumes de sa correspon-
dance *b1àt été publiés par son neveu
( Mathieu Montagne ): il paraît qu'il
se propose d'en faire paraître en-
core, qui compléteront sans doute
l'idée favorable qu'on s'est formée
de mistriss Montague. D — z — s.
MONTAIGNE (Michel, seigneur
de ) , philosophe-moraliste fameux
par son livre des Essais, naquit au
château de Montaigne, enPérigord,
le 28 février 1 533, d'une famille an-
ciennement nommée Efghem, ori-
ginaire d'Angleterre. Son père, bra-
ve et loyal écuyer , qui avait servi
dans les guerres au-delà des monts ,
et qui avait rapporté d'Espagne et
d'Italie un esprit orné, mais d'ailleurs
homme grave et simple , l'envoya
nourrir, dès le berceau, dans un ché-
tif village de sa dépendance, pour le
dresser à une manière de vivre com-
mune, et le rallier à cette classe du
peuple qui a besoin de l'aide des au-
tres classes. Il l'avait, par les mêmes
motifs, donné à tenir sur les fonts à
des personnes de la pins humble
condition afin de l'y attacher, et dot
MON
le faire compatir naturellement à la
misère d'autrui. Mais le bon père ,
dont la lecture ordinaire était le
Maro-Aurèle espagnol de Guevara ,
fut jaloux de procurer de bonne
heure à son fils la connaissance des
Grecs et des Romains, par une voie
moins lente et moins tardive que
celle des écoles. L'expédient qu'il
trouva, fut de le confier, en nour-
rice , avant le développement de la
parole, à un maître allemand, se-
condé par des maîtres en sous-
ordre, ignorant entièrement: le fran-
çais, et très-versés dans le latin. De
ce moment , on ne l'entretint que
dans cette langue ; et c'était une rè-
gle convenue, que, ni le père mê-
me, ni la mère, ni les domestiques,
ne s'exprimeraient , en sa compa-
gnie , qu'en autant de mots latins
qu'ils avaient appris pour pouvoir
jargonner avec l'enfant, a Nous nous
» latinisâmes tant, » dit Montaigne,
» qu'il en regorgea jusqu'aux villages
» tout autour plusieurs appellations
» latines, qui ont pris pied par l'usa-
» ge,etqui existent encore. » L'idio-
me vigoureux de Tacite et de Sénè-
que, qu'il suça en même temps que
le lait de sa nourrice, devint sa lan-
gue naturelle. Elle influa sans doute
beaucoup chez lui sur le français ,
qu'il apprit plus tard comme une
langue étrangère, et qui , venant d'ê-
tre nationalisa; par François I
n'étant rien moins qu'une langue fu-
ie, prit d'autant plus librement, dans
un organe encore jeune , la forme
empreinte par 1rs premières habi-
tudes. Locke qui, dans son Traité
d'éducation , doit beaucoup a Mon-
iVnfant appren-
l' abord sa aelle*
mais il prescril lui donner
un maître qui h même
le latin, en c< c lui.
MON 427
Quant au grec, Montaigne l'ctudia
jtar art , mais sous forme à' ébats et
d'exercices. « Nous pelotions, dit-il,
» nos déclinaisons à la manière de
» ceux qui, par certains jeux d<
» blier (1), apprennent l'arithméti-
» <[\\c et la géométrie. »On lui faisait
goûter la science, comme le devoir,
par son propre désir , sans forcer sa
volonté. On l'élevait ainsi avec toute
liberté, en le sollicitant doucement,
au point que, pour ne pas troubler
son cerveau encore tendre en l'ar-
rachant avec violence au sommeil
profond auquel les enfants sont su-
jets, son père le faisait réveiller, non
en sursaut, mais au son d'un instru-
ment agréable. Cependant il n'avait
point les goûts d'un enfant délicate-
ment élevé , et il fallut corriger en lui
le refus des friandises et des douceurs
que commuiiémeut on aime le mieux
à cet âge. Lorsque le père de Mon-
taigne n'eut plus autour de lui ceux
qui l'avaient secondé dans ses vues,
il fut forcé de suivre la routine ordi-
naire. 11 envoya son fils, après l'âge
de six ans, a lîordeaux, au collège
de Guienne, le plus florissant de
France à celte époque. L'instruction
extraordinaire que notre jeune Ro-
main avait acquise , le fil arriver
d'emblée aux premières classes. Là,
il eut pour maîtres Nicolas Grouchy,
Guillaume Glie'renfe, Buchanan et
Muret, qu'il nomme ses précepteurs
domestiques , ou de chambre. Lé ré*
iirde l'article Buchanan, dans
la Biographie ( M. Suard ) , ne pou-
expliqucr comment Monl
qu'il suppose ne en 1 538 , àui
pour maître, à Bordeaux, Buchanan,
qui énserait parti en 1 cours
a une conjecture qui 1 uvelle
supposition. Cebiogiaphea été iront-
(i) Ecljiquirt.
4->8
MON
pé par l'erreur do l'édition de Coste,
ou plutôt du président Bouhicr ^i),
sur l'époque de la naissance de Mon-
taigne, quoique fixée Lien positive-
ment: par notre auteur à l'année
i533. M. Suard eût facilement re-
connu cette erreur, s'il avait l'ait at-
tention que Montaigne, en même
temps qu'il nomme ses maîtres, té-
moigne qu'à l'âge de douze ans , il
jouait les premiers personnages dans
les tragédies latines représentées au
même cuilége, sous son principal,
André Gouvea , qui , dès l'époque de
1 547 7 avait quitté Bordeaux , pour
se retirer en Portugal. Quoique les
Jésuites ne fussent pas encore établis
en France, on voit que ces spectacles
étaient en usage dans les collèges ; et
iis remontaient à un temps antérieur
à Gerson, qui les blâmait, par un
autre motif que ne l'a fait de nos jours
le citoyen de Genève. Notre philoso-
phe, moins sévère, en louant ces
ébattements comme utiles à entrete-
nir les relations de société, ne parle
pas aussi avantageusement des fruits
de ces études scolastiques , qui lui
apprenaient seulement les dériva-
tions nominales de la vertu , « que
pous savons, dit-il, assez décliner,
si nous savons l'aimer. » Quoiqu'il
eût pour maître , dans Guérenle , un
commentateur d'Àristote, et que l'on
modifiât, en sa, faveur, quelques rè-
gles en usage dans les collèges, cé-
lail , selon lui, toujours collège.
Sous une langueur apparente , il
nourrissait des goûts qui Importaient
à lire , à la dérobée , des l'âge de
sept ou huit ans, les Métamorphoses
d'Ovide, comme le livre le plus aisé
qu'il connût dans sa langue mater-
1 1) Mémoire sut In vie de Montaigne , en lêle de
n ch» Essais f par Costc, Louâtes, Ij3y , G
toi. m- 12.
MON
nelle. On feignait de n'en rien voir;
et on lui fit enfiler de suite, en con-
jurant à ce manège secret , Virgile,
Tércnce , Plaute , etc. ; car taudis
qu'il s'appliquait avec peine à ses
autres études, le plaisir éveillait son
imagination. Il avait ['appréhen-
sion lente, mais sûre; et ce qu'il
voyait, il le voyait bien. On ne cr ai-
mait
ft.^it pas qu'il fit mal7 mais quil
ne fit rien. Quoiqu'il fût d'un natu-
rel doux et traitablc, il était difficile
de l'arracher au repos , même pour
le faire jouer; mais s'il jouait, alors
les jeux de ses camarades lui sem-
blaient des actions sérieuses ; il lui
répugnait d'y mêler la finesse et la
ruse, et il allait toujours le droit che-
min. Son esprit, qui semblait inac-
tif, n'avait pas laissé de porter des
jugements sur les objetsqu'ilconnais-
sait; et il digérait librement et à loi-
sir ses pensées. Après avoir terminé
ses études à l'âge de treize ans , Mon-
taigne , peu disposé à suivre la car-
rière militaire , se décida de faire
son cours de droit. Le même esprit ,
ennemi de toute contrainte , dut re-
pousser cette masse de jurisprudence
coutumière qui lui paraissait sur-
charger et compliquer des institu-
tions déjà si multipliées. Cependant
il fut pourvu, vers i554, d'une
charge de conseiller , dont il rem-
plit les fonctions jusqu'à la mort
de son frère aîné , suivant Scévole
de Sainte - Marthe ; et, quoi qu'en
ait dit Balzac, sa qualité de gentil-
homme ne lui fit pas dédaigner le
titre de conseiller, même en écrivant
à son père , en 1 563. Quoique l'or-
donnance de François Ier. , concer-
nant la rédaction des actes en fran-
çais, eût été rendue dès i53g, les
actes continuaient d'être écrits en
latin dans la province de Gascogne
11 réclamait contre cet usage : il eût
MU •
toulu aussi plus de simplicité et
d'uniformité dans le droit. 11 ob-
serve qu'il y a plus de livres sur les
livres de jurisprudence que sur tout
autre sujet. Nous ne faisons , dit-il,
que nous entre - gloser. îl avouait
qu'il n'entendait rien aux plaids et
aux affaires du palais. Il n'y eut ja-
mais , dit Pasquier , homme moins
chicaneur et moins praticien que lui.
Ce fut pendant qu'il était revêtu de
sa charge , dit l'historiographe de
Bordeaux dom de Vienne (i), qu'il
fit plusieurs voyages à la cour, et s'at-
tira tellement l'estime de Henri II ,
qu'il en reçut le cordon de Saint-Mi-
chel , distinction qu'il témoigne avoir
désirée, jeune encore, mais dont il
semble, en se plaignant du discrédit
de cet ordre , n'avoir été gratifié que
plus tard. Et , en effet , Pasquier ,
son contemporain et son ami , dit
que Montaigne fut fait chevalier de
l'ordre de Saint-Michel sous Charles
IX. Quoi qu'il en soit , les liaisons du
conseiller de Bordeaux avec Pibrac
et Paul de Foix , ses compatriotes ,
conseillers ainsi que lui, et sur-tout
ses relations avec le chancelier de
I/flospital , annoncent la haute con-
fiance dont il était honoré comme
magistrat; de même que sa noble
intimité avec Etienne la Boétic , son
Confrère, décèle, chez, l'un comme
chez l'autre, une aine nourrie»!,
timents puisés à la même source,
et que n'avaient pu dessécher le
cupations arides du palais. Leur
amitié, devenue célèbre, fut celle
d'hommes faits : ils s'estimaient ,
avant de se connaître personnelle-
ment. La Boétie . dans sa jeunesse ,
i fait un traire' de la Servitude
volontaire. M< leconnais-
_
MON 4?o
sait des sentiments analogues aux
siens, et qui annonçaient une ame
moulée au patron des siècles an-
ciens. Sur les rapports qu'ils appre-
naient l'un de l'autre, ils se cher-
chaient , sans s'être vus. Enfin , dans
une grande société à Bordeaux , ils
se rencontrèrent, et se trouvèrent
aussitôt si connus , si amis , qu'au-
cun autre dès-lors ne leur fut plus
proche , et que tout bientôt devint
commun entre eux. Rien de plus naif
à ce sujet que ce mot de Montaigne,
si digne du bon La Fontaine: « Si l'on
» me presse de dire pourquoi je l'ai-
» mais , je sens que cela ne peut
» s'exprimer qu'en répondant : . . . .
» Parce que c'était lui ; parce que
» c'était moi. » L'amitié de Mon-
taigne pour la Boétie , ne le cédait
qu'à sa tendresse pour son père,
dont il rappelle souvent, avec un vif"
intérêt, l'affection, dans le cours de
son livre; mais il a consacré en par-
ticulier un chapitre de ses Essais k
l'amitié. Là , son style sentencieux
s'élève, et devient aussi sentimental
qu'énergique; et telle est l'effusion
de sa sensibilité, qu'on peut dire que
c'est l'ame elle-même de Montaigne
qui s'épanche et déborde dans ce
chapitre. Une amitié si intime n'était
point une effervescence passagère.
r-'euf ans après la mort de la Boétie,
dont il a décrit les derniers moments
d'une manière touchante, il témoi-
gne, dans ses Essais, que les plaisirs
qui s'offraientà lui , depuis ce temps ,
au lieu de le consoler, lui redou-
blaient le regret de sa perte. Nous
riions, dit-il , à moitié de tout : il
me semble que je lui dérobe sa par!.
Après dix-nuit ans même, durant
.son \oyage d'Italie, m i 58o , lorS-
qu'il écrivait au cardinal d*Ossa1 , il
ae trouva mal, en pensant à son ami.
Montaigne ne cru;, ail pas les femmes
43o
MON
susceptibles du même lien d'amitié.
Cependant il recherchait leur com-
merce. Sa sensibilité physique l'en-
traînait vers le sexe. L'imagination ,
l'esprit, l'attiraient et le retenaient
auprès des femmes spirituelles. C'est
ainsi qu'il fit sa cour à Marguerite de
France , sœur de Charles IX , à la-
quelle il offre un chapitre aussi grave
qu'intéressant, le plus considérable
de ses Essais ; comme il adresse à
Diane de Foix son chapitre de V Ins-
titution des enfants, et à la dame
d'Eslissac , celui de Y Affection des
■pères , l'un et l'autre d'un intérêt
plus réel et d'une utilité pratique qui
fait pardonner le scepticisme du pre-
mier. Mais ce sentiment d'une amitié
tendre qu'il cherchait vainement au-
près des femmes, il ne l'eût peut-être
éprouvé qu'auprès de Mlle. de Gour-
nay, si elle eût vécu vingt-cinq ans
plutôt. Mmc. de Bourdic (r) la fait
exister en même temps que la Boé-
tie , et partager avec lui le cœur de
Montaigne : c'est-là une erreur de
l'enthousiasme, une pure fiction poé-
tique. Le lien conjugal avait pu du
moins fixer en partie les affections
du philosophe. Il donne cependant
à entendre qu'en formant* un enga-
gement, il céda plutôt à la conve-
nance et à l'usage qu'à son inclina-
tion naturelle. Mais quoiqu'il s'a-
vouât enclin à l'amour des femmes ,
et qu'on tînt, dit -il, ses mœurs
pour licencieuses , il affirme qu'il
avait observé plus sévèrement les lois
du mariage qu'il n'avait promis ni
espéré. Dans un accident grave qui
lui arriva , et qu'il décrit si pitto-
resquement , lorsque jeté à la ren-
verse par un choc violent, étendu
parterre évanoui, on le rapportait à
MON
la maison; en revenant à lui, sos
premier mot fut de dire qu'on don-
nât un cheval à sa femme qui venait
à sa rencontre , et qu'il voyait s'em-
pêtrer dans le chemin. De même ,
lorsqu'il apprend , à Paris , la mort
de sa fdle en nourrice, il envoie à la
mère, avec une lettre pleine de bon-
homie , une Epîlre de consolation du
bon Plutarque , écrite dans un cas
semblable. C'est-là pourtant ce qui ,
avec d'autres passages isolés , l'a
fait signaler comme un philosophe
égoïste (i); tandis que Montaigne
témoigne à sa femme combien il est
marri que !a fortune lui ait rendu si
propre cette Épftre , traduite en
françois par feu sou ami , par ce sien
cher frère , qu'il lui rappelle , en s'u-
nissant ainsi à la Boétie et à Plutar-
que pour la consoler. Quoi de plus
spirituel, et en même temps de plus
délicat ! C'est encore avec la même
naïveté de sentiment , et pour ne rien
refuser , dit-il , au commandement
du meilleur des pères , qu'il avait
entrepris , et qu'il lui adressa la tra-
duction de la 'Théologie naturelle
de Raymond Sebonde. Son père ,
animé par cette ardeur avec laquelle
le roi François Ier. avait encouragé
les lettres , tenait depuis long-temps
sa maison ouverte aux hommes doc-
tes et lettrés , sans être lettré lui-
même. Il avait accueilli Pierre Bu-
nel , qui lui remit l'ouvrage de Se-
bonde elle lui recommanda comme
un livre très-utile , à l'époque où les
innovations de Luther commençaient
à prendre crédit, et menaçaient d'é-
branler en beaucoup de lieux l'an-
cienne croyance. Montaigne s'était
empressé de traduire ce livre , et de
l offrir à son père , qui y prit uti
(x) Eloge de Montaigne , Paris , au YHI ( 1800 )
ûwS,
(1) Discours qui a obtenu une mention au con-
cours académique (par M. Iiiot ) . Paris, Miçhaud
181a , in-8o.
MON
singulier plaisir , et donna l'ordre
de l'imprimer (i). C'est par des
preuves tirées de la raison naturelle ,
que Sebonde , à l'exemple de Ray-
mond Lulle ( V. Lulle ) , entrepre-
nait , non d'expliquer les mystères,
mais seulement d'opposer aux no-
vateurs , à l'appui de la foi , cette
même raison avec laquelle ils com-
battaient l'autorité du dogme. Ce li-
vre eut beaucoup de succès, sur-
tout auprès des dames , qui trou-
vaient fort belles ces imaginations
de la raison humaine en faveur de
la religion; et Montaigne, le cham-
pion de ces dames , et du livre dont
elles goûtaient la traduction, le dé-
fendit , comme on le verra , contre
ceux qui blâmaient les hardiesses
de l'auteur , ou qui taxaient de fai-
blesse ses arguments. Mais il ne s'en-
suit pas que ce furent, comme le dit
Chaudon , ces singularités hardies ,
transformées en erreurs par Feller,
qui, ayant plu à Montaigne à cause de
leur conformité avec ses idées , lui
firent tenter de traduire Sebonde; car
cette occupation lui parut étrange et
nouvelle; et l'on a vu qu'il ne l'en-
treprit qu'à la prière de son père.
Après l'impression du livre de Se-
bonde , notre philosophe , qui était
devenu possesseur du château de
Montaigne et maître de lui - même,
s'occupa de publier les opuscules qui
lui avaient été Légués par la Boétie,
et. qu'il dédie à ses proches et amis.
Là se trouvent l'Épitre de consola-
tion, envoyée à sa femme (2), et le
Discours qu'il avait adressé à sou
père sur la mort de la Boétie. Mais
d) 7 nn„d Sebonde ,
I
MON
43f
par égard pour sou ami , et à cause
des relations qu'il avait à la cour,
il ne crut pas prudent d'y joindre lo
traité de la Servitude volontaire ,
dont eût pu abuser l'esprit de parti
dans un temps de faction et de trou-
bles ( 1 ). Une époque désastreuse s'ap-
prochait; et notre philosophe était ra-
mené par l'agitation même à des sen-
timents dont il éprouvait le besoin.
Il s'était en quelque sorte réfugié au
château de son père. Il observe que,
depuis la perte de ce bon père, il
portait, lorsqu'il mentait à cheval ?
un manteau qui lui avait appartenu.
« Ce n'est point, disait -il, par com-
modité , mais par délices : il me
semble in envelopper de lui. » Une
coinplexion nerveuse délicate n'avait
pas peu contribué à cette sensibilité
morale. Quoique né et élevé à la cam-
pagne, une liberté douce, exempte,
comme on l'a vu, de toute sujétion
rigoureuse, l'avait éloigné des soins
de l'économie domestique, et même
de tout exercice agréable,, mais vio-
lent. La dureté lui paraissait être un
vice extrême ; et il était si délicat sur
ce point , qu'il entendait impatiem-
ment gémir un lièvre sous les dents
de ses chiens , quoique la chasse fût
pour lui un plaisir bien vif. Du mo-
ment qu'il s'était retiré eu sa maison
de campagne , il était bien résolu de
ne se mêler de rien , si ce n'est de
passer en repos le reste de sa \iv. II
avait cru faire une grande faveur k
son esprit , que de le laisser s'entrete-
nir soi-même , et se rasseoir en soi7
d'autant plus aisément , qu'il était
devenu, avec le temps, plus grave
et plus mûr. Mais il trouva, qu'au
rebours , son esprit, comme un cJie«
val échappé, se donnait plus de car-
(i) Ce iriiv > i t- publia i la Mille «les Essais,
duu U 4*- eïiliwn uv.-i'n pw '
43i
MON
rière avec lui-même qu'il n'avait fait
cm la compagnie d'autrui. Quelques-
uns rengageaient «à écrire l'histoire
des affaires de son temps, estimant
qu'il les voyait d'un œil moins blessé
par la passion , et de plus près , à
cause de l'accès que ses qualités
personnelles et les circonstances lui
avaient donné auprès des chefs des
divers partis. Mais , ennemi juré
de toute gène , il n'eût pu s'assujé-
tir à une obligation constante , ni
se laisser guider ; et sa marche ,
étant si libre, il eût publié des juge-
ments que la loi eût , à son gré , jus-
tement condamnés. On a remarqué
que ce fut vers l'époque de la Saint-
Barlhélemi , que notre philosophe ,
humain par sentiment, tolérant par
raison, se tint ainsi à l'écart, libre
de tout parti , et attaché à son roi ,
d'une affection légitime et purement
civile , sans être ému ni dému par
aucun intérêt privé. Ce fut du moins
vers 1572 , qu'il commença dans sa
retraite la composition de ses Essais,
où , dès l'un des premiers chapitres ,
d'une teinte de philosophie un peu
sombre , due à la gravité des circons-
tances , il annonce avoir atteint l'âge
de 3g ans. Il dit qu'une humeur
mélancolique , opposée à sa com-
plexion naturelle, et produite par le
chagrin de la solitude où il s'était
jeté depuis quelque temps, fut ce qui
lui mit d'abord en tête cette rêverie
de se mêler d'écrire ; et puis, se
trouvant dépourvu de toute autre
matière, il s'était présenté lui-même
à lui pour argument et pour sujet.
« Son livre,ajoute-t-il, est le seul livre
au monde de son espèce; » et ailleurs ,
dans son avis au lecteur ,« c'est ici un
livre de bonne foi.» Néanmoins, dit-
il modestement, il avait voulu faire
purement Y Essai de ses facultés na-
turelles, et il n'y avait rien dont il
MON
fît moins profession que de science,
Cependant sa bibliothèque , accrue
de celle de son ami, était bien pour-
vue de livres; et il s'en munissait dans
ses chasses, comme dans ses autres
courses ; mais l'histoire était son
gibier principal en matière de li-
vres. Il avait cessé , avec l'enfance ,
de goûter Ovide ; l'Arioste , malgré
la vivacité de son imagination , ne
l'avait pas long-temps arrêté. Entre
les livres amusants, Térence et Ca-
tulle, chez les anciens; chez les mo-
dernes, 13occace et Rabelais , si chers
de même au bon La Fontaine , plai-
saient beaucoup à notre philosophe :
mais il ne trouvait de commerce et
de plaisir solide qu'avec Plutarque et
Senèque. 11 ne laissait pas d'étudier
Tacite, et de lire beaucoup Lucrèce
et Horace , qu'il cite très fréquem-
ment. 11 rêvait à ses lectures dans
ses courses à cheval; et c'était même
en se promenant , qu'il lisait et mé-
ditait dans sa bibliothèque; car mes
pensées dorment , dit-il , si je les as*
sieds. Là on le voit feuilletant, soit un
livre , soit un autre , sans ordre et
sans dessein apparent. Là , tantôt il
note , tantôt il pense, et dicte , en
marchant , ce qu'il a noté et pensé.
Il avait une mémoire d'idées plutôt
que de mots. Ce qui lui demeurait
dans l'esprit , il ne le reconnaissait
plus pour être d'un autre : son ju-
gement en avait fait son profit. Ses
emprunts se trouvent par-là quel-
quefois confondus avec ses propres
pensées : il veut plaisamment que
ses lecteurs donnent ainsi à Plutarque
et à Sén èque une na sarde sur son
nez. Tel on l'a vu, dans ses prome-
nades et dans son cabinet , passant
de la méditation à la lecture , de l'é-
tude des autres à celle de lui-même ,
observant et réfléchissant, remar-
quant ? extrayant tour-à-tour 3 tel il
MON
parcourt , dans son livre , dans ses
chapitres mêmes , tous les sujets ,
tous Les textes , sans plan arrêté, sans
objet suivi, mais non sans un but
indirect ou éloigne. S'il ignore fré-
quemment où il va, il sait toujours
où il vent aller: car , quoiqu'il coure
ainsi d'une idée à une autre , sans
transition sensible , et qu'il s'éloigne
de son propos , qui cesse bientôt
d'être celui du titre ou du chapitre ,
il y revient toutefois , et il y ar-
rive souvent à la fin. Ces irrégula-
rités deviennent de plus en plus sen-
sibles dans les diverses éditions qu'il
a données depuis celle de 1 58o , la
première de ses Essais ( i ); car , à cha-
que édition, il ajoutait, retranchait,
intercalait, citait de nouveau, sans
corriger, sans lier ni refondre. Son
style se ressent du désordre de ses
discours : il est vif , sautillant ,
fort, entraînant, ondoyant et divers,
comme son esprit. L'énergique li-
berté de son langage égale aussi la
liberté de ses pensées : si elles sont
plus mesurées en ce qui se rap-
porte à sa conduite morale dans la
vie civile , c'est que les convenances
et les lois, respectées par le citoyen ,
exerçaient leur influence sur ses opi-
, . et contenaient le philosophe.
Au reste, une liberté de pensai-, si
conforme à ses dispositions
relies dans tout ce qui est du res-
sort de la raison humaine consi-
dérée eu elle-même et relativement
aux motifs tirés de nos affections di-
; le conduire . surtoul
• -Mips de discussions sub-
tilcs et d'agitation presque générale ,
(1) / ' itaigne ,
■a,
-
MON 435
a reconnaître et à peindre cette fluc-
tuation d'idées et île sentiments , qui
ne caractérise que trop les hommes
livres à l'incertitude d'une raison plus
ou moins troublée par la passion ,
et dès-lors presque toujours eu con-
flit avec le principe des lois socia-
les et religieuses. C'est surtout dans
sa dernière édition des Essais , édi-
tion grossie principalement par les
additions faites au chapitre le plus
étendu, dont on a parlé, et par l'aug-
mentation d'un nouveau livre for-
mant le tiers de l'ouvrage (1), que
Montaigne devient tout à-fait l'his-
torien de l'homme, qu'il montre sous
ses différentes faces, en achevant de
tirer de lui - même ses propres vues
et de faire son portrait. Cette con-
naissance morale de l'homme , et
les traits historiques tant modernes
qu'anciens , tant étrangers que na-
tionaux, dont il joint les exemples
aux siens , même dans ses deux pre-
miers livres , ont fait penser qu'il
avait déjà voyagé hors de France,
lors de la composition de son ou-
vrage. M. Villemain, entre autres,
en faisant l'Éloge de l'observateur?
philosophe (a), paraît l'avoir
cru. Mais il est certain que le
voyage de Montaigne, en Allema-
gne, en Suisse, en Italie, est posté-
rieur a la publication qu'il fit de ses
Essaie, en mars t58o. Ce qui a
trompé quelques biographes, ('est
«pie plusieurs faits de ce voyage ouf
été insères par l'autour même, dès
i58'i,dans les édifions qu'il a don-
nées avanl que [ouvrage eûl n
dernière forme. IVIais ces faits ne
ernentguère que les séjoui
Pari»' I
. Itutilu» , l'jri
.
V><i
MON
bains de Plombières , de Bade , et
surtout à ceux délia Villa, près de
Lucques. C'etait-là sans doute l'objet
principal de son voyage; et c'est en
effet la partie la pins considérable
de son Journal posthume (i), qui
n'était pas destine à voir le jour.
Mais Montaigne , avant la composi-
tion de ses Essais, avait beaucoup
voyage en France. Il observe que la
conversation , dans ses courses et
dans ses voyages , était pour lui une
des meilleures écoles, où il apprenait
toujours quelque chose, en ramenant
ceux avec lesquels il s'entretenait
aux matières qu'ils connaissaient le
mieux. 11 allait souvent à Paris ,
et à la cour, où l'appelait sa place
de gentilhomme de la chambre du
roi. 11 s'était trouvé à Bar-le-Duc
avec Henri IL II avait accompagne
Charles IX à Rouen, probablement ,
ditBouhier, lors de la déclaration
de la majorité de ce prince , auquel
furent présentés, par son entremise ,
les sauvages Américains dont il
parle dans le chapitre des Cannïba-
\ts , où il oppose les mœurs barba-
res et simples de ces peuples, tels
qu'on les connaissait alors, aux ac-
tes trop fréquents de conduite atroce
auxquels il avait vu se livrer ses
concitovens , sous prétexte de reli-
gion. L'abbé ïalbert (2) dit qu'on
sait que Montaigne servit de secré-
taire à Catherine de Médicis, dic-
tant ses instructions à son ûh. Cette
asseriion peut sembler hasardée.Mais
il est sûr que Marguerite de Fiance ,
princesse d'un esprit vif, et portée
à la galanterie, recevait les conseils
du philosophe. Le livre de Sebon-
la Su
Ktniàl du voyage de Montai gtîe en Italie,
peu la Suisse et l'A fie magne, en i58o et i58i, pu-
blié parQnerlon , P-.rrs, i — '., i vol. in-1'7
(■> . El aigne . qui a remporté" le prix
d'élormeuce de l'acail. de Bordeaux, 1773, iu-ia.
MON
de ayant eu de la vogue même à la
cour, mais ayant déplu d'une part
aux esprits-forts, et de l'autre aux
théologiens, le traducteur , consulté
par cette princesse, répondit aux
premiers en attaquant la raison hu-
maine avec une force qu'admirait
Pascal , et aux seconds en défendant
cette même raison naturelle alléguée
par Sebonde. Ces moyens contradic-
toires développés dans le long cha-
pitre xii déjà cité du deuxième livre ,
sont ce qui a fait surtout accuser
Montaigne de scepticisme : il les
propose, à la vérité , comme des ar-
mes diverses dont il se sert contre
des adversaires différents ; et il con-
seille à la princesse, après s'être
escrimé lui-même à outrance, de res-
ter , quant à elle , aussi modérée dans
ses opinions que dans ses mœurs, eu
tenant un juste milieu entre les deux
extrêmes. Mais il faut convenir que
les raisonnements du philosophe,
fortifiés encore de nouvelles raisons,
l'ayant conduit à adopter définitive-
ment pour devise : Que sais-je? et
cela , avec tout le sang-froid de l'âge
et de la réflexion ( i ) , c'était pré-
senter à Marguerite et aux lecteurs,
pour dernier résultat , la balance
du doute , bien plutôt que l'équilibre
de la raison. L'éditeur de la nouvelle
Collection des moralistes français ,
où figure en tête notre philosophe
('2) , infère, des derniers mots du
chapitre xv du 2e. livre des Essais,
que Montaigne avait trente ans ,
lorsqu'il l'écrivit; d'où l'on pour-
fi) Cette devisé ne se trouve pas dans les premières
éditions. Mais celle de i58o porterait une épigraphe ,
dont on ut; jx'iil , dit le sénateur Veruier , contester
la Miité : « Il sut se connaître lui-même (JVovti
>> se ipsurn ). »
| • , Paris, i8-AO , in-8" Edition avec dos sommaire.
el des notes historiques et critiques, \r.\r M. Amaury»
Durai; des observât ois philologiques par M. J -
: ) , et des extraits choisis du commentaire J«
Nuigeon sur Montaigne et Charron.
MON
rait induire qu'il avait entrepris ses
Essais ayant d'avoir atteint le com-
plément de l'âge mûr. Mais ces
mots, qui sont morne une addition
postérieure aux premières éditions,
ne disent pas absolument que Mon-
taigne eut vécu 3o années , mais
qu'il avait assez vécu pour rendre
cette durée remarquable. Outre ce
qii'il a dit de son âge au commence-
ment de ses Essais, lui-même enco-
re , dans le chapitre xxxvn , le der-
nier de l'ouvrage publié en deux
livres, achève de fixer le temps de
sa composition. Je me suis envieilii,
dit-il, de sept ou huit ans, lorsque je
le commençai* Ce n'a pas été, ajoute-
t-il, sans y avoir acquis la colique
far la libéralité des ans ; et il croit
que c'est assez pour sa part d'avoir
vécu quarante-six années. Ce ne
l'ut pas le désir d'aller acquérir, par
la comparaison , une nouvelle con-
naissance des hommes, dont il n'a-
vait pas seulement étudié l'histoi-
re dans les livres; ce fut l'intérêt
de sa santé, qui put seul le résoudre
à quitter ce qu'il avait de plus cher,
pour voyager au loin. Quoique l'an-
tipathie pour la médecine, comme
' inftea qu'il ressentait de la
pierre, fussent héréditaires dans sa
famille, et qu'il eût appris, dit-il,
après deux années de souffrance, à
se consoler et a espérer, néanmoins,
soit qu'il crût à la vertu naturelle des
minérales, soit qu'il regardât
comme salutaire de faire des cour-
iprès avoir visité les
bains de France, il voulut connaître
des différentes centrées. On
n'entrera pas .Lus le détail d'un
on minutieux
par - [ui contribue à
peindre fautent il mériter
iuc Mon-
; \ . . 1 1
sans suivre duc route directe , quoi-
que dans la compagnie d'
. Si on l'avertissait qu'il reve-
nait souvent sur ses pas,' il donnait
pour réponse qu'il û'àllart nulle
que là où il se trouvait. Jl fait fran-
chement i'aveu de sa vanité. •
mait à s'arrêter, lorsque, le prenant
pour un seigneur de haut rang, on
lui offrait les vins d'honneur, ou
qu'on lui adressait des harangues ,
auxquelles il répondait. Le même
mouvement de vanité lui faisait lais-
ser ses armoiries, soit aux bains,
soit aux hôtels où il descendait, en
observant que c'était à la mais On
qu'il les destinait, non au maître du
logis. Il est difficile aussi de i e pas
attribuer à un sentiment mclé de
vanité le don de lW-i>ofo d'argent
ciselé, avec la figure de la Vierge,
la sic; ne, celle de sa femme et de
sa fille, fait à la chapelle de Lu-
rette, malgré l'acte de religion qui
accompagna cette offrande. Les let-
tres de citoyen romain qu'il i
par l'autorité du sainl-père, et qu'il
rapporte au long dans le troisième
livre des Essais, ne laissèrent pas ,
malgré leur vain titre , d'être
flatteuses pour son amour-propre:
il en est de même des excuses polies,
ou plutôt des félicitations qu'il reçût,
lorsque le maître du sien' palais lui
remit les Essais, qui n'étaient point
encore connus à Home, comme l'a
prétendu Quérlon, mais qui, saisis au
contraire, à leur entrée, sur notre
voyageur, avaient, été légèrement
censures , pour la forme, par un
moine on ftaîér fiançais. En par-
courant les collines OÙ fut jadis
Rome dont son enfance avait été
entretenue, il remarquait
nenient qu'il marchait sur le .
des temples cl sur la tète des |
de l'ancienne cité. On
436 MON
manière pittoresque, et l'expression
énergique d'un sentiment profond,
lorsqu'il dit, qu'on ne voit plus de
Rqrae que !<■ ciel sous lequel elle est
assise, et le pian de sou gîte; que
ses ruines, qu'on croit voir, n'en sont
rien que le sépulcre ; et que les bâ-
timents attaches à ces restes de ma-
sures qui paraissent encore au-des-
sus de sa tombe, lui rappellent les nids
suspendus aux voûtes et aux parois
des églises de'molies en Franee par
les Huguenots. Malgré ce qu'il dit
de la ville moderne, il en remporta
ses lettres de bourgeoisie romaine
avec non moins de respect que celles
de sa nomination à la mairie de Bor-
deaux , qui lui fut notifiée , non à
Venise, comme l'a dit de Thou, mais
à Rome même. Ce ne fut pas sans
avoir religieusement baisé les pieds
du pape Grégoire XIïT , dont il trace
uu beau portrait, en le représentant
comme peu passionné pour les affai-
resdu monde; tout en observantnéan-
moins qu'il avait vu à Saint-Pierre les
trophées des enseignes gagnées parle
roi sur les Huguenots , et le tableau de
la bataille de Montcontour. L'abbé
Taibert s'est trompé en supposant
que Montaigne y avait vu représenté
le tableau de la mort de l'amiral de
Coîigny. Éloigné d'un pays agité
par les troubles, et encore plus de
toute idée d'y remplir une fonction
municipale aussi importante que pé-
nible , Montaigne avait voulu s'en
excuser ; mais il céda au comman-
dement du roi , et revint à Bordeaux
exercer la charge de maire. Elle
lui fut continuée par une seconde
élection, après deux années, comme
elle l'avait été au maréchal de Biron ,
auquel il succédait. Ce fut surtout à
sa modération , qui maintint la ville
en paix dans un temps de désor-
dre, qu'il dut sa réélection. Il ne fit
MON
pas grand bruit dans sa mairie. Une
humeur paisible , une conduite droi-
te, un peu de vigueur au besoin,
un zèle sincère, entretenant la con-
fiance, faisaient que, sans appa-
reil , ceux qui étaient sous sa main ,
reposaient, quand le magistrat dor-
mait. De retour à la campagne ,
il raconte qu'il réussit à soustraire à
la tempête politique et à la violence
sa maison et sa personne. Il avoue
qu'il dut, dans une circonstance , à
un accueil franc et ouvert , sa sûreté
domestique; et dans une autre, sa
délivrance personnelle, à son assu-
rance et à la fermeté de ses paroles.
Jusqu'alors son château , accessible
aux ennemis mêmes du parti catholi-
que , et respecté par tous , s'était con-
servé vierge de sang et de sac au mi-
lieu des guerres civiles dont la Guien-
ne était le foyer ; mais à l'époque des
divisions de la Ligue, en i585, les
factieux , excités par leur chef ( V.
Guise), contre le Navarrois , donl
le monarque cherchait à se rappro-
cher, et contre le roi lui-même livn
à ses favoris , en voulurent à - la
fois aux royalistes sincères et ans
catholiques modérés. Noire gentil-
homme alors devint, par sa tolé-
rance et sa fidéiité, la proie des amis
aussi bien que des ennemis. « Je
» fus , dit Montaigne , pelaudé
» toutes mains : au Gibelin , j'
» tois Guelfe: au Guelfe, Gibelin.
Pour surcroît de maux, une fièvre
pestilentielle vint infester sa de-
meure. Ce fut en i586, suivaut la
Chronique Bordeluise , que ce fléau
ravagea la Guiennc. Montaigne erra
pendant six mois , loin de sa maison
laissée à l'abandon, cherchant pour
sa famille, et trouvant difficilement
un asile chez ceux auxquels il avait
accordé l'hospitalité. Il donne plus
particulièrement des détails sur l#a
MON
aits qu'on vient d'indiquer, et qui
sont relatifs à sa conduite privée.
Quant à sa conduite publique, il
parle seulement en gênerai de sa
manière libre et impartiale de se
comporter avec les chefs des diffé-
rents partis. C'est par l'historien De
Thou (i) qu'on apprend que Mon-
taigne, dans ses négociations auprès
du duc de Guise (Henri de Lorraine)
et du roi de Na\ epuis, Hen-
ri IV), avait cherché à les conci-
lier. Lors de son" retour de Paris,
où il avait complète l'impression de
ses Essais, en i588, il se trouvait
avec de Thou à Blois , quand le duc
de Guise y fut assassiné. 11 avait
prévu que les troubles de l'État ne
pouvaient finir que par la mort de
l'un des chefs -? et il avait si bien
démêlé les dispositions des deux
princes, qu'il disait à de Thou , que
le roi de Navarre était tout près
de revenir à la religion de ses pères,
s'il ne craignait pas d'être aban-
donné de son parti. Montaigne se
tait, dans son troisième livre, sur
l'amie , bien digne de ce nom , qui
vint consoler, à Paris , le philoso-
phe souffrant des maux publics et
des siens ; mais il en fait l'objet
d'une addition au chapitre xvn du
deuxième livre, où, dans rénumé-
ration qu'il donne des personnages
de son temps d'une grandeur peu
commune , il distingue , outi
Boétie, Marie de Gournay, SBiJille
d'alliance ou d'adoption, ain
lui plus que paternellement. D'après
l'estime que cejtte honnête demoi-
selle avait conçue pour l'auteur,
par la lecture ci le jugement qu'elle
porta, quoique fort jeuc
premi - , elle vii.-t avec sa
mère loul i ■ I - ■ oimaître,
(i) De vitù tuâ, 1 b
MON 437
pendant le séjour qu'il fit a Paris ,
en 1 588. Ces dames le visitèrent
dans sa solitude champêtre; et elles
l'emmenèrent à leur tour en leur
maison de Gournay, où il séjourna
quelque temps. Une' autre adoption ,
bien sensible pour l'amour- propre
paternel , fut celle de sa philoso-
phie , par Charron , qui le connut à
Bordeaux, en i58ç), et auquel il
voua dès-lors, selon Bayle, une ami-
tié toute particulière. Le théologien
se rendit l'élève du philosophe. Son
traité de la Sagesse ne fait le plus
soin eut que développer les maximes
et les leçons du maître (i); et quoi-
qu'il semble justifier le titre de Bré-
viaire des honnêtes gens, donné au
livre des Essais par le cardinal du
Perron , il fut bien moins lu que le
livre du philosophe (-.*), dont la vogue
devint telle par la suite , qu'à peine
pouvait-on trouver un gentilhomme
studieux, qui n'eût un Montaigne
sur sa cheminée. Mais , malgré tous
ces témoignages d'amitié et d'estime,
qui semblaient rattacher à la vie
notre philosophe sensible, les at-
teintes d'un mal qui lui faisait dire
que la mort le pinçait continuelle-
ment à la gorge ou aux reins, ne
lui permettaient pas de former dé-
sormais de longues espérances, et
de jouir long-temps de ses nouvelles
affections. Incertain où l'attendait la
mort , il l'attendait partout, et s'y
préparait en philosophant sagement,
comme il l'avait conseillé. S'il sem-
bla s'y précipitez en la i ravantdans
les troubles civils, les circonsl
(x) [,, - ai letitre il ■■ P
valions ytout j . • - - t - ■ ■ • * ' ' ' " "
,.,S-.
[■?.) Traduit '
MOY
l'arrachaicnt alors aux objets de
ses affections plutôt qu'elles ne l'en
détachaient. Les exemples qu'il avait
eus sous les yeux , à une époque où
il avait failli être égorge dans sa
maison, avaient bien pu lui faire
exprimer le vœu d'être délivre de la
vue des angoisses de sa famille, en
se plongeant stupidement dans la
mort, sans qu'on dut en conclure ( i ),
avec un rigorisme au moins égal à
celui des auteurs de Y Art de penser,
que tout sentiment moral était éteint
en lui , de même que INaigeon infé-
rait d'une question élevée par notre
philosophe, d'après un doute d'Eu-
ripide, sur l'éclair de la vie humaine
brillant dans la nuit éternelle , que
Montaigne ne croyait pas à l'immor-
talité de l'ame (a-). Au contraire,
les leçons de philosophie chrétienne
qu'il professe la-même et ailleurs , et
celles que lui avait données La Boé-
tie, sou ami , qu'il avait assisté à ses
derniers moments , étaient bien loin
d'être oubliées. Montaigne nous ap-
prend qu'étant malade , son pre-
mier soin était d'appeler , non le
médecin , mais son desservant , et
de s'acquitter de ses devoirs reli-
gieux. Ce ne fut point au château de
Gournay, comme l'a cru Ladvocat,
mais en sa maison, que Montaigne
fut attaqué d'une esquinancie mor-
telle qui lui tomba sur la langue. Il
demeura ainsi, dit Pasquier (3), trois
jours entiers, plein d'entendement,
sans pouvoir parler. Comme il sen-
tait sa fin approcher, il pria, par un
bulletin, sa femme d'avertir quel-
ques gentilshommes, ses voisins,
(0 Discours qui a obtenu une mention , etc.
(2) La Logique ou l'Art dépenser, 3e. partie,
ebap. 20. — Avertissement de Naigeon, en îèto de
quelques exemplaires de l'édit. stéréotype tics Essais,
Paris, Didot, 180?. , !\ vol. in r.'..
(3) Lettre 1*1., liv. 18, à M. Pc1g';, maître dts
•omptef.
afin de prendre congé d'eux. Quand
ils furent arrivés, il lit dire la m
dans sa chambre; et au moment de
l'élévation , ce pauvre gentilhomme
s'étant soulevé comme il put sur son
lit , les mains jointes , il expira dans
cet acte de piété , le 1 3 septembre
1 5.9a ; ce qui fut , ajoute Pasquier ,
un beau miroir de l'intérieur de son
a me. Le corps de Montaigne fut
transporté à Bordeaux , dans l'église
des Feuillants , où Françoise de la
Chassaigne , son épouse , lui fit éri-
ger un monument, avec une inscrip-
tion en prose latine, qui oifre un té-
moignage moins emphatique des
sentiments de sa famille et des siens
que l'épilaphe grecque en vers a la
suite, et sa traduction latine par la
Monnoie , dont on cite ces deux vers
pour la justification de sa devise :
Solius addictus jurare in dogmala Chrsti ,
Cceteia Pyn noms peuderc lance sciens.
Montaigne , n'ayant point d'enfants
mâles, avait laissé, par son testa-
ment, à Charron, les armes pleint
de sa famille, à laquelle, celui-ci, a
son tour, marqua sa reconnaissance
par le legs universel de ses propres
biens. D'un autre côté, la fille d'al-
liance de Montaigne , la demoiselle
de Gournay et sa mère, averties par
la famille, s'empressèrent de traver-
ser la France presque entière, alors
toute en armes , et arrivèrent poui
mêler leurs pleurs et leurs regrets
à ceux de la veuve et de sa fille Léo-
nor; exemple non moins remarquable
d'attachement à la mémoire de Mon-
taigne. M,ic. de Gournay conserva
toute la vie le litre de sa fille d'al-
liance, et le prit à la tête des éditions
qu'elle donna des Essais, dont les
principales furent (1) l'édition au-
Essais de Montaigne, Paris , Langelii
io-fol. — l'aris , Cainusat, it)35 , in-iid.
thentique publiée en i5g5, d'après
un manuscrit revu par Montaigne ,
et remis à elle par la veuve ( i ) ) et ,
en 1.635 , celle qu'elle dédia au car-
dinal de Richelieu, avec une préface
apologétique où elle défend les écrits
et la doctrine de celui qu'elle nomme
son père (2). Le soin que nous avons
pris de rassembler , dans une notice
impartiale et purement biographi-
que, les différents traits qui nous ont
paru propres à caractériser l'esprit ,
le sentiment , la conduite de Montai-
gne, peut mettre les lecteurs à même
d'apprécier ces qualités, compara-
tivement avec l'idée générale qu'on
s'en est formée, et avec les jugements
qu'où en a portés dans chaque siècle.
J /influence de ses écrits, de ses pen-
sées, de son style, l'a fait juger, dans
l'opinion commune la plus raison-
nable , philosophe sceptique , dis-
posé à induire, de l'observation des
vicissitudes et des variations de la
raison hum aine chez lui-même et les
autres , l'incertitude de nos connais-
sances ; homme naturellement bon
et sensible, de mœurs douces et fa-
ciles ; gentilhomme vain à-la-fois et
simple, parlant de soi humblement
et avec estime ; citoyen honnête ,
modéré, attaché par raison comme
par devoir à son prince et à la reli-
gion de ses pères ; ennemi des nou-
veautés tendant à subverlir l'ordre
moral et civil; écrivain éloquem-
ment énergique, et naif, mais offrant
parfois une liberté ou une familiarité
meut de
tntiquités bordelaises [ «J'i;,
in-tt". ),
Journal en 1789 , un au
■ i il , aux Feuillants le
1.1 manuscrit a
|ue de Bordeaux
«•H même 1 mp !„■ qUi y
ont ete
làprobal thèqtte sur
lequel 1 ■ I
iions. le I
M'
d'expression qui moutre l'homme
presque à nu dans h* moraliste aussi
bien que dans le philosophe. Mais
ses apologistes ou ses critiques , sui-
vant leur esprit et leurs opinions
particulières , l'ont jugé chacun di-
versement , en s'attachaut à quel-
ques traits , exagérés ou isolés , pour
le louer ou le blâmer , au préjudice
de l'exactitude ou même de la bonne-
foi. Dans ce siècle où l'on se pique
de philosophie , INaigeon, éditeur et
annotateur de Montaigne, oublie la
franchise libre de l'écrivain, et en
fait un pur déiste ( i ) , en attribuant
à des considérations politiques ce
que rauteur dit ouvertement de
plus favorable au christianisme, et
en IuL prêtant des sentiments con-
traires dans des passages équivoques,
détournés de leur véritable sens , et
séparés de ce qui les entoure. D'un
autre côté, l'auteur du Christianisme
de Montaigne ( 'i ) , en réunissant
les passages relatifs à la religion, ou
même traduits de la Théologie de
Sebondc, et en exhumant, du jour-
nal du gentilhomme-voyageur, quel-
ques actes d'une piété non exemple
de superstition , sans considérer ses
écarts, la liberté de ses propos ,
et les traits de vanité qui accom-
pagnaient ces mêmes actes, en a
fait presque, un chrétien religi.
dévot. Un autre écrivain déjà cité
(3), ne se rappelanl pas les derniers
moments du bon gentilhomme qui
loin de s'isoler de ses proches
entouré de ses amis voisins, lui refuse
la sensibilité morale , et le reconnaît
toutefois capable du sentiment de
(1) At , tâte de l'e'dil
inséré, sauf qudqu ssuppressi
din* l'édition
/j\ /;■ . . . :. .. :. .. nthtlon , Pai i> ,
44o MON
l'amitié. Un autre orateur ( i ) lui
accorde, avec raison, la croyance en
Dieu et à la vertu; mais on peut
croire qu'il entend purement ici la
vertu d'Épicure , lorsqu'il omet de
parler de l'acte dernier de sa vie ,
qui rattache en définitive cette vertu
à la foi chrétienne. Dans le grand
siècle , Pascal (a) applaudit à Mon-
taigne soumettant la raison superbe
à l'autorité de la foi j mais, en recon-
naissant qu'il professe la religion ca-
tholique, il l'oppose à Épictète , en
fait un Épicurien dans sa conduite
comme dans ses écrits , et perd trop
de vue , le magistrat , le citoyen ,
l'homme de bien. Balzac (3) loue
Montaigne que Malebranche ( 4 )
blâme au contraire d'avoir peint ses
mœurs domestiques. Malebranche
voit surtout dans l'écrivain la har-
diesse de l'esprit et de l'imagination;
et Balzac , des pensées hasardées et
de faux jugements. La Bruyère leur
répond à tous deux, en observant
que Balzac ne pensait pas assez j>our
goûter un auteur qui pense beaucoup,
et que Malebranche pensait trop sub-
tilement pour s'accommoder de pen-
sées si naturelles. Et certes, celui que
Locke et J.-J. Rousseau ont mis à
contribution dans ce qu'ils ont écrit
de plus raisonnable sur Y Education
des enf 'anis , n'est pas simplement
v,n auteur doué d'esprit et d'imagina-
tion : l'écrivain qui observe et analyse
si bien en lui l'homme dont il est l'h is-
torien, ne peut être taxé de donner
carrière à son imagination , parce
qu'en peignant l'homme moral , il
anime, crée et figure ses expressions,
(1) Discours couronné par l'Institut , Paria ,
ï8i9. , :.
(2J Pensées , V«. partie, art. Il d'Éfjiclète ri île
Mon!
(3) Dissertation crit- ;n, , I()-2Ï.
(4) Recherche de la vérité, livre a , partie 3 .
tlii.p. 5.
MON
comme l'a fait , à son imitation , le
célèbre peintre de portraits , La
Bruyère. De même , celui qui a si
bien connu et jugé les anciens qu'il
avait tant cultivés, Lucrèce et Vir-
gile, Sallusteet Tacite, Plutarque et
Sénèque, Cicéron et Pline, ne saurait
être traité de mauvais juge, pour
avoir mis le 5e. livre de l'Enéide, où
il était si difficile d'être poète, au-
dessus des onze autres livres , juge
ment partagé jusqu'à un certai
point par Mme. Dacier et Jacques
Delilie ; pour avoir aussi jugé plus
sévèrement qu'il ne convenait à un
censeur gentilhomme , la philoso-
phie de Cicéron et de Pline , qu'il qua
Jifie d'ostentatrice et de parlière ;
pour avoir encore , dans son juge-
ment sur les poètes français, cru
voir ( avec tout son siècle ) revivre
en quelque sorte Lucain et sa verve
poétique, dans Ronsard , avant que
Malherbe eût dégascomiéla. langue,
et qu'elle eût commencé à prendre
une forme régulièrement polie, quoi-
que peut-être aux dépens de son
énergie. Dans le siècle de Mon-
taigne enfin , De Thou , et surtout
Pasquier ( i ) , ses contemporains ,
qui ont vécu avec lui et qui ont connu
l'homme, le citoyen , le philosophe ,
paraissent l'avoir mieux apprécié
sous ces divers rapports -y ils s'ac-
cordent du moins sur sa bonne-foi ,
la base nécessaire des jugements que
porte Pasquier, qui le critique et le
censure , mais qui l'estime et l'ho-
nore : elle n'est problématique que
pour un siècle où les aveux de l'a-
mour propre passent pour un rafine-
ment de vanité, a On remarquait en
lui, dit De Thou , beaucoup de sin-
cérité et de franchise, comme ses
Essais , l'immortel monument de
(i) Vov. ffisl. Thuana , et Lettre de Pas
icitee p. 438 , not. 3 , ci-.Icasus.
MON
son esprit, le témoigneront à la pos-.
térité. » Et en effet, la postérité l'a
reconnu ainsi. Ce sentiment de con-
temporains honnêtes et instruits, con-
firmé par elle , doit servir à fixer l'o-
pinion sur notre philosophe, d'après
les faits que nous fournit l'écrivain.
Et lorsque Pasquier ajoute que la vie
de Montaigne n'a guère été autre que
le général de ses écrits , quoiqu'elle
ait été plus réglée selon leur auteur,
i] donne par-là même à entendre que,
si sa vie ne fut pas constamment
des plus régulières, il fut véritable-
ment l'homme de son livre, un hom-
me de bonne-foi. . G — ce.
MONT AIGU (Pierre Guerin de),
gentilhomme auvergnat, d'une unis-
sauce illustre, maréchal des Hospi-
taliers de Saint-Jean de Jérusalem ,
fut élu xiiic. grand-maître, en 1208 :
peu de temps après , il rendit un ser-
vice important aux Chrétiens d'Ar-
ménie , et contribua puissamment
à la victoire qu'ils remportèrent
sur Soliman, sultan d'Iconium , qui
les avait attaqués. En reconnaissance
d'un tel service, le roi d'Arménie
concéda à l'ordre la ville d'Alcph ,
avec les forteresses de CUateauneuf ,
et de Comard. Montaigu ne contri-
bua pas moins efficacement à re-
pousser Coradib , sulthan de Damas,
qtii Tenait assiéger Saint-Jean d'Acre.
Quelque temps après , il rétablit le
château de Gésaree qui était ruiné.
Pendant le siège de Damiette, et à la
pi ise de celte \ die, il lit des prodi-
ges de valeur. En i'V>3, il assista à
mblée de Ferentino, qui avait
mi oquée pour les affaires de la
Terre-Sainte. Il parcourut ensuite la
plupart îles états de l'Europe, pour
solliciter des serour | sollici-
tations ne furent .s. a
son retour en Asie . d trouva la Pa-
lestine livrée à l'anarchie l> II,
MON 44 1
pitalicrs et les Templiers plus di
que jamais ; le comte de Tripoli s'é-
tait emparé d'un Manoir de la Reli-
gion : il avait fait écorcher tout vif
un chevalier, et poignarder un autre.
Montaigu, à la tête de ses braves
guerriers, entre dans les états de ce
prince, et en obtient une réparation
convenable. En 1*228, il engage le
pape à rompre la trêve conclue entre
les Musulmans et les Croisés. Ce n'est
pas le plus beau trait de son histoi-
re. La même année, il refusa de se
rendre à l'armée des Latins, tant
qu'elle serait commandée par l'em-
pereur Frédéric II , que le pape
avait excommunié. Cette conduite
du grand-maître attira sur l'ordre, de
la part de l'empereur , de violentes
persécutions , et qui auraient etc
portées plus loin, sans l'interven-
tion dupape lui-même. Pierre-Guérin
de Montaigu mourut dans la Pales-
tine , en \'i3o. L — b — e.
MONTAIGU ( Gilles -Aycelin
de ) , l'un des plus illustres prélats
du treizième siècle , était né en Au-
vergne, d'une ancienne et noble fa-
mille. Pourvu d'un eanonicat à Nar-
bonne , il fut élu archevêque de
cette ville, en 1290, avant d'avoir
été élevé au sacerdoce. 11 se lit or-
donner par l'archevêque de Bour-
ges, Simon de Beaulieu; et ayant
établi un vicaire-général pour l ad-
ministration de son diocèse , il se
rendit à Rome, où il fut sacre', kson
retour, il s'occupa de la restaura-
tion de sa Cathédrale, et sut intéres-
ser, à ce pieux dessein, le pape,
dont il obtint de grands secours. Il
roqua , en 1299, à Béziers . un
< oneilc proi incial , dont les actes
ont été publiés par Marlène , dans le
tome iv du Thés. nw. anecdotor.
Après y avoir cité Lraali ;
arbonne, qui avait ch<
4»2
MON
soustraire à sa suzeraineté, il l'obligea
de lui faire hommage pour les do-
maines qu'il tenait de l'Eglise. Il se
prononça pour Philippo-le-Bcl , dans
les démêlés que ce prince eut à sou-
tenir contre Boniface VIII , déclara
que ce pontife était déchu , et inter-
jeta appel de ses sentences au futur
concile. Il fut l'un des commissaires
nommés pour examiner la conduite
des Templiers -? et l'histoire lui
reproche d'avoir ouvert l'avis que
ces malheureux, ne fussent point en-
tendus dans leur défense ( F. J. Mo-
hAi ). Le zèle qu'il montra dans
cette occasion, fut récompensé par
la place de chancelier, qu'il occupait
en 1 3og. II passa , deux ans après,
du siège de Narbonne sur celui de
Rouen, et mourut le ii3 février 1 3 1 8.
Ses restes furent transportés à Bil-
lom , et inhumés dans la collégiale
de cette ville. 11 avait fondé, en i3i4,
le collège de son nom à Paris, et il
lui légua une partie de ses biens. Z.
MONTAIGU ( Gilles Aycelin
de ) , cardinal, et arrière-petit-neveu
du précédent , florissait dans le qua-
torzième siècle. Son habileté lui
mérita la bienveillance du roi Jean ,
qui appuya son élection à l'évêché de
Térouaune. Il assista, en 1 356, à la
funeste bataille de Poitiers , et y com-
battit sous les yeux de son souve-
rain. Jean , trahi par la fortune ,
fut mené prisonnier en Angleterre ,
où Aycelin le suivit avec le titre de
son chancelier. Ayant entamé des
négociations pour la paix, qui n'eu-
rent pas le résultat qu'il espérait , il
remit les sceaux , et se retira dans
ses terres en Auvergne. Le roi, de
retour dans ses états , se hâta de
rappeler un serviteur dont il avait
éprouvé la fidélité , et sollicita pour
lui , du pape Innocent VI , le cha-
peau de cardinal. Aycelin eut part à
MON
l'élection d'Urbain V. qui le nomma
évêque de ïusculura , et le désigna
l'un des commissaires chargés de ré-
former l'université de Paris : il fut
ensuite envoyé en Espagne, pour tra-
vailler à réconcilier le roi d'Aragon
avec le duc d'Anjou, Sur ia fin de sa
vie , il se relira à Avignon , où il
mourut paralytique, le 5 décembre
ï 3^ 8. Froi::sart qui nomme mal ce
prélat , Guillaume , dit qu'il était
moult sage homme et vaillant , et
avait le conseil bon et loyal. —
Monïaigu ( Pierre - Aycelin de ) ,
frère du précédent , connu sous le
nom de cardinal de Laon , entra
jeune dans l'ordre de Saint - Be-
noit , et devint , dans la suite ,
prieur de Saint-Martin-des-Champs ,
et proviseur de Sorbounc. Il était ,
en i3o7, chancelier du comte de
Poitiers , depuis duc de Berri , et
remplit cette place pendant trois
ans. Elu , en 1 3*^ i , évêque de Laon ,
il fut envoyé , l'année suivante , au
devant des légats chargés de tra-
vailler au rétablissement de la paix
entre la France et l'Angleterre ; puis
à la cour du duc de Bretagne,
menaçait de se révolter. Il assista
en 1.373, à la séance du parlement
où fut décidée la question de l'agi
de la majorité des rois: il fut décoré
de la pourpre , en 1 38-4 , et se démit
quelque temps après de son évêché.
Il ne craignit point de s'exposer au
ressentiment du duc de Bourgogne ,
eu s'opposant fortement à toutes ses
entreprises contre l'autorité royale ,
et mourut à Reims , le 8 novembre
1 388 , non sans soupçon qu'il avait
éié empoisonné. Son corps, rapporté
à Paris, fut inhumé dans l'église dt
Saint-Martin-des-Champs. Il laissé
une grande partie de ses biens ai
collège de Montaigu , fondé par son
o .c)e"( V. l'art, précédent ). W — s.
MON
MONTAIGU ou MOUNTAGU
( Richard de ) , savant théologien
anglican, né en 1578, à Dorncy ,
dans le Buckinghamshire , était fils
(lu pasteur de cette ville. Il fit ses
études avec la plus grande distinc-
tion , et oLtint , par le crédit de ses
protecteurs, d'honorables emplois.
Ses sentiments se rapprochaient de
ceux de la foi catholique , sur la
plus grande partie des points contro-
\ erses; et comme il ne les dissimulait
pas, il s'attira la haine des théolo-
giens de son église. Il fut accusé d'ai-
wiinianisme , cité à la chambre des
communes pour y rendre compte de
sa doctrine , et obligé de fournir un
cautionnement de 2000 liv. sterling,
pour garantie qu'il se représenterait
à une époque déterminée ; mais la
chambre , honteuse du rôle qu'on
lui avait fait jouer , abandonna la
suite de cette affaire (1). Montaigu,
nommé en 1628, évêque de Cni-
chester , passa dix ans après au
siège de Norwich. On assure que ce
prélat avait résolu de se démettre de
son évêché, et de se retirer en Flan-
dre, pour y faire une profession pu-
blique du catholicisme ; mais avant
d'avoir pu exécuter ce pieux, dessein,
il mourut a Norwich , le l3 avril
l64 1 , et fut inhumé dans le <
de la cathédrale. Richard de Mon-
taigu était très - savant
es anciennes et dans l'histoire
ecclésiastique. Outre quelques ou-
de controverse, et la réfuta-
lion , eu anglais, du traite', De
decimis, de Selden, qu'il accuse de
plagiat ( /'. .1. § , on cite de
ce prélat : 1. Andlecta exercita-
tionumet < , Lon-
dres , 16 v> , in-i'ol. 11 compoi
MON
4 i3
ouvrage à la prière du roi Ja«
qui l'avait engagé à purger l'his-
toire ecclésiastique , des fables dont
en accusait Baronius et quelques au-
tres écrivains de l'avoir surchargée.
Is. Gâsaubon reprocha à Montaigu de
lui avoir pris l'idée et le plan d<
ouvrage ; mais des critiques judi-
cieux prétendent qu'il n'y a aucun
rapport entre le travail de ces deux
écrivains. II. Aniidiàtribœadprio-
rem partem diatribarwn J. Ces.
jb'ulenqeri adversùs exercitationes
Is. Qasauboni , ibfcL , iO'.if> , in-
fol. C'est , comme on voit, une dé-
fense de Gâsaubon ; ce qui prouve
que la mésintelligence qui existait
entre eux, n'avait pas été de longue
durée. VII. Apparat us ad Origines
ecclesiasticas , Oxford, i635 , in-
fol. — Origines ecclesiasticœ , Lon-
dres , 1 636-4 0 > 2 vo'- in-fol. ^ y a
du savoir et de l'érudition dans ce
giand ouvrage; mais il n'est plus
guère consulté. On doit encore à
Rich. de Montaigu une édition des
deux Discours de saint Grégoire de
Nazianze , contre l'empereur Julien,
avec des scholies greeques , tirées de
la biblioth. d'Henri Sa vile, Éton ,
1610, in-4°. , rare et recherchée ( 1 ))
— des Notes sur la Démonstration
ëvangéUque d'Eusèbe , dans l'édit.
de Palis, 1628, in-fol. ; et la Tra-
duction latine des Lettres de Pho-
tius , avec des notes , Londres ,
i63i , in-fol. : cette version est es-
. On conjecture , avec I
coup de vraisemblance , que
a eu part à l'édition grecque
tome, donnée par Sis de, Klon ,
16 r», 8 vol. in fol.; et l'on ,1
qu'il a laisse en manuscrit la t,
(l)Oiii.eul . ..,.,. »l .l'..ul
l'article MO» I' ue * UOUVI :
444 mon
tion latine de 214 Lettres de S.
Basile. W— s.
MONT AIGU V. Montague.
MONTAI. AMBERT (Adrien de).
V. MoiNTALF.MBF.RT.
MONTALBANI ( Le comte Jean-
Baptiste ) e'tait ne en i5()6, à Bo-
logne, d'une ancienne et illustre fa-
mille, qui a produit un grand nom-
bre de capitaines et de savants. Il
s'appliqua à l'étude avec beaucoup
d'ardeur, et reçut , le même jour ,
le laurier doctoral dans les deux fa-
cultés de droit et de philosophie. Il
visita ensuite la France, l'Allemagne
et la Pologne , pour acquérir de
nouvelles connaissances , et se ren-
dit à Constantinople, où il prolon-
gea son séjour pendant une année.
Il profita du départ d'une cara-
vane, pour aller en Perse, et par-
courut toute la Haute- Asie, observant
les mœurs des indigènes et les pro-
ductions du pays. Il apprit en même
temps les langues dérivées de l'ara-
be; et, si l'on en croit Orlandi, il en
pariait treize avec une égale facilite.
De retour à Bologne, après avoir cou-
ru beaucoup de hasards , et échappé
aux plus grands dangers, il passa en
France, pour y demander du service.
L'espoir d'un avancement plus ra-
pide le détermina à se rendre à la
cour du duc de Savoie, qui lui con-
féra le grade de sergent-major-géné-
ral de bataille. Fait prisonnier par
les Espagnols , il fut traité avec
une extrême rigueur j ayant recou-
vré sa liberté, il se relira a Venise ,
où il avait été précédé par sa répu-
tation : il ne tarda pas d'y avoir de
l'emploi, et fut envoyé avec un com-
mandement supérieur, à l'ile de Can-
die. Il y mourut, en 1646, dans la
forteresse de Suda , à l'âge de cin-
quante ans. On a de lui : De moribus
Turcarum commentant , Rome ,
MON
i6^5; ibid. , i636, in-12; Ley-
de, i643, même form. Il a laisse ,
en manuscrit , des Annales de son
temps , en latin; les Maximes de
Tacite, son auteur favori , prouvées
par des exemples modernes ; une
Grammaire turque , et quelques
Traités de mathématiques et d'as-
tronomie, dont on trouvera les ti-
tres dans les Scritiori Bolognesi
d'Orlandi, p. i58. — Montalbain
( Le marquis Marc-Antoine ), fils di
précédent, était né en i()3o. 11 s'at
tacha particulièrement à l'étude de 1
minéralogie, et parcourut, en natura
liste, les pays du nord de l'Europe
Le roi de Pologne, Jean Casimir, l'ac-
cueillit avec bonté à sa cour, et le
cueunt avec nome a sa cour, aie
décora du titre de marquis. Marc ren-
tra en Italie, riche de beaucoup de
;s
5.
connaissances nouvelles; et, après
avoir exploité les côtes de l'Adria-
tique , il revint à Bologne dispose!
ses matériaux, et mettre en ordre
les collections qu'il avait formées
Il y mourut, en i6çp , à Page de
soixante-cinq ans. On a de lui : I.
Catascopia minérale , evero espla-
nazione e modo ai farsaggio d'o-
gni minier a metallica , Bologne ,
1676, in-4°. IL Pratica minérale,
ibid., 1678, in-4°. III- Belazione
delV acaue minérale del regno
d'Ungaria, Venise, 1687 , in-4°.
Orlandi lui attribue encore: Lavita
di Ferdinando. — Montalbani ( Le
marquis Castor), fils de Marc, né
en 1670, cultiva les sciences et les
lettres, à l'exemple de son père et
de son aïeul. Il suivit cependant la
carrière des armes. Nommé capi-
taine des gardes à cheval du car-
dinal de Gonzague, il passa ensuite
au service des Vénitiens, qui lui con-
fièrent le gouvernement de Carrare.
Rappelé à Bologne, en 1723 , pour
y remplir la chaire d'architecture
MON
militaire, il y mourut;, en 1732,
à Fâge de soixante-deux ans , sans
avoir été marié. En lui s'éteignit l'il-
lustre famille des Montalbani de Bo-
logne. Castor publia, de 1707 à
17 i4, sous le nom anagrammatisé
de Brancaleone Masotti, des Jl-
manachs , contenant des prédictions
et des horoscopes. On a encore de
lui , des Discours, des Poèmes, des
Dissertations, dont Orlandi rappor-
te les titres. Il était membre de l'a-
cadémie des Arcadi et de celle des
Gelali. W— s.
MONTALBANI ( Ovidio ) , l'un
des plus féconds écrivains de son
temps, en aurait été l'un des plus es-
timables , si, à une érudition abon-
dante, il eût réuni la critique et l'exac-
titude. Frère puîné de Jean- Baptiste
Montalbani ( V. l'article précédent ),
il suivit son exemple en s'appliquant
à l'étude avec beaucoup d'ardeur;
et il termina ses cours en prenant ses
degrés dans les facultés de médecine ,
de droit et de philosophie. Nommé,
en iG.'j j, professeur de logique à l'u-
niversité de Bologne, il remplit suc-
cessivement dans cette école les chai-
res de physique, de mathématiques
et de morale, avec une réputation
qui attirail à ses leçons une foule
d'étrangers. Il succéda , < a 165.7 » ^
Ambrosini, dans la pla< e de conser-
vateur du cabinet d'histoire natu-
relle,, légué par Aldrovande
patrie: La même année, le sénat
de Bologne l'honora du titre de son
astronome; et, peu après, il fut dé-
signé pour la chaire de médecine
théorique à l'uni i'aut d'em-
plois divers n'etaichi pas suffisants
pour occuper ti nts ; et
chaque ani
nouvelles | écri-
vain laborieux, il avaU été Pua des
fondai demie d«-
MON
445
jierlini, qui tint ses premières assem-
blées dans sa maison: toutes les au-
académies de Bologne, qui,
comme l'on sait, étaient fort nom-
breuses , s'empressèrent de se l'asso-
cier ; et il y payait régulièrement son
tribut par la lecture de quelques
pièces de vers , ou de quelques dis-
sertations. Il mourut septuagénaire,
à Bologne, le 120 septembre 167 1.
On trouvera la liste de ses ouvrages
dans les Scrittori Bolognesi , d'Or-
landi, et dans les Mémoires de Ni-
ceron, tome xxxvn. Niccron n'en
compte pas moins de quarante-cinq-
et, cependant, il ne les a pas tous
connus. Outre des discours astrolo-
giques ( Discorsi astrologici) , dont
il publia trente volumes ( de i(333
à 1 67 1 ), et qui , parmi beaucoup de
principes erronés , contiennent quel-
ques observations utiles , on citera
de lui : I. Index omnium plant arum
exsiccatarum et cartis aggiutinata-
rum , quœ in proprio musœo cons-
piciuntur, Bologne, 1624, i"-4°«
('/est le catalogue de l'herbier qu'il
avait formé lui même, en quatre gros
volumes in-fol. II. De illuminabili
lapide Bononiensi epistola, ibid. ,
i634 ,in~4°. C'est la pierre du mont
Paterno, qui acquiert, par la ealei-
na!iou,!a propriété pho&phoriquej
III. Epistolœ varice ad eruditosvi-
ms de rébus in Bononiensi tractu
indigents , ut est lapis illuminabilis
et lapis speculariSj etc., ibid., 1634,
iu -','». IV. Clarorum aliquot doc-
n Bononiensium el"
• 'lia, ibid., 1640, in 4°. V.
ivalia Bonon. ewium anade-
niata seu bibliotheca Bononù
ibid., l64l , ini(i. Ce petit o.;\
t plein de recherche? curieu-
ses, a été' refondu par Orlandi,
ses Serin
Orlandi ). Ovidio l'a publié sous
4 'èo Mû
le nom anagrammalique de G,
Bumaldi, qu'il a conservé à la tête
des ouvrages suivants , quoique per-
sonne n'ignorât qu'il en fût le véri-
table auteur. VI. Formidario eco-
notriico cihaio e médicinale di ma-
terie più facili , e di minor cosio ,
altrelanto buone e valevoli quarto
le più pretiose, etc. , ibid. , i654, in-
4°. VII. Bibliotheca botanlca seu
herbaristarum scriptorum promota
synedia, ibid. , 16.57 , in-24. ; petit
ouvrage rare, que Séguièr a réim-
primé à la suite de sa Bibliolh. bota-
nica , en y ajoutant une table qui
facilite les reenerencs ( V. ,1.-F. Sil-
guieu). Les botanistes v sont ranges
dans l'ordre chronologique . V1TT.
Vocalolista Bologne se ; nel quale ,
con fécondité historié e curiose eni-
diiioni , si dimôstfa il parldrè rià
antico délia madré de studj corne
madré lingua d'Italia, ibid., 1660,
in- n, de '27 2 £ag.: rare et curieux.
Montalbani y a refondu plusieurs
ouvrages qu'il avait déjà publiés sur
l'origine du dialecte particulier aux
habitants de Bologne, et des pro-
verbes qui v sont en usage. C'est
Montalbani qui a rédige la Dendro-
logie, ou Histoire naturelle des ar-
bres, pour faire suite aux différente
traites publies par Aldrovande ou
ses continuateurs. Ce volume, qui
est le treizième de la collection, fut
publie à Bologne, en 1668 , et réim-
primé à Francfort, en 1690. ( V.
Aldrovande. ) Tiiunberg a consa-
cré à l'honneur de ce botaniste ,
sous le nom de Bwiialdia , un des
nouveaux genres qu'il a établis dans
sa Flore du Japon : il l'aurait, sans
doute, appelé Montalbana, s'il eut
su que le mot Bumaldus n'était
qu'un pseudonyme. W — s.
MONTALEMBERT ( André de ).
F. Esse.
MONTALEIVIBERT ou MONTA
LAMBERT ( Adrikn de ), que !
auteurs du Dictionnaire universel 0
confondu avec le brave d'Esse , était
aumônier et prédicateur de François
Ier. li publia , en i5ti8 , un émit
singulier, intitulé : La Merveilleuse
histoire de l'Esprit qui depuis na-
guère s'est apparu au monastère
des religieuses de Saint- Pierre de
Lyon. C'est l'histoire d'une religieuse
nommée Alis de Tesieux , qui , après
avoir mené une vie scandaleuse, eut
le bonheur de commencer sa péni-
tence dans ce inonde , et de l'achever
deux, ans après sa mort. L'esprit de
sœur Alis s'était attaché miraculeu-
sement , disait-of] , à une jeune per-
sonne du même monastère. L'évéquo
exorcisa celle-ci en présence d'une
assemblée nombreuse, et procéda en-
suite à la délivrance de sœur Alis :
a près cette cérémonie , son esprit dé-
clara qu'elle était sortie du pùrgs
toire , où elle aurait dû passer trente
trois ans , si les prières qu'on vem
de faire n'avaient abrégé sa pén
tence. Adrien de Montalembert , t<
moin oculaire, et l'un des principau
acteurs de la procédure, en rédii
la relation , qu'il adressa au roi nu
me, pour , dit-il , récréer sa Majes!
et lui donner passe-temps. Son pi h
cipalbut était sans doute de fourni
une réponse décisive aux argument
des Luthériens contre ie purgatoire
mais son livre produisit un efTc
tout contraire. Le fameux Corneill
Agrippa nomme Montalembert un
méchant homme et un imposteur
( Homo nequam et impostor). Cet
homme n'était que créduic et super-
stitieux. La Merveilleuse histoire fi
imprimée , pour la première fois.
Paris , 1 5^8 , in-4 °. ; à Rouen , 1 5 '.kj
même format ; et depuis à P
i58o, in-12. Maigre ce:, Iroi
ions , l'ouvrage était devenu très-
rare. L'abbé Lenglet l'a repri
dans le Recueil des Dissertations sur
les apparitions, tome ior. , r-90 ;
et l'abbé d'Artigny, dans ses Nou-
veaux Mémoires, tome vu, 1 83-
256. W— s.
MONTALEMBERT ( Marc-
. marquis de), gênerai fran-
çais, e't.'àt né à Angouîême, le 16
juillet 1 7 1 4 , d'une noble et ancienne
famille , qui a produit pi
pitaines célèbres , eut e autres le ma-
réchal d'Esse ( V. ce nom ). Il reçut
une éducation conforme à sa nais-
sance, et fît des progrès également
rapides dans la littérature < t dans
les études les plus sérieuse-. Entré
au service, à l'âge de dix-huit ans,
il assista au siège de Kehl en i^33 ,
ei se signala, l'année suivante, de-
vant Philisbourg. La guérie de Bo-
attifena pour lui d'antres occa-
sions de montrer sa bravoure. Plus
t ird , il consacra aux sciences les loi-
sirs que lui bissait la paix. Admis,
en 1747? à l'académie . il y donna
plusieurs Mémoires , qui ont été pu-
bliés dans le Recueil de cette com-
pagnie. Eh lisant le traité de V Atta-
que des Places , par Vauban , il crut
remarquer des imperfections d jus le
liiea lopïé parCegrand h<
et tourna dès-loi ;ur l'étude
de la fortification. Vers le n
temps , il faisait construire , dans
l'Angoumois et le Pé foi -
ges importantes, qui foumircnl I
tôt à notre marine des canons • |
; rojectilcs dont elle n'était pas
1 ne. Il fut attaché , pendant la
guerre 1 l'état-majôr
dr-s ai ;
eut pari .
conèertés par le
rendit compte
de toutes I
puLlia , en 17G1 , le Pro'specti
l'ouvrage qu'il méditait di
temps sur la fortification ; mais le
duc de Choiséul , ci. ne les
étrangers ne profitassent des idées
de Montalembèrt, lui demand 1
iscrit, et en retarda la :
cation, qui n'eut lieu qu'en 1776.
Quelques expressions peu mesurées ,
que l'auteur s'élait permises, dans
sa préface, à regard de
et des principes qui parurent ha-
sardés parce qu'ils étaient nou-
veaux , fermèrent les yeux des gens
de l'art sur les idées utiles que ren-
fermait l'ouvrage. Le corps entier du
nça tout d'une v.oix
contre Montalenïhert et son !
de là des querelles littéraires où !a
passion remplaça l'amour de l'art,
et où les lois de l'urbanité f
souvent violées. Montalembèrt fut
chargé, en 1 779 , de la cousin
d'un fort,t>our garantir l'île d'Aix
des attaques d'-
exécuté tout en bois , ne conta que
huit cent mille francs, au lieu de
plusieurs millions que portait le de-
vis des ingénieurs, et n'éprouva pas
1 e moindre dérangement par l'effet
de la détonation simultanée de tou-
tes les batteries , quoique tous les
officiers eussent annoncé qu'il s'é-
croulerait , si l'on voulait faire
des pièces dont il était armé. 11
épousé , en 1770 , IVî11' .
rie de Comarïeû , f< si ai-
mable que spirituelle (1 ) et ;
d'un i, - remarquable pour
jouer la comédie. Ifîontalen
composa , pour son théâtre, quel-
ques petites pièces, blii furent re-
présentées aveî Cependant
la révolution approchait ;
■ ii.
448
MON
avait beaucoup souffert des dépenses
qu'il avait laites pour l'impression
de ses ouvrages, et pour des expé-
riences tentées dans des vues d'uti-
lité publique : il n'en abandonna pas
moins , pour les besoins de l'état ,
une pension qui lui avait été accor-
dée pour la perte d'un œil. il lui était
dû six millions pour ses forges du
: ;ord, cédées à l'administration
de la marine ; il en réclama le paie-
ment en 1790, mais sans pouvoir
l'obtenir. 11 se rendit vers le même
temps en Angleterre avec sa fem-
me, qu'il laissa à Londres, au bout
de quelques mois , pour revenir à
Paris , où il parut se réunir au parti
révolutionnaire : il en adopta même
les principes jusqu'à recourir au di-
vorce pour épouser la fille d'un apo-
thicaire. Cette conduite lui fit ob-
tenir la levée du séquestre apposé
sur ses biens ; et il vendit, pour payer
ses créanciers, sa belle terre de Mau-
mont , contre des assignats dont il
ne retira presque rien. Malgré la
pénurie où il se trouvait , il conti-
nuait d'entretenir un dessinateur et
un mécanicien, pour exécuter ses
modèles en relief de fortifications ,
collection précieuse (1) qu'il offrit
au comité de salut public. Carnot ,
qui était chargé spécialement , dans
ce comité y des opérations mili-
taires , l'appela ainsi que Darçon
et Marescot , pour s'environner de
leurs lumières. Montalembert mou-
rut d'hydropisie, le 29 mars 1800 ,
à l'âge de quatre - vingt - six ans.
11 avait acheté, en 1778, et il ha-
bitait la maison qu'avaient occupée
précédemment le comte de Gler-
fl) Ces reliefs , an nombre de 93 , formaient un
cours complet de forlificatioii et d'artilleri*. Le Cata-
logne raisonné en a été publié sous le tilr» <\'/.<\if
des plans en relief qui composent le cabinet dejor-
1 pij de M. le marquis de Monluleiubei l , P.t-
m , 1783 , in-80. de 17 paç.
MON
mont , et ensuite le célèbre Réau-
mnr. Montalembert était le doyen
des généraux français , et de l'aca-
démie des sciences : il fut proposé
pour une place à l'Institut dans
section de mécanique ; mais il se
retira en apprenant qu'il avait pour
concurrent Buonaparte. Outre des
Mémoires , insérés dans le recueil
de l'académie, on a de lui : I. La
Fortification perpendiculaire , ou
V Art défensif supérieur à l'offen-
sif , Paris , 1776 - 96 , 11 vol.
in-4°. , avec un grand nombre de
planches. On trouve rarement cet
ouvrage complet. Les premiers vo-
lumes ont été traduits en allemand,
par le major du génie Lindenau.
L'auteur s'attache à faire voir le
défaut du système des forts bastion-
nés , et y substitue celui des forte
resses angulaires , avec des casema
tes , ayant pour principe constant
que les casemates sont le seul moye
de mettre un petit nombre d'hom
mes en état de soutenir long-temps
les attaques d'un plus grand nombre.
On peut voir le précis des diverses
applications de cette idée princi-
pale, dans Y Architecture des for-
teresses, par G. -F. Mandar, qui re-
connaît ( tome 1 , p. 600 ) qu'aucun
auteur de fortification , aucun ingé-
nieur , n'a montré plus de génie que
Montalembert ne l'a fait dans les
combinaisons aussi variées que nom-
breuses du système à tenailles case-
matées. Son ouvrage offre des dé-
tails complets sur toutes les parties
de l'art militaire: l'histoire des sièges
les plus fameux ; la description de
plusieurs machines intéressantes; un
nouveau fusil et un nouvel affût, exé-
cutés d'après ses données ; les plans
des principales villes et des ports ,
avec des observations sur leurs for-
tifications naturelles et les moyens
"-
MON
de les améliorer. Les deux derniers
volumes ne contiennent une les ré-
ponses de Montalembert à ses cri-
tiques, et des opuscules qui n'avaient
pu être publiés séparément. II. Cor-
respondance pendant la guerre de
i^St, Londres ( Neuchalel ), 1777 ,
3 vol. gr. in-8°. ; trad.cn allem.,
par M. de Rohr, Breslau , 1 780-81 ,
3 vol. Cette correspondance est in-
téressante pour l'histoire de la guerre
de Sept- Ans; et on y voit L'impor-
tance des services qie Montalcm-
bert a rendus à la France. III. Ré-
ponse au colonel D' Arçon sur son
Apologie des principes observés dans
le corps du génie , 1 790 , in - 4'*.
IV. L'ami de fart défensif, ou
Observations sur le Journal de l'é-
cole polytechnique , an îv f 1796 ),
6 nos. in-4°. V. Mémoire historique
sur la fonte des canons, 1 7 58 ,
in-4°. VI. Cheminée -poêle, ou poêle
français, 1766, in- 4°. VIL Rela-
tion du siège de Saint- Jean d'
1798, in 8\ VIII. La Statue et la
Bergère de qualité { musique de Cam-
bini ), et la Bohémienne supposée ,
( musique de Thomeoni ) , trois pièces
imprimées en 1 "8(5 , sans doute à un
petit nombre d'exemplaires pour des
présents. IX. Des Poésies inédites.
« J'ai de Montalembert » , dit La-
lande, « un grand nombre de contes
» en vers et de chansons, que je vou-
» drais publier, parce qu'on y trouve
» de la grâce , de l'élégance et de
» l'imagination. » On peut consul-
ter , pour plus de détails, sa Notice
sur Montalembert , dans le Maga-
sin encyclopédique , vie. ann. , to-
me Ier. , |». 123 -ag; — une autre
Notice, lue par M. Desaudray au
des arts,br. in-8°.de i5 pag.;
et son Éloge historique, parDelisIe
de Sales rt le comte de la Pl.itière ,
Paris, 180 1 , in pag., avec
xxix.
MON 44g
le portrait de Montalembert, gravé
par Saint-Aubin, Son buste a été
exécuté par le sculpteur Bou\
VV— s.
MONTALTE. V. Danedi.
MON iALTO Li doge
de Gènes , appartenait a une famille
illustre de l'or .re populaire. C était
un habile jurisconsulte, ami de Si-
mon Boccanegra , premier do^e de
Gènes. Après la mort de ce dernier,
il demeura, en i363, chef du parti
gibelin. Peu ant vingt ans, Montal-
to combattit pour la première place,
avec les chefs de trois autres familles
également plébéiennes et également
puissantes, les Aiorni, les Fregosi
et les Guarci. Il l'emporta enfin : le
6 avril i383, il fut nommé doge
de Gènes; mais, moins d'une année
après, une maladie le mit au tom-
beau. — Antoine de Mo^talto prit
ensuite la direction du parti qui s'é-
tait attaché à sa famille; il n'avait
encore que vingt-trois ans, lorsqu'en
1393, il fut placé une première fois
sur le trône ducal. Il joignait à une
bravoure brillante, une modération
et une clémence rares chez un chef
de parti; mais il avait à lutter contre
plusieurs rivaux redoutables, parmi
lesquels Antoniotto Adorno était le
pins distingué. Il put à peine garder
son poste une année ; il le recouvra
en i3q{, mais pour moins de temps
encore. Gènes ayant ensuite été livrée
par Adorno au roi de France Char*
les VI, Montalto lit de vains efforts
pour lui rendre la libelle. La répu-
blique s'affranchit ensuite, en 1 4 * r»
sans son entremise; et elle ne rendit
point à MontaltÔ la dignité dont il
avait été revêtu. S. S
montalvo. t.galvlz, xvr,
397.
MONTAN, hérésiarque du
deuxième siècle, était ne a Wdaban,
*9
Vio MOU
bourg de la Mysie. Il embrassa lé
christianisme, croyant pouvoir par-
venir aux premières dignités école-1
siastiques; mais, trompé dans cette
attente , et dévoré d'une ambition
excessive, il résolut de se faire pas-
ser pour prophète. Ayant attiré à
son parti deux dames de Phrygie ,
nommées Priscillc et Maximille, qui
abandonnèrent leurs maris pour le
suivre , il débuta par annoncer qu'il
était le prophète que le Saint-Esprit
avait choisi pour révéler aux hom-
mes les vérités fortes qu'ils n'étaient
pas en état d'entendre au temps des
apôtres. La sévérité de sa morale et
l'amour du merveilleux lui firent un
grand nombre de partisans, qui l'ap-
pelaient le Paraclet. L'Église d'O-
rient condamna, vers 17 2, les er-
reurs de Montan; et l'orgueilleux
sectaire, loin d'être touché des cha-
ritables avertissements des pasteurs
légitimes , persista dans son schis-
me , et y entraîna ses disciples.- Les
premiers Montanistes n'avaient rien
changé aux articles du Symbole;
mais , séduits par l'idée d'une plus
grande perfection, ils avaient ajouté
a la rigueur des pénitences prescrites
par les canons. Ils refusaient d'ad-
mettre à la communion ceux qui
étaient coupables de quelque crime,
soutenant que nul n'a\ait le droit de
les absoudre ; ils condamnaient les se-
condes noces comme des adultères •
ils avaient établi jusqu'à trois carê-
mes fort rigoureux, et des jeûnes ex-
traordinaires; enfin ils enseignaient
qu'on ne doit point fuir les persécu-
tions, mais au contraire les recher-
cher , et braver les fers et la mort.
Montan vécut, dit-on, jusqu'en 212,
sous le règne de Garacalla; et plu-
sieurs écrivains prétendent qu'il mit
Jin à son existence, en se pendant,
iiiiisi que Maximille. Ses disciples, qui
MON
ont subsisté plus d'un siècle en Asie,
et particulièrement dans la Phrygie,
avaient pénétré jusqu'en Afrique,
puisqu'ils séduisirent Tertullien (1 ) ,
qui se sépara d'eux à la fin, niais , «à
ce qu'il paraît, sans condamner leurs
erreurs (F. Tertullien). Us se di-
visèrent en deux sectes ; les uns
suivirent les opinions de Proclus, et
les autres adoptèrent les erreurs du
sabcllianisme. Montan avait laissé
un livre de Prophéties , qui ne nous
est point parvenu. Miltiadcs et Apol-
lonius ont écrit contre les Monta-
nistes; mais il ne nous reste de leurs
ouvrages que les fragments conser-
vés par Eusèbe, dans son Histoire
(liv. v,ch. 18). On peut consulter,
pour plus de détails , les auteurs ec-
clésiastiaues et le Dictionnaire de
l'abbé Pluquet. W— s.
MONTANARI (Gemïniano) , as-
tronome , naquit à Modène, en 1 632.
Il fit ses études de philosophie et de
jurisprudence à Florence, voyagea
en Allemagne, y fut reçu docteur en
droit , et étudia les mathématiques
sous le Florentin Louis deBono : de
retour à Florence, il y exerça la pro-
fession d'avocat, devint astronome
des Médicis , puis philosophe et
mathématicien du duc de Modène ,
Alphonse IV. Après la mort de ce
prince, il travailla aux Éphémérides
de Malvasia, fut nommé professeur
de mathématiques à Bologne, et rem-
plit celte place jusqu'en 1674 : de là,
il fut transféré à Padoue , pour y
professer l'astronomie et la météo -
proptietesse monta
rant TeHullirn clan
(1} Les prestiges, prédictions, guérisods et indica-
tion* de remèdes opérés , par la proptietesse i
ni.sto, et qui entraînèrent le
«elle secte , paraissent avoir assez de rapporl
qu'on raconte des phénomènes du s imuambnlisnie
magnétique. ( y. la Notice sur la rhum de Tertul-
lien, causée par des révélations somnanibul
par J. B. de Joannis, maire de Turtjuaut, pri
mur, dans les Annales du magnétisme animal
u°. jo, U>ju. Il, p. iDi-ibi, i8i4, in-80. ) G-ct:*
MON
rologie; et il y mourut subitement,
en sortant de table, à l'âge de cin-
qiiante-cinq ans, le i3 octobre 1687.
On a de lui les ouvrages suivants :
I. Comètes Bononice observât us ,
anno \66.\et 1 665 : astronomico-
physjca dissertatio. II. Copia ai due
lettere scrltte alV illustr. sign. An-
tonio Jlagliabecchi , sopra i moti
e le apparenze délie due comète
ullimamente apparse sul fine di
novembre 1680. III. Celebeirimo
viro Carolo Patina , de cometd
anni r68i. IV. Copia di lettera
scritta al Magliabecclii , intorno la
cometa apparsa Vanno 168:2. Ces
quatre dissertations ont été réunies
par le P. Gaudence-Robert de Parme,
carme, dans le recueil intitulé : Mis*
cellanea italica phjsico -mathema-
tica, Bologne, 1692, in4°. La théo-
rie de l'auteur n'offre rien de re-
marquable; elle est un composé des
d'Aristote et de Descarfc
des méthodes de Gassini : le micro-
mètre dont il se sert pour ses obser-
vations, a la plus grande ressem-
blance avec celui d'Auzout, dont il
ne diffère que par le nombre des
iiis d'argent, qui divisent en plu-
sieurs espaces carrés le champ de
la lunette. Ces ouvrages sont aujour-
d'hui confondus avec cette foule de
dissertations du même genre, qui
ont paru aux nieai. i dans
toutes les parties de l'Kurope. Ce
qui pourra faire vivre le nom de
Montanari , ce sont les Lettres
lui ont été adressées par D. Cassini ,
au sujet des réfractions. Ces let-
tres mêmes , devenues très-rares ,
le- nous apprennent des méthodes
qui se lit dans
autres oui ■ sont (\v*
idées saim nement va-
: ce qu'on y trouve de plus
curieux, c'est que le théorème toa-
MON
*5î
damental a été' tiré , par Descartes,
des expériences de SneUiùs ; que ce
théorème avait été publié par
senne et plusieurs autres, et que Cas-
sini n'a fait que le confirmer par
de nouvelles expériences ; au lieu
que, dans ses ouvrages subséquents,
il a l'air de s'en déclarer le pre-
mier auteur. Le nom de Montanarî
est encore cité quelquefois par les
astronomes , à cause des change-
ments qu'il a remarqués dans plus
de cent étoiles, et qu'il a consignés
dans l'écrit intitulé : V. Discorso
academico sopra la sparizione d'al-
cune slelle7 ed alire novita scoperta
nel cielo , Bologne, 1672, in- 4°.
VI. Ephemeris Lansbergiana ad
annum 1 666 , item de salis hypo-
thesibus et refractionibus siderum.
VIT. Il Mare Adriatico e suo cor~
rente esaminato , e la, naturalezzct
de'fiumi scoperta e con nuove forma
di ripari corretta , ouvrage impor-
tant et fort estimé : on Y à inséré dans
la collection des Scrittori delV ac-
que, imprimée à Parme, tome t.
VIII. V astrologia coiwïnla difal-
so , etc. , Venise, i685. On y trouve,
page 4° > une curieuse notice , en
forme d'annales , des principaux:
événements de la vie de l'auteur :
on l'a reproduite en entier dans le
Dictionnaire historique imprimé à
Bassano. Fabroni (Pitœ Italor. ) et
Tiraboschi ( Bibl. Modenese ) ont
donné de grands détails sur cet as-
tronome. D L E.
MONTANCLOS ( Marie-Emilie
Mayon de), connue par t\c^ poésies
faciles , mais négligées , naquit à Aix
en i-j'tti. Elle eut pour premier ma-
ri François-René, baron de Pi in
e! contracta une
Charlemagne Cuvelier Grandis de
Montanclos. Demeurée veuve de ce
dernier, elle consacra ses jouis au\
452
MON
lettres et à Famitié , jusqu'à sa mort ,
arrivée le 29 août 1812. C'était une
femme d'une sensibilité douce et d'un
esprit orné : une aimable simplicité
caractérisait son talent. Ses produc-
tions consistent en un grand nombre
de poésies fugitives , et en plusieurs
pièces de théâtre , parmi lesquelles
on distingue l' opéra-comique de Ro-
bertle-Bossu. Ses œuvres diverses ,
publiées à Paris , 1790, 1 vol. in-
12, ne comprennent guère que la
moitié de ses compositions poéti-
ques ; une partie de celles qui sorti-
rent de sa plume postérieurement
à ce recueil , sont disséminées dans
YAlmanach des Muses. F — t.
MONTANO ( Jean - Baptiste
MONTI, plus connu sous le nom
de), en latin Mont anus 7 l'un des
plus célèbres médecins de son temps,
naquit à la (in du quinzième siècle ,
à Vérone, d'une noble et ancienne
famille. Envoyé à Padoue pour y
faire son droit, il négligea cette étude
pour s'appliquer à l'histoire natu-
relle et à la médecine. Son père,
après avoir tenté inutilement de le
ramener à ses vues, cessa de payer sa
pension; de sorte que le fils fut obligé,
pour subsister, de vendre jusqu'à ses
livres : mais cette rigueur, peut-être
injuste , ne put lui faire abandonner
sa résolution; et, à la fin de ses
cours , il reçut le laurier doctoral au
milieu des félicitations de ses maî-
tres et de ses condisciples. Il espé-
rait que ce premier succès le justifie-
rait aux yeux de son père ; mais
l'ayant trouvé inflexible, il quitta
brusquement Vérone, et s'établit à
Brescia , où il pratiqua son art avec
beaucoup de succès. A des connais-
sances étendues dans les différentes
branches de la médecine , Monta no
joignait de l'imagination, et un es-
prit orné par la lecture des meilleurs
MON
ouvrages : il composait des vers
agréables , et parlait avec une cor-
rection et une élégance peu commu-
nes. Lassé du séjour de Brescia , iî
se rendit à Na pics , et y donna des
leçons surPindare, dans lesquelles
il développa tant d'érudition et de
goût, que Pontanus, Sannazar et
d'autres littérateurs distingués, après
l'avoir entendu, lui offrirent leur
amitié. Il visita ensuite Rome et Ve-
nise , et partout il se vit recherché
des grands et comblé de faveurs :
mais il préférait une vie tranquille
à tout l'éclat de la fortune: et il re-
vint , en i53G, à Padoue , résolu d'y
jouir, dans unedouceretraite, du fruit
de ses économies. Obligé de céder
aux instances qu'on lui fit d'accepter
une chaire de médecine dans cette
même école où il avait étudié , il la
remplit, pendant onze années, avec
un succès toujours croissant, et qui
attira une foule d'auditeurs de toutes
les parties de l'Europe. 11 reçut
d'honorables propositions de l'em-
pereur Charles - Quint , de Fran-
çois Ier. , et du grand-duc de Tos-
cane, qui desiraient se l'attacher
comme médecin; mais rien ne put le
déterminer à quitter Padoue. Forcé ,
par des douleurs qu'il ressentait
depuis quelque temps dans la vessie,
de suspendre ses leçons, il se fit
transporter àTerrazo, dans l'espoir
que l'air natal lui rendrait la santé;
mais il fut trompé dans cette at-
tente, et mourut le 6 mai i55i (1).
(i) On est bien d'accord sur la date de la mort de
Montano ; ma s on ne l'est pas sur sun âge. Quelques
biographe* disent qu'il mourul à 53 ans; d'autre* lui
donnent deux ans de ('lus; enlin , il en est quelque»-
aphe, prétende
parvint à nue grande vieillesse La Parque qui redou-
iiusqui, se fondant sur son épitaphe, prétendent qu'il
tait les talents de Montano , a trauche le fil de sea
jours ; voilà ce que porte en substance cette pièce :
Et secuit vitœ grandta jila tuœ.
11 en faut conclure que Montano mourut jeune; fou{
autre seus est inadmissible. H f st bien etounaut que 1*
MON
Les restes de ce grand médecin fu-
rent conduits à Vérone, et déposes
dans l'église Sainte-Marie. Nicolas
Cliiocco prononça son oraison fu-
nèbre ; et Fracastor composa son
epitaphe , rapportée par Ghilini ,
Éloy, M. Portai, etc. Montano a
laisse un grand nombre d'ouvrages ,
qui ont été presque tous publiés par
ses élèves , Jérôme Donzellini , Jean
Craton, Vinc. Gasali, Martin Wein-
drich , Valent. Lublin, etc.; on en
trouvera les titres dans Ghilini ( Tea-
trod'uom. letterati), Tessier {Elog.
des hommes savants), Éloy (Dict.
de médecine),. aie. Les nombreuses
éditions qui en ont été faites au sei-
zième siècle , en Italie, en France et
en Allemagne , prouvent assez toute
l'estime dont ils jouissaient; mais
depuis que les progrès de l'art et de
nouvelles expériences les ont rendus
presque inutiles , ils ont dû la plu-
part tomber dans l'oubli. Montano
a donné la traduction latine d'une
partie des OEuvres médicales d' A é-
tius. Gornarius avait déjà traduit
quelques traités du même auteur : les
versions de l'un et de l'autre ont été
réunies à Venise, i 534 , 3 vol. in-
fol. Parmi les autres productions de
Montano, on se contentera de citer:
I. OfAiscida varia et prœclara ,
Baie, i5)8,in-8*. M. Portai dit que
ce recueil est encore bon à consulte!
pour les détails anatoniiqucs ( Hist.
de Vanalom. /, 53g ). IL Consul-
taiionum a pas de rariorum mor-
borum cura&iombus , Baie, 1 5 S 7 ,
.; i583; Francfort, i587, in-
fol. On trouvera des observation»
intéressantes dans cette compilation,
dont J. Graton , qui eu est l'éditeur,
peut réclamer une grande partie.
douh|,> " ' &U ail trompé tel édi-
teur» du Moi - *
MON 453
III. Medicina unwersa exlectioni-
bus Montani , cœterisque opuscu-
lis collecta , Francfort , 1 587 , 2
tom. in -fol. Ce recueil, publié par
Mart. Weindrich , contient la plus
grande partie des ouvrages de sou
maître. Outre les écrivains déjà cités,
on peut consulter le traité d'Astruc
de Morbis venereis , où Montano a
une notice intéressante. W — s.
MONTANSIER ( M^e. ) a donné
son nom à l'un des théâtres de Pa-
ris : elle avait épousé un comédien
nommé Bourdon-Neuville; mais on
continua de l'appeler de son premier
nom. Après avoir eu la direction des
théâtres du Havre et de Rouen, Mllc.
Montansier était , au moment de la
révolution , à la tête d'un grand éta-
blissement dramatique à Versailles.
Prévoyant bien que le déplacement
de la cour lui serait très-préjudicia-
ble, elle acheta, dès 1789, au Pa-
lais-Royal, la salle auparavant occu-
pée par les Beaujolais. Malgré ses
démarches et ses protections , ce ne
fut qu'après Pâques, 1790, qu'elle
put y faire l'ouverture de son spec-
tacle. Il fut très - suivi , et la salle
agrandie pendant la clôture pascale
de 1 791 . On y jouait l'opéra , la tra-
fédie et la comédie. Ce fut là qu'on
onna pour la première fois le Déses-
poir de Jocrisse, farce célèbre, dans
laquelle Baptiste cadet remplissait le
principal rôle. M11''. Montansier était
douée d'une grande activité; et elle
ne négligea pas de travailler ses suc-
111 besoin même elle comman-
dait les applaudissements par les
coups de poing de gens soudoyés.
lit par tolérance, ou par faveur,
qu'elle avait obtenu l'ouverture de
son théâtre, en i7<)(>. Elle fut la.
première à profiter de la loi du i3
janvier 1791 , qui laissait à tout ci-
toyen la liberté d'établir une salle de
4^4
MON
spectacle. Elle imagina d'en faire
construire une , rue de Richelieu , en
lace de la Bibliothèque du roi : elle
l'aurait appelée la Réuniondes arts ,
en la consacrant à tons les genres. Le
prospectus qu'elle répandit, la même
année, en portait la dépense à neuf
millions; ce qui fit dès l'instant de-
signer cette salle sous le titre de
Théâtre de neuf millions. Pendant
sa construction , en 1793 , M1Ie.
Montansier fut accusée d'avoir dis-
tribue des médailles royalistes : le
théâtre qu'elle dirigeait toujours au
Palais-Royal fut fermé; et lorsqu'on
3e rouvrit peu après , il prit le nom
de Théâtre de la Montagne. Mlle.
Montansier échappa au règne de la
terreur. Elle avait même fait l'ouver-
ture de sa nouvelle salle sous le titre
de Théâtre des Arts, qu'on y lit en-
core; mais le gouvernement s'en étant
emparé y établit l'opéra, le 20 ther-
midor an 2 ( 7 août 1 794 ) ( 1 )• Mlle.
Montansier réclama , souvent et long-
temps , des indemnités pour cette
salle , sous tous les régimes qui se
sont succédé en France , depuis
1791; et elle n'obtint pas grand'
chose. Elle avait vendu ou abandon-
né ses droits et intérêts dans la di-
rection du théâtre resté au Palais-
Royal, et qui continua cependant
d'être connu par le nom de sa pre-
mière directrice. Lorsque plus tard
( 24 juin 1807 ), la troupe se trans-
porta dans une nouvelle salle au pas-
sage des Panoramas, ce fut encore
sous le nom de Montansier que l'on
continua de désigner ce théâtre.
Mlle. Montansier avait beaucoup de
dettes et de procès , et elle aimait
les uns et les autres : elle lisait elle-
même en entier les nombreux ex-
(1) Le i3 février i8ao , le duc de Berri ayant été
assassiné comme il hurlait <lc ce spectacle, on a arrêté
<|un la salle serait dciajjie ; et déjà il u'eu ixsle
plus que les mur»
MON
ploits qu'elle recevait, et y faisait
de sa main des notes marginales.
Elle est morte le i3 juillet 1820,
âgée de 90 ans. A. B — t.
MON TAN US. F. Arias et
Bergue.
MONTARGON ( Robert-Fran-
çois de), religieux augustin du cou-
vent de la place des Victoires à Paris,
né dans cette ville en 170.5, por-
tait dans son ordre le nom d'Hya-
cinthe de l'Assomption. Il se livra au
ministère de la chaire , et prêcha de-
vant Louis XV, et devant le roi de
Pologne , Stanislas , qui lui donna
le litre de son aumônier. Il périt
malheureusement à Plombières, dans
un débordement des eaux que cette
ville essuya le j>5 juillet 1770. Ses
ouvrages sont : I. Le Dictionnaire
apostolique , 1752 et années suiv. ,
i3 vol. in-8°. (ou 12 vol. in- 12 );
traduit en italien, Venise, 17.55.
« C'est un répertoire utile, dit Fel-
lcr , et il le serait davantage si l'au-
teur avait eu plus de goût , et un style
plus correct. » II. Histoire de l'ins-
titution de la fête du Saint-Sacre-
ment , 1753, in- ia. III. Recueil
d'éloquence sainte , ou Bibliothèque
des patriarches et des fondateurs
d'ordres , 1759, 5 vol. in-8°.
P — c — t.
MONTARGUE (Pierre de ),
major-général et chef des ingénieurs
des armées prussiennes , était né a
Uzès , de parents protestants , en
1660. De Genève, où il avait été en-
vové pour ses études , il passa dans
le Brandebourg , à la révocation de
redit de Nantes. Il s'y distingua par
son courage et par son habileté, et
obtint un rapide avancement. Le
prince royal de Prusse l'envoya por-
ter au roi son père , la nouvelle de la
victoire de Malplaquet. H fut charge,'
par le roi, quelques années api es x
MON
d'aller complimenter Charles XII
sur son retour, et de négocier avec
lui. Apres la mort de Charles, la
guerre s'étant allumée entre la Prusse
et la Suède , Montaigne dirigea le
siège de Stralsund, sous les yeux
de son maître et sous ceux du rui de
Danemark. Ce prince demanda cet
officier pour faire le siège de Wis-
mar, et voulut le récompenser par
l'ordre de Dancbrog; mais le rui de
Prusse ne lui permit pas de l'accep-
ter; et il l'en dédommagea, en lui
donnant l'ordre de la Générosité.
Idonîargue a levé un grand nombre
de caries et de plans. 11 mourut à
Maéstricht, en 17^3. V. S. L.
MONTAUBAN (Jacques Pous-
set de ), avocat et écbevin à Paris ,
mort eu 1 680 , sut concilier son goût
pour les lettres avec les occupatious
du barreau. Il se lit une réputation
dans cette dernière carrière , et n'en
laissa aucune comme écrivain. C'était
un homme de plaisir, d'une société
agréable, lie avec Boileau , Chapelle
et Racine. Il n'avait pu consulter ce
dernier, lorsqu'il fit imprimer , en
l65 î , la collection de ses OEuvres
dramatiques, composée de Seleucus,
à'Indégonde , de Zéndbie , et du
Comte d'Hollande , tragédies , et des
comédies de Félicie et de Panurge.
Leur titre est tout ce qu'on en con-
naît aujourd'hui. Ses productions
oratoires , quoique défigurées par les
défauts de son siècle, eussent mieux
mérité que ses poésies, qu'il prit la
peine de les rassembler. Ga\
Pitaval a donné, dans sa compilai
lion. , plaidoyer de cet
avocat dans L'affaire du gueux de
Vernon , et de relui qu'il prononça
dans la cai
Gcran. Son style a du mouvement ,
de I1.
ÎS contemporains, consister
MON
455
l'éloquence dans une profusion d«
traits historiques, dans la symétrie
des antithèses, dans un travail d'es-
prit qui tend à la subtilité, dans
l'abus des figures et le ton outré de
la diction. Si, comme on l'assure,
il eut part à la conception des Plai-
deurs, on doit s'étonner qu'il n'ait
pas été corrigé par les plaisanteries
de Racine, qui se portait pour ven-
geur du bon goût. F — t.
MONTAUBAND, célèbre flibus-
tier , courut pendant plus de vingt
ans les cotes delà Nouvelle-Espagne,
de Carthagène , de la Floride , de
toute l'Amérique du nord jusqu'à
Terre-Neuve, des Canaries et du Cap-
Vert. 11 avait commencé à naviguer
à seize ans. En 1G91 , il fit une cam-
pagne mémorable sur la cote de Gui-
née, et prit le fort de Sierra-Leone,
qu'il détruisit de crainte que les An-
glais ne vinssent s'y établir, i
ans après , il convoya , jusqu'en
France, plusieurs prises qu'il avait
faites dans les mers d'Amérique , et
s'empara , sur sa route, de plusieurs,
vaisseaux de guerre. Les extrava-
gances que commettaient, à Bor-
deaux, les hommes de son équipage,
enivrés des richesses que la c<
leur avait procurées , le déterminè-
rent à quitter cette ville au mois do
janvier 1695. Il alla croise!- sur la
cote de Guinée, avec son vaisseau
qui portait 3 \ pièces de canon. Dans
le golfe de Guinée , il captura un
grand nombre de bâtiments hollan-
dais et anglais; il finit par aborder
un de ces derniers, qui venait de
se rendre, lorsque le feu qui prit à
.ses poudres, fit sauter les deUX \ais-
seaux. M ©ntauband, échappé mira-
culeusement a «ne mort ccrl
le retrouva an milieu de la m< :
touré des débi i
vaisseau. Il recueillit seize de stt
456 MON
nommes, tous fort maltraites comme
lui , les embarqua sur nue chaloupe ,
resta trois jours en mer sans vivres ,
et enfin attéril près du eap Corse,
sur un point inhabile de la cote.
Ce ne fut que deux jours après, qu'il
rencontra au cap Lopez des nègres
qu'il avait vus dans ses précédents
voyages , et qui eurent bien de la
peine à le reconnaître ; ii en fut de
même du fils de leur roi. Ce chef le
combla ensuite de bons traitements ,
le mena dans l'intérieur du pays, et
l'y retint jusqu'à l'arrivée d'un na-
vire portugais , sur lequel Montau-
band s'embarqua et gagna l'île San*
Thomé. Un navire anglais y ayant
pris terre, Montauband en profila
pour aller aux Antilles, et revint àBor-
deaux. Il mourut en 1700. On a de
lui : Relation du Voyage du sieur
de Montauband , capitaine des Fli-
bustiers ,en Guinée, en Vannée 1695,
avec une description du royaume du
Cap-de-Lopez , des mœurs . des cou-
tumes et de la religion du pays.
Cette relation se trouve à la suite de
la traduction de Las-Casas , impri-
mée à Amsterdam , en 1698, 1 vol.
in- 12. Elle offre plus de détails con
cernant les aventures de l'auteur,
que de renseignements géographi-
ques. E — s.
MONTAULT. V. Navailles.
MONTAUSIER (Charles de
Sainte-Maure , duc de) , pair de
France , né en 16 1 o , d'une très-an-
cienne famille deTouraine, annonça
de bonne heure ce qu'il devait être
un jour. Entré au service , en i63o, .
il se distingua en Italie, et surtout
à la défense de Casai: il passa ensuite
en Lorraine, et obtint, à l'âge de
vingt-huit ans, le grade de maréchal-
de-camp. Ayant été appelé, vers la
même époque, au gouvernement de
l'Alsace 7 province à moitié soumise,
MON
issait autant de conquérii
que d'administrer, il sut en assurer
provisoirement la possession à la
France. Il montra la plus grande va-
leur au siège deBrisac ( i636). Mon-
tausier resta attaché au maréchal de
Guébriant, jusqu'à la mort de ce gé-
néral, qui avait pour lui beaucoup
d'estime. Peu de temps après , il fut
fait prisonnier à la déroute de Dil-
lingen, paya, au bout de dix mois, sa
rançon et celle de plusieurs officiers
qui avaient été retenus avec lui, et
rentra en France. Ce fut alors qu'il
abjura le calvinisme, dans lequel il
avait cte élevé. Il épousa , presque
aussitôt après ( 164 5 ) , Julie d'An-
gennes de Rambouillet ( V. l'article
suivant ). Nommé lieutenant-géné-
ral , il retourna en Allemagne , où il
se signala de nouveau • et il ne tarda
pas à être chargé du gouvernement
de la Saintonge et de PAngoumois.
Lorque la guerre de la Fronde éclata,
il fut du petit nombre des seigneurs
qui demeurèrent fidèles au roi , et
il maintint dans l'obéissance les pro-
vinces qui lui avaient été confiées. Il
prit part avec ardeur à plusieurs
combats de cette guerre civile , dans
l'un desquels il reçut des blessures si
graves, qu'elles firent long - temps
craindre pour sa vie, et le forcèrent
de quitter le service militaire. Admis
parmi les chevaliers des ordres du
roi , en 1662, il fut investi , l'année
suivante, du commandement de la
Normandie, à la mort du duc de
Longueville. La peste s'étant décla-
rée dans ce pays. Montausier s'y ren-
dit aussitôt, malgré les vives instan-
ces de sa famille, en répondant aux
inquiétudes qu'on lui .témoignait ,
« qu'un gouverneur était tenu à ré~
» sidence ; mais qu'il y avait pour lui
» obligation absolue dans les 1110-
» ments àe calamité publique, «
MON
Louis XIV désira le voir, aussitôt
après son retour, pour lui témoigner
combien il était satisfait de sa con-
duite. Ce monarque l'envoya , en
i(364, au-devaut du légat du pape,
qui avait mission de reparer l'injure
faite à L'ambassadeur de France à
Rome ( y. Créqui ). Montausier,
déjà récompensé personnellement
par le succès de sa négociation, le
fut plus particulièrement au mois
d'août i6(54, par le titre de duc et
pair , que lui donna le roi. Un fils
était né à Louis XIV, en 1 66 1 . Quand
il fut arrivé à l'âge de sortir des mains
des femmes, son auguste père recon-
nut dans Montausier toutes les qua-
lités nécessaires pour bien diriger
l'éducation de l'héritier de la cou-
ronne, et le nomma, en 1668, gou-
verneur du Dauphin. La première
enfance de ce prince avait élé confiée
aux soins de la duchesse de Mon-
" tausier. Celui qui était l'objet d'un
choix universellement approuvé ,
s'était fait, dès sa jeunesse, des
principes dont il ne s'écarta jamais.
Placé sur le théâtre brillant et péril-
leux de la cour, il prit avec lui-nie-
me , et remplit jusqu'au dernier
moment , l'engagement d'y dire tou-
jours la vérité. Mais , par celte re-
doutable franchise, il ne pouvait
manquer de s'attirer beaucoup d'en-
nemis. Ou alla jusqu'à lui deman-
der de quel droit il s'érigeait en cen-
seur du prince, et de ceux qui l'en-
touraient de plus près. Il répondit :
a Mes pères ont toujours été fidèles
» serviteurs des rois , leurs maîtres ,
« et jamais leurs flatteurs. Cette h on-
» néte liberté dont je fais profession,
» est un droit acquis, une possession
» de ma famille: el 1 1 veillées! ve-
v nue à moi <! iils connue:
» une portion de mon hélit
Louis XIV; Il ii jour qu'il
MON 457
venait d'abandonner à la justice un
assassin, auquel il avait fait grâce
après son premier crime, et qui avait
tué vingt hommes : « Sire, répondit
» Montausier, il n'en a tué qu'un ; et
» votre Majesté en a tué dix-neuf. »
Le roi ne fut point blessé de cette
réponse -y et elle ne changea nulle-
ment ses dispositions pour un per-
sonnage dont il ne reçut jamais des
éloges avec indifférence. Quelquefois
Montausier osait résister aux vo-
lontés du monarque : celui-ci, dans
une circonstance où la franchise du
gouverneur de son fds avait été des
plus hardies , s'exprima , vis-à-vis
de lui, en ces termes : « Je trouve
«très -bon ce que vous me dites;
» car je sais quel cœur vous ave/.
» pour moi. » Mme. de Sévigné ,
qui rapporte ces mots , s'explique
ainsi sur Montausier, dans une let-
tre du 5 août 1677 : (l Vous savez
» à quel point il me paraît orné
» de toutes sortes de vertus.... C'est
» une sincérité et une honnêteté de
» l'ancienne chevalerie. » On lui re-
connaissait si généralement ce ca-
ractère, que le peuple, en voyant
passer la cour, demandait souvent:
« Où est cet homme vertueux qui,
« dit toujours la vérité (1)? » Mon-
tausier justifia pleinement la con-
fiance du roi par les soins de toute
espèce qu'il donna au Dauphin. En
même temps qu'il cultivait le germe
des bonnes qualités à peine déve-
loppe'dans son élève, il éloignait de
lui tout ce qui pouvait le corrompre,
en flattant ses passions, et il ne met
tait sous ses yeux que des exemples
de Vertu. Riche lui-même de
naissances étendues , il rassembla
près de Monseigneur tout ce que la
fx)Mnnt«-l<l«iéu«dit:« I
M Ut tel tVÀ» Jt 1«U1 : -
|>UiJj»«JjUï»; et
458 MON
Fiance comptait de plus illustre dans
les sciences et clans les lettres. A
peine devenu gouverneur, il avait
présenté à la nomination de Louis
XIV, Bossucl pour précepteur, et
Iluel pour sous-précepteur. Il s'en-
tendit avec deux collaborateurs si
clignes de lui , pour faire exécuter à
l'usage du dauphin ces belles éditions
des auteurs classiques accompagnées
de commentaires et de notes , qui
sont connues sous le nom d'éditions
ad usum Delpliijii ( V. Ht;i:t , XXI,
i 7 ). Si ia nature ne permit pas qu'en
sortant des mains d'un tel institu-
teur , le fils de Louis XIV fût un
grand prince , Montausier en fit au
moins un prince bon , juste et hu-
main. Le grand- dauphin montrait
dans son enfance un esprit {•
susceptible , et s'emportait facile-
ment s'il se croyait oiFensé. S'ima-
gihant avoir été frappe par son gou-
verneur, dans une discussion assez
vive qu'ils avaient eue ensemble , il
demanda ses pistolets avec une ex-
trême vivacité : « Apportez -les à
» Monseigneur » , répondit froide-
ment Montausier; et les remettant
lui-même avec calme à son élève , il
lui dit : « Voyez ce que vous en vou-
» lez faire. » A ces mots le dauphin
est prêt à se jeter aux genoux de
son digne Mentor, dans les bras du-
quel il expie cet instant d'oubli. Un
jour le prince, en tirant .;u blanc,
.s'était beaucoup écarté du but : un
jeune seigneur , compagnon de ses
exercices, et qu'on savait être fort
adroit , tira ensuite , mais encore
plus loin que lui : « Ah I petit cor-
» rompu , s'écria Montausier , il
» faudrait vous étrangler. » S'c'tan.t
aperçu quelquefois que son élève li-
avec trop de plaisir les épîtres
dédicatoires qui lui étaient adre:
il saisit une occasion de le dé{j
MON
de ces fades adulations, en lu i pou-
vant qu'on louait en lui précisément
les qualités qu'il n'avait pas. Dans
les promenades qu'ils faisaient en-
semble, ils étaient arrivés à la porte
d'une chaumière; le sage gouver-
neur du dauphin lui dit : « Sous ce
» chaume , dans cette misérable re-
» traite, logent le père , la mère et i
» les enfants , qui travaillent tout le
» long du jour, pour payer l'or dont
» vos palais sont ornés ■ et qui sv>i~
» portent la faim pour subvenir aux
» frais.de votre table somptueuse.» Il
crut devoir cesser ses fonctions de
gouverneur, en i68o,au moment
du mariage du fils de Louis-le-Grand •
mais le roi voulut qu'il conservât au-
près de Monseigneur la même auto-
rité, avec le litre de premier gentil-
homme de la chambre de ce prince.
Montausier , aspirant à ne plus vivre
que pour lui-même, ne parut à la
cour que lorsqu'il jugea pouvoir èire
utile à son élève par ses conseils.
Il obtint, en i68'2, la permission
de se retirer tout - à - fait, et dit au
dauphin : « Monseigneur, si vous
» êtes honnête homme, vous m'ai-
» nierez; si vous ne Fêtes pas, vous
» me ha'irez , et je m'en consolerai. »
En iG88, il lui écrivit: « Je ne vous
» fais point de compliments sur la
» prise de Philisbourg ; vous aviez
•» une bonne armée, des bombes, du
» canon et Yauban. Je ne vous en
v fais point aussi sur ce que vous
» êtes brave : c'est une vertu hérédi-
» taire dans votre maison ; mais je
» me réjouis avec vous de ce que
» vous êtes bon , libéral , faisant va-
» loir les services de ceux qui fout
» bien : c'est sur quoi je vous fais
» mon compliment. » Le duc de
Montausier termina, le 17 mai 1690,
à l'âge de quatre-vingts ans, une car-
rière illustrée par des vertus çnien'ol s •
MON
çurcit jamais aucune faiblesse. Mas-
sillon , dans l'oraison funèbre
Dauphin, a dit du gouverneur de ce
prince: «Homme d'une vertu haute
» et austère , d'une probile au-dessus
» de nos mœurs, d'une vérité à l'é-
» preuve de la cour; philosophe sans
» ostentation, chrétien sans faibies-
» se, courtisan sans passion ; l'arbi-
v tre du bon goût et de la rigidité
. » des bienséances, l'ennemi du taux,
» l'ami et le protecteur du mérite ,
v le zélateur de la gloire de la nation,
•» le censeur de la licence publique ;
» enfin, un de ces hommes qui sem-
» blent être comme les restes des an-
» ciennes mœurs, et qui seuls ne sont
» pas de notre siècle. » La réputation
si bien m e'ritëe de Monta usie r ne l'em-
pêcha pas d'avoir des détracteurs.
Lorsque de sérieuses réflexions le
déterminèrent à entrer dans le sein
de l'Église catholique, on lui lit l'in-
jure de soupçonner que des vues am-
ut influé sur sa
on. On lui a reproché, avec
de fondement, d'avoir manqué
le but de l'éducation du Dauphin,
en employant dans l'exercice de ses
fonctions une excessive sévérité; elle
rebutait le prince, dont le caractère
timide et l'esprit paresseux deman-
ut de la douceur et des mi
ments. Quand le chef- d
JMisantrope fut représenté sur la
• française, on crut blesser Mon-
i d lui faisant entend]
l'auteur comique avait eu l'intention
lie le peindre dans le personnage
<l\ Ha. sic. Il alla voir la pièce; et
l'on assure qu'il dit: « Je n'ai garde
» de me plaindre; L'originl
» bon , puisque la copie est si belle;
» je souhaiterais en \<
» blcr au Misantro]
fontausier
/tmait pas non plus la
MON
quoiqu'il se fût lui-même , étant fort
jeune , essayé dans ce genre, et , qui
une manière vive et âoxej
s'il faut en croire Ménage. Il s'(
surtout prononcé contre la satire in-
i avait-il pris en aversion
. . qui attaquait sou-
vent des hommes auxquels il devait
des égards; et la disposition où était
Monlausier , de juger le satirique
sans- la moindre indulgence, allait
quelquefois jusqu'à une sorte de dé-
chaînement. Comme il avait beau<-
coup d'estime pour Chapelain , mau-
vais poète à la vérité , mais homme
de goût, éclairé, et recommandable
sous plusieurs rapports , il savait
mauvais gré à l'auteur de X Art pt r-
tique d'avoir couvert de ridicule cet
écrivain , ainsi que Cottin, dont lui ,
Monlausier, déclarait p: frliqui .
être l'ami particulier. Boi'.eau entre-
prit de le ramener sur son compte.
On prétend que deux vers de son
épître à Racine , contribuèrent à pro -
duire l'effet désiré :
« El plut au ciel encor . • otir eouromii rl'ov
» Que Moutausier voulût lui donner sou soti
L'homme de cour commença dès-
lors à s'adoucir en faveur du poète,
qu'il aborda quelque temps apri
l< rie de \ ersaiiie.^. Celui-ci ve-
nait de perdre son frère, don;
tausier | ;;!. i: comme d'un ho
ryait aimébeaucoup : « Je
ait Despréaux, a aue
» faisait grand amitié dont
» vous l'ave/, honoré; mais il en fai-
» sait encore plus de votre vertu, et
» il m'a dil s fois qu'il était
» très-fâché que j£ n'eusse pas pour
» ami le plus honnête homme de la
» cour. » Ce fui-la le moment de la
sier <
pu refuser au caractère de B i
46o MON
en une amitié qui dura autant que sa
vie. On connaît de ce vertueux per-
sonnage deux Mémoires. Dans le
pretnier , il trace au Dauphin un
plan de vie, et lé termine par des
maximes courtes et simples , sur Ja
condition et les devoirs d'un roi.
C'est une espèce de cours abrège de
morale et de politique , dont il ne
nous reste que des fragments. Le se-
cond Mémoire fut présente' à Louis
XIV, dans une circonstance où des
plaintes lui avaient été portées par
toute la cour et par la reine elle-
même , dont on avait alarme la ten-
dresse maternelle, sur Ja sévérité de
Montausier et sur le travail excessif
dont Télèvc de celui-ci était , disait-
on, accablé. On avait présenté son
plan comme plus propre à faire un
.savant qu'à former un roi. Il justifia
sa conduite comme gouverneur , en
exposant avec les plus grands détails
ses principes et les directions qu'il
avait constamment suivies dans cette
importante éducation. Le monarque
reçut favorablement le mémoire , et
commanda le silence en prenant la
défense de celui qu'on accusait. Qua-
tre enfants naquirent de l'union du
duc et de la duchesse de Montausier.
Leur fille seule vécut , et devint du-
chesse de Crussol-d'Uzès. Fléchier ,
éveque de Nîmes , et ami des deux'
époux , qui avait prononcé , en
1071 , l'oraison funèbre de la du-
chesse de Montausier , fit encore celle
du duc , le 1 1 août 1690 . aux car-
mélites de la rue Saint-Jacques , à
Paris. Ce genre de discours est trop
souvent le panégyrique outré d'un
personnage mort récemment j mais
î'oraison funèbre dont il s'agit a cela
de remarquable , suivant le jugement
de Laharpe , « qu'elle paraît exempte
v de toute exagération , et que tout
» ce que dit le panégyriste est con-
MON
» firme par les traditions qui nous
» restent , et conforme à l'opinion
» générale Il semble que l'oru-
» leur ait emprunté quelque chose du
» caractère de Montausier. » C'est
dans l'exorde, qu'on trouve la belle
prosopopée si souvent imitée depuis
Fléchier : « Oserais-je , dans ce dis-
» cours où la franchise et la candeur
» sont le sujet de nos éloges, em-
» ployer la fiction et le mensonge ?
» Ce tombeau s'ouvrirait ; ces osse-
» ments se rejoindraient, et se ra-
» mineraient pour me dire : Pour-
» quoi viens-tu mentir pour moi ,
» qui ne mentis jamais pour per-
» sonne ? » 11 y eut encore d'autres
oraisons funèbres de Montausier ,
composées par l'abbé Anselme , le
jacobin Courand , l'abbé du Jarry ,
et un Eloge en latin par Pierre Da-
net. Sa Fie a été écrite par Nicolas
Petit , jésuite ( Paris , 1729 , deux
petits volumes in-12), d'après les
mémoires que la duchesse d'Uzès lui
avait fournis. On n'y trouve que d
louanges ; c'est une réfutation in<
recte de tout ce que la malignit
avait fait débiter contre le veriuei
instituteur du grand-dauphin. Pu<
de Saint-Pierre a aussi donné Y Hit
toire du duc de Montausier. ( Ge-
nève et Paris , 1784, in - 4°- ) En
1 78 1 , l'académie française couronna
un éloge de ce personnage , fait par
M. Garât, qui avait eu pour concur-
rent M. Lacretelle aîné. L — P — e.
MONTAUSIER ( Julie- Lucine
(i) d'Angennes de Rambouillet ,
duchesse de ), femme du précédent,
naquit, en 1607, du marquis de Ram-
bouillet et de Catherine de Vivonne.
(i) Une tradition donne ce nom de Lucine à
saiule de la maison Savelli , à laquelle apparten
l'aieutc- de la duchesse de Montausier. On l'ajouta
toujours aux mius querecevaieut.au baptême les EU
issues de telle ai.cicnue famille de Rome
MON
Parla mort de ses deux frères, et
le parti que prirent ses trois sœurs
d'embrasser la profession religieuse,
elle se trouva unique héritière des
maisons d'Antennes et de Vivoune.
MIltJ. de Rambouillet joignait à la
beauté la plus régulière les dons de
l'esprit et les qualités du cœur. La
maison de sa mère était devenue le
rendez -vous ordinaire de la plus
brillante compagnie de la cour et
de la ville : on y voyait réunis, le
prince de Coudé , les cardinaux de
Richelieu, de la Valette; et, à côté
des ministres , des généraux et des
magistrats les plus célèbres , se mon-
trait tout ce qu'il y avait alors d'hom-
mes en réputation d'esprit et de sa-
voir. Elle forma de bonne heure son
goût dans leurs entretiens ; et « ce
» fut là , comme dit Réchier, que,
» tout enfant qu'elle était, Yincompa-
» rable Arténice (i) se fit admirer
» de ceux qui étaient eux-mêmes
» l'ornement et l'admiration de leur
» siècle. » Cependant le nom seul
de l'hôtel de Rambouillet rappelle
moins les succès des véritables ta-
lents de cette époque, que ceux d'une
fausse délicatesse, et les vaines pré-
tentions , dont heureusement Boi-
leau et Molière firent bientôt jus-
tice. Quand le vidame du Mans, le
cadet des frères de Mmc. de Mon-
tausier , fut frappe de la peste qui
avait pénétré jusque dans la capitale
i63l), et même jusqu'au Louvre,
elle s'enferma dans la chambre où
il était malade. Là , pendant les
neuf jours qu'il vécut encore, elle
lui prodigua constamment tous ses
soins. Le désir de connaître une
personne si accomplie excita le mar-
quis de Salles, qui ne fut que plus
• tues de
1 'bétel <!<-■ lUuiLuuillet.
MON 4^1
vtard duc de Montausier, à se faire
nter chez la mère de Mllc. de
Rambouillet : il soliieiîa la main de
celle-ci , mais ne l'obtint que douze
ans après, en juillet 1G4 >. Lorsque
la grossesse de la reine, Marie-Thé-
rèse d'Autriche, combla les vœux de
LouisXIV,en même temps que ceux
de tout son peuple , Mm0. de Mon-
tausier fut choisie par le monarque
pour être gouvernante des enfants
de France. Elle entra en fonctions
le Ier. novembre 1GG1. Ce ne fut
pas sans peine qu'elle accepta la
charge de dame - d'honneur de la
reine, dont la duchesse de Navailles
avait été obligée, par des intrigues
de cour , de se démettre. M,ue. de
Montausier, ne pouvant remplir tous
les devoirs que lui imposaient ers
deux places, quitta celle de gouver-
nante du Dauphin, en 1GG.4, et pn-
féra le service qui l'attachait a la
douce et pieuse Marie-Thérèse. Ché-
rie de cette princesse, constamment
honorée du roi, et respectée de toute
la cour, elle se vit forcée, par sa
sauté, delà quitter, vers 1669. Elle
mourut le i5 no vendue 1G71. Plu-
sieurs années avant son mariage, les
beaux-esprits du temps avaient tra-
vaillé de concert avec le peintre
Robert a une offrande poétique , exé-
ponr elle , et qui portait le titre
de Guirlande de Julie ( V. Jaruy,
. j 1 >. ). Montausier en fil liom-
1 M11 ". de Rambouillet : tout le
monde admira cette galanterie , et
l'on ne parla que de cette Guirlande*
Néanmoins les peintures étaient mé-
diocres, et les vers encore d
On n'a retenu avec plaisir que
I qui avaient été écrits au I
la violette par Desmarets de Saint-
Sorlin, La duel
garda précieus mort
cegaged'amou. ut lui-
même auteur de seize des madrigaux
qui forment la collection, cl ce ne
sont pas les meilleurs. Quand Julie
mourut, en 1 67 i , sa Guirlande resta
entre les mains du duc de Montau-
sier* et il aimait à montrer à
amis le monument littéraire qu'il
avait élevé, avant son mariage , ta
celle qu'il venait de perdre. Elle
passa après lui à la duchesse de
Crussol-d'Czès , et ensuite aux hé-
ritiers de cette dame. À la vente de
la bibliothèque la Vallicre, elle fut
portée en Angleterre, d'où la fille du
duc de la Vallière l'a fait reve-
nir (1), et sa famille la possède
encore. Une copie de ce précieux
manuscrit, imprimée par Didot
jeune, en 1784, in-8°. , pap. vél. 1
(tirée non à 90, mais au moins à
25o exemplaires ), a été réimprimée
en 1818, avec figures coloriées, 1
vol. in- 18. I P— e.
MOJNTAZET (-Antoine Malvin
de ) , archevêque de Lyon, était né
au diocèse d'Agen, en 17 12. S' étant
destiné à l'état ecclésiastique, il sui-
vit, à Paris , le cours ordinaire des
études , et s'attacha à M. de Fitz-
James , évêque de Soissons , et pre-
mier aumônier du roi , qui le fit cha-
noine et grand-vicaire , et lui pro-
cura une place d'aumônier de quar-
tier dans la chapelle royale. Ce der-
nier titre conduisait presque toujours
à l'épiscopat. M. de Montazet fut
nommé à l'éveché d' Autun , en 17 \S.
Il parut avec honneur dans plusieurs
assemblées du clergé : ce fut lui qui
prononça le discours d'ouverture à
celle de 1750 ; et il s'y éleva contre
l'incrédulité naissante, dont il signala
(l) C'est ]>;ir prrenr que dnns l'article JARRY , on
a porté le prix d'adjudication ;i l^5o-x liv., au lieu
. liv. ; ii aurait fallu y mentionner nue ?>°.
1 ■ par Jarry , in-',0 , ijui a ^ussé duus
la maison Didot.
LOT
les causes. Dans cette même assem-
blée, et dans celle de 1705, il se
réunit à ses collègues, et réclama
soit pour les immunités du clei
soit contre les entreprises du parle-
ment. C'était le temps de la pins
grande chaleur des contestations en-
tre les évêques et la magistrature; et
la cour, faible et incertaine dans sa
marche, favorisait tour-à-tour l'un
et l'autre parti. Une dispute pour
l'élection d'une supérieure dans un
couvent de religieuses établi à Paris
rue Mouffetard, était devenue une
affaire d'état. L'archevêque de Paris ,
M. de Beaumont , s'opposait à l'élec-
tion ; le parlement la protégeait : la
cour agit dans le même sens, et vou-
ut obliger l'archevêque à revenir sur
ses démarches. Le cardinal de Ten-
cin, archevêque de Lyon, étant mort
sur ces entrefaites ( 2 mars 1 768 ) ,
M. de Montazet fut nommé à sa place:
on prétendit que ce fut à conditioi
qu'il casserait, comme primat, Foi
donnance de l'archevêque de Paris
ce qu'il fit , en effet , le 8 avril , avant
même d'avoir reçu ses bulles poui
Lyon 7 et en se prévalant de la qua-
lité d'administrateur du siège de
Lyon , pendant la vacance, titre
que prenaient les évêques d'Autun.
Cette démarche de M. de Montazet
parut aussi précipitée que peu con-
forme aux égards qu'il devait à un
collègue , son ancien dans l'épisco-
pat, et qui était alors dans la dis-
grâce : elle fut blâmée surtout dans
le clergé ; et les assemblées des pro-
vinces ne réclamèrent pas moins for-
tement que M. de Beaumont. Mais
la cour empêcha qu'on ne donnât
suite à ces plaintes. L'archevêque de
Lyon se trouva ainsi engagé dans
une route nouvelle : appuyé par ta
parlement , applaudi par un parti
d'opposition7 il suivit la même ligue
IffOBT
«me M. de Fitz-Jaraes et une très-peti-
te minorité d'évêques, reconnaissant
l'autorité des constitutions reçues
dans l'Église , et soutenant cepen-
dant ceux qui les combattaient. Il
était fort lie avec l'abbé Mey, et il
s'entoura , dans sou diocèse, de théo-
logiens de cette école- c'étaient eux.
qui avaient sa confiance, et qui l'ai-
daient dans la composition de ses ou-
vrages. Il forma deux nouveaux sémi-
naires, l'un dans la maison des Pères
de l'Oratoire , auxquels il avait déjà
fait donner le collège de la ville ; l'au-
tre dans celle des prêtres de la con-
grégation de Saint-J oseph : et il exigea
que les élèves qui auraient étudié à
Saint-Sulpice , allassent passer quel- ■
que temps dans H' une de ces maisons,
avant de prendre les ordres. Il eut
de longs démêlés avec son chapitre
pour des usages et des privilèges
qu'il parvint à faire abolir. Il sup-
prima la signature du formulaire,
changea tous les livres liturgiques
du diocèse , et se mit en opposition
avec la majorité de son clergé. La
fin de son épiscopat fut troublée par
les excès de quelques fanatiques à
Lyon et à Fareins. Ces scènes et des
chagrins domestiques attristèrent ses
derniers jours • il mourut à Lyon le
3 mai 1788. Ce prélat avait été
reçu à l'académie française, eu 1 757$
et il y fut remplacé par le chevalier
de Bouillers. Il possédai!
deMonslierenArgonne, et de Saint-
Victor de Paris. 11 avait des qualités
estimables et un caractère généreux :
homme d'esprit et de talent, il écri-
vait a tice et facilité ; mais
il est diffi »ner bi in «
ment la part qui lui revient dans les
ouvrages pubh ion nom , et
dont nous alloi princi-
paux : I. Letii
de Lyon ? prime',
mon 463
M. l 'archevêque de Paris , Lyon ,
1760, in-4°. ; elle roulait sur l'af-
faire des religieuses dont nous avons
parlé. L'abbé Mey en avait fourni
les matériaux ; on assure que la
rédaction est de l'archevêque lui-
même. II. Lettre pastorale , du 3<j
juin 1763 ,in-4°. , relativement à ses
différends avec les oiticiers de la ville
de Lyon , sur le choix des maîtres
qui devaient remplacer les Jésuites.
III. Mandement et Instruction pas*
torale contre V Histoire du peuple
de Dieu , de Berruycr , t 762 , in- 1 1.
IV. Mandement et Instruction pas-
torale pour la défense de son caté-
chisme, 1772 , in-4°. et in-12 ; cet
écrit, dont l'appelant Gourlin avait
fourni les matériaux , était une ré-
ponse à une Critique en forme de
dialogue , que l'on attribue à un an-
cien jésuite nommé Arnaud. V. Ins-
truction pastorale sur les sources
de l'incrédulité , et les fondements
de la Religion, 177^, in-4°.; le
fonds en était du père Lambert. Nous
ne eiterons point des mandements ,
soit pour des jubilés , soit pour le ca-
rême , ni des rapports faits aux
assemblées du clergé de 1755 et de
1772. Le catéchisme, le bréviaire
et le rituel que M. de Montazet pu-
blia , ne sont pas proprement son ou-
vrage; il les lit rédiger, et y mit seu-
lement le sceau de son autorité. Il en
est de même de la philosophie et de
la théologie , dites de Lyon; celle-ci
est du P. Joseph Valla,dc l'Ora-
toire , que l'archevêque avait chargé
• travail. Les Institutions tke'o-
logiques parurent en latin, Lyon,
, G vol. in-12 ; elles ne :
point encore adoptées alors pour
renseignement. On • \s pro-
fesseurs â présenter leurs rem 11
mais on n'eut point celles
qui étaient les plus essentielh
4<H MON
le livre fut définitivement publie, en
1784 , et prescrit dans les écoles du
dioeèse. On y évite de s'expliquer
sur des questions importantes, l'ar-
chevêque ayant recommandé au P.
Valla de ne point laisser paraître
ses opinions sur les dernières contes-
tations de l'Église. La théologie nou-
velle fut attaquée dans des Observa-
tions de l'abbé Pey, et dans deux
Lettres du même, 1786 et 1787,
in-12; ainsi que par Feller, dans son
journal, et dans des Lettre* du curé
de Saint-Jacques de Lyon au curé
de Saint- Jean de Saijit- Orner : d'un
autre coté , Valla publia une Dé-
fense de la théologie de Lyon , 1 7 88,
in-12. P — T.
MONTBARREY ( Alexandre-
Marie - Léonor de Saint - Mau-
rice , prince de ) , ministre de la
guerre sous Louis XVI , était ne' à
Besançon, le 20 avril l'jS'i, d'une
famille illustre par son ancienneté et
par les hommes distingués qu'elle a
produits {F. Saint-Maurice ). Son
père était lieutenant-général des ar-
mées du roi ; sa mère , petite-fille du
maréchal du Bourg, mourut en cou-
ches , du poison que lui avait donné
sa garde , pressée de s'approprier sa
dépouille, qui lui était dévolue par
mi usage que ce crime fit abolir.Mont-
barrey , destiné par sa naissance au
métier des armes , obtint, à l'âge de
douze ans, une compagnie dans ie ré-
giment de Lorraine, et fit, avec ce
corps , plusieurs campagnes en Alle-
magne : dans celle de 1747? il fut
blessé devant Fribourg ; et une se-
conde fois , à la bataille de Laufeld.
.11 reçut, en 1749? le brevet de co-
lonel; mais cène fut qu'en 1758,
qu'il commanda le régiment de la
Couronne. 11 se signala , la même an-
née, au combat de Crevelt, où une
nouvelle blessure vint l'atteindre. Sa
MON
belle conduite lui mérita le grade de
brigadier. Il fit des prodiges de va-
leur à la bataille de Lutzelbeig , où
les Hessois et les Hanovriens furent
défaits par le prince de Soubise. Il
ne se montra pas avec moins d'avan-
tage à celle de Gorback : en 1 762 , il
enleva au prince de Brunswick, six
pièces d'artillerie, dont le roi lui fit
présent, et qui ont décoré l'avenue
de son château de Rufïéy, jusqu'à
l'époque de la révolmion qu'elles fu-
rent amenées à l'arsenal de Besan-
çon. La paix de 1763 lui ayant
permis de venir à Paris , où sa répu-
tation de bravoure l'avait précédé,
il fut accueilli à la cour de la ma-
nière la plus honorable.il fut appelé'
à la place de capitaine des Cent-Suis-
ses , lorsque l'on composa la maison
de Monsieur , aujourd'hui Louis
XVIII. On fut étonné qu'un homme
qui avait passé sa vie dans les camps,
parlât avec facilité sur des matières
qu'il devait n'avoir eu qu'à peine le
loisir d'étudier. Des mémoires , qu'il
rédigea quelque temps après sur dif-
férentes parties de l'état militaire,
fixèrent plus particulièrement sur lui
l'attention du conseil de la guerre ,
où il fut admis , en 1776 : au bout
de quelques mois , il fut nommé ad-
joint du ministre Saint-Germain ,
son compatriote, dont les projets de
réforme et les innovations dans la
discipline avaient excité beaucoup
de mécontentement. Il lui succéda
dans le département de la guerre , le
27 septembre 1777, et se contenta
de modifier les mesures , sans aban-
donner tout - à - fait le système de
son prédécesseur ( V. Saint - Ger-
main). Il avait des formes agréables,
écoutait tout le monde avec l'appa-
rence de l'intérêt, promettait facile-
ment, et même peut-être plus qu'il
ne pouvait tenir. Les espérances
MON
trompées amenèrent de l'humeur et
des plaintes. La lenteur qu'il met-
tait dans ses opérations, fut jugée
peu propre à calmer les débats sur
la discipline; sa prudence passa pour
de l'irrésolution , et sa douceur pour
de la faiblesse. Enfin l'on prétendit
trouver son administration en dé-
faut pendant la guerre d'Amérique.
Contrarié dans toutes ses vues
par Ncckcr, entre autres , il remit le
portefeuille au ma repus de Se'gur, à
la fin de décembre 1780. Pendant
son exercice, il avait été comblé dvs
faveurs de Louis Ml; et en quit-
tant le ministère, il resta attache au
monarque, dont il avait su apprécier
le noble caractère et les excellentes
intentions. Il habitait, à Paris, l'hô-
tel de l'Arsenal , lors de l'insurrec-
tion du 14 juillet 1789. Sur un faux
avis , que le peuple , maître de la
Bastille , avait le projet de mettre le
feu aux poudres ^pii se trouvaient
dans cette forteresse, il sortit de
chez lui, à pied, avec sa femme
Mail ly de Nesle), pour chercher
un asile dans un autre quartier de
Paris ; mais arrivé sur le quai Saint-
Paul, il fut arrêté par des insurgés
qui, le prenant pour le gouverneur
iîastille, le conduisirent à la
place de Grève. 11 y aurait été égorgé
sans le courage de M. de La Salle ,
commandant de la garde nationale,
qui l'arracha des mains îles furieux ,
i'li 1 dans un réduit de ('hôtel-
llle, d'où il ne sortit qu'au mi-
• la nuit. Quelques jours a]
incbe-Comté , où ses
rvices l'a -
ir de toutes les clas-
défen-
seurs dans les habitants de tous les
village ne fut qu'avec
: lit le parti
d'abandonner !
w
MON 465
mais la marche des événements l'o-
bligea enfin à se réfugier a Besançon.
ïl ne s'elo gna de cette ville qu'au
mois de juin 1791 , pour ail
Suisse; et après avoir erré dan
férentes communes, il s'établil
sa famille à Constance, où il mou-
rut, le 5 mai 1796. M. de IVÏonibat-
rey joignait à une mémoire prodi-
gieuse, des connaissances dans
que tous les genres; il avait le travail
extrêmement facile, et, comme Ga-
lonné, il savait allier aux affaires le
goût des plaisirs. 11 avait rédigé des
Mémoires de sa vie ; et l'on doit re-
gretter que cet ouvrage, qu'il avait lu
à plusieurs de ses amis , ne se soit
pas retrouvé dans ses papiers. — Le
prince de S AirfT- Maurice, soi
(1), colonel du régiment de Mon-
sieur, fut du nombre des gentils-
hommes francs comtois qui se pro-
noncèrent, en 1 788, aux états de la
province , pour la suppression des
privilèges de la noblesse. Forcé,
quelque temps après, par les événe-
ments, de chercher un asile dans les
pays étrangers , il se rendit à Co-
blentz, pour y offrir ses services aux
princes français. Le mauvais accueil
qu'il reçut de quelques-uns de ses
compagnons d'infortune, le détermi-
na de rentrer en France, au risque
de tous les dangers qui devaient l'y
environner. 11 habitait Paris, où il
avait l'espoir de rester ignoré; mais
toutes les précautions qu'il avait pri-
ses ne purent le garantir. Yrrètc, en
179 i . connue complice d'une cons-
piration contre Roberspierre , il fut
le jeune de
Sartine, et toute la famille Sainte-*
Ainariiite. Si veuve, qui avait eié
enfei me'e avec lui, a épousé M. le
prince Louis de la Trcmoille. V
(ille do prince <le Moutbtrrey #pou*a l<
piii)C« de .'« ..»;«.
466 MON
MONTBARS , surnommé l'exter-
minateur, à cause de l'acharnement
equel il combattait les Espa-
gnols, fut un des plus fameux chefs
de flibustiers. Il était ne en Lan-
guedoc, d'une bonne famille. Le ha-
sard ayant mis entre ses" mains ,
dès sa plus tendre jeunesse , les re-
lations des cruautés exercées par les
Espagnols contre les habitants du
Nouveau-Monde , il en conçut , con-
tre les premiers , une haine si impla-
cable , qu'elle paraissait quelquefois
dégénérer en véritable fureur. Un
jour, au collège, jouant dans une
pièce de théâtre le rôle d'un Fran-
çais , il s'enflamma tellement contre
un de ses camarades qui représentait
un Espagnol , que , si on ne les eût
séparés , il l'eût infailliblement tué.
Dès que la guerre fut déclarée , en
1667 , il quitta la maison paternelle ,
et alla rejoindre , au Havre, un de ses
oncles, qui commandait un vaisseau
du roi. Arrivé il ans les mers des
Antilles , il se signala par des faits-
d'armes extraordinaires. La mort de
son oncle, dont le bâtiment fut en-
glouti en même temps que deux vais-
seaux ennemis qu'il combattait, lui
rendit plus que jamais les Espagnols
odieux. 11 alla les chercher sur les
cotes de Honduras et ailleurs , et en
fit un carnage adieux. 11 les combat-
tait tantôt sur terre , à la tête des
boucaniers, tantôt sur mer, comme
chef de flibustiers ; « mais , ajoute
Charlevoix , on lui rend celte jus-
tice, qu'il n'a jamais tué un homme
désarmé , et on ne lui a point re-
proché , que je sache , ces brigan-
dages ni ces dissolutions qui ont
rendu un si grand nombre d'aven-
turiers abominables devant Dieu et
devant les hommes. » Oexmelin ,
historien des Flibustiers , dépeint
Montbars comme un homme vif ,
MON
alerte et plein de feu. Il avait la taille
haute , droite et ferme > l'air grand,
noble et martial , le teint basané ,
les sourcils noirs , épais , et se joi-
gnant. Aussi disait-on que, dans le
combat, il commençait à vaincre
par la terreur de ses regards , et
qu'il achevait par la force de son
bras. Montbars est le héros d'un
mélodrame joué sur un des petits
théâtres de Paris, et d'un roman de
M. Picquenard. E — s.
MONTBEILLARD ( Philibert
GuEISEAU DE ). V. GUENEAU.
MONTBÉLIARD (Léopold-
Eberhard , prince de ), né en 1670,
étonna l'Europe des scandales mul-
tipliés de sa vie privée. La princi-
pauté de Montbéliard, possédée de
puis le commencement du xve. siècle
par la maison de Wurtemberg, était/
par sa situation , continuellement
compromise dans les guerres entre
la France et l'Allemagne. George,
père de Léopold-Eberhard, s'écarlant
de l'exemple de son prédécesseur,
se déclara contre la première de ces
puissances , et, victime de sa fausse
politique, fut dépouillé de ses états
par Louis XIV, qui le contraignit à
chercher un asile en Silésie. Il y em-
mena son fils; et celui-ci eut à peine
atteint sa onzième année, qu'il lui
enjoignit de retourner à Montbéliard.
Léopold-Eberhard, en traversant le
duché de Wurtemberg, fut arrêté à
Stuttgard par le prince régent de
Wurtemberg, son parent, et ne dut
sa liberté qu'à trois sommations suc-
cessives de l'empereur, dont la der-
nière devait être suivie, en cas de
désobéissance, de la mise de l'oppo-
sant au ban de l'empire. Léopold-
Eberhard prouva sa reconnaissance
à son libérateur, en prenant du ser-
vice dans ses armées. Il fit plusieurs
campagnes en Hongrie, et comman-
MON
dait la place do Tokay, lorsque les
Turcs eu entreprirent le blocus. La
bravoure du jeune oliieier les força
de repasser la Save, et les cl
de toute la contrée. Le'opold - Eber-
hard ne soutint pas ce brillant coup-
d'essai: il s'oublia dans les bras des
femmes ; et quoiqu'il fût un des plus
beaux hommes de son siècle . il
descendit souvent à des moyens hon-
teux pour réussir dans ses vulgaires
intrigues. Il succéda, en 1699, a son
père, réintègre dans sa principauté
par le traite de Hyswick , et hérita
en même temps de neuf seigneuries
assez considérables . possédées en
e par sa mère, fiiie du maréchal
de Ghàtillon-Coligni. De ce moment
il ne craignit pas d'aiïiehcr trois de
ses concubines, et d'arracher pour
elles, à la condescendance de l'em-
pereur, des titres honorifiques. La
plus ancienne de ses favorites , Anne
Sabine Hedwiger , fille d'un confia
tla cour de Wurtemberg
fut élevée, par un diplôme de noi ,
au rang de comtesse du Saint-Empire,
sous le nom de Sponeck : son frète
reçut la même faveur. L'année pré-
cédente , le prince de Montbeliard
avait fait créer baronnes du Saint-
Empire, Henrietie-i ; Klisa-
Leth-Ciiarlotte de {'Espérance
appelées du nom de guerre de leur
père, Richard Curie*, qui, Gis d'un
valet-de-ville, exécuteur d
œuvres à Montbeliard, était tailleur
de son métier, et a: dans
les troupes de France el de Lorraine,
une existence vagabi : 7 1 5,
Léopold-KUuliaid voulut fi\<
1 a nt s:
il de'<
leur incai céder, dans
un Irai Ibaden, avec
son cousin et li r,ù{\ le
duc Eberhard
MON 467
berg. Il fit jurer à tous ses conseillers
uter ce pacte , auquel accé-
dèrent Anne-Sabine et son fils aîné,
et Elisabeth -Charlotte de l'Espé-
rance, quiavait survécu à sa sœur.
Le prince d iitpas
moins, ci! 17 iO, un 1
où il obtint, pour s , des
lettres dénaturalisé, ;uivi-
rent des lettres de légitimation, eu
1718. Le régent, comme on devait
s'y attendre, se prêta facilement à
des sollicitations qui avaient trouvé
Louis XIV inflexible. Leopolà-Eber-
hard fit prendre à se ses les
titres de duchesse régnante, de du-
chesse douairière, el à leurs enfants
ceux de princes et princessesde \
tcmbcrg-Monlbéliard. 11 passa outre
à une défense émanée du conseil au-
lique de Vienne : il maria ensemble
les enfants d'Anne-Sabinc et d'Hen-
riette - fledvige de l'Espérance; et,
pour déguiser l'inceste . 1! ■
mari qui lui a va il s ns la
possession de cette d'
neurs d'une païerni'é qu'il avait re-
pour lui-même 1
de Wildbadcn. 11 supposa en ;
temps un contrat de màHàgië qui,
a Koyowitz. en Pologne', entre
lui et Anne Sabine, aurait tiédissons
par un acte de divorce eu 1711 ; ,>t
en 17 i<S, il épousa E ilhar-
li tt'- (ic 1'!'/ (pérance, nonobstant le
1
mort , anv.
•.'9 mal . le comte I
Sjn.r. :e bâtarde,
pril i de la prrncip Mite de
Montbeliard , d'où il fui expul
main armée par le duedè Wurtemr
eil aulique
itimité de tous les
Léopold-Eberh, débouta de
leurs prêtent
deuxième and », il les ré-
468 MON
duisit à une pension alimentaire.
Celle décision n'était exécutable que
sur les terres germaniques; et l'on
Îdaida au parlement de Paris pour
es biens situes en France. Le due de
Wiutemberg s'isola de ces débats,
et laissa les Sponcck et les L'Espé-
rance, divisés entre eux, se renvoyer
les reproches d'infamie et mettre à
nu leurs turpitudes respectives. La
pitié publique s'était attachée d'a-
bord au récit de malheurs qui pré-
sentaient l'intérêt du roman; mais
quand les faits parurent dans leur
odieuse simplicité , ils révoltèrent
tous les esprits. Le monde s'indigna,
dit Saint-Simon, qu'une prétention
si monstrueuse fut soufferte : les dé-
vots eurent honte à leur tour de l'a-
voir tant protégée, tellement qu'il
intervint enfin un arrêt contradic-
toire en la grand'-chambre , qui re-
plongea cette canaille infâme dans le
néant. Le duc de Wurtemberg, res-
saisi des neuf seigneuries situées en
France, en abandonna les revenus
au roi, à la charge de pourvoir à la
subsistance de la postérité de Léo-
pold-Eberhard. L'empereur d'Alle-
magne contera le titre de comte
d'Hornebourg à ce qui restait de ces
bâtards : plusieurs moururent ayant
l'esprit aliéné. F — t.
MONTBRUN (Charles Dupuy,
dit le brave) 1 l'un des plus vaillants
capitaines de son temps , naquit, vers
l'an i53o, au château de Montbrun,
dans le diocèse de Gap , en Dauphiné,
d'une ancienne et illustre famille. Il
fit ses premières armes en Italie,
sous les yeux de son père, et servit
ensuite , avec beaucoup de distinc-
tion , dans les guerres de Flandre et
de Lorraine. De retour dans sa fa-
mille , il apprit qu'une de ses sœurs,
s'était retirée à Genève pour y em-
brasser la reforme; et il se mit à sa
MON
poursuite, décidé à la tuer si elle
persistait dans sa résolution. Cette
sœur , connaissant le caractère em-
porté de Montbrun , se tint cachée ,
et pria Théod. de Eèze d'employer
auprès de lui, tous les moyens qui
étaient en son pouvoir pour l'ap-
paiser. Bèze vit, en effet, cet homme
opiniâtre, et s'acquitta si bien de sa
commission , qu'il finit par l'amener
à imiter l'exemple de sa sœur. D'ar-
dent catholique, devenu protestant
non moins zélé, Montbrun se mit eu
tète de faire changer de religion a
tous ses vassaux; et les viol
qu'il employa pour les y contraindre,
excitèrent de grandes plaintes. Le
parlement de Grenoble instruisit
contre lui; et Matin Bouvier, prévôt
des maréchaux , reçut l'ordre de
l'arrêter. Informé de son arrivée T
Montbrun inarche à sa rencontre ,
le fait prisonnier , et l'enferme dans
le souterrain de son château. Jugeant
bien qu'un pareil attentat ne pouvait
rester impuni, il leva quelques sol-
dats , et pénétra dans le comtat \< -
naissin,où Alexandre Giùliotin (et
non Guyotin), avocat de Vairéas,
lui offrait, au nom des Calvinistes
de Vaison et des environs , l'assu-
rance d'un renfort considérable, il
s'empare de plusieurs villes.
fane et pille les églises, établit les
prêches, et lève des contributions.
Le pape , n'ayant aucun mo>cn de
s'opposer aux progrès de ce redou-
table aventurier, lui fait demander la
paix ; et Montbrun revient dans son
château , avec la promesse de n'être
jamais inquiété pour tout ce qui s'é-
tait passé. Il reporte alors le théâtre
delà guerre en Dauphiné , égorgeant
les prêtres par-tout où il éprouve
quelque résistance. Informé que La-
mothe - Gondrin , lieutenant du rci
dans le Dauphiné, venait l'attaquer
MON
avec deux cents chevaux , il ras-
semble à la h dtc quatre cents fan-
tassins qui lui servaient d'escorte ,
et vient attendre Gondrin dans un
défile, tombe à l'improviste sur sa
troupe , et la taille en pièces. Maigre
ce succès , il crut que la prudence lui
commandait de se retirer à Genève
avec sa Camille; et, pendant son ab-
sence, son château fut rase. Il revint,
en i56ii, offrir ses services à Des
Adrets, chef des protestants duDau-
phiné ; et il contribua à la réduction
de plusieurs villes de Bourgogne et
de Provence. Des Adrets ayant aban-
donné la cause des protestants ( V.
I) s Adrets, tome ier. ) , il lui suc*
céda dans le commandement , et re-
prit les armes, en 1 56^ , lors de la
rupture de la paix. Il assista aux ba-
tailles de Jarnac et de Moncontour ,
où il fît «les prodiges de valeur, rentra
dans le Dauphiué , en 1^70, accom-
pagna l'amiral de Goligni au Yiva
rais , défit l'armée catholique, com-
mandée par le marquis de Gordes,
qu'il blessa de sa propre main, et tra-
versa le Rhône à la nage avec sa cava-
lerie , pour .se porter en Provence.
Après la journée delà Saint-Barthé-
lemi, voyant que les protestants ne
pouvait nt avoir nulle confiance dans
les promesses de la cour, il leva de
nouvelles troupes, et soumit plusieurs
villes à son parti. l'ai 1 '> j . il pilla
les bagages de Henri III , qui \
\ ige de Livron ; le roi indigné de
cet excès d'audace, donna l'ordre au
marquis de Gordes. de marcher 'con-
tre Montbrun, et de le saisir mort
ou vif ■. Catherine de Médicis lui
écrivil «le se rendre , afin d'à]
Henri par cette soumission, et d'ob-
tenir : de sa faute ; mais il
répondit qu'il prochait rien
à l'égard du roi . vu que les ai
et le jeu
MON
Sans s'effrayer du nombre de ses
ennemis , il ne songea qu'a se dé-
fendre. Ayant soutenu, dans un jour,
jusqu'à trois combats , il s'aperçut
que ses troupes , exténuées de fati-
gues , commençaient à se débander :
après avoir tenté d'inutiles efforts
pour les rallier , comme il se voyait
en danger d'être pris , il voulut sau-
ter le canal d'un moulin près de Die ;
mais il tomba et se cassa une cuisse.
Il fut arrêté et conduit à Grenoble :
on lui fit son procès , et on le con-
damna à avoir la tête tranchée. Il
fallut , à cause de sa blessure, le por-
ter au lieu du supplice, qu'il souffrit
avec beaucoup de constance , le \'x
août iS^S. Le roi se repentit d'avoir
pressé le jugement de Montbrun; et
sa grâce arriva deux heures après
son exécution. Le traité de paix de
1 5 76 réhabilita sa mémoire par un
article spécial; et, dans la suite,
toutes les pièces de la procédure
furent détruites. Gui Allait! a écrit
la Vie du brave Montbrun , Gre-
noble, 1675, in- 12. J. C!. Martin
en a , de nos jours , donné une plus
étendue , et enrichie de pièces justi-
ficatives , dont la deuxième édition
a paru sous le titre à' Histoire de
Charles Dupuy , surnommé le brave,
seigneur de Montbrun , Paris , 1 8 1 0,
in-8". , de 172 pages. Lesdiguières ,
qui avait fait ses premières armes
sous Montbrun , lui succéda dans le
commandement de l'armée des pro-
testants ( V. Lesdiguières, XXIV,
299); mais fidèle ensuite à son roi
ei ,1 sa patrie, il fut honore de la
dignité de connétable. W — s.
MONTCALM de Saiht - \ chah
(Louis-Joseph , marquis ùt)t lieu-
tenant-général, naquit au château de
Candiac, près : en 171 a.
mille, originaire du Rouergue,
joint ordinairement à son nom
47°
MON
lui de Gozon, sous lequel s'illustra,
au quatorzième siècle, le grand- m aî-
ire de l'ordre de Saint- Jean de Jéru-
salem ( Voy. Gozon ) , qui obtint
cette dignité, pour avoir, dit-on,
délivre l'île de Rhodes d'un dra-
gon qui la ravageait (i). L'éduca-
tion du marquis de Saint- Vèran fut
confiée, ainsi que celle de son frère
aîné, enfant célèbre ( V. Candi ac),
aux soins de Dumas {V . ce nom),
l'inventeur du bureau typographi-
que. Quoiqu'il fût sorti à l'âge de
quatorze ans des mains de cet habile
instituteur, pour entrer dans la car-
rière militaire, il avait si bien pro-
fité de ses leçons, qu'il conserva le
goût de l'étude, jusque dans le tu-
multe des camps ; et l'étendue de ses
connaissances justifia son ambition
et son espérance d'être admis à l'aca-
démie royale des inscriptions et bel-
les-lettres de Paris. Il ne vécut pas
assez pour jouir de cet honneur Sa
vie militaire a jeté un grand éclat.
Il se distingua dès les premiers pas
dans la carrière , reçut trois bles-
sures à la bataille de Plaisance , et
deux au funeste combat d'Exilés (ou
de l'Assiette). Il était alors colonel
d'infanterie. Devenu brigadier , il
passa dans la cavalerie, et fut fait
mestre-de-camp d'un régiment de son
nom. Maréchal-de-camp, en 1756,
il alla commander en chef les trou-
pes chargées de la défense des colo-
nies françaises dans l'Amérique sep-
tentrionale. Malgré l'abandon où le
laissa la métropole, malgré la fai-
blesse de son armée, la rigueur du
climat, un dénuement presque abso-
(1) Les grands bots de la t' rre de Goxon. vendue
domauialeinent , portent encore le nom ne Dragnn-
nièios : d'aptes la tradition , c'eal 1 i que i« < ii valier
Dieu-Donne exerçait ses chiens à la poursuite «l'un
dragoii artificiel , avant d'attaquer celui qui
l'île de Gozo. Lu mène traditiun de i.i famille Mon!
çaltn a conservé le nom du fidèle domestique qui ar-
«pinpïifma ce liéro.i : il se nommait lii'itïlan. D. L. M.
MON
lu , et la supériorité de l'ennemi, tant
sur terre que sur mer, il obtint de
fréquents avantages sur lord Loudon,
pendant sa première campagne* et,
dans le cours delà seconde, il rem-
porta une victoire complète sur le
général Abcrcromby. Mais forcé plus
tard à un combat inégal, sous les
murs de Québec, il reçut, dès le com-
mencement de l'action, une blessure
mortelle, et, deux jours après, ter-
mina sa glorieuse carrière le 1 4 sep-
tembre 1 7J9. Ses restes furent dépo-
sés dans le trou qu'avait fait une
bombe ; tombeau cligne d'un guer-
rier mort au champ d'honneur. Le
général ennemi , Wolf , fut tué dans
la même affaire ; mais il eut la
consolation, avant d'expirer, d'ap-
prendre que son armée était victo-
rieuse. Une très-belle estampe de
Woollett le représente à ses der-
niers moments. On a de même gravé
en France, la mort deMontcalm;
l'estampe anglaise est plus recher-
chée, La mémoire de Montcalm a
été plus dignement honorée par la
lettre que Bougainville publia sur
sa mort, et par l'inscription qu'il lit
graver sur sa tombe, et qui était
l'ouvrage de l'académie des inscrip-
tions et beiles-iettres. V. S. L.
MOINTCALM ( Paijl-François-
Josepii de), chef de la branche aî-
née de celle famille, naquit en 1 706,
dans le Rouergue, berceau de cette
maison. Entré dans la marine à l'âge
de 14 ans, il parcourut rapidement
les grades inférieurs, et fut nommé ,
très-jeune , capitaine de vaisseau; il
servit dans la guerre de l'indépen-
dance, sous d'Eslaing et Sui'iren, et
prit part aux plus brillantes actions
qui honorèrent alors la marine fran-
çaise. Eu Amérique, il prit part à
cinq combats, et se distingua parti-
culièrement à celui de la Grenade :
MON
pendant cinq ans de suite, il fut em-
ployé clans le levant, et commanda
un vaisseau de ligne au siège de Gi-
braltar. En 1789, à l'âge de 33 ans,
il fut nommé député aux étâts-géné-
raux par la noblesse de Ville-Fran-
che en Rouergue , et se réunit à la
majorité, en signant la protestation
contre la double représentation du
tiers-élat. Depuis, ayant r< çude nou-
- instructions , il observa son
second mandat, comme il avait fait
le premier, et entra franchement
dans le parti constitutionnel : il ap-
puya l'abolition des droits féodaux.
Il fit la motion de supprimer les pen-
sions; motion q m i fut adoptée, et
à laquelle L'Assemblée constituante
ajouta seulement l'honorable excep-
tion tics familles de Montcalm et
d'Assas. 11 est inutile de dire qu'il ne
l'avait pas sollicitée; car il refusa
constamment cette faveur, qu'il eût
regardée comme un outrage. Le mar-
quis de Montcalm prononça aussi à
la tribune , un discours sur la répar-
tition de l'impôt, qui lui fit beaucoup
d'honneur. Il quitta l'assemblée vers
la fin de 1790, et se réfugia en Es-
pagne. Marié à une fille du marquis
de La Jonquière, lieutenant-général
désarmées navales , il eut une famille
très-nombreuse, La guerre, tombeau
ordinaire des Montcalm, lui enleva
deux de ses enfants : cinq aunes
succombèrent aux privations et aux
malheurs de l'exil. Il se fixa ensuite
en Piémont; et ce brave officier,
qui avait échappé à la révolution,
que la mort avait épargné dans
tant de combats, se cassa la cuisse
en descendant un escalier, et mou-
rut, en 1812, des suites de cette
chute, à l'âge de cinquante-six ans.
I). L. M.
MONTCHA1 , ar-
chevêque de T 1 l'un des
MON
47i
plus savants prélats qui aient occupé
ce siège. Né, en 1089, à Annoiiai,
d'un apothicaire de cette ville, il ob-
tint une bourse à Paris , au collège
d'Autun , dont ii de> int dans la suite
le principal, et y lit ses études avec
une rare distinction. Ayant embrassé
l'état ecclésiastique, il fut pourvu
d'un canonicat du chapitre d'An-
goulèmc, et succéda, en 1628, sur
le siège de Toulouse, au cardinal de
La \ .dette, qui donna sa démission
en faveur de son ancien maître. Il
s'appliqua avec zèle a l'administra-
tion de son diocèse, plaça des pas-
teurs instruits à la tête des paroisses,
et distribua souvent lui-même au
peuple le pain de la parole. Député
aux assemblées générales du clergé f
il fut exclus, en 1O4 ï , de celle de
Mantes , pour s'être opposé aux vo-
lontes du cardinal de Richelieu: celle
disgrâce lui mérita l'honneur d'être
élu président de l'assemblée de
l645, où il prit encercla défense
des immunités ecclésiastiques. II
fonda, dans sa ville épiscopale, un
séminaire pour les jeunes clercs, et
une maison de secours pour les
pauvres valides, et contribua à for-
mer divers autres établissements
pieux. Ce prélat avait la réputation
d'un des bons hellénistes de son
temps : ii s'était attaché particuliè-
rement à 1 historiens ec-
istiques; et .ses confrères l'avaient
:per d'une nouvelle
édition de VHisi , dont
il avait rétabli ■ corrigé la
1 ai latine dans une i; linitilé
d'endroits. Il possédait une riche
bibliothèque, remarquable surtout
parle nombre des marne. ,
arabes et hébreux, qu'il
cueillis a grands frais dans toute
l'Europe : ri se lai ait an plaisir de
les communique] dont il
■V
MON
était l'un des plus zélés protecteurs ;
et ii y eu eut quelques-uns de publiés
Îiar ses soins. Rigault , Sirmond,
ïoïstenîus, Allatius, Caseneuve, etc.,
ou lui ont dédié leurs ouvrages, ou
lui ont donne des témoignages pu-
blics de leur reconnaissance poul-
ies services qu'ils en avaient reçus.
Montchal,s'élantrenduàCarcassone
pour assisterais e'tatsde Languedoc,
j mourut , le 11 août i65i , dans de
grands sentiments de piété. Son
corps fut transporté à Toulouse, et
inhumé dans le chœur de la cathé-
drale, où l'on voyait son épitaphe,
rapportée dans le Gallia christiana,
tome xin , page 64- On a quelques
Lettres de ce prélat dans le tome ier.
del*édition de Saint-Jean Damascène,
donnée par le P. Lequien. On a publié
de lui : Mémoires contenant des
particularités de Ici vie et du mi-
nistère du card. de Richelieu, Rot-
terdam, 1718, iu-12, 1 vol. Ou y
trouve de curieux détails sur l'as-
semblée de Mantes, et sur les affai-
res du clergé; dont le premier mi-
nistre regardait les revenus comme
une ressource de l'état dans des cir-
constances difficiles. Cet ouvrage a
été imprimé sur un manuscrit dé-
fectueux ; mais Le Courayer , en
ayant découvert un plus complet , a
inséré dans Y Europe savante ( no-
vembre 1 7 18), des corrections et ad-
ditions, qu'il a fait suivre d'une Dis-
sertaiion, attribuée au même prélat,
pour prouver que les puissances sé-
culières ne peuvent imposer aucunes
tailles , taxes , subsides et autres
droits sur les biens de l'Église, sans
son consentement. Le portrait de
Montrhal a été gravé plusieurs fois;
le meilleur est celui de Daret , in-
fol. et in-4°. W — s.
MONTCHKESTIEN ( Antoine ),
fils d'un apothicaire de Falaise ,
MON
nommé Mauchrcstien , perdit son
père , étant encore très-jeune , et, à
défaut de parents, eut pour tuteur un
nommé Saint-André Dernier, qui, en
qualité de proche voisin , fut con-
damné par justice à s'en charger.
Mis au service de deux frères appe-
lés Touruebu et Désessarts , il les
suivit au collège, et profita de l'occa-
sion pour faire quelques études : à
l'âge de vingt ans, il apprit l'escrime
avec ses maîtres, et montra son hu-
meur querelleuse. Ayant eu une dis-
pute avec le baron de Gourviîle ou
Gouville, qui était accompagné d'un
de ses frères et d'un soldat , il ne
laissa pas de leur tenir tête à tous
trois : mais il devait succomber dans
un combat aussi inégal , et fut laissé
pour mort. 11 en réchappa toutefois ;
et ayant porté plainte contre ses ad-
versaires, il obtint douze miliefrancs
de dommagcs-intéiêls. Cette somme
lui donna les moyens de faire quel-
que figure dans le monde ; et ce fut
alors qu'il prit le nom de Vattevilie.
Lorsque les douze mille francs furent
dépensés , il attaqua son tuteur en rè-
glement de compte, et en arracha
mille francs. Il eut d'autres affaires
peu honorables , et s'enfuit en Angle-
terre, pour se dérober aux poursui-
tes qu'on dirigeait contre lui, en rai-
son d'un homicide qu'il était accusé
d'avoir commis en trahison. Il avait ,
en i5q6, fait imprimer à Caen une
tragédie intitulée Sophonisbe. Pour
se faire bien venir du roi Jacques 7
il imagina de composer et de lui dé-
dier une tragédie sur la mort de sa
mère (Marie Stuart), qu'il intitula
Y Écossaise ou le désastre. Jacques,
par reconnaissance, demanda à Henri
IV la grâce du poète, qui se retira
vers la foret d'Orléans , et ensuite à
Châtillon -sur- Loire. Monlchrestien
y travaillait l'acier, et venait ven-
MON
dre ses instruments à Paris. On croit
qu'en même temps il fabriquait de la
fausse monnaie. Sous le règne de
Louis XIII, il prit parti pour les ré-
formes , et il levait des troupes pour
eux , charge de délivrer des com-
missions d'olïïcier • il fut découvert
le 7 octobre 1621 , dans le bourg de
Tourailles: attaqué pendant la nuit ,
il se défendit vaillamment , et fut
tué de plusieurs coups de pistolet.
Son cadavre, transporté à Domfront,
fut traîné sur la claie, rompu, et
brûlé. On a de lui : I. Tragédies et
autres œuvres , Jean Petit , iCioo ,
iu-8°. • Rouen , 1627 ,»in-8a. , con-
tenant cinq tragédies : V Ecossaise
©u le désastre ; les Carthaginoises
ou la liberté ( c'est la Sophonisbe) ;
les Lacenes ou la constance ( avec
des chœurs ) ; David ou VaduUere
(•idem ) ; Aman ou la vanité; Su-
sanne ou la chasteté, poème, et une
Bergerieyen prose et à vingt-un per-
sonnages ( la Bergerie avait été im-
primée a part, in-8°., sans date , de
8(3 pages ) : les éditions intitulées,
Tragédies d'Antoine de Monlchres-
tien, Rouen, 1604, ou Niort, 1606,
in-12 , contiennent de plus une tra-
gédie intitulée Hector; mais on n'y
a pas compris la Tergerie.M. Traité
de l'économie politique , dédié au
roi, et à lareine-mè e, in \\
date , et Rouen , 1O1 "> , in - 4". : le
premier livre traite des manufactu-
le second , du commerce ; ie
ième, de la navigation ( el
ion, des voyages aux Indes ) * le
qualriè ie et dernier , de l'exemple
princes. Mont chres-
tien avait traduit m vers français les
Psaui ! amenée
une lli noire de ; mais
rien n'en a été impi i"" . \. B — x
MONTDORG
M1I1.K dl ), né à I
Ml
dix-septième siècle ( et non en 1727 ,
comme le dit le NécroUœe de 1770,
qui a pris pour date de la naissance
de l'auteur , celle de son premier ou-
vrage ) , y fut maître de la chambre
aux deniers du roi. L'académie de
cette ville l'avait admis dans son sein,
à cause de son £oût pour les lettres.
Mais il ne se bornait pas à les aimer;
et sa grande fortune ne l'empêcha
pas de les cultiver. Plus d'une fois il
donna des encouragements aux arts ,
par l'usage qu'il lit de sa richesse.
Montdorge mourut à Paris, le 24
octobre 1768. On a de lui : I. Vile
de Paphos , 1727, in- 12. II. Les
Fêles dJHébé , ou les talents ly-
riques , opéra-ballet en trois actes
( musique de Rameau ) , joué en
1739, repris en 1747 et 1736, et
imprime in- 4°. III. Réjlexions d'un
peint; e sur l opéra , 1741, in-12.
IV. Art d'imprimer les tableaux en
trois couleurs , 1766, in-8°. ( F.
Gautier-d'Agoty , xvi , Goo-601. )
V. L' Opéra de société , en un acte ;
la musique est de Giraud. : l'ouvrage ,
joué en 1762, a été imprimé. VI.
Quelques Lettres écrites , en 174$
et 1 "j 4 4 > Var une jeune veuve , au
chevalier de Luzeincour , 1 76 1 ,
pelil in-8°. Ces lettres sont au nom-
bre de vingt-sept ; douze avaient paru
dans le Mercure de 1 7 H). Ce petit
roman, que l'auteur ne manque \
donner pour une histoire, contient
quelques détails ingénieux; mais il
est sans intérêt. L'édition de 1769,
qui n'est peut-être que celte de 17G1 ,
avec un nouveau frontisjrice
intitulée : Lettres un chevalier de
Luzeincour y par une jeune r
M. Barbier attribue à Montd
1°. Brochure nouvelle ,
8°. ; c'est un ci flte de 1res que le
de la ! il :
(Belles-lettres) donneà un M
474 MON
— '2°. Nadir, histoire orientale, ro-
man moral et politique, i 7G9 , in-
12 , qui alors un ouvrage pos-
thume. A. B — t.
MONTE. V. Guid'Ubaldo.
MONTEBELLO (J,ean Lames,
duc de ) . ne à Lectoure , ie 1 1 avril
1769, d'une famille pauvre et obs-
cure, commença par exercer dans
cette ville lu profession de teinturier ,
qu'il quitta en 1 792 , pour s'enrôler
dans un bataillon de volontaires.
Nommé sergent- major , il fit, en
cette qualité , sa première campagne
à l'armée des Pyrénées orientales ,
où il obtint un avancement rapide.
Il était colonel en 1 795 ; mais i! per-
dit son emploi après le 9 thermidor ,
et vint à Paris, où il ne tarda pas à
se lier avec le gênerai Bnonaparte ,
destitue comme lui, et probablement
parles mêmes motifs ( 1). Les servi-
ces que l'un et l'autre rendirent à la
Convention nationale ,dans la jour-
née du 1 3 vendémiaire ( octobre
1795), les remirent en faveur; et
lorsque Buonaparte fut nomme gé-
néral en chef de l'armée d'Italie ,
Lannes s'empressa de le suivre. Place
à la tête d'un régiment , il se distin-
gua aux batailles de Millesirno , de
Lodi et d'Arcoîe. Il avait été fait gé-
néral de brigade à la prise de Pavie ,
où il s'était emparé de deux dra-
peaux ennemis ; et ce fut en celte
qualité qu'on l'envoya contre les
troupes du pape, qu'il vainquit ai-
sément à Imoîa. Revenu à Paris ,
en 1798 , après le traité de Campo-
Formio , il suivit Buonaparte en
Egypte , fut, par lui , nommé gé-
néral de division, en mai 1799, et
continua d'être employé dans le com-
(1) Lannes , Buonaparte, Masséna et Murât , fu-
reut— destitués à cette époque par Aubry,, directeur
.!e la pai le rnililaire au cotoité de saint, public , ci>m-
igi reifti par !i ur dévoûinent ans JaCol
litirs alors anai chislcs.
MON
mandement de l'avant - garde, s'y
montrant toujours de manière à être
remarqué. Ce fut surtout au combat
d'Àboukir qu'H se signala , par le
courage impétueux qui n'a cessé de
le distinguer. Lorsque Buonaparte
revint en Fiance , Lannes fut du pe-
tit nombre des officiers qui durent
encore l'accompagner , et il fut aussi
un de ceux qui le servirent le plus
utilement dans la journée du 18 bru-
maire (9 novembre 1799 ). Il com-
manda de nouveau l'année suivante ,
une division en Italie, contribua
beaucoup au succès de la campagne
que termina la victoire de Marengo ,
et se distingua encore en 1801 , au
combat de Montehcllo. Son courage
indomptable devait le faire triom-
pher partout où il aurait à conduire
des troupes françaises ; mais rien
n'annonçait qu'il put se faire honneur
dans des missions diplomaliques : ce-
pendant Buonaparte l'envoya à Lis-
bonne , dans le mois de novembre
1801 , en qualité de ministre pléni-
potentiaire. Ses formes brusques et
violentes amenèrent bientôt des dif-
ficultés :_ se croyant dans un pays
conquis , il introduisit de vive force
beaucoup de marchandises dont il
refusa de payer les droits. La régence
de Portugal se plaignit auprès du
gouvernement français ; e; Lannes
fut rappelé a Paris , où le. nouvel em-
pereur le créa maréchal-d'empire ,
le 19 mai 1804, d, peu de temps
après, duc de Moniebeîlo. Il com-
manda l'aile gauche de l'armée fran-
çaise contre l'Autriche, en i8o5; et
on lui dut en grande partie les bril-
lants résultats de cette campagne ,
couronnée par la victoire d'Ans !cr-
litz , où deux de ses aides-de-camp
furent tues à ses côtés. Il ne com-
battit pas avec moins de valeur , en
itioG et 1807 , dans les campagnes
MON
de Prusse et de Pologne, qui furent
terminées par le traite de Tilsitt ;
et il l'ut nomme' colonel-général des
Suisses, le i3 septembre 1807. Il
suivil Buonaparte en Espagne, en
1808, commanda le siège de Sara-
goce en 1809; et ce ne tut qu'après
les attaques les plus multipliées et les
plus sanglantes , qu'il parvint à ré-
duire les habitants de celte malheu-
reuse cité , poussés au plus alFreux
désespoir ( 1 ). La dernière campagne
du maréchal Lannes ne fut pas la
moins glorieuse de sa carrière mi-
litaire ; c'est celle de 180g contre
l'Autriche , où il concourut si ef-
ficacement, ainsi que Masséna , à
sauver l'armée française du péril
le plus imminent où l'imprudence
de son chef eût pu L'entraîner. Ce fut
à Essling ( 'ri mai 1809 ) qu'un bou-
let l'atteignit au moment où il don-
nait aux troupes l'exemple d'une
fermeté que rendait si nécessaire la
position difficile où elles se trou-
vaient engagées. Il n'expira pas sur-
le-champ , et subit encore la
loureuse amputation des deux jam-
0;i dit qu'avant de mourir
il eut une longue conversation avec
Buonaparte , qu'il lui donna de sages
avis , et que même il lui (it <!
proches amers sur les résultats de
.son ambition. Ce qu'il y a de plus
certain , c'est que celui-ci pai
gretter vivement Lannes , < i qu
fait transporter son corps a Paris,
il lui fit rendre de très-grands hon-
neurs. Le ftontebello
ation , une
:
.
1
I
» m, .is je nuis
wl «tient bien.»)
MON 4; 5
demoiselle Méric : mais plus lard il
fit annuler ce mariage par le divorce;
et devenu maréchal , il épousa Mlle.
de Guéhéneuc, fille d'un ancien com-
missaire des guerres. Après sa mort ,
un fils de sa première femme , qui
réclamait une part dans sa succes-
sion , fut déclaré adultérin par les
tribunaux. Ce procès excita vivement
l'attention publique , par le nom du
maréchal , et par l'importance de la
succession , l'une des plus considé-
rables qu'il y eût alors en France. Le
fils aîné du second mariage , qui
porte le titre de duc de Montebcllo ,
a été créé pair de France par le roi ,
en 181 5. M. René Perin a publié
une Vie militaire de J. Lannes , etc. ;
Paris , 1810, iu-8°. M — d j.
MONTECORVINO (Jean de),
religieux de l'ordre des Frères-Mi-
neurs , et missionnaire catholique
en Tartarie , dans le moyen âge ,
était né vers 1247, et fut envoyé
prêcher la foi dans l'Orient, par
le pape Nicolas IV, en 1288. lise
rendit d'abord en Perse, pour re-
mettre au roi Argoun une lettre du
souverain pontife; i! s'arrêta quelque
temps à Tamis , et partit de cette
ville, eu 1291, pour passer dans
l'Inde. 11 y séjourna pendant treize
mois , dans la compagnie d'un mar-
chand, nommé Pierre de Lucal
cl de Nicolas de Pistoie, de l'ordre
Frères-Prêcheurs : ce dernier y
mourut, et fut enterré dans une égli-
se de Saint-Thomas. Jean de Monte-
no baptisa dans cet endroit une
centaine de personnes; puis s'a vançanl
plus a l'orient , avec le comj
tait, il vint dans le Ratai ou
l'emp ind khan, c'est-à-dire,
dans la Chine septenl 11 remit
au souverain des Tartares une lettre
ipe, qui l'engageait
le Christian,
476
MON
était trop attaché à l'idolâtrie pour
suivre ce conseil. Il ne laissait pas
d'accorder beaucoup de grâces âiit
Chrétiens, particulièrement aux Nés*-
toriens , qui avaient fait de tels pro-
grès dans ces contrées , qu'ils s'op-
posaient à ce que ceux d'un autre
rite eussent le moindre oratoire et
prêchassent une autre doctrine que
la leur. Le religieux italien eut beau-
coup à souffrir de leurs persécutions.
Plusieurs fois il fut en butte à des
accusations sous le poids desquelles
il eût succombé, si le hasard n'en
eût fait connaître la fausseté a l'em-
pereur. Il demeura privé du secours
de ses confrères pendant onze ans ,
après lesquels un Franciscain de Co-
logne, nommé Arnold, vint le re-
joindre. Jean avait mis six années à
bâtir une église dans la ville de Khart-
Balikh , c'est-à-dire, dans la ville
royale, ou la capitale de l'empire des
Tartares. Il y avait même construit
un clocher, où furent placées trois
cloches que l'on sonnait à toutes les
heures, pour appeler les jeunes néo-
phytes aux offices. 11 avait baptise
environ six mille personnes ; et il
en eût baptisé plus de trente mille ,
sans les tracasseries qu'il éprouva. 11
avait en outre acheté cent cinquante
jeunes garçons de l'âge de onze ans
et au-dessous, enfants de païens,
< 1 n'ayant encore aucune religion :
il les instruisit dans h foi chré-
1 icône, leur apprit les lettres grec-
ques et latines, et composa en leur
r , des psautiers , des hym-
naires et deux bréviaires ; de sorte
que < es enfants chantaient les ofli-
ces , comme cela se pratiquait dans
les couvents. Jean tira encore, pour
la religion , plus d'avantages rie
la conversion d'un prince mongol
de la liibu des Keraïtes, qu'il nom-
mait George, et qui descendait , sui-
MON
vaut lui , de cet Onng-Khan , à qi
les relations du moyen âge ont a}
pliqué la dénomination de Prêtre-
Jean. Une grande partie des vassaux
de ee prince, atlachés jusque-là au
nestorianisme, suivirent son exem-
ple j et ayant embrassé la foi catho-
lique , ils y persévérèrent jusqu'à la
mort de George, qui eut lieu vers
1299. Mais à cette époque, ils cé-
dèrent, pour la plupait, aux séduc-
tions de ceux de leurs compatriotes
qui étaient restés Nestoriensj et Jean,
retenu près du grand khan, ne put
ni les rejoindre, ni leur envoyer per-
sonne pour s'opposer à leur défec-
tion. C'était pour lui un grand su-
jet d'affliction de n'être aidé par au-
cun compagnon dans ses travaux
apostoliques, et de n'avoir même, de-
puis douze ans, aucune nouvelle po-
sitive de la cour de Rome, au sujet de
laquelle un chirurgien lombard, ve-
nu en Tartane, vers if2o3, avait
fait courir les bruits les plus étran-
ges. Ce délaissement obligea Jean de
Monlecorvino à écrire, en i3o5 (8
janvier), une lettre datée de Khan-
Balikh, et adressée aux religieux de
son ordre, pour les prier de lui en-
voyer, entre autres secours dont il
avait le plus grand besoin , un anli-
phonairc, la légende des saints, un
graduel et un psautier. Dans celte
lettre, qui nous a été conservée par
Wadding {Annal. Minor., tome m,
p. 69 ), et d'où sont tires les détails
qu'on vient de lire, Jean de Monte-
corvino annonce qu'il avait appris
suffisamment la langue usuelle des
Tartares, c'est-à-dire, le mongol, et
qu'il avait traduit en cette langue le
Nouveau-Testament et les Psaumes,
ïi les avait fait écrire avec le plus
grand soin dans les caractères pro-
pres à cet idiome : il lisait, écrivait
et prêchait en mongol • et si le roi
George eût vécu plus long-temps, il
eût complote la traduction de l'oiSce
latin pour le répandre dans toutes
les terres de la domination du grand
khan. Dans une autre lettre , écrite
l'année suivante, Jean de IVIonte-
corvino parle de la honte" que le
grand khan lui marquait, des hon-
neurs qu'il lui faisait rendre comme
à renvoyé du Saint-Siège, et de la
nouvelle faveur (pi "il lui avait accor-
dée, en lui permettant de construire
*me seconde église, à un jet de
pierre de la porte du palais impé-
rial , et si près de la chambre même
du khan, que ce prince pouvait en-
tendre les chauts de ceux qui célé-
braient les offices. On serait peut-
être tenté d'élever quelque doute
sur une grâce si singulière, si l'on
ne savait, par les historiens chinois,
avec quel empressement les empe-
reurs mongols accueillaient les prê-
tres de toutes les sectes, les religieux
occidentaux de toute espèce, les
accus de l'Inde, et les Lamas
du Tibet, avec lesquels les Nesto-
riens et vraisemblablement aussi les
Catholiques paraissent! avoir été fré-
quemment cou!.
(du récit de Jean de IMontecorvino ,
celui qui est relatif à la conversion
du prince des kcra'itesct d'unie partie
3 sujets, semblerait ..
in de confirmation : mais il est
tout-à-fait d'accord ave;: les relations
Musulmans., qui nous appfeu?
lit eu eli'rl
rétiens chez, les keraïtes, et qui
'. celte
nation coin m ç avant professe hau-
ilirist.
la récojrip
477
ses longs travaux, iài i 3o3 , le pape
Clément V érigea pour lui le
archiépiscopal de khan-Balikh, et
envoya , pour l'aider , André de
Pérouse , et quelques autres , qu'il
erra sullragants tic l'archevêché de
Khan -iialikh. Quant à ce siège,
de grandes prérogatives y furent
allât liées , soit en vue de l'impor-
tance dont il pouvait être pour les
progrès du christianisme aux ex-
trémités de l'Orient, soit en faveur
de celui qe.i en était le premier titu-
laire. Jean de Montecorvino eut ,
pour lui et pour ses successeurs , le
droit d'ériger des sièges, de sacrer
desévêques, des prêtres et des clercs,
et de régir toutes les égiises de Tar-
laric, sous la seule condition de se
reconnaître soumis aux papes, cl de
recevoir d'eux le pailiurn. Le décret
pontifical qui contient ces disposi-
tions, et dont une partie nous a été
conservée par Oderic île Frioul , ren-
ferme tle plus une recommandation
adressée à Jean de iHonteeon i;io ,
de faire peindre, dans les églises nou-
vellement construites , les mystères
de l'Ancien el du Non veau Testament,
pour que les peuples barbares soient
attirés par celte vue au culte du Mai
Dieu. Cette invitation se rapporte à
droit île ia a?, lettre de Jean
outocorvino , où il di
f tit faire, pour l'instruction de-
des peintures de l'Ancien et du
Ment, il y a fait gra-
s Inscriptions expiée
ractères latins, larsi(jut's et pei
afin que tout le monde put les lire. On
sait que le lettres tarsiquc^
donnent le
nom de Tarse { ii.i\ .'
d'un mot tartare qui
et qui par
478 MON
sectateurs de Zoroastre , et aux
Chrétiens nés to rien s. Jean de Montc-
eorviuo mourut vers i33o, et eut
pour successeur dans l'archevêché
de Khan-Balikh un franciscain nom-
me Nicolas, qui dut éprouver quel-
que accident en route , puisqu'en
i338, les Chrétiens de Tartarie se
plaignaient de ne l'avoir pas encore
vu arriver, et d'être, depuis huit an-
nées, privés de pasteur. Le siège ar-
chiépiscopal, érigé par Clément V ,
ne tarda pas d'être entièrement ou-
blié. On a autrefois disputé pour
savoir à quelle ville moderne répon-
dait Khan-Balikh ouCambalu. And.
Mulier et quelques autres ont com-
paré les positions, rapproche les
dénominations anciennes et récentes,
proposé desétymologies. Ces savants
s'y prenaient mal. Il suffirait d'ob-
server que le nom de Khan-Balikh ,
signifie en mogol résidence royale ,
et que les empereurs Khoubilaï et
Temour, contemporains de Jean de
Montecorvino, résidaient a Yan-Kiug
maintenant Chun-thian-lou , ou Pe-
King. A. R — t.
MONTECUCCULI, ou plus
exactement Montecuccoli ( Sebas-
tien de ) , gentilhomme de Ferrare ,
fournit un exemple mémorable de
l'incertitude des jugements humains.
Dans sa première jeunesse, il avait été
employé au service de l'empereur
Charles-Quint : il vint en France à la
suite de Catherine de Médicis, et tut at-
taché au dauphin, en qualité d'éehan-
son. 11 accompagnait ce prince dans
un voyage qu'il fit sur le Rhône , au
milieu de l'été 1 536. Arrivé à Tour-
non , le dauphin , s'étant échauffé en
jouant à la paume , demanda de
l'eau fraîche , que Montecucculi lui
présenta dans une tasse de terre
rouge : il en bujt avec beaucoup d'a-
vidité, tomba malade y et mourut au
MON
bout de quatre jours ( V. Frai*
cois Ier. , xv, 476 ). On ne voulut
pas voir un événement naturel dans
la mort prématurée d'un prince , que
ses belles qualités rendaient déjà l'i-
dole de la France ; et Montecucculi
fut soupçonné de lui avoir donné du
poison. Quelques connaissances qu'il
avait en médecine, et un Traité des
poisons qu'on trouva dans ses pa- |
piers , parurent des preuves suffisan-
tes. Conduit à Lyon pour y être jugé
par des commissaires , il fut appli- 1
que a la question, et fit, au milieu
des tortures , les plus étranges aveux.
Il déclara qu'en effet il avait cm pot
sonné le dauphin , mais qu'il avait
été poussé à ce crime par Ant. de
Lève et Ferdinand de Gonzague ,
deux des plus habiles généraux de
Charles-Quint; qu'avant été présenté
à l'empereur, il lui avait annoncé le j
projet défaire périr également Fran-
çois Ier. et ses deux autres fils , que
le prince y avait consenti , et enfin
qu'il avait fait part de ce projet au
chevalier Guill. Dinteville, à deux
diverses reprises , à Turin et à Snze.
Dinteville, compromis par cette dé-
claration 7 n'eut pas de peine à dé-
montrer qu'elle était fausse en ce
qui le concernait. Après une instruc-
tion solennelle , qui eut lieu en pré-
sence du roi , des princes , des car-
dinaux et des ambassadeurs é( ran-
gers , invités d'y assister , Monte-
cucculi fut condamné à être traîné
sur la claie , puis éeartelé. Cet arrêt
fut exécuté à Lyon, le 7 octobre
i536. Le peuple exerça , sur le ca-
davre déchiré, les plus grandes hor-
reurs , et en jeta les lambeaux dans
le Rhône. L'histoire a absous Char-
les Quint d'un crime aussi odieux
qu'inutile1 (Voy. Yflist. de ce prin-
ce, par Roberîson ). Les impériaux
avaient cherché à le rejeter sur Ca-
MON
tlicrine de Médicis , qui, en faisant
périr le dauphin , rapprochait du
trône son mari Henri II; mais, mai-
gre toutes les présomptions que peut
justifier le caractère de cette prin-
cesse, elle a été reconnue également
innocente à cet égard. En effet , les
historiens les plus sages , les plus
impartiaux, déclarent que le dau-
phin mourut d'une pleurésie , déter-
minée par la quantité d'eau fraîche
qu'il avait bue. L'arrêt rendu contre
Montccucculi a été inséré dans le
tome iv des Mémoires d'état , à la
suite de ceux de Villcroy , et dans
les pièces justificatives des Mémoires
de Du Bellay , édit. de l'abbé Lam-
bert, tome vi, p. 'iog , avec des
complaintes et pièces de vers en
l'honneur du dauphin. W — s.
MONTEGUGCULI ( Raimond,
comte de ), l'un des plus grands capi-
taines des temps modernes, né dans
la Modenèse , en 1 Go8 , d'une famille
illustre, embrassa jeune la profession
des armes , et servit d'abord comme
volontaire, sous les ordres d'un de
ses oncles , général d'artillerie dans
l'armée impériale. Après avoir pas-
sé par tous les grades, il obtint le
commandement de *20oo chevaux,
et fut chargé d'attaquer les Su<
occupés au . . dans
la Silésie; il les surprit par une
che précipitée , les mit en déroule,
et s'empara de leurs canons et de
leurs bagages. Le général Banier ven-
gea peu après la défaite des Suédois;
il le battit à Ilofkirch , en 1 63g , et le
fit prisonnier. Ladélentionde Monte-
cucculi dui s f qu'il sut
employer à lire les meilleurs 01
ges relatifs à l'art de la guerre. Il
rentra , en i() • lésie; et
ayant opéré sa joncl
de Jean de Werth, il reprit au
l'offensive, et chassant toujouj i
MON
470
Suédois devant lui , les obligea, pres-
que sans combattre , à évacuer entiè-
rement la Bohème. La paix de West-
phalie lui laissa des loisirs qu'il mit
à profit pour son instruction : il vi-
sita la Suède, où sa réputation lui mé*-
rita l'accueil le plus distingué; et il
fit ensuite un voyage à Modene , pour
voir ses parents. Son séjour en cette
ville fut marqué par un événement
déplorable: dans un carrousel, qui
eut lieu pour les noces du duc, il tua
le comte Manzani , son ami, d'un
coup de lance. Le chagrin qu'il en
ressentit, hâta son retour en Allema.
gne. Il fut élevé, en iOjh, au grade
de maréchal-de-camp , et envoyé au
secours de Jean-Casimir, roi de Po-
logne , que le prince Ragotzky et les
Suédois venaient de chasser de sa
capitale. Il reprit sur-le-champ Cra-
covie; et favorisé par une divei
que le roi de Danemark opéra en
déclarant la guerre aux Suédois, il
les obligea d'abandonner sûccessive-
menttoutes les villes dontils s'étaient
emparés. 11 vole ensuite à la défense
du roi de Danemark , assiégé dans
Copenhague, chasse les Suédois du
Jutland, et leur enlève i'ile de Fio-
nie. La mort de Charles-GiiS1
roi de Suède, ayant rétabli la paix
dans le Nord, Montccucculi fut en-
voyé en Hongrie, en 1661, pour
s'opposer aux progrès des Turcs ,
qui avaient dé<
gotzky : avec des forces très-infé-
rieures, il obtinl
déjoua , par l'habileté de ses mouve-
ment ■ projets du grand vé-
zir; et ai le' des bYài i
ta une iignàlcc sur les 1
a Saint-Gothard, le 1664.
Cette victoire amena la paix ; el
pereur récompensa Montccucculi de
v pIllS
hautes dignités militaires. 11 reçut
I
Mffl
en 1O7.3, l'ordre de conduire des se-
cours aux. Hollandais , attaques par
la France; et malgré les savantes
manœuvres de Turenne , qui passa
le Rhin , pour l'arrêter dans sa mar-
che , il parvint à opérer sa jonction
avec le prince d'Orange , sans avoir
été obligé de livrer bataille. L'élec-
teur de Brandebourg ayant été nom-
mé général en chef de l'armée impé-
riale, Montecuccuii se retira; mais
il fut rappelé, en 1G75, comme le
seul capitaine digue d'être opposé à
Turenne. Tous deux, dit Voltaire
( Siècle de Louis XIV ) , avaient ré-
duit la guerre en art : ils passèrent
quatre mois a se suivre et à s'obser-
ver dans des marches et dans des
campements, plus estimés que des
victoires par les officiers allemands
et français. L'un et l'autre jugeaient
de ce que son adversaire allait tenter
parles marches que lui-même eût
voulu faire à sa place , et ils ne se
trompèrent jamais. Ils opposaient
l'un à l'autre la patience , la ruse et
l'activité. Les deux armées étaient
en présence dans un pays épuisé de
vivres et de fourrages; et une ba-
taille allait décider entre Turenne et
Montecuccuii, lorsqu'un boulet de
canon priva la France d'un de ses
plus illustres défenseurs ( V ' . Tu-
renne ). En apprenant la mort de ce
grand homme, Montecuccuii oublia
qu'il élaitson ennemi. « Je ne puis as-
sez regretter $ répétait-il, un homme
au-dessus de l'homme, un homme
qui faisait honneur à la nature hu-
maine. » Cependant, l'armée françai-
se , privée de son chef, repassa le
Rhin ; et Montecuccuii la suivit en
Alsace, où il fit investir flaguenau
et Saverne. Coudé, envoyé sur le
llhin , le força de lever le siège d'Ha-
guenau; et Montecuccuii reçut l'or-
dre de quitter l'Alsace, puur aller as-
MON
siéger Phili.sbourg. Cette campagne
fut la dernière de Montecuccuii ; et
il la regardait comme la plus glo-
e de sa vie, non qu'il eût été
vainqueur , mais parce qu'il n'avait
pas été vaincu, ayant eu a combattre
Turenne et Condé. Comblé d'hon-
neurs, il passa sa vieillesse dans un
repos honorable, et mourut à Lintz,
le 16 octobre 1681 , âgé de soixante-
douze ans. 11 aimait les lettres et les
arts, favorisait les savants, et il con-
tribua à l'établissement dtTacadémic
des Curieux de la nature (1). On lui
a reproché de n'être pas assez entre-
prenant; mais , loin de chercher à se
justifier de ce défaut , il se glorifiait
d'avoir pris Fabius pour modèle , et
souhaitait de mériter comme lui dans
la postérité le surnom de Cunclator.
11 sentait la nécessité, pour un géné-
ral, d'avoir carte blanche : il fit toute .
une campagne sans lire les rescripts
du conseil de guerre. Il les rendait à
l'empereur en revenant à Vienne ;
et lorsque ce prince lui demandait
pourquoi il avait négligé les or-
dres qui lui étaient donnés de sa
part ; il lui disait : « Sire, je les ai
? mis dans ma cassette , et je vous
» les rapporte (1). » Il a laissé des
Mémoires sur la guerre , qui ont été
publiés en latin ( Commentant bel-
liai ) , Vienne, 1 7 18 , in-fol. , fig. ;
Henri de Huysen avait publié à
Cologne, en 1704, in- 12 , les Mé-
moires de Montecuccoli , en italien ;
c'est sur un manuscrit que le prince
de Gonti rapporta de Hongrie , qu'i's
ont été traduits en français par Jac-
ques Adam , de l'académie française.
(1) Montecuccuii élait membre de l'académie tir'
Cresctnli , établie à Vienne , pour l'encouragement
de la littérature italienne { et l'on trouve <le lai fies
rime , dans le recueil de -celte société, Bruxelles,
(<x) Voy. les OEinres du prince de Ligna, t. a , p«
jC, î-ditio!) in- 12.
MON
traduction qui a été souvent
réimprimée , est divisée en trois li-
vres : de l'Art militaire en gênerai •
de la guerre contre les Turcs ; et Ke-
lation de la campagne de 1664. Tur-
piu de Crisse, qui a donné un excellent
commentaire sur les Mémoires de
Montecueculi, Paris, 17G9, 3 vol.
in-4% l'a surnomme le fêgèce mo-
derne ( V. Turpin de Crisse ). Pour
son Traité de l'art <l<
connu que ses Mémoires militaires ,
voyez le Journal de Verdun de mai
170") , p. 1 90. Les OEiwres de Mon-
tecuccoli ont été publiées en italien,
des notes d'Ugo Foseolo, Milan,
1807-8, 1 vol. gr. in-fol. Cette édi-
tion n'a été tirée, dit-on, qu'à 170
eïempî. ; elle doit être , par consé-
quent, très-rare en France. Voyez
le Mémoire de M. G. Grassi, sur
un ouvrage inédit de Montecuccoli ,
dans le Recueil de l'académie des
sciences de Turin, tom. xxiv, 18*0,
in- 4°., se. moral, et l)ist.,n°. 1.
On peut consulter pour les détails ,
V Eloge de ce grand capitaine , par
le comte Aug. Paradisi. Tiraboschi
en a inséré un curieux extrait dans
sa Biblint. Mode71e.se , tome 111 ,
>,86-o4- — Charles comte de
Montecuccoli a traduit du grec en
latin, et le comte François son frère,
du latin en italien, le traité delà
Physionomie de Polémon, Venise,
i65a,in-8°. W— s.
MONTEFELTRO ( Bonconte et
Taddeo, comtes de ), sont la souche
de l'illustre famille de ce nom , d'où
sont sortisle3 comtes devenus ensuite
d'Urbin. La maison de Monte-
feltro,quia gouvernependant quatre
tre lai te et laMar-
ched'Ancone. tirail ine des
comtes de Carpi
l'Empir dant le
m 481
x il*, siècle, se divisèrent en trois bran-
ches: les seigneurs de Garpegna, de
Pietra Rubbia,etdeMonteCappiofo;
les derniers ayant acquis le château
de Saint-Léo, ou de Montefeltro
m eux par le siège que Berenger II y
soutint an dixième siècle , ils en pri-
rent le nom. Bonconte et Taddeo dr
Montefeltro se firent agréger , en
1228, à la bourgeoisie de Bimini;
et se mirent sous la protection de
république, alors puissante,
avec tous les châteaux que possédait
leur famille. Le premier , ainsi qu'Hu-
golin son parent, évêque de Bimini ,
avait embrassé le parti gibelin • le
second s'attacha au parti guelfe. Bon-
conte, excommunié, en Ki47 > par le
pape Innocent IV, transmit ses sen-
timents à ses descendants. La famille
de Montefeltro fut , dès-lors , à la tête
du parti gibelin, dans la Marche, la
Rornagne et la Toscane. S. S — 1-
MONTEFELTRO ( Guido , com-
te de ), seigneur de Pise et d'Urbin ,
fut un des plus illustres généraux
du treizième siècle. La guerre qui
éclata en 127*2, à Bologne, entre
les deux factions des Lambcrï;:.
des Gieremci, embrasa bientôt toute
la Rornagne, où les partisans de l'em-
pereur et ceux du pape prirent, les
armes pour se combattre avec un ex-
trême acharnement. Ce fut en cette
ion que le comte Guido de
Montefeltro déploya les grands ta
dont il était doué.
Tout le parti gibelin, ou des Lan,
1» îîa'./i , h- choisit pour chef , dan.>
le pays situé entre Aucune et
Bologne. Guido attaqua les Gu
iu pont Sari-Paro
le ià juin 1 ■•7") , ei il rempon
eux une éclatante victoire : les Bolo-
nais seuls \ perd
ei leur alliés au moins autant, < l
mille Guelfes 1
48a
\I(
niers. Guido s'empara, l'année sui-
vante , de Bagna - Gavallo , et re-
poussa les attaques des Bolonais et
des Florentins. Le pape Martin IV ,
et Charles Ier. d'Anjou, voyaient avec
inquiétude les Gibelins de Romagne
se réunir autour d'un chef aussi ha-
bile : ils les attaquèrent avec toutes
leurs forces , et rejetèrent, en 1281 ,
toutes leurs ouvertures de négocia-
tion. Guido de Montefellro , obligé
de nouveau de recourir aux armes ,
battit les Guelfes sous les portes de
Faenza et sous celles de Ravenne : il
s'enferma ensuite dans Forli que l'ar-
mée du roi de Naples et du pape vou-
lait assiéger. Déjà le comte d'Eppa ,
qui commandait, se croyait maître
de cette ville , lorsqu'entouré et sur-
pris , le Ier. mai 1282 , par Guido
de Montefeltro , il perdit toute son
armée , et ne put qu'avec peine s'en-
fuir lui vingtième à Faenza. Mais le
roi de Naples et le pape ayant ras-
semblé une nouvelle armée, avec l'ai-
de de tous les Guelfes d'Italie, le peu-
ple de Forli, qui était hors d'état de
se défendre davantage , se soumit à
l'Église. Guido de Montefeltro fut re-
légué dans la ville d'Asti en Piémont:
les murs de Forli furent abattus , et
tous les Gibelins furent dispersés.
Guido demeura dans ce lieu d'exil, de
1 283 à 1 290. A cette époque , les
Pisans , accablés par les forces supé-
rieures des Florentins , des Lucquois
et des Génois , invitèrent Guido à
venir se mettre à leur tête: ils le dé-
clarèrent seigneur de leur ville ; et ,
sous ses ordres , ils reprirent en peu
de temps les châteaux-forts queleurs
ennemis leur avaient enlevés. Guido
commanda dans Pise jusqu'en I2g3
que ses exploits obtinrent aux Pisans
une paix honorable. De retour dans
le Montefellro, il s'empara delà ville
d'LJrbin, qui devait ensuite être la ca-
MON
pitale des états de sa famille. Le pape
Boniface VIII, estimant son courage
et sa capacité , lui rendit tous les
biens qu'il avait possédés à Forli, en
le réconciliant avec l'église. Mais Gui-
do deMoutefeltro , fatigué du monde,
de ses combats , et même de sa gloire ,
lorsqu'il n'eut plus d'ennemis à com-
battre , et plus de dangers à courir ?
revêtit à Ancone , en 1 296 , l'habit
religieux dans l'ordre de Saint-Fran-
çois. Trois ans plus tard , le pape
Boniface fit venir Guido, devenu
moine, au siège de Palestrina , et lui
demanda quels moyens il connaissait
pour réduire uneplace aussi forte. La
réponsede Guido fut, dit-on, qucpour
s'emparer d'une telle forteresse , il ne
connaissaitd'autre stratagème que de
promettre beaucoup, et de peu tenir.
Il mourut plusieurs années après, sous
l'habit de l'ordre qu'il avait embras-
sé. — Son fils aîné ( Frédéric Ier. de
Montefeltro ) , qui , à son entrée
en religion , lui avait succédé dans
la seigneurie de ses fiefs , continua
d'avoir la direction du parti gibelin
dans la Marche et la Romagne. De
concert avec Uguccione et Faggiuola,
chef des Gibelins toscans , il attaqua
Césène , en 1 3o2 , et ravagea son ter-
ritoire. Les villes de Iesi etd'Osimo,
dans la Marche d' Ancone, se soumi-
rent à lui : à la tête de leurs milices ,
il remporta, en i3o(), une grande vic-
toire sur les Guelfes d' Ancone , dans
laquelle il leur tua plus de cinq mille
hommes : il joignit encore , en 1 3 1 9 ,
Recanati et Spolète à ses états , et , en
1 3f20, Assise, Fano et Urbin. Sa sou-
veraineté était dès -lors plus étendue
que ne le fut jamais celle d'aucun des
ducs d'Urbin ses successeurs j mais
son pouvoir n'était fondé que sur la
violence des factions. Le pape avait
excommunié Frédéric, et l'avait dé-
claré hérétique et idolâtre ; tous les
MON
Guelfes de ses états étaient ses enne-
mis : ceux-ci ayant soulevé le peuple
d'Urbin, le 2'J avril i3'2'i, à l'occa-
sion de quelque imposition nouvelle
établie par le comte, les rebelles le
poursuivirent dans une tour où il
s'était réfugié. En vain Frédéric se
présenta la corde au cou à ses su-
jets, leur demandant miséricorde; il
fut mis en pièces avec son (ils , et
leurs corps furent jetés à la voirie:
deux autres de ses fils furent arrêtés
à Gubbio. — Speranza de Mon-
tefeltro , son cousin , s'enfuit à
Saint-Marin ; cette petite république
lui accorda sa protection. Recanati,
Fano et Osimo , à la nouvelle de
celte sédition , chassèrent aussi les
officiers de la maison de Montefel-
tro, et se rendirent au pape : toutefois,
dès le mois d'août suivant, les villes
d'Osimo, de Fermo et de Fabbriano
se déclarèrent de nouveau pour le
parti gibelin , et se rangèrent sous
l'obéissance de Speranza, seul héri-
tier de la maison de Montefeltro qui
eût conservé sa liberté. Nolfo , fils
de Frédéric, ayant été ensuite délivré
de sa captivité , fut rétabli dans la
seigneurie d'Urbin , au mois de juil-
let i r2i±, de moitié avec Speranza :
ces deux seigneurs poursuivirent les
meurtriers de Frédéric, qui s'étaient
réfugiés dans les châteaux des INIala-
testi , et ils tirèrent d'eux une ven-
geance cruelle : mais la jalousie du
pouvoirdivisa. en 1 335, les deux sei-
gneurs de [Montefeltro; et Nûjfo ,
comme représentant de Frédéric son
père, s'empara sans partage, delà
souveraineté. — Nolfo de Montefel-
tro montra bientôt qu'il n'avait point
dégénéré de ses v illl mta ancêtres. Il
soutint de Ion. eu Ro-
magne, où il avait entrepris de pro-
téger Ferrantino M ilatesti contre
Galeolto et Malatesta , seigneurs de
MON
Rimini. Cependant il s'engagea quel-
quefois aussi avec la petite armée
qu'il avait formée , au service de puis-
sances étrangères. Il commanda les
Pisans,en i3/p, dans la camp,
où ils remportèrent les plus grands
avantages sur les Florentins, au siège
deLucques.Plustardles grandes com-
pagnies formées par des aventuriers
allemands , désolèrent les comtés
d'Urbin et de Montefeltro : aussi ces
comtés se trouvèrent-ils hors d'état
de résister au cardinal Egidio Albor-
noz, lorsque celui-ci fut envoyé en
Italie par le pape, pour recouvrer le
patrimoine de l'Eglise. Albornoz
s'empara successivement d'Urbin et
de tous les lieux-forts de la maison
de Montefeltro. Cette maison, eu
1 366 , était entièrement disju ;
Nolfo était probablement mort à
cette époque, et ses fils Galas et
Branca étaient exilés loin de leurs
états. S. S— i.
MONTEFELTRO (Antoine, com-
te de ) , seigneur d'Urbin , recouvra,
en i3^5, l'héritage de Nolfo, son
aïeul , après neuf ans d'exil : profitant
de la guerre que les Florentins fai-
saient à Grégoire XI, il arriva, le
21 décembre, àUrbin, avec quatre
cents cavaliers florentins; et il fut
immédiatement installé dans la sou-
veraineté par le peuple attaché dès-
long-temps à ses ancêtres. Bientôt
après, il s'empara de Cagli , et de
toutes lei places qui formaient son
héritage. Antoine de Montefeltro,
toujours attaché au parti gibelin , eut
quelques guerres à soutenir pour cette
cause, surtout en «3<ji, avec les
Malatesti , chefs du pai
Après y avoir montré beaucoup de
valeur, il signa la p [i > ci ua
ses peuples a\ , jusqu'au
mois d'avril i i<»i , qu'il mourut. Il
avait ajoute Gubbio à
3i.
MON
(ils, Guid' Antonio de Montefeltro,
lai succéda. II suivit le métier des ar-
mes, comme avaient ("ait tous ses an-
cêtres, même au temps où l'Italie
était le plus efféminée. En 14.19, il
se mit au service du pape Martin V,
pour attaquer Braccio de Montone ,
et il enleva la ville d'Assise à ce
grand capitaine : celui-ci cependant
demeura maître du château, par où
il rentra ensuite dans la ville , et y
fit un grand massacre des soldats de
Montefeltro. Martin Y ayant , en
i43o, partagé l'héritage des Mala-
testi, accorda plusieurs châteaux du
territoire de Kiinini à Guid' Anto-
nio , en récompense de ce qu'il l'a-
vait secondé dans cette expédition.
La même année , ce seigneur passa
au service des Florentins, et les
commanda dans leur guerre contre
Lucques ; mais opposé à un capitai-
ne plus habile que lui , et obligé, par
les ordres de Florence , à livrer ba-
taille contre son propre avis , il fut
entièrement défait , le 1 décembre ,
par Piccinino. Il mourut en 1 44^-
— Batista di Montefeltro , sa
sœur , se rendit célèbre autant par
son esprit que par sa piété : son ma-
ri, Galeaz Malatesti, ayant vendu à
son gendre Sforza la souveraineté de
Pesaro , elle quitta le monde, et prit
le voile chez les claristes de Foligno,
où elle mourut en réputation de sain-
teté, le 3 juillet i44# ( Z7". Mala-
testa , XXVI , 3-25 ). — Oddo-An-
tonio de Montefeltro , fils et suc-
cesseur de Guid' Antonio, s'était dé-
jà, du vivant de son père, abandonné
à une débauche effrénée : lorsqu'il fut
souverain, il crut n'avoir plus au-
cune retenue à garder. 11 fit enlever,
dans Urbin , des femmes à leurs ma-
ris , et il punit la résistance de ceux-
ci par de cruels supplices : les habi-
tants d'Urbin ne supportèrent pas
MON
long-temps sa tyrannie* des conjures
entrèrent dans sa chambre, la nuit
du '2 2 juillet 1 444 ^ et -c massacrè-
rent avec deux des ministres de ses
débauches et de ses cruautés. Son
frère, Frédéric, fut son successeur.
Il paraît que le pape Eugène IY avait
donné à Oddo-Antonio le titre de
duc, au mois d'avril i44'2 : cepen-
dant, son frère et son successeur,
Frédéric, ne s'intitula duc d'Urbin,
en i47'5, que d'après un nouveau
diplôme, qui ne rappelait point la
concession faite à Oddo-Antonio.
S. S— 1.
MONTEFELTRO (Frédéric 11 ;,
comte et premier duc d'Urbin , re-
cueillit , en i444 • lfl succession de
son frère, Oddo-Antonio. II passait
généralement pour n'être point fils
de Guid' Antonio , mais de Bérardino
de la Corda, général célèbre, de la fa-
mille Ubaldini. Frédéric se montra
bientôt , par sa valeur, digne de ces
deux célèbres maisons; mais il re-
haussa surtout le lustre des Monte-
feltro, par la faveur qu'il accorda
aux lettres. Envoyé à Mantoue, dans
sa jeunesse, pour le mettre à l'abri
de la peste, il y avait été instruit par
Victorin de Feltre, fameux gram-
mairien; et les progrès qu'il fit dans
ses éludes, lui assignèrent un rang
parmi les princes les plus instruits
et les plus spirituels , comme il fut
un des plus magnifiques , du quin-
zième siècle. Frédéric, en ornant
Urbin de superbes édifices, excita
l'émulation des artistes , et leur don-
na occasion de déployer leurs talents :
il rassembla une bibliothèque, la plus
riche que possédât l'Italie , à cette
époque. La taille majestueuse et im-
posante de Frédéric , et la noblesse
de sa figure et de ses manières , ajou-
taient encore à l'impression qu'il
faisait par son éloquence sur tous
MON
ceux qui l'approchaient. Il se dis-
tingua de buiine heure à la guerre
comme dans les lettres ; il s'était al-
lié étroitement avec François Sfor-
za , sous lequel il avait appris le mé-
tier des armes , et dont il défendit les
e'tats en 1 44^- ï* V1^e de Fossom-
brone, qu'il avait achetée, lui fut en-
levée, le icr. septembre i447? Par
Sigismond Malalesti ; il la reprit
deux jours après ; et ce premier
combat fui l'origine d'une longue
inimitié' entre ces deux princes voi-
sins. Le comte d'Urbiu, s'étant mis à
la solde du roi Alfonse de Naplcs ,
conduisit, en 1 4^7 ? l'armée napo-
litaine contre Malatesti , auquel il en-
leva cinquante-sept de ses meilleurs
châteaux. Défait par Jacob Piccini-
no, à San-Fabiano , dans i'Abruzze,
le 27 juillet 1460, il eut le talent et
la hardiesse de protéger Rome contre
ce général victorieux : il tourna en
suite de nouveau ses armes contre
Sigismond Malatesti; lui prit, en
1 463 , Fano , Sinigaglia et Gradera,
et le réduisit à une paix honteuse.
Les Florentins , qui étaient en guerre
avec la république de Venise, con-
fèrent , en 14G7, le commandement
de leurs troupes à Frédéric de Mon-
tefeltro , pour l'opposer à Barthé-
Jemi Colleone. Le a5 juillet , Frétlé
rie livra , près de la Molinella , un
combat à ce général célèbre; mais
l'action se termina sans avant i
part ni d'autre. Eu 1469, il maria
sa fille à Robert Malatesti, qui avait
succédé à Sigismond , son père ; et ,
en 1 \"t-\ , nommé de nouveau géné-
ral des Florentins, il leur soumit
Volterra , qui s'était révoltée contre
eux. Sansovino 1 1 rapporte que, de
tout le butin fait par son armée au
(1) Origine dtllr - p,|
Venise , 1009,
MON 483
sac de cette ville , Montefeltro ne
prit pour sa part qu'une magnifique
bible hébraïque , dont il enrichit sa
bibliothèque. Frédéric, en i»7>,
maria Jeanne, la seconde de ses
filles, à Jean de La Rovère, neveu du
pape Sixte IV , et frère du cardinal
Julien , qui fut ensuite Jules II. A
cette occasion, La Rovère obtint en
fief du Saint-Siège, Sinigaglia et
Mondovi ; et le comte Frédéric fut
élevé à la dignité de duc d'Urbin.
Dès-lors , il entra dans tous les pro-
jets du pontife, et il accepta le com-
mandement de l'armée que celui-ci
envoya en Toscane, en 1478, pour
chasser de Florence Laurent de Mé-
dias. Enfin, en 1 4 8*2 , il fut choisi
pour général d'une ligue formée par
le roi de Naples , le duc de Milan et
les Florentins , afin de défendre le
duc de Ferrare contre les attaques
des Vénitiens : mais sa mort , sur-
venue le 10 septembre 1482, l'em-
pèeha de commander long - temps
l'armée des alliés. Son fils , Guid'-
Ubaldo , lui succéda. S — S — 1.
MOiNTEFELTRO(Guid'Ubaldo),
le dernier des ducs d'Urbin de la
maison de Montefeltro, fut inférieur
à son père et à ses a'ieux, quant à la
gloire militaire ; mais il l'emporta
sur eux tous par son amour pour les
lettres et les arts, sa munificence et
la douceur de son gouvernement :
aussi aucun prince d'Italie ne fut-il
plus que lui chéri de ses sujets. Les
historiens assurent qu'il était doue'
d'une merveilleuse éloquence , qu'il
lit le latin avec autant d'élégance
et de facilité que l'italien, et qu'il sa-
vait le grec comme les savants seuls
Bavent le latin: il était doue' île la
mémoire la |>lus heureuse, et il con-
naissait à fond la géographie et l'his-
toire de chaque pays el de chaque
peuple. Sa femme , Elisabeth de
486
MON
Gonzague , n'était pas moins enn-
chie des plus beaux dons de l'esprit :
aussi, pendant leur règne, la cour
d'Urbin fut-elle, en Italie , le siège
favori de l'élégance, delà littérature
et du bon goût. Les poètes les plus
célèbres , les savants , les philoso-
phes et les artistes de ce siècle , qui a
produit tant de grands hommes ,
vivaient avec le duc et la duchesse
d'Urbin dans une intime familiarité.
Quoique Guid'Ubaldo eût moins de
talent pour la guerre que pour les
lettres, il la lit aussi, non-seulement
pour lui-même, mais encore comme
condottiere au service des autres
princes. C'est ainsi qu'il fut générai
du pape Alexandre VI, dans la guerre
que celui-ci soutint contre les barons
romains; mais défait près de Soriano,
le 24 janvier 1 497 , il demeura pri-
sonnier de Barlhélemi d'Alviauo ,
tandis que le duc de Gandie , fils du
pape, auquel i! était associé, fut légè-
rement blessé. L'année suivante, Guid'
Ubaldo fut chargé de commander ,
de concert avec ce même Barthélemi
d'Alviano , l'armée que les Vénitiens
envoyaient en Toscane au secours
desPisans.CésarBorgia,fîls d'Alexan-
dre VI , ayant annoncé, en i5oa ,
qu'il voulait attaquer l'état de Came-
rino, lit demander au duc d'Urbin,
comme vassal de l'Église , de lui four-
nir de l'artillerie et des troupes. Guid'
Ubaldo les lui envoya aussitôt ; et
Borgia profita de ce que le duc s'était
ofétout moyen de défense, pour mar-
cher sur Urbin et s'en emparer. Guid'
Ubaldo n'essaya pas même de résis-
ter : il s'enfuit à Mantoue auprès de
François II de Gonzague, son beau-
frère , avec Isabelle sa femme , et
François-Marie de La Rovère , son
neveu. A la fin de la même année , les
condottieri qui avaient long-temps
.servi César Borgia, et qui se voyaient
MON
sans cesse trompés par lui, conspirè-
rent contre lui , et invitèrent Guid'
Ubaldo à rentrer dans ses états : il
y fut reçu avec transport par ses su-
jets. Mais tous les généraux de Bor-
gia , attirés, par ses tromperies , à
Sinigaglia , y furent massacrés , le
?ï décembre i5o'2. Le duc d'Urbin,
effrayé de cette catastrophe, repartit
immédiatement pour Mantoue sans
attendre d'être chassé. L'année sui-
vante, la mort du pape et la maladie
de César Borgia permirent à Guid'
Ubaldo de rentrer avec plus de sécu-
rité dans son duché : le pape Jules II,
son beau-frère, lui en confirma la pos-
session ; et Guid'Ubaldo, qui n'avait
point d'enfants , adopta François-
Marie de La Rovère, fils de sa sœur
et du frère du pape , qui fut dès-lors
désigné comme successeur au duché
d'Urbin. Cefief fut, à cette occasion,
reconnu pour féminin ; et cependant
la dernière héritière de la famille de
La Rovère ne put en porter l'héri-
tage dans la maison de Médicis. Guid'
Ubaldo mourut au mois de juille
i5o8; et son neveu, François -Ma-
rie, recueillit paisiblement la suc-
cession du duché d'Urbin et du comté
de Montefeltro , qui est demeurée
dans la maison de La Rovère , jus-
qu'à l'année i63i ( V. Rovère ). La
vie du duc Guid'Ubaldo a été écrite
en latin par Balthasar Castiglione ,
dans une Lettre à Henri VIII , pu-
bliée à Fossombrone , 1 5 1 3 , in-4°. ,
et réimprimée dans l'édition des Let-
tres de ce gentilhomme , donnée par
Serassi, en 177 1 , tome 2, p. 348.
S. vS— 1.
MONTÈGRE ( Antoine - Fran-
çois Jenin de ) , médecin français ,
naquit à Bellei, le 6 mai 1779. Pen-
dant ses études , il se délassait en
composant des vers, et il a laissé
quelques pièces de théâtre , dont ses
MON
plus intimes amis seuls ont eu con
naissance. Après être sorti du col-
lège , il porta les armes ; et au bout
de quatre ou cinq ans, il vint à Paris
étudier la médecine, et prit ses gra-
des avec distinction. Il était fort
jeune , et n'avait point encore de
clientelle : on lui offrit une place d'in-
génieur du cadastre , qu'il exerça
pendant quelque temps ; puis il se
maria, et revint à Paris, afin de s'y
consacrer à l'étude aprofondie de
l'art de guérir , qu'il pratiqua bien-
tôt avec succès. En 1810 , il devint
rédacteur de la Gazette de Santé ;
et ce journal , qui , depuis plusieurs
années, n'était qu'un dépôt de char-
latanisme, fut bientôt, sous sa plu-
me, l'un des plus intéressants de la
capitale. Montègre était un excellent
physiologiste : il en donna la preuve
dans plusieurs Mémoires lus à l'aca-
démie des sciences, et approuvés
par cette compagnie, sur la Diges-
ti n et le Vomissement, dont les
expériences avaient été faites sur lui-
même. Il lut à la même académie un
Mémoire sur les habitudes des Lom-
brics ou Fers de terre. On connaît
encore de lui des recherches sur
l'Art du Ventriloque (1). Il publia,
contre le magnétisme animal, diver-
ses brochures, dans lesquelles il s'at-
tacha, surtout, à dévoiler le charla-
tanisme ou l'ignorance de certains
magnétiseurs. Ce sujet l'avait fort
occupé; il avait, lui-même, magné-
tisé pour s'éclairer, et il magnétisait
fort bien. U ne s'offrait jamais pour
remplir ce ministère; mais lorsqu'il
en était requis, par ses amis, il s'y
prêtait de bonne grâce, et obtenait
souvent d'heureux résultats. L'au-
teur de cet article, qui s'honore d'a-
voir été son ami , a souvent été sou-
foy, 1« M<t$as. t 1 ,65.
MON
4*7
lagé lorsque ce docteur incrédule
opérait sur lui. Montègre a fourni
de nombreux articles au Dictionnaire
des Sciences médicales; et tous font
preuve d'instruction et de goût. Le
plus important est l'article Hémor-
roïdes. Il s'était proposé de le pu-
blier sous la forme de monographie;
et sa veuve a exécuté ce projet. L'ou-
vrage a paru sous ce titre : Des Hé-
morroïdes , ou Traité analytique
de toutes les affections hémorroï-
dales, in-8°. , Paris, 1819. Nous
citerons encore de lui : I. Vu Ma-
gnétisme animal et de ses parti-
sans , ou Becueil de pièces impor-
tantes sur cet objet, précédé des
Observations récemment publiées ,
181 2, in-8°. II. Expéiiences sur la
digestion dans l'homme, présentées
a la première classe de l'Institut de
France , le 8 septembre 1812 , Pa-
ris , 1814 , in-8°. III. Examen ra-
pide du gouvernement des Bourbons
en France , depuis le mois d'avril
1 8 1 4 jusqu'au mois de mars 1 8 1 5,
Paris, » 8 1 5 , in-8°. Cette brochure
fut promptement épuisée , et eut sur-
le-champ une seconde édition. Mon-
tègre fut, en 181 4 , un des fonda-
teurs de la société pour renseigne-
ment élémentaire; ily jouissait d'une
considération méritée par son zèle et
par ses talents. C'est là qu'il conçut
ce désir si noble et en même temps
si téméraire d'aller porter les lu-
mières de l'Europe chez les habitants
delà république d'Haïti. Son dessein
était aussi d'étudier dans ces con-
trées , où la fièvre jaune est endémi-
que , les véritables caractères de
cette redoutable maladie, et d'ensei-
gner aux habitants les moyens de
combattre ce fléau dévastateur. Les
représentations instantes de ses amis
ne purent l<- détourner de ce proj< 1
dangereux pour un homme
/8S
MON
titution. Il partit pendant l'été
rie 1818, et toucha au port de Jac-
rs le milieu d'août. Lepré-
1! delà république d'Haïti , qui
se trouvait dans cette ville , le reçut
avec une grande distinction : il ac-
cueillit ses projets , et le pria de se
Ire au Port-au-Prince, où lui-
même devait bientôt retourner.
Pendant la route, au passage d'une
rivière, une femme, entraînée par le
courant, allait périr ; le généreux
Moutègi'c , tuut baigné de sueur , se
précipite à l'eau et sauve cette femme.
Cet accident a suffi, dans ce climat
meurtrier , pour développer la fièvre
jaune; et, quatre jours après, le 4
septembre 1818, Montègre n'était
plus. Cent qui savent de quelle féli-
cite il jouissait à Paris, s'étonnaient
de le voir quitter la capitale où il
laissait sa femme , trois enfants ché-
ris en bas âge, et de nombreux amis.
Il fallait être dans le secret de ses
pensées pour comprendre comment
il pouvait se décider à tout quitter
et à s'exposer aussi gratuitement ;
car il avait une fortune indépen-
dante, qu'augmentaient le produit de
sa clicnteile et celui de ses travaux
littéraires. Il était recherché par les
gens du monde , et surtout par les sa-
vants et par les artistes. Son Éloge
a été écrit au Port-au-Prince, en
181 8, par M. Golombel, et publié
dans l'Abeille d'Haïti; et à Paris, par
MM. Jomard, rie Villeneuve, Ch. No-
dier , Virey , Maupas et de Jussieu.
Le président d'Haïti a fait élever un
mausolée sur sa tombe. F — r.
MONTEGUT ( Jea* - François
de ) , naquit à Toulouse , en i^âo ,
de Bernard de Montcgut , président
des trésoriers de France , et de Jeanne
de Segla. Il fit son droit à Toulouse ,
après avoir reçu sa première éduca-
tion sous les yeux d'une mère cclai-
MON
rée , qui lui enseigna, elle-même,
le latin et l'anglais, et qui crut ne
pouvoir mieux employer ses con-
naissances et ses talents aimables ,
qu'à instruire un fils chéri, trop né-
gligé par son père : elle se sépara de
i 1 pour l'envoyer , à l'âge de seize
ans, se perfectionner à Paris dans
l'étude 'des belles-lettres. Elle entre-
tint, avec lui , un commerce épisto-
laire, qu'on lit encore aujourd'hui
avec intérêt. Montégutse lia avec les
littérateurs les plus distingués de ce
temps : Marmontel , surtout , con-
serva, avec lui , des liaisons d'amitié
et d'estime , qui les honorent éga-
lement tous deux. Voltaire lui fit
don d'un exemplaire de la Henriade,
accompagné d'une lettre flatteuse.
Montégut revenu à Toulouse , et
pourvu d'une charge de conseiller
au parlement de cette ville, perdit
(le 4 juin 175*2) sa mère, âgée de qua-
rante-trois ans; dès-lors il s'empressa
de lui élever un monument durable ,
en faisant imprimer les ouvrages de
cette dame estimable. Il y joignit
quelques-uns des siens, comme il l'an-
nonce dans la préface; tels que plu-
sieurs odes d'Horace, et les Idylles
de Théocrite , traduites en vers fran-
çais , etc. Les graves et importantes
occupations de sa charge ne le dé-
tournèrent en rien de ses goûts fa-
voris, la littérature, et l'étude de
l'antiquité. Les titres littéraires de
sa mère (1) lui ouvraient l'entrée
des jeux floraux , dans un âge où il
n'eût pas dû espérer d'y être ad-
mis : il n'avait que dix-huit ans.
Il y prononça l'éloge de Clémence
,' 1 Llle avait le titre de maîtresse des jeux floraux ,
ayant été couronnée irois fois par cette académie. Ou
-trouve une grande analogie entre sou talent poétique
et celui de M»»«. Deshoulières. C'est presque tou-
jours cette tristesse tendre, cette mélancolie dou-e
et philosophique , qui attache et qui pénètre , qui ,
sans rejetir les images, se nourrit avec plus dp com-
pilante de uflexions et de sentiments. ï — D.
MON
Isaure, en vers , le 3 mai 17.55. IL
est aussi l'auteur d'une Ode sur l'a-
mour , insérée dans le Recueil de la
même académie, en 1709. Il avait
composé plusieurs pièces de théâtre ;
mais son intention n'était point que
ses ouvrages vissent jamais le jour.
Il cultiva aussi la science des mé-
dailles , et l'étude des monuments
qui pouvaient éclaircir l'histoire de
Toulouse. Il écrivit, sur ce sujet,
plusieurs Mémoires , dont il en-
richit le Recueil de l'académie des
sciences de celte viile. Lors de la
tourmente révolutionnaire , il fut
d'abord exilé avec le parlement :
bientôt après il abandonna sa patrie,
et se retira en Espagne dans la ville
de Vittoria. Là ce digne magistrat
cl) ère hait à oublier ses malheurs , au
sein des lettres ; il fut reçu de l'aca-
démie de cette ville : il y composa
des Mémoires sur les antiquités du
lieu ' heureux s'il eût continué de
jouir, dans cette retraite, d'une tran-
quillité que la France ne présentait
plus ! Conseillé par de faux amis, le
président de Montegut revint dans sa
cité natale , se livrer à la fureur des
assassins. On ne tarda pas à l'arrêter:
dans sa prison il s'occupa de traduite
les Psaumes de David. Conduit à
Paris, il tomba sous la hache révo-
lutiijnnaiïe,le'.ii avril 1 7 < ) i , accusé
d'avoir pris part aux proies!
(U'<, parlements. Son fils périt de la
mort, le mois de juin Suivant,
X ans. Z.
" MONTEIL ( Adiiemar de ). V,
A nur
MONÏELATIC1 (Ubaldo) cha-
noine de la congrégation de Latran ,
naquit a Floren . et se
ingua par I' rariété
de ses connais- mis les
sciem I les pro-
fessa pendant
Pistoie, à Fiesoli, à Brescia et à
Milan , avec tant de succès , qu'en
1747 , il fut décoré du titre à'db é
privilégié, et qu'il obtint l'abbaye
de Saint- Pierre, iii casa nuova ,
près de Laterina. Ce fut là qu'il prit
le goût de l'agriculture, et qu'il en
fit une étude particulière. Obligé ,
en 1731 , de retourner à Florence,
pour des raisons de santé, il conçut
l'idée d'y établir une académie ,
dont l'objet serait de s'occuper d'é-
conomie rurale : il parvint à réaliser
ce projet par le crédit du comte
Kmanuel de Richecourt, alors pre-
mier ministre. L'empereur Léopold
II en favorisa l'érection , lorsqu'il
devint grand-duc de Toscane. 11 fit
prendre à cette académie le nom
de Société royale économique des
Géorqophiles de Florence. L'abbé
Montelatici entreprit , en 1 768 , un
voyage en Allemagne. Son but était
d'y visiter les établissements d'agri-
culture , d'en observer les méthodes
et les diverses pratiques, d'examiner
les machines employées à la culture ,
de les faire dessiner , et enfin de pu-
blier un Dictionnaire raisonné de
cette science y qu'il avait composé
avec le docteur Saverio Manetti. Il
eut, à Vienne , l'honneur d'être pré-
senté à l'impératrice - reine, dont il
reçut un accueil plein de bienveil-
e. Elle le chargea de parcourir
les divers terrains de la Styric et de
rinthie , pour y voir des planta-
tions de mûriers, qu'on avait foi -
paï les ordres de S. M. Il s'ac-
quitta de cette commission , à la
satisfaction de l'impératrice , qui lui
fournit les moyens de continuer ses
. es, et de remplir utilement les
vues qui les lui .iv. n'eut î'n't entre-
Ire", Il ne revint a F;
i,i fin de 1764 , muni de bons
mémoires et de noie
4go MON .
et il continua ses travaux , maigre
les incommodités qui altérèrent sa
santé , et affaiblirent sa mémoire.
Une attaque d'apoplexie mit fin à
ses jours , en septembre 1770. Il a
publie': Bagionamento sopraimezzi
put necessarj pevj'ar rifiorire ïagri-
coït ara , colla relazione delV erba
orobanche ( V. Miciieli, XX VIII ,
5g3 ). On trouve un bon extrait de
cet ouvrage dans la Storia letteraria
d'Italia, vol. v, p. 207, et un éloge
de l'abbé Montelatici dans les Mé-
moires de la société royale écono-
mique de Florence , par le docteur
Saverio Manetti. L — y.
MONTELONGO (Grégoire de),
cardinal - légat en Lombardie au
treizième siècle, fut le principal ad-
versaire de l'empereur Frédéric II ,
et des Gibelins. A l'époque où le pape
Grégoire IX mettait tout en œuvre
pour renverser la puissance de Fré-
déric II , il envoya en Lombardie le
cardinal Grégoire de Montelongo ,
l'homme du sacré collège le plus ac-
tif, le plus entreprenant , et le plus
7.clé pour les libertés de l'Églisc.Mon-
telongo, arrivé à Milan en i23g,
acquit une grande influence sur les
ronseils de cette république ; et il
les détermina toujours aux partis
les plus vigoureux. Il mêla dans les
rangs de l'armée lombarde des prê-
tres et des moines , afin de commu-
niquer aux soldats l'enthousiasme
d'une guerre sacrée : il conduisit,
en 1240 , l'armée guelfe contre Fer-
rare , et réduisit Salinguerra , qui
défendait cette place , à la rendre ,
moyennant une capitulation, qu'il
n'observa point. Ce fut encore lui
qui conduisit l'armée de Milan et de
Plaisance à la délivrance de Parme ,
lorsque cette ville fut assiégée, en
1247, Par l'empereur ; et le parti
guelfe lui dut la victoire qu'il rem-
MON
porta, le 18 février 1248, sur l'ar-
mée de Frédéric II. Grégoire de
Montelongo fut élevé , par Innocent
IV, au patriarcat d'Aquilée, au mois
de janvier i(i5'2. 11 mourut peu de
temps après. 8. S — I.
MONTEMAYOR ( George de ),
poète célèbre, regardé comme l'in-
venteur du genre pastoral en Espa-
gne, était né vers i520, à Montemor,
petite ville de Portugal , au voisinage
de Goimbre , d'une famille obscure.
Il s'enrôla jeune dans un bataillon
de milice, et prit alors le nom de sa
ville natale, le seul sous lequel il soit
connu. Il n'avait reçu aucune édu-
cation ; mais son goût naturel le
portait vers les arts. Il cultiva la
musique; et la beauté de sa voix lui
fit bientôt une réputation. Informé
qu'on cherchait des musiciens en Es-
pagne, pour former la chapelle de
l'infant, depuis Philippe II , il par-
vint à s'y faire attacher, et suivit le
prince dans ses voyages en Italie, en
Allemagne et dans îes Pays-Bas. Son
nouvel emploi lui fournit l'occasion
d'acquérir la connaissance du mon-
de , et agrandit la sphère de ses idées.
Il se familiarisa promptement avec
l'idiome castillan, et l'adopta de pré-
férence au portugais. Une passion
violente, qu'il conçut pour une belle
Espagnole, développa en lui le talent
de la poésie; il célébra l'objet de son
amour, sous le nom de Marfida ,
dans des vers pleins de naturel , qui
contribuèrent beaucoup à corriger
ses contemporains de l'enflure et de
l'exagération qu'on leur reprochait
justement. De retour en Espagne
après une longue absence, il trouva
sa maîtresse mariée, et chercha une
distraction à sa douleur, en compo-
sant le fameux roman pastoral de
la Diane ,où il a exprimé, avec toute la
chaleur ettout l'intérêt delà passion,
MON
les divers sentiments dont il était agi-
té. Le succès de cet ouvrage, qu'il n'a
conduit que jusqu'au septième livre,
étendit sa renommée dans toute l'Eu-
rope. La reine de Portugal se hâta de
le rappeler à sa cour, et l'y fixa par un
emploi honorable. On peut conjec-
turer, d'un j>assage de la Diane, que
Montemayor guérit de sa passion.
Il mourut le 26 février 1 56-i , a l'â-
ge de quarante-un ans. Les biogra-
phes différent sur les circonstances
de sa mort. Les uns le font mourir
en Portugal; d'autres prétendent qu'il
péri! d'une manière tragique , en Ita-
lie. La Diane a été imprimée un
grand nombre de fois. L'édition la
plus récente est celle de Madrid,
1795, in -8°. Alonso Perez et Gil
Polo ont entrepris de continuer cet
ouvrage, qui fut traduit en latin (Ha-
nau, 162S ), en allemand ( 16/J6),
en hollandais ( 1652 ), etc. 11 l'a été
en français, par Nicole Colin, Gabr.
Chapuis, Pavillon, Abr. Rcmy, Ant.
Vitray, Lcvoyer de Marsilly, etc.
Ces traductions multipliées prouvent
assez tout le succès , toute la vogue
que la Diane obtint en France , où
elle est maintenant presque oubliée.
Certes le roman de Montemayor ne
peut point être assimilé à un ou-
vrage classique; mais, malgré ses dé-
fauts, qni appartiennent à l'enfance
de l'art , et à l'ignorance presque ab-
solue des premières règles de toute
composition littéraire, il mériti
lime des connaisseurs, par le talent
que le poète a eu d'intéresser
passion , et de faire partager au lec-
teur les sentiments dont il était ani-
me'. (In style pur, beaucoup d'es-
prit, de la douceur, du sentiment,
une poésie souvent enchanteresse, et
la naïveté touchante qui règne sur-
tout dans la Nouvelle du maure Abin-
danaès, rachètent le fond d'invrai-
MON
49 !
seinblance, les histoires de magie et
le manque d'action. On trouvera l'a-
nalyse de la Diane dans Y Histoire
de la littérat. espagnole, par M.
Bouter week, tome ier. , p. 286 et
suiv ; dans la Littérat. du midi de
V Europe, par M. Sismondi, m, 3oi-
14. , et dans la Bibliothèque des ro-
mans. Un des grands mérites de Mon-
temayor, dit Boulerwcek, c'est de
parler toujours de tendresse, sans
tomber jamais dans la monotonie: il
est inépuisable en tournures et en
images nouvelles pour varier l'ex-
pression de l'amour. La versification
de quelques morceaux n'est pas tou-
jours harmonieuse et correcte; mais,
dans d'autres, la douceur du langage
est heureusement unie à l'enchaî-
nement d'idées le plus naturel. Sa
prose a servi de modèle à tous les au-
teurs de romans du même genre. 11
s'est attaché à donner de la noblesse
à chaque terme, et de l'harmonie à
chaque phrase, sans que pour cela
son style ait rien de pénible ni de re-
cherché. Les autres ouvrages de Mon-
temayor ont été recueillis sous le ti-
tre de Cancionero , Saragoce , 1 56 1 ,
et souvent réimprimés. On trouve, à
la suite de quelques éditions de la
Diane, plusieurs Elégies, Alcide et
Sylvain, poème divisé par octaves ,
et Prrame et Thisbé , autre poème
que Montemayor n'a pas pu imiter du
cavalier Marini, comme on le dit
dans le Diction/i. universel, puisque
Marini lui est postérieur. V\ — s.
MOJSTEMERLO ( Jiun-Étien.
lillerateur et poète estimable,
était né en 1 5 1 ^> , à Tortone, d'une
famille noble. Il s'appliqua entière-
ment à l'étude, et employa vingt an-
nées à recueillir tous les mots de la
langue italienne, el k en déterminer
LCCeptlOnS , par <l( s
oies tires des bons aut
49"*-
MON
L'ouvrage qui en résulta, fut impri-
me à Venise, i566, in-fol., sous ce
litre : Délie j'rasi toscane libri xn ;
ii reparut en 1 594, dans la même
Aille, avec un litre beaucoup plus
étendu : Tesoro délia lingua los-
catia, nel quale , con autorità de'
pià approvali scritteri , copiosa-
rjienle s'insegnano le pià eleganti
manière di esprimer ogîd concelto ,
e sono conj'rontate per le pià con le
j'rasi latine. Qui ne croirait qu'il
s'agit là d'une nouvelle édition , re-
vue et augmentée ? C'est cependant
celle de 1 5GG , avec un nouveau fron-
tispice et une épître dédicatoire.
Apostolo Zeno, qui a signale le pre-
mier cette ruse du libraire , pour
débiter un ouvrage dont les exem-
plaires s'écoulaient trop lentement à
son gré, avait fait un recueil , De
j'raudibus biblio.mlarum , qu'il se
proposait de publier!, et qui n'aurait
pas été sans uliiite'( V. Apost. Zeno).
Monteinerlo mourut le 29 septembre
) 57a'. 11 a laissé , en manuscrit , un
poème : De gestis apostolorum. —
Nicolas Mojntemerlo , son fils , est
«uteur d'une histoire de la ville de
Tortone , intitulée : Baccoglimen-
t'o di nuova historia délia città di
Tortona, etc., 16 18, in-40. Elle
comprend la suite des événements ,
depuis le sac de cette ville par Frédé-
ric Barberousse , en 1 1 55 , jusqu'au
icnips où écrivait l'auteur. W — s.
MONTENAULT ou plutôt Mon-
TUENAULT. V. EgLY.
MONTERCflI ( Joseph ) , anti-
quaire et garde du cabinet des mé-
dailles du cardinal Carpegna , en a
publié un choix , sous le titre de
Sceltade medaglioni pià rari, etc. ,
Pvome , 1679, in -4°. Ce volume
contient vingt-trois médailles, dont
uue d'Antinous , et les autres de dif-
férents empereurs 7 depuis Antouin
MON
Pie jusqu'à Constantin ; il a été in-
séré presque en entier, avec les gra-
vures, dans le Giornale de' letlerati
di Borna , même année. On attribue
assez généralement les explications
à J. P. Bellori, par la raison que
l'auteur parle, dans la neuvième, de
sa description de la Colonne Anto-
nine ( V '. Bellori , IV, 1 24 ) : mais
rien ne devait l'empêcher de mettre
son nom à la tête de cet ouvrage ,
s'il en eût été le véritable auteur; et
il est probable qu'il n'y a fourni que
l'article qui a donné lieu aux conjec-
tures des bibliographes. lien a paru
une traduction latine , avec le nom
de Monterchi, Amsterdam, i685,
in- 12; elle est moins rare que l'ori-
ginal italien. Monterchi, ou Bellori ,
n'est pas le seul antiquaire qui se soit
occupé de faire connaître les raretés
du musée du cardinal Carpegna ( V.
Phil. Buo>arotti , VI, 274 ). W-s.
MOINTEREAU ( Pierre de ) ,
célèbre architecte, florissait sous le
règne de saint Louis, qui l'honora
de sa confiance ; mais ceux qui ont
prétendu qu'il suivit ce prince dans
son expédition de Syrie, l'ont con-
fondu avec Eudes de Montrcuil , fa-
meux architecte contemporain. ( V .
Eudes. ) C'est Pierre de Montereau
qui a construit la chapelle de Vin-
cennes, le réfectoire de Saint-Martin-
des - Champs , le dortoir, la salle
capitulaire et la chapelle Notre-
Dame de l'abbaye de Saint-Germain-
des-Prés; tous ces ouvrages, dans le
style gothique, étaient également
remarquables par la beauté des pro-
portions et par la délicatesse des dé-
tails : mais son chef-d'œuvre était
sans contredit la Sainte-Chapelle de
Paris , fondée par saint Louis, pour
y placer les précieuses reliques qu'il
avait rapportées de la Palestine ou
rachetées des Vénitiens : elle fut com-
MON
mcncée en i *2 j > , et achevée dans
l'espace de trois années. L'élévation
et la légèreté hardie de l'édifice, ses
voûtes n'étant soutenues d'aucun pi-
lier dans œuvre , quoiqu'il y eût
deux églises l'une sur l'autre, font
désirer que l'ons'occupe delà restau-
ration d'un des plus beaux ouvrages
gothiques, qu'on peut craindre de voir
tomber en ruines. Ce monument de
la piété d'un de nos plus grands
princes a été délabré pendant la ré-
volution, ainsi que les autres ouvra-
ges de Montereau. M. Lenoir avait
formé de débris de l'intérieur de la
Sainte-Chapelle la porte d'entrée de
la salle des monuments du quatorziè-
me siècle, au musée des Petits-Au-
gustins ( V. le Musée des monum.
franc. , tome n , p. 39, et la pi. 63 ).
Pierre de Montereau joignait à de
grands talents, une probité plus rare
encore. Il mourut en 1266, et fut
inhumé le 17 mars , dans le chœur
de la chapelle qu'il avait construite à
l'abbaye de Saint-Germain : il était
représenté sur sa tombe en pierre
de liais, tenant à la main une règle
et un compas. On trouve son épi-
taphe dans V Histoire de la Sainte-
Chapelle, par Morand, p. 3o , et
dans la description du Musée, déjà
citée, tom. Ier., p. 36. Son épouse,
■ qui se nommait Agnès, lui survécut
peu de temps, et fut placée dans le
même tombeau. W — s.
MONTESPAN (Françoise- Athe'-
k Vis de Hoche chou art de M
mari' , marquise de ), née en i(>4 1 ,
«lait la seconde fille de Gabriel «le
Rochechouart, premier duc deMor-
lemart. Cpnmie d'abord sous le nom
" i ' . de Tonn \y - Charente, elle
épousa , en [6 ; - Louis de
Pardaillan de Gondrin, marquis de
Montespan, d'une illustre famille de
Gascogne; et il obtint pour eîl
MON
i^
le crédit de Monsieur, auquel il était
attaché, une place de dame du palais
de la reine. La marquise de Montes-
pan parut à la cour avec tout ce qu'il
faut pour s'y faire remarquer el pour
plaire. A la plus surprenante beauté
( 1) elle joignait l'esprit le plus vif,
le plus fin , le mieux cultivé , cet es-
prit (2), héréditaire comme les agré-
ments du corps, dans sa famille , et
qui donna naissance à ce dicton : Ves-
prit , le langage des Mortemart.
Louis XIV, occupé tout entier de son
amour pour la duchesse de La Val-
lière , ne fit pas d'abord attention à
Mme. de Montespan : mais lorsque
celle-ci se fût liée avec la duchesse ,
le roi , la rencontrant souvent chez
sa maîtresse et chez la reine, remar-
qua sa conversation piquante , natu-
relle , enjouée ; insensiblement il se
laissa charmer par la belle marqui-
se , mordante sans méchanceté
agréable conteuse, et qui contrefai-
sait plaisamment ceux aux dépens de
qui elle voulait amuser le monarque.
Louis était d'ailleurs entouré dé cour-
tisans ennemis de Mmc. de La Val-
lière, et qui s'empressaient de faire
valoir les grâces et la beauté de Mme.
de Montespan. On doit croire que
cette dernière n'avait point alors for-
mé le projet de supplanter son amie.
Ses sentiments religieux et sa vertu
étaient connus: ils lui avaient mérité
l'estime et la confiance de la pieuse
(1) Lettres de M»"-, de Se
(a) Il 1e fàisaîl surtout remarquer \y\r un tour sin-
gulier de conversation , mêlé de plaisauterie, de uai
veté cl <lc lin ne. < >n le retrouvai! dans son i
duc de Vivonne (/'. ce nom >, el 'I ins -••s d< ni
Gabrielle,qui épouya en i65.ï |,- marquis d<
Madelèno Gahrielle , abl
I mil.
■ail br lucoup d
mi i mi 1. 1- toujotu i
. ourtisnns I
1111 m'! I
494 M0N
Marie-Thérèse ; et l'on avait retenu
d'elle ce mot sur la maîtresse actuel-
le : Si j'étais assez malheureuse pour
que pareille chose in arrivât , je me
cacherais pour le reste de ma vie.
Lorsque la marquise s'aperçut que
l'ascendant qu'elle n'avait désire d'a-
bord ( i) prendre que sur l'esprit de
Louis XIV, s'étendait insensiblement
jusqu'à son cœur, elle fit, ou du
moins on lui attribue une démarche
{'i) qui contredit le dessein qu'elle
aurait pu avoir d'inspirer à ce prin-
ce une passion coupable. Elle avertit
de l'amour du roi , son mari , lui
demandant avec instance de l'emme-
ner dans ses terres , pour laisser à
ce feu naissant et faible encore, le
temps de s'apaiser. Ceux qui passent
sous silence ce dernier fait, recon-
naissent que le marquis de Montes-
pan pouvait éloigner sa femme sans
que le roi s'y opposât , mais qu'il
espéra tirer de cette faveur des avan-
tages qui lui échappèrent et qui occa-
sionnèrent son dépit et ses éclats. Il
se porta ensuite publiquement à des
excès tellement scandaleux, à l'égard
de Mme. de Montespan , qu'il s'attira
l'ordre d'aller vivre dans ses terres ,
d'où il ne sortit plus jusqu'à sa mort.
A l'époque où il maltraitait son
épouse avec tant d'imprudence , elle
était encore vertueuse; et cette con-
duite grossière contribua sans doute
à la perdre. On s'aperçut bientôt de
la liaison devenue intime , qui exis-
tait entre elle et le roi. Elle eut un
appartement à peu de distance de
celui du prince ; et les courtisans
clair-voyants n'eurent pas de peine
à expliquer pourquoi l'un et l'autre
se dérobaient en même temps au
cercle de la reine ( 1668). La sen-
(1) Souvenirs de Mme. de Caylu».
(2) Mémoires de Saint-Simon.
MON
sible La Vallière ne fut pas la der-
nière à s'apercevoir qu'elle n'occu-
pait plus seule le cœur de Louis :
il n'y eut que la reine qui ne voulut
pas s'en douter. Mme. de Montespan
avait su la persuader de sa vertu; et
la princesse remit au roi , avec la
plus grande confiance , une lettre
qui lui découvrait l'infidélité de son
époux et le nom de la complice. Ce
fut en 1670, lorsque la cour con-
duisit jusqu'aux frontières Madame ,
chargée de négociations auprès de
son frère , Charles II , qu'éclata la
faveur de Mme. de Montespan. Elle
fit une partie du voyage dans la voi-
ture du roi et de la reine; et lors-
qu'elle montait dans la sienne , qua-
tre gardes-du-corps entouraient les
portières. L'année suivante, 1671 ,
le comte de Lauzun fut mis à Pi-
gnerol, pour avoir eu l'audace de se
cacher sous le lit de Mme. de Mon-
tespan , pendant que le roi s'y trou-
vait. Il voulait savoir si la maîtresse
ne le trahissait pas auprès de ce
prince , au lieu de le servir , comme
elle le lui avait promis. Mme. de
Montespan n'eut pas besoin d'exci-
ter Louis XIV à punir le courtisan
comme on le lui a reproché : le roi
ne pardonnait pas des actions de ce
genre; et si la punition de Lauzun
fut sévère, elle est presque justifiée
par la gravité de l'offense. Deux ans
après, les filles d'honneur de la reine
furent supprimées : on crut que cette
mesure était l'effet des craintes de
Mme. de Montespan. Quelque puis-
sants que fussent ses charmes , elle
redoutait dans son amant le goût de
la nouveauté; elle pouvait trouver
plus d'une rivale parmi des jeunes
personnes qui se succédaient rapide-
ment , et que corrompait l'air de
la cour ou que séduisaient les écla-
tants succès de la faiblesse : mais on
MOU
ne doit pas attribuer uniquement la
reforme des filles - d'honneur à la
jalousie de Mme. de Montespan. Un
événement malheureux arrive à l'une
d'elles en fut le principal motif (i ).
La passion du roi pour la marquise
était depuis long-temps satisfaite; et
plusieurs enfants étaient nés du com-
merce des deux amants. L'aîné mou-
rut à l'âge de trois ans ( 1672 ); le
second fut le duc du Maine. Louis
XIV et sa maîtresse sentaient le scan-
dale de la naissance de ces enfants ,
fruits d'un double adultère, scandale
accru encore par la présence de la
première amante délaissée du roi.
Aussi voulurent-ils que ces naissan-
ces et l'éducation des princes fussent
soigneusement cachées. Mme. Scar-
ron , connue depuis long-temps de
Mme. de Montespan, et qui lui avait
des obligations , fut chargée du se-
cret ; et dès-lors commença sa pro-
digieuse fortune ( V. Maintenon ).
Mais , avec le temps , la marquise ,
fatiguée de cette gênante pudeur ,
s'en débarrassa tout- a -fait, et ne
prit plus la peine de dérober au
public les fruits nombreux de ses
amours. Louis XIV , de son côté ,
renouvela , pour ces enfants , ce
qu'il avait fait en faveur de ceux de
Mme. de La Vallière. L'aîné , duc du
Maine , fut légitimé , en 1673, par
un acte passé devant le parlement ,
et dans lequel il n'y eut aucune men-
tion de la mère de l'enfant ( 1 ).
Les autres le furent successivement.
Plus tard ces mêmes enfants obtin-
rent de grands Liens. M11'', de Mont-
pensier n'ayant point d'héritier , le
roi et Mme. de Montespan désirèrent
faire passer sa riche on aux.
(4) V. Hf.snaci.t , 1
(a) C'était bien 1 1 u ugu h
picujitic ;/•'. LoNCLt\ OJJ .
MON
495
princes légitimés. Il fallait pour cela
gagner Mademoiselle, mécontente de
la cour, à l'occasion de son mai :
avec Lauzun ( V. Montpensier. )
Egards, prévenances, flatteries, pro-
messes, tout enfin fut mis en œuvre;
et la princesse séduite, céda au duc
du Maine une partie de son immense
patrimoine. Dans le don fait par Ma-
demoiselle étaient compris le comté
d'Eu et le duché d'Aumale, qu'elle
avait précédemment assurés à Lau-
zun. Le désistement de ce dernier
était nécessaire; et ce fut la cause
de deux voyages de Mme. de Mon-
tespan à Bourbon, en 1679 et 1680.
On y amenait Lauzun, toujours re-
tenu prisonnier; il consentit «atout
pour recouvrer sa liberté. Après que
la négociation eut été terminée, on
eut assez peu de délicatesse pour ne
pas accomplir toutes les promesses
faites à Mademoiselle. A l'époque
delà donation , Mme. de Montespan
était depuis long-temps seule en pos-
session du titre de maîtresse. Quoi-
que la duchesse de La Vallière se
fût convaincue que le roi ne tenait
plus à elle que par l'habitude et par
le lien de leurs enfants , son tendre
amour pour Louis l'avait empêchée,
pendant plusieurs années, de se re-
tirer, et d'éviter ainsi le chagrin et
l'humiliation que lui causait le triom-
phe, parfois insolent, d'une rivale.
Enfin elle quitta la cour , en avril
i(>7 î, laissant le champ libre à Aï"" ,
de Montespan, qui , n'en ayant plus
rien à craindre, lui témoigna la plus
grande afïcction. L'empire que l or-
gueilleuse maîtresse exerçait sur le
cœur du roi, la lit bientôt prétendre
à obtenir du crédit , et de l'autorité
dans les affaires. Celle à qui elle sut
cédait , avait eu 1 1
pas désirer; mail la différend
grande eni ictère cl 1
496 MON
sion des deux maîtresses. L'ambi-
tion de Mme. de Montespan fut sa-
tisfaite : elle avait tant de moyens
d'influer sur L'esprit du prince , que
les ministres et les courtisans se sou-
mirent à elle à l'envi. Louis XIV lui-
même , abuse par la vivacité et l'ap-
parente étourderie de la marquise , la
montrait aux ministres comme un
enfant; et cet enfant sut tous les se-
crets de l'état. On demanda même,
et l'on suivit plus d'une' fois ses con-
seils. Ce qui flatta beaucoup encore
Mme. de Montespan, dans son nouvel
état, ce fut la facilité qu'elle eut de
satisfaire son goût ardent pour la
magnificence. Tels furent les liens
étroits qui l'attachèrent au vice , et
qui lui préparèrent tant de peines
pour le temps où la nécessité la
força de les rompre. Pendant plu-
sieurs années, le cœur de Louis XIV
appartint tout entier à la marquise ;
les amours passagères du roi ne l'em-
pêchaient point de revenir bientôt à
sa séduisante maîtresse. Mais avec le
temps s'amortit la vivacité de cette
passion. L'âge du roi , et le calme
d'une longue possession , permirent
aux réflexions de se présenter à son
esprit; Mme. de Montespan sentit
aussi des remords. Dès l'année 1675,
commencèrent ces projets de réfor-
me cent fois abandonnés et repris
cent fois ( 1 ) , qui firent si souvent un
Supplice d'une liaison qui dura en-
core plusieurs années. Le repentir 7
les scrupules , dans l'ame de Louis
XIV, succédaient rapidement à l'a-
mour; et pour ne pas lui déplaire ,
MON
Mme. de Montespan se vit obligée de
cacher la naissance de ses deux der-
niers enfants , avec autant de soin
qu'elle en avait pris pour dérober à
la cour l'existence des premiers (1 ).
Sun humeur impérieuse, trop accou-
tumée à braver l'opinion , souffrit
de cette gêne ; elle la montra par de
vifs démêlés avec son amant , qu'elle
ne faisait ainsi que refroidir et éloi-
gner. Une autre personne entretenait
le roi dans le dessein de mener une
vie plus régulière. Mmc. Scarron ,
devenue Mme. de Mainlenon , d'abord
gouvernante des enfants de Mme. de
Montespan, puis son amie, et enfin
son heureuse rivale dans la confiance
de Louis XIV, se sentant forte d'une
réputation sans tache, empruntait la
voix de la religion et de la morale
pour ramener Louis de ses erreurs.
Les exhortations de Mme. de Main-
tenon , sévères , et cependant tou-
jours mesurées , appuyées de celles
d'autres personnes qui s'entendaient
avec l'adroite favorite, frappaient le
monarque par leur justesse; mais
habitué depuis long - temps à céder
à l'attrait du plaisir , il s'y laissait
entraîner avec Mme. de Montespan ,
pour revenir ensuite déplorer sa
fragilité auprès de Mme. de Main-
tenon. Telle fut la cause de la jalou-
sie réciproque de la maîtresse et de
la favorite. Le roi lui-même était
obligé d'intervenir dans leurs que-
relles, et de les racommoder pour
les voir de nouveau se brouiller le
lendemain. Un incident suspendit ces
altercations; et le prince, que se
(1) Cette conduite de Mme. de Montespan n'était
qu'une alternative d'amour et de dévotion. ï\lle ue
lui fut point inspirée , comme on dit , par Mmc. de
M tintenon : la marquise jalouse de conserver le cœur
du roi , suivait les variations de ce prince ; et Mme.
de Maintenou n'influa sur M'ne. de Montespan , que
par ses conseils pour le décider il renoncer n un eoiu-
werce criminel.
(i) L'aînée, depuis duchesse de- Chartres, ava;t
été le gage du raccommodement des deux amants
après la première séparation de itijS, ù l'occasion
d'un jubilé. C'est ce qui a fait dire à Mnie. de Cay-
lus , qu'il lui semblait que cette princesse avait dont
son caractère , sajigure , et toute sa personne , dei
traces de ce combat de l'amour et dit jubilé. 11 faut
voir encore dans Mme. de Caylus comment Se lit le
raccommodement.
MON
disputaient deux femmes, se donna
lout entier à une troisième {V. Fon-
tanges }. Le règne de cette dernière
fut court; elle mourut (en 1681 ):
mais cet événement ne ramena pas
Louis à ses anciennes liaisons; il fut ,
au contraire, pour lui la source de
nouvelles réflexions. M,ne. de Mon-
tespan était délivrée d'une rivale ;
mais il lui en restait une encore
plus dangereuse. La passion du roi
pour la duchesse de Fontanges avait
été moins nuisible à Mme. de Main-
tenon , qu'à Mmc. de Montespan.
La première ne voulait de Louis
(pie sa confiance; et il n'avait pu
l'accorder à une maîtresse dont Pu-
nique mérite était la beauté. Au pre-
mier tort d'avoir montré une joie
indécente de la mort de Mme. de
Fontanges, Mme. de Montespan joi-
gnit celui de se mêler dans des intri-
gues qui devaient faire perdre a Mrac.
de Maintenon l'estime du roi : elles
n'eurent pas de succès. Mme. de
Maintenon se justifia; et sa liaison
avec Louis XIV , devenant plus in-
time, celle de Mme. de Montespan se
rompit pour toujours: il n'y eut plus
entre eux que quelques apparences
d'amitié , et des égards. Il ne restait
à Mme. de Montespan qu'un parti
à prendre, celui de la retraite; elle
ne put s'y décider. Nourrissant l'es-
poir trompeurde recouvrer sa faveur
passée, elle renouvela le spectacle
qu'avait donné la malheureuse du-
chesse de La Vallière; et ce que celle-
ci avait enduré par tendresse, elle le
souffrit par ambition. C'était cepen-
dant I' mi utile de
ce que lui avait dit M""-, de La Val-
lière, lorsque plus d'une foiselleétait
allée chercher a »s con-
solations. I man-
dant vai jour si 1 ai c
fpi'on le d;
XXIX.
MON 497
répondit la carmélite , mais je suis
contente ( 1 ). Il en fut ainsi jusqu'en
1686 , que Louis XIV, choqué de
voir que Mmc. de Montespan espé-
rait encore le ramener , lui fit signi-
fier qu'il n'aurait plus de liaisons
d'aucun genre avec elle , et qu'il la
reléguerait à Paris , si elle conti-
nuait à l'importuner de ses préten-
tions. Mmc. de Maintenon fut char-
gée de cette mission ; et ce choix ne
pouvait que rendre le coup plus sen-
sible. A cette époque rien ne retenait
plus Mme. de Montespan à la cour :
la reine était morte depuis plusieurs
années ; et la charge de surinten-
dante de sa maison (2) qu'avait oc-
cupée près d'elle la marquise, n'exis-
tait plus. Elle resta encore quelque
temps ; mais rien ne soutenant ses
espérances, elle sentit enfin qu'elle
n'avait plus qu'à se retirer ( 3 ).
D'ailleurs cette résolution devenait
nécessaire; et l'on avait eu la du-
reté de la lui faire suggérer par le
duc du Maine. Mmc. de Montespan
fut quelque temps à s'habituera l'es-
pèce de vide où elle se trouvait au
sortir d'une cour brillante, sur la-
quelle elle avait régné pendant tant
d'années. Elle promena son ennui
en différents lieux, dans ses terres,
aux (aux de Bourbon et ailleurs.
Enfin la religion lui offrit un refuge,
et elle s'y jeta tout entière. Jamais
au milieu de ses désordres elle n'a-
vait cessé de remplir extérieurement
ses devoirs de piété; et comme quel-
, avril i(i;(i.
(a) Elle L'avnil nchel
m.- de déni c«ul mil!, i
quittet la i
l'affaire «1rs poisons
■ In voit . par !«■ journal
pu •- le mai i >g« d< M
de tfoDtespaii v'"' '•"' 1
CpVc • i<H|r , qa'« Ile la <|ui*lu !
id moitié (U 1
3*
4g8
MON
qucs personnes s'en étonnaient , elle
dit : Parce quon fait mal en une
chose , faut-il le faire en toutes?
Elle se retira dans la communauté
des filles de Saint- Joseph , qu'elle
avait augmentée et enrichie. Par
son premier acte de repentir, elle
montra que, si elle avait commis
des fautes graves et nombreuses, la
plus austère pe'nitence pouvait l'ai-
der à les expier. Le père La Tour,
de l'Oratoire, célèbre directeur de
ce temps , lui donna le conseil d'é-
crire au marquis de Montespan dans
les termes les plus soumis, lui of-
frant de se remettre entre ses mains,
ou de se rendre dans le lieu qu'il
voudrait lui indiquer. 11 n'y avait
que la religion qui pût porter Mme.
de Montespan à cette démarche; car
un arrêt du Châtelet de Paris avait
prononcé sa séparation d'avec son
mari, au mois de juillet 1676 ( 1 ).
L'époux , trop long-temps outragé ,
répondit qu'il ne voulait ni la rece-
voir, ni lui rien prescrire, ni jamais
entendre parler d'elle; et il mourut
sans lui avoir pardonné. Mme. de
Montespan avait toujours aimé à
soulager l'indigence : ce penchant si
louable ne fit que s'accroître ; et dans
les dernières années de sa vie , cette
femme jadis si sensuelle , que l'a-
mour du luxe avait si fort contribué
à jeter dans le désordre , ne connut
plus que les privations de tout genre.
Elle employait tous ses moments à
travailler, et à faire travailler pour
les pauvres les personnes qui l'en-
touraient, payait de nombreuses pen-
sions à des nobles sans fortune ,
dotait des orphelines , et s'imposait
pour satisfaire à tant de largesses ,
de» sacrifices continuels. Enfin Mmc.
( 1 ) Lett. de M1»», de Maiuteuoa à l'abbé Go-
beii*.
MON
de Montespan crut encore réparer ses
fautes en se soumettant à des jeunes
fréquents, à de cruelles macérations;
et ce zèle , qu'on pourrait appeler
outré, se soutint jusqu'à la fin de sa
vie. Mais les austérités de la péni-
tence ne la détournèrent point de
son goût pour les voyages; elle es-
sayait de calmer ainsi son inquiétude
naturelle, et d'éteindre rattachement
qu'elle conserva long-temps pour la
cour. « On aurait pu croire, dit Saint-
» Simon, qu'elle espérait tromper
» la mort en changeant de lieu si
» souvent. » Elle se disait toujours
malade, sans l'être véritablement;
et elle montrait constamment la
crainte la plus vive de mourir. Son
appartement restait éclairé pendant
la nuit; et l'on veillait assidûment
pour qu'elle ne se trouvât pas seule
en cas que son sommeil vîut à s'in-
terrompre. Voilà comment Mmc. de
Montespan passa ses dernières an-
nées. Appliquée continuellement à
expier ses torts passés , elle retrouva
les sentiments d'une bonne mère
pour le duc d'Antin , seul enfant
qu'elle eût eu du marquis de Montes-
pan, et pour qui elle avait témoigné
long-temps une grande indifférence.
Elle aimait beaucoup ses autres en-
fants , et chérissait surtout le comte
de Toulouse, prince doué des meil-
leures qualités , qui sut mériter l'es-
time de son père, et fut toujours
pour sa mère filsv tendre et respec-
tueux. Au commencement de l'année
1707 , Mmc. de Montespan se ren-
dit à Bourbon-l'Archambault. Quoi-
que sa santé ne parût nullement eu
danger, un pressentiment qu'elle ne
cacha pas, l'engagea cependant à
payer d'avance , et pour deux ans ,
les pensions qu'elle faisait à beaucoup
de personnes. L'événement justifia
sa généreuse prévoyance : à la Cm
MON
<!u mois de mai, elle fut attaquc'e de
la maladie qui la conduisit au tain
beau. S'étant fait saigner mal-à-pro-
pos , elle eut uu transport au cerveau,
et ne survécut que peu de jours.
Quoique âgée alors de soixante-six
ans , elle avait conservé presque
toute sa beauté. Ainsi finit cette
femme remarquable par ses charmes,
son esprit , et le rôle qu'elle joua
pendant une partie du règne le plus
brillant de la monarchie. Une maî-
tresse , dans l'ancien ordre des cho-
ses , était un personnage de la plus
haute importance; elle exerçait sou-
vent un empire absolu sur un prince
presque absolu lui-même dans son
royaume. Le caractère et jusqu'aux
capricesd'une femme méritent d'être
observés , lorsque leur influence s'é-
tend sur les destinées d'un empire.
Sous ce rapport Mme. de Montespan
est digne de fixer l'attention. Il est
permis de croire qu'elle a contribué
à développer chez Louis XIV, ce
goût des grandes choses, et de la
magnificence, dont le germe existait
dans l'arne élevée de ce prince. Mme.
de Montespan était passionnée poul-
ie luxe, qui durant sa faveur s'empara
de la cour, s'étendit partout , polit
les mœurs , en les corrompant peut-
être, imprima tant d'activité au com-
merce ? aux manufactures, et donna
uu si grand ressort au génie des
beaux-arts. Mais à coté du bien es! le
mal : c«'t amour de M""', de Montes-
pan pour le faste, partage', favorisé
par son royal amant, entraîna une
prodigalité dont on se fit si long-
temps une habit dont plus
on devait sentir les triste
sullals. Dans la d'tttte per-
sonne éminemment spirituelle, douée
du goût le plus sur . le pli:
lirai , et mèiii mees
•Rendues pour sou se.\
MON
499
dont l'éducation avait été négligée,
mais qui était né avec un tact si
pariait, connut le prix du savoir et
de l'esprit, et se confirma dans la
noble résolution de les protéger.
Mml'. de Montespan eut la gloire
de l'imiter; elle favorisa La Fontai-
ne, Molière , Quinault. C'est elle qui
donna au roi l'idée de faire écrire
son histoire par Racine et par Boi-
leau; le choix n'était pas heureux :
il prouve seulement l'estime qu'elle
avait pour le véritable talent; et si
c'était une flatterie, on conviendra
qu'elle ne venait pas d'une femme
commune, d'une maîtresse ordinaire.
M,nc. de Montespan eut une gloire
encore plus solide. On la vit souvent
donner sou appui à la vertu; lorsqu'il
fut question de nommer un gouver-
neur pour le dauphin ( 1668), la
marquise, dont la faveur naissante
était déjà si bien assurée, confirma
le monarque dans le choix qu'il
avait fait du sage Montausier. Quel-
que bien qu'on puisse lui attribuer,
elle n'en a pas moins été généra <
lement jugée avec la plus grande se"
vérité. Rien de moins étonnant :
elle ravit le cœur du roi à Mme. de
La Vallièrc, et, d'un commerce cri-
minel, le jeta dans Un autre plus
criminel encore. Ce qui cause surtout
ce d'aversion qu'elle inspire,
c'est qu'en admettant qu'elle eut une
véritable tendresse pour Louis XIV,
ce n'était plus cet amour si vif et si
téressé de la presque-vertueuse
La Vallière. Celle-ci n'aimait (pie
Louis , tandis que c'était plutôl le
roi qu'aimait M11"', de Montespan.
I i marquise a été' sacrifie'e également
par les nombreux partisans de iM,m".
de La Vallièiv, et pu- les par
: de M.iint. i
qui ne voient d induite (!<■
lernière, que l'effet de l'amour
3a„
5oo MON
le plus pur de la religion , des mœurs
et du roi; qui la regardent, ainsi
qu'elle le croyait elle-même (F.
Maintenon), comme ayant e'té sus-
citée pour arracher Louis XIV à
l'erreur , el le mettre dans la voie de
la vertu : ceux-là certes ne sont pas
portés à traiter favorablement la maî-
tresse qui s'opposa si longtemps à la
prétendue mission de sa rivale , celle
qui lui fit sentir, avec la hauteur na-
turelle de son caractère, d'abord son
empire, puis sa jalousie, enfin celle
qui lui voua la haine la plus décidée,
Remarquons cependant ici que ces
deux femmes, qui furent, pour ainsi
dire, presque toujours en guerre dé-
clarée, semblaient faites pour s'ap-
précier réciproquement, et pour s'ai-
mer: elles le sentaient elles-mêmes;
Mme. de Maintenon nous le dit, et
tout le monde connaît l'anecdote du
carrosse, dans lequel, pendant un
voyage de la cour, ces deux dames se
trouvèrent placées ensemble : « Ne
» soyons pas dupes de cette affaire-
» ci, dit la marquise, causons comme
» si nous n'avions rien à démêler;
» bien entendu que nous ne nous en
5) aimerons pas davantage, et que
i> nous reprendrons nos démêlés au
» retour ( i ). » Si l'on veut juger im-
partialement Mme. de Montes pan, on
reconnaîtra que , née pour la vertu ,
et longtemps éloignée de la galan-
terie , elle fut entraînée dans le vice
par un fatal concours de circons-
tances. Aimée du prince le plus sé-
duisant, maltraitée par son époux,
l'amour, le ressentiment, l'écartèrent
d'abord de son devoir; enfin l'ambi-
tion, suite naturelle de son caractère,
ambition soutenue par tout ce que
peut avoir de charmes la femme la
plus accomplie : voilà ce qui amena
(i) SouTcnlrs de Cajlu».
MON
par degrés le sacrifice entier de sa
vertu. Mme. de Montespan avait le
cœur bon; les larmes qui remplis-
saient ses beaux yeux, lorsqu'on par-
lait d'un infortuné, avaient donné
naissance à la passion de Louis XIV:
elle marqua sa longue faveur par de
nombreux bienfaits; et ce noble pen-
chant, survivant à sa fortune, fut
la consolation et l'espoir de ses der-
niers jours. L'inégalité de son hu-
meur , dont quelques personnes souf-
frirent autour d'elle , ne doit pas
faire douter de sa bonté. On a pu
lui reprocher avec raison une sorte
d'insensibilité pour ses enfants ; mais
si les intrigues qui remplirent sa vie
si agitée, affaiblirent en elle pour
un temps, les sentiments de la na-
ture, ils reprirent toute leur force ,
lorsqu'elle fut , pour ainsi dire, ren-
due à elle-même. Enfin, de l'aveu
même de personnes qui eurent à se
plaindre d'elle , cette femme célèbre
eut des défauts , mais aussi de gran-
des qualités. Une haute ambition,
d'abord satisfaite, et plus tard trom-
pée, altéra son caractère; mais on
put toujours retrouver en elle, dans
la faveur et surtout dans la disgrâce,
une ame grande, un cœur compa-
tissant, un esprit élevé et sensible
à la bonne gloire (i). Si Mnic. de
Montespan est généralement traitée
sans indulgence, c'est qu'on la con-
naît peu, et que, depuis plus d'un
siècle , on a toujours adopté sur
parole les jugements de ces mêmes
courtisans, qui , après en avoir fait
leur idole, en firent par intérêt l'ob-
jet de leurs détractions. Voltaire rap-
porte (a) qu'elle convint avec Mm e.
de Maintenon, lorsque leur bonne
intelligence durait encore, d'écrire,
(i) Lrttrcs dr- irLiii'lcnoii. Souvenirs de Csylvs,
(a) Siètlo de Loirs XIV, cliap. i~.
MON
chacune de son côte, des Mémoires
sur ce qui se passait à la cour. L'ou-
vrage ne fut pas continué long-temps
Vl™ . de Montespan, qui , dans
ses dernières années, se plaii
en lire des fragments à ses amis. On
a cité d'elle quelques vers, entre au-
tres une épigramme ( i) contre M'n .
de La Vallière; il est douteux qu'elle
en soit l'auteur. Outre le fils, très-
connu sous le nom de duc d'Antin,
dont M. de Montespan était le père,
sa femme eut de Louis XI Y huit
enfants : le duc du Maine {F. ce
nom); le comte de Vexin, mort en
i683; M1Ie. de Nantes, mariée au
duc de Bourbon, petit fils du grand
Coudé; Mlle. de Tours, morte en
1681; i\Ille. de Blois , mariée au duc
d'Orléans, régent; le comte de Tou-
louse; et deux autres fils morts jeu-
nes. D— is.
MONTESQUIEU ( Charles de
Secondât, baron de la Brède, et
de ) , naquit près de Bordeaux , le
18 janvier 1G89 •> ^ans *e château de
la Brède Qa), où il passa son en-
lance, et composa des ouvrages qui
lui ont acquis une gloire qui ne pé-
rira jamais. La terre de Montesquieu
était depuis long-temps dans sa fa-
mille : elle avait été achetée, en
ï56i , par son trisaïeul, Jean de
Secondât , sieur de Roques , maître-
d'hôtel de Henri II, roi de N
re. Cette terre fut érigée en bai
par Henri III , roi de Navarre ( de-
puis roi de France, sous le nom de
Henri IV ) , en faveur de Jacoh de
ndat , (ils de Jean, « pour re-
» connaitre, disait le roi, les bons,
( 1 ) Elle e»| i onnue
S<> V r
(>) <■•■■
depuis peu pur la maison d
«U LUle. (Voj.VarU
MON Soi
» fidèles et signales services qui nous
» ont été faits par lui et les siens. »
Jean -Gaston de Secondât, second
fils de Jacob, ayant épousé la fille
du premier président du parlement
de Bordeaux , acquit, dans cette com-
pagnie une charge de président à
mortier. 11 eut plusieurs enfants ,
dont un entra dans le service, s'y
distingua , et le quitta de benne heu-
re : ce fut le'père de Charles de Se
coudât, auteur de ['Esprit des lois.
Ces détails de généalogie et de famil-
le , qu'on s'épargne ordinairement
quand on écrit la vie des grands
hommes, ne pouvaient être passés
sous silence dans celle de Montes-
quieu, dont les ouvrages et la con-
duite, ont fait voir souvent qu'il
n'était pas indifférent aux prérogati-
ves de sa naissance, et aux privilèges
attachés à ses possessions seigneuria-
les. Dès son enfance, il annonça une
vivacité d'esprit qui aurait pu faire
présager ce qu'il devait être un jour.
Son père mit tous ses soins à culti-
ver les heureuses dispositions d'un
fils , objet de son espérance et de sa
tendresse. Il le destina à la magis-
trature ; et, dès sa plus tendre jeu-
nesse, Montesquieu employa l'acti-
vité de son esprit à étudier L'immen-
se recueil des différents
aotifs et à demèier les rap-
ports compliqués de tant de bus
obscures ou contradictoires; Son
goût pour l'étude était insatiabl
s'il fut la source de sa gloire, il fut
aussi celle de son bonheur. Il a avoué
qu'il n'avait jamais eu de 1 !
qu'une heure de lecture n'< Û1 di
11 se délassait, avec les livres d'his-
toire et de voya es travaux
les plus arides .sur la junsprin:
mais surtoill , il déli-
ces Les productions d<
nues de la Grèce et de Rome, 1 I
5o2
MON
» antiquité m'enchante, dit-il , et je
y> suis toujours prêt à dire avec Pli-
» ne : C'est à Athènes que vous al-
v lez; respectez les dieux. » Ce fut
en quelque sorte la reconnaissance
qu'il avait pour les anciens, qui le
porta, dès l'âge de vingt ans, à entre-
prendre son premier ouvrage : il l'a-
vait compose en forme de lettres , et
il cherchait à prouver que l'idolâtrie
de la plupart des payens ne semblait
pas mériter une damnation éternelle,
Montesquieu ne fit point paraître cet
écrit. Déjà le jugement dominait en
lui le talent, et lui apprenait que ce
qu'il produisait alors n'était pas di-
gne de se placer à cote de ce qu'il
pourrait produire un jour. Il fut reçu
conseiller au parlement de Bordeaux,
le 24 février 1714* Un oncle pater-
nel , président a mortier dans ce par-
lement, ayant perdu un fils unique,
et voulant conserver dans son corps
l'esprit de dignité qu'il avait tâché
d'y répandre, laissa ses biens et sa
charge à Montesquieu, qui fut nom me
président à Mortier, le i3 juillet
17 16. Quelques années après, en
11722 , il fut chargé de présenter des
remontrances que le parlement de
Bordeaux crut devoir faire relative-
ment à un impôt sur les vins : il ex-
posa avec force !a misère du peuple,
et obtint la justice qu'il demandait;
anais cette concession fut de courte
durée , et l'impôt supprimé reparut
sous une autre forme. Il n'était pas
moins zélé pour la gloire de ses
compatriotes que pour leurs intérêts.
Une société d'hommes unis par leur
goût pour la musique et les ouvra-
ges de pur agrément, fonda une aca-
démie à Bordeaux, en 1716. Mon-
tesquieu, qu'elle ad mit dans son sein,
entreprit de faire de cette coterie
de beaux-esprits une société savante.
|i6 çluc de La Force y protecteur
MON
de cette académie, le seconda dans
ses vues. On jugea , dit d'Àlem-
bert , qu'une expérience bien faite
serait préférable à un discours faible
ou ta un mauvais poème, et Bordeaux
eut une académie des sciences. Mon-
tesquieu paya son tribut, comme
membre de cette nouvelle compa-
gnie, en y lisant quelques écrits sur
l'histoire naturelle. Il avait un goût
particulier pour ce genre d'étude;
mais sa constitution physique lui
refusait les moyens d'observation
qui en sont la base. Non-seulement sa
vue était courte , mais il l'avait fai-
ble; et cette infirmité augmenta tel-
lement en lui avec les années
que
vers la fin de sa vie , il devint pres-
que aveugle. Remarquons aussi qu'à
l'époque où Montesquieu s'appliqua
à l'histoire naturelle , les princi-
pes fondamentaux de cette science
n'étaient pas encore posés. Il y fit
peu de progrès, et peut-être eût-il
mieux valu qu'il n'eût pas tenté de
la connaître ; car il en a fait une fois
dans son immortel ouvrage une ap-
plication fausse et presque puérile.
Cependant son génie lui faisait pres-
sentir les rapports de cette science
avec la richesse des nations , les ré-
volutions des empires, les besoins et
les jouissances de l'homme en socié-
té. 11 aurait voulu remplir une lacune
dans les connaissances humaines ,
dont il appréciait toute l'étendue.
C'est ce que prouve le projet d'une
Histoire physique de la terre an-
cienne et moderne , qu'il fit impri-
mer en 17 19, et qu'il répandit par
la voie des journaux, en invitant tous
les savants de l'Europe à lui com-
muniquer leurs mémoires et leurs
observations sur ce sujet: mais bien-
tôt il sentit que si l'esprit de l'hom-
me ne connaît ni obstacles ni limites ,
sa vie est bornée à un petit nombre
MON
d'années , et qu'il est contraint de se
renfermer dans le cercle que le
temps trace autour de lui. Montes-
quieu, abandonnant ses recherches
en histoire naturelle, s'adonna donc
exclusivement aux sciences morales
et historiques, vers lesquelles {'en-
traînaient la pente de son génie, ses
premières études, et ses fonctions
comme magistrat. Il lut successi-
vement , à son académie de Bor-
deaux, une dissertation sur la Po-
/ t (/ ic des Romains dans la reli-
gion, prélude de l'ouvrage qu'il de-
vait publier un jour sur le peuple le
plus étonnant de l'histoire; un Elo-
ge du duc de La Force , et une Vie
du maréchal de Berwick : ce der-
nier morceau rappelle la manière de
Tacite; mais nous dirons à la fin de
cet article tout ce qui lui manque pour
pouvoir être comparé à un chef-
d'œuvre du même genre de ce grand
historien. Ces divers essais de Mon-
tesquieu , historiques , moraux ou
scientifiques , n'annonçaient nulle-
ment l'ouvrage par lequel, à l'âge de
trente-deux ans, il signala sou entrée
(tans la carrière littéraire , les Lettres
persanes; elles parurent en 1321,
Il est bien certain que le cadre ou
l'idée première de ce livre est em-
prunté du Siamois des Amusements
sérieux et comiques de Dufresny;
mais dans les ouvrages d'esprit, l'i-
dée première est peu de chose en
comparaison de l'exécution. Pour
expliquer le prodigieux succès qu'eu-
rent les Lettres persanes, et l'in-
e qu'elles exercèrent, il ne suf-
fit pas de remarquer qu'on y trouvait,
• ; me plus appropriée à
lecteurs, les divers genres
de talent que l'auteur a de'veloppe's
•> plus utiles et plus
\ ; W faut rappeler à
quelle époque ce livre parut. Dca
MON
5o3
guerres désastreuses , des persécu-
tions cruelles , des hivers rigou-
reux, la famine, et la misère des
peuples qui est la suite de tous ces
fléaux, avaient attristé la fïndu règne
de Louis XIV. Durant les brillantes
années de ce règne , le peuple fran-
çais , soumis et reconnaissant envers
un roi qui l'avait élevé au premier
rang parmi les nations, enivré de
ses succès et de sa gloire, était resté
comme en contemplation devant sa
propre grandeur. Lorsqu'cnsuitc les
malheurs publics eurent excité les
mécontentements; l'habitude de l'o-
béissance , et la crainte qu'inspirait
un monarque dont l'âge ni les re-
vers ne faisaient point fléchir la vo-
lonté, maintinrent tout, autour de
lui , dans un respectueux silence :
mais quand il fut descendu dans la
tombe , la nation sembla se dédom-
mager de la contrainte qu'on avait
exercée sur elle, et ne fut que trop
puissamment secondée par le régent
qui avait pris les rênes du gouverne-
ment : le libertinagesuccéda à la dévo-
tion, Pefirdnterie à l'hypocrisie, la
familiarité au respect, l'audace à la
soumission. La liberté de tout dire
et de tout écrire avec impunité, por-
tait à examiner ou à combattre tout
ce qui avait été consenti sans oppo-
sition ou approuvé avec enthou-
siasme. C'est au milieu de cette ef-
fervescence des esprits que parut le
livre des Lettres Persanes : il avait
par sa forme tout l'attrait d'un
roman; ou y trouvait des détails
voluptueux, et des sarcasmes irré-
1 s , qui flattaient le goût du m' -
de pour les plaisirs, et son pen-
chant à l'incrédulité'; <>n y lisait dea
< uts pleins de hauteur 1
,,i sur Louis XIV, •
règne qu'on cherchait dès-l^
déprécier : mais <m ne pouvait me-
5o4
MON
connaître non plus clans ce livre un
ardent amour pour le bonheur de
l'humanité; un zèle courageux pour
le triomphe de la raison et de la
vertu ; des aperçus lumineux sur
le commerce , le droit public , les
lois criminelles, et sur les plus chers
intérêts des nations ; un coup-d'œil
pénétrant sur les vices das sociétés et
sur ceux des gouvernements : il an-
nonçait enfin un penseur profond ,
qui surprenait d'autant plus , que
loin de se complaire dans sa force,
il ne semblait occupe qu'à la déguiser
sans cesse , en se couvrant du mas-
que de la frivolité. Ce qui surtout
dans ce livre se trouvait à la portée
de tout le monde , et enlevait tous
les suffrages, c'était celte satire, si
animée , si fine , si gaie, si spirituelle,
de nos mœurs et de nos travers ;
c'était ce style toujours vif, brillant ,
plein d'heureuses réticences, de con-
trastes inattendus , et dont la pi-
quante ironie s'élevait quelquefois
jusqu'à la plus énergique éloquence.
Le voile de l'anonyme, dont l'au-
teur de cette production sut pendant
quelque temps se couvrir , contri-
bua encore à irriter la curiosité pu-
blique. Quand on sut que c'était l'un
des présidents d'une des principa-
les cours souveraines du royaume ,
l'opposition qui existait entre cet
écrit et la profession grave de l'é-
crivain , dans ce siècle avide de scan-
dale, contribua encore à son succès :
il fut prodigieux ; et Montesquieu
lui-même se vante malignement qu'à
cette les libraires allaient
tirer paria manche tous ceux qu'ils
rencontraient en leur disant : « Mou-
» sic, tous des Leltiesper-
» sanes; r, i i rien n'avait été
plus facile que de faire des Lettres
persanes. Il est curieux et peut-être
utile de remarquer que l'auteur de ces
MON
lettres a cependant manqué du talent
épistolaire proprement dit : il ne faut
pas croire qu'il le dédaignât ; dans
une de ses lettres au président Hé-
nault, il témoigne au contraire le re-
gret de ne pas le posséder. Le recueil
des Lettres de Montesquieu, que l'ab-
bé de Guasco publia eu 17^7 , n'en
offre aucune qui soit remarquable :
presque toutes sont fort courtes;
la plupart ne sont que de simples
billets. Elles n'intéressent que par-
ce qu'on y trouve quelques détails
qui nous font davantage connaître
l'homme illustre qui les a écrites.
On peut donner plusieurs raisons de
cette singularité : d'abord la forte
préoccupation, sous l'influence de la •
quelle Montesquieu était presque tou-
jours pour la composition de ses ou-
vrages; son extrême vivacité , qui ne
lui permettait pas de s'étendre dans
une lettre au-delà de ce qui était
nécessaire; la faiblesse de sa vue, qui
le condamnait à écrire peu de mots
à-la-fois, ou à se servir d'une main
étrangère; enfin son peu de faci-
lité dans la rédaction, que démontre
l'aspect de ses manuscrits chargés
de ratures : toutes ces causes réunies
le rendaient peu propre à un genre
qui exige surtout de la facilité, de
l'abandon et de la souplesse , le ta-
lent d'improviser ses pensées et l'ha-
bitude de s'abandonner aux inspira-
tions du moment. Quatre ans après
avoir publié les Lettres persanes ,
Montesquieu fit, en i7')f>, imprimer
séparément le Temple de Gnide ( 1 ),
bagatelle ingénieuse, mais froide et
sans intérêt, où l'esprit est prodigué,
la grâce étudiée, et que Mme. du Déf-
iant avait surnommé 1' 'Apocalypse
(1) Ln première édition dq Temple de Gn
in-i* 1 <!<■ 6a pag.* chea Si mari , libraire ; l'a]
tioti est <Jo|. e du 29 janvier 172") : la petit* pîtee de
C'éf>lii>c et L'Amour se douve à la fuite.
MON
de la galanterie. Au reste nous
voyons, par une lettre écrite à Mon-
crif, en 17 38, que Montesquieu,
long -temps après la publication du
Temple de Guide, ne voulait point
consentir à avouer cette légère pro-
duction , qu'il composa pour l'amu-
sement de la société de MIIc. de Cier-
mont. 11 dit, dans celte lettre, que
le libraire- éditeur le désobligerait
beaucoup s'il allait mettre quelque
chose dans sou ment, qui ,
directement ou indirectement, pût
faire penser qu'il en fût l'auteur.
u Je suis, ajoutait-il t à l'égard des
» ouvrages qu'on m'attribue, comme
» Mme. Fontaine -Martel était pour
» les ridicules ; on me les donne ,
» mais je ne les prends pas. » Ce-
pendant, même dans ce médiocre
ouvrage , on remarque quelques
traits qui décèlent Montesquieu ;
et , à ce sujet, Laharpe le compare a
un aigle qui voltige dans des bocages,
et resserre avec peine un vol fait
pour les hauteurs des montagnes et
l'immensité des cieux. Cette même
année, Montesquieu, à l'ouverture du
parlement de Bordeaux, prono::
discours sur les devoirs des magis-
trats, des avocats, des procureurs, et
de tous ceux qui suivent la carrière
du barreau. Ce discours, qui a été
trop peu remai écrit d'un
style abondant , pîefi m , et
s'éloigne de la manière
de Montesquieu ; il est d
d'éloquence qui s'adresse encore plus
à Pâme qu'à la raison. Cependant
celui qui n bien les d
du magistrat, et,cn semblait si pé-
nétré, se retira presque aussitôt,
et peut-être p is-m mê-
me , de ! m tes-
quieu vend
i sÎT d'acqu < t de
se livrer entièrement k li philoso»
MON 5o5
pbie et aux lettre», fut sans
un de ses motifs ; mais i.t principale
cause de celte détermination bit
qu'il se trouvait et qu'il était
rieur à ce qu'il devait être dans son
emploi. Cette continuelle présence
d'esprit , ce jugement prompt et fa-
cile, cette patience attentive qui suit
dans tous ses détails les détours de
l'intérêt privé- cette facilité d'éiocu-
tion qui fait ressortir aux yeux des
autres la vérité et la justice, qu'on n'a
qu'un instant pour discerner, qu'un
instant pour faire triompher ; toutes
ces qualités, indispensables dans un
juge, manquaient entièrement à Mon-
tesquieu. Pour s'en convaincre , il
suffit de ses propres aveux : il nous
dit que tout son mérite, dans son
tier de président, se réduisait à avoir
le cœur droit, et à entendre assez bien
les questions en elles-mêmes; mais
qu'il n'avait jamais rien compris à la
procédure , quoiqu'il s'y fut appli-
qué. Son accent gascon, dont il pa-
raît avoir dédaigné de se corriger ,
sa voix claire et même un peu criar-
de, auraient nui aux meilleurs dis-
cours, s'il avait pu en prononcer
sans préparation; mais il ne le pou-
vait pas. « Ma machine , dit-il , est
» tellement coi, | le j'ai be-
» soin de me recueillir dans toutes
» les matières un peu abstj
> cela me; onfondent;
s écouté, il
» me semble que toute la (pu
...nouit devant moi. Plus
» traci eillent à-la-fois; c! i!
ulte de là q
lité , dit il eu-
» eore, a été le fléau de tout*
» Mi-; elle semblait ol
•>■> mes
» tre un nu
» ranger m
telles dispo t aspirer,
5oG MON
du fond de sa retraite, à remuer le
monde eu composant des livres ;
s iî faut renoncera ces fonctions
publiques qui exigent qu'on exerce
par la parole une influence journa-
lière sur les hommes. Montesquieu ,
libre désormais de s'adonner tout
entier à la philosophie et aux lettres,
se présenta comme candidat pour la
place vacante à l'académie française
par la mort de M. de Sacy ; mais le
cardinal de Fleury écrivit à l'acadé-
mie, que le roi avait déclaré qu'il
ne donnerait point son approbation
à la nomination de l'auteur d'un ou-
vrage dans lequel se trouvaient des
sarcasmes impies. « Alors, dit Vol-
» taire, Montesquieu prit un tour
» fort adroit pour mettre le ministre
» dans ses intérêts : il fit faire en
» peu de jours une nouvelle édition
» de son livre dans lequel on rctran-
» cha ou on adoucit tout ce qui pou-
:> vait être condamné par un cardi-
» nal ou par un ministre. M. de
» Montesquieu porta lui-même l'ou-
» vrage an cardinal, qui ne lisait
» guère, et qui en lut une partie : cet
» air de confiance , soutenu par l'em-
» pressentent de quelques personnes
» en crédit , ramena le cardinal, et
» Montesquieu entra à l'académie. »
Cette anecdote, insérée dans un ou-
vrage sérieux, le Siècle de Louis
XIV, et attestée par le plus célèbre
des contemporains de Montesquieu,
à une époque où la plupart des amis
de cet homme illustre vivaient en-
core, et qu'aucun d'eux n'a contre-
dite^ été rejetée parles biographes
modernes , comme tout-à-fait invrai-
semblable. Ils assurent au contraire,
que Montesquieu n'usa point d'un
détour, selon eux, peu digne de lui;
qu'il ne voulut rien désavouer dans
ses Lettres persanes, et qu'il fut
'hic de son admission aux iiis-
MON
tances du maréchal d'Eslrées , son
ami. Ceci n'est point exact. Montes-
quieu tenait au moins autant à la
considération due à sa naissance , a
son rang dans le monde, qu'à sa re-
nommée littéraire; il fut à -la-fois
consterné et offensé du refus du roi
et de son ministre, et surtout des
motifs de ce refus , qui était une sorte
de réprobation de l'autorité royale ,
relativement à lui et sa famille. « Il
•» déclara au gouvernement, ditd'A-
» lembert, qu'après l'espèced'oulra-
» ge qu'on allait lui faire, il irait cher-
» cher chez les étrangers, qui lui ten-
» daicntlcsbras, la sûreté, le repos, et
» peut-être les récompenses qu'il au-
« rait du espérer dans son pays. »
Mais en ressentant d'une manière no-
ble et ferme l'affront dont il était me-
nacé, Montesquieu n'en reconnaissait
pas moins ses torts; et il est certain
qu'il désavoua d'une manière quel-
conque les lettres de son ouvrage qui
fournissaient un motif légitime pour
l'écarter d'une compagnie, dont, par
son institution, le roi était protec-
teur. Montesquieu ne fit rien en cela,
quoi qu'on en ait dit, qui fût indigne
de la franchise de son caractère. Ja-
mais il ne s'était formellement dé-
claré l'auteur des Lettres persanes.
Quand il fut pressé de les désavouer,
il put, en se refusant à cette démar-
che , désavouer cependant celles de
ces lettres qui n'étaient plus confor-
mes à ce qu'il aurait pensé et écrit,
lorsqu'on l'interpella sur ce sujet. La
preuve que tel était son sentiment, se
trouve dans les ouvrages qu'il a pu-
bliés depuis , qui contiennent des élo-
ges sincères de la religion chrétienne,
et dans les démarches qu'il fit au-
près des libraires qui réimprimaient
ses Lettres persanes, pour qu'ils en
fissent disparaître ce qu'il appelait
ses Jweniiia, D'A lembert, daus
\
MON
loge de Montesquieu, qu'il a mis en
tête d'un des volumes de l'Encyclo-
pédie, dit formellement que, dans la
première édition des Lettres persa-
nes , L'imprimeur étranger en avait
inséré qui n'étaient pas de l'auteur ;
cependant d'Alembert n'ignorait pas
que ce fait était inexact, et que
cette première édition était bien réel-
lement conforme au manuscrit au-
tographe. Si donc d'Alembert im-
primait cela, même après la mort
de Montesquieu, c'est que, dans l'in-
térêt de la mémoire de cet homme
illustre, dans celui de sa famille, dans
celui de l'académie qui l'avait reçu,
dans l'intérêt même du parti philo-
sophique, dont d'Alembert était un
des organes, et qui avait quelque
ménagement à garder _, on trouvait
nécessaire de considérer celles des
Lettres persanes qui avaient été dés-
avouées par Montesquieu, comme
n'ayant pas même été écrites par lui.
Le rapprochement de ces diverses
circonstances démontre qu'il y a au
moins un fonds de vérité dans ce qu'a
dit Voltaire , auteur mieux instruit
sur l'histoire de son temps qu'on ne
le pense communément, et que, sur
sa réputation de légèreté, on se croit
à tort autorisé à contredire lé
ment. Montesquieu prononça, le 24
janvier 1728, son discours de ré-
ception à l'académie fiançai
celte époque, l'éloge du cardinal de
Richelieu était, dans ces sortes de
discours, une obligation à laquelle
on ne pouvait se soustraire. Montes-
quieu a rempli celte obligation par
une seule phrase nui n'a que huit li-
gnes- et ces huit lignes sont l'éloge
le plus complet quel' on ;iii fait 1
i ministre, et le seul qu'on .ni
' nsuite
ll.s |('S
pays de l'Europe. .Sa réputation le
MON 5o7
fit partout accueillir avec empresse-
ment. 11 alla d'abord à Vienne, où il
vit souvent le prince Eugène: de là
il passa en Hongrie, et ensuite en Ita-
lie; il connut à Venise l'écossais Law,
qui, du sein des grandeurs, de la cé-
lébrité et des richesses , était tombé
dans l'obscurité, l'oubli et la pauvre-
té' , et qui cependant s'occupait tou-
jours à combiner son fameux systè-
me : il y entretint aussi le comte de
Bonneval, qui n'avait encore par-
couru qu'une partie du cercle de ses
aventures romanesques. De Venise,
Montesquieu se rendit à Rome, où
il contracta des liaisons avec le car-
dinal Corsini, depuis pape, sous le
nom de Clément XII , et avec le car-
dinal de Polignac, auteur de Y Anti-
Lucrèce. On prétend que Montes-
quieu, avant de partir de Rome, alla
faire ses adieux au pape Benoît
XIV, et que celui-ci lui fil alors ca-
deau de bulles de dispense; mais
que, lorsqu'on présenta à Montes-
quieu la note des frais d'expédition
de ces bulles , il refusa d'en payer
le montant, disant qu'il aimait mieux
s'en rapporter à la parole du saint-
père. De Rome , Montesquieu se ren-
dit à Gènes; et comme il ne trou-
va pas dans cette ville l'accueil et
les plaisirs qu'il avait partout ren-
contrés, il exhala son humeur dans
des stances cyniques, qu'il n'avait
pas destinées à l'impression. Quoi-
qu'il eût le travers , ainsi que plu-
sieurs prpsateur5 du dernier siècle,
«le faire peu de cas de la poésie, il
a cependant compose' en vers quel-
ques bagatelles ingénieuses, où Ton
rque «le l'esprit el de
: : une des meilleures est le pol-
irait «le Wme. !
pourainu-
ser le 1 < i de Pologne. Montesquieu
paraît UC ilic aveu
5o8
MON
assez de facilite. On rapporte que se
promena ni un jour dans le jardin
de Boileau à Auteuil,dont le médecin
Gendron, son ami, était devenu pro-
priétaire, il improvisa ces deux vers:
Apollo.i , dan* ces lieux , prît ù nous «econrir)
Quitté l'art do rimer pour celui de guérir.
De l'Italie, Montesquieu alla en Suis-
se; il parcourut les pays arrosés par
3e Rhin , et s'arrêta quelque temps
en Hollande. À la Haye, il retrouva
mi lord Chesterfield , avec lequel il
s'était lie', à Venise, d'une amitié
toute particulière. Celui-ci lui pro-
posa une place dans son yacht ,
pour passer en Angleterre ; il ac-
cepta, et s'embarqua le 3i octobre
1759. Montesquieu résida deux ans
en Angleterre, et fut recherché avec
empressement par tout ce qu'il y
avait de plus distingué dans ce pays.
La société royale de Londres i 'ad-
mit au nombre de ses membres; la
reine d'Angleterre l'honora d'une
bienveillance particulière : il lui adres-
sa un jour une louange aussi fine que
délicate , et faite pour flatter son
amour -propre et comme femme et
comme reine. Voici comment il alui-
meme raconté celte anecdote. « Je
» dînais chez le duc de Pvichmond ;
» le gentilhomme ordinaire De La
» Boinc , qui était un fat , quoique
» envoyé de France en Angleterre ,
» soutint que l'Angleterre n'était pas
» p'us grande que la Guienne : je
» tançai mon envoyé. Le soir la reine
» me dit : Je sais que vous nous avez
» défendus contre votre Monsieur
i) de La Boine. — Madame, je n'ai
» pu m'imaginer qu'un pays où vous
» régnez ne fût pas un grand pays. »
Montesquieu était trop distrait en
société pour v briller beaucoup; il
avait rarement de ces réparties heu-
reuses du genre de celle que nous
MOxN
venons de rapporter : on en raconte
cependant encore une autre fort gaie
quoique impolie, que lui arracha un
moment d'impatience qu'il eut con-
tre quelqu'un qui s'efforçait de lui
persuader une chosedillicilcà croire.
« iSi ce n'est pas vrai , lui disait avec
» force cet importun , je vous donne
» ma tête. — Je l'accepte, répondit
» aussitôt Montesquieu ; les petits
» présents entretiennent l'amitié. »
Montesquieu, était dans le commerce
habituel, d'une gaîté douce , et d'une
vivacité toujours égale, simple et
sans prétentions. « J'aime, disait-il,
» les maisons où je puis me tirer
» d'affaire avec mon esprit de tous
» les jours. » Cependant il lui échap-
pait quelquefois des saillies de ré-
flexion qui décelaient la profondeur
de son esprit; et quand il était ani-
mé, il racontait avec brièveté, mais
avec feu, et même avec grâce. Ses
voyages luiavaientappris à se ployer
à tous les goûts , à s'accommoder de
tous les caractères. « Quand je
» suis en France, dit-il, je fais amitié'
» à tout le monde; en Angleterre, je
» n'en fais à personne; en Italie, je
» fais des compliments à tout le
» monde ; en Allemagne, je bois
» avec tout le monde. » De retour
dans sa patrie, Montesquieu se re-
tira dans son château de la Brède.
Il avait, soit avant, soit pendant
ses voyages , fait imprimer en Hol-
lande un opuscule intitulé : B.é-
jlexions sur la Monarchie univer-
selle en Europe , dont il nous a été
remis un exemplaire : cet opuscule
a été inconnu jusqu'ici à tous ceux
qui ont eu occasion de parler de Mon-
tesquieu ou de ses ouvrages. Lui-mê-
me néanmoins en fait mention dans
un passage de Y Esprit des lois (1).
(1) Dans une note du liv. XXI , ciiap. XXII , ton*.
», p. 2'74> édit. <leL«<iuieu; «*Ue note est mus»
MON
Il paraît, d'après une note de sa
main, qui se trouve eu lèle du seul
exemplaire de cet opuscule que nous
ayons vu , que Montesquieu craignit
que quelques passages de cette bro-
chure ne fussent mal interprètes ,
qu'il la corrigea dans le dessein de
la faire imprimer ainsi , et qu'ensuite
il ne jugea pas à propos de la livrer
au public. Cet écrit tendait à prou-
ver que dans l'état des nations mo-
dernes de l'Europe, il était impos-
sible, même au plus habile et au
plus ambitieux des souverains , de
fonder une monarchie universelle.
Dans le même temps que Montes-
quieu recherchait les obstacles qui
s'opposaient, dans l'Europe moder-
ne , à ce qu'un peuple pût établir sa
domination sur tous les autres , il
examinait, par la liaison nécessaire
de ces mêmes idées , quelles étaient
les causes de la prospérité et de la
chute du peuple célèbre qui soumit
à son orgueilleuse domination tous
les états du monde civilisé et qui
fit de la Méditerranée un lac de son
vaste empire. Après deux ans de
séjour dans sa retraite de la Brède,
Montesquieu publia , en 1734, ses
< Ceci -i para , il v n M , dans
» un petit ouvrage manuscrit il«- l'auteur , qui n iti
guliere, et aemb : n-.ait fait tirer
quelques txemp ;iires de
îles ain s. L'Esprit detloii parut en
mots t il r « plus <lti vingt ans , -oui i
1 .a un moins de 17*7, at pourrait être plut
ancien. 1 l'exemplair i qi 13 ■•nt ,
n uni appaii Laine, minuta . • 1 membre
■ ontii ut beaucoup Ac.
le la tufiiu même d Montet-
. • te iin-
» primé sur uni le Pais réimpri-
» mer fi ,,11 j'»i
. Ile, il .1 mis > n-
core : ■■
>. qu'on en inipi
» plain ii '
» mal qnelqu , m, ni au
bas .les tOUt iiwli
ri. lieu , ni UOU1 d illip ■ ', ', lia»,
anii , et ie 1 " ■ 1 bée*.
MON 5o$
Considérations sur les causes de
la grandeur et de la décadence des
Romains , ouvrage remarquable ,
qui n'est pas le plus étonnant, mais
qui est le plus parfait de tous ceux
qui sont sortis de sa plume, et dans
lequel son génie eut à lutter contre
plusieurs hommes supérieurs, chez
les anciens et chez les modernes ,
qui avaient traité le même sujet,
principalement Polybe , Machiavel ,
Saint-Evrêmondet Bossuet. MaisPo-
lybe, savant géographe, habile guer-
rier , négociateur adroit , penseur
profond , est un historien prolixe et
un écrivain médiocre. Machiavel
avait choisi quelques faits de l'his-
toire romaine , plutôt comme motifs
que comme sujet principal de ses ré-
flexions sur la politique. Saint-Évrc-
mond , plein d'aperçus ingénieux ,
mais léger d'instruction , ne con-
naissant que médiocrement les faits,
n'a pu les juger et les analyser que
d'une manière incomplète. Bossuet t
qui ne devait considérer l'histoire
des Romains que comme une por-
tion de celle du Monde, en a saisi
les principaux traits. Montesquieu
est le seul qui ait embrassé ce grand
sujet dans tous ses détails , le seul
qui ait comparé tous les faits avec
une laborieuse sagacité. 11 n'en ou-
blie aucun qui puisse donner matière
à une pensée, et offrir un résultat;
et cependant il a su tout resserrer
dans un seul volume d'une grosseur
. civ. Le Dialogue de Sj lia 1 1
d' II. .craie, qui se trouve a la suiîo
i ! Ouvrage , et I n i'iil en qurl-
Orte partit" , est un des mor-
ceaux, où .'Mon;
plus d'éloquence. Cette éloquence, dit
un de ses panégyrisl
pour ainsi dire, dans les .mus. I.i ter-
reur qu'éprouvèrent I ins de-
leur impitoyaj . ir. I u
5io MON
autre morceau du même genre, plus
court encore , mais non moins re-
marquable, est celui de Lysimaque:
Montesquieu, dans cet e'erit, a peint,
d'une manière sublime , cette philo-
sophie desStoïcicns, qui élevait l'hom-
me au-dessus des faiblesses de sa na-
ture , et qui lui faisait braver a vec j oie,
et même avec orgueil , les cruautés
des tyrans et les injustices du sort. Ce
morceau fut envoyé, en 17^1 , au
roi Stanislas, qui avait écrit à Mon-
tesquieu une lettre flatteuse au sujet
• le sa nomination à l'académie de
Nanci. Les Considérations sur la
grandeur et la décadence des Ro-
mains ne faisaient connaître qu'un
seul peuple ; et Montesquieu s'était ,
depuis long- temps, attaché à les
étudier tous , à découvrir les causes
des révolutions qui avaient successi-
vement changé la face du monde,
et à rechercher l'explication des lois
et des coutumes qui avaient contri-
bué à la prospérité des nations , ou
causé leur décadence. Le succès du
traité sur le peuple romain, qui n'é-
tait , en quelque sorte , qu'une por-
tion détachée du vaste plan qu'il
avait conçu , ne fit qu'accroître son
ardeur pour l'exécution d'une si
haute entreprise. Il y travailla encore
quatorze ans. Tantôt il lui semblait
qu'il avançait à pas de géant, tantôt
qu'il reculait, à cause de l'immensité
de la carrière qui lui restait à par-
courir : « Enfin, dit-il , dans le cours
de vingt années , je vis mon ouvrage
commencer , croître , s'avancer et
finir. » Avant délivrer à l'impression
cette production, qu'il intitula, De
V Esprit des Lois , Montesquieu crut
devoir consulter un de. ses amis in-
times , dont il estimait le talent et les
lumières , et il lui envoya son manus-
crit. Cet ami était Helvétius , qui
après en avoir pris lecture, fut pro-
MOtf
digieusement alarmé des dangers
que courait la réputation de Montes-
quieu ? s'il mettait au jour une pro-
duction aussi défectueuse. Helvétius
en fut si peu satisfait , qu'il n'osa pas
d'abord écrire à Montesquieu ce
qu'il en pensait; et il le pria de vou-
loir lui permettre de communiquer
le manuscrit qu'il lui avait, envoyé ,
à un ami commun : c'était Saurin,
auteur de Spartacus. Celui-ci porta
sur Y Esprit des Lois le même juge-
ment qu'Helvétius. Suivant eux, en
faisant paraître ce livre , le célèbre
auteur des Lettres persanes, dé-
pouillé désormais de son titre de
sage et de législateur , ne devait plus
paraître aux yeux du public éclairé
qu'un homme de robe, un gentil-
homme et un bel-esprit : « Voilà ,
» écrivait Helvétius, ce qui m'afflige
» pour lui et pour l'humanité qu'il
» aurait pu mieux servir. » Il fut
convenu entre les deux amis qu'Hel-
vétius écrirait à Montesquieu , pour
lui .rendre compte de ce qu'ils
avaient éprouvé à la lecture de son
manuscrit, pour l'engager aie re-
voir et à ne pas le publier dans l'état
informe où il se trouvait. Saurin crai-
gnit que Montesquieu ne fut offensé ;
mais Helvétius s'empressa de rassu-
rer Saurin en ces termes : « Soyez
» tranquille , nos avis ne l'ont point
» blessé ; il aime dans ses amis la
» franchise qu'il met avec eux. H
» souffre volontiers les discussions ;
» il répond pardes saillies, et change
» rarement d'opinions; je n'ai pas
» cru, en lui exposant les nôtres,
» qu'elles modifieraient les siennes ;
» mais , quoi qu'il en coûte, il faut
» être sincère avec ses amis. Quand
» le jour de la vérité luit et détrompe
» l'amour - propre , il ne faut pas
» qu'ils puissent nous reprocher
» d'avoir été moins sévères que lô
MO*
» public. » En effet , les conseils des
deux amis de Montesquieu eurent
sur lui si peu d'influence, qu'il en-
voya son manuscrit à l'impression
sans y rien changer ; il y mit cette
épigi a phe : Prulcm sine mettre
tain ( Postérité sans mère) (t), indi-
quant ainsi avec raison que son ou-
vrage n'avait point de modèle; et il
se félicita , dans sa préface , de n'a-
voir pas totalement manqué de gé-
nie. Le succès ne trompa point la
confiance qu'il avait en lui - même ;
ce succès fut tel , qu'avant appris
que son livre venait d'être défendu
en Autriche , il put écrire, sans exa-
gérer la vérité, au marquis de Stain-
ville, ministre de l'empereur d'Alle-
magne à Paris {'.\) : « Peut-être votre
Excellence pensera-t-elle qu'un ou-
vrage, dont on a lait dans un an et
demi vingt-deux éditions , qui est
traduit dans presque toutes les lan-
gues , et qui d'ailleurs contient des
choses utiles , ne mérite pas d'être
proscrit par le gouvernement. » Cette
lettre est datée du 27 mai 17J0; et
en effet , V Esprit des lois n'avait
paru que vers le milieu de Tannée
1748. S'il fut beaucoup lu, beau-
coup admiré, beaucoup loué, cet ou-
vrage , comme tous ceux qui font
une grande sensation , fut aussi beau-
coup critique*. M'1"". Du DêfFant dit
que ce n'était pas l'esprit des lois ,
' 1 < 1
r , I I l.j
ïïadam*
1114-11 .'Il
» Libei I
petit cout«
(■x) La .
ap|)i'iid que l'oi
■
de Siai,
â't'iupw .
MON 5n
!c l'esprit sur les lois. C
fit fortiffie : il avait justement le dé-
gré de vérité , dont on se contente
dans une épigramme. Geui
avaient aprofondi les questions obs-
cures de notre ancien droit public ,
s'aperçurent que, quoique l'auteur de
'S lois eut refuté quelques
paradoxes de l'abbé Dubos , il était
tombé lui-même dans des erreurs
!S. Us virent que, n'ayant pas
creusé à une assez grande profon-
deur , pour éclairer suffisamment les
bases du gouvernement féodal, il avait
conçu pour ce genre de gouverne-
ment des préjugés trop favorables.
On trouva que pour établir certains
principes, il tirait ses exemples de
■urs suspects ou d'auteurs dis-
crédités; qu'il concluait trop souvent
du particulier au général; qu'il y
avait du néologisme et de Vobn
dans ses définitions, et un em
trop détourné des mots communs de
la langue clans renonciation des prin-
cipes fondamentaux de sa théorie. Q»
lui reprocha encore d'avoir attribué
ta rinilaenec du climat , et aux causes
physiques, des effets dus à des c ...
purement morales; d'avoir morcelé
un même sujet , en petits chapi;
qui ont souvent des titres iasi
liants ou indéterminés ; d'en avoir
rapproché d'autres qui sont trop peu
liés avec, ceux qui les précèdent et
ceux (fui les suivent; d'avoir soi:
manqué d'ordre , et fait un te:,,
régulier, avec les plus belles parties \
de sorte que ce livre, si vaste par
sot plan , et ta multitude d
qu'il embrasse, ; .1 ici-
que sorte nu
, qui attendent (pie l'auteur
V mette i 1
fasse un 01, Ou lui re-
produit enfin q
fuses , 1 fa#>
5 12 MON
ces , un style quelquefois tendu et
.souvent recherché. Toutes ces criti-
ques étaient fondées ; et la preuve que
ce n'était pas l'envie seule qui les
suscitait, c'est qu'on n'en avait pas
fait de semblables du livre des Consi-
dérations sur la grandeur et la dé-
cadence des Romains, Cependant la
renommée de Montesquieu s'accrut
beaucoup par la publication de Y Es-
prit des lois ; et l'on peut dire avec
vérité que seul, cet ouvrage eûtsufïi à
sa gloire, et que seul il a donné la
mesure de la force et de la grandeur
de son génie. C'est que le mérite d'un
ouvrage consiste surtout dans les
beautés qui s'y trouvent, dans les
qualités qui le distinguent de tous
les autres, et non pas seulement dans
l'absence des fautes qu'on a su évi-
ter, ou des défauts dont on a su se
garantir. C'est, qu'il est des sujets
tellement vastes, que la plus forte
tête , aidée de la plus longue vie,
peut àpeineen concevoir l'ensemble,
même imparfaitement : Y Esprit des
lois était de ce genre. L'auteur s'était
proposé d'examiner, dans ce livre,
l'histoire de tous les temps et de
tous les lieux , et de considérer les
habitants de la terre et les, sociétés
qu'ils ont formées , dans tous les
rapports qu'ils peuvent avoir entre
eux. On s'étonne beaucoup moins
des moments de faiblesse qui trahis-
sent quelquefois ses efforts dans une
si rude entreprise, que de la vigueur
prodigieuse avec laquelle il en pour-
suit l'exécution. On admire la fer-
meté qu'il met à tracer les immen-
ses contours de ce grand labyrinthe,
et la sagacité qu'il déploie pour
en démêler les détours multipliés,
et en découvrir les réduits les plus
cachés. Notre siècle, et peut-être
le siècle précédent, n'ont point pro-
.duit d'ouvrage où il y ait plus de
MON
vues profondes et de pensées neuves,
où l'on trouve un plus grand nombre
de faits convertis en principes lumi-
neux ; où autant de vérités utiles ,
établies par le raisonnement , soient
e'claircies par une érudition mieux
choisie, plus abondante et plus va-
riée ; dont le style enfin soit plus
précis , plus nerveux , et élincèle da-
vantage de ces saillies d'esprit et de
génie , qui entraînent , persuadent ,
et se gravent à jamais dans la mé-
moire: enfin , ce qui est au -dessus
de tous ces éloges, aucun ouvrage
ne décèle dans son auteur , un cœur
plus plein de cette bienveillance gé-
nérale qui s'attendrit sur les maux
de l'humanité; une ame plus droite,
plus élevée, plus animée du désir
de se mettre au-dessus des préju-
gés et de l'intérêt du moment ; une
vue plus nette, plus étendue , pour
démêler les causes des révolutions
qui ont agité le monde, pour discer-
ner les caractères particuliers des
hommes qui ont apparu sur cette
vaste scène, pour scruter enfin les
motifs si divers, les circonstances si
multipliées de tant d'institutions, de
lois et de coutumes que les siècles
ont fait naître et que les siècles ont
fait disparaître. Avare du temps et de
l'espace, Montesquieu ne songe qu'à
construire la série de ses idées , sans
s'occuper des objections : de là le
grand nombre de critiques superfi-
cielles et spécieuses qu'on a faites de
son ouvrage. Montesquieu a souvent
dans l'expression , la clarté, la sim-
plicité majestueuse et le ton d'auto-
rité des lois dont il est l'interprète.
11 ne se passionne pas; il ne semble
pas même chercher à persuader son
lecteur : il prononce et juge. 11 a dans
son éloquence ce ton ferme et im-
posant qui donne à la raison une as-
cendant irrésistible. Quand il châtie
MON
la folie humaine, c'est par une iro-
nie fine et détournée, ou par le sar-
casme amer d'une indignation qui se
contient : c'est alors surtout que, tou-
jours attentif à reprimer la multi-
plicité des paroles qu'entraînerait
l'exubérance de ses pensées et de ses
sentiments, on s'aperçoit qu'il voit
au-delà de ce qu'il exprime; et c'est,
dit un habile critique, un exercice
utile pour le lecteur, que de cher-
cher dans la phrase de Montesquieu
toute sa pensée. Auteur vraiment ad-
mirable, qui a connu l'art d'être uti-
le , non-seulement par les vérités
qu'il expose, mais encore par celles
qu'il fait entrevoir; non-seulement
par les réflexions qu'il nous présen-
te, mais encore par celles qu'il nous
suscite, et qui sait enfin faire partici-
per les esprits ordinaires à l'énergie et
à l'étend ne de son génie I {Montesquieu
avait résolu de ne répondre à aucu-
ne des critiques qui seraient faites de
Y Esprit des lois; mais il ne put se
résoudre à passer sous silence les at-
taques d'un auteur anonyme , qui ,
dans un journal intitulé , Nouvelles
ecclésiastiques , l'avait déchiré avec
fureur, et le peignait comme un
atiiée. Il avait , dans les Lettres
persanes, traité la religion chré-
tienne avec beaucoup de légèreté ;
mais ensuite, mûri par l 'âge , par
l'élude et la réflexion, il en avait fait,
dans Y Esprit des lois , un éîoge sin-
cère : il la recorn ji:
expressifs, non-seulement comme le
plus parfait des systèmes religieux ,
mais comme le plus puissant soutien
de tout système social. Il lui impor-
tait donc de repousser les insinua-
tions calomnieuses du gazetier ecclé-
siastique. Il voul.ii! • temps
réfuter d'à msdela
ion ne, qui, peu le quel-
ques passages de 1
XXII.
MON 5i3
allaient procéder à une censure de
cet ouvrage. C'est dans ce double
but qu'il écrivit sa Défense , mo-
dèle de discussion solide et de plai-
santerie légère. Ii se félicitait beau-
coup de la modération maligne qu'il
avait mise dans cet écrit. « Ce qui me
» plaît dans ma Défense, disait-il, ce
» n'est pas de voiries vénérables théo-
» logiens mis à terre , c'est de les y
» voir couler tout doucement. « Quel-
ques personnes qui s'assemblaient
chez le fermier-général Dupin, entre-
prirent une critique détaillée de l'Es-
prit des lois , et composèrent trois
gros volumes in-8°. d'Observations ,
qu'on dit avoir été imprimés eu
17.57 et en 17-58, mais qui le furent
probablement quelques années plus
tôt. Mme. Dupin, qui eut long-temps
J.-J. Rousseau pour secrétaire, sans
se douter qu'il fût bon à autre chose
qu'au métier de copiste, composa ,
dit-on, la préface de ces Observa-
tions. Les pères PI esse et Berthier
coopérèrent à la rédaction ; et Dupin,
sous le nom duquel on dev.ùt publier
l'ouvrage , fournit les faits relatifs
aux finances et à l'administration.
Montesquieu , que cette espèce de
cabale contre son ouvrage et contre
lui affligeait , employa , dit - on , le
crédit de Mmc. de Pompadour, pour
engager Dupin à supprimer son li-
vre. Celui-ci le fit avec un tel soin ,
qu'il est échappé au plus une tren-
taine d'exemplaires à la destruction;
ce qui a procuré à ce livre un motif
d'estime qu'il n'aurait probablement
jamais acquis, s'il avait été publié,
savoir la rareté. Du reste , M
quicu gai-da le silence sur une foule de
brochures pleines d'ineptes critiques
ou d'injmcs grossières, qui pai
conti it que
par le n - - , par
5i4 MiDN
rindignation. L'apparition d'un li-
vre du genre et du mérite de Y Esprit
des lois est un événement dans l'his-
toire politique et littéraire , dont on
doit retracer les effets. A l'époque où
il fut publié, les progrès de l'indus-
trie et l'accroissement de la popula-
tion en Europe, le développement ra-
pide du commerce des Européens et
descolonies européennes dans les deux
mondes, avaient amené dans la plu-
part des états de cette partie du
globe des changements successifs ,
et bouleversé presque entièrement
les rapports qui existaient autrefois
entre les divers ordres de citoyens.
J a puissance n'était plus le résultat
immédiat des richesses et de l'in-
fluence , et ne pouvait plus s'appuyer
que sur les institutions : l'obéissance
avait cessé d'être la conséquence né-
cessaire de la dépendance , et de-
vait être exigée au nom des lois. Ces
institutions et ces lois, qui n'étaient
que l'expression d'un ordre de choses
que !e temps avait ou altéré ou aboli ,
ne se trouvant plus en harmonie avec
les mœurs, les habitudes et les inté-
rêts de la société, gênaient également
les gouvernements dont elles consti-
tuaient les seuls moyens de pouvoir,
et les peuples dont elles étaient les
seules garanties contre les troubles
et les désordres. Tous les esprits sen-
taient la nécessité de modifier les
constitutions des états; et l'on conçoit
avec quelle avidité dut être lu, à une
telle époque, un livre qui présentait
le résumé, de l'expérience des siècles
sur la science de la législation et du
gouvernement. Mais l'effet de ce
livre fut différent dans les différents
pays, selon la situation ou ils se
trouvaient. C'est en Angleterre que
l'ouvrage de Montesquieu eut et ob-
tient encore la plus forte influence ;
et c'est en France que cette influence
MON
fut et est encore la plus faible. Peut-
être les Anglais doivent-ils en partie
à Montesquieu, et à l'impulsion qu'il
a donnée aux sciences politiques . d'a-
voir su faire habilement manœuvrer
le vaisseau de l'état, entre les deux
grands érueils de leur constitution ,
une oligarchie tyrannique , et une
démocratie turbulente. Aussi l' Esprit
des lois fut en Angleterre, dès qu'il
parut, l'objet d'une admiration qui
ne trouva point de contradicteur ,
et qui n'a cessé de s'accroître. Si
cet ouvrage n'a pas produit un ef-
fet aussi heureux et aussi puissant
en France, ce n'est pas seulement
parce que les esprits n'étaient point
aussi éclairés sur ces matières; mais, il
faut le dire , c'est aussi la faute de
l'ouvrage et celle de l'auteur. Mon-
tesquieu n'avait cherché qu'à éclair-
cir les âges obscurs de la monarchie
française; et rnêtne le succès de ses
efforts à cet égard est resté douteux ,
et a été justement contesté. Il s'est
arrêté à l'époque où il aurait pu
s'appuyer sur des faits certains , et
commencer à présenter des résultats
positifs, et des remèdes applicables
aux maux qui tourmentaient alors
l'état social en France , et dont il
n'avait pas pressenti tout le dan-
ger. Les nobles à la cause des-
quels l'auteur de Y Esprit des lois se
montrait favorable , puisaient dans
son livre ce qui devait exalter leurs
prétentions, mais non pas ce qui
devait les aider à conserver leurs
droits réels, et à se procurer une
existence solide. Le gouvernement
de France y aurait en vain cherché
des indications précises pour acqué-
rir une vigueur nouvelle, en aban-
donnant ces formes du pouvoir ,
que le temps emportait, et en saisis-
sant les moyens de puissance que Je
temps avait créés.Une autre cause qui
MOV
ne semble due qu'au hasard de la
nature, qui cependant a nue liaison
secrète avec les événements, a con-
ribué an peu d'influence qu'a obtenu
en France le livre de Y Esprit des lois.
Feu après la publication de ce livre,
et dans un assez court intervalle de
temps, deux écrivains se sont ren-
contrés , tous deux doués d'une ima-
gination vive, d'une rare éloquence,
de ce talent pour la dialectique, qui
donne la faculté d'enchaîner toutes
les conséquences d'un principe, et
toutes les parties d'un système; mais
aussi tous deux également dénués de
la connaissance pratique des af-
faires, et de ce discernement particu-
lier, qui nous fait apprécier ce que
réclament les hommes et les choses,
selon les différents temps et les di-
verses circonstances. L'un , ayant
vécu à une époque où un gouverne-
ment débile affectait par intervalles
une attitude despotique , et irritait
sans cesse sans jamais comprimer, a
prétendu fonder la théorie sociale sur
le dogme de la souveraineté du peu-
ple , qui ne peut conduire qu'à l'a-
narchie : l'autre, long-temps témoin
de la férocité et de l'ineptie popu-
laires, s'est précipité dans l'extrême
opposé, et a cru asseoir les bases de
la société sur la doctrine du pouvoir
paternel , et sur l'el.it de la famille ;
il a , sans le vouloir , enfanté une
théorie du despotisme . aussi fausse
dans son principe et presque aussi
funeste dans .ses conséquences que
• elle qu'il cherchait à renverser.
C'esl es deux systèmes que
igés en France les écri;
vains politiques; et les deux écoles
qu'ils ont foj . ut devenues
tides eu si ti niions , et
en ;; il plus dan-
flattem Lès deux
plus forts penchants de l'hon
MON
5 » ~»
l'amour du pouvoir, et l'amour de
l'indépendance. Lors pie l<
amoncelés par ces vaines et ambi-
tieuses théories seront dissipé» , les
diverses branches des sciences poli-
tiques, fondées sur les faits et l'ex-
périence , paraîtront moins fa< i
moins accessibles à tous les esprits;
mais alors aussi on appréciera en
France tout le mérite de Y Esprit des
lois; et, du seul développement de
quelques-uns des chapitres si courts
de cet immortel ouvrage, on verra
sortir des traités substantiels sur di-
verses parties delà législation , et du
gouvernement des états. Si le livre
de Montesquieu ne fut pas aussi utile
à sa patrie qu'il l'avait espéré, la
gloire que l'auteur en recueillit de
son vivant surpassa celle que peuvent
ambitionner les gens de lettres. 11 fut
considéré, dans toute l'Europe, com-
me le législateur des nations : mais
il ne fut point ébloui de sa haute
réputation; il continua de vivre en
.sage, et de jouir de lui-même et de
ses amis. 11 partageait son temps
entre le château de la Brède et Paris,
c'est-à-dire, entre l'étude et le monde:
dans sa terre , aimant à s'occuper de
jardinage et d'améliorations agrico-
les; très-jaloux de ses droits se:
ri aux, et par-conséquen1 voisin in-
commode, mais adoré de ses pay-
sans dont il recherchait l'entretien ,
parce que , disait-il , ils ne sont pas
savants pour raisonner de tra-
vers: dans la capitale, convive aima-
ble, trop simple et trop négligé peut-
être dans ses habillements , comme
dans ses manières et dans
ii.ll était toujours dispose'à ren-
dre j:i
léger au besoin. Il recul un jour de
QenriSull oglais,
(>t l'un de ceui qui ont le plus i
bue .i perfectionner l'hc
5.i G MON
France, la lettre suivante : « J'ai
» envie de me pendre; mais je crois
)> cependant que je ne me pendrais
•» pas si j'avais cent ecus. » Montes-
quieu lui répondit : « Je vous en-
» voie cent ecus, mon cher Sully, ne
» vous pendez pas et venez me voir.»
Montesquieu était directeur de l'aca-
démie française, lorsque Piron se
présenta pour y être admis : quand
on sut à fa cour que ce poète était
sur le point d'être élu, Montesquieu
fut mande à Versailles , et le roi lui
déclara qu'il ne voulait pas que Piron
fût nommé. Montesquieu fit des dé-
marches auprès de M1"0, de Pompa-
dour, et obtint en dédommagement,
pour l'auteur de la Métromanie , une
pension de mille francs. La munifi-
cence de Montesquieu ne s'exerçait
pas seulement, sur les hommes à
talents, mais encore sur ceux qui
n'avaient d'autres titres à ses yeux
que le malheur : au reste il cachait
avec un soin extrême le bien qu'il
faisait, par la crainte qu'on ne lui
prêtât des motifs différents de celui
qui le faisait agir ; sentiment trop
commun chez les ames délicates,
et cependant funeste à la société,
puisque la vertu dérobe ainsi à
elle-même , par pudeur , un de ses
plus grands bienfaits, l'ascendant de
sou exemple. Un hasard heureux a
fait découvrir un des traits les plus
touchants de la bienfaisance de Mon-
tesquieu. Il allait souvent à Marseil-
le, visiter sa sœur,Mme.d'Héricourt.
Se promenant un jour sur le port ,
pour prendre le fiais, il est invité
par un jeune matelot de bonne mine
de préférence son bateau,
pour ■ un tour en mer. Dès
qu'il [eau, Mon-
• à la ma-
e rainait,
^'exerçait pas ce métier depuis
MON
long-temps; il le questionne, et. I! ap-
prend qu'il est joaillier de profession,
qu'il se fait batelier les fêtes et les di-
manches pour gagner quelque argent
et seconder les efforts de sa mère et de
ses sœurs \ que tous quatre travail-
lent et économisent pour amasser
deux mille écus, et racheter leur pè-
re , esclave à Tetouan. Montesquieu,
touché du récit de ce jeune homme
et de l'état de cette famille intéres-
sante, s'informe du nom du père, du
nom du maître auquel il appartient.
II se fait conduire à terre , donne à
son batelier sa bourse, qui contenait
seize louis d'or et quelques ecus , et
s'échappe. Six semaines après , le
père revient dans sa maison. Il juge
bientôt à L'étonnement des siens, qu'il
ne leur doit pas sa liberté, comme il
l'avait cru d'abord ; et il leur ap-
prend que , non-seulement on l'a ra
cheté, mais qu'encore, après avoir
pourvu aux frais de son habillement
et de son passage, on lui a remis
une somme de cinquante louis. Le
jeune homme alors soupçonne m»
nouveau bienfait de l'inconnu , et se
met en devoir de le chercher. Après
deux ans d'inutiles démarches , il le
rencontre par hasard dans la rue, se
précipite à ses genoux, le conjure ,
les larmes aux yeux, de venir parta-
ger la joie d'une famille au bon-
heur de laquelle il ne manque
de pouvoir jouir de la présence
de son bienfaiteur, et de lui expri-
mer toute sa reconnaissance. Mon-
tesquieu reste impassible, ne veut
convenir de rien et s'éloigne, à la fa-
veur de la foule qui l'entourait. Celte
Lelle action serait toujours restée
ignorée, si les gens d'affaires de Mon-
tesquieu n'eussent trouvé, après sa
mort , une note écrite de sa main, in-
diquant qu'une somme de 7^00 fr«
avait été envoyée par lui à M. Main y
MON
banquier anglais, à Cadix; ils deman-
dèrent à ce dernier des éclaircisse-
ments : M. Main repondit qu'il avait
employé cette somme pour délivrer
un '.Marseillais nomme Robert , es-
clave à Tetouau, conformément aux
ordres de M, le président de Mon-
tesquieu. La famille de Robert a ra-
conte le reste ; et ce récit a fourni à
la scène le sujet de plusieurs compo-
sitions dramatiques (i). Ce trait seul
qui en suppose d'autres de même
nature, sultit pour absoudre Mon-
tesquieu de l'accusation d'avarice ,
qu'on lui a injustement intentée, il
avait épouse', le 3 avril 17 i5 , MIle.
Jeanne de Lartigues, iille de Pierre
de Lartigues, lieutenant-colonel au
régiment de Maulevrier; et il avait
eu de ce mariage un fils et deux
iillcs. Comme père de famille, il
regardait avec raison l'économie
ae un devoir; et il tint à hon-
neur de laisser à ses enfants la for-
tune qu'il avait reçue de ses pa-
rents , sans l'augmenter ni la di-
minuer. H aimait la gloire ; mais
! tignait les futiles jouissances
de ia vanité. Il refusa pendant long-
temps, par modestie, aux plus ha-
istes Ifl faveur de faire son
portrait. Mais Dassier , fameux gra-
l !a monnaie de Lon-
dres, qui avait déjà fait les médail-
les de plu-! • Is hommes du
■ , vint exprès a Paris pour exé-
cuter celle de Montesquieu, aui d'a-
hordu'y voulut point consentir. Das-
sier lui ayant donné à entendre qu'iui
ibué à
i'org lit à la
>n de l'artiste. Cette mc'daille
. rvollllioit
MON
5i7
de Dassierest le type primitif de tous
les portraits de Montesquieu , qu'on a
gravés. L'abbé de Guasco , cepen-
dant , en possédait un autre , peint
par un artiste qui passait par Bor-
deaux , en revenant d'Espagne (1).
L'envie, dont le génie, la gloire et
les succès n'affranchissent pas tou-
jours l'ame, n'approcha jamais de
celle de Montesquieu; il se plaisait
au contraire à la poursuivre et à la
punir dans ceux qui en étaient at-
teints. « Je loue toujours, disait-il,
» devant un envieux ceux qui le font
» pâlir. » Quoiqu'il tînt par quel-
ques-uues de ses opinions à la secte
philosophique , de même que BufFon,
Duclos et presque tous les bous es-
prits , il s'écartait des philosophes ,
et n'aimait pas le prosélytisme «Jc
l'impiété , ni les excès de l'esprit de
cabale. Ce ne fut cependant pas là
l'unique motif de son éloiguement
pour Voltaire. On voit, dans plu-
sieurs de ses pensées détachées , que ,
peu sensible au charme des vers , il
croyait la réputation de cet homme
célèbre en partie usurpée , et qu'il
ne lui rendait pas justice. Voltaire,
de Sun côté, n'épargnait à Montes-
quieu ni les réflexions malignes , ni
lès critiques piquantes. Ce qu'il y a
de remarquable, c'est que ces deux
grands hommes s'accusaient mu-
tuellement d'avoir trop d'esprit , et
d'en faire souvent abus dans leurs
ouvrages : et tous deux avaient rai-
son. Mais Voltaire avait un senti-
ment exquis en littérature, qui triom-
phait eu lui de ses plus furies anti-
pathies. Plusiï ■:.■ ■ miné par
(1) Il est |>ro! khlfi que « ■
;, u , pur (Îmi i
I
imiii m:
MON
sa conscience, il a rendu justice à
tir de Y Esprit des lois ; et c'est
hù qui disait : « Le genre humain
» avait perdu ses titres; M. de Mon -
» tesqtiieu les a retrouvés , et les lui
» a rendus. » Éloge magnifique, qui
rachète et efface bien des épigram-
mes. Au reste, c'était seulement dans
la conversation ou dans l'intimité
d'un commerce familier, que Mon-
tesquieu laissait é happer le secret
de ses pensées sur Voltaire et sur les
hommes de lettres de son temps. Ja-
mais il n'écrivit contre aucun d'eux;
la dignité et la sagesse de sa conduite
étaient l'effet de la modération de ses
passions, aussi bien qu'un des résul-
tats de la réflexion. « Ma machine,
» dit- il, est si heureusement cons-
» truite , que je suis frappé de tous
» les objets assez vivement , pour
•» qu'ils puissent me donner du plai-
» sir , pas assez pour qu'ils puissent
» me donner de la peine. J'ai été
» dans ma jeunesse, dit - il encore ,
» assez heureux pour m'altacher à
» des femmes que j'ai cru qui m'ai-
» maient ; et dès que j'ai cessé de
» le croire, je me suis détaché sou-
» dain. » Ailleurs il s'étonne d'avoir
encore pu éprouver de l'amour à
trente-cinq ans. Avec des sens si tem-
pérés, tant de calme dans le carac-
tère , tant de vertus , de génie et de
lumières, un rang honorable, une
belle fortune , une réputation écla-
tante et incontestée , et sans aucune
peine domestique , Montesquieu dut
cire heureux : aussi le fut - il. « Je
v n'ai , dit - il , presque jamais eu
v de chagrin, encore moins d'ennui.
v Je m'éveille le matin avec une joie
v secrète de voir la lumière ; je
» vois la lumière avec une espèce
» de ravissement , et tout le reste
» du jour je suis content : je pas.se
» la nuit sans m'éveiller* et le soir,
MON
» quand je suis au lit, une espèce d'en-
» gourdissement m'empêche de faire
» des réflexions. » Ainsi que nous l'a-
vons remarqué, ce bonheur dont
Montesquieu a joui, il le dut en par-
tie à son goût pour le travail , qui
sembla s'accroître en lui , après qu'il
eut publié Y Esprit des fois. Son se-
crétaire ne pouvant seul suffire à sou
lager ses yeux affaiblis, il se faisait
lire par une de ses filles ; c'était
celle qu'il maria depuis à M. de Se-
condât , d'Agen, d'une autre bran-
che de sa maison , afin que ses biens
restassent dans sa famille, en cas
que son fils , qui était marié de-
puis plusieurs années , continuât à
n'avoir point d'enfants. Mademoi-
selle de Montesquieu avait, comme
son père , un esprit vif et enjoué ; et
elle égayait les savantes mais en-
nuyeuses lectures, qu'elle était obligée
de faire, par des mots plaisants et
sur les hommes et sur les choses.
Montesquieu, sollicité pard' Alembert
et par le chevalier de Jaucourt , con-
sentit, après avoir terminé V Esprit
des lois , à travailler à l'Encyclopé-
die ; et c'est pour ce vaste monument
littéraire, qu'il composa Y Essai sur
le Goût. Ce petit ouvrage, laissé im-
parfait, et qui ne fut imprimé qu'a-
près sa mort , prouve que sa tête
méditative était aussi propre à dé-
couvrir les principes des beaux- arts
et de la littérature que ceux des lois
et des gouvernements ; mais s'il avait
vécu, il aurait fait disparaître l'obs-
curité de plusieurs passages de ce
petit écrit , les répétitions et les
phrases incorrectes ou embarrassées
qui le déparent. Nous avons publié ,
daus les Archives littéraires ( n ,
3o i ) , quatre chapitres inédits de
cet essai, d'après un manuscrit au-
tographe. On a depuis inséré ces
charuîrcs dans toutes les éditions
MON
qu'on a faites de Montesquieu , mais
non dans la place qu'ils auraient dû
y occuper. Ce l'ut aussi, long-temps
après la mort de Montesquieu, et
en 1 783 , que son fils publia un
roman de son illustre père, intitule :
Ar s ace et Isménie. On ne sait trop
a quelle époque Montesquieu a com-
eet ouvrage. Grimm présume,
que dans l'origine , il était destine à
augmenter le nombre des épiso-
des des Lettres persanes , mais que
l'auteur le trouva trop long: il est plus
probable qu'il écrivit ce roman vers
les derniers temps de sa vie ; car il
eu parle dans une lettre en date du
i5 décembre i;54, comme d'une
production récente , et qu'il hésite à
livrer a l'impression. Il s'était pro-
posé, dans celte fiction, de peindre
le triomphe de L'amour conjugal en
Orient, et le despotisme légitimé par
la vertu qui se consacre au bonheur
du genre humain; mais quoiqu'on re-
connaisse encore souvent , dans cette
production , sa plume ingénieuse et
énergique , il n'a pas su déguiser l'in-
vraisemblance de son récit , ni y ré-
pandre l'intérêt dont il était suscepti-
ble. Nous eu indiquerons bientôt la
raison. Il paraît qu'après la publica-
tion de l'Esprit des Lois , les forces
physiques de Montesquieu diminuè-
rent rapidement, et ne répondaient
plus à son ardeur pour le travail :
« J'avais, dit-il dans son journal ,
» concilie dessein de donner plus d'é-
» tendue et de profondeur a quelques
» endroits de mon Esprit des lois ;
•» j'en suis devenu incapable. Mes
» lectures m'ont affaibli les yeui ; et
» il me semble nue ce qu'il me
» encore de lumière, n'est que l'au-
» rore du jour où ils se fermeront
» pour jamais 1, effet, il
mourut peu di . !<• i(>
février 17 autc « 1
MON
5iq
six ans , c'est-à-dire , seulement sept
ans après la publication de son grand
ouvrage. Il fut attaqué avec violence
par une lièvre inflammatoire, qui
L'emporta au bout de treize jours. Il
était alors à Paris. Les soins les plus
tendres lui furent prodigués par la
duchesse d'Aiguillon , son ancienne
amie , le duc de Nivernois , le che-
valier de Jaucourt , M. et Mmc. Du-
pré de Saint-Maur. La douceur de
son caractère se soutint jusqu'au der-
nier soupir ; il ne lui échappa , dit-
on , ni une plainte , ni la moindre
impatience. Il connut, des les pre-
miers instants , qu'il était en dan-
ger; et pour interroger les médecins
sur son état , il leur disait : « Gom-
» ment va l'espérance à la crainte? »
Les Jésuites cherchèrent ta le gagner
dans ses derniers moments , et ils lui
envoyèrent le P. Routh et le P. Cas-
lel , qui furent accusés d'avoir mis
dans l'exercice de leur ministère
une obsession blâmable. Montesquieu
leur disait : « J'ai toujours respecté
» la religion ( cela était vrai pour
» les ouvrages qu'il a avoués )• la
» morale de l'Évangile est le plus
» beau présent que Dieu ait pu faire
» aux hommes. » On n'en put tirer
aucun autre aveu {F. Roimi.) Com-
me les Jésuites le pressaient de lui
remettre les corrections qu'il avait
faites aux Lettres persanes, «lui .l'en
religieux, il s'y
refusa; puis il remit ce manuscrit
a Mme, la duchesse d'Aiguillon et \
. Dupréde Saint-Maur, en leur
disant : « a*- yeux tout sacrifie:' à la
» religion , mais rien aux Jésuites ;
» consulte/, avec mes ami
» dez si ceci doil paraître. » Il
viatique d
du curé : celui -ci lui ayant dit :
« Monsieur, \<>un c<
» bu ind. » — « Oui ,
5-20 MON
» reprit-il, et combien les hommes
» sont petits. » Montesquieu a laissé
un grand nombre de manuscrits. On
nous a parlé de la Relation de ses
voyages, que nous n'avons point vue:
si elle existe, elie doit être dans un
état très-iinparlait ; car nous savons
par une lettre qu'il a écrite le i5 dé-
cembre 1754, c'est-à-dire, moins de
deux mois avant sa mort, qu'alors
celte relation n'était pas encore ré-
digée , et qu'il hésitait même sur la
forme qu'il devait lui donner. Nous
ignorons si les Notes sur l'Angle-
terre, qu'on a insérées dans quelques-
unes des dernières éditions de ses
OEuvres , sont extraites des maté-
riaux qui avaient été préparés pour
celte relation. Il y a quelques années
que la principale portion des manus-
crits de Montesquieu fut apportée à
Paris, du consentement des héritiers
de ce grand homme ; nous eûmes
alors occasion de les examiner pen-
dant quelques heures seulement : ils
consistaient; i°. en un petit roman
intitulé le Mètempsycosiste , com-
posé de six cahiers tort minces , co-
piés au net, et qui ne sont pas de la
main de Montesquieu ; si nous ju-
gions de tout l'ouvrage par le pre-
mier cahier, le seul que nous ayons
lu, il serait peu digne de l'auteur des
Lettres persanes; — 2°. en plusieurs
cahiers écrits de la main même de
Montesquieu , intitulés : Morceau x
qui n'ont pu entrer dans V Esprit des
Lois , et qui peuvent former des
dissertations particulières. Nous en
avons remarqué un sur la Puissance
paternelle y un autre sur les Obliga-
tions sur parole , un troisième sur
les Successions , dans lequel Mon-
tesquieu propose d'établir l'égalité
des partages , de conserver (dans la
classe noble seulement ) les droits
d'aînesse , et de transmettre dans
MON
cette classe tout l'héritage à l'aîné
des mâles à l'exclusion des autres en-
fants ; — 3°. en trois gros vol. in-4°. ,
reliés , de Goo à 700 pag. chacun :
ce sont des extraits que Montesquieu
faisait de ses lectures , et à la suite
desquels il écrivait ses réflexions.
En les parcourant, nous fûmes éton-
nés de voir que les pensées les plus
remarquables et les plus profondes
lui étaient presque toujours suggérées
par des ouvrages frivoles ; et il eu
lisait beaucoup de ce genre. Dans le
grand nombre de réflexions que nous
avons lues , nous avons retenu celle-
ci : « Un flatteur est un esclave qui
» n'est bon pour aucun maître. » Il
y a dans ces trois volumes quelques
morceaux d'une assez grande éten-
due. Nous avons sur-tout lu avec
admiration une sorte d'introduction
à l'histoire de Louis XI , qui égale ce
que Montesquieu a écrit de mieux.
Il commence , dans ce morceau , par
tracer le tableau de la situation poli-
tique de l'Europe , lorsque Louis XI
monta sur le trône. Il l'ait voir en-
suite combien elle était favorable
à ce roi , et que ce qu'on attribue a
son habileté ne fut que le résultat
nécessaire des circonstances où il se
trouvait : il indique ensuite tout ce
qu'il aurait pu faire de grand , et
qu'il ne fit pas j puis il ajoute : « Il
w ne vit dans le commencement de
» son règne , que le commencement
» de sa vengeance. » Il déerit les hor-
ribles cruautés qui accompagnèrent
les dernières années du règne de Ce
tyran, et termine son récit par cette
réflexion : « Il lui semblait que pour
» qu'il vécût, il fallait qu'il fit vio-
» lciice à tous les gens de Lien. » 11
établit un parallèle entre Louis XI et
Richelieu, qui est tout à l'avantage
de ce dernier , et finit ainsi le pb rirait
qu'il a tracé de ce grand ministre :
MON
« II fit jouer à son monarque le se-
» cond rang ilans la monarchie, et le
« premier dans l'Europe; il avilit le
» roi, mais il illustra le règne. » Ce
que nous venons dédire, ajoutera
peut-être encore de nouveaux regrets
a ceux qu'on a déjà manifestes rela-
tivement à cette histoire de Louis XI,
écrite , dit-on, en entier par Montes-
quieu , et dont son secrétaire brûla
par megarde la copte au net, tandis
que lui-même jeta au feu le brouillon ,
croyant que cette copie existait en-
core. Mais ceux qui ont le plus de
droit de se dire bien instruits de ce
qui concerne Montesquieu , nous ont
assure qne cette anecdote était apo-
cryphe. Le soin qu'a eu Montesquieu
de conserver tous ses brouillons , et
les maîc'riaux mêmes de ses œuvres,
le peu de vraisemblance que le se-
crétaire d'un auteur livre au feu la
copie au net 4'un ouvrage non en-
core imprime , ajoutent à la proba-
bilité de ce qu'on nous a dit ; mais
ne devons pas omettre de rap-
porter les faits qui tendent à prou-
ver le contraire. Eu 17 ^7 , l'acadé-
mie des inscriptions avait proposé
pour sujet du concours de tracer l'é-
tat des lettres sous le règne de Louis
VI. L'abbé de Guasco voulait con-
courir ; et Montesquieu lui écrivait
alors : « Si les Mémoires sur le
» je travaillai l'histo;
» n'avaient point été brûlés , j'au-
-,) rais pu vous fournir quelque chose
» sur ce sujet. » C'est dans un
explicative de ce passage, que l'abbé
1 rapporte l'anecdote de la
destruction du manuscrit de l'his-
toire de Louis \1 ; m. is cette anec-
dote avail ird'au-
•! surtout parFréron, que !
. contredil mt que
dtru'ùrc maladie «.'.
MON
mais en 1739, ou en 1740, et qu'il
conta cet accident à un de ses amis,
a l'occasion de l'Histoire de Louis
XI, par Duclos, qui venait de pa-
raître. Au milieu de ces récils con-
tradictoires, s'il nous était permis de
former une conjecture, nous dirions
qu'il est probable que Montesquieu
conçut l'idée de composer l'histoire
de Louis XI , mais qu'il y renonça ;
qu'alors il condamna aux flammes
ce qu'il avait écrit sur ce sujet, et
que peut-être une portion de ce tra-
vail qu'il voulait réserver fut jetée au
feu par mégarde, ce qui a donné lieu
à la diversité des récils qu'on a faits
à cette occasion. Nous pensons que
Montesquieu n'a pas achevé colle
histoire , non plus que celle de
Théodoric , roi des Ûstrogoths ,
qu'il avait , dit - on , commencée.
Nous ajouterons encore que , sui-
vant nous , on doit se féliciter qu'il
ait abandonné ces entreprises pour
s'attacher exclusivement à Y Esprit
des lois ; et nous fon Ions cette as-
n, non-seulement sur l'excel-
lence ei l'utilité de cet ouvrage, mais
encore sur îles motifs qui s'eloij
pinion commune , et
que nous oserons cependant exposer.
Montesquieu, si admirable quand il
présente les résultats de l'histoire ,
nfontesquic 1, d
le manuel de tous ceux qui vou-
dront écrire i'histoiri pas,
suivant nous, le .il pro-
pre à former uu historien du pre-
ordre. Boiîeau louait un jour lo
livre des Caractères de La 1): ■
et insistait sur le mérite di
mais il remarquait judi
l'auteur, par la forme 1
de son ouvrage , s'étail affranchi
d'une des plus iltés do
l'arl d
partie de l'
5ii MON
à l'historien qui , dans clos récifs
d'événements compliqués et divers ,
doit conserver l'unité d'intérêt, nuan-
cer habilement tous les détails , et
faire ressortir, sans les isoler, les
groupes principaux des vastes ta-
bleaux qu'il nous présente. l'Esprit
des lois , les Considérations sur les
causes de la grandeur et de la dé-
cadence des Romains, sont compo-
sés de chapitres fort courts, qui sou-
vent forment chacun un tout à part ,
et qui ne sont liés entre eux que par
la similitude des sujets, relativement
au but principal des ouvrages dont
ils font partie. Les Lettres persanes
ont aussi très-peu d'étendue : les plus
longues n'ont que trois à quatre pa-
ges j et elles traitent toutes de sujets
divers , et qui n'ont entre eux que
peu ou point de connexité. L'histoire
aApheridon et d' Aslarté , et le su-
blime apologue des Troglodites 9 qui
s'y trouvent, n'excèdent pas dix pa-
ges , et sont , pour les faits , d'une
extrême simplicité. Ainsi , Montes-
quieu dans tous les ouvrages auxquels
il a dti sa réputation, s'est, comme
La Bruyère , affranchi de la nécessité
des transitions. Quand il a entrepris
de faire un récit d'une certaine lon-
gueur , on s'est aperçu aussitôt de ce
qui lui a manqué à cet égard : pour
s'en convaincre , il suffit de lire la
vie du maréchal de Bcrwick, le ro-
man d' Arsace et cl'Isménie , et même
le temple de Gnide. Les diverses par-
ties de ces opuscules ne sont pas
bien disposées entre elles , et ne se
succèdent pas naturellement. Les pen-
sées les plus ingénieuses , et les ré-
flexions les plus profondes , nuisent
à l'intérêt du récit , faute d'être
préparées par des phrases intermé-
diaires , nécessaires à l'enchaînement
des idées , ou faute d'être placées
convenablement. Le style est heurté,
MON
contraint, sans variété, et tout Top-
posé de cette souplesse , de cette liai-
son , de cette harmonie, indispensa-
bles à l'historien, qui doit soutenir,
sans la fatiguer, l'attention des lec-
teurs pendant une longue narration.
Montesquieu a dit de Tacite, qu'il
abrégeait tout , parce qu'il voyait
tout. Ce bel éloge a été avec raison
appliqué a Montesquieu lui-même;
et l'on a souvent comparé entre eux
ces deux grands hommes. Des génies
de cet ordre ont un caractère parti-
culier d'originalité, qui rend fausses
toutes les similitudes qu'on veut éta-
blir. S'il fallait déterminer les dé-
grés de prééminence qui distinguent
Tacite et Montesquieu, nous dirions
que l'auteur français surpasse l'au-
teur latin par la variété et l'étendue
de ses connaissances, par la gran-
deur de ses conceptions et l'abon-
dance de ses pensées, mais qu'il lui
cède sous le rapport du talent et de
l'éloquence ; qu'enfin , il est plu
grand comme philosophe , mai
moins grand comme écrivain. Tacii
maintient toujours la dignité de s
expressions à la hauteur de son s
jet : il n'altère point par d'ingéniei
ses antithèses la gravité de son style
et les grâces du bel-esprit n'énervei
pas sa phrase énergique , et ne n
froidissent jamais la chaleur de ses
récits. Si nous voulions chercher
dans les anciens des exemples pour
donner une idée de la manière de
Montesquieu , comme écrivain, nc\;s
dirions encore qu'elle se compose de
plusieurs des belles qualités de Ta-
cite , et de quelques-uns des brillants
défauts de Sénèque (i). V. Mal-
REPAS, XXVII, 545. W— R.
(1) Les deux meilleures édifions des œuvres de
Montesquieu , sont celle qui a été donnée par M. Alt-
ger , en 6 vol. io-8°., précédée d'une vie de ) auteur,
vie, 1816, et celle de M. Lequùu
MON
MONTESQUIOU. F. Conde',
IX, 389.
MOlNTESQUIOU d'Arta-
GNAN ( PlLRRE DE ) , maréchal de
France , descendait d'une ancienne
et illustre famille du comte d'Ar-
magnac , qui subsiste encore. N
i645, il tut admis à l'âge de quinze
ans clans les pages , et entra , quel-
que temps après, dans la première
compagnie de mousquetaires , qu'il
rejoignit à Pignerol: il fit la campa-
gne de 1666, contre l'évêque de
Munster , assista aux sièges de Tour-
nai , de Lille, de Besançon, où il
se signala par beaucoup de valeur ;
et il passa, en 1668 , dans les gardes.
11 s'éleva successivement du grade
d'enseigne à, celui de major , et fut
charge, en 1681, d'établir l'unifor-
mité de lexercice dans L'infanterie.
Ayant èiè créé brigadier des armées,
en 1688, il fut envoyé', l'année sui-
vante, à Cherbourg qui était me-
nacé par le prince d'Orange; et il
se montra avec avantage a la bataille
de Fleuras : il se distingua encore
dans les guerres de la succession, se
trouvant à presque tous 1
et a un grand nombre de batailles :
on le récompensa par le grade de
lieutenant - général. Il commandait
l'aile droite à Malplaquet , en 1707 ;
et sa belle conduite, dans cette jour-
née, lui mérita le bâton de maréchal.
Il continua cependai.
bs ordres <!<■ \ illars. N< mm<
mandant en Bretagne, en 17165 en
1720 , membre du conseil d<
genre; il mourut, l« 1
au Plessis- Piquet, près Paris. \\ -s.
Vol. iu8". , Paru, j8l(; Oui (le CeUc
(I. 1 iip 1 ■
ouyrogi
!>• 11 m
I
MON
MOINTESQUIOU-MOMLLC. V.
Mohtluc et Cramail.
MONTESQUIOU - FEZENSAC
( A:\ne-Pierre, marquis de ), lieu-
tenant-général , né à Paris , eu 1741 ,
de la même famille que le précé-
dais d'une autre branche,
fut élevé à la cour , et attache com-
me menin aux enfants de France. Il
joignait à un esprit facile et aimable,
aux manières qui n'appartiennent
qu'aux plus hautes classes de la so-
ciété, une instruction solide et variée.
Son goût pour les lettres lui mérita
la bienveillance particulière de Mon-
sieur ( Louis XVIII ), dont il fut
nommé, en 1771 , premier écuyer,
el qui ne cessa, jusqu'au moment
de la révolution , de le combler
de laveurs. Montesquieu , entré jeu-
ne au service, fut élevé au grade
de maréchal-de-camp, en 1780, et
décoré des ordres du roi , en 1783.
A la mort de M. de Coetlosquet , éve-
que de Limoges ( V. Coetloso:
il fut élu son successeur à l'acad
française, en 1784; et, malgré les
épigrammes qui coururent alors ,
oit convenir qu'il avait d'autres
titres à cet honneur que sa généalo-
gie (*;.)• La séance consacrée à sa
réception, fut honorée de la pré-
sence du roi de Suède, Gustave III,
qui voyageait alors sous le nom de
■ de Haga. Suard lui répondit
alité de directeur de l'académie,
ppcla tous les droits du réci-
piendaire. « Votre talent » , lui dit-
il , « ne s'est pas borné à de petits
1ère, il < bùl an iere |» tit-fiJl '!•■ M»"-'.
tide )■
il porler le nom el '•
,,1 , ...1,11 Hnofl
MON
54
v ouvrages de société ; il s'est elcve
» à an genre plus digne encore des
» regards du public; vous avez fait
» des comédies , où vous avez peint
» les mœurs de la société avec le
» coup-d'œil (in de l'observateur, et
» avec l'art du poète (i). » Députe,
en 1789, parla noblesse de Paris,
aux étals -généraux, il fut l'un des
premiers membres de cet ordre qui
se réunirent au tiers-état. Pendant la
session , il s'occupa plus particuliè-
rement des questions de finances, et
développa des connaissances .qu'on
était loin de lui soupçonner. Quoi-
qu'il ne partageât pas entièrement les
vues de ISecker , il appuya diverses
propositions de ce ministre, et con-
tribua beaucoup à les faire adopter.
Nommé rapporteur de la commis-
sion qui était chargée de déterminer
le; mode de fabrication des assignats,
il parla plusieurs fois sur la néces-
site d'en régler l'émission, pour en
prévenir le discrédit , et d'adopter
de.', mesures pour en soutenir la
valeur. Apres l'arrestation du roi
Louis XVI à Varcnnes, Monsieur fit
demander à Montesquiou sa démis-
sion de la charge de son premier
ecuyer. Celui-ci en accompagna l'en-
voi d'une lettre dans laquelle il cher-
chait à justifier , auprès de ce prince,
la conduite qu'il avait tenue depuis le
commencement de la révolution. À
la fin de la session, il fut appelé au
commandement de l'armée du midi;
il se rendit à Avignon, peu apiès les
blés qui avaient ensanglanté cette
malheureuse viilc, et prit , pour en
prévenir le retour, les mesures qu'il
lit les plus elïicaces : il se vit
bientôt exposé à de violentes dénon-
(1) En mars 1777, <)" joaa cb< 1 M
son , le Mimttit 11 .■■ , comédie riu marquis de
. qui u'u'ntiiit que p>*u de succès , ilil G
tails bci-
MON
ciations ; mais il les méprisa , et ng
s'occupa que des moyens de pré-
server les frontières d'une invasion.
Il entra lui-même dans la Savoie ,
le 22 septembre 1792, et acheva la
conquête de ce pays , sans avoir eu
à répandre une goutte de sang. Les
révolutionnaires, qui ne pouvaient lui
pardonner les démarches qu'il avait
faites, aux approches du 10 août,
pour ramener les Girondins à la cause
du tronc , avaient juré sa perte. La
nouvelle du succès qu'il venait d'ob-
tenir , fit suspendre l'exécution du
décret qui prononçait sa destitution :
ce décret fut définitivement rap-
porté , sur la demande des commis-
saires de la Convention à l'armée des
Alpes. Mais un mois après ( 9 nov.
1 792 ) , Monstequiou fut décrété d'ac-
cusation j sous le ridicule prétexte
qu'il avait compromis la dignité na-
tionale dans la négociation dont il
avait été chargé avec Genève, pour
l'éloigncmcnt des troupes suisses. Il
crut devoir se soustraire à l'exéci
tion de ce décret , et partit de
nève avec quelques louis qu'il ci
prunta d'un négociant , auquel
avait osé se confier : il se retira
Suisse, où il tâcha de se faire oubli
(1). Le retour aux idées de mor
et de justice lui lit concevoir l'espc
rance de rentrer dans sa patrie; et
adressa, en 1 793, à la Convention ,
un mémoire justificatif de sa con-
duite , demandant , au besoin , des
juges, et un sauf-conduit, afin de-
pouvoir se présenter devant eux.
Son nom fut alors rayé de la liste
des émigrés; et il revint à Paris , où
ii mourut, le 3o décembre 1798, à
l'âge de cinquante- sept ans , après
elle particularité, coq ignée dans le Monite
a l'époque même clc l'accusation de Montesquiou
moulre ia fausseté de* anecdotes rapporté»
, d'où ;l!:s passi ronl sa
: ititHIS du Ul'-i.':'
MON
avoir figure dans un nouveau cîuî>
formé à Paris , sous le titre de Cer-
cle constitutionnel , et avoir fait de
vains efforts pour se faire nom-
mer députe. Ou a de Montesquiou
plusieurs Pièces de vers agréables ;
Laharpe et Grimm en ont inséré
quelques-unes dans leurs Correspon-
dances : — Discours de réception
à V académie française ; Grimm
trouve qu'il y règne une grande pu-
reté de goût ; et il en a donné une
analyse intéressante (juin 1 784); —
Emilie ou les joueurs, comédie, Pa-
ris, 1787, in- 18; tiré à cinquante
exemplaires , pour des présents :
c'est, dit Laharpe, un ouvrage es-
timable, et qui, avec quelques lé-
gers changements, pourrait avoir
du succès au théâtre; — Corres-
pondance , in-8° ; — Mémoire jus -
tificatif, 1 79^ , in- 4°. ( 1); — Des
Èapports et des Mémoires sur les
finances du royaume; — Du gou-
vernement des finances de France,
d'après les lois constitutionnelles ,
d'après les principes d'un gauver-
nement libre et représentatifs 1 797,
in-8°.; il y trace avec une clarté
parfaite les principes généraux de
la législation financière sous une ré-
publique , assigne chaque goure de
revenu à chaque espèce de dépense ,
et présente les moyens d'éteindre,
ave*; succès, la dclle publique; —
Couj>-d'a.'il sur la révolution
cuise ; — Plusieurs articles dans le
Journal de Paris. On "lier,
pour plus de détails, la France lit-
téraire de Ersch, et ses suppléments.
W— s.
MONTESSf lAULOTTE-
ÏSàWW .il DE
Riou , marquise di ît, en
]>.>r l.i t
général Moni
MON 5*5
T737, d'une famiile distinguée de
Bretagne. Sa figure était charmante
sans offrir rien de parfaitement ré-
gulier : elle n'avait que seize ou dix-
sept ans, lorsque le marquis de Mon-
tesson, lieutenant-général des armées
du roi , riche gentilhomme de la pro-
vince du Maine, mais déjà avancé
en âge, lui fut donné pour époux.
Sa fortune s'accrut beaucoup par hi
mort de son frère unique, le marquis
de la Haie de Riou, gentilhomme de
la manche du duc de Bourgogne, et
officier supérieur de gendarmerie,
qui fut tué à la bataille de Minden.
Mme. de Montesson resta veuve en
1 7G9 ; son excellente réputation , ses
talents, son amabilité et la bonté de
son caractère, la firent rechercher
dans le monde. Collé suppose que
ce fut dès Tannée 1766, que le duc
d'Orléans , petit - fils du régent ,
commença à éprouver pour elle un
vif attachement. Rendue à la liberté
de ses affections , elle opposa encore
une longue résistance au sentiment
que ce prince, jusqu'alors fort in-
constant, desirait lui faire partager.
Il se détermina , vers la fin de- 1
à lui offrir sa main ; et le 2$ avril
1773, la bénédiction nuptiale fut
donnée dans la chapelle de M1
Montesson, par le curé de Sainl
, dont elle était paroissienne.
Il y avait été autorisé par l'ai , :
que de Paris, sur le consente]
1 ( 1 ) , Sa Majesté voulant que,
le mariage restât secret, autant
que faire se pourrait ; c'est-à -1 ! i rr ,
aussi long - temps qu'aucun enfant
n'en sciait le fruit. A la connaissance
(1) !•■ i nuis Mil . il esl d
tons |i ■•. |
u Moniteur l'at
>, dira dr mu pari m ■
» el VOU
de GriniBi, " pwt.,i
5*6
MON
MON
près des circonstances qui ne du-
rent pas être rendues publiques , on
peut dire que ce mariage ne fut ignoré
ni à la cour ni à la ville; et l'on
pensa généralement que Mme. de
Montesson , devenue l'épouse du .
premier prince du sang, sans avoir
le litre et le rang de princesse , se
trouvait dans une position intermé-
diaire fort difficile, puisqu'elle avait
presque également à redouter l'envie
et le ridicule. Elle parvint à désar-
mer l'une, et évita l'autre par une
conduite habile et soutenue. Douée
de beaucoup de justesse d'esprit, de
patience et de raison, elle établit
adroitement des nuances dans son
langage et dans ses manières , sui-
vant ses différents rapports de so-
ciété. Elle était respectueuse envers
les princes , en conservant ce qu'il
fallait de dignité pour que sa qualité
ne fût jamais oubliée. Elle gai dut
aussi une juste mesure avec les per-
sonnes considérables qui lui ren-
daient des soins assidus, et qui, sans
qu'elle parut l'exiger, avaient pour
elle les mêmes formes de déférence
qu'elles auraient employées avec les
princesses du sang; elle se montrait
enfin affable avec les inférieurs ,
gracieuse et obligeante pour tous.
Ce fut ainsi qu'elle réunit à nue
considération méritée , la bienveil-
lance presque universelle. Son état
dans le monde rappelait ce'.ui de
M,lie. de Mainteuon k la cour ; mais
il faut convenir que Louis XIV , de-
venu vieux , était plus difficile à
amuser que le duc d'Orléans : ce
prince avait un besoin continuel de
varier ses plaisirs ; et Mme. de Mon-
tesson était ingénieuse dans le clioix
des amusements de société qu'elle
lui ménageait chaque jour. Leur ma-
riage fut indiqué long-temps dans
le calendrier romain; mais comme
r-ti
iî n'était pas ostensiblment avoué es
France, Louis XVI, par des lettres
patentes du 26 août 1781, enregis-
trées deux jours après au parlement,
autorisa Mme. de Montesson à procé-
der, tant dans les tribunaux que dans
les actes et contrats volontaires, sous
ses seuls noms de famille. Sa mai-
son présentait une magnificence sans
faste , et cette élégance qui réconci-
lie tout le monde avec le luxe. C'était
une véritable école de bon goût et de
politesse. Nous avons indiqué que la
fortune personnelle deMme. de Mon-
tesson était considérable. Le duc
d'Orléans la consultait souvent sur
l'emploi de la partie de ses immenses
revenus qu'il desirait consacrer, soit
à l'agrément commun de leur vie in-
térieure , soit à des actes de bienfai-
sance. Elle l'engageait k contribuer,
et contribuait-elle même, à l'encou-
ragement, au perfectionnement des
sciences , des arts utiles , et des arts
d'agrément. Devenue veuve une se-
conde fois, en 178.5, elle fut
payée, après quelques discussions,
du douaire qui avait été stipulé par
son contrat de mariage. Une nouvel
contestation s'étant élevée , Loi
XVI signa , au mois de juillet 1 79
un acte par lequel il reconnaissait les
droits qu'elle avait à ce douaire ,
comme épouse du duc d'Orléans.
La réserve qu'elle garda pendant
toute la durée de sa vie , où elle
compta de véritables amis sans s'ex-
poser jamais à exciter la moindre
inimitié; la douceur et l'affabilité qui
lui étaient naturelles, peut-être aussi
le souvenir des bienfaits répandus
par elle autrefois dans la classe in-
digente du peuple ; tout concourut
à la sauver des plus grands dangers
de la révolution. On n'avait pas pu
oublier entièrement que dans l'hiver
excessivement froid de 1 788 à 1 789,
par
S
MO
elle avait fait ôter les arbres de son
orangerie et les plantes qui ornaient
les serres de ses jardins, pour que
ces bâtiments devinssent des salles
de travail, ouvertes aux pauvres, lis
y recevaient la nourriture , et des se-
cours de toute espèce, en même-
temps qu'ils y trouvaient un abri
contre les rigueurs de la saison. A
une époque récente, une circonstance
remarquable lui attira , de ia
part de Buonaparte , la plus grande
considération. Elle avait autrefois
connu M1110, de Beauharnais, avec
laquelle sa liaison s'était renouée
pendant l'expédition d'Egypte , et
dans un voyage aux eaux de Plom-
bières. A son retour , le général ,
parcourant des papiers de sa femme ,
distingua plusieurs lettres de Mme.
de Montesson. Au milieu de toutes
les exagérations de sentiment, si fort
à la mode dans le dernier siècle, se
trouvaient de sages et utiles conseils.
Il fut surtout frappé de cette phrase :
Vous ne devez jamais oublier que
vous êtes la femme d'un grand
homme; et dès -lors l'a Section du
premier consul , devenu ensuite em-
pereur, fut acquise à la personne qui
te jugeait aussi favorablement; il fit
payer son douaire, qui fut assis sur
les canaux d'Orléans et du Loing.
Mmc. De Montesson avait mieux
aimé risquer d'en perdre la valeur
entière), que de le l'air*; liquider
comme ses auti ir l'é-
tat. Les égards que lui témoignait
Buonaparte, la mirent en mesure de
satisfaire des sentiments bien chers
à son cœur . fen obtenant du chef
dû gouvernement une augmentation
considérable au tiuelles
que Louchaient un de
princes du s
princesses , dépouillées et i i
avec lui. Elle mouiut a Paris, le G
MON 5-».7
lévrier 1806(1). Son corps fut :
porté dans une chapelle de la
de Saint-Port, qui est la parois
château de Sainte- Assise, près de
Melun , où le duc d'Orléans était
mort. Ce prince avait ordonné, par
son testament, que son cœur et ses
entrailles seraient apportes dans cette
église , a espérant ( disait-il ) que la
» dame du lieu y serait inhumée à
» ses côtés, et voulant qu'ils fussent
» aussi unis après leur mort, qu'ils
» l'avaient été pendant leur vie. » Les
obsèques de Mme. de Montesson fu-
rent célébrées avec beaucoup de
pompe. Le corps resta dans une cha-
pelle ardente à l'église de Saint-Rocb,
pendant trois jours, qui furent néecs-
saires pour les préparatifs de la trans-
lation. Mmc. de Montesson, remar-
quable par son caractère, par son
esprit et parla singularité de sa situa-
tion dans le grand-monde, se distin-
guait encore par des talents d'agré-
ment, peu communs. Élève de \ an
Spaendohck, elle a laissé plusieurs
tableaux de fleurs dignes de l'école de
ce grand maître. Elle jouait bien de
la harpe, chantait de manière «à faire
le plus grand plaisir, et passait pour
une excellente actrice de; société (*.*)•
Tels étaient enfin l'assiduité de son
a pplication , son ordre et sa méthode
dans la distribution de son temps ,
qu'elle a pu encore recevoir
suite des leçons de physique et de
chimie de MM. Berthollet et La-
place, admis jusqu'à sa mort dans
son intimité', et composer, entre
.
/ . Philippe d'Orléans.
{■*) Un grand uninbi
tomme auteur dn tique en nu m
I
- , elle joua .
1 1.-.
5>S
MON
•Mitres ouvrages, seize pièces de théâ-
tre, etc., etc. On assure qu'il reste
d'elle deux tragédies manuscrites ,
JLlfrède et la Prise de Grenade, et
deux comédies. Au surplus, quoique
aimant beaucoup les belles-lettres,
et les cultivant avec succès , elle n'a-
vait point la manie du bel-esprit, et
ne montrait aucune des prétentions
ambitieuses qui sont trop communes
parmi les auteurs. Grimm revient
souvent, dans sa Correspondance ,
sur les spectacles de Mme. de Mon-
tesson. On y représentait assez habi-
tuellement des pièces composées par
elle. En 1777 , elle donna deux dra-
mes : Robert Sciarts, en 5 actes et
m prose , et Y Heureux échange. Le
sujet du premier était un trait de bien-
faisance de Montesquieu ( V. son ar-
ticle , pag. 5 1 7 ci-dessus ) ; le person-
nage principal fut rempli par le duc
d'Orléans. Elle mit encore a la scène,
en 1778, la Femme sincère et Y A-
viant romanesque. Voltaire désira
se trouver à une de ces représen-
tations , pendant laquelle il battit
continuellement des mains. Le prin-
ce , époux de Mme. de Montesson ,
qui était éminemment bon et af-
fable, se réunit à elle pour accabler
de compliments, et même de cares-
ses, le plus célèbre et le plus adulé
des écrivains du dix-huitième siècle.
En la voyant venir vers sa loge, il
se mit à genoux , et ce fut ainsi qu'il
reçut cette espèce d'hommage. Dans
l'hiver de 1781 , les spectacles dont
il s'agit, ne furent pas moins suivis
et moins agréablement variés c\v.e les
années précédentes. Ils étaient rc-
jnarquaLles tout à-la-fois par le rang
des acteurs, par l'éclat de l'assem-
blée , par le choix des pièces et par
l'exécution théâtrale. On y vit. pa-
raître , entre autres, deux pièces de
]a même dame,, qui étaient ses pre-
MON
miers essais en vers : Y Homme im-
passible, et la Fausse vertu. Mme.
de Montesson donna encore chez e'.Ic
Marianne , sujet tiré du roman de
Marivaux. Elle eut à se reprocher
d'avoir cédé aux instances de Mole
et au vœu des comédiens , en laissant
lire au Théâtre-Français, une de ses
pièces , la Comtesse de Chazelles , en
5 actes et en vers. Cette comédie,
pré-
sentée sans nom d'auteur, et jouée le
6 mai 1 78.5, ne fut pas bien reçue du
public. On prononça assez générale-
ment qu'elle n'était pas bonne; et quel-
ques personnes l'attaquèrent comme
immorale. Alors Mme. de Montesson
retira sa pièce , en déclarant qu'elle
était son ouvrage, et la fit imprimer
à un petit nombre d'exemplaires ,
pour que ses amis pussent mieux la
juger. Les Liaisons dangereuses et
Clarisse en avaient fourni le cane-
vas. Ce fut sous le titre à' Œuvres
anonymes qu'elle livra à Fimpres
sion le recueil de ses vers , de s(
compositions en prose , et de s<
théâtre ( 178-*, Didot, 8 vol., granc
in-8°. ) Il n'en fut tiré qu'un tri
petit nombre d'exemplaires pou
être distribués dans le cercle le pi
intime de l'auteur; et aucun ne IV
alors vendu. Cette collection, ôeYc
nue très -rare, est rangée mainte-
nant parmi les livres précieux : elle
a même été payée fort cher pj
des amateurs. îl y a un volume
Méla?iges, àésiçnccommelome 1 "\
et qui n'est suivi d'aucun autre. Oi
y trouve d'abord un roman en prose :
Pauline. Tout le reste est en vers ;
Bosamonde , poème en cinq chants;
un Conte allégorique ; les Dix-lad
portes, anecdote tirée des Fabliau:
enfin, une Lettre de Saint-Preux
mi lord Edouard. Ces mélanges ,
l'exception du roman en prose, 01
été imprimés ( 1782 ) en un vol.
;.>\T
semblable à la collection d'Ar-
tois. Les sept autres volumes in-8°. ,
contiennent quatorze pièces, drames,
comédies, et deux tragédies ; L'une,
intitulée la Comtesse de Bar, a de
l'affinité avec Phèdre : Mme. de
Montesson , qui en avait puisé Je
fonds dans les Anecdotes de la cour
de Bourgogne, y fait souvent fuisse
route, en s'eiforçant d'éviter une
dangereuse ressemblance avec Ra-
pine; l'autre, Agnès de Méranie,
tragédie, est encore le développe-
ment d'un épisode du roman de
M11'', de Lussan sur la cour de Phi-
lippe - Auguste. Ces deux pièces
furent représentées avec de grands
applaudissements , par les comé-
diens français , sur le théâtre de
Mme. de Montesson. M. Barbier lui
attribue , dans son Dictionnaire des
anonymes, une traduction du Mi-
nistre de TVakefield , Londres et
Paris, Pissot, 1 7O7, in-12. L-p-e.
MONTET ( Jacques ) , chimiste
languedocien, naquit en 172a
hameau de Beaulieu , près du Vigan.
Avant qu'il eut songé à faire choix
d'un état, une sorte d'instinct l'avait
porté à acheter , à force d'économie
et de privations , la collection des
■lires de l'académie des sciences
de Paris, ce recueil dans lequel ses
travaux devaient un jour trouver
place. C'est là sans doute qu'il puisa
ce goût pour la chimie , qui , à l'âge
de vingt ans, décida de sa vocation.
anglais éclairé , qui app
son mérité, l'engagea .1 L'accompa-
gner dans ses courses en Suisse ,
et le mit à portée de suivre, à Paris ,
1rs leçons du célèbre Rouelle. Au re-
tour de Montel a Montpellier , quel-
ques Mémoires qu'O présenta à la
société royale d , firent
admettre, à vingt-six ans , en qua-
lité d'adjoint ,d I ■ 1 hi-
MON
*9
mie; il fut, quelque temps après,
élevé au rang d'associé ordinaire.
Dès-lors sa vie devint toute a<
inique. Il n'en faut plus chercher
de traces que dans les fastes de cette
société, et dans ceux tic l'académie
des sciences de Paris. Les princi-
pales recherches de Montet ont eu
pour objet la fabrication du vert-
de gris , dont il a traité dans trois
Mémoires estimés ; la teinture de
tournesol ; les cendres du tamarisc
dans lequel il découvrit , le premier ,
un sel neutre entièrement semblable
à celui de Glaubcr ( le sulfate de
soude )j Y Iris nostras, auquel il re-
connut les mêmes propriétés qu'à
l'iris de Florence ; un voleau éteint ,
dont il retrouva les traces à Mbnt-
ferrier; ceux des diocèses d'Agde et
deBeziers ; les salines dePéeais, dont
on lui doit une exacte et intéressante
description.; la physique , l'histoire
naturelle et l'agriculture de la partie
desCévennes qui s'étend de l'Hérault
à la montagne de I'Esperou ; la mor-
sure des vipères ; les causes des em-
brasements spontanés ; l'art de cris-
talliser l'alcali fixe de tartre, et d'eu
conserver en tous les temps les cris-
taux ; l'analyse des eaux de Pomaret.
et de la Koubine. Le résultat de pres-
que toutes ses méditations et de ses
expériences est consigné dans un
grand nombre d'articles qu'il a four-
nis à l'Encyclopédie. Démonstrateur
des cours de chimie qu'il faisait avec
Vend , il n'a pas moins contribué
que ce Savant professeur à répandre
le goût de cette science. La société
royale de Montpellier tenait à l'aca-
démie des sciences de Paris par les
liens d'une association intime qui fai-
sait, en quelque sorte, des deux com-
pagnies un seul et même corps, par
la loi de leur union, la société royale
était tenue de fournir un mémoire au
3-i
53o
MON
recueil atinuel de ceux de l'académie.
J^es écrits de Montet furent long-
temps choisis pour acquitter ce tri-
but ; et il attachait une telle impor-
tance à l'accomplissement de ce de-
voir, qu'il fonda un prix destine à ré-
compenser, chaque année, celui de ses
confi èresdontletravail serait préfère'
pourcet objet. Montel mourut àMont-
pellier, le 1 3 novembre 1782. V.S.L.
MONTEZUMA Ier., surnomme
Jluéhué ( le Vieux ) , neveu du géné-
ral ïlacaalec, et cinquième roi des
Mexicains , succéda à Izicootl , en
i455. Le génie bizarre et sauvage
de ce prince se montra le jour même
de son couronnement. On prétend
qu'au moment où ses sujets lui fai-
saient le serment de fidélité, il prit
un os de tigre , s'ouvrit les veines des
bras et des jambes, et arrosa l'autel
de son sang pour exprimer qu'il
était prêt à sacrifier sa vie pour sa
patrie. Son premier exploit fut la
conquête de Chalci, république guer-
rière des bords de la mer du Sud.
Les Ghalciens étaient braves : ils fu-
rent plusieurs fois défaits sans être
conquis; et, dans un des nombreux
combats qu'il fallut leur livrer ,
Montezuma perdit son frère. Poul-
ie venger, il fit égorger, aux pieds
de la statue du dieu de la guerre ,
particulièrement adoré chez les Mexi-
cains, tous les prisonniers faits dans
la bataille. Cette coutume barbare
prévalut depuis; et les autels mexi-
cains furent inondés du sang des
malheurenx captifs. Les exploits de
Montezuma ayant répandu la terreur
de son nom chez toutes les nations
voisines , il s'occupa de l'adminis-
tration de son empire : il fit de nou-
velles lois , devenues nécessaires par
l'agrandissement de ses états ; il insti-
tua des tribunaux dans toutes les
provinces ? et nomma des censeurs
MON
pour maintenir les bonnes mœurs
parmi ses sujets. Le fameux temple
du dieu Vitzilipatizy , le Mars des
Mexicains , fut bâli par ce prince ,
qui mourut en 1 483 , après un rè-
gne de vingt-huit ans. B — p.
MONTEZUMA II , roi du Mexi-
que , dont le vrai nom mexicain était
MoTEticzoMA, fut surnommé Xoco-<
JOTzm ( le Jeune) pour le distinguer
de Moteuczoma Huehué ( le Vieux ),
Après la mort de son grand- père
Ahuitzotl, en i5o2, il fut élu roi
d' Anahuac , de préférence à ses frères.
Il était alors âgé d'environ vingt-six
ans. Sa bravoure dans les combats,
sa prudence dans les conseils , sa
piété , le respect qu'inspirait son ca-
ractère de prêtre , fixèrent sur lui le
choix des grands. On dit qu'en ap-
prenant la nouvelle de son élection ,
il se retira dans le temple pour se
dérober aux honneurs qui l'atten-
daient , et qu'on le trouva balayant
le pavé du sanctuaire./ A son instal-
lation sur le trône , le prince qui le
haranguait, le félicita d'y arriver à
l'époque où l'empire était parvenu au
plus haut degré de splendeur. La cé-
rémonie du couronnement surpassa
en pompe et en éclat tout ce qu'on
avait vu jusqu'alors : le nombre des
victimes humaines sacrifiées à cette
occasion fut immense; elles furent
fournies p.r les prisonniers fait»
sur les Atlixtchès ? qui s'étaient ré-
voltés. Tant de grandeur devait
bientôt s'évanouir. A peine en pos-
session du pouvoir , Montezuma
l'exerça de manière à s'aliéner l'af-
fection d'une partie de ses sujets.
Ses ancêtres accordaient les emplois
à tous ceux qui s'en rendaient di-
gnes : Montezuma ne les conféra
qu'aux hommes distingués par leur
naissance. Les représentations qui lui
furent adressées , à cette occasion ,
MON
jpar un vieillard autrefois charge de
son éducation , échouèrent contre sa
volonté : il en recueillit plus tard
des fruits bien amers. Il se mon-
trait dur et arrogant envers ses vas-
saux , et très-rigoureux dans le châ-
timent des crimes; mais en revanche
il punissait sans acception des per-
sonnes : i! était ennemi de la fainé-
antise, et ne souffrait pas que qui
que ce fût restât oisif dans son em-
pire. Les historiens entrent là-dessus
dans des détails singuliers. Ils ne cau-
sent pas moins d'étonnement quand
ils parlent de la magnificence des
anciens rois du Mexique, et notam-
ment de Montezuma ; ces récits pa-
raîtraient incroyables , comme l'ob-
serve justement Clavigero , si ceux
qui ont détruit cette magnificence
n'avaient eux-mêmes pris soin de la
décrire. Montezuma était généreux;
il fonda un hôpital à Colhucan , des-
tiné aux fonctionnaires publics et
aux militaires invalides : cette hu-
meur libérale l'aurait fait aimer du
peuple s'il eût été moins sévère. Gé-
néralement heureux dans ses guerres
contre les états voisins , il en soumit
plusieurs. Au mois de février i5o6,
ses troupes ayant remporté une
grande victoire sur les Atlixtchès,
ce fut une occasion de célébrer avec
plus de pompe que sous Montezu-
ma Ier. en i464,Ja fête du renouvel-
lement du feu, qui revenait tou
cinquante-deux ans : elle fut la plus
solennelle et la dernière. Ci pendant
[es succès de son règne furent b
de quelques revers : le (ils aîné de
Montezuma avait été tué dans une
guerre contre le ! ilteques,qui
avaient répoussé les Mexicains ; une
famine désola l'empire en i5o4;
enfin une expédition malheui
contre Amatla , et surtout l'appa-
rition d'une comète f vei
MON
53t
répandirent la consternation parmi
les princes d'Anahuae. Montezuma,
naturellement superstitieux, et dont
l'abus des voluptés avait énervé le
caractère , ne put voir un tel phé-
nomène avec indifférence : il con-
sulta ses astrologues, qui , incapables
de le satisfaire , s'adressèrent au roi
d'Acolhuacan. Celui-ci , très - habile
dans l'art de la divination , assura
que la comète annonçait à l'empire
de grands désastres causés par l'ar-
rivée d'un peuple étranger. Monte-
zuma ne voulut pas d'abord ajouter
foi à cette interprétation : des prodi-
ges réitérés le forcèrent enfin d'y
croire ; et bientôt des bruits confus
l'avertirent que des hommes tout dif-
férents de ceux qui peuplaient sou
pays et les contrées voisines, avaient
paru sur des côtes lointaines. Ce-
pendant il fit encore la guerre , et ,
par ses succès , porta , vers i5i5 ,
l'empire d'Anahuae à sa plus grande
étendue : mais à mesure que l'état
s'agrandissait , le nombre des mécon-
tents impatients de secouer le joug
augmentait ; il devenait impossible de
conserver l'union nécessaire, au jour
du danger qui était proche. Bientôt
les bruits vagues se confirment; au
mois d'avril i5iq, les gouverneurs
des provinces de la côte orientale de
l'empire , mandent à Montezuma
que des étrangers viennent d'entrer
dans ses états : ce qu'ils lui racontent
des Vaisseaux , des armes, del'artil-
des chevaux de ce peuple , lui
cause un trouble inexprimable. « Au
» lieu , dit Kobertson, de prendre la
» résolution que devaient lui inspirer
» le sentiment de son pouvoir et le
«sou*- nir de ses premiers exploits ,
» et de tomber sur les i
» quand ils se trouvaient sur une
» stérile et malSaine, sans avciuWlié
» dans le pays, lans place de retrlkc,
3;..
53*
MON
» sans provisions ; il met dans tontes
y> ses délibérations june inquiétude et
» une indécision qui n'échappent pas
» au dernier de ses courtisans. » Il
tient conseil avec ses principaux
ministres. On décide , d'après une
opinion généralement répandue par-
mi les Mexicains , que le chef des
guerriers qui viennent de débarquer ,
ne peut être que le dieu Quetzaîcoatl ,
attendu depuis long-temps : Monte-
zuma charge des ambassadeurs de
féliciter les étrangers, et de leur
offrir des présents; mais en même
temps il donne des ordres pour que
l'on garde soigneusement la côte, et
que l'on soit attentif à observer les
mouvements de ces étrangers. Il con-
sulte les oracles ; et ceux-ci répondent
qu'il ne doit pas admettre les étran-
gers en sa présence , malgré leur
demande. Montezuma embrasse ce
parti , envoie des présents magnifi-
ques à Gortèz leur chef, pour lui
et pour son souverain, lui souhaite
toutes sortes de prospérités , et le
prie de ne pas insister pour venir à
sa cour. Cependant il fait défendre à
ses sujets de porter des provisions
aux Espagnols , et leur ordonne de
se retirer dans l'intérieur des terres.
11 prend d'autres mesures propres à
inquiéter les Espagnols; il se prépare
même à envoyer une armée contre
eux, quand l'arrivée de deux offi-
ciers, arrêtés par les Totomaques ,
et mis en liberté par Gortèz , le fait
changer de sentiment : mais il est
indigné de ce que ce chef a conclu
des alliances avec différents caciques
et peuples révoltés contre l'autorité
royale ; il s'en plaint , et quatre fois
il fait porter des présents à Gortèz,
qui poursuit sa marche victorieuse
vers la capitale de l'empire. Conster-
né de la nouvelle du sac de la ville
de Cholula ; qui , à son instigation ,
MON
avait tendu des pièges aux E
gnols , il se retire dans un de .ses pa-
lais , destiné pour les temps de dou-
leur : il y reste huit jours à jeûner,
et à pratiquer les austérités qu'il
croit propres à lui obtenir la protec-
tion des dieux. Ses alarmes sont
augmentées et entretenues par ses
visions , par les discours des prêtres,
par les réponses des oracles? Il fait
encore inviter Gortèz à ne pas venir
à Mexico , et offre de payer un tri-
but annuel au roi d'Espagne , de
donner quatre charges d'or an géné-
ral , et une à chaque capitaine et
soldat. Voyant l'inutilité de ses dé-
marches , il se détermine enfin à
suivre l'avis du roi de Tezcuco , qui
lui conseille de recevoir les Espa-
gnols, ajoutant qu'il est assez fort
pour les écraser quand ils seront à
sa cour , s'ils entreprennent quelque
chose contre sa personne ou contre
l'état. Corlèz était déjà près de la
ville. Ce fut le 8 novembre que Mon-
tezuma vint le trouver , entouré d'un
cortège dont la magnificence frap
pa les Espagnols. Cortèz lui fit un
profond salut , à la manière d
Européens : le monarque le lui re:
dit à la manière de son pays,
touchant la terre avec sa main ,
la baisant ensuite. Cette cérémonie
qui était au Mexique Fexpressio
ordinaire du respect des inférieu
envers leurs supérieurs, parut a
Mexicains une condescendance
étonnante de la pari d'un monarqi;
orgueilleux, et qui daignait à peine
croire que ses sujets fussent de la
même espèce que lui, qu'ils virent
dès-lors dans ces étrangers, deva
qui leur souverain s'humiliait ains
des êtres d'une nature supérieur
Montezuma conduisit Gortèz et s
soldats dans les quartiers qu'il leur
avait préparés : c'était un de ses par-
un
i
lie
i
ne
la
nt
ï
MON
lais , et il prit congé d'eux avec une
politesse digne d'une cour européen-
ne. « Vous êtes maintenant, » leur
dit-il, « parmi vos frères et chez
» vous; reposez-vous de vos fatigues,
» et soyez heureux, jusqu'à ce que
» je revienne vous voir. » Le soir,
il visita de nouveau ses hôtes, avec
la même pompe que le matin, ap-
porta des présents fort riches , et eut
avec Cortèz un long entretien, dans
lequel il lui apprit que , d'après une
tradition ancienne, les Mexicains le
regardaient comme le chef de guer-
riers descendus des fondateurs de
l'empire du Mexique, et annoncés
pour devoir venir reprendre posses-
sion du pays. Pendant huit jours ,
Cortèz se conduisit avec respect en-
vers Montezuma, qui prenait plai-
sir à lui montrer ce que sa capi-
tale offrait de remarquable. Dans la
visite des temples , ce général témoi-
gna un zè!e indiscret contre la re-
ligion du pays. Montezuma, non
nu »ins fervent dans sa croyance, la
défendit avec feu : cependant , ému
par les discours de Cortèz, il ordon-
na de cesser les sacrifices humains.
Cette victoire du guerrier castillan
n'est certainement pas la moins bel-
le de celles qu'il remporta ; mais
elle ne suffisait pas à son ambition.
Au bout de huit jours, le soin de
sa sûreté le porte à l'étrange et
audacieux dessein d'aller se
de Montezuma , dan> son palais ,
pour l'amener au quartier i!<
pagnols. Confondu par le discours
de Cortèz, qui lui reproche d'avoir
donne a ses officiers l'ordre de tuer
les Espagnols restes à Vera-Cruz , le
monarque veut qu'on arrête sur-le-
i|> les coupables j mais à lu pro-
position de suivi»- Cortex
quartiers, il reste muet. L'indigna-
tion le ranime; il répond avec hau-
MON
53*
teur : la dispute devient vive ; elle
dure trois heures. Enfin Montezuma,
que le geste menaçant d'un Espagnol
avait frappé de terreur, céda aux avis
de Marina , et se remit à la bonne-
foi de Cortèz. « Je me lie à vous, »
lui dit-il; a allons, allons ; les dieux
» le veulent. » Il se fit amener sa li-
tière, et sortit de son palais, pour n'y
plus rentrer. Calmant , sur sa route ,
la multitude qui était prête à venger
son outrage, il fut reçu par les Es-
pagnols avec des marques de respect.
Ses principaux officiers, ses domes-
tiques , eurent un libre accès auprès
de sa personne; et il exerça toutes les
fonctions du gouvernement, com-
me s'il eût été en parfaite liberté.
On le laissait même aller à la chasse,
qu'il aimait beaucoup ; mais il ne
couchait pas hors des quartiers.
Cortèz , qui l'avait déjà forcé à lui
livrer ceux qui avaient attaqué les
Espagnols à Vera-Cruz, lui fait met-
tre les fers aux pieds et aux mains,
comme un général qui punit un
simple soldat. Pendant qu'on livre
au supplice du bûcher les Mexicains
qui ont exécuté les ordres de leur
maître , Montezuma , entouré de ses
courtisans, qui s'efforçaient d'alléger
le poids de ses fers , exhalait sa dou-
leur par des plaintes et des gémisse-
ments. Quand Cortèz ordonna de lui
ôter ses fers, il passa de l'excès du
poir aux. transports de la re-
connaissance envers ses libérateurs.
Enfin , pressé par le général espa-
gnol , il se déclara, devant les grands
de l'empire , vassal de Charles-Quint,
et s'engagea de payer un tribut an-
nuel. Les soupirs et les larmes in-
terrompirent souvent son dise ours ;
l'assemblée fut d'abord frappée d'un
muet étonnement : bientôt un mur-
mure confus, exprimant à-la-fois la
douleur et l'iudiguatiou , semblait
MON
annoncer que les Mexicains allaient
se porler à quelque violence; Gortèz
le prévint à propos : l'acte de foi et
hommage fut prêté avec toutes les
solennités qu'il plut aux Espagnols
de prescrire; et Montezuma, sur la
demande du général . y joignit un
présent de six cent mille onces d'or
et d'argent , et non de six cent mille
marcs d'or pur , comme l'a raconté
l'exagéra teur Solis, trop servilement
copié par d'autres écrivains. Monte-
zuma, qui s'était montré facile pour
tout ce que le conquérant avait exigé
de lui , resta inflexible sur l'article de
la religion. Les Mexicains repoussè-
rent même les tentatives des Espa-
gnols , qui se bornèrent à substituer
tuie image de la vierge à une idole.
Alors on se crut obligé de venger les
divinités insultées ; on médita les
moyens de chasser ou d'exterminer
ïes Espagnols : les prêtres et les prin-
cipaux Mexicains eurent de fréquents
entretiens avec Montezuma. Ce prin-
ce, craignant d'être la victime d'une
entreprise violente tentée contre les
Jpspagnols?voulut essayer des moyens
plus doux , et dit à Gortèz qu'ayant
rempli l'objet de son expédition au
Mexique, ce général devait céder à
la volonté des dieux et au désir du
peuple en quittant le pays. Gortèz
feignit de se rendre à ce vœu , et ne
demanda que le temps nécessaire
pour faire ses préparatifs. Bientôt
après , forcé daller combattre Nar^
vacs, qui s'avançait contre lui ( F%
Narvaes), il laissa Montezuma sous
la garde de 1 5o Espagnols, comman-
dés par Alvarado. Celui-ci, instruit
que les Mexicains tenaient des con-
seils et formaient des plans contre
leurs oppresseurs , attendit l'occasion
d'une de leurs fêtes solennelles, et,
tenté par la richesse des ornements
dont les citoyen^ les plus distingués
MON
s'étaient parés , il les attaqua , le 1 3
mai i5'2o , et en massacra un grand
nombre. Les Mexicains, révoltés de
tant de perfidie et de cruauté, pri-
rent les armes dans la capitale et
dans tout l'empire , détruisirent deux
biïgantinsque Gortèz avait fait cons-
truire pour s'assurer des lacs , atta-
quèrent les Espagnols dans leurs
quartiers, en tuèrent plusieurs, en
blessèrent encore davantage , rédui-
sirent leurs magasins en cendres ,
et poussèrent l'assaut avec tant de
furie, qu' Alvarado et les siens étaient
au moment de succomber. Monte-
zuma , en proie aux plus vives in-
quiétudes , avait informé Corlèz du
danger qui menaçait ses troupes.
Celui-ci vole à Mexico , où il entre ,
le <il\ juin, et s'exprime en termes
insultants pour le malheureux mo-
narque et pour sa nation. Les Mexi-
cains indignés courent aux armes ,
forcent un corps d'ennemis à se re
tirer; et malgré le ravage que l'artil-
lerie fait dans leurs rangs, ils s'a
vancent avec intrépidité. Gortèz lent
une sortie pendant la nuit; le leud
main il est contraint de reculer : un
seconde sortie n'est pas plus heu
reuse. Le 27 au matin, l'assaut re
commence; Montezuma paraît a
. haut des murs , vêtu de ses habi
royaux : à la vue de leur souverain
les Mexicains laissent tomber leu
armes , et baissent la tête en si
lence; plusieurs se prosternent. Ré
duit à la triste nécessité d'être l'ins-
trument de sa honte et de l'esclavage
de sa nation, l'empereur leur adresse
un discours pour les exhorter à ces-
ser les hostilités. A peine a - t - il
fini, qu'un murmure de méconten-
tement se fait entendre; il est suivi
de menaces et de reproches : les flè-
ches et les pierres recommencent à
voler avec tant de violence, uu'av
.
MON
que les Espagnols puissent couvrir
Montezuma de leurs boucliers , il est
Messe de deux, ilèches, et atteint à
la tempe d'une pierre qui le ren-
verse. Les Mexicains s'enfuient épou-
vantés.Les Espagnols portèrent Mon-
tezurna à son appartement, et Cortèz
s'empressa de le consoler ; mais ce
prince, reprenant la hauteur d'ame
qui semblait l'avoir abandonné de-
puis si long-temps, dédaigna de pro-
longer une vie, devenue pour lui hon-
teuse et insupportable, puisqu'il se
voyait l'objet du mépris et de la hai-
ne de ses sujets. Transporté de rage,
il déchira l'appareil qu'on avait mis
sur ses blessures , et refusa si obsti-
nément de prendre aucune nourritu-
re, qu'il termina bientôt ainsi ses
jours , rejetant avec dédain toutes
les sollicitations des Espagnols pour
lui faire embrasser la foi chrétienne.
Il expira , le 3o juin i52o , dans la
quarante -quatrième année de son
âge, la dix-huitième de son règne,
et le septième mois de sa prison. On
remarque des différences et des
contradictions dans les récits de sa
mort , suivant qu'ils ont été écrits
par des Espagnols ou par des Mexi-
cains ; ils s'accusent les uns les au-
tres. Bernard Diaz dit que Monte-
zuma fut regretté comme un père,
par Cortèz et ses ollincis. Des Me-
xicains out prétendu que les soldats
de Cortèz attentèrent aux jouis du
malheureux monarque. 11 laissa plu-
■l'iifants; trois de ces jeunes prin-
C ;s périrent dans la fameuse nuit de
1 1 défaite des Espagnols, le Ier. juil-
let. Un autre de ses (ils, Tlacahue-
p m-Tohuolicahuat/.in, reçut, au bap-
tême, le nom de Don Pedro, et eut
lin fils, Ihoitemotan , qui épousa
Dona Praneisca de la Cuera. C'est
<!e lui que descendent V, eomtes de
Montezuma et de Tula , eu Espa-
MON 535
pic. Quant aux maisons de Cano-
Montezuma , d'Andrade-Montezuma
et du comte de Miravalla, à Mexico,
elles tirent leur origine de Temic-
potzin, sa fille. Cette princesse, bap-
tisée sous le nom d'Elisabeth (Isa-
bella ), survécut à cinq maris, parmi
lesquels on compte les deux derniers
rois Aztèques du Mexique , Cuitla-
huezin , frère et successeur de Mon-
te/.iiiua, et Guatimozin, son neveu ,
enfui trois militaires espagnols. Un
des descendants du dernier empe-
reur fut vice-roi de la Nouvelle Es-
pagne, vers la fin du dix-septième
siècle. L'empire de Montezuma était
beaucoup moins vaste que le pays
désigné aujourd'hui sous le nom de
Mexique : il était limité, sur les cotes
orientales par les rivières de Qua-
sacualco et de Tuspan; sur les
occidentales, par les plaines de So-
conusco et par le port de Zacatula^
il n'embrassait que les intendances
actuelles de Vera-Cruz, d'Oaxaca,
de la Puebla, de Mexico et de Val-
ladolid : sa surface est évaluée, par
M. de Humboldt , à -peu -près à
20,000 lieues carrées ( K, CortÈz,
Alvarado , Marina ). E — s.
MONTFAUCON(Thierri II de),
archevêque de Besançon , était né
dans le douzième siècle , d'une dm
familles les plus anciennes et les plus
illustres du comté de Bourgogne. It
était fils de Richard de Monll'aueou
et d'Agnès de Montbeliard. Son édu-
cation i'wt confiée aux maîtres les
plus habiles de son temps ; et il ré-
pondit à leurs soins par ses progrès
dans la poésie. , la musique et les
m îences. Destiné à l'étal ecdéslasti-
que , il fut potin u d'i n canot
du chapitre de Saint-Éticnne, et éle-
vé, en i 180 , sur le siège de iî;
«on. Il s'appliqua à faire lleurir les
belles-lettres dans son diocèse , et
530
MON
composa, pour la letedesaiut Vincent,
une Hjm/ie qui est fort estimée ( V.
le Clergé de France , par Dutems , n ,
(36 ). Il se signala par son zèle pour
les croisades ; et ayant désigné Amé-
dée de Tramelai pour gouverner son
église pendant son absence , il revê-
tit lui-même le casque et la cuirasse ,
et rejoignit l'armée des Chrétiens ,
en 1 190. Il assista au siège dePtole-
maïs , et s'y distingua non-seulement
par son courage, mais par l'invention
d'un bélier (1), qui aurait hâté la
réduction de cette ville, si les assié-
gés ne fussent parvenus à le détruire
par le feu grégeois : notre prélat,
qu'un auteur contemporain nomme
Gemma clericorum , mourut de la
contagion qui désolait Tannée chré-
tienne , au mois d'octobre 1 1 g 1 ,
emportant les regrets des chefs et des
soldats. W — s.
MONTFAUGON de V1LLARS.
V. VlLLARS.
MONTFAUGON (Dom Bernard
de) , l'un des savants les plus dis-
tingués qu'ait produits la congréga-
tion de Saint-Maur , était né , le 1 7
janvier i655, au château de Sou-
lage en Languedoc , d'une noble et
ancienne famille. Envoyé, à l'âge
de sept ans, au collège de Limoux,
il fut bientôt rebuté des grossières
apostrophes de son régent; et il s'en
retourna , à pied, au château de la
lioquetaillade qu'habitait son père.
L'ingénuité avec laquelle il raconta
les motifs de sa fuite , apaisa ses pa-
rents , et il ne fut plus question de
le renvoyer aux écoles, publiques.
Le Plulaîijiie d'Amyot fut un des
premiers livres qui lui tombèrent
(1) L'anonyme de Florence , évê<|ue de Pt"leni.us ,
u parlé de ce belur dans no chapitre de son poème
( De récupérât A Ptolematde |, intitulé: De uiicle
Jérreo covperlo <juem Bisuntiniti Jîeri JicU ; et de
'u"4 lîra,L'° à 'Juo combuitusjutt.
MOJN
entre les mains; et cet ouvrage lui
inspira le goût de l'histoire. Il lut
ou plutôt il dévora toutes les rela-
tions de voyages qu'il put se pro-
curer ; et la petite bibliothèque de
son père s'étant accrue par hasard
de quelques ouvrages italiens et es-
pagnols, il apprit ces deux langues,
à l'aide de dictionnaires , pour
pouvoir satisfaire sa curiosité. A
l'âge de dix-sept ans, il avait acquis
des connaissances très-étendues dans
la géographie , l'histoire et les usa-
ges des peuples anciens et modernes.
Cependant les récits qu'il avait lus
des sièges et des batailles échauffè-
rent sa jeune imagination : il témoi-
gna le désir d'embrasser l'étal mili-
taire ; et il fut admis , en 167 2 , dans
le corps des Cadets à Perpignan. Il
entra l'année suivante, comme volon-
taire, dans le régiment de Languedoc,
dont les grenadiers étaient comman-
dés par le marquis d'Hautpoul , soit
parent , et il fit deux campagnes sous
les ordres de Turenne. Épuisé de fa-
tigues , il tomba malade, et fut trans-
porté à l'hôpital de Saverne : peu de
jours après d'Hawtpoul, ayant été
blessé mortellement , à la tête de sa
compagnie , le jeune guerrier fit
un effort pour aller lui offrir ses
soins, et il reçut de son chef mou-
rant des avis qui lui parurent des
ordres. Il avait perdu son père ; et ,
quelques mois après son retour au
château de Roquetaillade, la mort
de sa mère le laissa dans un isole-
ment complet. Ce fut alors qu'il ré-
solut de renoncer au monde, et qu'il
prit l'habit de Saint - Eenoît au mo-
nastère de la Daurade, à Toulouse
(1670). Ses supérieurs l'ayant en-
voyé à l'abbaye de Sorèze, il con-
sacra ses loisirs à l'étude du grec ,
et y fit des progrès très-rapides. Tan-
dis qu'il achevait ses cours de phi-
MON
losophie et de théologie, il s'occupa
de corriger les versions latines des
historiens ecclésiastiques, et adressa
une partie de son travail à D. Claude
Martin ( F. ce nom): celui-ci en porta
un jugement 1res- favorable , et le dé-
signa comme un des hommes les
plus capables de coopérer utilement
aux nouvelles éditions que la con-
grégation se proposait de donner
des ouvrages des Pères grecs. D.
Montfaucon, appelé à Paris, en
1687, se lia d'une étroite amitié
avec Ducange et Bigot, et te fit
un devoir de suivre les conseils de
deux critiques si judicieux. La tra-
duction de quelques Opuscules grecs
encore inédits , mais surtout sa dis-
sertation sur VHistoire de Judith,
le firent bientôt connaître de la m t-
nicrela plus avantageuse. 11 travailla
ensuite à l'édition des OEuvres de
saint Athanase • et , pendant l'im-
pression de ce grand ouvrage , il
apprit les langues orientales avec
une facilité qui lient du prodige.
Chargé de la publication des œuvres
de saint Chrysostome, il représenta
à ses supérieurs , que les manuscrits
qui devaient servir de base à la
nouvelle édition, étaient insuffisants ,
et obtint la permission de visiter
l'Italie, où il espérait l'aire une ré-
colte abondante. Use rendit à Rome,
au mois de mai 1698, et \
l'accueil le plus distingué du pape
lnuoeent XII, qui lui facilita les
moyens d'atteindre le but 1!
ige. La faveur dont jouissait
Montfaucon inspira de la jalousie à
Zacagni, sous-bibliothécaire du Va-
; Cl il essaya de rabaisser la
haute opinion qu'on avait conçue
des taleuts du
mais tous les pièges qu'il lui tendit ,
tournèrent nfusion, et
ne servirent qu'a h ; la sa-
MON
537
gacité de Montfaucon ( Voy. son
Éloge par De Boze ). Tandis que
Montfaucon était à Rome, il prit
la défense de l'édition des œuvres
de saint Augustin, attaquée par dif-
férents libelles ; et il eut l'honneur
de présenter au souverain pontife un
exemplaire de son écrit , dont les
conclusions furent adoptées par les
commissaires chargés de l'examen
de l'édition [V, saint Augustin et D.
Thuilier). Nommé à son insu pro-
cureur-général de la congrégation à
Rome, il se hâta de faire agréer sa
démission d'un emploi qui l'aurait
détourné de ses études; et, après avoir
visité les principales villes d'Italie,
où il s'arrêta le temps nécessaire
pour bien voir ce qu'elles renferment
déplus curieux, il revint à Paris
mettre en ordre les richesses qu'il
avait amassées. La vie de Montfau-
con n'est plus que l'histoire de ses
ouvrages, presque tous également
remarquables par leur importance
et leur étendue, et par une érudition
aussi solide qu'abc- idante. Sa santé,
affermie par une vie réglée, le ren-
dait capable de soutenir la plus lon-
gue application , sans en être in-
commode'. Il parvint ainsi à l'âge
de quatre-vingt sept ans,saus infir-
mités , et mourut presque subite-
ment , le '21 décembre 1 74 T - H
fut inhumé avec pompe dans l'église
de l'abbaye Saint-Germain-dcs-Piés.
Dans le cours de la révolution, ses
restes furent déposés dans un tom-
beau ,au Musée Hes monuments fran-
çais; mais, d'après un ordre du
ministre de l'intérieur , on les a en-
suite transportes dans une des 1
de Paris, et son nom a et
rime îles rues ()mi longent
Saint-Germain des-Prés. D.
n «;..it membre de l'académie
des inscriptions depuis 1719, et
533 MON
il assistait à ses séances avec beau-
coup d'assiduité. Son éloge par De
Boze est inséré dans le tome xvi du
Kecueil de cette savante compagnie.
1). Montfaucon, dit son panégyriste,
avait l'esprit juste, pénétrant, aisé,
méthodique, et aussi propre à con-
cevoir de grands desseins qu'à les
exécuter. Il composait avec tant
d'ordre et de facilité, qu'en com-
mençant un ouvrage de longue ha-
leine il savait à point nommé quand
il devait le finir. Sa modestie égalait
son savoir. Il aimait les jeunes gens
laborieux , leur donnait des conseils,
et suivait leurs progrès avec la plus
tendre sollicitude. Il était en corres-
pondance avec les savants de toute
l'Europe. Le pape , l'empereur , les
princes d^Allcmagne et d'Italie, lui
prodiguèrent , pendant le cours de sa
longue vie, des témoignages d'estime
et de bienveillance. Outre quelques
Dissertations dans le Recueil de l'a-
cadémie, sur le papyrus, le papier
d'Egypte, celui de colon et de chiffe;
sur les monument antiques ; sur les
mœurs du siècle de Théodose , etc. ,
on a de cet infatigable écrivain : I.
D'excellentes éditions des OEwres
de saint Athanase , des Hexaples
d'Origène , et des Œuvres de saint
4ean Ghrysostome ( V. Athanase,
Chrysostome, viii, 5o5, et Ori-
gene ). II. Anale et a sive varia
apuscula grœca, Paris, 1688, in-
4°. , contenant diverses vies de sa ints ,
les fragments de la Métrique d'Hé-
ron ( V* tom. xx, p. 289 ), etc.;
quelques-unes des pièces qui compo-
sent ce recueil ont été traduites par
P. Ant. Pouget. La traduction de la
Logarique d'Alexis Gomnène, qui
est de Montfaucon , lui attira des in-
jures de Jacq. Gronovius , dans la
préface du traité de Pecunid vetc-
tum* Le savant religieux se contenta
MON
de montrer que toutes les observa-
tions de son critique étaient autant
de méprises grossières. III. La Vé-
rité de l'histoire de Judith , ibid. ,
1690, in- 12; réimprimé en 1692.
Get ouvrage intéressant est divisé en
trois parties : les deux premières
contiennent l'histoire de l'héroïne
juive, et celle des Mèdes, tirées des
auteurs grecs ; et la troisième , les
réponses aux objections de ceux qui
regardent cette histoire comme une
fiction ou une simple parabole. IV.
Diarium italicum , sive rnonumen-
iorum veterum , bibliothecarum ,
etc. , Notitiœ singulares itinerario
italico collectœ, ibid., 1702, in-4°.
C'est une notice de tout ce que l'au-
teur avait remarqué de plus curieux
dans les bibliothèques d'Italie. L'ou-
vrage eut beaucoup de succès, et fut
traduit en anglais. Cependant le sa-
vant Ficoroni en a publié une criti-
que estimée ( V. Ficoroni , xiv ,
497 ). V» Collectio nova Patrum et
Hcriptorum grœcorum , ibid., 1 706 ,
2 vol. in-fol. Ce recueil se joint or-
dinairement à l'édition de saint Atha-
nase : il renferme les commentaires
d'Eusèbe sur les Psaumes; des opus-
cules de Saint- Athanase , nouvelle-
ment découverts ; la Topographie
chrétienne de Cosmas d'Alexandrie
( V. Cosmas, x, 32 ), et les com-
mentaires d'Eusèbe sur ïsaïe. VL
Palœographia grœca sive de ortu et
progressu litterarum grœcarum ,
ibid. , 1 7 08, in-fol. , fig. Get ouvrage,
aussi nécessaire et aussi estimé qut
la Diplomatique du P. Mabillon ( V.
ce nom ), a pour but d'établir l'âge
des manuscrits grecs, par la con-
naissance des caractères de ch aque
siècle. L'auteur a compté jusqu'à
1 i63o manuscrits grecs dans les di-
verses bibliothèques de l'Europe. Lè-
se ptième livre contient la descrm-
MON
lion du mont Athos, et de ses mo-
nastères , poème grec , de Jean Gom-
nène, médecin, avec la version en
vers latins. Le volume est terminé
par la dissertation du président
Bouhier : De piiscis Grœcorum ac
Latinorum litteris. VIL Le Livre de
Philon, de la vie contemplative ,
traduit du grec,ibid., 1 7 09 , in- 1 2.
Cette traduction est suivie d'une dis-
sertation, dans laquelle Montfaucou
cherche à établir, contre l'opinion
de plusieurs savants, que les Théra-
peutes étaient chrétiens ( F. Bou-
hier , v, 3of> ). VIII. Bibliotheca
Coisliniana olim Segueriana , sive
manuscriptorum omnium grœcorum
quœined continentur accurata des-
cription ibid., 17 i5, in fol. Ce cata-
logue est très-recherché. Le rédac-
teur y a inséré quarante-deux opus-
cules grecs, encore inédits, avec
une traduction latine. IX. L' 'Anti-
quité expliquée et représentée en
Jigures, lat. et franc., Paris, 17 19-
'24, ï5 vol. in-fol. On trouvera une
description exacte de cet important
ouvrage, dans le Manuel du librai-
re , par M. Brunet. L'auteur avait
mis à contribution tous les cabinets
de l'Europe , et en avait tiré un nom-
bre prodigieux de monuments, qu'il
a fait graver, et dont il a donné des
explications, la plupart satisfaisan-
tes. Malgré les imperfections qu'il
était peut-être impossible d'éviter
dans ce travail immense et qui suf-
firait à la gloire de Montfaucou, on
ne peut nier qu'il n'ait contribué à ré-
pandre, surtout en France, le gOÛtde
l'archéologie, et qu'on ne lui doive
en partie les progrès qu'a faits cette
.science parmi nous. X. Les Monu-
ments de la monarchie française ,
av^c les (1 laque règne, que
l'injure du ten , ibni.,
J7'2C]-3j, 5 Yol. iu-i'ol, ( Voy. la
MON 539
description détaillée de cet ouvrage
dans le Man. du libraire. ) Ce n'est
que la première partie du plan im-
mense qu'il avait conçu pour l'expli-
cation des antiquités françaises ; elle
contient l'histoire de nos rois , par
les monuments , jusqu'à Henri IV ;
il se proposait de traiter ensuite avec
le même détail, les mœurs et les
usages de la vie civile , l'état mili-
taire, etc. XL Bibliotheca bibliothe-
carum manuscriptorum nova , ibid. ,
1739, 2 vol. in-fol. C'est la liste de
tous les manuscrits dont il avait pu
avoir connaissance pendant quarante
années de recherches assidues dans
les diverses bibliothèques de l'Euro-
pe, tant de celles qu'il avait lui-mê-
me visitées que de celles dont il put
se procurer les catalogues. L'abbé
Rive a relevé, avec son amertume
ordinaire , quelques inexactitudes •
échappées à Montfaucon ; et Legrand
d'Aussy, avertit qu'on doit être eu
garde contre les renseignements qu'il
donne dans cet ouvrage ( Voy. les
Notices des Mss. de la biblioth. du
roi, v, p. 5 1 5 , dans la note ). Mont-
faucon projetait une nouvelle édition
du Dictionnaire grec d'yEinil. Por-
tus, avec des additions considéra-
bles. Dom Louis-Noël Boyer, sou
confrère , a publié son Epitaphe , en
latin ( Paris ,174*2, in-8°. ) , dans la-
quelle il a fait entrer la nomenclatu-
re des ouvrages de ce savant homme.
On en trouvera la liste très-détaillée
dans V Histoire littéraire de la con-
grégation de Saint-Maur, par D.
Tassiu, j). ;')()i-()i(). Le portrait 'le
Montfaucon a été -rave par Audi-an,
in-fol., et il fait partie de la Coliec-
|ion cYOdieuvi W — s.
MOiNTFKRRAT âtraftAM»,
marquis de ) , est recardé comme le
fondateur de celte illustre la mille,
quia disputé lu Oj
54o MON
de Savoie , la souveraineté du Pié-
mont , qui a envoyé aux croisades
plus de héros qu'aucune autre mai-
son souveraine d'Europe, et qui a
régné en même temps à Casai , en
ïliessalie , et à Jérusalem. L'histoire
des marquis de Montferrat , pendant
Le dixième et le onzième siècle , est
enveloppée de la plus grande obs-
curité. Aldcrame avait obtenu des
chartes , de Hugues et de Lothaire ,
rois d'Italie , dès l'an g38. 11 fut fait
marquis de Montferrat par Othon-
le-Grand, en 967. On croit qu'il
mourut en 995. On lui donne pour
successeurs, ses trois fils, qui régnè-
rent l'un après l'autre : Guillaume Ier,
Boniface 1er., et Guillaume II. Ce der-
nier épousa Hélène , fille du duc de
Glocesler, de qui naquit Boniface II.
On compte ensuite un Guillaume III,
et un Renier , père de Guillaume IV ,
ou le Vieux , qui régnait en 11 47.
Mais toute cette généalogie , jusqu'à
Guillauine-Ie-Vieux est fort incer-
taine; et l'on peut révoquer en doute
jusqu'à l'existence de quelques-uns
des ces marquis. — Guillaume IV ,
marquis de Montferrat , avait été
surnommé le Vieux, parce que, dès
sa jeunesse , il avait les traits d'un
vieillard : il avait épousé une sœur
u'erinede l'empereur Conrad III; et,
eu 1 1 47, il accompagna ce prince à
la seconde croisade. A cette époque
il avait déjà cinq {ils également vail-
lants : Guillaume, Conradin, Boni-
face, Frédéric et Renier , qui tous ac-
quirent une grande réputation. Guil-
laume-le -Vieux revint couvert de
gloire de cette croisade: il prit part
aux guerres de Lombardie , dans les-
quelles, dès l'an 1 1 54 , il embrassa
le parti de l'empereur Frédéric Bar-
tarousse, contre les viiles libres; et
il lui demeura fidèle jusqu'à la fin.
La prudeuee et Sa valeur de Guil-
, MON
laume-le-Vieux lui assignèrent toit-
jours un rang distingué parmi les
conseillers de l'empereur 7 tandis que
ses fils, qui avaient passé en Orient,
brillaient parmi les héros de la 3e.
croisade. Trois de ces fils , Guillaume-
Longue-Épée, Conradin ou Conrad,
et Boniface , auront un article sépa-
ré. Frédéric était entré dans les or-
dres ; il fut ensuite évêque d'Albe.
Renier , qui avait passé en Orient ,
épousa Marie , fille de Manuel Com-
nène, empereur de Constantinoplc;
elle lui apporta pour dot, en 1 179,
le royaume de Thessalonique : Re-
nier étant mort, en 1 183 , laissa ce
royaume en héritage à son frère Bo-
niface III. Guiliaume-le-Vieux mou-
rut à la même époque ; et le troisiè-
me de ses fils, le même Boniface III,
lui succéda dans le marquisat de
Montferrat. Quelques historiens des
croisades prolongent la vie de Guil-
laume-le- Vieux, jusqu'en 1188, et
prétendent qu'ayant été fait prison-
nier a la bataille de Tibcri;;de , il
fut conduit devant les murs de Tyr,
que son fils Conrad défendait , et que
celui-ci ne voulut point racheter
la vie de son père par la reddition
de la dernière forteresse des Chré-
tiens. Mais il est probable que celte
anecdote appartient à Boniface III
son fils , et non à Guillaume-le-Vieux.
S. S— 1.
MONTFERRAT ( Guillaume V
de) , fils aîné du précédent, acquit ,
dans les guerres de Terre-Sainte , le
surnom de Longue-Epéey aucun rem-
part ne paraissant pouvoir mettre
ses ennemis hors de la portée de son
glaive. Il fut le soutien du royaume
de Jérusalem dans sa décadence pré-
maturée. Baudouin-le-Lépreux, pour
s'assurer à jamais les secours de ce
vaillant prince, le maria à sa sœur
S.bylle, et lui donna pour dot le
MON
comte de Juppé. Mais Guillaume
mourut avant son beau-frère , en
1 i85. Il laissait un fils, encore en-
fant , qui succéda , l'année suivante ,
dans le royaume de Jérusalem . à
Baudouin-le Lépreux, sous le nom de
Baudouin V. Ce roi-enfant, qui fer-
mait le chemin du troue à Gui de
Lusignan , amant de la reine Sibylle,
ne régna pas plus de sept mois. Sa
mort éveilla d odieux soupçons con-
tre son successeur. — Son frère, Con-
rad de Montflrrat, fut seigneur
de Tyr , de i 187 à i icp , et roi de
Jérusalem , en concurrence avec Gui
de Lusignan. S'étant illustré dans les
guerres d'Orient, il épousa, en pre-
mières noces, une sœur d'ïsaac l'An-
ge , empereur de Constantinople; et,
celle-ci étant morte, il épousa ensuite
Isabelle , seconde fille d'Àmauri ,
roi de Jérusalem , qu'il fit divorcer
d'avec son premier mari, Unfroi ,
de Thoron. Cette princesse , sœur
de Sibylle, la veuve du frère de
Conrad et l'épouse de Gui de Lusi-
gnan , paraissait donner au mar-
quis de Montferrat des droits au
royaume de Jérusalem ; Conrad en
avait acquis de plus grands par sa
bravoure. Arrivé en Orient , en
1 187, peu après la fatale bataille de
Tibériade et la conquête de Jéru-
salem par Saladin, il avait relevé
le courage des habitants de Tyr, qui
lavaient proclamé leur prince : il
avait repoussé les attaques de Sa-
la lin , ruiné la flotte d'Egypte, et
refusé découler les propositions du
sultan , qui lui promettait de grandes
richesses; Saladin avait amené avec
lui devant les murs de Tyr, Boniface
frère de Conrad , tait prisonnier à
la bataille de i
d'immoler son captif, si on ne lui
ouvrait les portes de la ville: Conrad
fut sourd aux menaces comme aux
MON
54i
prières çîc son ennemi. A l'arrivée
des Latins, tous les princes de l'Oc*
crient, remplis d'estime pour loi , et
frappés d'admiration pour la valeur
qu'il montra au long siège de Saint-
Jcan-d'AcTC, reconnurent ses droits
au royaume de Jérusalem , et se
félicitèrent de voir un héros sur
ce trône chancelant. L'éloquence de
Conrad, sa générosité, et sa con-
naissance d'un grand nombre de lan-
gues , ne le signalaient guère moins
que sa bravoure entre tous les croi-
sés. Le seul Richard Cœur -de-Lion
paraît ressentir une basse jalousie
contre un prince qui lui disputait le
prix de la valeur. Il embrasse avec
chaleur la cause de Gui de Lusignan
contre Conrad : il allume la discorde
dans tout le camp des chrétiens ; et,
dans le plus fort de leurs démêlés,
Conrad est assassiné , le 24 avril
1192, par deux Sarrasins. On ré-
pugne à croire coupable le vaillant
Cœur-de-Lion d'un aussi lâche at-
tentat : d'autre part, une lettre du
Vieux de la Montagne, qui s'accusait
lui-même de cet assassinat , et que
le roi d'Angleterre produisit pour sa
défense, semble bien peu faite pour
inspirer de la confiance. S. S — 1.
MONTFERRAT ( Boniface 111
marquis de) , frère des précédents ,
fut roi de Thessaloni que , de 1 iS3
à 1207, comme héritier deson frère
Rénier, qui avait acquis cet héritage
par son mariage avec une Comnènc.
De même que son père et ses frères,
il croyait ne régner que pour em-
ployer toutes les ressources
état s à défendre la Terre-Sainte. Après
avoir visité Thessalonique, il se ren-
dit à Constautinople aupri
V Vn';c, auquel il donna des secours
contre And ronic. El passa ensuite en
Syrie, où il fut fail prisonnie
fleur de ! .
54<î MON
cli retienne, dans la bataille 5e Ti-
bériade, le 3 juiilet 1 187. Son frère
Conrad refusa de rendre Tyr au
sultan pour racheter la liberté de
Boniface ; mais il la lui obtint peu
après , plus glorieusement , par un
échange de prisonniers. Boniface 111,
revenu en Montferrat, à la fin de l'an-
née 1 19 t , augmenta ses états par des
concessions de l'empereur Henri IV.
Il fut appelé, comme arbitre , en Al-
lemagne, en 1 199 , pour rétablir la
paix entre Philippe et Othon IV ,
tous deux désignés comme rois des
Romains. Quoiqu'il ne pût y réussir,
cette négociation même, et la gloire
de Conrad son frère, déterminèrent
les princes croisés à choisir, en 1 202,
Boniface pour chef de la cinquième
croisade; et il contribua , d'une ma-
nière brillante, à la conquête de l'em-
pire de Constantinople (1). Quand
cet empire eut été divisé entre les
seigneurs croisés , Boniface fut , en
1204, remis en possession de son
royaume de Thessalonique : on lui
avait aussi donné en partage l'île de
Crète ; mais il la vendit aux Véni-
tiens. Dans l'année i2o5, Boniface
prit sur les Grecs Napoli de Komanie
et Corintbe ; il maria ensuite une de
ses filles à Henri de Flandre, empe-
reur de Constantinople. Il fut tué par
une flèche empoisonnée, en 1 207, en
combattant les Sarrasins devant Sa-
talie. Il laissait deux fils, Guillaume
VI, et Démétrius, dont l'aîné fut
(i) Ce fut Ma suite de cette expédition, que le
rrforqnis Boniface et ses compagnons d'urmes, atten-
tif» à tout ce qui pouvait < ontribner n J;l prospérité
de leurs possessions d'Occident, y introduisirent la
culture du mais , qu'ils avaient vu pratiquer avec
succès dans l'Asie-Mineure. Un Montferrat cette
culture se répandit bientôt dans le reste de la L»ra-
bardie. Le pro. ès-rei-bal authentique de cette intro-
duction a été conservé, et il est. rapporté par plusieurs
auteurs. Voyex la Sloria d'Incisa , Asti, 1810, tom.
J, p. jgS ; \ Histoire des Croisades, par M. Mi-
chaud , tom. in , pièces justiGcat , u<>. XI ; et la Re-
vue cncyclop. , \ui , 4<,"'-
MOft
marquis de Montferrat, et le pîu*
jeune , roi de Thcssalie. — Guil-
laume VI avait été chargé , en
i2o3,du gouvernement du Mont-
ferrat, par son père, lorsque celui-ci
eut passé en Orient. Dès qu'il ap-
prit la mort de Boniface , il accourut
à Thessalonique, pour affermir sou
frère dans la possession de son petit
royaume ; et il ne revint en Mont-
ferrat qu'après avoir fait obtenir à
Démétrius l'investiture, que lui don-
na l'empereur d'Orient. Guillaume
épousa , eu 121 1 , Berthe, fille du
marquis de Cravesana; il en eut un
fils , qui lui succéda , sous le nom de
Boniface IV, et une fille qui épousa
le dauphin de Viennois. Cependant
l'empire latin de Constantinople
était déjà menacé d'une chute pro-
chaine ; et les GreCs en profitèrent
pour attaquer aussi le royaume de
Thessalonique. Théodore Lascaris ,
après une guerre acharnée, en fit la
conquête, en 1219, sur Démétrius
de Montferrat. Celui-ci revint, en
Italie, implorer les secours de son
frère : Guillaume, déterminé à le ré-
tablir dans son royaume, engagea
toutes ses terres à l'empereur Frédé-
ric II , pour le prix de neuf mille
marcs ; et avec cette somme il leva
une armée qu'il conduisit en Grèce.
Il paraît qu'en 1224 il se rendit maî-
tre de Thessalonique ; mais il y fut
empoisonné, l'année suivante, par les
Grecs. Démétrius revint en Montfer-
rat avec son neveu Boniface IV. Il
mourut, en 1227, laissant par tes-
tament, à l'empereur Frédéric II,
tous ses droits sur le royaume de
Thessalie. — Boniface IV, fils et
successeur de Guillaume VI, avait
pris part à l'expédition de Grèce, en
1224: il en revint l'année suivante,
après la mort de son père, et ses
sujets le remirent en possession de
MON
tous les châteaux du Montferrat ,
malgré le contrat d'hypothèque sti-
pulé par sou père avec l'empereur.
Boniface obtint même, en i23o, de
Frédéric, que celui-ci renonçât à
tous les droits que lui avait transrais
Démétriuspar son testament. Il fut,
en retour, un des plus zélés par-
tisans de l'empereur , pendant les
longues guerres que celui-ci eut à
soutenir contre les papes en Lom-
bardie: il se montra également atta-
ché à Conrad IV, qui lui accorda de
nouvelles faveurs en 1253. Boniface
IV, dont la taille était presque gigan-
tesque, n'avait pas cependant une
valeur si brillante que ses illustres
ancêtres , et il a laissé bien moins
de souvenirs de son règne. Ce prince
avait épouse Marguerite de Savoie,
fille du comte Amédée; il mourut
eu 1254, laissant un fils et une fille.
S. S— 1.
MONTFERRAT ( Gui ll aume VII,
dit le Grand, marquis de) , (ils et
successeur de Boniface IV, régna de
1*254 à 1292. Il parvint au trône à
une époque où les villes libres de
Lombardie , fatiguées de leurs dis-
cordes intérieures , commençaient à
se dégoûter de leur liberté : il sut
profiter de celte disposition pour
soumettre Verccil,Ivrée et plusieurs
autres villes demeurées jusqu'alors
indépendantes. 11 avait contracté al-
liance, en 1*164 > avc'c Charles d'An-
jou , auquel il ouvrit l'entrée de
l'Italie; mais lorsque ce prince am-
bitieux, après avoir conquis le royau-
me de Naples, entreprit d'asservir
aussi la Lombardie, Guillaume de
Montferrat mit un tenue à ses usur-
pations. De concert avec. Les répu-
bliques de Gènes - di !' a\ ic et d'Asti,
i! attaqua les garnisons que le roi de
Naples avait laissées en Piémont; il
les chassa d'Albe , de Ghicrasco, de
MON
Mondovi et de Coni : il fon y.
Alexandrins et le marquis de Salaces
à renoncer à l'alliance de Charles;
et il se fit lui-même reconnaître pour
capitaine et seigneur par les villes de
Pavie, Nôvara, Asti, Turin, Albc,
Ivrée , Alexandrie et Tortonc, qui.
toutes étaient bien plus riches et bien,
plus peuplées qu'elles ne le sont au-
jourd'hui. A une époque où les Ita-
liens commençaient à négliger la car-
rière militaire , Guillaume de Mont-
ferrat avait formé une armée formi-
dable: il la maintenait en activité, en
la mettant à la solde des princes ses
voisins, lorsque lui - même n'avait
point de guerre ; et déjà il ne se mon-
trait pas plus scrupuleux dans l'ob-
servation de ses traités que ne le
furent les Condottieri qui firent plus
tard le même métier. Après avoir
trompé, en 1279 , les Délia Torre?
autrefois seigneurs de Milan , il leur
répondit pour s'excuser : « J'avais;
» promis, il est vrai j mais je n'avais
» pas promis d'observer ma jpro-
» messe.» Les princes avec lesquels
le marquis de Montferrat avait des
intérêts à démêler, n'étaient pas plus
scrupuleux que lui : en 1 28 1 , comme
il traversait les états de Thomas 111
de Savoie, comte de Mauiïennc, son
beau-frère, il fut arrête par son ordre,
et il ne recouvra la liberté que par la
cession de Turin , Pianezza etColegno,
dont il s'était emparé. Marie' sUi
sivement,en 12.37, à Isabelle, fille
de Richard , comte de Glocester, < ?
en 1 2 7 1 , à Béatrix, fille d'Alfonse X,
roi de Castille, il fut nommé, p I
princes qui tous deux se pi
datent empereurs élus, vicaire im-
périal en Italie. 11 s'était fait .1
la seigneurie de (aune et
par le peuple de cei deux vilfc
il avaii préparé des intri
obtenir le même peuVoir à Milan,
i I
MON
où il avait déjà une grande influence
comme capitaine des gens de guerre :
mais l'archevêque Othon Visconti,
seigneur de Milan, qui l'avait intro-
duit dans cette ville, et qui ne le cé-
dait à Guillaume ni en habileté ni en
dissimulation, saisit un moment où
le marquis de Montferrat était parti
pour Yerceil, à la fin de l'année i 'lS'2 ;
et prenant les armes avec tous ses
partisans, il chassa des palais publies
le vicaire de Guillaume , et il fit dé-
fendre à celui-ci de jamais reparaître
dans Milan. En 1284, Guillaume
maria sa fille Iolande , à qui les
Grecs donnèrent le nom d'Irène ,
avec Andronic Paléologue, empereur
à Constantinople : il lui donna pour
dot tous ses droits sur le royaume
de Thessalonique , où il paraît qu'il
avait conservé quelque autorité. Ce-
pendant le nombre de ses ennemis
allait croissant chaque jour; toutes
les villes guelfes étaient conjurées
contre lui. En 1290, la république
d'Asti voulut lui enlever la ville d'A-
lexandrie: le marquis de Montferrat
accourut aussitôt dans cette ville pour
en réprimer la rébellion' mais il
était déjà trop tard : il y fut fait pri-
sonnier, le 8 septembre, et enfermé
dans une cage de fer, où il mourut,
après dix- sept mois de captivité, le
6 février 1292. Les Alexandrins re-
doutaient tellement ses stratagèmes,
que lorsqu'ils le virent mourir, ils
se persuadèrent que c'était une ruse
pour s'échapper de leurs mains , et
ils ne se crurent assurés de sa mort ,
qu'après lui avoir versé du plomb
fondu sur la tête. Ils l'enterrèrent
alors honorablement dans l'abbaye
de Lucedio. S. S — 1.
MONTFERRAT (Jean Ier., mar-
quis de ) , fils et successeur de Guil-
laume VII , n'était âgé que de quinze
ans, lorsqu'il succéda , en i'2(j'.i , à
MON
son père; il e'tatf alors à la cour de
Charles II, roi de Naples. Matthieu
Visconti, seigneur de Milan, profita
de son absence pour envahir ses
états; il lui enleva en peu de temps
Trin, Ponte -Stura, Moncalvo, et.
la ville même de Casai. Le nouveau
marquis n'ayant pas de forces suffi-
santes pour repousser cette attaque,
demanda la paix à Visconti; il con-
sentit à lui laisser pendant cinq ans
le gouvernement de tout le Montfer-
rat , avec le litre de lieutenant du
marquis , et une paye de trois mille
livres milanaises. Au bout, de ces cinq
ans , lorsque Jean voulut rentrer en
possession de ses états, il fut obligé de
recommencer la guerre: cependant ,
il s'était fortifié par l'alliance d'A-
me III, comte de Savoie, dont il
avait épousé la fille Marguerite , en
1 296. Albert Scott, seigneur de Plai-
sance, avec lequel il s'était aussi al
lié, le délivra de la crainte des Vis-
conti, par la révolution qu'il excita,
en i3o2, à Milan , d'où le seigneur
de cette ville fut chassé. Jean Ier.
mourut au mois de janvier i3c5,
âgé de vingt-huit ans. Comme il n'a-
vait point d'enfants, en lui s'éteignit
la ligne masculine des anciens mar
quis de Montferra t , descendants d' Al
derame , après avoir régné trois-cent
trente-huit ans sur cette contrée
Mais la sœur du marquis Jean , Io-
lande ou Irène, impératrice de Cons-
tantinople , ayant succédé aux droits
de sa maison, les transmit à Théo-
dore, son second fils, en qui la mai-
son de Montferrat fut renouvelée.
S. S— 1.
MONTFERR AT-PALÉOLOGUE
( Théodore , marquis de ), neveu et
successeur de Jean Ier, régna de i3o5
à i338. Le marquis Jean Ier. étant
mort, ses sujets envoyèrent une dé-
putation à Iolande sa sœur, qui était
à Constantinople , pour lui rendre
hommage comme à leur souveraine ,
et lui demander un de ses fils pour ré-
gner sur le Montferrat. Tolande, de
concert avec Andronic Paléologue ,
son mari , fit choix de Théodore, le
second de ses fils, pour l'envoyer en
Italie. Ce jeune prince aborda, en
i3o6, à Gènes : le Montferrat était
alors occupé presque en entier par
Manfred , mai quis de Saluées , et par
Charles II, roi de Naples ; mais les
peuples j attaches au sang de leurs
anciens maîtres , accueillirent avec
joie le jeune Paléologue, en qui ils
les voyaient revivre. Celui-ci sut aussi
se faire des appuis parmi les sei-
gneurs italiens. 11 épousa Argentine,
tille d'Obizzino Spinola, un des ca-
pitaines de Gènes, et belle-sœur de
Phiiippon de Langiusco , seigneur
de Pavie ; aidé par eux , il combattit
long-temps avec succès Charles II
et les marquis de Céva et de Saluées.
Il se fit reconnaître par Henri VII,
lorsque cet empereur passa en Ita-
lie ; et il contracta avec lui une al-
liance avantageuse à tous deux. Io-
lande ou Irène de Montferrat , im-
pératrice de Constantinople, étant
morte en i3i(>, Théodore passa en
Grèce j et il y demeura deux ans
auprès de son frère Andronic le
jeune, afin de l'aider à repousser les
attaques des Turcs. Il visita de nou-
veau ses états, en i3k), pour v pa-
cifier des troubles qui avaient éclaté:
mais il retourna bientôt à Constan-
tinople; et ce ne fut qu'en 1 33o qu'il
revint définitivement dans son mar-
quisat. Pendant son séjour en Orient,
il composa en grec, vers l'an i3a6,
un traité sur la discipline militaire,
qu'il traduisit ensuite <-n latin , et <pii
n'est p.is sans mérite. Théodore Pa-
léologue, quoique étrangère l'Italie,
tut mériter et obtenir l'amour des
xxix.
MON 545
peuples qu'il était venu gouverner.
• un règne de trente-deux ans ,
dans lequel il se distingua autant par
sa bonté que par sa justice, il mou-
rut à Trin , le '21 avril i338, lais-
saut un seul fils , qui lui succéda.
S. S— 1.
MONTFERRAT-PALÉOLOGUE
; .1 r\\ II), fils de Théodore Ier., régna
de 1 338 à 1 '>;'*. En recueillant la
succession de son père , il résolut de
travailler à recouvrer en même temps
les pays qui avaient été détachés de
l'héritage de la première maison de
Montferrat , par les princes de Sa-
voie , le roi de Naples , ou les Guelfes
de Loinbardie.Dès la première année
de son règne , il réduisit à l'obéis-
sance la petite province du Canavcz,
entre la Dora et le Pô , que le prince
d'Acha'ie,de la maison de Savoie, lui
avaitenlevée. Le '26 septembre l33o,
il surprit et chassa d'Asti la garnison
que le roi Robert de Naples entre-
tenait dans cette ville : il céda cepen-
dant Asti à Luchino Visconli, pour
s'assurer l'alliance de ce puissant
seigneur. Il battit, en i344 ? 1° sé-
néchal de Provence , que la reine
Jeanne avait envoyé en Piémont , afin
de maintenir dans l'obéissance les
villes qui avaient appartenu au roi
Robert. Un prince Othou de Bruns-
wick , cousin du marquas de Mont-
ferrat, était venu s'établir à sa cour,
et le servait avec autant de valeur
que de prudence. I ne grande p i! -
lie du Piémont fui soumise par leurs
armes , malgré la victoire que les
princes de Savoie remportèrent, au
mois de juillet 1 >Ï7 , sur le marquis
de Montferrat. Celui-ci ayant (ait.
visite l'année suivai d allié
Luchino \ iseonti , l<' perfide seigneur
de Milan résolut d'arrêter le marquis
poui s'emparer its. .Iran 11
en fut averti à temps , et il échappa
546
MON
par une prompte fuite : la mort de
Luchino prévint la guerre que celte
trahison semblait devoir exciter. Le
marquis de Montferrat accompagna ,
en i355 , l'empereur Charles IV,
dans son expédition en Toscane et à
Rome ; et, eu récompense des services
qu'il lui rendit , il obtint le vicariat
de l'empire en Italie. Les prétentions
fondées sur cette nouvelle dignité, et
l'accroissement de puissance du mar-
quis de Montferrat, allumèrent enfin ,
en i356 , la guerre entre lui et la
maison Visconti. Cette guerre fut si-
gnalée, pour Jean II, par de nouvelles
conquêtes : il s'empara des provinces
d'Albe et de Novare ; il fit révolter
Pavie contre les Visconti , et il éten-
dit souvent ses ravages jusqu'aux
portes de Milan. Cependant les sol-
dats mercenaires qu'il était forcé
d'employer, le trahirent à plusieurs
reprises. Ils l'abandonnèrent tous en
1 35g , et causèrent ainsi la perte de
Pavie. Le marquis alla chercher,
en Provence , une nouvelle armée
mercenaire , la compagnie blanche ,
formée des troupes licenciées après
la paix entre la France et l'Angle-
terre. Cette compagnie, forte d'envi-
ron dix mille hommes de cavalerie,
ramena la victoire sous les étendards
du marquis : mais elle introduisit,
en i36i , la peste en Lombardie ; et
elle acheva ainsi de désoler cette
belle contrée, jusqu'à la paix négo-
ciée , en i364, par un légat du
pape , entre Galeaz Visconti et Jean
de Montferrat. L'ambition de ces
deux princes rivaux renouvela les
hostilités au bout de peu d'années;
dans cette seconde guerre , le mar-
quis de Montferrat perdit , en 1370,
Valence et Casai. Le chagrin et l'in-
quiétude qu'il éprouva de ces re-
vers , lui causèrent une maladie dont
il mourut au mois de mars 137a. Il
' MON
avait épousé, le 3 septembre i358,
Elisabeth d'Aragon , sœur de Jac-
ques , dernier roi de Ma'iorque : par
elle , ses enfants avaient des droits
à l'héritage du royaume de Ma'ior-
que, qui avait déjà été envahi par
Pierre IV, roi d'Aragon. La maison
de Montferrat se contenta d'en pren-
dre les armoiries. Jean II laissait
quatre fils encore fort jeunes , sous
latutèle d'Othon, duc de Brunswick.
S. S— T.
MONTFERRAT-PALÉOLOGUE
( Secondotto ) , fils et successeur
de Jean II, régna de \oyi à 1378.
Les fils du marquis de Montferrat
étaient encore , à la mort de Jean ,
trop jeunes pour gouverner ; mais ils
trouvèrent un protecteur et un ami
fidèle dans Othon de Brunswick, fils
du duc Henri , que leur père leur
avait donné pour tuteur. Brunswick-
n'ayant pu obtenir la paix de Galeaz
Visconti, s'assura l'alliance du comte
Amé de Savoie, et du pape Grégoire
XI; et après avoir fait sentir par ses
victoires au seigneur de Milan, que
la maison de Montferrat n'avait rien
perdu de sa puissance, il obtint enfin
une paix glorieuse, en 1376. La
même année , Othon de Brunswick
épousa la reine Jeanne de Naples.
Son pupille, Secondotto, né en 1 3(3o,
était encore loin de sa majorité, que
son père avait fixée à vingt-cinq ans.
Cependant le duc de Brunswick le
maria, au mois de novembre 1377 ,
avec Violante Visconti, sœur de Jean
Galeaz; et il essaya dès-lors de le
charger du gouvernement de ses
états.: mais Secondotto était d'un
caractère emporté à l'excès; la moin-
dre contrariété le portait à des ac-
cès de fureur, dans lesquels il avait
tué plusieurs fois des hommes et des
enfants. Au mois de décembre 1378,
comme il s'était arrêté a Langirano,
MON
près de Parme, il entra en fureur
contre un de ses palefreniers, qu'il
poursuivit dans l'écurie pour le tuer:
un autre palefrenier du marquis
prit la défense de son compagnon,
et frappa Secondotto à la tête , d'un
coup si violent, que celui-ci eu mou-
rut le quatrième jour. — Aussitôt
qu'Othon de Brunswick apprit la
mort de Secondotto, il quitta la reine
Jeanne sa femme , pour accourir
dans le Montferrat, et prendre la
protection de Jean III, le second
de ses pupilles. En même temps il
s'efforça de recouvrer la ville d'Asti,
qui leur avait été enlevée par JeanGa-
leaz. Mais, sur ces entrefaites, l'ex-
pédition de Charles III d'Anjou dans
le royaumede Naples, et le danger que
courait la reine Jeanne, déjà assiégée
dans le château de l'OEuf , rappelè-
rent Othon de Brunswick dans le
royaume de Naples. Il conduisit avec
lui Jean III , son pupille; tous deux
livrèrent bataille à Charles III, le
'i 5 août 1 38 1 : ils furent défaits;
Othon, grièvement blessé, demeura
prisonnier, et Jean III fut tué en
combattant à ses cotés. S. S — i.
MONTFERRAÏ-PALÉOLOGUE
(Théodore II), troisième fils de Jean
II, régna de i38i à ijJ 18. Le jeune
marquis Théodore avait été élevé
à la cour de Jean Galeaz Visconti,
comme compagnon et ami di
fils Arco, qui mourut en i
lors Jean Galeaz avait toujours re-
tenu auprès de lui ce jeune prioce;
et , tout en professant pour lui une
affection paternelle , il le gardait
comme un otage a sa cour. Lorsque
Théodore fut appelé , par la mort
de ses deux frèri i la succes-
sion du Monl i h Galeaz
n'eut garde de permettre au nouveau
souverain de quitter Milan ; e! il
profita de la captivité où il le t<
MON 547
pour se faire céder tous les droits du
marquis sur la ville d'Asti, long-
temps disputée entre eux. Cependant
il ne démentit pas complètement
l'affection qu'il professait pour l'ami
du fils qu'il avait perdu ; et le Mont-
ferrat jouit d'une paix profonde,
jusque vers la fin du siècle : il Ja dut
surtout au séjour de vingt-huit an.*
que fit son souverain à la cour de
Milan. Cependant la mort de Jean
Galeaz en 1402 , la minorité de ses»
fils, et les désordres de la régence,
donnèrent le moyen au marquis
Théodore de recouvrer l'indépen-
dance qu'il avait perdue. Il se fit res-
tituer, en i4°4> Casai, sa capitale,
que Jean Galeaz avait toujours oc-
cupée : il fit ensuite alliance avec
Amé VII, comte de Savoie; et il
s'empara de plusieurs villes et châ-
teaux-forts qui avaient dépendu au-
paravant du duc de Milan. Eu 14 06,
il maria sa fiile Sophie à Jean Paléo-
logue, empereur de Constantinople;
mais cette princesse, ne pouvant s'ac-
commoder aux mœurs de la Grèce ,
revint en Occident, et finit ses jours
dans le Montferrat. L'année sui va n!e,
Théodore fit épouser à son fils Jeanne
de Savoie, fille d'Ame VI, dit le
comte Verd, et sœur d'Ame VII,
qui régnait alors. Cependant Théo-
dore, qui prétendait être zélé parti-
san dv< Gibelins, déclara la gu.
en ijott, à Jean Marie Visconti,
duc de Milan, sous prétexte de Vou-
hasser les Guelfes de ses con-
seils. 11 s'allia, dans ce but, avec
Faclno Cane, qui etail né son sujet,
qui ('lait devenu seigneur d'A-
lexandrie; et il contraignit le duc
Vlarie à recevoir, en i4"<), l"i
gouverneur de leur choix dajj
lan. La même année il aida lei I
nois a chasser de leur \ die l.t garni-
aLonfra
$48
MON
se fit élire, en récompense, capitaine
de Gènes, avec les émoluments as-
surés d'ordinaire aux doges : mais
les Génois ne pouvaient supporter
long-temps un joug étranger; ils se
révoltèrent le 20 mars 1 4J3 , et
chassèrent ses troupes. Philippe-
Marie avait succédé à son frère ,
dans le duché de Milan , et Théo-
dore avait recommencé la guerre con-
tre lui; mais la valeur de Carma-
gnola laissait peu d'espérance de
succès aux ennemis du duc : la paix
se fit enfin entre eux, le 20 mars
1 4* 7- Théodore II avait été reconnu,
par l'empereur Sigismond , vicaire
impérial en Italie, le 20 septembre
1 4ï 4 ? et cette dignité fut confir-
mée depuis à tous ses successeurs. Il
avait épousé, en 1394, Jeanne, fille
aînée de Robert duc de Bari , dont
il eut un fils qui lui succéda. Sa
femme étant morte , en 1402 , il se
remaria, l'année suivante, à Margue-
rite, fille de Louis prince d'Acha'ie,
dont il n'eut point d'enfans. II mou-
rut en 1 4 ï B : sa veuve Marguerite se
relira dans un couvent d'Albe , où
elle parvint à l'âge le plus avancé;
elle termina ses jours en 1 464 , dans
une grande réputation de sainteté.
S. S— 1.
MONTFERRAT-PALÉOLOGUE
(Jean-Jacques), fils unique et suc-
cesseur de Théodore II, né le 23
mars i3q5 , régna de i4*8 à
i445. J. - J. de Montferrat , fut un
des princes les plus malheureux de
cette maison illustre : placé entre
les ducs de Milan et de Savoie , voi-
sins ambitieux , et peut - être plus
habiles que lui, il fut opprimé par
eux pendant tout son règne. Il était
entré, en i^'à5? dans la ligue for-
mée par les républicains de Flo-
rence et de Venise , pour mettre
un terme aux usurpations de Phi-
MON
lippe - Marie, duc de Milan : mais
tandis que tous ses alliés eurent des
succès dans cette guerre, le Mont-
ferrat fut ravagé par Ladislas Gui-
nigi, qui était à la solde du duc de
Milan. Lorsque la guerre se renou-
vela en 1 43 1 , le marquis fut plus
malheureux encore : le comte Fran-
çois Sforza lui prit, l'une après l'au-
tre, toutes ses villes et toutes ses for-
teresses. Il ne lui restait plus que
Casai et un petit nombre de châ-
teaux , lorsque le duc de Savoie , son
beau-frère, qui était aussi beau-père
du duc de Milan, le menaça de lui
enlever le peu qui lui restait , s'il ne
lui remettait pas volontairement ses
forteresses en dépôt. Jean-Jacques
fut contraint de s'y soumettre; et
après avoir ouvert Casai aux Sa-
voyards , il se rendit à Venise , pour
implorer la protection de ses alliés.
Ceux-ci, par le traité de paix de
i433, obligèrent bien le duc de
Milan à rendre ses conquêtes ; mais
il fut plus difficile d'amener le duc
de Savoie à restituer le dépôt qu'il
avait reçu. Ame VII, après avoir
demandé à traiter avec le fils du
marquis , le fit arrêter dès que ce jeu-
ne prince se fut rendu à Turin ; et il
ne le rendit à son père, que lorsque
celui-ci eut consenti à faire hom-
mage du Montferrat à la maison de
Savoie. Jean-Jacques mourut le 12
mars 1 44$; il avait eu quatre fils et
deux filles, de sa femme, Jeanne de
Savoie. L'aînée de celles-ci , Amée ,
épousa , en 1437 , Jean de Lusignan ,
roi titulaire de Cypre et de Jérusa-
lem. — Jean IV de Montferrat,
fils et successeur de Jean-Jacques ,
introduisit le premier à sa cour cette
rigoureuse étiquette qui n'admet que
les nobles auprès des souverains.
Jusqu'à lui, tous les princes qui ra-
yaient précédé , n'avaient point d&-
MON
daigne de rapprocher les bourgeois
de leur personne : mais Jean IV,
répétant sans cesse que les nobles
étaient faits pour servir les princes,
comme les roturiers pour servir les
nobles, mécontenta un des ordres de
la nation sans se rendre agréable à
l'autre. Pendant la guerre occasionnée
par la mort du dernier \ isconti ,
Jean IV fit quelques conquêtes sur
le Milanez : son frère, Guillaume,
suivait le métier des armes; il s'était
attaché au comte François Sforza ,
et en récompense il obtint de lui la
seigneurie d'Alexandrie, le Ier jan-
vier 1 449- Mais Peu de temps après ,
le nouveau duc de Milan, jaloux de
Guillaume ou feignant de l'être, le
fît arrêter à Pavie, sous prétexte qu'il
faisait la cour ta Blanche \ isconti
sa femme , et ne le relâcha , au mois
de mai i45o, qu'après l'avoir fait
renoncer à la seigneurie d'Alexan-
drie. Le marquis de Montferrat fut
compris, en ï4^4 -. dans la paix
conclue entre le duc François Sforza
et les Vénitiens, comme allié des
derniers, mais sous condition qu'il
rendrait au nouveau duc, tout ce
qu'il avait occupé de l'héritage de
Philippe-Marie V isconti, son pré-
décesseur. Jean IV avait épousé
Marguerite de Savoie , le 3 juillet
1 4^4? ma^s il ncn cut point d'en-
fants : il mourut au château de Casai
le 19 janvier 1 4^4- — Son frère
Guillaume VIII, qui lui snc<
s'était acquis la réputatiuu d'un bon
capitaine, dans les guerres de Lom-
bardie : au mois d'octobre 1 •'>">, il
épousa Marie, fille aînée de Gaston ,
prince de Navarre, comte de Foix
et de Bigorre. 11 s'allia ensuite à Ga-
leaz Sforza, qui avait succédé a
François, dans le tin. h • de Milan;
et, avec son aide, il s'affranchit de
l'hommage et de la dépendance féo-
MON 54ç>
dale, que le duc de Savoie avait
imposés à son père. Guillaume de
Montferrat n'eut, de son mariage avec
Marie de Foix , qu'une fille, Jeanne,
qui épousa dans la suite le marquis
de Saluées. Après la mort de sa pre-
mière femme, Guillaume, âgé déjà
de soixante - cinq ans , épousa , en
1 4<J9 , Elisabeth-Marie Sforza, sœur
du duc de Milan , qui n'avait que
treize ans ; il en eut aussi une fille ,
nommée Blanche , qui épousa Char-
les , duc de Savoie. En i474> Guil-
laume se maria une troisième fois
avec Bernarde , fille du comte de
Penthièvre ; il n'en cut pas d'enfants.
Jl montrait , au reste , beaucoup,
de vigueur dans sa conduite mili-
taire ; malgré son âge avancé, il con-
tinuait le métier de condottiere qu'il
avait exercé avant d'être souverain ,
et il fit la guerre pour le duc de
Milan. Cependant il ne releva point
sa maison au degré d'importance
qu'elle avait eu anciennement; et il
n'occupa, entre les princes d'Italie ,
qu'un rang secondaire. Il mourut le
28 février i/jB3, sans laisser de fils.
S. S— 1.
MONTFERRAT PALÉOLOGUE
( Boniface V ) , troisième fils de
Jean-Jacques, était déjà parvenu ,i
un âge avancé lorsqu'il recueillit la
succession de son frère Guillaume ;
et comme il n'était point marié , et
que son dernier frère Théodore elaif.
les ordres , la maison deMont-
lerr.1i paraissait sur le point de s'é-
teindre. Guillaume avait déjà voulu.
. -uccession à sa fille Jeanne
son gendre Louis , marquis de
Saluées; et Boniface, as an! de moi.
ter sur le trône, avait donné son con-
sentement , d'une manière authenti-
que, a cet ordre de si ; mais
de:, qu'il fui souverain, il annula le
règlement de Bon frère , déclarant
55o
MON
qu'il disposerait de la succession par
testament. Cependant il épousa , le 1 3
septembre 1 483 , Hélène de Pen-
thièvre, sœur de la troisième femme
de son frère ; mais cette princesse
mourut peu de mois après , dès le
commencement de sa grossesse. Le
marquis de Saluées, se voyant p^r-là
d'autant plus près de la succession ,
fit assassiner, a Casai, et presque sous
les yeux du souverain , Scipion de
Montierrat , abbé de Lucedio , le
seul rejeton légitime de la famille
Paléologue. Le marquis Boniface
n'osa point punir Louis de Saluées,
de cet attentat ; mais il protesta par
un acte secret , qui nous a été con-
servé, que, malgré sa réconciliation
apparente , il ne renonçait ni au désir
ni au droit de se venger. Cependant
Boniface se maria de nouveau , le 17
octobre 1 485 , avec Marie , fille d'Ê-
tienne, despote de Servie , qui attira
à la cour de Casai un grand nombre
de seigneurs Grecs , Ser viens et Épi-
rotes , échappés aux conquêtes des
Turcs. Dès le 1 0 août de l'année sui-
vante , Marie mit au jour un fds , qui
régna sous le nom de Guillaume IX ;
et , le '20 janvier 1 488, un second, qui
fut nommé Jean -George. Boniface
ajant ainsi , contre toute espérance,
obtenu des successeurs de son sang ,
mourut en i4q3. — Guillaume IX
de Montferrat , n'était âgé que de
sept ans , lorsqu'il succéda à son père
Boniface ; mais quoique l'époque de
saminoritéet de son règne soit peut-
être celle où l'Italie a été le théâtre
de plus de guerres , son nom se voit
à peine dans les historiens. Son pays
demeura ouvert sans résistance aux
armées de Charles VIII et de Louis
XII , qui le traversèrent 5 et il ne se
trouva mêlé dans aucun des grands
événements de son siècle. Guillaume
IX avait été marié ? le 3 1 août i5o8,
MON
avec Anne, fille de René, duc d'Alen-
çon : il en eut un fils , Boniface VI ,
et deux filles , Marguerite et Anne.
La première femme de Guillaume
étant morte , il épousa en secondes
noces Marie, fillede Gaston IV, comte
de Foix. Il mourut , en 1 5 1 8 , âgé
de trente ans. — Boniface VI n'eut
pas plus de part que son père aux
grandes révolutions de l'Italie, et ne
s'engagea point dans les guerres en-
tre François Ier. et Charles -Quint.
H donnait cependant de grandes es-
pérances à ses peuples , et il en était
fort aimé , lorsque poursuivant , en
1 53 1 , un sanglier à la chasse , il
tomba de cheval si rudement qu'il se
brisa la tête et mourut sur la place.
— Son oncle paternel, Jean-George,
dernier héritier mâle de la maison
de Montierrat , et abbé de Bremida
et de Lucedio , déposa l'habit ecclé-
siastique pour recueillir sa succes-
sion , et fut immédiatement reconnu
comme marquis deMontferrat, à la
mort de son neveu. Pour assurer la
succession à ses étals , d'une part, il
maria sa nièce Marguerite , fille de
-Guillaume IX , à Frédéric II deGon-
zague, marquis deMantoue; d'autre
part, il épousa , le 29 mars i533,
Julie, fille du dernier roi de Naples ,
de la maison d'Aragon. Il était alors
âgé de quarante-cinq ans seulement,
et il pouvait espérer encore une
nombreuse famille • mais il tomba
mort subitement au milieu d'un fes-
tin ,, le 3o avril de la même année.
On accusa de cette mort inopinée
Frédéric II de Gonzague , à qui elle
assurait l'héritage du Montfcrrat ,
dont il avait obtenu l'investiture de
l'empereur dès l'année précédente j
mais la santé débile de Jean-George,
un changement subit dans ses habi-
tudes , et son récent mariage , peu-
vent expliquer suffisamment sa mort,
MON
sans qu'on ait besoin de supposer un
crime. Avec Jean-George s'éteignit
la maison de Montferrat Paléologue ,
après avoir régne deux cent viugt-
huit ans sur cette partie de l'Italie:
l'ancienne maison de Montferrat, à la-
quelle elle avait succédé, eu avait
régné trois cent trente-huit. Le Mont-
ferrat passa ensuite à la maison de
Gonzaguc , qui le conserva uni au
duché de Mantoue , et qui s'éteignit ,
en 1 708 ( V. Gonzague ). S. S — 1.
MONTFLEUUY ( Zacuarie Ja-
cob , dit ) naquit d'une famille noble
d'Anjou ,à la lin du seizième siècle , ou
au commencement du dix-septième.
Après avoir achevé' ses études et ses
exercices militaires, il entra, en qua-
lité de page, chez le duc de Guise :
mais, en fréquentant le théâtre , il se
sentit du goût et du talent pour la
profession de comédien; et il se lit
recevoir ,sous le nom de Montfleury,
dans une troupe de province. Celle
de l'hôtel de Bourgogne , informée
de ses succès , l'attira à Paris , où il
obtintbeaucoupd'applaudissements.
Il joua d'original, dans le Cid et dans
les Horaces, et donna lui-même, en
1647, -me tragédie à'Asdrubal, que
plusieurs auteurs ont faussement at-
tribuée à son fils, dans les œuvres
duquel elle se trouve. Lorsqu'il épou-
sa la veuve d'un comédien, le cardi-
nal de Richelieu voulut que la noce
se célébrât dans sa maison de Kuel.
Montfleury, fier de son art, ne prit
au contrat que la qualité de comé-
dien du roi, et exigea qu'on y ins-
crivît son nom de troupe, joint à
celui de sa famille. 11 était devenu si
gros, que, pour comprimer et sou-
tenir son venue , il le fit ceindre
d'un cen ; ( • ferrailleur
Cyrano d< | ;iU.i il
avait eu querelle, et qui, en consé-
quence, lui avait, de son autorité
MON
55t
!,'
privée, interdit le théâtre pour un
mois, disait de lui : Il fait le fier,
-parce qu'on ne peut Je bdtonner tout
entier en un jour. Il mourut au mois
de décembre 1667, dans le cours
des représentations à'Andromaque.
On prétend que , dans les fureurs
d'Oreste, une de ses veines s'était
rompue, ou même que son ventre
s'était ouvert; mais Mlic. Desmares,
célèbre comédienne , et son arrière-
petite-fille , démentit depuis cette
anecdote. Suivant elle, Montfleury,
à qui certain fou avait prédit une iin
prochaine, en fut frappé, et revint
u théâtre, après avoir joué Oreste,
avec une grosse lièvre, qui l'emporta
en peu de jours. Il avait la réputation
d'un grand acteur, dans les deux
genres; ce qui n'empêcha point Mo-
lière de se moquer de sa déclamation
outrée, dans Y Impromptu de Ver-
sailles , joué devant Louis XIV, le
14 octobre 1 663. Peu de temps après,
Montfleury présenta une requête au
roi, où il accusait notre premier au-
teur comique Ravoir épousé la fille,
et d'avoir autrefois 'vécu avec la
mère (1); c'était vingt ou vingt -un
mois après la mort de celui-ci. Ra-
cine, dans une lettre de cette mê-
me année i663, qui est adressée à
l'abbé Levasseur, dit que Montfleu-
ry ne fut point écouté à la cour. Il
y a lieu de croire qu'il fut le premier
et le principal auteur de la calomnie
répandue contre Molière, par jalou-
sie et par animosité ( V. Modkne ).
Montfleury fut le maître de Baron ,
qui le surpassa. L — P — e.
MONTFLEURY ( Antoine Ja-
COB, dit), fils du précédent, né eu
l64o, fut destiné par son père a la
[i) Tel <■( l( ,!,,,,t s,.,, fila
Louiîi •• qwlqui
U.- commentaire d* Luhmpc.)
552
MON
profession d'avocat; mais il ne l'exer-
ça point, aimant mieux travailler
pour le théâtre , auquel il donna le
Mariage de rien, en vers de huit syl-
labes j le Mari sans femme; Tra-
sybuU tragi-comédie; Y Impromptu
de l hôtel de Condé; Y Ecole des
filles ; !a Femme juge et patie;
le Procès de la Femme juge et
partie^ V Ecole fies jaloux ; le Gen-
tilhomme de Beauce ; la Fille ca~
pit intr ; Y Ambigu comique, tragi-
comédie j le Comédien poète ; Tri-
gandin .; la Dame médecin ; la
J upe de soi-même , et Crispin gen-
tilh mm On lui attribue les Bêtes
n wnnables. Toutes ces pièces, ex-
cepte la dernière , ont été réunies en
quatre volu mes in*- ia , Paris , 1775;
on y a joint la tragédie d'Asdrubal ,
qui est du père de Montfleury. La
Femme juge et partie balança, dans
le temps , le succès du Tartuffe ,
joué à Paris, la même année, 1669,
mais sur un théâtre différent, L'in-
trigue de cette comédie est fondée sur
l'aventure d'un marquis deFresne,
qui était accusé d'avoir vendu sa
femme à un corsaire. Lorsque le rôle
de Bernadiile est bien joué, cette
pièce fait encore rire au théâtre ( 1).
"L'Impromptu de l hôtel de Condé
est une vengeance que l'auteur tira
de Molière qui, dans Y Impromptu de
Vert ailles, avait tourne en ridicule
le père de Montfleury, avec tous les
acteurs du théâtre de l'hôtel de Bour-
gogne. L'auteur connaît la scène;
il a des intentions comiques et de
la gaité dans le style ; mais il est
(1) M. Le Roi a remit en trois actes la Femme
juge et partie, c'est-à-dire, qu'il a changé le pre-
mier acte de Moutfleury , conservé le secoud acte
entier , l arrangé la un du troisième.
. ainsi réduite , et représentée sur Je
Théâtre-français, le (i mars 1S21 , a obtenu as
succès, quoiqu'elle ail beaucoup perdu de sa yaît'j ,
très-libre à la vérité.
MON
incorrect, et tellement licencieux, que
cette seule raison suffirait aujour-
d'hui pour le bannir du théâtre. La
plupart de ses sujets sont des anec-
dotes du temps , ou des emprunts
faits aux auteurs dramatiques espa-
gnols, dont il possédait supérieure-
ment la langue. Ayant renoncé à
faire des comédies , il fut chargé
par Colbert , d'une mission impor-
tante dont il s'acquitta bien. Il allait
en être récompensé par une place
dans les fermes , lorsqu'il mourut à
Aix, le 1 1 octobre i(385. L — P — e.
MONTFLEURY (Jean Le Petit
de ) , poète français , né à Caen , en
1 698 , était issu d'une famille distin-
guée. Son aïeul s'était fait remarquer
dans les armées de Louis XIV ; et
son père était un des genfilhommes
destinés à accompagner le roi Jac-
ques IL Jean de Montfleury est l'au-
teur d'un grand nombre d'Odes, qui
lui valurent des récompenses hono-
rables. Les principales sont : Au car-
dinal Fleury , 1 727 ; Sur le zèle ,
1 729 } Les grandeurs de la Vierge ,
1 75 1 ; Louis Racine lui écrivit, à
l'occasion de cette dernière Ode ,
une lettre remplie d'éloges flatteurs ;
Y Existence de Dieu et sa provi-
dence, 1 7G1. Il publia aussi un poè^
me sur la Prise de Bergopzoom;
un autre , intitulé , la Mort justi-
fiée, plein d'idées fortes, de grandes
leçons et de bonne philosophie, dit
Feller; et un Essai, en vers, sur
l'instruction morale , politique et
chrétienne, Caen, 1755. Il mourut
à l'âge de soixante - dix - neuf ans ,
vétéran de l'académie royale des
belles-lettres de Caen, sa patrie, le
7 avril 1777, emportant l'estime
générale qu'il s'était conciliée par
une rare vertu. — L'abbé de Mont-
fleury, frère du précédent, mort
chanoine de Ba'ieux, en 1758. ^
MON
l'auteur d'une brochure imprimée en
1728, sous le titre de Lettres cu-
rieuses et instructives, écrites à un
prêtre de l'Oratoire par un chanoine
de Baicux. G — t — r.
MONTFORT ( Simon ; comte de ),
quatrième du nom, fameux par ses
expéditions contre les Albigeois ,
était issu d'une ancienne et illustre
maison, qui, dès le dixième siècle,
allait de pair avec les plus grands sei-
gneurs du royaume ( 1 ) : il naquit dans
la deuxième moitié du douzième siè-
cle , et épousa , en 1 Hjo , Alix de
Montmorenci , tille de Bouchard III.
Il faisait, en 1199, partie d'un
tournois donné en Champagne, lors-
que Foulques de Neuilli , par ordre
d'Innocent III , prêchait la croisade
dans cette province. Montfort prit la
croix avec Thibaut V , comte de
Champagne , tenant du tournois, et
plusieurs autres jeunes seigneurs qui
y assistaient. Il arriva en Palestine ,
en 1 '2o3 , et s'y distingua par divers
exploits. A son retour en France,
une croisade s'étant formée en Lan-
guedoc contre les Albigeois, Simon,
zélé catholique, s'y engagea, et en fut
déclaré chef par les barons. D'abord
il s'excusa sur son insuffisance; mais
l'abbé de Cîteauxlui ayant ordonné,
an nom du pape dont il était légat,
d'accepter , il obéit. Le 3 septembre
i2 13 , il remporta une grande vic-
toire à Muret, contre le roi d' Ai
et Raimond VI , comte de Ton!
qui était accusé de favoriser Les héré-
tiques. Le roi d'Aragon y fut tue'. Le
résultat de cette bataille fut que Rai-
mond demeura privé de ses états ,
qui furent adjugés par les barons
(i) Le conUmiatrai | d'autrei
. broniqueiirs , font d< , «l'un [\}t
'.J.llllici !
tloimé la ville de Montfort, <l...,i ■ !
prétend tjuc Robert d
MON 553
au comte de Montfort. Innocent III,
et le quatrième concile de Latran ,
lui en confirmèrent la possession, à la
charge de les tenir de qui ils rele-
vaient. Simon en rendit foi et hom-
mage à Philippe-Auguste, qui lui en
donna l'investiture. Il en prit pos-
session ; mais une révolution qui
éclata en Provence , en 1 a 1 7 , tandis
que Simon était occupé à faire la
guerre dans le diocèse de Nîmes ,
vint le troubler dans sa jouissance.
Lefils du comte de Toulouse , nommé
aussi Raimond, était rentré dans cette
ville, et s'y était fait reconnaître. Si-
mon, en ayant été instruit, accourut
en toute hâte l'y attaquer. Il com-
mença le siège de la ville; mais il ne
put le pousser vigoureusement faute
de troupes. Le ^5 juin 12 18 , pen-
dant qu'il était à matines et qu'il en-
tendait la messe, on vint l'avertir que
les assiégés avaient fait une sortie, et
qu'ils étaient aux prises avec ceux
de ses gens qui étaient préposés à la
garde des machines. Il ne voulut ni
interrompre ses prières, ni quitter
l'église avant la consécration , quoi-
que l'avis fût répété. Ayant alors
couru au lieu du combat, sa présence
rendit le courage à ses troupes, qui
commençaient à plier; mais comme
il s'approchait des machines pour s'y
mettre à l'abri des traits qui volaient
de toute part, une grosse pierre, lan-
cée par un mangonneau, l'atteignit à là
tête. Se sentant blessé à mort, il se
frappa la poitrine, se recommanda
à Dieu, et expira, percé en outre de
cinq coups de flèches. Sou (ils aîné
leva Le siège, emportant le corps de
Simon de Montfort, qu'il fil inhumer
dans le monastère de Haute - L,
rc, ordre deFonlevranld. On ne peut
refuser à cet illustre personnage, ni
un grand zèle ]>»>; ion catho-
lique et pour L extinction cU
5:;
MON
ni les qualités qui l'ont le grand capi-
taine. 11 était prudent , actif ; brave ,
i >ide dans le danger, persévérant
dans ses entreprises. Lue vertu sévère,
: moins ses apparences , don-
naient de lui une si haute idée, qu'on
lavait surnommé le Macchabée de
son siècle, et qu'il était généralement
regardé comme le principal appui et
le soutien de la religion. Malheureu-
sement des traits de perfidie , des
nés de foi , d'atroces cruautés ,
contre les infortunés Albigeois , des
violences inouies , le sac et l'incendie
de plusieurs villes , trop d'acharne-
ment contre Raimond , comte de
Toulouse et son fils ; enfin , tout ce
que l'histoire n'a pu déguiser sur Si-
mon de Montfort, a souillé sa gloire
et imprimé à sa mémoire des taches
que le temps n'a pas effacées. ( V.
Raimond.) 11 parut en i ^67 un opus-
cule intitulé : Les jeux de Simon de
Montfort ou les jardins du parle-
ment de Toulouse ; on l'attribua à
Voltaire ; mais il ne se trouve dans
aucune édition de ses OEuvrcs.
L— Y.
MONTFORT (Amauri, comte
de ) , fils aîné du précédent, et d'Alix
de Montmorenci , prétendant être
aux droits de son père pour ses con-
quêtes , mit son premier soin à
les revendiquer , et a se faire recon-
naître dans ses nouveaux états : il
continua ensuite la guerre contre les
Albigeois ; mais la mort de Simon
avait abattu le courage des croisés,
et relevé d'autant celui des parti-
sans du jeune Raimond. Ce prince ,
s'étant présenté dans l'Agenois ,
à la tête d'un corps de troupes,
une partie du pays rentra sous son
obéissance. La même année , c'est-
à-dire en 1219, le prince Louis, fils
de Philippe- Auguste, sollicité par
le pape Honore 111 . vint en Languc-
MON
doc, avec une armée de six cents
hommes d'armes et dix mille hom-
mes d'infanterie. 11 s'empara de Mar-
mande, dont la garnison fut obligée
de se rendre à discrétion , et qu'il fit
prisonnière. La ville ayant été li-
vrée à Montfort , cinq mille habitants
furent passés au fil de l'épee. Cette
cruauté ne disposa pas les esprits en
sa faveur. Louis ayant été rappelé
par son père , et Amauri se trouvant
livré à ses propres forces , il sentit
qu'il n'était plus capable de résister
à Raimond , dont les succès allaient
chaque jour en augmentant. Lassé
d'une lutte dans laquelle il ne pou-
vait que succomber , il prit le parti
d'offrir à Philippe-Auguste tous ses
droits aux états qui avaient été adju-
gés à son père. Le monarque n'ac-
cepta point cette offre ; mais Louis
VIII étant monté sur le trône, la ces-
sion eut lieu. L'acte portait a qu'A-
it mauri, seigneur de Monfort, quit-
» tait à son seigneur Louis , illustre
» roi des Français , toutes les dona-
» tions que Rome avait faites à Simon ,
» son père. » En i23i , Amauri re-
çut de saint Louis la charge de con-
nétable , vacante par la mort de son
beau-frère Matthieu II de Montmo-
renci. En 1 235, Amauri prit la croix
avec Thibaut VI, roi de Navarre. Ce
prince et lui passèrent a la Terre-
Sainte, en i23g. Dans une expédi-
tion qu' Amauri et quelques autres
croisés firent près de Gaza , en 1 240,
il fut fait prisonnier et conduit au
Caire. Ayant recouvré sa liberté Tan-
née suivante, il revenait en France,
lorsqu'il mourut à Otranle, d'un flux
de sang. Il fut enterré à Saint-Pierre
de Rome , où l'on voit son épitaphe.
L Y.
MONTFORT ( Simon VI de ) ,
comte de Leiccster , que quelques
lins ont surnommé le Caidina
MON
anglais, était frère du précédent ( i ).
On ignore l'époque , et le lieu de sa
naissance. Suivant Matthieu Paris ,
il eut , en 1116 , daus un parlement
tenu à Bourges , une vive discussion
avec Raymond, comte de Toulouse ,
au sujet des (erres que le pape et le
roi Philippe-Auguste avaient concé-
dées à son père. En i'i3i , (ou sui-
vant d'autres ), en 1236, il fut obli-
gé de quitter la France sa patrie ,
par suite d'une de ses discussions
avec la reine Blanche , mère de
Saint-Louis, et se retira en Angle-
terre. Henri III l'accueillit très-gra-
cieusement ; et le comte parvint si
bien à gagner les Louncs - grâces de
re souverain, qu'il recouvra le titre
de comte de Leicester, et fut remis
en possession des terres considéra-
bles dont son père ou son aïeul
avaient été dépossédés par le roi
Jean , et qui provenaient de la suc-
cession d'Amicia (2). Henri III le
nomma en même temps sénéchal de
Gascogne, avec l'autorisation d'épou-
ser Eléonor, comtesse douairière de
Pcmbroke, sœur de Henri ( 1288),
malgré les clameurs du comte de
Cornouailles . frère du roi (3) , et de
tous les barons anglais , irrités de
Suivant les chroniqueur* anglais cités dans le
I
• seulement deui fit» d'Amicia ta Femme,
Amnlric ou Ain. an i «|u> I i »n< e ,
BUJel (!•' cil :n ! (UppOM ,
qu'Amaari de Montfurt étaient (ils d'Alix i
1 . il qœ Amici;i , *
■i -r , n'était que
inelle.
■ ; 1 mi 1 de Hool Foi 1 101 qui pos-
omaini s i ons déi ibles . M pou-
T:mt jui
;m ;iv,.it
: Amii ia
{'i) Quelques note l'opposition du
premier mai i •. ut fait
< 1 1 lit int du p
. tmeuri dùeut qu'il alla, tcri i
MON
555
voir un sujet et un étranger devenir
l'époux de cette princesse. Leic<
n'eut pas plutôt obtenu tous ce.-, avan-
tages, que, par son adresse et ses
manières insinuantes , il acquit un
grand crédit parmi les Anglais, et
gagna l'affection des individus de
toutes les classes. Il perdit néan-
moins l'amitié de Henri 111 , qui lui
reprocha vivement d'avoir débauche
sa sœur (1 239) , et de n'avoir obtenu
la dispense du pape, qu'en promet-
tant au clergé romain $e grandes
sommes d'argent qu'il n'avait même
pas payées. Il l'appela excommunié,
et le traita avec tant de dureté , que
Leicester , épouvanté , s'enfuit en
France , sur uu petit bâtiment , avec
sa femme et sa famille. Il revint ce-
pendant en Angleterre, en i'ijo ,
rentra en faveur , et fut envoyé de
nouveau en Gascogne avec le titre de
sénéchal, en if253. Leicester, dès
sou arrivée , eut a réprimer une
révolte. Gaston, vicomte de Béarn,
qui était à la tête des séditieux ,
fut vaincu par lui , et fait pri-
sonnier. Mais, à ses talents mili-
taires , Monfort ne sut pas join-
dre celui de se faire aimer des peu-
ples qu'il était chargé d'adminis-
trer. Il gouverna si despoliquemenl,
et commit tant d'exactions, que les
Gascons députèrent, vers Henri III ,
l'archevêque de Bordeaux , avec un
grand nombre des principaux habi-
tants, pour se plaindre de ses vio-
lences. Ou alla même jusqu'à l'accu-
ser de chercher à exciter lui-même
des révoltes ; e1 on protesta que l'on
renoncerait plutôt à l'obéissance *lu
roi, que de plier sous le joue d'un
si cruel persécuteur. Rappel
Angleterre, l.eiccsl. r fut, suivant
quelques auteurs, traduit devant la
chambre des p ■ raitté, Ma-
thieu Paris prétend que Henri voulut
>5ô
MON
le faite arrêter, mais que tous les
grands de l'état s'y opposèrent. Henri
lui redemanda vainement ses provi-
sions de gouverneur : l'orgueilleux
sujet eut l'audace de sommer son
souverain d'exécuter ce qu'elles por-
taient, a On ne doit rien aux traî-
» très, » repondit Henri en colère.
— « Aux traîtres , » s'e'cria Leicester,
outre de fureur ! « Ah ! roi d'Angle-
» terre , c'est véritablement de ce
» jour que vous ne portez plus en
» vain le §pm de roi , puisque cette
» parole ne vous coûte pas la vie. »
On parvint cependant à les récon-
ciiier ; mais cette réconciliation ne
fut qu'apparente. Le monarque , obli-
gé de dissimuler , le renvoya de nou-
veau en Gascogne, espérant qu'il y
périrait. Leicester gagna d'abord une
sanglante bataille contre les révoltés;
mais voyant leur nombre se grossir,
et désespérant de les réduire , il ren-
dit ses provisions , moyennant une
forte somme d'argent , et se retira
auprès des princes Alphonse et Char-
les , frères de Saint-Louis , qui l'ac-
cueillirent avec de grands honneurs.
Il paraît que, quelques années après ,
Leicester rentra dans les bonnes grâ-
ces de Henri ; car on voit que ce
prince l'envoya deux fois en France,
pour réclamer les provinces dont les
prédécesseurs de Louis IX s'étaient
emparés sur les Anglais, et pour né-
gocier , à ce sujet , un traité , qu'il
parvint à conclure , à la satisfaction
de son souverain ( V '. les Actes de
Kymer, et l'article Henri III, tome
xx, p. 1:3,1 ). Le mauvais gouverne-
ment de Henri III, son manque de
foi, ses exactions, avaient porté au
dernier point , le mécontentement de
toutes les classes de la nation ; et Lei-
cester, qu'on accuse d'avoir osé as-
pirer au trône, profita des fautes du
roi pour fomenter ce même esprit
MON
de mécontentement : il chercha , et*
affectant une grande dévotion, a ga-
gner l'attachement du clergé , et celui
du public , par le zèle qu'il montrait
pour une réforme. Lié d'amitié avec
les principaux barons, son animosité
contre les favoris du roi rendit leurs
intérêts communs. Une querelle ré-
cente qu'il avait eue avec Henri de
Valence , frère du roi et son princi-
pal favori, détermina Leicester à
frapper un grand coup. 11 réunit secrè-
tement lesprincipauxbarons; et, après
leur avoir rappelé, avec autant d'élo-
quence que d'énergie, la conduite de
Henri, ses infractions à la grande char-
te que leurs ancêtres avaient payée
de tant de sacrifices, ses serments si
souvent violés, il concerta avec eux
un plan pour réformer l'état. L'occa-
sion ne tarda pas à se présenter. En
ia58, Henri, ayant convoqué un
parlement pour obtenir des subsides
afin de faire la conquête de la Sicile,
dont le pape avait donné la couronne
à son fils , les barons parurent dans
la salle , complètement armés : ils re-
prochèrent au roi ses fautes avec hau-
teur , et demandèrent que le gouver-
nement fût confié à ceux qui avaient
les moyens et la volonté de le réfor-
mer; qu'à ce prix ils lui accorde-
raient les subsides dont il avait be-
soin. Henri , intimidé , promit tout j
un nouveau parlement (1) fut con-
voquéà Oxford, le 1 1 juin de la même
année : le roi jura de nouveau l'exé-
cution de la grande charte, et con-
sentit d'importantes concessions , ap-
pelées Statuts ou provisions d' Ox-
ford , qui mirent pendant quelque
temps toute l'autorité législative et
executive entre les mains de vingt -
quatre barons, ou plutôt entre celles
(1) Les royalistes , et même la nation , le noiniufe-
rrnt le Parlement insensé { Mad parliament ) , d'a-
près le résultat des mesures qui y furent prises.
i
MON
de Leicester, place à la tête de ce con-
seil suprême. Mais ce chef de parti ,
vî. ses associés, abusèrent bientôt de
l'autorité dont ils ne s'étaient empa-
rés, disaient-ils, (pie pour mettre un
terme aux usurpations du roi et aux
souffrances de la nation. Ils s'en ser-
virent pour exercer un despotisme
égrené, et pour s'enrichir au\
pens des particuliers, sans se mettre
en peine de remplir aucun des enga-
gements qu'ils avaient d'abord con-
tractés. Aussi virent-ils bientôt leur
popularité diminuer, et des com-
plots se former contre la prolonga-
tion de leur autorité. Le roi profila
de cet état des choses et de la riva-
lité des comtes de Leicester et de
Gloucestcr, pour chercher à recou-
vrer son autorité. Mais ses tentatives
ne réussirent pas. La confusion la
plus grande troubla l'état pendant
plusieurs années ; et après quelques
trêves , rompues presqu'aussitôt que
conclues , les barons n'ayant pu dé-
terminer le roi à confirmer les provi-
sions d'Oxford, prirent les armes ; et
Leicester, qui résidait presque tou-
jours en France, revint en Angleterre,
fit alliance avecLlewelyn, prince de
Galles ( V. ce nom) , et , soutenu par
les troupes galloises, mit en déroute
l'armée royale , fit prisonnier le
prince Edouard, et força Henri à
souscrire un traité ignominieux ( 18
juin 1 263). Le prince Edouard, ayant
recouvré sa liberté par suite de ce
traité , fit tous ses efforts pour défen-
dre les prérogatives de sa famille:
il attira dans son parti plusieurs des
barons, mécontent» dé Leicester; et
les hostilités recommencèrent. Mais
Comme les tories (Muent à-peu-près
égales, la clameur universelle obli-
gea le roi et les barons i ouvrir des
négociations pour I i paix, et à sou-
mettre leurs dilî'érends à l'arbitrage
MON
5.J7
de Louis IX, roi de France, qui
décida en faveur de Henri. Les ba-
rons rejetèrent la sentence • et la
guerre civile s'ensuivit immédiate-
ment. En mai 1264, Leicester, qui
avait été contraint de lever le siège
de Rochester, et de se retirer à Lon-
dres , partit de cette capitale avec
un renfort considérable , et s'avança
jusqu'à Lcwes, dans leSussex, où ie
roi et son fils Edouard étaient cam-
pés. Il y eut un engagement sanglant ,
dans lequel les deux partis eurent
successivement l'avantage , mais qui
se termina par la déroute complète
de l'armée royale et par la prise du
roi.D'ajirès l'arrangement qui suivit
cette défaite, et qui fut appelé' Mise
de Lewes, le prince Edouard , et son
cousin Henri, fils du roi des Romains,
restèrent comme otages entre les
mains de Leicester; et il fut stipulé
que le roi de France serait prié de
nommer des arbitres qui auraient
tout pouvoir pour terminer les dif-
férends qui existaient entre Henri
III et les barons anglais. Leicester
n'eut pas plutôt obtenu cet impor-
tant succès , et mis en sûreté ses deux
illustres otages dans le château de
Douvres , qu'il abusa de son pouvoir
pour satisfaire son avarice et son
ambition immodérée. Il s'empara des
terres de dix-huit barons royalistes,
s'appropria la plus grande partie de
la rançon des prisonniers laits dans
la bataille , et réunit toute l'autorité
royale dans ses mains. Il employa
des évadions de tous les genres pour
accumuler des richesses; et sa hau-
teur augmenta avec sa fortune,
communié par le pape , avec
autres barons opposés au roi , il mé
prisa les foudres de L'Eglise, et me-
naça même de mort le cardinal légat,
s'il osait loucher le sol de l'Angle-
terre pour y prononcer la sentence
558
MON
d'excommunication. Mais convaincu
de la Laine que lui portait la plus
grande partie de la noblesse du royau-
me, et craignant une coalition entre
les royalistes et les barons mécon-
tents , il crut devoir chercher un ap-
pui dans la classe inférieure de la na-
tion , et convoqua , en janvier 1 265 ,
un parlement, composé sur un plan
beaucoup plus démocratique que
ceux qui avaient eu lieu précédem-
ment. Il y fit entrer , outre les ba-
rons de son parti et plusieurs ecclé-
siastiques qui ne dépendaient pas
immédiatement de la couronne, deux
chevaliers présentés par chaque com-
té ; et , ce qui était encore plus re-
marquable , des représentants des
bourgs y furent admis pour la pre-
mière fois. Quels que fussent ses
motifs en faisant cette innovation ,
Ton ne peut disconvenir que c'est
à lui que la constitution anglaise doit
ce perfectionnement qui fut l'origine
de la chambre -des Communes (i).
Leicester, avec une apparence de mo-
dération , présenta une ordonnance
qui prescrivait la mise en liberté du
prince Edouard , mais qui lui enjoi-
gnait de rester auprès de la personne
du roi ; et comme le souverain se
trouvait sous la garde des barons ,
ils étaient ainsi , tous deux , dans les
mains de leur puissant adversaire.
La crainte qu'imprimait son pou-
voir , et son ambition effrénée , dé-
tachèrent de son parti le comte de
Gloucester , qui se retira dans ses ter-
res , et mit des garnisons dans ses
(i) L'admission Ugaledes communes dans le parle-
ment n'eut cependant lieu que sous Edouard I«'.
(i2p5) , d'après un vrit rendu par ce monarque , et
fondé sur ce principe aussi noble que libéral « qu'il
» était juste que ce qui est de l'intérêt de tous, soit
» approuvé par tous, et que les dangers communs à
» tous soient repousses par leurs efforts réunis. »
L'exemple des représentants des bourgs , appelés au
parlement par Leicester , fut considère comme un
acte d'usurpation violente ; il n'avait plus eu lieu
dans les parlements suivants.
MON
châteaux. Leicester le déclara traî-
tre , ainsi que ses adhérents , et mar-
cha contre eux avec une armée ,
traînant à sa suite le roi et son
fils. Par un heureux stratagème, le
prince Edouard parvint à s'évader;
il leva l'étendard royal , que Glou-
cester , Mortimer et d'autres barons
s'empressèrent de joindre. Leicester,
alarmé , écrivit à Simon l'un de ses
fils, de lui amener en toute hâte des
secours de Londres : celui-ci obéit ;
mais il fut surpris en chemin par le
prince à Kenilworth , et ses troupes
furent taillées en pièces. Alors le
prince s'avança vers la Saverne , et
rencontra Leicester à Evesham. Ce
général prit d'abord un corps déta-
ché de l'armée de son ennemi pour
le renfort qu'il attendait (i) ; mais
lorsqu'il reconnut sa méprise et qu'il
vit devant lui des forces infiniment
supérieures , il s'écria , en voyant
leur bonne disposition: « Par le bras
» de saint Jacques, ils ont profité de
» nos leçons ; Dieu ait pitié de nos
» âmes , ajouta-t-il , car nos corps
» sont à eux ! » Le sort de la ba-
taille fut bientôt décidé : les troupes
de Leicester, affaiblies par des mala-
dies et par la désertion , ne purent
soutenir le choc des troupes royales ,
et se débandèrent presque sans résis-
tance. Lui-même, après avoir en vain
demandé grâce de la vie , fut tué sur
le champ de bataille avec Henri son
fils aîné, et un grand nombre des ba-
rons de son parti ( le 5 août 1^65 ).
Un autre de ses fils fut fait prison-
nier; et la ruine et l'expulsion de sa
famille furent le résultat de cette
défaite. Le corps de Leicester , après
avoir été indignement mutilé , fut
coupé par morceaux; et sa tête fut
. (i) La méprise de Leicester provenait de ce que
par une ruse de guerre, le prince ^Edouard avait fait
prendre à ce corps les bannières de l'armée de Situa»,
MON
envoyée à la femme de Roger Mor-
timer, son implacable ennemi. Sui-
vant Guillaume de Nangis , les moi-
nes , que Leicester avait toujours
favorises, ramassèrent ses membres
épars , et, après les avoir enterres
honorablement, publièrent qu'il se
faisait des miracles sur son tombeau,
quoiqu'il fût mort sous une senten-
ce d'excommunication. La populace
qui l'aimait, adopta avidement cette
imposture- elle courut en foule sur
sa tombe , et crut y trouver la gué-
rison de ses maux : il fallut toute
l'autorité du pape pour arrêter cette
superstition. La violence , la tyran-
nie , la rapacité et les antres vices
qui déshonorèrent la carrière de
Leicester, doivent faire regarder sa
mort comme un des événements les
plus heureux qui pussent arriver à
l'Angleterre dans l'état critique où
elle se trouvait. On doit reconnaî-
tre néanmoins qu'il possédait le
grand talent de gouverner les hom-
mes , et de conduire les affaires , et
qu'il était aussi habile général , que
politique profond. Son ambition ,
quoique sans bornes puisqu'il ne crai-
gnit pas d'aspirer au trône , suivant
le témoignage des auteurs contempo-
rains, n'était au-dessus ni de son cou-
rage J ni de son génie. Dans un temps
où les étrangers étaient abhorres en
Angleterre, il sut obtenir, quoique ne
en France, une autorité absolue sur le
éel sur le peuple , et vit les plus
fiers barons seconder ses vu< . I n
princed'un autre Henri
aurait pu faire servir les talents de
cet homme extraordinaire à la gloire
de son pays et au soutien de sa cou-
ronne ; mais l'administration faible
et versatile île- ce p Si tourner
les avantages immenses qu'il avait
accordés .'.
l'autorité royale. Toutefois les dé-
m
sordres qui furent la suite de
dissensions, servirent à étendre les
libertés nationales et à perfection-
ner la constitution. D — z — s.
MONTFORT (Jean de ) , duc de
Bretagne. V. Charles de Blois,
VÏII, 137.
MONTFORT ( Le P. Rordey, plus
connu sous le nom de P. Gratien de),
religieux capucin, né dans le xic. siè-
cle, à Montloi t , village de Franche-
Comté, fut un savant théologien et
un habile prédicateur. Il exerça dif-
férents emplois dans son ordre avec
beaucoup de zèle, fut élu provincial
en 16 18 , édifia ses confrères par ses
exemples , et mourut à Salins, le 2 r
novembre i65o, dans un âge très-
avancé. On a de lui : I. La Taren-
tule du Guenon de Genève , ci- de-
vant nommé Le'andre , et à présent
Const once G uenard , hérétique ,etc.^
contenant une entière réponse aux
causes impertinentes de sa conver-
sion au calvinisme, Saint-Mihiel en
Lorraine ), 1620, in -8°. Dans cet
ouvrage , publié sous le nom de Denis
de Fortmont, anagramme du sien,
Montfort dénonce au parlement de
Dole le P. Léandre , capucin, qui
s'était enfui à Genève, où il avait
apostasie ( F. Ester* on ) ; mais il
faut convenir que l'emportement
Lequel il se déchaîne contre ce
malheureux, était peu pro]
mener. 11. Axiomata philosophie*
<pi e passïm ei le circiim-
ferri soient illustrât a , An-.
[II. Axiornata théo-
logien , in -S". , en manuscrit
bibliothèque de Besançon. W — s.
MONTFORT (Loi
gnion de ), zélé missionnaire, était
lu-rn 1673, dans la petite ville
nom , au diocèse <!■• S tint - Mal».
Api'. sous
les Jésuites , au coll .me^ ,
56o MON
il vint à Paris faire son cours de
théologie , fut admis au petit sémi-
naire de Saint- Sulpice, et reçut,
en 1700, les ordres sacrés. Ii de-
manda aussitôt l'autorisation de pas-
ser dans le Levant , pour s'y consa-
crer à la prédication de l'Evangile;
mais ses supérieurs ne jugèrent point
à propos de lui accorder sa deman-
de , et il fut employé dans les mis-
sions de Nantes et de Poitiers. De
retour à Paris , le cardinal de Noail-
les le chargea de desservir la cha-
pelle du Mont - Valérien , et il fut
nommé ensuite aumônier de la Saî-
pêtrière : mais la singularité de ses
manières , et sa trop grande sévé-
rité , déplurent aux administrateurs ,
qui le congédièrent au bout de quel-
ques mois. Il retourna, en 1703 , à
Poitiers , avec le désir de s'y vouer
entièrement au service des pauvres
malades. Les raisons qui l'avaient
éloigne de la Salpêtrière , l'ayant
fait exclure de l'hospice de Poitiers,
il recommença à prêcher et à caté-
chiser : mais ne trouvant pas que la
France offrît à son zèle un champ
assez vaste, il partit pour Rome, en
1706, à pied, vêtu en pèlerin, et
obtint du pape Clément XI une au-
dience, dans laquelle il lui demanda
avec instance d'être employé dans
les missions étrangères. Le souverain
pontife l'accueillit avec bonté, mais
lui ordonna de repasser en France ;
et Montfort ne cessa , depuis , de
parcourir les provinces de l'ouest ,
donnant des preuves de son zèle et
de son ardente charité. Il tomba ma-
lade de fatigues à Saint-Laurent-sur-
Sèvre, diocèse de la Rochelle, et y
mourut le 28 avril 17 16 , en odeur
de sainteté. 11 avait donné naissance,
dans ce lieu même , à deux associa-
tions qui subsistent encore; l'une de
missionnaires ; dite du Saint-Esprit;
MON
et l'autre de sœurs hospitalières dans
le même esprit que les sœurs de la
charité , et qui sont connues sous le
nom de sœurs de la sagesse. Gri-
gnionfut secondé dans cette dernière
œuvre par une pieuse fille de Poi-
tiers , nommée Mlle. Trichet. René
Mulot , missionnaire et successeur
de Grignion , mit la dernière mam à
l'un et à l'autre établissement. Le
Recueil de cantiques de Grignion de
Montfort a été souvent réimprimé;
sa Vie a été écrite par Jos. Grandet ,
curé de Sainte-Croix d'Angers , Nan
tes , 1 724 , in- 12. L'auteur s'efforce
d'y justifier son héros de toutes les
singularités qu'on lui a reprochées.
Le Portrait de ce pieux missionnaire
fait partie du Recueil de Desrochers.
W — s et P — c — t.
MONTGAILLARD ( Pierre de
Fauciieran , sieur de ) , poète mé-
diocre , né , au xvie. siècle , à Nyons ,
petite ville du Dauphiné , embrassa
le métier des armes, et fit plusieurs
campagnes sur terre et sur mer , sans
obtenir les récompenses auxquelles
il pensait avoir des droits. Il ai-
mait les lettres , et employait ses
loisirs à célébrer les charmes d'une
maîtresse vraie ou supposée , nom-
mée Flamide , dont il n'éprouva ja-
mais que les rigueurs. Il était liéavec
Lingendes , Davity , Vital d'Audi-
guier, et quelques autres rimeurs con-
temporains. Ses OEuvres poétiques
furent rassemblées par Vital, Paris ,
1 606 , in- 1 2 . Montgaillard était mort
vers la fin de l'année précédente , dans
un âge peu avancé: il n'attachait au-
cun prix à ses compositions ; et si
l'on en croit son éditeur., sans l'at-
tention de ses amis à garder des co-
pies de ses vers, le public en aurait
étéprivé. « Il n'y aurait rien perdu, »
dit l'abbé Goujet, qui en rapporte plu-
sieurs fragments dans sa Biblioth,
MON
française, tome xiv, p. 56 -61.
On trouve, dans le Recueil de notre
poète, des stances ,des chansons, des
couplets satiriques, burlesques, etc.,
que d'Audiguier nomme les Gaillar-
dises du sieur de Mont gaillard , des
cartels , des vers héroïques , funèbres ,
spirituels, etc.; et enfin, les pièces
que Tauleur avait composées en es-
pagnol, langue qu'il possédait ainsi
que l'italien. \\ — s.
MONTGAILLARD ( Berjtard de
Percïn de ), fameux ligueur, connu
sous le nom de Petit- Feuillant, était
né, en i563, au château de Mont-
gaillard, en Gascogne, d'une noble
et ancienne famille. Ayant achevé
ses études d'une manière brillante,
il entra , en 1^79, dans l'ordre des
• Feuillants, nouvellement fondé, et
s'appliqua au ministère de la prédi-
cation avec uu tel succès , que le roi
Henri III témoigna le désir de l'en-
tendre. Il parut dans les principales
chaires de Paris , et y soutint sa répu-
tation. Son extérieur mortifié fion-
nait du poids à ses paroles; et ce
qu'on racontait de l'austérité de sa
■vie, contribuait à attirer la foule à
ses sermons. D. Bernard embrassa
le parti de la Ligue, et se signala
dans le nombre des prédicateurs fa-
natiques qui soulevèrent les Pari-
siens contre l'autorité légitime. Q iel-
ques jours après le meurtre du duc de
Guise, il inséra dans son sermon une
apostrophe a ce prince; pui
retournant vers IU"U'. de Nemours,
placée au bas de la chaire, il s'é-
cria : « O saint et glorieux martyr de
Dieu, béni est le ventre qui t'a por-
el les mamelles qui t'ont alaité! »
On le vit, dit- 1 courir les rues ,
une hache- d'à ] a, dans
tecoutrement ridicule, décrit,
' - être ave* par Les
duels aute .
XXIX.
MON
56 1
nippée. Mais il est plus douteux en-
core que D. Bernard soit entré dans
un complot contre la vie de Henri
IV: Gayet est le seul écrivain qui lui
ait fait ce reproche; et son témoi-
gnage est loin d'être suffisant, dans
une accusation aussi grave. Il paraît
au contraire que D. Bernard se re-
pentit sincèrement d'avoir prêté à
la Ligue l'appui de son nom et de
ses talents. Après la réduction de
Paris, il s'était réfugié à Rome , où le
pape Clément VIII l'accueillit et le
fit passer dans l'ordre de Cîteaux ,
en lui ordonnant de se retirer en
Flandre : ce religieux se rendit à An-
vers, où il prêcha pendant .six airs ,
avec beaucoup de fruit. L'archiduc
Albert l'appela depuis à la cour de
Bruxelles, le nomma sou prédica-
teur, et lui offrit successivement
deux évêchés : D. Bernard les refu a
par humilité; il n'accepta les ab-
bayes de Nivelles et d'Orval , que
pour y introduire la réforme la plus
austère. Il jouit quelques années du
succès de ses pieux efforts, et mou-
rut d'hydropisie , dans son abbaye
d'Orval, le 8 juin jo.>.8. Sa dou-
ceur , la patience avec laquelle il
soutint les calomnies dont on cher-
chait à noircir sa vie, .-ont au-des-
sus de tous les éloges, i). Bernard
brûla tous ses éci its dans sa dei
maladie; mais il reste de lui : l'6>-
raison funèbre de l ' (Ibert,
Bruxelles, i()>,9., et la Réponse* une
lettre <j ;e Lui avait écrite Henri de
Valois, vu laquelle il lui remontre
chrétiennement et charitablement
ses fautes, et l'exhorte à la péni-
tence, îfxSc), in-S". Cette ré]
est des plus viol ntes; il \ menace le
roi de l'abandon ne D
jets , et des peines de L'enfer ( /'. la
Biblioth. hist. de France $ 18$
André Valladier a publié
3U
562
MON
riquc de D. Bernard, sous ce tilre:
Les saintes montagnes et collines
d' Orval et de Clairvaux , vive re-
présentation de la vie exemplaire et
du religieux trépas de, etc., Luxem-
bourg, i6f29,in-4°. Son portrait a
e'té grave par Bolswert, in-4°., et
par Corn. Galle, in-8°. ( V. sur ce
portrait, la remarque de Baylc, art.
montgaillard. ) w s.
M01NTGAILLARD(Pierre-Jean-
Fr ANC 01 S DE pERCIN DE ), CVCque de
Saint -Pons, ne le 29 mars i633,
e'tait ÛL:> du baron de Montgaillard,
qui fut décapité sous Louis XIII ,
pour avoir rendu la place de Brème
dans le Milanais, mais dont la mé-
moire fut ensuite réhabilitée. Le jeu-
ne Montgaillard entra dans l'état
ecclésiastique, devint docteur de Sor-
bonne et abbé de Saint-Marcel , et
fut nommé à Tévêché de Saint-Pons ,
au mois d'avril 1664. H f11* sacré
le 12 juillet de Tannée suivante, et
se démit , peu après , de son abbaye.
Sa conduite , dans son diocèse , fut
celle d'un prélat modeste, zélé pour
la discipline, et charitable pour les
pauvres. Le chancelier Daguesseau ,
dans ses Mémoires sur les affaires
de V Eglise de France , depuis 1697
jusquen 1 7 1 o ( tome xm de ses
œuvres ) , loue la régularité et la vi-
gilance de M. de Montgaillard ; mais
il le peint en même temps comme un
homme un peu vif, et qui ne bais-
sait pas les disputes. La vie de ce
prélat est assez conforme à ce por-
trait. 11 fut un de ceux qui se dé-
clarèrent, en 1O67, P°ur 'cs quatre
éveques , dans l'aflairc du formu-
laire, et il signa la lettre écrite
en leur faveur, au pape et au roi,
par dix-neuf éveques ; lettre qui fut
supprimée par arrêt du parlement
de Paris. On cite avec éloge une lettre
lapine qu'il écrivit à Innocent XI ?
MON
en 1677 , Four *e féliciter de son
exaltation, et une seconde lettre au
même pontife, de la même année.
Montgaillard prit parti pour le ri-
tuel d'Alcth , dans la controverse
élevée à ce sujet. L'évêque de Tou-
lon ayant condamné ce rituel, qui
l'avait déjà été à Rome, l'évêque
de Saint-Pons lui écrivit trois Let-
tres, en 1678 , pour la défense du
rituel; et un anonyme lui ayant ré-
pondu , dans des Observations im-
primées, le prélat fit paraître un
Extrait des faussetés de son adver-
saire. Cette querelle n'était pas apai-
sée , que l'évêque de Saint - Pons
s'engagea dans une autre, où il ne
montra pas moins de vivacité. Il
avait dressé un Directoire des offi-
ces divins pour 1O81, où il avait
fait divers changements dans les of-
fices et dans les fêtes. Ces change-
ments furent blâmés ; et l'archidia-
cre de Saint-Pons en appela, comme
d'abus, au parlement de Toulouse.
L'évêque publia sur cette affaire une
Lettre au cardinal Grimaldi, trois
Factums pour le parlement de Tou-
louse, une Requête au roi et un Traité
du Droit et du pouvoir des Eveques
de régler les offices divins dans leurs
diocèses, 1686, in-8°. Une partie
de ces pièces se trouvent avec plu-
sieurs autres , dans le Becueil de
ce qui s'est passé entre MM. les éve-
ques de Saint - Pons et de Toulon,
au sujet du rituel dJ Aleth , et Suite
du même Becueil, in- 1 2 , sans date.
Vers le même temps , le prélat eut
encore une dispute avec les Récol-
lets de Saint-Pons, qu'il accusait de
distribuer des écrits contre lui. Il
défendit d'assister aux offices dans
leur église, et publia, dans cette
nouvelle affaire, plusieurs écrits dont
il donna aussi le Recueil : on trouve,
à la fin, la satisfaction publique que
MON
les Recollets furent obligés de lui fai-
re, le 9 février 1697. Enfin Mont-
gaillard entra, en 1706, dans une
nouvelle controverse, à l'occasion du
cas de conscience. Il donna , le 3 1 oc-
tobre de cette année, un mandement
pomTacceptationde la bulle Vineam
Domini, mandement qui ne satisfit
aucun des deux partis; car si d'un
côté il acceptait cette bulle, de l'au-
tre il paraissait approuver ce qu'on
appelait le silence respectueux , et
il prenait la défense de la lettre qu'il
avait souscrite en 1667. Son mande-
ment fut suivi de trois lettres , qu'il
adressa successivement à Fénélon, et
où il prétendait réfuter la doctrine
de ce prélat sur l'infaillibilité de
l'Eglise dans le jugement des faits
dogmatiques. Le mandement et les
lettres furent condamnés a Rome, le
18 janvier 1 7 1 o ; et Fénélon se défen-
dit par deux lettres fort modérées. L'é-
vêque de Saint-Pons se fit plus d'hon-
neur par divers écrits pour l'utilité de
ses diocésains, entre autres par une
Instruction sur le sacrifice de la mes-
se,pourles nouveaux convertis de son
diocèse, Paris, 1O87, in-12. Il adres-
sa, la même année, une lettre au
commandant des troupes en Langue-
doc, pour se plaindre des commu-
nions forcées des Protestants; on la
trouve dans la Pastorale de Juricu,
du Ier. mai-., 1688. Montgaillard
mourut dans son diocèse, le 1 5 mars
17 i3 , ii l'âge de quatre-vingts ans ;
il nomma Les pauvres héritiers de-
tous s Ce fut certainement
un prélat recommandable par ses
vertus et par ses lumières. Une cir-
constance connue récemment, ho-
nore sa mémoire : on a trouvé aux
archives du Vatican, i<>rs de leur
translation à P 11 le titre de
Clément XI, F
une longue lettre écrite à ce pofl-
MON 563
tife, le 28 février 1713 , par l'é-
vêque de Saint-Pons , et où il con-
damne, dit-il, le silence respectueux
sur le fait et sur le droit, ainsi que
tout ce qui peut être condamné par
la bulle Vi^EJw DOMINI , qu'il a
reçue autrefois , et qu'il reçoit en-
core de bon cœur. — Jean - Jacquçs
de Percin de Montgaillard , domi-
nicain , mort à Toulouse, sa patrie,
le 21 mars 177 1 , âgé de soixante-
dix-huit ans, était de la même fa-
mille. Il a composé Monument a
conventûs Tolosani ord. FF. Prœ-
dicatorum , ouvrage qui renferme
des anecdotes curieuses sur l'inquisi-
tion , l'université et les principales
familles de cette ville. On croit que
celle de Percin , originaire d'Angle-
terre , descend des comtes de Nor-
thumberland,du nom de Percy, dont
une autre branche, connue aujour-
d'hui sous le nom de La Valette , a
produit plusieurs hommes distin-
gués. P — c — T.
MONTGERON (Louis-Basile
Carre de) , conseiller au parlement
de Paris , né dans cette ville en
1686, était fils d'un maître des re-
quêtes, qui fut successivement inten-
dant de Bourges et de Limoges : il
déclare lui-même, dans la relation
dont nous parlerons , que sa jeunesse
se passa dans les plus grands dérègle-
ment , que son aine était naturel-
lement basse , son orgueil ridicule
et son caractère ingrat. Tl vivait,
dit-il , dans un entier oubli de la re-
ligion : un accident lui causa tant de
peur, en 1707, qu'il s'enfuit à la
Trape; mais bien! ssioofl
reprirent le
qui nous l'apprend. !■
mépriser et nâ'i , lv S en-
tretiens qu*il cul
des lo
démit poiÉt En 171 1 , il acheta
564
MON
une charge de conseiller an parle-
ment de Paris • et en 1 7 1 9 , une aug-
mentation considérable de fortune
lui permit de ,'se livrer plus que ja-
mais à son attrait pour les plaisirs.
Telles étaient ses dispositions, lors-
qu'ayant entendu parler des miracles
opères, disait-on, au tombeau du
diacre Paris , la curiosité le porta ,
le 7 septembre 173 1 , à visiter
le cimetière Saint- Medard , théâ-
tre de tant de merveilles. L'effet
de ce spectacle fut aussi rapide que
décisif sur une imagination ardente :
cet homme, qui ne croyait rien, se
prit tout-à-coup d'admiration poul-
ies miracles , et d'enthousiasme pour
les convulsions. Il avait résisté à
toutes les preuves ; il s'avoua vaincu
en voyant sauter et discourir des
filles atteintes de manie ou payées
pour le paraître. Dès-lors son zèle
ne connut plus de bornes , et les plus
grandes folies trouvèrent en lui un
patron intrépide. Exilé en Auver-
gne , l'année suivante , à l'occasion
des démêlés du parlement avec la
cour, la solitude ne fit qu'échauffer son
ardeur; et il résolut d'écrire pour dé-
montrerla vérité des miracles du dia-
cre Paris. De retour dansla capitale^ il
accueillit publiquement deson suffrage
les extravagances d'une convulsion-
nairc. Sa maison fut l'asile de beau-
coup de fugitifs , qui exaltaient son
zèle par leurs applaudissements. Le
29 juillet 1737 , il se rendit à Ver-
sailles , et présenta au roi son livre
de la Vérité des miracles du diacre
Paris , in-4°. , avec uo pi. Le roi le
reçut sans savoir ce qu'il contenait.
L'auteur alla le même jour en porter
des exemplaires au duc d'Orléans y
au premier président , au procureur-
général : le volume contenait la re-
lation de sa conversion , dont nous
4Vons parlé plus haut } les détails de
MON
neuf miracles , et les conséquences
qui , selon lui, en résultaient. Sa dé-
marche parut aux uns un trait de
folie , et aux autres un acte de cou-
rage héroïque : on le mit au - dessus
des premiers apologistes du chris-
tianisme ; on l'appela un confesseur
de la foi , on le présenta comme ins-
piré de Dieu, et ou le peignit avec
un Saint-Esprit sur la tête, en forme
de colombe. D'un autre coté, Louis
XV se montra très-blessé de sa dé-
marche. La nuit suivante ( du 29
au 3o juillet), le conseiller fut mis à
la Bastille : sa compagnie voulut bien
présenter des remontrances en sa
faveur ; elles n'eurent pas de suite 7
et le magistrat fut exilé à Villeneuve-
lès- Avignon , et peu après à Viviers,
et enfin à Valence. Son zèle ne l'a-
bandonna point dans ces différents
séjours : il distribuait des livres de
son parti , et se donnait en spectacle
par des démarches et des discours
qui annonçaient assez l'exaltation
d'un cerveau malade. En 174 ^ > il
publia le second volume de son ou-
vrage , sous le titre de Continuation
des démonstrations des miracles ?
avec des observations sur les con-
vulsions , in-4°. : le troisième volume
parut en 1748. Dans l'un et dans
l'autre, Montgeron divinisait les con-
vulsions , et autorisait un fanatisme
monstrueux , qui révolta plusieurs
de ses admirateurs et de ses amis. Les
évêques appelants le désavouèrent; et
il fut réfuté par Poncct et d'autres
de ce parti. II est représenté, dans
leurs écrits , comme un enthousiate
livré à de déplorables illusions : ce-
pendant il trouva encore des défen-
seurs , notamment dans les Suffrages-
en faveur de M. de Montgeron ,
1 7 49 , in- 1 2. Il y eut, de part et d'au-
tre , un assez grand nombre d'écrits
sur cette controverse, qui fut vive et
MON
animée. Récemment encore il a paru
nn Abrégé des 3 volumes de Mont-
geron sur les miracles de M. de
Paris, 1799, 3 vol. in-ia; on croit
que l'ouvrage a été imprime à Lyon,
et qu'il a pour auteur l'abbé Jacque-
mont , ancien curé au diocèse de
Lyon, partisan déclaré des miracles
et même des convulsions. Cet appe-
lant a cherché à fortifier le système
de Montgeron par de nouvelles con-
sidérations , qui ne prouvent autre
chose sinon qu'il se trouve encore
des hommes assez aveugles pour
persister dans ces tristes illusions.
Montgeron mourut à Valence, le 12
mai 1^54 , après avoir, aux yeux
même de la plupart des siens, perdu,
par la publication de ses derniers vo-
lumes , le mérite de sa démarche.
P— C-^T.
MONTGIAT( François dePaule
j>e Clermont , marquis de ), grand-
maître de la garde-robe, et maréchal-
de-camp, fut fait chevalier des ordres
du roi , à la promotion de 1 (30 1 , et
mourut le 7 avril 1G75. 11 avait été le
témoin d'un grand nombre d'événe-
ments, n'avait rien oublié d'impor-
tant, et se plaisait à communiquer
les trésors de sa mémoire; ce qui l'a-
vait fait surnommer Montglat la Bi-
bliothèque. On a de lui des Mémoires,
Amsterdam, 1727, 4 "Vol. in-i^ ,
dont le P. Bouge ait a été l'éditeur.
Ils sont remplis défaits; et, à comp-
ter de l'année l635 , ils font bien
connaître les événements militaires
du règne de Louis XIII , et de la
minorité de Louis XIV , ainsi que ce
qui s'est passé de plus considérable
à la cour. Le stvie en est négligé,
comme celui d'un homme qui n'écrit
que pour lui et pour ICS amis ; mais
ils sont marqués au coin d<- la fran-
chise, et l'historien peut les suivre
comme uu guide sur. L'auteur de
MON
565
V Esprit de la Fronde a dit , avec
vérité, que l'on trouverait difficile-
ment un recueil plus nourri , plus
plein de choses , plus exact et plus
fidèle. Ces Mémoires sont précédés
d'un discours préliminaire, qui pré-
sente le tableau rapide des vingt-cinq
premières années du règi.e de L mis
XI1L Montglat avait épousé , en
i(545, Cécile-Elisabeth Hurault de
Cheverny ( 1 ) , petite-fille du chance-
lier de ce nom, trop connue par ses
liaisons et sa rupture avec le comte
de Bussy - Rabulin. 11 en eut un
fils nommé Louis . connu sous le ti-
tre de comte de Cheverny , qui
épousa , en 1680 , Mlle. de Saumery,
nièce de Mme. Colbcrt, et parvint , à
l'aide de cette alliance, à rétablir Les
affairés de sa maison, qui étaient en
fort mauvais état. C'est ce qui fait
direàMme. de Sévigné, dans la lettre
qu'elle écrit à sa tille le '2i juin 1680 :
« Voyez ce petit menin de Cheverny,
» avec sa petite mine chafouine, et son
» esprit droit et froid ; il a trouvé le
» moyen dese faire aimer de Mme. de
» Colbert : il épouse sa nièce. Soyez
» persuadée que vous lui reverrez
» bientôt toutes ses belles terres dé-
» gagées , toutes ses dettes payées ,
» etque le voilà hors de l'hôpital, ou
» il était assurément. » Le comte de
Cheverny, d'abord menin du pre-
mier Dauphin , fut successivement
ambassadeur en Allemagne et eu
Danemark, gouverneur du duc de
Chartres ( depuis régent de France ) ,
el conseiller d'état d'épee. Saint-
Simon raconte, à son sujet , une
anecdote singulière qui lui arri
\ iciine ( V. le tome 1 1 , pag, 1 1 ~> de
(1) On <li>ii • non Chivernr,
comme I usa ■ icmble nvoii ori\ Au Lu ch
, ■insi qu'on
lui i- <>i îkïii '''• M'"' l"'~ ' •"'•" l«"«
!
ll'S 01 1 1 •
566 MON
l'édition de 1 791). Il mourut à Paris,
le 6 mai 1722, âge de soixante-dix-
huit ans, sans laisser de postérité.
L'aïeule maternelle du marquis de
Monlglat fut gouvernante des enfants
de Henri IV. Elle avait épousé, en
secondes noces, Robert de Harlay,
luron de Montglat , premier maître-
d'hôtel du roi, et elle en eut deux fils
qui moururent jeunes. Jeanne de
Harlay , leur fille , devenue leur seule
héritière, dame d'honneur de Chris-
tine et de Henriette de France , ap-
porta la baronie de Montglat dans la
maison de Clermont , à l'époque du
mariage qu'elle contracta, en i5ç)9,
avec Hardouin de Clermont , seigneur
de Saint - George , père de l'auteur
des Mémoires. M — e.
MONTGOLFIER ( Joseph-
Michel ), habile mécanicien , et l'un
des deux frères inventeurs des aéro-
stats , naquit, en 174°? àVidalon-
lès-Annonai. Son père , qui donnait
l'exemple des mœurs patriarcales au
milieu d'une famille nombreuse,
vouée depuis long temps à la prati-
que des arts , dirigeait avec succès
une papeterie importante. Joseph
Monlgolfier , placé avec deux de ses
frères au collège de ïournon , ne put
se plier à un mode régulier d'ensei-
gnement, et s'enfuit à l'âge de treize
ans , déterminé à gagner les bords de
la Méditerranée , pour y vivre de
coquillages. La faim l'arrêta dans
une métairie du Bas-Languedoc ; il
s'y occupait à cueillir de la feuille
pour les vers-à-soie , lorsque ses pa-
rents le découvrirent, et le remirent
rntre les mains de ses professeurs.
Le dégoût que ses études lui avaient
inspiré s'accrut encore, quand il fal-
lut entamer celle de la théologie : un
traité d'arithmétique tomba sous ses
yeux , et fut dévoré avec transport ;
mais incapable de s'assujétir aux dé-
MON
ductions méthodiques qui coordon-
nent les notions du calcul , Mont-
golfier s'appliqua , par des tâtonne-
ments intellectuels qui firent toute sa
vie ses délices , à combiner des for-
mules particulières , à l'aide des-
quelles il résolut quelquefois jusqu'à
des problèmes de géométrie trans-
cendante. Entraîné par sa passion
pour rindépendance , il quitta sa ville
natale, et alla s'enfermer, à Sainl-
Élienne en Forez , dans un réduit
obscur , où il vécut du produit de la
pêche , se livra solitairement à des
expériences chimiques , et fabriqua
du bleu de Prusse et des sels utiles
aux arts , qu'il colportait lui-même
dans les bourgs du Vi va rais. Le désir
de connaître les savants le conduisit
à Paris -7 et ce fut au café Procope
qu'il entra en communication avec
eux. Son père le rappela pour par-
tager avec lui la direction de sa ma-
nufacture. Montgolfier voulut y met-
tre à l'essai des moyens de perfec-
tionnement : contrarié dans ses vues
par l'attachement exclusif de son
père pour des procédés consacrés
par la tradition et par la prospérité
de son commerce , il s'associa un de
ses frères , et forma deux nouveaux
établissements à Voiron et à Reau-
jeu. Là , son esprit inventif put s'exer-
cer en toute liberté; mais des spécu-
lations hasardées , des expériences
ruineuses , et son insouciance natu-
relle , dérangèrent notablement sa
fortune. 11 sortit une seule fois de
son caractère pour poursuivre un de
ses débiteurs : "celui-ci eut l'adresse
de surprendre un moment la religion
des juges , et de faire emprisonner
Montgolfier. Cette erreur fut enfin
réparée ; et Monlgolfier se releva de
celte adversité passagère avec une
nouvelle ardeur pour les découvertes.
Il avait simplifié la fabrication du
MON
papier ordinaire , amélioré celle des
papiers peints de diverses couleurs ,
imaginé une machine pneumatique à
l'effet de raréfier l'air dans les moules
de sa fabrique , et préludé à l'inven-
tion des planches stéréotypes , lors-
que ses expériences aérostatiques ré-
pandirent son nom dans toute l'Eu-
rope. Les faiseurs d'anecdotes ont ra-
conté de diverses manières l'origine
de cette découverte : suivant les uns ,
une chemise que l'on chauffait, et
qui voltigeait devant le feu, donna
la première idée des balons à Etienne
Montgolfier, qui, tout de suite, fit
avec une espèce de cornet de papier,
à la fumée de son foyer solitaire, la
première expérience des aérostats.
Selon d'autres, Joseph se trouvait à
Avignon pendant le mémorable siège
de Gibraltar. Seul au coin de sa che-
minée, il était disposé à la médita-
tion : une estampe qui représentait la
ville assiégée, appelle ses rêveries.
Serait-il donc impossible que les airs
offrissent un moyen pour pénétrer
dans la place? Ce doute est un trait
de lumière : des vapeurs telles que la
fumée qui s'élève sous ses yeux , em-
magasinées en quantité suffisante (ce
sont ses expressions ) , lui paraissent
le principe d'une force ascensionnelle
assez considérable. Sur-le-champ il
construit un petit parai lélipipède de
taffetas , contenant environ quarante
pieds cubes d'air , en échauffe l'in-
térieur avec du papier , et 1<
avec satisfaction s'élever jusqu'au
plafoi eux version
lement fausses. Si Joseph sont;
ballons pour (iibraltar, c'était afin
d'appliquei i ti constance une
idée déjà i commune
aux deux frèrei / . l'article sui-
vant ). h\ Jurés , par
de nouveai de la jusl
de leurs combinaisons, ils se
' MON 567
dent à en faire part au public ; et le
5 juin 1 783, en présence des députés
aux étals particuliers du \ ivarais ,
et de toute la ville d'Annonai , ils lan-
cent un appareil sphérique construit
en toile doublée de papier , de cent-
dix pieds de circonférence , et d'un
poids de cinq cents livres. La ma-
chine , dont les plis annonçaient
qu'elle était dégagée d'air, n'eut pas
plutôt été remplie de vapeurs, qu'elle
parvint, en dix minutes, à mille
toises d'élévation. Élienne Montgol-
fier se rendit à Paris , pour exposer
leur commune découverte. 11 répéta
devant la cour , à Versailles , le
fio septembre suivant, l'expérience
d'Annonai , avec un globe cons-
truit sur le même modèle, et mu
par les mêmes procédés. Dos ani-
maux placés dans un panier attaché
a l'appareil, n'éprouvèrent aucun
mal ; et l'on fut convaincu que des
hommes pourraient prendre posses-
sion de l'atmosphère, sans courir
des dangers imminents. Pilâtre de
Rozier , et le marquis d'Arlandes ,
osèrent les premiers partir, à bal-
lon perdu, du château de la Muette ,
et parcoururent , en dix sept minu-
tes , un espace de quatre mille toi-
ses. L'année suivante ( le 19 janvier
1784), Joseph Montgolfier exécuta ,
lui septième, à Lyon, dans un aé-
rostat de cent-deux pieds de diamè-
tre sur eent-vingt-six de hauteur, le
ieme voyage aérien. L'enthou-
siasme de ceux (pii voulaient l'accom-
pagner fut tel , qu'il s'en fallut peu
qu'ils ne soutinssent leurs préten-
tions par les armes (1). On montait
avec séeuritédau^ cf s frêles machines
^i) Four 1«? <i
itatiquei ■ V"m / 17/ I
v.ili" ,1 I , ri la
Continuation ftoïa i8*. suite d$ la grt
l'almanach tout verre
;68
MON
appelées Montgolfières, du nom de
leur inventeur ; l'engoûmcnt, et une
vaine ostentation de courage, étour-
dissaient sur des dangers qui auraient
frappe des esprits plus calmes. Les
frères Montgolficr, après avoir son-
ge à toutes les substances aèriformes
que la chimie leur indiquait comme
spécifiquement plus légères que l'air
atmosphérique, après avoir essaye
l'eau réduite à l'état de vapeurs, le
Iluide électrique , et même le gaz hy-
drogène , avaient préféré pour gon-
fler l'enveloppe de leurs aérostats ,
le fluide obtenu par la combustion
d'un certain nombre de livres de
paille et de laine hachée , comme
plus économique , et susceptible de
se renouveler avec facilité. Dans leur
manière d'opérer, l'air atmosphéri-
que était dilate par la chaleur d'un
fourneau placé sous V orifice inférieur
de l'aérostat. De là , deux inconvé-
nients capitaux : i°. le feu qu'il était
nécessaire d'entretenir pouvait atta-
quer les parois de la galerie; '2°. il
était impossible de mesurer exacte-
ment l'augmentation de chaleur né-
cessaire pour monter, et la diminu-
tion d'où devait résulter l'abaisse-
ment sans secousses de la machi-
ne. M. Charles, qui avait cherché des
moyens autres que ceux de Montgol-
fîer, lorsque ceux-ci n'étaient pas
encore connus, adopta des matières
différentes pour ses ballons, qui ont
fini par prévaloir sur les montgolfiè-
res. Il employa le gaz hydrogène,
dont la densité n'est qu'un quinzième
de celle de l'air commun, et qui
procure une force ascensionnelle sou-
tenue , et indépendante de tout tra-
vail. Restait a trouver une enveloppe
imperméable : il choisit le taffetas
" gomme élastique dissou-
te à chaud dans l'huile de thérében-
tine. Un ballon de vingt-six pieds de
MON
diamètre disposé ainsi , et parti des
Tuileries, le porta avec le mécani-
cien Robert, son compagnon, à une
distance de neuf lieues de la capitale :
ayant pris pied à terre, il remonta
seul, à eue hauteur de mille sept-
cent-cinquanle toises. Ce mode d'as-
cension, plus commode et plus sur,
a été généralement adopté pour les
voyages aériens, qui dégénérèrent en
vains spectacles, lorsqu'on u'entrevit
point la possibilité de diriger les aé-
rostats , et que les baquets de Mes-
mer s'emparèrent de l'enthousias-
me public. La laveur qui avait envi-
ronné précédemment, la découverte
de Montgolficr, avait trouvé, surtout
en France, d'injustes contradicteurs.
On exhuma des ouvrages dès-bjng-
temps oubliés, où l'on prêterait qu'il
avait puisé l'idée de ses machines
aériennes; on cita des assertions va-
gues , et jusqu'à des romans de phy-
sique assez semblables aux folles ima-
ginations de Cyrano de Bergerac; on
rappela Roger Bacon , le P. Lana ,
Borelii , le dominicain Çalien , le
portugais Gusmao, et Cavallo qui, à
Londres , avait fait voltiger des bul-
les d'eau de savon imprégnée d'air
inflammable ( V. Lana ). L'acadé-
mie des sciences se prononça contre
ces détracteurs d'une gloire contenir
pr.i aine, en accueillant 1/lienne Mon t-
goltier, et en le plaçant, ainsi que
son frère, sur la liste de ses cor-
respondants. Une gratification de
4o,ooo fr. fut destinée a la construc-
tion d'un aérostat qui devait servir
à chercher des moyens de direction.
Mais l'impulsion des vents parut aux
frères avoir trop de prise sur la mas-
se de l'air, pour qu'ils attendissent
autre chose que de faibles résultats.
Cependant ils avaient fait des c
dans de petites dimensions, pour
maîtriser les mouvements d'un ac-
MO
rostat en temps calme; et ils avaient
construit une machine de deux cent
soixante-dix pieds de diamètre, d'une
capacité suffisante pourenîever 1 200
hommes avec armes et bagages. 11
ne faut point oublier que le premier
emploi des parachutes se rattache
périences aérostatiques de Jo-
seph Montgolfîer. Il essaya d'abord
cet appareil à Avignon; et il l'ajouta
,-mix. gtobes qu'il fit élever à Ànnonai.
Pendant les troubles de la révolution,
Mongollicr se tint à l'écart, pour-
suivant en paix ses méditations ché-
ries, que sa sollicitude pour sauver
les victimes de ces temps malheu-
reux pouvait seule interrompre. Les
services qu'avait rendus l'aérostat à
notre armée dans les champs de
Fleurus, n'attirèrent point sur lui
les regards du gouvernement. Plus
tard, son nom frappa Bu<
lorsque, premier consul, il distribua
des croix de la legion-d'houneur aux
citoyens qui avaient contribue aux
progrès de l'industrie nationale ,
Montgolfîer reçut la décoration ;
mais là se borna l'intérêt que lui
avait témoigné le chef de l'état. Plus
tard il fut nommé administrateur du
conservatoire des arts et métiers, et
membre du bureau consultatif des
arts et manufacl s le minis-
tère de l'intérieur. Il pri
l'Institut, en 1807; ce fut lui qui,
dans une promenade a la camp
avec, quatre de ses amis, conçut la
ti re idée de la société d'encou-
ment dé l'industrie. 1
igolfier ont surtout bien 1
r leur Bélier hydraulique,
qui , sans piston , SA1 I nient,
par la seule impulsion d'une '
. Imie d'eau , porte l'eau à une éléva-
tion de 60 pi
pour ht preniii :
besoins de sa papeterie d
MON
569
le perfectionna depuis à Paris. Il a
i son fils, héritier de son goût
pour la mécanique, les conceptions
auxquelles il s'était livré pour substi-
tuer aux pompes à vapeur un appa-
reil vingt fois plus économique, qu'il
appelle Pyrobèlier. On connaît en-
core de lui un procédé fort ingé-
nieux, au moyen duquel un bateau
peut remonter une rivière rapidi
la force même du courant , en pre-
nant son point d'appui au fond do
l'eau. Les Annales des arts et manu-
factures , contiennent la description
de son calorimètre, instrument qu'il
imagina pour déterminer la qualité'
des différentes tourbes du Dauphiné.
Revenant , à son insu , sur les traces
de Pascal, il exécuta une presse hy-
draulique; et dans un séjour en An-
gleterre, il fit part de cette concep-
tion à Bramah, qui , en la réalisant
de son côté , reconnut les droits de
priorité de Montgolfîer. « Les anna-*
» les de chimie, dit M. Degérando,
» ont donné, en 1810, la descrip-
» tion de son ventilateur pour distil-
» 1er à froid, par le contact de l'air
» en mouvement, comme aussi celle
» de son appareil pour la dessicea-
» tion en grand et à froid , des fruits
» et autres objets de première néees-
» site, de manière à ce qu'ils U
» conservés sans altération, et puis-.
» sent être rétablis ensuite dans leur
» état primitif par la restitution de
)> Peau. 11 voulait dessécher par ce
» procédé le moût de raisin, le vin
e cidre . les rendre, après qu'ils
» auraient été ainsi rédut
» bielles de petit volume, tram
» tables à de grandes dist
)> économie. » Montgolfîer ;
dans ses habitudes
naivë, cette apathie
distractions qui rappellent ion
le caraetirede L 1 I Frapj c
570
MON
MON
d'une apoplexie sanguine et d'une
hémiplégie, qui lui otèrent le libre
usage de la parole, il s'était rendu
aux eaux de Balaruc, où il mourut,
le 26 juin 181 o. Il communiquait
libéralement, dans la conversation,
ses différentes vues sur les arts;
mais il éprouvait une extrême ré-
pugnance a les fixer méthodique-
ment sur le papier. Outre quelques
feuilles perdues dans différents re-
cueils, on a de lui : I. Discours sur
l'aérostat, i783,in-8°.II. Mémoire
sur la machine aérostatique , 1 784,
in-8°. III. Les Voyageurs aériens ,
1 784 , in-8'..MM. Delambre et Dé-
gérando ont composé chacun l'éloge
de Joseph Mongolfier. F — t.
MONTGOLFIER (Jacques-
Etienne), frère du précédent, na-
quit le 7 janvier 1745 , à Vidalon-
lès-Annonai. Envoyé fort jeune au
collège de Sainte-Barbe , à Paris , il
s'y distingua dans ses études de latin
et de mathématiques. On le destinait
à l'architecture , et il fut élève de
vSouflot. La modique pension que son
père lui avait assignée, fut entière-
ment consacrée à acheter des livres ,
des instruments de mathématiques ,
et à faire des expériences. Il em-
ployait encore au même usage le prix
des plans qu'il était chargé de lever,
et faisait ainsi servir les talents déjà
acquis à en acquérir de nouveaux.
Chargé d'élever la petite église de
Faremoutier , détruite depuis dans
la révolution , ce fut en la faisant
bâtir qu'il connut M. Réveillon. Ce-
lui-ci, d'abord son protecteur , bien-
tôt son ami , lui confia la construc-
tion de la manufacture qu'il com-
mençait à établir dans ce même vil-
lage , et plus tard , dans l'empresse-
ment de l'amitié , sacrifia ses beaux
jardins du faubourg Saint- Antoine,
pour les faire servir aux premières
expériences des ballons. Montgolfier
était livré tout entier à ces travaux ,
lorsque la mort de l'aîné de ses frères
décida son père à le rappeler , pour
le mettre à la têle de sa manufacture.
Il revint dans la maison paternelle,
rapportant , sous des cheveux blan-
chis avant trente ans , un trésor
d'idées mûries par l'étude. Trop pro-
fond mathématicien pour donner
beaucoup au hasard dans ses expé-
riences , il rendit bientôt ses con-
naissances fructueuses et son éta-
blissement florissant. Plusieurs ma-
chines nouvelles, plusieurs procédés
plus simples introduits dans la fa-
brication, des améliorations dans les
colles , dans les séchoirs; 1 invention
des formes pour le papier grand-
monde , alors inconnu ; le secret du
papier vélin ; plusieurs méthodes des
ateliers hollandais et anglais , que sa
sagacité devina pour en faire présent
à son pays , commençaient à faire
connaître Etienne , lorsque , revenant
de Montpellier, où il avait acheté et
lu attentivement l'ouvrage de Pries-
tley Sur les différentes espèces d'air ;
réfléchissant profondément sur ce
livre , en montant la côte de Ser-
rières , il fut frappé de la possibilité
de rendre l'espace navigable en s'ein-
parant d'un gaz plus léger que l'air
atmosphérique. Il aprofondit cette
idée, en médite les moyens, les ré-
sultats , et s'écrie en rentrant chez
lui : Nous pouvons maintenant vo-
guer dans Vair ! Celte idée , alors
extravagante pour tout autre , com-
muniquée à sou frère Joseph, que des
rapports de goûts , d'études , et une
vive affection, avaient rendu un autre
lui-même , en fut reçue avec trans-
port. Les calculs , les expériences ,
tout se fit en commun ; et nous nous
garderons bien de délier ce faisceau
d'amitié fraternelle , en faisant à
MON
chacun sa part de gloire, lorsque
tous deux se sont plu à la con-
fondre. Après l'essai de plusieurs
combustibles , du gaz inflammable,
du fluide électrique ; après plusieurs
tentatives particulières , d'abordavec
des globes de papier à Vidalon , en-
suite par Joseph à Avignon, avec un
ballon de tareras , ils firent, aux Cé-
lestins, près d' Annonai, le premier
essai du globe de 1 10 pieds de cir-
conférence avec lequel eut lieu , dans
Annonai même , Fexpérience pu-
blique du 5 juin 1783 ( V. l'article
précédent ). Etienne Montgolfier fut
alors engagé par ses amis et par son
frère à se rendre à Paris, pour y ex-
poser une découverte, dont la gloire
leur était commune , et qu'ils vou-
laient utiliser en l'employant à l'ex-
ploitation des beaux bois qui cou-
ronnent les montagnes, et que la dif-
ficulté des transports rend inutiles.
L'expérience aérostatique fut répé-
tée devant la cour, à Versailles , et
avec plus de hardiesse au château de
La Muette ( V. l'article précédent ).
Une médaille de 18 ligues , frappée
au moyen d'une souscription sous la
direction de M.Faujas de Saint-Fond,
et portant l'effigie des deux livres ,
et une autre d'un plus grand module
( 'i'i lignes ), rappellent ces di\
ascensions. Les deux Montgolfier fu-
rent nommés correspondants de l'a-
cadémie des sciences. Etienne , pré-
senté à la cour, fut décoré du cor-
don de Saint-Michel ; et cette faveur
ne pouvant se partager, il obtint
pour Joseph une pension de mille
francs, et accepta, pour son vieux
père, des lettres de noblesse, qu'il
avait refusées pour lui-même. Qua-
rante mille frai; inés à des
expériences diri s un but
utile, lui furent remis pai i
XVI. Les matériaux étaient achetés.
MON
57i
mis en œuvre par MM. Montgolfier,
et leurs expériences commençaient ,
lorsque la révolution vint tout sus-
pendre. Le caractère d'Etienne était
trop simple , trop étranger à la va-
nité , pour qu'il fût ébloui de l'en-
thousiasme qui l'accueillait à Y< 1 -
sailles et à Paris ; mais il fut très-
flatté de l'estime , et très-touche des
sentiments que lui montrèrent les
savants et les hommes les plus dis-
tingués, Malesherbes, Lavoisicr, La
Rochefoucauld, Boissy d'Anglas, etc.
Rentré dans sa manufacture , et con-
tinuant à s'en occuper dans le même
esprit d'amélioration, Etienne reprit
ses entretiens et ses .études avec
Joseph ; tous deux travaillèrent à
l'invention du bélier hydraulique :
plusieurs changements heureux in-
troduits dans la fabrication du pa-
pier , sont également dus à l'associa-
tion de leurs idées. Dénoncé plusieurs
fois pendant la terreur , Etienne ne
fut sauvé d'une arrestation qui équi-
valait à un arrêt de mort , que par
l'affection de ses nombreux ouvriers.
Mais en vain la chute de Robespierre
leva le couteau suspendu sur tant de
têtes : la mort de ses amis, les mal-
heurs de sa patrie , avaient rempli
son ame d'un chagrin profond; une
maladie au cœur commençait à se
développer : il se rendit à Lyon avec
sa famille ; mais les secours Cic la
médecine devenant inutiles, il pics
sentit sa fin prochaine. Voulant épar-
gner à sa femme et a ses enfants le
spectacle de sa mort, il partit seul
pour Annonai, après avoir mis or-
dre à ses affaires; et, comme il l'avait
prévu, il mourut en chemin , à der-
rières , le 1 août 1 74 X.
MONTGOMMERY(Jac(
(1) de ), seigneur de Lorges, dans
(1) Quelque* antaiM i'apptlleat François; ftl»-
réri écrit Monçomtri.
572 MON
l'Orléanais , fut nn des plus vaillants
guerriers du seizième siècle. Il était
fils de Robert de Montgomracry, ve-
nu d'Ecosse en France, au commen-
cement du règne de François Ier. , et
qui se mit au service de ce prince.
Robert était lui-même petit-fils d'A-
lexandre de Montgommery, descen-
dant des comtes d'Égland en Ecosse;
et il e'tait parent, par les femmes,
du roi d'Ecosse, Jacques Ier. La fa-
mille de Montgommery, établie en
Fiance, prouvait ainsi, qu'elle faisait
partie de la célèbre maison de Mont-
gommery d'Angleterre; car les com-
tes d'Égland sortaient d'un puîné de
cette famille illustre. Quoi qu'il en
soit , Jacques de Montgommery, plus
connu sous le nom de capitaine de
Lorges, sedistingua de bonne heure
par son courage à la cour de France,
composée de tant de vaillants che-
valiers. On l'a toujours regardé com-
me l'auteur de l'accident arrivé à
François Ier. , au commencement de
l'an 1 5f2 1 . La cour était à Romoran-
tin : le roi , accompagné d'un grand
nombre de jeunes seigneurs, aussi
étourdis que lui , s'avisa d'aller as-
siéger le comte de Saint-Pol , dans
sa maison. Ce dernier avait avec lui
^plusieurs de ses amis , et entre autres
le capitaine de Lorges : ils soutinrent
l'assaut en se défendant avec des bou-
les de neige, des œufs et des pommes
cuites ; on s'échauflfa bientôt , et à
défaut d'autres armes, l'imprudent
Montgommery saisit un tison ar-
dent, qu'il lança sur les assaillants:
le roi fut atteint, et dangereusement
blessé au menton. On sait que ce fut
l'origine de la coutume qui dura
près de cent ans en France, de por-
ter les barbes longues et les cheveux
courts. Dans la même année, \Sit7
le capitaine de Lorges ravitailla Mc-
Zîères, assiégé par l'armée de Char-
MON
les-Quint, et que Bayard n'eût pu dé-
fendre long -temps sans ce secours-.
Les combats singuliers étaient encore?
fort en usage dans ce temps : Lorges
en donna un nouvel exemple pen-
dant ce siège; il proposa aux Impé-
riaux un combat à pied et à la pique,
qui fut accepté et soutenu par un
chevalier de la maison de Vaudriel :
aucun des deux tenants n'eut un avan-
tage marqué ( i ). Le capitaine de Lor-
ges, pour soutenir les prétentions de
sa naissance, acheta, en i543, le
comté de Montgommery , en Nor-
mandie , qu'il disait avoir appartenu
à ses ancêtres. En 1 545 , il succéda à
Jean Stuart , comte d'Aubigny, dans
la charge de capitaine de la garde
écossaise du roi ; il avait été colonel
de l'infanterie française en Piémont.
Il mourut plus qu'octogénaire , vers
i56o , laissant plusieurs enfants ,
tous connus par leur courage; le plus
célèbre fut l'aîné , dont l'article suit,
D— is.
MONTGOMMERY (Gabriel de)
hérita de la valeur de son père. Dès
l'année 1 545 , il passa en Ecosse, à
la tête des secours que François Ier»
envoyait à la reine Marie de Lorrai-
ne, mère de Marie Stuart, et régente
pendant la minorité de sa fille. Ce
fut lui que Henri II chargea d'exécu-
ter ses ordres , au mois de juin 1 55g ,
lorsqu'il fit arrêter dans le parlement
quelques conseillers (2) qui avaient
embrassé les nouvelles doctrines re-
ligieuses. Mais ce qui a surtout ren-
du Montgommery célèbre, c'est le
malheur qui lui arriva peu de temps
après; malheur qui eut des suites
terribles pour lui et pour la France.
Henri II avait conclu les mariages de
(l) Ce combat ne fut pas le seul donné sous le*
liims de Me-/ ilrcs. V. Aune DE MOSTMOr.EKCI.
(?.) V. Aune DU30tRCT.
MON
sa fille et de sa sœur: ii donna des
fêtes magnifiques à cette occasion,
entre autres un tournoi, dont la rue
Saint- Antoine devait être Je théâtre.
Ce tournoi commença ; et le prince,
jaloux de montrer son adresse qui
était fort remarquable dans les exer-
cices du corps, quoiqu'il ne lïit plus
Jeune, se mit du nombre des jou-
teurs : le troisième et dernier jour du
tournoi ( 3o juin ), Henri se relirait
avec les honneurs du combat , quand
il voit deux lances qui restaient sus-
pendues sans avoir été empîoye'es ;
il en prend une, et ordonne à Mont-
gommery de s'armer de l'autre :
celui - ci résiste d'abord , soit par
crainte de choquer l'amour - propre
du roi , s'il l'emportait sur lui , car
il e'tait habile dans ces sortes de
jeux , soit que le souvenir de la fu-
neste aventure arrivée à son père,
lui inspirât de la défiance et quel-
que triste pressentiment; enfin il n'o-
béit que quand il vit Henri s'of-
fenser de sa résistance. Le premier
choc des deux combattants fut terri-
ble : Montgommery avait rompu sa
lance , et par une imprudence qu'ex-
plique la chaleur de l'action , il ne
jeta pas le tronçon brisé qui lui res-
tait clans la main ; le roi en fut trap-
pe avec tant de force, que la visière
de son casque se levant, laissa un
passage au bois de la lance, qui en-
tra au-dessus de l'œil droit , et tra-
versa la tête. Le malheureux prince
tomba en perdant la connaissa
qu'il ne retrouva plus jusqu
mort ( i ). H fallut un événement aussi
trafique pour dégoûter les Français
(t) La Ii lli.i ' (nu ||,. H, ,,i i II
Ï| ODM ileruir; p, ,,,1V(. | ,
tovetf ii.-> or Irei qu'on lu. i
s.-i vi.timi <ir -mi meurtri?! ><
d<- tfuiitfominerj 1 1."'
ty.r lieu .1 .me une poi.i
le prince :iit inonde .1
•ou ri |ae, comme tant
WON 3; 3
de ces dangereux combats (i) , qui
avaient fait dire à un sage étranger,
que si c'était tout de bon, ce n était
pas assez , et que si c'était un jeu ,
c'était trop. Montgommery sentit
qu'après son malheur, il était dé-
placé à la cour, et que , si son inno-
cence le mettait à l'abri de tout dan-
ger, elle ne le garantirait pas de la
haine d'une reine violente , blessée
dans ses plus chères affections. Il se
retira dans ses terres de Normandie ,
et en partit pour voyager en Italie
et en Angleterre. L'année 1 56a vit
éclater la première de ces guerres
de religion qui désolèrent la France
pendant trente ans. Montgommery r
zélé sectateur de la nouvelle crovan-
ce, revint dans sa patrie; et oubliant
que , chargé d'un régicide involon-
taire, il ne lui restait plus qu'à sacri-
fier sa vie pour la veuve cl les
fants du prince auquel il l'avait ôléc ,
ou du moins à se condamner à l'obs-
curité , il se fit remarquer parmi les
ennemis du gouvernement. Renfermé
dans Rouen qu'il défendit contre l'ai-
mée royale, il ne put en empêcher
la prise, et eut beaucoup de peine à,
se sauver. S'étant jeté dans un ba-
teau sur la Seine , ii rencontra une
chaîne de fer qui barrait la rivière
pour empêcher l'approche des se-
cours de l'Angleterre : à force de
bras et de rames, il passa par-des-
sus; se relira au Havre, et se jeta
ensuite sur la Basse-Normandie, où
il ne fit rien de remarquable. L'édit
de pacification de 1 5G"> mit lin
expéditions. lise réunit aux protes-
tants armés, en 1 5 65. On lesom
commîtes autres cUvl's des réi
de mettre L'as les armes, ou d
clarer qu'il {>'•;
bellion; cet acte d<- fermeté amena
Tram». ^.Uks
.tut |> i
mil.
574
MON
quelques négociations inutiles , sui-
vies de la bataille de Saint-Denis.
Pendant la troisième guerre civile ,
Montgommery devint l'un des prin-
cipaux chefs des Huguenots. En 1 569,
il rassembla, à la hâte , une petite ar-
mée dans le Languedoc, et se rendit
dans le Béarn, que les troupes roya-
les avaient envahi ; il les attaqua , les
battit, et força le chef qui les com-
mandait à se renfermer dans Orthez.
Bientôt la place fut emporte'e d'as-
saut , et le général fait prisonnier.
Tout le Béarn fut reconquis ; et cette
expédition , conduite avec autant de
sagesse que de courage et d'activité,
valut ta Montgommery les applau-
dissements des catholiques comme
des protestants. Vers le même temps,
il fut condamné à mort , de même
que Coligni , par le parlement de
Paris ; la sentence fut exécutée en ef-
figie. La paix de Saint-Germain, con-
clue l'année suivante, le rendit au
repos. 11 était à Paris , lorsqu'eut
lieu la Saint-Barthélemi ( 1572 ).
Demeurant au faubourg Saint-Ger-
main , il est averti du danger, avant
que le massacre commence dans ce
quartier ; il monte à cheval avec quel-
ques personnes prévenues comme
lui ou par lui, et se sauve au grand
galop. L'importance de Montgom-
mery dans son parti , avait fait don-
ner des ordres particuliers pour l'en-
velopper dans la proscription : aussi
fut - il poursuivi avec acharnement
jusqu'au-de là de Montfort-l'Amauri,
à dix lieues de Paris ; et il n'échappa
aux assassins que par la vitesse
d'une jument qu'il montait, et sur
laquelle, dit un manuscrit du temps,
il fit trente lieues tout d'une erre.
Montgommery se réfugia dans l'île
de Jersey , et de là en Angleterre ,
où il avait marié une de ses filles
a un amiral anglais. En avril i573,
MON
il parut devant La Rochelle , assié-
gée par l'armée royale; il comman-
dait une flotte ramassée en Angle-
terre, et qu'Elisabeth , sur les plain-
tes de Charles IX , désavoua , et
déclara être un rassemblement de
pirates : celle flotte était plus fai-
ble que celle de France , contre la-
quelle Montgommery ne voulut pas
se compromettre. Un seul de ses
vaisseaux, chargé de poudre, entra
dans la Rochelle; il remmena les au-
tres, on ne sait pas précisément par
quelle raison, en annonçant d'autres
secours plus considérables aux Ro-
chellois. Dans sa retraite, il exerça
quelques ravages sur les côtes de
Bretagne, et rentra en Angleterre.
Les protestants ne restèrent pas
long-temps tranquilles , parce qu'on
ne tarda pas de porter atteinte aux
privilèges qu'on avait été contraint
de leur accorder. Montgommery re-
passa en Normandie, où les rebelles
vinrent en grand nombre se mettre
sous ses ordres. Après avoir pris
quelques villes , il se trouva investi ,
dans Saint-Lo , par Matignon , qui
commandait dans cette province, et
qu'on avait mis principalement à la
poursuite de Montgommery. Ce der-
nier soutint Je siège pondant cinq
jours, et s'échappa, accompagné de
quelques cavaliers , en forçant une
des gardes ennemies , au travers
d'une grêle de balles. Il se retira à
Domfront , où Matignon l'atteignit ,
et l'attaqua avec des forces supé-
rieures; Monigommery, qui n'avait
pas deux cents hommes , ne tarda
pas à quitter la ville pour se renfer
mer dans le château : il s'y défendit
quelques jours , en s'exposant lui-
même plus qu'aucun de ses soldats;
enfin , après avoir soutenu un assaut
des plus furieux , se voyant privé
de la plupart de ses compagnons
MON
par le feu des ennemis , et par la
désertion, il se rendit, le 27 niai.
Montgommery avait demandé sa vie
sauve par la capitulation ; mais Ma-
tignon, qui connaissait l'implacable
Catherine de Médicis, n'avait promis
a son prisonnier que la vie et les
plus grands égards, tant qu'il serait
entre ses mains. Ce fait, atteste
par d'Aubigué Lui-même, démontre
la fausseté de l'assertion de plusieurs
historiens protestants, qui prétendent
que la capitulation de Domfront fut
violée par le jugement et la mort de
Montgommery. La joie de la reine-
mère fut extrême, quand elle apprit
les succès de son armée ; elle voulut,
mais en vain , la faire partager à
Charles IX, que les approches d'une
mort triste et prématurée rendaient
insensible à tout (1). Le prisonnier
fut amené à Paris , et renfermé dans
une des tours de la conciergerie du
Palais, qui a retenu son nom. Ca-
therine de Médicis, régente par la
mort de son Cùs , nomma des com-
missaires pour juger Montgommery,
qu'on accusa de complicité dans la
conspiration de l'amiral de Coligni;
mais l'arrêt qui le condamna à per-
dre la tête, fut principalement mo-
tivé sur le crime d'avoir arboré un
pavillon étranger, quand il était
venu au secours des Rocliellois. Ses
enfants furent dégradés de noblesse .
S'ils n'ont pas la vertu des nobles
pour s'en relever , dit fièrement
Montgommery , lorsqu'il entendit
cette disposition de l'arrêt, je con-
sens à la dégradation. Après avoir
subi une barbare et mutile question,
il fut amené' sur la place de Grève,
vêtu de deuil, monta sur l'échafaud
avec assurance ,1 ,in assez
..-oiatue de toute autre c'
MON 575
long discours aux spectateurs placés
du coté de la rivière, discours qu'il
répéta à ceux qui étaient placés du
coté opposé : s'agenouillant ensuite
auprès du poteau, il dit adieu à l'un
de ses amis qu'il aperçut dans la
foule; et, sans avoir souffert qu'on
lui bandât les yeux, il reçut le coup
mortel, le 27 mai 1374. Ainsi pé-
rit Montgommery , d'abord malheu-
reux , et ensuite coupable. La haine
implacablede Médicis pour l'innocent
meurtrier de son époux ne contribua
pas peu à le jeter dans la révolte ,
et doit diminuer sa faute. C'était un
des meilleurs capitaines de son temps,
et il semblait destiné à remplacer
dans son parti Condé et Coligni : ou
admirait son courage héroïque; il
entendait l'attaque des places, et
donna plus d'une preuve de son ta-
lent pour les défendre : le malheur
ne l'abattit jamais, et il savait tirer
des ressources même des événements
contraires. Mais ses exploits furent
souillés par des cruautés que l'his-
toire nous montre inséparables des
guerres de religion. Il laissa plusieurs
enfants d'Elisabeth de la Touche,
qu'il avait épousée, en 1 :>',<). Us ne
démentirent point la noblesse de leur
origine; et l'arrêt porté contre leur
père et contre eux n'entacha jamais
leur réputation. Gabriel, l'aîiu
fils, n'eut qu'une fille, épouse de
Jacques de Durfort de Duras , au-
quel elle apporta la seigneurie de
Lorges, qui est restée dans cette fa-
mille. Jacques, le second, eut plu-
sieurs enfants. D — is.
MONTGOMMERY (Richard),
général américain, ne', en 1
dans le nord de l'Irlande , embrassa.
jeune, la profession des arm<
servil , en icier
dans li guerre du Canada
calm . A la paix . il obtint sa démis-
sion, acheta une iVrmc dans la pro-
vince de New-York, et épousa la fille
d'un juge de cette ville. Lors de la
lutte des Américains contre les An-
glais , il offrit de combattre pour
l'indépendance des colonies , et fut
nomme, avec Sclîuyler, commandant
d'une petite aimée destinée à agir
dans le Canada, où les Anglais n'a-
vaient alors que peu de troupes.
Schuyler étant tombé malade dans
la route , la conduite de l'expédition
resta à Montgommery; il avait sous
ses ordres 3ooo hommes de milices,
mal vêtus et mal disciplinés, et son
parc d'artillerie se composait de
quelques pièces du plus petit calibre:
encore manquait-il de munitions. Ce
fut avec des forces si peu imposantes
qu'il osa tenter de chasser les Anglais
du Canada. Il commença par gagner
l'affection des habitants , qui pou-
vaient retarder sa marche, et qui
lui rendirent au contraire beaucoup
de services. Ayant reçu quelques se-
cours qu'il avait demandes , il s'em-
para du fort Chambly, où il trouva
i '28 barils de poudre , qui lui furent
très-utiles pour reprendre le siège du
fort Saint-Jean ,quele manque de mu-
nitions l'avait obligé d'interrompre.
1 1 reduisi t ensuite la ville de Montréal,
où il s'arrêta pour faire habiller ses
soldats presque nus au milieu de l'hi-
ver, et se mit en marche pour join-
dre le colonel Arnold , qui se dispo-
sait à assiéger Québec ( F.B. Arnold,
II, 5r2o ). Malgré les mauvais che-
mins , rendus presque impraticables
par les neiges , il fit tant de diligence,
qu'il arriva devant cette ville, le 5
décembre 1 773. Après avoir cherché
vainement à intimider le gouverneur
de Québec, en exagérant ses forces et
ses dispositions militaires, il dressa
une batterie de six pièces à 700 toises
des murailles j mais elle ne produisit
>s
!
MON
ar.cufi effet. Cependant, les troup
souffraient beaucoup delà rigueur d
froid; et il paraissait impossible d
les maintenir long-temps dans un
position aussi critique : Montgom
mery se décida donc à tenter l'esoa
lade. Il concerta toutes ses disposi
tions avec Arnold ; et le 3 1 deeem
bre , à cinq heures du matin , favo
nsé par la neige qui tombait à gros
flocons , il s'avança contre la bass
ville , à la tête de sa division, tar.d
qu'Arnold attaquait la ville haute
il s'empara de la première barrière
et il poussait courageusement vers 1
seconde , quand une décharge d'artil-
lerie le renversa mort avec son aide-
de-camp , et plusieurs personnes ds
sa suite. Le corps du malheureux
général fut apporté, le lendemain , ù
Québec, et enterré avec tous les ho
ncurs dus à son rang. Sa mort fi
pleurée par les Anglais , comme pi
les Américains. En Angleterre , h
orateurs les plus éloquents de l'oppc
sition le comblèrent à l'envi d'éloges
et le ministère même rendit un juste
hommage à ses vertus. Le congrès
lui consacra un monument, dont
l'exécution fut confiée à J. - J. Caf-
fieri, sculpteur français ; ce monu-
ment est placé au-devant de la prin-
cipale église de New-York. "W — s.
MONTGON (L'abbé Charles- (
Alexandre de), né à Versailles eu 1
1G90, fut élevé à la cour, où il se
fit remarquer , dans sa première jeu-
nesse , par son esprit et par ses dis
positions précoces. On le destinai
à l'état ecclésiastique; il fit sa thé
logie avec beaucoup de succès,
reçut les ordres sacrés. Il vivait re
tiré, depuis quelques mois, chez u
de ses parents en Auvergne, lor:
qu'il apprit l'abdication de Phi
lippe Y , roi d'Espagne : il conçu
aussitôt le désir de s'attacher- a
MON
service d'un monarque si religieux ,
et en fit part au P. Bermudez, con-
fesseur du roi , qui lui répondit
d'une manière cont'onne à ses vœux.
Avant son départ, il revint à la cour,
et annonça au duc de Bourbon les
motifs de son voyage à Madrid. Le
duc , le jugeant propre à nue i
dation, le chargea de t:
secret à aplanir les diilicul'-
s'étaient élevées entre les deux c
On sait que la mort
son fils Louis obligea Philippe V
à reprendre le sceptre quel
après l'avoir quitte ( /'. Lotis Ier. )
L'abbé de Montgon, qui avait compté
vivre dans la retraite, se trouva ra-
mené malgré lui à la cour. 11 gagna
la confiance du roi Philippe, qui le
gea d'une mission en Portugal;
et il revint bientôt après en France,
avec une commission de ce prince
pour intriguer sous main , afin de lui
assurer la succession a la couronne,
dans le cas où Louis XV mourrait
sans héritier ( Voy. les Mémoires de
Noailles, v, i39etsuiv.) L'abbé de
Montgon avait l'ordre de ne point
1 entrevoir au cardinal de Fleu-
ri , qu'il lut chargé d'aucune affaire.
niant , dès les premiers entre-
tiens qu'il eut avec le vieux ministre,
tout en lui laissant apercevoir beau-
coup de défiance, il lui communiqua
jusqu'à l'instruction qu'il avait reçue
a son départ de Madrid. Cet*
ssé le perdit tout -à -fait dans
iritdu cardinal, qui arrêta faci-
lement toutes ses intrigues , en l'é-
loignant de Versailles, tue lettre de
cachet l'exila en i^3a, a Douai; et
a peine était- il arrivé dans cette
\ i!le, qu'on s'empara de toi;
papiers, l'ai vain i! tenta de Qéchir
ie cardinal par les lettres les plus
suppliantes: le ministre u'j répondit
point . e! défendit a ceux qu'il
XXIX.
MON 577
çonnaitde conserver qiu-Iquealtache-
ment pour cet a],! é, de jamais lui en
parler. Montgon se retira a Sarliève,
dans les Pays-lias, et chercha ui
traction à son chagrin, en rédigeant
les Mémoires de ses différentes négo-
ciations, dans les cours c?Es\
et de Portugal, depuis i 70.5 jusqu'à
1731. Il ne les fit imprimer qu'a-
près la mort du cardinal de Fleury
tant il craignait d'augmenter son mé-
contentement : mais par-là même il
perdit Punique moyen qu'il avait
d'intéresser, en piquant la curiosité.
Quand ses Mémoires parurent, toute
la cour était renouvelée: il n'y avait
plus personne qui se souvi.it encore
de l'abbé de Montgon. Il passa le
reste de sa vie dans l'exil , et mourut
octogénaire, et tout-à-fait oublié,
en 1770. Les Mémoires de Mont-
gon forment 8 vol. in-12, impj
à la Haye, a (; Lausanne,
de 1745 à 17 V>: ils renfermn >
particularités intéressantes; mais ils
sont écrits avec une diffusion qui eu
rend la lecture peu agréable, !
teur paraît sincère, et a;:
coup d'impartialité : mais il
tant eu à se plaindre de FI
qu'on ne peut douter qu'il n'ai
géré les reproches dont il cbar|
minis pis Feron avait
entrepris une traduction italien]
Mémoires de Montgon j le pr<
volume a par
1753; in 8°. Voy. li Met h. pour
étitd. Vhist. de Lenglet-Dufresnoy
tom, xii, 3 (o.)Le portrait de Mont-
gon a été gravé par Tanjéj d'après
II iiber, pour être placé a la t«
son ouvra; AN ->.
MONTH \SSli;
Ismael Ai. \ dixième et dernier prin-
(1 ( »n avail 1
dei lettres >i mimoli
ce de la dynastie des Samanides,
dans la Perse Orientale, fut arrête à
Bokhara, Tan 38g de l'hégire (999
de J. -G.), avec ses frères, Maûsour,
Abdel mclek et les antres rejetons
de cette illustre famille, par ordre
d'ïlek-Khan, roi du Turkcstan, qui
les fit tous renfermer dans des pri-
sons séparées ( V. âbdelmelek ii,
J, 56, et Mansour h, XXVI, 5ao>
Monthasser , délivré par un esclave
dont il emprunta les habits, se sau-
va dans le Kharizm. ïl y leva des
troupes, défit celles qu'Jlek - Klian
avait laissées dans leMawar-al-Nahr,
et rentra dans Bokhara aux accla-
mations universelles; mais bientôt
l'approche du roi du Turkeslan l'o-
bligea d'en sortir, et de repasser le
Djiltoun. 11 vint dans le Khoraçan ,
dont Mahmoud le Ghaznevide était
resté maître, vainquit le gouverneur
Naser, frère de ce sulthan, et s'em-
para de Wischabour. Naser étant re-
venu avec de nouvelles forces , Mon-
thasser abandonna le Khoraçan, et
se retira dans le Djordjan, où ré-
gnait Cabous. Ce prince, que la re-
connaissance avait attaché aux Sa-
manides ( V. Cabous , au Suppl. ) ,
reçut Monthasser avec les plus grands
honneurs, lui offrit, ainsi qu'à tous
ses officiers, de très-riches présents,
et lui conseilla d'attaquer les étals
de Réi, déchirés alors par les fac-
tions ( V. Medjd-ed-Daulaii ) ; il
lui fournit même des troupes com-
mandées par ses propres fils , qui de-
vaient aider ensuite le prince sama-
nide à remonter sur le trône de ses
ancêtres. Monthasser se présenta de-
vant Iiéi; mais, quelques jours après,
ses généraux, gagnés par le gouver-
neur de la place, inspirèrent à leur
maître de la défiance sur les inten-
tions de Cabous, et lui persuadèrent
de lever le siège. 11 marcha sur Nis-
chabour , que la fuite de Naser lui
soumit encore; et il s'y rendit odieux
par les extorsions que la nécessité
l'obligea de commettre. Vaincu pai
les troupes ghaznevides , il voulut
gagner le Djordjan; mais Cabous i
dont il n'avait pas su ménager l'a-
mitié , lui en ferma tous les passa-
ges. Monthasser ayant puni de mort,
le général dont les conseils perfides
l'avaient privé d'un si utile aiiié ; cet-
te exécution, quoique juste, lui aliéna
une partie de ses troupes. Quelques
secours, qu'il, reçut à Scrakhs, ne
l'empêchèrent pas d'être battu com-
plèlemenl par Naser. Il s'enfuit dans
le désert , où il enrôla sous ses dra-
peaux les Turkomans Ghoz/.cs ou
Ghazis , rentra dans le Mawar-ab
Nahr , et remporta une victoire sur
Ïlek-Khan; mais ayant conçu de jus-
tes soupçons sur la fidélité de ses au-
xiliaires, il les abandonna, çt repas-
sa le Djihoun;sur la glace, avec sept
cents hommes. Les armes de Mah-
moud , dont il avait imploré la pro-
tection , l'aidèrent à livrer au prince
deK harizm, su ries frontières du Kho-
raçan , un combat que la saison et la
nuit rendirent horrible. Au mai-i,
Monthasser, effrayé de sa perle, dé
campa, erra quelque-temps, puis ayant
rassemblé les débris de sa petite ar-
mée, il traversa le Djihoun. Baîfu
par le gouverneur de Bokhara , il re-
vint aussitôt, et le défit entièrement.
Ce succès releva les affaires du prin-
ce samanide. Les habitants deSamai-
kande lui envoyèrent des secours de
toute espèce; les Turkomans Gha-
zis vinrent de nouveau se ranger
sous ses étendards : il fut alors en
état de gagner une seconde bataille,
dans les plaines de Samarkande, sur
Ilek-Khan, qui trouva promptement
les moyens de réparer cet échec.
Monthasser? affaibli par ledépartdes
MON
Turkomans, qui s'étaient retirés avec
leur butin, et par la trahison d'un de
ses généraux , qui lui enleva cinq
nulle hommes, se vit forcé de céder
au nombre. Tandis qu'Ilek - Khan
signalait ses vengeances dans le Ma-
war-al-Nahr, sur les partisans du
prince fugitif, celui-ci luttait en Vain
contre sa fatale destinée. Réduit dé-
sormais au rôle de partisan; pour-
suivi par les meilleurs capitaines de
Mahmoud, qui voulait l'éloigner du
Khoraçan ; repoussé une autre fois
parCabous , des frontières du Djor-
djan; errant à l'aventure et dans l'om-
bre de la nuit, pour cacher sa mar-
che aux ennemis qui le harcelaient
de toutes paris; il se dirige encore
vcrsBokhara, sur la foi des promes-
ses d'un prince de sa famille, vendu
à llck-Kau : mais ses soldats, las de
tant de fatigues et de misère, complo-
tent de le livrer au roi du Turkcs-
tan. Cerné dans sa lente, il se sauve
avec quelques braves, dans le camp
d'une tribu arabe , dont le chef le
fait égorger pendant son sommeil,
en raby icr. 3çp (décembre 1004).
Telle fut la fin déplorable d'i
Monthasser, prince digne de ses ;i!i-
cêlres, et dont le courage, l'acti-
vité, la constance <:
semblaient mériter un meilleur sort.
Son règne, ou pi. îlot la chaîne de
ses malheurs i Mues ,
sans exemple peut ètn dans l'his-
toire, avait dur» I i faut dire,
a la gloire de Mahmoud, qu'ennemi
généreux , il \< ngea la mort de
thasser, en Taisant expirer dans les
supplices l'infâme Mili-lvouy , son
assassin . persant la tribu
de ce peu' »UD,XXA I,
1G8). . -t.
MONTnASSLli-l'dU.
Djafar M tomme
Al),»'*, khal] LedçBagfc.
MON 579
clad, fut installé à Djàfariah , ville
fondée par son père Motawakkel, la
nuit même où celui-ci avait 1
sine parles chefs de sa garde turke,
le 5 dzoulkadah 2 fa (janvier 862 ).
Il porta sur le trône les remords d'un
crime auquel il n'était
et le chagrin de se voir dominé par
ses complices. Ce fut alors en effet
que les milices turkes commencè-
rent a jouer dans l'empire musulman
le même rôle qu'autrefois à Rome
les gardes prétoriennes. Le premier
sacrifice qu'elles exigèrent de Mon-
thasser fut d'exclure de leurs droits
au khalyiat ses frères Motazct Mo-
waied, qui avaient manifesté l'inten-
tion de venger un jour la mort de leur
père: mais, en ! .ition
pardon de l'injustice qu'il était force
de commettre à leur égard en leur
substituant son propre fils ; il 1;
sura que ni lui , ni cet enfanl , n'en
recueilleraient le finit , et leur mon
Ira les factieux qui le réduisaient à
une démarche si pénible et si humi-
liante. Un (ies premiers soins de ce
khalyfe fut de relever les tombeaux
(F Viy et de HouceÙJ , d'en permettre
le pèlerinage, de supprimer les ana-
themes fulminés contre eux dans tou-
tes les mosquées de l'empire, de té-
moigner les plus giands éj
: ejetons de celte famille . et de
i',1'11 e p< ts( 'Vulions 1
leurs partisans. La sagesse de
thasser, imitée par seurs,
répara Les maux qu'avail faitsà l'isla-
misme L'intolérance fanatique de son
père. Il aimait d'ailleurs la pi
H était brave , généreux^ il cultivait
et surtout la poésie
succès; et il eui bonoré Le u dm
n'y fût pas munie par un parricide.
On rapporte <|ii ",i\ ,int Irons e dans le
palais de Djàl'auaU un tapis qui rc
58o MO!
présentait le roi de Perse, Cobad
Schiroiùeh , assassin de son père
Khosrou II , et dont le règne n'avait
duré que six mois, il se persuada que
le sien ne passerait pas ce terme; et
Ton ajoute qu'ayant fait démolir ce
palais , où tout lui rappelait son cri-
me, il transféra sa résidence à Ser-
menraï. Frappé de ce prétendu ho-
roscope , et croyant voir sans cesse
le spectre de son père, il errait la
nuit sous les voûtes de son palais,
qu'il faisait retentir de ses sanglots.
Il essaya , pendant quelque temps,
de bannir ses sombres terreurs, en
se livrant aux plaisirs et même à
la débauche ; mais rien ne put dis-
siper la noire mélancolie qui le con-
duisit au tombeau , le 5 ou 6 raby
2e. ri48 ( 7 ou 8 juin 862 ), dans la
vingt - sixième année de son âge ,
après avoir occupe le troue cinq
mois. Quelques auteurs disent que
Monthasser mourut d'une esquinan-
cie ; d'autres que ses jours furent avan-
cés parle poison. Ce qu'il y a de cer-
tain, c\s1 que son (ils Abdel- Wahab,
reconnu pour son héritier, ne lui
succéda point. La faction qui com-
mençait alors à disposer dukhalyfat,
y appela son cousin iUostaïn-Billah.
A — T.
MONTHOLON (Jean de), cha-
noine régulier de Saint-Victor, mou-
rut, en i5*j8 , avant d'avoir pu
jouir des honneurs du cardinalat,
auquel il venait d'être promu. Il était
docteur en droit, et avait publié,
sur cette partie , une espèce de dic-
tionnaire intitulé : Promptuarium ,
ou Breviarium juris divini et utrius-
que humani , Paris, i5'2o, 2 vol.
in-fol. Il avait aussi fait imprimer,
trois ans auparavant, le traité latin
d'Etienne d'Autan, sur le Sacre-
ment de V autel. — Son frère Fran-
çois de Montholon, fils de Nicolas
de Montholon, lieutenant-général au
bailliage d'Autun, sa patrie, puis
avocat du roi au parlement de Dijon,
s'attacha au barreau de Paris, par
les conseils de Germain de Ganay ,
évêque d'Orléans , son oncle. La ré-
putation qu'il s'y acquit, lui fit con-
fier, eu i522, la célèbre cause du
connétable de Bourbon contre la
reine , mère de François Ier. , et con-
tre le roi lui-même, pour la succes-
sion de la maison de Bourbon. Le
monarque, qui se rendait incognito
aux plaidoiries, fut si content de la
manière dont l'avocat de sa partie
adverse parlait c'ans cette affaire
épineuse, qu'il lui destina dès-lors la
charge d'avocat-général. Lorsqu'elle
fut sur le point de vaquer , le conné-
table de Montmoi
qui ne con-
naissait pas les dispositions du roi, lui
dit qu'il s'ét.at informé quels étaient
les hommes les plus dignes de rem-
plir cette place , et que la voix publi-
que lui avait désigné Montholon»
« Je ne le connais pas , ajouta Mont-
morcnci;/<? ne l'ai jamais vu : mais
si Von vous en dit autant de bien
qu'à moi , je pense, Sire, qu'au lieu
que pourriez être importuné de bail-
ler cet office a autre , vous aurez
envie de prier icelui Montholon de
le prendre. » 11 en fut effectivement
pourvu
i3'2 , fait président à
mortier deux ans après, garde-des-
sceaux, en 1.542, en remplacement
du chancelier Poyet; et il mourut, le
12 juin i543, à Villers-Cotterets.
C'était, dit Mézerai, un personnage
d'une probité rare et qui a toujours
été héréditaire dans sa famille.
François Ier., pour le récompenser
de ses services, lui fitdon de 200,000
liv., somme à laquelle ce prince avait
taxé les habitants de La Rochelle, en
punition de leur rébellion au sujet de
la gabelle. Ce généreux magistrat
MON
employa celte amende tout entière
à la fondation et à la construction
d'un hôpital dans cette ville. — Son
fils, François II de Montholon, était
un catholique zèle', et fort estime
des ligueurs comme avocat. Pour
leur complaire, Henri III lui remit
les sceaux , en i588. Lorsqu'il vint
présenter ses lettres au parlement ,
le procureur - général Séguier lui
«lit que , « c'était une déclaration
» publique que le roi faisait à tous
» ses sujets , de vouloir honorer
. » les charges par les hommes, et
» non les hommes par les charges ;
» que la cour, quand il avait plaidé
» en qualité d'avocat , n'avait jamais
» désiré autres assurances de ses
» plaidoyers que ce qu'il avait mis
» en avant par sa bouche, sans re-
» courir aux pièces. » Enfin il l'ap-
pela Y Aristide français. Après la
mort de Henri III, Montholon ren-
dit les sceaux à Henri IV , quoique
ce monarque lui eût écrit de les gar-
der. On a dit que c'était dans la
crainte d'être forcé à signer quelque
édit favorable aux huguenots. Il
mourut à Tours en i5go. T — d.
MONTHOLON (Jacques de), cé-
lèbre avocat au parlement de Paris,
était né en cette ville , vers i56o.
Son aieul et son père, dont les articles
précèdent , avaient été revêtus tous
les deux de la dignité de garde-des-
sceaux. Jacques est connu surtout
par le Plaidoyer qu'il prononça en
i fi i i , pour les Jésuites , attaqués par
quelques membres de l'université de
Paris ; il le fit imprimer , après l'a-
voir retouché, ci y ajouta les piè-
ces justificatives. Montholon mourut
en \ (')•>.■>.. Il avait public la même
année : Arrêts de ht. cour du parle-
ment , prononcés en robe
puis i58o , in- 1". Ce Recueil .
primé plusieurs l'ois, dans le
MON
septième siècle, est depuis long temps
tombé dans l'oubli. W — s.
MONTI (Philippe-Marie ), car-
dinal, né en 1675 , à Bologne, d'une
illustre famille qui a produit plusieurs
hommes d'un rare mérite; , embrassa
l'état ecclésiastique après avoir ache-
vé ses études avec le plus grand suc-
cès, et se rendit à Rome, où ses
talents le firent bientôt connaître.
Elevé successivement à plusieurs em-
plois honorables , qu'il remplit avec
distinction , il fut décoré de la pour-
pre romaine, en 1743, par Benoit
XIV. Ce prélat aimait les lettres , et
donnait fréquemment aux savants
des marques de sa bienveillance. Il
avait été admis jeune aux princi-
pales académies de Rome; il pro-
nonça, en 17 10, dans une assem-
blée publique de celle de Saint-Luc ,
un discours intitulé : Rotna tutrice
délie belle arti, scultura ed archi-
tettura ; celte pièce , imprimée sé-
parément , a été insérée depuis dans
le tome III des Prose degli Arcadi. Il
mourut à Rome, le 17 janvier 1754,
léguant à l'institut de Bologne , sa
riche bibliothèque, et une collection
de portraits des savants italiens et
étrangers, qu'il avait formée à grands
frais. Outre quelques ouvrages ma-
nuscrits, conservés à Bologne, on
Gite de ce prélat : Elogia cavdina-
lium pietate , doctrind ac rébus
pro Ecclesid gestis illustrium à pon-
tificatu Alexandri m ad Benedic-
tum xm, Rome, 17 5i , in - 4°« —
Monti ( Jules ) , littérateur , né à Bo-
logne en 1687, parent du cardinal ,
embrassa l'état ecclésiastique, fut
pourvu d'un canonieat . et devint Sé-
crétai r< linal \ldrovandi. 11
sc delà omposant de petites
1 -us le dialecte bolo-
et il a réussi p
dans «elles qui ont pour
58s
MON
.scènes familières. Il a aussi traduit
en italien le roman de Gilblas , de
Lcsage ; et cette version , imprimée
à Venise en 1746, a eu, en 1750,
les honneurs d'une seconde édition.
Le chanoine Monti mourut à Bolo-
gne, le 10 décembre 1747* On a
insère quelques-uns de ses vers dans
les Poésies de Jos, Pozzi, Bologne,
i764,in-8°. W— s.
MONTI ( Joseph ) , professeur
d'histoire naturelle à l'université' de
Bologne, naquit dans celte ville, en
16812. Accoutume, dès sa plus ten-
dre jeunesse, à la culture des plantes
médicinales, il voulut connaître avec
exactitude toutes celles qu'il voyait
mentionnées par les auteurs. Ses lec-
tures, le soin qu'il prit de rassembler
un grand nombre de plantes dans un
jardin qui lui appartenait, ses excur-
sions sur tous les points du territoi-
re bolonais et sur la chaîne voisine
des Alpes, le rendirent tellement ha-
bile , que plusieurs professeurs dis-
tingués d'Italie et des pays étrangers
curent plus d'une fois recours à ses
lumières. Il menait de front avec la
botanique l'étude des autres branches
de l'histoire naturelle ; et il avait
formé une collection de minéraux,
de pierres et de coquillages, qu'il ne
cessa d'enrichir qu'au moment où
il fut chargé de la direction du mu-
sée de l'institut de Bologne. Il rem-
plit, en 1 720 , une chaire d'histoire
naturelle, et une autre de matière
médicale, en 1 736.Marsigliayantfait
don a en 17*27, de quatorze
caisses qu il avait rapportées de la
Hollande , et qui contenaient des ob-
jets précieux pour la zoologie et la
botanique, Monti en (itle classement
avec son fils , Gaétan , qui lui fut ad-
joint à dix-sept ans, et qui, à cet âge ,
s'était déjà fait connaître avantageu-
sement des savants. Monti coula des
MON
jours heureux au milieu d'un jardin
botanique, confié à ses soins; et il ter-
mina sa laborieuse carrière le 4 mars
1 760. On a de lui : I. De monumen-
to diluviano super agro Bononiensi
detecto Dissert atio, Bologne, 1719,
in-4°. , lig. L'autem , dans les deux
premiers chapitres, expose l'état du
globe, avant et après le déluge, et
reproduit fort succinctement quel-
ques-unes des idées de Burnet, Wood-
ward, J. J. Scheuchzer et autres.
Dans le troisième chapitre, après
avoir cité , comme une des preuves
du déluge, la présence, dans les
montagnes, d'une grande quantité de
corps marins et autres , pétrifiés , il
décrit le monument qui lui a donné
1 idée de sa Dissertation. Ce monu-
ment , également pétrifié, et don! il
donne le dessin, est mie portion d'une
tête de morse , ou vache marine ,
trouvée par un paysan. Iï. Catalo-
gi stirpium agri Bononiensis Pro-
dromus gramina ac hujus modi af*
finia complectens , etc. , Bologne ,
17 19, in-4°. , fig. Ce très-petit ou-
vrage est divisé en plantes grami^
nifoliées, qui sont les céréales, les
cypéracées , le jonc, la massclte ; et
en graminées , proprement dites ,
telles que Y ivraie , \v.phalaiis, \epa~
nie , V avoine, etc. On n'y trouve ni
méthode , ni tableaux; et il ne peut
être utile que comme offrant des ma-
tériaux pour cette portion de la flore
du pays. Ce travail est donc loin
d'offrir les avantages des graminées
de Rai et de ïournefort. JJAgrosto-
graphie de J.-J. Scheuchzer parut la
même année , mais plus tard. Mor*tt
ne cite que le prodrome de cet auteur.
III. Plantarum varii indices ad
usum demonstralionum qurn in Bo-
noniensis archigrmnasii publico hor'
to quotannis haberdur, ibid., 1 724,
iu-4°. Sous ce titre l'on trouve ré"
MON
r»is , i°. une histoire fort succincte
de la botanique , dans laquelle l'au-
teur mentionne plus particulière-
ment les Italiens et les directeurs
du jardin des plantes de Bologne , et
qui contient quelques détails intéres-
sants; — ').°\tJlantar uni gênera à Bo-
tanicis instituta juxta Tourn fortis
methodum ad proprias classes re-
lata; — 3°. Index plant arum quœ in
medicum usum recipi soient ; — 4l,«
Piantarum elenchiin classes dispar-
tiù , juxta facilitâtes , auibus in re
medicd pollent. Ce sont de simples
catalogues sans phrases. IV. Exo-
ticorum simplioium medicamento-
rum varii indices , etc., iud., inn j ,
in -4°. (i) V. Une douzaine de Mé-
moires , dans le recueil de l'institut
de Bologne. Michcli a donne le nom
de Montia à un genre de la famille
des portulacees. D — u et F — r.
MONÏIGNOT, chanoine de Ton),
de la société' royale des scien-
belles-lettres de Nanci, a publie des
Remarques théologiques et critiques
sur V Histoire du peuple de Dieu ,
par le P. Berruyer, 1755, in-ia;
mais il est plus connu par son Etat
des étoiles fixes , au second siècle ,
par Claude Ptolémée , comparé à
la position des mêmes étoiles , en
1786, avec le texte grec et la
traduction française , Strasbourg,
1787 , in-4°. de 200 pages environ.
Outre le catalogue d étoiles, cette
édiîion offre encore ! ! 1 tra-
duction du livre vu de \& Syntaxe
mathématique (ou \imageste ) de
Ptolémée,ivec uue carte des constel-
lations , d'après cet astronome. Quel-
itluils avec dei
ur , Pé-
trone et G Uanici et
• ;•'. ( >n doit eu-
11 lnliii de l'Iiis
i~ \> , ml -!., avec iSJ pi
MON 581
ques fautes, faciles à corriger, ont
fait à celte édition un peu de tort
dans l'esprit des astronomes. I
qui n'auront pas l'édition originale,
pourront, avec plus de fr iil encore,
consulter le Ptolémée iuia,
ou Y Histoire de l'astronomie an-
cienne , où ils trouveront, tome 11,
le catalogue de Ptolcmcc compare
en entier avec ceux de Flamsteed et
de Halley, et suivi dénotes où l'on a
discuté ces anciennes positions des
étoiles, et le parti qu'on en peut ti-
rer aujourd'hui pour la précession
des équinoxes. Montignot n'avait
pas manqué de discuter ce dernier
point; et par 2 \ des principales étoi-
les, il avait trouvé une précession
de 5o secondes et un quart par an -y
ce qui en effet approche beaucoup
de la vérité. D — l — e.
MONTIGNY (Galon de ) est le
digne chevalier , qui portait , à la
journée de Douvines (i»i4), l'éten-
dard de France. Dans cette bataille,
où Philippe -Auguste, renversé de
cheval , allait être foulé aux pieds
des chevaux , Montigny haussait et
baissait la bannière royale , pour
donnera toute l'armée le signal du
péril où se trouvait le monarque. Ce
vaillant homme, (pioiqu'emliarrassc
de son étendard , fit au roi un rempart
de son corps, renversai)! à grands
eoupsde sabre toul ce qui se pi
taii pour l'assaillir. Montigny demeu-
ra pauvre , mais couvert d'une gloire
immortelle, quoique l'histoire ne
l'ail nommé qu'une fois. T — n.
M ON TIC \ Y le Boi ; ra
.h an m; ) , était fils de Raoul de
Montigny le Boulanger, grand panè-
tier du roi , «'t capitaine
du d
avaii été originaireinem connue
Je seul u,. . I) uis un
Lc:i: ; LU, un Au aieilX do
584 MON
Raoul employa unis partie de sa for-
tune à nourrir les pauvres de Paris ,
el les historiens rapportent que trente
î;ùile personnes durent îa vie à ses
bienfaits : le peuple , dans sa recon-
naissance , le surnomma le Boulan-
ger; et cette honorable qualification
devint l'héritage de ses descendants.
Jean Le Boulanger rendit à Louis
XI des services importants dans la
re du bien public ( F. Louis XI ) ;
et ce prince l'éleva , en 1 47 i , à la
dignité de premier président au par-
lement de Paris. Ce fut lui qui ins-
truisit le procès du cardinal Balue :
il présida encore, en 1 47^ , au
procès du connétable de Saint-Pol ,
beau-frère du roi , et deux ans après,
à celui du duc de Nemours. Une ma-
ladie contagieuse enleva , le ^4 fé-
vrier 1481 , Jean le Boulanger à sa
compagnie. Il joignait à une élo-
quence remarquable , et à une sévère
probité , toutes les vertus domesti-
ques. On le vit, à la mort d'une
épouse chérie, renoncer, en signe
d'affliction , à porter les ornements
de sa dignité. A cette occasion , la
cour ordonna, a que son premier pré-
» sident, lorsqu'il tiendrait séance,
» porterait le chaperon et le manteau
» fourrés , même s'il était en deuil
» de sa femme. » Les descendants
de Jean le Boulanger ont suivi ,
dans la carrière de la magistrature ,
les honorables traces qu'il y avait
laissées. Un des derniers, Jacques
Louis le Boulanger, président à la
chambre des comptes avant la révo-
lution ; mourut en 1808. F — z
MONTIGNY ( François de la
Grange , sieur de ) , maréchal de
France , descendait dune famille
noble du Bcrri ( V. Lagrange d'Ar-
quien,XXîII, 175). Né en i554,
il fut élevé à la cour de Henri III ,
devint l'un de ses favoris, et fut
MON
revêtu successivement de plusieurs
charges honorables. Doué de qua-
lités agréables, il se montra trop sen-
sible aux plaisirs de l'amour, et fut
le héros de différentes aventures ga-
lantes qui eurent un éclat fâcheux
mais sans diminuer 1» considératior
due à sa bravoure et à ses talent
11 se signala à la bataille de Contras ,
en 1 587 , et fut fait prisonnier par
le roi de Navarre , qui le renvoya
sans rançon , par estime pour sa
valeur. Après la mort de Henri III ,
il se déclara contre les ligueurs , et
força la Châtre de lever le siège d'Au-
bigni , petite ville du Berri , dont il
était gouverneur. Il se trouvait dans
le cabinet de Henri IV, lorsque Jean
Châtel blessa ce prince d'un coup de
couteau à la lèvre , et il contribua à
arrêter l'assassin ( F. Chatel ). Il se
distingua au siège de Rouen et au
combat de Fontaine- Française, eu
i5g5 ; et il commandait la cavalerie
légère à l'attaque d'Amiens , en 1 597.
Nommé gouverneur de Paris , en
1601 , de Metz , en i6o3 , des Trois
évêchés , en 1609 , il obtint le bâton
de maréchal , en 1 6 1 5 , et fut chargé
de réprimer les troubles qui avaient
éclaté dans le Nivernais. Il mourut
le 9 septembre 16 17. Ses restes fu-
rent transportés à Bourges, et déposés
dans l'église Saint-Etienne de cette
ville. Jacques de Neuchaises, depuis
évêque de Châlons , prononça son
Oraison funèbre; elle a été imprimée
à Bourges, en 1618, in-4°. W-s.
MONTIGNY ( Jean de ) , né en
1637 , en Bretagne , d'une famille de
robe (1), annonça dans sa jeunesse
des dispositions assez remarquables
pour les lettres. C'était , dit Saint-
Marc , un très-bel esprit , aimant i'é-
(1) IJ était fils et frère d'avocats généraux an par-
ktneut de Bretagne,
MO
tnde , ayant du goût. , ci capable d'é-
crire aussi bien en prose qu'en vers.
Ji {'ut nommé e'vêquede Léon (i), et
mourut à la fleur de sur. <
sept. 167 i , aux états de Vitré (2).
Outre une Lettre à Eraste pour ié-
ponse à son libelle contre la Pue elle
hapelain (Paris , 1 G:*>G^ in
.11 Oraison funèbre d'Anne
d'Autriche (Rennes, 1666, in-4°.),
on trouve de lui qui ' es de
vers dans les Recueils du temps; la
plus remarquable est un poème d'en-
vi l'on deux cents vers , intitulé , le
Palais des Plaisirs , qu'il composa
en réponse au Séjour des Ennuis ,
badinage du marquis de Montplai-
sir, son corapatiiote et sou ami.
Saint- Marc annonçait le projet de
rassembler les poésies de l'abbé de
Montigny, et de les publier avec des
notes ; mais ce projet est resté sans
exécution ( V. son édit. des Opuvres
de Montplaisir , p. 1 4 * )• L'abbé de
Montigny fut reçu à l'académie fran-
çaise , en 1 G7 1 , à la place de Gilles
Boileau; et son discours de réception,
à côté de quelques jeux de mots ins-
pirés par l'esprit du temps , offre un
assez grand nombre de pensées pro-
fondes, et d'observations judicieuses,
exprir
une diction brillante et facile. M.
Boissy d'Anglas eu
ceaux les plus remarquables dans
soi? Essai sur Maie sherbes . tom, 11 ,
160. L'éyêque de Léon 1
même année, remplacé à Paca !é»nie
par Gbarles Perrault. \V
■ , oonanoe le dil , pai i
(■x) M"
■
disent
nos amis ( Port- H
philosophie. — Il i
la meme dame ; inaii da
- DJM . il
■lier dans celte |
585
MONTIG^
. de l'académie des scient 1
né à Paris , le i5 décembre 1714.
annonça , dès l'enfance , un goût
marqué pour la géométrie et !
canique. Le P. Tournemine <
de l'attirer chez les Jésuites : mais sa
famille n'y voulut jamais consentir.
Au retour d'un voyage qu'il fit en
Italie, avec l'abbé de Vcntadour, il
donna , en 1741 , le seul Mémoire
de mathématiques qu'il ait imprimé.
Ce -Mémoire a pour objet de déter-
miner le mouvement d'une verge in-
le chargée d'un nombre quel-
conque de masses animées de vi-
tesses aussi quelconques. Il résolut ce
problème avec beaucoup d'é!< .
simplicité, par une méthode
qui lui appartenait. Trudaine le père
l'associa à ses travaux en lui faisant
accorder la place de commissaire du
conseil au département des tailles ,
des ponts-et chaussées, du commerce
et du pavé de Paris. Montigny con-
tribua en cette qualité à rétablisse-
ment des manufactures de dr
de velours de coton , à l'introduction
de l'usage des cylindres pour calan-
drer les étoffes, à la perfection de
nos quincailleries et de nos fabriques
de gaze. Il mit £
ncr les teintures en lil et en coton,
à rétablir les manufactures de Beau-
■ ! d'Aubusson. En 1 "160 , il fut
envoyé en Franche-Comté pour dis-
siper les préjugés populaires contre
le sel de Montmorot : il y réussit
; à ce sujet se trouve dai
Mémoires de l'académie, 1
ipade diversautres obj« ; 1
minisl
dération , son 1
i'cspri phique qui
;!. Montigny mourut le (.
... ,;.: f ..' | ..
586
MON
ment un prix dans l'académie des
sciences pour une question de chi-
mie , immédiatement applicable à la
pratique des arts. Il a traduit en
français l'exposition faite par La
Bélye , des méthodes qu'il a em-
ployées pour fonderies piles du pont
de Westminster. Outre les Mémoi-
res qu'il a fournis à la collection
de l'académie des sciences , on cite
tic lui des Instructions et avis aux
habitants des provinces méridiona-
les de la France , sur la maladie
putride et pestilentielle nui détrait
le bétail , 1773 , in- 8°. , et une Méz
tiiode d'apprêter les cuirs et les
peaux , telle quon la pratique à la
Louisiane. Ce dernier Mémoire a été
traduit en allemand , dans le Ham-
burg. Magas. , xxm , 649. Voyez
son Ëloge , par Vicq-d' Azyr , dans le
recueil de la soc. de Médecine, 178c,
H. p. 85 ; on en trouve un autre dans
la collection de l'acad. des sciences,
1 782 , H. p. 1 08 , et dans le Journal
des savants , de mai 1785 , p. 345.
T— D.
MONTIGNY ( François -Ema-
wuel Dehaies de ) , gouverneur des
établissements français au Bengale ,
né à Versailles, le 7 août 1 74^ , est
mort à Paris, le 27 juin 18 19. Sous-
ïieutenant au régiment de Medoc en
1768, lieutenant en 1770; capitai-
ne, en 1772, à la légion de Lor-
raine , il fit dans ces différents grades
la guerre en Corse , et fut employé
aux reconnaissances des frontières
des Alpes , de Flandre et d'Artois : il
passa, en 177O, major au service
de la marine. Ici une nouvelle et
brillante carrière s'ouvre devant lui.
Parti de Paris , chargé de missions
importantes , il se rend à Vienne ,
à Gonst&ntinople , en Egypte , et aux
jndes par la mer Rouge , n'échap-
pant à mille dangers 7 aux pirates de
MON
Zafrcvad, qui le prirent, et aux partis
anglais , qu'a force d'adresse , de pré-
sence d'esprit, et en parlant les diffé-
rentes langues de ces pays , dont il
portait alternativement les costumes.
De Goa , il passe à Delhy , et à Pou-
nah. Ayant terminé près de ces deux
cours les missions importantes qui
faisaient le but principal de ses voya-
ges , il se rembarque à Goa pour Lis-
bonne , d'où il rentra en France par
l'Espagne , en 1779. Louis XVI ,
qui l'avait déjà nommé colonel et
chevalier de Saint - Louis en 1778,
le renvoya dans l'Inde, en 1781 ,
avec de nouveaux pouvoirs, et des
missions plus particulières pour la
cour des Marates. C'est là qu'il put
se reposer des fatigues inouïes de
ses voyages précédents : la cour de
Pou nah F y combla , pendant sept
ans , d'honneurs et de distinctions ; il
y reçut du grand Mogol le diplôme
de nabab. Il fut chargé , en 1 788 ,
de missions près le soubab du Decan;
et, ayant été nommé ensuite gouver-
neur de Chandernagor , il se signala
encore dans ce poste par son zèle et
son désintéressement ; fit reconnaitre
le produit de l'opium , dont le gou-
vernement français jouit encore , et
dont ses prédécesseurs ne rendaient
aucun compte. La confiance que son
nom seul inspirait , lui fit trouver ,
sous sa seule garantie , des ressources
de toute espèce , qui sauvèrent nos
établissements dans .l'Inde. Lorsque
la révolution étendit son influence
dans l'Inde, Montigny devait en être
la première victime : mis en prison et
embarqué par ceux dont il avait re-
primé les abus , il fut délivré, et con-
duit à Calcutta parles ordres de lord
Cornwallîs , gouverneur anglais. Il
eu repartit pour venir en France y
fit naufrage sur la côte de l'est de
l'Afrique . dans la baie de Saint-Sé-
MON
bastien , se rendit par terre au cap
de Bonne-Espérance, s'y embarqua
pour la Hollande, et revint a Paris,
a la fin de 1791 , a travers nulle pé-
rils. Fait général de brigade, en 1 800,
Montigny repartit, en i8o3, pour
son ancien gouvernement de Ghan-
dernagor. Mais forcé de se replier
sur les îles de France et de Bourbon ,
par l'effet de la guerre . il y resta jus-
qu'au moment de la prise de ces co-
lonies , en 1810, époque à laquelle
il rentra en France. Il reçut , en
181 7, le grade de lieutenant-général.
Affaibli par ses blessures , privé de
la vue, et de l'usage de la main gau-
che , il éprouvait encore le chagrin
d'avoir perdu , à plusieurs reprises ,
ses effets , ses livres , ses cartes , etc.
Ces pertes sont cause qu'il n'a laissé
que des fragments manuscrits : l'his-
toire de ses longs et périlleux voya-
ges eût été d'un grand intérêt. Z.
MONTJOIE (Félix-Christophe
Galart de ), l'un des plus zélés dé-
fenseurs de la cause royale, était né
à àix en Provence, d'une famille
noble. Il se fit recevoir avocat , et
vint à Paris , où il fréquenta quel-
que temps le barreau. 11 travailla,
en 1 790 , avec Gcoffroi et Royou,
à Vannée littéraire , et devint en-
suite l'un des rédacteurs de Y Ami du
roi, journal uuiquement desl
combattre les principes de la révo-
lution, et qui ne ( < traître
qu'après la fatale journée du 1 o août
k. 11 mi !<• cour ... ■ :.■ prendre la
ise 'le Louis \\ i
écrits qui produi
sa lion. Echappé aux proscriptions
sanglantes qui suivirent la mort de
prince , il se liiii ca-
ché dans les environ
qu'au 9 thermidor. Il reprit ai 1
plume, et plaid 1
de l'anarchie, d 11
MOX 5S7
et danl plusieurs brochures ass<
ondamné a
portation,en 1797, avec plu-
sieurs autres journalistes, il se retira
en Suisse, et y publia divers OUI l
historiques , qui furent d'autant plus
recherchés, qu'on les défendait plus
sévèrement. De retour à Pa ris, il sem -
bla renoncer à la politique, pour ne
s'occuper que de littérature : il publia
des romans, et fournit des" articles
au Journal général de France et au
Journal des Débats. Après la secon-
de restauration, le roi récompensa
le zèle de Mont joie, en lui accordant
une pension de trois mille francs , et
l'une des places de conservateur de la
bibliothèque Mazarine. Il ne jouitpas
long-temps des bienfaits de ce prince;
il mourut d'une attaque d'apopl
le 4 avril 18 16. Le respect qu'on
doit à la vérité oblige de convenir quo
Montjoie n'était qu'un écrivain mé-
diocre; son style est incorrect et dé-
clamatoire, et ses ouvrages histori-
ques ne doivent être lus qu'avec une
extrême défiance. On a de lui : I. Di-
vertissement national, à l'occasion
naissance de Mgr. le dauphin,
1781 , in-8'. II. Lettre sur le ma-
gnétisme animal, 178^, in-8*. III.
Desprincip is de la monarchie fran-
çaise, 1789. '.i vol. in-8°. (l'est une
histoire de notre ancien droit pu-
i auteur aller quel-
quefois a cette amertume de lai
eur de l'époque où ii é< ri
il s'étend beaucoup sur la lutl
parlement avec Je ministère , et sur
arche des mini" Louis
jusqu'à !..
des notables 1\ . 1/ inù ,
Français, de /'././/'.'. ri surtout de
la vérité^ ou Histoii rolu-
liou d el île l'Assemblée
p ut. , in
( i's| i:.;. BUÏte et un |
MON
Journal de l'abbé Royou. V. Bé-
ponse aux réflexions de M. Ne.cker ,
.sur le j>rocès intenté à Louis xvr,
1 79'j , in - 8°. ( V. Necker. ) VI.
Avis à la Convention, sur le pro-
cès de Louis xvi, 1792, in-8(>. Il
y démontre avec beaucoup de force
qu'elle n'a pas le droit d'examiner
les actes du gouvernement de ce prin-
ce , et qu'il ne peut pas en être res-
ponsable. VII. L'Almanach des hon-
nêtes gens, 1792-93, 2 vol. in- 18;
— des gens de bien, 1 795-97 , 3 vol.
C'est un recueil d'anecdotes et de piè-
ces littéraires; il yen a quelques-unes
de fort piquantes. VIII. L1 Histoire
de la conjuration de Robespierre ,
1 794, in-8°., trad. en angl. IX. His-
toire de la conjuration de D' Or-
léans , 1796, 3 vol. in-8°. L'auteur
n'avait pas eu de bons matériaux, et
il rapporte bien des faits apocryphes.
X. Eloge historique de Louis XVÏ,
Neufchatel, 1797, in-8°. XL Eloge
historique de Marie- Antoinette, rei-
ne de France, 1 797 , in 8°. , trad. en
allemand et en hollandais. L'auteur
a refondu cet ouvrage, en 1814, sous
le litre à' Histoire de Marie- Antoi-
nette, 2 vol., in -8°. fig. Cette nou-
yelle édition est enrichie d'une lettre
de Mme. la princesse de Cliimay , qui
est pleine de détails intéressants.
On doit regretter qu'il n'ait pas pu
consulter des personnes assez ins-
truites de tout ce qui concernait la
reine, avant de mettre la dernière
main à son ouvrage, défiguré par
une foule d'inexactitudes. Il s'y est
d'ailleurs permis une attaque peu dé-
licate contre M. de Bertrand-Molle-
ville, qui lui répondit par une lettre
insérée dans la Quotidienne du 1 1 dé-
cembre 1 8 1 4 ( V. Bertrand, au Sup-
plément ). XII. Histoire de la révo-
lution de France, depuis la présenta-
tion au parlement de l'impôt terri-
MON
torial , jusqu'à la conversion des
états-généraux en assemblée natio-
nale, 1797,2 vol. in-8°. XIII. His-
toire des quatre Espagnols , 1801,
4 vol. in- 1 2 ; 3e. éd. , 1 8o5 , 6 vol.
in-12. XIV. Inès, de Léon, ou His-
toire d'un manuscrit trouvé sur le
mont Pausilippe , 1802 , 5 vol. in-
1*2. Ce roman ne vaut pas le précé-
dent, dont il n'est d'ailleurs qu'une
imitation. Tous deux ont ce carac-
tère d'intérêt qui tient à la curiosité
et à la physionomie bien tracée de
plusieurs personnages; mais ils sont
trop chargés d'incidents, et fatiguent
par une diction traînante. XV. Eloge
hi' torique de Bochart de Saron
1800 , in-8°. ( V. Bociiart, iv,
628. ) XVI. Le, Bourbons , ou Pré-
cis historique sur les aïeux du roi et
sur sa Majesté, etc. 181 5 , in-8°. ,
avec 20 portraits. On trouve dans le
Journal de la librairie ( 1816, pag.
2i5 ), une notice sur Montjoie , sui-
vant laquelle il paraît que ses vrais
noms étaient Ch arles - Félix - Louis
Feîstre de la Touloubhe. W — s.
MONTJOSIEU (Louis de.) , en
latin Demontiosius , savant anti-
quaire , était né au seizième siècle ,
dans le Rouergue , d'une famille no-
ble. Il s'appliqua d'abord à l'étude
des mathématiques avec beaucoup
d'ardeur; et étant venu à Paris, il fut
chargéd'en donner des leçons au duc
de Joyeuse. Il accompagna ce prin-
ce à Rome, en i583 , et profita de
son séjour en cette ville, pour se li-
vrer à la recherche des antiquités.
Son érudition et sa politesse lui mé-
ritèrent l'affection des savants et la
bienveillance du pape Sixte - Quint.
A son retour en France, il se char-
gea de purger la ville de Paris des
boues dont elle était remplie ; et cet- .
te entreprise ruineuse dérangea beau-
coup ses affaires : il se maria pour
MON
les reparer. Mais, dit Je Thon ,1'in
digne femme qu'il prit , fut cause lie
la mort de ce savant homme , <]ui
méritait de vivre plus long-te
De Thon nous apprend que Montjo-
sieu avait écrit sur la mécanique. De
tous ses ouvrages, le plus connu et
le seul qui soit recherché des cu-
rieux, est celui qu'il publia a Home,
en f585, in-4°. , sous ce titre: Gal-
lus Homœ hospes , ubi multa anti-
quorum monumenta erjflicantur ;
il est divisé en cinq livres. Le troi-
sième : De sculpturd, cœlaturd,
gemmarum scalpturd; et le quatriè-
me : De picturd antiquorum, ont été
insérés*, par Laët, clans son édit. de
Pitmve, Amsterd. , 1649; et par
Grouovius , dans le Thesaur. antiq.
greecar. , tome i\ : mais l'ouvrage
n'a point été réimprimé en entier,
comme l'ont avancé quelques biblio-
graphes-aussi est-il de la plus grande
rareté. On en trouvera la description
dans la Bibliot. curieus. de Dav, Clé-
ment , au mol De MONTIOSWS. 1 1 est
assez singulier que Junius n'ait point
connu le livre deMontjosieu , Depic-
turd veterum ; il ne le cite point dans
la liste des auteurs qu'il a consultés
pour rédiger son Traite' sur le même
sujet. Nos anciens bibliothécaires ,
Lacroix du Maine et Duverdier, don-
nent les titres de plusieurs
de Montjosieu, tout- onnus
aujourd'hui : Le
niel et les jours d 'Ezechiel .
chant le temps et le nom!)!
années que Jésus-Chrisl . le M
devait être en ce mon
— Traité de la nouvelle cosmogra-
phie, auquel sont montrées le
des astroi. Hit aux tri-
plicit< - Deu v livres de
la doctrin \ • l'ex-
plication des nombres p|
œuvre excellent , dit Duverdier , et
de grande érudition. — De re nu-
m aria et ponderibus. — Les précep-
tes de rhétorique mis ex a
table , par une singulière met
W— s.
MONTLINOT(Çharleé
Leglerc dl ) , né à Crespi en Valois ,
en i^3a , était ecclésiastique et cha-
noine de la collégiale de Saint-Pierre
à Lille ; plusieurs académies lui ou-
vrirent leurs portes : au bonnet de
docteureo théologie, il joignait celui
de docteur en médecine; et son exis-
tence pouvait être à -la -fois a
ble et honorable : elle n'en fut pas
plus tranquille. A la suite d'une que-
relle littéraire ( V . ci-après , n°.
IV ) , il fut obligé de quitter Lille ,
en 17O5, et même de résigner son
bénéfice. 11 vint à Paris , et y fut
libraire pendant quelque temps; mais
le commandant dé la Flandre fran-
çaise le lit reléguer à Soissons, en
vertu d'une lettre de cachet : il y fut
bien accueilli par l'intendant , et
placé a la tête An dépôt de mendicité
de cette ville. La révolution le trouva
favorable à ses principes; et il fut
l'un des auteurs de la Clef du cabinet
des souverains ( avec MAL Pomme-
rcul , Peuchet, etc. j 11 est mort a
Paris, en 1801. On a de lui quel-
ques ouvrages, la plupart anonymes :
I. Préjugés légitimes contre
du sieur Chaumeix , 1 7 "><) , in
une réponse à un ouvrag*
dernier ( / . Cb w m ix, vin,
où par erreur Montlinot est appelé
Mohnet ). Cet 1 attribué à
Diderot, et insère par méprise dans
une édition de ses œui reS 1 77 3 ,
5 vol. in-H". ) , avait reparu , en
i-(io , sous le titre deTi
de plusieurs articles de
, ou Préjugé
IL l
Rotice air.
5qo
WON
Tes, aveclsurprix, 1 760,111-24, de 7 1
pag'S, dont les 20 premières con-
tiennent les titres ei fau ; titres , et
1111 calendrier ; dans Le reste dû vo-
) :c il est question de 44 ouvrages
rangés par ordre alphabétique , soit
des titres , soit des auteurs ; c'est un
livre insignifiant : l'auteur annon-
çait le projet d'y joindre plusieurs
suppléments; il n'en a paru aucun.
III. Esprit de LaMothe LeVayer ,
1^63, in-12. IV. Histoire de la
nulle de Lille, depuis sa fondation
jusqu'en 1 43 4 ^ Paris, 1 764 » in-ia.
Un moine deGisoing , nommé War-
iel, prévôt de Hertsbeighe , est l'au-
teur de la brochure anonyme inti-
tulée Observations sur V Histoire de
Lille, 17G5, in- ta; et ce futl'acreté
du style de ses observations qui força
Montlinotd'abandonner sa prébende,
et l'empêcha de publier le deuxième
volume qui était terminé. V. Dis-
cours qui a remporté le prix de la
société d'agriculture de Soissons,
en 1779, Lille, 1780, in -8°.;
la question était : Quels sont les
moyens de détruire la mendicité et
d'occuper utilement les pauvres? V I.
JEiat actuel du dépôt de Soissons ,
précédé d'un Essai sur la mendicité ,
1789 , in- 4°. ; Y Essai , etc. , a été
imprimé à part, iu-8°. Montlinot
avait publié antérieurement quatre
comptes rendus de l'établissement
de Soissons, à la tête duquel l'avait
préposé le gouvernement. Ces diiïé-
rents rapports furent assez bien re-
çus du public; et l'expérience de
Fauteur , dans cette branche d'admi-
nistration , le fit associer aux tra-
vaux du comité de mendicité de
l'assemblée constituante. VII. Ob-
servations sur les enfant s -trouvé s
de la généralité de Soissons , 1790,
in-8\ Cette courte brochure, fruit
d • recherches commandées par le
MON
ministre des finances, indique les
causes de la progression du nombre
des enfants abandonnés, dans cette
iiié , et renferme quelques
idées d'amélioration sur la législa-
tion des enfants naturels. VIII. Es-
sai sur la transport ation comme ré-
compense , et la déportation comme
peine , 1797 , in -8°. Montlinot est
auteur de la préface de l'édition du
Robinson Çrusoé, publiée en 3 vol.
in -8°. CF. Foe, XV, 119. )
A. B— t.
MONTLUC ( Blaise de Lasse-
rAn-Massencome, seigneur de), ma-
réchal de France, naquit au château
de Montluc, vers i5o^. La maison
à laquelle il appartenait, était une
branche de celle d'Ârtagnan-Montes-
quiou, l'une des plus illustres de la
Guienne. 11 était l'aîné de six enfants,
qui n'avaient en perspective que le
partage d'un patrimoine montant à
peine à mille francs de revenu. Cet-
te situation lui commandait de re-
chercher le patronage de quelque
grande maison. Tandis qu'on prépa-
rait deux de ses frères à l'état ecclé-
siastique, on le plaça , en qualité de
page, auprès d'Antoine, duc de Lor-
raine , fils de ce René qui abattit
l'orgueil de Charles -le -Téméraire.
Montluc, après le premier appren-
tissage des exercices de gentilhom-
me, lit partie de la compagnie d'ar-
chers du duc; Bayardla commandait
alors: mais, frappé du bruit des faits
d'armes de ses compatriotes en Ita-
lie, Montluc n'hésita point à s'éloi-
gner de ce chef renommé, pour sui-
vre une carrière de gloire plus brillan-
te et plus rapide. A peine âgé de dix-
sept ans, il prend congé de son père,
dont il a reçu un chevalet vingt pisto-
les, et va rejoindre le maréchal de
Laulrec , qui affectionnait sa famille ,
et auprès duquel deux de ses oncles
MON
servaient à cet le époque. Il se fait re-
marquer au combat de La Bicoque ,
en 1 523 y et lorsque les Français sont
forcés d'évacuer le Milancz , il suit
Lautrec dans le Béarn , où l'on crai-
gnait une invasion des Espagnols.
Là , il prend sur lui de conduire ses
soldats à l'ennemi, contre l'avis de ses
chefs; et, après une action très-vive,
exécute une retraite difficile , dont il
remporte tout l'honneur. Mis à la
îête d'une compagnie d'hommesd'ar-
mes, il fut presque aussitôt compris
dans les réformes que François Ier.
ne put se dispenser d'opérer dans son
armée, après la prise de Fcntarabie
et la défection du connétable de Bour-
bon. Montluc combattit a la journée
de Pavie : il y fut fait prisonnier ;
mais on le renvoya sans rançon, dès
qu'il eut fait connaître qu'il n'était
qu'un soldat de fortune. On le revit
sous les drapeaux de Lautrec , dans
l'expédition de Naplcs. Il fut dan-
gereusement blessé au siège d'As-
coli. Le fameux Pierre de Navarre,
qui avait débuté comme lui en qua-
lité de simple soldat , lui accorda
son amitié , et obtint pour lui la
confiscation d'une baronie de douze
cents ducats de revenu , appelée la
Tour de V slnnonciade . Montluc ne
U posséda que pendant le court
intervalle où les Français se main-
tinrent dans l'état de Naples. Il vint
offrir ses services a Marseille, as-
siégée par Charles - Quint. Il im-
portait de détruire le moulin d'Àu-
riole, situé à cinq limes de la ville ,
et qui assurait des subsistances à l'ar-
mée impériale; mais l'entreprise pa-
ait impraticable : plusieui
piiaines avaient refusé de s'en char-
Vlontluc, dont la 'vivacité gas-
conne affrontait 1<- péril comme on
court a une fête i brûle
!«: moulin à la vue de l'ennemi. Cho-
MON 5g i
que de ce que son nom avait été ou-
blié dans le rapport qui fut fait de
cette action au roi, il se retira dans
ses terres. Un brevet de capitaine de
gens de pied le consola de cette in-
justice; et en i538, il se rendit dans
le Piémont , où Brissac lui confia le
soin de réduire les petites places qui
environnaient Turin. Peu s'en fallut
qu'un coup de main de Montluc ne
terminât la guerre ; il ne manqua
que d'un quart-d'heure le duc de Sa-
voie, qui, protégé par une faible
escorte, entendait la messe dans un
village voisin. Le comte d'Enghien
ayant obtenu le commandement de
l'armée , Montluc fut envoyé à la
cour pour solliciter l'autorisation de
livrer bataille. On lui permit c!e pren-
dre part à la discussion qui s'ouvrit
à ce sujet dans le conseil; il y parla
de l'impatiente valeur de l'année
avec une telle chaleur, il parut telle-
ment assuré de la victoire , qu'il en-
traîna le roi , malgré l'opposition du
connétable de Montmorenci. La ba-
taille fut livrée à Cérisoles; Montluc
y combattit à la tête des arquebusiers,
et s'y couvrit de gloire. Le comte
d'Enghien voulut l'armer chevalier
de sa main; mais Montluc murmura
hautement de ce qu'on lui eût préfé-
ré , pour porter à la cour la nouvelle
de la victoire, un gentilhomme en-
crédit, le comte des Gars , préféren-
ce qui lui enlevait la meilleure occa-
sion d'agrandir sa fortune. Le dur
de Guise, qui protégeait, dans Mont-
luc, un homme dévoue', dis ses plus
jeunes années, à la maison de
raine, lui fit conférer 1<
mestre-de-camp et le commandement
de douze cents hommes , qu'il s1
sait de lever- dans la (iuii :
lue , après une courte campa:-
Picardie , et une autre en Piémont,
retourna dans cette dernière contrée,
5q:ï MON
en i5ao , sous les ordres de Brissac.
Il fut grièvement blesse au siège de
Quiers. On désespérait de forcer le
château de Lanzô , parce qu'on re-
gardait comme impossible de l'at-
taquer avec de l'artillerie , à cause
de sa position : Montluc s'opiniâtra
contre l'avis de tous ses chefs; il
réalisa le transport de canons , qui
paraissait impraticable, et les as-
siégés demandèrent à capituler. La
délivrance de San - Damian, la dé-
fense de Bène, la prise de Cortemi-
glia et de Géva , confirmèrent en-
core sa brillante réputation ; et le
roi lui confia le gouvernement d'Al-
be. Les Siennois s'étant déclarés in-
dépendants , sous la protection de
la France, Montluc fut envoyé pour
les soutenir. L'armée du maréchal
de Strozzi , qui couvrait Sienne ,
menacée par le marquis de Mari-
gnan ( V. ce nom ) , venait d'être
complètement battue. Montluc , ren-
fermé dans la place, insphe aux
assiégés une constance héroïque. Af-
faibli par la maladie , il ordonne ,
de son lit, des mesures vigoureuses.
Dans notre métier, disait il , il faut
être cruel , et Dieu nous doit misé-
ricordepour avoir j'ait tant de maux.
Cependant il repousse le conseil de
Strozzi , qui voulait le massacre des
habitants non dévoués à la France.
Les femmes , électrisées par sa voix,
partagent les travaux de la défense
commune. Il apprend que la crainte
de le perdre répand l'abattement par-
mi les Siennois. Aussitôt il vide quel-
ques flacons de vin grec, pour rani-
mer son teint, revêt des chausses de
velours cramoisi, quil portait au-
trefois pour l'honneur d'une dame
dont il était amoureux, quand il en
avait le loisir, et, dans un équipage
magnifique , se transporte au sénat.
« Éh quoi! s'écrie-t-il, pensez-vous
MON
» que je sois ce Montluc qui s'ei
» lait mourant parles rues ? JV
» celui-là est mort, et je suis un au-
» tre Montluc. » Le sénat lui dé-
cerne la dictature ; et son premier
acte est de jeter hors de la ville tou-
tes les bouches inutiles. Le marquis
de Marignan , qui voulait mettre un
terme à cette résistance désespérée,
lui offrit les conditions les plus avan-
tageuses , s'il consentait à capituler.
Montluc répondit avec hauteur que
jamais on ne verrait son nom en pa-
reille écriture : seulement il permit
aux Siennois de traiter pour eux et
pour les troupes françaises , et sortit
de ia place avec tous les honneurs de
la guerre , le 11 avril i555. Henri II
lui donna en récompense le cordon
de Saint-Michel et une compagnie
d'hommes d'armes , et mit à sa dis-
position deux charges de conseillers
au parlement de Toulouse Montluc
fut renvoyé en Italie , pour défendre
ce qui restait de territoire aux Sien-
nois. Le pape Paul IV, en guerre
avec Charles-Quint , arrêta , par ses
secours les progrès du duc d'Aibe ,
et recouvra Oslie et Civita-Vecchia.
Le désastre de Saint-Quentin fit rap-
peler Montluc en France ; il se si-
gnala , sous le duc de Guise , aux
sièges de Calais et de Thionviiie , et
remplit les fonctions de colonel -gé-
néral de l'infanterie française, après
la 'destitution de d'Andelot. Il séjour-
na quelque temps à la cour , et vou-
lut une fois se donner de l'impor-
tance au milieu des intrigues qui la
divisaient ; mais le duc de Guise lui
ayant rappelé assez durement qu'il
n'était qu'un soldat , il se contenta
du rôle de serviteur aveugle de ce
chef de parti. Aussi , dans ses Mé-
moires , glisse-t-il entièrement sur un
règne dont son orgueil avait souffert.
Après la mort de François II , Mont-
MON
lue changea le titre de guerrier illus-
tre contre celui de Boucher royalis-
te, que lui méritèrent ses cruautés.
11 s'établit une affreuse rivalité entre
lui cl le baron des Adrets , l'un
chefs des protestants. Nommé, en
1 504, lieutenant-général au gouver-
nement de Guienne , Moutluc mul-
tiplia les exécutions contre les pro-
Qts , avec une joie féroce. L'in-
dignation s'allume , quand on en lit
les détails tracés dans ses Mémoires,
avec la plus odieuse gaîté. Il avait
demandé d'abord deux maîtres des
requêtes pour donner une appan nce
légale à ses fureurs : bientôt il s'en
débarrassa , en les accablant de dé-
goûts. L'un des premiers généraux
de la France parcourait, accompa-
gné de deux bourreaux , la province
confiée à son autorité; et ses mains
usurpèrent souvent les fonctions de
ces misérables. Lui-même est le plus
véhément de ses accusateurs : « On
» pouvait connaître, dit-il , par où
» j'avais passé; car par les arbres sur
» les chemins on trouvait les ciwi-
» gnes. » Ces enseignes étaient les
cadavres de ses victimes. Le capi-
taine lléraud , qui avait long-temps
combattu à ses cotés , et dont il
estimait la valeur, fut du nombre de
ces infortunés; les officiers catholi-
ques demandée i
ce: le monstre resta inflexible. La
reine de Navarre , que
Mcntluc , ne réussit pas mie
modérer son fanatisme. En ;
il reçut , à l'assaut de il ibasteins ,
un coup d'arquebusade qui lui perça
les deux joues, lui enleva une partie
du nez , cl le « it de se cou-
vrir d'un masque le reste de sa vie : il
se vengea, en passant au lil dePé] ée
tous les habitants. < I , d'in-
telligence avec l'ennemi, d'avoir ran-
çonné le peuple , et pillé les linau-
XXIX.
MON 5<j3
ces du roi , dans la guerre contre
i otestants de Guienne ; mais
son zèle effréné lui faisait ti
défenseurs à la cour. On lui di
enfin pour successeur le marquis de
Villars. ùiontiuc assista encore au
siège de la Rochelle, en 1573»; ce
fut le dernier acte de sa vie militaire.
L'année suivante, Henri Tlï lui ac-
corda le bâton de maréchal de Fran-
ce. 11 avait pensé à finir ses jours
dans un ermitage , sur les Pyrénées;
mais il se ravisa , et retiré dans
sa terre d'Estillac , près d'Agen , il
y mourut, en 1077. C'est là qu'il
rédigea en sept livres ses Commen-
taires , ou Mémoires de sa vie mili-
taire. Les quatre premiers livres s'é-
tendent depuis 1 5 1 9 , époque de son
entrée au service, jusqu'à la paix de
Càleau-Cambresis , en 1 j.jf); les trois
antres embrassent le règne de Char-
les IX. On y retrouve sa vivacité
originale, sa brusquerie, sa jactance,
et l'audace d\\n homme qui avait
plis pour devise : Deo duce et ferra
comité. La narration de Moutluc est
entremêlée d'exhortations à l'usage
des officiers auxquels il se propose
pour exemple. Les excellentes leçons
militaires consignées dans ce livre ,
l'ont fait comparer aux Mémoires
de Lanoue ; et Henri l\r l'appelait la
Bible des soldats.. Moutluc tronque
souvent les noms; sa mémoire est in-
fidèle sur les dates : mais sa véracité
n'est point suspecte. Aussi de Thou
le prend-il habituellement pour gui-
de. Boyvin du Villars, il est vrai, se
trouve df temps en temps en contra-
diction avec lui ; mais cette con-
tradictiou s'explique par la partia-
lité de !;<;\ vin pour liai de
: îitluc
ont eu sept édition! d'être
compris dans le recueil général des
. relatifs à l 'histoire de
5f)i MON
France. La première édition est
celle de Bordeaux, Millanges, 1592,
in-fol.; elle fut publiée par les soins
de Florimond de Raimonl, conseil-
le? au parlement de Toulouse. On a
cherche plus ou moins, dans les
éditions subséquentes , jusqu'à la
septième de 1760, à rajeunir les
expressions. Ces Mémoires ont été
traduits en anglais ; et l'on en con-
naît deux traductions italiennes. —
Monïluc ( Pierre de ), dit le ca-
pitaine Peyrot , fils du maréchal,
équipa trois vaisseaux , et partit de
Bordeaux , en 1 568 , pour visiter les
côtes d'Afrique , résolu d'y assurer, à
quelque prix que ce fût , des retraites
à nos marchands , en y bâtissant des
forts. Une tempête le porta dans un
des ports de Madère- et comme on
était en paix ai-ec les Portugais , il
croyait n'avoir rien à craindre d'une
dation amie : mais on fit feu sur lui ;
il eut même, dans la surprise, quel-
ques gens blessés. Irrité de cette
perfidie , il descendit à terre, prit la
"place, la saccagea ; et il eût poussé
plus loin sa conquête, s'il n'eût été
Blessé à mort. La perte du chef porta
le découragement dans sa troupe :
ils revinrent promptement en Fran-
ce. La cour d'Espagne fit porter des
plaintes par son ambassadeur : mais
l'amiral de Gliâtillon prouva dans le
conseil que les Portugais avaient été
les agresseurs , et l'affaire n'eut pas
d'autre suite. Montluc eut quatre au-
tres lîls héritiers de sa bravoure et
de sa haine farouche contre les pro-
testants ; l'aîné , "dit Brantôme , ne
s'épargna pas à la journée de la St.-
jBarthélemi. F — t.
MONTLUG (Jean de), aussi
liabiie négociateur que le maréchal
son frère était grand capitaine, ca-
chait ses talents sous l'habit de do-
xiùuicaiu, lorsque la reine de Na.-
MON
yarre, sœur de François Ier., char-
mée de son esprit délié, et de son
penchant pour les opinions nouvel*
leé , le tira de son couvent pour
l'amener à la cour. Il sut bientôt
s'insinuer dans l'esprit de François
Ier., et s'éleva encore à une plus
haute faveur sous Henri IL La car-
rière diplomatique s'ouvrit devant
lui, et devint le principe de sa for-
tune. L'Irlande, la Pologne, l'Ita-
lie, l'Angleterre, l'Lcosse , l'Alle-
magne, et même Gonstantinople, le
virent successivement stipuler les
intérêts de la France. Il remplit jus-
qu'à seize ambassades. La première ,
dont on ne recueillit pas tout le fruit
qu'on s'en était promis , était extrê-
mement délicate : il s'agissait d'en-
gager les Irlandais à se jeter clans
les bras du roi de France. Montluc,
au retour de son ambassade à Cons-
lantinople, remplit à Rome les fonc-
tions de protonotaire : il se concilia
la confiance des ministres qui y re-
présentaient la France • il sut se ren-
dre nécessaire, et bientôt tous leurs
secrets diplomatiques passèrent par
ses mains. L'évêque de Limoges ,
nommé à l'ambassade de Rome, fut
offusqué de l'ascendant qu'y prenait
Montluc ; mais celui-ci eut le crédit
de faire rappeler le prélat. Montluc
ne fut pas moins heureux en Polo-
gne. La diète, assemblée pour donner
un chef à la nation , se laissa sédui-
re par son éloquence appuyée d'a-
droites largesses, et fît tomber ses
suffrages sur Henri de Valois , qui
régna depuis en Fiance sous le nom
d'Henri III. Montluc avait aupara-
vant ( en i5Go ) conclu, à Edim-
bourg , un traiié qui rendait le
calme à FLcosse en paraissant la
soustraire à l'influence rivale de la
France et de l'Angleterre. Ses ser-
vices furent récompensés, dès a ■
MON
par l'évêche' de Valence et de Die.
Le nouveau prélat avait adopté les
principes de tolérance de L'Hôpi-
tal; et le langage qu'il tint , de con-
cert avec Marillacspn émule , à l'as-
semblée des notables qui eut lieu
à Fontainebleau sous François II ,
fortifia les soupçons qu'on avait con-
çus sur sa croyance. Il n'avait fait
cependant qu'insister fortement sur
la nécessité d'une réforme ecclésiasti-
que et sur la prochaine convocation
d'un concile national. Au reste, il
mesurait sa politique sur celle de Ca-
therine de Médicis , à laquelle il de-
meura constamment attaché. IL ne
laissait percer d'hérésie dans sa con-
duite , dit M. Lacretebe , qu'autant
qu'il convenait à la reine. 11 prêchait
à la cour une doctrine versatile ,
faite pour essayer les dispositions des
courtisans. I.a reine goûtait fort cette
sorte de prédication; et elle y condui-
sait assidûment Je roi , laissant gron-
der le connétable de Montmoi •
qui se plaignait qu'on pervertit le
prince. Ce vieux guerrier ne se con-
traignait pas de son côté dans sa ma-
nière d'exprimer son improbation
sur les innovations qu'on essayait
sous ses yeux. Un jour que \\ ■
de Valence pariait en ehain
chapeau et en manteau , ce costume
inusité révolta tellement le connéta-
ble , que , se levant l'œil en feu , il
donna l'ordre a ses gens d'aller
ser cet évèque travesti en mi-
nistre. L'orateur , déconcerté par
celte brusque apostro -'don-
ûssi-bien n'eût-il pas
été sage <f la colère di
vere Mont moi- connaît le
plaisir qu'avai' ,ble à trou-
bler les pi et son
goût pour les e
qui lui faisai ml s<
pre ses patcuôt.
MON 5cp
vit de l'évêque de Valence pour ten-
rapprocher les chefs du parti
catholique et ceux du parti protes-
tant. On dit que le négociateur ré-
digeait en même temps les lettres
de la reine et celles du prince de
Coudé. Il ne voulait sans doute
présenter aux contendants qu'un
leurre politique, puisqu'il leur ht la
singulière proposition de se sacrifier,
par un exil volontaire, au repos de
leur pays. Peut-être que toutes les
secrètes affections de Mont lue se bor-
naient à l'établisscmentde la réforme
telle qu'elle existe eu Angleterre, où
l'épiscopat est conservé. Dans son
diocèse, il s'enveloppait sous de pru-
dents dehors , comme l'attestent ses
instructions au clergé et au peu-
ple de Valence , imprimées en
i;>">7 , et ses ordonnances synodales
publiées l'année suivante. Il déroba
longtemps au public la connaissance
de son mariage clandestin avec une
demoiselle , nommée Anne Martin ,
il eut un fils naturel ( i
l'article suivant ). L'ambiguïté de-
là conduite de Montluc fut enfin dé-
noncée à la cour de Rome ; et Pie
IV le condamna comme hérétique.
Mais comme l'accusateur du prêtât ,
j en de Valence, n'avait pu éta-
blir les faits à charge, d'une manière
authentique , et qu'il n'avait point été
donné de juges in parlibus à Mont-
luc, celui ci traduisit son adversaire
par-devant le parlement de Pa; .
obtint des dommages-intérêts, par
du 14 octobre i5(io. 11 parut,
sur la iii.de sa vie, rentrer toul
dans h' communion
mourut à Toulouse, «f
e, le i3 avril
auparavant, il
une ai Barthelemi.
Ses Servions, ii
>. volume- ut rv-
596
MON
marquantes par leur hardiesse et par
l'artifice qui déguise la pensée secrète
de l'orateur. Biaise de Montluc, dans
ses Mémoires, semble éviter de par-
ler de son frère , dont les opinions
et la politique tranchaient entière-
ment avec sa rude franchise et son
fanatisme déclaré. Le jésuite Colombi
a entrepris une apologie des senti-
ments religieux de Févêque de Va-
lence. « Je ne crois pas , disait le ma-
» réchal de Montluc , qu?un homme
» si savant , comme on dit qu'est
» mon frère, veuille mourir sans
» escrire quelque chose , puisque
» moi , qui ne sçais rien , m'en suis
» voulu mesler. » L'éveque de Va-
lence eut en effet le dessein de rendre
compte au public de ses travaux di-
plomatiques si multipliés, et aux-
quels il appliquait ce vers de Vir-
gile :
Quœ regio in terris nostri non plena laboris ?
Mais les distractions du plaisir et de
l'intrigue l'empêchèrent de donner
suite à ce projet. Les détails de sa
mission en Pologne nous ont été
transmis par Jean Choisnin de Châ-
telleraut , témoin oculaire , dans son
Discours au vrai de tout ce qui
s'est passé pour la négociation de
l'élection du roi de Pologne, 15^4»
petit in-8°. Quelques traits du por-
trait de Panurge, qui conviennent à
l'éveque de Valence, ont fait penser
sans fondement à Lamotteux, com-
mentateur de Rabelais, que Jean de
Montluc était le type de T'ébauche
satirique du curé de Meudon. F-t.
MONTLUC. (Jean de), seigneur
de Balagny , et fils naturel du pré-
cédent, fut légitimé en 1567. ^ sul~
MON
vit son père en Pologne, sans que
cette inconvenance fût remarquée ; et
à son retour , il s'attacha au duc d'A-
lençou,qui lui fit obtenir le gouver-
nement de Cambrai. Après la mort
de son protee'eur, il se jeta dans le
parti de la Ligue, où il ne recueillit
que le mépris. Les troupes qu'il avait
conduites au duc d'Aumale devant
Senlis, furent ignominieusement bat-
tues , et subirent , dans les champs
d'Arqués, une nouvelle défaite. Bala-
gny crut avoir effacé sa honte, en
contribuant à la levée du siège de
Paris et de celui de Rouen. Renée de
Clermontd'Amboise, sa femme, di-
gne sœur de Bussy-d'Amboise, digne
surtout d'un autre époux, se ména-
gea une entrevue avec Henri IV, en
if>Q4, fit rentrer Balagny dans ses
bonnes grâces, et obtint pour lui le
bâton de maréchal de France, et
la principauté de Cambrai. Balagny
jouit peu de temps de ces honneurs.
Sa' domination devint insupportable
aux Cambraisiens, que sa mollesse et
sa lâcheté avaient depuis long- temps
soulevés contre lui. Ils reçurent les
Espagnols dans leurs murs , et assié-
gèrent dans la citadelle leur récent
souverain. Envain Renée opposa une
défense héroïque , et s'efforça de ra-
nimer le courage de la garnison , pa-
ralysée par l'indolence de son chef:
elle ne put prévenir la capitulation -
mais elle expira de douleur avant
d'être témoinde cette disgrâce humi-
liante. Pour Balagny, indifférent à sa
chute, il s'en consola dans les bras
d'une nouvelle épouse, Diane d'E-
trées, sœur de la belle Gabrielle. Il
mourut en i6o3; sa postérité s'étei-
gnit à la 2e. génération. F — t.
FIN DU VINGT-NEUVIEME VOLUME,
** Biographie universelle,
ancienne et moderne
l
t. 29
PLEASE DO NOT REMOVE
CARDS OR SLIPS FROM THIS POCKET
UNIVERSTTY OF TORONTO LIBRARY
/■ ,i-.''^
*fc*>£ïiï
*?■«•
• ■■.'.-.v^'.*:',^'^::,;.
■'••-■i?v
• v£ ■
Jfô
:?».'.£: i-
v.-^';':*.