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Full text of "Biographie universelle, ancienne et moderne; ou, Histoire"

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BIOGPvAPHIE 

UNIVERSELLE , 

ANCIENNE  ET  MODERNE, 
MID^-MONTL. 


DE  L'IMPRIMERIE  D'ÉVERAT, 

RUE  DU    CADRAN,     N°.     l6. 


BIOGRAPHIE 

UNIVERSELLE, 

ANCIENNE  ET  MODERNE, 

ou 

HISTOIRE,  PAR  ORDRE  ALPHABETIQUE,  DE  LA  VIE  PUBLIQUE  ET  PRIVe'e  DE 
TOUS  LES  HOMMES  QUI  SE  SONT  FAIT  REMARQUER  PAR  LEURS  ECRITS , 
LEURS  ACTIONS,  LEURS  TALENTS,  LEURS  VERTUS  OU  LEURS  CRIMES. 

OUVRAGE    ENTIÈREMENT     NEUF, 

11EDIGÉ  PAR  UNE  SOCIÉTÉ  DE  GENS  DE  LETTRES  ET  DE  SAVANTS. 


On  doit  des  égards  aux  vivants;  on  ne  doit  aux  morts 
que  la  vérité.  (VoLT. ,  première  Lettre  sur  OEdipe.) 


TOME  VINGT -NEUVIEME. 


A  PARIS, 

CHEZ  L.  G.    MICHAUD,   LIBRAIRE-ÉDITEUR, 


KDE    DE    CLERY,    N°.     1 5, 


r82i. 


V 


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TY  OF 


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SIGNATURES    DES    AUTEURS 


DU   VINGT- NEUVIEME   VOLUME. 


MM. 


MM. 


A.  B— t. 

Beuchot. 

A— D— r. 

Amar-Durh  1ER. 

A—G— R. 

Alger. 

A.  R— t. 

Abel-Remusat. 

A— T. 

11.  Acdiffret. 

B— p. 

De  Beaj^ciiamp. 

B— u. 

Beau  lieu. 

C  —  AU. 

Catteau-Calleville. 

C.  M. P. 

PlLLET. 

D_B_S. 

Dubois  (Louis  ). 

D— G. 

Depping. 

D— G— s. 

DeSGE  NETTES. 

D— is. 

Dupeessis  (  Adolphe  ). 

D— L— E. 

Delambre, 

D.  !..  :-i 

Dureau  de  La  Malle 

D— P— G. 

Du  i' arc, 

D— s. 

Desportes-Boscheron. 

D— u. 

Duvau. 

D— z— s. 

Dezos  de  la  Roquette 

E— 8. 

EyribS. 

F — D — R. 

Friedlander. 

F.  P— t. 

Fabien  Pillet. 

F— r. 

Foorsier-Pescat. 

F — T. 

Foissbt  aine. 

F-/.. 

;    —    :  . 

'  .  .      (.E. 

Màr.  Raymond. 

G —  T — il. 

Gacttier, 

G— ». 

' 

H— o— ». 

•    l  I  Y  . 

J  — N. 

L. 

Lefebvre-Cauciiy.  ' 

L — B — E. 

Labouderie. 

L— ie. 

Lasteyrie. 

L P-— E. 

HlPPOLYTE  DE  LaPORTE. 

L S E. 

Lasalle. 

L— T— l. 

Lally-TollendAl. 

L— Y. 

Lécuy. 

M— D  j. 

Michaud  jeune. 

M— É.     . 

Monmbrqce. 

M— N— D. 

MONUD. 

M— ON. 

Marron. 

N— h. 

Nauciie. 

P G T. 

Picot. 

P— E. 

Ponce. 

P.  et  L. 

Percy  et  Laurent. 

P.  L. 

Prévôt-Lutkens. 

P— s. 

PlRIÈS. 

R-D. 

Reinaud. 

S.  D.S Y 

.  Silvestre  de  Sacy. 

S.  M— n. 

Saint-Martin. 

S— R. 

Stapfer. 

S.  S— i. 

Soionde  Sismondi. 

S — v — s. 

De  Skvelinges. 

S-Y. 

De  Salabekrv. 

T— D. 

;\UD. 

U— i. 

Ustrri. 

Y— N. 

Vili.i:  M  Al\. 

V.  S.  L. 

\  'iycens-Saint-Laurent, 

W—  R. 

Walcken.er. 

V . 

tas. 

z. 

.  me. 

BIOGRAPHIE 

UNIVERSELLE. 


L\VV\VVVVVWVVVVWVV\VVVVVVVVVV\\WVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVV^^ 


M 


MlDDENDORP  (  Jacques  ) ,  phi- 
lologue ,  ne  en  i538,  à  Ootmer- 
sum  dans  l'Over-Ysscl ,  ayant  fait 
ses  premières  éludes  avec  succès , 
vint  achever  ses  cours  de  philoso- 
phie  et  de  jurisprudence  à  Cologne. 
II  embrassa  ensuite  l'état  ecclésiasti- 
que ,  et  fut  chargé  de  professer  la 
philosophie  dans  différents  collèges. 
Les  talents  qu'il  développa  lui  méri- 
tèrent des  protecteurs  qui  lui  procu- 
rèrent une  chaire  à  l'université  de 
Cologne,  dont  il  fut  élu  recteur  eu 
i58o.  Il  fut  pourvu,  quelque  temps 
après,  d'un  canonicat  de  la  collé- 
giale de  Saint-André,  et  d'un  autre 
de  la  cathédrale;  il  mourut,  doyen 
de  Saint-André,  le  i  3  janvier  161 1 , 
et  fut  inhumé  dans  le  chœur  de  la 
cathédrale ,  où  l'on  voyait  son  épi- 
taphe  ,  rapportée  par  Hartzheim  , 
Bibl.  Colon. ,  p.  i5<>  ;  elle  est  très- 
honorable.  Middendorp  était  labo- 
et  instruit;  mais,  manquant  de 
critique,  il  est  fort  sujet  à  prendre 
pour  des  vérités  les  rêves  de  son  ima- 
gination. On  a  de  lui  :  1.  tcalemiœ 
célèbres  in  iniiverso  terrarum  o  he 
libri  ii  Cologne  ,  i  567,  in-8'».;  nou- 
velle édit.  augmentée  ,  sous  ce  titre  : 
Academiarwn  celèbrium  imiversi 
orbis  libri r n i,\b\A.,  1602,  ?.  part. 
in-8  '.  Cet  Ouvrage  a  été  inséré  dans 
le  Chronicon  chronicor. ,  de  J.  Gru- 

XXIX. 


ter,  Francfort,  1614.  L'auteur  y 
débile  beaucoup  de  fables  et  d'idées 
singulières  sur  les  académies  dont  il 
recule  l'origine  jusqu'au  déluge  de 
Noë,  et  à  la  prédication  des  apôtres 
chargés  d'enseigner  les  nations.  Con- 
rinig ,  dans  la  préface  de  la  seconde 
édit.  des  Antiquitates  academicœ , 
a  jugé  avec  trop  d'indulgence  l'ou- 
vrage de  Middendorp  ;  mais  J.  Henri 
de  Seelen  a  relevé  quelques  -  unes 
de  ses  erreurs  dans  son  livre  De 
academiis ,  Lubcc  ,  1756,  in-/f°. 
(  V.  Seelen.  )  II.  De  offlciis  scho- 
lar.ticis  libri  duo,  Cologne  ,  iS^o, 
in-8".  III.  Imperaï onnn  regum  et 
principum ,  clarissirw  rwnque  viro- 
rwn  quœstiones  theologicœ ,  juridi- 
cœ  et  polilicœ ,  cum  jmlcherrimis 
responsionibus  selectœ ,  etc. ,  ibid. , 
i6o3,  in-8°.  IV.  Tlistoria  monasti- 
ca  quev  religiosœ  et  soHtariœ  vitee 
originem , progressives ,  incern en- 
ta et  naluram  denwnstrat ,  ibid., 
i6o3,  in-8°.  ;  réimprimé,  suivant 
Lengleî-Dufresnoy,  sous  ce  titre  : 
Sylva  originwn  anachoreticarum  , 
ibid.,  l6l5,  in-8°.  On  doit  encore 
à  Middendorp  une  é  liiion  gr.  et  lat 
de  l' Histoire d'Aristée ,  avec  un  cora> 
mentaire  ,  1578  (  V.  Aristke  ). 
"W— s. 
MIDDLETON  (Henri  ),  naviga- 
teur anglais ,  fut  choisi  par  la  eom- 
1 


2  MID 

pagnie  anglaise ,  pour  commander 
la  flotte  de  quatre  vaisseaux ,  qu'elle 
expédia  aux  Tndes  ,  après  le  retour 
de  Jacques  Lancaster ,  dont  les  con- 
seils dirigeaient  ces  armements.  Mïd- 
dieton  partit  de  Gravesend,  le  2 
avril  i  G04,  enti  aie  23  décembre  dans 
la  rade  de  Bantam ,  renvoya  deux 
de  ses  vaisseaux  richement  chargés, 
puis  alla  aux  Moluques  ,  fit  un  com- 
merce avantageux  «à  Ternate  et  à  Ti- 
dor ,  expédia  un  navire  à  Banda ,  et 
revint  en  Angleterre, le  6  mai  iGoG. 
Il  retourna  dans  les  mers  de  l'In- 
de, avec  trois  vaisseaux,  en  iGio. 
Ayant  appris,  en  relâchant  à  Soco- 
tora,  qu'il  trouverait  à  Moka,  un 
facile  débit  de  ses  marchandises  ,  il 
gagna  ce  port ,  et  y  fut  d'abord  très- 
bien  reçu  ;  mais,  peu  après,  les  Ara- 
bes le  saisirent  en  trahison  avec  plu- 
sieurs de  ses  gens  ,  en  tuèrent  quel- 
ques-uns, et  essayèrent  de  s'emparer 
des  bâtiments  ;  mais  ils  furent  re- 
poussés avec  un  grand  carnage.  Ce- 
pendant Middleton  fut  conduit  a 
Zenam  ,  dans  l'intérieur  des  ter- 
res ,  et  ensuite  ramené  à  Moka  :  il 
parvint  à  s'évader.  Il  avait  demandé 
une  forte  somme  ,  en  indemnité  des 
marchandises  qu'on  lui  avait  pillées; 
n'ayant  pu  en  obtenir  qu'une  partie, 
il  résolut  de  se  venger  en  arrêtant  un 
riche  vaisseau  que  les  Arabes  atten- 
daient :  les  vents  contrarièrent  ce 
dessein  ,  et  Middleton  fit  voile  pour 
Surate ,  où  il  débita  une  partie  de 
ses  marchandises;  il  revint  dans  la 
mer  Rouge,  et  y  fut  joint  par  le 
capitaine  Saris  :  ils  retinrent  beau- 
coup de  bâtiments.  Middleton  reçut 
alors  satisfaction  des  Arabes  ,  et 
se  rendit  à  Bantam.  Il  avait ,  en 
1G1 3,  lait  partir  pour  l'Angleterre 
deux  vaisseaux  richement  chargés  , 
et  s'était  mis  en  route  pour  y  retour- 
ner. Son  navire  échoua ,  et  fut  brisé; 


MID 

une  grande  partie  de  son  équipage 
fut  emportée  par  les  maladies  :  cette 
double  calamité  lui  causa  un  chagrin 
violent ,  qui  le  conduisit  en  peu  de 
jours  au  tombeau.  —  Son  frère, 
David  Middleton  ,  suivit  la  même 
carrière;  il  fit  trois  voyages  à  Ban- 
tam et  à  Banda ,  de  1G07  a  1O1 5.  Il 
entreprit  à  cette  époque  d'établir  un 
comptoir  à  Soccadonia  dans  l'île  de 
Java  ;  ce  projet  n'eut  pas  de  suite  : 
étant  arrivé  à  Bantam,  en  février 
1G14,  il  y  apprit  la  mort  de  son 
frère.  Celte  nouvelle  le  troubla  si 
fort,  qu'il  prit  la  résolution  de  re- 
tourner en  Angleterre;  il  partit  avec 
la  flotte  qui  ramena  Floris.  On  trou- 
ve les  relations  des  divers  voyages 
des  deux  Middleton  dansPurchas; 
elles  contiennent  peu  de  faits  intéres- 
sants peur  la  géographie,  et  ne  sont 
bonnes  à  consulter  que  pour  l'his- 
toire du  commerce  anglais  dans  les 
Indes.  L'abbé  Prévost  les  a  insérées 
dans  l'Histoire  générale  des  voyages , 
où  eiles  sont  mêlées  avec  celles  d'au- 
tres navigateurs  qui  commandaient 
des  vaisseaux  de  leurs  flottes;  toutes 
rapportent  à  -  peu  -  près  les  mêmes 
choses  :  les  unes  n'achèvent  pas  les 
récits  ,  d'autres  les  donnent  incom- 
plets d'une  manière  différente  ;  co 
qui  cause  une  confusion  singulière. 
—  Middleton  (  Jean  ) ,  parent  des 
précédents  ,  avait  commandé  ,  en 
1G01,  un  vaisseau  de  la  flotte  de 
Lancaster  :  il  mourut  devant  Ban- 
tam ,  en  i6o3.  E — s. 

MIDDLETON  (Sir  Hugues)  ,  in- 
génieur anglais,  né  à  Denbigh,  dans 
la  partie  nord  du  pays  de  Galles, 
exerça  d'abord  la  profession  d'or- 
fèvre, à  Londres.  Les  divers  projets 
dont  on  s'était  occupé  pour  procurer 
de  l'eau  de  source  à  la  population 
nombreuse  de  cette  grande  métropo- 
le ,  portèrent  l'attention  de  Middle- 


MID 

ton  sur  cet  objet  :  il  abandonna  sa 
profession,  et  chercha  les  moyens 
de  conduire  à  Londres  les  eaux  des 
environs.  Après  avoir  examine  ton- 
tes les  rivières  du  Middlesex  et  du 
llertfords'j'e,  il  s'arrêta  aux  deux 
■  aux  d'Amwell  et  Ware,  auprès 
de  Hertford  ,  à  environ  vingt  milles 
anglais  de  la  capitale.  Muni  du  pri- 
vilège accorde  par  le  parlement  à 
la  cite'  de  Londres,  et  transféré  par 
celle-ci  à  Middleton  et  à  ses  héri- 
tiers, il  se  chargea,  en  1608,  des 
travaux  nécessaires   pour   unir  les 
deux  ruisseaux,   et  les   conduire  à 
travers  les  terrains  de  qualité  et  de 
niveau  différents  :  il  vainquit  heu- 
reusement les  nombreux   obstacles 
qui  s'opposaient   à   l'exécution    de 
cette  grande  entreprise  ;  mais  elle 
avait  absorbé  sa  fortune  ,  lorsque  le 
canal  n'avait  encore  atteint  que  le 
nage  d'Enfield.  Sur  le  refus  de 
la  commune  de  Londres  de  venir  à 
son  secours,  Middleton  s'adressa  di- 
rectement au  roi.  Jacques  Ier.  con- 
sentit à  entrer  de  moitié  dans   les 
dépenses  et  les  bénéfices.  En  consé- 
quence ,  les  travaux  furent  repris  en 
161a,   et  continués  jusqu'au  réser- 
voir d'Islington  (  faubourg  de  Lon- 
dres ),  où  ils  furent  achevés  l'année 
suivante.  On  construisit  un   grand 
nombre  de  ponts  sur  le  nouveau  ca- 
nal ,  ainsi  que  des  aqueducs,  dont  les 
uns  firent  passer  sous  le  canal  ,  et 
les  autres  dessus,  les  sources  et  les 
égoûts  qui  traversaient  le   terrain. 
Indépendamment   des  grands  frais 
d'établissement ,  Middleton  avait  eu 
fréquemment  à  lutter  contre  la  ja- 
lousie et  tes    intrigues  :  il  n'y  re- 
cueillit pas  les  bénéfices  qu'il  avait 
attendus  de  ses  travaux  et  de  ses 
avant  i    obtenu,  en    1619, 

pour  lui  et  ses  associés ,  la  patente 
de    Compagnie   privilégiée   de   la 


MID  3 

nouvelle  rivière,  il  exploita  la  four- 
niture d'eau  de  la  capitale  par  ac- 
tions, qui  se  vendaient  à  raison  de 
100  liv.  sterl. ,  mais  qui  ne  rappor- 
tèrent aucun  dividende  du  vivant 
de  l'entrepreneur.  Celui-ci  n'obtint , 
pour  récompense  du  service  qu'il 
avait  rendu  à  la  capitale,  que  le. 
titre  de  baronet,  dont  il  fut  gratifié, 
en  iCrri;  il  fut  même  obligé  d'ac- 
cepter ,  pour  vivre,  une  place  d'ins- 
pecteur des  travaux  publics:  il  mou- 
rut en  i63i.  Son  entreprise  parut 
d'abord  tomber  avec  lui;  du  inoins 
elle  languit  pendant  quelque  temps  : 
aussi  le  roi  jugea-t  il  à  propos  de 
se  retirer  de  l'association.  Ce  ne  fut 
que  dans  la  suite  qu'elle  rapporta  les 
bénéfices  calculés  par  l'inventeur  ; 
on  eu  peut  juger  par  la  valeur  des 
actions  qui,  de  100  liv.  sterl.,  sont 
montées  à  i5,ooo  liv.  Mais  récem- 
ment elles  sont  tombées  «à  la  moitié, 
par  suite  de  la  création  de  nouvelles 
compagnies.  D — g. 

MIDDLETON (Conyers),  savant 
théologien  et  littérateur  anglais  ,  na- 
quit à  liichmoud ,  le  27  décei 
(  ou  suivant  Cole,  le  'i  août  )  iG83. 
Son  père,  ministre  de  campagne,  qui 
jouissait  d'un  revenu  honnête  ,  vou- 
lut lui  donner  une  éducation  I 
raie,  et  le  fit  entrer  au  collège  de  la 
Trinité,  dans  l'université  de  Cam- 
bridge. Le  jeune  Middleton  y  obtint 
une  bourse ,  y  prit  ses  degrés ,  et  dé- 
buta dans  les  fonctions  ecclésiasti- 
ques.La  musique  paraissait  l'occuper 
«alors,  beaucoup  plus  que  ses  h 
mais  le  docteur  Bentley ,  son  supé- 
rieur, l'ayant  traité  un  jour  de  méné- 
trier, l'étude  reprit  sur  lui  tousses 
droits,  et  il  saisit  toutes  les  occasions 
de  faire  porter  à  Bentley  la  peine  de 

mépris.  Pour  se  sbusl 
Condition  qui  le  subordbi 
adversaire,  il  épousa  M,uc.  D)    kj 
1.. 


4  MID 

veuve  d'un  conseiller  de  Cambridge, 
qui  lui  apporta  des  biens  assez  con- 
sidérables ;  mais  ce  mariage  lui  fît 
perdre  sa  place  d'associé  {fellow  ) 
au  collège  de  la  Trinité.  Il  se  confina 
dans  l'île  d'Lly ,.  où  était  située  une 
partie  des  possessions  de  sa  femme , 
et  y  dirigea  une  petite  paroisse,  que 
l'insalubritéde  la  contrée  lui  fit  quitter 
au  bout  d'un  an.  George  Ier.  ayant 
visité  l'université  de  Cambridge,  en 
17  17,  fit  plusieurs  nominations  de 
docteurs  en  théologie,  au  nombre 
desquels  fut  compris  Middleton.  Ce- 
lui-ci ,  de  retour  à  Cambridge  ,  ne 
se  retrouva  pas  plutôt  en  présence 
de  Bentley ,  que  leur  inimitié  se  ré- 
veilla toute  entière.  Middleton  aigui- 
sant adroitement  les  ressentiments 
de  ses   confrères,   choqués  par  la 
dureté  hautaine  et  par  la   gestion 
arbitraire   de   Bentley ,    le   fit   ex- 
clure de  l'université.   Cette  cause , 
dont  les  passions  politiques  s'empa- 
rèrent, fut  portée  au  tribunal  de  l'o- 
pinion publique  ;  et  Middleton  prit 
la  plume  pour  exposer  les  griefs  qui 
motivaient  la  conduite  deTuniversité. 
Il  lança  successivement  deux  nou- 
veaux pamphlets ,  où  les  talents  lit- 
téraires de  Bentley  étaient   amère- 
ment dénigrés,  et  dont  l'effet  fut  de 
forcer  ce  dernier  à  renoncer  au  pro- 
jet d'une  édition  de  la  Bible,  en  grec 
et  en  latin.  Il  préludait  ainsi  aux 
exercices  polémiques   qui  devaient 
absorber  une  si  grande  partie  de  sa 
vie,  et  qui  donnèrent  à  ses  écrits  un 
caractère  d'aigreur  et  d'arrogance, 
contrastant  d'une  manière  frappante 
avec  les  habitudes   de  dignité,   la 
douceur  et  le  ton  poli  qu'il  portait 
dans  la  société.  Le  clou  fait  par  le 
roi  à  l'université  de  Cambridge  des 
livres  de  l'évêque  Moore,  rendant 
nécessaire  la  création  d'une  charge 
4e  premier  bibliothécaire,  Middle- 


MID 

ton  y  fut  nommé,  et  publia,  eu 
1728,  une  brochure  dictée  par  ses 
nouveaux  devoirs  :  Bibliothecœ  Can- 
tabrigiensis  ordinandœ  Methodus. 
Devenu  veuf  l'année  suivante,  il  en- 
treprit ,  dans  l'intérêt  de  sa  santé,  de 
voyager  en  France  et  en  Italie  ,  ac- 
compagné de  lord  Coleraine,  anti- 
quaire distingué.  Bien  qu'il  fût  géné- 
ralement connu  comme  membre  de 
l'église  anglicane,  tout  ce  qu'il  y  avait 
à  Rome  de  personnages  éminents  l'ac- 
cueillit avec  la  plus  grande  considé- 
ration. Le  désir  de  répondre,  par  l'é- 
clat de  la  représentation,  à  ces  mar- 
ques de  bienveillauce,  le  jeta  dans 
une  dépense  considérable,  qu'accrut 
encore  sa  passion  pour  les  antiqui- 
tés. Son  retour  en  Angleterre  fut 
signalé  par  la  publication  d'une  dis- 
sertation latine  sur  la  condition  de 
ceux  qui,  dans  l'ancienne  Rome,  se 
livraient  à  la  pratique  delà  médecine  : 
il  y  soutenait,  contre  l'opinion  de 
Spon  et  de  Mead,  que  l'exercice  de 
cet  art  était  abandonné  aux  esclaves 
et  incompatible  avec  les  professions 
libérales.  Cet  écrit  excita  la  suscep- 
tibilité de  la  faculté  de  médecine  de 
Cambridge ,  qui  se  crut  personnelle- 
ment ofïènsée.  Parmi  les  pamphlets 
auxquels  cette  querelle  donna  lieu  , 
on  distingua  une  réponse  à  Middleton 
par  le  professeur  Ward  ,  que  Mead 
avait  mis  en  avant.  Middleton  fit  une 
première  réplique;  mais  s'étânt  ré- 
concilié dans  l'intervalle  avec  Mead, 
il  garda  dans  son  portefeuille  la  der- 
nière réponse  qu'il  préparait  à  ses 
contradicteurs  :  le  docteur  Heberden 
la  donna  au  public  en  1761,  in- 4°. 
En  17^9,  Middleton  fit  paraître  une 
Lettre  sur  Rome ,  où  est  démontrée 
V exacte  conformité  du  papisme  et 
du  paganisme ,  ou  la  religion  des 
Romains  d'aujourd'hui  dérivant 
de  celle  de  leurs  ancêtres  païens. 


IVIÏD 

Celte  hostilité  contre  la  communion 
romaine  fut  désapprouvée  par  les 
protestants  eux-mêmes.  Ils  condam- 
nèrent dans  cette  production  un  es- 
prit gênerai  d'incrédulité  et  de  légè- 
reté ,  qui  discréditait  les  miracles  en 
masse.  Middleton  essaya,  dans  les 
éditions  suivantes,  d'effacer  ces  im- 
pressions fâcheuses  :  il  déclara  qu'il 
taisait  abstraction  des  miracles  du 
judaïsme  et  du  christianisme  ;  et, 
dans  la  quatrième  éditionde  sa  lettre, 
il  en  défendit  les  assertions  contre 
le  pieux  et  savant  Ghalloner,  qui  les 
avait  attaquées  dans  le  Chrétien  ca- 
tholique instruit.  Jusque-là,  Middlc- 
ton  avait  joui  d'une  existence  cons- 
tamment honorable  :  l'étendue  de  ses 
connaissances,  ses  talents  littérai- 
res ,  et  l'élégance  de  ses  manières,  lui 
avaient  concilié  de  nombreux  suffra- 
ges ;  mais  son  penchant  à  la  contro- 
verse ,  ses  hauteurs ,  et  la  témérité  de 
ses  opinions,  l'entra înèrent  dans  des 
voies  imprudentes,  ruinèrent  toutes 
ses  espérances  d'avancement,  et  trou- 
blèrent, par  d'implacables  inimitiés, 
le  reste  de  sa  vie.  Le  Christianisme 
aussi  ancien  que  le  monde ,  où  Tin- 
dal  élevait  la  religion  naturelle  sur 
les  ruines  de  la  révélation ,  avait 
été  combattu  avec  chaleur  par  Wa- 

id.  Middleton,  mécontent  du 
livre  consacré  par  ce  dernier  «à  la 
défense  de  l'Ecriture  ,  lui  adressa, 
sans  y  attacher  son  nom  ,  une  lettre 
dédaigneuse,  où  il  mettait  en  lumière 
un  Essai  apologétique  conçu  dans 
des  vues  toutes  différentes,  fearce, 

iode  Rochester  ,  vint  au  secours 
de  Wateiiand,  et  dénonça  son  adver- 
saire comme  un  ennemi  caché,  q.ù, 
sous  prétexte  de  défendre  le  christia- 
nisme, lui  port  perfi 
des.Middl  mu  enfin  coin  me 
le  premier  auteur  de  ces 
débats ,  fut  sur  le  point  d'être  éli- 


MÏD  5 

miné  de  l'université  de  Cambridge. 
Il  ne  parvint  qu'avec  peine  a  détour- 
ner l'orage,  au  moyen  de  la  promesse 
de  repousser  ,  par  une  justification 
catégorique  et  complète  ,  les  impu- 
tations dont  on  le  chargeait.  Sa 
soumission  explicite  aux  principes 
orthodoxes  de  son  K^lise,  lui  assura 
la  conservation  de  ses  emplois,  mais 
ne  dissipa  point  les  soupçons  qui 
s'étaient  élevés  contre  lui.  Le  clergé 
le  regardait  comme  un  faux  frère  : 
Vann  et  Williams  l'attaquèrent  avec 
chaleur;  et  Middleton  leur  répondit 
avec  beaucoup  d'esprit  et  d'adresse. 
Dans  l'intervalle  de  ces  discussions, 
il  avait  été  choisi  pour  occuper  la 
chaire  d'histoire  naturelle,  fondée 
par  Woodward ,  et  avait  passé  à  de 
secondes  et  de  troisièmes  noces.  II 
donna,  en  1735,  une  Dissertation 
sur  l'origine  de  l'imprimerie  en  An- 
gleterre; il  établit  que  Caxlon  répan- 
dit le  premier  à  Westminster  les 
procédés  de  cet  art ,  et  que  l'opinion 
qui  place  le  berceau  de  l'imprimerie 
anglaise  à  Oxford  ,  où  l'aurait  intro- 
duite un  étranger,  ne  repose  sur  au- 
cun fondement  solide  {V .  Caxton  ). 
Middleton ,  encouragé  par  l'amitié 
active  de  lord  Hervey,  qui  ne  dé- 
daigna pas  de  l'aider  dans  ses  tra- 
vaux littéraires,  mit  le  sceau  à  sa 
réputation  par  sa  Vie  de  Cicérony 
dont  le  brillant  succès  dut  le  con- 
soler du  désagrément  qu'il  s'était 
attiré  par  ses  autres  écrits.  Cet 
ouvrage  important  fut  publié  par 
souscription,  Dublin,  1 7 /i  1  ,  1  vol. 
in-8°.  Le  produit  considérable  de 
la  première  édition  fournit  à  l'au- 
teur les  moyens  de  doter  deux  niè- 
ces ,  qu'il  avait  dans  leur 
indigence  ,  et  d'acheter  pour  ni 
petite  terre  à    Hildersham  ( 

:   -  j,  où  il  D 
depuis ,  tous  les   êtes.   Lord   ; 


6 

telton 
temps 


MID 


avait  publié,  vers  le  même 
,  des  Observations  sur  la  Fie 
de  Cicéron ,    où  les  faiblesses  du 
consul  romain  étaient  saisies  avec 
assez  de  justesse,  et  mises  en  oppo- 
sition avec  les  admirables  facultés  de 
son  esprit.  Middleton,  au  contraire, 
emporte  par  son  enthousiasme  pour 
son  héros,  le  peint  avec  la  complai- 
sance d'un  auteur  qui  s'est  créé  un 
modèle  idéal,  et  il  ne  présente  point 
les  ombres  du  tableau.  On  peut  lui 
reprocher  encore  d'avoir  donné  de 
trop  larges  proportions  à  l'homme 
d'état,  au  préjudice  de  l'écrivain,  et 
surtout  du  philosophe,  et  de  n'avoir 
pas  fait  preuve  d'une  critique  assez 
rigoureuse  dans  l'admission  des  faits. 
Sou  style,  en  général  élégant  et  pur, 
est  fatigant  par  la  longueur  des  pé- 
riodes,  et  embarrassé  de  réflexions 
parasites.  Cette  part  faite  à  la  criti- 
que, il  convient  d'apprécier  l'intérêt 
des  recherches  du  savant  biographe, 
la  sagacité  avec  laquelle  il  en  a  coor- 
donné les  résultais  ,  l'exactitude  de 
ses  jugements  sur  les  hommes  qu'il 
met  en  scène  (et  ces  hommes  sont 
Pompée,  César,  Caton  ,  Brutus,  An- 
toine, Octave,  qu'il  groupe  habile- 
ment autour  de  sa  ligure  princi  pale)  ; 
le  mouvement  qu'il  a  su  donner  à  sa 
narration  sans  s'écarter  de  sa  marche 
scrupuleusement  chronologique,  l'é- 
lévation des  sentiments  qu'il  expri- 
me,  et  le  soin  qu'il  prend  de  rap- 
peler «à  l'intelligence  des  lecteurs  les 
usages  qui  expliquentles événements, 
Les  sources  principales  où  il  puise 
les  éléments  de  son  travail  sont  les 
ouvrages    mêmes   de    Cicéron,    et, 
parmi  les  modernes  ,  Gorrado  ,  Fa- 
bricius  ,  Bellenden  et  Morabin.  Cette 
belle  production  fut  suivie ,  en  1 7/p , 
d'une  traduction  des  Lettres  de  Cicé- 
ron à  Brutus  et  de  Brutus  à  Cicéron  , 
avec  le  latin  enU'egard ,  des  notes  eu 


MID 

anglais  sur  chaque  lettre, et  unedisser- 
tation  préliminaire  sur  l'autorité  de 
celte  correspondance  ,  dont  Middle- 
ton  avait  fait  un  fréquent  usage  dans 
et  dont  l'authen- 
Tunstal 


sa  Vie  de  Cicéron 
ticilé  élait  niée 
docteur  de 


par  luustal,  jeune 
Cambridge,  Ce  dernier 
regardait  ces  lettres  comme  une  falsi- 
fication de  quelque  sophiste;  il  écri- 
vit pour  étayer  de  nouvelles  raisons 
son  opinion  ,  qui  fut  partagée  et  dé- 
fendue par  Markland.  Cette  question 
ne  fut  point  encore  épuisée  par  eux  • 
et  on  l'agita  de  nouveau  en  Allema- 
gne (  F.  Markland).  En  1745  et 
1747,  Middleton  lit  sortir  de  son 
portefeuille  deux  morceaux  d'his- 
toire, fruit  de  son  séjour  en  Italie, 
le  premier  en  latin  :  Germana  quœ~ 
dam    antiquitalis    eruditœ    monu- 
menla  quibus  Romanurum  veterum 
ritus  vaiïi,  tam  sacri  quant  pro- 
fani,tum  Grœcorum  atque  JBçyp- 
tiorum  nonnulli ,   illutrantur;  le 
deuxième  en  anglais  :   Treatise  on 
the  roman  sénat e  ,  divisé  en  deux 
parties  ,  où  il  s'attache  à  prouver 
que  la  composition  et  les  prérogati- 
ves du  sénat  romain  ne   cessèrent 
pas  d'émaner  de  la  souveraineté  po- 
pulaire jusqu'à  la  chute  de  la  répu- 
blique. Cet  écrit  n'était  que  l'extrait 
de  lettres   adressées  par  l'auteur  à 
lord  Hcrvey  ,  lesquelles  demeurèrent 
inédites  jusqu'en  1778,  et  parurent 
alors  ,  in-4°. ,  par  les  soins  du  doc- 
teur Knowles.  Middleton  affronta  en- 
core, en  1747,  les  sentiments  reçus 
dans  son  église  et  dans  toutes  les 
communions  chrétiennes,  par  son  Li- 
troduction  à  un  plus  grand  ouvrage 
sur  le  don  des  miracles  que  l'on  pré- 
tend avoir  subsisté  dans  laprimitive 
Eglise  pendant  plusieurs  siècles  , 
tandis  quon  n'est  pas  suffisamment 
fondé  à  croire,  d'après  l'autorité  des 
Pères  ,  quun  tel  pouvoir  ait  résidé 


MID 

dans  l'Église  postérieurement  aux 
apôtres.  Les  docteurs  Stcbbing  et 
Chapmau  combattirent  cet  ouvrage, 
qui  sapait  une  des  principales  preu- 
ves de  la  religion.  Middleton  leur 
avait  a  peine  repondu ,  qu'il  lit  pa- 
raître ses  Libres  recherche*  sur  le 
don  des  miracles  ,  dont  il  avait 
jeté  les  pierres  d'attente  dans  son 
Introduction.  11  y  soutient  que  les 
miracles  de  la  primitive  Église  sont 
des  fictions;  et  il  accuse  les  Pères  de 
les  avoir  accréditées  par  faiblesse  ou 
par  politique.  Un  tel  système  ré- 
volta tous  les  théologiens  ;  on  écri- 
vit et  on  prêcha  contre  Middleton  : 
Guillaume  Dodwell  et  Church  se 
signalèrent  dans  cette  controverse; 
ce  qui  leur  mérita  le  titre  de  docteur, 
que  l'université  d'Oxford  leur  con- 
féra. Middleton  se  proposait  de  pu- 
blier une  réponse  à  toutes  les  objec- 
tions faites  contre  son  système;  mais 
il  n'acheva  point  cet  ouvrage  qui  fut 
publié  imparfait  après  sa  mort.  En 
17V),  il  fit  paraître  un  Examendes 
Discours  de  Sherlock  sur  V usage  et 
l esprit  des  prophéties  ,  suwi  d'une 
dissertation  sur  le  récit  delà  chute 
de  l'homme  dans  la  Genèse.  L'évê- 
que  de  Londres  s'était  proposé,  dans 
ses  discours  ,  de  faire  voir  qu'il  y  a 
entre  les  prophéties  de  chaque  âge  , 
une  connexion  évidente  ,  et  qu'elles 
forment  une  chaîne  qui  montre  le 
dessein  de  la  providence.  Middle- 
ton ne  voit  là  qu'un  roman  ;  et  l'É- 
vangile ,  suivant  lui ,  ne  repose  que 
sur  des  prédictions  particulières  et 
il  n'es!  pas  moins  hardi 
le  récit  de  Moïse  ,  dans  le- 
ii  ne  voit  qu'une  allégorie 
morale.  Comme  il  y  avait  plus  de 
vingt  ans  que  les  discours  de  Sher- 
lock avaient  paru  ,  on  fut  étonné  de 
live;  et  plusieurs 
prêtci  . Mleton  des  motifs  peu 


MID  7 

honorables ,  qu'il  désavoua  cons- 
tamment. Il  mourut  dans  sa  maison 
de  campagne  d'Hildcrsham  ,  le  28 
juillet  17JO,  sans  laisser  de  pos- 
térité. Il  avait  souscrit  quelque  temps 
auparavant,  pour  posséder  un  béné- 
fice ,  aux  trente-neuf  articles  qui  for- 
ment le  Symbole  de  l'Église  angli- 
cane ,  quoiqu'il  se  rapprochât  beau- 
coup ,  par  l'indépendance  de  ses 
opinions ,  de  ces  déistes  mitigés , 
qui  se  couvraient  en  Angleterre  du 
nom  de  Chrétiens  rationnels.  Cette 
souscription  lui  fut  vivement  repro- 
chée par  ses  ennemis,  qui  le  taxèrent, 
à  cette  occasion  ,  de  duplicité  et 
d  h  vpoerisic.Toules  ses  productions, 
l'Histoire  de  Cicéron  exceptée  ,  ont 
été  recueillies  sous  le  titre  d' OEuvres 
mêlées ,  in  ryi ,  t\  vol.  in-4°. ,  et  de- 
puis en  5  vol.  in-8°.  Les  pièces  les 
plus  intéressantes  de  ce  recueil ,  que 
nous  n'ayons  pas  encore  indiquées  t 
sont  :  i°.  Des  Réflexions  rapides  sur 
le  différend  de  saint  Pierre  et  de  saint 
Paul  à  Antioche.  —  'i°.  D'autres  Ré- 
flexions sur  les  variations  et  ha 
contradictions  des  évangélistes  dans 
l'exposé  des  mêmes  faits.  —  3°.  Un 
Essai  sur  la  nature  du  don  des  lan- 
gues ,  d'après  les  termes  de  l'Ecri- 
ture et  l'opinion  des  savants.  —  4°. 
Des  Remarques  succinctes  sur  saint 
Jean  l'évaugéliste  et  sur  i'hérésiar- 
que  Cérinthe.  —  5°.  Une  Explication 
allégorique  et  littérale  du  récit  de  la 
création  et  de  la  chute  de  l'homme 
par  Moïse.  —  6°.  Une  Dissertation 
sur  la  prononciation  des  lettres  iali- 
ncs.  —  70.  Une  Défense  de  ses  Libres 
recherches.  L'abbé  Prévost  a  donné 
en  français  une  traduction  très 
de  V Histoire  de  Cicéron;  et  il  a  nn- 
primté  à  Middleton  la  pli 
partie  de  se  irles  Lettii 

Cicéron  et  de  Brutu  ité  du 

Sénat  de  Borne  a  été  traduit  par  le 


présid.  d'Orbessan  ;  et  la  Lettre  sur 
Borne ,  par  un  anonyme  ,  à  la  suite 
de  la  Conformité  des  cérémonies 
(  de  P.  Mussard  ) ,  Amsterdam,  1 7  44  > 
1  vol.  in- 12.  Midtlleton  avait  com- 
pose un  livre  sur  l'inutilité  de  là 
prière.  Le  docteur  Héberden,  en  éîant 
informe',  courut  chez  sa  veuve,  et 
lui  demanda  le  manuscrit.  Sur  la  ré- 
ponse de  celle-ci,  qu'elle  était  en 
marché  avec  un  libraire  ,  qui  en 
ofFrait  5o  liv.  sterling,  le  docteur 
lui  compta  cette  somme,  et,  s'empa- 
rant  du  cahier ,  le  jeta  au  feu.  La 
veuve  de  Middleton  lui  légua  ,  de- 
puis ,  tous  les  autres  manuscrits  de 
son  mari.  F — t. 

MIDDLETON  (Christophe)  ,  na- 
vigateur anglais  ,  est  un  de  ceux  qui 
ont  essayé  de  trouver  le  passage  au 
nord-ouest.  Comme  il  avait  long- 
temps voyagé  dans  la  baie  d'Hudson 
au  service  de  la  Compagnie ,  Arthur 
Dobbs,  riche  particulier,  qui  avait 
pris  à  cœur  la  découverte  du  passage, 
le  consulta  sur  ce  point,  et  trouvant 
son  opinion  conforme  à  celle  qu'il 
avait  conçue ,  il  fit  tant ,  par  ses  sol- 
licitations auprès  de  l'amirauté  , 
qu'elle  arma  une  galiote  à  bombes 
et  une  flûte.  Middleton  commanda 
la  première,  Guillaume  Moor  la  se- 
conde. Déjà  Dobbs  avait,  en  1737  , 
l'ait  entreprendre  à  la  compagnie  de 
la  baie  d'Hudson,  une  expédition 
semblable ,  qui  n'avait  produit  aucun 
résultat  satisfaisant  :  les  deux  bâti- 
ments ne  s'étaient  élevés  qu'à  62  ° 
5o  '  de  latitude  nord  ;  les  glaces  les 
y  avaient  arrêtés  :  d'aii leurs  ils 
confirmaient  ce  que  les  navigateurs 
précédents  avaient  dit  de  la  marée 
qui  venait  du  nord;  particularité 
qui  donnait  à  Dobbs  et  au  public 
les  plus  grandes  espérances:  elles  de- 
vinrent bien  plus  vives  quand  un 
navigateur  du  mérite  de  Middleton, 


qui  les  partageait,  fut  chargé  d'aller 
les  réaliser.  Ce  fut  sous  ces  auspices 
favorables  ,  que  Middleton  partit 
d'Angleterre,  en  mai  174»,  passa 
l'hiver  à  l'entrée  du  Churchill-Biver, 
dans  la  baie  d'Hudson,  et  remit  à 
la  voile  le  Ier.  juillet  1742.  H  alla 
plus  loin  au  nord  que  ceux  qui  l'a- 
vaient précédé.  Après  avoir  décou- 
vert par  65  °  12  '  nord,  et  86  °  6  ' 
ouest  (  de  Greenwich) ,  le  cap  Dobbs 
à  la  cote  de  la  baie  Wellcome,  qui 
était  remplie  de  glaces  flottantes,  il 
entra  dans  le  ffager-fiiver,  et  s'a- 
vança vers  l'ouest  jusqu'à  88  °  ;  en- 
suite il  revint  au  nord-est,  et  ayant 
bien  examiné  toutes  les  ouvertures 
qui  donnaient  dans  un  bras  de  mer 
où  il  était  arrivé ,  il  se  trouva,  le  5 
août ,  dans  une  baie  située  près 
du  67e.  degré  nord,  qu'il  nomma 
RepuUe- B ay ,  parce  que  les  terres 
et  les  glaces  ne  lui  permirent  pas 
d'aller  plus  loin.  Le  9,  il  fit  voile 
pour  l'Angleterre;  il  avait  oit  dans 
son  rapport  qu'après  avoir,  pendant 
trois  semaines,  fait  des  observations 
réitérées  sur  les  marées ,  et  des  tenta- 
tives pour  découvrir  la  nature  et 
l'étendue  de  l'ouverture  vue  entre 
les  65e.  et  66e.  parallèles,  il  avait 
reconnu  que  la  marée  venait  cons- 
tamment de  l'est,  et  que  cette  ou- 
verture n'était  qu'un  grand  fleuve. 
Dobbs  parut  d'abord  persuadé  de 
la  vérité  de  cette  assertion .  et  satis- 
fait de  la  conduite  de  Middleton; 
mais  une  lettre  anonyme  le  lit  bien- 
tôt changer  d'opinion.  On  a  su  de  • 
puis,  qu'elle  avait  été  écrite  parle 
chirurgien  de  l'expédition ,  et  le 
commis  du  capitaine;  elle  accusait 
Middleton  d'avoir  soutenu  fausse- 
ment que  le  détroit  du  Eepulse-Bay 
était  gelé,  et  rempli  son  rapport  de 
mensonges.  Dobbs  alla  aux  informa- 
tions ;  elles  le  convainquirent  de  la' 


MïD 

vérité  de  l'inculpation:  il  dénonça 
MiddletOD  comme  s'étant  laisse  cor- 
rompre par  la  compagnie,  qui  lui 
avait,  disait-on,  donné  5ooo  livres 
sterling,  pour  ne  pas  taire  la  décou- 
verte projetée.  La  dispute  fut  soute- 
nue avec  beaucoup  d'aigreur.  Dobbs 
dis  dt  que  l'ouverture  vue  par  Midd- 
leton  était  un  détroit  ,  et   non   un 
fleuve,    et  que  s'il   l'eût  examinée 
convenablement,  il  y  eût  trouvé  le 
passage.  Quelques  officiers  de  Midd- 
leton  prirent  parti  contre  lui;  l'ami- 
rauté fut  peu  satisfaite  de  sa  justifi- 
cation ,  et  embrassa  lavis  de  Dobbs 
sur  la  probabilité  du  passage,  puis- 
qu'on 1 743  ,   un  acte  du  parlement 
assura  une  récompense  de  20,000 
livres  sterling  ,   au    navigateur  qui 
effectuerait  cette  découverte:  l'acte  a 
été  modifié  depuis,  et  désigne  diver- 
ses sommes  qui  vont  en  augmentant 
à   1   esure  que  les  bâtiments  s'avan- 
cent à  un  plus  grand  nombre  de  dé- 
grés  au  nord  et  à  l'ouest  en  même 
temps.  Dobbs,  dont  1"  public  parta- 
geait l'opinion ,  n'eut  pas  de  peine  à 
nés  >ciété  pour  entrepren- 
dre une  nouvelle  expédition  :  Moor 
la  comi   anda.  Ellis  en  fut  l'historien 
{V.  Ellis,  XIII,  86. )  L'issue  de 
ce   voyage ,  dans  lequel  on  recon- 
nut que  le  fVager- River  n'était  pas 
un  détroit,  réhabilita  la  réputation 
ddleton  :  il  reçut  une  médaille 
impense  des  observations 
faites,  et  la  société  royale 
as  son  sein  ;  il  mourut  le 
tivier  1770.  Les  détails  de  sana- 
ion    ne    sont    connus    que    par 
1  qui  en  fut  publié,  d'après 
son  journal  et  ses  lettres,  par  Ellis; 
d  en  esl  aussi  question  da us  l'ouï 
de  Dobbs:  Relation  des  contrées  voi- 
sines de  la  baie  d' Iludson ,  Loin  I  res , 
17  |8,  1  vol.  in-8".  L'auteur  cherche 
à  prouver  la  probabilité  du  passage , 


MÏD  9 

et  à  faire  voir  que  la  compagnie  s'op- 
posait à  toute  découverte  au  nord  du 
Churchill- River,  même  à  ce  que  son 
commerce  s'étendit  de  ce  coté,  de 
crainte  que  l'on  ne  trouvât  le  passage 
qui  aurait  nui  au  commerce  exclusif 
qu'elle  exerçait  illégalement.  Cette 
attaque  fut  renouvelée  par  le  comité 
chargé  de  l'expédition  de  Moor  •  il 
publia  :  Récit  succinct  et  justification 
des  opérations  du  comité  nommé 
par  les  actionnaire s  de  la  société 
formée  pour  pour  uivre  la  décou- 
verte dupassageàV  Océan,  à  V ouest 
de  V Amérique,  ouvrir  et  étendre  le 
commerce ,  et  fonder  des  colonies 
dans  les  pays  situés  au-delà  de  la 
baie  d' Iiudson  ,  Londres,  1  ~'\8  ,  in- 
8°.  Le  comité  défend  sa  conduite,  et 
attribue  le  peu  de  succès  de  ses  tenta- 
tives à  la  jalousie  de  la  compagnie  de 
la  baie  d'Hudson ,  qui  veut  s'emparer 
de  tout  le  commerce  :  il  combat  la  va- 
lidité du  privilège  de  cette  société , 
en  demande  la  suppression,  et  finit 
par  soutenir  que  très-vraisemblable- 
ment on  découvrira,  dans  le  Wel- 
corne,  un  passage  a  l'Océan  occiden- 
tal. L'intérêt  que  ces  querelles  excitè- 
rent dans  le  temps ,  s'est  renouvelé 
de  nos  jours;  l'on  a  vu  les  agents  de 
deux  compagnies  se  traiter  en  enne- 
mis dans  les  déserts  de  l'Amérique 
boréale.  De  deux  expéditions  entre- 

Î  irises,  depuis  181 8,  pour  trouver 
c  passage  au  nord-ouest ,  la  pre- 
mière a  échoué;  le  commandant  a 
été  inculpé  de  négligence:  la  seconde 
s'est  avancée  à  l'ouest  jusqu'à  1 1 3  °. 
Quelques  -  unes  des  assertions  de 
Dobbs  pourront  se  vérifier  si  l'on 
parvient  à  l'extrémité  du  bras  de  mer 
découvert  en  i8i(),par  le  capitaine 
Pa  rry,  à  l'ouestdu  Lanças  ter  s  Sound 
•  Prince  Régent' s  inlet. 
Indépendamment  de  la  partie  pole*- 
uc,  le  livre  de  Dobbs  contient 


io  MID 

des  renseignements  précieux  sur 
les  contrées  boréales  dont  il  parle. 
Middleton  avait  fait  dans  son  voyage 
des  observations  sur  la  déclinaison 
de  l'aiguille  aimante'e ,  dans  ces 
hautes  latitudes  ;  elles  sont  confir- 
mées par  celles  du  capitaine  Parry. 
—  Middleton  (  Érasme  ) ,  ecclésias- 
tique méthodiste  anglais  du  dix-hui- 
tième  siècle,  a  publié  un  ouvrage 
intitulé  Biograpkia  evan^elica  ,  en 
4  vol.  iu-8°. ,  et  un  Dictionnaire 
des  arts  et  des  sciences.  Il  est  mort 
en  i8o5.  E — s. 

MIÉCISLAS  I«  (  en  polonais 
Mieczyslaw  ,  glorieux  par  son  sa- 
bre), le  Clovis  des  Polonais,  leur 
premier  prince  chrétien ,  était  de 
la  famille  des  Piastes.  Né  Tan  t)3i , 
il  succéda ,  en  962  ,  à  Ziémomysl , 
son  père,  dans  le  gouvernement  du 
duché  de  Pologne.  Ayant  demandé 
en  mariage  Dombrowka,  fille  de  Bo- 
Jeslas  Ier.  duc  de  Bohème,  celle 
princesse  arriva  en  Pologne,  suivie 
de  prêtres  slaves ,  qui  devaient  éclai- 
rer l'esprit  de  son  nouvel  époux ,  et 
lui  montrer  la  vanité  des  supersti- 
tions païennes  auxquelles  il  était  at- 
taché, ainsi  que  la  nation  polonaise. 
Au  commencement  du  dixième  siè- 
cle ,  des  habitants  de  la  Moravie 
échappés  aux  fureurs  dés  Hongrois, 
qui  dévastaient  leur  patrie  ,  étaient 
venus  s'établir  à  Cracovie ,  où  ils 
avaient  bâti  un  oratoire  sous  le  titre 
de  la  Sainte  -  Croix.  Ces  réfugiés 
avaient,  à  ce  qu'il  paraît,  des  rap- 
ports avec  la  cour  du  duc  Miécis- 
las  :  sans  doute  ils  avaient  préparé 
les  voies  à  la  lumière  de  l'Evangile  ; 
et  l'historien  Ditmar  parle  d'un  évê- 
que,  appelé  Jordan  ,  qui ,  placé  sous 
l'autorité  des  eveques  de  Magde- 
bourg,  était  venu  ,  vers  le  milieu  du 
dixième  siècle,  en  Pologne,  polir  y 
prêcher  la  foi  chrétienne.  Miefis^s 


MIE 

avait  peut-être  déjà  entendu  parler 
de  cette  religion  ,  qui  était  alors  celle 
de  toute  l'Europe.  Ce  qui  est  bien 
certain,  c'est  qu'il  quitta  le  culte  des 
idoles,  peu  de  temps  après  que  la 
princesse  Dombrowka  fut  arrivée  en 
Pologne.  11  se  lit  chrétien,  et  fut  ma- 
rié le  même  jour.  Les  cérémonies  de 
son  baptême  et  de  son  mariage  se 
firent  solennellement  le  5  mars  de 
l'an  gG5 ,  jour  qui  était ,  selon  les  his- 
toriens, le  quatrième  dimanche  de 
carême.  Les  premiers  seigneurs  de 
la  Pologne  reçurent  le  baptême  avec 
leur  prince.  Le  même  jour  Miécislas 
rendit  un  édit  par  lequel  il  ordonnait, 
sous  les  peines  les  plus  sévères,  de 
détruire  les  temples ,  les  autels  et  les 
simulacres  consacrés  aux  dieux.  On 
obéit;  et  dans  la  plupart  des  villes 
on  courut,  en  poussant  de  grands  cris 
de  joie ,  jeter  dans  l'eau  les  restes  du 
paganisme.  En  mémoire  de  cet  évé- 
nement, les  habitants  de  la  plupart 
des  villes  et  bourgs,  en  Pologne,  al- 
laient autrefois  tous  les  ans,  le  qua- 
trième dimanche  de  carême ,  en  pro- 
cession, vers  le  lieu  où  l'on  avait  jeté 
les  idoles  :  cette  cérémonie  s'était 
conservée  jusqu'au  quinzième  siècle. 
Miécisias  fonda  des  églises  cathé- 
drales ,  à  Gnesen,  à  Cracovie,  à 
Posen ,  à  Kruswicicc  (  aujourd'hui 
Wroclawec,  siège  du  diocèse  de 
Cujavie),  à  Smogrze  (aujourd'hui 
Breslau  ) ,  à  Plock  ,  à  Chulm  ,  à 
Kaminiec  ,  et  à  Lubasz.  Le  pape 
Jean  XIII  envoya  un  légat  pour 
donner  des  formes  régulières  à  ces 
nouveaux  établissements.  Pendant 
tout  son  règne  Miécislas  fut  en  guerre 
avec  les  petits  princes  qui  gouver- 
naient les  peuplades  slaves  habi- 
tant les  bords  de  l'Elbe.  Un  d'entre 
eux,  Wigman,  comte  de  Lunebourg, 
s'était  avancé  jusque  dans  la  Lusace 
et  la  Silésie.  Miécislas ,  l'ayant  en- 


MIE 

uré ,  lui  fit  dire  de  poser  les  armes 
et  de  veuir  le  trouver.  Wigman  re- 
fusa ces  offres  ,  et  mourut  les  armes 
à  la  main.  Udon,  margrave  de  Mis- 
nie,  avait  pénètre  jusqu'à  Stclin.  Mié- 
cislas  le  repoussa  avec  perte.  L'em- 
pereur Othon  Ier. ,  ayant  rétabli  la 
paix  entre  les  Polonais  et  ces  petits 
princes  ,  Miecislas   se   rendit  (  en 
972  )  à  Quedlimbourg ,  où  l'empe- 
reur avait  rassemblé  tous  les  princes 
qui  avaient  des  rapports  avec  lui.  11 
paraît  que  Miecislas  fit  hommage  à 
l'empereur  pour  les  provinces  situées 
entre  l'Oder  et  l'Elbe,  et  qui  dépen- 
daient du  duché  de  Pologne.  Miecis- 
las étant  allé  (  en  984  )  à  une  autre 
diète  qui  se  tenait  également  à  Qued- 
limbourg ,  l'empereur  Othon  111  le 
réconcilia   avec.   Boleslas  ,   duc   de 
Bohême.  Pendant  que  Miecislas  é- 
tait  occupé  vers  les  frontières  occi- 
dentales de  la  Pologne  ,  Wladirnir- 
le-Grand,  prince  des  Russes,  s'étant 
emparé  de  Przcmysl ,  capitale  de  la 
Chrobatie  rouge,  était  arrivé  jusque 
sur  les  bords  du  Bug  et  de  la  San. 
Boleslas  ,  fils  de  Miecislas  ,  vengea 
dans  la  suite ,  d'une  manière  écla- 
tante ,  cette  injure  faite  aux  Polonais. 
En  attendant  ,  Miecislas  résolut  de 
se  fortifier  par  des  alliances  avec  le 
duc  de  Hongrie,  auquel  il  donna  sa 
sœur  Adélaïde  en  mariage,  pendant 
que  Boleslas,  son  fils  ,  épousait  une 
fille  du  duc   de  Hongrie.  Boleslas, 
duc  de  Bohème  ,  ayant  l'ait  une  ir- 
ruption sur  les  frontières  de  la  Po- 
logne ,  L'empereur  Othon  111  envoya 
a  Miecislas  un  corps  de  troupes ,  sous 

bourg.  La  paix  étant  rétablie  entre 

les  Bohémiens  et  les  Polonais  ,  Mie- 
cislas .;!,  1  ,  eu  ()()i  t  porter  de 
coins  à  l'empereur  ,    qui   assiég 
Brandebourg.  11  mourut  l'année  sui- 
vante à  Poseii,  ou  il  fut  enterré.  Son 


MIE  11 

fils  Boleslas,  dit  Chrobry,  ou  Y  In- 
trépide ,  lui  succéda.  G — y. 

MIECISLAS  II,  né,  l'an 990,  de 
Boleslas  Chrobry ,  et  de  Judith  ,  fille 
du  duc  de  Hongrie ,   succéda  à  son 

S  ère,  l'an    io'25.    N'ayant   aucune 
es  qualités  de  Boleslas,  et  ayant 
laissé   échapper  de  ses    mains    les 
conquêtes  que  son  père  avait  faites, 
il  ne  conserva  qu'avec  peine  les  an- 
ciennes frontières  delà  Pologne.  Les 
Russes  que  Boleslas  avait  si  profon- 
dément humiliés,  furent  les  premiers 
à  secouer  le  joug.  Jaroslas  reprit  la 
capitale  de  son  empire ,  chassa  les 
troupes  polonaises  de  Kiow  et  des 
autres  places -fortes  qu'elles  occu- 
paient dans  la  Russie  méridionale, 
et  prit  le  litre  de   Jednowladza  , 
seul  monarque  de  toutes  les  Russies. 
Udaldric ,   duc   de    Bohème  ,    que 
Boleslas  Chrobry  avait  établi  dans 
ses   étals  le  sabre   à  la  main ,  n'o- 
sant se  révolter  ouvertement  contre 
le  fils  de  son  bienfaiteur,  chargea 
son    fils    Brzctislas    d'exécuter    ses 
desseins.  Pendant  que  les   Polonais 
étaient  engagés  dans  une  guerre  pé- 
nible avec  la  Russie  ,  ce  jeune  prince 
tomba    sur    les  troupes   polonaises 
qui  occupaient  les  places-fortes  de  la 
Bohème,  les  chassa  hors  du  duché; 
et  entrant  dans  la  Moravie,  que  Bo- 
leslas Chrobry  avait  aussi  soumise 
par  les  armes ,  il  en  souleva  les  ha- 
bitants.   Les    peuplades    slaves   des 
bords  de  l'Oder  ,  de  l'Elbe  et  de  la 
Sala  ,  suivirent  l'exemple  des  Rus- 
ses ,  des  Bohémiens  et  des  Moraves. 
Leurs  chefs  ayant  secoué  le  joug  des 
Polonais,  établirent  les  principautés 
tie  Mekleobourg,  de  Brandebourg  T 
de  Holstein,  de  Lubee,  et  que! 

états  .tu  nord  de  la  Germanie, 
miens  furent  moins  heu- 
reux.  S'étant   soûles  I  irenfc 
défaits  et  forcés  de  recevoir  la  loi 


1 2  MIE 

du  vainqueur.  Dans  celte  guerre, 
trois  princes  hongrois  ,  qui  s  étaient 
réfugies  en  Pologne  ,  se  firent  re- 
marquer par  leur  sagesse  et  leur 
valeur.  Pour  recompenser  les  ser- 
vices qu'ils  avaient  rendus,  Mié- 
cislas  donna  la  Pome'ranie  en  fief  à 
l'un  d'eux ,  avec  une  de  ses  filles  en 
mariage.  Miécislas  n'était  point  le 
prince  qu'il  fallait  à  la  Pologne,  dans 
des  circonstances  aussi  difficiles.  11 
tomba  en  démence ,  par  suite  de  ses 
débauches  ,  et  mourut  le  i5  mars 
io34 ,  à  Posen ,  où  il  fut  enterré.  De 
la  princesse  Rixa  (ou  Reine  ),  petite- 
fille  de  l'empereur  Olhon  II ,  il  eut 
le  prince  Casimir ,  qui  est  connu  par 
ses  malheurs  et  par  le  séjour  qu'il  a 
fait  en  France.  G — y. 

MIEG  (  Jean-Rodolphe  )  naquit 
à  Bâle ,  en  1694,  et  y  mourut  en 
1733.  Professeur  en  médecine  à  l'u- 
niversité de  sa  ville  natale ,  depuis 
1724  y  *1  na  publie'  que  des  pièces 
académiques  ,  parmi  lesquelles  on 
citera  le  Discours  sur  la  vie  de 
Théodore  Zwinger ,  1729,  et  la 
Diss.  de  nasturcianarum  planta- 
rum  structura,  viribus  et  usu,  1714* 
— Achille  Mieg  ,  né  à  Bâle  en  1731, 
y  mourut  en  1799.  11  avait  fait  de 
très-bonnes  études  ,  et  il  exerça  la 


médecine  avec  un  grand  succès  ;  il 
eut  le  mérite  d'inoculer  le  premier  la 
petite-vérole  dans  son  pays.  Il  fut 
nommé  professeur  de  médecine  à 
l'université  de  Bâle, en  1777.  Il  cul- 
tiva l'astronomie  et  la  botanique. 
Outre  plusieurs  pièces  académiques , 
on  trouve  de  ses  mémoires  dans  les 
ylcta  Hehetica ,  et  de  ses  lettres 
dans  la  collection  des  Epistolœ  ad 
Hallerum.  Il  a  publié  aussi  di- 
vers traités  de  médecine  populaire, 
qui  le  distinguent  avantageusement. 
U—i. 
MIEL  (  J.     V.  Meel. 


MIE  ' 

MIERIS  (François),  peintre  de 
genre,  naquit  à  Delft,  en  i635.  Son 
père,  habile  orfèvre  et  lapidaire,  se- 
conda les  dispositions  qu'il  montrait 
pour  la  peinture ,  dans  l'espoir  qu'il 
perfectionnerait  encore  son  art.  Mais 
le  jeune  Miens,  épris  des  talents  de 
Gérard  Dow,  entra  clans  l'école  de 
ce  maître,  qui  ne  tarda  pas  à  le  dis- 
tinguer ,  et  à  lui  donner  le  litre  de 
prince  de  ses  élèves.  On  voulut  alors 
le  porter  au  genre  de  l'histoire,  et 
lui  faire  suivre,  à  cet  effet,  les  leçons 
d'Adrien  Van-dcn  Teinpcl;  mais  sa 
vocation  était  prise  ,  et  il  rentra 
bientôt  chez  son  ancien  maître.  Ses 
premiers  ouvrages  fixèrent  sa  répu- 
tation ;  ils  furent  recherchés  ;  et  Syl- 
vius  ,  riche  amateur ,  qui  devint  par 
la  suite  son  ami,  offrit  non-seule- 
ment d'acquérir  tous  les  tableaux  que 
ferait  Mieris ,  mais  de  les  prendre 
au  prix  que  l'on  y  mettrait.  Il  fit  con- 
naître l'artiste  à  l'étranger.  L'archi- 
duc d'Autriche,  pour  lequel  il  avait 
fait  quelques  ouvrages ,  en  fut  si 
charmé  ,  qu'il  le  pressa  de  venir  s'é- 
tablir à  Vienne,  lui  proposant  un 
prix  considérable  pour  chacun  de 
ses  tableaux ,  outre  une  pension  de 
mille  rixdalers,  Mieris  les  refusa, 
sous  prétexte  de  l'attachement  de  sa 
femme  pour  son  pays  natal.  Ses  com- 
patriotes les  plus  distingués,  afindeluî 
témoigner  en  quelque  sorte  leur  gra- 
titude d'une  semblable  préférence, 
le  chargèrent  d'un  grand  nombre 
d'ouvrages.  Le  grand -duc  de  Tos- 
cane lui  commanda  plusieurs  ta- 
bleaux ,  et  les  paya  généreusement. 
Mieris  ,  par  reconnaissance,  lui  en- 
voya son  propre  portrait ,  qui  fut 
placé  dans  la  galerie  de  Florence. 
Gependant ,  quelque  parfait  que  lut 
cet  ouvrage,  il  ne  reçut  point  l'ac- 
cueil qu'il  semblait  mériter  5  ce  que 
l'on  attribua    au    mécontentement 


MIE 

d'un  grand  seigneur  qu'il  avait  refu- 
sé de  peindre  avant  le  prince.  Mieris 
se  consola  facilement  de  cette  injus- 
tice. D'ailleurs  ,  son  humeur  et  ses 
liaisons  avec  le  peintre  Jean  Steen, 
lui  faisaient  oublier  tous  les  soucis. 
Ils  passaient  ensemble  une  partie  de 
la  journée,  se  livrant  à  la  boisson; 
et  si  ce  vice  ne  nuisit  ni  à  sa  fortune 
ni  à  son  talent,  il  abrégea  peut-être  ses 
jours.  Par  un  contraste  singulier,  ce 
travers  dont  il  donnait  l'exemple,  il 
ne  pouvait  le  tolérer  dans  les  autres  ; 
et  il  retira  son  fds  de  l'école  de  Lai- 
resse,  par  la  raison  seule  que  ce  pein- 
tre vivait  peu  régulièrement.  Cette 
habitude  lui  devint  enfin  funeste.  Un 
.soir  qu'il  rentrait  chez  lui  par  une 
nuit  obscure ,  après  s'être  livré  avec 
excès  à  son  vice  favori,  il  tomba  dans 
unégoût  que  des  maçons  avaient  laissé 
ouvert.  A  ses  cris ,  uu  savetier  du  voi- 
sinage vint  le  sauver  d'une  mort  cer- 
taine ,  et  lui  prodigua  tous  les  secours 
qui  dépendaient  de  lui.  Le  lendemain 
il  sortit  de  chez  son  libérateur,  non 
sans  avoir  bien  remarqué  la  maison  : 
il  s'enferma  chez  lui,  et  peignit  un 
tableau  qu'il  porta  lui-même  au  sa- 
vetier, en  le  remerciant  de  ses  soins, 
et  en  lui  disant,  s'il  voulait  se  défaire 
de  son  tableau,  de  le  remettre  à  un 
M.  Paats  ,  qui  lui  en  donnerait  un 
bon  prix.  La  femme  de  l'artisan  crut 
devoir  le  montrer  au  bourgmestre  , 
Jacques  Maas,  chez  lequel  elle  avait 
servi.  Ce  connaisseur  reconnut  aus- 
sitôt l'ouvrage  de  Mieris,  et  conseilla 
à  cette  femme  de  ne  point  s'en  dé- 
faire à  moins  tic  huit  cents  florins, 
qu'elle  n'eut  pas  de  peine  à  trouver. 
Cet  accident  cependant  fit  faire  de 
uses  réflexions  à  Mieris:  il  chau- 
de manière  de  vivre;  mais  le 
coup  était  porté,  et,  au  bout  de  quel- 
que temps,  il  mourut,  à  peine  âgé 
de  quarante -six  ans,  le  12  mars 


MIE  i3 

1681,  laissant  deux  fils  Jean  et  Guil- 
laume, qui  se  sont  illustrés  dans  la 
même  carrière.  Ce  peintre  est  remar- 
quable par  l'extrême  fini  de  ses  ou- 
vrages ;  et ,  sous  ce  rapport,  il  l'em- 
porte même  sur  Gérard  Dow  :  mais 
cette  manière  trop  précieuse  donne 
du  froid  à  ses  compositions,  qui, 
d'ailleurs ,  se  distinguent  par  l'esprit 
et  la  finesse.  Les  sujets  qu'il  a  traités 
sont  d'une  dimension  moins  grande 
que  celles  de  son  maître  ;  ce  qui  lui 
a  permis  d'y  introduire  un  plus 
grand  nombre  de  figures  ,  et  de 
donner  plus  d'étendue  aux  scènes 
qu'il  représente.  Comme  ce  maître  , 
il  copiait  ses  modèles  avec  le  verre 
concave,  sans  se  servir  de  carreaux, 
pour  les  dessiner.  Le  nombre  de  ses 
ouvrages  est  trop  considérable  pour 
les  indiquer  ici  en  détail.  Il  est  peu 
de  galeries  où  l'on  n'en  trouve  quel- 
ques-uns. Le  Musée  du  Louvre  eu 
possède  trois  :  I.  Portrait  d'un 
homme  vu  à  mi-corps,  enveloppé, 
d'un  manteau  rouge.  Il  a  le  bras 
droit  appuyé  sur  un  piédestal-  au- 
près de  lui  est  un  lévrier.  II.  Une 
femme  à  sa  toilette,  servie  par  une 
négresse.  III.  Deux  daines  vêtues 
de  satin ,  prenant  le  thé  dans  un 
salon  orné  de  statues.  Il  existait, 
dans  la  même  collection,  six  autres 
tableaux  de  ce  maître,  parmi  lesquels 
était  son  chef-d'œuvre, représentant 
Un  cavalier  qui  tiret oreille  d'unpe- 
tit  chien  placé  sur  les  genoux  d'une. 
dame  velue  d'un  manteau  rouge  et 
d'une  jupe  bleue.  Ce  tableau,  ainsi 
que  les  cinq  autres,  provenait  de  la 
galerie  du  stathouder;  ils  ont  été 
rendus  en  ibi5. — Jean  Misais,  Ii's 
aîné  <!u  précédent,  naquit  à  1 
en  1GG0.  lise  destina  de  bonu 
re  à  la  peinture;  mais  voyant  que 
son  père,  et  son  frère  Guillaume, 
qui,  quoique  plus  jeune    , 


l& 


MIE 


distinguait  déjà,  avaient  embrassé  un 
genre  dans  lequel  ii  craignait  de  ne 
pouvoir  les  égaler,  il  résokit  de  cul- 
tiver la  peinture  en  grand.  Son  père 
s'empressa  de  seconder  ses  heureu- 
ses dispositions ,  et  le  dirigea  dans 
ses  études  :  on  a  yu  ,  dans  l'article 
précédent,  quel  motif  l'empêcha  de 
le  laisser  suivre  les  leçons  de  Lai- 
resse;  mais  il  lui  fit  copier  les  meil- 
leures productions  de  ce  maître  ha- 
bile ,  et  parvint  ainsi  à  lui  former 
une  manière  grande  et  belle.  Mal- 
heureusement, la  santé  du  jeune  ar- 
tiste ne  répondait  pas  à  son  ardeur 
pour  le  travail.  11  était  tourmenté 
de  la  pierre  ;  et  les  médecins  lui 
défendirent  de  travailler  assis.  Il 
crut  que  les  voyages  lui  seraient 
salutaires.  Il  se  rendit  en  Allema- 
gne, après  la  mort  de  son  père;  et 
après  y  avoir  peint  quelque  temps, 
il  passa  en  Italie.  Il  reçut  à  Flo- 
rence un  accueil  distingué  qu'il  dut, 
en  partie ,  aux  ouvrages  de  son  père. 
Cependant  le  grand-duc  ,  charmé  de 
ses  talents  ,  voulait  le  retenir  à  sa 
cour.  Mieris,  craignant  que  sa  reli- 
gion ne  fut  un  obstacle  à  sa  tran- 
quillité, crut  devoir  le  refuser,  et 
partit  pour  Rome,  où  ses  ouvrages 
le  firent  rechercher;  son  assiduité 
au  travail  ayant  augmenté  son  mal, 
il  eut  une  attaque,  à  laquelle  il  suc 
comba  le  17  mars  1690.  Doué  des 
plus  grandes  dispositions ,  le  peu 
d'ouvrages  qu'il  a  laissés,  font  voir 
jusqu'où  il  aurait  pu  s'élever  ,  si  une 
mort  prématurée  ne  l'eût  enlevé  à 
son  art.  Ce  sont  des  tableaux  d'his- 
toire et  des  portraits  qui,  quoique 
peints  d'une  manière  entièrement  op- 
posée, n'en  dénotent  pas  moins  le 
plus  grand  talent.  —  Guillaume 
Mieris,  frère  puîné  du  précédent, 
naquit  à  Leyde  en  1661.  Également 
élève  de  son  père ,  il  sortait  à  peine 


MÎE 

de  l'enfance,  qu'il  annonçait  déjà  les 
talents  d'un  maître  consommé.  De- 
meuré orphelin  à  l'âge  de  dix-neuf 
ans ,  il  sentit  combieu  l'étude  de  la 
nature  pouvait  perfectionner  son  ta- 
lent. Il  s'était  d'abord  livré  au  genre 
dans  lequel  son  père  s'est  acquis  une 
si  juste  renommée;  mais  désespérant 
de  l'égaler,  il  tenta  de  se  distinguer 
dans  une  autre  route.  Il  étudia  ,  avec 
soin  ,  les  ouvrages  de  Lairesse  et  des 
autres  fameux  peintres  d'histoire  de 
son  temps  ;  et  sans  s'écarter  des  di- 
mensions dans  lesquelles  il  avait tra* 
vailléjusqu'alors ,  il  peignit  plusieurs 
sujets  historiques  :  on  distingue  dans 
le  nombre,  un  tableau  de  Renaud  en- 
dormi dans  les  bras  d'Armide.  Cette 
composition  obtint  un  tel  succès  , 
qu'il  fut  obligé  de  la  répéter  trois  fois 
pour  trois  personnes  différent  es.  Les 
légers  changements  qu'il  y  fit,  por- 
taient seulement  sur  les  accessoires. 
On  cite  encore  de  cet  artiste  une 
Sainte  Famille  ,  un  Triomphe  de 
Bacchus  ,  un  Jugement  de  Paris  , 
etc.  Il  peignait  avec  une  égale  supé- 
riorité le  pavsage  ,  qu'il  enrichissait 
de  figures  d'animaux,  exécutés  avec 
un  fini  précieux  et  une  vérité  pi- 
quante. Il  avait  un  autre  talent,  plus 
rare  chez  les  peintres  ,  celui  de  mo- 
deler en  terre  et  en  cire;  et  les  mor- 
ceaux qu'il  a  exécutés  de  cette  ma- 
nière ,  font  juger  que  s'il  s'était  ex- 
clusivement livré  à  la  sculpture, 
il  eût  acquis  la  réputation  d'un  très- 
habile  artiste.  On  connaît  de  lui 
quatre  vases ,  sur  lesquels  il  avait 
modelé  des  bacchanales.  Les  nym- 
phes ,  les  enfants,  les  satyres,  y  sont 
rendus  avec  un  talent  extrêmement 
remarquable  ;  et  l'esprit  et  la  facilité 
avec  lesquels  ces  figures  sont  tou- 
chées ,  feraient  croire  que  l'artiste 
avait  une  longue  pratique  del'ébau- 
choir.  Les  ouvrages  de  J.  Mieris  lui 


MIE 

procurèrent  une  fortune  considéra- 
ble. Estime  pour  ses  mœurs  et  son 
caractère,  il  vécut  heureux  jusqu'à 
une  extrême  vieillesse.  Il  mourut  à 
Leydc,  le  24  janvier  1747.  Ses  ou- 
vrages ,  comme  ceux  de  son  père , 
se  distinguent  par  le  fini  de  l'exé- 
cution ,  l'harmonie  de  l'ensemble, 
et  L'exactitude  à  rendre  tous  les  dé- 
tails  ;  mais  il  lui  est  inférieur  pour  le 
dessin,  la  finesse  de  la  touche  et  le 
piquant  des  effets.  Ses  compositions 
sont  moins  bien  entendues;  on  y  re- 
marque moins  d'élégance  et  de  na- 
turel dans  la  distribution  des  grou- 
pes. On  recherche  cependant  ses  ta- 
bleaux. Le  Musée  du  Louvre  en  pos- 
sède trois  :  I.  Un  jeune  garçon  fai- 
sant des  bulles  de  savon  près  d'une 
fenêtre.  II.  Le  marchand  de  gibier. 
III.  Une  cuisinière  levant  le  rideau 
de  sa  fenêtre  pour  y  accrocher  une 
volaille.  Le  Musée  possédait  encore 
cinq  autres  tableaux  de  ce  maître , 
parmi  lesquels  on  faisait  un  cas  par- 
ticulier de  sa  Marchande  épiciere , 
que  l'on  mettait  au  rang  des  bon- 
nes productions  de  son  père.  Ces 
tableaux  qui  provenaient  de  la  Hol- 
lande ,  de  la  galerie  de  Vienne  (1  ), 
et  de  celle  de  Uusseldorf ,  ont  été 
rendus  en  1 8 1 5.  P — s. 

MIEPJS(  François),  peintre  dis- 
tingué, comme  son  grand-père  Fran- 
çois et  son  pè  e  Guillaume ,  naquit  h 
Leydc  le  ^4  décembre  1669,  et  y 
mourut  le  23  octobre  17O3.  Il  ne  se 
borna  pas  à  être  l'émule  de  la  gloire 
paternelle  ,  avec  sa  palette  et  son 
pinceau  ;  mais  il  s'est,  de  plus,  fait 
counaitre    comme  savant    historie- 


ns r<:(  h»m».'s  et    n  |><  ■■>    1   c<  U<; 
époque  e,  on  en  b  cité  uu  ,  i   , 

t"»'t   <" ■■•  et  doi  t  L'auti  m    i  ^i  désigné 

«ou» le  nom  de  /'/„/,,,, 

qu'il  y.. 


BMIfirW  de  l'i 


. 


MIE  i5 

graphe  et  antiquaire.  Investigateur 
passionné  des  archives  et  des  chartes 
nationales  ,  il  en  forma  une  collec- 
tion considérable.  Un  grand  nombre 
d'autres  collections  particulières  fu- 
rent mises  à  sa  disposition:  les  états 
de  Hollande  et  Westfrise  lui  accordè- 
rent un  libre  accès  au  grand  dépôt 
d'archives  et  de  chartes  existant  a  la 
Haye;  et  plusieurs  autres  villes ,  tel- 
les que  MiddelJjourg,  Ziiïczée,  etc. , 
imitèrent  cet  exemple.  On  doit  aux 
laborieuses  recherches  de  notre  anti- 
quaire :  I.  Description  des  monnaies 
et  des  sceaux  des  évèques  d'U- 
trecht ,  Leyde,  17'iG,  in-8°.  Ce 
savant  traité  a  été  imprimé  à  la  suite 
de  l'Histoire  des  évêquesli'Utrecht, 
par  Van-Heussen,  traduit  en  hollan- 
dais par  H.  Van  Ryn.  il.  Histoire 
des  princes  des  Pays-Bas,  issus  des 
maisons  de  Bavière ,  de  Bourgogne 
et  d'Autriche,  depuis  Albert,  comte 
de  Hollande  jusqu'à  la  mort  de 
Charles-  Quint ,  la  Haye,  1732, 
1733  et  170.J,  3  vol.  in-fol.  C'est 
l' histoire  métallique  des  Pays-Bas  , 
antérieure  à  l'époque  où  commence 
celle  de  G.  Van  Loon.  III.  Il  publia , 
à  Leyde  ,  en  1740  ,  une  Ancienne 
chronique  de  i,  ollande  ,  dite  du 
Clerc,  et  restée  jusque-là  inédite  , 
avec  ses  remarques  cl  celles  de  Pierre 
Sciïveiïus.  IV.  De  même  à  1  • 
en  1 743,  une  Petite  chronique  a 
vers,  depuis  i5oo  jusqu'en  157  \. 
V.  Mémoire  sur  la  féodalii 
comté  de  Hollande ,  Leyde,  1743, 
à  l'occasion  d'un  ouvrage  de  Van 
Loon,  intitule:  Démonstration  his- 
torique que  le  comté  de  Huilât/ de  a 
été  un  fief  de  V 'Empire  Germa  ni- 
que.  VI.    Grand  recueil  des  Char- 

''e  Hollande,   de   Zélaru 
de  Frise  .  commençant  par  L 
cuments  les  plus  anciens  ,  et  allant 
jiWjU à  la  mort  de  Jacqueline  (L 


iG  MIE 

vière  (t  4^6  ) ,  4  Y0^  in-fol.  ;  Leyde, 
1753, 1754, 1755,  1706.  VII.  L'an- 
née suivante,  1 757 ,  il  publia  à  Leyde, 
Fidèle  narré  de  la  consécration  de 
Nicolas  de  Castro,  comme  premier 
évéque    de  Middelbourg ,  en  Zé- 
lande,    l'an    i56i,    par    Quentin 
Weytsen  ,  appuyé  de  plusieurs  piè- 
ces originales  et  inédites.  VIII.  Traité 
sur  la  manière  d'écrire  Vhistoire  , 
celle  de   Hollande   en  particulier 
(  sous  le  nom  de  Zographos  ) ,  Lev- 
de  ,  1757.    IX.   Chartes,  privilè- 
ges,   octrois,   documents  de  tout 
genre  de  la  ville  de  Leyde  ,  ibid. , 
17.59  ?    in-fol.   X.    Description  et 
Histoire  delà  ville  de  Leyde,  1  vol. 
in  -  fol.  ,   Leyde,    1762   et    1770. 
Interrompu  par  la  mort,  dans  la 
composition  du  iQ.  volume ,  il  a  eu , 
depuis  la  page  617  ,  pour  contina- 
teur  et  pour  éditeur,  Daniel  Van 
Alphen ,  greffier  ou  syndic  de  cette 
ville.  Tous  ces  ouvrages  sont  écrits  en 
hollandais.  Mieris  jouissait  de  la  con- 
sidération la  plus  flatteuse  ;  il  légua , 
par  son  testament,    des   aumônes 
aux  pauvres  de  toutes  les  commu- 
nions chrétiennes  :  il  appartenait  à 
celle  des  Remontrants.     M — on. 
MIERRE  (  Le  ).  V.  Lemterre. 
MIEÏ  (  Constance  ) ,  écrivain 
ascétique  ,  né  à  Vesoul ,  vers  1 7  40  , 
ayant  terminé  ses  études  ,  entra  dans 
l'ordre  des  Récollets,  et  se  consacra  à 
la  prédication  ,  et  à  la  direction  des 
âmes.  La  révolution  l'exila  de -son 
cloître  ;  et  il  se  vit  obligé  de  cher- 
cher une  retraite  dans  les  pays  étran- 
gers ,  où  il  est  mort  vers  1793.  On  a 
de  lui  :  I.  Réflexions  morales  d'un 
solitaire  ,  ouvrage  utile  aux  gens  du 
monde  et  aux  personnes  consacrées 
à  Dieu,  Paris,    177$,    in- 12.  II. 
Conférences  religieuses  pour  l'ins- 
truction des  jeunes  professes  de  tous 
les  ordres,  il).,  1777,  in-12.  W-s. 


MÏG 

MIGLIORATI  (  Louis  ) ,  neveu 
du  pape  Innocent  VII,  était  mar- 
quis d'Ancone  et  seigneur  de  Fermo , 
au  quinzième  siècle.  Pendant  le  long 
schisme  d'Occident,  ceux  des  papes 
qui  régnaient  à  Rome,  quoique  af- 
faiblis par  la  division  de  l'Église,  ne 
renonçaient  point  au  désir  d'agran- 
dir leurs  neveux  et  de  les  "rendre  sou- 
verains. Innocent VII, qui  était  m  onté 
sur  le  Saint-Siège  ,  en   i4«4?   était 
un   homme   doux    et  faillie;    mais 
Louis  de'  Migliorati ,  son  neveu,  qui 
avait  toujours  vécu  dans  les  camps  , 
était    brutal  et  emporté.    11  faillit 
causer  la  ruine  de  son  oncle  ,  en  fai- 
sant massacrer,  en  i4o5  ,  près  du 
pont  Saint-Ange  ,  les  députés  que  les 
Romains  avaient  envoyés   au  pape 
pour  traiter  avec   lui.    Le  pape  et 
son  neveu  furent  obligés   de   s'en- 
fuir pour  se  soustraire   à    la  ven- 
geance du  peuple.  Cependant  Inno- 
cent créa  Migliorati  marquis  d'An- 
cone ,  lui  donnant  à  ce  titre  le  gou- 
vernement de  la  meilleure  province 
qui  demeurât  encore  au  Saint-Siège. 
La  mort  d'Innocent ,  survenue  le  6 
novembre  1 406  ,  ne  détruisit  point 
la  fortune  de  Louis  de'  Migliorati. 
.Grégoire  XII  lui  enleva  bien  la  mar- 
che  d'Ancone  ;    mais    Migiiorati  , 
avec  l'aide  de  Ladislas  ,  roi  de  Na- 
ples  ,  s'empara  d'Ascoli  et  de  Fermo. 
Jl  échangea  ensuite  ,  avec  le  roi ,  la 
première  de  ces  villes  contre  le  comté 
de  Monopello  ;  et  il  prit  place  parmi 
les  seigneurs  indépendants  qui  s'é- 
taient   partagé    le    Patrimoine    de 
Saint-Pierre.  En   14*5,  il  fut  atta- 
qué par  Malatesta,  seigneur  de  Cé- 
sène,  et  défendu  par  Braccio  de  Mon- 
tone.  Il   s'engagea  en   1420  ,  à  la 
solde  des  Malatesti  ;  et  il  porta  inu- 
tilement des  secours  à  Pandolfe  , 
seigneur  de  Brescia ,  qu'attaquait  le 
duc  de  Milan.  Il  fut  fait  prisonnier 


;■ 


MIG 

le  8  octobre  ;  mais  Visconti  lui  rendit 
la  liberté  ,  et  le  renvoya  en  le  com- 
blant de  présents.  Il  mourut  avant 
l'année  i43o.  S.  S — i. 

M1GNARD  (  Nicolas  ),  peintre  , 
naquit  à  Troyes ,  en  1 608.  Son  père , 
nommé  Pierre  More,  servait  avec 
six  de  ses  frères  ,  tous  officiers  , 
d'une  belle  figure,  dans  les  armées  de 
Henri  IV.  Le  roi,  les  voyant  un  jour 
réunis,  leur  dit  en  plaisantant  :  Ce 
ne  sont  pas  là  des  Mores ,  ce  sont 
des  Mignards;  et  ce  dernier  nom 
leur  resta.  Le  jeune  Nicolas  reçut, 
dans  sa  ville  natale,  les  premières 
leçons  de  son  art.  Il  se  rendit  ensuite 
à  Fontainebleau',  où  la  vue  des  ou- 
vrages dont  le  Primatice,  Freminet, 
maître  Roux  et  autres  habiles  artistes 
avaient  orné  ce  château  sous  les  aus- 
pices de  François  Ier.  et  de  Henri  IV, 
lui  fit  sentir  le  besoin  d'acquérir  de 
nouvelles  connaissances.  Le  séjour 
d'Italie  lui  sembla  propre  à  remplir 
ses  vues.  Il  se  mit  en  route  ;  et ,  en 
passant  par  Avignon,  il  y  peignit  , 
pour  un  amateur  ,  une  galerie  dans 
laquelle  il  représenta  \  Histoire  de 
Théagèneet  Chariclée.  Cette  galerie, 
divisée  en  plusieurs  compartiments  , 
passe  pour  un  de  ses  meilleurs  ou- 
vrages. Sur  ces  entrefaites ,  il  devint 
épris  d'une  jeune  personne,  et  fut 
sur  le  point  de  renoncer  à  son  voya- 
ge; mais  l'amour  de  son  art  l'em- 
porta. Arrivé  à  Rome,  il  ne  cessa 
pendant  deux  ans  ,  d'étudier  les 
chefs-d'œuvre  (pie  renferme  cette 
ville.  Il  revint  alors  à  Avignon  ,  et  y 
mu  séjour,  après  avoir  épouse 
celle  qu'il  aimait,  (/est  ce  qui  lui 
valut  le  surnom  de  Mignard  d'Avi- 
gnon, pour  le  distinguer  de  son  frère 
Pierre,  que  son  long  séjour  à  Rome 
a  l'ait  appeler  le  Romain  (  V.  ci- 
après  ;.  Le  cardinal  Mazarin  se  ren- 
daut  à  Saint-  Jeun  -  de  -  Luz ,  où  il 

XXIX. 


MIG  17 

accompagnait  Louis  XIV ,  qui  allait 
épouser  l'infante  Marie  -  Thérèse  , 
eut  occasion  d'apprécier  le  talent  de 
Mignard  :  il  se  ressouvint  de  lui 
lorsqu'il  fut  de  retour  à  Paris,  et 
l'appela  dans  cette  capitale ,  où  Mi- 
gnard mérita  bientôt  la  protection  du 
roi ,  qui  lui  fit  faire  son  portrait , 
ainsi  que  celui  de  la  reine.  La  plu- 
part des  seigneurs  voulurent  avoir 
leur  portrait  de  sa  main.  Parmi  les 
portraits  qu'il  peignit  à  cette  époque, 
on  distinguait  celui  de  la  Princesse 
d' Elbeuf  en  sainte  Cécile.  Ces  tra- 
vaux ne  l'empêchèrent  pas  d'exécu- 
ter,  pour  les  chartreux  de  Grenoble, 
deux  grands  tableaux  d'histoire  qui 
soutinrent  sa  réputation.  C'est  en  ce 
temps  qu'il  fut  admis  à  l'académie 
de  peinture,  dont  il  devint  par  la 
suite  professeur  et  recteur.  Le  roi  y 
qui  ne  l'avait  point  oublié ,  le  char- 
gea de  décorer  son  appartement  du 
rez-de-chaussée  aux  Tuileries.  II  y 
représenta  ce  monarque  sous  l'em- 
blème du  Soleil  guidant  son  char. 
Louis  XIV  fut  tellement  satisfait  de 
cet  ouvrage  ,  qu'il  lui  ordonna  de 
peindre  sa  grande  chambre  de  pa- 
rade ,  dans  le  même  château.  L'ar- 
tiste mit  tant  d'ardeur  à  répondre 
aux  désirs  du  roi ,  qu'il  fut  attaqué 
d'une  hydropisie  ,  dont  il  mourut  à 
Paris,  en  1668,  généralement  re- 
gretté pour  la  noblesse  de  son  carac- 
tère et  pour  ses  talents.  Il  avait  dans 
l'imagination  plus  de  sagesse  que  de 
chaleur.  Il  a  surtout  réussi  dans  les 
sujets  qui  exigent  plutôt  l'expression 
des  affections  douces,  que  celle  des 
passions  violentes.  Ses  compositions 
rappellent  en  quelque  sorte  l'Albane: 
elles  sont  généralement  ingénieuses; 
son  pinceau  est  flouj  ses  attitudes  et 
ses  airs  de  tête  ont  de  la  grâce,  < 
dessin  ne  manque  pas  <l<-  correction. 
Il  est  aussi  connu  comme  graveur  à 
3 


i8 


MiG 


léau-forte.  On  a  de  lui,  en  ce  genre, 
cinq  pièces  qu'il  a  exécutées,  d'après 
les   peintures   d'AnniLal  Carrache , 
dans  la  galerie  Farnèse    On  a  grave' 
d'après Mignard  cinquante  morceaux, 
dont  les  principaux  sont  :  I.  Le  por- 
trait du   duc  d'Harcourt  ,    connu 
sous  le  nom  de  Cadet  à  la  perle.  II. 
Celui  de  Brisacier.  III.  Celui  d' Em- 
manuel- Théo  dore  de  la  Tcur  d'Au- 
vergne ,    duc   d' Albret.    IV.    Une 
Sainte-Famille.  V.  Le  portrait  de 
Pierre  Dupuis,  peintre  du  roi.  Tou- 
tes ces  pièces  sont  d'Antoine  Mas- 
son  (  V*  ce  nom  ).  VI.  Enfin,  un 
Portement   de  croix  ,    gravé  par 
Boulanger.    —    Pierre  Mignard   , 
frère  du  précédent ,  naquit  à  Troyes , 
en  iGio.  Son  père  le  destina  d'abord 
à  la  médecine  :  majs  son  goût  pour 
le   dessin   se  manifesta  presque  au 
sortir   de  L'enfance  ;  et  à  l'âge  de 
douze  ans ,  il  avait  fait  un  taLîeau  où 
était  représentée  toute  la  famille  du 
médecin  chez  lequel  on  l'avait  placé. 
Son  père  ne  put  résister  à  une  voca- 
tion aussi  prononcée  ,  et  le  confia  à 
un    nommé  Boucher  ,    peintre  de 
Bourges,  d'où,  par  les  soins  du  ma- 
réchal de  Vitry  ,   il  passa  sous  la 
direction  de  V  ouet,  qu'il  ne  tarda  pas 
à  égaler.  Le  jeune  artiste,  frappé 
de  la  beauté  des  tableaux  que  le  ma- 
réchal de   Créqui   avait   rapportés 
d'Italie  ,  résolut  de  visiter  cette  con- 
trée. Arrivé  à  Rome  en    i636,  la 
première  personne  qui  s'omit  à  sa 
vue,  fut  Du  Fresnoy,  qui  avait  été  son 
condisciple  chez  Vouet.  Tout  devint 
commun  entre   eux;  et  jusqu'à    la 
mort  ils  ne  cessèrent  d'être  liés  de  la 
plus  étroite  amitié.  Les  travaux  que 
Mignard  entreprit ,  le  firent  bientôt 
connaître.  Ses   portraits   obtinrent 
surtout  un  tel  succès ,  que  le  pape 
Urbain  VIII  voulut  être  peint  par 
lui.  Dans  ses  moments  de  loisir , 


MIG 

il  étudiait  les  ouvrages  de  Raphaël , 
de  Michel-  Ange  et  d'Annibal  Carra- 
che, dont  il  tâchait  de  s'approprier 
les  qualités.  Le  cardinal  Du  Plessis 
le  chargea  de  copier  la  galerie  Far- 
nèse ,  peinte  par  ce  dernier  artiste. 
Le  Musée  du  Louvre  possède  les  étu- 
des qu'il  fit  à  cette  occasion.  Ce  sont 
douze  grands  dessins  aux  crayons 
noir  et  blanc,  sur  papier  gris  ,  re- 
présentant  les  cariatides    dont    le 
Carrache  a  décoré  la   voûte  de  la 
galerie  Farnèse.  Du  Fresnoy  l'ayant 
engagé  à  visiter  Venise,  pour  en  étu- 
dier les  grands  coloristes ,  il  se  rendit 
à  ce  conseil  ;  et ,  pendant  son  séjour  , 
il  fit  les  portraits  du  doge  et  de  plu- 
sieurs patriciens.  Delà,  il  parcourut 
une  partie   de  l'Italie,  et   revint  à 
Rome,  où  le  pape  Alexandre  VII 
lui  commanda  son  portrait.  La  per- 
fection de  ses  peintures  de  Vierges , 
lui  mérita  d'être  comparé ,  par  les 
Italiens  eux-mêmes,  à  Annibal  Car- 
rache. On  leur  donnait  le  nom  de 
Mignardes ;  et  ce  nom,  que   l'on 
a   depuis  voulu  faire   passer  pour 
un  reproche ,  était  alors  l'expression 
de  l'admiration  qu'il  inspirait.  Pen- 
dant son  séjour  à  Rome,  il  fut  ap- 
pelé ,  en  concurrence  avec  Piètre  de 
Cortone,  pour  peindre  le  tableau  du 
maître-autel    de  Saint-Charles    dé' 
Catenari.  Il  fit  pour  esquisse  un  ta- 
bleau terminé  qui  représentait  Saint- 
Charles   administrant   la  commu- 
nion  à    des    mourants.    Les    con- 
naisseurs applaudirent  à  cet  ouvra- 
ge ;  et  cependant  Piètre  de  Cortone 
fut  préféré.  On  ignore  ce  qu'est  de- 
venu ce  tableau ,  qu'on  peut  regarder 
comme  son  chef-d'œuvre  ;  mais  la 
gravure  magnifique  qu'en  a  faite  F. 
de  Poilly,  suffit  pour  assurer  la  gloi- 
re du  peintre.  Après  avoir  demeuré 
en  Italie  l'x  ans,  dont  la  plus  grande 
partie  à  Rome  ,  il  fut  rappelé  en 


France  ,  par  Louis  XIV.  Il  revint 
alors  dans  sa  patrie  ,  maigre  l'union 
qu'il  venait  de  contracter  avec  la 
fille  d'un  architecte  romain ,  jeune 
et  belle,  et  la  peine  qu'il  éprouvait 
de  quitter  le  Poussin  ,  avec  lequel  il 
s'e'tait  lié  d'amitié.  Il  s'arrêta  près 
d'un  au  à  Avignon,  auprès  de  son 
frère:  il  séjourna  ensuite  à  Lyon  ,  où 
il  exécuta  quelques  tableaux,  et  ar- 
riva enfin  à  Fontainebleau,  où  le  car- 
dinal Mazarin  le  présenta  au  roi  et  à 
la  reine-mère,  dont  il  fit  les  portraits. 
Pendant  son  séjour  en  Italie,  il  avait 
cultivé  la  peinture  à  fresque,  genre 
auquel  l'humidité  de  nos  climats  sera 
toujours  un  obstacle,  mais  qui,  par 
la  promptitude  qu'exige  ce  travail , 

inde  de  l'artiste  autant  de  viva- 
cité que  de  sûreté  dans  l'exécution. 
Mignard  fut  chargé  de  peindre  à 
fresque  la  coupole  du  Val-de-Grace, 
qui  venait  d'être  terminée. Cette  vaste 
composition  de  plus  de  deux  cents 
figures,  dans  laquelle  il  a  représenté 
la  reine  Anne  d'Autriche,  introduite 
dans  le  paradis  par  sainte  Anne  et 
saint  Louis ,  est  aussi  remarquable 
par  la  beauté  des  figures  que  par 
celle  du  coloris;  et  elle  l'emporte 
sur  tous  les  ouvrages  du  même  genre 
dus  aux.  peintres  nationaux.  Molière 
célébra  ce  bel  ouvrage  dans  une 
pièce  de  vers  intitulée  :  la  G  Loire  du 
Fal-cle-Gràce ,  qui,  malheureuse- 
ment, ne  répond  ni  au  génie  du  poète, 
ni  au  talent  de  l'artiste.  Celui-ci 
avait  peint  à  fresque,  en  coneur- 
avec  Lafosse,  la  chapelle  des 
fonts  à  Saint  -  Eustache.  Ces  peintu- 

Dnt  été  détruites  lors  de  la  re- 
construction de  la  façade  de  cette 
.  On  a  également  détruit  les 
belles  peintures  dont  Mignard  avait 
orné  la  petite  galerie  de  Versailles  , 
et  l'ancien  cabioetdu  grand-dauphin, 
ïl  serait  trop  long  de  rappeler  tous 


MIG  19 

les  travaux  dont  cet  habile  artiste  fut 
charge'.  Lorsqu'il  revint  en  France  , 
Lebrun  ,  honoré  de  la  protection  de 
Louis  XIV,  et  soutenu  par  Colbert, 
exerçait  une  influence  presque  des- 
potique dans  l'empire  des  arts.  Mi- 
gnard ,  qui  avait  le  sentiment  de  sou 
mérite  ,  refusa  de  plier  sous  le  joug 
universel  :  il  ne  voulait  rien  devoir 
qu'à  lui-même  ;  et  pour  braver,  en 
quelque  sorte  ,  son  rival ,  il  refusa 
d'entrer  à  l'académie  de  peinture 
fondée  sous  les  auspices  de  Lebrun  , 
et  se  fit  nommer  président  de  l'aca- 
démie de  Saint  -  Luc.  Son  amour- 
propre  avait  été  justement  blessé  de 
la  supériorité  qu'affectait  le  premier, 
qui  ne  pouvait  voir  sans  jalousie  les 
succès  de  Mignard.  On  ne  sait  si  le 
même  sentiment  l'animait  à  son.tour: 
mais  un  préjugé  favorable  pour  son 
caractère,  c'est  le  nom  de  tous  ceux 
dont  il  s'honora  d'être  l'ami ,  et  par- 
mi lesquels  brillent  au  premier  rang 
Molière,  La  Fontaine  ,  Racine  et  Boi- 
leau.  Son  esprit  orné ,  son  amabilité, 
faisaient  rechercher  sa  société.  On 
connaît  de  lui  plusieurs  mots  pi- 
quants. Il  peignait  Louis  XIV  pour 
la  dixième  fois  ,  et  comme  il  le  re- 
gardait attentivement ,  le  prince  lui 
dit  :  «  Mignard ,  vous  me  trouvez 
»  vieilli?  —  Sire  ,  répondit  l'artiste, 
»  il  est  vrai  que  je  vois  quelques  vic- 
»  toires  de  plus  sur  le  front  de  Votre 
»  Majesté.  »  Cette  répartie  flatta  ex- 
trêmement le  monarque,  qui  ne  cessa 
de  le  protéger  ,  et  qui  l'anoblit  en 
1(387.  k"  1^90,  après  la  mort  de 
Lebrun  ,  il  le  nomma  son  premier 
peintre,  et  directeur  des  manufac- 
tures royales.  Mignard  ne  refusa  plus 
alors  d'entrer  à  l'académie  de  pein- 
ture ;  et  le  même  jour  il  fut  reçu 
académicien,  professeur,  recteur, 
directeur  et  chancelier.  11  mourut  à 
Paiis,  eu  1695.  On  ne  peut  di 
3.. 


20  MIG 

venir  que  ses  ouvrages  justifient  en 
grande  partie  les  faveurs  dont  il  fut 
comblé.  Outre  ses  peintures  du  Val- 
de-Grâce  ,  celles  dont  il  a  de'coré  le 
château  de  Saint  -  Gioud  suffiraient 
pour  fonder  sa  réputation.  Dans  la 
galerie ,  il  a  représenté ,  en  cinq 
compartiments ,  Apollon  sur  son 
char ,  et  les  Quatre  saisons.  Le  ca- 
binet de  Diane,  qui  termine  celte 
galerie  ,  renferme  quatre  tableaux  ti- 
rés de  l'histoire  de  la  Déesse.  Enfin , 
dans  la  grande  salle ,  appelée  Salon 
de  Mars,  il  a  peint,  en  cinq  com- 
partiments ,  Mars  et  Vénus  envelop- 
pés dans  les  rets  de  Vulcain  ,  les 
Cy dopes  ,  V  Olympe ,  etc.  Le  Musée 
du  Louvre  possède  de  lui  sept  ta- 
bleaux :  I.  Le  Portrait  en  pied  de 
Mignard.  II.  Jésus  sur  le  chemin  du 
Calvaire ,  succombant  sous  le  poids 
de  la  croix;  tableau  de  chevalet. 

III.  Portrait  de  Louis,  Dauphin , 
dit  Monseigneur , fils  de  Louis  XIV. 

IV.  Portrait  de  Madame  de  Main- 
tenon.  V.  Portrait  de  la  marquise 
de  Feuquières  ,  fille  de  Mignard , 
tenant  le  portrait  de  son  père.  VI. 
La  Vierge  présentant  une  grappe 
de  raisin  à  V Enfant- Jésus ,-  tableau 
connu  sous  le  nom  de  Vierge  à  la 
grappe  :  il  a  été  gravé  par  Koullet. 
VII.  Sainte  Cécile  chantant  sur  la 
harpe  les  louanges  du  Seigneur  ■  ce 
tableau  de  chevalet ,  gravé  par  Du- 
flos,  est,  ainsi  que  le  précédent,  un 
de  ses  ouvrages  les  plus  célèbres  ; 
tous  deux  sont  remarquables  par  la 
fraîcheur  du  coloris  et  la  grâce  de  la 
composition.  Mignard  peut  être  re- 
gardé comme  le  plus  habile  coloriste 
du  siècle  de  Louis  XIV.  Ses  carna- 
tions sont  vraies  et  harmonieuses;  il 
sait  habilement  opposer  les  unes  aux 
autres  les  plus  riches  couleurs,  et  aug- 
menter ainsi  l'éclat  de  ses  tableaux  ; 
&on  pinceau  est  moelleux  et  plein  de 


MIG 

légèreté.  Quant  à  l'ordonnance  de  ses 
compositions ,  elle  est  bien  entendue, 
riche  ou  gracieuse,  et  se  distingue 
par  la  noblesse  de  la  pensée  :  mais 
il  rend  faiblement  l'expression  des 
passions  ;  il  manque  de  chaleur  et 
d'énergie,  et  le   fini  qu'il  donne  à 
ses  ouvrages  les  rend  ordinairement 
froids.  Tant  qu'il  fut  protégé  par 
Louis  XIV  ,   tant   qu'il   eut   pour 
amis  et  pour  défenseurs  les  hommes 
les    plus    illustres   de   son   siècle , 
il  fut  accablé  de  louanges  :  mais  , 
après    sa   mort ,    les    académiciens 
dont  il  avait  refusé  d'être  le  confrère 
aussi  long-temps  que  vécut  Lebrun, 
devinrent  ses  détracteurs;   et  c'est 
à  leurs  efforts  continus  que  l'on  peut 
attribuer  le  changement  qui  s'est  opé- 
ré dans  les  idées  à  son  égard.  S'il 
le  cède  à  Lebrun  pour  la  richesse 
de  l'imagination,  la  grandeur  de  la 
composition ,  si  l'enthousiasme  l'a- 
nime rarement,  il  est  toujours  exact, 
agréable  et   spirituel.   Il   fut  mis, 
durant  sa  vie,  à  coté  de  son  rival  :  la 
postérité  plus  équitable  ne  lui  ac- 
corde que  le  second  rang;  mais  il  est 
un  des  artistes  de  son  siècle  qui  font 
le  plus  d'honneur  à  la  France.  Il  faut 
observer  que,  lorsqu'il  vint  à  Paris, 
il  avait  près  de  cinquante  ans.  Les 
ouvrages  d'après  lesquels  on  le  juge 
ordinairement ,  ne  peuvent  être  con- 
sidérés que  comme  des  productions 
de  sa  vieillesse;  et  c'est  sur  ceux 
qu'il  a  exécutés  en  Italie  qu'il  serait 
juste  de  l'apprécier.  Mais  n'eût-il  fait 
que  des  portraits,  il  n'en  mériterait 
pas  moins  un  rang  très  -  distingué 
dans  les  arts.  Le  Portrait  de  Mme. 
d'Hervart ,  l'amie  de  La  Fontaine , 
et  dont  Mignard  avait  orné  l'hôtel 
de  peintures  à  fresque  ,  passait  pour 
son  chef-d'œuvre.  On  connaît  l'a- 
necdote du  perroquet  de  cette  dame; 
qu'on  entendit  souvent  dire  à  soa 


MIG 

portrait:  Baisez-moi,  ma  maltresse. 
Les  meilleurs  maîtres  qui  ont  grave 
d'après  Mignard ,  sont  G.  Audran  , 
Nanteuil ,  Masson  ,  Michel  Lasne  , 
Drevet,  etc.  Son  œuvre  se  compose 
de  147  pièces.  Il  a  grave  lui-même  à 
l'eau -forte  une  Sainte  - Scolastique 
aux  pieds  de  la  Vierge.  —  Pierre 
Mignard,  architecte,  fils  de  Nico- 
las ,  et  neveu  du  précédent ,  naquit 
à  Avignon,  en  1640.  II  parcourut 
l'Italie  et  la  France,  pour  y  étudier 
et  lever  les  plans  des  plus  beaux 
monuments  d'architecture.  Il  vint 
rejoindre,  à  Paris,  son  père  qui  s'y 
était  fixé;  et  la  réputation  que  lui 
avait  acquise  X Abbaye  de  Monlma- 
jour ,  près  d'Arles,  lui  fit  obtenir 
dans  la  capitale  plusieurs  construc- 
tions importantes,  parmi  lesquelles 
on  doit  citer  la  Façade  de  l'église 
de  Saint-Nicolas  et  la  Porte  Saint- 
Martin.  Si  ce  dernier  monument 
n'offre  point  la  perfection  de  celui 
qui  est  dû  au  génie  de  Blondel,  il 
donne  cependant  une  idée  avanta- 
geuse des  talents  de  Mignard,  et  doit 
passer  pour  un  des  monuments  les 
plus  remarquables  de  Paris.  V Ab- 
baye de  Montmajour,  à  laquelle  il 
avait  mis  tous  ses  soins,  ses  bâti- 
ments commodes  et  immenses,  com- 
posés de  trois  étages  voûtés,  ayant 
des  murs  de  face  de  six  pieds  d'é- 
paisseur ,  construits  en  pierre  de 
taille ,  paraissaient  indestructibles. 
Mais  un  jour,  pendant  que  les  bénédic- 
tins étaient  à  l'o (lice,  le  feu  prit  à  une 
poutre  qui  traversait  une  cheminée  : 
en  un  instant  les  combles  Turent  em- 
brasés; et  l'étonnement  des  moines 
fut  extrême  lorsqu'ils  virent  le  feu 
sortir  du  milieu  des  murs  de  face. 
On  s'aperçût  alors  que  les  maçons, 
pour  finir  plutôt  leur  besogne , 
avaient  caché  (1rs  fagots  dans  l'é- 
paisseur des  murs.  Franque,  archi- 


MIG  21 

tecte  de  la  ville  d'Avignon,  recons- 
truisit celte  abbaye,  et  suivit  scru- 
puleusement les  plans  et  les  dessins 
de  Mignard.  Cet  artiste  avait  été  l'un 
des  six  membres  qui  fondèrent ,  en 
167 1  ,  l'académie  royale  d'architec- 
ture. Il  y  était  professeur,  lorsqu'il 
mourut  à  Paris,  en  1 725.     P — s. 

MIGNAULT  (  Claude  )  ,  plus 
connu  sous  le  nom  de  Minos ,  qu'il 
prit  à  la  tête  de  ses  ouvrages  ,  était 
né  vers  i536 ,  à  Talant ,  bourg  près 
de  Dijon.  Il  avait  plus  de  douze  ans 
quand  il  commença  ses  études;  mais 
il  eut  bientôt  surpassé  tous  ses  con- 
disciples, et  réparé  le  temps  qu'il 
avait  perdu  par  l'insouciance  de  ses 
parents.  Il  avait  à  peine  achevé  ses 
cours  de  philosophie  et  de  mathé- 
matiques ,  lorsqu'il  fut  appe'é  au 
collège  de  Reims,  où  il  expliqua  pen- 
dant quatre  ans  les  meilleurs  auteurs 
grecs  et  latins.  Nommé  ensuite  pro- 


fesseur à  Paris,  il  v  soutint  h 


répu- 


tation qu'il  s'était  acquise.  La  fièvre 
pestilentielle  qui  désola,  en  1578, 
une  partie  de  la  France,  l'obligea 
de  se  retirer  à  Orléans;  et  il  profita 
de  son  séjour  en  cette  ville,  pour  étu- 
dier le  droit,  et  prendre  ses  degrés. 
Il  fut  nommé,  peu  après,  avocat  du 
roi  à   Etampes,  charge  qu'il  rem- 
plit  quelques  années  :  de   retour  à 
Paris ,  il  fut  nommé  pr<  ; 
droit  canon;  et  l'on  sait  qu'il 
doyen    de  cette  faculté,   en    : 
Mignault  joignait   à   une  érudition 
variée,  une  rare  probité;  il  mourut 
le  l>  mars  i('<o(i,  à  l'âge  de 
dix  ans,  et  fut  inhumé  dans  l'i 
Saint-Benoît.  On  trouvera  la  li  I 
ses  ouvrages  à  la  suite  de  son  1 
par  Papillon,  dans  ta  continua 
des  Mémoires  de  littérature  ,  t.  vu 
(F.  DesmOlèts),  et  dans  la  BU 
thèaue  de  Bour.  ns  les  Mé- 

moires de  Nice  ion,  tom, 


WIG 

fin  dans  le  Dictionn.  de  Moréri.  Le 
plus  connu  de  tous  est  sans  contredit 
son  Commentaire  sur  les  Emblèmes 
d'Àlciat,  Anvers,  i . > 7 4 ^  ÛI716,  sou- 
vent reimprime'  dans  le  seizième  et  le 
dix-septième  siècle  (  V.  Alciat  ).  Il 
traduisit,  depuis  ,  ces  Emblèmes  en 
vers  français,  Paris,  i584?  în-ia; 
rare.  Quoique  dans  sa  préface  il  de- 
prise  beaucoup  les  versions  d'A- 
ncau  et  de  Lefevre,  la  sienne,  qui  est 
une  espèce  de  paraphrase,  n'est  guère 
meilleure  ;  elle  est  en  vers  de  différen- 
tes mesures ,  les  uns  à  rimes  croisées , 
les  autres  à  rimes  plates.  Il  n'a  su 
se  garantir  d'aucun  des  défauts  des 
poètes  de  son  temps  :  hiatus,  enjam- 
bements, épithètes  enflées  et  ridi- 
cules, style  dur,  mots  inventes,  dé- 
rivés du  grec  et  du  latin,  etc.  Il 
annonce  pourtant  une  vaste  éru- 
dition; car  il  en  fallait  beaucoup, 
pour  trouver,  comme  il  a  fait,  les 
sources  où  Alciat  avait  puisé  ses 
emblèmes  j  sources  qu'il  avait  affecté 
de  cacher  avec  soin.  On  cite  encore 
de  lui  :  1.  Des  Discours  latins,  pro- 
noncés à  l'ouverture  de  ses  cours.  II. 
Des  Editions  des  Satyres  de  Perse , 
des  Partitions  oratoires  de  Cicéron 
et  de  la  Rhétorique  d'Orner  Talon. 
III.  Des  Notes  sur  les  Harangues  de 
Cicéron  pour  Sylla  et  pour  Marcel- 
lus,  sur  les  Épitres  d'Horace,  les 
Lettres  de  Pline  le  jeune,  etc.  L'é- 
dition des  Épîtres  d'Horace,  Paris, 
Gilles  Jyeys,  i584,  in-4%  est  re- 
marquable, parce  que  c'est  un  des 
premiers  Livres  où  l'on  ait  fait  usa- 
ge au  J  et  du  V consonnes,  qu'on 
n'avait  encore  employés  que  dans 
les  ouvrages  de  Ramus,  qui  en  est 
l'inventenr  {V.  Ramus).     W — s. 

MIGNON  (Abraham),  ou  plu- 
tôt Minion  (  les  Allemands  écrivent 
Minjon  ).  peintre  de  fleurs  ,  naquit  a 
Francfort- sur- le- Mein,  vers  i64o. 


MIG 

Il  eut  successivement  pour  m, 
Jacques  Murcl  et  le  célèbre  Dav 
Heem;  c'est  chez  ce  dernier,  qu'il 
puisa  les  excellents  principes  qui 
l'ont  placé  au  rang  élevé  qu'il  occupe 
parmi  les  artistes  de  son  genre.  Les 
études  immenses  qu'il  entreprit  pour 
cl  onnerà  ses  productions  ce  charme  et 
cette  vérité  qui  ne  peuvent  naître  que 
d'une  connaissance  approfondie  des 
productions  de  la  nature,  l'applica- 
tion qu'il  apporta  à  ses  travaux, 
affaiblirent  tellement  sa  santé,  qu'il 
mourut  en  1679,  ayant  à  peine  qua- 
rante ans ,  et  laissant  deux  filles , 
qui  cultivèrent  avec  succès  le  même 
genre  de  peinture.  Mais  de  tous  ses 
élèves  ,  celle  qui  lui  fait  le  pins 
d'honneur  est  la  célèbre  Marie  Sy- 
bille  Mérian.  Les  qualités  qui«distin- 
guent  les  productions  de  Mignon , 
sont  la  fraîcheur ,  la  finesse  des 
tons  ,  le  précieux  du  travail ,  l'éclat 
des  reflets  ,  et  l'imitation  parfaite 
delà  nature.  Ses  fleurs  sont  choisies 
avec  goût;  il  entend  parfaitement 
l'art  de  les  grouper,  pour  les  faire 
mutuellement  valoir.  Il  excelle  égale- 
ment dans  la  peinture  des  insectes  ? 
des  mouches  ,  des  papillons;  c'est 
la  rosée  que  l'on  voit  trembler  sur  les 
feuilles;  c'est  le  velouté  des  fruits  que 
la  main  va  toucher.  Le  seul  défaut 
que  l'on  ait  à  lui  reprocher ,  c'est 
un  peu  de  sécheresse  dans  le  dessin  ; 
défaut  que  l'on  doit  attribuer  au  soin 
avec  lequel  il  peignait.  Userait  aupre- 
mierrang  des  peintresde  fleurs  si  Van 
Huysum  n'avait  atteint  la  perfection 
dans  toutes  les  parties  de  ce  genre  de 
peinture.  Un  de  ses  tableaux  les  plus 
précieux  est  connu  sous  le  nom  de 
Mignon  au  chat  :  il  représente  un 
chat  de  Cypre  renversant  un  vase  de 
fleurs  sur  une  table  de  marbre.  L'eau 
qui  s'échappe  du  vase  était  représen- 
tée avec  une  telle  vérité  qu'on  ia. 


WIG 

voyait ,  pour  ainsi  dire  ,  se  répandre 
hors  du  tableau.  Le  Musée  du  Lou- 
vre possède  trois  morceaux  de  ce 
maître  :  I.  In  Ecureuil ,  des  Pois- 
sons, des  Fleurs  et  un  Nid  d'oi- 
seaux dans  un  fond  d<j  paysage. 
IL  Un 'Bouquet  dejleurs  des  champs. 
III.  Des  Roses ,  des  Tulipes  ,  et  au- 
tres fleurs,  dans  un  vase  de  cristal. 
Ce  tableau  est  le  pendant  du  précé- 
dent. P— s. 

MIGNOT  (Etienne),  docteur  de 
Sorbonne,  né  à  Paris,  le  17  mars 
1698,  se  distingua,  dès  sa  licence, 
par  ses  succès,  et  y  obtint  la  pre- 
mière place,  qui  n'était  plus  que  la 
cinquième  depuis  que  les  quatre  pre- 
mières étaient  réservées  aux  jeunes 
ecclésiastiques  des  plus  illustres  fa- 
milles. Mignot  étudia  tout -à-la-fois 
et  les  sciences  ecclésiastiques,  et  les 
monuments  de  l'antiquité  profane:  il 
vivait  dans  la  retraite;  et  sitôt  qu'il 
fut  docteur  ,  il  s'abstint  de  paraître 
aux  assemblées  delà  faculté  de  théo- 
logie. L'indépendance  de  ses  opinions 
contribua ,  autant  que  son  ardeur 
pour  le  travail,  a  lui  faire  prendre 
ce  parti.  Il  avait  étudié  en  Sorbonne 
dans  le  temps  que  les  appelants  y 
dominaient;  et  il  n'était  pas  homme 
à  revenir  sur  ses  pas,  et  à  suivre 
l'exemple  de  la  faculté,  lorsqu'elle 
rétracta  son  appel.  Lié  avec  Débon- 
naire, Roidot  (  1  ),  de  La  Tour,  et  les 
autres  membres  de  la  société  dite 


(l)  Philippe  Boidot,  docteur  de  Sorbonne  et  supé- 
rieur du  séminaire  des  Trente-Truif  ,  '•  Paris,  y  te- 
nait, arec  d'autres  app<  laots,  de»  conférences  sur  di- 
On  lui  attribue deui  courte*  Disser- 
tation* pour  défendre  Ih  Lettre  à  Nicole  pur  De- 
.  1736,  >///■  Us 
imputât  ■  abbé.  Deb  tuiaire  etluicom- 

■'>...!  les  Traités  historiques   etpolé- 
miijues  de  la  fin  <lu  monde,  de  la  venue  d'1 
■'"   '"   ■  .-H-,  a  toi.  iu    ,■>  |   le    3«.  n'a 

po«»t  i>.  rut  éditeur  du  Traité  (■ 

1"f  >  f"stt"  '</"  '<  i  irult licences  et  du  ju- 

b'là>  V  Chevr«u«e,*75».  in-w. 

11  mourut  le  ao  avril 


MIG  *3 

des  Trente-Trois,  il  prit  part  aux 
écrits  émanés  de  cette  société.  On  lui 
attribue  trois    Lettres,  publiées  efl 
1736, contre  le  Juste milieu  à  tenir 
dans  les  disputes  de  l'Église,  par 
Besoigne;  une  Réponse  à  une  Lettre 
de  Soaneu,  contre  l'abbé  Débonnaire; 
Y  Examen  des  règles  dujigurisme; 
trois  autres  petits  écrits  publiés ,  en 
1787  ,  sur  les  mêmes  matières;  une 
Lettre  aux  évéques  de  Senez  et  de 
Montpellier,  et  une  dernière  Lettre 
à  Soanen,  en    1738.  Ces  diverses 
brochures, réunies  forment  un  petit 
volume  in-  4°. ,  et  sont  dirigées  con- 
tre d'Ktémare,  et  ce  qu'on  appelait 
le  parti  des  figurâtes.  Ceux-ci  écrivi- 
rent pour  leur  défense,  et  adressè- 
rent à  Mignot  et  à  ses  amis  les  re- 
proches les  plus  vifs:  on  alla  jusqu'à 
les   accuser  de  socinianisme  ;   et  le 
nom  de  Socinianisants  leur  est  donné 
très-fréquemment  dans  les  écrits  de 
leurs  adversaires.  Mignot  ne  méritait 
sans  doute  pas  cette  qualification;  et 
s'il  était  hardi  dans  ses  opinions,  ce 
ne  fut  pas  du  moins  dans  cette  con- 
troverse où  il  combattait  des  erreurs 
et   une  exagération    condamnables. 
Sorti  de  cette  dispute ,  Mignot  s'occu- 
pa d'autres  travaux  ,  et  publia  ,  dans 
le  court  espace  de  quelques  années , 
un  assez  grand  nombre  d'écrits  :   I. 
Discours  sur  V accord  des  sciences 
et  des  belles-lettres  avec  la  religion, 
17.53,  in- 12.   II.  Paraphrase  des 
livres  sapientiauv ',  it54,  2  vol.  in- 
1 2  .III.  Paraphrase  sur  le  Nouveau- 
Testament,  1754,  4  vo'-  i'i-i^  IV. 
Paraphrase  sur  les  Psaumes ,  1  7  55, 
in-i  2.  V.    Réflexions  sur  les  con- 
naissances préliminaires  au  chris- 
tianisme ,  1  *7 . j 5  ,  in- 12.   VI.   Ana- 
lyse des  vérités  da  la  religion  chré- 
tienne, 1755,  in- 11.   VII.    Traité 
des  droits  de  l'état  et  dit  //•///- 
les  biens  possédés  par  le  cl 


24  MIG 

1 755  et  suivants,  6  vol.  in-12.  VIII. 
Mémoire  sur  les  libertés  de  l'Église 
gallicane,  1756,  in- 12.  IX.  His- 
toire du  démêlé  de  Henri  II  avec 
saint  Thomas  de  Cantorbéri,  1756, 
in- 12.  X.  Histoire  delà  réception 
du  concile  de  Trente  dans  les  états 
catholiques,  1756,  2  vol.  Ces  der- 
niers  écrits  n'offrent  pas  toujours 
des  notions  exactes.  Mignot  s'engagea 
peu  après  dans  une  autre  controverse. 
Il  donna  une  nouvelle   édition  du 
Traité  du  fret  de  commerce,   qui 
avait  d'abord  paru  en  1 789,  in  4°. , 
et  qu'on  avait  attribué  à  l'abbé  Boi- 
dot,  mais   que   nous   croyons  être 
d'Aubert,  docteur  de  Sorbonne,  et 
curé  de  Ghâncs  au  diocèse  deMâcon. 
Celui-ci  étant  mort,  Mignot  revit  son 
Traité,  le  refondit ,  et  le  fit  paraître 
en  1759,  4  vol.  in  12.  Il  s'y  décla- 
rait pour  le  prêt,  et  maltraitait  assez 
les  scolastiques ,  qu'il  accusait  d'avoir 
embrouillé  la  matière.  L'abbé  Bar- 
thélemi  de  La  Porte,  auteur  des  Prin- 
cipes  théologiques,   canoniques  et 
civils  sur  l'usure,  ayant  réfute  Mignot 
dans  le  3°.  volume  de  cet  ouvrage , 
celui-ci  fit  paraître,  en   1770,  une 
Béponse  à  l'auteur  des  Principes , 
qui   forme  le   5e.    volume  de  son 
Traité.  De  La  Porte  répliqua  ;  mais 
Mignot  n'eut  point  connaissance  de 
ce  nouvel  écrit,  étant  mort  le  23 
juillet  1 77 1.  Il  avait  été  reçu  à  l'aca- 
démie des  inscriptions  et  belles  let- 
tres, en  1 761  ;  et  l'on  trouve  de  lui, 
dans  le  recueil  de  cette  compagnie , 
plusieurs    savants    Mémoires    (  au 
nombre  de  trente),    où   il  prouve 
que   les  Indiens  ne  sont  point  re- 
devables aux  Grecs ,  ni  aux  Égyp- 
tiens ,    de   leur    doctrine  ,   de   leur 
culte  et  de  leur  police  ;  il  y  soutient 
que  les  Phéniciens  existaient  comme 
peuple  policé  avant  les  Égyptiens. 
Son  éloge,  par  Lebeau,  se  trouve 


MIG 

tome  38,  H.  p.  248,  de  la  même 
collection.  —  Jean-André  Mignot  , 
grand-chantre  de  l'église  d'Auxerre, 
né  dans  cette  ville,  le  23  janvier  1 688, 
eut  toute  la  confiance  de  M.  de 
Caylus,  évêque  de  ce  siège,  et  prit 
une  part  très-vive  aux  discussions 
qui  troublèrent  de  son  temps  l'Église. 
11  était  appelant,  et  rédigea,  de  con- 
cert avec  l'abbé  Le  Beuf ,  la  Tradi- 
tion de  ï 'église  d'Auxerre,  insérée 
dans  le  Cri  de  la  foi,  17  19.  Il  eut 
part  à  la  rédaction  du  Bréviaire,  du 
Missel  et  du  Processional  d'Auxerre, 
publiés  par  M.  de  Caylus,  et  à  l'édi- 
tion du  Martyrologe  particulier  de 
l'église  d'Auxerre ,  qui  parut  en 
1701.  Son  dernier  écrit  paraît  être 
un  Mémoire  historique  jur  les  sta- 
tues de  saint  Christophe ,  1768,  in- 
8°.  Jean-André  mourut  à  Auxerre, 
le  14  mai  1770;  il  était  associé  de 
l'académie  de  cette  ville ,  et  avait , 
dit-on,  contribué  à  son  établissement. 
p— C_T. 

MIGNOT  (Vincent)  (1),  neveu 
de  Voltaire ,  né  à  Paris  vers  1730  , 
d'une  famille  originaire  de  Sedan , 
et  qui  y  établit  une  manufacture  de 
draps,  embrassa  l'état  ecclésiastique, 
et  fut  pourvu  de  plusieurs  bénéfices , 
entre  autres  de  l'abbaye  de  Selliè- 
res,  en  Champagne;  mais  il  n'était 
pas  prêtre  (  V.  la  lettre  de  Voltaire 
à  Damilaville ,  i5  mars  1766).  Il 
obtint  aussi  une  charge  de  conseiller 
au  grand-conseil;  et  il  s'en  démit  en 
1 765  ,  parce  qu'il  crut  ses  préroga- 
tives attaquées  :  il  ne  conserva  que  le 
titre  d'honoraire.  Il  signa ,  comme 
témoin,  avec  M.  le  marquis  de  Ville- 
vieille,  la  profession  de  foi  que  fit 
Voltaire  dans  sa  dernière  maladie; 
et ,  ayant  caché  la  mort  de  son  oncle, 


(1^  M  Barbier  le  nomme   Claude,  dans  les  tubles 
du  Diclionnaue  des  anôi 


MIG 

il  fit  transporter  ses  restes  à  Selliè- 
res,  où  ils  furent  déposés  dans  un 
caveau,  avant  l'arrivée  de  l'ordre  de 
l'évêque  de  Troyes ,  qui  défendait 
de  leur  donner  la  sépulture  (  V.  Vol- 
taire ).  L'abbé  Mignot  fut  un  des 
légataires  de  Voltaire  :  il  fît  un  noble 
usage  de  sa  fortune,  dont  il  employa 
la  plus  grande  partie  à  soulager  les 
malheureux.  Il  mourut  en  1790. 
Grimm  a  tracé,  dans  sa  correspon- 
dance ,  un  parallèle  assez  plaisant 
de  l'abbé  Mignot  et  de  Voltaire. 
«  L'oncle  ,  dit-il ,  est  sec  comme 
»  une  allumette j  le  neveu  est  gros 
»  comme  un  tonneau  :  l'oncle  a  des 
»  yeux  d'aigle;  le  neveu  a  la  vue 
w  basse.  Tout  ce  qui  les  rapproche 
»  c'est  que  le  neveu  est  un  fort  hon- 
»  nête  homme  ,  et  que  l'oncle  est  un 
»  bienfaisant,  malin  et  charmant  en- 
»  fant.  »  (  Corresp.  de  Grimm.  ilC. 
part, ,  v,  1 28  ).  L'abbé  Mignot  était 
laborieux  et  très  -  instruit.  On  a  de 
lui  :  I.  Histoire  de  V impératrice  Irè- 
ne,  Amsterd.  (Paris),  1762,111-12; 
elle  a  eu  du  succès.  On  y  trouve  de 
1  impartialité,  mais  peu  d'exactitude 
dans  les  citations.  II.  Histoire  de 
Jeanne  Ire.  ,  reine  de  Naples ,  la 
Haye  (  Paris  ) ,  1 764  ,  in- 12.  L'au- 
teur manque  de  vigueur  ,  et  son  style 
de  pureté.  III.  Histoire  des  rois  ca- 
tholiques Ferdinand  et  Isabelle  , 
Paris,  17 60,  2  vol.  in-12;  sujet 
bien  choisi  ,  mais  exécuté  médio- 
crement. L'auteur  ne  cite  presque  ja- 
mais les  sources  où  il  a  puisé;  mais 
on  voit  qu'il  n'a  guère  consulté  que 
Mariana  et  Ferreras.  IV.  Histoire  de 
l'Empire  ottoman,  depuis  son  ori- 
gine jusqu'à  la  paix  de  Belgrade  en 
17/10,  ibid.,  1771,  4  vol.  in-  11  • 
trad.  en  allemand  par  Wachsrauth  , 
Mitau,  1771,  3  vol.  in -8°.,  et  en. 
anglais,  par  A.  Hawkins,  1788,  4 
vol.  in-8u.  :  c'était  l'histoire  la  plus 


MIL  25 

exacte  et  la  plus  intéressante  qui  eût 
encore  paru  de  ce  vaste  empire  :  il  y 
a  beaucoup  de  recherches  et  de  faits 
importants  tirés  des  meilleures  sour- 
ces. V.  Traités  de  Cicéron  sur  la 
"vieillesse  et  V ' amitié y  trad.  en  fran- 
çais, Paris,  1 780 ,  in- 12  ;  volume  tiré 
à  cinquante  exemplaires  ,  pour  être 
distribués  en  présent.  VI.  Quinte- 
Curce  et  les  suppléments  de  Freins- 
heim  ,  trad.  en  français ,  avec  le  latin 
en  regard ,  ibid. ,  1 781 , 2  vol.  in-8°. 
Cette  traduction  n'a ,  sur  celle  de 
Vaugelas  ,  que  l'avantage  de  quelques 
expressions  plus  modernes  (  /^.la  Bi- 
bliuth.  d'un  homme  de  goût  ,  éd.  de 
M.  Barbier,  m,  3o3).       W — s. 

MIKITAR.  V.  Mekhitar. 

MILAN    (  Jean  de  ).    V.  Jeaw 
le  Milanais,  XXI  ,  480. 

MILANTE  (  Pie-Tuomas  ) ,  sa- 
vant prélat  italien  ,  était  né  ,  vers  la 
fin  du  dix-septième  siècle  ,  dans  le 
royaume  de  Naples.  Après  avoir 
terminé  ses  études  ,  il  prit  l'habit  de 
saint  Dominique  ,  et  fut  nommé  , 
quelque  temps  après  ,  professeur  de 
théologie  à  l'université  de  Naples. 
Les  talents  qu'il  déploya  dans  cette 
chaire  fixèrent  sur  lui  l'attention  ;  et 
il  fut  élu,  en  174^,  évêque  de  Cas- 
tellamare  di  Stabia.  Il  gouverna  son 
diocèse  avec  beaucoup  de  zèle  et 
de  prudence,  et  mourut  en  1749. 
On  cite  de  lui  :  I.  Oratio  extempo- 
ranea  in  electione  summi  pontif. 
Benedicti  XIII,  Naples  ,  1724  ,  in- 
4°.  II.  Thèses  theologico-dogma- 
tico-polemicœ  ,  ibid.  ,  1734,  in- 
4°.  III.  Exercitationes  dogma- 
tico-morales  in  propositiones 
criptas  ah  Alexandro  VU ,  ibid.  , 
T738;  —  ab  Innocentio  \  I , 
1739;  —  ab  Alexandro  } 
ibid.,  1740,  in- 4°.  IV.  Vu 
regularium  in  caussd  ni  on:: 
paupertatis,     ibid. ,  i']\ 


V.  De  viris  illustrihus  congregat. 
S.  Mariœ  sanitatis  ,  ibid. ,  1  --.{>  , 
in-4°.  VI.  Orazioni ,  ibid.  ,  1747, 
in  4°.  VII.  De  Stabiis,  Stabiand 
ecclesid  et  ejàscoris  ejus ,  ibid.  , 
1730  ,  in-4°.  Cette  histoire  de  Cas- 
teilamare  a  été  publiée  par  PavocaJ 
Fr.  Mar.  Bisagni,  qui  y  a  joint  la 
Vie  de  l'auteur  ;  elle  a  été  critiquée 
par  Anastasio  (  Animadvers.  in  li- 
bruni  de  Stabiis  ,Naples,  1  761  ,  in- 
4°.  )  y  mais  Gaétan.  Mastrucci  en  a 
pris  la  défense  dans  un  écrit  intitulé  : 
Letlera  contenente  alcuni  reflessioni 
intorno  ail'  opéra  iniitolata  :  Ani- 
madversiones ,  etc.,  ibid.,  1753, 
in- 4°.  On  doit  encore  à  Milante  des 
Lettres  pastorales ,  et  une  bonne 
édition  de  la  Biblioth.  sancta  de 
Sixic  de  Sienne  (  Voy.  Sixte  de 
Sienne).  W — s. 

MILBOURNE  (  Luc  ) ,  ecclésias- 
tique anglais,  mort  en  1720,  est 
moins  connu  par  ses  propres  ou- 
vrages que  par  le  ridicule  dont  Dry- 
den  et  Pope  l'ont  couvert,  et  qu'il  s'é- 
tait attiré  par  d'injustes  agressions. 
On  a  de  lui  :  I.  Trente-un  Sermons 
publiés  de  1692  à  1720.  II.  Une 
Traduction  en  vers  des  Psaumes  , 
1698.  III.  Remarques  sur  le  Virgile 
de  Dryden  ,  1 698.  On  trouve ,  à  la 
fin  ,  la  Traduction  en  vers  de  la  pre- 
mière et  de  la  quatrième.  Églogue ,  et 
du  premier  livre  des  Géorgiques,  par 
Milbourne  ;  traductions  qui  ne  valent 
pas  mieux  que  ses  remarques.     L. 

MILE  ou  MILET  (Jean-Fran- 
cisque),'peintre  de  paysages, naquit 
à  Anvers,  en  i643,  d'un  habile  tour- 
neur en  ivoire  de  Dijon.  Demeuré 
orphelin  de  bonne  heure,  le  jeune 
Francisque  reçut  les  leçons  de  Lau- 
rent Francis..  Il  se  distingua  bientôt 
comme  paysagiste;  et  il  dessinait  la 
figure  avec  plus  de  correction  que 
ne  le  font  ordinairement  les  peintres 


de  ce  genre.  A  dix-huit  ans,  il  épousa 
la  fille  de  son  maître,  et  sa  réputa- 
tion s'étendit  bientôt  hors  de  son 
pays.  Il  vint  alors  à  Paris.  Le  ban- 
quier Jabach  ,  qui  possédait  une  ri- 
che collection  de  tableaux,  l'attira 
chez  lui,  où  la  vue  des  ouvrages  du 
Poussin  charma  tellement  le  jeune 
peintre  ,  qu'il  chercha  désormais  a 
imiter  la  manière  de  ce  grand  maî- 
tre ,  ce  qui  augmenta  encore  sa  répu- 
tation. De  là  ,  il  parcourut  la  Hol- 
lan  le,   la    Flandre  et  l'Angleterre  : 
quelques  historiens  ajoutent  même  , 
mais   sans   en  donner  de   preuve  7 
qu'il  visita  l'Italie.  De  retour  de  ses 
courses  ,  et  fixé  à  Paris  ,  il  acheta 
une  petite  maison  près  Bagnolet,  où 
il    passait  tous   les  moments  qu'il 
pouvait  dérober  à  son  art.  11  avait 
été  reçu  professeur  à  l'académie  de 
peinture. Il  n'était,  comme  son  père , 
âgé  que  de  trente-sept  ans  ,  lorsqu'il 
mourut,  en  1680.  On  prétend  même 
que  plusieurs  peintres,  jaloux  de  ses 
talents  ,  lui  firent  prendre  un  breu- 
vage empoisonné  qui  altéra  sa  rai- 
son, et  abrégea  ses  jours.  Francis- 
que ,  doué  de  la  mémoire  la  plus  heu- 
reuse, et  d'une  grande  facilité  d'exé- 
cution ,  se  rappelait  et  représentait 
sur-le-champ   tous  les   phénomènes 
de  la  nature  qui  l'avaient  frappé , 
ou  les  beautés   qu'il    avait  remar- 
quées dans  les  productions  des  grands 
maîtres.  Mais  ,  quoiqu'en  général  ses 
sites   soient  beaux  et  choisis  avec 
goût ,  que  son  feuiller  soit  léger  et 
touché  avec  esprit,  et  que  ses  com- 
positions dénotent  une  imagination 
pleine  de  fécondité ,   on  voit  trop 
qu'il  abuse  de  sa  facilité,  et  qu'il 
ne  peint  que  de  pratique  :  ses  etfets 
sont  trop  égaux  j  on  n'y  remarque 
point  ces  grands  effets  de  lumière, 
dans  lesquels  se  décèle  le  génie  des 
Uuisdael  et  des  Claude  Lorrain.  Ses 


MIL 

dessins ,  qui  sont  assez  communs  , 
offrent  les  mêmes  qualités  et  les  mê- 
mes défauts  :  tous  en  gênerai  se  res- 
semblent ,  et  l'on  sent  que  la  na- 
ture l'a  rarement  inspire.  Ses  nom- 
breux ouvrages  sont  répandus  clans 
toutes  les  contrées  de  l'Europe.  Il  a 
peint  aussi  quelques  sujets  histori- 
ques sacres  ,  parmi  lesquels  on  re- 
marque deux  grands  morceaux,  or- 
nes de  paysages  ,  qui  de'coraicnt  l'é- 
glise de  Saint-Nieolas-du-Chardon- 
net ,  à  Paris ,  et  dont  l'un  représentait 
le  Sacrifice  d'Abraham  ;  l'autre  , 
Elysée  dans  le  désert.  Théodore  7 
un  de  ses  élèves  ,  a  gravé  d'après 
lui  six  grands  paysages  et  seize 
moyens  y  et  un  livre  de  six  paysa- 
en  rond;  Coelemaus,  un  Silène  en- 
touré de  satyres,  et  trois  autres 
paysages.  Lui-même  a  gravé  plu- 
sieurs Paysages  héroïques,  recher- 
chés pour  l'esprit  de  la  pointe. D'Ar- 
genville  borne  à  trois  le  nombre  de 
ces  pièces  ;  mais  Huber  et  Rost  le 
portent  à  neuf,  dont  on  peut  voir 
le  détail  dans  le  Manuel  'des  ama- 
teursdel'art.  Francisque  laissa  deux 
fils  qui  cultivèrent  également  la  pein- 
ture, mais  qui  n'ont  point  atteint  à 
la  réputation  de  leur  père.     P — s. 

MILE AG1I, Mile,  Miléadh,  ou 
Miléas-Easpain  (  Milesius  Hispa- 
nus),  personnage  peut-être  fabu- 
leux, peut-être  historique,  pi 
blement  l'un  et  l'autre;  mais  que, 
dans  tous  les  cas ,  il  faut  connaître  , 
quand  on  veut  savoir  l'histoire  d'Ir- 
lande :  parce  qu'à  l'époque  où  les 
Anglais  mirent  le  pied  dans  cette  île, 
en  i  170  ,  ils  y  trouvèrent  toutes  ics 
institutions  et  coutumes,  fondées, 
soit  sur  ces  histoires,  soit  sur  ces  fa- 
bles milésiennes;  parce  que  les 
Irlandais  ont  ,  depuis  Henri  II  jus- 
qu'à Jacqui  !  434  ans) 
mes  à  la  main,  leur 


27 


état  politique  immémorial;  et  parce 
qu'encore  aujourd'hui,  l'orgueil  de 
s'en  souvenir  est  pour  eux  une  espèce 
de  compensation  au  regret  d< 
plus  jouir.  C'est  deces  Irlandais  nii- 
lésiens  que  l'historien  Cambden 
disait,  du  temps  de  la  reine  Elisa- 
beth ,  que  ,  «  comparées  aux  leurs  , 
»  les  antiquités  des  autres  nations 
»  sont  des  nouveautés  et  une  espèce 
»  d'enfance.  »  Selon  toutes  les  chro- 
niques, le  nom  de  Mileas-Easpain  , 
qui  a  prévalu  pour  désigner  le  père 
commun  de  toutes  les  anciennes  dy- 
nasties irlandaises,  était  un  surnom 
emphatique,  que  les  Bardes  lui 
avalent  donné  dans  leurs  poèmes  , 
ainsi  que  les  Druides  dans  leurs  can- 
tiques ,  et  qui  signifie,  en  langue 
irlandaise,  le  hé; os  ,  le  champion , 
peut-être  le  soldat  d'Espagne  :  Mi- 
leas  easpain  est  si  voisin  de  Miles 
hispanus!  Ce  rapprochement  même 
a  conduit  quelques  critiques  à  penser 
que  ces  grandes  antiquités  irlan- 
daises pourraient  bien  avoir  été  écri- 
tes pour  la  première  fois  en  latin 
par  des  moines ,  qui  les  auraient 
inventées.  Le  nom  primitif  du  héros 
d'Espagne  était  Gollamh ,  fils  de 
Bile,  fils  de  Bréogan.  Toutes  les 
traditions  ,  non-seulement  lui  don- 
nent, une  orkâtac  scylhique  et  phéni- 
cienne, idqjMtest  quelque  chose 
de  curieux  que  ne  les  voir  Ira- 
généalogie  de  père  en  fils ,  à  partir 

Viul,  second  fds  de  Phœnius 
Farsa ,  roi  de  Scythie  et  de  Phé- 
nicie,  inventeur  de  l'écriture.  Niul , 

idet ,  voyant  son  frère  aîné  Ré- 
nual  occuper  le  tronc  paternel ,  \  a 
tenter  fortune  en  Egypte;  il  y  épouse 
Scota,  fille  du  Pharaon  nommé  Ciu- 
cris,  et  s'établit  avec  sa  petite 
lonie  dans  la  contrée  de  Cû 
sur   le  bord  de  la   mer  Koii|_< 
ce  nia  ;  1  incesse  1 


28  MIL 

tienne,  nait  un  fiïs  nomme  Godhal 
ou  Gadel-Ghlas,  ou  Gadélas,  d'a- 
près lequel  les  anciens  Irlandais  ont 
été  appelés  Gadéliens,  comme  d'a- 
près Scota ,  leur  île  a  été  nommée 
Scotie ,  ou  la  grande  Ecosse ,  et  d'a- 
près Phenius  ,  leur  ancienne  langue 
appelée  Bearla-Pheni.  La  colonie 
de  Gadélas  se  multiplie  et  s'étend. 
Le  Pharaon  En-tuir,  successeur  du 
Pharaon  Cincris ,  en  conçoit  de 
l'ombrage.  Sru ,  petit -fils  de  Ga- 
délas, menacé  parle  Pharaon  son 
cousin ,  se  réfugie  ,  avec  tous  les 
siens ,  dans  l'île  de  Crète  ,  y  meurt  , 
et  laisse  le  commandement  de  sa  co- 
lonie à  son  fils  Héber  Scot.  Celui-ci 
la  ramène  en  Scythie,  dans  le  pays 
de  ses  ancêtres  :  elle  ne  s'y  maintient 
que  pendant  trois  générations.  Ard- 
noid,  arrière-petit-fîls  d'IIeber-Scot, 
obligé  d'abandonner  cette  contrée , 
obtient,  pour  lui  et  sa  peuplade  d'é- 
migrants  ,  un  asile  chez  les  Amazo- 
nes. Son  fils  Lamfhion  ne  s'accom- 
mode pas  de  ce  séjour ,  et  conduit 
ses  Scots-  Gadéliens  en  Gétulie,  où 
ils  se  distinguent  par  maintes  proues- 
ses militaires.  Ils  restent  là  pendant 
huit  générations  j  enfin,  Bratha  , 
descendant  au  huitième  degré  de 
Lamfhion,  mène  les  Gadéliens  dans 
le  nord  de  rEspagne^jfr<?bgW2 ,  fils 
de  Bratha ,  leur  acefCSfc,  à  la  pointe 
de  l'épée  ,  un  établissement  solide 
dans  la  G  alice,  ou  ]>a.y s  des  Gallégos; 
et  peut-être  faut-il  chercher  dans  le 
Gallégos  espagnol  le  G adélas  m\\é- 
sien:  car  ici  l'obscurité  commence  à 
se  dissiper.  Bréogan  bâtit  une  ville , 
qu'il  appelle,  de  son  nom  ,  Brigan, 
qui  fut  depuis  appelée  Brigantium , 
et  qui  est  aujourd'hui  la  Corogne. 
Ses  habitants  se  nommaient  encore 
Brigantins  du  temps  de  Jules-César, 
qui  les  punit ,  avec  une  si  horrible 
cruauté^  de  leur  vigoureuse  résis- 


MIL 

tance.  Bréogan  meurt ,  laissant  dix 
fils  légitimes.  Bile  ,  l'aîné  de  tous, 
succède  à  son  père  dans  le  gouverne- 
ment de  la  colonie  gadélienne  ;  et 
c'est  lui  qui  a  l'honneur  de  donner  le 
jour  à  ce  Gollamh,  qui  devait  être 
si  célèbre.  La  jeunesse  de  ce  prince 
estime  suite  d'exploits  plus  brillants 
les  uns  que  les  autres.  Il  affermit  son 
père  sur  le  trône,  étend  son  territoire 
dans  ce  qui  a  depuis  formé  les  Astu- 
ries  et  la  Biscaye,  et  force  les  peuples 
voisins  à  lui  livrer  des  otages.  Après 
avoir  ainsi  établi  la  colonie  gadé- 
lienne  dans  une  entière  sécurité ,  Gol- 
lamh ,  avide  de  nouvelles  aventures  , 
va  en  chercher  dans  la  Scythie  phé- 
nicienne, sa  patrie  originaire.  Bijloïs 
y  régnait  alors  :  il  reçoit  Gollamh  à 
bras  ouverts ,  comme  un  héros 
ayant  avec  lui  un  ancêtre  commun  • 
il  lui  donne  sa  fille  en  mariage,  et  le 
met  à  la  têîe  de  l'armée  scythe.  Gol- 
lamh devient  l'idole  des  Scythes; 
mais  il  s'aperçoit  qu'il  excite  la  ja- 
lousie de  son  beau-père  :  il  a  le  mal- 
heur de  perdre  sa  femme  ,  et  court 
en  Egypte,  où  il  offre  ses  services  au 
Pharaon  Nactonebus,  alors  en  guerre 
avec  les  Éthiopiens.  Il  y  trouve  le 
même  accueil  et  les  mêmes  emplois 
qu'il  avait  trouvés  en  Phénicie,  épou- 
se une  fille  du  Pharaon ,  nommée 
Scota  ,  comme  celle  qui  avait  épou- 
sé son  ancêtre  Niul ,  commande  à 
l'armée  égyptienne  ,  et  se  distingue 
par  les  mêmes  exploits  qui  l'avaient 
signalé  en  Phénicie.  Occupé  de  tout 
ce  qui  peut  faire  fleurir  une  société  , 
Gollamh  avait  emmené,  dans  son 
expédition,  douze  jeunes  Gadéliens 
d'un  esprit  distingué,  qu'il  applique 
à  l'étude  de  tous  les  arts  et  de  toutes 
les  sciences  dont  la  Phénicie  et  sur- 
tout l'Egypte  étaient  alors  le  foyer. 
Enfin  ,  après  dix  ans  d'absence  ,  il 
songe  à  revoir  son  père,  sa  colonie 


MIL 

gadélienne  ,  et  son  royaume  naissant 
de  Brigantium  et  de  Galice.  Les 
historiens  -  poètes  le  suivent  dans 
son  retour  par  l'île  de  Cypre ,  l'île 
de  Crète  ,  la  Sicile ,  Cadix..  Rendu  au 
sein  de  cette  colonie,  qu'il  avait 
laissée  en  si  bon  ordre,  il  y  trouve 
tout  en  confusion  :  son  père  expirant; 
ses  frontières  entamées  ;  toute  la 
péninsule  espagnole  livrée  à  des  in- 
vasions d'armées  étrangères.  Monté 
sur  le  trône  de  son  p^  re  ,  il  lutte  , 
pendant  une  longue  suite  d'années , 
contreces  aventuriers,  dontil  est  vain- 
queur ,  selon  les  poèmes  des  Bardes , 
dans  cinquante-quatre  batailles  ran- 
gées. Mais  enfin  le  fléau  delà  famine 
ayant  suivi  celui  des  guerres,  et  les 
Gadeliens  se  lassant  de  la  nécessité 
d'être  toujours  sous  les  armes  ,  dans 
la  crainte  d'une  surprise ,  Gollamh , 
ou  plutôt  Mileagh-Easpain,  car  on 
l'appellait  dès-lors  le  Héros  d'Espa- 
gne, assemble  tous  les  chefs  des 
tribus  gadélienne  s,  qu'on  allait  bien- 
tôt désigner  par  le  nom  de  tribus  mi~ 
lésiennes ,  et  leur  propose  d'aller 
chercher  unccontréeplus  tranquille, 
plus  aisée  à  garder  après  l'avoir  sou- 
mise, et  où  leur  population  crois- 
sante soit  moins  étroitement  resser- 
rée. Armegyn ,  un  des  (ils  de  Mi- 
léagh,  et  qui  remplissait  les  fonctions 
de  grand  -  druide,  parle  d'une  an- 
cienue  tradition  conservée  dans  le 
collège  des  Druides,  d'une  prophétie 
ancienne  d'un  de  ses  prédécesseurs  , 
nommé  Caiker,  annonçant  aux  Ga- 
ns  qu'ils  ne  troirveront  repos  et 
stabilité  que  dans  une  île  occidentale. 
Tous  les  chefs  s'écrient  qu'il  faut 
aller  sur-le-champ  à  la  découverte. 
Jt&,  un  des  oncles  de  Miléagh,  prince 
d'un  génie  entreprenant  et  d'une  pru- 
dence  consommée  ,  demande  qu'on 
le  mette  à  la  tête  de  l'expédition.  Le 
roi  son  neveu ,  et  tous  les  chefs  as- 


MIL 


29 


semblés  ,  le  nomment  par  acclama- 
tion. Avec  un  équipage  choisi ,  cent 
cinquante  guerriers  d'élite,  et  quel- 
ques-uns de  ceux  qui  récemment 
avaient  fait  un  cours  d'études  dans 
les  arts  et  les  sciences  de  Phénicie  et 
d'Egypte  ,  lth  s'embarque  à  la  Co- 
rogne  ,  et  va  chercher  Vile  occiden- 
tale. 11  aborde  dans  le  nord  de 
l'Irlande,  et  s'avance  dans  l'île  ,  fai- 
blement peuplée,  et  partagée  entre 
diverses  nations,  dont  les  deux  prin- 
cipales étaient  les  Fir-Bolgs  ,  déno- 
mination bien  voisine  de  Viri  Belgœy 
et  les  Danaans,  nom  que  plusieurs 
écrivains  ont  voulu  traduire  par 
celui  de  Danes  ou  Danois.  Ces  deux 
races  se  disputaient,  et  tantôt  l'une, 
tantôt  l'autre  ,  exerçait  la  souverai- 
neté. Le  dernier  souverain  qui  venait 
de  mourir  était  de  la  race  des  Da- 
naans, et  se  nommait  Cearmada. 
Ses  trois  fils ,  convenus  de  se  parta- 
ger le  gouvernement,  étaient  en  débat 
sur  les  limites  de  leurs  territoires  ,  et 
venaient  de  s'assembler  à  Oileach- 
Neid  ,  pour  tâcher  de  se  concilier. 
On  leur  annonce  que  des  naviga- 
teurs étrangers  débarquent  dans  l'île, 
demandant  les  secours  de  l'hospita- 
lité ;  et  l'on  ajoute  qu'ils  parlent  une 
langue  entendue  des  Fir  -  Bolgs. 
Bientôt  lth  lui-même  ,  avec  Lugadh 
son  fils,  et  cent  hommes  de  sa  troupe 
d'élite,  se  présentent  aux  trois  prin- 
ces danaans  qui ,  d'abord  char  - 
mes  de  ses  discours ,  l'invitent  à 
séjourner  quelque  temps  parmi  eux, 
et  le  choisissent  même  pour  arbitre 
de  leurs  différends,  lth  apporte  à  sa 
décision  la  justice  la  plus  exacte,  et 
satisfait  pleinement  les  trois  fi 
mais  à  peine  avait-il  quitté  les  princes 
as,  qu'ils  «émettent  à  réfléchir 
sur  les  éloges  qu'il  avait  prodtguési 
la  beauté  (h*  leur  pays,  sur  l'accueil 
que  lui  avaient  fait  les  Fir-Bolgs, 


3o 

sur  le  voisinage  de  la  contrée  d'où 
il  leur  avait  dit  être  parti,  et  d'où  il 
pouvait  rcveiiird'im  instant  àl'autre. 
Ils  décident  que  ce  qu'il  y  a  de  plus 
sûr  pour  eux  est  d'exterminer  ces 
étrangers.  ïlhy  poursuivi,  presse  sa 
marche ,  et  s'approche  du  rivage. 
Trouvant  un  défilé  où  il  ne  pouvait 
être  enveloppe  par  le  nombre,  il  livre 
aux  Danaans  une  bataille  des  plus 
sanglantes  ,  où  il  reçoit  une  blessure 
mortelle.  Son  fils  Lugadh  le  venge, 
en  donnant  la  mort  à  une  foule  d'en- 
nemis. Le  père  est  transporte  encore 
vivant  à  bord  du  vaisseau.  Tout  ce 
qui  reste  des  Gadéliens  se  rembarque, 
et  se  hâte  de  retourner  en  Espagne. 
Ith  meurt    pendant    la   traversée  : 
Lugadh ,  en  descendant  sur  le  rivage 
espagnol ,  apprend  que  les  Gadéliens 
pleurent  la  mort  de  leur  grand  Mi- 
léagh.  Leur  émotion  est  portée  au 
dernier  degré,  quand  ils  voient  Lu- 
gadh se  ren'dre  à  l'assemblée   des 
chefs  gadéliens  ,  précédé  du  cadavre 
de  son  père ,  dont  la  large  blessure 
était  découverte.  A  peine  ce  spectacle 
a  [rappelés  regards,  à  peine  Lugadh 
a  rendu  compte  de  son  expédition 
aux  fils  de  Miléagh  et  aux  chefs  des 
tribus ,  qu'un  cri  de  vengeance  s'é- 
lève de  toutes  parts.  Une  flotte  est 
équipée  ,  de  soixante-quinze  voiles  , 
suivant  le  Livre  des  invasions  milé- 
siennes  (  Gabhail  clana  mile  )  ;  de 
cent  cinquante,  suivant  le  Livre  lé- 
can  ,   collection  de  tous  les  vieux 
monuments.  Les  troupes  d'embar- 
quement, choisies  dans  la  plus  brave 
milice  gadéîienne ,  sont  distribuées 
entre  quarante  -quatre  capitaines.  A 
leur  tête  figuraient  les  huit  fils  de 
Miléagh  ,  dont  deux  étaient  nés  en 
Phe'nicic,  deux  en  Egypte,  et  quatre 
en  Espagne  ;  huit  de  ses  petits-fils  , 
ceux  de  ses  oncles  qui  lui  survivaient, 
au  nombre  de  sept,  et  son  cousin  Lu- 


[ui  avait  à  venger  son  père.  Jus- 
qu'aux femmes  toutes  s'étaient  ar- 
mées, ayant  à  leur  tête  Scota,  veuve 
de  Miléagh.  La  flotte  met  à  la  voile 
au  milieu  des  acclamations  du  peuple 
qui  couvrait  le  rivage ,  et  qui  espérait 
bientôt  la  suivre.  Arrivée  à  la  vue  de 
Vile  occidentale ,  elle  se  partage  en 
trois  divisions.  Comme  on  se  prépa- 
rait à  descendre,  une  effroyable  tem- 
pête ,  suscitée ,  disent  les  Bardes , 
par  les  enchantements  des  Danaans 
versés  dansla  magie,  vient  assaillir 
les  vaisseaux  milésiens ,  les  disperse, 
et  en  engloutit  une  partie.  Cinq  fils  de 
Miléagh  sont  la  proie  des  flots.  Hé~ 
ber,  Amerghin,  Hérémon,  survivent 
seuls  à  leurs  frères,  et  débarquent,  les 
deux  premiers  dans  la  partie  méridio- 
nale ,  l'autre  dans  la  partie  orientale 
de  l'Irlande.  Héber  et  Amerghin  ont 
le  premier  combat  à  soutenir.  Une 
guerrière,  de  la  dynastie  des  Da- 
naans ,  et  femme  d'un  de  leurs  trois 
princes,  Eiré ,  se  présente  à  la  tête 
d'un  corps  de  troupes,  pour  fermer 
le  passage  aux  deux  princes  milé- 
siens :  elle  est  mise  en  déroute  après 
un  combat  sanglant,  et  la  perte  d'un 
tiers  de  sa  troupe.  Enfin,  les  trois 
frères  milésiens  et  leur  cousin  Lu- 
gadh opèrent  leur  jonction  au  centre 
de  l'île,  et  marchent  à  la  rencontre  des 
trois  princes  danaans  ,  qui  avaient 
réuni  leurs  forces  pour  repousser 
l'invasion  des  étrangers.  Après  un 
combat  opiniâtre  d'une  journée  en- 
tière ,  les  trois  princes  danaans , 
attaqués  corps  à  corps  par  les  fils 
de  Miléagh ,  succombent  sous  les 
coups  de  ces  aventuriers,-  leur  armée 
est  détruite,  et,  de  ce  jour,  l'Irlande, 
appelée  alors  Hiberné,  Verne ,  In- 
verné,  Erin,  ïren,  etc. ,  est  soumise 
au  pouvoir  milésien.  Amerghin , 
quoique  l'aîné  des  trois  fils  de  Mi- 
le'ap.ii  ,  tout  entier  à  ses  fonctions 


MIL 

d'arcili- druide  ,    refuse    de   régner 
temporeliement  sur  aucune  portion 
de  l'île  conquise.  Héher  et  Hérêmon 
se  la  partagent;  l'un  est  roi  du  nord, 
et  l'autre  du  midi  :  sous  leur  suzerai- 
neté, des  principautés  particulières 
sont  assignées  à  leurs  parents.  Lepays 
d' Onelmaght ,  qui  a  été  depuis  la  Co- 
nacie,  est  laissé  aux  Fir-Bolgs  pour 
prix  de  leur  conduite  auxiliaire,  et 
ils  s'y  sont  maintenus  jusqu'au  qua- 
trième siècle  de  l'ère  chrétienne ,  que 
leur  dynastie  s'est  éteinte.  Ceux  des 
Danaans  qui  veulent  se  soumettre 
reçoivent  des  terres  :  les  autres  sont 
transportés  dans  le  midi  de  la  Bre- 
tagne. Pendant  une  année,  cet  ordre 
de  choses  paraît  tranquillement  éta- 
bli en  Irlande  ;  mais  la  discorde  ne 
tarde  pas  à  se  mettre  entre  les  vain- 
queurs. Héher  déclare  la  guerre  à 
son  frère  Hérémon ,  lui  livre  une 
bataille ,  et  y  perd  la  vie.  Hérérnon 
devient   le    premier    monarque    de 
cette   dynastie  miiésienne  ,  dont  le 
dernier  devait  être  Turlogh-ô-Con- 
nor  ,  l'an  i 166  de  J.-G. ,  et  dont  les 
branches,  multipliées  pendant  cet 
immense  intervalle,  devaient  rem- 
plir non-seulement  le  troue  monar- 
chique ,  non-seulement  les  troncs  de 
provinces  et  de  districts  ,  mais  les 
principautés  de  tribus  et  les  seigneu- 
ries de  territoires  ;  car  ce  fut  une  loi 
fondamentale  que  dans  cette  échelle 
de  souverainetés  aucun  degré  ne  pou- 
vait  être  occupe  que  par  ceux  qui 
set  aient  issus  du  sang  de  Mdeagh. 
Tel  est  le  récit   uniforme  de  tous 
les  Poèmes  ,  Psautiers  ,  Registres  , 
Bardes  ,  Chroniqueurs,  etc.,  sur  les 
Milésiens  d'Irlande;  récit  sans  doute 
orné  de  merveilleux  ,  et  plein   de 
nstances  fabuleuses  :  mais  il  est 
difficile  de  n'y  pas   reconnaît! e  un 
fond  de  vérité  ,  ,  tradition- 

nel.  De  quelque  époque  que 


MIL 


3i 


les  premiers  monuments  écrits ,  il 
est  difïicile  de  n'y  pas  voir  la  trace 
d'une   grande    migration    d'aventu- 
riers venus  d'Espagne.  La  topogra- 
phie et  les  dénominations  des  lieux 
prouvent  au  moins  la  réalité  de  plu- 
sieurs circonstances  de  faits  racontés 
même  dans   les  vieux  poèmes   des 
Bardes  ,  en  retraçant  encore  aujour- 
d'hui les  noms  de  ces  anciens  héros. 
Onappelie  encore Moy-lth  ou  Plaine 
de  Ith,  celle  où  cet  oncle  de  Mileagh 
reçut  le  coup  mortel  en  combattant 
les  Danaans.  On  pourrait  citer  un 
grand  nombre  d'exemples   pareils. 
L'accord  des  anciennes  chroniques 
espagnoles  avec  les  chroniques  ir- 
landaises ,    est   un    argument  d'un 
grand  poids,  nousurlescirconstances 
détaillées,  mais  sur  le  fait  principal 
de  la  grande  migration.  Une  chro- 
nique espagnole  rapporte  cette  ex- 
pédition  à    l'an   du  monde    2919 
(  1 733  ans  avant  J.-G.  )  L'an  13.27  , 
Donald    o   Neill   s'intitulant    :    Roi 
d' '  Ultonie ,  et,  par  son  droit  hérédi- 
taire et  immémorial,  monarque  de 
toute  V  Hibernie  ,  écrivait  au  pape 
Jean  XXII,  dont  il  sollicitait  la  pro- 
tection, qu'il  s'était  écoulé  35oo  et 
tant  d'années ,  depuis  celte  invasion  , 
jusqu'à  l'apostolat  de  saint  Patrice 
en  Irlande,  l'an  435.  S'il  fallait  en 
croire  la  chancellerie  de  Donald   d 
Neill,  on  remonterait,  pour  chercher 
l'époque  de  la  migration  miiésienne, 
jusqu'à  l'an  i\ 7  3  avant  J.-C.  Mais 
elle  a  été  fort  rapprochée  parles  his- 
toriens   et  les   critiques    modernes. 
D'après  Keating  lui-même,  dans  sa 
,, dation   indigeste    de   tous    les 
vieux  fragments  de  poésies  et  d'his- 
toires relatives  à  l'établissement  des 
Milésiens  en  Irlande,  ils  n'y  sont  ar- 
rivés que   ia6a  ans  avant  J.-C. ,  ou 
plutôt  le  ior.  mai  de  l'année  36o8 
de  la  période  julienne  (  ioi(j  a\aut 


3a 


MIL 


J.-C.  )  selon  les  savantes  combinai- 
sons chronologiques  de  Flalierty. 
L — t — L. 
MILIEU  (  Christophe  ) ,  en  la- 
tin Milœus  ou  Mylœus ,  littérateur  , 
était  né  dans  le  seizième  siècle,  à 
Estavaycr  (0,  petite  ville  du  pays 
de  Vaud  :  il  professait  les  humani- 
tés au  collège  de  la  Trinité  de  Lyon, 
en  1 544;  il  publia ,  l'année  suivante, 
un  panégyrique  de  cette  ville,  sous 
ce  titre  :  De  primordiis  clarissi- 
mœ  urbis    Lugduni  commentantes 
(Séb.  Gryphe,  1 545  ,  in-4°.)  L'au- 
teur y  traite  successivement  de  l'an- 
tiquité de  Lyon,  de  ses  académies 
et  écoles  publiques,  de  l'étendue  de 
son  commerce,  de  l'incendie  qui  ré- 
duisit   cette  ville   en  cendres  dans 
une  nuit,  et  de  son  rétablissement. 
Suivant  Fontette,ily  a  beaucoup  de 
littérature  et  de  politesse  dans   ce 
livre.  Mylœus  ne  conserva  pas  long- 
temps  sa  chaire  ;  il  visita  l'Italie  , 
l'Allemagne  ,   et  se   retira  dans  sa 
patrie.  On  a  de  lui  :  I.  De  scri- 
bendd  unwersitate  rerum  libri  v , 
Florence,  i548,  in- 4°. ,  ire.  édi- 
tion très -rare;  Bâle,  1 55 1 ,  i5^6 , 
in-fol.  ;  et  inséré  dans  le  tome  n  du 
recueil    intitulé  Penus  artis  histo- 
ricœ  (Bâle,  1 57g,  in- 8°.  )   Enfin, 
J.  G.  Muller  a  donné  une  édition  de 
ce  traité,  sous  ce  titre  :    Hermès 
academicus,   Iéna ,    1624,    in-8°. 
Lenglet-Dufresnoyle  trouve  très-mé- 
diocre. Mylseus  convient  qu'il  entre- 
prit cet  ouvrage  trop  jeune,  et  qu'il 
manquait   des    secours    nécessaires 
pour  remplir  son  plan.  Dans  le  cin- 
quième livre ,  qui  est   le  plus  cu- 
rieux ,  il  traite  de  l'utilité  d'une  his- 


MIL 

toire  universelle  de  la  littérature,  et 
donne  la  liste  des  savants  qu'il  avait 
découverts  depuis  l'origine  du  monde 
jusqu'au  douzième  siècle.  Ainsi  My- 
lœus  peut  prétendre  à  partager  avec 
Gesner  l'honneur  d'avoir,  l'un  des 
premiers,  attiré  l'attention  sur  la 
branche  de  l'histoire  la  plus  intéres- 
sante, celle  qui  traite  des  efforts  et 
des  progrès  de  l'esprit  humain  (  V. 
Conrad  Gesner,  XVII,  'ïl\S).  II.  De 
imitatione  Ciceroniand,  Bâle,  1 55 1 . 
III.  Vita  Cicerojiis,  ibid.  IV.  De 
relinquendis  ingenii  et  litterarum 
monumentis  libri  très.  Cet  ouvrage, 
ainsi  que  les  suivants,  ne  nous  est 
connu  que  par  la  Bibliothèque  de 
Gesner,  éd.  de  Zurich ,  1 555 ,  aug- 
mentée par  Josias  Simler.  V.  De 
priscd  Gallorum  lingud  libri  ifi  , 
in  quibusmultade  Druidorum  doc- 
trind  disseruntur ,  et  ex  vestigiis 
hodiernee  linguœ  plurima  veterum 
scriptorum  testimonia  comproban* 
tur.  VI.  De  historico  libri  ni  (1  ). 
VIL  De  commendatione  litterarum 
liber  unus.  W — s. 

MILL  (  Jean  ),  helléniste  anglais , 
naquit  à  Shap  dans  le  Westmorland , 
vers  l'an  i645.  On  ne  sait  presque  au- 
cune circonstance  de  sa  vie  ,  toute 
remplie  par  l'étude  ,  et  par  la  prépa- 
ration de  la  belle  édition  du  Nouveau- 
Testament  grec  ,  qui  est  le  seul  mo- 
nument que  nous  ayons  de  lui.  En 
1 66 1  ,  il  entra  au  collège  de  la  reine , 
à  Oxford ,  où  il  se  distingua  par  son 
application ,  et  se  fit  aimer  par  la 
douceur  de  ses  mœurs.  En  1666  ,  il 
y  prit  le  degré  de  bachelier  ;  trois 
ans  après  il  fut  choisi  pour  prononcer 


(1)  C'est  par  erreur  qu'il  est  nomme  Mileo  dam 
le  Dict.  universel,  et  qu'on  le  'lit  né  en  Savoie.  Au 
surplus  cette  faute  se  trouvait  déjà  dans  la  Storla  de 
Tiraboschi ,  qui  n'a  fait  que  copier  lui-même  Cliiesa  , 
Calalogo  ,  p.  n4,  Rossotti  Syllab.  scriptor.  Pede- 
montan.,  p.  i5j,et  Deuina,  Bibliopea,  p.  18. 


[t)  Si  l'on  en  eroit  Tirabosehi ,  eet  ouvrage  a  été 
imprimé  en  1077,  avec  la  Vie  de  Cicéron  ,  et  d'autres 
traités  du  même  auteur;  mais  le  savant  bibliographe 
avertit  qu'il  n'a  point  vu  le  recueil,  qui  ne  peut  être 
que  fort  rare,  s'il  existe,  puisqu'on  ne  le  trouve 
point  cité  dans  les  meilleurs  catalogues. 


MIL 

un  discours  qui  commença  sa  repu- 
lion.  Ayant  reçu  les  ordres  sacrés,  il 
s'adonna  à  la  prédication,  et  y  obtint 
des  succès.    En  1676,  son  compa- 
triote et  son  condisciple  ,  le  docteur 
Lamplugh  i   évêque    d'Exeter  ,  lui 
donna  une  prébende  dans  son  église. 
En 1 68 1 ,  déjà  docteur,  il  fut  présenté 
par  son  collège  à  une  cure  dans  le 
Oxfordshire  ;  et  en  décembre  de  la 
même  année ,  Charles  II  le  prit  pour 
son  chapelain  ordinaire.  En  i685, 
on  le  nomma  principal  du  colléee  de 
Saint- Edmond.  Cette  place  lui  con- 
venait ,  parce  qu'elle  lui  procurait  le 
repos  dont  il  avait  besoin  pour  exé- 
cuter son  entreprise.    En  1704,  la 
reine  Anne  lui  accorda  un  canonicat 
dans  l'église  de  Cantorbéry  ,  à  la 
recommandation    de     l'archevêque 
Sharp.  Il  mourut  le  2i3  juin  1707  , 
très-peu  de  jours  après  avoir  imprimé 
son  magnifique   ouvrage  ,  Oxford, 
in-fol.  L'impression  avait  été  com- 
mencée aux  frais  du  docteur  Fell , 
évêque   d'Oxford  •    mais  ce   prélat 
étant  venu  à  mourir,  et  ses  exécu- 
teurs testamentaires  n'ayant  pas  vou- 
lu la  continuer  ,  Mill  remboursa  ce 
qu'il  avait  reçu ,  et  acheva  de  pu- 
blier le  livre  à  ses  dépens.  Le  texte  de 
c-tte  édition  est  pris  de  celle  de  Robert 
Etienne  ,  en   i55o,  et  de  celle  de 
l'évêque  Fell;  il  l'a  collationné  sur 
16  nouveaux  mss.  d'Angleterre,  sur 
divers  autres  mss.    et  éditions  de 
Rome  ,  de  Paris ,  de  Vienne  ,  enfin 
sur  plusieurs  anciennes  versions.  Au 
haut  de  chaque  page  ,  est  le  texte 
original ,  avec  les  lieux  parallèles  des 
autres  livres  de  l'Écriture,  les  scho- 
lies  ,  et  les  nutes  explicatives  tirées 
des  anciens  Pères.  Au  centre  des  pa- 
ges se  trouvent  sur  deux  colonnes  les 
variantes  ,  accompagnées  des  notes 
de  l'auteur  ,  dont  plusieurs  forment 
de  savantes  dissertations.  Au  bas  sont 


MIL 


33 


XXIX. 


d'abord  le  canon  des  Ecritures,  puis 
des  remarques  sur  l'état  du  texte  sa- 
cré dans  tous  les  âges  de  l'Église, 
une  notice  des  anciens  commentai- 
res ,  des  anciennes  versions  ,  et  des 
éditions  les  plus  remarquables.  Le 
tout  est  précédé  de  savants  prolégo- 
mènes qui  contiennent  168  pages  in- 
fol.  Les  prolégomènes  du  Nouveau- 
Testament  grec  dureront  plus  que  le 
marbre  ,  selon  Tépitaphe  qu'on  a 
gravée  sur  le  tombeau  du  savant 
helléniste.  On  y  trouve  des  recher- 
ches immenses.  L'auteur  y  consacra 
les  trente  dernières  années  de  sa  vie, 
et  recueillit  trente  mille  variantes  ou 
leçons  différentes  dans  plus  de  cent- 
vingt  manuscrits ,  dans  des  légion- 
naires, dans  les  Pères,  dans  les  com- 
mentateurs ,  dans  les  versions  an- 
ciennes et  modernes ,  etc.  Ce  nombre 
prodigieux  de  variantes  parut  porter 
atteinte  à  l'intégrité  du  Nouveau-Tes- 
tament •  et  le  docteur  Whitby  publia, 
en  1 7 1  o ,  Examen  variantium  lec- 
tionum  Joannis  Millii ,  dans  lequel 
il  ne  ménagea  pas  son  compatriote, 
et  se  plaignit  amèrement  de  ce  qu'en 
admettant  la  corruption  du  texte, 
il  avait  donné  gain  de  cause  auxpi- 
pistes ,  aux  sociniens  et  aux  incré- 
dules. Il  entreprit  de  démontrer:  i°. 
que  ces  diverses  leçons  ne  sont  ap- 
puyées que  sur  des  fondements  incer- 
tains ,  et  peu  propres  à  ébranler  la 
leçon  du  texte  commun  ;  af°.  que  les 
leçons  de  quelque  conséquence,  ou  qui 
changent  le  sens  du  texte,  sont  en 
très-petit  nombre,  et  que,  dans  tous 
ces  endroits  mêmes,  la  leçon  com- 
mune peut  être  défendue;  3°.  que  la 
plupart  de  ces  variantes  sont  peu  de 
chose,  et  telles  qu'on  ne  doit  que 
très-rarement  les  préférer  à  la  leçoà 
reçue  ;  4°.  que ,  dans  le  recueil  de  cc$ 
variantes  ,  Mill  a  souvent  agi  de  mau- 
vaise foi,  Qité  à  faux  en  qu.u.ir  l| 
3 


34  MIL 

rencontres  ,  et  s'est  contredit  lui-mê- 
me. Wetstein  a  inséré  i.n  abrège  de 
Y  Examen  àeWhihy  parmi  les  dis- 
sertations dont  il  a  enrichi  l'édition 
du  Nouveau -Testament  grec  de  Mill , 
Amsterdam  ,    1735  ,  in-8°.  Collins, 
dans  le  Discours  sur  la  liber  é  de 
penser ,  a  cherché  à  profiter  des  re- 
proches que  Whilby  adresse  au  doc- 
teur Mill  pour  renverser  les  fonde- 
ments de  la  révélation  ;  mais  Wis- 
thon  ,  et  surtout  Bentley  (  Fripon- 
nerie laique),  lui  firent  voir  que  , 
quelque  nombreuses  que  soient  les 
variantes  recueillies  par  Mill ,  la  re- 
ligion n'a  rien  perdu  de  sa  vérité,  ni 
les  écrits  du  Nouveau-Testament,  de 
leur  authenticité.  Le  P.  Fabricy(  Ti- 
tres primitifs  )  va  encore  plus  loin; 
il  assure  que  la  religion  trouve,  dans 
le  recueil  de  Mill ,  une  forte  preuve 
de  l'intégrité  et  de  l'authenticité  des 
livres  sacrés  du  Nouveau-Testament; 
et  que  l'incrédulité  la  plus  opiniâtre 
se  voit  forcée  d'y  reconnaître  sa  pro- 
pre défaite.  Ce  sentiment  a  été  par- 
tagé par  les  protestants  et  les  catho- 
liques modérés  :  ils  ont  rendu  justice 
aux  immenses  travaux  du  docteur 
Mill ,  et  s'en  sont  servis  avec  fruit. 
Voyez  Acta  eruditorum ,  Leipzig, 
1 7 10;  Fabricius ,  Bibliot.  grœc;  Le- 
clerc  ,    Bibliot.   choisie.    Ludolphe 
Kuster  ajouta  de  nouvelles  recher- 
ches à  celles  du  docteur  anglais  ,  et 
perfectionna  son  ouvrage ,  Amster- 
dam ,  1 709  ,  in  -  fol. ,  réimprimé  à 
Leipzig  en  1  7'^3  ,  sous  ce  titre  :  No- 
vum  Testamentum  grœcum,   cum 
lectionibus  variantibus ,  etc.  Mill 
s'était  fait  une  certaine  réputation 
par  ses  Sermons ,  mais  il  n'y  en  a 
qu'un  d'imprimé  :  c'est  sur  la  fête  de 
Y  Annonciation  ;  il  y  combat,  d'une 
manière  violente ,  le  culte  rendu  à 
la  sainte  Vierge  ,  dans  l'Église  ro- 
maine. L — b — E. 


MIL 

MILL  (Henri),  habile  ingénieur, 
né  à  Londres  en  1689,  n'eut,  dit-on, 
peut-être  point  d'égal  dans  la  scien- 
ce de  l'hydraulique.  Il  fut  de  très- 
bonne  heure,  et  continua  d'être  jus- 
qu'à sa  mort ,  principal  ingénieur  de 
la  nouvelle  rivière,  à  Londres  (  F.Hu- 
gues Middleton),  et  s'acquit  par  ses 
services  la  reconnaissance  des  habi- 
tants de  cette  capitale  et  de  ses  envi- 
rons.Il  fournit  aussi  de  l'eau àla  ville 
de  Northampton,  et  procura  le  mê- 
me avantage  aux  superbes  jardins  de 
sir  Robert  Walpole,  à  Houghton, 
qui  étaient  auparavant  tellement  dé- 
pourvus d'eau  ,  que  Cibber,s'y  pro- 
menant un  jour ,  s'écria  plaisam- 
ment :  Sir  Robert ,  sir  Robert,  voici 
un  corbeau  qui  va  boire  tout  votre 
canal.  H.  Mill  mourut  en  1770.   L. 

MILLAR  (  Jean  ) ,  publiciste 
écossais,  naquit  à  Shotts,  dans  le 
comté  de  Lanerk,  en  1735.  Son  père 
le  fit  étudier  à  l'université  de  Glas- 
gow, et  il  le  destinait  à  l'église;  mais 
le  jeune  Millar  se  sentait  emporté 
de  préférence  vers  la  méditation  des 
lois ,  et  il  déclara  qu'il  suivrait  la 
ligne  que  lui  traçait  son  goût  domi- 
nant. Heureusement  pour  lui ,  lord 
Kames  ,  connu  par  ses  travaux  phi- 
losophiques ,  lui  proposa  de  se  char- 
ger de  l'éducation  de  son  fils,  Geor- 
ge Drummond-Home.  Les  lectures 
étendues  de  Millar,  son  esprit  émi- 
nemment propre  aux  recherches 
spéculatives,  et  sa  facilité  à  soute- 
nir des  discussions  métaphysiques 
dans  la  conversation  ,  lui  valurent 
l'intimité  de  son  patron  ;  et  le  pré- 
cepteur du  fils  devint  le  compagnon 
chéri  du  père.  Millar  recueillit  dans 
ce  commerce  ,  des  idées  fécondes 
sur  l'union  de  la  philosophie  et 
des  lois,  et  il  les  développa  dans  la 
suite  avec  une  rare  sagacité.  Lié  vers 
la  même  époque  avec  David  Hume, 


MIL 

il  partagea  ses  opinions  métaphy- 
siques, tout  en  demeurant  attaché 
à  des  doctrines  politiques  différen- 
tes.  Il  débuta  au  barreau  en  1760  ; 
mais  une  chaire  de  droit  étant  venue 
à  vaquer  à  l'université  de  Glasgow , 
il  se  mit  sur  les  rangs  pour  la  dispu- 
ter, et  l'obtint  à  la  recommandation 
de  lord  Kames  et  d'Adam  Smith. 
Ses  leçons  sur  la  législation  anglaise, 
habituellement  improvisées ,  et  aux- 
quelles il  mêlait  le  développement  de 
questions  intéressantes,  dont  il  avait 
semé  le  germe  dans  des  conférences 
particulières  avec  ses  élèves ,  furent 
accueillies  avec   une  juste  faveur, 
quoiqu'il  s'éloignât  assez  souvent  des 
notions   positives  pour  suivre  des 
vues  peu  mesurées  de  perfectibilité , 
et  pour  se  lancer  dans  le  vague  des 
théories.  Ce  reproche  fut  adressé  à 
ses  Observations  sur  la  distinction 
des  rangs  dans  la  société,  publiées 
en  177  1  ;  il  s'y  montre  ,  au  reste  , 
un  digne  disciple  de  Montesquieu  , 
et  a  mérité  d'être  choisi  par  Robert- 
son,  pour  être  un  de  ses  guides  dans 
Y  Introduction  à  V histoire  de  Char- 
les -  Quint.  Cinq  chapitres  lui  ont 
suffi  pour  tracer  le  tableau  de  la 
condition  des  femmes,  de  l'autorité 
paternelle  ,  de  l'autorité  du  chef  de 
la  tribu  ,  principe  de  la  puissance 
civile,  du  perfectionnement  graduel 
de  la  société  politique  ,  et  de  l'escla- 
vage. En  1787,  il  mit  au  jour  un 
Coup-d'œil  historique?  sur  le  gouver- 
nement anglais  :  dans  ce  résumé  de 
ses  cours  publics,  il exp<.ic*».  avec  soin 
les  mutations  progressives  survenues 
dans  les  propriétés  et  dans  l'état  du 
peuple  anglais  ,  depuis  l'occupation 
des  Saxons  jusqu'à  l'avènement  des 
Stuarts.  Son  zèje  pour  les  principes 
qu'il  regardait  comme  ceux  de   la 
vraie  liberté, ne  s'y  dément  jamais.  Si 
l'on  conteste  la  partie  systématique  du 


MIL 


35 


livre,  on  aime  à  y  reconnaître  l'exac- 
titude des  faits  et  une  critique  ingé- 
nieuse. Le  génie  de  Millar  ne  se  ren- 
fermait point  dans  le  cercle  des 
sciences  politiques  et  morales;  il 
possédait  une  érudition  variée,  et 
s'était  familiarisé  avec  les  ouvrages 
d'imagination  anciens  et  modernes. 
Il  est  mort  le  3o  mai  180 1  •  et  eu 
i8o3,  on  a  publié ,  en  a  vol.  in-8°. , 
ses  Œuvres  posthumes ,  qui  consis- 
tent dans  un  Coup-d'œil  historique 
sur  le  gouvernement  anglais  ,  de- 
puis le  règne  des  Stuarts ,  et  en  dis- 
sertations sur  le  même  sujet.  Les 
Observations  sur  la  distinction  des 
rangs  ,  dont  le  succès  fut  constaté 
par  un  grand  nombre  d'éditions , 
ont  été  traduites  en  allemand  ,  en 
italien  et  en  français.  F — t. 

MILLE    (  Antoine  -  Etienne  )  , 
avocat  au  parlement  de  Paris ,    et 
membre  de  l'académie  d'Auxerre, 
était  fils  d'un   conseiller  au  parle- 
ment de  Dijon,  et  prétendait  des- 
cendre d'un  Mille,  sire  de  Paillait, 
chambellan  du  duc  de  Bourgogne  , 
Philippe-le-Bon ,  et  gouverneur  du 
Nivernais.   Dès  l'âge  de  dix  -  sept 
ans  ,    il  conçut  l'idée   d'aprofondir 
l'histoire  de  sa  province;  et,  se  dé- 
vouant  à  cette   étude   avec  persé- 
vérance, il  mit  à  contribution  tous 
les  secours  que  lui  olfrirent  les   dé- 
pôts publics  et  les  bibliothèques  par- 
ticulières. Le  résultat  de   ses  vas- 
tes et  longues  recherches  fut  Y  Abré- 
gé chronologique  de  l'histoire  ecclé- 
siastique ,   civile    et  littéraire   de 
Bourgogne ,  Dijon  et  Paris,   1772- 
73,  3  vol.  in-8°.  Cette  production, 
calquée  pour  le  plan  et  les  formes 
sur  l'ouvrage  du  président  llénault, 
avait  l'avantage  de  rassembler,  dans 
un   cadre   resserré  ,  des  documents 
qui  avaient  échappe'  a    la    prolixe 
érudition  de  doui  Plancher,  et  dt 
3.. 


m 


MIL 


rectifier  plusieurs  inexactitudes  de 
ce  religieux;  elle  ouvrait  aux  lec- 
teurs une  route  moins  pénible  à  sui- 
vre, et  portait  l'empreinte  d'une  cri- 
tique judicieuse.  Ce  dernier  mérite 
attira  surtout  l'attention  publique  , 
en  lui  suscitant  de  chauds  adversaires. 
Dom  Merle ,  prieur  de  Bèzc  en  Bour- 
gogne, et  dom  Rousseau  ,  béne'dictin 
de  Saint-Germain-des-Près ,  s'atta- 
chèrent à  redresser  un  écrivain  qui, 
jeune  et  réduit  à  ses  propres  forces  , 
avait  osé  s'emparer  d'une  de  ces 
taches  laborieuses,  que  se  réservait 
leur  docte  congrégation,  et  qui  avait 
eu  le  tort  plus  grave  de  signaler  le 
relâchement  de  leur  ordre,  et  les 
suppositions  de  titres  dont  on  a  pré- 
tendu que  ces  religieux  avaient  quel- 
quefois coloré  leurs  usurpations.  D. 
Maur  Jourdain  ,  prit  part  à  la  dis- 
cussion (  V.  Jourdain  )  :  Mille  ré- 
pondit assez  faiblement  peut-être, 
à  toutes  ces  critiques,  et  fit  hom- 
mage de  son  livre  à  Voltaire,  qui , 
lui-même  en  guerre  alors  avec  les 
moines  du  Jura  ,  le  félicita  d'avoir 
décoché  quelques  traits  contre  les 
enfants  de  Saint  Benoît.  Courtépée, 
dans  son  Précis  de  l'histoire  de  Bour- 
gogne ,  a  largement  profité  du  tra- 
vail de  Mille,  dont  il  était  l'ami.  Ce- 
lui-ci avait  promis  de  conduire  sou 
ouvrage  jusqu'au  dix-huitième  siècle; 
et  il  avait  reçu  des  Étals  de  la  pro- 
vince une  gratification  pour  aider 
aux  frais  d'un  4e.  et  d'un  5e.  vol. 
qu'il  annonçait  comme  prêts  à  voir 
le  jour  :  mais  il  s'est  borné  aux  trois 
volumes  publiés ,  qui  se  terminent  à 
l'époque  de  la  réunion  du  royaume 
d'Arles  à  l'empire  des  Carlovingiens , 
soit  que  les  difficultés  de  son  entre- 
prise l'en  eussent  dégoûté,  soit  qu'il 
fût  mort  quelques  années  après , 
comme  on  est  assez  tenté  de  le  pré- 

-iUUCTé  F— T. 


MIL 

MILLER  (Jacques  ) ,  poète  dra- 
matique anglais,  né  en  1703,  es- 
quissa, étant  encore  à  l'université, 
la  meilleure  de  ses  comédies  ,  intitu- 
lée The  Humours  of  Oxford,  qui  fut 
jouée  avec  beaucoup  de  succès  en 
1729.  Il  était  dans  les  ordres  sacrés  ; 
mais  son  goût  pour  le  théâtre  ayant 
indisposé  contre  lui  l'évêque  de  qui 
dépendait  son  avancement ,  il  eut  re- 
cours à  sa  plume  pour  subsister,  et 
composa  plusieurs  autres  pièces ,  qui 
furent  applaudies ,  mais  qui  lui  firent 
beaucoup  d'ennemis  ,  par  la  grande 
vérité  de  quelques  caractères  évidem- 
ment tracés  d'après  nature.  Dès-lors 
onrésolut  de  trouver  mauvais  tout  ou- 
vrage où  l'on  reconnaîtrait  son  style; 
mais  il  donna  le  change  à  ses  ad- 
versaires. N'ayant  travaillé  jusque-là 
que  dans  le  genre  comique ,  il  s'avisa 
de  traduire  le  Mahomet  de  Voltaire , 
qu'il  fit  représentera  Drury-lane  ,  et 
qu'on  applaudit  à  toute  outrance  , 
sans  se  douter  du  nom  de  l'auteur. 
Il  mourut  peu  de  jours  après  ce 
succès  ,  et  lorsqu'il  venait  d'être 
pourvu  d'un  riche  bénéfice  ecclésias- 
tique. Ses  ouvrages  sont  :  I.  The 
Humours  of  Oxford,  1729.  II.  La 
Belle-Mère ,  comédie,  1734,  imitée 
du  Malade  imaginaire ,  de  Molière. 
III.  L' Homme  de  goût ,  comédie  , 

1736.  IV.  La  Passion  universelle  , 
comédie  dont  le  fonds  est  de  Shaks- 
peare,  1737.  V.  Le  Café,  comédie, 

1737.  VI.  L'Art  et  la  Nature,  co- 
médie,  1738.  VIL  L' Hôpital  des 

fous ,  comédie  ,  1739.  VIII.  Maho- 
met, 1744*  IX.  Joseph  et  ses  frères, 
oratorio,  1744.  X.  Le  Tableau, 
comédie,  1745.  XI.  De  petits  poè- 
mes et  des  pamphlets  politiques.  Mil- 
ler a  fait,  avec  Henri  Baker,  la  tra- 
duction anglaise  du  Théâtre  de  Me 
Hère,  publiée  par  Watts  ,  avec  l'o- 
riginal  en   regard.   Son  fils  a  pu- 


MIL 

Mië plusieurs  ouvrages,  entre  autres 
un  volume  de  Poésies  ,  et  la  traduc- 
tion du  Cours  de  belles-lettres  de 
l'abbé  Battenx.  L. 

MILLER  (Philippe),  célèbre  jar- 
dinier anglais,  qui,  par  son  intelli- 
gence et  son  érudition,  mérite  de 
prendre  place  parmi  les  botanistes 
du  xvme.  siècle,  naquit  en  1691.  11 
succéda,  en  1 722,  à  son  père,  dans  la 
place  de  surintendant  du  jardin  de  la 
compagnie  des  apothicaires  à  Chel- 
sca  (F.  Sloa.ve  );  et,  sous  sa  direc- 
tion, ce  riche  établissement  ne  tarda 
pas  à  devenir  le  plus  magnifique  de 
l'Europe,pour  les  plantes  étrangères, 
quoiqu'il  ait  été  bien  surpassé  depuis 
(  V.  Jacquin,  XXI,  376  ).  C'est 
par  ses  soins  qu'un  grand  nombre  de 
plantes  exotiques  ont  été  acclimatées 
avec  succès  en  Angleterre;  et  ses  re- 
lations nombreuses  et  multipliées 
avec  les  plus  célèbres  botanistes,  soit 
en  Europe ,  soit  dans  les  Indes ,  ont 

fmissamment  contribué  à  répandre 
es  découvertes  botaniques.  Il  se  fit 
d'abord  connaître  par  quelques  mé- 
moires insérés  dans  les  Transac- 
tions philosophiques;  mais  son  Dic- 
tionnaire des  jardiniers  ,  publié  en 
1 73 1 ,  sonvent  réimprime,  et  tou- 
jours avec  des  augmentations  consi- 
dérables, mit  le  sceau  à  sa  réputation. 
Linné  disait  que  ce  livre  serait  le  dic- 
tionnaire des  botanistes,  plutôt  que 
celui  des  jardiniers.  L'auteur  eut  le 
bonheur  peu  commun  d'en  donner , 
trente  -  sept  ans  après ,  la  huitième 
édition. Dans  les  premières,  il  n'avait 
suivi  que  les  méthodes  de  Ray  et  de 
Tournefortj  mais  dans  l'édition  de 
1  768  ,  il  employa  les  principes  et  la 
nomenclature  dé  Linné,  dont  il  finit 
par  devenir  un  des  plus  zélés  admira- 
teurs. 11  ne  conservait  pas  moins  de 
reconnaissance  des  leçons  qu'il  avait 
reçues  de  Ray,  son  premier  maître;  et 


ML  37 

dans  ses  dernières  années,  il  se  faisait 
honneur  d'être  resté  le  seul  botaniste 
qui  pût  se  vanter  d'avoir  vu  ce  grand 
naturaliste  ,  et  il  ne  le  citait  jamais 
sans  montrer  une  émotion  visible 
sur  sa  physionomie.  Miller  était 
membre  de  la  société  royale  de  Lon- 
dres, de  la  société  botanique  de  Flo- 
rence, etc.;  il  mourut  à  Ghclsea  le  18 
décembre  1 77  1.  On  a  de  lui  :  I.  Dic- 
tionnaire du  jardinier  et  du  fleuris- 
te, ou  Système  complet  d'horticul- 
ture, Londres,  173^  2  vol.  in-8°. 
Ce  n'est  que  le  premier  jet  de  son 
grand  ouvrage.  II.  Catalogue  des 
arbres,  arbustes,  plantes  et  fleurs 
des  jardins  aux  environs  de  Lon- 
dres,  1730,  in-fol.,  avec  21  pi.  co- 
loriées, d'après  les  dessins  de  Van- 
Huysum.  III.  Catalogus  plantarum 
officinalium  quœ  in  horto  botanico 
Chelseiano  aluntur,  1730,  in-8°. , 
de  i5*2  pag.,  contenant  5 18 plantes. 
IV.  Dictionnaire  des  jardiniers , 
j  7 3 1 ,  in-fol.  L'auteur  y  joignit,  en 
1 73.J,  un  appendix in-fol.,  et  en  don- 
na ,  la  même  année ,  un  abrégé  en  x 
vol.  in-8°.  L'ouvrage  fut  traduit  dans 
les  principales  langues  de  l'Europe  : 
enhollandais,parI.VanEnas,  1746, 
in-fol.; en  allemand, par Huth,  1750- 
58,  3  vol.  in-fol.,  et  par  Panzer  , 
1 769-76,  4  vol.  in- 4°.;  en  français, 
1785-88,  8  vol.  iu-4°«>  avec  des 
notes  par  Holandre  (F.  Chazkij .1  s 
DE  Prisy  ).  La  meilleure  édition 
anglaise  est  celle  qu'a  donnée  le 
professeur  Martyn ,  en  1807 ,  4 
vol.  in-fol.  Miller  publia,  de  1755 
à  1 771,  un  recueil  de  trois  cents 
figures  de  plantes  coloriées  ,  pour 
accompagner  son  Dictionnaire.  C'é- 
tait,  après  YHortus  Elthamensis  et 
la  Caroline  de  Catesby,  le  plus  beau 
recueil  de  ce  genre,  qui  eût  encore 
paru  en  Angleterre:  il  leurcsl  même 
supérieur  pour  le  détail 


38 


MIL 


organes  de  la  fructification,  détail  si 
important^  quand  on  suit  le  système 
de  Linné.  "V .  Calendrier  du  jardi- 
nier, seconde  édition,  1732,  in-80., 
réimprimé  pour  la  seizième  fois,  en 
1775,  et  souvent  réuni  aux  derniè- 
res éditions  du  Dictionnaire.  VI. 
Culture  de  la  garance  ,  suivant  la 
méthode  pratiquée  en  Zélande , 
1758,  in-4°.?  de  38  pag.,  avec  6 
pi.  VII.  Courte  introduction  à  la 
connaissance  delà  botanique,  1 760, 
in-8°.7  avec  5  pi.  VIII.  Quelques 
Mémoires  dans  les  Transactions  phi- 
losophiques :  ils  n'offrent  aujourd'hui 
que  peu  d'intérêt.  Un  ouvrage  tien 
plus  considérable  est  le  recueil  des 
■descriptions  annuelles  de  cinquante 
plantes  nouvelles,  qu'il  envoyait  cha- 
que année  au  Musée  britannique,  con- 
formément aux  règlements  de  la  fon- 
dation du  jardin  de  Chelsea  :  elles  ont 
fréquemment  doniiélieu  à  des  décou- 
vertes en  botanique.  L'herbier  de  Mil- 
ler a  passé  dans  la  bibliothèque  de 
sir  Joseph  Banks.  Le  genre  Mille- 
ria  ,  de  la  famille  des  corymbifères, 
découvert  à  Panama  et  à  la  Vera- 
Cruz ,  par  Houstoun,  a  été  consacré  , 
par  le  docteur  Martyn,  à  la  mémoire 
de  cet  estimable  jardinier. — Charles 
Miller,  un  de  ses  fils,  qui  avait  ac- 
quis une  fortune  considérable  dans 
les  Indes  orientales,  a  fait  passer  à 
la  Société  royale,  de  curieuses  expé- 
riences sur  l'utilité  de  la  transplan- 
tation du  froment.  On  a  encore  de 
lui,  dans  les  Transactions  philoso- 
phiques (tom.  lxviii),  une  Descrip- 
tion de  Vile  Sumatra.     C.  M.  P. 

MILLER  (Jean-Martin),  écri- 
vain allemand  ,  naquit  à  Dira  ,  le  2 
décembre  1760.  Son  père  était  pro- 
fesseur des  langues  orientales  au 
gymnase  de  cette  ville.  Le  jeune  Mil- 
ler se  rendit ,  en  1 770 ,  à  Gôttingue, 
où  il  étudia  la  théologie  :  iljyfit  par- 


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tie  de  celte  société  de  jeunes  poètes 
composée  de  Burger,  Hœlty  ,  Voss, 
des  deux  comtes  de  Stollberg,  et  d'au- 
tres littérateurs  moins  célèbres.  Il 
revint  dans  sa  patrie  en  1775,  et  y 
remplit ,  pendant  un  grand  nombre 
d'années,  les  fonctions  de  pasteur,  et 
celles  de  professeur  de  langue  grec- 
que et  de  théologie.  Le  roi  de  Wur- 
temberg le  nomma ,  en  1810,  doyen 
et  conseiller  consislorial .  Il  est  mort  à 
Ulm,  le  ai  juin  1814.  Les  ouvrages 
en  prose  de  Miller ,  Charles  de  Bur- 
gheim ,  la  Correspondance  de  trois 
amis  d'université ,  et  surtout  Sieg- 
wart,  le  plus  célèbre  de  tous,  offrent 
le  tableau  d'un  amour  vertueux  et 
enthousiaste,  qui  ne  se  sépare  jamais 
des  sentiments  les  plusreligieux.Mais 
c'est  surtout  comme  poète  lyrique, 
que  Miller  s'est  acquis  une  réputation 
durable  en  Allemagne.  Ses  élégies  et 
ses  romances  sont  devenues  popu- 
laires. Le  roman  de  Siegwart  a  été 
traduit  dans  presque  toutes  les  lan- 
gues de  l'Europe.  Il  en  existe  deux 
traductions  françaises.         P.    L. 

MILLET  (Jean),  docteur  es  droits, 
était  né,  en  1 5 1 3 ,  à  Saint-Amour , 
petite  ville  du  comté  de  Bourgogne , 
d'une  famille  ancienne,  mais  mal 
partagée  des  biens  de  la  fortune. 
Philibert  de  La  Baume,  comte  de 
Saint-Amour ,  devint  son  protecteur, 
et  l'emmena  avec  lui  en  Angleterre, 
quand  il  y  fut  envoyé  en  ambassade 
par  Charles-Quint  (1).  Millet  était 


(1)  Philibert  de  la  Baume  s'insinua  fort  avant  dans 
les  bonnes  grâces  de  Henri  VIII  ,  roi  d'Angleterre. 
Ce  prince  «  le  revêtit  pour  un  jour,  de  son  autorité, 
«  et  lui  remit  tous  les  insignes  de  la  royauté'  qu'il 
»  exerça  pleinement  à  Londres  ;  et  cette  distinction 
»  flatteuse  fut  applaudie  de  la  nation  anglaise.  » 
[Hisl.  abrég.  du  romté  de  Bourgogne  ,  par  M. 
Grappin  ,  p.  317.  )  M.  Abry  d'Arcier  ,  membre  de 
la  so<  ii;te'  d'encouragement  du  Jura  ,  assure  qu'il 
existait  encore,  en  1762,  dans  les  archives  du  château 
de  Chautonay  ,  appartenant  à  la  maison  de  Saint- 
Amour  ,  plusieurs  ordonnances  du  roi  PHILIBERT  , 
datées  île  Loudres. 


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savant  dans  les  langues;  et  il  a  tra- 
duit du  grec  et  du  latin  plusieurs  ou- 
vrages que  son  Mécène  lit  imprimer , 
en  lui  abandonnant  les  bénéfices.  Ce- 
pendant son  sort  ne  s'améliora  guère, 
et  il  vécut  toujours  dans  un  état  voi- 
sin de  la  pauvreté.  Par  le  testament 
qu'il  dicta  dans  sa  dernière  maladie, 
il  recommandait  à  ses  amis ,  son  père 
plus  que  nonagénaire,  et  ses  enfants, 
auxquels  il  ne  laissait  d'autre  hérita- 
ge qu'une  réputation  sans  reproche. 
Il  mourut  à  Saint- Amour,  au  mois 
de  mai  15^6,  et  fut  inhumé ,  comme 
il  l'avait  désiré,  dans  l'église  des 
Augusthis,  où  l'on  voyait  son  épi- 
taphe.  On  a  de  lui  :  I.  Le  Toxaris  de 
Lucien ,  dialogue  non  moins  élégant 
que  récréatif  par  les  belles  histoires 
qui  y  sont  contenues ,  Paris,  i55o, 
iu-8°.  II.  Cinq  dialogisme s  ou  déli- 
bérations de  cinq  nobles  Dames; 
à  savoir  :  Lucrèce ,  Suzanne ,  Judith , 
Agnès  et  Gamma  Galaliennc,  trad. 
du  latin  de  Pierre  Nannius,  ibid. , 
i55q,  in-8\  lïl.  Les  Cinq  livres 
d'Egesippus  ,  contenant  plusieurs 
guerres  des  Juifs  et  la  ruine  de  Jéru- 
salem ,  ibid . ,  1 5 5 1 ,  i  5 56 ,  i n-4° . 
IV.  Histoire  d 'yEneas  Sjlvius  tou- 
chant les  amours  à' Eurjalus  et  de 
Lucrèce,  ibid.,  i55i,  in-8°.  {V. 
Pie  II. )  V.  Les  Conquêtes,  origine  et 
empire  des  Turcs,  trad.  du  latin  de 
Christ,  llicher  ;  plus ,  y  sont  ajoutées , 
par  le  translateur,  toutes  les  guerres 
d'iceux.  Turcs ,  depuis  1.540  a  i55i  , 
ibid.,  i553,  in-8°.  VI.  Les  Chroni- 
ques ou  Annales  de  Jean  Zonare, 
I  il.  en  franc,  Lyon,  i5lio,  in-fol.; 
,  1 583, in-fol. — Millet  (Jean), 
musicien,  n<j  vers  1620.  à  Fondre- 
mand,  bailliage  de  Vesoul ,  de  pa- 
rents simples  cultivateurs, fut  atta- 
ché, comme  enfant  de  chœur,  à  la 
musique  de  la  cathédrale  de  Be- 
sançon ,  et  ne  tarda  pas  à  se  dis- 


MIL  39 

tinguer  par  son  goût  pour  le  chant. 
Après  avoir  terminé  ses  études,  il 
embrassa  l'état  ecclésiastique  ,  et  fut 
pourvu  de  l'office  de  sous-chantre, 
dont  le  titulaire  prenait  rang  parmi 
les  chanoines.  Il  mérita  la  bienveil- 
lance de  l'archevêque  Antoine-Pierre 
de  Grammont,  et  fut  chargé  par  ce 
prélat  de  publier  de  nouvelles  édi- 
tions des  Livres  de  chœur.  Millet 
mourut  après  1682.  On  a  de  lui 
le  Directoire  du  chant  grégorien, 
Lyon ,  1666,  in-4°.  H  y  a  des  choses 
curieuses  dans  cet  ouvrage*  mais 
l'auteur  rapporte  des  effets  si  mer- 
veilleux du  chant ,  qu'on  ne  peut 
s'empêcher  de  le  trouver  trop  cré» 
dule.  On  lui  attribue  encore  Y  Art 
de  bien  chanter  en  musique  :  ce 
volume ,  qu'on  dit  gravé  par  Pierre 
deLoisy  {F.  Lois  y,  XXIV,  63o), 
n'a  jamais  été  vu  par  ceux  qui  l'ont 
cité,  et  on  peut  en  révoquer  en  doute 
l'existence.  W — s. 

MILLEVOYE  (  Charles  -  Hu- 
bert ) ,  littérateur  et  poète  estimable , 
né  le  2 4  décembre  1 782  ,  n'avait  pas 
achevé  ses  premières  études,  au  col- 
lège d'Abbeville  ,  sa  patrie  ,  lorsque 
la  révolution  ferma  les  écoles  •  mais 
il  trouva,  dans  les  soins  d'un  habile 
instituteur  ,  les  secours  nécessaires 
au  développement  de  ses  dispositions 
naturelles  Son  penchant  pour  la  poé- 
sie ne  larda  pas  à  se  montrer;  et ,  à 
l'âge  de  treize  ans,  il  composait  de 
petites  pièces  de  vers ,  dont  quelques- 
unes  ont  été  imprimées  dans  des 
recueils.  Il  apprit  ensuite  les  éléments 
de  la  langue  grecque ,  et  vint  à 
Paris  ,  compléter  son  éducation  ,  au 
collège  des  Quatre- Nations ,  où  il 
remporta,  en  1798,  le  premier  prix 
de  littérature.  11  se  destina  d'abord 
au  barreau;  mais  rebuté  bientôt  par 
les  formes  de  la  chicane,  il  pass 
1801  ,  du  bureau  d'un   j 


4o 


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dans  un  magasin  de  librairie  ,  et  au 
Nmt  de  trois  ans  ,  renonça  au  com- 
merce des  livres,  pour  s'abandonner 
sans  distraction  ,  à  son  goût  pour  les 
lettres.  Un  petit  recueil  de  vers,  dont 
la  pike  la  plus  remarquable  est  celle 
où  il  célèbre  les  Plaisirs  du  poète  , 
l'avait  déjà  fait  connaître  d'une  ma- 
nière avantageuse  :  il  se  mit  sur  les 
rangs,  en  1806,  pour  disputer  les 
prix  proposés  par  l'académie  fran- 
çaise; et  chacun  de  ses  pas  dans  la 
carrière  fut  marqué  par  un  triom- 
phe. Ennemi  de  l'intrigue ,  exempt 
d'ambition ,  c'est  à  la  campagne  que 
Millevoye  allait,  dans  un  doux  repos, 
goûter  les  charmes  de  l'étude:  la  dé- 
licatesse de  son  tempérament  l'obli- 
geait d'ailleurs  à  des  ménagements 
qui  l'éloignaient  du  monde.  Il  se 
maria ,  en  1 8 1 3  ;  et  cette  union ,  fur- 
mee  sous  les  plus  heureux  auspices  , 
le  consola  de  la  perte  d'une  partie 
de  sa  fortune ,  que  d'infidèles  dépo- 
sitaires lui  avaient  enlevée.  11  s'était 
retiré  dans  sa  ville  natale ,  pour  y 
vivre  tranquillement;  mais  des  af- 
faires l'ayant  rappelé  à  Paris  ,  au 
mois  de  juin  1816,  il  prit  un  loge- 
ment au  village  de  Neuilli ,  où  il 
respirait  un  air  plus  pur  ,  plus  con- 
venable à  sa  santé  qui  dépérissait 
chaque  jour.  Dans  une  course  qu'il 
fit  à  Paris  avec  son  épouse,  il  se 
trouva  si  faible  qu'il  fallut  renoncer 
à  le  reconduire  à  Neuilli  ;  on  lui  pro- 
cura un  appartement  près  des 
Champs-Elysées, où,  après  quelques 
jours  de  souffrances,  il  expira  le  \'i 
août,  à  l'âge  de  trente-quatre  ans, 
emportant  les  regrets  de  tous  les  amis 
des  lettres.  Le  roi  Louis  XVIII  avait 
accordé  à  Millevoye  une  pension  de 
1200  fr.  ,  qui  a  été  continuée  à  sa 
veuve.  La  mort  prématurée  de  ce 
jeune  écrivain  a  été  une  véritable 
perte  pour  les  lettres  :  le  succès  de 


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ses  ouvrages  n'était  pour  lui  qu'un 
encouragement  à  de  nouveaux  ef- 
forts ;  et  l'on  ne  peut  douter  qu'il 
n'eût  rempli ,  s'il  eût  vécu,  toutes  les 
espérances  qu'il  avait  fait  concevoir. 
A  un  naturel  affable  ,  au  caractère  le 
plus  noble,  il  joignait  une  sensibilité 
exquise ,  et  un  goût  pur  qu'il  puisait 
dans  la  lecture  réfléchie  des  anciens. 
Il  avait  une  mélancolie  douce  et 
communicative ,  dont  l'empreinte  se 
retrouve  clans  ses  élégies,  et  jusque 
dans  ses  poésies  diverses.  Peu  de 
temps  avant  sa  mort ,  il  donna  une 
édition  de  ses  Œuvres  (  Paris, 
1814-16),  dans  laquelle  il  n'avait 
admis  ,  après  un  examen  sévi  re , 
que  les  pièces  les  plus  clones  d'ê- 
tre conservées.  Elle  est  en  5  vol. 
in- 18  :  le  premier  intitulé,  Poésies 
diverses ,  contient  les  Plaisirs  du 
poète  ;  Y  Amour  maternel ,  poème 
auquel  on  n'a  reproché  que  sa  briè- 
veté ;  Y  Indépendance  de  l'homme 
de  lettres,  pièce  couronnée  par  l'a- 
cadémie française,  en  1806;  ['In- 
vention poétique ,  couronnée  par 
l'académie  d'Angers  ;  le  Voyageur , 
pièce  couronnée  par  l'acad.  franc. , 
en  1807  ;  Belsunce  ou  la  Peste  de 
Marseille ,  poème  désigné  pour  l'un 
des  prix  décennaux  (  Voy.  Bel- 
suivce  )  (1)  ;  la  Mort  de  Rotrou, 
pièce  qui  a  remporté  le  prix  de 
l'académie  franc.,  en  181 1  ;  Goffin 
ou  le  Héros  liégeois ,  poème  qui  a 
remporté  un  prix  extraordinaire  en 
iSi'i  (a);  et  la  Traduction  de  quel- 
ques chants  de  Y  Iliade.  Le  tome  se- 


(1)  On  y  désirerait  -  dit  un  critique  célèbre  ,  plus 
de  variété  ,  une  ordonnance  plus  imposante  ,  des 
épisodes  plus  touchants  <l  mieux  conçus;  mais  on  y 
trouve  de  la  gravité  ,  de  l'eié^anc  ,  de  I  harmonie, 
d  énergique  s  tableaux  (  V<  y.  :e  Tableau  de  la  litlei. 
jranç. ,  p.  3oo  ). 

{7.)  Ou  n'a  point  oublié  l'héroïque  dévouement  de 
Goffin  ,  ni  la  manière  éclatante  dou,t  il  fut  récom- 
pensé par  le  gouvernement  français  (  Voy.  la  Mons- 
ieur de  l'auuue  181a  j. 


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eond  contient  :  Emma  et  Eginard, 
fabliau  ;  quelques  Traductions  de 
Théocriîc,  de  Virgile,  du  début  de 
la  Lusiade  ,  et  des  Poésies  fugitives. 
Tome  m  :  Charlemagne  à  Pavie, 
poème  en  six  chants.  Tom.  iv  :  trois 
livres  d'Elégies  ,  parmi  lesquelles 
an  doit  distinguer  la  première,  inti- 
tulée la  Chuta  des  feuilles,  où  le 
malheureux  Millevoye  décrit  les  der- 
niers moments  d'un  jeune  homme, 
affecté  delà  même  maladie  que  celle  ' 
qui  minait  sa  constitution.  C'est 
dans  celle  qui  est  intitulée  le  Poète 
mourant  ,  que  l'on  trouve  ces  vers 
si  touchants  : 

La  flp'T  de  ma  vie  est  fanée  ; 

11  fut  rapide  ,  mon  destin  ! 

De  mon  orageuse  journée 

Le  soir  loucha  presque  au  matin  ; 

et  qu'il  dit  encore  : 

Et  vous  par  qui  je  meurs  ,  vous  à  qui  je  pardonne  , 
Femme*  !  etc. 

Tom.  v  :  Alfred,  roi  d'Angleterre  , 
poème  en  quatre  chants  ;  et  la  Ran- 
çon d: 'Egild  ,  poème  tiré  d'une  tra- 
dition Scandinave.  On  a  encore  de 
Millevoye  :  La  Fête  des  martyrs  , 
Paris  ,  i8i5  ,  in-8°.  de  29  pag.  Cet 
opuscule  est  divisé  en  deux  parties  ; 
la  première  contient  une  Elégie  sur 
la  translation  à  Saint-Denis  des  restes 
de  Louis  XVI  et  de  Ta  reine  Marie- 
Antoinette;  et  la  seconde  :  Ma  vision 
(  en  prose  ),  morceau  qui  avait  déjà 
paru  dans  un  journal;  enfin  le  Tes- 
tament du  roi  martyr.  Millevoye  a 
laissé  en  manuscrit  des  Élégies,  des 
imitations  en  vers  de  plusieurs  Dia- 
logues de  Lucien  ;  Antigone ,  Saul, 
et  Ugolin,  teagjediesj  les  deux  pre- 
mières en  trois  ades,  et  l'autre  en 
unq  ;  des  fragments d'une  tragédie, 
dont  le  lier  I  onradin;  et  plu- 

sieurs livres  de  Y  Iliade.  H  se  propo- 
sait d'achever  la 


vres  d'Homère  ,  et  d'entreprendre  un 
Poème  de  saint  Louis  ,  dont  le  plan 
a  été  retrouvé  dans  ses  papiers.  M.  d< 
Poilly ,  ami  d'enfance  de  Millevoye , 
a  publié,  sur  cet  intéressant  écrivain, 
une  Notice  dans  le  Mémorial  de  la 
Société  royale  d'émulation  d3Abbt~ 
ville,  1816,  n°.  xvn.  M.  Beuchot 
a  donné  la  liste  détaillée  de  ses  ou- 
vrages dans  le  Journal  de  la  librai- 
rie ,  1817,  pages  78  et  35o  ->  et 
i8io  ,  pages  G5i.  W — s. 

MILLIÈRE  (  Antoine  -  Louis 
Cuaumost  de  la  ),  fils  d'un  inten- 
dant de  Limoges  ,  dont  la  femme , 
devenue  veuve,  inspira  ,  en  1757  , 
de  jolis  vers  à  Collé  ,  naquit  à  Paris  , 
le  j  j  octobre  1746.  Il  était  neveu 
du  chancelier  du  roi  de  Pologne  , 
Chaumont  de  la  Galaizicrc  ;  et  il 
passa  sa  première  jeunesse  à  Luné- 
ville,  au  milieu  de  la  cour  si  ai- 
mable et  si  spirituelle  de  Stanislas. 
Il  ne  tarda  pas  à  se  lier  intimement 
avec  ïressan  ,  le  chevalier  de  Beau- 
vau  ,  Boufïïers  ,  enfin  ,  avec  tout  ce 
qu'il  y  avait  de  plus  marquant  dans 
la  sociéléque rassemblait  la  ville ,  sé- 
jour de  ce  monarque  détrôné.  La  Mil- 
lière  ,  éclairé  de  bonne  heure  sur  ce 
qui  manque  souvent  à  une  éducation 
de  précepteur,  faite  seulement  sous 
les  yeux  d'une  mère ,  mit  une  grande 
force  de  volonté  et  beaucoup  de  pa- 
tience à  recommencer  ses  études  , 
après  avoir  déjà  fait  son  entrée 
dans  le  monde;  et  il  se  rendit  ainsi 
capable  de  remplir  ,  d'une  manière 
distinguée  ,  à  l'âge  de  vingt-un  ans  , 
la  charge  d'avocat-géuéral  au  parle- 
ment de  Nanci.  Le  chancelier  Mau- 
peou  lui  ayant  offert  les  mêmesfonc- 
tions  dans  le  parlement  de  Paris  , 
nouvellement  institue'  par  lui  ,  La 
Millière  les  refusa.  En  1769,  il  fut 
admis  au  conseil  -d'état,  ni  qualî 
C  des  requêtes  ,  et  aupui 


4-, 


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l'assiduité  clc  son  travail ,  la  réputa- 
tion d'un  des  meilleurs  rapporteurs. 
En  1 781 ,  le  roi  le  nomma  intendant 
des  ponts-ct-chaussécs.Dcs  améliora- 
tions évidemment  utiles  s'opéraient 
ou  se  préparaient  alors  dans  ce  dépar- 
tement. La  confection  et  l'entretien 
des  routes  fixèrent  d'abord  l'attention 
du  nouvel  intendant.  Conformément 
à  son  avis  ,"  un  arrêt  du  conseil ,  en 
date  du  6  novembre  1786,  suspen- 
dit ,  par  forme  d'essai  ,  la  corvée , 
qui  fut  définitivement  supprimée  par 
la  déclaration  du  27  juin  1787.  Ce 
fut  pendant  l'administration  de  La 
Millière  que  l'on  vit  les  plus  impor- 
tantes communications  par  terre ,  les 
unes  terminées  ,  et  les  autres  ou- 
vertes dans  l'intérieur  du  royaume  • 
et  l'on  se  rappelle  qu'à  l'époque  de  la 
révolution  ,  en  1789  ,  les  routes  de 
France  se  trouvaient  dans  un  état  que 
plus  d'une  fois  on  a  regretté  depuis. 
En  même  temps  que  ce  magistrat 
zélé  cherchait  à  perfectionner  les 
plantations  des  routes  royales  ,  il 
s'occupait ,  non  moins  avantageuse- 
ment ,  des  pépinières  ,  dont  le  soin , 
de  même  que  celui  des  hôpitaux  ,  et 
notamment  de  l'hôtel-dieu  de  Paris , 
était  confié  à  l'intendance  des  ponts- 
et-chaussées.  11  mit  aussi  en  activité 
plusieurs  grands  ouvrages  de  naviga- 
tion intérieure.  Secondé  par  les  ha- 
biles ingénieurs  des  ponts-et-chaus- 
sées  ,  qui  tous  étaient  ses  amis  plu- 
tôt que  ses  subordonnés  ,  il  méditait 
sans  cesse  avec  eux  quelque  projet 
utile  ,  ou  dirigeait  la  continuation  de 
ce  qui  n'avait  besoin  que  d'être  a- 
chevé.  Cessart  (  V.  son  article,  VII, 
587  ),a  ,  dans  la  Description  de  ses 
travaux  hydrauliques  (  tom.  11  ,  p. 
277  ),  rendu  un  hommage  public  à 
La  Millière  ,  comme  l'ayant  forte- 
ment encouragé  et  soutenu  dans  ses 
travaux  si  hardis  pour  la  rade  de 


MIL 

Cherbourg  ,  qu'il  s'agissait  de  con- 
quérir sur  la  mer  ;  travaux  qui ,  ap- 
prouvés par  Louis  XVI ,  avaient  été 
commencés  en  1782.  Pendant  le 
voyage  que  le  roi  fit ,  au  mois  de  juin 
1786,  pour  visiter  ces  travaux  ,  il 
fut  tellement  satisfait  de  l'adminis- 
tration des  ponts-et-chaussées ,  qu'à 
son  retour  il  envoya  son  portrait  à 
celui  qui  en  était  le  chef,  et  qui 
avait  eu  l'honneur  d'accompagner  ce 
prince  à  la  remorque  et  à  l'immer- 
sion du  neuvième  cône  •  dernière  ga- 
rantie du  succès  d'une  aussi  grande 
et  difficile  entreprise.  11  serait  trop 
long  de  détailler  les  ouvrages  exé- 
cutés en  i  787  et  1788,  dans  le  port 
de  Dieppe ,  et  dans  plusieurs  au- 
tres ports ,  vers  la  même  époque  • 
comme  aussi  de  nommer  tous  les 
ponts ,  canaux  et  grandes  routes  que 
l'on  doit  à  l'intendance  du  même  ma- 
gistrat. Celle  des  mines  lui  fut  égale- 
ment confiée  en  1 787  ;  et  cette  partie, 
dont  les  succès  en  France  datent  de 
l'établissement  d'une  école  royale 
des  mines ,  fondée  à  Paris  par  Louis 
XVI  en  1783  ,  promettait  dès -lors 
d'heureux  résultats ,  qui  se  réalisent 
aujourd'hui.  Le  6  avril  1787  ,  le  roi 
lui  écrivit  de  sa  main  :  «  Le  bien  de 
»  mon  service  exigeant ,  Monsieur , 
»  que  je  demande  à  M.  de  Calonne 
»  la  démission*de  la  place  de  con- 
»  trôleur-général  ,  la  connaissance 
»  que  j'ai  de  vos  talents  et  de  votre 
»  probité  m'a  engagé  à  vous  choisir 
»  pour  le  remplacer.  Je  sais  tout  le 
»  poids  dont  je  vous  charge  ;  mais  js 
»  compte  aussi  sur  votre  zèle  pour 
»  mon  service  et  sur  votre  attache- 
»  ment  pour  ma  personne....  Répon- 
»  dez-moi  par  la  même  voie ,  et  gar- 
»  dez  le  secret  jusqu'à  ce  que  j'en 
»  ordonne  autrement.».»  On  devine 
la  réponse  de  M.  de  La  Millière ,  par 
une  autre  lettre  de  Louis  XVI ,  en 


MIL 

7  avril  :  «  La  modestie  qi 
Monsieur ,  dans 
»  votre  lettre  ,  est  une  raison  de  plus 
»  qui  m'engage  à  mettre  ma  con- 
»  fiance  en  vous.  Il  me  faut  quelqu'un 
»  de  la  probité  de  qui  je  sois  sûr.  Au 
»  reste.  Monsieur,  si,  comme  vous 
»  paraissez  le  craindre  ,  au  bout  de 
»  quelque  temps ,  et  quand  la  grande 
»  besogne  sera  éclaircie,  vous  ne  vous 
»  trouviez  pas  propre  à  la  chose,  je 
»  vous  permettrais  de  reprendre  les 
»  mêmes  fonctions  que  vous  exercez 
»  à  présent.  »  Sur  un  nouveau  refus 
motivé  par  écrit ,  d'une  manière  en- 
core plus  modeste,  une  audience  fut 
accordée  à  l'intendant  des  ponts-et- 
chaussées;  et  les  explications  verbales 
données  par  lui  au  roi,  qui  le  pressait 
toujours  d'accepter,  comme  étant  le 
plus  honnête  homme  de  son  royau- 
me, furent  jugées  valables  par  ce 
prince.  Outre  les  mines  et  les  hôpi- 
taux ,  on  sait  que  les  prisons  et  les 
messageries  se  trouvaient  aussi  sous 
la  direction  de  La  Millière  ,  qui  avait 
été  nommé,  dans  cette  même  année 
1 787  ,  un  des  quatre  intendants  des 
finances.  Il  publia  ,  au  mois  de  jan- 
vier 1 790 ,  un  Mémoire  in-4°  de  la 
plus  grande  importance ,  sur  le  dé- 
partement des  ponts-et-chaussées. 
Dans  le  mois  de  septembre  suivant , 
il  y  joignit  un  Supplément ,  011  Ré- 
ponse à  deux  écrits  relatifs  à  ce  Mé- 
mom?.  Cette  réponse  était  victorieuse; 
et  le  témoignage  lui  en  fut  rendu  so- 
lennellement ,  dans  l'assemblée  cons- 
tituante, par  M.  Lebrun,  alors  rap- 
porteur de  l'affaire   des    ponts-et- 
c haussées.  Ce  député  disait  dans  sou 
rapport,  fait  en  août  1791  :  «  Ou 
»   ne  m'a  parlé  de  M.  de  La  Millière, 
»   que  pour  m'en  dire  du  bien.  Ne 
»  ressemblons   pas  à  cet  Athénien 
»   qui  baissait  dans  Aristide  le  sur- 
»  nom  de  juste,  et]  Je  condamnait 


MIL  43 

ùen  qu'il  en  avait  entendu 
»  dire.  »  La  place  de  contrôleur  gé- 
néral lui  fut  encore  offerte  ,  et  d'une 
manière  aussi  instante,  en  novembre 
1 790  :  rien  ne  put  vaincre  sa  résistan- 
ce. Il  se  démit,  le  1 1  avril  1  792,  delà 
place  d'intendant  des  finances:  mais 
il  remplit  avec  le  même  dévouement 
les   différentes    fonctions   attachées 
à    son  emploi  principal  ,  jusqu'au 
10  août;  et  il  renonça  aux  affaires 
publiques   aussitôt    que    l'infortune 
monarque  eut  quitté  son  palais  des 
Tuileries.  Depuis  cette  funeste  jour- 
née, La  Millière  fut  continuellement 
en  butte   aux  persécutions  révolu- 
tionnaires.   Conduit    à  l'abbaye   le 
16  août,  il  en  sortit  la  veille  du 
massacre  des  prisons.  Ayant  été  in- 
eare/    *de  nouveau  sous  le  règne  de 
la  terreur,  il  subit  alors,  à  la  maison 
d'arrêt  dite  Port-libre,  une  déten- 
tion de  onze  mois  ,  pendant  laquelle 
il  recueillit  les  dernières  marques  de 
confiance  de  Malesherbes  et  de  plu- 
sieurs autres  illustres  condamnés.  A 
l'assemblée  c?es  électeurs  de  Paris  en 
l'an  v  ,  il  était  appelé  à  la  deputa- 
tion  par  le  vœu  de  tous  les  honnêtes 
gens;  mais  il  déclara  sa  ferme  réso- 
lution de  ne  point  accepter.  L'estime 
générale  s'était  trop  fortement  pro- 
noncée en  sa  faveur,  pour  que  /es 
principaux  meneurs  révolutionnaires 
ne  craignissent  pas  l'influence  dont 
il  aurait  pu  jouir.  Peu  de  temps  après 
le  18  fructidor  an  v  (4  septembre 
1 797  ) ,  il  fut  arrêté  à  Lyon  ,  en  re- 
venant d'un  voyage  qu'il  avait  fait 
dans  le  midi  de  la  France  pour  sa 
santé,  déjà  fortement  attaqué 
raison  ou  Je   prétexte  était  qu< 
r  un  se  trouvait  inscrit  sur  une  liste 
supplémentaire  d'émigrés,  qui 
lut  constant  que  s'il  avail  quitl 
ris  depuis  bien   des   ann 
uniquement  pour  aller  aux  ca 


Bagnèrcs  de  Luchon  ,  d'où  il  arri- 
vait alors.  Enfermé  pendant  îinit 
jours  dans  la  prison  de  Roanne,  il 
fut  ensuite  conduit ,  en  charrette,  et 
avec  une  escorte  de  gendarmes,  à 
îliom,  où  siégeait  la  commission 
militaire  devant  laquelle  il  devait 
cire  traduit.  Chacun  des  chefs  du 
gouvernement  convenait  bien  de  la 
non-émigration  du  prisonnier,  mais 
alléguait  qu'il  figurait  sur  la  fatale 
liste,  et  que,  dès-lors,  il  était  sujet  à 
la  condamnation  pour  n'avoir  point 
obéi  à  la  loi  du  19  fructidor  an  v.  Il 
serait  presque  impossible  de  retra- 
cer tout  ce  qu'alors  La  Millière  éprou- 
va de  flatteur,  de  touchant ,  de  la 
part  de  ceux  qui  le  connaissaient,  et, 
on  peut  même  dire,  de  la  part  du  pu- 
blic. Le  danger  pressait ,  les  instants 
étaient  comptés  ;  mais  la  clameur  gé- 
nérale et  les  efforts  d'une  amitié  cou- 
rageuse parvinrent  à  le  sauver.  Un 
ordre  de  surseoira  son  jugement  fut 
enfin  obtenu  à  Paris  par  les  soins  de 
M.  Héron  de  Villefosse ,  son  neveu 
et  son  pupille,  et  grâces  au  crédit 
dont  jouissait  Mm<;.  de  Caraman  née 
Gabarrus ,  crédit  dont ,  depuis  une 
époque  célèbre  dans  la  révolution  , 
cette  dame  faisait  constamment  un 
si  bon  usage.  Le  Directoire  n'osa  pas 
reconnaître  pour  émigré ,  celui  dont 
les  certificats  de  résidence  en  France 
n'étaient  presque  que  les  écrous  de 
ses  prisons  ;  mais  ,  n'ayant  que  le 
choix  de  l'envoyer  à  la  mort  ou  de 
le  mettre  en  liberté ,  on  le  déporta 
sur  le  territoire  de  Genève.  Lorsqu'au 
bout  de  treize  mois  ,  il  quitta  la 
prison  de  Riom  ,  des  témoignages 
d'intérêt, d'affection  même,  luifurent 
prodigués  par  tout  ce  que  cette  ville 
offrait  de  personnes  recommanda- 
bles.  Bien  plus,  il  sévit  obligé  d'es- 
suyer les  pleurs  de  son  geôlier  lui- 
même,  qui,  longtemps  farouche  et 


MIL 

redoutable  pour  ses  prisonniers  , 
mais  profondément  touché  par  le 
spectacle  des  vertus  d'un  véritable 
homme  de  bien ,  était  devenu  pour 
lui  un  serviteur  dévoué  plutôt  qu'un 
gardien.  Pendant  le  voyage  de  dépor- 
tation, qui  fut  des  plus  pénibles,  et 
cruel  même,  à  cause  de  la  rigueur  de 
la  saison  (c'était  dans  l'hiver  de 
1798  à  1799),  toutes  les  villes  et 
presque  tous  les  bourgs  de  France 
que  La  Millière  traversait  succes- 
sivement, semblaient  rivaliser  à  son 
égard  de  preuves  de  bienveillance 
et  de  généreuse  compassion.  Ce  fut 
alors  que  le  noble  empressement 
des  ingénieurs  des  ponts-et-chaus- 
sécs  ,  autour  de  leur  ancien  chef , 
devint  le  plus  bel  éloge  de  son  admi- 
nistration ,  et  fit  en  même  temps  res- 
sortir le  mérite  du  corps  illustre  que 
ce  chef  avait  aimé  comme  sa  famille. 
Délivré  enfin  de  toute  escorte ,  il  alla 
visiter,  dans  le  pays  de  Vaud,  Necker , 
et  eut  quelque  peine  a  obtenir  de  lui 
l'aveu,  qu'une  révolution  n'aurait  pas 
été  indispensable,  pour  opérer  en 
France  le  bien  public  que  Louis 
XVI  desirait  si  sincèrement.   Pour 


g» 


mer  Hambourg,  asile  d'un  nom- 


bre considérable  de  Français  pros- 
crits, il  prit  sa  route  par  la  Suisse 
et  une  grande  partie  de  l'Allemagne , 
dans  des  voitures  de  poste  presque 
toujours  découvertes.  Il  eut  l'extré- 
mité des  doigts  des  mains  gelée  ;  et 
l'état  de  sa  poitrine,  déjà  afïectée, 
s'aggrava  bientôt  par  des  souffrances 
qui  devaient ,  deux  ou  trois  ans  plus 
tard,  amener  le  terme  de  sa  vie. 
Après  avoir  passé  quinze  mois ,  soit 
à  Hambourg ,  soit  à  Anspach  ,  il 
rentra  en  France  dans  le  printemps 
de  1800.  Des  offres  brillantes  luifu- 
rent faites  au  nom  de  Buonaparte  , 
premier  consul  •  mais  il  n'en  accepta 
aucune  :  sa  santé  était  tellement  dé- 


MIL 

labrée,  que  la  force  même  de  sa 
constitution  laissait  peu  d'espéran- 
ce de  le  voir  se  rétablir.  Au  milieu 
de  bien  vives  douleurs,  il  donna ,  jus- 
qu'à son  dernier  moment,  l'exemple 
de  la  plus  courageuse  résignation  ,  et 
mourut  à  Paris,  le  17  octobre  i8o3, 
laissant  une  e'pouse  respectable  ,  et 
une  fille  unique,  qui  a  épouse,  en 
181 1,  son  cousin,  M.  Héron  de 
Yillefosse,  membre  de  l'académie 
royale  des  sciences.  Aux  deux  écrits 
cites  plus  haut,  et  qui  étaient  sortis 
de  l'imprimerie  royale,  il  faut  ajou- 
ter :  Observations  de  M.  de  La  Mil* 
lière  sur  un  écrit  de  M.  Biauzat, 
député  à  V assemblée  nationale,  re- 
latif h  l'organisation  des  ponts-et- 
chaussées.Peu  de  jours  après  la  mort 
de  La Millière,  Suard  donna,  dans 
le  Publiciste ,  une  notice  incom- 
plète, mais  dictée  par  l'estime  et  l'a- 
mitié, sur  celui  que  Louis  XVI  avait 
appelé  le  plus  honnête  homme  de 
son  rovaume.  L — p — e. 

MILL1ET  (  Jean  -  Baptiste  ), 
littérateur  ,  naquit  à  Paris  ,  en 
1745:  après  d'excellentes  études, 
il  fut  attaché  en  sous  -  ordre  à  la 
bibliothèque  du  Roi ,  et  mit  à  pro- 
fit les  loisirs  que  lui  laissait  son 
emploi  pour  se  perfectionner  dans 
la  connaissance  des  chefs-d'œuvre 
de  l'antiquité.  Il  s'était  déjà  fait  re- 
marquer par  quelques  essais  estima- 
bles ;  et  on  avait  lieu  d'attendre  de  lui 
des  productions  plus  imporfantes  , 
Lorsqu'une  mort  prématurée  l'enleva, 
le  ID  juillet  1774  ?  à  l'âge  de  trente- 
neuf  ans.  On  a  de  lui ,  les  Etrennes 
du  Parnasse,  contenant  les  Fies  des 
poçtes  grecs  et  latins;  des  Réjlexions 
sur  la  poésie  ,  et  un  choix  de  poé- 
sies, Vm-is,  1 770-7 \  ,  i5  vol.  in- 12. 
Cette  compilation  ,  continuée  par  Le 
Prévost  d'Exraes,  n'est  point  esti- 
mée; mais  les  Fies  des  poètes  con- 


tiennent des  recherches  fort  in! 
sautes  et  bien  présentées  ;  et  l'on  re- 
grette seulement,  dit  Sabatier,  que 
le  style  de  l'auteur  se  ressente  lu»;» 
de  sa  jeunesse.  On  cite  encore  de  lui  : 
Lettre  à  un  ami  de  province  sur  les 
Gnèbres  et  les  Scythes  ,  tragédies 
de  Voltaire.  —  Lettre  sur  la  Pein- 
ture au  pastel.  W  —  s. 
MILLIET    DE  CHALLES.    /'. 

Gn  ALLES. 

MILLIEU  (  Antoine  )  ,  en  latin 
Millieus  ,  jésuite  ,  né ,  à  Lyon ,  en 
1575  ,  fut  admis  dans  la  Société  à 
l'âge  de  dix-sept  ans  ,  et  professa 
successivement  la  rhétorique,  la  phi- 
losophie et  la  théologie  pendant  plu- 
sieurs années.  Nomméensuite  recteur 
du  collège  de  Vienne  ,  puis  de  ce'ui 
de  la  Trinité  de  Lyon ,  il  fut  enfin 
désigné  provincial ,  et  il  alla  en  cette 
qualité  à  Rome ,  pour  assister  à  l'élec- 
tion du  général.  L'estime  dont  il 
jouissait  parmi  ses  confrères ,  l'avait 
fait  porter  à  la  place  de  secrétaire 
de  l'assemblée ,  lorsqu'il  tomba  ma- 
lade, et  mourut ,  le  1 4  février  1646 , 
dans  de  grands  sentiments  de  piété. 
Le  P.  Millieu  cultivait  la  poésie  la- 
tine avec  succès  ;  mais  dans  une 
maladie  il  demanda  la  cassette  qui 
renfermait  ses  vers,  au  nombre  de 
plus  de  vingt  mille,  et  les  jeta  au  feu  : 
le  premier  chant  d'un  poème  héroï- 
que échappa  seul ,  et  par  hasard ,  à 
celte  destruction  :  il  l'acheva  ensuite 
à  la  prière  d'Alph.  de  Richelieu ,  ar- 
chevêque de  Lyon  ,  et  l'ouvrage  fut 
imprimé  par  ordre  de  ses  supérieurs , 
sous  ce  titre  :  Mojses  viator ,  seu 
imago  militantis  Ecclesiœ ,  libri 
xxrm,  Lyon,  iG3G-3(),  a  put. 
in-8°.  Il  y  a  beaucoup  d'imagina- 
tion dans  ce  poème;  et  le  style  en 
est  assez  pur.  Le  P.  Millieu  fut  l'un 
des  premiers  conservateurs  de  la  bi- 
bliothèque du  collège  de  ' 


MIL 

et  sa  réputation  contribua  beaucoup 
à  répandre  de  l'éclat  sur  cet  établis- 
sement naissant  (Voy.  Manuscr.  de 
la biblioth. de  Lyon,  par  Dclaiidine , 
tom.  ier.,  pag..i5  ).         W — s. 

MILLIN  (  Aubin-Louis), l'un  des 
hommes  qui  ont  le  plus  contribué  à 
répandre  en  France  le  goût  de  l'his- 
toire naturelle  et  de  l'archéologie, 
était  né  à  Paris  en  1 7 5g  (  1  ).  En  sor- 
tant du  collège,  il  prit  l'habit  ecclé- 
siastique par  déférence  pour  sa  mère  : 
mais  il  ne  tarda  pas  à  reconnaître 
sa  véritable  vocation;  et,  renonçant 
à  l'étude  de  la  théologie,  il  se  livra 
entièrement  aux  lettres  ,  qu'une  for- 
tune assez  considérable  lui  permet- 
tait de  cultiver  d'une  manière  indé- 
pendante (•.}).  Il  s'appliqua  d'abord  à 
l'étude  des  langues  modernes,  se  ren- 
dit familiers  les  ouvrages  classiques 
dans  ces  langues ,  et  en  traduisit 
les  morceaux  les  plus  intéressants  : 
mais  l'amitié  dont  il  se  lia  avec  le  fils 
de-Willemet,  célèbre  botaniste  (  V. 
Pier.-Rem.  Willemet  ) ,  donna  bien- 
tôt une  nouvelle  direction  à  ses  tra- 
vaux ;  et  il  conçut  le  projet  d'écrire 
l'Histoire  des  sciences  naturelles 
sur  le  plan  que  Montucla  et  Bailly 
avaient  adopté,  l'un  pour  l'histoire 
des  mathématiques  ,  et  l'autre  pour 
celle  de  l'astronomie.  Il  ne  se  borna 


(1)  Il  prit  d'abord  le  nom  de  IWUin  de  Grand- 
maison ,  puis,  pendant  la  terreur,  celui  d'Eleuthe- 
rophde  Millin.  Lors  de  son  voyage  en  Italie  {  1812  ), 
ayant  trouvé  à  Rome  le  pnrtrait  du  cardinal  Savo 
Mellini,  mort  en  1701,  il  se  laissa  persuader  qu'il 
«■tait  son  parent,  que  le  nom  de  ce  cardinal  était 
Milliuo, 'et  que  la  famille  Millin  était  originaire 
d'Italie. 

(2)  Dès  l'âge  de  dix-sept  ans  ,  il  écrivit  VEnnemi 
chéri  un  l' Heureuse  Réconciliation ,  comédie  en  un 
acte  et  en  prose.  Le  manuscrit  autographe  de  cette 
pièce,  in-40.de  57  pag. ,  s'est  retrouvé  dans  sa  biblio- 
thèque (no.  71a  du  catalogue  de  vente)  :  c'est  par  er- 
reur que  M.  Debure,  rédacteur  de  ce  catalogue  .  y  a 
dit  que  les  inuts  ,  /-(/;•  .)/.  Millin,  écrits  sur  le  frontis- 
pice du  manuscrit,  étaient  d'uuc  autre  main.  Ces 
mots,  que  j'ai  vus,  sont  bien  de  l'écriture  de  l'au- 
teur ;  mais  on  s'aperçoit  aisément  qu'ils  ont  été  écrits 
quarante  ans  plus  tard  que  le  manuscrit ,  dont  la  date 
?.tdei777.  C.  M.  P. 


MIL 

point  à  l'examen  et  à  l'analyse  des 
substances  dont  se  composent  les 
trois  règnes  :  aux  leçons  des  profes- 
seurs les  plus  célèbres  qu'il  suivait 
avec  assiduité ,  il  joignit  l'étude  ré- 
fléchie des  naturalistes  anciens  et 
modernes  ,  et  ,  bientôt  après  ,  celle 
des  monuments  antiques  qui  repré- 
sentent des  plantes  et  des  animaux , 
et  peuvent,  par  conséquent,  jeter  de 
l'intérêt  sur  quelques  parties  de  la 
science.  L'ardeur  que  Millin  éprou- 
vait pour  les  progrès  de  l'histoire 
naturelle ,  il  la  fit  partager  à  ses 
amis ,  et  il  devint  l'un  des  fondateurs 
de  la  société  linnéenne ,  dont  les  tra- 
vaux, interrompus  pendant  plusieurs 
années  ,  ont  été  repris  depuis  avec 
un  nouvel  éclat  (i).  Comme  tant 
d'autres  littérateurs ,  il  ne  vit  dans  la 
révolution,  à  sa  naissance,  que  la  ré- 
forme des  abus  ,  et  publia  différents 
opuscules  destinés  à  en  défendre  les 
principes  ;  mais  ennemi  de  tous  les 
excès,  il  les  combattit  avec  un  coura- 
ge qui  ne  tarda  pas  à  lui  attirer  la  hai- 
ne des  chefs  du  parti  démagogique. 
Pour  se  dérober  aux  persécutions 
dont  il  était  menacé,  il  parcourut  les 
provinces  voisines  de  la  capitale  , 
occupé  à  décrire  et  à  dessiner  les 
châteaux  et  les  monastères  près  de 
tomber  sous  le  marteau  des  modernes 
Vandales.  Arrêté  au  milieu  d'un  tra- 
vail si  intéressant  ,  il  fut  enfermé 
dans  une  des  prisons  de  Paris  ,  où  il 
resta  une  année  entière,  qu'il  em  ploya 
à  rédiger  ses  Elémens  de  l'Histoire 
naturelle  ,  l'un  des  meilleurs  ouvra- 
ges de  ce  genre.  La  journée  du  9 


(1)  Cette  société  a  quitté  le  nom  de  Linnéenne  , 
pour  prendre  celui  de  Socitté  d'histoire  naturelle  ; 
et  elle  compte  parmi  ses  membres  les  plus  célèbres 
naturalistes  français  et  étrangers.  Millin  se  démit  de 
la  place  de  secrétaire  ,  lorsqu'il  fut  nommé  conserva- 
teur du  cabinet  des  antiques  ;  et  il  eut  pour  succes- 
seur M.  Cuvier ,  secrétaire  perpétuel  de  l'académie 
des  sciences, 


MIL 

thermidor  vint  l'arracher  à  une  mort 
certaine  (  i  )  ;  etil  se  bâta  de  reprendre 
le  cours  de  ses  travaux  littéraires. 
La  réduction  des  rentes,  sous  le  gou- 
vernement du  Directoire  ,  avait  fait 
évanouir  la  plus  grande  partie  de  sa 
fortune  ;  et  Miilin  se  vit  obligé  d'ac- 
cepter la  place  de  chef  de  division 
dans  les  bureaux  du  comité  d'instruc- 
tion publique.  Quelques  mois  après  , 
il  fut  nommé  professeur  d'histoire  à 
l'école  centrale  du  département  de  la 
Seine  ;  et  enfin ,  en  1 794  ,  il  succéda 
au  savant  abbé  Barthélémy ,  dans  la 
place  de  conservateur  du  Cabinet  des 
Médailles  <KF .  Babthelemy  ).  Mil- 
lin  avait  entrepris  ,  depuis  peu ,  avec 
deux  hommes  de  lettres  (MM.  Noël 
et  Warens  )  la  rédaction  du  Maga- 
sin encyclopédique  ,  journal  destiné 
à  ranimer  en  France  le  goût  des  bon- 
nes études ,  et  principalement  de  l'a  1- 
chéologie  ,  science  alors  trop  peu 
estimée.  Abandonné  de  ses  deux  col- 
laborateurs ,  il  continua  seul  de  di- 
riger cette  utile  entreprise  avec  un 
zèle  digne  de  plus  d'encouragement. 
La  place  de  conservateur  des  anti- 
ques lui  imposait  des  devoirs  qu'il 
était  jaloux,  de  remplir  :  il  renonça 
donc  à  l'histoire  naturelle,  pour  se 
livrer  eu  lie  renient  à  la  recherche  et 
à  l'étude  des  vieux  monuments  ;  il 
ouvrit  un  cours  d'antiquités,  qu'il 
sut  rendre  intéressant ,  même  poul- 
ies simples  curieux ,  et  publia  suc- 
cessivement différents  ouvrages,  dans 
le  but  de  faciliter  l'intelligence  de  ses 
leçons  aux  personnes  privée! 
connaissances  préliminaires  indis- 
pensables. Le  travail  excessif  auquel 
il  se  livrait,  altéra  sa  sauté:  les  mé- 
decins lui  défendirent  toute  espèce 
d'application;  et  for  ce  d'mter  romp#e 

(»)  C  tQ juillet  .-.)',  ) 

rolutïon- 
uiifl  ,  ivee  u  victiin«i, 


MIL  47 

ses  cours  ,  il  visita  les  départements 
du  Midi  pour  examiner  les  précieux 
monuments  échappés  aux  invesl 
lions  des  antiquaires  ,  ou  dont  on 
n'avait  que  des  descriptions  incom- 
plètes et  peu  satisfaisantes.  La  re- 
lation de  son  Voyage  qu'il  publia, 
en  1807  ,  piqua  vivement  la  curio- 
sité ;  et  malgré  un  certain  nombre 
d'erreurs  qu'on  y  a  relevées ,  cet  ou- 
vrage mérite  une  place  honorable 
parmi  ceux  qui  font  connaître  les  an- 
tiquités que  cette  partie  de  la  France 
peut  offrira  l'admiration  et  à  l'étude 
des  savants.  Miilin  entreprit ,  en 
181 1,  un  second  voyage,  dans  lequel 
il  se  proposait  de  visiter  l'Italie  , 
cette  terre  classique  ,  si  souvent  ex- 
plorée ,  mais  qui  recèle  tant  de  ri- 
chesses qu'on  peut  toujours  espérer 
d'en  découvrir  de  nouvelles.  Parti  de 
Paris  le  10  septembre,  il  s'arrêta 
dans  les  principales  villes  de  France, 
situées  sur  la  route,  pour  revoir  les 
amis  qu'il  y  avait  laissés  ,  et  les  mo- 
numents qu'il  craignait  de  n'avoir 
pas  examinés  assez  attentivement  :  il 
entra  en  Italie  par  le  Piémont,  et  se 
hâta  de  se  rendre  à  Rome,  où  il  pas- 
pa  l'hiver.  Au  printemps  de  l'année 
181  2  ,  il  partit  pour  Naples,  visita 
les  deux  Calabres  et  tous  les  lieux  que 
l'histoire  recommande  à  la  curiosité 
de  l'homme  instruit. Il  était  de  retour 
dans  la  capitale  du  monde  chrétien, 
au  mois  d'avril  181 3  ;  et  les  bruits 
d'une  guerre  prochaine  le  déterminé" 
rent  à  reprendre  le  chemin  de  Paris, 
où  il  arriva  vers  la  tin  du  mois 
d'août,  rapportant  un  grand  nom- 
bre de  livres,  d'estampes,  de  des- 
sins ,  d'inscriptions,  de  notes,  etc., 
qui  réparèrent  eu  partie  le  dommage 
causé  ,  pendant  son  absence,  à  ses 
collections  incendiées  par  un  do- 
mestique infidèle.  Miilin,  toujours 
plein  d'ardeur  pour  la  science,  vou- 


48 


MIL 


lait  faire  jouir  le  public  du  fruit  de 
sou  voyage  ;  et  il  se  hâta  de  met- 
tre en  ordre  les  notes  et  les  docu- 
ments qu'il  avait  rassemblés.  Ses 
amis  le  voyaient  avec  peine  se  livrer 
à  un  travail  aussi  aride  :  sa  santé'  dé- 
clinait visiblement  ;  mais  il  s'abusait 
sur  son  état,  et  il  n'en  connut  le  dan- 
ger que  lorsqu'il  était  sans  remède. 
11  fut  enlevé  aux  lettres ,  le  1 4  août 
ïSi8.  Ses  restes  furent  déposés  au 
cimetière  du  P.  Laehaise;  son  orai- 
son funèbre  y  fut  prononcée  par  M. 
Gail,  son  confrère  à  l'Institut.  JYlilIin 
était  chevalier  de  la  Légion  d'hon- 
neur, de  l'ordre  des  Deux-Siciles  et 
de  Sainte-Anne  de  Russie.  Il  était  as- 
socié de  la  plupart  des  académies  de 
l'Europe;  et  on  lui  a  reproché, 
comme  un  trait  de  vanité  puérile, 
d'avoir  quelquefois,  sur  les  frontis- 
pisces  de  ses  ouvrages,  fait  suivie 
son  nom  de  la  longue  énumération 
de  ses  titres.  C'était  un  homme  d'un 
caractère  doux,  affable  et  très-com- 
municatif  ;  il  avait  beaucoup  d'amis  , 
et  entretenait  une  correspondance 
active  avec  la  plupart  des  savants 
de  l'Europe.  Il  accueillait  les  jeunes 
gens  chez  lesquels  il  remarquait  du 
goût  pour  l'étude,  mettait  à  leur 
disposition  sa  nombreuse  bibliothè- 
que et  ses  recueils  ,  et  les  aidait  de 
ses  conseils.  On  ne  peut  nier  qu'il 
n'ait  rendu  de  véritables  services  à 
la  science  :  mais  il  faut  convenir 
aussi  que  ses  ouvrages  se  ressentent 
de  la  précipitation  avec  laquelle  il 
les  rédigeait  ;  et  c'est  avec  raison 
qu'on  le  blâme  de  s'être  permis  des 
conjectures  et  des  interprétations 
hasardées ,  qu'on  l'accuse  de  peu  de 
profondeur  dans  ses  recherches,  et 
de  peu  de  fidélité  ou  d'exactitude 
dans  ses  citations  ,  quelquefois  mê- 
me dans  les  nombreux  monuments 
qu'il  a  fait  graver.  La  liste  de  toutes 


MIL 

les  productions  de  Milîin  est  très- 
étendue  ;  M.  rXrafft  en  a  donné  le  Ca- 
talogue détaillé  ( i ),  à  la  suite  d'une 
curieuse  Notice  sur  cet  écrivain , 
dans  le  tome  vi  des  Annales  ency- 
clopédiques, année  1818  (2),  pré- 
cédée d'un  portrait  très-ressemblant. 
On  doit  se  borner  ici  à  indiquer  ses 
principaux  ouvrages  :  I.  Mélanges 
de  littérature  étrangère ,  Paris , 
1  78.J,  6  vol.  in- 12.  II.  Discours  sur 
l'origine  et  les  progrès  de  Vhistoire 
naturelle  en  France,  Paris,  1790, 
in-4°.;  cet  ouvrage  sert  d'introduc- 
tion au  hecueil  des  Mémoires  de  la 
société  d'histoire  naturelle,  Paris  , 
1  792  ,  in-fol.  III.  Minéralogie  ho- 
mérique ,  ibid. ,  1790,  in-8°.;  2e. 
éd.,  corrig.  et  augm.,  1816,  in-8°. ; 
trad.  en  allem.  par  M.  Rinck,  Leip- 
zig, 1797  ,  in -8°.  IV.  Annuaire  du 
républicain  ou  Lé gende  physico-éco- 
nomique,  Paris ,  ami  (1 793),  in- 12 , 
de  plus  de  4°°  Pag«->  devenu  rare: 
l'auteur ,  dans  ses  dernières  années  , 
en  supprima,  tant  qu'il  put,  les  exem- 
plaires. V.  Antiquités  nationales 
ou  Recueil  de  monuments  pour 
servir  à  l'Histoire  de  l'empire  fran- 
çais, ibid. ,  1790-98,  5  vol.  gr.  in- 
4°.  fig.  Cet  ouvrage  n'est  point  ter- 
miné: malgré  son  titre,  il  contient 
presque  autant  de  monuments  mo- 
dernes que  d'anciens;  mais  il  n'en 


(1)  Cetle  Notice  des  ouvrages  deMillin,  compo- 
sée de  7; S  articles,  dont  3  étaient  sous  presse  ,  et  i5 
se  trouvaient  seulement  en  manuscrit ,  n'est  cepen- 
dant pas  complète  :  ou  n'y  trouve  point  les  trois  vo- 
luius  de  la  traduction  abrégée  des  Transactions 
philosophiques  ,  contenant  les  Mélanges  et  les  Anti- 
quités, publies  en  1791,  et  formant  les  tomes  XII  à 
XIV  de  cetle  traduction;  ni  le  Mémoire  sur  quelques 
Pierres  gravées  ,  qui  représentent  l'enlèvement  du 
PttUadium,  Turin,  Galetti,  l8l*,iu-4°.  de  i()pag. 
avec  3  pi.  .  lu  à  l'académie  de  Turin,  le  12  février 
1819. ,  et  tiré  à  part  à  un  petit  nombre  d'exemplaires, 
ainsi  que  la  plupart  des  i?.i  morceaux  qu'il  a  insères 
dans  le  Magasin  encyclopédique. 

(«)  M.  IVIariul  a  donné,  dans  le  même  recueil  (  dé<v 
îfiiR,  VI,  3o3-3i4),uu  Supplément  à  la  Jiotice  pu- 
bliée par  M.  Kratf't. 


MIL 

est  pas  moins  intéressant  parce  qu'il 
cfïï-e  un   grand    nombre   d'édifices 
détruits  pendant  la  révolution.  VI. 
Éléments  d'histoire  naturelle,  ibid., 
1794,  in-8°.;   1797,  même  form.; 
3e.  édit.  augmentée,  180'^  in-8°.  fig.; 
trad.  en  «al.,  Turin,  1798.  VII.  In- 
troduction à  V élude  des  monuments 
antiques;  — des  pierres   gravées; 
—  des  médailles;  —  et  des   vases 
peints,  ibid.,    1796-181  1,   4  part. 
in-8°.  Ces  quatre  opuscules,  insérés 
aussi  dans  le  Magasin  encyclo;>è\ii- 
que ,    sont  les  programmes  de   di- 
vers cours  donnés  par  l'auteur  :   on 
les  recherche  encore  ,  surtout  le  3e. 
qui  est  devenu  rare,   et  sur  lequel 
on  trouve  un  Errata  supplémentaire 
dans  le   Journal   des   Savants   de 
179G  ,  pag.  193  et  '219.  VIÏÎ.  Mo- 
numents antiques  inédits  ,  ou  nou- 
vellement expliqués ,  ibid.,  1802-04, 
2  vol.  in-4°.  avec  92  pi.  IX.  Dic- 
tionnaire des  Beaux -Arts ,    ibid., 
1 806,  3  vol.  in-8°.  ;  il  n'est  presque 
qu'une  traduction   de  l'ouvrage  de 
Sulzer   (  V.  ce  nom  ).   X.    Voyage 
dans  les  départements  du  midi  de  la 
France,  ibid. .  1807-1  1 ,  5  vol.  in- 
8a. ,  avec  un  Atlas  in- 4°.  de  plus  de 
joo  pi.  XI.  Description  des  peintu- 
res des  vases  antiques  vulgairement 
appelés  étrusques,  tirés  de  dillc'ren- 
tes    collections,    ibid.,    1808-10, 
in-fol.  XII.  Galerie  mythologique , 
ou  Recueil  de  monuments  pour  ser- 
vir a  l'étude  de  la  mythologie,  de 
l'histoire  de  Fart,  de  l'antiquité, 
ibid.,  181 1  ,2  vol.  in-8».  iig.  XIII. 
Description  d'une  mosaïque  anti- 
que  du   musée    Pio- Clé  menti  n    à 
Rome,   représentant  des  scènes  de 
tragédies,  ibid.   1809,  in-fol.,  avec 
28  pi.  XIV.  Description  des  tom- 
beaix  découverts  à  Pompci  en  1 8 1 2, 
Naples,    1 S 1  3  ,   in-/|'\ ,   avec  7    pi. 
XV.   Voy  M/voie,  en   Pt<:- 

■  '  x. 


MIL 

mont,  à  Nice  et  dans  l'état  de 
Gènes,  Paris,  181  fi,  2  vol.  in-8°. 
XVI.  Description  des  tombeaux  de 
Canosa,  ainsi  que  des  bas-reliefs,  des 
armures  et  des  vases  peints,  qui  ont 
été  découverts  en  181 3 ,  ibid.,  1 8 1 9, 
gr.  in-fol. ,  iig.  XVTI.  Forage  dans 
le  Milanais  ,  à  Plaisance ,  Parme, 
Mode  ne,  Mantoue  ,  Crémone ,  et 
dans  plusieurs  autres  villes  de  l'an- 
cienne Lombardie,  ibid.,  1817,  2 
vol.  iu-8°.  XVUI.  Quelques  articles 
dans  la  Biographie  universelle.  Le 
Magasin  encyclopédique  ,  journal 
commencé  en  1 792,  et  continué  sans 
interruption  depuis  179.J  jusqu'en 
avril  181  fi,  par  Mil' in  ,  se  compose 
de  122  vol.  in-8°.  Ce  recueil,  indé- 
pendamment de  l'annonce  ou  l'ex- 
trait détaillé  des  ouvrages  nouveaux, 
contient  l'analyse  des  travaux  de  tou- 
tes les  académies,  et  forme  ainsi  le 
monument  le  plus  complet  de  l'his- 
toire littéraire  de  cette  époque.  11  est 
surtout  précieux  à  cause  d'un  grand 
nombre  de  morceaux  fournis  par 
M.  Silvestre  de  Sacy  et  par  d'autres 
savants  du  premier  ordre.  M.  J.  B. 
Sajou  a  publié,  en  4  vol.  in-8°.  , 
une  Table  de  ce  journal,  rédigée 
avec  peu  de  soin  ,  mais  qui  ne 
laisse  pas  d'avoir  son  utilité  (  1  ). 
On  y  joint  les  Annales  encyclopé- 
diques ,  dont  Millin  est  également 
l'éditeur,  1817-1818,  12  vol.  in-8°. 
(  V.  pour  quelques  ouvrages  déjà  in- 
diqués de  cet  auteur,  les  a  rt.CiiOMrr.  k, 


(1)  La  io<".  aimée  et  les  suivantes  (de  l8o5  ,1111110,, 
d'avril  1  8  1  6)  ,  n'ont  i|ti'tm  numéro  pne  mois;  les  nenl 
|iiiuiiî  ris,  de  17;)'"  iôo4|08l  chacune  :\.\  i>o*.Le*ea. 
vclo|i|>es  fie  ce*  ">.  i<>  premiers  cabie)  s ,  publié»  su<  ce* 
«iremeat  par  divers  libraire*,  offrent  tant  d'irrégula- 
rité* qu'on  Dt-peàl  les  collatiouner  et  en  vérifier  Ni 
collection  ((ii'ovec  In  'l'aide  numérique  dis  ntuf'prt- 
ncyclopédique ,  publii  a 
i.iny,  i8oG,  iu-So.  Je  i3tî  pag.  An  : 
cette  table  ,  ni  relie  en  .\  volumes,  ne  comprennent  l.i 
première  collection  du  Wagazii  (si 
diqueon  Journa  de*  ait< , 

.  commencée  le.  1".  .!• 
venue  loi  1  rare. 


5o 


MIL 


j.  C.  Fabricius  et  Linné).  On  peut 
consulter  ,  outre  la  Notice  de  M. 
Krafft ,  déjà  citée ,  Y  Éloge  de  Millin , 
par  M.  P.  R.  Auguis ,  dans  le  tom.  11 
des  Mémoires  de  la  soc.  roy .  des 
antiquaires  de  France ,  pau,  52-69. 
W— s. 
MILLOT  (  Claude  -  François- 
Xavier),  historien,  était  ne  ,  en 
1726,  à  Oruans,  petite  ville  de 
Franche-Comté,  d'une  famille  an- 
cienne dans  la  robe.  Ses  éludes  ter- 
minées, il  fut  admis  chez  les  jésuites; 
et  après  avoir  enseigné  les  humanités 
dans  différentes  villes  ,  il  fut  chargé 
de  professer  la  rhétorique  an  collège 
de  Lyon,  l'un  des  plus  célèbres  de 
cette  société  en  France.  Dans  un  dis- 
cours (1),  couronné  par  l'acad.  de 
Dijon  en  1 767  ,  il  osa  faine  l'éloge  de 
Montesquieu  ;  et  cette  hardiesse  in- 
disposa contre  lui  ses  supérieurs.  Les 
désagréments  qui  s'ensuivirent  pour 
lui ,  le  firent  rentrer  dans  le  monde  ; 
et  M.  de  Montazet ,  archevêque  de 
Lyon ,  le  nomma  l'un  de  ses  grands- 
vicaires.  L'aLbé  Millot  était  souvent 
sorti  vainqueur  des  lices  académi- 
ques :  il  se  crut  les  talents  propres 
à  la  chaire;  mais,  après  avoir  prê- 
ché, sans  succès,  un  avent  à  Ver- 
sailles ,^t  un  carême  à  Lunéville  ,  il 
abandonna  une  carrière  que  lui  in- 
terdisaient la  faiblesse  de  son  organe, 
sa  timidité  naturelle  et  l'embarras  de 
son  maintien.  Le  désir  d'être  utile 
aux  jeunes  gens  l'avait  engagé  à 
s'exercer  dans  le  genre  de  la  traduc- 
tion :  ce  fut  dans  le  même  but  qu'il 
composa  des  abrégés  de  l'Histoire  de 
France  et  d'Angleterre,  deux  ouvra- 
ges qui  eurent  un  grand  succès.  Vers 
le  même  temps ,  le  marquis  de  Félino , 


(i)  Sur  cite  question  :  F.st  il  plus  utile  d'étudier 
les  hommes  que  le;  livies  ?  L 'auteur  y  donne  la  |ué- 
i'»:rei<ce  ù  l'élude  des  boiuzatc. 


MIL 

ministre  à  Parme,  établissait  dans 
cette  ville  un  collège  pour  l'éduca- 
tion de  la  jeune  noblesse.  L'abbé 
Millot  y  obtint,  en  1768,  la  chaire 
d'histoire  ,  sur  la  recommandation 
du  duc  de  Nivernais.  11  resta  étranger 
aux  intrigues  qui  agitaient  la  cour , 
et  forma  pour  ses  élèves  le  plan  d'un 
abrégé  de  l'Histoire  générale.  Tandis 
qu'il  s'occupait  de  ce  grand  travail  , 
Félino  fut  désigné  par  ses  enne- 
mis à  la  haine  populaire,  insulté 
dans  les  rues  de  Parme ,  et  menacé 
jusqu'aux  portes  de  son  palais  :  dès 
cet  instant  l'abbé  Millot  ne  voulut 
plus  le  quitter  ;  en  vain  on  l'avertit 
qiie  l'affection  qu'il  montrait  pour  le 
ministre  ,  lui  ferait  perdre  sa  place: 
«  Ma  place ,  répondit  -  il ,  est  au- 
»  près  d'un  homme  vertueux  ,  mon 
»  bienfaiteur,  et  que  l'on  persécute. 
»  Je  ne  perdrai  point  celle-là.  »  La 
retraite  du  marquis  de  Félino  ra- 
mena l'abbé  Millot  en  France,  où  sa 
conduite  courageuse  était  connue,  et 
lui  avait  fait  de  nombreux  amis.  La 
cour  de  Versailles  luiaccorda,  au  nom 
de  celle  de  Parme ,  une  pension  de 
4ooo  francs.  C'est  au  souvenir  que 
l'on  conservait  de  la  noblesse  de  son 
caractère,  qu'il  dut  l'honneur  d'être 
choisi,  eu  1778,  pour  présider  à 
l'éducation  du  duc  d'Enghien:  il  était 
près  de  recueillir  le  fruit  de  ses  soins, 
lorsqu'il  fut  enlevé  aux  lettres  après 
une  courte  maladie ,  à  l'âge  de  cin- 
quante-neuf ans ,  en  1780,  le  21 
mars,  le  jour  même  où,  dix-neuf 
ans  plus  tard ,  son  auguste  élève  fut 
lâchement  assassiné  dans  les  fossés 
de  Vincennes.  L'abbé  Millot  avait  été 
reçu  à  l'académie  française,  en  1777, 
à  la  place  de  Gresset  ;  son  élection, 
ménagée  par  la  maison  de  ÎN'oaiiles, 
fut  une  transaction  entre  les  partis 
qui  divisaient  l'académie  :  il  y  eut 
un   des  membres  qui  modifia  son 


on 


MIL 

suffrage,  en  déclarant  qu'il  ne  l'ac- 
cordait qu'à  condition  que  le  récé- 
piendaire écrirait  un  peu  mieux;  et 
d'Alembert,    pour  tranquilliser  les 
philosophes,  qui  hésitaient  à  donner 
leur  voix  à  un  abbé,  leur  disait  :  Je 
vous  assure  qu'il  n'a  de  prêtre  que 
V  habit.  L'abbé  Millot  était  d'un  carac- 
tère froid  et  sérieux-  il  n'aimait  pas 
le  monde ,  y  parlait  peu  ,  et  il  évitait 
surtout  le  moi,  si  tyrannique  dans  la 
conversation.   Attentif  aux  discus- 
sions qui  s'entamaient  autour  de  lui  , 
rarement  il  y  prenait  part;  et  la  con- 
tradiction ne  parvenait  pas  à  l'é- 
chauffer. Griinm  ,  qui  le  voyait  sou- 
vent dans  les  sociétés  de  Paris ,  lui 
trouvait  l'air  souffrant  et  malheu- 
reux. «  Et  c'est  cependant,  ajouie- 
»  t-il,  l'un  des  êtres  les  plus  heureux 
»  que  je  connaisse  ,  parce  qu'il  est 
«modéré,    content   de   son    sort, 
»  aimant  son  genre  de  travail  et  de 
»  vie.  »  D'Alembert  Je  citait  comme 
l'hommeenqui  il  avait  vu  le  moins  de 
préventions  et  de  prétentions.  La  liste 
que  nous  allons  donner  de  ses  ouvra- 
ges est  complète  :  I.  Veux  Discours; 
l'un  a  pour  but  de  prouver  que  le  vrai 
bonheur   consiste  à  faire  des  heu- 
reux ;  l'autre  montre  que  l'espérance 
est  un  bien  dont  on  ne  connaît  pas 
assez  le  prix:  Lyon,  1700,  in-8°.  II, 
Discours  académiques,  ibid.,  1 760, 
in-ia.  Ce  recueil  en  contient  huit, 
qui  avaient  déjà  paru  séparément  ; 
savoir  :  deux  couronnés  par  Pacad. 
de  Besançon ,  en  1 7 5 5  el  1 7  5gj  deux 
sur  les  sujets  proposes  pari 
mie  française,  en  1 7") ">  et  1 7 ;j8;  un 
qui  a  remporté  le  prix  à  l'académie 
«h' Dijon,  eu  17.^7;  un  autre  couronné 
par  I  académie  d'Amiens ,  en  1 
l'Eloge  de  Louis  XIV,  et  enfin  un  dis- 
cours sur  les  préjugés  contre  la  reli- 
gion. 111.  :  air  le  patriotisme 
français }  ibid. ;  17(3-2,  in-8°.  IV. 


Mît 


5i 


Discours  d-e  réception  à  l'académie  de 
Chalons  ,  Paris ,  1 7 68 ,  in- 4°.  •  —  à. 
l'acadéra.  française  ,  ibid.,  1778, 
in-4°.  Le  caractère  de  toutes  ces  pie» 
ces  académiques  est  un  esprit  réflé- 
chi ,  mais  trop  porté  à  délayer  des 
idées  communes.  V  .  Essai  sur  l'hom- 
me ,  traduit  de  Pope ,  avec  des  noies 
et  un  discours  judicieux  sur  la  philo- 
sophie anglaise  ,  Lyon  ,  1761 ,  petit 
in- 1 'i.  VI.  H  ara 
de  Démosthène  pour  ja 
trad.  en  français,  ibid.,  1764,  in 
version  trop  dépourvue  de  nerf 


Harangue:,  d  Ëschine  et 
couronne , 
-  ,a} 
de 
mouvement  et  de  coloris.  VIL  Ha- 
rangues choisies  des  historiens  la- 

m]  t 


tins,  ibid.,    1764,  'i   vol.   in-ir2. 
Cette  traduction,    bien    qu'un  peu 
froide  et  faible  de  style ,  obtint  plus 
de  succès  que  la  précédente  ;  elle  a 
été  réimprimée  plusieurs  fois  sans  la 
participation  de  l'auteur.L'abbé  Mil- 
lot la  revit  avec  beaucoup  de  soin 
dans  les  dernières  années  de  sa  vie  ; 
et  il  en  a  laissé  un  exemplaire  cor- 
rigé ,  pourune  nouvelle  édition. VIII. 
Eléments  de  l'Histoire  de  France, 
Paris,  1767-69,  3  vol.  1:1; — ibid., 
1806,  4  V°L  1  avcc  &  continuation 
de  M.  Cn.  Millon ,  jusqu'à  la  mort  de 
Louis  XVI ,  et  de  Dclisle  de  Sales , 
jusqu'au  couronnement  de  Napoléon  : 
eet  ouvrage  a  été  traduit  en  allemand, 
en  anglais  et  en  russe.  IX.  Éléments 
de  V Histoire  d' Angleterre  ,   Paris  , 
1769,3  vol.  in-ii.; — ibid.,  1810, 
augmentés  des  règnes  de  George  II 
et  George  111 ,  par  Ch.  Millon  :  il  en 
parut  deux  traductions  anglaises  en 
1771.   Aucun  point  important  des 
minutieux  récits  de  Rapia  Toyras, 
et  du  grand  travail  ào  Hume,  n'y  a 
été  omis.  L'auteur  s'est  surtout  pé- 
Détré  de  l'esprit  de  r  his- 

torien. Ce  qui  i  .  stitu- 

tion  anglaise 
l'esprit  lu 


et  au  mou 


Cri  MIL 

soin,  mais  avec  trop  peu  d'étendue. 
On  sent  ,  toutefois,  qu'appuyé  sur 
de  meilleurs  guides ,  l'auteur  s'est 
élevé  au-dessus del'abrégé  précédent. 
X.  Éléments  d'histoire  générale  an- 
cienne et  moderne,  ibid. ,  1 772-83, 
9  vol.  in- 1 2  :  trad.  en  allemand  (1777- 
91), en  danois  (  1773)?  en  hollandais 
(  1776),  en  anglais  (  1778),  en  suédois 
(  i  7  7  7 ),  en  italien  (177 8), en  portugais 
(i78o),enespagnol(i79i);cet(eder- 
nière  version(Madrid,8vol.  in  8°.), 
est  augmentée  de  notes  sur  l'histoire 
moderne.  Cet  ouvrage  a  été  continué 
par  Delisle  de  Sales,  jusqu'au  com- 
mencement du  dix-neuvième  siècle , 
2  vol.  in-i  2.  L'abbé  Millot,  dans  son 
abrégé  de  l'histoire  ancienne ,  quifor- 
me  les  tom.  1  -4,  n'a  fait  usage  d'aucun 
système  de  chronologie ,  parce  que 
tous  lui  paraissaient  présenter  de  l'in- 
certitude ;  il  s'est  borné  à  indiquer 
les  époques  principales.  Ces  trois 
ouvrages  ont  été  réunis  sous  le  titre 
à'OEuvres  de  V abbé  Millot ,  Paris, 
1800  ,  io  vol.  in-8°.  Dans  ses  abré- 
gés ,  qu'il  a  intitulés  Éléments , 
quoique  les  sciences  seules  ,  dit  Mo- 
rellet ,  aient  des  éléments ,  et  que 
l'histoire  n'en  puisse  avoir  puis- 
quelle  choisit  les  faits  ,  l'abbé  Millot 
a  employé  le  style  convenable;  il  est 
concis  avec  clarté ,  pur  sans  recher- 
che ,  ni  trop  précipité  ni  trop  lent 
dans  sa  marche  :  seulement  on  serait 
tenté  de  lui  reprocher  la  trivialité 
de  quelques  réflexions  ,  si  l'on  ne 
se  souvenait  qu'il  a  écrit  pour  la 
jeunesse  (1).  XI.  Histoire  littéraire 


(l>  On  loi  reproche  d'avoir  relevé  avec  une  certai- 
ne affe'  talion,  les  abus  qui  se  sont  glissés  dans  l'Eglise, 
d'avoir  trop  iusisté  sur  es  maux  qui  en  furent  la 
suite  ,  tandis  qu'il  passe  très-légèrement  sur  les  grands 
biens  qu'a  produits  la  religion.  Le  fcèle  des  défenseurs 
de  la  foi  y  est  quelquefois  représenté  avec  des  cou- 
leurs propres  à  les  rendre  odi<ux  ;  c'est  ce  qui  paraît 
nommément  dans  le  portrait  de  saint  Hilaire  de  Poi- 
tieis.  Cette  philosophie  tranchante  choque  surtout 
dans  un  livre  élémentaire  desliue  u  l'instruction  des 
jeunes  gens.  T — D. 


MIL 

des  Troubadours  ,  ibid.,  1774 ,  3 
vol.  in-iaj  elle  a  été  abrégée  et  trad. 
en  a-nglais  par  Marie  Dobson,  1779, 
in-8°.  Dans  ce  recueil  de  nos  vieux 
titres  littéraires,  Millot  ne  fit  que 
réduire  et  mettre  en  ordre  l'es  vastes 
matériaux  rassemblés  par  Sainte- 
Palaye,  dont  il  rcblanchit  un  peu  les 
traductions.  Du  reste,  il  ne  s'imposa 
pas  la  tâche  de  se  familiariser  avec 
l'ancien  idiome  provençal;  aussi  les 
juges  compétents  en  cette  matière, 
tels  que  l'abbé  de  Fontenai ,  MM.  de 
Rochegude  et  Raynouard,  l'ont -ils 
accusé  d'avoir  apporté  peu  de  dis- 
cernement et  de  soin  dans  ce  travail , 
qui  l'occupa  quatre  ans.  Le  plus  grand 
nombre  des  lecteurs  se  sont  plaints 
en  outre  de  la  sécheresse  et  des  lon- 
gueurs de  l'écrivain  ,  qui  avait  trop 
exclusivement  considéré  son  sujet 
comme  de  simples  études  histori- 
ques. XII.  Mémoires  politiques  et 
militaires  pour  servir  à  V histoire  de 
Louis  XI F  et  de  Louis  XF,  rédi- 
gés sur  les  manuscrits  du  duc  de 
JNoailles,  ibid.,  1777,  6  vol.  in-12; 
réimprimés  plusieurs  fois  et  traduits 
en  allemand  et  en  hollandais.  C'est, 
dit  Laharpe,  un  livre  de  curiosité  et 
non  pas  d'esprit.  Le  rédacteur  a  eu 
le  tort  de  vouloir  assujétir  à  un  p'an 
régulier,  des  détails  qui  n'en  étaient 
pas  susceptibles,  et  qu'il  rattache 
par  des  maximes  trop  multipliées  et 
trop  souvent  fastidieuses.  D'ailleurs 
cette  production,  qui  offre  le  dépouil- 
lement de  200  vol.  in-fol.  de  pièces 
originales ,  fait  connaître  plus  parti- 
culièrement les  personnages  célèbres 
qui  ont  conduit  les  affaires  de  l'Eu- 
rope, depuis laguerre  de  la  succession 
jusqu'à  celle  de  1741  inclusivement, 
et  renferme  des  lettres  intéressantes 
de  la  princesse  des  Ursins  ,  du  roi 
d'Espagne ,  de  Louis  xiv ,  etc.  XIII. 
Extraits  de  V histoire  ancienne,  de 


MIL 

Vhistoire  romaine  et  de  l'histoire 
de  France;  ils  avaient  été  demandés 
à  l'abbé  Millot  par  le  comte  de  Saint- 
Germain  ,  son  compatriote,  alors 
ministre  de  la  guerre  ;  et  ils  font 
partie  du  Cours  à  l'usage  de  V Ecole 
militaire.  On  a  réimprime  le  second 
de  ces  extraits  sous  le  titre  de  Ta- 
bleaux de  Vhistoire  romaine,  ou- 
vrage posthume  de  l'abbé  Millot , 
Paris  ,  1796,  in-4°. ,  avec  48  fig.  ; 
il  y  a  des  exemplaires  en  vélin ,  for- 
mat in-fol.  XIV.  Dialogues ,  et  Fie 
du  duc  de  Bourgogne,  père  de  Louis 
XV ',  Besançon,  1816,  in-8°.  Le 
dernier  de  ces  deux  écrits  ,  composés 
pour  l'éducation  du  duc  d'Enghien, 
est  une  refonte  des  deux  volumes  pu- 
bliés sur  le  même  sujet  par  Proyart. 
On  regrette  que  l'abbé  Millot ,  résolu 
de  se  conformer  à  de  sévères  conve- 
nances et  de  ne  jamais  dépasser  le  but 
particulier  de  cet  extrait ,  n'ait  pas 
fait  connaître  avec  plus  d'étendue 
les  plans  d'amélioration  et  la  cor- 
respondance du  duc  de  Bourgogne. 
Les  Dialogues  ,  au  nombre  de  seize, 
forment  autant  de  leçons  où  l'ha- 
bile instituteur ,  caché  sous  le  nom 
de  Fénélon  conversant  avec  l'héri- 
tier du  trône ,  passe  en  revue  les 
vérités  les  plus  utiles  ,  et  les  déve- 
loppe de  minière  à  les  mettre  à  la 
portée  de  son  élève,  dont  le  carac- 
tère offrait  une  analogie  frappante 
avec  celui  du  prince  désigné  à  son 
émulation.  Le  volume,  orné  d'un 
portrait  du  duc  d'Enghien,  très- 
ressemblant,  est  précédé  d'une  no- 
tice sur  ce  prince,  composée  en  partie 
d'après  les  notes  mêmes  de  l'abbé 
Millot,  et  d'après  l'article  delà  Bio- 
graphie universelle,  augmenté  de 
quelques  anecdotes  (  V.  Engiiikn  ). 
On  attribue  à  Millot  une  Histoire 
philosophique  de  l'homme ,  Londres 
(Paris),  1 7G0 ,  in- 1  r±  •  mais  nous  pou- 


MTL  53 

vons  assurer  qu'elle  n'est  point  de  lui. 
Les  Eléments  de  Vhistoire  d'Alle- 
magne ,  publiés  d'abord  sous  son 
nom  ,  ont  été  avoués  depuis  par  M. 
Duchalel.  Les  seuls  manuscrits  que 
l'on  conserve  de  l'abbé  Millot ,  sont, 
une  Histoire  de  V Eglise  gallicane  ; 
une  traduction  de  Y  Histoire  de  la  vie 
civile,  par  Fergusson ,  et  un  petit 
volume  intitulé  Examen  de  ma  vie  , 
dont  ses  héritiers  ont  retranché  un 
grand  nombre  de  passages,  sans  qu'on 
puisse  deviner  leur  motif.  L'abbé 
Millot  était  membre  des  académies 
de  Lyon,  de  Nanci  et  de  Cliâlons- 
sur-Marnc;  mais  celle  de  Besançon 
avait  négligé  d'adopter  un  homme 
qui  faisait  tant  d'honneur  à  la  pro- 
vince. Elle  a  reparé  cet  oubli,  en 
proposant  au  concours,  en  1814,  l'é- 
loge de  cet  écrivain  :  l'auteur  du  dis- 
cours couronné  est  M.  Lingay ,  jeune 
littérateur  de  Paris.  W — s. 

MILLOT  (Jacquks-Aneré),  na« 
n  17  38. 
a  la  cl 
rendit  à  Paris,  où  il  devint  élève 
de  Vermont,  accoucheur  de  la  reine 
Marie- Antoinette,  lequel  le  prit  en 
aflèction.  Sous  ces  auspices,  Millot 
se  fit  agréger  facilement  au  collège  et 
à  l'académie  de  chirurgie;  et  il  ob- 
tint, comme  accoucheur,  la  réputa- 
tion la  plus  brillante.  Les  duches- 
ses d'Orléans  et  de  Bourbon  lui  ac- 
cordèrent leur  confiance.  C'est  lui 
qui  reçut  l'infortuné  duc  d'Enghien. 
Ce  prince,  lors  de  sa  naissance, 
fut  près  d'une  heure  sans  donner 
aucune  apparence  de  vie.  Comme 
Millot  faisait,  auprès  d'une  lumière, 
des  frictions  avec  des  liqueurs  spi- 
rituelles, le  feu  prit  a  ses  \ctemens; 
et  en  un  instant  le  corps  du  jeune 
prince  fut  en  ï-u.  Millot  n'eut  que  le 
fempS  de  le  plonger  dans  une  pièce 
d'eau,  et  de  s'y  précipiter  lui-même. 


quitàDijon,en  17 38.  Il  se  destina  de 
bonne  heure  a   la  chirurgie,  et  se 


54  MIL 

C'est  à  cet  événement  qu'il  attribuait 
le  retour  du  prince  à  la  vie.  Au  com- 
mencement de  la  révolution,  Millot 
passa  plusieurs  années  à  sa  maison 
de  campagne  de  Colombe  ;  mais  la 
perte  presque  totale  de  sa  fortune,  pla- 
cée sur  l'État  ou  surla  caisse Lafarge, 
le  détermina ,  malgré  son  âge  avancé , 
à  revenir  à  Paris  reprendre  l'exercice 
de  sa  profession.  C'est  alors  qu'il 
se  fit  connaître  comme  auteur,  en  pu- 
bliant une  Observation  d'opération 
césarienne  (Paris,  1798,  in-8°.),  et 
une  Histoire  de  la  généra  lion  ,  qui,  à 
raison  d'un  titre  et  de  quelques  idées 
bizarres,  eut  un  certain  succès  dans 
le  pubiic  ,  et  parvint,  en  1807,  à  sa 
quatrième  édition  :    c'est  X  Jlrt  de 
•procréer  les  sexes  à  volonté  ,   in- 
8°.,  orné  de  quatorze  gravures.Millot 
publia  ensuite  divers  autres  ouvrages 
qui  se  ressentent  de  la  promptitude 
de  leur  composition,  et  de  la  facilité 
que  lui  donna  un  libraire  assez  con- 
fiant pour  les  acheter,  et  les  livrer  à 
l'impression,   à   mesure  qu'ils  sor- 
taient de  sa  plume.  Le  discrédit  de 
ces  productions  contribua  beaucoup 
à  la  ruine  du  libraire  qui  s'en  était 
chargé.  Millot ,  praticien  bien  supé- 
rieur a  ses  ouvrages,  possédait  tou- 
tes les  connaissances  et  les  qualités 
qu'exige  sa   profession.   Son  sang- 
froid,  sa  prévoyance  dans  les  cas  dif- 
ficiles ,  ses  attentions  délicates  pour 
les  femmes  en  travail  et  en  couches, 
sa  sollicitude  ingénieuse  à  les  soula- 
ger ,  prévenaient  un  grand  nombre 
d'accidents.  Il  mourut  d'apoplexie,  en 
août  181 1  ,  vivement  regret! é.  Outre 
les  écrits  déjà  mentionnés  ,  Millot  a 
publié  :  I.  UJrt  d'améliorer  les  gé- 
nérations humaine  s,  Paris,  'i  vol.  in- 
8°.  Cet  ouvrage  a  eu  deux  éditions, 
et  a  été  refondu  dans  le  Nestor  fran- 
çais. IL  Supplément  à  tous  les  irai- 
tés,  tant  étrangers  que  nationaux, 


MIL 

sur  les  accouchements,  ibid.,  iSozJ, 
in-4°.;  réimprimé  en  1  vol.  III.  La 
Gérocomie,  eu  l'Art  de  parvenir  à 
une  longue  vie,  s  ans  infirmités  ,ibid., 
in-8°.  IV.  (  Avec  Collin  ,  son  beau- 
fils  ).  Le  Nestor  français  ou  Guide 
moral  et  physiologique  ,  pour  con- 
duire la  jeunesse  au  bonheur,  ibid. , 
1807 ,  3  vol.  in-8°.  V.  La  Médecine 
perfeetwe ,  ou  Code  des  bonnes  mè- 
res ,  ibid.,  1809,  in-8°.  VI.  Disser- 
tations surla  phthysie ,  la  vaccine, 
etc.  N — h. 

MILLY  (  Nicolas  -  Christier 
de  Thy  ,  comte  de  ),  connu  par  son 
goût  pour  la  chimie  et  les  sciences 
occultes  (1)  dont  il  périt  victime, 
était  né  en  17*28,  d'une  famille  de 
Beaujolais  ancienne  et  illustre.  A  qua- 
torze ans  ,  il  entra  dans  l'état  mili- 
taire, et  servit  avec  distinction  dans 
les  campagnes  de  Flandre  et  d'Alle- 
magne. Après  la  bataille  deMinden , 
il  passa  au  service  du  duc  de  Wur- 
temberg ,  allié  de  la  France  ;  et  en 
moins  d'une  année,  il  devint  colonel, 
adjudant-général ,  chambellan  et  che- 
valier de  l'aigle-rouge.  Il  rentra  en 
France,  à  la  paix  (  1762  ),  et  fut 
récompensé  de  ses  services  par  la 
charge  de  mestre-de-camp  de  dra- 
gons ,  et  le  brevet  de  lieutenant  hono- 
raire des  Suisses  de  la  garde  de  Mon- 
sieur. Ce  fut  seulement  alors  qu'il  put 
se  livrer  à  son  goût  pour  les  sciences  : 
les  différentes  expériences  dont  il 
rendit  compte  le  firent  connaître  des 
savants  ,  qui  s'empressèrent  de  lui 
ouvrir  les  portes  de  l'académie.  Le 
comte  de  Milly  avait  malheureuse- 
ment trop  de  confiance  dans  la  vertu 
de  ces  remèdes  qu'on  nomme  secrets  : 
après  les  avoir  analysés  ,  il  voulait 


(1)  «  H  se  persuadait  qu'on  lui    avait  fait  voir   sr>n 
îi  génie  dans  un  ■••'  g'étnnl  anpro.l.é  rlr 

»i  lui  ,  loul  nvail  disparu.  .  ^  magatin  encycl.  du  3 
dec.  1792,  png.  18.  ) 


M 


MIL 

encore  juger  par  sa  propre  expérience 
de  leur  efficacité  ;  il  parvint  ainsi  à 
détruire  sa  santé  naturellement  ro- 
buste ,  et  mourut  à  Chaillot ,  le  1 7 
septembre  1784,  à  l'âge  de  cin- 
quante-six ans.  Il  était  associe  libre 
de  l'académie  des  sciences  de  Paris  , 
et  membre  des  académies  de  Lyon  , 
Dijon,  Madrid  ,  Harlem  ,  etc.  Con- 
dor et,  son  ami  et  son  confrère,  a 
publié  son  Éloge.  «Le  comte  de  Milly, 
»  dit-il,  vivait  dans  le  monde,  et  il 
»  y  était  aimé.  Doux  ,  complaisant  , 
»  facile  ,  ayant  même  autant  de  ga- 
»  lanterie  qu'on  peut  en  avoir  sans 
»  être  frivole,  c'était  seulement  dans 
»  la  société  des  savants  qu'il  laissait 
»  apercevoir  quelques  traces  d'une 
»  susceptibilité  très-délicate;  mais  il 
»  avait  assez  d'empire  sur  lui-même 
»  pour  revenir  sans  peine,  et  sou- 
»  mettre  à  la  raison  les  faiblesses 
»  d'un  amour-propre  d'autant  plus 
v  sensible  ,  mais  aussi  d'autant  plus 
»  excusable,  que,  dans  le  peu  de 
»  temps  qu'il  avait  consacré  aux  scien- 
»  ces ,  il  n'avaitpu  acquérir  ces  litres 
»  éclatants  qui  élèvent  au-dessus  de 
»  l'opinion  une  âme  avide  de renom- 
»  mée.  »  Outre  des  Mémoires  dans 
le  Journal  de  physique  ,  et  dans  les 
Recueils  des  académies  dont  il  était 
membre,  on  a  de  Milly  :  I.  M  Art  de 
la  porcelaine ,  Paris ,  177 1 ,  in-fol.  ; 
traduit  en  allemand  ,  Konigsbcrg  , 
1774  ,  in-/|".  :  cet  ouvrage  fait  partie 
delà  Collection  des  arts  et  métiers  , 
publiée  par  l'académie  des  sciences. 
il.  Mémoire  sur  la  manière  Res- 
suyer les  murs  nouvellement  faits , 
Paris,  1778,  in-8°. — Pierre- A 11- 
de  Milly,  avocat  au  parle- 
ment de  Paris,  et  procureur  au  Châ- 
telet,  né  à  Paris  le  •>.  \  avril  1728, 
mort  dans  la  même  ville  le  »3  mars 
I7Ç)(),  av. lit  épousé  une  nièce  de 
Mercier  ,  abbe  de  Saint  Léger,  et  il 


MIL 


5-) 


f>artagea  le  goût  de  ce  dernier  pour 
a  bibliographie.  Le  Catalogue  de  sa 
bibliothèque,  rédigé  par  Cbaillou , 
est  encore  aujourd'hui  recherché 
amateurs  :  il  est  précédé  d'une  notice 
sur  Milly,  insérée  aussi  dans  le  Ma- 
gasin encycl.,  5e.  ann. ,  111 ,  a42« 
W— s. 
MILNER  ('  Je  a  iv  ) ,  savant  théo- 
logien de  l'Église  anglicane  ,  naquit 
à  Skircoat  ,  dans  le  Yorkshire ,  en 
16-28.  Il  fit  ses  premières  études  à 
Halifax.  A  l'âge  de  quatorze  ans  ,  il 
fut  envoyé  au  collège  de  Christ,  à 
Cambridge  ,  où  il  prit  les  degrés  de 
bachelier  et  de  maiire-ès-arts.  Il  fut 
d'abord  curé  de  Middleton ,  dans  le 
Lancashire  ;  mais  il  fut  obligé  de 
quitter  cette  paroisse  ,  un  peu  avant 
la  bataille  de  Worcester,  à  cause  de 
l'inutilité  des  efforts  de  George  Booth, 
pour  rétablir  Charles  II  sur  le  trône 
de  ses  pères.  11  se  retira  dans  sa  pa- 
trie ,  ou  il  resta  jusqu'en  1661  .  qu'un 
de  ses  condisciples  lui  procura  une 
place.  En  166:2,  il  devint  mil 
de  Saint-Jean  a  Leeds.  En  1673,  il 
fut  fait  vicaire  de  Leeds,  et  chanoine 
de  Ripon  ,  en  1 68 1 .  A  l'époque  de  la 
révolution  de  1688,  n'ayant  pas 
voulu  prêter  serment  de  fidélité  au 
prince  d'Orange  ,  il  perdit,  sa  place, 
se  réfugia  au  collège  de  Saint-Jean  , 
a  Cambridge,  et  y  passa  le  reste  de 
sa  vie  dans  les  mêmes  sentiments 
d'attachement  à  la  maison  de  Stuart. 
Il  mourut  en  1702  ,  à  Page  de 
soixante-quinze  ans.  Nous  avons  de 
lui  :  I.  Conjectanea  inparallela  quœ* 
dam  veleris  ac  novi  TeslameiUi , 
in  quitus  versio  70  interpretwn 
cum  textu  hebrœo  conciliatur ,  etc.', 
Londres  ,  1678,  in  -  4°.  Le  docte 
Castell  (ait  le  plus  grand  « : 

ige  de  Milner.  11.  Histoire  dâ 
l'église   de    Palestine ,    depw 
naissance  de  Jésus-Çhrist  jusqu'au 


56 


MIL 


commencement  de  V empire  de  Dio- 
clétien,  Londres,  i(j88,  in-4°.  III. 
Courte  dissertation  sur  les  quatre 
derniers  rois  de  Juda  ,  Londres , 
»,  in  4°.  L'ouvrage  Je  Joseph 
Scaliger  :  Judicium  de  thesi  chrono- 
logicd  ,  donna  lien  à  cette  disserta- 
tion. IV.  De  Nejthinim  slve  Nethi- 
nœis ,  etc  ,  et  de  his  qui  se  corbau 
Deo  nominabant  disputatiuncula , 
Cambridge,  1690  ,  in-4°-  V.  Dis- 
cours de  conscience  et  Réflexions 
sur  le  christianisme  sans  mys- 
tères ,  Londres  ,  1697  ,  in-8°.  VI. 
La  religion  de  Locke  ,  d'après  ses 
paroles  et  ses  écrits,  Londres ,  1 700, 
m-8°.  VII.  Réponse  aux  réflexions 
de  Jean  Leclerc ,  sur  Jésus-Christ , 
ses  Apôtres  et  les  Pères  de  V Église 
primitive ,  Cambridge,  1  702.  Milner 
a  laisse  d'antres  écrits  tant  imprimes 
qu'inédits  .  sur  la  chronologie ,  la 
critique  des  Livres  saints  ,  etc. ,  où 
l'on  remarque  de  grandes  connais- 
sances dans  les  langues,  et  beaucoup 
de  sagesse.  L — b — e. 

MILNER  (Thomas),  médecin  an- 
glais ,  fut  attaché  à  l'hôpital  Saint- 
Thomas  ,  à  Londres  ,  et  mourut  a 
Maidstone,  au  comte'  de  Kent ,  ie  1 3 
septembre  1797  ,  âge  de  soixante- 
dix-huit  ans  ;  il  a  publie  :  Expérien- 
ces et  observations  sur  V électricité  ^ 
in-8°.,i783.  L. 

MILON  ,  de  Crotone  ,  est  le  plus 
célèbre  athlète  d'une  ville  qui  avait 
fourni  plus  de  vainqueurs  aux  jeux 
olympiques  ,  que  toutes  les  autres 
cités  delà  Grèce  (  F.  Strabon,  liv.  vi , 
ch.  2  ).  Dès  son  enfance  ,  il  s'était 
habitué  à  porter  des  fardeaux  ,  dont 
il  augmentait  le  poids  successive- 
ment ;  de  sorte  qu'il  parvint  à  en 
porter  d'énormes  ,  avec  beaucoup  de 
facilité.  Il  fut  couronné  sept  fois  aux 
jeux  pythiens  ,  et  six  fois  aux  jeux 
olympiques;  et  il  cessa  de  s'y  pré- 


senter  ,  parce  qu'il  ne  trouvas 
d'adversaire.  Milon  suivit  les  leçons 
de  Pythagore  ,  et  se  montra  l'un  de 
ses  disciples  les  plus  assidus.  On  ra- 
conte qu'un  jour  la  colonne  de  la  salîe 
où  le  philosophe  donnait  ses  leçons , 
étant  venue  à  manquer,  Milon  se 
mit  à  la  piace  ,  donna  le  temps  aux 
auditeurs  de  sortir ,  et  s'éehappa  en- 
suite lui-même.  11  obtint,  l'an  5o8 
ou  509  avant  J.-C. ,  le  commande- 
ment de  l'armée  que  les  Crotoniates 
envoyèrent  contre  Sybaris  ,  et  rem- 
porta une  victoire  signalée.  Il  était 
déjà  avancé  en  âge  ,  lorsque  ,  traver- 
sant une  forêt ,  il  trouva  un  arbre 
entr'ouvert;  ayant  voulu  achever  de 
le  séparer  ,  les  deux  parties  se  re- 
joignirent, et  il  périt,  dévoré  par 
les  bêtes  sauvages  (  F.  Aulu-Gelle  , 
liv.  xv  ,  ch.  1  (5  ,  et  Valère  Maxime  , 
liv.  ix,   ch.   12,  paragr.    17  ).  Le 
groupe  en  marbre  de  Milon,  dévoré 
par  un  lion  ,  qu'on  voit  à  Versailles, 
est  un  des  plus  beaux  ouvrages  de  Pu- 
get(  F.  ce  nom).  La  Mol  he  Le  Vayer, 
dans  son  Traité  de  la  grandeur  et  de 
la  petitesse  des  corps ,  a  remarqué 
que  Milon  «  est  le  seul  personnage  de 
»  l'antiquité,  de  qui  l'on  ait  dit  qu'il 
»  eut  la  grandeur  de  l'esprit  propor- 
»  tionnée  à  celle  de  son  corps.  »  W-s. 
MILON  (  Titus- Annius  Milo),  tri- 
bun romain,  l'an  de  Rome  696,  était 
issu  d'une  famille  plébéienne  illus- 
trée par  une  longue  tradition  d'exem- 
ples vertueux.  Doué  d'un  caractère 
actif  et  d'une  énergie  éprouvée  ,  il 
mit  ses  plans  d'ambition  sous  la  pro- 
tection des  bons   citoyens  ,    et  se 
dévoua  ,  pour  la  mériter  ,  à  toutes 
les  fureurs  des  anarchistes  qu'il  ne 
se  lassa  point  de  traverser.  Clodius , 
factieux  qui  n'avait  de  commun  avec 
Catilina  que  l'audace  et  l'ascendant 
de  la  naissance,  fut  l'ennemi  le  plus 
acharné  de  Milon,  depuis  q 


MIL 

ri  eut  réuni  ses  efforts  à  ceux  de  ses 
collègues  pour  faire  rappeler  Cicé- 
j  n  de  l'exil.  Milon  en  vint  deux 
fois  aux  mains,  au  milieu  de  Rome, 
avec  sou  adversaire  ,  et  le  traduisit 
en  justice;  mais  le  consul  Méîcllus 
écarta  l'accusation  ,  et  fournit  ainsi 
à  Clodius  les  moyens  de  se  ména- 
ger, encore  un  an,  le  privilège  de 
r impunité, dans  les  fonctions  d'édile. 
Milon  fit  alors  pour  sa  sûreté  ce  que 
Clodius  osait  pour  exercer  ses  bri- 
gandages :  il  prit  à  sa  solde  une 
troupe  de  gladiateurs  ;  et  les  gens  de 
bien  l'applaudirent.  11  s'était  ruine 
trois  fois  parla  magnificence  des  jeux 
et  des  spectacles  qu'il  avait  offerts  au 
peuple.  Pour  réparer  l'effet  de  ses 
prodigalités,  il  épousa  Fausta,  fille 
du  dictateur  Sylla  :  il  la  surprit,  quel- 
que temps  après,  entre  les  bras  de  Sal- 
luste  l'historien,  et  ne  laissa,  dit-on, 
échapper  le  suborneur,  qu'après  l'a- 
voir passé  par  les  verges  et  en  avoir 
tiré  une  somme  d'argent.  Clodius , 
inviolable  comme  édile,  eut  l'impu- 
dence d'accuser  Milon  de  violence, 
et  d'infraction  aux  lois  par  l'entre- 
tien de  gens  armés  ;  Pompée  com- 
battit lui-même  l'accusation,  et  la  fil. 
tomber  :  mais  Milon  ayant  brigué  le 
consulat,  Pompée  en  prit  ombrage, 
et  appuya  sourdement  Clodius.  Celui- 
ci,  avec  sa  jactance  ordinaire,  pu- 
blia que,  si  Milon  ne  se  départait  de 
ses  prétentions  ,  dans  trois  jours  il 
aurait  cessé  de  vivre.  Cette  menace 
retomba  sur  la  tête  de  son  auteur. 
Le  hasard  lui  fit  rencontrer,  sur  la 
\  ppienne  (  le  20  janvier ,  l'an  de 
Rome  701,  53  avant  J.-C.  ),  la  voi- 
ture de  Milon,  qui  se  rendait  à  La- 
nuvium,  pour  un  sacrifice  ,  accom- 
de  sa  femme,  d'un  ami  et  de 
serviteurs  Qe  rixe  animée 

M'ir^agea  entre  s  cortèges  ; 

Clodius,  blessé  dans  !a  mêlée,  ! 


MIL 

fûgia  dans  une  hôtellerie  voisine  : 
Milon  donna  l'ordre  à  ses  gens  de  l'y 
forcer  et  de  Le  tuer  ;  ce  qui  fui 
euté.  Deux  jours  après  ,  Sextus  Clo- 
dius ,  parent  du  mort ,  souleva  là 
populace  par  le  spectacle  du  cadavre 
exposé  au  Forum.  Une  multitude  sé- 
ditieuse voulut  porter  dans  la  maison 
de  Milon ,  les  torches  dont  elle  avait 
incendié  la  salle  du  sénat  et  la  basi 
lique  Porcienne  •  mais  elle  le  trouva 
sur  ses  gardes,  et  futrepousséeavec 
vigueur.  Cependant  Pompée,  investi 
seul  du  consulat  pour  rétablir  le 
calme,  fit  informer  sur  le  meurtre 
de  Clodius.  Brutus  répandit  un  dis- 
cours où  il  préconisait  ouvertement 
cctteaction.Cicéron,  qui  avait  adopté 
un  langage  moins  hasardeux  ,  se  pré- 
senta devant  les  juges  pour  défendre 
la  cause  de  Milon  ;  mais  l'appareil 
militaire  déployé  par  Pompé 
encore  plus  les  clameurs  delà  popu- 
lace ,  paralysèrent  son  éloquence. 
Sur  cinquante-un  juges  ,  douze  seule- 
ment conclurent ,  avec  Caton  ,  à  l'ab- 
solution de  l'accusé  :  il  se  rendit  en 
exil  à  Marseille.  Ses  biens  furent 
vendus  pour  payer  ses  dettes,  mon- 
tant à  un  million  ;  et  Ciccron  en 
acheta  une  partie  pour  la  lui  con- 
server. Ce  grand  orateur  ayant  re- 
trouvé dans  la  retraite  les  inspira- 
tions qui  lui  avaient  manqué  dans  le 
moment  décisif,  envoya  une  nou- 
velle rédaction  de  son  plaidoyer 
(  celle  que  nous  avons  )  ,  à  son  ma- 
gnanime ami.  Celui-ci  lui  répondit 
avec  gaîté  :  «  Je  m'estime  heureux 
»  que  tant  d'éloquence  n'ait  point 
»  agi  sur  mes  juges  :  si  vous  aviez 
»  parlé  ainsi  d'abord,  je  ne  m 
•»  rais  pas  ici  d'aussi  bons  pois 
L'exil  commençait,  néanmoins  à  pe- 
Milotl  ,  lorsqu'il  ïut  rappelé 
par  !>•  pre'teur  Cœlius ,  l'an  de  Home 
no5   (  49  avant  J.-C):  ili   turent 


58  MIL 

tues  l'un  et  l'autre  ,  eu  voulant  exci- 
ter une  sédition  en  faveur  de  Pom- 
pée. F — T. 

MILON  ,  comte  de  Vérone,  au 
dixième  siècle,  était  élève ,  arai  et 
confident  de  l'empereur  Bérenger: 
il  vengea,  en  924»  [a  mort  de  ce 
monarque  sur  son  assassin  flambert, 
et  il  s'efforça  de  bonne  heure  de  faire 
secouer  à  l'Italie  le  joug  de  Hugues  , 
qui  rc'gna  ensuite.  Il  appela ,  en  g34? 
Arnolphe ,  duc  de  Bavière,  en  Italie  j 
et  en  q45  ,  il  ouvrit  sa  ville  de  Vérone 
à  Bérenger  II  :  par-là  il  contribua 
plus  qu'aucun  autre  à  placer  sur  le 
trône  d'Italie  ce  nouveau  prince  , 
petit-fils  de  son  bienfaiteur.  S.  S-i. 

MILTIADE  (  Saint  )  ou  MEL- 
CH1 ADE,  pipe  et  successeur  de  saint 
Eusèbe,  fut  élu  le  i\  juillet  3n.  Il 
était  Africain  de  naissance,  et  fort 
considéré  pour  ses  vertus  et  ses  ta- 
lents. Maxence  était  toujours  en  pos- 
session d'un  grand  pouvoir.  Il  avait, 
à  la  vérité,  fait  cesser  les  persécutions 
religieuses  :  mais  ses  débauches  por- 
tées au  plus  haut  degré  de  violence 
contre  toutes  les  personnes  du  sexe  , 
remplissaient  Rome  de  terreur  ,  et 
ses  nombreuses  victimesdemandaient 
vengeance.  Ces  désordres  durèrent 
jusqu'à  ce  qu'il  fût  vaincu  ,  en  3i2 , 
par  Constantin  ,  qui  entra  triom- 
phant dans  Rome,  y  rétablit  la  paix, 
en  érigeant ,  au  milieu  de  la  ville  ?  le 
trophée  de  la  croix,  qui  avait  été 
l'instrument  de  sa  victoire  et  de  sa 
conversion  au  christianisme.  Mil- 
tiade  présida  ,  en  3 13 ,  le  concile  de 
Rome,  contre  le  schisme  des  dona- 
tistes  (  V.  Dois  at  ,  XI ,  53q  ),  où 
Cécilien,  accusé  par  Donat  des  Cases- 
Noires,  fut  justifié,  et  confirmé  dans 
Tévêché  de  Carthage.  Milliade  mou- 
rut, le  10  janvier  3i4  ,  après  deux 
ans  et  demi  de  pontificat.  Saint  Au- 
gustin en  fait  les  plus  grands  élo- 


MIL 

ges.   Miltiade  eut   pour  successeur 
saint  Sylvestre  Ier.  D — s. 

MILTIADE ,  l'undes  plus  illustres 
capitaines  athéniens,  florissait  dans 
le  cinquième  siècle  avant  J.-C.  Il  fut 
désigné  par  l'oracle  de  Delphes  pour 
commander    l'expédition     envoyée 
dans  la  Chersonnèse;  elle  eut  tout  le 
succès  que  l'oracle  avait  prédit.  Mil- 
tiade, après  avoir  chassé  les  Thraces, 
partagea  les  terres  entre  ses  soldats , 
et  les  enrichit  des  dépouilles  de  leurs 
ennemis.  Sa  douceur ,  sa  modestie  et 
surtout  son  amour  pour  la  justice,  le 
firent  chérir  des  nouveaux  colons  , 
parmi  lesquels  il  exerçait  l'autorité 
d'un  roi ,  sans  en  avoir  le  titre.   Il 
accrut  encore  la  puissance  des  Athé- 
niens ,  en  leur  soumettant  Lemnos  et 
les  autres  îles  Cyclades.  Darius  ,  roi 
de  Perse  ,  ayant  résolu  de  porter  la 
guerre  chez  les  Scythes,  fit  construire 
surl'Ister  (le  Danube) un  pont,  dont 
il  confia  la  garde  à   Miltiade  et  à 
quelques  autres  généraux  grecs ,  qu'il 
croyait  s'attacher  par  ses  bienfaits: 
mais  Miltiade  ne  voyait  dans  Darius 
que  l'ennemi  des  Grecs  ;    et  ayant 
appris  que  les  Perses  avaient  été  mis 
en  déroute ,  il  proposa  à  ses  collè- 
gues de  couper  le  pont  pour  leur  ôter 
tout  moyen  de  retraite.  Cet  avis  ne 
prévalut  point  j  et  il  revint  à  Athè- 
nes. Cependant  Darius ,  à  peine  de 
retour  en  Asie,  se  décida ,  par  le  con- 
seil de  ses  courtisans  ,  à  tenter  de 
soumettre  la  Grèce  ;    et ,  en  consé- 
quence ,  il  équipa  une  flotte  nom- 
breuse, dont  il  remit  le  commande- 
ment à  Datis  et  Artapherne,  deux 
de  ses  lieutenants.  Datis  arriva  sur 
les  côtes  dcl'Eubée,et,  ayant  péné- 
tré dans  l' Altique ,  à  la  tête  de  deux 
cent   mille  hommes ,   vint  camper 
dans  la  plaine  de  Marathon.  L'ap- 
proche d'une  armée  aussi  formida- 
ble jeta  l'effroi  dans  l'ame  des  Athé- 


MIL 

niens.  Cependant  déterminés  à  se 
défendre  jusqu'à  la  dernière  extré- 
mité ,  ils  partagèrent  leur  petite  ar- 
mée en  dix  corps  ,  commandés  par 
autant  de  généraux ,  qui  reconnais- 
saient un  chef  unique  dont  le  pou- 
voir ne  durait  qu'un  jour.  C  était 
une  précaution  contre  les  desseins  am- 
bitieux des  généraux;  mais,  dans  la 
circonstance  ,  elle  pouvait  amener  la 
ruine  d'Athènes.  Le  sage  Aristide, 
l'un  des  dix  chefs ,  ayant  cédé  son 
autorité  à  Milliade  ,  cet  exemple  fut 
suivi  par  ses  collègues;  et  Milliade 
se  trouva  seul  chargé  du  comman- 
dement. Il  décida  qu'au  lieu  d'atten- 
dre l'ennemi  dans  les  remparts  ,  on 
devait  marcher  à  sa  rencontre  ;  et 
ayant,  par  ses  discours  ,  ranimé  le 
courage  de  ses  soldats,  il  les  con- 
duisit à  la  vue  du  camp  des  Perses , 
choisit  une  position  favorable  ,  et 
s'occupa  de  s'y  retrancher.  Cepen- 
dant Datis  ,  jugeant  qu'il  était  de 
son  intérêt  d'attaquer  les  Athéniens 
avant  qu'ils  eussent:  reçu  les  secours 
qu'ils  attendaient  des  Spartiates,  se 
hâta  d'engager  le  combat.  Les  Grecs 
accablés  d'abord  par  le  nombre,  re- 
poussèrent ensuite  les  Perses,  avec 
une  telle  perte,  que  ceux-ci  furent 
obligés  de  regagner  leurs  vaisseaux. 
La  journée  do  Marathon  (  l'an  4o° 
avant  J.-C.  )  sauva  la  Grèce  ;  et  le 
modeste  vainqueur  fut  récompensé 
par  un  décret  qui  ordonnait  que  son 

lit  sérail  placé  le  premier  dans 
le  tableau  destiné  à  perpétuer  le  sou- 
a  enir  de  celte  victoire  ,  l'une  des  plus 

tantes  dont  l'histoire  fasse  men- 
tion. Miltiade  eut  le  commande 
de  l.i  flotte  destinée  à  châtier  les  îles 
qui  s'étaient  déclaras  en  faveur  des 
il  plusieurs  par 
la  pç]  - 1  mit  le  siège  devant 

la  ville  d.  ;  moment  où  la 

place  se  di  ii|er;  le  feu 


MIL  5§ 

prit  par  hasard  à  un  bois  voisin , 
et  les  assiégés  ,  persuadés  que  la 
flamme  qu'ils  apercevaient  était  un 
signal  de  la  flotte  des  Perses,  refu- 
sèrent d'ouvrir  leurs  portes;  Mil- 
tiade, craignant  lui-même  d'être  sur- 
pris ,  leva  le  siège ,  et  revint  à  Athè- 
nes. Accusé  de  trahison  par  ses  in- 
grats concitoyens ,  et  ne  pouvant 
paraître  devant  le  tribunal ,  à  cause 
d'une  blessure  qu'il  avait  reçue  au 
siège  de  Paros,  il  chargea  Tisagoras , 
son  frère  ,  du  soin  de  sa  défense.  La 
calomnie  obtint  ici  un  nouveau  triom- 
phe; et  Miltiade  ne  pouvant  payer, 
sur-le-champ ,  l'amende  de  cinquante 
talents  ,  à  laquelle  il  avait  été  con- 
damné ,  fut  jeté  dans  une  prison  où , 
suivant  quelques  auteurs ,  il  mourut, 
au  bout  de  peu  de  jours,  de  cha- 
grin, et  des  suites  de  sa  blessure,  l'an 
189  avant  J.-C.  Ce  qu'on  a  dit  de  la 
pauvreté  de  Milliade,  est  une  fable 
qui  ne  peut  pas  soutenir  le  moindre 
examen  :  il  était  d'une  des  familles 
les  plus  riches  d'Athènes  ;  et  sou 
administration  dans  la  Chersonnèse 
ne  l'avait  pas  apauvri.  Il  avait  épousé 
la  fille  d'Olorus  ,  petit  roi  de  la 
Thrace,  qui  lui  avait  apporté  une 
dot  considérable  ;  il  en  eut  un  (ils 
nommé Cimon,  l'un  des  plus  grandi 
capitaines  de  la  Grèce  (  fr.  Cimon  , 
VIII,  56i).  La  veuve  de  Miltiade 
eut,  d'un  second  mariage,  un  (ils, 
qui  fut  le  père  de  l'historien  Thu- 
cydide. La  vie  de  Miltiade  est  la 
première  du  recueil  de  Cornélius 
Ncpos.  W — s. 

MILTON,  grand  poète  anglais, 
naquit  à  Londres,  le  9  décembre 
1608.  Son  père,  homme  instruit , 
passionné  pour  les  arts ,  ayant  même 
un  talent  distingué  pour  la  musique, 
lit  dans  cette  \  ille  la  profes- 
sion de  notaire.  Le  jeune  Mil  ion 
recul  l'éducation  la  plus  savante;  et, 


MIL 

dès  Page  de  douze  ans,  son  applica- 
tion à  l'étude,  et  ses  veilles  prolon- 
gées avaient  commence  d'affaiblir 
.sa  vue.  Il  suivit  avec  éclat  les  cours 
de  l'université  de  Cambridge  :  l'ima- 
gination de  l'auteur  >iu  Paradis  per- 
du s'annonçait  par  des  poésies  lati- 
ires ,  ou  l'on  ne  peut  méconnaître  une 
élégance  et  une  douceur  bien  rares 
parmi  les  latinistes  du  Nord.  Mais 
son  humeur  altière  lui  attira  quel- 
ques inimitiés,  qui  l'éloignèrent  de 
Cambridge , après  cinq  ans  de  séjour. 
Le  ministère  ecclésiastique  avait  été 
sa  première  vocation  :  il  y  renonça 
sans  retour,  incapable  de  plier  sou 
esprit  sous  le  joug  de  l'église  établie, 
et  voulant  garder  l'indépendance  de 
sa  foi.  A  l'âge  de  vingt-quatre  ans  , 
revenu  près  de  son  père ,  qui  s'était 
retiré  à  la  campagne,  Milton  passa 
plusieurs  années  dans  l'ardeur  de 
l'étude ,  et  embrassa  presque  toutes 
les  connaissances  humaines,  antiqui- 
tés ,  langues  modernes,  histoire, 
philosophie  ,  mathématiques.  La 
poésie  latine ,  qu'il  aima  et  cultiva 
toujours,  et  la  poésie  anglaise,  qu'il 
devait  embellir  d'une  gloire  nouvelle, 
servaient  seules  de  diversion  à  ses 
travaux.  C'est  à  cette  époque  ,  sans 
doute  ,  qu'il  faut  reporter  la  compo- 
sition de  quelques  pièces  que  Milton 
publia  plus  tard,  et  qui  sont  pour  peu 
de  chose  dans  sa  renommée.  Elles 
indiquent  seulement  ses  fortes  études, 
et  le  goût  profond  de  l'antiquité  qui 
se  mêlait  à  son  génie  original ,  et  qui 
semble  quelquefois  le  ralentir  sous 
le  poids  de  l'érudition  et  des  souve- 
nirs. Ses  vers  latins  ont  beaucoup 
de  correction  et  d'harmonie  :  ses 
vers  anglais ,  qu'il  n'osait  pas  encore 
affranchir  du  joug  de  la  rime,  sen- 
tent l'elfoit  et  la  contrainte.  On  a 
beaucoup  vanté,  parmi  ses  premiers 
essais  ,  Y  Allegro  et  le  Penseroso  ? 


MIL 

deux  pièces  où  ne  se  trouve  pas  le 
contraste  que  promet  l'opposition  de 
leurs  titres.  Le  génie  de  Milton  sem- 
blait dès-lors  ami  des  idées  tristes  et 
élevées  ;  et  le  Cornus ,  espèce  de  co- 
médie-féerie qu'il  fit  à  cette  époque  , 
à  l'imitation  des  Italiens ,  présente 
plus  de  bizarrerie  que  de  gaîté.  Après 
plusieurs  années  passées  dans  l'étude 
et  la  retraite  ,  Milton,  qui  venait  de 
perdre  sa  mère,  partit  pour  un  voya- 
ge en  Italie.  II  passa  parla  France  , 
dont  il  connaissait  la  littérature,  en- 
core peu  formée  à  cette  époque,  et  se 
rendit  à  Florence,  où  il  eut  plusieurs 
fois  occasion  de  voir  le  grand  Gali- 
lée dans  sa  prison.  Le  beau  ciel  de 
l'Italie ,  le  spectacle  de  cette  contrée 
poétique,  toute  pleine  des  monu- 
ments des  arts ,  et  toute  retentissante 
de  la  gloire  du  Tasse,  charmaient 
l'imagination  du  jeune  Anglais.  Mil- 
ton visita  Rome,  où  la  hardiesse  de 
ses  discours  sur  les  questions  reli- 
gieuses donna  quelque  sujet  d'in- 
quiétude à  ses  amis.  Il  fut  cependant 
très-favorablement  accueilli  par  le 
cardinal  Barberini;  et  admis  à  ses 
concerts ,  où  il  entendit  Léonorâ  , 
mu  icienne  fameuse  ,  dont  il  a  célé- 
bré la  voix  et  la  beauté  ,  dans  quel- 
ques vers  anglais,  et  dans  un  sonnet 
italien.  Familiarisé  dès  -  long-temps 
avec  la  littérature  du  midi ,  Milton 
avait  composé,  dans  le  pur  toscan  , 
des  vers  qu'il  lut  avec  succès  aux  a- 
cadémies  d'Italie.  Mais  son  ambition 
poétique  était  de  polir  sa  langue  ma- 
ternelle ,  et  d'être  un  jour  ,  diins 
cette  langue,  l'interprète  des  pen- 
sées de  ses  concitoyens.  Il  était  des- 
lors  tourmenté  de  l'espérance  d'é- 
lever quelque  grand  monument  à  la 
gloire  de  son  pays.  A  Naples  ,  il  for- 
tifia cette  pensée  par  les  entretiens 
qu'il  eut  avec  le  marquis  de  Villa  , 
(  V  Manso  )  vieillard  ingénieux  et  en 


MIL 

thousiaste,  qui  avait  connu  et  beau- 
coup aimé  le  Tasse ,  et  qui  par- 
lait de  lui  avec  cette  abondance  de 
souvenirs  et  de  précieux  détails  que 
laisse  dans  la  mémoire  l'intimité 
d'un  homme  illustre  et  malheureux. 
Milton  se  sentait  inspiré  en  écoutant 
l'ami  du  Tasse.  Il  lui  disait,  dans  des 
vers  latins  dignes  du  siècle  d'Augus- 
te :  «  Vieillard  aimé  des  dieux,  il 
;>  faut  que  Jupiter  ait  protégé  ton 
»  berceau ,  et  que  Phœbus  l'ait  éclai- 
»  ré  de  sa  douce  lumière;  car  il  n'y 
»  a  que  le  mortel  aimé  des  dieux 
»  dès  sa  naissance,  qui  puisse  avoir 
»  eu  le  bonheur  de  secourir  un  grand 
»  poète.  ».  Milton  souhaitait  pour 
lui-même  un  tel  ami ,  un  tel  défen- 
de sa  gloire  ,  un  aussi  religieux 
dépositaire  de  sa  cendre  ;  et  il  se 
promettait  à  ce  prix  de  chanter  un 
jour  les  antiquités  nationales  de  l'An- 
gleterre ,  les  exploits  du  roi  Arthur, 
et  les  héros  de  la  chevalerie.  Milton 
avait  formé  à  Naples  le  dessein  de 
parcourir  la  Sicile  et  la  Grèce,  lors- 
que le  premier  bruit  des  troubles  de 
l'Angleterre,  en  flattant  une  passion 
de  liberté  qui  n'était  pas  moins  forte 
en  lui  que  celle  des  vers,  le  rappela 
dans  son  pays,  qu'il  voulait  servir.  Il 
quitta  lentement  l'Italie ,  en  passant 
])ir  Rome  ,  Florence ,  Venise  et  Mi- 
lan. D'après  une  anecdote  rapportée 
par  Voltaire,  c'est  dans  cette  der- 
nière ville  que  Milton,  ayant  assiste' 
par  hasard  à  la  représentation  du 
chaîne  italien  d'un  certain  Andreini 
sur  la  chute  du  premier  homme,  vit 
la  grandeur  d'un  tel  sujet,  et  conçut 
le  plan  de  son  poème.  L'amour-pro- 
pre anglais  a  repousse' cette  origine; 
et  le  docteur  Johnson  a  vivement 
contre  lire.  Cependant  l'anec- 

dote est  vraisemblable:  le  drame 
cité  existe  ;  et  même,  ce  que  n'a  pas 
dit  Voltaire,  la  seconde  scène  du 


mil 


6 


premier  acte  est  un  monologue  de 
Lucifer  apercevant  la  lumière  du 
jour:  et  l'on  ne  peut  nier  que  le  mou- 
vement et  les  pensées  de  ce  morceau 
ne  soient  un  faible  crayon  de  la  su- 
blime apostrophe  de  Satan  au  soleil. 
Mais ,  qu'importent  ces  premières, 
traces  d'imitation  effacées  par  l'en- 
thousiasme du  poète  ,  et  perdues 
dans  sa  richesse  ?  Au  reste,  un  motif 
naturel  de  croire  que  Milton  rappor- 
ta d'Italie  quelques  pressentiments, 
quelques  ébauches  de  sa  grande  pen- 
sée, c'est  que  l'on  retrouve  cette  pen- 
sée dans  les  écrits  qu'il  fit  paraître 
à  son  retour  sur  des  sujets  peu  faits 
pour  y  préparer  son  esprit.  En  ef- 
fet ,  Milton ,  revenu  à  Londres ,  dans 
l'année  iG.\o,  au  milieu  des  premiers 
frémissements  de  la  révolution  et 
des  attaques  violentes  dirigées  contre 
l'épiscopat ,  se  jeta  d'abord  dans  ces 
querelles  où  l'esprit  républicain  se 
cachait  sous  l'argumentation  théolo- 
gique. Il  dirigeait  en  même  temps  l'é- 
ducation de  plusieurs  jeunes  gens , 
parmi  lesquels  étaient  ses  deux  ne- 
veux; 'circonstance  qui  a  produit 
beaucoup  de  débats  entre  ses  pané- 
gyristes et  ses  détracteurs ,  sur  la 
question  de  savoir  s'il  avait  été  maî- 
tre-d'école.  Paraissant  uniquement 
occupé  de  ces  soins  obscurs ,  et  d'une 
polémique  qui  nel'était  guère  moins , 
il  publia  un  écrit  sur  l'épiscopat,  un 
autre  sur  le  gouvernement  de  V E- 
glise,  un  traité  de  la  réforniation  ec- 
clésiastique. Mais  au  milieu  de  cette 
controverse  hérissée,  on  aperçoit 
que,  sous  la  ferveur  de  parti  dont 
Milton  est  obsédé  ,  il  nourrit  une  au- 
tre pensée,  un  autre  enthousiasme.  A 
travers  les  syllogismes  de  l'argumen- 
tation puritaine,  il  annonce  qu  on  en? 
tendra  quelque  jour  un  homme  qui, 
dans  un  n  i lune  sublime  et  nouveau , 
chantera  las  miséricordes  et  les  juge- 


vients  du  Seigneur;  puis ,  se  livrant 
à  une  digres  ion  toute  poétique,  il 
rappelle  les  noms  d'Homère ,  de  Vir- 
gile ,  du  Tasse  ;  il  annonce  que  la 
religion  peut  inspirer  quelque  chose 
de  plus  grand  que  leurs  poèmes  ;  il 
parle  d'une  dette  qu'il  lui  reste  à  ac- 
quitter envers  elle  ,  par  un  ouvrage 
inspire  de  l'Esprit  saint.  Enfin,  jetant 
un  triste  regard  sur  les  querelles  où 
il  s'engage  ,  il  regrette  de  quitter  sa 
douce  et  agréable  solitude  nourrie 
d'heureuses  pensées ,  pour  s'embar- 
quer sur  une  mer  turbulente ,  empor- 
te loin  de  la  brillante  image  delà 
vérité  qu'il  aimait  à  contempler  dans 
l'atmosphère  paisible  et  pure  de  ses 
études  chéries.   Les  égarements  où 
fut  entraîné  M  il  ton  ,  rendent  ce  re- 
gret plus  juste  et  plus  amer.  L'en- 
thousiasme de  la  liberté,  une  sorte 
de  candeur  et  de  violence  ,  l'igno- 
rance des  hommes  et  de  la  vie  ordi- 
naire, l'illusion  continuelle  d'un  es- 
prit qui  ne  voit  que  ses  propres  pen- 
sées ,  tout  ce  qui,  dans  Miilon,  pré- 
parait un  génie  original,  le  dispo- 
sait aux  plus  coupables  erreurs  ,  et 
le  livrait  en  proie  à  la  contagion  des 
fanatiques  et  à  l'ascendant  des  am- 
bitieux qui  bientôt  mirent   en  feu 
l'Angleterre.  Au  milieu  de  ces  con- 
troverses ,  Miilon  avait  contracté  un 
mariage  qui  servit  de  texte  à  de  nou- 
veaux écrits  de  sa  part.  Sa  femme, 
née  dans  une   famille  attachée  au 
roi ,  le  quitta  par  haine  de  ses   0- 
pinions.    Milton  publia  successive- 
ment quatre  dissertations  violentes 
pour  prouver  la  justice  et  la  néces- 
sité du  divorce  5  et  blâmé  par  les 
presbytériens,  dont  il  avait  jusque-là 
suivi  d'assez  près  les  maximes  ,  il  se 
jeta  dans  le  parti  des  indépendants  , 
et  redoubla  de  haine  contre  tous  les 
pouvoirs  religieux  et  civils.   Cette 
arne  altièrc  était  pourtant  ouverte  à 


MIL 

de  plus  douces  émotions.  Dans  le 
malheur  de  la  cause  royale ,  sa  fem- 
me ayant  essayé  de  se  rapprocher 
de  lui ,   une  entrevue  ménagée  par 
quelques  amis  ranima  toute  sa  ten- 
dresse. Il  reçut  même  ,  dans  sa  mai- 
son, la  famille  entière  de  sa  femme , 
menacée  par  les   proscriptions  du 
parti  vainqueur  ,  et  lui  prodigua  les 
soins  les  plus  généreux.   Cependant 
la  défaite  de  la  cause  royale,  et  la 
captivité  de  Charles  ,  amenaient  le 
grand  crime  qui  a  souillé  la  liberté 
anglaise.  Le  long  parlement ,  si  ani- 
mé contre  le  monarque  ,  mais   ca- 
pable d'un  reste  de  justice  et  d'hu- 
manité ,  venait  d'être  violemment 
épuré  par  les  soldats  de  Cromvvcll  ; 
et  quelques  hommes  furieux  ou  avi- 
lis allaient  juger  leur  roi.  sous  les 
yeux  du  despote  qui  se  faisait  un 
marche-pied  de  son  échafaud.  Milton 
ne  fut  point  mêlé  à  cette  scène  d'hor- 
reur. Ami  passionné  de  l'indépen- 
dance ,  il  avait  publié  ,  sous  le  nom 
d' Areopageiica  ,  un  écrit  plein  de 
force  en  faveur  de  la  liberté  de  la 
presse  ,  que  déjà  Cromweil  oppri- 
mait, parce  que  celte  liberté  s'élevait 
en  faveur  du  roi.  Milton  s'était. abs- 
tenu de  mettre  au  jour,  avant  la  fatale 
sentence  ,  un  autre  écrit  sur  la  res- 
ponsabilité des  magistrats  et  des  rois, 
où  respirent  toutes  les  fureurs   du 
puritanisme.    Il  paraît  qu'un  grand 
projet  d'étude   l'occupait  alors  ,  et 
qu'il  avait  entrepris  d'écrire  une  his- 
toire d'Angleterre.  Mais  ses  talents 
et  l'ardeur  de  ses  opinions  l'ayant 
désigné  au  choix  de  Cromweil ,  déjà 
tout-puissant ,  il  fut  nommé,  près  le 
conseil -d'état ,  secrétaire-interprète 
pour  la  langue  latine.  Cromweil,  par 
une  'sorte  de  politique  altière  qu'il 
appliquait  à  tout  ,  voulait  faire  de 
cette  langue  le  seul  mode  de  commu- 
nication avec  les  puissances  étrau- 


MIL 

gères.  Milton  fut  jeté ,  plus  que  ja- 
mais ,  dans  les  passions  des  indé- 
pendants ;  et ,  en  partageant  leur  fa- 
natisme, il  s'égara  jusqu'à  justifier 
crimes.  Un  livre  attribue  à 
Charles  I*r. ,  et  publie  sous  le  titre 
de  Portrait  du  roi  (  i),  avait  redou- 
blé l'indignation  pubiiq::e  contre  le 
parlement  et  le  tribunal  régicide. 
Milton  y  répondit  par  une  diatribe 
injurieuse.  INous  l'avons  dit  ailleurs: 
«  Ces  attaques  contre  un  roi  qui  n'é- 
»  tait  plus  ,  ces  poursuites  au-delà  du 
»  jugement  iltes  au-delà  de 

»  l'échafaud  ,  avaient  quelque  chose 
t>  d'abject  et  de  féroce,  que  l'éblouis- 
»  sèment  du  faux  zèle  radiai!  à  l'ame 
»  enthousiaste  de  Milton.  »  On  a 
souvent  parle  du  scandale  à-la-fois 
odieux  et  bizarre  de  son  débat  contre 
Saumaise  ,  qui  avait  publie,  pour  dé- 
fendre la  mémoire  de  Charles  ,  un 
livre  peu  digne  d'une  cai.se  si  belle 
et  d'une  si  grande  infortune.  La  ré- 
ponse de  Milton  est  hérissée  d'une 
sauvage  érudition.  C'est  le  génie  pé- 
dantesque  du  seizième  siècle  ,  en- 
flammé d'un  implacable  fanatisme 
de  liberté ,  et  mêlant  les  noms  de 
Brulus  ,  de  Samuel  et  de  Judith  pour 
justifier  le  crime  de  Cromwell  et  de 
Bradshaw.  Milton  était  presque  aveu- 
gle lorsqu'il  commença  cet  ouvrage  j 
et  il  se  glorifiait  de  perdre  la  vue 
en  achevant  celle  œuvre  odieuse 
qu'il  croyait  patriotique.  Aigri  par 
les  haines  qu'il  avait  méritées,  il 
fil  paraître  ,  en  i654  -,  une  nou- 
velle Défense  du  peuple  anglais. 
C'était  le  titre  qu  il  donnait  à  i  apo- 
logie de  quelques  hommes  ,  tyrans  de 
l'Angleterre,  et  désavoués  par  elle; 
enfin,  il  mil  au  joui- sa  propre  dé- 
fense {Defensio  autoris  ,  et  l'on 
doit  avouer  que ,  s'il  s'était  emporté, 

(i)  Eikvn  êasibkt. 


MIL 


(53 


dans  ses  attaques ,  à  des   violences 
odieuses,  il  se  défend  avec  calme  et 
dignité.  En  réponse  à  ses  adver 
qui  lui   avaient  appliqué  le  vers  de 
Virgile: 

Monstrum  fwrrendum  ,  informe ,  ingens ,  cui  lumen 
adeinptum  f 

il  donne  une  espèce  de  description 
de  sa  vie,  et  même  de  sa  personne. 
On  voit  ,  par  ce  récit,  que  les  bas- 
sesses de  l'intérêt  ne  se  mêlèrent  ja- 
mais aux  passions  politiques  de  Mil- 
t .  .i.  Fanatique  de  bonne-foi,  il  avait 
sacrifié  sa  médiocre  fortune  en  dons 
patriotiques,  pour  la  cause  du  par- 
lement. Au  républicanisme  théolo- 
gique de  son  siècle  ,  il  joignait  d'au- 
tres illusions  puisées  dans  ses  études 
chéries,  et  dans  l'admiration  de  !a 
belle  antiquité.  La  scolastique  violen- 
te des  puritains,  la  dictature  du  long 
parlement,  lui  semblaient  une  imi- 
tation de  l'éloquence  et  de  la  liberté 
romaine.  Son  imagination  rêvait  l'af- 
franchissement de  la  Grèce  paT  les 
armes  de  la  république  d'Angleterre. 
Il  se  livre  surtout  à  cette  espérance 
dans  une  lettre  qu'il  adresse  à  Phi- 
laras,  savant  Athénien,  qui  voya- 
geait alors  en  Europe  ,  fuyant  la 
honte  de  son  pays  et  la  tyrannie  des 
Turcs.  Milton,  qui,  toujours  pré- 
occupé de  l'antiquité  littéraire  ,  se 
regardait  lui-même,  en  acceptant  les 

I  dts  du  parlement,  comme  un 
Grec  nourri  dans  le  Prylanéc  pour 
prix  de  ses  services,  aurait  voulu 
inspirer  aux  Anglais  la  pensée  d'aller 
secourir  la  véritable  Athènes  ,  et  de 

incr  dans  ses  murs  la  liberté ,  la 
gloire  et  les  arts.  Mais  Milton  devait 
avoir  peu  de  crédit  sur  les  conseils 
de  Cromwell  •>  et  cet  habile  usurpa- 
teur trouvait,  sans  doute,  plu 
cile  el  plus  sur  de  s'emparer  de  la 
Jamaïque.  Après  l'expulsion  du  long 


C>\  Mit 

parlement ,  Miltou ,  comme  beau- 
coup d'autres  indépendants ,  con- 
serva ,  près  de  Cromwell,  l'emploi 
qu'il  avait  occupe  sous  la  républi- 
que ;  et ,  ce  fougueux  républicain 
se  trouva  le  secrétaire  d'un  tyran. 
Le  protectorat  e'tait  établi  lorsque 
Miltou  publia  sa  seconde  Défense 
du  peuple  anglais.  Déjà  l'on  pouvait 
juger  que  cette  liberté  ,  dont  il 
voulait  faire  l'excuse  ou  le  dé- 
dommagement de  tontes  les  violen- 
ces ,  se  terminait  au  despotisme.  11 
n'en  célèbre  pas  avec  moins  d'en- 
thousiasme le  destructeur  du  trône 
et  des  libertés  de  l'Angleterre.  On 
peut  croire  que  cette  imagination 
ardente,  mystique,  élevée,  étran- 
gère au  monde  ,  fut  frappée  des 
exploits  audacieux  de  Cromwell ,  et 
dupe  de  son  hypocrisie.  L'homme 
extraordinaire,  qui  faisait  de  gran- 
des choses  et  de  grands  crimes,  tou- 
jours au  nom  de  Dieu  ;  qui  appuyait 
sur  ses  victoires  le  mensonge  de  sa 
mission;  qui  jeûnait  ,  priait,  pleu- 
rait devant  le  peuple  ;  qui  avait  tou- 
jours à  la  bouche  l'Evangile  et  la 
gloire  de  l'Angleterre;  qui,  despote 
dans  son  pays ,  humiliait  les  rois 
étrangers  avec  une  fierté  toute  répu- 
blicaine :  ce  fourbe  ,  d'une  conduite 
si  haute  et  si  ferme;  cet  imposteur 
qui  paraissait  si  convaincu;  ce  Ma- 
homet du  nord  et  de  la  scolastique  ; 
ce  génie  puissant  et  inégal ,  mêlant 
tous  les  contrastes  de  grandeur  et 
de  trivialité  ,  de  raison  hardie  et  de 
singularité  fantasque  ;  Gro m weîl ,  en- 
fin, par  tous  les  accidents  de  sa  for- 
tunée! deson  caractère,  étaitunhcïos 
assorti ,  pour  ainsi  dire ,  à  l'imagina- 
tion sublime  et  bizarre  de  Miltou.  Il 
devait  à-la-fois  l'inspirer  et  le  do- 
miner. On  peut,  au  reste,  remarquer 
une  sorte  de  candeur  et  de  courage 
dans  les  flatteries  que  Milton  adres- 


MÎL 

se  à  Cromwell  tout-puissant  :  «  Res- 
pecte ,  lui  disait-il,  l'attente  qu'on  a 
fondée  sur  toi;  respecte  la  présence 
et  les  cicatrices  de  tant  d'hommes 
courageux,  qui,  sous  tes  ordres,  ont 
'combattu  pour  la  liberté;  respecte 
les  mânes  de  ceux  qui  ont  péri;  res- 
pecte l'opinion  des  autres  peuples , 
et  les  grandes  idées  qu'ils  se  forment 
de  cette  république,  que  nous  avons 
si  glorieusement  élevée,  et  qu'il  se- 
rait si  honteux  de  voir  disparaître.  » 
En  même  temps ,  il  le  suppliait  de  l'é- 
tablir la  liberté  de  la  presse:  mais  , 
le  jour  même  où  cet  écrit  fut  pré- 
senté au  protecteur  dans  son  palais 
de  Windsor ,  un  des  amis  les  plus 
chers  de  Milton,  et  l'un  des  répu- 
blicains les  plus  désintéressés,  A  ver- 
ton,  était  conduit  à  la  Tour;  et  les 
républicains  pouvaient  apprendre 
quel  maître  ils  s'étaient  donné.  Mil- 
ton vécut  dans  l'exercice  obscur  de 
son  emploi:  l'infirmité  qui  le  privait 
de  la  vue,  l'éloignait  du  monde; 
son  mérite  était  peu  connu  :  son  génie 
poétique  n'était  point  soupçonné  de 
Cromwell  et  de  ses  confidents  ;  cl  i" 
ne  les  aurait  guère  intéressés.  A  l'oc- 
casion du  traité  de  commerce  entre 
la  Suède  et  l'Angleterre ,  White- 
locke  ,  négociateur  de  Cromwell 
auprès  de  cette  puissance,  parle 
dans  ses  Mémoires  d'un  certain  Mil- 
ton, qui,  chargé  de  traduire  ce  traité, 
avançait  fort  lentement ,  parce  qu'il 
était  vieux  et  aveugle.  Whitelocke 
était  un  politique  habile ,  un  des  pre- 
miers conseillers  de  Cromwell:  il  se 
croyait  sans  doute  fort  supérieur  au 

vieux  secrétaire  aveu  "le  qu'il  désigne 
•  i  i 

si  légèrement;  et  cependant  White- 
locke, et  tous  les  négociateurs,  tous 
les  conseillers  ,  tous  les  hommes 
importants  de  cette  époque ,  ont 
laissé  bien  peu  de  souvenirs,  tandis 
que  la  gloire  de  Milton  remplit  le 


MIL 

monde  :  mais  parmi  ses  contempo- 
rains,  haï  des  uns,  dédaigne'  des 
autres  ,  il  portait  doublement  la 
peine  des  services  où  il  avait  abaisse 
son  génie.  Après  la  perle  de  sa  pre- 
mière femme,  qui  lui  laissa  trois 
filles,  Milton  avait  épouse  une  per- 
sonne jeune  et  belle,  qui  mourut  la 
seconde  année  de  son  mariage  ,  et 
dont  il  a  célèbre  la  mémoire,  dans 
quelques*  vers  d'une  admirable  dou- 
ceur. Prive  d'un  appui  également  né- 
cessaire à  son  cœur  et  à  ses  maux,  il 
Se  maria  de  nouveau  à  une  femme 
vertueuse,  dont  les  soins  adoucirent 
sa  vieillesse  :  alors  seulement,  et 
vers  la  (in  de  la  dictature  de  Grom- 
well  ,  il  paraît  qu'il  commença  son 
poème;  et,  par  un  mélange  assez  bi- 
zarre ,  il  travaillait  en  même  temps 
à  la  composition  d'un  dictionnaire 
latin  et  à  une  histoire  d'Angleterre. 
Mais  la  mort  du  Protecteur  vint  le 
distraire.  Son  aine ,  qui  n'était  gué- 
rie d'aucune  illusion,  s'enflamma  de 
l'espérance  de  voir  enfin  la  répu- 
blique. Il  se  hâta  de  publier  un  écrit 
intitulé  :  Moyen  prompt  et  facile 
d'établir  une  société  libre.  Il  avait 
préparé  dans  le  même  sens  une  lettre 
adressée  au  général  Monk;  enfin  il 
s'occupait  d'une  polémique  contre 
les  abus  du  clergé  :  mai*  déjà  le  jeune 
Richard,  vaine  ombre  de  Cromwell, 
avait  disparu  ;  et  les  parodies  répu- 
blicaines, essayées  dans  Westmins- 
ter sous  la  protection  de  l'armée, 
toml  aient  devant  le  retour  désiré  de 
Charles  II.  Un  nouveau  parlement 
avail  proclamé  le  roi,  et  se  chargeait 
lui-même  d'étendre  sa  sévérité  sur 
les  hommes  qui  s'étaient  le  plus  signa- 
lés par  leurs  attentats  et  leur  animo- 
silé  contre  le  trône,  La  courte  durée 
de  la  révolution,  en  rapprochant 
toutes  lesscènesde  cedrame  terrible, 
eten  nelaissant  vieillir  aucune  injure, 

XXIX. 


MIL  j65 

donnait  plus  de  vivacité  à  toutes  les 
haines  et  à  tous  les  désirs  de  puni- 
tion et  de  vengeance.  Les  insultes  si 
odieuses  et  encore  si  récentes  que 
Milton  avait  proférées  contre  la 
royauté;  son  enthousiasme  pour  une 
liberté  devenue  sanguinaire  ,  ses  en- 
gagements dans  le  parti  de  Crom- 
well ,  son  apologie  du  régicide  ,  ap- 
pelaient sur  lui  les  regards  du  parle- 
ment. Il  fut  arrêté ,  le  1 3  septembre , 
par  ordre  c\ tra ordinaire  de  la  cham- 
bre des  communes  ;  mais  on  voit , 
par  les  registres  ,  que  la  chambre 
le  fit  mettre  en  liberté  deux  mois 
après.  On  a  expliqué  l'issue  prompte 
et  favorable  de  cette  poursuite  ,  par 
une  anecdote  touchante  ,  et  qui  mé- 
rite d'être  vraie.  Da venant,  poète 
ingénieux,  qui  avait  servi  dans  l'ar- 
mée royale  ,  étant  tombé  au  pouvoir 
du  parlement,  en  iOjo,  courait 
risque  de  la  vie.  Milton  ,  puissant 
alors ,  obtint  qu'il  ne  serait  pas  jugé, 
et  le  fit  sortir  de  prison.  Da venant, 
par  son  crédit  à  la  cour  de  Charles 
II,  rendit  la  pareille  à  Milton,  et, 
par  sa  généreuse  influence,  prépara, 
dit-on,  la  décision  de  la  chambre. 
Milton,  libre  et  oublié,  poursuivit 
avec  ardeur  la  composition  de  son 
sublime  ouvrage.  Il  avait  alors  cin- 
quante-six ans.  Il  était  aveugle,  et 
tourmenté  de  la  goutte.  Une  Aie 
étroite  et  pauvre  ,  de  nombreux  en- 
nemis, le  sentiment  amer  de  ses  il- 
lusions démenties  ,  le  poids  humi- 
liant de  la  disgrâce  publique,  la 
tristesse  de  l'aine  et  les  souffrances 
du  corps  ,  tout  accablait  Milton  ; 
mais  un  génie  sublime  habitait  en 
lui.  Dans  ses  journées  rarement  in- 
terrompues, dans  les  longues  veilles 
de  ses  nuits,  il  méditait  des  vers  sur 
un  sujet  depuis  si  long-temps  dé] 
dans  son  aine,  et  qu'avaient  m  un  , 
pour  ainsi  dire,  tous  les  événement! 


56  MIL 

et  toutes  les  passions  de  sa  vie.  Sé- 
pare de  la  terre  parla  perte  du  jour 
et  par  la  haine  des  hommes ,  il  n'ap- 
partenait plus  qu'à  ce  monde  mysté- 
rieux dont  il  racontaitles  merveilles. 
Il  vivait  en  lui-même ,  dans  le  vaste 
champ  de  sa  pensée  et  de  ses  souve- 
nirs. Les  fureurs  du  fanatisme ,  l'en- 
thousiasme de  la  révolte  ,  les  tristes 
joies  des  partis  vainqueurs  ,  les  hai- 
nes profondes  de  la  guerre  civile , 
avaient  de  toutes  parts  assailli  et 
exerce'  son  génie.  Les  chaires  des 
églises  d'Angleterre  ,  les  salles  de 
Westminster,  toutes  pleines  de  sédi- 
tions et  de  bruyantes  menaces  ,  lui 
avaient  fait  entendre  ce  cri  de  guerre 
contre  la  puissance,  qu'il  aimait  a 
répéter  dans  ses  chants  ,  et  dont  il 
armait  l'enfer  contre  la  monarchie 
du  ciel,  l^a  religion  indépendante 
des  puritains  ,  leurs  extases  mysti- 
ques, leur  ardente  piété  sans  foi  po- 
sitive, leurs  interprétations  arbitrai- 
res de  l'Écriture,  avaient  achevé' 
d'ôter  tout  frein  à  son  imagination  , 
et  lui  donnaient  quelque  chose  d'im- 
pétueux et  d'illimité  comme  les  rêves 
du  fanatisme.  A  tant  de  sources  d'o- 
riginalité ,  il  faut  joindre  cette  fé- 
conde imitation  delà  poésie  antique, 
qui  nourrissait  la  verve  de  Hilton. 
Homère,  après  la  Bible,  avait  tou- 
jours été  sa  première  lecture,*  il  le 
savait  presque  par  cœur ,  et  l'étudiait 
sans  cesse.  Aveugle  et  solitaire ,  ses 
heures  étaient  partagées  entre  la 
composition  poétique  et  le  ressou- 
venir toujours  entretenu  des  grandes 
beautés  d'Isaïe,  d'Homère,  de  Pla- 
ton ,  d'Euripide.  11  avait  fait  ap- 
prendre à  ses  filles  à  lire  le  grec  et 
l'hébreu;  et  l'on  sait  que  l'une  d'el- 
les, long-temps  après,  récitait  de  mé- 
moire dés  vers  d'Homère  qu'elle  avait 
ainsi  retenus  sans  les  comprendre. 
Chaque  jour  Milton,  en  se  levant,  se 


MIL 

faisait  lire  ira  chapitre  de  la  Bibîe 
hébraïque  ;  puis  il  travaillait  à  son 
poème,  dont  il  dictait  les  vers  à  sa 
femme  ,  ou  quelquefois  à  un  ami,  à 
un  étranger  qui  le  visitait.  La  mu- 
sique était  une  de  ses  distractions  ; 
il  touchait  de  l'orgue ,  et  chantait 
avec  goût.  Au  milieu  de  cette  vie  sim- 
ple et  occupe^,  le  Paradis  perdu ,  si 
long-temps  médité,  s'acheva  promp- 
te meut.  A  i 'époque  de  la  peste  de 
i6o5  ,  Milton ,  qui  avait  quitté  Lon- 
dres, lit  voir  à  Elwood,  jeune  qua- 
ker ,  son  admirateur  et  son  ami ,  une 
copie  complète  de  son  ouvrage,  qui 
était  alors  partagé  en  dix  chants. 
Deux  ans  après,  il  le  vendit  pour 
trente  livres  sterling ,  payables  à  des 
conditions  qui  indiquaient  la  dé- 
fiance de  l'éditeur.  Le  manuscrit  du 
poème ,  soumis  à  l'épreuve  d'une  cen- 
sure minutieusement  tyrannique,n'en 
sortit  pas  sans  difficulté.  Un  docteur 
Tomkyns,  chargé  de  cet  examen,  vou- 
laitabsolurnent  supprimer  le  passage 
admirable  et  tout  poétique  où  Mil- 
ton, faisant  allusion  à  une  croyance 
superstitieuse  de  l'antiquité ,  compa- 
re la  splendeur  obscurcie  de  Satan 
à  V éclipse  du  soleil  qui  jette  un  si- 
nistre crépuscule  sur  une  moitié  de 
la  terre ,  et  trouble  les  monarques 
de  la  crainte  des  révolutions.  Enfin 
l'ouvrage  parut;  et  ce  poème,  deve- 
nu l'orgueil  de  l'Angleterre  ,  n'obtint 
d'abord  aucun  succès.  Le  nom  de 
l'auteur  lui  était  défavorable.  Le  sujet 
qu'il  avait  choisi,  attirait  peu  l'atten- 
tion. Les  amis  du  trône  et  des  lois 
repoussaient  le  défenseur  fanatique 
du  régicide.  Les  hommes  voluptueux 
et  légers  qui  peuplaient  la  cour  de 
Charles,  les  beautés  célèbres  amusées 
par  les  vers  galants  ou  satiriques  des 
Rochester  et  des  Waller,  et  par  les 
comédies  licencieuses  de  Wicli 
ne  pouvaient  éprouver  que  du  de 


MIL 

et  de  l'ennui  pour  un  sujet  si  grati 
et  un  poème  si  triste.  Le  frivole 
athéisme,  qui  avait  succède  aux  fu- 
reurs des  puritains ,  l'élégante  cor- 
ruption qui  était  alors  une  mode  et 
presque  un  devoir,  jetaient  une  sorte 
de  dérision  sur  des  chants  religieux  ; 
et  le  poète  avait  contre  lui  les  pré- 
ventions du  vice  comme  celles  de  la 
vertu.  Samuel  Johnson  ,  d'ailleurs 
sévère  pour  Milton,  a  voulu  prouver 
qu'on  avait  exagéré  la  froideur  de 
i  "accueil  que  reçut  le  Paradis  perdu  : 
il  allègue  le  suffrage  de  Drydcn  ,  qui 
s'en  déclara  l'admirateur  ;  mais  ,  en 
dépit  de  ce  suffrage  ,  le  génie  de  Mil- 
ton fut  méconnu  par  le  public ,  et  son 
poème  resta  sans  lecteurs.  Mil  ion 
poursuivit  ses  travaux  ,  et  publia  , 
quelques  années  après  ,  un  abrégé 
de  F  histoire  d! Angleterre ,  remar- 
quable par  la  simplicité;  et  la  tra- 
gédie de  Samson  ,  mêlée  de  chœurs, 
à  l'imitation  de  l'antiquité.  On  sent 
dans  cette  pièce  que  le  poète  aveugle 
et  malheureux  se  met  involontaire- 
ment à  la  place  de  son  héros,  et 
souffre  de  toutes  les  douleurs  qu'il 
exprime.  C'est  lui-même  qu'il  repré- 
sente captif,  pauvre,  aveugle,  et  jouet 
de  ses  ennemis.  Milton  avait  eu  la 
pensée  de  mettre  en  tragédies  un 
grand  nombre  de  traits  de  l'histoire 
sainte.  La  tragédie  de  Samson  fait 
peu  regretter  qu'il  n'ait  pas  suivi  ce 
dessein  :  elle  manque  à -la -fois  de 
régularité  et  de  mouvement  dramati- 
que. C'est  une  longue  déclamation, 
ou  brillent  quelques  éclairs  de  génie, 
lie  ne  reparaît  plus  dans  le 
Paradis  reconquis,  poème  en  qua- 
tre (liants  ,  que  Milton  composa 
comme  une  suite  à  son  grand  ou- 
vrage, et  qui  tomba  d'abord  dans 
l'oubli  profond  où  il  est  resté.  Milton 
revint  alors  à  ses  travaux  d'érudition 
et  à  sa  passion  puiir  la  controverse. 


MIL  G7 

L'année  qui  précéda  sa  mort,  il  pu- 
blia une  logique  nouvelle  d'après  la 
méthode  de  Kamus  ,  et  un  traiîé  sur 
la  vraie  religioji ,  l'hérésie,  la  to- 
lérance et  sur  les  moyens  de  préve- 
nir les  progrès  du  papisme.  Ainsi 
cette  passion  de  controverse  qui  avait 
possédé  sa  jeunesse ,  le  suivit  jusqu'à 
sa  dernière  heure  ;  et,  ce  qu'il  y  a  de 
plus  sublime  dans  l'enthousiasme  et 
de  plus  gracieux  dans  l'amour  ,  sa 
peinture  du  Ciel  et  de  PEden,  semble 
luire  comme  un  rayon  passager  sur 
cette  vie  toute  plongée  dans  les  noirs 
débats  de  la  scolastique  et  de  la  guerre 
civile.  Milton,  dans  la  dernière  année 
de  sa  vie  ,  réunit  et  publia  quelques 
poèmes  de  sa  jeunesse,  et  quelques 
lettres  écrites  en  latin.  Il  mourut  le 
10  novembre  1674  >  a  l'âge  de  65 
ans.  Cette  année,  parut  une  seconde 
édition  du  Paradis  perdu,  avec  quel- 
ques changements  laissés  par  l'au- 
teur ,  et  une  division  nouvelle  en 
douze  livres.  L'ouvrage  fut  imprime' 
de  nouveau  en  1678,  et  commença 
dès-lors  à  devenir  plus  populaire;  il 
trouva  quelques  célèbres  admira- 
teurs. En  1688,  on  en  publia  une 
nouvelle  édition  sous  les  auspices  de 
Sommers  ;  et,  quelques  années  après, 
Addison  prouva  méthodiquement , 
dans  le  Spectateur,  ce  que  beau- 
coup de  gens  commençaient  à  soup- 
çonner, c'est-à-dire  que  Milton  était 
un  génie  auquel  d  n'avait  manqué  que 
le  climat  et  la  langue  d'Homère.  11 
montra  même  que  les  grandes  idées 
de  la  religion  lui  avaient  donné  une 
nouvelle  espèce  de  sublime  ,  qui  sou- 
vent le  place  au-dessus  de  tout  paral- 
lèle; et  il  osa  dire  que,  si  l'on  refusait 

rage  le  nom  de  poème 
que,  il  faudrait  l'appeler  un  pi 
divin.  L'Angleterre ,  si  orgueilleuse 
de  tout  ce  qu'elle  produit ,  se  vanta 
de  son  Milton  comm  Sfaaks- 


fiS 


MIL 


peare.  Cet  enthousiasme,  justifie  par 
de  ve'ritabLes  beautés  ,  ne  lit  que  s'ac- 
croître. Un  écrivain  écossais ,  Lau- 
der ,  eut  la  maladresse  et  la  mauvaise 
foi  d'accuser  Milton  de  plagiat,  eu 
produisant ,  à  cote  de  quelques  vers 
que  ce  grand  poète  avait  imités  du  jé- 
suite allemand  Masenius  ,  d'autres 
vers  extraits  d'une  traduction  latine 
du  Paradis  perdu  (  V .  Lauder  et 
Masen  ).  L'Angleterre  se  souleva 
d'indignation  :  le  faussaire  fut  so- 
lennellement convaincu  ;  et  l'on  ad- 
mira plus  que  jamais  le  génie  ori- 
ginal de  Mïlton.  Il  est  certain  que 
Milton  ,  dont  l'imagination  était 
nourrie  par  une  immense  lecture  ,  a 
jeté  dans  son  poème  une  foule  d'imi- 
tations et  de  souvenirs.  De  même  que 
l'on  peut  remarquer  dans  Homère 
une  connaissance  singulière  de  tous 
les  objets  naturels  ,  Milton  possédait 
au  plus  haut  degré  la  science  des 
livres,  et  il  y  puise  quelquefois  sans 
réserve  et  sans  goût;  mais  il  n'en 
reste  pas  moins  un  génie  créateur. 
Les  idées  de  l'homme  sont  si  peu 
variées  ,  que  l'originalité  n'est  pres- 
que toujours  que  l'expression  la  plus 
heureuse  et  le  sentiment  le  plus  vif 
de  ce  qu'ont  éprouvé  les  autres  hom- 
mes. D'ailleurs  ,  il  ne  faut  pas  s'y 
tromper,  les  premières  notions,  du 
sujet  choisi  par  Milton  étaient  de 
son  temps  une  des  idées  les  plus 
communes  et  les  plus  familières  à 
tous  les  esprits.  Le  puritanisme  re- 
ligieux et  politique  en  avait  fait 
un  objet  perpétuel  d'allusions.  Les 

f)oètes  latins,  qui  s'exerçaient  dans 
es  collèges  et  dans  les  cloitres  s'y 
trouvaient  naturellement  conduits. 
Que  Grotius  ,  que  Taubmannus  , 
aient,  avant  Milton  ,  pesamment  ef- 
fleuré quelques  parties  de  son  su- 
jet, ce  sujet  n'en  est  pas  moins  de- 
venu la  conquête  exclusive  du  grand 


MIL 

pbete  qui  l'a  saisi  et  pénétré  tout 
entier  ;  et  autant  il  était  avant  lui 
vulgaire  et  rebattu  ,  autant  il  est  de- 
venu, sous  sa  main  ,  sublime. et  nou- 
veau. Ainsi  considéré,  ce  sujet  paraî- 
tra le  plus  grand  que  l'imagina  lion 
ait  eu  jamais  à  choisir  :  il  a  pour 
premier  caractère  d'embrasser  l'in- 
térêt, non  pas  d'une  famille  ou  d'un 
peuple,  mais  de  l'humanité  entière; 
sorte  de  grandeur  que  l'imagination 
ne  trouve  dans  aucune  autre  épopée. 
Addison  a  tort  de  vouloir  admirer 
Milton  par  les  règles  et  l'autorité 
d'Aristote.  Ce  qui  constitue  le  Pa- 
radis perdu,  c'est  précisément  le  dé- 
faut de  ressemblance  avec  tout  mo- 
dèle connu.  Tandis  que  les  autres 
poèmes  sont  fondés  sur  le  mélange 
du  merveilleux  et  de  l'historique  ,  le 
poème  de  Milton  ne  sort  pas  un  inti- 
ment des  vastes  limites  du  merveil- 
leux chrétien.  Soit  que  le  poète  ha- 
bite les  ténèbres  ou  la  lumière  de  ce 
monde  mystérieux,  il  faut  que  tout 
ce  qu'il  raconte  soit  créé  par  l'ima- 
gination ,  et  soutenu  par  elle.  Le 
travail  de  son  esprit  ,  dans  ce  sujet 
tout  idéal ,  ressemble  à  ce  qu'il  a  lui- 
même  admirablement  décrit,  au  vol 
fantastique  de  Satan  à  travers  les  es- 
paces du  vide.  Un  essor  si  périlleux 
n'est  pas  à  la  vérité  sans  chute  et 
sa  us  écarts.  Les  défauts  du  chantre 
du  Paradis  perdu  sont  grands  ,  et  le 
lecteur  français  doit  en  être  plus  bles- 
sé qu'aucun  autre.  Ce  n'est  pas  que 
Milton  présente  fréquemment  des 
traits  de  ce  naturel  bas  et  effréné  qui 
heurte  dans  Shakspeare.  Sa  muse 
savante  et  mystique  toucherait  plu- 
tôt à  l'autre  extrémité  du  mauvais 
goût.  Shakspeare,  dans  les  élans  de 
son  génie,  tire  parti  de  son  ignorance. 
Il  invente  hors  des  règles  et  des  faits 
qu'il  ne  sait  pas.  Il  paraît  d'autant 
plus  neuf  qu'il  est  plus  inculte.  C'est 


MÏ:V 

au  contraire  d'un  amas  de  science  1 1 
de  souvenirs  que  Milton  fait  jaillir 
son  originalité.  Il  est  d'autant  plus 
neuf  que  son  imagination  chargée  de 
naissances  a  fermenté  par  i'étu- 
I  qu'elle  invente  au-delà  de  tou- 
tes les  pensées  humaines  qui  lui  sont 
présentes.  Mais  l'abus  est  à  coté  de 
cette  richesse  :  des  suppositions  bi- 
zarres et  superflues,  de  fastidieux 
détails  de  géographie,  de  mytholo- 
gie, des  subtilités  de  controverse;  ça 
<  î  là  d'insipides  plaisanteries  ;  quel- 
quefois une  foule  d'expressions  tech- 
niques et  un  défaut  absolu  de  poésie: 
voila  ce  qui  obscurcit  le  génie  de 
Milton  ,  et  diminue  le  ravissement 
qu'inspire  d'abord  son  magnifique 
ouvrage. Quoi  qu'eu  dise  l'ingénieux 
Addison  y  l'idée  de  rapetisser  les 
démons  pour  les  faire  siéger  à  l'aise 
dans  une  espèce  de  parlement  infer- 
nal est  une  ridicule  fiction  ;  et  l'épou- 
vantable fiction  du  péché  et  de  la 
mort,  renferme  plus  d'horreur  que 
de  génie.  La  Mort ,  qui  lève  la  tête 
pour  respirer  l'odeur  des  cadavres 
futurs, est  une  atrocité  anglaise,  sur- 
ch  irgée  de  mauvais  goût  italien.  Les 
auges  révoltés  tirant  du  canon  dans 
le  ciel,  Dieu  prenant  un  compas  pour 
circonscrire  l'univers  ,  les  diables 
changés  en  serpents  pour  siffler  leur 
chef,  sont  des  inventions  plus  capri- 
cieuses que  grandes.  On  ne  peut  nier 
non  plus  que  Milton  ne  soit  médio- 
crement  inspiré  dans  le  langage  qu'il 
prête  à  Dieu  ,  et  qu'il  ne  le  fasse 
souvent  dogmatiser  en  théologien. 
Enfin  ,  et  ce  défaut  paraîtra  plus 
grave,  sou  poème,  qui  n'offre  que 
deux  personnages  réels,  el  qu'un  seul 
événement  humain  ,  ce  poème  ,  sou- 
tenu à  fuir-  tombe  au  dixiè- 
me chant,  aussitôt  après  la  déso- 
béissancedu  premier  tomme; et  les 
deux  derniers  livres  ne  sont  qu'une 


MIL 

dé  lamation fatigante ,  mêlée  de  traits 
admirables.  Peut-être  aussi  manque- 
t-il  au  poète  anglais  quelque  chose 
qui  n'a  été  donné  qu'aux  heureux 
génies  de  la  Grèce  et  de  l'Italie,  et 
qui  ressemble  à  l'horizon  limpide  et 
pur  dont  ils  étaient  environnés. 
Peut-être  dans  ses  mains  la  Ivre  hé- 
braïque apesantie  par  les  cieux  mo- 
notones du  nord  rend-elle  des  sons 
plus  tristes  et  plus  sourds.  El  toute- 
fois quels  jets  de  lumière  ,  quelle  poé- 
sie de  l'Orient ,  brillent  à  travers  ces 
nuages  ,  et  les  colorent  d'un  éclat  cé- 
leste !  On  a  souvent  admiré  qu'un 
poète  d'un  génie  si  fier  et  si  sombre 
ait  excellé  dans  les  peintures  gra- 
cieuses. Cette  alliance  des  images 
douces  et  terribles  n'est  pas  cepen- 
dant particulière  à  Milton.  C'est  le 
caractère  même  de  l'inspiration  poé- 
tique :  c'est  la  source  de  l'intérêt  et 
delà  variété.  Depuis  Homère  jusqu'au 
Dante,  depuis  le  Tasse  jusqu'à  Ra- 
cine ,  l'ame  du  vrai  poète  a  toujours 
mêlé  ces  tons  divers.  Mais  comme 
jamais  les  contrastes  ne  furent  plus 
marqués  ,  jamais  l'art  du  poète  n'é- 
tonna davantage.  Toutefois  ce  n'est 
pas  dans  la  description  même  de 
l'Éden  que  Milton  se  montre  le  plus 
admirable.  Ses  images  ne  semblent 
pas  saisies  d'original  sur  le  modèle 
vivant  delà  nature,  pour  être  en- 
suite élevées  par  l'imagination  jus- 
qu'à l'idéal  :  il  décrit  d'après  les  li- 
vres. Cette  fois,  sa  mémoire  le  gène 
au  lieu  de  l'enrichir.  Le  délicieux 
Eden  est  pour  lui  la  vallée  d' limita, 
témoin  des  larmes  de  Proserpinc  ;  et 
les  fleurs  de  la  poésie  antique  e;i  font 
toute  la  parure.  Mais  Adam  el  Eve, 
leur  nature  fragile  et  presque  divine, 
leur  amour  qui  fait  une  partie  de 
leur  innocence  ,  l'inexprimable  nou- 
veauté de  leurs  sentiments  et  de  leur 
langage  )  cette  création  til  toute  au 


7o  MIL 

poète  anglais  :  la  muse  épique  n'avait 
rien  inventé  de  semblable.  Maigre  le 
génie  de  Virgile  et  les  pleurs  dont 
saint  Augustin  s'accuse,  Didon  mou- 
n'égale  pas  ce  tableau  chasie 
et  passionne',  i /amour  conjugal  re- 
tracé par  Homère ,  n'atteint  pas  à 
cette  pureté  sublime.  Ici  la  passion 
est  la  verdi  même,  et  la  volupté 
semble  un  des  biens  célestes  que 
l'homme  a  perdus.  Confident  du  char- 
me prodigieux  attaché  à  de  telles 
images,  Milton  a  su  varier  et  prolon- 
ger les  scènes  d'un  drame  si  admira- 
blement simple.  Il  ne  lui  suffit  pas 
d'avoir  montré  dans  l'éclat  de  leur 
beauté ,  dans  l'innocence  de  leur 
tendresse ,  ces  deux  créatures  nou- 
velles ;  il  ne  lui  suffit  pas  d'avoir 
achevé  ce  tableau  de  pureté,  de  gloire 
et  de  bonheur,  par  le  contraste  d'un 
témoin  invisible  échappé  de  l'enfer, 
et  tout  ensemble  jaloux  et  presque 
attendri  de  la  félicité  qu'il  vient 
détruire.  Après  avoir  fait  succéder 
à  ces  couleurs  naïves  cl  gracieuses , 
les  gigantesques  images  du  combat 
céleste ,  et  le  spectacle  sublime  de 
la  création,  le  poète,  dans  le  récit 
que  le  premier  homme  fait  à  l'ange 
Raphaël, ramène  la  peinture  d'Adam 
et  d'Eve,  sortant  des  mains  du  créa- 
teur :  il  arrête  lentement  l'imagina- 
tion charmée  sur  ce  premier  amour 
naissant  avec  la  vie;  et  il  semble 
recueillir  avec  un  soin  religieux  tou- 
tes les  (races  du  suprême  bonheur 
qui  va  disparaître.  Ce  fatal  dénoue- 
ment du  poème  lui  inspire  encore 
des  images,  non  plus  animées  d'une 
grâce  majestueuse  comme  l'inno- 
cence ,  mais  embellies  d'une  grâce 
touchante ,  comme  la  faiblesse  unie 
à  la  beauté.  Bien  ne  surpasse  en  pa- 
thétique la  douleurd'Ève  coupable, et 
le  pardon  mutuel  des  deux  époux.  On 
raconte  que  le  poète  a  consacré  dans 


MIL 

cette  scène  un  trait  de  sa  vie ,  sa  re'- 
conciîialion  avec  sa  première  fem- 
me. Le  génie  n'est  jamais  mieux  ins- 
piré que  par  les  sentiments  dont  il  a 
sonffèrt.  Milton,  d'ailleurs,  ne  s'in- 
terdit pas  des  allusions  plus  directes 
à  lui-même  et  à  ses  malheurs  :  l'in» 
vocation  à  la  lumière  que  ses  yeux 
ne  voient  plus  ;  la  prière  à  Uranie  , 
pour  qu'elle  daigne  visiter  sa  demeu- 
re solitaire ,  et  inspirer  ses  chants 
dans  la  nuit  •  le  morceau ,  si  poéti- 
que ,  où  il  se  représente  tombé  dans 
de  mauvais  jours,  parmi  des  lan- 
gues mauvaises ,  entouré  de  périls 
et  de  ténèbres  ,  seul  et  redoutant  le 
destin  d'Orphée ,•  toutes  ces  digres- 
sions forment  une  des  plus  grandes 
beautés  du  Paradis  perdu  ,  et  l'une 
de  celles  qui  rapprochent  le  plus  de 
notre  nature,  ce  poème  trop  conti- 
nuellement idéal.  Ce  n'est  pas  que 
dans  l'invention  des  personnages  sur- 
naturels ,  Milton  n'ait  montré  une 
grande  profondeur  de  génie,  et  sur- 
tout qu'il  ne  prête  à  leurs  discours 
une  admirable  éloquence,  et  une  vé- 
rité relative,  telle  que  l'imagination 
peut  la  concevoir.  Satan  est  un  des 
chefs-d'œuvre  de  l'invention  poéti- 
que. Ce  réveil  de  l'orgueil  foudroyé, 
ce  désespoir  incapable  de  remords, 
cet  amour  du  mal  accepté  pour  con- 
solation et  pour  vengeance,-  enfin, 
l'hypocrisie,  dernier  trait  d'une  ame 
infernale  ,  forment  un  tableau  subli- 
me d'horreur  et  de  génie.  Quel  que 
soit  le  peu  d'intérêt  qui  s'attache  a 
tant  d'autres  êtres  fantastiques, dont 
Milton  cravonne  des  portraits  arbi- 
traires ,  la  plupart  de  ces  portraits, 
comme  types  d'une  passien  ou  d'un 
vice  ,  sont  d'admirables  allégories  • 
et ,  malgré  les  deux  vers  de  Boileau , 
qui  s'appliquent  si  bien  à  Milton  : 

El  quel  objet  enfin  h  préseï  t«>r  aux  yp"*  i 

Que  le  diabe  Loujou»  luulaut  contre  les  cieux  I 


MIL 

il  faut  avouer  que  dans  ces  discours 
infernaux  l'expression  poétique  est 
portée  à  un  degré  de  force  et  d'éner- 
gie qu'aucune  langue  n'a  peut-être 
égalé.  Un  écrivain  célèbre  reproche 
à  M  il  ton  de  n'avoir  pas  complété 
l'image  de  l'enfer,  en  mettant  la  di- 
vision et  la  guerre  parmi  les  anges 
rebelles,  comme  l'a  fait  Klopstock 
dans  une  belle  fiction  de  sa  Afesnade. 
Mais  dans  le  plan  du  poème  anglais, 
rien  n'est  pins  terrible  que  cette  con- 
corde du  cri  aie  :  elle  accroît  l'hor- 
reur des  lieux  qu'il  habite.  Mil  ton 
avait  approché  ces  niveleurs ,  qui 
couvrirent  de  sang  l'Angleterre  ;  il 
avait  vu  ces  âmes  obstinées ,  féi  oces 
avec  fanatisme ,  profondément  unies 
par  la  haine:  il  les  avait  vues,  et 
l'empreinte  en  restait  sur  son  génie  ; 
elle  se  communiquait  involontaire- 
ment à  ses  tableaux ,  et  mêlait  à  tou- 
tes les  images  de  terreur  et  d'effroi,  la 
fureur  unanime  et  l'invariable  com- 
plicité d'une  faction.  Les  ressources 
que  le  poète  a  d'ailleurs  puisées  dans 
son  génie  pour  peindre  le  séjour  in- 
fernal, sont  au  rang  des  plus  éton- 
nants efforts  de  l'imagination  hu- 
maine. Un  critique  anglais  a  dit  que 
Milton  avait  connu  sa  force  en  choi- 
sissant un  sujet  où  l'esprit  ne  peut 
rien  hasarder  de  trop,  et  où  l'excès 
est  impossible.  En  effet ,  voyez ,  au 
premier  chant ,  les  voûtes  de  l'abîme 
s'ouvrir ,  et ,  à  travers  les  ténèbres 
visibles,  Satan  apparaître  sur  l'étang 
de  feu,  avec  la  splendeur  éclipsée 
d'un  archange.  Jamais  poète  n'a  osé 
dès  l'abord  saisir  l'imagination  par 
de  si  grandes  fictions.  Cet  enthou- 
siasme anime  tout  le  premier  chant  ; 
il  se  soutient  dans  le  second  par  l'é- 
loquence et  la  variété  des  diséours. 
Il  devient  plus  merveilleux,  (tans  la 
iption  du  voyage  de  Satan  à 
travers  le  chaos,  l'une  des  inven- 


MIL  5 1 

tions  où  l'emploi  de  la  langue  hu- 
maine paraît  le  plus  étonnant  j 
l'inspiration  s'élève  et  monte  à  son 
plus  haut  degré  ,  en  approchant 
dÉden,  où  le  beau  feu  du  poèie  s'é- 
pure sans  s'affaiblir,  et  jette  une  si 
douce  lumière.  Si  les  autres  parties 
du  poème  égalaient  les  einq  premiers 
chants ,  si  ces  ailes  de  feu  soutenaient 
toujours  le  poète,  l'imagination  n'au- 
rait rien  produit  de  plus  grand  çpie  le 
Paradis  perdu;  et  quelles  que  soient 
les  langueurs  et  les  disparates  qui  se 
fassent  sentir  daus  le  reste  de  l'ou- 
vrage ,  il  y  règne  encore  un  genre  de 
beauté  qui  r  ichète  toutes  les  fautes  : 
c'est  le  sublime.  Nul  poète,  depuis 
Homère  ,  n'a  eu  plus  de  ce  vrai  su- 
biime,  qui  consiste ,  soit  dans  la  ma- 
gnificence et  la  splendeur  des  ima- 
ges, soit  dans  le  plus  haut  degré  de 
grandeur  et  de  simplicité  réunies. 
Sans  doute  les  livres  saints  ouvraient, 
à  Milton  une  source  abondante  et  fa- 
cile ;  mais  il  semble  plutôt  inspiré 
qu'enrichi  par  ce  qu'il  emprunte  ;  et 
l'on  voit  que  son  génie  tendait  natu- 
rellement au  grand  et  au  sublime. 
Sous  ce  rapport ,  le  Paradis  perdu 
fournirait  des  exemples  pour  un  trai- 
té tel  que  celui  de  Longin.  Comme  ic 
style  ne  se  sépare  point  du  génie 
même  de  l'écrivain  ,  on  conçoit  sans 
peine  les  différants  caractères  de  ce- 
lui de  Milton  :  il  est  hardi ,  nouveau , 
majestueux,  excessivement  p«u  Ûque, 
quelquefois  d'une  extrême  simplici- 
té ,  et  quelquefois  bizarre  ,  pénible  et 
prosaïque.  La  recherche  des  termes 
vieillis, l'imitation  des  tours  hébreux 
et  helléniques  lui  donnent  quelque 
chose  d'antique  et  de  solennel,  qui 
convient  a  l'inspiration  du  barde  su- 
cré. Les  règles  a  utgaires  du  lai 
y  sont  parfois  violées.  Notre  lan 
clit  kAaisovi y  fléchissait  sous  son  gé- 
nie j  et  Joluis'm  va  jusqu'à  dire  qiuj 


7«  MIL 

du  mélange  de  tous  les  idiotisrm 
étrangers  qu'il  emprunte  ,  Mil- 
tou  s'est  forme  une  espèce  de  dia- 
lecte babylonien  :  mais  ce  dialecte 
est  celui  d'un  homme  de  génie;  il 
abonde  en  expressions  d'une  inimi- 
table énergie,  et  quoique  modifié  sur 
le  modèle  des  langues  étrangères,  il 
tient  aux  racines  de  la  langue  an- 
glaise, qui  nulle  part  ne  paraît  plus 
pompeuse  et  plus  forte.  Cette  in- 
fluence des  langues  anciennes  se  fait 
sentir  aussi  dans  la  versification  de 
Hilton,  non-seulement  par  la  sup- 
pression de  la  rime  ,  liberté  que  la 
mesure  et  l'accent  du  vers  anglais 
favorisent,  mais  surtout  parles  cou- 

Î)es  suspendues ,  les  mots  rejetés , 
es  longues  périodes  ,  et  une  marche 
généralement  conforme  au  vers  grec 
et  latin.  Ces  caractères  étaient  as- 
sortis à  son  sujet  ;  et  l'absence  même 
de  la  rime  que  Pope  lui  reprochait  , 
semble  donner  à  son  poème  un  tour 
plus  fier  et  plus  libre.  Les  Anglais 
ont  loué  son  harmonie  ;  et  l'on  peut 
remarquer  souvent  dans  ses  vers  un 
soin  curieux  de  tempérer  Pâprele'  des 
sons  anglais  par  des  noms- propres 
d'origine  italienne.  Un  critique  ha- 
bile (1)  Jui  reproche  cependant  d'a- 
voir manqué  souvent  à  cette  harmo- 
nie première  et  véritable,  qui  repro- 
duit dans  les  sons  le  caractère  des 
idées,  et  qui  est,  pour  ainsi  dire, 
l'accent  de  la  pensée.  On  aperçoit , 
dans  le  Paradis  perdu  ,  des  traces 
fréquentes  de  fatigue  et  de  négli- 
gence ,  qui  peuvent  expliquer  ce 
défaut  particulier,  dont  un  étran- 
ger n'est  pas  juge.  Ce  n'est  pas  en 
vain,  sans  doute,  que  le  poète,  aveu- 
gle et  malheureux  se  plaignait  d'être 
engourdi  par  le  froid  du  climat  et 


(0  Rambler,  v.  3. 


MIL 

Il  avait  commence  tan 

grand  ouvrage  :  il  se  hâtait  de  finir  j 
et  quand  l'inspiration  lui  manquait , 
il  laissait  tomber  ses  vers ,  que  son 
siècle  n'examinait  pas.  Voltaire  fut 
le  premier  qui  lit  connaître  en  France 
le  poème  de  Milton  :  il  le  jugea  avec 
son  goût  exqiiis  et  moqueur;  et  il  en. 
traduisit  quelques  vers,  du  style  d'un 
poète.  Dupré  de  Saint-Maur,  long- 
temps après,  fit  paraître  une  tra- 
duction en  prose  du  Paradis  perdu. 
Le  sageRoflin,  sur  cette  version  in- 
complète, mais  élégante,  conçut  pour 
le  poète  anglais  une  admiration  qu'il 
a  exprimée  dans  le  Traité  des  étu- 
des. Racine  le  fils ,  qui  d'abord  avait 
mis  en  vers  faibles  quelques  passa- 
ges de  la  traduction  de  Dupré-Saint- 
Maur,  sentit  le  besoin  d'étudier  le 
poète  dans  sa  langue  ;  et  ce  travail 
produisit  une  traduction  du  Paradis 
perdu  ,  qui  est  fidèle  ,  écrite  avec 
goût,  et  accompagnée  de  notes  ins- 
tructives. D'autres  traductions  esti- 
mables ont  paru  de  nos  jours  ; 
mais  le  monument  qui  a  naturalisé 
parmi  nous  la  gloire  et  le  génie  du 
poète  anglais ,  c'est  la  traduction  en 
vers  de  Jacques  Delille.  Nulle  part 
Delille  n'a  montré  un  plus  riche 
et  plus  heureux  naturel  ,  plus  d'o- 
riginalité ,  de  chaleur  et  d'éclat.  Les 
négligences ,  les  incorrections  mê- 
me ,  abondent ,  il  est  vrai  ,  dans 
cet  ouvrage  ,  écrit  avec  autant  de 
promptitude  que  de  verve.  Le  ca- 
ractère antique  et  simple  de  l'Ho- 
mère anglais  disparaît  quelquefois 
sous  le  luxe  du  traducteur.  Ce  n'est 
pas  toujours  Milton  :  mais  c'est  tou- 
jours un  poète.  La  Vie  de  Milton 
a  été  écrite  en  anglais  par  Philips 
son  neveu  ,  par  le  célèbre  Johnson, 
et  plus  récemment  par  Hailey.  On 
attribue,  sans  fondement  peut-être, 
à  Mirabeau  un  écrit  sur  Milton  , 


MIL 

publié  en  1791  >  et  qui  n'est  qu'un 
pamphlet  démagogique,  cl  une  apo- 
logie assez,  peu  voilée  du  régicide. 
L'auteur  y  traduit ,  par  fragmente, 
les  traités  politiques  de  Miltou  ,  qu'il 
propose  à  l'admiration.  Malgré  le 
pëdautisme  du  style ,  et  l'absurdité 
fréquente  des  raisonnements,  ils  sont 
en  eilët  remarquables  par  un  tour 
mâle  et  vigoureux.  Ou  conçoit  à 
toute  l'orée  que  le  génie  violent  et 
passionné  qui  les  écrivait,  soit  de- 
venu ie  sublime  auteur  du  Paradis 
perdu.  Mais  la  postérité,  laissant  ees 
diatribes  dans  l'oubli  qu'elles  mé- 
ritent, ne  cherche  Milton  que  dans 
son  poème,  qui  lait  un  éternel  hon- 
neur à  l'esprit  humain.  Les  oeuvres' 
de  Milieu  eontiennent  encore  ,  sous 
le  titre  de  Papiers  d'état,  le  recueil 
des  lettres  diplomatiques  qu'il  rédi- 
gea comme  secrétaire  du  parlement 
1  Protectorat  :  et  quoique  celte 
correspondance  ne  renferme  guère  , 
suivant  l'usage ,  que  des  mensonges 
officiels  expri mes  cette  fois  en  beau 
latin ,  elle  n'est  pas  sans  intérêt  pour 
l'histoire  ,  et  fait  connaître  l'audace 
altière  et  l'activité  qui  caractérisaient 
ie  despotisme  de  Gromwell  (  1  ).  V-n. 


(1)  Il  existe  do  ParadUperdu quatre  traductions 
en  prose  ,  et  cinq  en  vers.  Les  traductions  eu  prose 
sont:  10.  de   Dupré  de  Sauyt-Maur  ^  '  .   Roismo- 

KANI)  ,  V,  •->.>.,  et  DUPKK  Dl  ,  XII  , 

3l4);2°-  de  L.  Racine,  1705,  '<  vol.  in-ia,  plus 
littérale  et  moins  élégante  que  celle  de  Dupré;  3«.  de 
M.  Mosnerou,  1786,  3  vol.  iu-i»  ;  17*8,3  vol.  iu- 
80.  ;   ,-(,(,,  9  vol.  in  8t..;   ,«,..-,,  a  vol.  in-80.  ,  port    ut 

le  titre  de  seconde  édition,  paix-  que  le  traducteur 
ne  ccmple  pas  les  éditions   cl-    1786  et  1788 
cette  de  ML  Saignes  ,  1807,  in-8».  Les  traductions  eu 

1  .  10.   de  H.   M.    1  .r  ,y  v  mort  en   '"7'i  )  , 
<  ,  >.  vol.  in-80.;  ao.  J,.  li     ulalou     /      I 
Ï.ÀTON  ,  III  ,63l  )j  io.  de  Delill.  ;  .',o    ,  VEsprii  de 
Milton,  un  traduction  en  vei  •  perdu 

I  àutroche  )  ,  1808,  in  80      >.  W  Pa- 
radis perdu,  traduction    nouvelle  et   corna 

u  .)■  S  A.  Delatonr  de  Perues  ,  ibi3  ,  in-80. 
Luneau  de  Boisji  riuaui  ■  donné  uue  tradw  tion  ioter- 
lii><  airi  du  Paradis  perdu  ,  dans  sou  Cours  de  langue 
anglaise.  M""  , ,.  un    Uujtution 

«  »  yeii  1  on  ,  i-»i/,  :•!  vol.  in-8o. 

Maizièresa  fait  imprimer  le  Paradis  perdu  ,  en  vers 
français  ,  chant 
■Tj\>  »u-8°-  Oes  fragment*  ont  été  imites  par  Je  due 


MIM  73 

RIIMEimE{  Jacques-Louis  \  a 

loin,  marquis  de),  lieutenant-géné- 
ral, et  membre  de  l'académie  fran- 
çaise, naquit  à  Dijon,  eu  iG.jt),  d  une 
famille  originaire  de  Flandre,  qui 
avait  donné  un  grand  nombre  d'oih- 
ciers  au  parlement  de  Bourgogne  et 
de  chevaliers  à  l'ordre  de  Malte.  Le 
jeune  Mimerne  excitait ,  des  l'âge  de 
dix  ans,  l'étonneinentde  sa  province. 
par  ses  dispositions  pour  la  poésie  : 
son  talent  intéressa  le  grand  Condé, 
qui  le  fil  placer  en  qualité  de  meuiu 
auprès  du  Dauphin,  iils  de  Louis 
XIV,  A  19  ans,  il  prit  part,  en 
qualité  de  volontaire  ,  à  l'expédition 
d'Alger,  devint  mestre-de-camp  ,  et 
sous  -  lieutenant  des  gendarmes  an- 
glais ,  et  s'éleva  enfin  au  gracie  de 
lieutenant  -  générai.  11  avait  acquis 
des  droits  à  cette  distinction  par  sa 
(  onduite  brillante  ,  aux  batailles  de 
Steinkerque,  de  Leuze  ,  de  Fleurus, 
de  Marsaiiie,  de  Kamillics ,  de  Mal- 
piaquet ,  et  aux  sièges  de  Luxem- 
bourg, Philisbourg ,   Frankenlhal, 


d  ■  Nivernais,  dans  ses  Mélanges  ;  par  M.  Henné  t, 
dans  sa  Poétique  anglaise,  el  par  Bontcius  fil 

lis,  V,  146). — Le  Paradis  reconquis,  traduit 
en  prose  ,  par  le  I*.  de  Mari  ail ,  fut  imprima  • 
în-ia ,  et  réimprimé  à  ia  suite  <le  la  trudocl 

perdu  de  L    Racine.  —  L'ouvrage  publ  e  p.^r 
Mirabeau  ,  est  intitule  :  Théorie  de  la  loyauté  ,  d  a- 
près  la  doctrine  de  Milton ,  17;):  ,  i.. 
mière  édition  anonyme  avail  paru  en  1789. 
mus-,  masque  de  Milton,  ren  làteande 

LudJow,  en  i';3'j  ,  etc.,  traduction  littérale  ,  ai  te 
imprimé  I  Paris ,  1819.,  in-4°.  —  C'est  dans  >. 
sur  la  poésie  épique  ,  publie  en  anglais,  en   177.IJ.  et 
traduit  <i   imprime  eu  l'rauçais  au  comnieneem  ni  de 
1 7 •  ■  S ,  que  Vnli.É  r    1  mil 

CONM  ,\\ -,  i\  de  Mafuj  .  1  \,  41)?..  )  M.  de  I  I 
brîand  en  a  parle  plusieurs  fois  ,   dans  ■  n  G 
christ  ianistne ,  secoude  partie, livre  ]''•  cbapilrcH; 
livn    11  ,  ■  bapilre  •  ,  >■(  livre  111 ,  chapitrés  9, 
l/|. —  M.   Mosnerou  a   domié  I  Villon., 

180  i,  iu-80  ,  réimprimée  en  tête  de  l'édil 

duction  publiée  eu  i8o5.  On  doit  à  M.  Iktulard  les 
Vies  de  Milton  et  d'  Iddison,  etc.,  tradiiction  de 
l'anglais  de  S.  Johnson ,  i8ot> ,  a  vol.    in-il     !,■   h.iit 

Jouy,   le  sujet  ai   Milton,  fait  histoi 
un  acte  (  musique  de  Spoutiu  ti   pour  w 

preinii  re  fois  sur  le  ibeatre  de  l'()pérn  comique,  le 
27  iiov.  1804,  Imprimé  iu-80,  Milton  c»t  I.  titre 
d'une  Oli  edollé  (1a  70   du   second  livra 

de  sel  .'  *  )•  A.  Il — T. 


74  MIM 

Mons,  Landau  et  Brisac.  Le  duc  de 
Bourgogne,  dont  il  était  I'aide-dc- 
eamp,  el  qui  lui  continuait  la  bien- 
vrillance  du  dauphin  son  père,  le 
chargea  de  porter  au  roi  la  nouvelle 
de  la  capitulation  de  celte  dernière 
place.  Mimeure  avait  souvent  essaye' 
sa  muse  à  la  louange  de  Louis  XIV 
et  des  princes  du  sang;  il  réussissait 
surtout  dans  les  vers  latins,  qui  trou- 
vaient à  cette  époque  d'assez  nom- 
breux appréciateurs  ,  même  à  la 
cour.  Une  ode  anacréontique  avait 
ouvert  les  portes  de  l'académie  à 
Saiut-Aulaire  :  la  traduction  libre 
en  vers  ,  d'une  ode  d'Horace  (i),  y 
conduisit  également  Mimeure ,  en 
i  707.  Soit  par  modestie,  soit  par  in- 
souciance comme  militaire  ou  hom- 
me de  cour  ,  il  fit  composer  son  dis- 
cours de  réception  par  La  Motte  -y  et 
cependant ,  plus  tard,  il  fut  l'auteur 
du  discours  du  cardinal  Dubois  , 
qu'il  n'était  pas  facile,  ainsi  que  l'ob- 
serve d'Alembert ,  de  faire  parler 
d'une  manière  également  décente 
pour  luf  et  pour  le  corps  littéraire 
dont  ce  trop  fameux  prélat  devenait 
membre.  Le  marquis  de  Mimeure 
mourut  à  Auxonue ,  dont  il  était  gou- 
verneur, le  3  mars  1 7 1 9.  L'imitation 
lyrique  ,  qui  fut  son  titre  à  l'acadé- 
mie, a  été  louée  par  Voltaire,  lequel, 
dans  sa  première  jeunesse,  avait  eu 
des  relations  avec  l'auteur.  Il  y  a  de 
la  facilité;  mais  le  coloris  en  est  fai- 
ble. On  attribue  à  Mimeure  une  tra- 
duction en  vers  ,  peu  connue ,  de 
Y  Art  iC  aimer  d'Ovide.       F— t. 

MIMNJÎRME  ,  poète  et  musicien 
grec  ,  était  originaire  de  Colophon, 
de  Sinyrne  ou  d'Astypalée.  Selon 
Suidas  et  d'après  l'opinion  la  plus 
probable,  il  vivait  du  temps  de  So- 


MIM 

Ion  ou  un  peu  auparavant  (  vers  l'an 
Goo  avant  J. -C.  )  Mimnerme  était 
joueur  de  flûte,  comme  nous  l'ap- 
prend Plu  ta  rque,  et  il  composait  les 
vers  qu'il  chantait.  On  trouve  quel- 
ques notions  sur  ce  favori  des  Muses 
dans  un  passage  d'un  ancien  auteur 
conservé  par  Alhénée.  L'invention 
du  vers  pentamètre  lui  est  attribuée 
ainsi  que  celle  de  l'élégie  :  il  parait 
seulement  certain  que  ce  dernier 
genre  de  poésie,  consacré  jusqu'à  lui 
à  l'expression  de  la  douleur  ,  fut 
adapté  pour  la  première  fois  par  ce 
poète  grec  à  des  sujets  d'amour.  On 
ne  connaît  pas  plus  précisément  l'é- 
poque de  sa  mort,  que  celle  de  sa 
naissance;  cependant  on  sait  qu'il 
vécut  long-temps.  Des  auteurs  de 
l'antiquité  nous  ont  donné  le  nom 
de  plusieurs  des  productions  de  ce 
personnage.  Pausanias  dit  qu'il  com- 
posa un  poème  sur  le  combat  des 
Smyrniens  contre  Gvgès,  roi  de  Ly- 
die. Strabon  en  cite  un  autre  intitulé 
Nanno  :  on  prétend  que  c'était  le 
nom  d'une  jeune  fille  maîtresse  de 
Mimnerme.  De  tout  cela  il  ne  nous 
reste  que  quelques  fragments ,  dont  le 
plus  considérable ,  qui  n'a  que  dix 
vers  ,  a  été  conservé  par  Stobée  dans 
ses  extraits.  Le  fonds  de  cette  petite 
pièce  est  cette  pensée  si  souvent  ré- 
pétée par  les  poètes  :  a  Qu'on  ne  peut 
»  vivre  sans  amour  ,  et  qu'il  faut 
w  mourir  après  que  la  courte  saison 
»  en  est  passée.  »  Grotiusen  a  donné 
une  bonne  version  latine  :  elle  a  été 
traduite  dans  notre  langue.  Mim- 
nerme fut  estimé  des  anciens.  Horace 
le  met,  dans  le  genre  élégiaque,  au- 
dessus  du  célèbre  Gallimaque.  Pro- 
perce dit  de  lui  : 

Plus  in  amore  valet  Mimnermi  versus  Homère. 


,.»  riI  ,   ,     int,       ,  __  Tout  ce  qu'on  a  pu  recueillir  sur 

(.1)  1.11e  *-st  rapportée  dans  lLlojje  ue  Mimeure,       ,r.  *  j         ,  , 

par  d'Aicmbtrt.  Mimnerme,  se  trouve  dans  une  Ion- 


MÎM 

gue  note  de  l'excellente  traduction 
au  Dialogue  de  Plutai  que ,  sur  la  mu- 
sique ,  par  Burette  (  Mém.  de  L'acad. 
des  inscriptions  et  belles  -  lettres , 
tome  x  ).  La  meilleure  édition  que 
nous  ayons  des  fragments  de  cet 
ancien  poète,  est  celle  que  Brunek 
en  a  donnée  dans  ses  Analecta ,  et 
dans  ses  Poëtœ  gnonici,  pag.  68- 
72.  D— -is. 

MINA  (  Le  marquis  de  la  ),  capi- 
taine-général de  la  Catalogne,  gou- 
verna cette  province  pendant  plu- 
sieurs années,  plutôt  comme  un 
souverain  indépendant,  que  comme 
un  sujet  revêtu  d'une  autorité  précai- 
re. Barcelone  lui  a  de  grandes  obli- 
gations- il  nettoya  et  embellit  ses 
ru?s ,  y  construisit  des  édifices  utiles , 
et  augmenta  beaucoup  son  commerce 
et  ses  manufactures,  sans  ajouter  de 
grands  frais  aux  dépenses  ordinaires 
de  la  province.  Il  avait  de  grands 
moyens  et  de  grandes  ressources 
dans  l'esprit.  Il  fit  commencer,  en 
1 75*2 ,  les  bâtiments  de  Barcelonette, 
espèce  de  faubourg  de  la  capitale  de 
la  Catalogne.  C'est  une  ville  réguliè- 
re, consistant  à-peu-près  en  deux 
mille  maisons.  Le  marquis  de  la  Mi- 
na mourut  le  3i  janvier  1  7 68 ,  et 
fut  inhumé  dans  la  ville  qu'il  avait 
fondée.  Z. 

MINANA.  r.MuiiJ 
MINARD  (Antoine  ) ,  célèbre  ma- 
gistrat, était  fils  d'un  trésorier-géné- 
ral du  Bourbonnais;  il  parut  au  bar- 
reau de  Paris  avec  une  telle  distinc- 
tion ,  que  François  Ier.  le  nomma 
avocat    général  à   la   chambre  des 
ptes,  et  l'honora  de  sa  confiance. 
Qt  encore  que  président  aux  en- 
quêtes ,  il  fut  mis  à  la  tête  de  ia  com- 
:  miner  la  con- 
duite du  <  I  Poyet  :  mais  le 
zèle  qu'il  montra  dans  l'instruction 
de  cette  afL 


MIN  75 

tout  homme  impartial;  car  il  ne 
pouvait  pas  ignorer  que  les  biens  de 
la  victime  étaient  promis  d'avance 
au  secrétaire  Bayart,  son  proche 
parent.  (  V.  V histoire  de  France 
par  Garnitr  ,  xin,  j44>  cd.  in-4°.) 
Ses  services  furent  récompenses  par 
une  charge  de  président  à  mortier 
au  parlement;  et,  en  i553,  il  fut 
nommé  curateur  et  principal  conseil- 
ler de  l'infortunée  Marie  Stuart , 
reine  d'Ecosse.  Son  attachement , 
vrai  ou  feint  ,  pour  la  religion  ,  lui 
ht  approuver  toutes  les  mesures  pri- 
ses contre  les  protestants  •  et  l'on 
assure  même  qu'il  ne  les  trouvait 
pas  encore  assez  vigoureuses.  11  fut 
l'un  des  magistrats  chargés  de  faire 
le  procès  à  Anne  du  Bourg  (  Voj'. 
Bourg  ,  V  ,  37 1  )  ;  et  malgré  les  ré- 
cusations multipliées  de  l'accusé  , 
il  continua  de  siéger  parmi  ses  ju- 
ges. Étonné  de  cet  acharnement , 
Du  Bourg  l'avertit  que  s'il  ne  se  dé- 
sistait pas  de  bon  £ré  ,  Dieu  y  pour- 
voirait et  ne  permettrait  pas  qu'il  vît 
la  fin  de  cette  procédure.  Quelque 
temps  après,  sortant  du  palais,  à  la 
nuit  close  ,  Minard  fut  tué  d'un 
coup  de  pistolet,  le  \i  décembre 
i55<).  Personne  ne  douta  que  l'assa- 
sin  n'eût  été  aposté  parles  protes- 
tants :  ira  Ecossais  ,  nommé  Robert 
Stuart,  fut  soupçonné  de  ce  crime, 
et  appliqué  à  la  question  ;  mais  il  ne 
fit  aucun  aveu ,  et  l'on  se  contenta  de 
l'enfermer  à  Vincenncs.  Les  restes 
de  Minard  furent  déposés  dans  l'an- 
cienne église  des  Blancs-Manteaux, 
où  l'on  voyait  son  épitaphe.  Le  par- 
lement rendit  une  ordonnance  por- 
tant qu'a  l'avenir,  les  andiem 

-midi,  depuis  la  Saint-Martin 
jusqu'à  Pâques  ,  s'ouvriraient  à  qua- 
tre  heures.   Celte   ordonnance 
nommée  ta  Minardê,  Le  portrait  do 
Minard  fait  partie  du  Recueil  du 


MIN 

[oncornet.  Mizauld  publia  un  Poè- 
me de  cent  vers  sur  la  mort  de  ce 
magistrat  :  in  violentant  et  atrocem 
cœdem  Ant.  Minardi  prœsidis  in- 
culpatissimi  nœnia,  Paris,  Fred. 
Morel,  i55q?  in- 4°.  W — s. 

MINARD  (Louis- Guillaume), 
fie  la  congrégation  des  prêtres  de  la 
Doctrine  chrétienne,  ne  à  Paris  en 
i  71.)  ,  fui  interdit  pour  ses  opinions 
par  M.  de  Beau  m  ont,  archevêque  de 
Paris  ,  et  se  retira  au  Petit-Berci .  a 
l'extrémité  du  faubourg  Sain t -An- 
toine, où  sa  congrégation  avait  une 
maison.  Là  il  faisait  des  instructions 
familières ,  et  dirigeait  en  secret  plu- 
sieurs personnes.  En  1788  ,  il  quitta 
Berci ,  pour  une  retraite  plus  pro- 
fonde encore.  Il  se  déclara  pour  l'é- 
glise constitutionnelle,  et  devint  curé 
de  Berci ,  et  membre  de  ce  qu'on 
appelait  le  presbytère  de  Paris.  On 
ne  connaît  de  lui  que  Y  Avis  aux 
fidèles  sur  le  schisme,  Paris,  1 796  , 
in-8°.,  et  Supplément  à  V  Avis,  même 
format.  Dans  cet  écrit,  Minard  vou- 
lait que  ,  sans  discuter lacoustitution 
civile  du  clergé,  les  prêtres  des  deux 
opinions  communiquassent  ensem- 
ble, en  attendant  que  l'Église  se  fût 
prononcée;  comme  si  elie  n'eût  pas 
déjà  parlé,  et  qu'il  fût  besoin  d'une 
décision  nouvelle.  Il  fournissait  des 
articles  au  journal  des  Constitution- 
nels (  F,  Guenin)  ;  et  il  prit  beaucoup 
de  part  aux  démarches  faites  après  la 
terreur  pour  nommer  un  successeur 
à  Gobel,  évêque  constitutionnel  de 
Paris.  On  se  plaignit  qu'il  travaillât 
ainsi  à  perpétuer  le  schisme  au  mo- 
ment où  il  semblait  prêcher  la  paix. 
.  Au  surplus  il  ne  vit  pas  ie  succès  de 
ses  soins  ,  et    mourut   le   'l'i    avril 

1  798.  On  trouve  son  éloge  dans  les 
Nouvelles   ecclésiastiques  ,  impri- 
mées à   Utrecht,  année  1798. 
P— c— t. 


MIN 

MINAS  (Le  marquis  de  la  Mina, 
ou  de  las  ) ,  général  espagnol ,  eut 
en  1735,  le  commandement  du 
corps  d'armée  qui  occupait  la  Tos- 
cane. H  se  signala  dans  cette  cam- 
pagne, par  la  prise  de  Porto -Er- 
coie  et  du  fort  de  Mont- Philippe. 
Eu  1739,  il  fut  envoyé  par  le  roi 
d'Espagne  ,  avec  le  titre  d'am- 
ba^a-Jcur  extraordinaire,  à  la  cour 
de  Versailles,  pour  faire  la  demande 
de  Madame  Elisabeth  de  France,  au 
nom  de  l'infant  don  Philippe.  A  cette 
occasion,  il  fut  solennellement  créé 
chevalier  des  ordres  du  roi.  Quatre 
ans  après  en  septembre  1 742)j  iifut 
appelé  ,  à  la  place  du  comte  de  Gli- 
mes,  dont  les  «opérations  militaires 
étaient  désapprouvées,  au  comman- 
dement de  l'armée  espagnole,  en  Sa- 
voie, sous  les  ordres  du  même  infant. 
Las-Minas  y  marqua  son  arrivée  par 
la  prise  du  château  d'Apremont ,  et 
par  une  manœuvre  d'un  succès  com- 
plet; ce  fut  de  jeter  des  ponts  sur  l'I- 
sère, comme  pour  se  porter  sur  Ai- 
guebcile  et  couper  la  retraite  aux 
ennemis.  Ce  coup  effraya  le  roi  de 
Sardaigne,  et  le  détermina  promp- 
tement  à  se  retirer  en  Piémont,  der- 
rière la  ligne  des  Alpes,  qu'il  avait 
fait  fortifier.  Laissant  avancer  les  Es- 
pagnols sur  Chambéri  ,  il  évita  le 
combat ,  évacua  sa  capitale  et  les 
villes  de  Montmélian,  Anneci,  Mou- 
tic  r  ,  Saint  -  Jean  -  de  -  Morienne  ,  et 
exécuta  une  retraite  désastreuse,  pen- 
dant laquelle  le  froid  et  les  maladies 
firent  dans  son  armée  plus  de  ra- 
vages qi.e  i-es  Espagnols.  Ceux  -  ci 
voulurent  forcer  le  passage  du  mont 
Cenis,  pendant  que  la  colonne  fran- 
çaise essayait  de  pénétrer  dans  le 
Piémont  par  les  Hautes  -  Alpes  du 
DaUphiné;  mais  Château  -  Dauphin 
opposa  une  vigoureuse  résistance. 
Las-Minas  fut  d'avis  alors  de  tourner 


MIN 

la  chaîne  des  Alpes  ,  et  de  se  diriger 
par  le  comte  de  Nice  ,  l'état  de  Gènes 
et  le  Mont-Ferrat,  sur  le  Tortonèse 
et  le  Parmesan.  Cependant,  quoique 
approuvé  par  l'infant ,  ce  projet  ne 
fut  pas  goûte  par  le  prince  de  Conti, 
qui  avait  amené  une  armée  française 
au  secours  des  Espagnols; et  il  fut 
arrêté  dans  le  conseil ,  que  l'on  ferait 
de  nouveaux  efforts  pour  forcer  les 
défiles  des  Alpes  ,  maigre  les  for- 
tifications dont  ils  étaient  hérisses. 
La  valeur  française  opéra  des  pro- 
diges :  Château-Dauphin  et  les  bar- 
ricades furent  emportés.  Ce  fut  le 
prélude  de  la  bataille  de  Coui  (  3o 
septembre  1714).  Cependant  Las- 
Minas ,  qui  s'était  porte  sur  San- 
Reino,  avec  l'intention  d'arriver  à 
S. .voue,  fut  rappelé  par  l'infant.  11 
y  eut  entre  les  chefs  quelque  diffi- 
culté de  s'entendre  sur  les  opérations; 
et  il  paraît  que  le  prince  de  Conti 
dirigea  dès-lors  les  mouvements  de 
l'armée  combinée,  et  que  Las- Mi- 
nas n'eut  plus  aucune  part  active 
dans  le  reste  de  la  campagne.  Du 
moins  l'histoire  du  temps  ne  fait 
plus  mention  de  lui  D — g. 

MIND   (  Godefroi   ),    peintre, 
naquit  en    1768,  à  Berne,   où  sou 
père.  Hongrois  d'origine  et  menui- 
sier de  profession,  était  venu  s'éta- 
blir. Le  jeune  Godefroi  s'adonna  au 
dessin  ,  et  se  forma  sous  Freuden- 
berger ,  qui  pourtant  ne  l'employa 
qu'à  l'enluminure  de  ses   Esquissés 
des   mœurs    helvétiques.   Après   la 
mort  de  ce  maître,  Mind  continua 
long-temps  de  travailler  a  la  journée 
la  veuve  ,  ayant  si  peu  d'apti- 
tude 1  acquérir  un  état  indépendant, 
qu'à  peine  il  apprit  à  signer  son  nom. 
î!  dessina  les  jeux,  les  divertissements 
etles  rixes  desenfauts,  imitai- 
succès  Part  de  grouper  de  Freuden- 
bergcr  ;  mais  un  goût  particulier  le 


77 

porta  enfin  à  dessiner  d^  préférence 
des  animaux  ,  ou  plutôt  deux  espi 
d'animaux  :  les  ours  et  les  chats.  Ces 
derniers    surtout   étaient  ses  sujets 
favoris  ;  il  se  plaisait  à  les  peindre 
à  l'aquarelle  dans  toutes  les  attitudes, 
seuls  ou  en  groupe  ,  avec  une   v<  - 
rite  ,  un  naturel ,  qui  n'ont  peut-être 
jamais  été  surpassés.   Ses  tableaux 
étaient, en  quelque  sorte,  des  portraits 
de  chats  ;  il  nuançait  leur  physiono- 
mie doucereuse  et  rusée  ;  il  variait  à. 
L'infini  les  poses  gracieuses  des  petits 
chats  jouant  avec  leur  mère  ;  il  re- 
présentait de  la  manière  la  plus  vraie 
le  poil  soyeux  de  ces  animaux  :  en 
un  mot,  les  chats  peints  par  Mind 
semblaientvivre  sur  le  papier.  Mme^ 
Lebrun  ,   qui  ne   manquait  jamais, 
dans  ses  voyages  en  Suisse,  d'ache- 
ter quelques  dessins  de  ce  peintre, 
l'appelait  le  Raphaël  des  chats.  Plu- 
sieurs souverains  ,  en  traversant  la 
Suisse,  ont  voulu  avoir  des  chats  de 
Mind  ;  les  amateurs  suisses  et  autres 
en   conservent  précieusement  dans 
leurs  portefeuilles.  Le  peintre  et  ses 
chats  étaient  inséparables.  Pendant 
son  travail  ,  sa  chate  fa yo rite  était 
presque  toujours  à  côté  de  lui ,  et  il 
avait  une  sorte  d'entretien  avec  elle. 
Quelquefois  cette  chate  occupait  ses 
genoux;  deux  ou  trois  petits  chats 
étaient  perchés  sur  ses  épaules,  et  il 

it  dans  cette  attitude  des  !.. 
entières  sans  bouger,  de  peur  de  dé- 
ranger les  compagnons   de  sa   soli- 
tude. 11  n'avait   pas  la    même  com- 
plaisance    pour    les     hommes     qui 
venaient  le   voir,    et  qu'il   recevait 
'avec    une    mauvaise    humeur    très- 
marquée.  Mind  n'eut   peut-être  ja- 
mais de  chagrin  plus   profond  que 
lors  du  massacre  général  des  1 
qui  fut  ordonné ,  en   1800,  par  la 
police  de  Berne ,  à  cause  de  ! 
qui  s'était  manifestée  parmi  ces  ani- 


78  MIN 

maux.  Il  sut  y  soustraire  sa  chère 
Minette  en  la  cachant;  mais  sa  dou- 
leur sur  la  mort  de  huit  cents  chats , 
immoles  à  la  sûreté  publique,  fut 
inexprimable,  et  il  ne  s'en  est  jamais 
Lien  console.  Son  second  attache- 
ment était  pour  les  ours.  Il  faisait 
de  fréquentes  visites  à  la  fosse  où  les 
magistrats  de  Berne  entretiennent 
constamment  quelques-uns  de  ces 
animaux,  qui  figurent,  comme  on  sait, 
dans  les  armoiries  de  la  ville.  Il  y 
était  tellement  connu  que,  dès  qu'il 
arrivait ,  les  ours  accouraient  pour 
recevoir  du  pain  ou  des  fruits  de  ses 
mains.  Il  avait  aussi  beaucoup  de 
plaisir  à  examiner  des  tableaux  ou 
des  dessins  qui  représentaient  des  ani- 
maux ;  mais  malheur  aux  peintres 
qui  n'avaient  pas  rendu  ses  espères 
favorites  avec  assez  de  vérité  !  ils 
n'obtenaient  aucune  grâce  a  ses  yeux, 
quelque  talent  qu'ils  eussent  d'ail- 
leurs. Dans  les  soirées  d'hiver  il  trou- 
vait encore  moyen  de  s'occup°r  de 
ses  animaux  chéris,  en  découpant 
des  marons  en  forme  d'ours  ou  de 
chats:  ces  jolies  bagatelles,  exécu- 
tées avec  une  adresse  étonnante  , 
avaient  un  très  -  grand  débit.  Minci , 
petit  de  taille,  avait  une  grosse  tête, 
des  yeux  très  -  enfoncés ,  un  teint 
rouge-brun,  une  voix,  creuse  et  une 
sorte  de  ralement  ;  ce  qui  joint  à 
une  physionomie,  sombre,  produi- 
sait un  effet,  repoussant  sur  ceux  qui 
le  voyaient  pour  la  première  fois.  Il 
est.  mort  à  Dense ,  le  8  novembre 
j  81 4-  ®a  a  parodié  assez  plaisam- 
ment pour  lui ,  les  vers  de  Catulle 
sur  la  mort  d'un  moineau  : 

Lti§et«  ,  o  fêles  ,  itrsique  lr°ete , 
MorVuus  est  vobis  umicus  ; 

et  un  autre  vers  d'un  ancien  : 

Felibus  alr/iic  unis  jîelilis  occidtt. 

D— G. 


MIN 

MINELL  (Jean), philologue,  néâ4 
Rotterdam  ,  en  1 6.25  ,  professa  les 
humanités  avec  succès  ,  et  devint 
recteur  du  collège  de  cette  ville  ,  où 
il  mourut,  en  l683.  11  a  donné  des 
éditions  des  classiques  latins,  des- 
tinées principalement  aux  élèves,  et 
qui  ont  servi  de  modèle  au  P.  Jou- 
vanci  :  i!  les  a  accompagnées  de  no- 
tes courtes  et  souvent  puériles,  pour 
faciliter  l'intelligence  du  texte;  mais 
Leclerc  lui  a  reproché  d'y  avoir  omis 
beaucoup  de  choses  essentielles,  et 
même  de  s'être  trompé  quelquefois 
dans  ses  interprétations  (F*.  Leclerc, 
Ars  critica,  ire  partie,  ch.  if  parag. 
5).  Les  Editions  de  Minell  les  plus 
connues  sont  celles  qu'il  a  données 
de  Virgile,  Salluste,  Justin.  Florns, 
Cicéron  (  Epîlres  familières  ) ,  Ho- 
race, Ovide,  Yalère-Maxime ,  etc. 
Elles  ont  eu  une  grande  vogue  en 
Allemagne  ,  ou  Carpzov ,  Cellaiïus  , 
Juncker,  Walch,  etc.,  en  ont  pu- 
blié sur  le  même  plan  •  mais  on 
paraît  les  avoir  abandonnées.  On 
doit  encore  à  Minell  une  Traduction 
de  Térence  ,  en  hollandais,  avec  le 
texte  en  regard,  Rotterdam  ,•  i6G3  , 
in-8°.  W— s. 

MINGARELLI  (Ferdinand),  sa- 
vant théologien  ,  était  né  à  Bologne 
eu  1724*  Après  avoir  terminé  ses 
éludes ,  il  entra  dans  l'ordre  des  Ca- 
maldules,  et  fut  chargé  d'expliquer 
l'Écriture  sainte  dans  les  maisons  de 
Ravenne  et  ensuitede  Rome.  Le  grand- 
maître,  Franc.  Ximénès  de  Taxada, 
ayant  obtenu  l'érection  d'une  univer- 
sité à  Maîte,  le  P.  Mhigarelli  y  fut 
appelé  commeprofesseur  de  théolo- 
gie. L'affaiblissement  de  sa  santé 
l'obligea  de  repasser  en  Italie,  après 
quelques  années  d'absence  :  il  donna 
cependant  des  leçons  de  grammaire 
et  de  belles-lettres  à  Faenza ,  où  il 
mourut,  le  21   décembre  1777;  à 


MIN 

l'âge  de  cinquante-trois  ans.  Il  était 
membre  de  l'académie  des  Arcadiens. 
On  a  de  lui  :  I.  Fersi,  Bologne,  1 754. 
II.  Vêlera  monument  a  ad  cLissem 
ÏUivenuatem  nuper  eruta ,  Faenza , 
1  ^56 ,  in-4°-  Ce  volume  contient  des 
notes  de  Mauro  Faliorioiet  de  Bian- 
chi.  III.  Felerum  testimonia  de  Di- 
djmo  Alexandrin1)  ccpco,  et  qui- 
bus  très  libri  de  Trinitate  nuper  de- 
'tectieidrmasseruntur,  Rome,  1 764, 
gr.  in  4°.  (  V.  Didyme,  XI,  33a.) 
On  doit  joindre  acet  ouvrage  un  sup- 
plément (  AddilamenUim ,  etc.  ), 
contenant  la  réponse  à  une  critique 
anonyme,  publiée  dans  la  Gazelle 
littéraire  de  l'Europe.  IV.  Epistola 
qud  Cl.  Nicolai  Celoiii  emendatio 
xi- xvi  Matthœi  cap.  1,  rejicienda 
cstendiiur.  Cette  lettre,  insérée  d'a- 
bord dans  la  Nuovaraccdia  Calo- 
gerana  ,  a  été  réimprimée  séparé- 
ment avec  des  additions,  Rome,  1764, 


-f*9 


in-.y 


W- 


MINGARELL1  (Jean-Louis),  sa- 
vaut  bibliographe,  frère  aîné  du  pré- 
cédent,  naquit  a  Bologne,  en  1722. 
Il  entra  dans  la  congrégation  des  cha- 
noines réguliers  de  Saint-Sauveur, 
et  en  remplit  successivement  les  pre- 
miers emplois.  Ses  talents  l'ayant  fait 
connaître,  il  fut  appelé  à  Rome  et 
chargé  d'enseigner  la  littérature  grec- 
que au  collège  de  la  Sapiencc  :  il  em- 
ploya ses  loisirs  à  visiter  les  princi- 
pales bibliothèques,  et  il  en  tira  des 
ouvrages  importants,  dont  la  publi- 
cation lui  fit  beaucoup  d'honneur 
1  eux  des  personnes  en  état  d'ap- 
précier les  difficultés  de  ce  genre  de 
travail.  L'élude  et  ses  devoirs  parta- 
nt sa  vie.  Il  mourut  à  Rome,  en 
1793  grands  sentiments  de 

pieté.  On  lui  doit,  comme  éditeur  : 
LcsComm<  tnnotationeslit- 

1  du  P.  Ma  ri  ni , 
;l  va  ajoute  des 


MIN  79 

explications  nouvelles  sur  les  Psau- 
mes qui  font  partie  de  la  liturgie  ro- 
maine, et  une  vie  de  l'auteur,  dont 
Tiraboschi  loue  l'exactitude.  —  Fe- 
teru/n  Palrum  latinorum  opuscula 
nunquàm  anlehac  edila ,  Bologne  , 
17JI.  Ces  opuscules  sont  précédés 
de  notices  par  l'éditeur,  et  suivis  de 
remarques  pleines  d'érudition,  dont 
plusieurs  appartiennent  au  P.  Trom- 
belii  (  F",  ce  nom). — Anecd  otorum 
fascicuius ,  sive  J.  Paulini  Nola- 
ni,  Anonymi  scripioris ,  Alani  ma- 
gni  ac  Theophylacli  opuscula  ali- 
(jiiot,  nunc  primant  edila,  etc.,  Ro- 
me, 1 7 66,  g r.  i n - 4 ° . — Episl olai\° 
sœculo  conj'icta  et  à  Basilic  Masno 
sœpiàs  commémorât  a-,  etc.,  insérée 
dans  la  Nuov.  raccokaCaiogerana, 
rom.  xxxiii.  On  a  en  outre  du  P. 
Mingarelli  :  I.  Sopra  un  opéra  iné- 
dit a  d'un  antico  theologo  Lettera, 
etc.,  Venise,  1763,  in- 12,  et  dans 
la  Raccolla  Calogerana,  loin.  xi. 
L'ouvrage  dont  il  s'agit  est  un  traité 
sur  la  Trinité,  que  Mingarelli  croit 
du  onzième  siècle.  On  trouve  l'ana- 
lyse de  sa  dissertation  dans  le  Jour- 
nal de  Bouillon,  janvier  1766.  II. 
G  ne  ci  codices  manuscrip  l  i  apud  Na  - 
niospalricios  Venelos  asseivati  ,Bo  - 
logne,  1784, in  4°-  lll.ASgyptiorum 
codicum  reliquice  Veneliis  in  fiiblio- 
ihecd  Naniand  asseivalœ  ,  ibid. , 
1785,2  pari.,  in-|().  Ces  catalogues 
sont  estimés  et  recherchés  des  sa- 
vants. W — s. 

MINI  AN  A  (JosErn  -Emanuel), 
né  à  Valence,  en  Espagne,  le  i5  oc- 
tobre 167 1 ,  perdit  sa  mère  de  bonne 
heure  ,  et  fut  élevé  durement  hors  de 
la  maison  paternelle.  Il  fil  cependant 
.ses  études  chez  les  Jésuites;  et 
les  avoir  terminées  à  l'âge  de 
neuf  ans,  il  entra  dans  l'on! 

•  :i\  de  la  Rédemption  des  cap- 
tifs. 11  fut  envoyé  a  Naj 


MIN 


MIN 


resta  sept  ans,   s'occupant  de  la     même  volume).  IV.  Debello  rustico 

Valentino  libri  très,  laTIayc ,  1 7.5^ , 


langue  latine  et  de  la  peinture;  a  son 
retour  en  Espagne,  il  professa  la 
langue  latine  pendant  quatre  ans  à 
Liria,  et  autant  de  temps  à  Mur- 
viedro  (autrefois  Sagonte).  Il  laissa 
dans  le  couvent  de  cette  dernière 
ville  deux  tableaux  de  sa  composi- 
tion, qui  sont  places  sur  le  maître- 
autel.  En  1 704,1!  fut  appelé  à  Valence 
pour  enseigner  la  rhétorique  ;  et  en 
prenant  possession  de  sa  chaire  ,  ii 
prononça  un  discours  De  revocandd 
eloquentid.  Dégoûte  de  ses  fonctions, 
il  donna  sa  démission  qu'on  n'ac- 
cepta point;  ce  qui  ne  l'empêcha  pas 
d'y  renoncer.  11  se  livra  tout  entier 
à  son  goût  pour  l'histoire,  et  au 
projet  qu'il  avait  formé  de  continuer 
l'ouvrage  de  Mariana  sur  l'Espagne  : 
il  en  avait  déjà  composé  dix  livres, 
lorsqu'il  mourut  à  Valence,  le  27 
juillet  1780,  étant  alors  pour  la  troi- 
sième fois  supérieur  de  son  couvent  ; 
il  avait  été  deux  fois  visiteur  de  son 
ordre  dans  la  province  d'Aragon. 
Miniana  était  doué  d'une  grande 
mémoire  ;  il  savait  par  cœur  presque 
tous  les  livres  de  la  Bible,  et  toutes 
les  comédies  de  Plante.  On  a  de  lui  : 
I.  La  continuation  (en  dix  livres, 
et  jusqu'à  l'année  1600,  c'est-à- 
dire  jusqu'aux  premières  anmvs  de 
Philippe  III  ),  clc  Y  Histoire  d'Es- 
pagne de  Mariana.  Cette  continua- 
tion, imprimée  d'abord  en  latin  dans 
l'édition  latine  de  Mariana,  ï  ^33 ,  4 
tomes  en  2  volumes  in-folio,  a  été 
traduite  en  espagnol,  et  imprimée  dan  s 
l'édition  espagnole  d'Anvers,  1 737 - 
3q,  16  volumes  in-T 2.  II.  De  thea- 
tro  Sagimtino  dialogns  (  imprimé 
pour  la  iie.  fois  dans  le  tome  v  du 
Supplément  de  Poléni  aux  Antiqui- 
tés grecques  et  romaines  de  Grono- 
vius).  III.  De  circi  antiquitate  et 
ejus  structura,  dialogus  (dans  le 


in-8°.,  avec  une  bonne  carte  du 
royaume  de  Valence.  C'est  la  rela- 
tion des  événements  qui  eurent  lieu 
dans  cette  contrée,  eu  170.5  et  an- 
nées suivantes,  pendant  la  guerre  de 
lasuccession.  G.  Mayans,  quien  avait 
envoyé  le  manuscrit  eu  Hollande,  y 
joignit  une  préface,  qui  contient  quel- 
ques détails  sur  la  vie  de  l'auteur.  V. 
Cinq  lettres,  imprimées  dans  le  se- 
cond livre  des  Epistolarum  libri  sex 
(r.MAYANs,XXVH,(H  1).  Il  avait 
composé  un  ouvrage  intitulé  :  Sa- 
gunteïda,  po'èma  de  Sagunti  excidio; 
nous  ignorons  s'il  a  été  imprimé. 
A.  B— t. 

MINION  (  Abraham  )  ou  M1N- 
JON.  V.  Mignon. 

MINOS.  V.  Mignaut. 

M1NOT  (George-Richard),  ma- 
gistrat américain,  né  à  Boston,  en 
17.58,  parut  au  barreau  en  1 781  ; 
mais,  par  l'effet  de  la  délicatesse  de 
ses  organes  ,  il  se  borna  ensuite  à  la 
profession  d'avocat  consultant ,  où  il 
se  fit  une  grande  réputation.  De  1 781 
à  1792,  il  remplit  ,  avec  honneur, 
la  place  de  secrétaire  de  la  chambre 
des  représentants.  Il  publia,  en  1788, 
Y  Histoire  de  l 'insurrection  de  la 
province  de  Massachusselts ,  qui  à 
été  assimilée  à  la  Conjuration  de  Ca- 
lilina,  par  Salluste.  Il  fut  successi- 
vement membre  de  l'académie  amé- 
ricaine des  sciences  et  arts  ,  en  1 789, 
l'un  des  premiers  membres  de  la 
société  historique  de  Massachusetts  , 
juge  des  testaments  pour  le  comté 
de  Suffolk  en  1  792 ,  premier  juge  de 
la  cour  des  plaids-communs  en  1 799, 
et  seul  juge  d'un  nouveau  tribunal 
criminel  à  Boston  ,  en  1 800.  Il  fut 
l'un  des  principaux  fondateurs  de  la 
société  charitable  contre  les  incen- 
dies ,  dont  il  était   président  à  sa 


MÎN 

•nort  arrivée  en  1802.  On  a  publié 
le  deuxième  vol.  de  son  Histoire  de 
l'insurrection  de  Massachusetts.  On 
a  aussi  de  lui  quelques  discours  pu- 
blics. F.  son  éloge  (  Char  acier  of  G. 
R.  Minot ,  Esq.  ,  etc.  ),  dans  le  Re- 
cueil  de  la  société  hist.  de  Massachu- 
setts ,  180 1 ,  vin,  86.  L. 

MINTO  (  Sir  Gilbert  Elliot  , 
lord-comte  ) ,  de  l'ancienne  et  puis- 
sante famille  Elliot ,  établie  dans  le 
midi  de  L'Ecosse  ,  qui  a  produit  des 
hommes  d'état  distingués  (1)  et  de 
grands  capitaines  (  V.  Elliot,  XII , 
21  ),  était  (ils  de  sir  Gilbert  Elliot, 
et  d'Agnès  Murray  Knynynmound  , 
héritière  de  Melgund ,  etc.  Gilbert 
Elliot ,  né  le  23  avril  1 75 r  ,  com- 
mença son  éducation  dans  la  maison 
paternelle ,  et  la  termina  dans  une 
université  d'Angleterre.  Sa  famille 
le  fit  inscrire  dans  un  corps  mili- 
taire ,  où  il  obtint  le  grade  de  capi- 
taine ,  même  avant  d'avoir  atteint 
l'âge  de  dix  ans  ;  il  voyagea  ensuite 
sur  le  continent.  En  1774  ■>  il  fut  élu 
m  embre  de  la  chambre  des  communes 
d'Angleterre,  et  entra  au  parlement 
au  moment  où  le  gouvernement  pre- 
nait la  résolution  de  soumettre  par 
la  force  les  colonies  américaines. 
La  chambre  était  loin  d'être  una- 
nime sur  ce  point  :  M.  Elliot ,  quoi- 
que d'une  famille  de  whigs  ,  ne  dé- 
buta pas  dans  la  carrière  politique  , 
en  favorisant  la  rébellion  des  colo- 
nies ,  et  en  se  réunissant  à  l'aristo- 
cratie whig  de   l'opposition.    Son 


MIN 


81 


Gilbert  Elliot,  premier  baron  d«  Miato,  sc.n 

;    |  1,11  ii.  1  lord*  le  aord 

lord  justice  clerk  ;  il  i  [ail  an  rifi 

1  ■■  ■    .  uces    dej    .1 itrs.   Son 

ul  il  i  g|  qui  stion  dam 
tinction  les  places  de   lord  de 
'    la  chambre,  garde  d 
■  i  de  la  marine.  Wilkei  l'atta- 
qua av.-  Vorth  Briton;  niaii  tel 
était  le  i                                    ,  Gilbert  Elliot,  que  l  ■ 
•atirique 
J'avoir  nul  aux                           iduUBUtraltoa. 

XXIX. 


père  ,  alors  vivant ,  était  du  parti 
qu'on  appelait  les  Amis  du  roi  , 
paroe  qu'on  supposait  qu'ils  étaient 
prêts  à  sacrifier ,  dans  tous  les  temps, 
leur  propre  opinion  et  tous  leurs 
amis,  aux  volontés  du  prince.  Subju- 
guer par  la  force  des  armes  les  co- 
lonies révoltées  paraît  avoir  été  une 
mesure  chère  à  George  III,  beau- 
coup plus  encore  qu'à  aucun  de  ses 
ministres  ;  et ,  par  suite  ,  les  Amis 
du  roi  (i),  furent  les  promoteurs 
les  plus  actifs  de  toutes  les  mesures 
qui  devaient  amener  les  Américains 
à  se  soumettre  ou  à  se  déclarer  en 
rébellion  ouverte,  et,  dans  ce  dernier 
cas  ,  attaquer  les  révoltés  avec  une 
force  telle  ,  qu'elle  dût  les  écraser  en 
peu  de  temps.  Sir  Gilbert  Elliot  fit 
preuve  d'une  habileté  digne  de  son 
père#,  eu  défendant  les  opérations 
des  ministres  ;  mais  ces  derniers  fu- 
rent loin  de  le  seconder.  Ils  se  mon- 
trèrent tous  les  jours  plus  faibles  et 
plus  irrésolus  :  aussi  se  virent-ils  suc- 
cessivement abandonnés  de  tous  leurs 
adhérents,  qui  renforçaient  les  rangs 
de  l'opposition  ;  ce  qui  entraîna  en- 
fin la  retraite  de  lord  North  et  de  ses 
amis.  Sir  Gilbert  Elliot,  qui  s'était 
réuni  à  l'opposition  avant  cette  re- 
traite ,  fut  un  des  défenseurs  de  la 
nouvelle  administration  ,  composée 
soit  de  ces  whigs  qui  avaient  formé 
un  parti  sous  les  auspices  du  céièbre 
William  Pitt ,  comte  de  Chatham , 
et  dont  la  plupart  avaient  des  prin- 
cipes inclinant  à  la  démocratie  ,  soit 
des  restes  du  grand  corps  aristo- 
cratique qui  gouverna  l'état  sous  les 
Walpole  et  les  Pelham.  L'ancien  et 
exclusif  ascendant  des  whigs  sembla 
renaître  ;  mais  la  mort   du  duc  de 


{i)  Ou  distinguait ,  dam  la  pai  ti  di 
:  d     Vlaoafield  ,  lord  » 

grnt  ,  lord  Uirriiigtoii ,   lord  Mendip  ,  le   couita  da 
Livwuool ,  *ir  Gilb«rl  Elliot,  aie. ,  «te. 


MIN 

Roekingham  rompit  bientôt  celte 
confédération.  Il  en  résulta  une  coa- 
lition entre  les  partis  de  Fox  et  de 
North,'lcs  whigs  aristocratiques  et 
les  toris  de  l'opposition ,  à  laquelle 
sir  Gilbert  Elliot  adhéra  ,  et  dont  il 
partagea  le  triomphe  passager.  A  la 
chute  du  ministère  de  la  coalition , 
Elliot  lui  resta  fidèle,  et  s'attira  ainsi 
l'estime  que  méritait  une  si  noble 
conduite.  Il  prit  une  part  active  aux 
discussions  de  toutes  les  matières 
qui  furent  soumises  au  parlement 
par  le  parti  de  la  coalition^  et  sur- 
tout à  celle  qu'on  appela  intérêts  de 
l'Inde ,  et  qui  amenèrent  la  dissolu- 
tion de  ce  parti.  Les  amis  de  sir 
Gilbert  Elliot,  persuades  que  ses 
vertus  et  la  connaissance  parfaite 
qu'il  avait  des  devoirs  et  des  formes 
parlementaires,  le  rendaient  éminem- 
ment propre  à  remplir  le  poste  d'o- 
raleurdela  cliambredes  communes, 
essayèrent  de  l'y  faire  nommer  •  mais 
ses  adversaires  empêchèrent  que  ce 
projet  ne  réussît.  Toulon  s'étant 
rendu  aux  Anglais  ,  et  la  flotte  fran- 
çaise qui  se  trouvait  dans  ce  port 
ayant  été  détruite,  les  habitants  de 
l'île  de  Corse  proposèrent  de  se 
mettre  sous  la  protection  de  la 
Grande-Bretagne.  Sir  Gilbert  Elliot 
fut  l'un  des  commissaires  désignes 
pour  en  prendre  possession.  Il  prêta 
serment  comme  conseiller-privé,  le 
%5  septembre  1793;  et  lorsque  les 
Français  eurent  rendu  Bastia,  Calvi 
et  les  autres  places  fortifiées  ,  le  roi 
accepta  la  souveraineté  de  la  Corse  , 
et  nomma,  le  19 juin  179  +  ,  sir  Gil- 
bert Elliot,  son  vice-roi.  Celui-ci  pré- 
sida, en  cette  qualité,  l'assemblée  gé- 
rale  des  Corses  ,  ('ans  laquelle  fut 
adopté  un  code  de  lois  constitution- 
nelles ,  assez  analogue  à  celui  de 
la  Grande  -  Bretagne.  Sir  Gilbert 
Elliot  approuva   cette  constitution 


MIN 

au  nom  de  son  souverain  ;  et,  dans 
un  discours  plein  de  sagesse  et  de 
dignité  ,  il  recommanda  aux  Corses 
de  se  conformer  aux  lois  qu'ils  a- 
vaient  adoptées  ,  et  de  vivre  tran- 
quilles sous  leur  empire.  Pendant 
quelque  temps  il  fut  obéi  ;  mais  ,  en 
1  79O,  les  triomphes  des  Français  en 
Italie  encouragèrent  leurs  partisans. 
Des  insurrections  eurent  lieu  ;  et 
enfin  le  vice-roi  fut  obligé  d'aban- 
donner ce  pays.  Il  arriva  en  Angle- 
terre en  1797  :  le  roi  récompensa  sa 
conduite  ,  en  le  créant,  le  :i6  octobre 
de  la  même  année,  pair  de  la  Grande- 
Bretagne  ,  sous  le  titre  de  lord  baron 
Minto  ;  et  pour  rappeler  les  services 
qu'il  avait  rendus  pendant  sa  courte 
administration  de  la  Corse ,  il  eut 
la  permission  de  joindre  les  armes 
de  cette  île  à  celles  de  sa  famille 
pendant  quelque  temps  il  se  borna  à 
remplir'  les  fonctions  de  conseille) - 
privé  et  de  membre  de  la  chambre- 
haute.  Mais  ,  en  1799,  les  circons- 
tances difficiles  dans  lesquell. 
trouvait  l'Europe,  exigeant  un  am- 
bassadeur qui  réunît  à  beaucoup  de 
talents  et  d'expérience  une  discrétion 
éprouvée,  Lord  Minto  fut  choisi  à 
celte  époque ,  pour  remplir  à  Vit 
le  poste  diplomatique  le  plus  inté- 
ressant et  le  plus  épineux.  Après  s'ê- 
tre acquitté  de  cette  mission  ,  Minto 
de  retour  en  Angleterre ,  déploya 
une  grande  éloquence  dans  la  eîiam- 
bre-haute,  en  faveur  de  la  réunion 
de  l'Irlande  :  quand  cette  union  fut 
décrétée  ,  il  s'opposa  cependant  à 
l'émancipation  des  catholiques  irlan- 
landais  ,  quoique  ce  lut  dans  l'espé- 
rance de  l'obtenir  ,  qu'une  partie 
considérable  du  peuple  d'Irlam 
donné    son   consentement   tacite   à 


(OOn   sait  qu'ellps   figuraient  déj:i   dans!'. 
britannique  ,  il'où  elles   furent  relraju 
avec  les  iuïiK  . 


MIN 

cette  union.  Lors  îgociatioris 

pour  la  paix  d'Amiens  ,  lord  Minto 
fut  du  nombre  de  ceux  qui  pensaient 
que  les  préliminaires  el  le  traite  lui- 
même  ne  présentaienl  iran- 
ties  suffisantes  pour  le                  '.'une 
longue  paix,  en  Europe.  11  crut  de- 
voir ,  eu  conséquence  ,  s'opposer  à 
sa  conclusion.  En  1806,  on  le  nom- 
ma président  du  bureau  du  contrôle 
pour  les  a                                 •  ,  en 
1807  ,  gouverneur -général  du  JJen- 
i  qu'il  conserva  jusqu'au 
1 8  novembre  1 8 1  3  :  il  fut  alors  rem- 
placé par  lord  Moira,  depuis  mar- 
quis   d'Histings.    Ce    lut    sous    sou 
L'nement epue  l* Angleterre!  fit  la 
conquête  de  Java  et  des  autres  éta- 
blissements hollandais  dans  l'Inde. 
la   prise  de  Batavia,  il  reçut 
du  ministère  anglais  l'ordre  de  pro- 
voquer la  sortie  de  tous  les  Hollan- 
dais ,  et  d'abandonner  ceux  qui  se 
refuseraient  à  quitter  File ,  lors  de  la 
remise  qu'il  devait  en  faire  au  prince 
du  pays,  sous  la  réserve  d'un  com- 
merce privilégié  en  faveur  de  l'An- 
gleterre. Mais  ,  sur  les  représenta- 
tions qui  lui  furent  faites  ,  qu'une 
grande  partie  des  propriétés  serait 
perdue  ,  et  que  les  habitants  qui  res- 
teraient se  trouveraient  à  la  discré- 
tion des  Malais  ,  lord  Minto  prit  sur 
lui  de  ne  pas  exécuter  les  ordres  de 
son  gouvernement  ,  et  d'en  attendre 
de  nouveaux.  Revenu  en  Angleterre  , 
il  vit,  en  février  181 3  ,  : 
récompensés  par  son  élévation  aux 
•Ue  de  Minto  et  de 
lie  Melgund.  il  fut  peu  question 
de  lui  ,  jusqu'à  sa  mort ,  arrivée  le  2  1 
juin  181.4.  Son  (ils  aîné,  aujourd'hui 
(1820)  pair  de  laGi               Lagne, 
a  suc 

MINUCGIO  •     ,   savant 

prélat,  né  en  1 
la  mardi  - 


MIN 


8 


du  pape  Clément  VIII,  qui  l'In- 
de sa  bienveillance,  et  le  nomma  à 
l'archevêché  de  Zara.  Il  fut  employé 
dans  toutes  les  négociations  relatives 
aux  Uscoqucs,  troupe  d'aventuriers 
qui  s'étaient  emparé* ,  vers  1 5 40 ,  de 
Segna  ,  ville  de  la  Croatie  ,  et  en 
avaient  fait  leur  place  d'armes.  Ce 
prélat  mourut  eu  160  j,  dans  un  âge 
peu  avancé.  Le  plus  connu  de  ses 
ouvrages  est  la  Storia  de  l\U  Us- 
cocchi  cou  i  progrès  si  di  (jiiella  gen- 
te  sino  alï  anno  i(5o.>,.  Le  célèbre 
Frà  Paolo  Sarpi  continua  cette  his- 
toire jusqu'à  l'année  \6it),  et  la  fit 
imprimer  à  Venise,  tn-4°.  Il  en  pu- 
blia une  nouvelle  édition  en  161-7  , 
in- 8°.,  avec  un  Supplément  :  elle  a 
été  traduite  en  français  ,  par  Amelot 
de  lailoussaye,  Paris,  i(38'2,  in-12; 
cette  traduction  forme  le  tome  111 
de  Y  Histoire  du  gouvernement  <le 
Venise,  Amsterdam,  i-joj.  {V. 
àmelot,II,  36.)  Les  Uscoques, 
ainsi  nommés  de  l'italien  scoco 
(transfuge)  ,  étaient  des  réfugiés  de 
la  Dalmalie  ,  qui  ne  vivaient  que  du 
iroduit  de  leurs  pirateries  et  de  leurs 

la 
existait  entre 
l'Autriche  et  les  Vénitiens  ,  pour  se 
fortifier,  et  désolèrent  pendant  long- 
temps les  sujets  des  deux  puissances , 
dont  une  seule  aurait  suHi  pour  les 
détruire  dans  quelques  jours.  Ou  a  en- 
core de  Minuccio  ,  la  i  ic  de  Suinte. 
Augusta  (de  Serravalle) ,  vierge  et 
martyre;  elle  a  e'té  insérée  dans  le  Sup- 
plément de  Surius ,  et  clans  les  Bol- 
landisles  ,  au  27  mars  , avec  un 

I  des  notes;  —  Storia  del  niar- 
tirio  délia  legione  Tebeu  ■ 
dici  n  ù;  —  De  Tari 

—  i 
ru  m  i 
Ces  derniers  01 

-s. 
13.. 


brigandages.   Us    prolifèrent  de 
mésintelligence    qui 


84  MIN 

MINUTIANUS  (  Alex  au  due  ) , 
littérateur  et  imprimeur  à  Milan,  au 
quinzième  siècle,  naquit  à  San-Sc- 
vero,  ville  de  la  Pouille ,  vers  i4-5o. 
Il  vint,  encore  jeune,  à  Venise,  et  y 
étudia  sous  G.  Merula,  qu'il  suppléa 
plusieurs  fois,  et  qui  lui  procura  en- 
suite la  place  de  précepteur  des  en- 
fants de  B.  Calchi,  premier  secré- 
taire-d'état du  duc  de  Milan.  L'édu- 
cation de  ces  enfants  était  achevée 
lors  de  la  mort  de  François  Pozzuolo 
(PuteolamiSj  en  français  Du  Puits), 
professeur  de  belles-lettres  aux  éco- 
les Palatines  de  Milan,  arrivée  en 
1 489.  Minutianus  fut  choisi  provi- 
soirement pour  le  remplacer;  mais 
ce  ne  fut  qu'en  1  4q  i  qu'il  reçut  sa  no- 
mination de  Ludovic-Marie  Sforce , 
alors  régent  par  suite  de  son  usurpa- 
tion, et  depuis  duc  de  Milan.  Minu- 
tianus  n'était  encore  que  précepteur 
clans  la  maison  de  Calchi  ,  lorsqu'il 
fit  imprimer  à  ses  frais ,  chez  A.  Za- 
rotti,  une  édition  d'Horace,  ifôô, 
in-fol.  Neuf  ans  après,  il  donna ,  tou- 
jours à  ses  frais ,  une  édition  de  Tite- 
Live ,  i49^  ,  in-fol. ,  et  s'occupa  en- 
suite d'une  édition  des  œuvres  réunies 
de  Cicéron.  Ce  fut  l'édition  princeps 
des  œuvres  complètes  de  l'orateur 
romain  (  V.  Cicéron  ,  VIII ,  5/,8  ). 
Tous  les  ouvi-açes  qu'elle  contient , 
avaient  déjà  ete  imprimes  séparé- 
ment. Minutianus  n'eut  donc  pas  la 
gloire  que  M.  Aimé  Guillon  lui  attri- 
bue ,  de  donner  la  première  édition 
du  traité  De  Oratore.  L'édition  in- 
4°.  sans  date,  dans  la  souscription 
de  laquelle  on  lit  :  Alexander  Minu- 
tianus impressit,  ne  peut  être  que 
postérieure  à  1498;  car  le  premier 
volume  des  Ciceronis  opéra ,  daté  de 
cette  année,  porte  le  nom  des  frères 
Guillaume  Signere  ou  Signerre  ,  de 
Rouen;  le  second  ,  qui  porte  le  nom 
de  Minutianus,  est  daté  de  novembre 


MIN 

1Î98;  les  deux  derniers  sont  sans 
date.  Ainsi  ce  ne  fut  que  postérieu- 
rement au  commencement  de  1498, 
que  Minutianus  fut  imprimeur.  Le 
traité  De  Oratore,  avait  été  imprimé 
au  moins  trente  ans  auparavant;  il 
en  existe  une  édition,  avec  la  date  de 
1468,  à  Rome,  chez  Ulric  Han  , 
in-4°  ;  et  l'on  a  toujours  cru  que  l'é- 
dition sans  date  l'avait  précédée  (  V. 
VIII,  54'*  )•  On  ne  peut  guère  dou- 
ter que  Minutianus  n'ait  été  impri- 
meur. L'imprimerie  était  dans  sa 
maison;  et  on  lit  sur  ses  livres  tan- 
tôt :  Minutianus  impressit  ;  tantôt  : 
Industrie  Minutiani;  tantôt  :  Apud 
Minutianum.  Ces  deux  dernières  ex- 
pressions semblent  trancher  la  ques- 
tion. Minutianus  continua  d'impri- 
mer jusqu'en  1 5'2i  ;  et  de  ce  que  son 
nom  ne  se  trouve  sur  aucun  livre 
d'une  date  plus  récente,  on  présume 
qu'il  mourut  cette  année-là  même . 
ou  peu  après.  Il  est  possible  cepen- 
dant que  le  défaut  de  facultés  pécu- 
niaires l'ait  empêché  de  donner 
d'autres  éditions.  M.  Guillon  obser- 
ve que  Minutianus  y  avait  employé 
toute  sa  fortune,  et  qu'il  n'en  lais- 
sa aucune  à  ses  deux  fils.  L'un 
d'eux,  nommé  Vincent,  avait,  du 
vivant  de  son  père,  publié,  en  1 5 1 4, 
une  édition  de  Térence ,  accompa- 
gnée des  commentaires  de  plusieurs 
savants  et  des  siens  propres.  M.  Aimé 
Guillon  a  inséré  dans  la  Bibliogra- 
phie de  la  France  (ou  Journal  de 
la  librairie)  de  1820,  pages  817  , 
33i  ,  348,  une  notice  sur  Minutia- 
nus et  ses  éditions  :  la  liste  se  monte 
à  17.  La  plus  importante  est  sans 
contredit  son  édition  de  Cicéron  :  la 
plus  curieuse,  par  sa  rareté,  est  celle 
des  Lettre  s -patente  s  de  Louis  XII 
données  à  Vigevano ,  le  1 1  novem- 
bre i499,in-4°.  de  seize  pages,  in- 
connue à  Maittaire  et  à  Sassi ,  ainsi 


MIN 

qu'aux  auteurs  de  la  Biblioth.  hist. 
de  la  France.  M.  Guillon  ,  qui  l'a 
fait  connaître,  regarde  comme  unique 
l'exemplaire  conserve  dans  les  archi- 
ves de  Milan,  qu'il  a  examine  avec 
beaucoup  de  soin.  M.  Petit  -Radcl  a 
fait  insérer  dans  la  Bibliographie  de 
la  France,  1820,  p.  407,  une  lettre 
relative  à  la  notice  de  M.  Guillon. 
Jr.  aussi  le  Manuel  du  libraire  par 
M.  Brunet ,  troisième  édition,  tome 
m,  p.  64 1.  A.  B — t. 

MINUTIUS-FÉLIX  (Marcus), 
orateur  latin,  était  né  en  Afrique, 
sur  la  fin  du  deuxième  ou  au  commen- 
cement du  troisième  siècle.  11  vint  à 
Rome,  où  il  acquit  par  son  éloquence 
une  réputation  fort  étend ue.Lactance 
et  saint  Jérôme  le  placent  au  rang 
des  premiers  orateurs  de  son  siècle. 
Il  avait  embrassé  les  principes  du 
christianisme;  et  il  en  devint  l'un  des 
plus  zélés  défenseurs.  Nous  avons  de 
lui  un  dialogue  .intitulé  :  Octavius  , 
dans  lequel  il  introduit  un  chrétien  de 
ce  nom,  et  un  partisan  des  erreurs 
du  paganisme ,  qui  disputent  ensem- 
ble. Le  style  en  est  très-élégant;  et 
il  y  a  beaucoup  d'érudition  et  de  soli- 
dité. Cependant  quelques  critiques 
modernes  trouvent  que  c'est  moins 
l'ouvrage  d'un  théologien  qui  a  étu- 
dié les  matières  dont  il  parle  , 
que  la  production  d'un  homme  du 
inonde;  mais  c'est  à  tort  que  Dupin 
et  ceux  qui  l'ont  suivi  lui  reprochent 
une  tendance  vers  le  matérialisme. 
Ce  dialogue  a  été  long-temps  regardé 
comme  le  vin'-,  livre  du  traité  d'Ar- 
nobe  idversus  gentes  {fr.  Arnobe). 
Franc.  Baudouin  reconnut  l'erreur 
des  premiers  éditeurs  ,  et  publia 
1  vi  âge  sous  le  nom  de  Minulius- 
Félix,  Heidelberg,  i  56o  ,  in  8U.  ; 
il  a  été  souvent  réimprimé  depuis. 
Les  meilleures  éditions  sont  celles  de 
Nicolas   Uigault,  ayee  des   rcmar- 


MIN 


85 


ques ,  Paris ,  164 3  ,  in-40.;  de  Jacq. 
Onzel ,  Leyde,  1672  ,  in  -  8°.  j  de 
Jacq.  Gronovius,  ibid.  ,  1709,  in- 
8°.;  de  J.  Davis,  Cambridge,  17  12, 
in-b0.,  et  de  J.  Goth.  Lindner,  Lan- 
gensalza  ,  1773,  in  -  8°.  On  y  a 
réuni,  dans  ces  différentes  éditions, 
le  traité  de  Caecilius  Cyprianus  de 
Idolorum  vanitate ;  et,  dans  quel- 
ques-unes ,  celui  de  Julius-Firmicus- 
Maternus  de  Erroreprofanarum  rc- 
ligionum.  Le  dialogue  de  Minutais- 
Félix  a  été  traduit  en  français  par 
Perrot  d'Ablaucourt,  Paris  ,  1660  , 
in- 1 'i ,  et  plus  élégamment  par  l'abbé 
de  Gourcy,  dans  son  Piecueil  des  an- 
ciens apologistes  du  christianisme. 
Il  existait,  au  temps  de  saint  Jérôme, 
un  traité  de  Fato,  qui  portait  le  nom 
de  Minutius  ,  mais  dans  lequel  les 
critiques  ne  reconnaissaient  pas  son 
style.  Pierre  Ant.  Bouchard  a  publié 
une  Dissertation  sur  Minutius  ,  sui- 
vie du  catalogue  des  éditions  et  des 
traductions  qui  avaient  paru  de  son 
Dialogue,  Kiel,  i685.        W— s. 

MINUTOLI  (Vincent),  littéra- 
teur, né  à  Genève,  vers  1640,  des- 
cendait d'une  noble  famille  luc- 
quoise,  dont  une  branche  s'est  éta- 
blie à  Florence  dès  la  fin  du  treizième 
siècle,  et  y  a  rempli  les  premiers 
emplois  (  1  ).  L'un  de  ses  àieux  em- 
brassa la  réforme,  et  se  fixa  à  Ge- 
nève. Vincent  fut  admis  au  saint- 
ministère  ,  et  appelé  en  Hollande 
pour  y  exercer  les  fonctions  du  pas- 
torat  ;  mais  une  intrigue  galante, 
dans  laquelle  il  fut  compromis ,  l'o- 
bligea 'de  résigner  son  bénéfice.  Il 
revint  à  Genève,  et  fut  nommé,  en 
i(iy(>,  professeur  d'histoire  et  de 
belles-lettres  à  l'académie.  La  régu- 
larité de  ses  mœurs  lui  mérita  d'efre 


(l)    Vn  .'    lit'    ,    \*f 

tété  dans  le  Dictionnaire  de  liayk. 


MINT 


réintègre,  m  1679,  clans  la  compa- 
gnie des  pasteurs  :  il  fut  désigne 
bibliothécaire  en  1700;  et  il  mourut, 
en  1 7 1  o,  dans  un  âge  avance.  Minu- 
toli,  pendant  son  séjour  ai  Hollande, 
s'était  lie  d'une  étroite  amitié  avec 
Bayle;  et  il  entretint  constamment 
avec  lui  une  correspondance  très- 
active  sur  des  objets  de  littéra- 
ture et  de  philosophie.  Outre  quel- 
ques pièces  de  vers  latins  ,  dont  on 
trouvera  les  titres  dans  le  Diction- 
naire àe  Moréri,  et  dans  Y  Histoire 
littéraire  de  Genève  par  Sencbier, 
on  a  de  lui  :  I.  Une  Lettre  à  Juricu , 
insérée  dans  la  Chimère  de  la  ca- 
bale de  Rotterdam.  II.  Histoire  de 
l'embrasement  du  pont  du  Rhône, 
Genève,  1G70,  in- 12.  III.  Disser- 
tation sur  un  monument  trouvé 
dans  le  P.hùne ,  en  1O78.  C'est  une 
petite  statue  représentant  un  druide. 
IVr.  L'Eloge  de  Spon,  imprime  par 
extrait  dans  les  Nouvelles  de  la  rép. 
des  lettres,  juin  1G86.  V.  Les  Dé- 
pêches du  Parnasse,  ou  la  gazette 
des  savants,  Genève,  1693  ,  in-12. 
II  n'a  paru  que  cinq  numéros  de  ce 
journal ,  que  l'auteur  discontinua  , 
parce  qu'on  en  publiait  à  Lyon  une 
contrefaçon  ,  qui  lui  enlevait  ses 
abonnés.  Minutoli  a  traduit  du  fla- 
mand la  Relation  du  naufrage  d'un 
vaisseau  hollandais  sur  la  côte  de 
Vile  de  Quelpaert ,  avec  la  descrip- 
tion du  royaume  de  Gorée,  Genève  , 
31)70,  in-12  (1);  de  l'allemand,  fe 
Journal  de  Just  Collier,  résident 
à  la  Porte  pour  les  états  généraux, 
ibid. ,  1679. ,  in-t2  ;  et  de  l'italien ,  la 
Vie  de  Qaléace  Carracciolo ,  etc. , 
ibid.  1 681 ,  in- 1 2.  Il  a  laissé  en  ma- 


(O  Cette  relation  a  été  itisérte  ]>ar  l'abbé  Prévost , 

d'Après   la   traduction    p  le  6P.  vol.  i!e 

V Thst.  générale  des  ?jo?  âges  .  éd.  in-4°-  ;  et  oh  la  re- 

dims  le  (orne  a   de  l'Histoire  des  naufrages 

(  pur  de  Ptrtbcs.  ) 


MIQ 

nuscrit  des  Harangues ,  citées  par 
Bayle  avec  éloge,  et  des  traductions 
du  traité  de  Léon  de  Modène  des  Cé- 
rémonies des  Juifs ,  et  de  l'ouvrage 
de  Pierius  Valerianus  Delnfeliciiate 
littéral  or;  W — s. 

MIQjUEL-FÉRIET  (Louis-Ciiar- 
lks  ) ,  le  créateur  de  l'artillerie  lé- 
eu  France,  était  né  le  '*4  mai 
17GJ,  à  Àuxonnc,  où  son  père 
remplissait  les  fonctions  de  répéti- 
teur de  mathématiques.  Après  avoir 
fait  d'assez  bonnes  études ,  il  entra 
au  service  :  quelques  étourderies  de 
jeunesse  l'obligèrent  de  passer,  en 
170'),  en  Prusse,  où  il  fut  ; 
cadet  clans  le  régiment  d'artillerie  de 
Tempelhof.  Ses  talents  lui  procurè- 
rent de  l'avancement;  ci  à  l'époque  où 
la  guerre  éclata  entre  la  Prusse  et  là 
France,  il  était  officier  dans  le  pre- 
mier régiment  d'artillerie.  Miquel 
n'hésita  pas  à  déclarer  qu'il  ne 
lait  point  servir  contre  son  pays  ;  et 
le  roi ,  approuvant  sa  délicatesse ,  lui 
permit  de  rentrer  en  France,  où  il 
fui  aussitôt  employé  dans  son  grade, 
avec  la  condition  qu'il  ne  serait  ja- 

obligé  de  servir  contrelaPi 
Ce  fut  sur  le  plan  donné  par  cet 
officier,  que  l'artillerie  légère  fut 
organisée  eu  France  sur  le  même 
pied  quelle  l'était  dans  les  armées 
de  Frédéric.  Il  consigna  ses  obser- 
vations sur  cette  arme  dans  un  Mé- 
moire impriméà Paris  ,  1 79  "> ,  \\>\°. 
En  1797  ,  tandis  qu'il  était  attaché 
comme  adjudant-général  à  l'artillerie 
d'Auxonne  ,  il  fit  exécuter  un  nou- 
veau modèle  des  caissons  connus 
sous  le  nom  de  caissons  de  Wurtz, 
qui  fut  adopté  par  l'administration 
de  la  guerre.  Elevé,  en  1800,  au 
grade  de  chef  de  brigade  d'arlil 
il  fut  envoyé,  en  180a,  à  Saint- 
Domingue,  avec  le  titre  de  directeur- 
commandant  de  l'artillerie  dans  la 


MIQ 

partie  espagnole  ,  et  y  servit  deux 
ans  sous  les  ordres  du  gênerai  Ro- 
chambeau.il  avait  résiste  à  la  funeste 
épidémie  qui  ravageait  l'île  ;  et ,  de 
retour  en  France,  il  avait  obtenu  la 
permission  de  se  reposer  de  ses  fati- 
gues dans  sa  maison  de  campagne  à 
îiclleville  près  de  Paris,  lorsqu'il 
mourut,  au  mois  de  mars  1806.  — 
L'un  des  frères  de  cet  officier  était , 
en  i8o!2  ,  directeur  de  la  manufac- 
ture royale  de  Valence  en  Espagne. 
—  Claude- Jean- François  Miquçl  , 
son  second  frère  ,  ne  à  Auxonne,  en 
1 768  ,  missionnaire  de  la  congréga- 
tion des  Eudistes ,  s'est  acquis  une 
réputation  méritée  par  son  talent 
pour  la  chaire.  M.  J.-J.  Lacoste  a 
publié  Y  Analyse  des  semions  que  le 
P.  Miquel  avait  prononcés  à  la  mis- 
sion d'Agcn  ,  en  1806,  in- 12.  Son 
portrait  a  été  gravé  à  Toulouse ,  en 
1809  ,  avec  cette  inscription  :  Erat 
lucerna  ardens  et  lucens \  W — s. 

MJRABAUD(Jean-Baftiste  de), 
membre  de  l'académie  française,  ne 
à  Paris,  en  1675,  embrassa  la 
profession  des  armes  ,  et  se  trouva 
a  la  bataille  de  Steinkerquc ,  où  il  se 
distingua  par  son  courage:  il  renonça 
bientôt  à  cette  carrière  pour  cultiver 

!:"cs  dont  La  Fontaine  lui  avait 
inspiré  le  goût;  et  il  entra  dans  la 
congrégation  de  l'Oratoire ,  a(in  de 
pouvoir  se  livrer  plus  tranquillement 
à  l'étude,  devenue  pour  lui  un  be- 
soin. Il  en  sortit  lorsque  la  duchesse 
d'Orléans  le  nomma  secrétaire  de  ses 
commandements ,  et  le  chargea  de 
h  des  princesses  ses  filles. 
.  en  17-I4,  une  traduction 
de  la  Jérusalem  délivrée  ;  c'était  la 
traduction  française  dont 

lure  fut  supportable  (  F.  le 

•Telle  obtint,  et 

qu'elle  lie  ,    attira 

au  traducteur  qu'il 


Mm 


87 


eut  le  bon  esprit  de  mépriser,  et  des 
critiques  dont  il  profita  pour j < 
tionner  son  travail.  Il  fut  reçu,  quel- 
que temps  après,  à  l'académie  fran- 
çaise;  et  il  succéda,   en   17/,'i,   à 
l'abbé  Houteviilc  dans  la  p)a 
secrétaire -perpétuel  de  cette  com- 
pagnie. La  douceur  de  son  caractère, 
sa  modestie  et  son  désintéressement , 
lui  avaient  lait  des  amis  de  tous  ses 
confrères.  Sa  vie  fut  tranquille,  sa 
vieillesse    exempte    d'infirmités;  et 
il  mourut,  le  24  juin  1760,  regretté 
sincèrement  de  tous   ceux  qui  l'a- 
vaient connu.  Il  eut  pour  successeur 
à  l'académie,  Butïbn,    qui   nous  a 
laissé  de  Mirabaud  ce  portrait  ma- 
gnifique :  «A  quatre-vingt-six  ans, 
»  il  avait  encore  le  feu  de  la  jeunesse 
»  et  la  sève  de  l'âge  mûr  ;  une  gaîté 
»  vive  et  douce,  une  sérénité  d'ame, 
»  une  aménité  de  mœurs,  qui  fai- 
»  saient  disparaître  la  vieilles.^ 
»  ne  la  laissaient  voir  qu'avec  celte 
»  espèce  d'attendrissement,  quisup- 
»  pose   bien  plus  que   du    respect. 
»  Libre  de  passions ,  et  sans  autres 
»  liens  que  ceux  de  l'amitié,  il  était 
»  plus  à  ses  amis  qu'a  lui-même.  11  a 
»  passé  sa  vie  dans  une  société  dont 
»  il  faisait  les  délices  ;  société  douce 
»  quoique  intime,  que  la  mort  seule 
»  a  pu  dissoudre.  Ses  ouvrages  por- 
»  teut  l'empreinte. de  son  caractère: 
»  plus  un  homme  est  honnête ,  et 
»  plus  ses  écrits  lui  ressemblent.  Mi- 
)>  rabaud  joignit   toujours  le   senti- 
»  ment  à  l'esprit,  et  nous  aimons  à  le 
»  lire  comme  nous  aimions  à  l'enten- 
»dre;  mais  il  avait  si   peu  d'atla- 
»  chement  pour  ses  productions,  il 
»  craignait  si  fort  et  le  bruit  et  l'éclat, 
»  qu'il  a  sacrifié  celles  qui  pouvaient 
»  contribuer  le  plus  ire.  » 

Outre  la  traducti  '"'  loi 

en  doit  une  ;  -  Pa- 

lis,   1758,    i\  vol.  petit  i 


88 

ne  fut  pas  aussi  bien  accueillie  que  la 
première.  Le  molle  et  facetum  de 
ï'Arioste,  cette  urbanité,  cet  atticis- 
me ,   cette  bonne  plaisanterie ,  ré- 
pandus dans  tons  ses  chants  ,  n'ont 
été  ni  rendus  ,  ni  même  sentis  par 
Mirabaud,  qui  ne  s'est  pas  douté  que 
Ï'Arioste  raillait  de  toutes  ses  imagi- 
nations. C'est  le  jugement  qu'en  porte 
Voltaire ,   qui  a  exprimé  i'opinion 
de  tous  les  gens  de  goût.  On  attri- 
bue à  Mirabaud  :  I.  Alphabet  de  la 
fée    Gracieuse,  1734,  in -12.  II. 
Opinions  des  anciens  sur  les  Juifs , 
1769,  in- 12.   III.  Le  Monde  ,  son 
origine  et  son  antiquité,,  Londres  , 
1 75 1 ,  in-8°.  Dumarsais  est  l'éditeur 
de  cet  ouvrage.  IV.  Sentiments  des 
philosophes  sur  la  nature  de  Vame; 
inséré  dans  le  recueil  intitulé  :  Nou- 
velles libertés  de  penser  ,  Amsterd. 
(Paris),    1743,    in- 12,  et  dans  le 
Recueil  philosophique ,  publié  par 
Naigeon  ,   Londres  (  Amsterdam  ) , 
1770  ,  'i  vol.  in- 12  (  V.  le  Diction- 
naire des  anonymes ,  par  M.  Bar- 
bier )  :  mais  le  code  monstrueux  d'a- 
théisme T  connu  sous  le  titre  de  Sys- 
tème de  la  nature ,  publié  sous  le 
nom  de  notre   académicien ,    est , 
comme  on  le  sait  maintenant ,  l'ou- 
vrage de  la  société  d'Holbach  (  V.  ce 
nom  ).  On  peut  consulter  Y  Eloge  de 
Mirabaud  par  d'Alembert ,  dans  le 
tome  v  de  Y  Histoire  des  membres  de 
l'académie  française.       W — s. 

MIRABEAU  (Victor  Riquetti, 
marquis  de),  l'un  des  propagateurs 
des  doctrines  économiques  en  France, 
naquit  à  Perthuis ,  le  5  oct.  1 7 1 5.  Ses 
ancêtres  ,  exilés  de  Florence  par  les 
troubles  civils  ,  s'étaient  réfugiés  en 
Provence,  dans  le  quatorzième  siècle, 
et  s'y  étaient  maintenus  au  rang  des 
plus  nobles  familles  de  la  contrée. 
(  V.  Medicis,  XXVIII,  59  ,  not.  ) 
Le  marquis  de  Mirabeau }  fixant  sou 


MIR 

séjour  habituel  à  Paris,  soutint  cette 
illustration  par  son  crédit  auprès  des 
ministres,  et  eut  l'ambition  de  con- 
duire lui-même  les  affaires  de  l'état. 
L'opinion  publique,  facilement  in- 
fluencée à  cette  époque  par  les  pro- 
ductions littéraires,  lui  parut  le  plus 
puissant  véhicule  pour  arriver  au 
pouvoir.  Il  la  pressentit  par  un  grand 
nombre  d'écrits  rédigés  d'après  les 
principes  économiques  de  Quesnay  , 
qu'il   avouait   pour  son  maître,   et 
dont  il  rassemblait  chez  lui,  tous  les 
mardis ,  les  sectateurs  emphatiques. 
Plusieurs  de  ses  livres  furent  accueil- 
lis avec  faveur:  les  théories  qui  s'y 
trouvaient  développées,  étaient  en- 
core des  mystères  pour  la  presque- 
totalilédela  classe  éclairée.  L'enthou- 
siasme,la  pompe  du  langage,  le  char- 
latanisme philantropique,  et  jusqu'à 
l'obscurité  qui  enveloppait  l'exposé 
de  principes  simples  en  eux-mêmes., 
caractérisaient  en  général  les  ouvra- 
ges des  économistes  ,  et  étaient  les 
causes  premières  de  leur  succès.  Le 
marquis  de  Mirabeau  se  distingua 
d'eux  tous  ,  par  un  style  raboteux  et 
bizarre,  où  perçait  une  affectation 
malheureuse  d'imiter  la  manière  de 
Montaigne ,  par  une  redondance  de 
trivialités  ,  qu'il  appelle  sa  chère  et 
nalivfr exubérance,  par  sa  fausse  cha- 
leur ,  et  une  incroyable  naïveté  d'or- 
gueil. Ses    premiers  essais   annon- 
çaient un  désir  timide  de  ménager 
l'ordre  établi,  et  montraient  même 
une  certaine  complaisance  pour  les 
mesures  prohibitives  ,  que  le  gros 
des  économistes  était  loin  d'approu- 
ver. Le  marquis  devint  ensuite  un 
frondeur  plus  hardi  ;  et  sa  Théorie 
de  l'impôt,  en  lui  procurant  les  hon- 
neurs de  la  Bastille,  donna  une  vo- 
gue subite  à  son  nom.   Le  roi  de 
Suède  lui  envoya,  le  jour  même  de 
la  révolution  qui,  en  1772  ?  lui  reu- 


dit  son  autorité  ,  la  croix  de  grand- 
commandeur  de  l'ordre  de  Wasa.  Le 
même  prince  ,  arrive  à  Paris  ,  quel- 
que temps  après,  n'oublia  pas  de  vi- 
siter le  philosophe,  et  lui  parla  de 
Montesquieu:  Montesquieu  /répon- 
dit Mirabeau,  les  rêveries  surannées 
de  cet  homme  ne  sont  plus  estimées 
que  dans  quelques  cours  du  Nord. 
«  Ce  Mirabeau  l'économiste,  dit  La 
v  harpe  ,  n'avait  de  l'imagination  , 
»  méridionale  que  le  degré  d'exalta- 
»  tion  qui  louche  à  la  folie,  et  prit  de 
»  la  philosophie  du  temps  l'orgueil- 
»  leux  entêtement  des  opinions  et  une 
»  soif  de  renommée,  qu'il  crut  satis- 
»  faire  en  popularisant  sa  noblesse 
»  par  des  écrits  sur  la  science  rurale. 
»  Il  possédait  assez  pour  dégrader  de 
»  très-belles  terres  par  des  expérien- 
»  ces  de  culture,  et  déranger  une 
»  grande  fortune  par  des  entreprises 
»  systématiques  et  des  constructions 
»  de  fantaisie.  ïl  se  faisait  l'avocat  du 
«  paysan  dans  ses  livres ,  et  le  tour- 
»  mentait  dans  ses  domaines,  par  ses 
»  prétentions  seigneuriales,  dent  il 
»  était  extrêmement  jaloux.  »  Il  écri- 
vait à  sa  femme  :  Dites  au  curé  duBi- 
gnon  (l'une  de  ses  terres)  de  me  pré 
parer  une  harangue,  et  que  sans 
cela  je  ne  verrai  plus  d'habits  noirs. 
Il  exigea  que  le  curé  de  Roquelaure 
publiât  en  chaire  qu'il  fallait  remer- 
cier la  Providence  d'avoir  donné  a 
la  contrée  un  maître  doux  et  d'une 
race  faite  pour  commander  aux 
hommes.  Ces  extravagances  ne  sont 
que  comiques  :  mais,  que  dire  de  la 
conduite  d'un  prêcheur  de  vertu,  qui, 
s'il  en  faut  croire  sou  fils  et  quelques 
mémoires  du  temps,  aurait  plusieurs 
fois  <  is,  par  ses  delmiches, 

la  santé  d'une  épouse  (Marie  -  Gene- 
li  lui  avait  donné 
onze  enfants   et  apporté  cinquante 
mille  livres  de  rentes,  l'aurait  ensuite 


MIR 

persécutée  ,  et ,  après  avoir  provo- 
qué sa  réclusion  pendant  douze  ans  , 
aurait  entretenu  des  maîtresses  ,  ob- 
tenu de  l'amitié  des  ministres  cin- 
quante-quatre lettres  de  cachet  conl  îe 
sa  famille,  et  fatigué  les  tribunaux 
de  ses  scandaleux  procès  avec  elle  ; 
qui,  courtisan  aussi  lâche  que  des- 
pote impitoyable,  caressa  les  nou- 
velles autorités  parlementaires  créées 
par  Maupcou;  et,  jaloux  (Se  la  supé- 
riorité d'un  fils  qui  menaçait  ele  l'é- 
clipser,  s'efforça  de  la  comprimer, 
le  précipita,  par  ses  rigueurs  ,  dans 
de  nombreux  écarts,  et  alla  jusqu'à 
l'accuser  d'avoir  souillé  sa  couche? 
Cet  homme,  qui  faisait  maudire  aux 
siens  son  avarice,  offrit  un  asile  à 
Jean-Jacques.  Le  citoyen  de  Genève 
paya  cette  bienfaisance  intéressée  par 
eles  formules  d'admiration,  et,  se  re- 
tranchant adroitement  sur  Fini 
cité  ele  son  esprit ,  se  dispensa  de  mo- 
tiver ses  éloges  par  la  lecture  des  œu- 
vres de  son  patron.  Le  marquis  de 
Mirabeau  mourut  à  Ârgenteinl, le  i3 
juillet  1789.  Ses  œuvres,  qu'on  a  jus- 
tement appelées  YJpocaJipse  de  l'é- 
conomie politique ,  forment  plus  de 
20  vol.  La  plus  grande  partie  a  été 
recueillie  à  la  suite  del'^/m  des  hom- 
mes,8vo\.  in-i  2 ,  ou  3  vol.,  in-4°.  En 
voici  la  liste  à-peu- près  complète  :  I. 
\j  Ami  des  'nommes  ,  Paris  ,17; 
vol.  in  1 1.  Cet  ouvrage  fit  une  grande 
sensation,  fut  goûté  en  Angleterre; 
et  il  en  parut  une  traduction  italienne, 
à  Venise  ,  en  1  784.  II.  Examen  des 
poésies  sacrées  de  Lefranc  de  Pom- 
pignan,  17  m,  in-iaj  fastidieux  et 
ridicule  panégyrique,   que  Pompi- 
gnan  eut   la  mal-adresse  d\u! 
dans  une  édition  de  luxe  qu'il  donna 
i  poésies.  III.  Mémoire  sur  les 
étais  provinciaux,  1 7-^7 ,  in-  > •>-.  IV. 

concernant  L'utilit- 
étals  provinciaux ,  1 707  ,  in-8 


9<> 


1MIR 


Réponse  du  correspondant  à  son 
banquier,  1 7.^9,  in- 4°.  C'est  la  ré- 
ponse à  la  Lettre  a  un  banquier par 
Forbonnais.  VI.  Théorie  de  l'impôt, 
Paris ,  1 760 ,  in-4°'  et  in- 1  2.  Au  ju- 
gement de  L'auteur  ,  c'est  son  chef- 
d'œuvre.  VIL  Philosophie  rurale  ou 
Economie  générale  et  particulière 
de  V agriculture,  Amsterdam ,  1 7O4, 
3  vol.  in-  1 2  •  abrège ,  sous  ce  litre  : 
Eléments  de  la  philosophie  rurale, 
la  Haye,  1 7G7  et  17 68  ,  in -12. 
Oucsnay  a  eu  part  «à  cette  produc- 
tion. VIII.  Lettres  sur  le  commerce 

ralns ,  17 08,  in-  12.  IX.  Les 
Économiques,  dédiées  au  grand-duc 
de  Toscane,  Paris,  17O9,  3  vol. 
in-4%  ou  4  vol.  in-i  2.  Elles  parurent 
dictées  par  le  succès  récent  des  Dia- 
logues sur  les  blés,  deGaliani.  X. 
Lettres  économiques,  Amsterdam, 
1770  ,  in  -  12.  XL  Les  Devoirs , 
imprime  à  Milan,  au  monastère  de 
Saint- Ambroise ,  1770,  in-8°.  Ce  ti- 
tre est  une  allusion  a  l'un  des  traités 
les  plus  connus  du  saint  archevêque 
de  Milan  (  F.  St.  Amdroise  ).  XII. 
La  Science  ou  les  droits  et  les  de- 
voirs de  V homme ,  Lausanne ,  177/}, 
in- 12.  XIII.  Lettres  sur  la  législa- 
tion, ou  l'ordre  légal  dépravé ,  ré- 
tabli et  perpétué ,  Berne  ,  1775  ,  3 
vol.  in- 12.  Il  y  aurait  quelques  bon- 
nes idées  à  y  glaner.  XIV.  Entretiens 
d'un  jeune  prince  avec  son  go 
neur,  Paris  ,  1 7 85 ,  4  vol.  in- 12.  Ce 
livre  a  été  publié  par  Grivel.  XV. 

Uion  civile  d'un  prince ,  Dour- 
lac,  1788,  in-8°.  XVI.  Hommes  à 
célébrer  pour  avoir  bien  mérité  de 
leur  siècle  et  de  l'humanité  par 
leurs  écrits  sur  l'économie  politique, 
ouvrage  publié  par  le  P.  Boscovich, 
ami  de  l'auteur ,  Bassano  ,  2  vol. 
in  -8°.  XVII.  Tiéve  d'un  goutteux , 
ou  le  principal ,  in-8n. ,  sans  date, 
mais  de  la  fin  de  1788  ou  environ. 


MIR 

Le  marquis  de  Mirabeau  fut  un  des 
rédacteurs  du  Journal  de  l'agricul- 
ture, du  commerce  et  des  finances , 
Paris,  1767  à  1774?  3o  vol.  in- 12. 
Il  rédigea  aussi  avec  l'abbé  Bandeau, 
de  1 765  à  1 7G8,  les  Ephèméridcs  du 
citoyen,  ou  Chronique  de  V esprit 
national  et  Bibliothèque  raisonnes 
des  sciences  ,  in- 12.  Dupont  de  JNe- 
mours  en  fut  le  continuateur  jusqu'en 
1772  ,  et  les  porta  au  63e.  vol.  C'est 
druis  ce  recueil  que  le  marquis,  in- 
séra son  éloge  du  Maître  de  la  scien- 
ce, (  Qttesnay  )  ,  qu'il  met  au-dessus 
de  Socrate  et  de  Coni'ucius  :  on  re- 
cherche encore  ce  morceau  comme 
un  modèle  du  style  amphigourique. 
F — t  et  W — s. 
MIRABEAU  (Honore- Gabriel 
Riquetti ,  comte  de  ),  si  fameux 
par  l'influence  qu'il  exerça  sur  la  ré- 
volution française,  était  fils  du  pré- 
cédent ,  et  naquit  au  Bignon  ,  près 
de  Nemours,  le  9  mars  1741)-  La 
nature,  en  le  douant  d'une  consti- 
tution vigoureuse  ,  d'un  tempéra- 
ment de  feu  ,  et  des  facultés  les  plus 
énergiques  ,  avait  jeté  en  lui  tous  les 
ferments  des  passions  impétueuses  , 
également  puissantes  pour  le  bien  et 
pour  le  mal,  suivant  la  direction 
qu'elles  recevraient  de  l'éducation  et 
des  circonstances.  Son  adolescence 
fut  confiée  à  un  précepteur  instruit, 
le  père  du  littérateur  Lachaheaus- 
sière  ;  mais  cet  homme  de  mérite , 
contrarié  dans  son  plan  ,  ne  put  met- 
tre à  profit  l'ardeur  qui  dévorait  son 
élevé.  Celui-ci  sortit  de  ses  mains 
avec  une  connaissance  légère  du  la- 
tin et  des  classiques,  et  fut  jeté  tar- 
divement dans  un  pensionnat  mili- 
taire :  il  y  effleura  l'étude  de  diverses 
langues  et  celle  des  arts  d'agrément, 
et  fut  initié' dans  les  mathématiques 
par  le  célèbre  La  grange.  Sa  te  te  n'é- 
tait encore  pleine  que  de  notions 


MIR 

^parses ,  isolées ,  lorsque  déjà  il  co- 
dait à  l'entraînement  d'écrire,  et  pu- 
bliait un  éloge  du  GrandrCondé,  et 
quelques  pièces  de  vers.  A  17  ans  , 
il  entra  dans  la  cavalerie  en  qualité 
de  volontaire  ;  et  secouant  le  préjugé 
qui  frappait  de  ridicule  les  officiers 
dont  l'émulation  tendait  à  s'élever 
au-dessus  de  la  vie  futile  et  oisive  des 
garnisons  ,  il  lut  tous  les  ouvrages 
qu'il  put  se  procurer  sur  l'art  mili- 
taire. Ces  habitudes  studieuses,  quand 
elles  n'auraient  point  eu  pour  mobile 
uu  immense  besoin  de  savoir,  lui 
auraient  été  commandées  par  la  par- 
cimonie d'un  père  égo'isle  et  super- 
be ,  qui ,  démêlant  avec  inquiétude , 
dans  l'héritier  de  son  nom,  un  es- 
prit d'indépendance,  incapable  de  se 
plier  au  joug  de  l'autorité  paternelle, 
se  lit  un  système  d'enchaîner  par  des 
embarras  pécuniaires  cette  activité 
d'ame  si  prodigieuse.  Une  aventure 
d'amour  du  jeune  comte  eut  alors  un 
grand  éclat  ;  et  une  lettre  de  cachet , 
sollicitée  par  son  père  ,  le  fit  enfer- 
mera l'île  de  Rhé.  L'Ami  des  hom- 
mes songea  même  à  retrancher  son 
fils  de  la  société',  en  le  reléguant  dans 
les  colonies  hollandaises  ;  et  il  ne 
lut  détourné  de  ce  projet  que  par  les 
plus  pressantes  représentations.  Le 
comte  obtint  de  faire  la  campagne 
de  Corse,  et  il  y  servit  avi 
tinction  qui  sourit  un  moment  à  l'or- 
gueil paternel;  mais  lorsque , récom- 
pensé d'un  brevet  de  capitaine  de 
dragons,  il  sollicita  son  père  de  lui 
acheter  un  régiment,  il  reçut  cette 
étrange  réponse  :  Que  les  Bayard 
et  les  Dbguesdiii  n'avaient  pas 
ainsi.  Après  la  soumission 
le  comte  de  Mirabeau 
I   la  plume  le  ta 

|>lcau  de  l'oppre  avait 

lait  peser  sur  ce  p  avail 

imparfait,  comme  ou  d'j> 


MIR  9t 

tendre,  mais  empreint  d'une  chaleur 
vraie  ,  et  où  l'indignation  n'avait 
point  trop  altère  l'exactitude  des 
faits  ,  fut  juge  digne  de  l'impres- 
sion par  les  états  de  la  Corse  ;  le 
père  de  l'auteur,  qui  l'avait  reçu  en 
dépôt ,  s'empressa  de  l'anéantir.  Les 
vues  philosophiques  auxquelles  le 
comte  avait  ete  conduit,  l'impossi- 
bilité où  le  mettaient  les  refus  pa- 
ternels de  se  livrer  à  son  goût  pour 
la  dépense,  et  l'attrait  qui  le  portait 
vers  tons  les  genres  de  connaissan- 
ces,  tempérèrent  son  exaltation  mi- 
litaire ,  et  donnèrent  une  autre  im- 
pulsion à  son  ambition.  De  retour  en 
France,  il  parvient  à  captiver  VAmi 
des  Hommes,  et  consent,  pour  lui 
plaire ,  à  s'enterrer  quelque  temps 
dans  le  Limousin  7  où  il  s'occupe 
d'améliorer  des  terres  et  de  poursui- 
vre des  affaires  litigieuses.  Las  de  ces 
travaux  obscurs,  il  se  rend  à  Paris, 
en  1 77  1 ,  et  s'aperçoit  que  sa  faveur 
vient  d'expirer.  C'est  alors  qu'il  dit 
au  marquis  de  Mirabeau  :  «  Mais, 
»  mon  père,  quand  vous  n'auriez 
»  que  de  l'amour-proprc,  mes  succès 
»  seraient  encore  les  vôtres.  »  Son 
mépris  pour  le  charlatanisme  des 
économistes  ,  et  l'opposition  écla- 
tante qu'il  manifestait  contre  le  des- 
potisme ministériel  des  Maupcou  et 
des  Tcrray,  achevèrent  de  le  brouil- 
ler avec  Y  Ami  des  Hommes ,  accou- 
tumé à  caresser  l'autorité.  Le  comte 
alla  grossir  en  Provence  le  nom- 
bre des  ennemis  du  nouveau  parle- 
;  et,  en  177a,  il  y  épousa 
Mlle.  de  Marignane,  belle  et  riche 
héritière  ,  mais  dont  la  fortune  con- 
sistait presque  toute  en  substitutions 
et  successions  ,  dont  il  fallait  atten- 
dre l'ouverture.  Le  mari  dissipa  eo 
deux  ans  le  double  de  ses  bien 
pouibles  :   des    arrar. 

>'  être  pris  facilement  avo 


92  Mlfv 

créanciers;  mais  le  dur  patron  des 
économistes  aima  mieux  faire  inter- 
dire son  fils,  et  le  confiner  dans  ses 
terres  par  ordre  du  roi.  Ce  fut  dans 
cet  exil,  qu'échauffé  par  la  lecture 
de  Tacite  et  de  J.-J.  Rousseau  ,  Mi- 
rabeau écrivit  à  la  hâte,  et  sous 
l'inspiration  du  moment ,  son  Es- 
sai surle  despotisme,  morceau  plein 
d'une  verve  désordonnée,  et  le  plus 
incohérent  de  tous  ceux  qu'a  pro- 
duits sa  plume  (  i  ).  >8ur  ces  entrefai- 
tes ,  comme  il  avait  rompu  son  ban 
pour  venger  militairement  une  de 
ses  sœurs  des  insultes  d'un  gentil- 
homme poltron,  une  nouvelle  pro- 
cédure fut  dirigée  contre  lui  ;  et 
son  père  s'en  prévalu!  pour  le  faire 
détenir  au  château  d'If,  d'où  il  fut 
transféré  au  fort  de  Joux  ,  en  1776. 
Il  subjugua  le,  gouverneur  par  la 
magie  de  son  langage ,  et  obtint  de 
lui  que  la  ville  de  Pontarlier  serait 
sa  prison.  Dans  le  séjour  qu'il  y  fit, 
il  vit  Sophie  de  Ruffey,  jeune  femme 
aimable ,  mais  sans  éclat ,  que  ses  pa- 
rents avaient  unie  à  un  époux  plus 
que  sexagénaire ,  le  marquis  de  Mon- 
nier,  ex-président  de  la  chambre 
des  comptes  de  Dole.  Enflammé  du 
plus  violent  amour,  il  parvint  bien- 
tôt à  séduire  une  jeune  femme  cré- 
dule •  et  cette  passion  fit  éclater  de 
nouveaux  orages  contre  lui  :  la  fa- 
mille du  mari  outragé,  celle  de  So- 
phie et  la  sienne  propre,  agirent  à- 
la-fois  avec  des  intentions  opposées , 
pour  appeler  sur  sa  tête  toutes  les 
rigueurs  des  lois.  Malesherbes  lui 
écrivit  :  «  Je  quitte  le  ministère;  et 
»  ledernier  conseilque  jepuissevous 
»  donner ,  est  de  fuir,  et  de  prendre 
»  du  service  chez  l'étranger.  »  Ce  fut 
le  parti  que  prit  Mirabeau  :  Sophie 


(1)  Cet  écrit  fut  publié  en  Hollande  ,  en  1776  , 
in -80.  ;  la  3«.  édition  ,  Paris,  «792,  e*t  augiu;uttc  de 
Conseils  aux  Hessoii. 


MÏR 

alla  le  rejoindre  en  Suisse,  et  ils  se 
réfugièrent  en  Hollande.  Là,  tandis 
que  le  parlement  de  Besancon  le 
déclarait  coupable  de  rapt  et  le  fai- 
sait décapiter  en  effigie ,  le  comte 
se  mit  à  la  solde  des  libraires,  et 
subvint,  par  un  travail  infatigable  , 
aux  difficultés  de  sa  situation.  La 
tâche  la  plus  considérable  qu'il  eut 
à  remplir,  fut  la  traduction  de  Y  His- 
toire de  Philippe  II,  par  Watson  , 
qu'il  entreprit  avec  Durival.  Il  ap- 
prit alors  que  l'auteur  de  ses  jours 
l'accusait  d'avoir  souillé  son  lit  -,  et 
il  exerça  de  cruelles  représailles  en 
répandant  des  libelles  contre  ce  père 
acharné  à  le  flétrir.  L'insuffisance 
de  ses  moyens  d'existence  lui  ins- 
pira le  désir  de  se  retirer  en  Améri- 
que ;  mais  il  n'eut  pas  le  temps  de 
le  réaliser.  Son  extradition  avait 
été  obtenue  du  gouvernement  hol- 
landais; il  fut  enlevé  d'Amsterdam  , 
avec  Soplie,  par  un  inspecteur  de 
la  police  française  :  sa  maîtresse  en- 
ceinte fut  déposée  dans  une  maison 
de  surveillance  à  Paris,  et  lui ,  enfer- 
mé au  donjon  de  Vincenncs,  où  il 
subit  une  détention  de  f\'i  mois.  Le 
lieutenant  de  police  ,  Lenoir  ,  q 
l'esprit  insinuant  du  prisonnier  av 
intéressé,  lui  facilita  les  moyens 
correspondre  avec  Mme.  de  Mo 
nier,  à  condition  que  les  lettres  pas 
seraient  sous  ses  yeux ,  et  retourne- 
raient à  son  secrétariat.  C'est  cette 
correspondance  que  déroba  Manuel , 
sur  laquelle  il  spécula  comme  édi- 
teur (  V.  Manuel  ).  Au  moment  où 
ces  lettres  virent  le  jour  (  1792  ,  4 
vol.  in -8°.  et  in- 12  ),  Garât  leur 
rendit  l'hommage  d'une  critique  so- 
lennelle ,  dans  sa  chaire  du  lycée. 
On  y  trouve  l'empreinte  d'une  tête 
fertile  en  ressources ,  une  grande 
facilité  d'élocution,  un  accent  pas- 
sionné, mais  qui  appartient  exclusi- 


l 


MÎR 

veraent  à  celle  sensibilité'  physique 
qu'a  prônée  Helvétius.  Des  placets 
pour  appeler  l'intérêt  sur  sa  captivi- 
té, des  conseils  à  Sophie,  pour  elle 
et  pour  l'éducation  de  Ja  iiile  que  lui 
a  donnée  l'amour,  des  détails  de  né- 
gociations domestiques ,  tel  est  le 
fonds  uniforme  de  toutes  ces  missi- 
ves, que  l'abondance  des  expressions 
et  l'extrême  variété  des  tours  font  ce- 
pendant lire  sans  fatigue.  Au  milieu 
de  tout  cela,  on  trouve  des  traces  de 
mauvais  goût,  des  inégalités,  des 
tirades  hétérogènes  ,  prises  çà  et  là, 
et  intercalées  pour  suppléer  à  la  las- 
situde de  l'écrivain.  Le  langage  de 
Mirabeau  explique  assez  l'ascendant 
irrésistible  qu'il  exerçait  sur  son, 
amante.  Il  fît  pour  elle  plusieurs 
traductions ,  parmi  lesquelles  nous 
n'indiquerons  que  celles  de  Bocace  , 
de  Tilmile  et  des  Baisers  de  Jean 
Second.  La  Bible  était  au  nombre 
des  livres*  qu'il  recevait  dans  sa  pri- 
son :  avec  les  rognures  des  com- 
mentaires de  dom  Calmet ,  il  com- 
posa V  Erotica  billion ,  recueil  de 
grave!  ares  ,  où  étaient  signalés  les 
écarts  de  l'amour  physique  chez  les 
différents  peuples  ,  et  particulière- 
ment chez  les  Juifs.  L'originalité 
condensait  cette  fuis  l'obscénité  de 
la  matière;  mais  l'amant  de  Sophie 
ne  garda  plus  aucune  mesure  dans 
le  roman  intitulé ,  Ma  Conversion. 
Cet  écrit  ne  présente  qu'une  série 
de  tableaux  dégoûtants  et  tout-à- 
fait  dignes  de  l'Arélin.  Son  imagina- 
tion ne  pouvait  s'arrêter  long-temps 
à  de  tels  objets  ;  une  occupation  d'un 
genre  tout  différent,  vint  fixer  toute 
.sou  attention.  Remontant  aux  prin- 
cip  is  constitutifs  de  la  sociei  ' 
s'armantdes  documents  del'histoire, 
il  envisagea  les  lettres  de  cachet  et 
les  prisons  d'état  dans  leurs  1  -ap- 
ports avec  le  droit  naturel  et  positif, 


9 

avec  la  société  et  les  particuliers  : 

les  i  laus  d'une  indignation  assez  na- 
turelle de  sa  part,  se  communiquè- 
rent à  son  style  ,  et  lui  dictèrent  des 
pages  pleines  de  force  et  de  chaleur, 
mais  déparées  par  des  longueurs,  et 
par  les  détails  disparates  et  mesquins 
de  l'intérieur  du  château  de  Vin- 
cennes  ,  qui  remplissent  la  seconde 
partie.  Enfin  Mirabeau  fut  rendu  à  la 
société,  et  à  cette  vie  active  dont  la 
privation  avait  opéré  sur  ses  forces 
une  altération  sensible.  C'est  à^cette 
époque  qu'il  faut  plafcêr  une  accusa- 
tion souvent  répétée ,  mais  qui ,  nous 
devons  le  dire,  ne  paraît  point  éta- 
blie sur  des  preuves  suffisantes:  c'est 
d'avoir  acheté  les  bonnes  grâces  de 
son  père ,  en  rédigeant  des  mémoires 
injurieux  contre  une  mère  dont  la 
tendresse  envers  lui  ne  s'était  pas  dé- 
mentie un  seul  instant  au  milieu  de 
l'exaspération  de  sa  famille.  Mira* 
beau  avait  bien  autrement  à  cœur  de 
faire  tomber  l'arrêt  qui  l'avait  con- 
damné à  perdre  la  tête.  Il  se  consti- 
tua dans  les  prisons  de  Pontarlicr  , 
a(în  de  purger  sa  contumace;  là,  les 
Mémoires  qu'il  produisit  pour  sa  dé- 
fense, effrayèrent  ses  adversaires ,  qui 
firent  de  vaines  tentatives  à  l'effet  oen 
obtenir  la  suppression.  11  était  aisé  % 

de  reconnaître  dans  ces  mémoires 
tout  le  talent  d'un  grand  orateur. 
Mirabeau  disait  lui-même  d'un  de 
ces  factums  ,  qu'il  appelle  sa  Philip- 
pique  :  «  Si  ce  n'est  pas  là  de  l'elo-  ^ 
»  quence  inconnue  à  nos  siècles  bar- 
»  lia ies ,  je  tic  sais  ce  que  c'est  que 
»  ce  don  du  ciel  si  séduisant  el  si 
»  rare.  »  Un  plein  succès  couronna 
ses  efforts.  Il  lit  la  loi  pour  sa  co-ac- 
une  transaction,  passée  entre 
M.  de  Monnieret  lui,  mit  au  néant 
toutes  les  procédures  ;  el  son  adver- 
saire paya  les  Trais.  Aussitôt,  il  vo- 
le en  Provence ,    tenter   un  succès 


g|  M1R 

non  moins  important  :  il  s'agissait 
de  se  réinvestir  de  six  mille  livres 
de  rente,  en  se  rapprochant  de  son 
épouse.  Il  épuisa ,  pour  y  roussir , 
les  médiations,  les  prières 7  les  ins- 
tances affectueuses  :  sa  compagne  fut 
émue;  mais  obéissant  à  l'impulsion 
de  sa  famille  ,  elle  refusa  de  repren- 
dre des  chaînes  qui  l'avaient  trop 
froissée.  Mirabeau  iit  entendre  alors 
sa  réclamation  devant  les  tribunaux: 
son  éloquence  revêtit  des  formes 
touchantes,  et  traça  le  portrait  le 
plus  flatteur  de  Mme.  de  Mirabeau  , 
qu'il  appelait  avec  complaisance  un 
ange  de  douceur  et  de  bonté'.  On  lui 
opposa  le  tableau  des  égarements  de 
sa  jeunesse  :  appelé  sur  ce  terrain ,  il 
voulut  montrer  qu'il  avait  été  géné- 
reux envers  sa  femme  ,  et  produisit 
une  lettre  dont  semblait  résulter  la 
preuve  d'une  infidélité  qu'il  avait 
pardonnée.  Cet  incident  fut  décisif, 
mais  dans  le  sens  qu'il  n'avait  point 
prévu.  (  V.  Portalis.  )  Les  juges  fu- 
rent d'avis,  avec  d'Aguesseau  ,  qu'un 
mari ,  accusateur  de  sa  femme ,  ne 
pouvait  cohabiter  avec  elle  •  et  la 
séparation  fut  prononcée.  Mirabeau 
évoqua  la  cause  au  grand  -  conseil , 
et  demanda  sans  succès  la  cassa- 
tion de  l'arrêt.  Dénué  de  moyens  de 
subsistance,  et  suspecta  l'autorité, 
il  partit  pour  Londres,  en  1784? 
accompagné  d'une  Hollandaise  qui 
avait  succédé  à  Sophie  dans  ses 
affections. Les  institutionsdel'Angle- 
terre  lui  laissèrent  des  impressions 
peu  avantageuses  ,  ainsi  que  l'attes- 
tent les  lettres  qu'il  adressait  de  ce 
pays  à  Ghamfort ,  devenu  son  ami, 
mais  au-dessous  duquel  il  se  place 
néanmoins  à  une  distance  respec- 
tueuse. 11  saisit  alors  l'occasion  de 
caresser  le  sentiment  haineux  dé 
celui-ci  contre  toutes  les  supériorités 
sociales,  et  retira  une  gloire  facile 


MÎR 

et  lucrative  de  la  publication  des 
Considérations  sur  l'ordre  de  Cin? 
cinnalus,  où,  habile  imitateur  d'un 
pamphlet  américain  ,  il  signalait  les 
dangers  d'une  association  honorifi- 
que et  militaire  approchée  du  ber- 
ceau de  la  liberté.  Cet  ouvrage  , 
dont  quelques  traits  appartiennent  à 
Chamfort  ,  fut  commencé  à  Paris  , 
sous  les  auspices  de  Franklin  ,  et 
parut  a  Londres,  1784  ,  in-8". ,  eu 
français  et  en  anglais.  Mirabeau  le 
compléta  par  une  lettre  de  Turgot 
sur  les  législations  de  l'Amer! 
et  une  traduction  des  Observai 
du  docteur  Priée  sur  l'importance 
de  la  révolution  des  Etats-Unis, 
suivie  de  réflexions  cl  de  notes  , 
pour  lesquelles  il  eut  dans  j 
un  utile  collaborateur.  Voué  désor- 
mais exclusivement  aux  études  po- 
litiques, il  s'éleva,  dans  ses  Doutes 
sur  la  liberté  de  l'Escaut  ,  contre 
les  vues  de  Joseph  II ,  qui ,  seconde 
par  la  Prusse  et  la  Russie,  voulait 
ouvrir  un  débouché  maritime  auBra- 
bant ,  relever  Ostcnde  ,  et  tenir  la 
Hollande  en  échec.  Presqu'en  même 
temps  parut  la  Lettre  au  même  sou- 
verain ,  qui  prohibait  l'émigration. 
Il  ne  fut  plus  possible  de  nier  la  vé- 
nalité de  l'écrivain  ,  lorsqu'il  attaqua 
la  caisse  d'escompte  ,  la  banque  de 
Saint  -  Charles  .  et  l'entreprise  des 
eaux  de  Paris.  Désigné  ouvertement 
comme  l'instrument  de  Panchaud  , 
de  Cïavièrc  et  autres  spéculateurs  à 
la  baisse  ,  il  entra  dans  une  lutte 
difficile  avec  Beaumarchais  ,  qui  , 
s'étant  chargé  de  répondre  pour  la 
compagnie  des  eaux,  le  traitait  avec 
un  dédain  calme  ,  auquel  des  éloges 
ironiques  donnaient  un  caractère  en- 
core plus  offensant.  «  Mirabeau,  dit 
Laharpe,  répliqua  en  homme  que  le 
mépris  rend  furieux;  il  prodigua  les 
personnalités  les   plus  injurieuses  : 


Mm 

soit  parce  que  Beaumarchais  ne  s'en 
étant  permis  aucune  ,  il  crut  voir 
encore  une  espèce  de  mépris  à  se 
refuser  ce  nui  était  si  facile  avec  lui; 
soit  que  ,  ne  doutant  pas  que  sou  ad- 
versaire n'en  vînt ,  à  son  exemple  , 
aux  reproches  personnels,  il  voulût 

aiblir  d'avance  en  les  réduisant 
à  la  récrimination:.  »  Le  public  se 
flattait  de  voir  aux  prises  deux  lut- 
teurs exerces  ;  la  violente  attaque  de 
Mirabeau  contre  Beaumarchais,  est 
peut-être  ce  qu'ii  a  écrit  de  plus  élo- 
quent :  cet  écrit  ne  contribua  pas 
peu  à  ses  succès  ultérieurs  ;  il  pro- 
duisit à  Paris  un  effet  prodigieux. 
Beaumarchais  eut  le  bon  esprit  de 
sacrifier  à  son  repos  et  à  sa  di- 
gnité ic  plaisir  de  remuer  les  détails 
honteux  de  la  vie  privée  de  son  ad- 
versaire. Mirabeau, toujours  aux  pri- 
ses avec  le  ministère,  cherchait  ce- 
pendant à  se  soustraire  à  de  nouvelles 
persécutions  ;  il  obtint  alors  de  Ga- 
lonné ,  qui  dirigeait  les  finances  , 
une  mission  secrète  pour  Berlin  : 
elle  lui  fut  donnée  dans  le  triple 
but  de  l'éloigner ,  de  sonder ,  par  son 
entremise  ,  les  dispositions  du  jeune 
prince  qui  allait  régner  sur  la  Prusse , 

le  faire  consentir  a  un  emprunt 
considérable  pour  la  France.  11  rem- 
plit avec  zèle  son  rôle  équivoque. 
Honoré  d'un  accueil  flatteur  par  le 
duc  de  Brunswick,  il  obtint  au 
suif  rage  du  grand  Frédéric,  dont  il 
vit  les  derniers  instants.  Il  remit  au 
successeur  de  ce  monarque,  le  jour 
même  de  sou  avènement,  une  lettre, 
dans  laquelle  il  osa  lui  donner  des 
avis ,  dont  le  jeune  prince  ne  parut 
poinl  qu'il   se  garda 

i  ,  voulant 
dessil  Guil- 

laume illuminés, 

Mira: 
où  il  vers 


MIR 


95 


mains  sur  Lavater  et  sur  Gagliostro. 
11  ne  perdait  pas  de  vue  les  intérêts 
de  la  France;  et  ses  dépêches  adres- 
sées à  Galonné,  et  au  duc  de  Lau- 
zun,  faisaient  connaître  avec  détail 
l'état  de  situation  journalier  du  cabi- 
net de  Berlin.  Toujours  affamé  d'ar- 
gent ,  et  dévoré  d'ambition ,  on  le 
voit  demander  dans  chaque  dépêche 
des  gratifications  et  de  l'avance) 
Un  tableau  statistique  secret  de  l'Al- 
lemagne tomba  entre  ses  mains  :  il 
le  traduisit,  à  l'aide  d'un  valct-de- 
chambre,  qui  ne  savait  que  l'alle- 
mand, et  d'un  secrétaire  français, 
qui  ne  connaissait  que  sa  langue.  Il 
acquit  en  même  temps  d'amples  ma- 
tériaux littéraires  ,  et  fut  redevable 
au  major  Mauvillon  (  V.  ce  nom  ), 
de  documents  précieux  sur  la  Prus- 
se, documents  qui ,  élaborés  et  coor- 
donnés par  lui,  devinrent  les  élé- 
ments de  son  grand  ouvrage  de  la 
Monarchie  prussienne.  Frédéric^ 
Guillaume  ,  à  qui  l'on  faisait  crain- 
dre la  perspicacité  d'un  pareil  obser- 
vateur ,  lui  ordonna  de  sortir  de  ses 
états.  Galonné  mettait  alors  ses  plans 
d'administration  sous  la  protection 

emiers  notables  qu'il  venait  de 
Convoquer.  Mirabeau  intervint  dans 
ces  discussions,  de  la  seule  manière 
qui  fût  compatible  avec  son  existence 
prééairc,  en  lançant  v.nc  diatribe 
brutale,  sous  le  titre  de  Dénon 
tion  de  l'agiotage  ,  au  roi  et 
notables.  Dans  cet  écrit  indigeste 
et    continuellement    déclamatoire  , 

rsonnalités  étaient  ac 
sans  ménagement;  Galonné  et  Necker 
y  expiaient  une  prééminence  odieuse 
a  un  homme  qui  ne  se  sentait  pas  a 
sa  place.  Les  traits  de  l'écrivain,  di- 

uniquement  contre  les  joueurs 
a  la  hausse  ,  indiquaient 
les  instigateurs  qu'il  avait  servis.  Ri- 
va roi  i . 


</> 


MIP, 


irabeau, 
Assommer  les  fripons  qui  gâl  ut  nos  affaires  : 
Uu  voleur  converti  doit  se  faire  bourreau  , 
Lt  prêcher  sur  l'échelle  ou  pendant  ses  confrères! 


Les  parlics  offensées  furent  encore 
mieux  vengées  par  un  ordre  du  roi  , 
qui  condamna  le  pamphlétaire  à  être 
enfermé  au  château  de  Saumur.  Mi- 
rabeau se  mit  en  sûreté ,  et  publia 
la  Suite  de  la  dénonciation  de  V a- 
giotage.  Il  y  mesurait  avec  audace 
la  réputation  colossale  de  Necker  : 
ses  Lettres  à  M.  Lacretelle ,  et  sa 
Correspondance  avec   Cérutti ,   ne 
sont  que  le  développement  de  sa 
pensée    sur   le    ministre    genevois. 
Mme.  de  Staël  a  dit  que  Mirabeau  , 
en  particulier  ,  ne  parlait  de  Necker 
qu'avec  admiration  ;  mais  il  faut  se 
défier  beaucoup  de  Mme.  de  Staël , 
quand  il  s'agit  de  son  père.  Quci 
qu'il  en  soit,  Mirabeau  devait  une 
assez  grande  célébrité  à  ses  écrits 
polémiques,  dans  un  temps  où  les 
matières  politiques  n'étaient  pas  en- 
core entrées  dans  la  circulation  des 
idées  communes  ,  lorsque  l'art  des 
pamphlets  n'était  point  perfection- 
né ,  et  qu'un  petit  nombre  d'écri- 
vains seulement   osait   s'y   livrer  : 
ceux  de  Mirabeau  avaient  fait  for- 
tune par  sa  manière  dogmatique  et 
tranchante  ,  sur  des  matières  qu'il 
avait  à  peine  étudiées,   et  surtout 
par  le  ton  de   hauteur   et  d'arro- 
gance  dont  il  accablait  ses  adver- 
saires. Ce  commencement  de  célé- 
brité lui  donna  le  désir  d'élever  un 
monument  plus  durable  ;  et    il  fit 
paraître  la  Monarchie  prussienne , 
Paris,   1788,  4  vol.  in-4°. ,  ou  8 
vol.  in -8°.   avec  un  atlas  in -fol. 
Après  un  exposé  rapide  des  moyens 
auxquels  la  maison  de  Brandebourg 
dut  les  progrès  de  son  élévation , 
l'auteur  traite ,  en  autant  de  livres  , 
de  la  géographie,  des  productions  , 


des  manufactures  ,  du  commerce,  de 
l'état  militaire  de  la  Prusse  :  dans 
un  huitième  et  dernier  chapitre,  où 
il  a  mis  son  cachet  particulier,  il 
groupe  tout  ce  qui  concerne  la  reli- 
gion ,  l'éducation,  la  législation  et 
le  système  administratif.  Les  autres 
parties ,  moins  soignées  (  si  l'on 
excepte  la  partie  militaire,  détaillée 
avec  complaisance  dans  de  larges  pro- 
portions ) ,  décèlent  l'extrême  pré- 
cipitation ou  la  fatigue.  Le  tableau  de 
la  population  prussienne  diffère  pro- 
digieusement des  calculs  du  comte 
d'Hertzberg  ,  dont  l'autorité  est  d'un 
grand  poids.  Les  principes  des  éco- 
nomistes sur  le  commerce  sont  re- 
produits dans  toute  leur  exagéra- 
tion ;  et  la  matière  mystérieuse  des 
revenus  et  des  dépenses  est  à  peine 
effleurée.  V Histoire  secrète  du  ca- 
binet de  Berlin,  révélation  indis- 
crète clés  manœuvres  diplomatiques 
de  Mirabeau  ,  écrite  dans  un  esprit 
de  critique  amère  ,  et  avec  la  liberté 
d'un  libelle  ,  souleva  tous  les  esprits 
contre  l'auteur  assez  peu  scrupu- 
leux pour  faire,  des  secrets  de  l'hos- 
pitalité ,  de  la  confiance  de  ses  amis 
et  de  celle  du  gouvernement,  la  pâ- 
ture de  la  malignité  publique.  L'em- 
pereur Joseph  II ,  le  roi  de  Prusse, 
et  surtout  le  prince  Henri,  qui  se 
trouvait  alors  à  Paris ,  étaient  fort 
maltraités  dans  cette  production  (  1  ). 
Louis  XVI  crut  devoir  une  satis- 
faction au  corps  diplomatique  ;  et 
ce  libelle  fut  condamné  par  le  par- 
lement à  être  brûlé  par  la  main 
du  bourreau  (2).  Mais  les  états-g 


(1)  Le  seul  duc  de  Brunswick  y  reçoit    des   elogi 
sans  mélange  ;  el  il  est  permis  de  croire  que  sa  p 


dilcction  pour  ce  prince  ue  contribua  peut 

pi  u  à  former  plus  lard  en  France  un  parti  qui  voulut 

le  placer  sur  le  tronc.  B — U. 

(?.)  Les  amis  de  Mirabeau  essayèrent  depuis  de 
l'excuser  :  à  les  en  croire,  il  ne  consentit  à  livrer  son 
manuscrit  que  comme  la  seule  ressource  qui  pût  pré- 
venir  Li  faillite  de  soa  libraire  Lejny  ,  auquel  il  av«i 


: 


MIR 

néraux  venaient  d'être  convoques: 
Mirabeau  eut  la  perspective  de  se 
relever  de  l'abjection  de  sa  jeunesse , 
et  de  l'inconsidératiou  attachée  à 
l'existence  précaire  et  dégradée  qui 
l'avait  suivie.  Sun  nom  fut  proclame 
sur  tous  les  points  de  la  Provence , 
a  côté  de  celui  de  Ray n al  ,  dans  la 
liste   des  candidats  populaires.  Ce- 
int il  se  présente  à  rassemblée 
de  la  noblesse  pour  y  voler  avec  ses 
pairs  :  ceux-ci  l'écartent  sous  pré- 
texte que  les  seuls  possesseurs  de  fiefs 
ont  droit  de  siéger  parmi  eux.  Il  pro- 
teste ,  disant  que  les  aristocrates  ont 
toujours  juré  la  perte  de  ceux,  qui, 
parmi  eux,  se  sont  déclarés  les  pa- 
trons du  peuple,  et  il  s'écrie  :  «  Ainsi 
périt  le  dernier  des  Gracques  ;  mais 
avant  d'expirer  ,  il  lança  de  la  pous- 
sière vers  le  ciel ,   en  attestant  les 
dieux  vengeurs:  et  de  cette  poussière 
naquit  Marius  ,  Marius  moins  grand 
pour  avoir  exterminé  les  Cimbres  , 
que  pour  avoir  anéanti  dans  Rome 
l'aristocratie  de  la  noblesse.  »  Ces 
paroles  étaient  d'un  homme  mer- 
veilleusement disposé  à  chercher  un 
levier    dans    les  excès    révolution- 
naires. 11  fit  preuve  néanmoins  ,  dans 
son  séjour  en  Provence  ,  d'une  mo- 
dération habile  :  environné  de  mou- 
;»ts  séditieux  ,  il   se  porta  plus 
d'une  fois  pour  médiateur  entre  l'in- 
surrection et  l'autorité,    qui   peut- 
être  n'aurait  pas  été  fâchée  de  trou- 
ver l'occasion  de  le  poursuivre.  Porté 
en  triomphe  par  la  multitude,  il  fut 
ic   à    grands  cris  aux  suil'ra- 
des  électeurs  du  tiers- état,  et 
imé  député  à  Aix  et  à  Mar- 
i).  11  opta  pour  la  première 


ce  livre  ,   lui  mirait- 
il  dit  ,  il  me p  , .  Le  barou  de 
e  ,  lit  justice-  de 
beau. 
(i)  I   ■                                            Mhrsuillc,  Tuf  un 
0                           -         riplion  dau? 


MIR  97 

de  ces  villes  ,  et  se  rendit  immédia- 
tement à  Paris  pour  calmer  l'effet 
des  poursuites  qu'il  s'était  attirées 
par  la  publication  de  ses  dépêches 
de  Berlin  (i).  Lorsqu'il  parut  dans 
la  saile  des  états-généraux  ,  un  mur- 
mure improbatcur,donl  il  saisit  l'ap- 
plication, se  fit  entendre;  et  l'on  put 
voir,  dans  la  fierté  de  son  maintien, 
combien  il  se  sentait  au-dessus  de  ses 
antécédents.  Entouré  de  publicistes 
exercés  ,  tels  que  le  marquis  de  Ca- 
zaux  ,  Durovcray ,  Clavièrc  et  autres 
Genevois  bannis  ,  il  s'aida  de  leurs 
lumières  ,  s'appropria  leur  expé- 
rience, et  leur  abandonna  la  rédac- 
tion d'un  journal  entrepris  sous  son 
nom  ,  dépôtde  ses  opinions  et  organe 
de  sa  renommée,  dont  le  produit 
l'aidait  a  satisfaire  ses  goûts  dispen- 
dieux. Les  premiers  numéros  de  cette 
feuille  portaient  le  titre  de  Journal 
des  États-généraux.  Mirabeau ,  en 
se  passant  de  l'autorisation  du  gou- 
vernement, avait  voulu  enlever  d'as- 
saut la  liberté  de  la  presse.  Necker, 
qui  se  voyait  attaqué  dans  ce  pam- 
phlet périodique ,  tiré  à  plus  de  dix 
mille  exemplaires  ,  en  (it  arrêter  la 
circulation  par  une  décision  du  con- 
seil-d'état. Mirabeau  éluda  cette  me- 
sure, en  livrant  ses  pages  à  ses  sous- 
eriptèurs  sous  le  titre  de  Lettres  à 
ses  commettants;  et  il  adopta  la  dé- 
nomination de  Courrier  de  Pro- 
vence ,  lorsque  le  gouvernement  eût 
laissé  une  libre  carrière  aux  jour- 
naux, dont  la  France  ne  tarda  pas 
à  être  inoudée  (a).  Les  députés  du 
tiers-état  qui  arrivaient  à  Paris  avec 
une  réputation  déjà  faite,  pliaient 


■a  l<  ttre  en  réponae  an  comte  de  '   iram  m  . 
n. mu  de  la  Provence  .  <|ui  l'invitait  ù  ue  j>.is  al 

J'.iiiluMisi.i.iiH'  <|n'il  avail  excité.  Il— -u. 

i     J  .     ,  arli  m.  ni      par   de*   vue*   parti. 
garmer  .--a  tevéi  it. . 
(■>.)  Le  Cmiiicr  de    Provence  ,   continué  juxju'ru 
i  .un    S  \nl.  in-8". 


98 


MIR 


sous  l'influence  de  Necker ,  et  recon- 
naissaient plus  particulièrement  pour 
chefs  Mounicr,  Malouet  et  Rabaut- 
Saiul-Etienuo.  Les  vœuî  des  deux 
premiers  se  bornaient  à  introduire 
en  France  les  branches  principales 
de  la  constitution  anglaise.  Mira- 
Beau,  contenu  par  l'opinion  acerë- 
de  son  immoralité,  observa 
d'abord  les  espi  "ant  sur  la 

marche  qu'il  devait  suivre.  Quoique , 
en  raison  de  sa  liaison  avec  Gh 
lier  et  Sieycs  ,   il  semblât  pencher 
vers  les  opinion  lées  ,  il  n'i- 

gnorait pas  quel  mépris 
la  cour  pour  ceiui  qu'elle  appelait 
ironiquement  le  Comte  plébéien; 
mais  frappé  de  L'esprit  de  ver; 
de  l'inexpérience  d'un  grand  nom- 
bre de  ses  collègnes ,  et  redoutant 
les  suites  de  la  lutte  qui  allait  s'en- 
gager par  la  résista  née  dos  deux  or- 
dres privilégies,  il  fit  des  démarches 
pour  amener  les  ministres  à  se  con- 
certer avec  lui ,  et  se  n  «e  en- 
trevue avec  Necker,  par  l'entremise 
de  Malouet.  La  e  fut  courte 
et  sèche,  dit  ce  dernier;  Mirabeau 
voulait  qu'on  lui  parlât ,  et  on  s'é- 
tait seulement  résigne  à  l'entendre  : 
il  s'attendait  à  la  communication 
d'un  plan,  et  il  n'y  en  avait  point 
d'arrêté.  Il  sortit  mécontent  ;  et 
on  lui  entendit  dire  :  Je  ny  re- 
viendrai plus,  mais  ils  auront  de 
mes  nouvelles.  Il  ne  tint  que  trop 
bien  parole.  Jusque-là  il  avait  évité 
de  se  livrer,  à  la  tribune,  aux 
gueuses  harangues  dont  il  avait 
rempli  la  Provence  ;  ses  premiers 
travaux  n'avaient  été  qu'une  tra- 
duction des  ré  e  la  cham- 
bre des  communes  d'Angleterre,  et 
la  motion  d'investir  les  députés  du 
titre  de  représentants  du  peuple  ,  la- 
quelle laissait  intacte  la  composition 
des  états-généraux,  et  nepréjndk  iait 


MIR 

point  aux  droits  des  deux  autres  or- 
dres ;  mais  lorsqu'il  se  vit  repoussé 
parles  hauteurs  ministérielles ,  aris- 
tocrate par  goût,  selon  la  juste  ex- 
pression de  Necker,  il  devint  tribun 
par  choix.  Le  23  juin  fit.  un  des  jours 
les  plus  remarquables  de  sa  Carrière 
poliii  a  dire  quedans  celte 

journée  fut  réellement  décidé  le  sort 
de  la  monarchie.  Le  roi  sortait  de 
celle  mémorable  séance  ,  où  il  venait 
de  faire  les  concessions  les  plus  im- 
portantes :  mais  il  avait  ordonné  à 
l'assemblée  de  se  séparer  ;  et  déjà 
cette  assemblée  ne'voulâlt  plus  qu'on 
lui  do  ordres.  Le  tiers-état 

ait  ;  il  resta  réuni ,  gar- 
dant sur  ses  banquettes  un  profond 
silence.  Le  marquis  de  Brezé ,  maî- 
tre des  cérémonies  ,  vint  rappeler  à 
l'assemblée  les  ordres  du  monarque; 
Mirabeau  lit,  an  nom  de  ses 
collègues,  cette  réponse  si  fameuse: 
«  Les  communes  de  France  ont  ré- 
»  soin  de  délibérer.  lSous  avons  en- 
»  fcefldu  les  intentions  qu'on  à  sug- 
»  gérées  auRoiretvousquincsauriez 
»  être  son  organe  auprès  de  l'as- 
)>  semblée  nationale;  vous  qui  n'a- 
»  vez  ici  ni  place  ,  ni  voix,  ni  droit 
»  de  parler;  vous  n'êtes  pas 
»  pour  nous  rappeler  son  discours  : 
»  allez  dire  a  votre  maître  que  nous 
»  sommes  ici  parla  puissance  du  peuS 
»  pic.  et  qu'on  ne  nous  en  arra< 
»  que  par  la  puissance  des  haïon- 
paroles  p 
fet  inexprimable.  Les  députés  , 
jusque-là  silencieux,  et  absorbés 
dans  leurs  fè'ftexiems  où  la  crainte 
entrait  pour  beaucoup ,  parurent  ani- 
més comme  par  une  explosion  élec- 
trique; et  l'on  enlendit  cette  excla- 
mation unanime  :  Tel  est  le  in 
V assemblée:  elle  retentit  bientôt  par- 
tout ;  et  c'était  à  qui  appuierait  la 
violente   sortie   de   Mirabeau.  Plus 


MTR 

».anl,  celui-ci  liait  avec  ses  amis  du 
on  audace,  et  il  disait 
qu'on  eut  pu,  avec  ane  poignée  de 
»,  disperser  les  nouveaux  lé- 
gislateurs. On  a  cru  que  la  • 
eu  un  moment  cette  pensée.  Kilo  fit 
tout -à -coup  entourer  La  salle  des 
séances  par  tous  les  gardes-du-corps 
qui  se  trouvaient   à  Versailles  :  on 
rappela  en  toute  hâte  ceux  qui,  ayant 
fini  leur  service,  retournaient  à  Saint* 
Germain*  et  d'autres  troupes  furent 
mises  sur  pied.  Le  moment  était  dé- 
cisif. Ce  fut  dans  celte  circonstance 
qu'évidemment  menace  par  des  gens 
armes,  Mirabeau  lit  prendre  l'arrêté 
qui    dec'ara   l'inviolabilité  des   de- 
putes.  Les  gardes -du -corps  furent 
renvoyés  dans    leurs   quai-tiers  ,    et 
l'assemblée  régna  sur  toute  la  Fran- 
ce :  le    roi    ne    fut    plus  dès -lors 
pouvoir  executif,  sans  forées 
et  sans  moyens  d'en  créer.  Dans  cet 
Le  crise  ,  il  se  confia  au  dévoû- 
menï  du  maréchal  dcBrogIie,ct,  par 
son  conseil,  l:t  avancer  dix  ou  dou/.e 
mille  hommes,  un  bataillon  d'artil- 
lerie et  du  canon.  A  ces  troupes,  re- 
parties entre  Paris  et  Versailles, de- 
vaient se  joindre  plusieurs  régiments 
qui  marchaient  par  échelons»  L'as* 
semblée  vit  son  exi  mpro- 

mise  dans  ces  préparatifs  ;  el 
beau  lui  (it  adopter  un   projet  d'a- 
se  au  roi  pour  demander  le  renvoi 
troupes.    Celte   adresse,    chef- 
ibinài- 
çee  daris  les 
termes  d'un  re  .  iueux  pour 

i.i  personne  du  monarque'  mais  une 

contre 
.  L'auteur  s'était  pro- 
posé il  <  .1  faire  un  appel  à  la  révolte 
pour  les 

complirent.  l/insui ,  ..;.  nills. 

sauce  au  Palais  royal,  le  1  >.  juillet, 
à  l'occasion  du  ri 


MÎR 


99 


la  défeelion  devint  presque  générale 
parmi  les  troupes  stationnées  a  Pa- 
aux    environs  :    le    régiment 
suisse  de  Cbâtcauvieux  fut  lui-même 
infidèle  à  ses  drapeau*  ;  et  les  habi- 
tants de  Paris,  eu  cornant  aux  armes, 
prirent  l'initiative  de  Inorganisation 
des  gardes  nationales,  qui  s'étendit 
bientôt  «:i  toute  la  France.  Les  évé- 
nemenlsdu  1  \  juillet  consommèrent 
la  révolution.  Dans  la  matinéedu  i:j, 
au  moment  où  la  ville  de  Paris  était 
dans  un  désordre  épouvantable  ,  et 
n'avait  ni  subsistances  ni  police  ,  Mi- 
rabeau prononça   contre  les  minis- 
tres ,  la  cour ,  les  princes  et  le  roi  lui- 
même  ,  un  discours  qui  répandit  Fcf- 
froi  dans  tous  les  cœurs  attachés  au 
monarque,  et  parut    le  signal  de  la 
proscription.  La  famille  royale  fut 
éperdue.  On  représenta  au  roi  que 
son  trône  el  sa  vie  élaicnt  menaces  : 
déjà  on  avait  mis  à  prix,  dans  des 
placards  incendiaires ,  la  tète  du  plus 
jeune  de  ses  frères.  Louis  XVI  cé- 
dant, aux  sollicitations  du  maréchal 
de  Broglie,  fut  à  la  veille  de  se  re- 
tirer a  Metz  avec  sa  famille  ;  mis, 
quelques   heures  avant  son  départ t 
mseds  et  surtout  les  instances 
du  duc  de  Lianeourt  le  délei 
vent  à  rester  :  il  se  rendit  à  l'assem- 
blée, accompagné  de  ses  frères,  et 
mit  sou  Sort  à  la  disposition 
sujets.  Avant  que  le  monarque  parut, 
Mirabeau  emblée 

à  rester  immobile  et  mue 
que  le  silence  est  i.i 
Le  i(>,  il  (il   une  nouvelle  adresse 
au  roi ,  pour  lui  demander  le 
des   minis  •:!.  eu   effet 

laces.  Le  17  ,  le  comte  d'Ar- 
tois . 


ioo  M1R 

cocarde  tricolore  (  V .  Louis  XVI  ). 
L'émigration  commença.  Rappelé'  de 
son  exil  momentané,  Necker  avait 
obtenu ,  des  électeurs  de  Paris ,  la 
cessation  des  poursuites  dirigées 
contre  le  baron  de  Bezenval  (  V.  Be- 
zen  val  )  par  suite  des  événements 
du  i 4  juillet  j  il  voulait  faire  léga- 
liser cette  amnistie  par  l'assemblée. 
Mirabeau,  dont  le  système,  pour 
s'emparer  du  gouvernement  ,  était 
d'attaquer  continuellement  les  minis- 
tres ,  souleva  les  assemblées  des  ilis- 
tricts  de  Paris  contre  la  décision  des 
électeurs.  Ces  districts  ,  prétendant 
exercer  la  souveraineté,  s'opposè- 
rent à  la  mise  en  liberté  du  baron , 
qui  fut  effectivement  retenu  prison- 
nier et  livré  au  tribunal  du  Châtelel. 
Depuis  ce  moment,  Necker  vit  éva- 
nouir, pour  toujours,  cette  popula- 
rité qui  l'avait  rendu  maître  de  la 
France.  Mirabeau  attaqua  toutes  ses 
opérations,  discrédita  tous  ses  pro- 
jets ,  tantôt  par  des  raisonnements 
sérieux  ,  tantôt  par  d'amers  sarcas- 
mes ;  et  il  les  rendit  ridicules,  lors 
même  qu'il  paraissait  les  défendre. 
(  F.  Necker.  )  Ce  fut  Mirabeau  qui 
contribua  le  plus  à  la  formation  de 
ces  districts  ou  sections  de  Paris  ,  si 
remarqués  dans  la  révolution,  et 
dont  ils  furent  de  si  puissants  auxi- 
liaires. Ce  fut  également  à  lui  que  la 
garde  nationale  dut  plus  particuliè- 
rement sa  création  :  il  la  demanda  dès 
le  8  juillet,  et  ne  cessa  de  la  provo- 
quer ,  excité  par  l'abbé  Sieyes  ,  qui , 
n'osant  pas  manifester  publiquement 
des  dispositions  aussi  guerrières  , 
lui  suggéra  cette  mesure  (i),  comme 


(i)  Ou  fait  houueur  à  Mirabeau  de  l'idée  de  cet 
armement  général,  ordonné  pour  s'opposer  à  des 
l>i'igands  dont  la  prochaine  arrivée  fut  annoncée  dans 

toutes  les  communes  à-la-fois  :  il  prit  ,  sa:is  doute  , 
part  à  cette  manœuvre  ,  et  ne  contribua  pas  peu  à  la 
faire  réussir;  mais  l'invention  ne   lui  eu  appartient 

pas  ;  V.  Adrien  DUPOUT,  XII,  2^7  ).  B—  l). 


MIR 

le  plus  puissant  levier  de  la  révo- 
lution. Lprsquc  La  Fayette  ,  a 
l'exemple  des  Américains  ,  eut  pro- 
posé d'attacher  comme  préface,  à 
la  constitution  ,  une  déclaration  des 
droits  de  l'homme,  Mirabeau  se  tint 
en  garde  contre  l'enthousiasme  phi- 
losophique des  jeunes  seigneurs  en- 
rôlés dans  le  parti  populaire,  de 
même  que,  le  4  août  1789,  il  n'a- 
vait pris  aucune  part  à.  l'intempé- 
rance de  philantropie  qui  signala 
cette  nuit  mémorable.  Il  représenta 
les  dangers  de  ces  abstractions  lan- 
cées au  milieu  d'une  population 
sans  expérience  ;  il  voulait  quelles 
ne  fussent  rédigées  qu'à  la  suite  de 
la  charte  constitutionnelle  ,  dont 
elles  seraient  le  corollaire.  La  ques- 
tion de  l'établissement  de  deux  cham- 
bres ,  mise  en  avant  dès  l'ouver- 
ture des  états -généraux,  dans  une 
brochure  de  l'évêque  deLangres ,  M. 
de  la  Luzerne, trouva  dans  Mirabeau 
un  adversaire  prononcé.  11  était  ce- 
pendant loin  de  vouloir  concentrer 
l'autorité  dans  une  seule  assemblée; 
car  il  se  déclara  partisan  de  la  sanc- 
tion royale  ,  et  demanda  ,  dans  un 
discours  plein  de  force  et  déraison, 
que  le  monarque  pût  opposer  aux 
décrets  de  l'assemblée,  non  pas  seu- 
lement un  vélo  suspensif,  comme 
Necker  en  ouvrait  l'avis,  mais  un 
vélo  absolu  et  indéfini  :  «  Oui,  je  le 
»  déclare,  disait -il  à  Barnave,  je 
»  ne  connais  rien  de  plus  terrible 
»  que  l'aristocratie  souveraine  de 
»  six  cents  personnes  qui  demain 
»  pourraient  se  rendre  inamovibles, 
»  après-demain  héréditaires ,  et  fini- 
»  raient,  comme  les  aristocrates  de 
»  tous  les  pays  du  monde ,  par  tout 
»  envahir  (1).  »  On  parlait,  depuis 

(ï)  Barnave,  avec  lequel  j'ai  vécu  un  moisà  la  Con- 
ciergerie et  tjui  était  aloxs  revenu  de  ses  erreurs,  m'a- 
Toua  que  le  veto  absolu  était  le  plan  qu'il  avait  1« 
plus  de  regret  d'avoir  combattu.  B— 17. 


MIR 

le  14  juillet,  d'un  projet  de  changer 
l'ordre  de  la  succession  à  la  couronne; 
et  Mirabeau  en  était  considère  comme 
le  principal  instrument:  ce  bruit  se 
renouvela  clans  la  se'ancc  du  18 
août.  Un  député  demanda  si,  en  sup- 
posant l'extinction  de  la  branche 
régnante,  celle  des  Bourbons  d'Es- 
pagne aurait  droit  à  la  couronne  de 
France,  nonobstant  la  renonciation 
stipulée  par  le  traité  d'Utrecht.  L'a- 
journement fut  mis  aux  voix  et  rejeté. 
«  Il  est  une  question  parfaitement 
»  connexe  avec  celle  que  nous  venons 
»  de  traiter,  dit  alors  Mirabeau,  et 
»  sans  doute  elle  n'est  pas  d'une 
»  moindre  importance  :  je  propose 
»  qu'il  soit  déclare  que  nul  ne  pourra 
»  exercer  la  régence  qu'un  homme 
»  ne  en  France.  »  A  ces  mots  tous 
les  regards  se  fixèrent  vers  la  place 
où  siégeait  habituellement  le  duc 
d'Orléans  ,  qui  n'était  pas  alors  dans 
la  salle  :  il  se  promenait  d'un  air 
pensif  dans  les  corridors.  Dès-lors 
les  soupçons  qu'on  voulait  lui  défé- 
rer celte  régence,  même  avant  l'évé- 
nement prévu  ,  prirent  encore  plus 
de  consistance  :  au  surplus  il  n'y  eut 
absolument  rien  de  décidé  sur  la 
question  proposée.  L'assemblée  se 
contenta  de  déclarer  que  la  couronne 
était  héréditaire  dans  la  famille  ré- 
gnante de  mâle  en  maie,  par  ordre 
de  primogéniture  ;  et  il  ne  fut  plus 
question,  ni  des  prétentions  de  la 
blanche  d'Espagne,  ni  de  celle  d'Or- 
léans. Cependant  Mirabeau,  qui  pen- 
sait, avec  quelques  meneurs,  qu'une 
déviation  du  principe  de  l'hérédité 
du  trône  ,  consoliderait  mieux  le 
nouvel  ordre  de  choses,  sonda  dans 
quelques  entretiens  la  valeur  morale 
du  duc  d'Orléans;  mais  il  s'en  éloi- 
gna presqu'aussitôt,  convaincu  de 
l'impossibilité  de  Ton. 1er  aucun  plan 
avec  ce  prince.  Depuis  les  journées 


MIR  lot 

du  5  et  du  0  octobre,  il  était  en 
mésintelligence  ouverte  avec  le  duc. 
Lorsque  le  repas  donné  par  les 
gardes  -  du  -  corps  au  régiment  de 
Flandre  ,  fut  dénoncé  comme  une 
orgie  où  avaient  été  mêlées  à  de  vifs 
témoignages  d'intérêt  pour  la  famille 
royale  ,  des  clameurs  injurieuses 
pour  l'assemblée,  Mirabeau  échauffé 
par  les  sommations  du  côté  droit, 
qui  demandait  des  preuves  ,  promit 
d'en  produire  de  foudroyantes,  mais 
à*  condition  que  le  roi  seul  conserve- 
rait le  privilège  d'inviolabilité ,  et 
que  la  loi  pourrait  frapper  tous  les 
autres  personnages  à  quelque  éléva- 
tion qu'ils  fussent.  Cette  sortie  dési- 
gnait évidemment  la  reine,  qui  avait 
paru  à  ce  fameux  banquet,  portant 
son  fils  entre  ses  bras  (  r,  Marie-An- 
toinette). On  connaît  les  tragiques 
résultats  de  cette  dénonciation;  mais 
un  voile  épais  est  resté  sur  plusieurs 
circonstances,  et  sur  la  culpabilité 
des  individus  signalés  comme  prin- 
cipaux moteurs  :  Mirabeau  était  en 
première  ligne;  et  le  Châtclet,  chargé 
des  recherches,  déclara  qu'il  avait 
découvert  les  intelligences  du  duc 
d'Orléans  et  de  Mirabeau.  Des  té- 
moins affirmèrent  avoir  vu  ce  der- 
nier gesticulant  au  milieu  du  régiment 
de  Flandre  :  un  M.  de  Valfond  soutint 
même  qu'il  l'avait  rencontré  dans 
les  rues  ,  armé  d'un  grand  sabre  , 
et  qu'il  lui  avait  parlé.  Enfin  on  se 
rappela  qu'il  avait  dit  à  Mounier , 
qui  frémissait  à  L'idée  d'une  répu- 
blique :  «  Eh  !  bon  homme;  qui  vous 
»  a  dit  qu'il  ne  faut  pas  un  roi  ?  mais 
»  que  vous  importe  que  ce  soit  fouis 
»  XVI  ou  Louis  XV  II?  voulez-vous 
»  que  ce  soit  toujours  le  bambin  qui 
»  nous  gouverne  ?  »  De  foules  ces 
circonstances,  Mirabeau  i 
sa  présence  parmi  les  soldais  ,  e! 
:iion  de  M.  de  Yalfonil 


MIR 

témoin  ,  clil  I  la  vue  basse  , 

avait  piis  pour  fui  M.  de  Gamacbe. 
11  expliqua  les  autres  chefs  d'accu- 
sation d'uoe  manière  plausible  ;  et , 
passant  au  rôle  d'accusateur,  il  fît 
i;jic  violente    .sortie   contre  le  côte' 
droit.  L'assemblée  décréta  qu'il  n'y 
avait  pas  lieu  à  accusation.  La  con- 
viction   générale    l'ut    qu'on    avait 
voulu  faire  le  procès  à  la  révolu- 
tion ;  aussi  le  comité  des  recherches 
de  la  commune  de  Paris  j  qui  avait 
entamé  une  instruction  concurrem- 
ment avec  le  Chàtelet,  évita  (: 
blier  les  pièces  qui  venaient  à  l'appui 
de    son    rapport.    Mirabeau  ,    qui  , 
comme  on  l'a  dit,  s'était  détaché  lies 
intérêts   du  duc    d'Orléans,   l'avait 
l'ait  exhorter  en  vain  de  ne  point 
accéder   à  l'exil    que    lui  imposait 
.   pour   se  délivrer   d'une 
influence  qui  contrebalançait  la  sien- 
ne.  Iî  tint  même  ,  sur  ce  prince  , 
des    propos   d'une   insolence   éner- 
gique. Dès-lors  il  sembla  vouloir  ar- 
rêter la  marche  de   la   révolution, 
ou  du  moins  la  modérer  ;  mais   sa 
popularité  commençait  à  s'évanouir. 
\  oyant   que  ,    tous    les    jours  ,   de 
nouveaux    desordres   excitaient    de 
nouvelles  plaintes,  il  disait  :  «  Au 
»  lieu  de  ces  inutiles  lamentations, 
»  ranimez  le  pouvoir  exécutif ,  don- 
/. -lui  de  la  vigueur  par  de  bon- 
»  nés  lois  :  c'est  le  seul  moyen  de 
»  ramener  la  paix,  »  On  voulait  chan- 
ger le  préambule  des  lois;  Pélbion 
repoussait  la  formule  :  Louis  par  la 
)ieu,  comme  rappelant  des 
idées  de  théocratie;  Mirabeau  répon- 
dit» qu  il  nevoyail aucun  intérêt  pour 
»  les  nations  cic  renoncer  aux  formes 
»  ancienr:  es  à  des  senti- 

»  ments  religieux,  lorsque  ces  for- 
avoir  de  man- 
ies; »  et  la  for- 
.  Ce  fut  aussi  lui 


MIR 

qui  proposa,  et  fit  décréter  Ja  loi 

i   le,  pour  dissiper  les  attroupe 
ments    séditieux.  l\  de*  lai  a   qu'iu 

ablée  législative  dans  laquelle 
le  pouvoir  exécutif  n'aurait  pas  la 
plus  grande  influence,  deviendrait 
ôl  l'ennemie  de  ce  pouvoir,  et 
l'anéantirait  ou  serait  sa  victime.  11 
déploya  les  plus  grands  efforts  pour 
que  les  ministres  du  roi  fussent  admis 
clans  l'assemblée,  avec  voix  consulta- 
tive, jusqu'à  ce  que  la  constitution 
eût  statué  s'il  ne  conviendrait  pas 
qu'ils  en  fissent  partie.  Cette  motion 
parut  assez  singulière  de  sa  part , 
pour  qu'on  eu  recherchât  le  motif  ; 
et  ce  fut  alors  qu'on  apprit  assez  po- 
sitivement que  le  roi ,  instruit  des 
dispositions  que  Mirabeau  montrait  à 
servir  la  monarchie,  avait  résolu  de 
le  prendre  pour  un  de  ses  ministres: 
quelques  personnes  avaient  fait  en- 
tendre à  ce  prince  que  l'homme  qui 
l'avait  attaqué  avec  tant  de  succès, 
lui  serait  plus  utile  que  ceux  qui 
n'avaient  pas  su  le  défendre  j  qu'au 
surplus  c'était  le  seul  moyen  <: 
ter  la  révolution.  Ce  projet  ne  fut 
pas  plutôt  connu  que  chacun  se  mit 
en  campagne,  pour  en  empêcher 
l'exécution.  M.  Lanjuinais,  informé 
par  l'archevêque  <  I  e  Bor<  I  eaux  (  ( 
pion  de  Cicé),  alors  ministre  de  la 
justice,  de  ce  qui  se  passait,  s  op- 
posa vivement  à  la  motion  :  il  fut 
malheureusement  secondé  par  la 
pluralité  de  Passera]  e  par 

ceux  des  députés  qui,  dans  une 
circonstance,  se  fussent  empi 
de  la  soutenir;  et  l'on  décréta,  le  7 
novembre  «789,  qu'aucun  député 
ne  pourrait  être  ministre.  Mirabeau 
eut  beau  demander, de  toute  la  force 
de  ses  poumons  ,  que  cette  exclu- 
sion ne  portât  que  sur  lui;  on  lui 
répondit  par  l'ordre  du  jour.  Parmi 
les  opérations    financières  sur  les- 


MIR 

quelles  il  eut  une  grande  influence, 
o  i  doit  rappeler  la  spoliation  du 
cierge,  et  la  création  des  assignats. 
Dans  la  ice.  question,  il  se  mesura, 
sans  trop  de  de-  ver  Mau- 

ry  (  1)  .  dans  la  2e,  qui  n'était  que  le 
complément  de  la  mesure  qui  con- 
fondait dans  le  domaine  national  les 
Liens   ecclésiastiques,    p. 
biens  devaient  être  l'hypothèque 
billets  mis  en  circulation  ,  on  e 
de  le  montrer  en  contradiction  avec 
son  opinion  ancienne,  qui  était  défa- 
vorable au  papier-monnaie;  mais  il 
avait  senti  la  nécessité  d'adopté 
moyen  facile  et  vigoureux  pu. 
menter  la  révolution.  Maury,  s'étaut 
porté  de  nouveau  son  contradicteur, 
retraça  les  funestes  effets  du  système 
de  Law  ;  il  fut  hué,  et  faillit  è;re 
assomme    par  la  populace  :  Mira- 
beau fut  couvert  d'applaudissements 
is,   même  par  le  commerce  de 
.   dont  les  assignats  devaient 
entraîner  l,i  ruine.  11  voulait  cepen- 
dant que,  dans  aucun  cas.  la  i 
des  assignats  ne  pût  excéder  douze 
millions;   ce  qui  fut  décrété 
le  ag  septembre  1790.  Ou  sait  com- 
ment les    assemblées    qui   suivirent 
■      ret.  Une  des  dis- 
mi    lit   le'  plus  d'honneur 
à  Mirabeau,  fut  sans  contredit  celle 
qui  roula  sur    le  droit  de    faire  la 
guerre  et   la  paix  :  il   s'agissait   de 
décider  auquel   des   dn;\    pouvoirs 
appartiendrait  l'initiative.  Mirabeau 
proposa  qu'elle  fût  dévolue  au  roi; 
ii  premier  discours  dans  ce  dé- 
bat, mire  lui 

de  l'assemblée  :  la  G 

comte  de  Mirabeau, 


[lies  ..,Tar|.h,.,.nl   .,   I., 
m   iniliiC- 

icju*  titulaires. 


MIR  io3 

fut  criée  dans  les  rues  ;  îa  popui 
dans  ses  vociférations ,  demandait  sa 
têtej  on  montrait  la  corde  avec  la- 
quelle il  (levai!  être  pendu.  La  force 
militaire,  déployée  par  le  comman- 
dant de  la  i 
l'invioi|abiUlé  de  Mirabeau,  il  ■■ 

es  à  essuyer  a> 
trer  daj  bjée,  où  un  ami  lui 

mit  sous  les  yeux  les  dangers  dont 
il  était  menacé:  —  Je  1  sais  assez  , 

dii-il;  on  ne  raJ< 
que  tri  ou  en  lambeaux.  11 

n'avait  eu  qu'une  nuit  pom 

séduit   une   grande   partie  de 
l'assemblée.  \\  n 
pour  texte 

de  la  faveur  populaire  , 
ces  mots  qui  venaient  d'être  pré 
ces  moins  élégamment  à  ses  cotés ,  La 
Hoche-  Tarpeiewie  est  p 
Capitule',  et  pressant    dans    toutes 
ses  sinuosités  fe  discours  de  son  ad- 
versaire, il  ressaisit  sa   popi 
expirante  ,    et    une    rare 
remporta   la  plus  belle  victoire  de 
tribune- qui  eut   été  obtenue   dans 
cette  session.  Une  seconde  lutte  s'en- 
gagea entre   Barnave    et  lui,    mais 
avec  un  résultat  bien  diiîércnl.  Fort 
de   ses   lumières   acquises  el  de  la 
-ou  esprit, Mirabeau 
proposa  uueloiqnieûx  écarté  cb 
niemenl  des  affaire  rience 

eilleuse  :  nul ,  d'après  cette  loi, 

tionaiesans  un  stage  préalable  dans 
les  fonctions  aduiî  et  ju- 

u'es;  et  m 

le  ci' 

par!  1  I   u'é- 

tail   point  en  !. 
du  moment  ;  1 
ajournement  iudeiini.  L< 
Mirabeau  pour  inti 


io4  MIR 

ments  monarchiques  dans  la  consti- 
tution, étaient  attribues  à  des  vues 
cupides.  Rivarol  ,  écrivain  dévoue'  à 
la  cour,  disait  :  .le  suis  vendu,  mais 
non  payé.  Mirabeau  ,  Rappliquant 
cette  phrase,  la  retournait  ainsi  :  Je 
suis  paré,  et  non  vendu.  On  n'en 
était  pas  moins  persuade  qu'il  cé- 
dait à  l'influence  de  largesses  royales; 
et  l'on  crut  remarquer  en  lui  un  chan- 
gement de  dispositions ,  à  dater  du 
jour  où ,  par  un  discours  extrême- 
ment sage ,  il  fit  décréter  le  maintien 
de  l'alliance  avec  l'Espagne.  Le  be- 
soin des  applaudissements,  et  la  né- 
cessité de  soutenir  sa  popularité,  lui 
arrachèrent  encore  quelquefois  des 
témoignages  d'adhésion  aux  princi- 
pes dés  organisateurs.  Mais  si  l'hom- 
me révolutionnaire  existait  encore  en 
lui,  on  le  voyait  décliner  de  plus  en 
plus  :  on  peut  regarder,  à-peu-près, 
comme  son  dernier  acte,  sous  ce 
rapport ,  la  motion  qu'il  fit  contre 
le  prince  de  Gondé  le  ^5  juillet  1 790. 
On  distribuait  jusque  dans  les  corri- 
dors de  la  salle,  un  manifeste  at- 
tribué à  ce  prince,  et  dans  lequel  la 
révolution  était  fort  maltraitée.  Mi- 
rabeau demanda  qu'il  fût  sommé 
de  désavouer  cet  écrit,  dans  le  délai 
de  trois  semaines,  et  qu'il  fût  déclaré 
traitre  à  la  patrie,  s'il  s'y  refusait. 
Qui  l'eût  imaginé?  Robespierre,  les 
frères  Lamctn,  et  quelques  autres 
membres  de  l'extrême  gauche ,  se  joi- 
gnirent à  Cazalès  ,  à  t'abbé  Maury, 
pour  repousser  cette  proposition. 
C'est  que  les  amis  les  plus  chauds 
de  la  révolution  étaient  déjà  divi- 
sés entre  eux ,  et  se  détestaient  plus 
cordialement  qu'ils  ne  haïssaient 
ceux  qu'ils  appelaient  contre- révo- 
lutionnaires. Depuis  cette  époque  ,  la 
conduite  de  Mirabeau  devint  toujours 
plus  suspecte  aux  grands  meneurs 
de  Ja  révolution  ,  en  même  temps 


MTIR 

qu'elle  inspirait  plus  de  confiance 
au  parti  opposé.  De  concert  avec 
ses  amis,  le  côté  droit  le  porta  à  la 
présidence  au  commencement  de  fé- 
vrier. 1791.  Mirabeau  exerça  cette 
haute  fonction  d'une  manière  neuve 
et  brillante:  on  applaudit  surtout  son 
allocution  philosophique  à  une  dé- 
putation  de  Quakers.  Lorsqu'il  quitta 
le  fauteuil ,  les  amis  de  la  monarchie 
fixèrent  sur  lui  toutes  leurs  espé- 
rances :  chaque  fois  qu'il  demandait 
la  parole,  tout  le  monde  était  atten- 
tif ;  et  chacun  espérait  recueillir  dans 
ses  expressions  quelque  chose  de  fa- 
vorable à  l'opinion  qu'il  avait  em- 
brassée :  c'est  ce  qui  fut  remarqué 
surtout ,  lorsque  l'on  voulut  porter 
une  loi  contre  les  émigrations.  Mes- 
dames, tantes  du  roi,  se  rendant  à 
Rome  avec  des  passeports  du  mo- 
narque ,  avaient  été  arrêtées  par  la 
ville  d'Arnai  -  le  -  Duc  :  Mirabeau  fit 
déclarer,  contre  la  plus  vive  opposi- 
tion de  Barnave  ,  qu'elles  pouvaient 
continuer  librement  leur  voyage  , 
puisqi l'aucune  loi  n'y  mettait  obsta- 
cle. Quatre  jours  après  ,  un  projet 
de  loi  fut  présenté  par  le  comité  de 
constitution,  pour  arrêter  les  pro- 
grès de  rémigra^ion.D'après  ce  plan, 
on  n'aurait  pu  sortir  de  France  sans 
la  permission  d'une  commission  de 
trois  membres  revêtus  de  pouvoirs 
illimités  pour  cet  objet  j  et  tous 
les  absents  auraient  été  tenus  de 
rentrer  immédiatement  sur  l'ordre 
émané  de  ce  triumvirat  :  Mirabeau 
lut,  pour  écarter  cette  mesure,  un 
passage  de  sa  Lettre  a  Frédéric- 
Guillaume  ,  et  s'élevant  une  secon- 
de fois  contre  toute  espèce  de  loi 
opposée  à  l'émigration,  il  s'écria  : 
«  Il  est  prouvé  par  l'expérience  de 
»  tous  les  temps ,  qu'avec  l'exécution 
»  la  plus  despotique,  la  plus  coneen- 
»  trée  dans  les  mains  des  Busiris 


MIR 

*  de  pareilles  lois  n'ont  jamais  été 
»  exécutées  ,  parce  qu'elles  sont 
»  inexécutables.  Si  vous  faites  une 
»  loi  contrôles  émigrants,  je  jure 
»  de  n'y  obéir  jamais.  »  Celte  dé- 
claration, prononcée  avec  énergie, 
étonna  rassemblée.  L'extrémité  gau- 
che réclama  seule  avec  vivacité: 
Goupil,  vieillard  irascible,  se  plai- 
gnit de  ce  qu'il  appelait  la  dictature 
de  Mirabeau;  celui-ci  eut  recours  à 
l'ironie,  et  des  murmures  plus  vio- 
lents partirent  du  même  côté.  Silence 
aux  trente  voix (i),s écria  Mirabeau 
en  regardant  fixement  les  interrup- 
teurs* et  il  continua  son  discours. 
L'assemblée  renvoya  l'examen  de  la 
question  ajournée  à  tous  les  comités 
réunis.  Cependant  les  rapports  de  Mi- 
rabeau avec  le  roi  prenaient  tous  les 
jours  plus  de  consistance.  Un  grand 
seigneur  brabançon  ,  le  prince  Au- 
guste d'Àremberg, connu  alors  sous  le 
nom  de  comte  de  Lamark,  et  lié  inti- 
mement avecluijfut  son  intermédiai- 
re auprès  de  la  cour,  et  lui  ménagea 
des  communications  par  lettres  avec 
Bouille ,  le  général  auquel  le  roi  se 
confiait  le  plus  depuis  qu'il  avait  ré- 
primé la  rébellion  de  Nanci.  Bouille 
s'empressa  de  rassurer  Mirabeau  sur 
ses  relations  avec  Lafayette ,  que 
des  considérations  politiques  d'un 
moment  et  les  liens  de  la  parenté 
avaient  formées,  mais  auxquelles  il 
était  prêt  à  renoncer.  Mirabeau  de- 
manda ,  pour  premières  eonditions 
du  traité,  qu'il  lui  lut  compté  une 
somme  de  quarante  mille  francs  par 
semaine,  et  qu'on  lui  assurât,  après 

iblissement  de  l'autorité  r< 
une  ambassade  ou  un   ministère  a 
son  choix. Tout  cela  lui  fut  accordé; 


(0  En  rftel 
iik  ni  un  parti  iten.iil  à 

lioinuies 
«jni  dirigèrent  bientôt  I 


MIR  *©5 

et  il  jouit  pendant  plusieurs  mois 
du  traitement  convenu.  11  aurait  dé- 
siré que  le  roi  se  bornât  à  aller  , 
soit  à  Compiègne ,  soit  «à  Fontai- 
nebleau ,  où  des-détachements  de 
l'armée  de  Bouille  auraient  formé  sa 
garde.  Il  entrait  dans  son  plan  rie 
dissoudre  l'assemblée,  par  la  volonté 
de  la  nation  elle-même:  ce  résultat 
aurait  été  préparé  par  les  adresses 
et  les  pétitions  des  départements.  On 
comptait  sur  trente  six  ,  auxquels  en 
croyait  pouvoir  joindre  les  départe- 
ments limitrophes  de  l'Allemagne  et 
des  Pays-Bas,  entièrement  dévoués 
à  Bouille.  Une  nouvelle  assemblée 
aurait  été  sur-le-champ  composée 
d'hommes  moins  exaspérés  les  uns 
contre  les  autres,  plus  affectionnés  à 
la  monarchie,  et  proprés  à  opérer 
facilement,  de  concert  avec  le  roi, 
les  changements  arrêtés.  «  J'écrivis 
»  an  roi,  »  dit  le  marquis  de  Bouil- 
le, dans  ses  Mémoires  ,  «  que  je  pré- 
»>  ferais  ce  projet  à  celui  de  la  retrai- 
»  te  sur  Montmédi  ;  je  lui  conseillai 
»  de  charger  d'or  Mirabeau,  de  lui 
»  promettre  et  de  lui  donner  tout  ce 
»  qu'il  demanderait  ;  je  l'assurai  que 
»  désormais  les  gens  d'honneur  ,  les 
»  gens  intègres,  ne  pouvaient  plus  le 
»  sauver,  et  rétablir  la  monarchie; 
»  qu'ils  ne  pouvaient  former  que  des 
»  souhaits  inutiles,  tandis  que  les 
»  hommes  dont  l'audace  et  L'an 
»  a\  aient  causé  tout  le  mal  en  eonnais- 
»  saient  aussi  le  remède  (  V.  Bouil- 
le ).»  A.  l'époque  de  ces  négociations, 
on  voyait  Mirabeau  redoubler  d'acti- 

.1.1  à  l'assemblée  qu'au  club  des 
jacobins.  Dans  la  discussion  sur  la  ré- 
gence, il  opina  pour  le  système  ({ni  la 

rait  au  prince  du  sang  du  plus 
proche  degré ,    quoiqu'il    eu! 

ni  pencher  pour  la  forme 
tive.  Cette  brusque  transition  d 


io6 


MIR 


pes,  excita  de  nouveau  les  clameurs 
des  tribunes.  Mirabeau  annonça  par 

/  fort 
pour  rallier  l'assemblée  à  des 
conservatrices,  et  l'arracher  au  joug 
te  influence  extérieure  qui  avait 
;  i  tant  de  fois  d'une  manière  funeste 
sur  ses  déterminations.  Il  rappela  le 
mot  de  Cromwell  à  Lambert,  l'un 
de  ses  compagnons,  qui  s'enivrait 
des  applaudissements  de  la  multi- 
tude :  Ce  peuple ,  s'il  nous  vojait 
marcher  au  gibet ,  nous  applaudi- 
rait  bien  davantage  ;  et  les  tribunes 


itôt  de  témois 


r  que 


l'orateur 


avait  rencontre  leur  vœu.  Le  dernier 
triomphe  de  Mirabeau  fut  d'enle- 
ver le  décret  relatif  à  l'exploitation 
des  mines.  Lorsqu'il  porta  la  parole, 
à  cinq  reprises,  sur  ce  sujet,  dont 
l'examen  aprofondi  l'avait  conduit 
à  une  conviction  entière,  il  venait 
à  peine  d'être  délivre  de  douleurs 
physiques  très  -  aiguës.  Epuise  par 
cet   effort ,  il  fut  arrêté  au  milieu 
des    immenses    projets   auxquels   ii 
voulait  dévouer  la   vie  la  plus  ac- 
tive. Aussitôt  que  la  nouvelle  d 
maladie  fut  répandue  dans  la  capi- 
tale ,  sa  porte  fut  a  siégée  par  des 
groupes  considérables  d'hommes  de 
toute  opinion,  qui  se  renouvelaient 
d'heure  en  heure  ,  et  attendaient  avec 
impatience  le  bulletin  de   sa  situa- 
tion. Le  soin  des  affaires  publiques 
et  les  jouissances  de  l'amitié  rem- 
plirent simultanément  ses  derniers 
jours.  Le  malade  se  survivait  à  lui- 
même  par  des   élans   affectueux  et 
par  les  inspirations  d'une  amc  que 
la  pensée   de  la    mort  rendait   en- 
core plus  éloquente.  11  s'enorgueillis- 
sait de  l'intérêt  général  qu'il  inspi- 
rait. Un  jeune  homme,  persuadé  que 
la  transfusion  d'un  sang  plus  pur 
pouvait  le  sauver,  sciait  offert  pour 
cette  courageuse  épreuve.  Des  coups 


MIR 

lérémonic, 
réveillèrent  Mirabeau  :  «  Seraient-ce 
»  déjà  les  funérailles  d'Achille?  » 
s'écria-t-il  avec  enthousiasme.  Il  dit 
à  son  valet-de-chambre  :  »  Soutiens 
»  cette  tête;  je  voudrais  pouvoir  te 
»  la  léguer.  »  La  politique  du  cabi- 
net anglais  ne  l'affectait  pas  moins 
que  le  mesures  dont  s'occupaient  ses 
collègues  :  «  CePitt,  disait-il,  est 
»  le  ministre  des  préparatifs;  il  gou- 
»  verne  avec  ce  dont  il  menace,  plus 
»  qu'avec  ce  qu'il  fait.  Si  j'< 
»  vécu ,  je  crois  que  je  lui  aurais 
»  donné  du  chagrin.  »  A  la  dernière 
extrémité,  il  appela  l'ancien  évêque 
d'Autun,  ami  qu'il  s'était  aliéné 
puis  trois  ans,  en  le  compromettant 
dans  sa  correspondance  de  Berlin. 
Une  conférence  de  six  eilla 

leur  ancienne  affection  ;  et  Mirabeau 
le  chargea  de  faire  hommage  à  l'As- 
on  dernier  tribut:  c'était 
un  discours  tendant  à  restreindre  les 
dispositions  testamentaires.  Cet hom- 
I  raordinaire  s'éteignit  enfin  en- 
us  la  mati- 
née du  2  avril  1 791 .  Aucune  idée  reli- 
gieuse ne  se  mêla  à  ses  derniers  mo- 
ments; il  professait  le  matérialisme 
le  plus  décidé.  L'enthousiasme  public 
ira  son  apothéose.  Les  specta- 
cles furent  fermés  ;  un  cortège  dont 
les  rangs  occupaient  un  espace  de 
plus   d'une  lieue,    honora    ses    ob- 
sèques: son  oraison  funèbre  fut  pro- 
noncée par  Cérutti;  et  son  corps  fut 
déposé  au  Panthéon,  qu'un  décret 
assigna    pour  demeure  aux  grands 
hommes    dont   s'enorgueillirait    la 
France.  On  sait  avec  quels  outrages 
ses  restes  furent  dispersés  par  la  po- 
pulace de    1793,  tardivement  con- 
vaincue de  ses  intelligences  avec  la 
V.  Marat).  Les  plus  chauds 
lus  de  la  révolution,  qui  repu-  , 
dièrent  alors  leur  ancienne  idole?  ac- 


MIR 

cusèrent,  en  t  791 ,  les  partisans  de  la 
monarchie  d'avoir  empoisonne  Mi- 
rabeau. L'ouverture  du  corps,  faite 
en  présence  de  Peut ,  de  Vicq  d'Azj  r, 

et  d'un  concours  nombreux  de  chi- 
rurgiens et  de  curieux  ,  oïlrit  des  tra- 
ces d'inflammation  dans  L'estomac, 
les  entrailles,  le  diaphragme  et  le 
péricarde  :  une  matière  épaisse, jaune 
et  opaque,  remplissait  cette  dernière 
enveloppe,  et  prouva  jusqu'à  l'évi- 
dence que  la  robuste  .constitution  de 
Mirabeau,  déjà  minée  par  l'excès 
des  plaisirs  et  par  les  fatigues  d'une 
vie  agitée  ,  avait  croulé  sous  les  Ira- 
vaux  prodigieux  qu'il  <  m  rassaitde- 
Leux  ans.  Dans  un  Journal  de  la 
maladie  de  Mirabeau,  Cabanis  ren- 
dit compte  du  traitement  médical 
qu'il  avait  suivi;  et  M.  Pujouix  en- 
cadra dans  un  drame,  les  particulari- 
tés de  la  mort  de  cet  homme  célèbre. 
Les  jias.sions  violentes  avaient  saisi 
Mirabeau  dès  sa  naissance.  Les  be- 
soins de  l'amitié,  les  transports  de 
la  gloire  ,  le  délire  des  sens  ,  ■  1 
putèrent  son  aine  énergique.  Des  ri- 
gueurs multipliées  ,  par  lesquelles  on 
voulut  dompter  son  tempérament 
irascible,  et  mettre  un  frein  à  ses  pen- 
chants désordonnés  ,  le  révoltèrent 
profondément  :  (lies  auraient  per- 
entièrement  sa  raison  ,  et  rall- 
iaient mis  tout  a  l'ail  hors  de  la  mo- 
rale ,  si  une  bonté  de  cœur  lunée 
n'eût  tempéré  les  effets  de  cette  haute 
ie,  et  si  des  mouvements  droits 
léreux,  dont  il  était  facile  de 
des  vertus,  ne  l'eussent  ra 
écarts  qu'A  ap] 
lui-même  l'infamie  de  sa  jeun 

tir  d'avancement  dans  la 
ms  ses 
,  et  réduit 
vent  a  des 
avec  l'honneur,   il 
Jnen  au-dti  i  i'ap- 


MIR 


°7 


pelait  sa  naissance  :  cependant  il  ne 
se  laissa  jamais  avilir  ,  et  il  op 
d'un  grand  cara 
aux  humiliations  delà  fortune.  Doue 
d'une  audace  persévérante  qui  dédai- 
gnait les  obstacles ,  il  apporta  aux 
états-généraux  une  volonté  forte  de 
limiter  l'arbitraire  dont  il  avait  été 
victime,  d'amender  et  de  raffermir 
des  institutions  décrépites  ,  et  d'ar- 
river à-la  fois  à  la  fortune  et  à  la 
gloire.  Le  mépris  avec  lequel  les  mi- 
nistres avaient  accueilli  ses  ouver- 
tures ,  le  jeta  dans  des  voies  hostiles  : 
peu  scrupuleux  sur  les  me. yens  ,  il 
effrayait,  par  son  immoralité  ,  ceux 
a  (pu  ses  étonnantes  facultés  don- 
naient déjà  de  l'ombrage.  La  petite 
morale  tue  la  grande,  répétait-il 
souvent  ;  et  ,  dans  sa  conduite,  la 
grande  cédait  presque  toujours  à  des 
calculs  personnels.  «  11  voulait  une 
«constitution  libre,  dit  Ma'ouet, 
»  mais  en  même  temps  fortement 
»  prononcée  dans  les  principes  mo- 
is narchiques.  L'éioignement  que  lui 
»  montraient  les  ministres,  lespré- 
»  Tentions  qu'il  avait  à  vaincre  dans 
»  l'assemblée ,  même  dans  le  parti 
»  populaire,  l'entraînèrent  à  peau- 
»  coup  d'excès  :  et  cependant  il  re- 
»  venait,  dans  toutes  les  grandes  ques- 
»  lions,  aux  opinions  monarchiques; 
)>  et  dans  toutes  celles  où  il  voyait 
v  des  écarts  dangereux,  il  s'abste- 
»  nait  d'opiner,  «ai  arrivait  tortueu- 
»  sèment ,  et  p  aies  détno- 

»  cratiques  ,  à  des  résultats  dont  il 
»  s'indignait  bientôt  après  :  car  il 
)>  suî.issaii  ine  .  le  joug  qu'il 

»  s'était  imposé  ,  celui  de  plaire  à  la 
»  multitude.  »  11  méprisait  ou 
tait  plusieurs  de  ses  collègui 
exaltes  comme  lui  parla  faveur  po- 
cherchaii  ut  à   se  la 
de  plus  (  •  11  poussant 

la  révolution  au-delà  de  son  but.  li 


ir»8  jYiIR 

disait  que  si  l'insurrection  était  né- 
cessaire à  La  conquête  de  la  liberté  , 
le  respect  des  lois  devait  consacrer 
ce  résultat;  que  la  démocratie  infusée  , 
dans  le  gouvernement  monareijiq'ie, 
ne  devait,  jamais  aller  jusqu'à  para- 
lyser le  bras  du  chef  ;  que  le  génie 
révolutionnaire  n'avait  été  que  l'en- 
fance d'une  liberté  dont  il  fallait 
montrer  la  maturité  dans  des  insti- 
tutions durables.  Ses  intentions  sont 
encore  révélées  par  cette  phrase  : 
«  J'ai  voulu  guérir  les  Français  de 
»  la  superstition  de  la  monarchie , 
»  et  y  substituer  son  culte  ;  »  et  par 
ces  mots  d'une  lettre  écrite  pour  être 
mise  sous  les  yeux  de  Louis  XVI  : 
«  Je  ne  voudrais  pas  avoir  travaillé 
»  seulement  à  une  vaste  destruction.  » 
Dans  sa  maladie  ,  il  exprima  ses 
craintes  sur  les  danger?  que  courait 
la  monarchie  ;  mais  on  les  a  tra- 
duites avec  exagération  par  cette 
phrase  ,  qu'il  ne  prononça  point  : 
«  J'emporte  dans  mon  cœur  le  deuil 
»  de  ïa  monarchie;  les  factieux  vont 
»  en  disperser  les  débris.  »  Puisqu'il 
ne  fut  pas  donné  à  Mirabeau  de  mon- 
trer sa  force ,  en  luttant  contre  la 
tendance  factieuse  qu'il  avait  autre- 
fois suivie  ,  et  d'appliquer  les  res- 
sources de  son  génie  à  un  système 
de  stabilité,  on  peut  dire  qu'on  ne 
le  connaît  point  tout  entier.  Ce  n'est 
pas  dans  ses  écrits  de  circonstance, 
presque  toujours  dictés  par  un  in- 
térêt mercantile,  et  où  il  compilait 
à  la  hâte  les  idées  qui  lui  étaient 
fournies  ,  qu'on  doit  chercher  ses 
véritables  opinions  ,  celles  que  son 
esprit  juste  et  étendu  aurait  avouées 
comme  le  travail  de  la  réflexion  , 
dans  ces  brochures,  dont  il  retira 
une  renommée  plus  dangereuse  pour 
son  repos  que  flatteuse  pour  son 
amour-propre,  il  condamne  le  ré- 
gime des  douanes,  les  impôts  indi- 


MIR 

rcrîs , lescnlravesmises  au  commerce 
des  blés,  les  corporations;  il  envc 
loppe  dans  la  même  réprobatioi 
1rs  troupes  réglées  ,  la  police,  les 
distinctions  héréditaires  et  L'inter- 
vention du  gouvernement  dans  L'ins- 
truction publique.  Onsaii  rependant 
combien  il  se  montrait  attentif  à 
ne  sacrifier  aucun  de  ses  avantages. 
Racontait-il  la  journée  de  la  Saint- 
Barthélemi,  il  avait  soin  d'ajouter  : 
L'amiral  de  Coligni,  qui ,  par  pa- 
renthèse, était  mon  cousin.  L'as- 
semblée put  se  convaincre  tout  en- 
tière qu'il  était  loin  d'avoir  dépouillé 
le  vieil  homme,  lorsqu'imraédiate- 
ment  après  l'abolition  de  la  noblesse, 
désigné  dans  le  Moniteur  sous  le  nom 
de  Riquctti,  il  lança  le  journaliste 
avec  emportement,  et  lui  cria  :  Sa- 
vez vous  au  avec  votre  Riquetti, 
vous  avez  désorienté  V Europe  pen- 
dant trois  jours  ?  Dans  son  intérieur, 
il  se  faisait  appeler  M.  le  comte  ;  et 
il  donna  des  livrées  à  ses  gens  lors- 
que tout  le  monde  y  renonçait.  Sa 
mauvaise  réputation  lui  avait  fermé 
les  salons  de  Paris:  ses  succès  de  tri- 
bune les  lui  rouvrirent.  Son  commer- 
ce était  facile  et  agréable;  sa  conver- 
sation était  féconde ,  et  empreinte 
d'une  vivacité  originale;  il  se  plaisait 
à  dire  des  choses  obligeantes ,  appré- 
ciait avec  une  sagacité  bienveillante 
la  valeur  intellectuelle  des  autres  ,  et 
paraissait  propre  à  parler  la  langue 
de  tous.  L'ambition  profonde  et  tra- 
cassière  du  triumvirat  de  Barnave , 
Duport  et  Lameth ,  l'importunait; 
mais  il  rendait  justice  à  leurs  talents. 
11  avait  fait  à  Sieyes  une  réputation 
colossale;  mais  il  n'accordait  pas, 
dans  le  fond,  un  grand  poids  aux  abs- 
tractions de  ce  collègue  :  il  lui  adres- 
sait le  reproche  capital  de  ne  pas 
savoir  marcher  en  affaires  a 
hommes;  et  il  savait  que  les  louan- 


MÎR 

ces  hyperboliques  dont  il  accablait 
ià  capacité  mystérieuse  de  l'abbé, 
ne  pouvaient  nuire  à  sa  propre  gloi- 
re. L'influence  du  compagnon  de 
Washington  lui  donna  plus  d'om- 
brage ;  rassure  cependant  par  la  pré- 
pondérance politique  à  laquelle  il 
était  enfin  arrive,  il  disait  à  Snleau: 
«  Lafayette  a  une  armée  ;  mais  , 
»  croyez-moi,  ma  tête  aussi  est  une 
»  puissance.»  Lefanatismedebonne- 
foi  de  Robespierre  lui  arracha  un 
jour  cette  exclamation  :  II  ira  loin  , 
car  il  croit  tout  ce  qu'il  dit.  Mira- 
beau, fidèle  au  plan  naïvement  ex- 
posé à  Marmonlel  par  son  ami  Cliam- 
ï'ort,  agissait  sur  la  multitude  par 
une  poignée  de  perturbateurs  à  sa 
dévotion ,  parmi  lesquels  figuraient 
au  premier  rang  ,  Danton  ,  et  Ca- 
mille Desmoulins,  qu'on  appelait  son 
Séide.  Planant  au-dessus  des  partis, 
il  leur  échappait  à  tous,  persuadé 
que  sa  volonté  les  rallierait  ,  les 
dominerait,  ou  au  moins  contien- 
drait leur  essor.  On  le  vit  prési- 
der et  quitter  tour-à-tour  des  so- 
ciétés animées  d'un  esprit  contraire  : 
il  ne  donnait  de  gages  à  aucune,  mais 
il  se  servait  de  toutes  comme  d'ins- 
truments. Il  s'irritait  facilement  des 
provocations  et  des  obstacles;  mais 
il  se  rapprochait  «sans  répugnance, 
lorsqu'il  y  voyait  un  objet  d'utilité. 
Pour  peu  qu'on  sût  intéresser  sa  gé- 
nérosité, il  n'était  pas  d'injure  qu'on 
ne  put  lui  faire  mettre  en  oubli.  Les 
iusultes  littéraires  n'avaient  sur  lui 
aucune  prise;  il  avait  usé  tous  les 
outrages.  Son  immoralité  invétérée 
liait  sous  des  dehors  de  digni- 
té, depuis  <pie,  placé  sur  un  j 
théâtre,  il  s'astreignait  à  une  repré- 
sentation contii  le  public, 
îble  à  l'amitié,  porté  à  la  bien- 
faisance, il  rechercî  irdeur 
toutes  les  jouissances  des  arts.  Ses 


Min  iog 

relations  avec  la  cour  lui  i. 
enfin  les  moyens  de  satisfaire  ses 
goûts.  Il  occupa  une  maison  à  la 
Chaussée-d'Antin,  acquit  le  Marais , 
maison  de  campagne  près  d'Argen- 
teuil ,  et  il  acheta  une  bibliothèque 
estimée  3oo,ooo  fr.  Sa  succession 
n'en  fut  pas  moins  obérée.  Un  de  ses 
projets  était  de  refondre  dans  une 
collection  générale  de  ses  œuvres, 
qu'il  aurait  fait  imprimer  sous  ses 
yeux,  à  la  campagne,  les  /jo  volu- 
mes qui  portaient  son  nom ,  en  y 
ajoutant  un  choix  des  immenses  ma- 
tériaux que  contenaient  ses  porte- 
feuilles (  i  ).  —  Les  travaux  de  Mira- 
beau à  l'Assemblée  constituante  ont 
été  recueillis  par  Et.  Méjan,  l'un  de 
ses  auxiliaires,  Paris,  1791  ,  5  vol. 
in-8°.,  et  sous  le  litre  de  Mirabeau 
peint  par  lui-même,  ibid.  chez  Buis- 
son ,  4  vol.  in-8°.  ,  avec  cette  épi- 
graphe dictée  par  l'enthousiasme  : 
Que  serait-ce  si  vous  l'aviez  en- 
tendu ?  Ces  deux  recueils  ont  été 
reproduits  ,  un  peu  moins  com- 
plets,   en   1820  ,  d'abord  sous   ce 


(iN  Mirabeau  avait  légué  ses  papiers  littéraire*  à 
Cabanis  ,  et  ses  papiers  politiques  à  M.  le  comte  de 
Laïiiarck  (  aujourd'hui  duc  d'Arembers  )  :  on  pré- 
tttfue  (pie  ce  dernier  conserve  encore  la  COrrcppoU- 
Mirabeau  avec  la  cour.  On  a  parlé  d'écrits 
de  Mirabeau  qui  auraient  été  détruits,  et  l'on  a  cité 
dans  ce  nombre  mi  Mémoire  sur  le  mariage  îles  piè- 
tres,   un  sur  le   divorce,    un    travail  fort   avance  si 

tion  de  la  garde  nationale  et  sur  !. 
•  le    l.t    constitution,    des    documents   nouibn 
l'histoire   secrète   de  la  révolution,    et  peut-être, 
e  d'une  loi  sur  l'adoptiou.  Des  amis  intimes 
j    au  d'ouI  jamais  i  u  <  onnaissi  me  qu'il  se 
sol  occupé  d'ouvrages  sur  ces  matières.  Mais 
ses  manuscrits  inédit* ,  '»'  peut  citer      i«.   Environ 
es  importantes  et  curieuses.  ■*<>.  Un  discours 
fort  étendu  sur  la   traite  tics  nègres,  3o.  Un  Traiti 
de  lu  loin  mu;:  ',".  1).      i 

des   Etats  -  I  nii    (  Hollande  )  jusqu'au   quinzième 
•■-    Une    />  isertation    'tir 
178a  ).  (io.   Des  Etudes  tur  les  canaux  da 
In    France.   70,   Un   Précis   de    lu    révolution   dm» 

•  nii   d'Amérique.   K<<    .  • 
au   donjon   tir   V incarnes.   op.    Anuly>c  ■ 
■ 
1     il<-  <  es  manuscrit 
contents  su  1  Mirabeau  et  sa  famille ,  qui   enibi 
un  intervalle  de  cinquante  ami  posa  d« 

publier  nue  histoire  aprofoud 
vau*  de  Mirabeau.  A.  B — x. 


110 


MTR 


titre:  Les  Orateurs  français  ou  Dis- 
cours choisis  de  Mirabeau,  Ba: 
et  Vt  précédés  de  notices 

par   M.   Barthe,  avocat .  des  j 
ment  s  de  Garât  et  < 

oraison  funèbre  par 
Cérutti,  et  d'un  parallèle  entre  Mi- 
rabeau  et  le  cardinal  de  Retz,  par 
M.  Boissy-d'Anglas  :  on  doit  préfé- 
rer les  Œuvres  oratoires  de  Mira- 
Paris,  Blanchard,  i  vol.  in-8°. 
On  a  conteste  à  Mirabeau  la  propriété 
d'un  grand  nombre  de  ses  discours  ; 
et  l'on  a  dit,  avec  quelque  fonde;, 
qu'en  même  temps  que  le   genevois 
Duroveray  l'initiait  dans  la  tactique 
des   mouvements  populaires,  Cla- 
vièrclui  fournissait  les  thèmesdeses 
productions  relatives  aux  finances  : 
lui-même  publiait  qu'il  devait  à  La- 
mouretle  le  discours  qu'il  prononça 
sur  la  constitution  civile  du  cierge, 
et  à  Chamfort  une  diatribe  sur  les 
académies,  destinée  pareillement  à 
l'épreuve  de  la  tribune*  on  nomme 
encore  les  véritables  auteurs  de  l'a- 
dresse pour  le  renvoi  des  troupes  , 
du  discours  sur  le  veto,  du  travail 
sur  le  système  monétaire,  de  l'œuvre 
posthume  contre  la  faculté  de  tester. 
Des  hommes  à  talent  s,  et  même  beau- 
coup d'hommes  médiocres,  dont  il 
fécondait  par  ses  propres  vues  l'é- 
troite capacité,  attirés  par  son  as- 
cendant, lui  apportaient  la  contri- 
bution de  leurs  veilles.  Ces  offrandes 
de  l'amitié  n'étaient  le  plus  souvent 
que  des  canevas  dont  il  avait  donné 
le  programme  :  Mirabeau  s'em  parait 
e travail  brut ,  et  se  l'appropriait 
eu  lui  imprimant  le   cachet  de  sa 
force  et  de  son  originalité.  Indépen- 
damment des    ressorts   qu'il  faisait 
jouer  en  se  concertant  avec  ses  af- 
auxqueis  i!  distribuait  des  rôles 
à  l'appui  de  ses  propositions  ,  l'en- 
chaînement et  la  gradation  savante 


MÎR 

de  ses  prouves,  l'effet  bien  ea1 

allusions,  l'art  de  reproduire 
sous    un  jour  nouveau  la    question 
tient  déjà  envisagée  de  nom- 
breux orateurs, u  i  i  fi  nid  s  d 'a  mertume, 
de  causticité,  une  habileté  de  déduc- 
tion développée  par  de  longues  ha- 
bitudes polémiques  ,    et  par-dessus 
tout  nue  action  oratoire  irrésistible  , 
lui  assuraient  la  domination  de  la  pa- 
role. «Ses  dehors,  ditM.Lemercier, 
frappaient  à   son  désavantage  :    sa 
taille  ne  présentait  qu'un  ensemble 
de  contours  massifs;  la  vue  ne  sup- 
portait qu'avec  répugnance  son  teint 
gravé,  olivâtre,  ses  joues  sillonnées 
de  coutures ,  ses  yeux  s'enfonçant 
sous  un  haut  sourcil  et  dans  un  en- 
châssement plombé,  sa  bouche  irré- 
gulièrement fendue,  enfin  toute  cette 
tète  disproportionnéeque  portait  une 
large  poitrine.   Était-ce  en  lui  la 
beauté  de  la  prononciation ,  qui  sup- 
pléait à  sa  figure?  Sa  voix  n'était 
pas  moins  âpre  (\\\q  ses  traits  ,  et  le 
reste  d'une  articulation  méridionale 
l'affectait  encore:  mais  il  élevait  cette 
voix  d'abord  traînante  et  entrecou- 
pée, peu-à-peu  soutenue  par  les  in- 
flexions de  l'esprit  et  du  savoir;  et 
tout-à-coup  elle  montait  avec  souples- 
se au  ton  plein,  varié,  solennel ,  des 
pensées  que  développait  son  génie. 
De  là,  l'aigle  planait;  il  se  jouait  des 
orages,  il  lançait   mille  éclairs.  Sa 
laideur  disparaissait;  sa  vigueur  avait 
des  grâces ,  tant  son  ame  le  transfor- 
mai! tout  entier.  »  C'était  cette  inspi- 
ration ,  cette  puissance  de  vie,  qui 
établissait    la  :  de  Mira- 

beau sur  les  rivàuxdc  son  éloquence  > 
cr  qui  B aruave  :  Je 

n'ai  jamais  entendit  parler  aussi 
long-temps,  aussi  vite  et  aussi  bien  ; 
mais  il  n'y  a  point  de  divinité  en 
lui.  Le  talent  de  bien  dire  n'était  pas 
à  ses  yeux,  le  bat,  mais  seulement 


MIR 

un  moyen  :  il  ne  s'occupait  point  de 
la  pureté  de  1\  ,   pourvu 

qu'il  fit  sail  en  la  revê- 

tant déformes  t tendues  et 

entrai  icnts  tumuj- 

.  de  l'assemblée,  le  choedes  con- 
tradictions, les  altercations  person- 
nelles, donnaient  à  ses  faculti 
braillement  nécessaire  à  leur  r 
gieux  effet  :  i!  avait  besoin  d'être 
ému  ;  c!  s'il  ne  l'était  pas ,  ou  s'il  n'a- 
bordai! pas  la  tribune  avec  des 
arrêtées  ,  son  éloculion  se  traînai!  pé- 
niblement ,  vague,  obscure  el  embar- 
rasser. Mais  quand  ,  sûr  de  lui-même, 
appuyé  d'un  travail  préalable  ou  saisi 
par  une  illumination  soudaine,  i!  ren- 
voyait à  ses  adversaii  saillies 
pénétrantes  ,  découvrait  par  des  ré- 
cablantes  le  défaut  de  leurs 
armes  .  ou  leur  imposait  par  l'audace 
de  la  parole,  les  plus  redou- 
taient dre  dans  l'arène  où  il 
les  provoquait.  Les  e  es  dé- 
sespéraient du  succès  de  la  raison,  en 
.ce  de  ee  foyer  de  passions  bru- 
vulgaire  dies  membres  du 
Iroit,  incapables  de  répondre  à 
Mirabeau,  s'en  dédommageaient  en 
lui  adressant  des  cartels.  On  sait 
ticertait  ces 
provocations  ;  il  finit  par  y  opposer 
une  circulaire  ainsi  :  Mon- 
sieur, je  vous  ai  mis  sur  ma  liste; 
mais  je  vous  préviens  quell 

lue  je  ne  saurais  faire  de 
:s.  Pourcoraplé 

-.  oratoires 
il  faut,  y   joindre 
ùl  sur  V éducation  publique  , 
lus,  en  i  7 .; >  i  ,  in  8". 
i -.cours  sur 
ition  du  <•(,. .  nant, 

sur  i  l'éta- 

blissement d'n 

lu  col- 
cation 


MTR  1 1  r 

de  l'héritier  de  la  couronne  :  tous 
ces   morceaux  altesl  s  leur 

étal  imparfait,  la  maturité  du  sty- 
le   de    Mirabeau  ,   mais   font 
peu  d'honneur  à  ses  vues  spéculati- 
ves. On  a  publié,  en  iS'in  et  i8ti  , 
pour  laite  suite  ;  aloi- 

res  du  même  personnage ,  ses  Œu- 
vres choisies ,  qui  doivent  se  com- 
poser île  8  vol.  ont  5  ont 
déjà  paru.  La  Monarchie  prussienne 
n'en  fait  point  partie,  Parmi  les  ou- 
-  de  Mirabeau  exclus  de  celte 
lion  ,  et  dont  il  n'a  point  été 
parlé  dans  le  cours  de  cet  article, 
nous  mentionnerons  :  1. 

elsohn,  ci  -.o  ine  po- 

te  des  Juifs,  Londres,  1 78-,  iu- 
8°.  11.  Lettre  sur  Cagliostro  et  La- 
vater ,  Berlin  ,  1  78G  (  F.  Luchet  ). 
111.   Observations.:  ,  sui- 

vies d'aperçus  sur  la  législation  pé- 
nale. Pais,  1788.  IV.  Lettre  à 
Guibert ,  sur  son  Eloge  de  Frédéric, 
et  son  Essai  de  tactique  ,  ibid.  , 
1  788.  V.  De  l'usure.  VI.  Aux  Ba- 
taves  sur  le  slathoudérat ,  1788. 
On  y  trouve  un  passage  curieux  sur 
la  déclaration  1  d'un  peu- 

ple. VII.  Conseils  à  un  jeune  prince 
qui  veut  refaire   son   édi 
1  788;  fragment,  écrit  avec  soin,  d'un 
ouvra  Vable  abandonri 

l'auteur.  \  III.  Théorie  de  la  r 
té, d'après  Milton,  Pari..   1791  (  f~. 
Miltûn,  pag,  71  el  7  3  ci- de* 
IX.   Lettres  à  lis  en 

\e   (  Mauviiloi! 
de  178'»  à  1790.  H  unswick,  \~\y  . 

d'un   1  rtatiou  de 

:•  ' 

par- 
tit r- 
ec  un  di 


M1R 

avec  uti  volume  de  contes  et  nouvel- 
les ,  Tours  ,  1796,3  vol.  La  Cha- 
beaussière,  élevé  avec  Mirabeau  ,  lui 
avait  fait  don  du  manuscrit  de  cette 
traduction ,  à  laquelle  il  n'attachait 
aucuneimportauce.  Mirabeau  se  l'ap- 
propria eu  l'enrichissant  d'additions 
et  remaniant  le  style.  La  Chabeaus- 
sière  revendiqua  l'ouvrage,  lorsqu'il 
en  vit  le  succès.  XII.  Lettres  iné- 
dites de  Mirabeau,  Paris,  1806. 
L'éditeur,  Vitry,  a  encadre  dans 
cette  correspondance  ,  en  les  dé- 
pouillant des  accessoires  purement 
judiciaires  ,  un  extrait  des  7  vol.  de 
Mémoires  et  observations  publies 
par  Mirabeau  dans  le  cours  de  ses 
procès  ,  et  devenus  extrêmement  ra- 
res. Un  seul  volume  contient  ,  avec 
les  lettres  qui  forment  une  introduc- 
tion historique ,  le  premier  et  le 
troisième  mémoire  écrits  à  Pontar- 
lier  ,  avec  des  fragments  du  second; 
le  plaidoyer  prononce  à  Aix,  des 
morceaux  détaches  des  factums  qui 
Le  suivirent  et  du  mémoire  présente 
au  grand-conseil ,  enfin  une  conver- 
sation avec  le  garde  -  des  -  sceaux, 
pleine  de  cette  arrogance  à  laquelle 
Mirabeau  dut  une  grande  partie  de 
.ses  succès.  On  a  mis  sous  le  nom 
de  Mirabeau  les  deux  premiers  vo- 
lumes de  la  traduction  de  l'histoire 
d'Angleterre,  par  Mme.  Macaulay, 
version  sèche,  incorrecte  et  tron- 
quée ,  dont  il  faut  laisser  toute  la  res- 
ponsabilité à  Guiraudet,  qui  avouait 
les  trois  volumes  suivants.  M.  Bar- 
bier a  donne  une  longue  liste  des  ou- 
vrages attribués  à  Mirabeau  ,  dans 
laquelle  il  a  omis  le  Rubicon ,  et  le 
Libertin  de  bonne  qualité,  produc- 
tions obscènes  qui  font  le  pendant 
de  Ma  conversion.  L'écrit  Le  lecteur 
y  meltra  le  titre  ,  Londres  ,  1777  , 
iu-8°.  de  95  pag. ,  est,  dit  le  Dict. 
hist.  des  musiciens ,  plein  d'exccl- 


MIR 

lentes  vues  sur  la  musique  instru- 
mentale :  on  y  trouve  l'analyse  rai- 
sonnée  des  Jfvenlures  de  Télérna- 
que  ,  grand  morceau  de  symphonie 
par  Raimondi.  L' Espion  dévalisé 
(  Neufchâtel  ,  178-2  ) ,  rapsodie  sa- 
li ;  i  jue  désavouée  d'une  manière  équi- 
voque par  Mirabeau  ,  fut  y  dit -on, 
le  fruit  d'une  escroquerie  qu'il  se 
permit  contre  Baudouin  ,  maître- 
ci  es  requêtes,  homme  d'esprit ,  fer- 
tile en  anecdotes  scandaleuses ,  qui 
partageait  sa  prison  à  Vincennes. 
C'est  à  tort  qu'on  a  supposé  la 
coopération  de  Mirabeau  à  la  Ga- 
lerie des  états  -  généraux  ;  il  était 
trop  occupé  pour  mettre  du  sien 
dans  les  portraits  peu  saillants  que 
traçaient  Laclos  et.  Luchet  ;  et  il  est 
surtout  invraisemblable  de  lui  attri- 
buer son  propre  portrait ,  sous  le 
nom  à'Iramba.  Ou  n'y  reconnaît  ni 
la  manière  dont  il  avait  coutume  de 
parler  de  lui-même ,  ni  aucune  forme 
de  son  style.  Ghaussard  a  publié 
Y  Esprit  de  Mirabeau,  Paris,  1797 
et  1804,  2  vol.  in  -8°.,  et  l'a  fait 
précéder  d'une  notice  étendue.  On  a 
encore  un  éloge  historique  de  Mira- 
beau (  Paris ,  1 792  ) ,  par  le  genevois 
Grenus  ,  l'un  de  ses  collaborateurs; 
et  M.  Peuchet  promet  une  Vie  cir- 
constanciée de  cet  homme  célèbre. 
Parmi  les  productions  de  l'art  qui 
nous  ont  conservé  les  traits  de  Mi- 
rabeau, nous  citerons  son  buste  par 
Houdon  ,  et  son  portrait  en  pied 
par  Boze ,  gravé  par  Besson. 
B — u  et  F — t. 
MIRABEAU  (BonifaceRiquet- 
ti  vicomte  de  ) ,  frère  puîné  du  pré- 
cédent ,  né  au  Bignon  le  3o  novem- 
bre 1754,  fut  aussi  appelé  aux  étals- 
généraux  ,  non  par  les  suffrages  po- 
pulaires, mais  par  la  noblesse  de  la 
sénéchaussée  de  Limoges.  Il  était 
alors  colonel  du  régiment  de  Tou- 


MÏR 

raine,  chevalier  de  Malte  ,  de  Saint- 
Loujs,  et  portait  en  même  temps 
la  décoration  républicaine  de  l'ordre 
de  Cincinnatus  ,  obtenue  en  Améri- 
que, où  il  avait  fait  la  guerre  ave- 
nue bravoure  qu'on  a  qualifiée  de  té- 
mérité ;  mais  il   ne  s'occupa  que  de 
ses  devoirs  militaires,  et  ne  recher- 
cha poiut  dans  ce  pays  les  nouvelles 
règles  de  politique  dont  l'application 
devait   être  si  funeste  à  la  France, 
.le  suivre  à  cet  égard  l'exem- 
ple d'un  grand  nombre  de  ses  jeunes 
camarades,  le  vicomte  de  Mirabeau 
se  montra  jusqu'à  sa  mort  l'irrécon- 
ciliable ennemi  de  leurs  doctrines  : 
il   n'épargna  pas  même  son  frère  , 
qu'il  combattit  plusieurs  fois  sans 
ménagement  ;  quoique   celui  -  ci  le 
traitât  toujours  avec  bienveillance , 
et  que,   par  l'ascendant  qu'il   avait 
dans  le  public  et  dans  l'assemblée , 
i  !  évitât  à  son  cadet  des  désagréments 
qui  auraient  pu  devenir  des  dangers 
reçls.    Avec   moins  de    profondeur 
dans  l'esprit,  et  surtout  moins  d'ins- 
truction, le  vicomte  de  Mirabeau 
avait ,  comme  le  comte,  l'art  du  sar- 
casme ,  et  de  ces  saillies  vives  ,  qui , 
bien  que  souvent  peu  convenables  en 
sui ,  produisent  cependant  un  effet 
prodigieux  :  peut-être  même  possé- 
dait-il cet  art  à  un  degré  supérieur. 
Il  est  vrai  qu'étant  de  beaucoup  in- 
férieur à  son   frère  clans  les   autres 
moyens,  il  devait  avoir  plus  fréquem- 
ment reçpwrs à  celui-là.  Il  faisait  plai- 
samment les  honneurs  de  ses  parents 
et  les  siens.  «  Dans  toute  autre  fa- 
ille ,  »  disait -il ,  ce  je  passerais 
»  pour  un  mauvais  sujet,  et  pour  un 
imme  d'esprit  :  dans  la  mienne, 
.   »  on  me  lient  pour  un  sot ,   mais 
o  pour  un  homme  rangé.  »  On  s'est 
plu  à  'ni  faire  partager  Ions  les  torts 
de  condui  beau  l'aîné;  mais 

on  n'a  pas  appuyé  cette  assertion  de 


MIR  n3 

preuves  qui  la  justifient.  11  paraît 
seulement  que  le  vicomte  aimait 
beaucoup  la  bonne  chère,  et  qu'il 
avait  un  soin  tout  particulier  de  sa 
cave.  Doué  d'une  figure  fort  agréa- 
ble, ses  excès  en  ce  genre  l'avaient 
rendu  ,  jeune  encore  ,  extrêmement 
gros;  et  son  embonpoint,  fixé  sui- 
des cuisses  et  des  jambes  fort  cour- 
tes ,  formait  de  sa  personne  une  vé- 
ritable caricature  ,  et  l'avait  fait 
surnommer  Mirabeau  -  Tonneau. 
Son  portrait,  ou  pour  mieux  dire, 
cette  représentation  grotesque  se 
voyait  au  coiu  des  rues  et  chez  tous 
les  marchands  d'estampes.  Arrivé 
un  jour  dans  un  état  voisin  de  l'i- 
vresse a  l'assemblée  où  l'on  discutait 
la  question  très-grave  de  savoir  si  la 
chambre  des  vacations  du  parlement 
de  Rennes  serait  punie  pour  avoir 
désobéi  aux  décrets  nationaux,  il  en- 
treprit de  la  défendre  :  mais  l'état  où 
il  se  trouvait,  ne  lui  permit  pas  de 
parler  d'une  manière  raisonnable;  il 
ne  montra  qu'une  violence  opiniâtre, 
au  lieu  des  arguments  que  sa  cause 
pouvait  lui  fournir.  A  la  suite  de 
cette  scène,  son  frère  .  q".i  dans  cette 
occasion  avait. prononcé,  contre  le 
parlement  de  Rennes,  le  discours  le 
plus  véhément,  alla  le  voir,  et  lui 
lit  avec  douceur  quelques  repré- 
sentations sur  ses  excès  de  table. 
«  De  quoi  vous  plaignez-vous  ,  lui 
»  répondit  gaîment  le  vicomte;  de 
w  tous  les  vices  (h-  la  famille,  vous 
»  ne  m'avez  laissé  que  celui-là.  » 
Dans  le  cours  de  la  session  ,  il  sebat- 
tit  avec  le  comte  de  Latour-Mau- 
bourg,  et  reçut  un  coup  d'épée,  qui 
le  retint  long-temps  dans  sa  cham- 
bre; son  frère  étant  venu  s'informer 
de  l'état  de  sa  blessure,  ce  lai  encore 
par  un  sarcasme  qu'il  le  remercia  : 
a  Je  vous  rends  grâce  de  votre  visi- 
»  te  ,  »  lui  dit-il ,  lorsqu'il  sortait  j 
8 


n4 


MIR 


«  croyez  qu'elle  m'est  d'autant  plus 
»  agréable  que  vous  ne  me  donnerez 
»  jamais  l'occasion  de  vous  en  ren- 
»  dre  une  pareille.  »  Mais  il  lui  fit 
dans  l'assemblée  même  une  réponse 
bien  plus  terrible  :  Mirabeau  avait 
parlé  du  signal  des  massacres  de  la 
Saint-Barthélemi ,  donné  par  le  mal- 
heureux Charles  IX.  «  Si  l'on  abusa 
»  de  la  religion  ,  répliqua  son  frère, 
»  pour  opérer  les  meurtres  de  la 
»  Saint-Barthélemi  ,  des  scélérats 
»  ont  abusé  du  nom  de  liberté  pour 
»  violer  la  demeure  dés  rois.  »  Mi- 
rabeau l'aîné  était  accusé  d'avoir,  de 
concert  avec  le  duc  d'Orléans  ,  pré- 
paré les  événements  des  5  et  6  octo- 
bre 1 789.  Son  frère  le  vicomte  dé- 
fendit le  roi  et  l'ancienne  royauté 
dans  toutes  les  circonstances,  mais 
jamais  par  des  discours  suivis  :  il 
e'tait  trop  vif  et  vraisemblablement 
n'avait  pas  assez  d'instruction  pour 
figurer  à  la  tribune  avec  quelque 
avantage;  aussi  ne  l'y  vit-on  que  ra- 
rement :  il  décochait  de  sa  place  quel- 
ques phrases  piquantes  ,  et  qui  ren- 
fermaient souvent  un  grand  sens.  Il  se 
déclara  pour  la  liberté  des  opinions 
religieuses  ,  à  condition  néanmoins 
qu'il  n'y  aurait  qu'un  culte  public. 
Il  défendit  aussi  la  cause  du  clergé  ; 
mais ,  ainsi  que  clans  toutes  les  discus- 
sions, il  n'en  embrassa  pas  l'étendue, 
et  ne  fit  que  glisser  sur  la  surface. 
Il  se  fît  donc  peu  remarquer  comme 
orateur  ;  on  ne  peut  pas  même  lui  en 
donner  le  titre  :  c'est  par  l'énergie  rie 
son  opposition  au  système  révolu- 
tionnaire qu'il  s'est  distingué.  Le  4 
février  1 790,  le  roi ,  espérant  rame- 
ner la  paix  en  France ,  vint  à  l'as- 
semblée promettre  fidélité  à  la  cons- 
titution, qui  n'était  encore  qu'ébau- 
chée ;  on  n'en  avait  décrété  que  quel- 
ques articles.  Tous  les  députés  ayant 
été  appelés  à  prêter  le  même  serment, 


MIR 

le  vicomte  de  Mirabeau  sortit  de  sa 
place,  traversa  la  salle,  et,  arrivé 
dans  les  corridors,  il  appuya  sur  le  pa- 
vé la  pointe  de  son  épée ,  et  la  brisa , 
en  disant  :  «  Puisque  le  roi  de  France 
»  ne  veut  plus  l'être ,  un  gentiîhom- 
»  me  n'a  plus  besoin  d'épée  pour  le 
»  défendre  (1).  »  Son  régiment  qui 
était  en  garnison  à  Perpignan ,  s'y 
étant  insurgé,  il  partit  de  Paris,  en 
juin  1 790;  et  après  avoir  inutilement 
essayé  de  faire  rentrer  les  soldats 
dans  le  devoir ,  il  s'empara  des  cra- 
vates qui  faisaient  partie  de  ses  dra- 
peaux, et  reprit  le  chemin  de  la  ca- 
pitale. Cette  singulière  démarche  ex- 
cita la  plus  grande  rumeur,  surtout 
dans  les  départements  du  raidi.  Le 
vicomte  fut  même  momentanément 
arrêté  en  route ,  et  dénoncé  à  l'assem- 
blée, où  son  frère  le  défendit.  La 
dénonciation  n'eut  pas  de  suite.  Mi- 
rabeau le  jeune  émigra  immédiate- 
ment après  ;  et ,  à  peine  arrivé  aux 
frontières ,  il  envoya  sa  démission  à 
l'assemblée  ,  avec  une  protestation 
contre  tout  ce  qu'elle  avait  fait  et 
tout  ce  qu'elle  pourrait  faire.  L'as- 
semblée le  décréta  d'accusation  :  pen- 
dant ce  temps-là ,  il  levait  une  légion 
de  royalistes  ,  qui  se  réunit  plus 
tard  au  corps  de  Condé.  Cette  lé- 
gion ,  à  qui  son  chef  avait  inspiré  sa 
bravoure,  fit  avec  une  très-grande 
activité,  sur  les  bords  du  Rhin,  une 
guerre  d'escarmouches  contre  les 
Français  de  l'intérieur  :  on  parla  beau- 


(i)  L'Introduction  au  Moniteur  (  qu'il  ne  faut  pa» 
confondre  avec  le  Moniteur  même,  qui  dp  commença 
qu'au  mois  de  novembre  1789,  lorsque  l'assemblée 
et  le  roi  vinrent  à  Paris  ) ,  dit  aussi  que  le  vicomte  de 
Mirabeau  brisa  sou  épée;  niais  l'auteur  prétend  qu? 
ce  fut  dans  la  chambre  delà  iv  blesse,  avant  la  rén- 
niou  des  ordres,  et  qu'il  fs i  serment  de  ne  pas  sortir 
de  cette  chambre,  dut-il  y  rester  seul  L»  rédacteur 
du  prisent  article  ne  se  souvient  de  rien  de  pareil  :  i( 
a  compulsé  les  procès- verbaux  de  la  chambre  de  la 
noblesse,  et  n'y  a  vu  aucune  trace  de  ce  qu'un  ht 
dans  l'Introduction  au  Moniteur  ;  mais  il  a 
moin  de  ce  qui  s\  st  passé  le  4  févrwi 


Mia 

«*oup  en  France  et  chez  l'étranger  de 
la  légion  de  Mirabeau  ;  et  cette  répu- 
tation le  fit  comprendre  dans  le  dé- 
cret d'accusation  qui  fui  rendu  ,  le  1 
janvier  1793,  contre  les  deux  prin- 
ces frères  du  roi,  contre  l'ex- mi- 
nistre Galonné,  et  le  marquis  de  La- 
queuille.  Ce  décret  avait  été  proposé 
un  mois  auparavant  ;  mais  Guadet , 
qui  l'avait  provoqué,  Voulut  qu'on 
le  réservât  pour  le  commencement 
de  Tannée  :  c'était  ,  disait -il,  une 
étreune  qu'il  fallait  donner  au  peu- 
ple. Le  vicomte  de  Mirabeau  mourut 
vers  la  fin  de  cette  année,  d'une 
fluxion  de  poitrine  ,  dont  il  fut 
atteint  à  la  suite  d'une  opération  mi- 
litaire où  il  s'était  vivement  échauf- 
fé. 11  n'a  point  laissé  de  réputation 
comme  littérateur  :  cependant  on  a 
de  lui,  le  Voyage  national  de  Mira- 
beau cadet,  brochure  de  5'j  pages  , 
1 790  ;  c'est  un  récit  plein  de  verve  , 
d'esprit  français  et  de  gaîté ,  quoi- 
qu'il s'agît  des  scènes  révolution- 
naires dont  il  avait  pensé  être  la 
victime  en  allant  à  Perpignan,  et 
pendant  toute  sa  route  pour  rega- 
gner Paris.  On  a  encore  du  vicomte 
de  Mirabeau  une  Satire  qu'il  n'a 
point  avouée,  intitulée  la  Lanterne 
magique  ;  enfin ,  quelques  pièces  fu- 
gitives insérées  dans  le  journal  inti- 
tulé les  Actes  des  apôtres ,  toutes 
remarquables  par  l'esprit  et  par  la 
gaîté»  B — u. 

MÏRABELLA  (  Vincent  )  ,  sa- 
vant antiquaire,  né  en  1 570,  à  Syra- 
cuse, d'une  famille  noble ,  s'appliqua 
avec  une  égale  ardeur  à  l'étude  des 
mathématiques,  de  la  géographie  et 
de  l'histoire.  11  cultiva  aussi  la  poc- 
:  la  musique;  mais  il  ne  regarda 
les  arts  que  rumine  un  délassement. 
La  (I  -  axactère  et  ses 

talents  lui  firent  de  nombreux  amis. 
11  était  membre  de  l'académie  des 


m  ut 

Lyncei  de  Pvome  et  des  Oziosi  de 
Naples.  Il  mourut  en  i6.i4,  à  Mo- 
tica,etfutinhumédans  l'église  Sainte- 
Marie-des-Grâces,  où  l'on  voit  son 
épitaphe,  rapportée  par  Mongitore 
(  bibl.  sicula  ,  11  ,  290.  )  Plusieurs 
e'erivains,  entre  autres  Clurier ,  le 
géographe,  ont  parlé  de  Mirabella 
avec  éloge.  On  cite  de  lui  :  I.  Madri- 
gali7  Palerme,  1606  ,  in-4°.  Ce  vo- 
lume ne  renferme  que  le  premier 
livre  ;  on  ignore  s'il  a  eu  une  suite. 
•II.  Dichiarazioni  délia pianta  delV 
antiche  Siracuse  ,  e  d'alcune  scelle 
medaglie  d'esse  ,  e  de  principi  che 
quelle  possedettero ,  Naples ,  1 6 1 3  , 
in-fol. ,  fig.  Cet  ouvrage,  rare  et  cu- 
rieux, a  été  inséré  par  Jacques  Bo- 
nanni ,  dans  le  tome  11  Dell7  anti- 
ca  Siracusa ,  Palerme,  1 7 1 7  ;  il  a  été 
traduit  en  latin ,  et  imprimé  dans  le 
Thesaur.  antiquitatum  Italiœ  ,  de 
Burmann,tome  x.  Mirabella  a  laissé 
en  manuscrit  une  Histoire  de  Syra- 
cuse. W — s. 

MIRAMION  (  Marie  Boiyneau  , 
dame  de  ) ,  seconde  fondatrice  des 
Filles  de  Sainte-Geneviève,  connues 
aussi  sous  le  nom  de  Miramionnes 
(1)  ,  naquit  à  Paris,  le  1  novembre 
1629 ,  d'une  famille  de  finance.  Elle 
joignait ,  à  l'espoir  d'une  fortune 
considérable  ,  beaucoup  d'esprit  et 
de  beauté  5  mais  les  leçons  qu'elle 
reçut  de  ses  parents  ,  la  mirent  à 
l'abri  des  séductions  du  monde. 
Restée  orpheline,  à  l'âge  de  quinze 
ans,  elle  épousa,  en  1645  ,  J.  J.  de 
Beauharnais, seigneur  de  Miramion , 
conseiller  au  parlement,  qui  mou- 
rut au  bout  de  quelques  mois  de 
mariage,  la  laissant  enceiute  d'une 
fille.  De  nouveaux  partis  se  pr< 
tèrent  bientôt,  attirés  par  les  avan^ 

(i)ï..;<  congrégation 
fut  touche  «h  iWU  ,  p«»  M*.  '.. 


110 


Mm 


tages  réunis  de  la  jeunesse  \  de  la 
beauté  et  de  la  fortune  ;  mais  elle 
l*'s  refusa  :  au  nombre  des  préten- 
dants se  trouvait  le  comte  de  Bussy- 
ilabutin,  à    qui   elle  avait,   à  son 
insu  ,  inspire  une  passion  violente. 
Voyant  ses  propositions  e'carlëes  ,  il 
la  lit  enlever  ,  au  mois  d'août  1648, 
par  .ses  gens,  et  conduire  à  son  châ- 
teau de  Launoyy  près  de  Sens,  où 
elle  arriva  mourante.  Bussy  sVper- 
cevant  que  le  moyen  qu'il  avait  pris 
ne  lui  réussissait  pas,  chercha  à  s'ex- 
cuser de  sa  faute,  et   la  renvoya. 
(  Voyez  les  Mémoires  de  Bussy  , 
année   1648.  )  La  frayeur  qu'avait 
éprouvée  Mme.  de  Miramionlui  occa- 
sionna une  maladie  grave;  et  après 
son  rétablissement  elle  fit  chez  les 
Sœurs-grises  une  retraite  de  quelques 
mois:  ce  fut  alors  qu'elle  prit  la  re- 
solution de  ne  jamais  se  remarier, 
et  de  consacrer  tous  ses  revenus  au 
soulagement  des  malheureux.  Pen- 
dant les  troubles  de  la  Fronde ,  la 
misère  ayant  augmenté  dans  Paris  , 
elle  fit  distribuer  à  sa  porte  une  si 
grande  quantité  de  pain  etdelégumes, 
qu'elle  se  vit  obligée  de  vendre  son 
collier,  ses  diamants  et  sa  vaisselle 
pour  couvrir    cette    dépense.    Elle 
employait  tous  ses  loisirs  à  visiter 
les  pauvres  malades,  et  composait 
pour  eux  des  remèdes  dont  l'effica- 
cité a  été  reconnue  depuis,  et  dont 
on  trouve  les  formules  dans  la  Méde- 
cine des  pauvres.  Dès  que  Mme.  de 
Miramion  eut  procuré  à  sa  fille  un 
établissement  conforme  à  sa  nais- 
sance, elle  ne  s'occupa  plus  que  de 
réaliser  les  projets  que  lui  avait  ins- 
pirés son  inépuisable  charité.   Elle 
eut   part  à   l'établissement   de    la 
maison  de  Refuge ,  pour  les  femmes 
ou  filles  d'une  vie  scandaleuse  ,  que 
l'on  y  renfermait  malgré  elles ,   et 
de  la  maison  de  Sainte-Pélagie  où 


M  fil 

étaient  admises   celles   qui  s'y  reti- 
raient volontairement;  et  elle  rédi- 
gea, pour  les  deux  maisons,  des  règle- 
ments qui  sont  restés  les  modèles  de 
tous  ceux  du  même  genre.  Elle  for- 
ma, en  166 1 ,  une  congrégation,  dite 
de  la  Sainte-Famille ,  qui  était  des- 
tinée à  instruire  les  pauvres  habitants 
des  campagnes,  à  les  soigner  dans 
leurs  maladies  j  et  à  leur  procurer 
des  secours  de  toute  espèce.  C'était 
déjà  dans  ce  but  qu'avaient  été  insti- 
tuées les  Filles  de  Sainte-Geneviève  : 
les  deux  congrégations  furent  réunies 
au  bout  de  quelque  temps  ;  et  Mme.  de 
Miramion  en  fut  élue  supérieure. Elle 
fonda,  dans  sa  maison,  des  retraites 
qui  avaient    lieu  deux  fois  l'année 
pour  les  dames  ,   et  quatre  fois  par 
an  pour  un  certain  nombre  de  pau- 
vres. Jusqu'à  l'époque  de  la  révolu- 
tion, les  règles  et  les  principes  éta- 
blis par  la  profonde  sagesse  de  cette 
■illustre  clame  se  conservèrent  reli- 
gieusement; et  ses  disciples  y  exer- 
çaient chaque   jour  Jes  devoirs  de 
l'hospitalité.  Cette  maison  était  si- 
tuée sur  le  quai  Saint-Bernard  ,  qui 
a  pris  ensuite  le  nom  de  quai  des 
Miramionnes  :  les  pauvres  y  étaient 
•  soignés  ,  pansés  et   médicamentés. 
-Mme.    de   Miramion    eut    occasion 
d'entendre  parler  de  Mme.  Guyon  , 
pendant  la  détention  de  celle-ci  aux 
Filles  de  Sainte  -  Marie,  de  la  rue 
Saint  -  Antoine  (  1688  ).  Elle  vou- 
lut la  connaître,  et  fut  aussi  édifiée 
de  ce  qu'elle  vit,  et  de  ce  qu'elle  en- 
tendit, que  de  ce  qui  lui  avait  été  rap- 
porté. Blessée  d'une  rigueur  qu'elle 
regardait  comme  une  injustice  ,  elle 
réclama  le  crédit  de  Mme.  de  Main- 
tenon,  sur  laquelle  son  témoignage 
fit   beaucoup    d'effet.  Cette   pieuse 
dame  contribua  ,  par  ses  largesses 
à  l'érection  du  séminaire  de  Saint 
Nicolas- du -Chardonnet;  et  il  n'y 


MIR 

eut  à  Paris  aucun  établissement  de 
bienfaisance  qui  n'éprouvât  sa  géné- 
rosité.  Ses  vertus  l'avaient  rendue 
un  objet  de  vénération  pour  Louis 
XIV,  et  pour  toutes  les  personnes 
de  la  cour  ;  mais  elle  ne  se  ser- 
vit jamais  de  son  crédit  et  de  son 
influence  qu'en  faveur  des  malheu- 
reux. «  Leroi,ditDangeau,  l'aidait 
dans  les  œuvres  de  charité  qu'elle  fai- 
sait ,  et  ne  lui  refusait  jamais  rien.  » 
Elle  mérita,  par  sa  douceur,  la  con- 
fiance de  Mm*.  de  Montespan;  elle 
l'aida  à  supporter,  avec  résignation, 
l'inconstance  de  son  royal  amant , 
et  finit  par  la  déterminer  à  quitter  la 
cour.  j\îme.  de  Maintenon  lui  donna 
des  marques  particulières  de  son  es- 
time, et  l'accueillit  souvent  dans  sa 
retraite  de  Saint-Cyr,  où  Mme.  de 
Sévigné  nous  apprend  que  MnîC.  de 
Miramion  assista  à  une  représenta- 
lion  iïKsthcr:  mais  les  pompes  du 
monde  ne  pouvaient  la  distraire  un 
instant  de  l'unique  but  qu'elle  eut 
constamment  en  vue,  l'amélioration 
du  sort  de  la  classe  malheureuse  ; 
après  une  vie  pleine  de  bonnes  œu- 
vres, elle  mourut  à  Paris,  le  »4  mars 
1696,  à  Tàge  de  66  ans,  et  elle  fut 
inhumée  dans  le  cimetière  de  Saint- 
IMicolas-du  Chardonnet,  sa  paroisse, 
à  laquelle  elle  avait  fait  des  dons  con- 
sidérables. Mme. de  Sévigné,  en  rece- 
vant la  nouvelle  de  sa  mort,  écrit 
à  M.  de  Coulanges  :  «  Pour  M'11'',  de 
Miramion,  cette  mère  de  l'Eglise,  ce 
sera  une  perle  publique.»  (Lett. du  '29 
mars.  )  L'abbé  deChoisy  a  publié  la 
Vie  de  cette  pieuse  dame,  dont  il 
était  cousin  •germain,  Paris ,  1706, 
ii'  i".;  ibid.,  1707,  in-8°.  On  a  son 
porti  parL.Barbery,  1O90, 

d'après  Nignard,  in-fol.$  d'après 
De  froy,  par  Edehnck,  in-4*.  et  in- 
8°.;  et  il  fait  partie  de  la  collection 
d'Odieuvre.  W — s. 


MIR 


i  1 


MIRAN-CHAH  (MirzàMoéz?  ed 

Dyn),  3e.  fds  de  Tamerlan  ,  n'avait 
que  quatorze  ans,  lorsque  son  père, 
l'an  782  de  l'hég.  (i38odc  J.  G.), 
lui  confia  le  gouvernement  du  Kho- 
raçan,  avec  une  armée,  pour  achever 
de  conquérir  cette  province,  lise  dis- 
tingua dans  diverses  expéditions;  et, 
en  795 ,  sou  père  lui  donna,  pour  ré- 
compense, à  titre  de  fief  souverain, 
l'Adzerbaïdjan,  le  Ghirwan,  le  Ghy- 
lan,  le  Gouhestan,  et  tous  les  pays 
jusqu'aux  frontières  des  Othomans. 
Miran-Chah,  s'étant  couvert  de  gloire 
à  la  prise  de  Baghdad  ,  ayant  pour- 
suivi le  sulthan  Ahmed-Djelaïr  et  pé- 
nétré jusqu'à  Bassorah ,  Tamerlan 
ajouta  ces  nouvelles  conquêtes  aux 
états  qu'il  lui  avait  précédemment 
cédés  j  et  cette  réunion  composait  à- 
peu-près  l'ancien  empire  d'Houlagou 
(  F.ce  nom,  tom.  XX). Miran-Chah, 
renommé  pour  sa  justice,  son  cou- 
rage et  sa  libéralité,  respecté  comme 
le  plus  proche  héritier  de  l'empire  de- 
puis la  mort  prématurée  de  ses  deux 
frères  aînés,  perdit  à-la-fois,  par  un 
funeste  accident,  sa  réputation,  ses 
brillantes  espérances  et  la  tendresse 
de  son  père.  L'an  801  (1398),  dans 
une  partie  de  chasse,  près  de  ïauriz , 
il  tomba  de  cheval,  et  fut  blessé  si 
dangereusement  à  la  tête,  que  sa  rai- 
son eu  demeura  pour  toujours  altérée. 
Dès-lors  il  fit  couler  le  sang  sur  un 
simple  soupçon  ;  il  prodigua  ses  tré- 
sors ;  il  fit  détruire,  sans  motifs, 
les  édifices  les  plus  remarquables  ;  il 
entreprit ,  pendant  les  plus  grandes 
chaleurs,  une  expédition  contre  Bagh- 
dad, où  il  perdit  inutilement  beau- 
coup de  monde  ,  et  revint  presque 
aussi  toi ,  àTauriz,  punir  avec  la  der- 
nière rigueur  quelques  mouvements 
séditieux.  Il  mécontenta  les  Géor- 
giens, qui  vinrent  ravager  l'Adzer- 
bauljan,  et  vainquirent  l'armé 


n8 


MIR 


Moghols  ,  maigre  la  bravoure  de 
Mirza-Aboubekr,  son  fils  aîné.  En- 
fin ,  il  s'abandonna  si  honteusement 
au  vin  ,  au  jeu,  à  la  débauche  ,  et  se 
conduisit  si  indignement  à  l'égard  de 
la  princesse  Mehd-Alia  Khan-Zadeh, 
sa  principale  femme,  qu'elle  alla  s'en 
plaindre  à  Tamerlan,  de  retour  alors 
à  Samarcande  de  son  invasion  dans 
l'Iiidoustan.  A  l'approche  de  son 
père  ,  Miran-Chah  courut  se  jeter  à 
ses  pieds  :  il  en  obtint  une  sorte  de 
pardon,  mais  il  ne  put  recouvrer  ses 
bonnes  grâces  j  et  tous  les  flatteurs 
et  les  favoris  auxquels  il  s'était  livré, 
furent  condamnés  à  mort.  Privé  de 
ses  dignités  et  de  ses  droits ,  il  n'en 
prit  pas  une  part  moins  active  aux 
conquêtes  de  son  père.  On  le  vit  avec 
Chah  -  Rokh ,  son  frère  ,  l'an  8o3 
(  1 406  ) ,  commander  l'aile  droite  de 
l'armée  moghole,  à  la  bataille  d'Ha- 
lep,  que  la  bravoure  de  son  fils  Abou- 
bekr  fit  gagner  sur  les  Mamlouks 
(  V.  Faradj  ,  XIV,  1 48  )  ;  on  le  vit 
coopérer  à  la  deuxième  réduction  de 
Baghdad,  la  même  année,  et  à  la 
prise  de  Smyrne,  Tan  8o5  (1402  ). 
Après  la  défaite  de  Bajazetler.,  soit 
que  Miran-Chah  fût  retombé  en  dé- 
mence, soit  qu'il  eût  encouru  une 
nouvelle  disgrâce ,  il  ne  joua  plus 
qu'un  rôle  passif.  Aboubekr,  qui, 
depuis  la  bataille  d'Ancyre,  avait 
pris  Nicée ,  poursuivi  les  débris  de 
l'armée  Qthomane  jusqu'à  la  mer 
de  Marmara ,  forcé  Mousa-Tchéleby, 
fils  de  Bajazet ,  à  s'embarquer  pour 
l'Europe  ,  et  épousé  la  fille  aînée  de 
ce  superbe  et  malheureux  sulthan  ; 
Aboubekr  obtint  de  son  aïeul,  l'an- 
née suivante,  le  gouvernement  gé- 
néral du  Kourdistan  ,  du  Diarbekr 
et  de  l'Irak- Araby,  jusqu'au  golfe 
Persique.  Mais ,  quelques  mois  après , 
JMirza-Qmar  ,  second  fils  de  Miran- 
Chah  ?  lequel ,   en  802 ,  avait  été 


MIR 

fait  gouverneur  de  Samarcande  et 
du  Mawar-el-nahr,  y  fut  remplacé 
par  son  frère  Khalil  -  Mirza  ,  et  re- 
çut de  ïamerlan,  outre  la  Syrie  et 
l'Anatolie  ,  tous  les  états  qui  avaient 
«té  d'abord  donnés  à  son  père ,  et  de 
plus  les  troupes  et  les  émyrs  de 
ce  dernier ,  ainsi  que  tous  les  attri- 
buts de  la  royauté.  Celte  préférence 
mit  la  désunion  entre  Aboubekr  et 
Omar ,  et  fut  iine  des  premières 
causes  de  la  dissolution  de  la  vaste 
monarchie  de  Tamerlan.  Lorsque  ce 
conquérant  marcha  contre  la  Chine , 
il  permit  à  Miran-Chah  d'aller  de- 
meurera Baghdad,  avec  son  fils  aîné. 
Tamerlan  étant  mort  dans  cette  ex- 
pédition, Fan  807  (i4o5),  Omar,  au 
mépris  du  testament  de  son  aïeul, 
affecta  l'indépendance  dans  les  vastes 
provinces  qui  formaient  son  apanage» 
Aboubekr  refusa  d'abord  de  lui  obéir* 
mais  se  voyant  abandonné  par  une 
partie  de  ses  troupes,  il  se  rendit  avec 
son  père  à  Sulthauieh ,  pour  se  sou- 
mettre à  Omar,  qui  aussitôt  s'assura 
de  sa  personne,  et  fit  pilier  ses  équi- 
pages. Miran-Chah  ,  effrayé  de  l'ar- 
restation de  l'un  de  ses  (ils  et  de 
l'ambition  de  l'autre,  alla,  en  808, 
chercher  un  asile  dans  le  Khoraçan, 
où  régnait  son  frère  Chah -Rokh. 
Quelques  chefs  de  rebelles,  vaincus 
par  les  généraux  de  ce  prince,  étant 
venus  alors  se  jeter  entre  les  bras  de 
Miran-Chah,  il  eut  la  lâcheté  de 
les  livrer  aux  ambassadeurs  de  son 
frère,  afin  de  le  rassurer  sur  les  mo- 
tifs de  son  arrivée  sur  ses  frontières. 
Cependant  Aboubekr,  renfermé  dans 
le  château  de  Sulthauieh,  gagna  ses 
gardes ,  tua  les  assassins  qui  venaient 
lui  ôter  la  vie  ,  s'empara  de  la  ville , 
des  très 0 /s  ,  des  arsenaux  qu'elle 
renfermait-  échappa,  par  des  pro- 
diges de  valeur,  aux  poursuites  d'O- 
mar •  se  rendit  auprès  de  son  père,, 


MIR 

lui  reprocha  d'avoir  viole  les  lois 
de  l'hospitalité ,  et  lui  persuada  de 
revenir  dans  l'Irak- Adjem.  Ses  forces 
s'étant  considérab)ejneiit  accrues  par 
la  jonction  d'une  foule  de  militaires 
errants ,  il  reprit  Sulthanieh  ,  et  dis- 
tribua entre  ses  partisans  les  fem- 
mes d'Omar  et  de  ses  émyrs.  Il  fît 
ensuite  construire  un  trône  d'or,  y 
plaça  Miran-Chah ,  lui  fit  prêter  ser- 
ment de  fidélité  par  toute  son  ar- 
mée, et  marcha  vers  l'Adzerbaïdjan. 
Omar,  trahi  par  la  plus  grande  partie 
de  ses  troupes  ,  rassembla  un  corps 
de  Turkomans  j  Tauriz  lui  ayant  fer- 
mé ses  portes,  il  alla  réclamer  le  se- 
cours de  ses  cousins  Pir-Mohammed, 
Roustam  et  Iskander ,  qui  gouver- 
naient le  Farsistan  et  l'Irak  Adjem  , 
comme  lieutenants  de  Chah  Rokh. 
Alors  Aboubekr,  maître  de  Tauriz 
et  aveuglé  parla  prospérité,  détrôna 
son  père,  et  prit  le  titre  de  roi ,  au 
mois  de  djoumady  n.  Informé  de 
la  marche  des  princes  coalisés ,  il 
s'avança  contre  eux,  les  vainquit  près 
de  Derghezyn,  après  une  bataille  san- 
glante qui  dura  deux  jours,  assiégea 
vainement  Ispahan,  et  fut  obligé  de 
décamper  pour  voler  à  la  défense  de 
l'Adzerbaïdjan,  envahi  successive- 
ment par  le  prince  du  Chyrwau  ,  et 
par  le  sulthan  Ahmed  Djelaïr,  qui, 
mettant  à  profit  les  divisions  des 
petits -fils  de  Tamerlan  ,  avait  re- 
pris Baghdad ,  et  s'efforçait  de  re- 
couvrer tous  ses  états  héréditaires 
(  V.  Avéis  n;  II,  107  ).  Abou- 
bekr rentra  dans  Tauriz,  en  809; 
mais  ses  injustices  et  ses  extorsions 
lui  aliénèrent  tous  les  cœurs.  Une 
conspiration  se  forma  pour  rétablir 
Miran  Chah  sur  le  trône.  Abou- 
bekr en  ht  périr  les  chefs  ;  et  quoi- 
que son  père  n'y  eût  pris  aucune 
part,  il  le  relégua  dans  une  prison. 
Mais  tandis  qui  ccupé  qu'a 


MIR  119 

réprimer  des  révoltes  sans  cesse  re- 
naissantes, et  à  faire  dans  les  pays 
voisins  des  incursions  plus  dignes 
d'un  brigand  que  d'un  roi,  Cara. 
Yousouf,  qui  s'était  sauvé  del'Égyple 
après  la  mort  de  Tamerlan  ,  repre- 
nait la  Mésopotamie  ,  subjuguait 
l'Arménie  ,  et  envahissait  l'A 
baïdjan  (  V.  Cara  Yousouf  ,  VII , 
94  ).  Aboubekr  lui  livra  bataille  , 
près  deSerderoud,  en  810  (i4<>8)  : 
il|  fut  vaincu  complètement;  et  son 
père  y  perdit  la  vie  dans  la  quarante- 
deuxième  année  de  son  âge.  Un  sol- 
dat ayant  coupé  la  tête  de  Mirau- 
Chah,  la  porta  au  vainqueur,  qui, 
au  lieu  de  le  récompenser,  ordonna 
qu'on  le  mît  à  mort.  Cara  Yousouf 
déplora  le  sort  de  ce  prince,  lui  fit 
rendre  les  honneurs  funèbres ,  con- 
sentit que  son  corps  fût  porté  dans 
la  Transoxane,  pour  être  enterré 
auprès  de  Tamerlan  ;  et  il  épousa 
une  de  ses  filles  qui  s'était  trouvée 
au  nombre  des  captifs.  Aboubekr, 
après  sa  défaite,  ne  pouvant  se  main- 
tenir dans  l' Azerbaïdjan,  ni  dans 
l'Irak,  prit  la  route  du  Kerman,  où 
régnait  Avéis  Berlas,  dont  le  père 
Idekou  en  avait  reçu  de  Tamerlan  la 
souveraineté.  Jaloux  de  la  puissance 
de  ce  prince ,  Aboubekr  complota 
contre  lui,  et  se  rendit  tellement 
suspect,  qu'il  fut  obligé  de  gagner  le 
Séistan.  Il  y  rassembla  une  armée, 
revint  attaquer  le  prince  du  Kerman  , 
et  périt  dans  le  combat,  en  81 1  (dé- 
cembre i4°8),  âgé  de  vingt-sept  ans. 
Omar,  second  fils  de  Miran  -  Chah  , 
depuis  ses  Eevers,  s'était  retiré  dans 
le  Khoraçan,  où  son  oncle  Chah 
Rokh  l'accueillit  comme  un  fils ,  et 
lui  céda  les  provinces  d'Esterabad 
et  de  Mazanderan ,  qu'il  venait  d'en- 
lever aux  Toga-Tymourides.  Mais 
l'ingrat  fondit  sur  !<•  Khoracan,  et 
osa  se  mesurer  uvec  son  1 


Abandonne  du  plus  grand  nombre 
de  ses  soldats,  il  fut  vaincu  presque 
sans  combattre,  près  de  Djani  (17 
avril  1407),  et  s'enfuit  vers  le  Djy- 
lioun  ,  dans  l'espoir  de  se  rendre  à 
Samarcande,  auprès   de  son   frère 
Khalil.  Attaque  près  de  Mograb  par 
les  troupes  de  Chah  Rokh,  et  blessé 
dangereusement,  il  fut  arrêté ,  en- 
chaîné sur  un  cheval ,  et  amené  à  ce 
prince ,  qui  ordonna  qu'on  prit  soin 
de  ses  jours.  Mais  Omar,  avant  d'ar- 
river à  fièrat ,  expira  (3  mai) ,  à  l'âge 
de  vingt-quatre  ans,   Nassir  ed-dyn 
Khalil-IVÎirza,  troisième  fils  de  Mira  11 
Chah  ,  avait  accompagne  Tamerlan 
dans  sa  dernière  campagne.  Comme, 
à  la  mort  de  ce  conquérant ,  de  tous 
les  princes  de  sa  famille  en  âge  de 
régner,  Khalil  était  le  plus  à  proxi- 
mité ,  les  émyrs  qu'il  commandait , 
le  reconnurent  pour  souverain  ,  mal- 
gré le  testament  de  son  a'ieul ,  qui" 
avait  désigné  pour  son  héritier  Pir 
Mohammed    Djehanghyr  ,  le   plus 
âgé  de  ses  petits-fds ,  et  le  seul  issu 
de  la  branche  aînée.  Khalil   monta 
sur  le  trône  à  Samarcande,  le  16  ra- 
madhari  807   (18  mars  i4°5y?  et 
régna  quaîre  ans,  sur  le  Mawar-el- 
Nahr  et  le  Tarkestan,  dont  son  on- 
cle Chah  Rokh  lui  laissa  la  souve- 
raineté. Doué  des  plus  aimables  qua- 
lités,  mais  plus  fait  pour  l'amour 
que  pour  la   gloire,    il  dissipa   en 
libéralités  les  trésors  de  son  a'ieul , 
et  se  livra  sans  retenue  aux  plaisirs 
et  surtout  à  sa  passion  pour  Schadi- 
Molouk,  avec  laquelle  il  avait  con- 
tracté un  hymen  secret-  Source  pour 
l'un  et  l'autre,  d'une  infinité  de  désa- 
gréments et  de  persécutions  ,  dès  le 
règne  de  Tamerlan.  Les  profusions 
de  cette  femme,  et  son  orgueil  mé- 
prisant envers  les  princesses  de  la 
famille  impériale,  indisposèrent  la 
plupart  des  émyrs,  et  ruinèrent  le 


M1R 

parti  de  Khalil.  En  vain  il  triompha 
de  son  cousin  Mirza  Houcem  ,  qui 
s'était  soulevé  contre  lui,  et  de  Pir 
Mohammed  Djehanghyr,  qui  avait 
voulu  revendiquer  ses  droits.  L'émyr 
Khoda'idad,s'étant  révolté  l'an  81  1, 
se  saisit  de  Khalil,  par  trahison, 
et  s'empara  de  Samarcande;  mais  à 
l'approche  de  Chah  Rokh,  il  aban- 
donna le  Mawar-el-INahr,  et  emmena 
son   prisonnier   chargé  de  chaînes 
dansle  Turkestan.  Samarcande  ayant 
ouvert  ses  portes  à  Chah  Rokh,  ce 
prince  fit  arrêter  Schadi-Molouk  : 
cette  femme,  qui  avait  causé  tous  les 
malheurs  de  son  époux,  fut  exposée 
à   milie  et  mille  outrages  ,   traînée 
dans  les   rues,  et  accablée  d'inju- 
res  par  la  populace.  Le  khan  des 
Djettes,  à  qui  Khodaïdad  avait  de- 
mandé du  secours,  ordonna  de  lui 
trancher  la  tête,  et  de  l'envoyer  à 
Chah  Rokh,  l'an  81 2.  Khalil,  devenu 
libre,  résida  quelque  temps  encore 
dans  cette  contrée,  où  il  s'occupait 
à  composer  des  élégies  sur  l'absence 
de  sa  chère  Schadi-Molouk.  Ennuyé 
enfin  de  vivre  loin  d'elle,    il  vint 
trouver  son  oncle,   qui   l'accueillit 
avec  bonté,  lui  rendit   sa  femme  , 
et  leur  donna  un  palais  à  Hérat,  avec 
des  revenus  considérables.   Quelque 
temps  après,  Khalil  obtint  de  Chah 
Rokh,  le  gouvernement  de  l'Irak  et 
de  l'Adzerba'idjan.  L'an  81 3,  il  dé- 
fendit  Ispahan  contre    son   cousin 
Iskander,  qui  s'était  révolté,  et  il  le 
força  de  lever  le  siège;  mais  la  fa- 
mine l'obligea  lui-même  de  retourner 
à  Réi ,  où  il  mourut  (81 4)  le  3  nov. 
1 41 1 ,  âgé  de  27  ans  ,  et  regretté  de 
tout  le  monde.  Schadi-Molouk,  ne 
voulant  pas  survivre  à  son  époux, 
se   perça    le    cœur  d'un  poignard. 
Mehd-Alia,  mère  de  Khalil,  mourut 
peu  de  temps  après;  et  tous  trois 
lurent  réunis  dans  le  même  tombeau. 


MIR 

Les  autres  fils,  de  Miran-Chah  ont 
peu  marqué  Haas  l'histoire;  mais 
l'un  d'eux,  Mohammed,  fut  père 
d'Abou  -  Saïd  Mirza,  qui  enleva  la 
Perse,  le  Khoraçan  et  le  Mawar-el- 
Nahr  ,  aux  petits-fils  de  Chah  Rokh , 
et  qui  fut  l'aïeul  de  Babour,  conqué- 
rant de  l'Indonstan  et  fondateur  de 
l'empire  Moghol  ,  dont  les  souve- 
rains titulaires,  s'il  en  existe  encore, 
sont  aujourd'hui  probablement  les 
seuls  rejetons  de  la  race  de  Tamer- 
la».  (F.  AiiOusAM),  !.  100;  Chah 
Rolkii,  \11,  662;  Babour,,  111, 
i5q;  Cuaii  Aale.m,  VII,  6i(5,et 
Ïamerlan.  )  A — T. 

MIRANDA  (  François),  général 
des  années  républicaines  en  France, 
était  ne  au  Perdu,  d'une  famille  dis- 
tinguée. Il  s'attacha  d'abord  au  ser- 
vicede  l'Espagne;  et  obtint  un  com- 
mandement dans  les  troupes  du  gou- 
■  ment  de  Guatimala;  mais  la 
découverte  d'une  conspiration  qu'il 
avait  tramée  pour  soustraire  ce  pays 
à  l'autorité  du  vice-roi,  le  contrai- 
gnit à  s'expatrier.  A  quarante-deux 
ans  ,  il  avait  parcouru  la  moitié  du 
globe  ,  recueilli  dans    ses    voyages 
des  connaissances  étendues,  et  acquis 
la  facilite  de  parler  un  assez  grand 
nombre  de  langues.  8a  pensée  domi- 
nante était  d'affranchir  ses  compa- 
triotes d'Amérique;  il  s'ouvrit  alter- 
nativement sur  ses  projets  à  l'impé- 
ratrice de   Russie  ,  et  à  Pitt  ,  qui 
l'écoutèrent  avec  faveur  ;    mais  la 
E  rance  lui  parut  plus  propre  à  secon- 
der ses  efforts  :  elle  était  au  début  de 
évolution,  et  se  montrait  dispo- 
protéger  le  mouvement  des  peu- 
ples qui  voudraient  reconquérir  leur 
libert  temple  de  l'Amérique 

anglaise.  Miranda  vint  donc  à  Paris, 
pendant  I  1  semblée  lé- 

ttive;  il  s*  lia  promptement  avec 
Péthion,  auquel  il  était  1 


par  les  chefs  de  l'opposition  anglaise; 
et  en  attendant  que  la  république  le 
mît  en  état  de  fomenter  une  insurrei  - 
tion  dans  le  Pérou  ,  les  Girondins  le 
firent  nommer   général  de  division , 
et  l'envoyèrent,  sous Dumouriez,  com- 
battre les  Prussiens  qui  pénétraient 
en  Champagne.  Miranda  prit  part  à 
cette  campagne ,  et  suivit  Dumouriez 
dans  la  Belgique,  en  1 7<)3.  La  ! 
du  blocus  de  Maestricht,  dont  il  était 
chargé,  la  perte  de  la  bataille  deNer- 
winde  ,  attribuée  à  sa  désobéissance 
aux  ordres  qu'il  avait  reçus,  et  aux 
fausses  manœuvres  qu'il  availfait  exé- 
cuter à  l'aile  gauche  qu'il  comman- 
dait, enfin,  la  chute  du  parti  de  la 
Gironde  ,  le  firent  traduire  au  tribu- 
nal révolutionnaire, comme  complice 
de  la  défection  de  Dumouriez.  Cette 
institution,  récemment  créée,  n'osait 
pas  encore  rejeter  les  formes  protec- 
trices de  l'innocence.  Onze  se 
furent  consacrées  au  procès  de  Mi- 
randa :  soutenu  par  l'éloquence   de 
Tronçon  -Ducoudrai  ,    il   mit   une 
grande    habileté    dans   sa  défense  , 
traita  chaque  déposition  dirigée  con- 
tre lui  par  les  témoins ,  comme  un 
procès  separéqu'il  devait  s'appliquer 
à  vider  avant  d'en  venir  aux  suivan- 
tes ;  et  en  éclairant  ainsi  dans  son  in- 
térêt les  points  les  plus  légers  de  l'ac- 
cusation ,  il  parvint  à   changer  en 
bienveillance  les  préventions  du  pu- 
blic qui  demandait  sa  tète.  Son  triom- 
phe fut  complet  :   les  jurés  pronon- 
cèrent  son    absolution   d'une    voix 
unanime,  en  y  mêlant  des  éloges  ;  et 
il  fut  reconduit  a\ee  ac<  lamation  jus- 
que dans  sa  maison.il  demeura  dont, 
constant  qu'il  ne  pouvait  encourir  le 
reproche  de  trahison;  mais  l'opinion 
publique  ne  cessa   poinl 
mer  que  ses  fautes  militaires  avaient 
seules  cause'  le  revers  de  ^eiwinde. 
Ce  n'est  pas   que  Miranda  fût   dé- 


lia  MTR 

pourvu  des  talents  d'un  gênerai  •  il 
avait  profondément  étudié  la  stra- 
tégie ,  et  s'était  pénétré  de  tous  les 
secrets  des  grands  maîtres  de  la 
science  militaire  :  mais  l'expérience 
lui  manquait ,  et  il  s'obstinait  avec 
trop  de  confiance  dans  ses  premières 
déterminations.  Son  indignation  était 
aussi  forte  que  son  mépris  pour  les 
vils  dominateurs  auxquels  il  voyait 
la  France  en  proie  :  l'expression  har- 
die de  ces  sentiments  le  fit  incarcérer 
de  nouveau  ,  puis  condamner  à  être 
transporté  hors  de  France.  Il  sut  se 
soustraire  à  cette  première  mesure  , 
et  à  la  déportation,  prononcée  contre 
lui  au  1 8  fructidor;  il  passa  en  Angle- 
terre ,  reparut  en  France  ,  en  i8o3  , 
et  se  vit  déporter  de  nouveau  par  le 
gouvernement  consulaire.  Il  se  re- 
tira bientôt  dans  l'Amérique  mé- 
ridionale, souleva,  en  1811,  une 
grande  partie  des  habitants  contre 
leur  métropole  ,  créa  une  ombre  de 
gouvernement  républicain  à  Caracas  , 
et  remporta  de  grands  avantages  dans 
le  cours  de  18  i  2  ,  appuyé  qu'il  était 
par  l'Angleterre  et  les  États-Unis.  La 
fortune  lui  devint  enfin  contraire  ;  il 
tomba  entre  les  mains  de  ses  enne- 
mis ,  et  mourut  dans  les  prisons  de 
Cadix,  en  18 16.  Son  esprit  était 
plein  de  ressources  ;  beaucoup  de 
fermeté  ,  une  grande  élévation  dans 
les  idées  et  une  activité  remarquable, 
le  servaient  dans  ses  projets.  On  a 
de  lui  :  I.  Une  Correspondance  avec 
Dumouriez  ,  depuis  janvier   1793. 

II.  Ordre  de  Dumouriez  ,  pour  la 
bataille  de  Nerwinde  et  la  retraite 
qui  en  a  été  la  suite  ,  1798  ,  in-8°. 

III.  Opinion  sur  la  situation  de  la 
France ,  1  7q3  ,  in-8°.         F — t. 

MIRANDOLE  (  François  Pic  de 
la  ),  gentilhomme  feudalaire  qui  dé- 
pendait de  l'état  de  Modène  ,  se  ren- 
dit indépendant  à  la  Mirandole,  dont 


MIR 

ses  ancêtres  possédaient  le  diâteau 
depuis  plusieurs  générations.  En 
1 1 18 ,  Manfred  Pic  de  la  Mirandole 
avait étépodestat  de  Modène;  et,  de 
concert  avec  les  Ferrarais,  il  s'était 
emparé  de  Rubbiera.  François  Pic 
fut  revêtu  de  la  même  dignité  en 
1 3 1 2.  Il  était  chef  du  parti  Gibelin , 
et  soutint  des  combats  continuels  con- 
tre les  Guelfes  :  vaincu  et  chassé  de 
Modène ,  le  8  juillet  1 3 1 2 ,  il  y  rentra 
après  la  mort  de  l'empereur  Henri 
VII  ;  et  la  faveur  du  parti  Gibelin 
Péleva  au  pouvoir  souverain.  Il  en 
abusa  bientôt  pour  mettre  en  vente 
cette  ville  qu'il  n'espérait  pas  de  gar- 
der. Les  Bolonais  n'ayant  pas  voulu 
lui  en  donner  le  prix  qu'il  en  de- 
mandait ,  il  la  vendit,  en  1 3 1 7  ,  pour 
cinquante  mille  florins  ,  à  Passerino 
Bonacossi ,  seigneur  de  Mantoue.  11 
se  retira  ensuite  à  la  Mirandole;  maïs 
Bonacossi,  impatient  de  lui  reprendre 
l'argent  qu'il  lui  avait  payé,  surprit 
la  Mirandole,  en  1 32 1 ,  fit  prisonnier 
François  avec  ses  deux  fils,  et  les 
poignarda  dans  leur  prison.  Un  troi- 
sième fds,  Nicolas  Pic,  surnommé 
Papino ,  échappa  à  ce  massacre  ; 
et  lorsqu'en  1S28,  les  Bonacossi  fu- 
rent chassés  de  Mantoue  et  de  Mo- 
dène parles  Gonzagues,  il  entra  dans 
la  conjuration  contre  eux ,  et  il  de- 
manda qu'en  récompense  de  ses  ser- 
vices ,  on  lui  livrât  François  Bona- 
cossi ,  fils  de  Passerino,  pour  le  faire 
mourir  de  faim  dans  la  même  pri- 
son où  son  père  avait  été  massa- 
cré. —  François  III  de  la  Miran- 
dole fut  créé,  en  1 4T4?  comte  de 
Concordia  ,  par  l'empereur  Sigis- 
mond  :  aucun  de  ces  princes  n'avait 
mérité  ou  obtenu  de  gloire.  Seigneurs 
indépendants  d'un  très-petit  château 
qu'ils  avaient  bien  fortifié,  ils  étaient 
entraînés  dans  les  révolutions  de 
Loinbardie  sans  se  faire  remarquer. 


MIR 

Le  dixième ,  nommé  Galeotto  Isr. , 
était  le  fils  aîné  de  Jean-François  II  ; 
il  avait  deux  frères ,  Antoine-Marie  et 
Jean.  Galeotto  et  Antoine-Marie  se 
rendirent  fameux  par  leur  férocité , 
leurs  guerres  civiles  ,  l'expulsion 
d'Antoine-Marie  par  Galeotto  ,  et  les 
efforts  de  Sixte  IV  et  d'Hercule  ,  duc 
de  Ferrare,  en  i483,  pour  les  ré- 
concilier. Le  troisième,  pour  se  vouer 
sans  partage  à  l'étude,  abandonna 
Je  gouvernement  des  petits  fiefs  de  sa 
famille  à  ses  deux  frères.  (  Voyez 
l'article  suivant.  )  S.  S — i. 

M1RANDOLE  (  Jean  Pic  de  la  ), 
l'un  des  hommes  les  plus  célèbres^ar 
la  précocité  et  l'étendue  de  leur  es- 
prit, naquit  le  24  février  i463.  Il 
était  le  troisième  iils  de  Jean-Fran- 
çois, seigneur  de  La  Mirandole  et  de 
Concordia.  Sa  mère,  persuadée  que 
la  Providence  avait  des  vues  parti- 
culières sur  lui  (1),  ne  voulut  céder 
à  personne  le  soin  de  sa  première 
éducation  ,  dont  elle  se  chargea  elle- 
même  :  elle  le  confia  ensuite  aux 
maîtres  les  plus  habiles,  sous  les- 
quels il  fit  de  rapides  progrès.  Son 
goût  le  portait  vers  la  littérature:  il 
avait  à  peine  dix  ans,  que  le  suffrage 
public  le  plaçait  au  premier  rang  des 
orateurs  et  des  poètes.  Mais  sa  mère, 
qui  ambitionnait  pour  lui  lesdignités 
ecclésiastiques  ,  l'envoya,  à  l'âge  de 
quatorze  ans ,  étudier  à  Bologne  le 
droit- canon.  Il  se  dégoûta  bientôt 
d'une  science  qui  ne  semblait  reposer 
que  sur  des  traditions  dont  l'auihen- 
ae  lui  était  pas  démontrée  ,  et 
t  de  se  livrer  uniquement  à  l'é- 
tude de  la  philosophie  et  de  la  théo- 
logie. Il  parcourut  pendant  sept  ans 


(^  '  u   orlum 

apparuit  ■.  visa  ipràua 

■    r,     -te 

Pic  de  la  Mm.  .  .a«d,  îJjtf 

H   '9) 


MIR  123 

les  plus  célèbres  universités  de  l'Ita- 
lie et  de  la  France  ;  il  étudia  la  mé- 
thode de  Lui  le  ,  suivit  les  leçons  des 
plus  illustres  professeurs ,  et  acquit , 
en  disputant  eontre  eux,  une  facilité 
d'élocution  étonnante.  Sa  mémoire 
tenait  du  prodige  :  il  n'oubliait  rien 
de  ce  qu'il  avait  lu,  ou  seulement  en- 
tendu réciter;  et  son  esprit  était  si 
pénétrant,  qu'on  ne  pouvait  lui  pro- 
poser aucune  difficulté  qu'il  ne  réso- 
lût à  l'instant  même.  A  la  connais- 
sance des  langues  grecque  et  latine  , 
il  désira  joindre  celle  de  l'hébreu,  du 
chaldéen  et  de  l'arabe,  et  il  s'y  ap- 
pliqua avec  son  ardeur  accoutumée. 
Dans  le  temps  qu'il  étudiait  l'hébreu, 
un  imposteur  lui  fit  voir  soixante  ma- 
nuscrits qu'il  assurait  avoir  été  com- 
posés par  l'ordre  d'Esdras,  et  con- 
tenir les  plus  secrets  mystères  de  la 
religion  et  de  la  philosophie.  Ce  n'é- 
tait dans  le  fait  qu'un  recueil  de  rêve- 
ries cabalistiques  :  l'obstination  qu'il 
mit  à  les  entendre  ,  lui  fit  perdre  un 
temps  plus  précieux  quel'argent  qu'il 
en  avait  donné,  et  le  remplit  d'idées 
chimériques  dont  il  ne  fut  jamais  en- 
tièrement désabusé  (1).  Après  avoir 
terminé  ses  voyages  scientifiques,  il 
se  rendit  à  Rome,  en  i486,  sous  le 
pontificat  d'Innocent  VIII.  Voulant 
trouver  l'occasion  d'y  étaler  sa  vaste 
érudition ,  il  publia  une  liste  de  neuf 
cents  propositions  De  onini  re  sci- 
bili,  qu'il  s'engageait  de  soutenir  pu- 
bliquement contre  tous  les  savants 
qui  se  présenteraient  pour  les  atta- 
quer; et  il  offrit  de  payer  le  a  « 
de  ceux  qui  seraient  éloignés,  et  de  les 
défrayer  pendant  leur  séjour.  Ce  trait 
de  vanité  puérile  excita  l'envie  de  quel- 
ques graves  personnages,  fâches  de 
s«  voir  éclipsés  par  un  jeune  homme 


ins«r«  u  la  lin  <iu  lome  l  de  au  bibUuihtcu  h* 


MIR 

à  peine  sorti  des  bancs.  Ils  lui  firent 
défendre  toute  discussion  publique, 
et  dénoncèrent  au  souverain  pontife 
treize  de  ces  propositions ,  comme 
entachées  d'hérésie.  En  vain  il  prou- 
va qu'avant  qu'il  les  publiât ,  elles 
avaient  été  revêtues  de  l'approbation 
de  théologiens  éclairés  (  i  )  :  les  com- 
missaires chargés  de  les  examiner  , 
les  ayant  déclarées  dangereuses,  elles 
furent  condamnées  par  le  pape,  il  se 
soumit  a  cette  décision  ,  et  quitta 
Rome  pour  retourner  en  France  ,  où 
il  avait  laissé  de  nombreux  admira- 
teurs. Ses  ennemis  profilèrent  de  son 
absence  pour  l'accuser  d'avoir  déso- 
béi au  Saint-Siège,  en  soutenant  pu- 
bliquement les  propositions  condam- 
nées: c'était  une  absurde  calomnie. 
Le  pape  Innocent  VIII  le  cita  cepen- 
dant à  son  tribunal;  mais  La  Miran- 
dole  n'eut  pas  de  peine  à  se  justifier,  et 
son  innocence  fut  pleinement  recon- 
uue.  Les  persécutions  dont  il  avait 
failli  être  la  victime,  lui  firent  mieux 
apprécier  celte  gloire  bruyante,  qui 
avait  eu  pour  lui  tant  de  charmes. 
Dans  l'âge  des  succès,  et  avec  toutes 
les  qualités  qui  les  assurent,  il  eut  la 
sagesse  d'y  renoncer:  il  jeta  au  feu  ses 
poésies  amoureuses  ,  productions  de 
sa  première  jeunesse ,  que  Politien 
se  repentit  d'avoir  jugées  trop  sévère- 
ment {F.  A.  Politien);  et,  renon- 
çant aux  lettres  et  aux  sciences  pro- 
ianes  ,'  il  s'appliqua  uniquement  à 
l'étude  de  la  religion  et  de  la  philo- 
sophie platonique.  Il  avait  cédé  tous 
ses  domaines  à  son  neveu  (dont  l'art. 
suit)  ;  et  il  vivait  de  son  revenu ,  à 
Florence ,  au  milieu  de  ses  livres,  et 


(i)  Il  a  cherché  dans  son  apologie  à  jeter  beaucoup 
de  ridicule  sur  ses  détracteurs.  Il  y  rapporte  qu'un 
théologien,  q:;i  se  mêlai I  rie  censurer  ses  thèses  ,  in- 
terrogé sur  ce  que  signifiait  le  mot  de  cabale  ,  répon- 
dit que  c'était  un  scélérat,  et  un  homme  thabolique 
qui  avait  écrit  contre  Jésus -Cbrist  ;  et  que  ses  secta- 
teur» avaient  eu  de  lui  le  uom  de  cabalistcs. 


MIR 

dans  la  société  des  amis  des  lettres  les 
plus  distingués:  mais  il  ne  jouit  pas 
long-temps  de  la  paix  qn'il  avait  eu 
le  bonheur  de  recouvrer;  il  ne  survé- 
cut que  deux  mois  à  Politien,  le  plus 
cher  de  ses  amis,  et  mourut  en  1 494, 
le  1 7  novembre,  jour  où  le  roi  Char- 
les VIII  fit  son  entrée  à  Florence.  Ce 
prince,  qui  l'avait  connu  à  Paris,  ap- 
prenant sa  maladie ,  se  hâta  de  lui  en- 
voyer deux  de  ses  médecins;  mais 
leur  visite  fut  inutile  au  moribond  , 
qui  expira  quelques  heures  après  , 
dans  de  grands  sentiments  de  piété. 
Il  n'avait  que  trente-un  ans  huit  mois 
e!  quelques  jours.  Ses  restes  furent 
déposés  danslecimetière  Saint-Marc, 
sous  une  tombe  décorée  d'une  épita- 
phe  honorable  (  1  ).  Par  son  testa- 
ment, il  fit  des  legs  considérables  à 
ses  domestiques,  et  donna  le  reste  de 
son  bien  aux  pauvres.  Les  ouvrages 
qu'il  a  laissés ,  prouvent  tous  la  péné- 
tration de  son  esprit,  au  milieu  des 
erreurs  dont  son  siècle  était  infesté. 
Ils  ont  été  recueillis,  et  publiés  à  Bo- 
logne, 1496,  in-fol.  Cette  première 
édition,  fort  rare,  a  été  suivie  de  celle 
de  Venise,  i49&  Suivant  Tirabos- 
chi,  il  en  a  paru  sept  dans  le  seizième 
siècle.  La  dernière  est  celle  de  Bâle, 
16  vol.  in-fol.;  elle  passe  pour  la 
plus  complète.  On  trouvera  le  détail 
des  opuscules  qu'elle  renferme,  dans 
les  Mémoires  de  Niceron  ,  tome 
xxxiv,  et  dans  la  Biblioth.  Mode- 
nese  de  Tiraboschi ,  tom.  iv,  p.  io5 
et  suiv.  On  doit  se  borner  à  citer  ici 
les  principaux  :  I.  Heptaphis  de  stp- 
tiformi  sex  dierum  Geneseos  enar- 
ratione  ad  Laur.  Medicemy  in-fol., 
s.  d.  Cette  édition  ,  imprimée  aux 
frais  de  Robert  Salviati ,  a  paru  à 

[l)  La  voici  : 

Johannesjacel  hic  Mirnnduhi  :  cœtera  jiôvunt 
Et  Tagus  et  Ganses  ;joisan  et  aiitt/jode  . 


Florence,  vers  i4<So(/r.  Y  Index  du 
P.  Laire,  tom.  h,  |>.  19).  L-auteur, 

dit  Ginguené,  pour  faire  mieux  com- 
prendrela  ci  lu  monde, éclair- 

ai les  obscurités  du  texte  de  Moïse 
par  les  allégories  de  Platon.  11.  Con- 
clusiones  philosopldcœ,  cabaUsticœ, 
et  theologicœ ,  etc.,  Rome,  Silbert, 
14BO,  in-fol.Cetédit.  originale  des 
neuf  cents  propositions  dont  on  a 
parle, est  d'une  extrême  rareté.  Mais 
c'est  le  seul  mérite  de  l'ouvrage;  car 
de  l'aveu  même  de  Tiraboschi,  on 
ne  peut  que  gémir,  eu  le  parcourant, 
de  voir  qu'un  si  beau  génie,  un  es- 
prit si  étendu  et  si  laborieux,  se  soit 
occupé  de  questions  si  frivoles.  III. 
Apoiogia  J .  Pici  Mirandulani,  Con- 
cordiez CQmilis,  1489,  in-fol.,  raris- 
sime. C'est  la  défense  qu'il  publia  des 
treize    propositions  censurées.    IV. 
Disputaliones  adversùs  astrologiam 
dwinatricemlibrix  11 , Bologne,  1  \()  5, 
in-fol.  C'est  le  meilleur  et  le  plus  so- 
lide de  ses  ouvrages;  il  y  combat, 
dit  encore  Ginguené  ,  cette  science 
prétendue ,  avec  les  armes  réunies  de 
l'érudition  et  de  la  raison.  V.  Aurecc 
ad  f'amiliares  Epistolœ,Parïs,  1 49Q, 
in-4°.,  réimprimées  en  i5o'2,  in-4°.; 
à  Venise,  i5'>.ç),  in-80.,  et  eniin,  par 
'lis  de  Christ.  Cellarius  ,  1682, 
i  i-<S°.  Quelques-unes  de  ces  lettres 
ont  été  traduites  en  italien,  par  Lud. 
Dolce;  elles  sontpleines  d'érudition. 
VI.  Elegia  deprecatoi  lu  ad  Deum, 
etc. , Paris,  i6'^o,  in-/j°.;  on  en  a  vu 
un  exeinpl.  sur  vélin.  On  citera  en- 
core de  lui  :  un  Traité  De  Ente  et 
uno,  «  où  l.i  doctrine  dePJaton,sur  ce 
»  double  sujet,  est  exposée  avec  plus 
»  de  profondeur  que  de  clarté  (  Gin- 
guené   ;  »  ira  discours  De  hominis 
dignitate  un  Commentaire 

sur  la  Canzone  de  Jérôme  Be'nivieni 
])cli  amor  <  tUviho9  plus 

propre  à  obscurcir  le  texte  qu'a  l'e- 


cl. dreir  (  V.  Bemvieni,  IV,  : 
Les  différente*  éditions  die 

musont  précédées  d'une  /  ïede  Fau- 
teur, par  J.  F.  Pic  de  la  Mirandole, 
son  neveu,  écrite  avec  diffusion,  mais 
remplie  de  détails  intéressants  (  Cette 
vie  se  trouve  aussi  dans  les  recueils  de 
.1.  Fichârd  et  de  Bâtes). On  lira  enco- 
re avec  intérêt  l'article  que  ïirabos- 
chi lui  a  consacré  dans  la  Bibl.  Mo- 
denese,  tom.  iv,  95-108;  mais  il  s'y 
est  glissé  plusieurs  fautes  d'impres- 
sion, particulièrementdans  les  dates. 
W— s. 
MIRANDOLE   (  Jean- François 
III,  Pic  de  la  ),  était  l'aîné  des  trois 
bis  dcGaleotto  Ier:  à  l'exemple  de  son 
oncle  Jean ,  il  s'était  voue  à  l'étude 
des  lettres;  et  il  s'est  acquis  quelque 
gloire  par    ses  ouvrages,   quoiqu'il 
soit  resté  bien  au-dessous  de  son  on- 
cle, dont  il  a  lui-même  écrit  l'his- 
toire. Vertueux  et  très-religieux  ,  on 
dit  qu'il  fut   arrêté  dans  ses  études 
par  la  crainte  de  se  distraire  de  la 
piété;  cependant  il  ne  réussit  point  a 
se  faire  aimer  de  ses  sujets.  Il  avait 
deux  frères  :  Frédéric,  de  qui  l'on  con- 
serve peu  de  souvenirs  ;  et  Louis,  qui 
s'engagea  au  service  du  pape,  après 
avoir  fait  souvent  la  guerre  à  son 
frère  aîné,  de  concert  avec  le  maré- 
chal Jean- Jacques  Trivulce,  dont  il 
avait  épousé  la  fille.  Louis,  en  recon- 
naissant la  flotte  des  Vénitiens 
la  guerre  deFerrare,fui  tué, en  1  5  m, 
d'un  coup  de  fauconneau ,  qui  lui  en- 
leva la  tête  couverte  de  son  casque. 
Depuis  dix  ans,  il  possédait  la  Mi- 
randole, d'où   il    avait,    eu    1 
chassé    .Iran  -  François    III  ,   aidé 
de  Trivulce  et  du  duc  de  Ferrai    . 
Jean-François,  protégé  par  Jules  II, 
vint  assiéger  la   Mirandole    I 
suivant.  La  veuve  de    Louis,  . 
fils  Galeotto  11  ,  la  drfendai.  \ 
vieux  pontife    p 


126 


MIR 


les  travaux  du  siège,  malgré  les  ri- 
gueurs de  l'hiver.  La  place  se  rendit, 
le  21  janvier  i5n;  et  Jean-Fran- 
çois III  en  fut  remis  en  possession. 
Avant  la  fin  de  l'année,  il  en  fut 
chassé  par  Trivulce  ,  puis  rétabli 
au  bout  de  quelque  temps  par  un  mi- 
nistre de  l'empereur  Maximilien. 
Il  y  demeura  sans  cesse  en  guerre 
avec  la  veuve  et  le  fils  de  son  frère, 
jusqu'à  l'an  i532,  que  la  Mirandole 
fut  surprise  par  Galeotto  II.  Jean- 
François  fut  tué  au  pied  du  crucifix, 
avec  son  fils  Albert,  par  son  neveu  : 
sa  femme  et  les  enfants  de  son  autre 
fils  furent  enfermés  dans  d'horribles 
prisons,  et  Galeotto  II  s'empara  de 
cette  petite  principauté.  —  Galeotto 
II  Pic  de  la  Mirandole, -après  s'être 
rendu  maître ,  comme  on  vient  de  le 
dire  ,  de  la  principauté  de  la  Mi- 
randole, en  massacrant  son  oncle 
et  son  cousin,  au  mois  d'octobre 
i533,  se  mit  sous  la  protection  de 
François  Ier.  roi  de  France;  et  plus 
tard,  il  livra,  en  1 548,  la  Mirandole 
à  Henri  II,  moyennant  une  compen- 
sation qu'il  reçut  en  France.  Aussi , 
ce  château-fort  fut-il  presque  tou- 
jours, pendant  les  guerres  du  sei- 
zième siècle,  la  place  d'armes  des 
Français.Galeotto  II  mourut  en  1 55 1  ; 
et  la  maison  d'Autriche,  pour  ne 
pas  laisser  aux  Français  cette  forte- 
resse au  centre  de  l'Italie,  la  fit  ren- 
dre à  Louis  Pic,  son  fils  ,  qui  mou- 
rut en  i574-  —  Frédéric  ,  fils  de  ce- 
lui-ci, prit  les  titres  de  prince  de  la 
Mirandole  et  de  marquis  de  Concor- 
dia.  Étant  mort  sans  enfants,  son 
frère  Alexandre ,  que  Henri  IV  n'avait 
point  réussi  à  faire  nommer  cardinal, 
lui  succéda,  et  se  détacha  de  la  France 
pour  rechercher  la  protection  de 
l'Espagne.  L'empereur  Ferdinand  II 
le  créa  duc  de  la  Mi  randole  en  1 6 1 q. 
Il  mourut  en  1637.  — Son  petit-fils 


MIR 

Alexandre  II  lui  succéda ,  et  régna 
de  i63i  à  1691.  — Enfin  un  petit- 
fils  de  celui-ci,  François-Marie  ,  né 
le  3o  septembre  1688 ,  et  âgé  à  peine 
de  trois  ans  lorsqu'il  parvint  à  la  sou- 
veraineté, sous  la  tutelle  de  sa  mère, 
ayant ,  dans  la  guerre  de  la  succession 
d'Espagne,  embrassé  le  parti  de  la 
maison  de  Bourbon ,  perdit  ses  états 
par  décret  du  conseil  auliqucà\  ienne. 
L'empereur  Joseph  Ier.  les  vendit  en- 
suite pour  200000  doublons  en  1 7 1 0, 
à  Renaud  d'Esté,  duc  de  Modènc,  qui 
joignit  dès-lors  à  ses  litres  celui  de 
duc  de  la  Mirandole.  La  famille  des 
Pics  de  la  Mirandole  se  relira  en 
France  ,  où  elle  s'est  conservée  jus- 
qu'à nos  jours.  S.  S — 1. 

MIRASSON  (  Isidore  k  littéra- 
teur, né  ,  vers  1 720  ,  à  Oloron,  pe- 
tite ville  de  Béarn  ,  entra  jeune  dans 
la  congrégation  des  Barnabites  ,  et 
professa  les  humanités  et  la  rhétori- 
que dans  divers  collèges.  Son  atta- 
chement au  parti  janséniste  le  fit 
interdire  par  l'archevêque  de  Paris. 
Soupçonné  d'avoir  eu  part  a  quel- 
ques écrits  où  ce  prélat  n'était  pas 
ménagé  ,  il  fut  arrêté  dans  le  mois 
d'août  1772.  On  le  traita  avec  beau- 
coup d'égards  dans  la  prison  •  et 
comme  il  ne  se  trouva  aucune  charge 
contre  lui  ,  il  recouvra  la  liberté.  Il 
partagea  le  reste  de  sa  vie  entre  l'é- 
tude et  les  devoirs  de  son  état  ,  et 
mourut  en  1787.  On  connaît  de  lui  : 
I.  Examen  du  Discours  qui  a  rem- 
porté le  prix  de  l'académie  française, 
en  1760  (l'Éloge  de  d'Aguesseau) , 
ou  Lettre  à  M.  Thomas , 'professeur 
au  collège  de  Beau  vais  ,  1760,  in- 12, 
IL  Toinette  Le  Vasseur ,  cham- 
brière de  J.  -  /.  Rousseau ,  à  la 
femme  --philosophe  ,  ou  Réflexions 
sur  Tout  le  monde  a  tort,  1 762  ,  in- 
12.  III.  Le  Philosophe  redressé ,  ou 
Critique   impartiale  du  livre   iuîi 


MIR 

tulé  :  Sur  la  destruction  des  Jésuites 
en  France  (  par  d'Alembert  ) ,  au 
Bois-Valon  ,  1765,  in-12,  <2e  179 
pag.  (  1  )  IV.  Histoire  des  troubles 
de  Béarn  ,  au  sujet  de  la  religion , 
dans  le  dix-septième  siècle  ,  avec 
des  notes  historiques  et  critiques  , 
etc.  ,  Paris  ,  1768  ,  iii-if2.  Elle  est 
bien  écrite  et  très-inte'ressante  :  les 
notes  offrent  des  recherches  curieuses 
et  des  réflexions  judicieuses.  W — s. 
M1IUULMOST  (  Pierre  de), 
historien  ,  né  à  Amiens,  vers  i55o  f 
était  fils  d'un  notaire  de  cette  ville. 
Il  acheva  ses  études ,  à  Paris  ,  d'une 
manière  brillante ,  et  fut  pourvu 
d'une  charge  de  conseiller  du  roi  en 
la  chambre  du  trésor,  qu'il  remplit 
pendant  vingt-deux  ans.  Il  fut  nom- 
mé, vers  i58o,  lieutcnant-genéral, 
et  ensuite  prévôt  de  l'hôtel  et  grande 
prévôté  de  France.  Il  mourut  subi- 
tement à  Paris  •  le  8  juin  161 1  (d) , 
âgé  d'environ  soixante  ans.  «  C'était, 
dit  Lacroix  du  Maine ,  un  homme 
docte  et  grand  rechercheur  de  l'an- 
tiquité. »  On  a  de  lui  :  I.  Mémoires 
sur  V origine  et  institution  des  cours 
souveraines  et  justices  royales  , 
étant  dans  V enclos  du  Palais,  avec 
une  suite  des  premiers  -  présidents  , 
Paris,  i584,  in-8°.  ;  nouvelle  édi- 
tion ,  corrigée  et  augmentée ,  sous  ce 
titre  :  De  l  origine  et  établissement 
du  parlement  et  autres  juridic- 
tions royales ,  etc.  ,  ibid.  ,  1612  , 

(1)  On  ne  d,,it  pas  confondra  l'oavroge  du  1'.  Mi- 
iwtec  une  Mitre  brochure  qui  pmi. 
titre: Le  Philosophe  rea 

du  liv.o  i..t;i,.;. 

'    .  •  fteynaud  , 

curé  du  diurèse  d'Auj. 

Ile  que  P.  L'Estoile  donne  dans 
st  .-vident  qu'il  a 

de  démentir  :  c* 

lart-Sill  v 

•vier  lliia  ,  ij  jv4it  cfcN  U>ç   16  il. 


MIR 


127 


in-8°.  Cet  ouvrage  est  estime'  pour 
l'exactitude  des  faits,  tirés  de  re- 
gistres et  pièces  authentiques.  On  y 
trouve  un  chapitre  sur  le  royaume 
de  la  Bazoche  ,  ou  la  juridiction  des 
clercs  du  Palais.  A  travers  d'arides 
et  insignifiants  détails  qu'il  ne  devait 
point  exhumer  des  registres  du  par- 
lement et  d'autres  monuments  pu- 
blics ,  l'auteur1  a  posé  quelques  ja- 
lons pour  servir  à  l'histoire  de  notre 
ordre  judiciaire.  II.  Le  prévôt  de 
Vhotel  et  grand-prevôt  de  Paris , 
ibid. ,  1610,  in-8u.  j  avec  les  arrêts , 
règlements  et  ordonnances  concer- 
nant la  juridiction  du  prévôt,  ibid., 
161 5  ,  in  -  8°.  Cette  édition  a  été 
publiée  par  Charles  de  Miraulmont , 
son  fils  ,  avocat  au  conseil.  Celle  de 
i65i  ,  citée  par  la  plupart  des  bi- 
bliographes ,  ne  doit  son  existence 
qu'a  un  déplacement  de  chiffres.  III. 
Traité  de  la  chancellerie ,  avec  un 
recueil  des  chanceliers  et  garde  Sr 
des-sceaux  de  France,  ibid. ,  1 6 1  o, 
in-8°.;  ouvrage  estimable,  plein  de 
recherches  curieuses  ,  mais  qui  a  été 
effacé  par  celui  que  Tessereau  a  pu- 
blié sur  le  même  sujet.  Dans  sa  liste 
des  chanceliers,  Miraulmont  prend 
pour  point  de  départ  Wiodomarc, 
référendaire  de  Çnijdéric  Ier.  ,  et 
s'arrête  à  Brûlart  de  Sillery,  auquel 
il  dédie  tous  ses  livres.        W — s. 

MIRBECK  (  Frédéric  -  Ignace 
de  ) ,  né  en  1 73*2  ,  à  Neuville  en  lor- 
raine ,  d'une  famille  originaire  du 
Brabant,  fut  d'abord  avocat  à  la 
cour  souveraine  de  Nanci.  Son  mérite 
attira  les  regards  de  Stanislas  ,  et  ce 
prince  le  fit  entrer  dans  son  c< 
ÎYlirbeck,  éprouvant  le  besoin  d'un 
plus  vaste  théâtre,  se  rendit  à  Paris, 
et  se  pourvut  d'une  charge  d'avocat 
au  conseil,  en  i^n^Pannila  Mémoi- 
res sortis  de  sa  plume  laborieiu 
distingués  par  une  forte  diale 


MR 

mariait  au  sentiment, 
attirèrent    particulièrement   l'atteu- 
tion.  L'un, de  1777  ,  est  celui  où,  se 
rendant  l'organe  des  serfs  du  Jura ,  il 
ma  l'affranchissement  de  1-2000 
familles  agricoles.  Celte  requête  de- 
meura sans  eiïct  ;  mais  elle  obtint  les 
éloges  c!c  Voltaire.  «  Voire  Mémoire  , 
»  écrivait-il  à  l'auteur,    me  parait 
»  excellent  dans  le  fond  et  dans  la 
»  forme.  Le  commencement  est  d'une 
»  éloquence  touchante ,  et  ia  fin  parait 
»  d'une  raison  convaincante.  »  Un 
deuxième  Mémoire,  où  l'avocat  s  éle- 
vait contre  les  vexations  fiscales  qui 
entravaient  la  liberté  du  commerce, 
lui  mérita  de  nouveau  le  suffrag 
vieillard  de  Ferney  (  1  ).  Mirbeck  em- 
brassa la  cause  delà  révolution,  dont 
les  principes  étaient  dans  son  cœur. 
Il  fut  l'un  des  commissaires  du  roi 
envoyés  à  Saint-Poraingue.  En  1 7<p , 
il  sauva  un  moment,  le  Gap,  menacé 
par  10000  noirs  révoltés.  Us  avaient 
égorgé  des  députés  chargés  de  paro- 
les de  paix  ;  il  ne  va  pas  moins 
eux ,  invoque  les  droits  de  l'autorité  , 
les  rappelle  avec  onction  et  chaleur 
à  la  loi  du  devoir  :  subjugués  par  son 
langage ,  les  chefs  de  l'insurrection 
se  précipitent  de  cheval  ,  tombent  à 
ses  pieds,  et.  jurent  de  rester  soumis. 
Mirbeck  parut ,  le  9.7  mai  1792  ,  à 
la  barre  de  l'assemblée  législative  , 
pour  rendre  compte  de  sa  conduite 
et  réclamer  des  secours  pour  la  co- 
lonie. Il  obtint ,  sous  le  ministère  de 
M.  François,  de  Neuf  château ,  la  di- 
rection de  l'opéra  :  il  prit  part  en- 
suite aux  travaux  de  l'académie  de 


(ï)  Mirheck  écrivit  dans  un  gra:id  nombre  de  cau- 
ses remarquables;  il  s  caudal  adversaire  de  !\L  Desèze 
dans  uneallairc  célèbre  de  letlres-de-chan?,e  ,  qui  créa 
la  réputation  de  ce  dernier.  On  trouve  dans  le  re- 
cueil de  D"  sessnrts  ,  l'extrait  de  plusieurs  d<  s  Mémoi- 
res judiciaires  de  Miibeck  ;  quelqjues-ui  s  lurent  at~ 
triturés  à  M.  François  ,  de  Nuifoli âteatl .  sans  autre 
motif  que  l'amitié  qjMUnissail  les  deux  avocats,  dont 
:id  etail  de  plu*  !     . 


MIR 

législation  ,  établie  d'abord  sous  le 
nom  de  Lycée  de jurisprudence , 
et  dont  l'objet  était  de  remplir  dans 
renseignement  le  vide  que  laissait  la 
disparution  des  écoles  de  droit.  Mir- 
beck, mourut  le  'i()  déc.  1818,  a 
l'âge  de  86  ans.  Il  a  fourni  des  arti- 
cles à  la  collection  formée  par  une 
réunion  de  jurisconsultes  sous  le  ti- 
tre de  Répertoire  de  jurisprudence. 

F— T. 

MIRE  (Le).  r.LEMiBE. 

M1REPOIX  (Gui  de  Levis,  sei- 
gneur de  ),  guerrier  du  douzième 
siècle ,  fut  la  tige  commune  des  dilïe- 
S  branches  de  l'ancienne  maison 
de  Levis.  Il  se  rangea  sous  les  dra- 
peaux de  Simon  de  Montfort,  son 
voisin  et  son  ami,  déclaré  chef  de 
l'expédition  contre  les  Albigeois,  et 
reçut  lui-même  le  titre  de  maréchal 
de  Farinée  des  croisés.  Ses  exploits 
dans  cette  guerre  déplorable  furent 
récompensés  par  la  concession  delà 
terre  de  Mirepoix  et  autres,  situées 
en  Languedoc,  dont  on  déposséda 
les  vaincus.  Sur  ces  dépouilles,  en- 
levées dans  une  cause  réputée  sainte, 
il  crut  devoir  prélever  la  portion  de 
l'Église  ,  et  il  fonda  l'abbaye  de  la 
Roche,  en  n 90.  Il  était  mort  en 
i'23o.  Le  titre  honorifique  de  Maré- 
chal de  laj'ci ,  conquis  par  sa  bel- 
liqueuse ferveur  ,  fut  transmis  ta  ses 
descendants ,  qui  le  portèrent  jus- 
qu'à l'époque  de  la  révolution,  dette 
famille  avait  tiré  son  nom  de  la  terre 
de  Lévis ,  près  de  Ghevreuse.  Dans 
les  temps  d'ignorance,  elle  s'était 
prévalue  de  la  tradition  populaire 
qui  faisait  remonter  son  origine  à  la 
tribu  de  Lévi.  Le  premier  nom  his- 
torique dont  elle  ait  reçu  de  l'éclat, 
est  celui  de  Philippe  de  Lévis  ,  l'un 
des  témoins  de  l'engagement  que  prit 
envers  le  roi,  en  1 198,  Eudes  ,  duc 
de  Bourgogne,  de  refuser  l'alliance 


de  l'Angleterre  ,  et  de  la  parole  dou- 
.  !!■  le  monarque  à  Thibaut  , 
comte  de  Champagne,  de  le  déten- 
dre envers  et  contre  tous  connue  son 
homme-lige.  Philippe  lut  aussi  pré- 
sent au  traité  conclu  entre  la  France 
et  l'Angleterre,  en  1200,  et  il  mou- 
rut en  i'2o5.  —  Mirepoix  (  Gui  de 
Lévis,  troisième  du  nom,  seigneur 
de),  petit -fils  du  compagnon  de 
Montfort  ,  seconda  Charles  d'Anjou 
dans  sa  prise  de  possession  du  royau- 
me de  Naples,etse  fit  remarquer 
au  combat  où  petit  Manfred  , 
de  Bénc'vent,  le  26  février  i.i66.  De 
retour  en  France  ,  il  fut  maintenu  , 
eu  \ ->-()[) ,  par  arrêt  du  parlement  de 
Toulouse,  dans  la  prérogative  de 
connaître  et  de  juger  les  délits  d'hé 
re'sie  dans  l'étendue  de  ses  fiefs,  il 
it  encore  en  1286.  F — t. 
MIREPOIX  (  Charles-Pierre- 
Gaston-Framçois  h.  mar- 

quis ,  puis  duc  de  ) ,  maréchal  de 
France,  chevalier  des  ordres  du  roi, 
interrompit    sa    carrière    militaire 
pour  remplir  les  fonctions  d'ambas- 
sadeur à  Vienne,  en  1737.  Il  en  re- 
vint L'année  suivante,  fut  promu  au 
le  de  lieutenant-général  en  1 744  > 
servit  avec  distinction  en  Italie,  et 
commanda  eu  Provence,  puis  dans 
l'état  de  Nice.  C'était  un  homme  do- 
miné par  les  idées  chevaleresques, 
mais  d'un  esprit  médiocre.  Le  gou- 
vernement jeta  néanmoins  les  yeux 
sur  lui  pour  l'ambassade  de  Londres, 
en  1 749- U  y  fut  envoyé  avec  le  titre 
de  duc.  Le  ministère  anglais  n'eut 
de  peine  à  en  imposer  à  sa  fran- 
el   :  Lui  dj  (simuler  les  projets 
de  guerre  qu'il  méditait  alors.  Deux 
iprès,  le  duc  de  Mirepoix  reçut  le 
bâton  de  maréchal  :  il  remplaça  ,  eu 
1756, le  maréchal  de  Richelieu  dans 
lue,  et 
fut  nommé  capitaiu 

IX!\. 


129 

corps.  Il  mourut  l'année  suivante, 
sans  postérité:  sa  deuxième  femme, 
sœur  du  prince  «le  Beauvau  .  particu- 
lièrement chérie  de  Louis  \  V,  et  da- 
me du  palais  de  la  reine  Marie  i 
zioska,  partagea  l'empire,  qu'exer- 
çait sur  la  haute  société  la  maréchale 
de  Luxembourg  ,  en  fait  de  bon  goût 
et  de  convenances.  Ou  blâma  la  com- 
plaisance qu'elle  eut  de  se  montrer 
à  la  cour  avec  Mmo.  Dubarrj 
qui  ne  fut,  de  sa  part,  que  l'erreur  de 
la  reconnaissauec  qu'elle  croyait  de- 
voir au  roi.  Il  ne  faut  pas  confon- 
dre le  maréchal  de  Mirepoix.  avec  le 
maréchal  de  Lévis  ,  son  cousin  (  V. 
-,  XXIV,  38 1  ).  —  Mikei'oix 
(Charles-Philibert ,  comte  de  L. 
de  la  même  famille  ,  maréchal-de- 
camp  ,  député  de   Paris  aux  états- 
généraux  ,  vola  pour  que  les  mem- 
bres   du   comité    des    rapports    ne 
fussent  pas  ,  dans  l'assemblée  cons- 
tituante ,  pris  indistinctement  parmi 
les  députés.  Il  demanda  la  conserva- 
tion des  banalités  conventionnelles. 
Il  fut  condamné  à  mort  par  le  tri- 
bunal  révolutionnaire  en  i^()\. 

F T. 

MIREVELT  (Michel  Jaan- 
zoon),  peintre  hollandais,  naquit 
à  Delft ,  en  i568.  Son  père,  orfèvre 
habile,  ne  négligea  rien  pour  son 
éducation;  dès  Page  de  huit  ans  le 
jeune  Michel  était  déjà  avancé  dans 
le  latin,  et  son  écriture  était  si  par- 
faite ,  qu'il  surpassait  tous  les  maî- 
tres de  Delft.  11  apprit  alors  L 
vuresouS  Jérôme  Wierix;  età  douze 
ans  il  avait  déjà  donné  au  publie  les 
planches  d'une  Samaritaine ,  d'une 
Cène y  et  d'une  Judith,  de  s<  n  in- 
ve  iiion,  qui  montraient  1 
rait  un  jour.  Antoine  Montfort  de 
Blockland   voulut  1er    la 

peinture  ;  et  bientôt  les  0 
l'élè\ 

u 


i3o  MIH 

Mircvelt  étudia  d'abord  l'histoire  ; 
mais  convaincu  qu'un  peintre,  pour 
atteindre  la  perfection  ,  ne  doit  né- 
gliger aucune  branche  de  son  art ,  il 
cultiva  également  le  portrait,  le  genre 
et  la  nature  -  morte.  Lorsqu'il  eut 
ainsi  perfectionne  ses  talents  ,  et  que 
l'on  s'attendait  à  le  voir  s'élever  au 
rang  des  peintres  d'histoire  fameux, 
l'amour  du  gain ,  le  elétournant  des 
grands  travaux  ,  restreignit  son 
genre  au  portrait.  Le  talent  qu'il  y 
déploya  le  justifie  cependant  en  quel- 
que sorte.  La  plupart  des  souverains 
de  son  temps  voulurent  être  peints 
par  lui.  Charles  Ier. ,  après  son  ma- 
riage avec  Henriette-Marie  de  Fran- 
ce, fille  d'Henri  IV ,  l'appela  en  An- 
gleterre. La  peste  qui  éclata ,  en 
1 6^5  à  Londres ,  put  seule  empêcher 
l'artiste  de  se  rendre  à  cette  invita- 
tion. L'archiduc  Albert  se  distingua 
entre  tous  ses  protecteurs  ;  et  quoi- 
que Mirevelt  eût  embrassé  la  secte 
des  Mennonites  ,  ce  prince  ne  cessa 
de  le  combler  de  faveurs  :  il  lui 
accorda  une  pension  considérable , 
et  lui  laissa  une  entière  liberté  de 
conscience.  Fixé  à  Delft ,  Mirevelt 
ne  quittait  celte  ville  que  pour  aller 
à  la  Haye  ,  où  il  fut  plusieurs  fois 
appelé  pour  peindre  les  comtes  de 
Nassau.  On  regarde  comme  des  ou- 
vrages parfaits  les  Portraits  enpetit 
sur  cuivre  de  Guillaume  Maurice 
Ier  ;  de*  Philippe  et  de  Frédéric 
Henri  de  Nassau.  Il  peignit ,  a  di- 
verses reprises  ,  la  princesse  d'O- 
range. Sa  vogue  et  sa  facilité  étaient 
si  prodigieuses  ,  que  Sandrart ,  son 
historien  ,  évalue  ses  portraits  à  plus 
de  dix  mille  :  Effigies  plusquàm  de- 
ce-,  mille  confecisse  dicitur.  Aussi , 
pour  modérer  l'ardeur  de  ceux  qui 
désiraient  être  peints  par  lui ,  il  fixa 
le  prix  de  ses  portraits  d'ordinaire 
grandeur ,  à  cent  cinquante  florins  , 


MIR 

qu'il  doublait  ou  triplait  même  sui- 
vant la  dimension  et  le  travail,  prix 
très-considérable  pour  le  temps.  II 
mourut  à  Delft ,  eu  164.1  ,  laissant 
deux  fils,  dont  rainé,  nommé  Pierre, 
se  distingua  comme  peintre  de  por- 
traits. Les  ouvrages  de  Mirevelt  sont 
rares  en  France  ;  ils  sont  remar- 
quables par  leur  extrême  fini  :  le  ton 
de  couleur  en  est  vraiment  admira- 
ble ,  le  pinceau  est  frais  ,  la  touche 
recherchée  ,  quoique  l'ensemble  soit 
plein  d'harmonie  ;  mais  ils  sont 
plutôt  peints  dans  la  manière  d'Hol- 
bein ,  que  dans  celle  de  Van-Dick. 
Guillaume  Delft,  son  beau-frère,  a 
gravé,  d'après  lui,  plus  de  cinquante 
portraits  ;  Bary,  un  portrait  en  petit 
d'Hugues  Grotius  ;  et  Muller  ,  ceux 
de  Jean  Neyen  et  de  Spinola.  P — s. 
MIR-GIIOLAM-HOUCEIN-KHAN, 
historien  persan  ,  naquit  à  Dehly  , 
l'an  de  l'hégire  n4°  (  17^3  de  J.- 
C.  ).  Il  éîait  fils  de  Hidaict-Aly- 
Khan ,  homme  distingué  par  sa 
noblesse  et  ses  talents.  A  l'âge  de 
cinq  ans,  Mir-Gholam  quitta  le  lieu 
de  sa  naissance  pour  se  rendre  à 
Azemabad.  Son  père  fut  nommé  gou- 
verneur de  cette  ville,  quelques  an- 
nées après  •  mais  des  démarches  in- 
considérées lui  firent  perdre  ce  poste 
honorable.  Lorsque  les  Mahrattes  , 
conduits  par  Baladji-raou ,  vinrent 
tout  dévaster  dans  le  Bengale  (  1 742)  7 
Gholam  se  réfugia  dans  sa  ville  na- 
tale, avec  une  partie  de  sa  famille. 
Ce  fut  à  cette  époque  qu'il  composa 
une  pièce  de  vers ,  intitulée  le  Dé- 
vouaient du  pontife ,  pour  honorer 
la  bravoure  de  son  aïeul ^ Ce  magna- 
nime, vieillard,  loin  de  suivre  ses  pe- 
tits-enfants ,  s'était  mis  à  la  tête  des 
troupes;  et  malgré  son  grand  âge,  it 
aurait  livré  le  combat,  si  des  né- 
gociations heureuses  n'eussent  éloi- 
gné d' Azemabad  les  hordes  des 


MÎR 

battes.  Lorsque  Mir-Gholam  revint 
dans  cette  ville,  ses  parents  étaient 
auprès  du  gouverneur  du  fiahar ,  à 
feagvangolan  ,  où  il  s'empressa  de 
les  rejoindre.  Il  resîa  avec  eux  jus- 
qu'au moment  où  Seradj-eddaulah 
marcha  contre  les  Anglais,  et  s'em- 
para de  Calcutta  (  1737).  Mir  Gholam 
servait  alorssousles  ordres  de  Ghaou- 
cati-Djenk,  un  des  chefs  de  l'armée. 
Ge  fut  dans  cette  circonstance,  qu'il 
fit  tous  ses  efforts  pour  sauver  au  co- 
lonel Laily  (  Demotz  de  Lalle'e  )  les 
mauvais  traitements  que  cet  oflicier 
eut  à  éprouver  de  la  part  du  gênerai 
indien.  Ses  sages  -,  représentations  à 
cet  égard ,  lui  valurent  un  éléphant. 
Mais  bientôt  le  caractère  impérieux 
de  Ghaoucali  -  Djcnk  l'emporta  ;  le 
colonel  Lally  fut^  dépouillé  de  tout 
ce  qu'il  possédait,  et  renvoyé  avec 
trente  roupies  (  enyir.  70  fr.  )  ,  trop 
heureux  encore  d'en  être  quitte  à  ce 
prix.  Cependant  la  discorde  avait 
désuni  les  chefs  des  deux  armées  : 
Mir- Gholam  engagea  son  général  à 
temporiser;  mais  il  eut  la  douleur  de 
le  voir  livrer  bataille  et  périr  dans 
la  mêlée  :  lui-même  se  serait  trouvé 
dans  un  grand  embarras ,  sans  les 
liens  de  parenté  qui  l'unissaient  à  un 
des  capitaines  de  l'armée  ennemie. 
La  retraite  qu'il  avait  choisie  à  Pou- 
ranah  ,  fut  respectée  par  les  vain- 
queurs •  et  on  lui  rendit  son  fief, 
que  Seradj-eddaulah  avait  confisqué. 
Lorsque  le  chahzadeh  (qui  monta 
depuis  sur  le  trône,  sous  le  nom  de 
Chah-Alem),  porta  la  guerre  dans 
,  Mir-Gholam  fut  envoyé 
lui  en  ambassade  ;  mais  tes  né- 
dons  furent  infructueuse 
1  ville  nat; 
quelques  emplois  obscurs  à  Chaunar 
et  à  Calcutta  ,  et  mourut  dans  la 
ville  d'Azcmabad ,  vers  la  fin  du  dix- 
huitîèi 


MIR  i3i 

persan  deux  ouvrages  dans  lesquels 
se  trouvent  consignés  les  principaux 
événements  de  sa  vie  :  le  premier , 
Seiri-Moutakherin  (Coup-d'œil  sur 
les  dernières  affaires  ) ,  embrasse  ce 
qui  s'est  passé  sous  les  sept  derniers 
empereurs  del'Indoustan.  On  trouve, 
dans  les  treize  livres  qui  le  compo- 
sent ,  une  fouie  de  faits  curieux  , 
que  l'on  chercherait  vainement  ail- 
leurs, et  qui  sont  en  général  d'au- 
tant plus  sûrs, que  l'auteur  raconte 
ce  qu'il  a  vu  de  ses  propres  yeux.  Le 
style  est  bien  nourri,  clair  et  précis; 
il  est  dégagé  des  ornements  super- 
flus qui  surchargent  ordinairement 
les  écrits  des  Orientaux.  Dans  son  se- 
cond ouvrage,  Mir-Gholam  énu- 
mèrejles  causes  qui  doivent  amener 
un  jour  la  chute  de  la  puissance  des 
Anglais  dans  l'Indouslan  :  il  les  voit 
dans  l'orgueil  de  ces  insulaires  ,  dans 
leur  pende  sociabilité,  et  principa- 
lement dans  la  différence  des  mœurs 
des  deux  peuples.  Ces  deux  intéres- 
santes productions  ont  été  traduites 
en  anglais  ,  par  un  libraire  français, 
et  publiées  à  Calcutta,  1789,3  vol. 
iu-4°. ,  avec  des  notes.  Cette  traduc- 
tion est  de  la  plus  grande  rareté. 

G T R. 

MIKKHOND  (IIamam  eddyn  Mir- 
kuawend  Mohammed  ,  ibn  Kha- 
wend-Chah ,  ibn  Mahmoud,  vulgai- 
rement appelé  )  ,  célèbre  historien 
persan  ,  naquit  l'an  de  l'hég.  836 
ou  837  (  de  J.  C.  i433-4).  Il  se 
distingua  dès  sa  plus  tendre  jeunesse , 
par  ses  qualités  naturelles  et  la  jus- 
de  son  esprit.  Passionné  pour 
la  lecture  de  l'histoire,  il  acquit  dans 
celte  science  des  connaissant. 
profondes  ,  que  ses  frères  et  ses  amis 
le  sollicitèrent  souvent  de  compo- 
ser un  ouvrage  qui  renfermât  les 
principaux  événements  des  temps  an- 
ciens ci  mo 

9- 


MIR 

tances  l'empêchèrent  long  -  temps 
de  céder  à  leurs  désirs.  Depuis  la 
mort  de  Chah  -  Rokh,  fils  de  Ta- 
merlan,  la  Perse  fut,  pendant  trente 
ans ,  déchirée  par  l'ambition  et  les 
guerres  civiles  des  princes  issus  de 
ces  deux  monarques,  les  lettres  et 
les  sciences  furent  négligées;  et  ceux 
qui  les  cultivaient,  ne  trouvèrent  ni 
appui  ni  encouragements.  Enfin,  l'é- 
myr  Aly-Chyr,  étant;  devenu  vézyr 
et  confident  du  sultlian  Aboul-Ghazy 
Houcein-Bahadour,  prince  de  la  race 
de  Tymour ,  et  souverain  du  Kho- 
raçan  et  du  Mazanderau,  fut  pour 
Mirkhond  un  protecteur  puissant  et 
généreux.  Il  le  fit  venir  à  Herat ,  où 
le  sulthan  tenait  sa  cour;  et  pour  fa- 
ciliter au  savant  les  moyens  d'exé- 
cuter  la  grande  entreprise  qu'il 
méditait ,  il  lui  donna  un  logement 
dans  le  monastère  nomme' Khankah- 
Ahhlassyah ,  Khalassiah  ou  Sala- 
hiah ,  situé  en  face  du  collège  qui 
portait  le  même  nom  ,  et  près  du 
palais  et  de  la  mosquée  que  cet 
c'myr  avait  fondés  ,  ainsi  que  les 
deux  autres  édifices  sur  les  bords 
de  la  rivière  Ab-Khil  ou  Andjil ,  ou 
Khalil  (  V.  Aly-Chyr  ,  I  ,  655). 
Ce  fut  dans  cette  retraite,  où  Mir- 
khond trouva  la  tranquillité  d'esprit 
et  tous  les  secours  dont  il  avait  be- 
soin, qu'il  composa  son  ouvrage  in- 
titulé: Rouzat  al  safafi  sirat  al  an- 
bia  wal  molouk  wal  kolofa  (  Le 
Jardin  de  la  pureté,  contenant  l'his- 
toire des  prophètes  ,  des  rois  et  des 
khalyfes  ).  Outre  une  préface  et  une 
introduction  sur  l'utilité  de  l'His- 
toire, et  sur  les  qualités  qu'on  exige 
d'un  historien  ,  ce  livre  se  divise  eu 
sept  parties  et  un  appendice.  La 
première  partie  contient  l'histoire 
de  la  création,  des  patriarches,  des 
prophètes  ,  des  rois  de  Perse  jus- 
qu'à l'islamisme,  et  des  anciens  phi- 


MIR 

losophes.  La  seconde  partie  ren- 
ferme la  vie  de  Mahomet  et  des 
quatre  premiers  khalyfes.  La  troi- 
sième ,  celle  des  douze  imams  et  des 
khalyfes  Ommayades  et  Abbassides. 
La  quatrième  comprend  les  dynasties 
qui  ont  régné  en  diverses  parties  de 
l'Asie  du  temps  des  Abbassides,  celle 
des  Fathimides  d'Afrique  et  d'E- 
gypte ,  les  rois  de  l'Indouslan  et  les 
Molouk-Kurts.  Dans  la  cinquième  , 
on  trouve  une  introduction  à  l'his- 
toire des  Tartares  et  des  Moghols, 
avec  celles  de  Djenghyz-khan  et  de 
ses  successeurs  en  Tartane  et  en 
Perse,  des  Ikhanides  et  des  Sarbé- 
dariens.  La  sixième  donne  l'histoire 
de  Tamerlau,  de  son  fils  Chah-Rokh 
et  de  leurs  descendants,  jusqu'à  la 
mort  d'Abou  Said.  La  septième  est 
entièrement  consacrée  au  règne  du 
sulthan  Houcein  -  Behadour  ;  mais 
cette  dernière  partie  n'est  point  l'ou- 
vrage de  Mirkhond ,  et  ne  se  rencon- 
tre pas  dans  tous  les  manuscrits  de 
son  histoire.  Elle  a  été  ajoutée  par 
un  autre  auteur ,  peut-être  par  son 
bis  Khoiidemir.  Ou  y  voit  d'ailleurs 
plusieurs  événements  postérieurs  à 


la  mort  du  sulthan   Houcein 


qui 


survécut  huit  ans  à  Mirkhond.  En- 
fin ,  l'appendice  contient  des  mélan- 
ges d'histoire  ,  de  géographie  et 
d'histoire  naturelle ,  un  tableau  des 
différentes  merveilles  de  la  nature, 
la  relation  de  l'ambassade  envoyée 
en  Chine  par  Chah-Rokh,  l'an  S'io 
(  1 4 1 7  );  l'histoire  de  la  ville  de  Heïat 
et  l'éloge  de  l'émyr  Aly-Chyr.  Cet  ap- 
pendice doit  avoir  été  composé  par 
Mirkhond;  mais  dans  quelques  exem- 
plaires ,  il  y  a  des  interpolations.  Il 
paraît  que  la  mort  l'empêcha  de  ter- 
miner son  ouvrage.  Sur  la  fin  de  ses 
jours,  il  rompit  tout  commerce  avec 
les  hommes,  et  passa  une  année  aux 
environs  de  la  montagne  de  Kiazer- 


MTR 

gah,  dans  la  méditation  et  les  pra- 
tiques religieuses,  Au  mois  de  ramad- 
han  902  (.  mai  1  497  )?  d  revint  à  Hé- 
rat  ;  sa  saute,  déjà  troublée,  aeheva 
de  s'y  déranger.  Il  nous  apprend 
lui-même  que  lorsqu'il  fut  arrivé  au 
règne  de  Chah-Rokh  ,  il  lui  survint 
une  maladie  du  foie  et  une  douleur 
de  reins  si  violente  ,  qu'il  fut  oblige 
de  garder  le  lit ,  et  qu'il  écrivit  pen- 
dant dix  mois  ,  couche'  sur  le  côte', 
l'histoire  de  ce  prince  et  de  ses  suc- 
cesseurs. Ce  travail ,  autorise  par 
son  médecin  ,  sans  aggraver  le  mal 
de  Mirkhond  ,  lui  procurait  un  som- 
meil plus  paisible.  Il  mourut  de  ca- 
chexie ,  âgé  de  soixante  -  six  ans, 
au  mois  de  dzoulkadah  yo3  (  juillet 
1498  ).  L'ouvrage  de  Mirkhond 
a  été  abrégé  par  son  fils  Khonde- 
invr  (  1\  ce  nom,  XXII,  3-7  ). 
D'Herbelot,  qui  cite  souvent  ces 
deux  auteurs,  dans  sa  Bibliothè- 
que orienlalc,  scmb'c  ne  pas  les 
avoir  suffisamment  distingués  l'un 
de  l'autre  ;  et  il  n'a  donné  des  ex- 
traits que  du  second.  Malgré  la  ré- 
putation dont  jouit  Mirkhond  en 
Orient  et  en  Europe,  malgré  les 
éloges  qu'il  donne  lui-même,  dans 
sa  préface,  au  style,  à  l'exactitude, 
à  la  nouveauté,  à  l'universalité'  de 
son  histoire;  malgré  l'utilité  réelle 
d'un  ouvrage  qui  renferme  des  maté- 
riaux précieux  pour  l'histoire  orien- 
tale du  moyen  âge,  ce  n'est  au  fond 
qu'une  compilation  peu  intéressante. 
L'auteur  n'y  fail  souvent  (pie  rap- 
!is  examen ,  sans  diseus- 
cu-sion  et  sans  critique,  les  divers 
récits  des  historiens  qui  l'ont  pré- 
:  les  i'iits  n'y  sont  point  liés  ; 
les  I..  Qt fréquentes ,  U 

tes  omises  ou  peu  fidèles  ,  et  le  style 
sans  couleur.  Sous  tous  ces  rapports, 
il  nous  semble  bien  inférieur 
devanciers >  surtout  à  Otbi,  dai 


MIR 

manière  dont  ils  ont  écrit  l'un  et 
l'autre  la  (in  de  l'histoire  des  Sa- 
manicles  et  le  commencement  de 
celle  des  Ghaznevides.  (  V.  Otm.  ) 
L'ouvrage  de  Mirkhond  ne  répand 
d'ailleurs  aucune  lumière  sur  les 
temps  anciens  de  la  Perse,  jusqu'à  la 
destruction  de  l'empire  des  Parthes. 
On  doit  néanmoins  beaucoup  de  re- 
connaissance aux  savants  qui , en  tra- 
duisant des  fragments  de  Mirkhond, 
ont  étendu  e  domaine  de  nos  cou- 
naissances  sur  l'histoire  orientale. 
Les  morceaux  qui  en  ont  été  pu- 
bliés jusqu'à  ce  jour,  sont  :  I.  La  Pré- 
face, traduite  en  français  par  le  ba- 
ron Silvestre  de  Saey,  dans  le 
ix  des  Notices  et  Extraits  des  manus- 
crits de  la  bibliothèque  du  roi,  Paris, 
1 8 1  3 ,  p.  26 1 .  II.  L' Histoire  des  rois 
de  Perse  de  la  dynastie  des  Sassa- 
nides,  trad.  parle  même,  dans  ses 
Mémoires  su  •  diverses  antiquités  de 
la  Perse,  Paris,  179Ï  ,  in-40.  III. 
L' Histoire  des  dynasties  des  Tahe- 
rides  et  des  Sofjarides,  trad.  par  le 
baron  de  Ienisch  ,  sous  ce  litre  :  Ilis- 
toriapriorum  regum  Persarumpost 
firmatum  islamismum  ,  Vienne  , 
1792,  in-4°.  IV.  L' Histoire  des  Sa- 
in ani  des  et  celle  de  Cubons,  par 
Fréd.  Wilkcn  ,  sous  ce  litre  :  Mo- 
hainniedisfilii  Chawendschahi,  vul- 
gb  Mirkhondi ,  historia  Samanida- 
rum ,  persicèj  Gottingue,  1808, 
in-,j".  V.  L' Histoire  des  Gliazuevi- 
des,  irad.  en  latin  par  le  même,  et 
promise  depuis  long-temps  dans  les 
Mines  de  l'Orient.  VI.  Divers  frag- 
ments, contenant  la  mort  et  quel- 
ques traits  du  kbalyfc  Almamouu  , 
l'histoire  des  Schars  du  Gardjçstan  , 
la  prise  de  Soumenath  par  Mah- 
moud,  ci  quelques  anecdotes  de  ce 
Snlthan,  trad.  en  latin  par  le  même  , 
dans  sa  Chrestomatft*  Leip- 

i8o5,  in-8°.  VIL  Des  Extraits 


U4 


M1R 


de  ['histoire  de  Djenghyz-Khan  et 
de  son  code  ,  trad.  par  M.  Langlés  , 

le  tome  v  des  Notices  ,  pag. 
U)4-  VIII.  L'Histoire  des  Ismaé- 
liens de  Perse,  ou  Assassins,  trad. 
par  Jourdain,  dans  le  tome  îx  des 
Notices,  pag.  1 1 7. IX.  Fragments  sur 
Y  histoire  d'Alexandre -le-  Grand  , 
trad.  en  anglais  et  en  français  par 
M.  Shea.  M.  Boscherou-Dcspories , 
en  rendant  compte  de  cet  extrait 
dans  les  Annales  de  la  société  royale 
des  sciences  ,  belles  -  lettres  et  arts 
d'Orléans,  1 re.  année,  n°.  1 2  (tom.  11, 
p.  a3y-'i63),  insiste  avec  raison  sur 
le  peu  de  cas  qu'on  doit  faire  des 
récits  exagérés  et  fabuleux  de  Mir- 
khond ,  et  en  général  de  tous  les 
historiens  orientaux  sur  le  héros 
macédonien.  M.  David  Priée  dans 
son  ouvrage  intitulé  :  Chronologi- 
cal  retrospect ,  or  memoirs  of  the 
principal  events  of  mahommedan 
kislory  ,  Londres  ,  1811  -  i8i3,  3 
vol.  in-4°.  ,  dont  le  dernier  n'a  pas 
été  publié,  paraît  avoir  principale- 
ment consulté  Mirkhond.  Quant  aux 
Belaciones  de  Pedro  Teixeira ,  dvl 
Qiïgen ,  descendencia  y  succesion 
de  los  rejes  de  Persia,  1610  ,  in- 
8°.,  trad.  en  français,  par  Cotolendi, 
Paris,  1681  ,  ce  n'est  qu'une  imita- 
tion très-abrégée ,  très-incomplète , 
très -infidèle  et  presque  informe  de 
l'histoire  de  Mirkhond.  On  peut  à 
peine  y  reconnaître  les  dynasties  Sas- 
sanides ,  Samanides ,  Gliaznevides  , 
Seldjoukides  ,  et  quelques  -  uns  des 
descendants  deDjenghyz-Khan  et  de 
Tamerlaii.  La  bibliothèque  du  Roi 
possède  cinq  manuscrits  de  la  pre- 
mière partie  du  Rouzdt  al  safa  ; 
cinq  de  la  seconde  partie  ;  deux  de 
la  troisième;  quatre  de  la  cinquième; 
trois  de  la  sixième;  un  de  la  sep- 
b,  et  un  de  l'appendice.  La  qua- 
trième partie  y  manque  entièrement; 


MIR 

mais  on  la  trouve  aux  archives  du 
ministère  des  affaires  étrangères.  La 
bibliothèque  de  l'Arsenal  possède 
aussi  un  exemplaire  de  Mirkhond, 
-dûmes,  contenant  la  seconde, 
la  quatrième  ,  la  sixième  partie  et 
l'appendice.  On  a  vu  pendant  quel- 
ques années  à  la  bibliothèque  du  Roi, 
un  manuscrit  de  cet  auteur ,  en  6  vo- 
lumes ,  formant  près  de  'if\oo  pages, 
et  contenant  ics  six  premières  par- 
ties de  son  histoire,  très-complètes  , 
à  l'exception  de  quelques  lacunes 
dans  la  cinquième ,  au  règne  de  Hou-- 
lagou-Khan;  mais  ce  manuscrit  est 
retourné  à  la  bibliothèque  impériale 
de  Vienne,  en  181 5.  A — t. 

M1R-MAHMOUD  ou  Mahmoud- 
Chah  ,  roi  de  Perse  de  la  dynastie 
Afghane  de  Khaldjeh  ,  était  fils  de 
Mir-Wcis,  qui  l'avait  fondée  dans  le 
Candahar  ,  au  commencement  du 
dix-huitième  siècle  La  faiblesse  du 
gouvernement  de  Chah  -  Houeéin  , 
l'un  des  derniers  monarques  de  la 
race  des  Sofvs ,  et  les  vexations  de  ses 
ministres  et  de  leurs  agents  ,  a", 
excité  des  mécontentements  dans  plu- 
sieurs provinces  de  la  Perse  :  Gour- 
ghin-Khan  (  George  XI) ,  privé  lui- 
même  du  tronc  de  Géorgie,  pour 
cause  de  rébellion ,  fut  chargé  de  ré- 
duire le  Candahar,  principalement 
habité  par  diverses  tribus  d'Afghans, 
peuples  montagnards,  belliqueux  et 
féroces,  plus  ennemis  que  sujets  de 
la  Perse.  L'approche  du  nouveau 
gouverneur  dissipa  les  mutins;  mais 
ses  mesures  rigoureuses  et  tyranni- 
ques  exaspérèrent  de  nouveau  les  es- 
prits. Mir-Wcis,  clnvf  de  la  tribu 
de  Khaldjeh,  et  kalenter  (  intendant  ) 
de  la  provir.ee ,  vint  à  Ispahan ,  vers 
l'an  1707,  soit  comme  accusateur, 
soit  comme  accusé.  Ses  plaintes  ,  ses 
raisons  n'y  furent  pas  écoutées:  mais 
il  s'y  ménagea  des  amis  parmi  les 


MIR 

grands  opposes  au  ministère;  il  y 
observa  l'esprit  de  la  cour  ,  le  mau- 
vais état  des  affaires  :  il  s'y  affermit 
,  dans  la  résolution  d'affranchir  son 
pays  de  la  domination  des  Sofys  ;  et 
de  retour  du  pèlerinage  de  la  Mekke, 
ou  il  s'autorisa  ,  dit-on,  des  décisions 
des  docteurs  sunnites,  il  mit  son  pro- 
jet à  exécution.  Par  de  fausses  appa- 
rences de  soumission  et  d'amitié,  il 
sut  endormir  la  défiance  du  prince 
géorgien  ,  qui  eut  l'imprudence  de 
cantonner  la  plus  grande  partie  de  ses 
troupes  ;  et  il  le  fit  périr,  vers  le  mi- 
lieu de  1709,  soit  dans  une  attaque 
inopinée  avec  des  forces  supérieu- 
res, soit  dans  une  fête  à  laquelle  il 
l'avait  invite'.  Mir-Weis  alors  s'em- 
para du  Candahar,  où  il  fut  procla- 
me roi  ;  et  pendant  un  règne  de  sept 
à  huit  ans,  il  battit  cinq  ou  six  géné- 
raux persans ,  entre  autres  Kaï-Khos- 
rou,  qui  voulant  venger  son  oncle 
Gourghin-Khan,  eut  d'abord  quel- 
ques succès ,  et  fut  ensuite  tué  dans 
une  bataille,  en  1 7  1 1 ,  après  avoir  été 
forcé  de  lever  le  siège  de  Candahar. 
A  Mir-Weis  succéda,  vers  17 16, 
son  frère  Mir-Abdallah  ou  Abdel- 
Aziz,  prince  pacifique,  qui  écouta  les 
propositions  de  la  cour  de  Perse,  et 
cia  la  reddition  de  Candahar. 
Mais  Mir-Mahmoud,  à  peine  âgé  de 
dix-huit  ans ,  s'indigna  que  son  oncle 
osât  disposer,  sans  son  aveu,  d'un 
royaume  dont  il  devait  hériter;  et 
pour  empêcher  l'exécution  de  ce 
traité ,  il  pénétra  dans  le  palais  d'Ab- 
dallah, le  poignarda  de  sa  propre 
i  ,  et  prit  possession  du  trône 
-  la  mort  de  son  père. 
A  ci  |  Abdallis, 

ennemie  de 
celle  dcKhaldj  ut  emparés 

de  Hérat  et  dune  partie  du  Kliora- 
çan  Je-»  1     : -aB  (17JG;. 

Mahmoud,  m  tfnpatientde 


MIR  i35 

se   signaler  par  quelques  exploits, 
que   d'agrandir   ses 
contre  les  Abdallis,  les  vainquit  dans 
une  bataille,  où  périt  Açadallah,  fils 
de  leur  chef;  mais  il  échoua  d< 
Ferah ,  dont  la  prise  était  le  principal 
but  de  son  expédition.  Il  osa  néan- 
moins porter  lui-même  à  la  cour  du 
roi  de  Perse,  qui  se  trouvait  à  Caz- 
wyn ,  la  nouvelle  de  sa  victoire ,  et  en 
demander  la  récompense.  Il  fut  ,  en 
effet,  confirmé  dans  la  souveraineté 
du  Candahar  ,  gratifié  d'une   robe 
d'honneur ,   d'un    sabre ,   du   titre 
de  Safy-Zémir  (conscience  pure), 
et  autorisé   à   continuer  la    guerre 
contre  les  Abdallis.  Mais ,  dans   cet 
intervalle.,  un  autre  ambitieux  ayant 
voulu  se  rendre  maître  du  Kerman  , 
les  habitants  se  donnèrent  à  Mah- 
moud, qui  s'y  rendit  en  17 19.  Rap- 
pelé à  Candahar,  par  la  révolte  du 
gouverneur  qu'il  y  avait  laissé,  il  re- 
vint en  1721  dans  le  Kerman,  resté 
sans  défense  par  la  disgrâce  du  gé- 
néral persan  qui  l'avait  repris  l'an- 
née précédente,  et  il  le  soumit  de 
nouveau.  Enhardi  par  ses   succès  , 
par  l'anarchie  qui  se  propageait  dans 
toutes  les  parties  de  l'empire,  par  le 
découragement  de  la  nation  entière, 
l'apathie  de  la  cour  et  les  intelli- 
gences qu'il  entretenait  avec  quel- 
ques ministres;  Mahmoud,  à  ! 
de  huit  à  dix  mille  Afghans  et  Be- 
idutchis,  et  avec  quelques    canons 
sans  affûts,  portés  à  dos  de  chameau, 
osa  marclîcr  sur  Ispahan,  Après  une 
victoire  remportée,  le  8  mars  1 
à  Ghulnabad,  à  quelques  liei 
cette  ville  ,   sur  l'armée   persane  , 
trois  ou  quatre  fois  plus  nombreuse 
que  la  sienne;  il  assié^M  la  Capitale, 
dont     l'immense    population 
amollie  par  les  arts,  et  j 
ceurs  d'une  loi 
Djoulfa  et  des  autres  faubpurg 


MIR 

réduisit  à  une  si  horrible  famine, 
que  le  faible  Chah-Houcéin ,  dont  il 
avait  rejeté  les  offres  de  paix  et  de 
pardon,  fut  oblige  de  descendre  du 
trône,  d'aller  s<  discrétion 

avec  toute  sa  famille  ,  et  d'attacher  , 
de  sa  propre  main,  l'aigrette  royale 
au  turban  de  son  ennemi.  Cet  évé- 
nement  arriva  le  1 1  moliarrcm  1 1 35 
(9/2  octobre  xyvi).  Mir-Mahmoud 
fil  alors  son  entrée  dans  Ispahan ,  où 
il  prit  le  titre  de  Chah  ;  son  nom  fut 
proclame  dans  la  khothbah  ,  et  grave 
sur  les  monnaies.  Il  fit  d'abord  ces- 
ser la  famine,  rétablit  le  bon  ordre 
et  la  tranquillité,  sévit  contre  les  lâ- 
ches qui  avaient  trahi  leur  souverain, 
et  confirma  les  privilèges  des  nations 
européennes.  Bientôt,  au  moyen  des 
secours  que  son  frère  floucéin  Khan 
lui  envoyait  du  Caudahar,  il  pour- 
suivit ses  conquêtes  en  diverses  par- 
ties de  la  Perse:  vers  le  nord,  il 
soumit  Kachan,  Kom  et  Çazwyn, 
où  s'était  d'abord  retiré,  pendant  le 
siège  d'ïspahan,  Ïhahmas-Mirza  , 
fils  du  monarque  détrôné.  Mais  la 
garnison  afghane,  ayant  été  massa- 
crée à  Gazwyn ,  à  cause  de  ses  excès , 
Mir-Mahmoud,   pour  prévenir   un 
pareil  soulèvement  à  Ispahan  ,  y  fit 
égorger  un  nombre  infini  de  citoyens, 
à  commencer  par  les  plus  notables, 
par  les  fonctionnaires  publics  et  par 
un  corps  de  trois  mille  Persans  qu'il 
avait  incorporés  dans  sa  garde.  Cet- 
te horrible  boucherie  dura  quinze 
jours.  Mahmoud  repeupla  sa  capi- 
tale, en  y  amenant  cent  mille  habi- 
litants du  territoire  de  Dcrghezyn , 
près  d'Hainadau,  et  en  y  attirant  de 
Candahar  les  familles  des  Afghans, 
qui  composaient  son  armée.  Ces  peu- 
ples étant  Sunnites,  par  conséquent 
de  la  même  secte  que  lui,  il  comptait 
plus  sur  eux  que  sur  les  Persans. 
L'usurpateur  n'ayant  pu  reprendre 


MIR 

Gazwyn  ,  où  Thahinas  avait  été  re- 
connu roi ,  ne  fut  point  en  étal  d'em- 
pêcher les  Russes  de  conquérir  Je 
Chyrwan  et  le  Ghylan,  Il  ne  réussit 
pas  mieux  à  s'opposer  aux  progrès 
des  othomans,  qui,  profitant 
f'cs  révolutions  de  la  Perse,  enva- 
hirent la  Géorgie,  l'Arménie,  TAd- 
zerbaïdjan,  et  se  rendirent  maîtres 
de  Kermanehah  et  d'Hamadan.  Mah- 
moud  parvint  toutefois  à   s'empa- 
rer de   Chyraz,  et   soumt  tout  le 
midi  de  là  Perse,  jusqu'à  Bender-Ab- 
bassy  ;   mais  son   bonheur  échoua 
contre  les  Louris  et  les  Bakhtiaiis, 
qui  habitent  les  montagnes  à  l'ouest 
d'ïspahan.  Ils  taillèrent  en  pièces  un 
corps  d'Afghans,  et  l'obligèrent  lui- 
même  de  se  reli  er  honteusement  de 
leur  pays,  où  il  avait  pénétré  à  la 
tête  de  presque  toutes  ses  forces,  au 
printemps  de  17^4.  Enfin  il  ne  fut 
pas  plus  heureux  dans  une  expédi- 
tion qu'il  entreprit  contre  Yczd ,  dont 
la  possession  aurait  facilité  ses  com- 
munications avec  Candahar.  Abattu 
par  ces   revers ,  et    croyant  avoir 
mérité  le  courroux  céleste,  il  veut 
l'apaiser  par  une  retraite  absolue , 
par  une  privation  totale  de  nourri- 
ture et  de  sommeil  :  il  se  livre  pen- 
dant quarante  jours  à  toutes  les  pra- 
tiques superstitieuses  que  la  terreur 
lui  inspire.  Epuisé  parle  jeûne  et  les 
mortifications ,  il  perd  l'usage  de  sa 
raison ,  et  tombe  dans  une  noire  mé- 
lancolie qui  dégénère  bientôt  en  fré- 
nésie. Dans  un  de  ses  accès  de  rage, 
il    rassemble    tous   les   princes    de 
la  race  des  sofys,  les  mains  liées  der- 
rière le  dos  ,  au  nombre  de  plus  de 
cent ,    suivant   quelques    versions  , 
mais  au  moins  de  trente -un,  sui- 
vant un  historien  persan  ;  il  fond 
sur  eux  à  coups  de  sabre  ,  et  en  fait 
un  massacre  épouvantable.  Deux  fils 
de  Ghah-Houcèm,  dont  le  plus  âgé , 


MIR 

n'avait  q^c  cinq  ans,  se  jettent  clans 
les  bras  de  leur  père,  qui  leur  sauve 
la  vie  en  exposant  ses  jours.  À  la  vue 
du  sang  de  ce  monarque  infortune, 
la  fureur  de  Mahmoud  se  calme,  et 
il  épargne  ces  trois  seules  victimes. 
L'état  de  ce  monstre  ne  fait  qu'em- 
pirer. Vainement  les  piètres  armé- 
niens viennent  en  procession  dans 
son  palais,  réciter  sur  sa  tête  I' 
gile  rouge.  Son  corps  se  convie  de 
lèpre;  sa  chair  tombe  en  pourriture , 
et  il  rend  les  excréments  par  la  bou- 
che. Enfin  ce  furieux  maniaque  se 
déchire  lui-même  avec  les  ongles  et 
les  dents  ;  et  il  ne  lui  restait  pi  s 
qu'un  souffle  de  vie,  lorsque  les  Af- 
ghans ,  le  voyant  hors  d'état  de  gou- 
verner, forcent  la  prison  où  il  re- 
tenait son  cousin  Asehraf  ,  qu'ils 
placent  sur  le  trône  ,  en  chai  au 
i  i3j  (a3  avril  1725).  Le  nouveau 
roi  venge  aussitôt  la  mort  de  son 
père  Mir-Abdallah,  en  faisant  tran- 
cher la  tète  de  Mir-Mahmoud. 
périt  à  l'âge  de  vingt-sept  ans,  après 
en  avoir  régné  deux  et  demi  a  lspa- 
han,  et.  neuf  à  Candahar ,  ce  singulier 
et  barbare  usurpateur,  qui  aurait 
laissé  un  nom  et  une  domination  plus 
durables,  si  à  l'audace,  à  la  valeur 
brutale  d'un  soldat,  il  eût  joint  la 
prudence,  l'habileté  d'un  grand  ca- 
pitaine, l'art  de  gouverner,  et  sur- 
tout le  talent  plus  rare  de  se 
aimer.  Mais  sa  séveViîé,  sa  d 
sa  difformité,  repoussaient  tout  sen- 
timent d'amour  et  de  respect.  Il 
avait  la  taille  courte  et  ramassée,  le 
col  si  court  que  sa  tête  louchait  pres- 
1  î>  Miles,  le  visage  large,  le 
ne/  enfoncé,  les  yeux  louches,  la 
barbe  rousse,  la  physionomie  rude, 
et  le  regard  l'ai  , -»iquc  con- 

trarié ,;  physique, 

il  se  livrait  av.  1    tous  les 

ices  du  corps;  et.  pour  ci.; 


MIR 

nir  sa  force  et  son  adresse  à  m 
le  sabre,  il  se  faisait  amener  tous  les 
jours  quelques  moutons,  qu'il  parta- 
geait en  deux  d'un  seul  coup.  Il  pos- 
sédait  d'ailleurs  des  qualités  plus 
essentielles  :  sa  sobriété,  sa  conti- 
nence, son  éloignement  pour  la  mol- 
lesse, sa  vigilance,  étaient  extrêmes; 
et  il  se  montra  toujours  exact  ob- 
servateur des  droits  de  l'amitié. 
(  F.  Aschraf  ,  au  supplément.  ) 

A T. 

MIR-MAHNNA  ,  fameux  cheikh , 
et  pirate  arabe,  était  d'une  famille 
de  la  tribu  de  Saab ,  qui  ,  vers  le 
commencement  du  dix-huitième  siè- 
cle ,  avait  passé  des  côtes  du  pays 
d'Oman  en  Arabie  ,  sur  celles  du 
Kerman  en  Perse,  où  elle  s'était  em- 
parée de  Bender-Ryck.  Ce  fut  dans 
cette  ville  que  Mir  Malmna  naquit  en 
1 70  ~>.  Son  père,  Mir-Nasser,  qui  s'en 
était  arrogé  la  souveraineté  pendant 
les  troubles  de  la  Perse,  avait  en- 
voyé son  fi!s  aîné  dans  l'île  de 
Rahraïn  qu'il  venait  de  soumettre  en 
société  avec  son  voisin  le  ckeikh 
d'Abou-Schehr  (1).  Mir  Mahnna, 
profitant  de  l'absence  d'un  frère  dont 
il  était  jaloux  dès  son  enfance,  réso- 
lut d'assassiner  son  père,  vieux  et 
aveugle ,  et  d'usurper  la  souverai- 
neté.  Près  de  le  frapper,  il  recula 
d'horreur;  mais  il  souffrit  qu'un  de 
ses  officiers,  en  l'accusant  de  lâcheté, 
lui  arrachât  le  poignard  de  la  main  , 
et  consommât  le  crime  en  sa  pré- 
sence. Mir-Mahnna  se  défit  de  tous 
ceux  qui  désapprouvaient  son  atten- 
tat; et  comme  sa  mère  lui  reprochait 
;  uautés  ,  il  la  tua  d'un  coup  de 
sellé  qu'il  lui  jeta  à  la  tète.  En  1 7  "* 7 , 

i.Tir  est  d.  |iui>  une  - 

l 

fituùlle  ■'  g 


i38  MIR 

Kerym-Khan  (  V.  ce  nom  ,  XXII, 
3>4  ) ,  l'un  des  trois  principaux  pré- 
tendants au  troue  de  Perse,  étant 
venu  à  Bender-Ryck,  pour  exiger  le 
tribut;  le  (ils  aîné  de  Mir-Nasser , 
accourut  de  Bahraïn  ,  dans  l'espoir 
de  chasser  son  frère  ;  mais  Kerym 
les  emmena  tous  deux  à  Ghyraz. 
Bientôt  il  fut  battu  lui-même  par 
Mohammed  Haçan  Khan,  aieul  du 
roi  de  Perse  d'aujourd'hui;  et  les 
deux  frères  s'étant  alors  échappés, 
revinrent  à  Bender-Pxyck ,  où  Mir- 
Mahnna  fit  périr  son  frère ,  avec 
quinze  on  seize  de  ses  parents  qui  lui 
portaient  ombrage.  R.ctombé  entre 
les  mains  de  Kerym-Khan  ,  il  obtint 
sa  liberté  par  les  bons  offices  de  sa 
sœur  ,  mariée  à  un  officier  de  ce 
prince.  Depuis  il  pilla  les  cara- 
vanes entre  Abou-Schehr  et  Ghyraz , 
et  exerça  sur  mer  les  mêmes  brigan- 
dages. Kerym-Khan,  qui  déjà  Pavait 
assiégé  inutilement  dans  sa  capitale , 
lui  ayant  fait  demander  le  tribut ,  en 
1764  ,  avec  menaces,  en  cas  de  re- 
fus, de  l'attaquer  avec  toutes  ses 
forces  ,  le  pirate  fît  couper  la  barbe 
à  l'envoyé,  en  signe  de  mépris,  et 
s'attira  la  vengeance  du  régent  de 
Perse,  qui  fît  marcher  contre  lui 
une  armée,  au  commencement  de 
Pannée  suivante  :  le  général  qui  la 
commandait  ,  perdit  plus  de  trois 
mois  à  prendre  une  petite  place  voi- 
sine ,  où  il  attendit  les  alliés  qui  de- 
vaient lui  fournir  des  vaisseaux.  Ces 
lenteurs  laissèrent  à  Mir-Mahnna  le 
temps  de  faire  des  approvisionne- 
ments ,  et  de  pourvoir  à  sa  sûreté. 
Il  transporta  sa  famille ,  et  une  par- 
tie des  habitants  de  Bender-Ryck  , 
dans  la  petite  île  déserte  de  Khouéry 
ou  Kargou;  et  il  s'y  rendit  lui-même 
a  la  fin  du  mois  ,  avec  ce  qui  lu 
restait  de  sujets  et  de  troupes  fidèles. 
Sa  capitale  tomba,  sans  résistance , 


MIR 

au  pouvoir  des  Persans.  Mais  leur 
flotte ,  ou  plutôt  celle  que  leur  four- 
nit le  cheikh  arabe  d' Abou-Schehr , 
renforcée  par  un  navire  anglais  , 
et  montée  par  quelques  canonniers 
de  cette  nation  ,  échoua  devant  les 
forces  navales  de  Mir-Mahnna,  qui  ne 
consistaient  qu'en  dix-sept  gai vettes 
ou  autres  petits  bâtiments.  Descente  , 
blocus  ,  canonnades  ,  il  triompha  de 
tout  dans  son  île,  quoique  malade  et 
privé  d'un  œil ,  quoiqu'il  y  manquât 
de  fourrages,  et  qu'il  n'eût  pu  s'y  tor- 
tiller que  par  des  remparts  de  sable  : 
mais  Khouéry  était  alors  l'île  la  plus 
peuplée  du  golfe  Persique.  TJn  grand 
nombre  d'Arabes  établis  sur  les 
cotes  de  Perse  ,  ne  voulant  pas  se 
soumettre  au  tribut  que  leur  impo- 
sait Kerym-Khan  ,  étaient  venus  se 
joindre  à  Mir-Mahnna.  Les  Anglais, 
ennuyés  de- sa  résistance  ,  et  rebutés 
par  l'orgueil  et  l'ignorance  du  jeune 
cheikh  qui  commandait  la  flotte 
coalisée,  abandonnèrent  la  partie. 
Ils  furent  remplacés  par  les  Hollan- 
dais. Ceux-ci  avaient  enlevé  ,  depuis 
onze  ans  ,  au  père  de  Mir-Mahnna  , 
l'île  de  Karek  ,  située  à  une  lieue 
de  celle  de  Khouéry  ;  et  depuis 
ils  avaient  été  presque  toujours  en 
guerre  avec  l'un  ou  avec  l'autre.  Us 
avaient  gardé  néanmoins  la  plus 
stricte  neutralité,  pendant  les  der- 
nières hostilités  ;  et  ils  auraient  sans 
doute  persisté  dans  ce  système,  sans 
les  provocations  de  Mir-Mahnna. 
Ce  cheikh  venait  de  recouvrer  Ben- 
der-Ryck, évacué  par  les  troupes 
persanes  ;  et  pour  se  venger  à-la-fois 
de  Kerym  -  Khan ,  et  du  cheikh 
Nasser ,  il  bloquait  le  port  d' Abou- 
Schehr,  et  en  défendait  l'entrée  aux 
Européens.  Ce  fut  alors  que  les  Hol- 
landais se  décidèrent  à  l'attaquer 
dans  l'île  de  Khouéry.  Leur  escadre, 
composée  de  deux  gros  navires  et  de 


MIR 

trois  galvelfces  ,  et  réunie  à  la  fîotille 
clu  cheikh  d'Abuu  -  Schelir  ,  détrui- 
sit ou  brûla  trois  galvettes  à  Mir- 
Mahnna  (  le  9  octobre  1  7O0  ).  Ils 
tentèrent  ensuite  une  descente,  et  pé- 
nétrèrent sans  opposition  jusqu'aux 
tentes  et  aux  cabanes  des  habitants. 
Mais  tandis  qu'ils  se  livraient  im- 
prudemment au  pillage,  Mir-Mahn- 
11a  fondit  sur  eux  avec  sa  cavalerie , 
tailla  en  pièces  :  soixante-dix 
Européens  furent  massacrés;  et  dou- 
ze seulement  parvinrent  à  se  sauver 
à  la  nage  malgré  leurs  blessures  :  Jcs 
Arabes  d'Aboii  -  Schokr  y  perdirent 
plus  de  deux  cents  hommes.  Le  vain- 
queur ne  laissa  pas  le  temps  aux  Hol- 
landais de  réparer  leurs  pertes,  et  de 
se  fortifier  dans  l'île  de  Karek.  Il  y 
aborda  sur  la  fin  de  décembre,  as- 
siégea la  ville  qu'ils  y  avaient  ; 
et  s'en  rendit  maître,  ainsi  que  de 
délie,  au  commencement  de 
1766,  par  la  trahison  d'un  inter- 
persan, qui  avait  persuadé  au 
gouverneur    hollandais   d'y    intro- 
duire Mir-Mahnna,  et  une  partie 
de  ses  gens ,  pour  traiter  d'un  ac- 
commodement. Le  butin  ,  les  muni- 
tions, l'artillerie  et  les  vaisseaux  qui 
tombèrent  au  pouvoir  du  pirate  ,  le 
mirent  en  état  d'enlever,  deux  mois 
.  l'île  de  Bahraïn  à  son  rival,  le 
cheikh  d'Abou  -  Scîiehr,  et 
sister  ,  avec  avantage,  en   1767  et 
17O8  ,  aux  forces  considérables  que 
les  Anglais  envoyèrent  de  Bon 
pour  tenter  de  s'emparer  de  Karek. 
Ambitieux,  actif,  plein  de  bravoure 
uts ,  Mir-Mahn- 
na aurait  infailliblement  acquis  plus 
de  pi  itc,  s'il  eût 

joint  quelques  • 

I  1  moins  i  faire 

ic    ha- 
bituelle, 

es.  lui  ali 


MIR  i3q 

tous  ses  sujets,  ou,  pour  mieux  dire, 
des  brigands  qui  s'étaient  assoi  i 
son  sort.  Pour  la  moindre  faute,  il 
leur  faisait  couper  la  barbe,  le  nez 
ou  les  oreilles.  Il  n'était  pas  moins 
cruel  envers  son  propre  sang.  Irrité 
de  n'avoir  point  d'héritier  mâle  ,  il 
avait  fait  exposer  au  soleil  sur  le 
bord  de  la  «mer,  et  laissé  périr  mi- 
sérablement son  premier  enfant, 
pai  ce  qu'il  était  du  sexe  féminin  ;  et 
quoiqu'il  eût  consenti  a  épargner  sa 
seconde  fille ,  il  n'aurait  pas  manque 
de  la  livrer  à  la  mort,  si  le  ciel  lui 
eût  donné  un  fils.  Deux  de  ses  sœurs 
avaient  été  noyées  par  son  ordre  , 
sous  prétexte  qu'elles  avaient  atten- 
té à  "ses  jours  ;  mais  son  but  fut 
plutôt  d'éluder  la  demande  que  lui 
avait  faite  de  l'une  de  ces  princes- 
ses ,  pour  son  fils  ,  le  cheikh  Soli- 
man ,  son  ennemi  ,  chef  de  la  tribu 
de  Kiab,  autre  pirate  non  moins  fa- 
meux ,  et  non  moins  redoutable  aux 
Turcs  ,  aux  Persans  et  aux  Euro- 
péens. Eufin  un  soulèvement  géné- 
ral éclata  dans  l'île  de  l 
premiers  jours  de  février  1769  :  *s 
rebelles  s'étant  emparés  de  la  cita- 
delle, Mir-Mahnna  se  défendit  vail- 
lamment dans  un  bazar,   peu 

mis  heures ,  avec  une  petite 
troupe  de  gens  qui  lui  étaient  dé- 
voués ;  mais  leur  nombre  se  trou- 
vant réduit  à  17  ,  il  battit  en  re- 
traite jusqu'au  bord  de  la  mer,  où 
il  trouva  un  bateau.  N'osant  gagner 
ses  états  de  terre-ferme,  de  ci 
d'être  livré  aux  Persans ,  ni  cher- 
cher un  asile,  soit  auprès  des  Turcs 
de  Bassorah  qui  avaient  à  se  plain- 
dre de  ses  pirateries  ,  soit  aupr< 
autres  princes  du  golfe  Persique,  qui 
tous  étaient  ses  ennemis;  il  aborda 
près  l'ancien  Bassprah  ), 

petite  place  voisine  de  l'un  des 
du  Schat  cl  Ârab ,  d'où  il  c 


MIR 

tait  se  retirer  dans  le  désert  elicz  les 
Arabes  de  la  tribu  de  Mouni 
Mais  des  soldats  envoyés  par  le  mut- 
ra   de  Bassorah ,  l'arrêtèrent  le 

1 4  du  même  mois ,  et  le  conduisirent 
celte  ville,  où  ce  gouverneur  , 
après  l'avoir  d'abord  traite  avec  dis- 
tinction ,  le  fit  étrangler  dans  sa  pri- 
son quelques  jours  après,  pour  faire 
sa  cour  au  souverain  dfë  la  Perse. 
Mir-Mahnna  n'avait  que  trente-qua- 
tre ans.  Les  sujets  de  ce  tyran  se 
soumirent  à  Kcrym-Khan;  sa  famille 
alla  chercher  à  Chyraz  un  abri  con- 
tre la  misère.  Maître  de  l'île  de  Ka- 
rek,  ce  prince  refusa  de  la  livrer 
aux  instances  des  Anglais,  qui  en 
connaissaient  l'importance,  et  il  la 
céda  la  même  année  aux  Français  , 
par  suite  d'un  traité  dont  la  né- 
gociation fut  confiée  par  le  sieur 
Pyrault,  agent  de  la  compagnie  des 
Indes  à  Bassorah  ,  au  sieur  Rous- 
seau, père  du  consul  actuel  d'Alep. 
Les  pièces  relatives  à  celte  cession 
furent  envoyées  en  France  :  mais 
le  ministère  qui  gouvernait  pendant 
les  dernières  années  de  Louis  XV, 
ne  sut  tirer  aucun  parti  de  cette 
affaire;  et  les  Français  n'ont  jamais 
pris  possession  de  l'île  de  Karek. 

A T. 

MIRMEGYDES.  V.   Callicra- 

TES  ,    VI,    542. 

MIRO  (Gabrtel),  ou  Miron  (1), 
issu  d'une  famille  du  Roussillon , 
originaire  de  Catalogne,  et  qui  est 
devenue  illustre  par  ses  alliances, 
par  les  places  qu'elle  a  occupées  ,  et 
par  les  services  qu'elle  a  rendus  à 
l'État,  était  professeur  en  médeci- 
ne dans  l'université  de  Montpellier. 


(l)  On  a  prétendu  que  ce  nmn  de  Miron  n'était. 
qu'un  surnom,  diminutif  de  Mire  ,  ternie  usité  clins 
quelques  province?  pour  désigner  ces  csculapes  de 
campagne  qui  font  métier  de  racouiiaoder  les  mem- 
bres rompus  ou  disloqués. 


Nommé,  en  1 489 ,  premier  méde 
ci  11  de  Charles  VIII,  roi  de  France, 
il  allait  rejoindre  ce  prince,  lors- 
qu'il mourut  l'année  suivante  à  Ne- 
vers.  On  voit  encore,  sur  la  porte 
de  l'université  de  Montpellier,  une 
inscription  où  il  est  appelé  l' Ora- 
cle de  la  médecine  (  Medicinœ  divi- 
num  oraculum).  —  Son  frère,  Fran- 
çois Miro,  fut  conseiller  et  médecin 
du  même  roi  Charles  VIÎI ,  accom- 
pagna ce  monarque  dans  son  expé- 
dition du  royaume  de  Napies,  mou- 
rut au  retour ,  et  fut  enterré  à  Nanci. 
— Gabriel'll  Miro,  fils  de  François, 
fut  médecin  ordinaii  e  du  roi,  premier 
médecin  et  chancelier  de  la  reine 
Anne  de  Bretagne,  femme  de  Louis 
XII,  et  ensuite  de  la  reine  Claude  , 
femme  de  François  Ier.  Il  fonda 
\\\\g  chapelle  dans  l'église  des  Corde- 
liers  de  Tours.  On  a  de  lui  :  De  re~ 
gàniîie  infantum  tractatus  très , 
Tours,  1 5  4  4 ;  ibid.,  i553,  in-folio.  Il 
eut  une  fille ,  mariée  avec  Bernard  de 
Fortia,  dont  les  descendants  ont  oc- 
cupé les  premières  places  de  l'Église, 
de  i'épée  et  de  la  magistrature ,  et 
un  fils,  qui  fut  médecin  ordinaire  des 
rois  Henri  II  et  Charles  IX  ,  et  qui 
est  plus  connu  sous  le  nom  de  Miron 
(  F.  ce  nom  ).  T— n. 

MIROMÉNIL  (Armand-Thomas 
Hue  de),  né  en  1723  dans  Y  Or- 
léanais, fut  d'abord  attaché  au  grand 
conseil,  puis  nommé,  en  1^55  , 
premier  président  du  parlement  de 
Rouen.  Lors  des  persécuîions  du 
chancelier  Maupeou  contre  la  ma- 
gistrature, cette  compagnie  fut  exi- 
lée en  grande  partie,  et  son  chef 
eut  le  même  sort.  Les  circonstances 
le  rapprochèrent  dp  château  de  Pont- 
train,  où  toutes  les  connaissan- 
ces du  comte  de  Maurepas  étaient  bien 
reçues  ,  surtout  quancl  les  disgrâces 
de  la  cour  et  quelques  qualités  ai- 


mablcs  pouvaient  donner  aux  per- 
sonnes des  aluni  maître  de 
la  maison.  Le  président  nor 
avait  tous  ces  titres  de  recora 
dation.  Il  sut  plaire  :  on  le  fêta;  et 
quand  le  comte  de  Mann-pas  d 
principal  ministre  de  Louis  X\  1  , 
on  fit  de  Mirome'nil ,  qui  avait  mon- 
tre assez  d'énergie  en  faveur  des  par- 
lements supprimés,  un  garde  -des- 
sceaux (  '\\  août  1774)?  Pour  ame" 
ncr,  par  lui ,  la  réintégration  de  ces 
cours  souveraines.  Sun  crédit  bais- 
sa un  peu  à  la  mort  du  ministre  en 
chef;  mais  il  trouva  un  nouveau 
soutien  dans  le  comte  de  Vergeoues  , 
et  surtout  dans  la  confiance  du  Rui. 
La  simarre  du  garde-des -sceaux 
n'empêchait  pas  qu'on  ne  se  souvînt 
dans  le  monde  que  le  successeur  de 
tant  de  graves  magistrats  avait  joué 
quelquefois  la  comédie  dans  les 
pi  ois  les  plus  gais.  Une  dame  de  la 
cour,  qui  se  permettait  de  tout  dire, 
parce  qu'elle  disait  tout  avec  esprit , 
rencontre  un  jour  Mirome'nil,  qui 
se  disposait  à  entrer  chez  M.  de 
Maurepas;  elle  le  saisit  par  le  bras  , 
traverse  le  salon  au  milieu  de  trente 
personnes,  l'amène  au  ministre,  et 
lui  dit  :  «  Je  vous  présente  M.  de  Mi- 
rp....  bolan  (1).»  Le  crédit  du  garde- 
des-sceaux  se  maintint  assez  bien 
jusqu'à  l'assemblée  des  notables,  de 
1 787. La  cabale  de  Brienne  renversa 
celle  de  Calonne.  Mirome'nil,  qui  , 
dit-on,  après  avoir  approuvé  et  ap- 
puyé au  conseil  les  plans  du  contrô- 
lai, était  soupçonné  d'avoir 
eu  la  faiblesse  de  l'abandonner  ,  fut 
le  premier  dont  la  disgrâce  éclata. 
Obligé  de  donner  sa  démission,  il 
fut  remplacé,  I  ;  7S7  ,  par 
le  président  de  Laraoignon.  [1  sortit 


itiliLul  1 


I4I 

du  ministère  aussi  peu  riche  qu'il  y 
était  entré ,  et  sans  demander  a 
recompense  extraordinaire.  S 
traite  n'excita  ni  joie  ni  regre;.-.  bien 
vifs.  Sa  mort,  arrivée  le  6  juillet 
1796,  dans  sa  terre  de  Miroménil 
en  Normandie  ,  ne  produisit  aucune 
sensation ,  et  ne  fut  pas  même  remar- 
quée. Sans  développer  pendant  les 
quatorze  ans  de  sa  magistrature  su- 
prême ,  les  qualités  éminenles  de 
quelques-uns  de  ses  prédécesseurs, 
Miroménil  montra  un  esprit  de  sa- 
gesse et  de  modération  qui  suffiraient 
pour  honorer  sa  mémoire.  Ce  fut  lui 
qui  eut  le  mérite  de  seconder  les  vues 
d'humanité  de  Louis  XVI,  en  rédi- 
geant la  déclaration  (  du  24  août 
1780)  portant  abolition  de  la  ques- 
tion préparatoire.  Z. 

M1RON  (François),  fils  de  Ga- 
briel IL  Miro  {F.  ce  nom),  fut  reçu 
docteur  en  médecine  de  Montpellier , 
en  1  >oc),  et  de  Paris,  en  1 5 1 4.  Il 
remplit  les  fonctions  de  médecin  or- 
dinaire  auprès  de  Charles  IX.   îl 
laissa  trois  enfants,  dont  unefilie, 
mariée    avec  le  gardc-des-sccai:x  , 
Caumartin.  On  a  de  lui  :  Relation 
curieuse  de  la  mort  du  duc  de  Guise, 
et  du  cardinal  son  frère,  dans  le  tome 
ni  du   Journal  de  Henri  III ,  et 
dans  d'autres  recueils:  les  p roi-, 
duc,  les  causes  et  les  circonst; 
de  sa  mort,  y  sont  très-bien  détailles. 
—  François   MÎront,    petit- fils  du 
précédent,  lieutenant  civil,  et  prévôt 
des  marchands,  à  qui  la  ville  de 
Paris  doit  une  partie  de  ses  embel- 
lissements, quais,  ports,  plue 
la  façade  de l'hôtei-de- ville,  qu'il  lit 
mire  en  \  consacrant  les  émo- 
is de  sa  place,  sut 
■unie  police  dans  d 
troubles.  Ce  furent  les  rcinouti 

■  pr  vol  d,     , 
veur 


142  MIR 

qui  détournèrent,  en  i6o5,  Henri 
IV  de  réduire  les  rentes  consti- 
tuées sur  l'hôtel-de- ville  de  Paris. 
On  trouve  ces  Remontrances  dans 
les  Œuvres  de  Jac.  Leschassier  (  F, 
ce  nom  ,  XXIV,  279  ).  Il  mourut  le 
4  juin  1609. —  Robert  Miron,  frère 
du  précédent,  mort  en  1 64 1  >  inten- 
dant dès  finances  en  Languedoc , 
après  avoir  été  ambassadeur  en 
Suisse,  s'était  distingué  à  la  tête  du 
tiers-état,  qu'il  présidait  aux  états 
de  1614,  étant  alors  prévôt  des  mar- 
chands. 11  s'y  opposa  vigoureuse- 
ment aux  efforts  du  cierge  pour  la 
publication  du  concile  de  Trente. 
«  La  bigarrure  du  temps  auquel 
»  nous  vivons,  répondit-il  àl'évéque 
»  de  Beauvais ,  apporte  à  vous  et  à 
»  nous  la  nécessité  de  rejeter  la  pu- 
»  blication  de  ce  concile ,  plutôt  que 
»  de  l'embrasser,  Néanmoins  MM. 
»  du  clergé  se  peuvent  mettre  d'eux- 
»  mêmes  dans  ce  concile ,  en  prati- 
v  querles  résolutions,  en  retranchant 
»  la  pluralité  des  bénéfices,  et  au- 
»  très  abus  auxquels  il  a  remédié.  » 
—  Charles  Miron  ,  (ils  du  premier 
médecin  de  Henri  III ,  de  la  même 
famille  que  les  précédents,  nommé, 
en  1 588,  à  l'évèehé  d'Angers,  n'en 
put  prendre  possession  qu'après  a- 
voir  fait  casser  l'appel  comme  d'abus 
de  son  chapitre,  qui  refusait  de  re- 
connaître un  évêque  de  dix-huit  ans. 
Mais  enfin,  dégoûté  par  les  différends 
qu'il  avait  eus  avec  cette  compagnie 
au  sujet  de  la  juridiction,  il  se  démit 
en  faveur  de  Guillaume  Fouquet  de 
la  Varenne.  Celui-ci  étant  mort, 
Richelieu,  inquiet  du  crédit  que  Mi- 
ron avait  à  la  cour,  le  fit  nommer 
de  nouveau,  en  1  ()>..*,  au  même 
évêché,  d'où  Louis  XIII  le  transfé- 
ra ,  quatre  ans  après,  à  l'archevêché 
de  Lyon.  Il  mourut  dans  ce  de 
siège,  en   1628,  étant  le 


MIR 

prélats  du  royaume  ,  quoiqu'il  hë 
lut  âgé  que  de  soixante-deux  ans, 
Miron.  avait  rendu  de  grands  services 
à  Henri  IV  :  il  prononça  1  oraison 
funèbre  de  ce  prince.  Ses  entreprises 
contre  son  chapitre  furent  réprimées 
par  le  parlement  de  Paris.  On  a  de 
lui  une  Lettre  sur  quelques  affaires 
traitées  dans  les  états  de  1 6 1 4  ;  une 
autre  sur  les  miracles  de  Notre-Dame 
de  Saumur,  et  des  Statuts  synodaux 
insérés  dans  ceux  de  M.  Àrnauid, 
son  successeur  à  Angers.     ï — d. 

MIROUDOT  du  BOURG  (Jean 
Baptiste),  évêque  de  Bahylone,  était 
né  en  1 7  16 ,  à  Vesoul ,  d'une  bonne 
famille  de  robe.  Après  avoir  terminé 
ses  études ,  il  embrassa  la  vie  reli- 
gieuse dans  l'ordre  de  Cîteaux,  et  fut 
envoyé  a  Morimont  enBarrois.  Ses 
talents  et  son  goût  pour  l'agriculture 
le  firent  connaître  du  roi  Stanislas , 
qui  le  nomma  son  aumônier,  et  l'ho- 
nora de  sa  confiance.  Ce  fut  par  l'or- 
dre de  ce  prince,  que  D.  Miroudot 
sema  du  raj-grass  ou  faux  seigle, 
dans  un  terrain  qui  lui  avait  été  a 
donné  pour  faire  des  expériences. 
Cet  essai  ne  réussit  point,  parce  que 
les  semences  qu'on  lui  avait  envoyées 
d'Angleterre  étaient  avariées;  mais 
il  rendit  compte  de  ses  observations 
dans  un  Mémoire,  qui  fut  couronné 
par  l'académie  de  Nanci.  D.  Mirou- 
dot fut  nommé  évêque  de  Babyîone, 
le  i3  avril  1776,  sacré  le  21  juin 
suivant ,  et ,  quelque  temps  après  , 
nommé  consul  a  Baghdad.  Mais  la 
guerre  qui  désolait  le  pays  ,  ne  lui 
permit  d'aller  qv'h  Halcp.  11  rendit 
d'importants  services  à  la  religion 
dans  cette  contrée,  et  contribua  à  ra- 
mener un  grand  nombre  de  Syriens  à 
l'unité  de  l'Eglise.  Le  pape  le  récom- 
pensa de  son  zèle,  en  lui  adressant 
le  pallium,  décora tion  réservée  aux 
métropolitains.  Des  raisons  de  san- 


MIR 

te  ne  permirent  pas  à  D.  Miroudot 
de  prolonger  son  séjour  en  Asie;  il 
y  fut  remplace  par  Beauchamp  ,  son 
neveu,  qu'il  destinait  à  lui  succéder 
dans  la  dignité  épiscopale  (  V.  Jos. 
Beauchamp,  III,  619).  Il  repassa 
en  Europe  ,  vers  la  fin  de  1781 ,  et 
vécut  à  Paris ,  où  il  remplissait  les 
fonctions  de  suffragant  des  arche- 
vêques de  la  métropole.  Il  prêta  son 
ministère  pour  la  consécration  des 
évêques  constitutionnels;  et,  le  ei'\ 
février  1791  ,  il  fut  ,  avec  Gobel , 
assistant  de  l'évêque  consécrateur , 
l'ancien  éyêque  d'Autun.  Pie  VI  le 
déclara  suspens  dans  le  bref  du  î  3 
avril  1 7<)  1  ?  et  lui  relira  la  pension 
que  lui  faisait  la  propagande.  D'un 
autre  côté  Miroudot  fut  mal  récom- 
pensé par  ceux,  qu'il  avait  servis  ,  et 
il  mourut  dans  la  détresse  à  l'hôpital 
des  incurables  de  Paris  ,  en.  1798. 
D.  Miroudot  était  membre  des  aca- 
démies de  jSanci  etde  Metz  ;  il  aimait 
les  antiquités ,  et  en  avait  découvert 
un  grand  nombre  en  Lorraine.  On 
ignore  ce  que  sont  devenues  ses  col- 
lections. Le  seul  ouvrage  qu'on  con- 
naisse de  lui ,  est  le  Mémoire  sur  le 
■j^rass ,  ou  faux  seigle,  Nanci, 
1760,  in-8°.;  trad.  en  allemand, 
par  S. S.  Rcinhard,  Carlsruhe,  1  ^65, 
in-8°.  Ce  graminée,  que  Miroudot  a 
fait  connaître  le  premier  en  France, 
fournit  un  excellent  fourrage.  — 
Miroudot  de  Saini  k    (Ga- 

briel-Joseph), frère  du  précédent, 
subdélégué  à  Vesoul,a  publié:  .tissai 
sur  l'agriculture  du  comte  de  Bour- 
gogne ,  Lyon,  1762,  petit  in-8°. 
—  sur  le  bailliage   de 

1,    1774  ,  in-8°. 
D  statistique  des 
L'arrondissement.  Le  P. 
Dunand  dans  i  m-  les 

.  Dunand), 
lui  attribue   un   opuscule   intitule  : 


MIS 


i43 


Ceci  et  cela  ,  qu'il  aurait  imprime 
lui  -  même  à  deux  ou  trois  exem- 
plaires. W — s. 

MIR-WEIS.  V.  Mir-Mahmoud. 

MISHA-  PALÉOLOGUE ,  connu 
aussi  sous  le  nom  de  Mesih-Pacha  , 
célèbre  renégat ,  de  la  maison  im- 
périale grecque  des  Paléologues,  s'at- 
tacha au  conquérant  de  Goustanti- 
nople,  et  adopta  sa  religion.  L'ava* 
rice   et  l'ambition  avaient  été  les 
premières  causes  de  son  infidélité  à 
son  Dieu  et  à  sa  patrie  :  la  haine 
qu'il  portait  aux  Chrétiens,  assurait 
eu  lui  à  Mahomet  II  le  plus  dévoué 
des  esclaves,  et  l'ennemi  le  plus  im- 
placable de  ses  ennemis.  11  obtint, 
en  1480,  le  commandement  de  l'ex- 
pédition contre  l'île  de  Rhodes;  et 
toute  l'intrépidité  ,  les    talents    et 
le   bonheur   de  d'Aubusson,   suffi- 
rent à  peine  pour  la  repousser.  Le 
cruel  et  perfide  renégat  attaqua  ce 
noble  adversaire  avec  toutes  les  ar- 
mes de  la  force  et  de  la  lâcheté  : 
irrité  de  ne  pouvoir  le  vaincre,  il 
essaya   de    le    faire    empoisonner  ; 
toutes  ses  tentatives  furent  inutiles, 
et  il  se  vit  forcé  de  lever  le  siège  et 
de   se  rembarquer.    Mahomet    II , 
pour  le  punir  ,   lui  ôta  le  comman- 
dement, la  dignité  de  pacha  ,  et  le 
relégua  à  Gallipoli.  Mesih-Pacha  se 
trouva  trop  heureux  de  conserve)"  sa 
vie  aux   dépens  de  quelques    hon- 
neurs et  de  sa  liberté.  La  mort  de 
Mahomet  releva  ses  espérances  de 
fortune.  En    148%    Bajazct  II  lui 
rendit  tous  ses  emplois,  et  le  nomma 
pour  traiter  de  la  paix  avec  les  chi  - 
valiers  de  Rhodes ,  qui  avaient  donne 
asile  au  prince  Zizim  ,  et  qui 
saient  de  le  livrer.  Paléologue  avait 
appris   à  les  craindre:  mais  n. 
toute  sa  haine,  il  crut  de  son  1 
de  jouer,  dans  cette  importune  né- 
gociation, le  rôle  d 


144  &ÏS 

et  il  fit  conclure  à   son  maître  un. 
traité  honteux.  Ce  renégat  couron- 
na sa  vie  ambitieuse  et  méprisée ,  en 
perdant,    par   sa    méchanceté,    le 
brave  et  vertueux  grand-vizir  Ach- 
met  (  y.  Âchkïet  ) ,  objetde  sa  haine 
et  de  sa  jalousie.  Il  l'accusa,  auprès 
de  Bajazet,  d'avoir  blâmé  le  traité 
conclu  avec  les  chevaliers  de  Rho- 
des, et  d'avoir  dit  que,  sous  un  sultan 
faible  ,  l'empire  était  devenu  le  tri- 
butaire d'une  poignée  de  pirates.  Le 
lâche  et  vindicatif  Bajazet  finit  par 
abandonner  une  innocente  victime 
à  Mesih-Pacha  et  à  ceux  de  son  parti  : 
il  permit  qu'Achmet  fût  étranglé  a 
Andiïnople,  sous  ies  yeux  et  par  les 
soins  du  renégat.  C'est  à  ce  crime 
odieux ,  c'est-à-dire ,  à  l'année  1 4<S3 , 
que  se  termine  la  vie  historique  de 
Misha  -Paléologue  ,  dont  la   honte, 
aux  yeux  de  la  postérité,  s'accroît 
des  malheurs  mêmes  de  sa  famille. 
S— Y. 
MISRI -EFFENDI ,  sectaire  mol- 
lah   de  Pruse,  et  poète  turc  ,  natif 
de  l'Egypte,  comme  son  nom  l'in- 
dique ,  ne  se  rendit  pas  moins  cé- 
lèbre  par  ses  opinions  religieuses  et 
hardies  ,  dont  l'impunité  prouva  jus- 
qu'où les  Musulmans  portent  la  to- 
lérance ,  que  par  le  rôle  extraordi- 
naire  qu'il  joua    sans  but   comme 
sans  châtiment.  Ce  fut  sous  le  règne 
d'Achmet  second,  vers  l'an  de  l'hé- 
gire  1 104  (  1693  de  J.  -  C.  ) ,  qu'à 
l'exemple  de  Schéitan-Culi  et  de  Sa- 
batié  Sévi,  ce  nouveau  fanatique  leva 
l'étendard  du  prosélytisme,  et  se  fit 
.suivre  de  trois  mille  volontaires  , 
auxquels  il  donna  le  pieux  nom  de 
derviches.  Il  aborda  avec  cette  ar- 
mée  sainte  à  Rodosto  ,   l'ancienne 
Héraclée ,  et  s'avança ,  sans  oppo- 
sition ,  jusqu'à  Andrinople ,  où  le 
sullhan  taisait  alors  son  séjour.  C'é- 
tait le  moment  où  !a  Porte  se  pro- 


MIS 

posait  de  reprendre  les  armes  con- 
tre les  Impériaux.  Misri,  suivi  de 
son  immense   cortège  ,  entra   dans 
la   mosquée  du   sulthan   Sélim  ,    à 
l'heure  de  midi.  Tout  ce  qu'il  y  avait 
Fusulmans  religieux  était  dans 
le  temple.  Misri,  à  la  suite  de  la  plus 
fervente  prière  ,   prêcha  publique- 
ment, avec  autant  de  hardiesse  que 
d'enthousiasme  :    il  fit  passer  son 
saint  zèle  dans  tous  les  esprits  ,  et 
finit  par  déclarer  ,  au  nom  du  ciel , 
que  le  succès  de  la  guerre  dépendait 
de    la    punition    des    infidèles    qui 
étaient  à  la  tète  du  gouvernement  ;  et 
il  demanda  la  mort  du  grand- vézir, 
du  eaïmacan ,  du  defterdar,  de  l'aga 
des  janissaires  et  du  reis  -  éffendi. 
Le  bruit  d'un  pareil  événement  frap- 
pa de  terreur  tous  les  ministres  du 
sulthan.  En  vain  envoyèrent-ils  mes- 
sage sur  message  à  l'audacieux  mol- 
lah ,  pour  l'inviter  à  venir  conférer 
avec  eux.  Aucun  d'eux  n'osait  l'ar- 
racher de  vive  force  du  milieu  du 
peuple.  Le  sulthan  apprit  ce  qui  se 
passait  :  dans  cette  circonstance  .  il 
fut  forcé  de  faire  céder  la  colère  à  la 
prudence  ;  et  Misri  fut  mandé   par 
le  souverain  lui-même  au  palais  im- 
périal. Il  obéit,   mais  déclara  qu'il 
ne  serait  pas  plutôt  parti,  que  Dieu 
ferait  sentir  les  elfets  de  sa  puissance, 
et  témoignerait  ainsi  que  sa  mission 
était  toute  divine*.  En  effet ,  dès  que 
les  officiers  du  sulthan  curent  le  mol- 
lah en  leur  pouvoir  ,  ils  l'escortèrent 
respectueusement ,  et  sans  lui  faire 
aucun  mal ,  jusqu'à  un  chariot  cou- 
vert ,  dans  lequel  il  monta  sans  ré- 
sistance :  Misri  fut  reconduit  promp- 
tement  à  Rodosto  ,  où  il  s'embarqua  ; 
et  il  retourna  à  Pruse.  Sans  doute  , 
le  sulthan  et  toute  sa  cour  se  félici- 
tèrent d'être  débarrassés  d'un  pareil 
hôte  :  ses  prosélytes  se  dissipèrent  ; 
-  ,  par  un  basai  r ,  un 


nu 

I 


MIS 

orage  épouvantable  s'éleva  en  plein 
midi  ,  deux  jours  après  son  départ  : 
les  tentes  du  camp  ottoman  lurent 
renversées  ;  le  plus  violent  incendie 
se  manifesta  ,  et  les  plus  riches  pa- 
villons des  commandants  de  l'année 
furent  embrasés  et  consumés.  Per- 
sonne ne  douta  que  ce  malheur  ne 
fût  l'accomplissement  de  la  prophé- 
tie de  ce  nouveau  Jonas.  Lesulthan  , 
par  politique,  ou  par  superstition, 
envoya  ,  à  Pruse,  inviter  Misri- Ef- 
fendi  à  revenir  continuer  ses  prédi- 
cations :  mais  le  mollah  déclara  que 
sa  mission  était  finie  ;  et  il  eut  la 
prudence  de  ne  pas  risquer  un  se- 
cond voyage.  Misri- EtYendi  est  mis, 
par  les  savants  ,  au  rang  des  poètes 
turcs  :  la  question  historique  ne  porte 
pas  sur  le  mérite  de  ses  poésies  , 
mais  sur  leur  esprit.  On  sait  que  les 
Musulmans  admettent  que  J.-G.  était 
non  pas  le  vrai  Dieu ,  mais  un  per- 
sonnage d'une  très-haute  sainteté ,  un 
prophète  divin ,  né  d'une  Vierge. 
Misri -EfFendi  osa  ce  qu'aucun  doc- 
teur hétérodoxe  n'avait  hasardé  dans 
l'empire  othoman ,  qu'au  péril  de 
sa  vie  (  V.  Gabiz)  :  il  célébra 
l'incarnation  ,  comme  on  peut  le 
voir  par  les  vers  que  le  prince  Can- 
limir  cite  de  lui  (  Ilist.  Ott.  ,  t.  iv, 
p.  1 87  ):  «  Je  suis  toujours  avec  Jésus 
»  et  en  union  avec  lui.  »  —  a  En 
»  cet  alphabet  mystérieux  est  joint 
»  l'accord  de  Jésus  et  de    Misri.  » 

\ers  lurent  chantés  dans  les 
mosquées,  et  dénoncés  au  inupliti  , 

le  tumulte  qu'ils  excitèrent.  La 
seule  sentence  que  l'oracle  dé  la  loi 
prononça  ,  fut  que  le  sens  de  ces  vers 
ne  pouvait  être  connu  et  entendu  de 

»nne  que  de  Dieu  et  de  Misri. 
Sur  la  foi  de  cciic  décision  ,  les  vers 
«lu  poète-mollah  lurent  réputés  Or- 
thodoxes. Seulement ,  pour  rassurer 

ne  pareille  tolé- 
I  \. 


MIS  145 

rance  effrayait  ,  la  sublime  Porte 
ordonna  que  les  copies  des  po< 
sacrées  de  Misri-Ellendi  port ass< 
en  tête  ces  paroles  ,  émanée! 
muphti  mieux  informé  :  «  Quicon- 
»  que  parle  ou  pense  comme  Misri , 
»  doit  être  livré  aux  flammes  :  mais 
»  Misri  seul  doit  être  épargné,  parce 
»  qu'il  ne  faut  pas  condamner  ceux 
»  qui  sont  possédés  de  l'enlhou- 
»  siasme.  »  Misri-EHèndi ,  qui  peut 
passer  pour  un  poète  chrétien  ,  zélé 
musulman  ,  et  ami  du  patriarche 
grec  Gallinique,  mourut  mollah  de 
Pruse,  et  fournit  à  l'histoire  un  exem- 
ple de  plus  des  inconséquences  de 
l'esprit  humain.  S — y. 

MISSON  (  Maximilien),  connu 
surtout  par  son  Voyage  d'Italie , 
était  né  en  France  vers  le  milieu  du 
dix-septième  siècle,  de  parents  protes- 
tants. Il  fut  destiné  à  la  magistrature, 
et  obtint  une  charge  de  conseiller  de 
la  chambre  mi-partie,  au  parlement 
de  Paris,  emploi  qu'il  perdit  à  la  ré- 
vocation de  l'élit  de  Nantes.  S'étant 
retiré  alors  en  Angleterre, il  y  montra 
un  zèle  fanatique  pour  les  principes 
des  réformés.  Chargé  de  surveiller 
l'éducation  d'un  jeune  seigneur  an- 
glais, il  l'accompagna  dans  ses  voya- 
ges en  Hollande ,  en  Allemagne  et 
en  Italie.  De  retour  en  Angleterre  7 
il  mit  en  ordre  les  notes  qu'il  avait 
recueillies,  et  les  publia  sous  le  titre 
de  Nouveau  Voyage  d'Italie.  C'était 
le  premier  ouvrage  qui  fit  connaître 
d'une  manière  un  peu  satisfaisante 
toutes  les  parties  de  ce  pays  si  in- 
téressant pour  les  amis  des  lettres 
et  des  arts.  II  eut  un  grand  succès. 
L'édition  de  la  Haye,  i7<>>. ,  3  vol. 
in-i). ,  6g.,  est  la  quatrième  et  la 
meilleure. Ou  y  ajoute  les  Remarques 
sur  divers  endroits  d'Italie ,  pour 
faire  suite  au  \  oyage ,  etc.  par  Addi- 
son  ,  in-ia  (  /'. 


i4<5 


MIS 


11  y  a  beaucoup  d'érudition,  mais 
mal  digérée  :  l'auteur  est  d'ailleurs 
très -partial.  Un  bénédictin  franc- 
comtois,  le  P.  Freschot,  dans  les 
Kern  arques  historiques  et  critiques 
faites  dans  un  voyage  d'Italie,  etc., 
Cologne,  i^oj  ,  1  vol.  in-8.  ,  a  re- 
levé avec  force  les  railleries  que 
Misson  s'est  permises  contre  les  usa- 
ges de  L'Église  romaine.  Misson  lui 
répondit  très-amèrement  dans  la  pré- 
face des  Voyages  de  François  Lé- 
guât ,  dont  il  est  le  véritable  éditeur, 
et  non  pas  Gabillon  ,  comme  l'avait 
soupçonné  le  président  Bouhier  {V. 
Léguât,  XXIII,  5ç)o  )-,  et  Freschot 
lui  répliqua,  avec  beaucoup  de  vi- 
vacité ,  dans  la  Nouvelle  relation 
de  la  ville  de  Venise  (  Voy.  V Exa- 
men critique  des  dictionnaires  par 
M.  Barbier,  tom.  jer. ,  p.  355  ).  Mis- 
son passa  dans  la  retraite  les  derniè- 
res années  de  sa  vie,  et  mourut  à  Lon- 
dres, le  16  janvier  1721.  On  cite 
encore  de  lui  :  I,  Observations  faites 
par  un  voyageur  en  Angleterre , 
la  Haye ,  1 698,  in- 1 2.  Il  y  en  a  quel- 
ques unes  de  curieuses.  II.  Le  Théâ- 
tre sacré  des  Cévennes ,  ou  Récit  des 
■prodiges  arrivés  dans  cet  te  partie  du 
Languedoc ,  Londres,  1707  ,  in-8°. 
Celte  production,  dans  laquelle  il 
pousse  la  crédulité  et  le  fanatisme 
aussi  loin  qu'on  peut  le  faire,  nuisit 
h  sa  réputation  d'homme  d'esprit  et 
de  jugement.  W — s. 

MITCHELL  (Su*  André  ),  di- 
plomate anglais,  était  fils  unique 
d'un  ministre  de  la  haute-église  d'É- 
dinbourg.  On  ignore  la  date  précise 
de  sa  naissance  ;  mais  on  sait  qu'il 
se  maria  fort  jeune,  en  1710.  La 
douleur  qu'il  éprouva  de  la  perte  de 
sa  femme,  morte  en  couches  quatre 
années  après  son  mariage  ,  l'obligea 
de  discontinuer  l'étude  des  lois  ,  et 
d'abandonner  même  tout-à-fait  la 


MIT 

carrière  du  barreau  ,  à  laquelle  son 
père  l'avait  destiné.  Il  essaya  de  se 
distraire  en  voyageant  et  en  se  livrant 
aux  plaisirs.  C'est  à  ce  genre  de  vie 
qu'on  attribue  ses  liaisons  avec  les 
principaux  seigneurs  et  propriétai- 
res du  nord  de  l'Angleterre,  auprès 
desquels  il  acquit  de  la  considéra- 
tion par  son  caractère  et  par  le  ton 
piquant  de  sa  conversation.  Mitchell 
avait  fait  peu  de  progrès  dans  les 
sciences  ;  mais  il  aimait  les  savants 
et  recherchait  leur  société.  Vers 
1786,  il  parait  s'être  occupé  parti- 
culièrement de  mathématiques  sous 
la  direction  du  célèbre  Maclaurin. 
Il  commença  ,  bientôt  après,  sa  car- 
rière politique  ,  comme  secrétaire  du 
marquis  de  T weedale,  qui ,  en  1 74  r , 
fut  nommé  ministre  pour  les  affaires 
d'Ecosse.  Ce  seigneur  ayant  résigné 
sa  place  de  secret  aire-d'état  lors  de 
la  rébellion  de  1745,  Mitchell  nen 
resta  pas  moins  en  faveur;  et  il  sié- 
gea, en  1747^  à  la  chambre  des  com- 
munes ,  où  il  représenta  les  bourgs  de 
BamfF,  Elgiu  ,  etc.  En  1  ^5 1  ,  il  fut 
nommé,  par  le  roi,  son  résident  à 
Bruxelles  ;  et  après  un  séjour  de  deux 
ans ,  il  revint  à  Londres  ,  fut  créé 
chevalier  du  Bain  ,  et  envoyé  à  Ber- 
lin ,  en  qualité  d'ambassadeur  ex- 
traordinaire. Ses  manières  polies  ,  et 
ses  liaisons  intimes  avec  miloid  ma- 
réchal (Keith),  lui  firent  obtenir  une 
assez  grande  influence  sur  le  roi  de 
Prusse,  pour  détacher  ce  souverain 
des  intérêts  de  la  France.  Cet  événe- 
ment fut  très-funeste  à  la  cour  de 
Versailles  ,  non-seulement  à  cause 
des  énormes  subsides  qu'elle  fut  obli- 
gée de  payer  aux  cours  de  Vienne , 
de  Pétersbourg  et  de  Stockholm, 
mais  encore  par  les  revers  qu'il  lui 
occasionna.  Mitchell  accompagnait  le 
grand  Frédéric  dans  ses  campagnes. 
Il  se  trouvait  dans  la  tente  du  roi;  le 


MIT 

jour  de  la  bataille  de  Cnnnersdorff 
(  14  août  17.JQ  ) ,  où  l'armée  prus- 
sienne fut  mise  dans  une  déroute 
complète  par  Soltikoff;  et  ce  fui 
beaucoup  de  difficulté  qu'on  le  dé- 
termina a  s'éloigner,  lorsque  la  con- 
fusion était  à  son  comble. Un  écrivain 
de  nos  jours  nous  a  donné  quelques 
détails  sur  la  manière  dont  Mitchell 
vivait  à  Berlin.  Lorsqu'il  arriva  dans 
cette  capitale,  comme  il  ne  jouait  à 
aucun  jeu  de  hasard  ,  il  ei 
d'abord  ceux  qui  l'invitaient  chez 
eux.  «  Que  ferons-nous  de  cet  An- 
»  glais  qui  ne  joue  pas  aux  cartes  ?  » 
se  disaient  entre  eux  ses  hôtes.  Mais 
cet  embarras  dura  peu  de  temps; 
car,  partout  où  se  trouvait  Mitchell , 
les  tables  de  jeu  se  dégarnissaient  : 
chacun  cherchait  à  jouir  de  sa  bril- 
lante conversation.  Ses  bons  mots 
devinrent  à  la  mode,  et  circulaient 
dans  tous  les  cercles.  Thiébaulten  a 

pvé  quelques-uns  dans  ses  Sou-, 
venirs  de  vingt  ans  de  séjour  à  Ber- 
lin. On  sait  que  le  roi  de  Prusse  était 
très-caustique  ,  et  que,  dans  ses  bou- 
tades de  mauvaise  humeur,  il  exer- 
çait son  esprit ,  même  aux  dépens 
de  ses  allies.  Le  ministère  anglais 
exprima  à  Sir  André  le  désir  qu'il 

U  dans  ses  dépêches  officielles 
quelques-unes  de  ces  saillies.  Mais 
celui-ci,  après  avoir  établi  dans  sa 
réponse  la  distinction  qui  existait 
entre  ce  genre  de  renseignement 

qui  appartenaient  proprement 
à  son  emploi,  refusa  positivement  de 
.1  cette  espèce  de  commé- 
■  ne  fut  pas  i-c- 
nouvi  I  s  l'affaire    de  Port- 

Mahon,  le  roi  de  Puisse  dit  à  Mit- 
chell, qui  e'tail  venu  le  voir  :  a  Vous 
»  avez  fait  un  mauvais  début,  M. 
»  Mitchell;  >tre  flotte  battue, 

»  et  le  Porl  ,  0tre 

»  première camj  procèsque 


MIT  i47 

»  vous  intentez  à  votre  amiral  Byog, 
»  est  un  mauvais  emplâtre  pour  la 
»  maladie  :  vous  ave/,  fait  une  cam- 
»  pagne  pitoyable;  cela  est  certain.» 
Sire,  répondit  l'envoyé  anglais, 
«  nous  espérons,  avec  l'aide  de  : 
»  en  faire  une  meilleure  l'année 
»  chaiuc.  —  Avec  l'aide  de  Dieu 
»  dites  vous,  M.  Mitchell j  m 
»  ne  savais  pas  que  vous  eussiez  un 
»  tel  allié.  —  Nous  comptons  beau- 
coup sur  Un,  répliqua  celui-ci , 
»  quoiqu'il  nous  conte  beaucoup 
»  moins  que  les,  autres  (1).  »  Eu 
17G.J,  Sir  André  revint  à  Londres  , 
pour  rétablir  sa  santé,  qui  était  con- 
sidérablement altérée  ;  et  après  avoir 
passé  quelque  temps  aux  eaux  de 
Tunbridgé,  il  retourna,  dans  le  mois 
deraai  176Ô,  à  Berlin,  oui!  mourut 
le  28  janvier  1 7  7  1 .  La  cour  de  Prusse 
honora  ses  funérailles  de  sa  présence; 
et  ou  rapporte  que  le  roi  lui-même  , 
en  voyant  passer  le  convoi  de  des- 
sus son  balcon 
larmes. 


,  ne  put  retenir  ses 
D— z— s. 
MITCHELL  (Sir  André  >,  ami- 
ral anglais  ,  naquit  dans  un  des  com- 
tés de  l'Ecosse  méridionale,  vers 
17.I7  ,  et  fut  élevé  à  Édinbourg.  Son 
père  étant  mort  pendant  qu'il  était 
encore  en  bas  âge,  Sa  mère  se  1 
gea  du  soin  de  son  éducation.  Étant 
destine' pour  le  service  de  la  marine, 
il  fut  placé,  comme  aspirant ,  a 
du  Rippon,  alors  commandé  par  l'a- 
miral Vernon,avec  lequel  il  arriva 
dans  l'Inde,  en  1 776 ;  e!  il  fournit 
l'exemple  rare  d'un  jeune  homme 
venu  dans  -  imtne  aspirant, 

et  retournant  en  Europe  avec  ! 

isseau.  La  Fran- 
ce s'étant  déclarée  «m  faveur  des  in- 
surge ils  américains  ,  l'Inde  1 


iub»i(U| 

.   ,  UMC 


lu.. 


i£8 


MIT 


bientôt  le  théâtre  de  la  guéri  e.  Nom- 
mé lieutenant  en  1778,  et  comman- 
dant le   Coiwcntjy,  de  ^8  canons  , 
Mitchell  eut  peu  d'occasions  de  se  si- 
gnaler avec  un  si  petil  bâtiment  dans 
la  mémorable  campagne  où  les  An- 
glais eurent  en  tête  l'habile  et  brave 
comte  de  Suffren.  Mais  ,  en   1782  , 
envoyé  en  croisière  à  la  hauteur  de 
Ccylan ,  il  soutint  un  combat  contre 
la  Bellone ,  frégate  française  de  4° 
canons.  Peu  après  celle  action ,  il 
obtint  le   commandement  du  Sul- 
tan, de  74,  et  fut  présent  à  plu- 
sieurs batailles  navales.  Le  20  juin 
1783,    un  engagement   général,  le 
dernier  de  cette  guerre,  eut  lieu  à  la 
hauteur  de  Goudeiour  ,  entre  l'ami- 
ral Hughes  et  le  comte  de  Suffren  :  la 
perte  des  Anglais  fut  très-considéra- 
ble, au  rapport  même  de  leurs  pro- 
pres historiens  ;  le  Sultan ,  en  par- 
ticulier, fut  très-maîtraité.  La  paix 
ayant  été  conclue  peu  de  temps  après, 
Mitchell  retourna  en  Europe  avec 
un  convoi.  Ses  parts  de  prises  de- 
vaient lui  assurer  une  existence  indé- 
pendante; mais  l'agent  chez  lequel  il 
avait  placé  sa  fortune  ,  ayant  fait  de 
mauvaises    affaires  ,    le    capitaine 
Mitchell,  à  son  arrivée  à  Londres,  se 
trouva  aussi  peu  riche  qu'a  son  dé- 
part pour  l'Inde.  Il  resta  sans  em- 
ploi pendant  la  paix  :  mais  à  peine 
la    guerre    eut -elle  éclaté  entre   la 
France  et  l'Angleterre,  qu'il  reçut  le 
commandement  d'un  vaisseau;  et  on 
le  voit  servir  sous  lord  Howe ,  à 
bord  de  Y  Asie,  de  64  ,  et  de  17m- 
prenable ,  àc  90.  En    1793,  il  prit 
rang  de  contre-amiral  :  en  février 
1799,  il  arbora  son  pavillon  comme 
vice-amiral ,  à  bord  de  la  Zélande, 
de  64  ;  et  peu  après ,  il  passa  sur 
Ylsis,  de  5o  canons.  A  celte  époque, 
Pichegru  venait  de  pénétrer  dans  la 
Hollande ,  à  la  tête  des  armées  fran- 


MIT 

çaises ,  et  de  renverser  la  maison 
d'Orange.  Le  cabinet  anglais  ne  pou- 
vait voir  avec  indifférence  la  situa- 
tion de  ce  pays,  si  long-temps  son 
allié ,  dont  les  forces  allaient  être 
dirigées  contre  la  Grande-Bretagne. 
Il  résolut  d'affranchir  la  Hollande  , 
en  rétablissant  le  stathouder  par  la 
force  des  armes.  On  réunit  à  cet  ef- 
fet un  grand  nombre  de  transports  : 
un  corps  considérable  de  troupes  ,  à 
la    tête  duquel    devait   être  le   due 
d'York  ,  fut  dirigé  vers  les  côtes;  et 
une  escadre  de  vaisseaux  de  guerre 
fut  placée  sous  le  commandement 
immédiat  de  Sir  André  Milchell  (i), 
quoique  toutes  les   opérations   fus- 
sent conduites  au  nom  de  lord  Dun  • 
can  ,  alors  commandant  en  chef  de 
la  flotte  de  la  mer  du  Nord.  Dès  le 
moment  où  sa  nomination  lui  fut 
notifiée,  Mitchell   visita  toutes  les 
parties  de  la  côte  où  les  transports 
avaient  été  rassemblés,  et  fit  embar- 
quer les  différentes  divisions  de  l'ar- 
mée vers  la  fin  de  l'automne  de  1 799 
avec  une  incroyable  activité.  Il  re- 
joignit ensuite  l'amiral  Duncan,  qui 
croisait  dans  les  mers  du  Nord  ,  et 
opéra  le  débarquement  des  troupes 
au  Helder.  Peu  après,  il  entretint 
une  correspondance  avec  le  contre- 
amiral  Sîorey,  commandant  en  chef 
de  la  flotte  hollandaise  ,  pour  l'enga- 
ger à  se  réunir  aux  forces  navales  de 
la  Grande-Bretagne,  et  arborer  le 
pavillon  du  prince  d'Orange  :  mais 
celui-ci  ayant   refusé  d'écouter  ses 
propositions,  Mitchell,  qui  avait  pra- 
tiquédes  intelligences  avec  les  marins 
hollandais ,  parvint  au  même  résul- 
tat, par  l'insurrection  de  la  flotte, 
qui  se  rendit   aux  forces  britanni- 


(1)  Mitchell  (lutte  choix  Ma  liante  idée  que  Henri 
Dtsiulas  (  depuis,  lord  Melville),  trésorier  de  la  ma- 
rine ,  avait  conçue  de  sou  habileté  ,  de  sa  prudence  tt 
de  sou  intrépidité. 


MIT 

qnes.  L'amiral  TSÏitclicll  la  conduisit 
en  Angleterre  ,  après  avoir  laisse  Ta- 
rai rai  Dickson  pour  surveiller  rem- 
barquement des  troupes  du  duc 
d'York ,  qui  venait  d'être  battu 
par  l'armée  française.  A  peine  arri- 
vé en  Angleterre,  Milcliell  fut  déco- 
ré des  insignes  de  Tordre  du  Bain. 
Eu  1800,  il  servit  dans  la  flotte  du 
Canal ,  sous  l'amiral  Bridport ,  et 
fut  ensuite  employé  sous  Cornwallis, 
qui  croisait  à  la  hauteur  de  Brest. 
]!  fut  employé  à  diverses  croisières, 
et  fut  enfin  envoyé  en  1 8o<2 ,  comme 
commandant  en  chef,  dans  l'Améri- 
que méridionale,  à  la  station  d'Ha- 
lifax. Il  eut  ordre  de  suivre  la  flotte 
française  expédiée  à  Saint-Domingue; 
mais  il  ne  put  l'entamer  :  une  insur- 
rection assez  violente  s'étant  mani- 
festée à  bord  de  quelques  vaisseaux 
de  son  escadre  ,  il  vint  à  bout  de  la 
comprimer,  en  faisant  pendre  aux 
vergues  quelques  -  uns  des  plus  mu- 
tins. Il  fut  remplace  en  1818,  dans 
la  station  d'Halifax  ,  et  mourut  en 
Angletei  re  ,  peu  de  temps  après  son 
retour  dans  sa  patrie.     D — z — s. 

M1TELLI  (Augustin),  peintre, 
né  à  Bologne  en  1607,  fut  élève  du 
Dentone  :  il  peignait  a  fresque  l'ar- 
chitecture et  les  ornements.  Appelé 
en  Espagne  par  Philippe  IV,  il  y 
exécuta  un  grand  nombre  de  décora- 
tions dans  les  appartements  du  roi. 
Il  mourut  à  Madrid,  en  1660.  On  a  , 
d'après  ses  dessins,  plusieurs  orne- 
ments, composés  avec  beaucoup  de 
goût;  «litre  autres  un  recueil  dequa- 
lniit  frises,  et  vingt-quatre  car- 
tes et  ornements,  gravés  à  l'eau- 
François  Gurti,  et  par  son 
fils  Joseph  -  Marie  Mm  lli  ,  ne  à 
Boloene  en  i<»r, ,  qui  s'est  distingué 
dans  l.i  gravure.  On  a  de  ec  dernier 
un  grand  nombre  d'estampes ,  d'a- 
près des  maîtres  italiens.  Il  gi 


MIT  i  }9 

à  Teau-forte  avec  esprit,  et  d'un  bon 
caractère  de  dessin.  Quoique  ses  tra- 
vaux soient  un  peu  maigres,  ils  sont 
disposés  avec  intelligence.  On  lui 
doit  la  gravure  du  tableau  connu 
sous  le  nom  de  la  Nuit  du  Gorrége. 
Il  a  gravé  aussi  d'après  ses  propres 
dessins.  On  a  encore  de  lui  une  suite 
de  douze  estampes,  d'après  les  plus 
beaux  tableaux  qui  se  trouvent  dans 
les  églises  de  Bologne  ,  l'histoire  d'E- 
née  ou  de  la  Fondation  de  Rome , 
en  dix-sept  pièces ,  les  Cris  de  Bolo- 
gne ,  d'après  les  tableaux  peints  par 
Ann.  Carrache ,  dans  une  des  salles 
du  palais  Fava,  et  quantité  de  sujets 
et  d'emblèmes  de  sa  composition. 
J.  -  M.    Mitclli  mourut  en    1718. 

P— E. 

MITHRIDATE  !<%  satrape  de  la 
Cappadoce  maritime  ,  pays  qui  fut 
ensuite  plus  connu  sous  le  nom  de 
Pont ,  succeVIa  à  son  père  Rhodo- 
bate  ,  dans  son  gouvernement.  Il 
descendait  d'un  certain  Artabaze  , 
regardé  ,  par  quelques  historiens  , 
comme  un  fils  de  Darius  Hystaspes, 
roi  de  Perse  ,  dont  il  avait  obtenu  la 
satrapie  héréditaire  du  Pont.  Mithri- 
dale  1er.  vivaitdu  temps  d'Artaxerxès 
Miiémon;  il  se  révolta,  fut  vaincu  par 
ce  prince,  et  dut  à  la  médiation  du 
satrape  Tissapherne  ,  d'obtenir  la 
paix.  Peu  après  il  voulut  se  rendre 
maître  d'Heraclée  ,  ville  grecque  de 
la  Bithynic.  Gléarque  ,  qui  en  fut  par 
la  suite  tyran  ,  avait  promis  de  la  lui 
livrer: il  y  était  à  peine  entré,  qu'il 
fut  arrêté  prisonnier  ;  et  il  ne  re- 
couvra si  liberté  qu'en  donnant  une 
forte  rançon.  Ce  satrape  n'était  sans 
doute  pas  étranger  a  la  langue  1 

sciences  des  Crées  ,  puisqu'il  lit  éle- 
ver ,  dans  L'enceinte  de  l'académie 
d'Athènes,  une  statue  de  Platon,  <pu 
était  consacrée  aux  muses.  Ariobar- 
zanc  lut ,  a  ce  qu'il  parait ,  le  si 


i5o  MIT 

seur  do  Mitliridatc  Ier. ,  dont  il  était 
I  lementle  fils. —  Mithridate 
il  ,  (ils  d'Ariobarzane  ,  gouvernait 
le  Pont,  à  l'époque  du  passage  d'A- 
lexandre en  Asie;  il  vint  trouver  ce 
conquérant  lorsqu'il    était  dans   la 
Carie ,  après  la  prise  d'Haliearnasse , 
et  il  le  suivit  dans   son  expédition 
contre  !a  Perse.  Il  conserva,  sous  le 
règne  de  ce  prince  ,  la  possession  de 
sa  satrapie:  après  la  mort  d'Alexan- 
dre,  (l!c  se  trouva  comprise  dans  les 
provinces  échues  à  Antigone.  Celui- 
ci,  ayant  eu  des  soupçons  sur  sa  fidé- 
lité, voulut  le  faire  périr  ;  mais  pré- 
venu à  temps  par  Demétrius  ,  fils 
ci' Antigone  ,  Mithridate  eut  le  temps 
de  s'enfuir  dans  la  Pa  pli  la  go  nie  ,  où 
ai  se  rendit  maître  de  la  forteresse 
de  Ciniatum  ,  dans  les  monts  Olgas- 
sys.  Il  y  fut  bientôt  joint  par  plu- 
sieurs de  ses  amis  et  de  ses  sujets  , 
de  sorte  que,  seconde'  par  eux,  il  fit 
une  irruption  dans  la  Cappadoce  , 
en  soumit  une  partie,  et  reconquit 
les  étals  qu'il  tenait  de  ses  ancêtres. 
Antigone  n'ayant   pu  les   lui  enle- 
ver ,  l'en  laissa  tranquille  possesseur. 
C'est  à  cette  époque,  dont  la  date 
précise  nous  est  inconnue  ,  qu'il  faut 
véritablement  faire  remonter  L'ori- 
gine du  royaume  de  Pont,  qui  jus- 
qu'alors   n'avait   été  qu'un    simple 
gouvernement.  Ces  succès   ont  fait 
donner  à  Mithridate  II,  le  surnom 
de  Ctisiès ,  ou  fondateur.  Dix-huit 
ans  environ  après  sa  révolte  contre 
Antigone  ,   il   eut   à    soutenir   une 
nouvelle  guerre  contre    ce   prince, 
pour  avoir  contracté  alliance  avec 
Cassandre,  fils  d'Antipater.  Moins 
heureux  celle  fois ,  il  tomba  entre  les 
mains  d' Antigone,  qui  le  fit  mourir 
e  de  quatre-vingt  quatre  ans. 
Son  fils,  Mithridate  III,  fut.  son  suc- 
cesseur. —  MiTHRiDATi,  1  !  i  parvint  à 
remonter  sur  le  trône  de  son  père, 


MIT 

et  fut  assez  heureux  pour  y  joindre 
diverses  parties  de  la  Cappadoce  et 
de  la  Paphlagonie  ;  il  secourut  aussi 
la  ville  d'Heraclée  contre  Seleucus 
Nicator,  roi  de  Syrie.  Comme  c'est 
sous    son    règne    que    fut   instituée 
l'ère  politique ,  portée  dans  le  Bos- 
phore ,  par  Mithridate  Eupator ,  il 
est  probable  qu'elle  eut  pour  com- 
mencement l'époque  du   rétablisse- 
ment de  Mithridate,  qui  fut,   sans 
doute  ,  une  suite  de  ses  victoires  sur 
les  Macédoniens.  Un  tétradrachme, 
daté  de  l'an  29  (  268  et  267  avant 
J.-C.  ),  nous  présente  les  traits  de 
ce  prince j  il  existe  dans  le  cabinet 
de  M.  Knobelsdorffà  Berlin.  Mithri- 
date III  mourut  après  un  règne  de 
trente-six  ans ,  à  une  époque  qu'on 
ne  peut  déterminer  avec  certitude. 
Son  fils  ,  Ariobarzane  II ,  fut  son  suc- 
cesseur. —  Mithridate  IV,  fils  d'A- 
riobarzane II,   était  jeune  lorsqu'il 
monta  sur  le  trône:  les  Galates  voulu- 
rent profiter   de  cette  circonstance 
pour  lui  enlever  son  royaume;  mais  les 
secours  que  les  Grecs  d'Heraclée  lui 
fournirent,  le  mirent  en  état  de  les 
repousser.   Voilà  tout  ce  qu'on  sa- 
vait de  Mithridate  IV;  la  version 
arménienne  de  la  chronique  d'Eu-* 
sèbe  ,  récemment  découverte  ,  nous 
apprend  que  ce  prince  fut  obligé  de 
soutenir  une  guerre  contre  Seleucus 
Caliinicus  ,  roi  de  Syrie  :  le  prince 
sélcucide  fut  entièrement  défait  par 
Mithridate  ;    il  perdit  vingt  mille 
hommes  dans  la  bataille,  et  n'osa  plus 
rien  entreprendre  contre  le  roi  de 
Pont ,  qui,  selon  le  même  historien  , 
épousa  une  fille  d'Autiochus  le  Dieu  , 
par  conséquent  sœur  de  Caliinicus. 
Ce  fait  est  confirmé  par  Justin  ,  qui 
rapporte  un  des  discours  que  Tro- 
gne-Pompée  prêtait  à  Mithridate  le 
Grand,  et  dans  lequel  il  faisait  dire  à 
ce  prince  que  la  Cappadoce  avait  été 


MIT 

donnée  en  dot  à  l'un  île  ses  ancêtres  , 
parCallinicus:  Gentem  quant  et  pro- 
avo  suo  Mithridati  Seleucus  Çalli- 
nicas  in  dolem  dedisset.  Ce  passage 
un  peu  obscur  de  Justin  ,  est  expli- 
qué par  l'Eusèbe  arménien  ;  il  en 
résulte   que  le  roi  de  Syrie,  défait 
par  Mitliridate ,  lui  donna  sa  sœur, 
et  quelques  provinces  pour  en  obte- 
nir la  paix.  Le  reste  de  l'histoire  de 
ce  roi  de  Pont  nous  est  inconnu.  — 
Son  fils  Mituridatk  V  lui  succéda. 
Nous  ne  connaissons  de  ce  prince 
que  sa  guerre  contre  les  habitants 
de  Sinope  ;  il  s'empara  de  toutes  les 
autres  villes  grecques  de  la  Paphla- 
gonie  ;  mais  celk-t  i ,  défendue  par  sa 
position  avantageuse ,  lui  résista  vi- 
goureusement avec  le  secours  des 
Rhediens.  Mitliridate  ,  perdant  tout 
espoir  de  la  soumettre,  (ît  un  traite 
de  paix  avec  les  habitants  cl  avec 
les  Rhodiens  ,  auxquels   il  envoya 
par   la   suite   de    grandes    sommes 
d'argent    pour    réparer    les    dom- 
s  qu'un  tremblement  de  terre 
avait  causes  dans  leur  ville-  Mitliri- 
date V  maria  sa  fille  Laodice  à  Au- 
tiochus  le  Grand,  roi  de  Syrie.   Il 
eut  pour  successeur  son  filsPharnace, 
dont  le  règne  commença  vers  l'an  18  j 
avant  J.-C.  —  Mithridati:  \  1  ,  sur- 
né  Evergète ,  fils  et  successeur 
dePharnaceIer. ,  monta  sur  le  trône 
de  Pont,  vers  fan  i5^  avant  J.-C. 
Il  se  mon'  nt  allie  des 

tins:  pendant  la  troisième  guerre 
punique,  il  leur  envoya  nue  Hotte  et 
tuxiliaires  ;  à  la 
■que  il  lit,  dans  la  Cappa- 
ision  dont  nous  igno- 
résultat    La  guerre 

rès  la  mon  d'At- 
"i  de  Pergame  ,  Mi- 
tliridate fut  le  i  les  rois 
montrer  son  at- 
tachemest  aux  Romains  contre  Aris- 


MIT  i5i 

tonicus,    fils  naturel  d'Atlale.   Les 
défaites  que  les  Romains  éprow  ; 
ne  purent  le  détacher  de  leur  alliance; 
il  en  fut  récompensé  après 
parla  cession  de  la  grande  Phr 
qui  lui  fut  faite  par   le  proconsul 
Manius    Aquilius  ,  ]:.■  une 

somme  d'argent.  Après  un  i 
long  et  paisible,  Mitliridate  Yl  fut 
assassiné  par  un  de  ses  favoris  ,  vers 
l'an  lïo  avant  J.-C.  Il  laissa  deux 
fils ,  dont  l'aîné ,  nommé  aussi  Mi- 
thriclale  ,  peut  être  regarde'  comme 
un  des  plus  grands  monarques  dont 
l'histoire  fasse  mention.  S.  M — n. 

MITHR1DATE  VII,  surnommé 
Eupator  et  Dionysus  ou  Bac, 
le  plus  grand  et  le  plns  célèbre 
princes  qui  se  sont  illustres  par  leur 
naine  contre  les  Romains  ,  naquit 
vers  l'an  i35  avant  J.-C,  et  hé- 
rita du  royaume  de  Pont ,  a  l'âge  de 
douze  ou  treize  ans.  11  est  difficile 
de  déterminer  avec  précision  l'épo- 
que de  son  avènement  au  trône;  tout 
ce  qu'il  y  a  de  certain  à  cet  égard, 
c'est  que  son  père  Mitliridate  Ever- 
gètes  ,  régnait  encore  en  l'an  i^4 
avant  J.-C.  Evergètes  ,  en  mou- 
rant, avait  laissé  l'administration  du 
royaume  et  la  tutelle  de  son  fils  eut  re 
les  mains  de  sa  femme.  Les  circons- 

difficiles  dans  lesquelles 
thridate  se  trouva  pendant  les  pre- 
mières années  de  son  i  outri- 
buèrent  puissamun  lopper 
en  lui  cet  égoïsme  politique  qui  lit, 
dans  presque  tous  les  temps  ',  le  fond 
re  des  princes  de  l'Orient , 
mais  qui  était  tout  chez  lui.  I 
rent  pour  toute  autre  chose  q 
soin  de  sa  grandeur  el  l'augmenl 
de  son  pouvoir  ,  les  liens  du  - 
de  l'amitié  étaient  nuls  chez,  lui,  du 
moment  qu'il  avait  !  pour 

ilement  en  butfe.auxiiUi 


)1 


MIT 


aux  complots,  aux  conspirations, 
que  tout  ce  qui  l'environnait  était 
l'objet  de  ses  soupçons.  Se  croyant 
sans  cesse  expose  au  poison  ,  il  étu- 
dia l'histoire  naturelle  des  plantes , 
pour  connaître  les  plus  vénéneuses , 
et  pour  trouver  les  moyens  de  se 
mettre  à  l'abri  de  leurs  atteintes.  Il 
eu  fit  sagement  usage ,  et  parvint  , 
dit-on  ,  à  se  familiariser  avec  elles  , 
au  point  qu'il  n'eut  plus  rien  à  en  re- 
douter. Un  ouvrage  compose'  par  le 
roi  de  Pont ,  et  qui  fut  traduit ,  en 
latin  ,  par  l'ordre  de  Pompée  ,  était 
la  preuve,  sinon  des  succès,  au  moins 
des  recherches  et  du  savoir  de  ce 
monarque  dans  cette  branche  des 
connaissances  naturelles.  Toutes  ces 
précautions  sont  pour  nous  l'indice 
certain  des  orages  qui  agitaient  la 
cour  de  Mithridate  pendant  les  pre- 
mières années  de  son  règne.  L'a- 
mour du  pouvoir  devança  en  lui 
le  progrès  des  ans  :  quoique  bien 
jeune  lorsqu'il  perdit  son  père  ,  il 
paraît  que  dès-lors  il  voulut  régner 
par  lui-même.  Sa  mère  gouvernait  ; 
sa  mère  fut  donc  sa  première  victi- 
me: Il  n'eut  plus  à  redouter  que  les 
complots  des  officiers  de  sa  cour  ; 
effrayés  d'avoir  un  maître  qui ,  si 
jeune,  se  montrait  déjà  si  terrible, 
ils  tentèrent  plusieurs  fois  de  le  faire 
périr  :  tous  leurs  projets  furent  dé- 
joués. Pendant  quatre  ans  Mithridate 
fut  toujours  hors  de  son  palais  ,  oc- 
cupé de  chasse  et  d'exercices  vio- 
lents. Il  y  acquit  une  vigueur  et  une 
force  de  cor|)s  extraordinaires  ,  qui 
le  rendirent  capable  de  supporter  les 
plus  grandes  fatigues.  Bientôt ,  cu- 
rieux de  connaître,  par  lui-même,  la 
situation  et  les  forces  des  royaumes 
qui  environnaient  ses  états  ,  il  laisse 
le  gouvernement  entre  les  mains  de 
Laodice  ,  qui  était  sa  femme  et  sa 
sœur  ;  puis,  suivi  de  quel  «pies  amis  , 


MIT 

i!  parcourt  inconnu  les  pays  étran- 
gers, afin  de  pouvoir  un  jour  les  sou- 
mettre plus  facilement.  Sou  absence 
fut  si  longue  ,  et  ses  courses  si  mys- 
térieuses ,  qu'on  le  crut  mort.  Lao- 
dice ,  qui  avait  eu  la  faiblesse  de  cé- 
der à  l'amour  d'un  des  principaux 


du  roy 


aume  ,  eut  l'imprudence  d'a- 
jouter foi  à  ce  bruit.  Mais  Mithri- 
date  reparaît  au  moment  où  on  l'at- 
tendait le  moins;  et  bientôt  la  mort 
de  Laodice  est  suivie  du  supplice  de 
tous  ceux  qui  avaient  pris  part  à  son 
crime.  Le  roi  de  Pont  ne  tarda  pas  de 
mettre  à  exécution  ses  projets  ambi- 
tieux •  ce  fut  contre  les  Scythes,  qui 
habitaient  au  nord  du  Pont-Euxin  , 
qu'il  tourna  ses  armes.  Ces  barbares 
menaçaient  d'envahir  le  royaume 
grec  du  Bosphore  -  Cimmcrien  ,  et 
de  se  rendre  maîtres  des  cites  mile- 
siennes,  situées  dans  le  voisinage.  Mi- 
thridate offre  ses  secours  à  Périsa- 
dès  ,  qui  régnait  alors  dans  le  Bos- 
phore ;  et  ses  armées  passent  sur  les 
rives  septentrionales  du  Pont-Euxin. 
La  ville ùc  Chersonesus,  pressée  par 
les  Scythes  ,  fait  le  sacrifice  de  sa  li- 
berté; elle  reconnaît  le  roi  de  Pont 
pour  souverain ,  et  ouvre  ses  portes 
à  son  armée.  Scilurus ,  et  son  fils 
Palacus,  roi  des  Scythes,  sont  vain- 
cus par  Mithridate ,  et  repoussés  jus- 
qu'aux rives  du  Borysthènes  :  les 
exploits  de  son  allié  ne  rassurèrent 
pas  le  roi  du  Bosphore  ,  sur  les 
craintes  que  les  Scythes  lui  inspi- 
raient; soit  manque  de  forces  ,  soit 
défaut  de  courage,  il  céda  volon- 
tairement ses  états  au  roi  de  Pont. 
Cette  acquisition  importante  aug- 
menta considérablement  les  forces 
de  Mithridate.  Le  royaume  du  Bos- 
phore ,  rempli  de  villes  florissantes , 
possédaitde  grandes  richesses,  fruits 
du  commerce  perpétuel  que  les  villes 
milésiennes  faisaient  avec  les  Grec* 


MIT  • 

et  les  régions  scythiques.  b.a  posses- 
sion seule  du  Bosphore  procura  de 
grands  trésors  à  Mithridate  ;  mais  , 
de  plus ,  elle  lui  donna  les  moyens 
d'attirer,  à  son   service,  de  nom- 
breuses troupes  de  ces  Scythes  qu'il 
avait  vaincus,  et  que  ses  largesses  et 
l'appât  des  richesses  qu'ils  pouvaient 
acquérir  en  Asie ,  décidèrent  facile- 
ment à  marcher  sous  ses 
Tous  ces  événements  durent  arriver 
vers  l'an  1 18  avant  J.-G.  Mithri- 
date  n'avait  encore-que  dix-huit  ans. 
Bientôt,  deconcert  avecJNicomèdc  1 1, 
roi  de  Bithynie  ,  il  entra  dans  la  Pa- 
phlaganie  ,  qui  venait  d'être  i 
re'e  libre  par  le  sénat  romain.  11  s'en 
rend  maître ,  et  la  partage  avec  son 
allié.  Mithridate,  qui ,  ta  son  avène- 
ment au  trône  ,  avait  été  dépouillé 
de  la  grande  Phrygieque  l< 
avaient  donnée  à  son  père  ,    n'était 
pas  fâché  de  trouver   une  occasion 
de  se  dédommager  :  aussi  ne  daigna* 
t  -  il  pas  répondre  au  message  qi 
sénat  lui  fit  pour  qu'il  renonçât  à  sa 
conquête;  en  congédiant  l'envoyé,  il 
donna  ordre  à  ses  troupes  d'occuper 
la  Galatie.  La  Cappadoce  attira  bien- 
tôt son  attention;  son  allié  Nicomède 
prétendait  avoir  des  droits  sur  ce 
et  YOulait  les  faire  valoir  en 
ant  A  riai  a!  lu-  Vil  ,  qui  en  était 
souverain.  Ce  projet  n'entrait  pas  dans 
Des  de  JVlilhridate,  qui  convoi- 
tait aussi  ce  royaume  ,  et  qui  ,  d'ail- 
leurs ,  ne  se  souciait  point  d'avoir 
usin  aussi  puissant  que  l'aurait 
LCOmède  ,  en  joignant  la  Cappa- 
doce a  la  Bithynie.  Ariarathe,  d 'ail- 
leurs .  était  beau-frère  de  Mithridate  : 
celui-ci  feignit  doue  de  prendre  son 
parti  ,   et  entra  dans   la   Cappadoce 
pour  en  repousser  Nicomède  ;  mais 
bientôt  Ai  !  .iik1  par 

un  seigneur  nommé  Gordiui,  secrè- 
tement dévoué  au  roi  de  l'ont. 


rathe  laissait  d( 

fit  aussitôt  proclamer  roi  l'aîné 
il  chassa  de  la  Cappadoce  les  tn  i 
bithyniennes.  Pendant  la  minoriti 
ce  prince ,  sa  mère  Laodice  fut  char- 
gée du  gouvernement:  connais 
mieux  que  personne  le  caractère  et 
les  véritables  intentions  de  son  frère , 
elle  chercha  les  moyens  de  défendre 
son  fils  contre  l'ambition  du  roi  de 
Pont ,  et  ne  crut  pas  en  trouver  un 
plus  efficace ,  que  de  donner  sa  main 
au  roi  de  Bithynie  ,  qui  naguère  vou- 
lait s'emparer  de  la  Cappadoce;  elle 
comptait  plus  sur  la  générosité  de 
cet  ennemi  ,  que  sur  la  justice  et 
l'affection  de  son  frère.  Sous  pré- 
texte de  protéger  son  neveu  contre 
l'ambition  de  INicomi  de  ,  Mithridate 
rentre  en  Cappadoce ,  et  y  fait  recon- 
naître Ariarathe  VIII ,  comme  seul 
légitime  roi.   Cette  générosité  ne  fut 
pas  long-temps  sans  se  démentir: 
quand  Ariarathe  eut  été  rétabli  sur 
sou  trône,  il  demanda  le  rappel  de 
Gordius  ;    le  prince    cappadocien , 
surpris  que  son  oncle  s'intéressât  à 
l'assassin  de  son  père  ,  conçut  des 
soupçons  contre  lui ,  et  refusa  d'ac- 
quiescer à  ses  désirs:  ce  refus  amena 
une  rupture  entre  les  deux  rois.  Mi- 
thridate se  met  aussitôt  à  la  tête  de 
plus  de  quatre-vingt  mille  hommes  , 
croyant   surprendre  la    Cappadoce 
sans  défense:  il  sel  rompait;  Aria  rat  ho 
était  en  mesure  de  le  repousser,  et 
il  parut  sur  les  frontières  de  seseftats 
avec  des  forces  non  moins  considé- 
rables. Le  roi  de  Pont,  voyant  que  le 
succès  était  douteux  ,   eut  recours  à 
la  ruse  ,  et  lit  demander  une  entre!  ue 
pour    régler  à  l'amiable   leurs    dif- 
férends.  Ariarathe  eut   la    fa 
de  consentir  à  cette  demande  : 
victime  de  SOH  imprudence.  M 
date  h-  poignarda  en  pi   • 
deux  ai  mées  l  l'an  107  ai 


iu 


MÎT 


L'armée  cappadocicnne  ,  frappée  de 
terreur  par  un  tel  crime  ,  se  dis- 
persa sans  combattre  ;  et  l'usurpa- 
teur se  rendit  maître  du  royaume 
sans  coup  férir.  Mithridate  fut  à 
e  en  possession  de  la  Câppa- 
docc  ,  qu'il  se  hâta  d'y  faire  déclarer 
roi  un  de  ses  fils  âge  de  huit  ans.  Pour 
plaire  à  la  nation,  il  donna  à  ce  jeune 
prince  le  nom  d'Ariaratiie,  cher  aux 
Cappadociens  ;  et  il  confia  sa  tu- 
telle, ainsi  que  le  gouvernement  du 
royaume,  à  son  infâme  créature,  Gor- 
dius, assassin  d'Ariaralhe  VIL  Mi- 
thridate ne  jouit:  pas  long- temps  du 
fruit  de  son  crime;  le  gouvernement 
de  Gordius  et  de  ses  délègues  fut 
trouve' si  dur  par  les  Cappadociens, 
qu'une  révolte  éclata  bientôt  dans 
toutes  les  provinces ,  et  que  les  trou- 
pes de  Mithridate  furent  chassées  du 
royaume  en  moins  de  temps  qu'il  ne 
leur  en  avait  fallu  pour  en  faire  la 
conquête.  A  peine  délivrés  du  joug 
de  l'usurpateur ,  les  Cappadociens 
envoyèrent  chercher  le  frère  de  leur 
infortuné  roi,  qui,  jeune  encore, 
était  élevé  dans  l'Asie  proconsulaire, 
à  l'abri  des  atteintes  du  persécuteur 
de  sa  famille.  Il  céda  au  vœu  de  ses 
compatriotes  ,  et  vint  occuper  un 
trône  souillé  du  sang  de  son  père  et 
de  son  frère  ;  il  n'y  fut  pas  plus  heu- 
reux :  les  Cappadociens  avaient  bien 
pu  lui  rendre  sa  couronne,  mais  ils  ne 
purent  la  lui  conserver.  Mithridate, 
irrité  de  l'affront  qu'il  venait  d'éprou- 
ver, rassemble  une  nouvelle  armée  , 
rentre  dans  la  Gappadoce  ,  et  en 
chasse  Ariaralhe  IX  ,  qui ,  errant  et 
fugitif,  mourut  de  misère,  sans  avoir 
pu  obtenir  un  asile  dans  ses  propres 
états  ;  tant  était  grande  la  terreur 
qu'inspirait  le  nom  de  Mithridate. 
Le  fds  du  conquérant  fut  donc  re- 
placé sur  le  trône.  Nicomède,  mari 
tte  Laodice  7  mère  des  deux  derniers 


MIT 

Ariarathes  ,  et.  sœur  de  Mithridate, 
n'ayant  pu  empêcher ,  avec  ses  seules 
forces ,  les  conquêtes  du  roi  de  Pont , 
et  prévoyant  toutes  les  conséquences 
fâcheuses  qu'elles  pouvaient  avoir 
pour  la  sûreté  de  ses  états  ,  imagina, 
pour  chasser  Mithridate  de  la  Cap- 
padoce, de  produire  un  jeune  hom- 
me ,  qu'il  fit  passer  pour  un  troisiè- 
me fils  d'Ariaratiie  VIL  La  reine 
Laodice,  sa  femme,  donna  les  mains 
à  cette  supercherie  :  pour  la  rendre 
plus  efficace ,  il  résolut  d'intéres- 
ser les  Romains  dans  celle  affaire  , 
sentant  bien  que  sa  ruse  seule  ne 
prévaudrait  pas  contre  les  armes  de 
son  redoutable  voisin.  Laodice  se 
transporta  donc  à  Rome,  avec  son 
prétendu  fils  ,  pour  implorer  en 
sa  faveur  la  protection  du  sénat. 
Les  sénateurs  ne  crurent  pas  pou- 
voir refuser  de  replacer  sur  Je  tro- 
nc de  ses  pères ,  le  dernier  rejeton 
d'une  famille  toujours  dévouée  aux 
intérêts  delà  république.  Avant  que 
le  sénat  eût  songé  à  mettre  sa  pro- 
messe en  exécution  ,  Mithridate  , 
qui  avait  été  informé  de  toutes  ses 
manœuvres  ,  envoya  son  dévoué  „ 
Gordius,  avec  ordre  de  déclarer  que 
le  jeune  enfant  que  son  maître  avait 
proclamé  roi  était  le  véritable  fils 
d'Ariaratiie  VIL  Cette  déclaration 
rendit  les  deux  partis  également 
suspects  aux  Romains.  On  ordonna 
une  enquête,  qui  fit  connaître  tous  les 
détails  de  cette  traîne  scandaleuse, 
presque  aussi  honteuse  pour  les  uns 
que  pour  les  autres  ;  et  le  sénat  ren- 
dit un  décret  également  contraire 
aux  deux  parties.  Le  roi  de  Pont 
eut  ordre  d'abandonner  la  Cappa- 
doce, et  Nicomède  d'évacuer  la  por- 
tion de  la  Paphlagonie,  qu'il  avait 
usurpée.  Mithridate  ne  se  sentant  pas 
en  état  de  résister  à  un  décret  du  sé- 
nat, qui  pouvait  lui  attirer  une  guerre 


MIT 

dont  toutes  les  chances  étaient  contre 
lui,  s'il  tentait  de  résister,  prit  le 
parti  d'obtempérer.  Ses  troupes  sor- 
tit eut  donc  de  la  Cappadoee  ;  et  il 
ajourna  ses  projets  sur  ce  pays  ,  jus- 
qu'à des  circonstances  plus  favora- 
bles. L'ordre  du  sénat  Romain,  qui 
chassait  Mithridatede  la  Cappadoee, 
déclarait  les  Cappadociçns  libres. 
Cette  dernière  disposition  ne  plut  pas 
à  ce  peuple  ,  qui  se  hâta  d'envoyer 
une  ambassade  pour  remontrer  au 
sénat,  qu'accoutume  à  vivre  depuis 
long  -  temps  sous  le  gouvernement 
monarchique,  il  lui  était  impossible 
de  se  passer  d'un  roi.  Cette  réclama- 
tion parut  un  peu  singulière  aux  sé- 
nateurs romains,  qui  cependant  per- 
mirent aux  Cappadociens  de  pren- 
dre parmi  eux  un  so  e  leur 
choix.  Ceci  ai n  a  99 avant 
J.-C.  Les  agents  et  l<  ms  du 
roi  de  Pont  intriguèrent  pour  faire 
élire  Gordius:  le  parti  romain  fut  le 
plus  fort  ;  le  cappadocien  Ariobar- 
zane  ,  fut  déclare  roi  ,  et  bientôt 
.me  par  le  sénat.  Comme  Mi- 
thridate  avait  envoyé  quelques  trou- 
pes pour  appuyer  Gordius,  Sylla, 
qui  était  alors  en  Asie  ,  avec  une 
mission  du                      ni  romain  , 

vsa  de  la  Cappa  its  du 

Pont ,   ainsi   que    les   partisans   de 
Gordius,  et  fit  reconnaître  Ai 

bandonner  encore  une  fois  la  Cap- 
Mithridate  ne  renonç 

rentrer  un 
jour,  et  d'vn  rester  le  maître.  Le 
nt    romain 
montrait  ;  r  un  princ 

ticuli 

itenir 
toul  le  poi  1    ntre  la 

république.  !  .   p  iné- 


MIT 


i55 


gale  ;  le  Pont  n'était  pas  le  plus  ; 
sant  des  royaumes  de  l'A;  ie-Mineure: 
le  géni  son  souverain    pou- 

vait lui  faire  tenir  une  pla<  e  hoi 
Lie  dans  le  système  politique 
pays;  la  possession  du  Bosphore, 
qu'il  fallait  défendre  contre  les  incur- 
sions des  Scythes,  n'ajoutait  pas  à  sa 
puissance  militaire.  Cependant  ce 
prince  avait  une  trop  grande  envie 
de  combattre  les  Romains ,  et  de  leur 
arracher  la  Cappadoee,  pour  ne  pas 
le  tenter  malgré  l'infériorité  de  ses 
forces.  Afin  de  se  procurer  ce  qui  lui 
manquait,  Mithridate  tourna  ses  re- 
garda vers  l'Orient ,  et  parvint  à  en- 
gager dans  sa  querelle  le  roi  d'Ar- 
ménie ,  son  beau-père.  Ce  prince, 
qui  prenait  le  titre  de  roi  des 

lors  le  monarque  de  tout  l'O- 
rient. Quelques  explications  n;' 
pas  inutiles  ici ,  pour  mettre  dans 
leur  véritable  jour  les  motifs  qui 
dirigèrent  Mithridate  pendant  !. 
te  de  sa  vie.  Les  rois  de  Perse,  suc- 
cesseurs de  Cyius  ,  se  regardaient 
comme  les  seuls  légitimes  monar- 
ques de  l'Asie.  Ils  la  possédaient 
au  même  titre  que  les  anciens  rois 
mèdes  et  assyriens.  Tous  les  autres 
rois  ,  princes  ou  dynastes  ,  étaient 
ou  devaie  :  5  f<  udal 

Les  titres  de  grand  roi,  de  roi   des 

de  maîtres  du  Monde,  distin- 
guaient ce  suprême  monarque;  él  , 

le  celui  d'empereur  dans  l'an- 
cienne diplomatie  européenne  ,  il 
n'appartenait  qu'au  prince  qui  ,  de 
droit  ou  de  l'ail  .  était  le  suzerain  de 

.  S'il  était  fort,  l'Asie  obéissait 
à  ses  lois;  quand  il  était  faible,  les 
princes  inférieurs  cherchaient 

:  e  indépendants,  et  ils  étaient 

5  des  rebelles,  j  qu'un 

d'entre  eux  fût  assez  beureux  pour 

autres  ,    détruit 
race  du  <brand  roi,  et  succéder  aiu*j, 


MIT 

•«  ses  droits.  La  chute  de  Darius  mit 
le  sceptre  de  l'Asie  entre  les  mains 
d'Alexandre;  il  passa  ensuite  aux  Sé- 
leucides.  Les  Arsacides  se  révoltèrent 

contre  eux;  et  quand  ils  furent  assez 
puissants  ,  ils  prirent  hautement  un 
titre  qui  ne  leur  fut   plus   conteste 
dès  que  l'accroissement  de  leur  domi- 
nation les  eut  mis  en  état  de  ne  plus 
rien  redouter  des  Séleucides.  Le  chef 
de  la  branche  aînée  des  Arsacides  , 
qui  régnait  sur  la  Perse  ,  portait  les 
titres  de  grand  roi ,  et  de  roi  des  rois  ; 
il  était  le  suzerain  de  l'Asie,  par  le 
droit  ou  par  le  fait.  Une  branche 
arsacide  s'était  établie  en  Arménie  ; 
un  de  ses  princes  acquit  assez  de 
puissance  pour  oser  prendre  le  titre 
suprême.  La  victoire  couronna  son 
audace;  et  le  prince  des  Arsacides 
de  Perse,  fut  oblige  de  reconnaître 
sa  suprématie.  Le  premier  Arsacide 
d'Arménie  ,  qui  fut  roi  des  rois  ,  est 
appelé  Ardasehès  par  Moise  de  Kho- 
reu  ;    et   il    vivait   dans    le    temps 
que  Mithridate  régnait  sur  le  Pont. 
En  rapprochant  les  faits  rappoités 
par  les  auteurs  arméniens  ,  de  ceux 
qu'on  trouve  dans  les  anciens  ,  on 
acquiert  la   certitude   que   cet   Ar- 
daschès est  le  même  qu'un  premier 
ïigrane,  père  du  célèbre  Tigrane, 
lequel  fut  aussi  roi  des  rois.  Si,  com- 
me on  n'en  peut  douter,  un  prince 
aussi  puissant  que  le  roi  de  fer  se , 
reconnaissait  la  suzeraineté' de  celui 
d'Arménie,  il  devait  en  être  de  mê- 
me à  plus  forte  raison  du  roi  de  Pont, 
dont  les  états  héréditaires  étaient  si 
peu  de   chose  en   comparaison  de 
l'Arménie.  Cette  remarque  explique- 
ra d'une  manière  claire  et  naturelle 
un  grand  nombre  de  circonstances 
de  la  vie  de  Mithridate,  fort  diffici- 
les à  comprendre  sans  cela  :  nous  ne 
manquerons    pas    de    les    signaler. 
Avant  les  Arsacides,  les  rois  Grecs 


MIT 

delà  race  des  Séleucides  avaient  été 
les  souverains   de  l'Asie  ;  et,  à  ce 
titre  ,  tous  les  princes  de  l'Asie-Mi- 
neure  leur  étaient  subordonnés,  le 
roi  de  Pont  comme  les  autres.  Lors- 
qu'Antiochus-le-Grand  eut  été  vain- 
cu par    les  Romains,   et    contraint 
d'abandonner  toutes  les  régions  en 
deçà  du  Taurus  ,  la  situation  politi- 
que de  ces  princes  changea;  l  allian- 
ce de  la  république  les  affranchit  de 
toute  dépendance  à  l'égard  des  Sé- 
leucides ou  des  princes  qui  leur  suc- 
cédèrent dans  l'empire  de  l'Asie.  Les 
rois  de  Pont,  souvent  alliés  des  Ro- 
mains,  étaient  donc  réellement  in- 
dépendants du  grand  roi.  Telle  était 
la  situation  politique  de  Mithridate, 
lorsqu'il    cherchait  à  s'emparer  de 
la  Ctppadoee,    employant  tour-à- 
tour  les  armes  ou  les  intrigues  ,  pour 
en  obtenir  la  possession.  Il  s'adressa 
donc  à  Tigrane  Ier. ,  roi  d'Arménie, 
et  contracta  une   alliance  avec  lui. 
Gordius  fut  chargé  de  cette  négocia- 
tion ,  qui  fut  aisément  conclue  ;  les 
armées  de  Tigrane  entrèrent  aussitôt 
dans  la  Gappadoce ,  qui  fut  conquise 
sans  combat;  Ariobarzane abandonna 
son  royaume ,  cl  s'enfuit  à  Rome.  Ce- 
ci dut  arriver  vers  Tan  97  av.  J.-G. 
Tigrane ,  maître  de  la  Cappadoce  , 
la  donna  aussitôt  au  fils  de  Mithri- 
date. Nous  pensons  que  c'est  après 
cette  conquête  que  le  roi  de  Pont 
réunit  à  ses  états  les  pays  situés  à 
l'Orient  de  Trcbizonde,  qui  apparte- 
naient à  un  prince  appelé  Antipater, 
filsdeSisis,  lequel  les  lui  céda  volon- 
tairernenuDans  le  même  temps,  il 
porta  ses  armes  dans  la  Colchide  y 
soumit  toutes  les  régions  arrosées  par 
le  Phase ,  et   pénétra  au  -  delà  du 
Mont-Caucase,   où   il   subjugua  un 
grand  nombre  de  nations  scythiques. 
Ces  expéditions  augmentèrent  consi  • 
dérablement  ses   forces  ;  de  sorte 


MIT 


MIT 


'7 


«SI 


q.i  i!    put    se  flatter   d'être  en   éfat 
de  lutter  désormais  avec  avantag 
contre   les    Romains.    Non    content 
néanmoins  de  cet  ac<  eflt  de 

puissance  ,  il  renouvela  et  iî  resser- 
ra son  alliance  avec  le  roi  d'Armé- 
nie :  les  conditions  en  étaient ,  que 
th ridât e  posséderait  tous  les  pays  et 
toutes   les  vil' es    conquises,    tandis 
que  les  prisonniers  et  le  butin  appar- 
ti<  odraient  à  Tigrane.  Les  auteurs  ar- 
méniens confirment  la  vérité  de  ce 
récit  ,   en   nous  disant  que  diverses 
statues  de  Scyllis  et  de  Dipène  de 
Crète,  célèbres  statuaires  grecs   fu- 
rent déposées  dans  les  citadelles  <Y Ai  i 
et  d'Armavir  ,  où,  plusieurs  siècles 
après,  elles  attestaient  encore  la  part 
glorieuse  que  les  Arméniens  avaient 
prise  aux  conquêtes  de  Mithridate. 
Ce  prince  put  désormais  étendre  au 
loin  ses  vues  ambitieuses.  Quelques 
années  avant  cette  époque ,  était 
le  roi  de  Bithynie,  Nicomède-Épi- 
pbanes;  son  fils,  du  même  nom,  sur- 
nommé Philopator,  1  ;i  avait  succé- 
dé, et  il  était,  comme  lui,  allié  des 
Romains.  Le  roi  de  Pont  résolut  de 
l'attaquer  :  ses  années  entrèrent  pres- 
qu' aussitôt  dans  son  royaume,  et  pla- 
cèrent sur  le  trône  son  frère  Socra- 
tes,  tandis  qu'il  allait,  comme  Ario- 
barzane, à  Rome,  pour  y  implorer 
l'assistance  du  sénat;  ceci  dut  arri- 
ver en  l'an  (>>  avant  J.-C.  A  la  con- 
quête de  la  Bithynie,  Mithridate  joi- 
bientôt celle  de  la  Phr)  gie,  et  fut, 
pour  quelques  instants,  le  maître  de 
f  dsie-Mineure.  Les  Romains  cepen- 
dant résolurent  de  rétablir  Nicomède 
i  :   ariobarzane  dans  leurs  états.  Mal- 
I  ilius  furent  char- 

lithridate  les 
Longi- 
bus,   qui  ,    Pergame 

avec  un  petit  corpa  de  troupes,  eut 
ordre  de  se  joiudre  à   eux,   i 


réunir  à  son  armée  des  troupes 
tes  et  phrygiennes.  Le  roi  de  Pont 
ne  fit  aucune  résistance;  il  se  con- 
tenta de  dévaster  la  Cappadoce  et  la 
Phrygie,et  il  rentra  dans  ses  < 
Nicomède  et  Ariobarzane  furent  donc 
presque  sans  aucune  peine  rétablis 
sur  leur  trône.  Ceci  arriva  en  l'an 
91).  La   résolution   que    prit   alors 
Mithridate  ,  est  tout-à-fait  inexpli- 
cable de  la  manière  dont  la  chose  est 
ntée  dans  les  historiens  ordi- 
nales :  on  en  jugera  différemment 
après  ce  que  nous  allons  dire.  La 
chronologie  arménienne    nous    ap- 
prend que  le  roi  d'Arménie,  Tigra- 
ne   1er.  ,   mourut  en  l'an  Qi  ;    que 
des  dissensions  s'etant  élevées  dans 
sou  armée ,  cantonnée  dans  l'Asie- 
Mineure  ,  il  fut  assassiné  par  un  de 
ses  généraux.  La  retraite  des  trou- 
pes arméniennes  fut  sans  doute  la 
conséquence  de  la  mort  de  leur  roi , 
dont  le  successeur  ,   qui  est  le  cé- 
lèbre Tigrane,  encore  mal  affermi 
sur  son  trône,  ne  put  alors  fournir 
aucun  secours  au  roi  de  Pont.  On 
conçoit  par-là  pourquoi   ce  dernier 
abandonna  si  facilement  la  Cappa- 
doce et  la  Bithynie  aux  Romains. 
Ces  faciles  succès  donnent  de  l'auda- 
ce4 aux  généraux  romains  ;  ils  exhor- 
t<  nt  Ariobarzane  et  Nicomède  à  at- 
taquer le  roi  de  Pont,  leur  promet- 
tant de  les   soutenir;  Ariobarzane, 
qui  connaissait  à  quel  ennemi  il  au- 
rait à  faire  ,  résista  aux  instigations 
de  Cassius,  et  se  garda  bien  de  donner 
aucun  sujet  de  plainte  à  Mithridate. 
Nicomède  fut  moins  prudent  :  ce- 
pendant il  hésita   long-temps;  mais 
à  la  fin,  décidé  par  les  largesses  el 
les   secours   des    gouverneur! 
mains,    il     fit   une    irruption    dans 
la   partie  de  la  Paphlagonie  qui  ap- 
partenait à   Mithridate;  et  il    porta* 
ges   jusque 


i58  MIT 

d'Amastris.  Le  roi  de  Pont  aurait 
bien  pi  repousser  un  si  faible  ennemi; 
mais  n'étant  pas  alors  en  mesure  de 
se  eo  in  mettre  arec  la  république,  et 
voulant  que  tous  Jes  torts  fussent  du 
côte  de  son  adversaire,  il  défendit 
à  ses  généraux!  de  repousser  celte 
agression.  Pelopidas  fut  chargé  d'al- 
ler se  plaindre  de  sa  part  auprès 
des  commandants  romains,  disant 
que,  non  content  de  lui  enlever  la 
Cappadocc  ,  sur  laquelle  il  avait 
des  droits  qu'il  tenait  de  ses  ancê- 
tres ,  et  de  lui  ravir  la  Phrygie  , 
qui  était  le  prix  des  services  que  son 
père  avait  rendus  à  la  république  en 
combattant  Aristonicus,  on  permet- 
tait encore  à  Nicomède ,  de  venir 
ravager  ses  étals  héréditaires,  et  de 
couvrir  l'Euxin  de  ses  pirates.  Il  de- 
mandait ou  qu'on  lui  fît  justice  du 
roi  de  Bithynie  ,  ou  qu'on  lui  fournît 
des  troupes  pour  qu'il  le  punît  lui- 
même.  Les  ambassadeurs  de  Nico- 
mède répliquèrent  que  Mitliridale 
était  le  premier  agresseur;  bien  plus, 
qu'il  s'était  déclaré  l'ennemi  de  la 
république,  eu  attaquant  un  roi  ami 
et  allié  des  Romains,  et  qui  avait 
été  placé  sur  le  trône  par  la  faveur 
du  sénat  :  «  Ce  n'est  pas  assez,  dirent- 
»  ils ,  que,  méprisant  vos  décrets  qui 
»  interdisent  aux  fois  de  l'Asie,  l'en- 
»  trée  de  l'Europe,  il  ait  réuni  à  ses 
»  éiats,  la  plus  grande  partie  de  la 
»  Cbersonnèse  Taurique;  ses  émis- 
»  saires  vont  lever  des  troupes  chez 
»  les  Scythes ,  et  jusques  chez  les 
»  Thraces;  il  contracte  une  alliance 
»  avec  le  roi  d'Arménie;  il  excite  à 
»  la  guerre  ceux  d'Egypte  et  de  Sy~ 
»  rie.  11  couvre  la  mer  de  ses  vais- 
»  seaux:  trois  cents  sont  déjà  dans 
»  ses  ports;  il  en  fait  construire  une 
»  multitude  d'autres;  des  pilotes, 
»  des  matelots  lui  arrivent  de  l'É- 
»  gypte  et  de  la  Pliéuicie.  C'est  cou- 


M1T 

»  Ire  vous,  Romains,  qu'il  dirige  ses 
»  immenses  préparatifs  ;  halez-vous- 
.  »  donc  de  le  prévenir,  et  d'écraser 
»  un  adversaire  qui  n'est  pas  moins 
»  votre  ennemi  que  le  nôtre.  »  Péio- 
pidas,  sans  même  daigner  répondre 
à  ces  allégations,  répondit  que  le  roi 
soumettait  volontiers  au  jugement  du 
sénat,  ses  anciennes  querelles  avec  Ni- 
comède; mais  qu'à  l'égard  des  griefs 
actuels,  il  avait  trop  bonne  opinion 
de  la  justice  des  Romains,  pour  ne 
pas  croire  qu'ils  le  vengeraient  de 
son  ennemi,  soit  en  le  châtiant  eux- 
mêmes,  soit  en  lui  fournissant  des 
secours  pour  l'aider  à  le  punir,  ou 
qu'aumoinsils  garderaient  uneexacte 
neutralité,  etuel'empêcheraient  point 
de  se  faire  justice.  La  politique  ro- 
maine fut  dupe  cette  fois  de  l'adresse 
du  roi  de  Pont:  certes,  ce  n'était  pas 
l'envie  qui  manquait  aux  gouverneurs 
romains  ,  pour  attaquer  Milhridale; 
mais   la   conduite  de  ce  rusé  mo- 
narque avait  été  tellement  circons- 
pecte,   qu'ils  n'osèrent  se  déclarer 
ouvertement  contre  lui  :  ils  se  conten- 
tèrent d'ordonner  aux  deux  rois  de 
s'abstenir  de  tout  acte  d'hostilité.  C'é- 
tait-la  tout  ce  que  voulait  Milhridate. 
Il  prévoyait  bien  que  les  Romains  ne 
seraient  pas  long-temps  dupes  de  .ca 
feinte    modération  ;   il    connaissait 
d'ailleurs  leurs  véritables  intentions  : 
il  savait  que ,  comme  lui ,  ils  n'atten- 
daient qu'un  instant  favorable  pour 
commencer  les  hostilités;  et  il  voyait 
que  le   moment   était  venu  ,   où  il 
fallait,  pour  mettre  à  exécution  ses 
projets  d'agrandissement,  se  décider 
à  soutenir  une  guerre  sérieuse  avec  la 
république. Gomme  l'alliance  du  roi 
d'Arménie,  à  peine  établi  sur  le  trône, 
et  occupé    d'une  guerre  contre  les 
Parthes,  ne  pouvait  pas  lui  être  d'une 
grande  utilité ,  quoiqu'il  en  eût  ré- 
cemment resserre  les  nœuds  en  don- 


MIT 

nant  a  Tigrane  sa  fille  Gléopatre  , 
il  se  trouvait  alors  réduit  presqu'à 
ses  seules  forces;  il  appelle  donc  la 
ruse  à  son  secours  :  pendant  qu'il 
amusait  les  Romains,  il  s'assure  se- 
crètement des  Gaulois  de  l'Asie;  ses 
émissaires  p  ireourent  la  Scythie,  et 
bientôt  des  troupes  innombrables  de 
Gimmëriens,  de  Sa  r  ma  tes  ,  de  }3as- 
tarnes  ,  et  une  multitude  d'autres 
barbares,  passent  la  mer  ou  fran- 
chissent les  défiles  Caucasiens  pour 
combattre  sous  ses  ordres.  Plus  de 
3oo,ooo  hommes  sont  réunis  sous 
ses  drapeaux  ;  il  a  4oo  vaisseaux 
prêts  à  le  seconder  :  il  ne  s'agit 
donc  plus  de  dissimuler  ;  ses  for- 
ces immenses  lui  promettent  des 
victoires  certaines  ,  qui  doivent  lui 
fournir  de  nouvelles  forces,  gage  as- 
suré de  nouveaux  succès.  11  jette 
enfin  le  masque  :  sou  fils  Ariarathe 
entre  aussitôt  en  Ga]  et   en 

chasse  Âriobarzane,  qui  se  lia  te  de 
fuir;  et  Pélopidas  va  encore*  une 
fois  signifier  aux  gouverneurs  ro- 
mains, les  plaintes  de  son  m 
mais  cette  fois  d'un  ton  si  menaçant 
que  ce  fut  plutôt  une  déclaration  de 
guerre  qu'une  ambassade.  «  Mithri- 
»  date,  disait-il,  a  souffert  patiem- 
»  ment  qu'on  lui  ravît  la  Phrygie  et 
»  la  Gapppadoce;  il  s'est  plaint  de 

omède;  vous  avez  me'pri 
»  plaintes  :  c'est  en  vain  qu'il  a  invo- 
»  que  l'alliance  et  l'amitié  que  nous 

!Z  jurée   avec   lui.    Aux   forces 
»  qu'il  a  tirées  de  ses  états  hérédilai- 

,  il  a  joint  cell 
qu'il  a  re'ui 

:i  habitent 

»  la  Golchide,  1  luPont,  les 

irent  ,   ont 

»  j'>i"t  lein  s  ;  les 

»  Scyl 

'  i us  les 


MIT  1 5^ 

»  Danube  ,  du  Tana'is  et  des  marais 
»  Mœotis  ,  sont  prêts  à  combattre 
»  pour  lui.  Tigrane  d'Arme'ni 
»  son  gendre  :  le  roi  des  Parthes  est 
»  son  ami  et  son  allié.  Tous  les  jours 
»  on  voit  augmenter  la  quantité  de 
»  ses  vaisseaux,  qui  est  déjà  innom- 
»  brable.  On  vous  a  dit  que  les  rois 

ypteet  de  Syrie  se  réunissaient 
»  à  bu;  n'en  doutez  pas  :  s'il  entre 
»  ci!  campa- tic,  i!  scia  secondé  par 
»  bien  d'autres  puissances  ;  l'Asie,  la 
»  Grèce,  l'Afrique,  victimes  de  vo- 
»  tre  insatiable  cupidité,  brûlent  de 
»  secouer  le  joug.  L'Italie  même, 
»  qui  soutient  contre  vous  en  ce  mo- 
»  ment  une  guerre  implacable,  lui 
»  fournira  de  nouveaux  auxiliaires. 
»  Pesez  toutes  ces  considérations. 
»  Pour  l'amour  de  Nicomède  et  d'A- 
»  riobarzane ,  n'armez  pas  contre 
»  vous  vos  alliés  naturels;  revenez 
»  à  de  meilleurs  conseils;  empêchez 
»  Nicomède  d'offenser  vos  amis,  et 
»  je  vous  promets  ,  au  nom  du  roi 
»  Mitliridate,  des  secours  pour  sou- 
»  mettre  l'Italie  révoltée:  sinon  c'est- 
»  à  Rome  que  nous  irons  terminer 
»  nos  différends.  »  Ces  insolentes 
protestations  d'amitié  durent  faire 
reconnaître  aux  gouverneurs  ro- 
mains, la  faute  énorme  qu'ils  avaient 
commise,  en  laissant  au  roi  de  Pont 
ips  de  devenir  aussi  formidable. 

position  était  d'autant  plus  cri- 
tique ,  (pie  la  guerre  sociale,  dont  l'I- 
talie était  embrasée  ,  ne  permettait 
pas  au  sénat  d'envoyer  de  grandes 
forces  dans  l'Asie.  La  fierté  romaine 

démentit   cependant  pas  dans 

dia  Pélopidas,  en  lui  ordonnant  de 
fier    à    Mithridafe   la    défense 

d'attaquer   Nicomède,  et  l'or  I 
tuerlaGappa 

Ainsi  la  guerre  fut  et  l'on 

se  disposa   de  ;  à  la 


i6o 


MIT 


soutenir  avec  vigueur.  Toutes  les 
troupes  dispersées  dans  l'Asie  Ro- 
maine, et  dans  les  royaumes  allies, 
furent  réunies.  Le  proconsul  Gassius, 
qui  avait  le  priori  pal  commandement, 
divisa  ses  forces  <  n  trois  corps  :  lui- 
même  se  posta  sur  les  frontières  de 
]a  Galatîe  et  de  la  Jïïthynic  ;  Ma- 
rins fut  chargé  de  défendre  contre 
Mithridate  l'entrée  de  la  liithynie, 
tandis  que  Q.  Oppius  devait  s'avan- 
cer par  les  montagnes  de  la  Cap- 
padoce.  Une  flotte  était  à  Byzam-.e, 
prête  à  agir;  et  Nicomède  s'était  réuni 
à  l'armée  romaine  ,  avec  5o,ouo 
hommes  d'infanterie,  et 6,000  che- 
vaux. Il  y  avait  long-temps  que  Mi- 
thridate était  réellement  en  guerre 
avec  la  république;  mais  c'est  vrai- 
ment de  cette  époque  (l'an  88  av.  J. 
Ci  ) ,  que  datent  ses  premières  hosti- 
lités contre  les  Romains.  Le  premier 
coup  fut  porté  par  Nicomède  :  brû- 
lant de  venger  ses  injures  particuliè- 
res, il  s'avança  vers  le  fleuve  Amnius, 
et  il  attaqua  Neoptolème  et  Arche- 
laiis,  qui  étaient  postés  sur  ce  point. 
La  victoire  fut  long-temps  disputée  ; 
mais  à  la  fin  elle  resta  aux  soldats  du 
Pont  ,  qui  firent  un  grand  carnage 
des  Bithyniens;  et  Nicomède  se  retira 
auprès  de  Gassius  avec  les  débris 
de  son  armée.  Un  butin  immense, 
le  camp  entier  de  Nicomède,  et  une 
multitude  de  prisonniers,  restèrent 
entre  les  mains  de  Mithridate,  qui 
traita  ses  captifs  avec  douceur,  et  les 
renvoya  chez  eux,  comblés  de  pré- 
sents. Partout  il  traita  ses  prison- 
niers asiatiques,  avec  la  même  bonté; 
ce  qui  contribua,  autant  que  la  terreur 
de  ses  armes  ,  à  accélérer  le  rapide 
cours  de  ses  conquêtes.  Après  cette 
victoire,  Neoptolème  et  Némanès,  à 
la  tête  d'un  corps  de  troupes  armé- 
niennes ,  se  portent  par  les  défilés 
des  monts  Scoboras  qui  séparent  la 


MIT 

Paphlagonie  de  la  Dithynie,  pour 
attaquer  Aquilius.  Celui-ci  avait  plus 
de  4o,ooo  hommes  sous  ses  ordres; 
ils  furent  complètement  défaits  : 
dix  mille  restèrent  sur  le  champ  de 
bataille;  le  reste  fus  pris  ou  dispersé. 
Aquilius  ,  échappé  seul  avec  un  pe- 
tit corps  de  cavalerie,  tra versa  le  San- 
gariusâ  la  nage,  et  chercha  un  asile 
à  Pergame.  Les  Romains  furent  vain- 
cus de  même  sur  tous  les  points  ; 
Gassius  se  retira  sans  combattre  ,  à 
Apamée,  puis  à  Rhodes  ;  Nicomède 
s'enfuit  à  Pergame ,  et  Manius  à  Mi- 
ty'iène.  Oppius  ne  fut  pas  plus  heu- 
reux du  côté  de  la  Cappadoce;  il 
fut  repoussé  dans  la  Pamphylie,  et 
la  flotte  romaine ,  chargée  de  dé- 
fendre l'entrée  de  l'Euxin  ,  fut  com- 
plètement détruite  ,  tandis  que  les 
vaisseaux  de  Nicomède  étaient  li- 
vrés à  Mithridate.  Ces  succès  sou- 
mirent au  vainqueur  toute  l' Asie- 
Mineure.  Les  Lycieris ,  les  Magnètes, 
et  quelques  Paphlagoniens  ,  lui  résis- 
tèrent; mais  bientôt  ils  furent  subju- 
gués par  ses  généraux.  La  domination 
romaine  était  tellement  en  horreur 
chez  les  peuples  de  l'Asie,  que  d'eux- 
mêmes  ils  volaient  tous  au-devant 
du  joug  de  ce  prince.  Les  villes  grec- 
ques surtout  se  distinguèrent  par  leur 
empressement  pour  cette  coalition  : 
elles  se  soulevèrent  spontanément  con- 
tre les  Romains  ,  et  elles  livrèrent  à 
Mithridate  tous  ceux  qui  tombèrent 
entre  leurs  mains  ,  et  parmi  lesquels 
étaient  les  généraux  Q.  Oppius  et 
Manius-Aquilius.  Mithridate  les  fit 
mettre  à  mort ,  après  les  avoir  pro- 
menés par  dérision  dans  les  prin- 
cipales villes  de  l'Asie.  Partout  le 
roi  de  Pont  fut  reçu  comme  un  li- 
bérateur et  un  sauveur.  Dans  l'excès 
de  leur  joie,  les  nations  de  l'Asie  qui 
abhorraient  les  Romains,  se  crurent 
pour  jamais  affranchies  de  leur  joue  : 


MIT 

elles  pensèrent  que  les  exploits  de 
Mithridatc  allaient  élever  un  nouvel 
empire.  Les  bienfaits  qui  suivaient 
chacune  des  victoires  de  ce  prince  , 
achevèrent  de  lui  gagner  tous  les 
cœurs.  Partout  on  lui  prodiguait 
les  noms  de  nouveau  Bacchus ,  de 
père,  de  sauveur,  de  monarque  de 
l'Asie;  et  partout  on  lui  o (Trait  des 
secours  et  de  l'argent  pour  achever 
d'affranchir  l'Asie.  Quand  on  apprit 
à  Home  les  rapides  conquêtes  du  roi 
de  Pont,  le  sénat  fut  comme  frappé 
de  terreur  :  les  peuples  de  l'Italie 
étaient  tous  armés  contre  la  répu- 
blique: etil  lui  était  bien  difficile  d'en- 
voyer des  troupes  en  Asie ,  quand  elle 
en  avait  à  peine  assez  pour  se  défendre 
dans  ses  murs.  On  blâma  l'impru- 
dence de  Cassius  et  des  autres  offi- 
ciers qui,  par  leurs  agressions  et  sans 
ordre  du  sénat  ,  avaient  mis  l'état 
dans  u ne  si  fâcheuse  position.  On  n'en 
décréta  pas  moins  la  guerre  contre 
le  roi ,  il  fut  déclaré  ennemi  du  peu- 
ple romain.  etSylla,  alors  consul, fut 
désigné  pour  aller  le  combattre.  On 
lit  pas  d'argent  ;  on  vendit  tous 
les  objets précieuxautrcfoisconsacrés 
aux  dieux  par  Numa,  et  l'on  fit  des 
préparatifs  de  guerre.  Les  troubles 
qui  déchiraient  l'Ital  ie ,  empêchèrent 
pendant  long-temps  Sylla  de  marcher 
contre  le  roi  de  Pont ,  qui  continuait 
de  pousser  au  loin  ses  conquêtes.  Le 
supplice  des  généraux  romains  ne  suf- 
fisait pas  à  la  haine  de  Mithridate  : 
il  connaissait  trop  bien  ses  ennemis 
pour  croire  que  ,  si  jamais  la  for- 
tune lui  était  contraire,  il  pût  eu  ob- 
tenir des  conditions  honorables  :  i! 
résolu!  flr  s'attacher  par  des  liens  in- 
dissolubles ,  les  peuples  qui  se  ran- 
geaient avec  tant  d'enthousiasme  sous 
ses  lois.  (  nombre  de  Ro- 

mains habitaient  dans  les  provinces 
soumises  à  la  république  et  dans  les 

XXIX. 


MIT  iôi 

villes  grecques  de  l'Asie:  des  o 
secrets  sont  adressés  en  même  temps 
à  tous  les  gouverneurs  et  à  tous 
les  magistrats  de  ces  villes  ;  et,  dans 
un  même  jour,  à  la  même  heure, 
cent  mille  Romains  sont  immoles. 
Peu  échappèrent;  tant  était  grande  la 
haine  des  Asiatiques.  Personne  ne  fut 
épargné  :  femmes,  enfants,  serviteurs, 
tout  fut  enveloppé  dans  la  même 
proscription  ;  leurs  corps  mêmes 
furent  privés  de  sépulture.  Toutes  les 
villes  rivalisèrent  de  cruauté;  mais 
Éphèse  se  distingua  entre  toutes  : 
noncontents  de  poursuivre  leurs  vic- 
times jusque  dans  les  temples  ,  et 
de  les  immoler  jusque  sur  les  au- 
tels qu'ils  tenaient  embrassés  ,  les 
Ephésiens  renversèrent  tous  les  bâ- 
timens  et  les  monuments  élevés  par 
les  Romains.  Pour  affermir  sa  domi- 
nation sur  l'Asie  ,  Mithridate  fixa  sa 
résidence  à  Ephèse  :  c'est  là  qu'il 
épousa  une  Grecque  de  Stratonicée  , 
Monime,  fille  de  Philo pœmen,  dont 
les  vers  de  Racine  ont  immortalisé 
le  nom  et  les  malheurs.  Il  alla  en- 
suite à  Pergame,  où  il  tint  sa  cour. 
Pendant  ce  temps-là  ,  sa  flotte  ,  éga- 
lement victorieuse ,  avait  passé  de 
l'Euxin  dans  la  mer  Egée  ,  dont  elle 
soumit  toutes  les  îles.  L*  général 
Ménophane  s'empara  de  Délos,  ou 
il  trouva  d'immenses  richesses:  de- 
puis long  -  temps  cette  île  s'était  af- 
franchie de  la  domination  des  Athé- 
niens; le  roi  la  leur  rendit  pour  les 
engager  dans  sou  parti.  Il  trouva 
dans  l'île  de  Cos  de  grands  trésors 
quiy  avaient  été  déposés  parPtolémee 
Alexandre Ier.,  lorsqu'il  fut  contraint 
d'abandonner  l'Egypte  :  Mithridate 
s'en  empara,  et  emmena  à  sa  cour, 
le  fils  de  ee  roi,  nommé  ,  comn  i 
père,  Alexandre,  et  il  l'y  traita 
tous  le.  égards  «lus  à  son  rang.  Les 
Rhodiens,qui  avaient  alors  unepuis- 
ii 


1(52 


MIT 


santé  manne,  et  qui  avaient  été  com- 
bles de  faveur  par  le  sénat ,  restèrent 
fidèles  à  la  république  ,  et  se  pré- 
parèrent à  résister.  Milhridate  vint  en 
personne  les  combattre;  il  leur  livra 
plusieurs  batailles  navales,  où  il  mon- 
tra beaucoup  de  valeur,  et  dans  l'une 
desquelles  il  pensa  périr:  mais  ce  fut 
en  vain  ;  l'avantage  fut  toujours  du 
côte  des  iîhodiciis,  et  il  renonça,  pour 
le  moim  ni ,  à  les  soumeltre.  Ii  sentit 
qu'il  était  temps  de  prévenir  les  Ro- 
mains (peut  être  avait-il  tiop  atten- 
du), et  de  passer  en  Europe,  où  il  eut 
l'imprudence  de  ne  pas  aller  en  per- 
sonne.Sa  présence  y  aurait  sans  doute 
produit  un  enthousiasme  aussi  grand 
que  celui  qu'elle  avait  excité  en  Asie. 
Plus  de  130  mille  hommes  traver- 
sèrent la  mer  sous  les  ordres  d'Arché- 
laùs,  pendant  que  Taxile  et  Arcathias, 
fiîsvdu  roi, -partaient  de  la  Thraee  , 
où  ils  trouvèrent  des  alliés  ,  et  d'où 
ils  devaient,  après  avoir  conquis  la 
Macédoine  et  la  Tîiessaîie,  se  join- 
dre avec  Archéiaùs.  Ce  général  dé- 
barqua dans  i'Altique:  les  Athéniens, 
excités  par  le  philosophe  Aristion, 
massacrèrent  les  Romains,  et  embras- 
sèrent avec  chaleur  le  parti  de  Mi- 
thridate.  Les  Lacédémoniens  et  tous 
les  autres  Grecs  du  Péloponnèse  sui- 
virent leur  exemple,  ainsi  que  les 
Béotiens.  A  la  première  nouvelle  du 
débarquement  des  troupes  de  Milhri- 
date en  Europe ,  Bruttius,  gouverneur 
de  la  Macédoine ,  s'avança  pour  les 
repousser.  L'Eubée  avaiiété  soumise 
par  un  détachement  que  commandait 
Mélrophaiic;ct  ce  général  vainqueur, 
après  avoir  pris  Démétrias,  s'avan- 
çait à  travers  la  Magnésie,  pour  sou- 
mettre la  Thessalic  :  il  y  fut  vaincu 
par  Bruttius  ,  qui ,  secondé  par  une 
ilotte  puissante  ,  reconquit  plusieurs 
iïes  de  la  mer  Egée.  Fier  de  ces  suc- 
cès ,  ii  entre  avec  ses  troupes  de  terre 


MIT 

dans  la  Béotie;  et  pendant  trois  jours 
il  lutte  avec  avantage  dans  les  plaines 
de Chéronée  contre  les  troupes  d'Ar- 
chélaùs  et  d' Aristion.  L'arrivée  des 
Lacédémoniens  et  des  Achéens  força 
le  général  romain  à  îa  retraite  ;  il  se 
dirigea  vers  le  Pyrée,  qui  tenait  en- 
core pour  les  Romains,  mais  qui  fut 
bientôt  occupé  par  Archéiaùs.  De 
Pergame,  où  il  avait  fixé  son  séjour, 
Milhridate  se  regardait  comme  maî- 
tre de  la  Grèce;  et  déjà  il  menaçai;  l'I- 
talie, lorsque  Sylla,  qu'un  sénatus- 
consulte  avait  chargé  de  combattre 
le  roi  de  Pont,  débarqua  en  Grèce 
avec  cinq  légions,  quelques  cohortes 
détachées ,  et  divers  corps  de  ca- 
valerie. Des  secours  lui  arrivèrent 
de  l'Étoiie  et  de  la  Thessalic;  et, 
sans  perdre  de  temps,  il  marcha 
pour  attaquer  Archéiaùs  dans  I'Alti- 
que. Ce  général  gardait  le  Pyrée  avec 
des  forces  imposantes;  Aristion  était 
renfermé  dans  Athènes,  décidé  à  s'y 
défendre  jusqu'à  la  dernière  extré- 
mité. Les  premières  attaques  furent 
terribles  :  la  résistance  fut  vigoureuse, 
et  Sylla  fut  repoussé  avec  perte.  De 
nouvelles  forces  vinrent  encore  d'A- 
sie ;  Sylla  tenta  de  s'opposer  à  leur 
descente  :  il  se  livra  une  bataille  dans 
laquelle  l'avantage  ne  resta  aux  Ro- 
mains, qu'après  une  lutte  longue  et 
sanglante.  L'hiver  approchait  ;  et 
Sylla  ,  désespérant,  d'emporter  la 
place  avant  le  retour  de  la  belle  sai- 
son ,  prit  le  parti  de  se  retrancher 
auprès  d'Eleusis  ,  pendant  qu'Athè- 
nes ,  bloquée  par  une  partie  de  son 
armée,  était  livrée  à  toutes  les  hor- 
reurs de  la  famine,  et  qu'une  multi- 
tude de  combats  meurtriers  se  don- 
naient tous  les  jours  sous  ses  mu- 
railles. La  trahison  et  la  disette  lui 
rent  enfui  cette  malheureuse 
cité,  qui,  emportée  d'assaul ,  fut 
abandonnée  aux  flammes,  et  éprouva 


MIT 

tontes  les  horreurs  qu'elle  pouvait 
attendre  d'un  vainqueur  impitoyable. 

Tous  ceux  de  ses  citoyens  qui  échap- 
pèrent au  glaive,  furent  réduits  en 
esclavage  et  vendus  à.  l'encan  ,  avec 
leurs  femmes  et  leurs  enfants.  Cepen- 
dant Aristion  et  un  grand  nombre 
<!e  ses  partisans  s'étaient  retires  dans 
la  citadelle,  où  ils  essayèrent  de  se 
défendre;  mais  la  faim  et  la  soif  les 
contraignirent  de  s'abandonner  à  la 
discrétion  du  vainqueur,  qui  les  livra 
au  supplice.  Archélaiis  ,  qu'un  puis- 
sant corps  de  troupes  contenait  dans 
le  Pyrée ,  avait  été  spectateur  forcé 
de  la  prise  d'Athènes  :  les  ligues  qui 
l'enveloppaient  avaient  été  le  théâtre 
de  combats  acharnés,  qui  se  renouve- 
laient sans  cesse.  Obligé  de  combattre 
ainsi  dans  une  position  resserrée  , 
il  y  consumait  en  pure  perte  une 
grande  partie  de  ses  soldats,  et  il  ne 
pouvait  profiter  de  l'avantage  que 
l'immense  supériorité  de  ses  forces 
lui  donnait  sur  l'ennemi.  Athènes 
prise,  Archélaiis  n'avait  plus  aucun 
motif  de  défendre  le  Pyrée:  comme  il 
était  le  maître  delà  mer,  il  eut  bientôt 
transporté  ses  troupes  sur  un  autre 
point.  Son  arrivée  en  Thessalie  fut 
suivie  de  sa  jonction  avec  l'armée 
qui,  sous  les  ordres  de  Taxile  et  d'Ar- 
cathias,  fils  du  roi,  avait  passé  le 
Bosphore.  Arcathias  était  mort  à  Po- 
tidée,de  sorte  que  Taxilc  était  le  seul 
chef  de  celte  armée ,  qui  s'était  con- 
sidérablement augmentée  par  les  ren- 
forts qu'elle  avait  reçus  des  différent  es 
nations  de  la  Thrace  et  de  la  Macé- 
doine. Archélaiis  avait  sous  ses  or- 
dres plus  de  cent  vingt  niillehommcs, 
quand  il  franchit  les  Thermopylcs, 
pour  venir  atl .  ,  ,  qui  l'at- 

tendait dans  la  Béotié.  L'inconstance 
des  G  [le  oc- 

casion; 1  •>  mo  itanl  d'em- 

pressement à   :  j   Sylla  ? 


MIT 

qu'ils  en  avaient  mis  à  se  réunir  aux 
soldats  de  Mithridate,  qu'ils  i 
daient  naguère  comme  des  lil 
teurs.  Renforcé  par  leurs  troupes 
auxiliaires ,  Sylla  fut  encore  joint  par 
les  Macé  Ioniens,  qui  changèrent  aus- 
si de  parti,  de  sorte  qu'il  fut  bientôt 
en  état  de  combattre  avec  avantage 
Archélaiis,  et  vint  Je  chercher  dans 
les  plaines  de  Chéronée.Gcs  lieux  qui, 
deux  siècles  auparavant,  avaient  vu 
la  liberté  grecque  expirer  avec  gloi- 
re sous  les  armes  des  Macédoniens  , 
furent  cette  fois  témoins  d'un  spec- 
tacle bien  différent.  On  y  vit  les 
Grecs,  tout-à-fait  dégénérés  et  bien 
dignes  de  leur  esclavage,  insensibles 
au  noble  exemple  que  leur  donnaient 
les  ruines  fumantes  d'Athènes,  com- 
battre pour  leurs  oppresseurs  ,  après 
avoir  lâchement  déserte  les  drapeaux 
d'un  roi  qu'As  avaient  appelé  de  tous 
leurs  vœux.  Attaqués  à  l'improviste 
dans  une  position  désavantageuse , 
les  soldats  de  Mithridate  se  défen- 
dirent avec  leur  valeur  accoutumée; 
mais  ils  ne  purent  arracher  la  vic- 
toiic  aux  Romains:  réduits  à  com- 
battre dans  des  lieux  où  ils  ne  pou- 
vaient se  développer,  leur  nombre 
fut  la  cause  de  leur  perte;  de  manière 
que  le  désordre  qui  se  répandit  par- 
mi eux,  eut  plus  de  part  à  la  vic- 
toire que  les  armes  des  Romains. 
Archélaiis  ,  après  la  perte  ou  la  dis- 
persion de  la  plus  grande  partie  de 
son  année  ,  se  relira  à  Chaleis,  dans 
l'Eubée,  où  il  ne  pat  être  forcé,  parce 
que  les  Romains  n'avaient  pas  de 
flotte,  tandis  qu'il  était  maître  de 
la  mer.  La  nouvelle  de  la  défaite 
d'Ârchélaùs  fut  à  peine  connue  <u 
isie, qu'une  agitation  soin 
nifesta  sur  (eus  les  poiuts.  Les  Ro- 
mains y  avaient  cons 
sans;  et  les  Gri  tic  dû 

monde  n'étaient  pas  moins  incons- 


i(H  MIT 

tants  que  leurs  compatriotes  d'Eu- 
rope :  d'ailleurs  Mithridate  régnait 
depuis  assez  long-temps  sur  eux, 
pour  qu'ils  fussent  dégoûtes  de  sa 
domination  ,  et  pour  que  celle  des 
Romains  leur  offrît  tous  les  charmes 
de  la  nouveauté.  Ils  avaient  aussi  une 
trop  liante  idée  de  la  fortune  de 
Rome ,  pour  ne  pas  croire  que  la 
victoire  de  Sylla  serait  bientôt  suivie 
de  succès  non  moins  décisifs  :  il 
était  donc  Lien  important  pour  eux 
de  prévenir  par  des  services  signalés 
sa  vengeance  imminente.  Des  insur- 
rections se  manifestèrent  sur  plu- 
sieurs points;  diverses  villes  chas- 
sèrent les  garnisons  politiques  :  les 
Calâtes,  dont  Mithridate  redoutait 
la  valeur,  et  qui  ne  lui  avaient  jamais 
été  bien  affectionnés,  menacèrent  de 
se  soulever;  presque  tous  leurs  te'trar- 
ques  furent  sacrifiés,  et  leur  pays  fut 
confié  à  un  gouverneur  particulier. 
Ce  peuple  opprimé  n'attendait  qu'un 
instant  favorable  pour  secouer  le 
joug  ,  tandis  que  de  fréquentes  cons- 
pirations éclataient  contre  la  vie  du 
roi.  Au  milieu  de  tous  ces  embarras, 
Mitliridate ,  plutôt  étonné  qu'effrayé 
par  la  victoire  de  Sylla,  ne  renon- 
çait pas  à  poursuivre  ses  conquêtes 
en  Europe.  Par  ses  ordres  ,  une  nou- 
velle armée  de  80,000  hommes  , 
passa  la  mer  sous  le  commandement 
de  DoryJaiïs  ,  pour  aller  rejoindre 
Àrchélaiis  :  ce  général  reprit  bientôt 
l'offensive,  et  vint  chercher  Sylla, 
qui  n'avait  pas  quitté  la  Béotie. 
Le  sort  lui  fut  encore  contraire  ;  il 
eut  le  dessous  dans  un  premier  en- 
gagement, qui  fut  suivi,  à  peu  de 
distance,  d'unebataille  générale.  Son 
armée  y  fut  complètement  défaite  ; 
et  la  plus  grande  partie  de  ses  sol- 
dats furent  engloutis  dans  les  marais 
d'Orchomène  :  lui-même,  caché  pen- 
dant trois  jours  au  milieu  des  morts, 


MIT 

ne  gagna  qu'avec  peine  la  ville  de 
Chah  is ,  où  il  se  hâta  de  réunir  tout 
ce  qui  restait  des  troupes  de  Mithri- 
date qui  étaient  passées  en  Grèce. 
Après  celte  victoire ,  Sylla  alla  pren- 
dre ses  quartiers  d'hiver^en  Thessa- 
lie.  Pendant  que  ce  général  triom- 
phait des  armées  de  Mithridate,  ses 
ennemis  étaient  tout-puissants  à  Ro- 
me. Cinna  et  Marins  le  faisaient 
déclarer  ennemi  de  la  république, 
et  donnaient  ordre  à  Flaccus  et  à 
son  lieutenant  Fimbria  d'aller  en 
Asie  achever  cette  guerre  acharnée. 
Peu  après  son  arrivée  en  Asie, 
Fimbria  s'était  défait  de  Flaccus  -? 
et  seul  commandant  des  forces  ro- 
maines, il  luttait  avec  avantage  con- 
tre le  roi  de  Pont.  Déjà  il  avait  re- 
pris Chalcédoine  et  Byzance;  et  la 
plus  grande  partie  de  la  Bithynie  était 
en  son  pouvoir,  quand  un  fils  de 
Mithridate  vint  lui  livrer  bataille. 
La  victoire  fut  long-temps  balancée; 
mais ,  à  la  fin ,  elle  resta  à  Fimbria  , 
qui  poursuivit  les  vaincus  jusqu'à 
Pergame  ,  que  Mithridate  fut  obligé 
de  quitter  en  toute  hâte  ,  pour  se 
réfugier  à  Pitane.  Le  roi  rassembla 
dans  cette  ville  tout  ce  qui  lui  restait  de 
troupes  ;  Fimbria  vint  bientôt  l'y  as- 
siéger :  ayant  besoin  d'une  flotte  ,  il 
envoya  demander  des  secours  à  Lu- 
cullus,  qui  était  parvenu  à  réunir  un. 
grand  nombre  de  vaisseaux  ;  mais  , 
comme  celui-ci  était  attaché  au  parti 
de  Sylla ,  il  ne  voulut  pas  aider  Fim- 
bria dans  cette  entreprise.  Le  roi 
cependant,  appréhendant  que  tôt  ou 
tard  la  route  de  la  mer  lui  fût  fermée, 
prit  le  parti  d'abandonner  Pitane.  Il 
s'embarqua  pour  Mitylène  ,  d'où  il 
repassa  ensuite  en  Asie.  Fimbria  se 
rendit  alors  le  maître  de  Pitane  ,  et 
soumit  le  reste  de  la  Mysie  avec  la 
Troade.  Tous  ces  revers  inspirèrent 
à  Mithridate  le  désir  de  la  paix. 


MIT 

Connaissant  la  position  particulière 
de  Sylla,  il  espéra  obtenir  de  lui  de 
meilleures  conditions  que  de  Firabria. 
En  effet ,  le  gênerai  romain  ,  que  son 
ambition  rappelait  en  Italie,  avait 
autant  d'envie  que    lui  de  voir  la 
guerre  terminée.  Archélaiïs  fut  chargé 
de  négocier  pour  le  roi  de  Pont,  et  il 
eut  une  entrevue  avec  Sylla.  La  si- 
tuation difficile  daus  laquelle  celui- 
ci  se  trouvait ,  ne  le  porta  pas  à  ac- 
corder des  conditions  plus  avanta- 
geuses à  Mithridate  :  il  exigeait,  entre 
autres  choses  ,  qu'il  remît  sa  flotte  à 
la   discrétion   des    Romains  ,    qu'il 
évacuât   tous   les    pays  qu'il   avait 
conquis  ,  et  qu'il  payât  les  frais  de 
la  guerre.  Archélaùs  ,  pour  montrer 
que  les  intentionsde  sou  maîtreét.iient 
sincères  ,  abandonna  sur-le-champ 
les  places  qu'il  occupait  encore  en 
Euro jie,  s'en  référant ,  pour  les  autres 
conditions,  à  la  volonté  du   roi;  et 
aussitôt  il  repassa  en  Asie.  Sylla,  dé- 
barrassé  de  toute  inquiétude,  s'a- 
:  vers  la  Tlirace  ,  où  il  soumit 
les    nations  barbares  qui  ,   de   con- 
cert   avec    les    troupes    politiques  , 
avaient    ravagé  la   Macédoine.    Les 
conditions  imposées  par  Sylla,  pa- 
rurent un  peu  dures   à  Mithridate  : 
ses  ambassadeurs  répondirent  à  Sylla 
que  le  roi  ne  consentirait  point  à  li- 
vrer sa  flotte,  ni  a  évacuer  la  Paphla- 
gonie,ctque  Fimhria  était  disposé  à 
lui  accorder  de  meilleures  corn!  it  ions. 
Lucullus  venait  de  joindre  Sylla  ivre 
sa  flotte;  et  celui-ci,  pour  en  finir, 
I  it    de   passer   en   Asie,    pensant 
bien   <fiic    sa    présence    mettrait   fin 
délais  du  roi.  En  effel ,  a  peine 
Sylla  était-il  en  Asie,  que  Mithridate 
vint  le  trouver  àDardanus  en  Troade. 
Les  deux  chefs  eurent  une  entrevue  , 
et  la  paix  fut  conclue  :  Mithridate 
consentit  à  livrer  quatn  -vingts  de  ses 
vaisseaux  ,  à  abandonner  ses  con- 


MIT 


65 


quêtes  en  payant  les  frais  de  la  guerre, 
et  à  laisser  remonter  sur  leurs  trônes 
Nicomèdect  Ariobarzane.  Tels  étaient 
les  articles  apparents  de  cet  arrange- 
ment ;  mais    l'examen  attentif  des 
événements  qui  suivirent,  fait  voir 
que  Sylla  ,   pressé  de  retourner  en 
Italie  ,  fut  bien  aise  de  terminer  la 
guerre  de  la  manière  la  plus  courte; 
il  eut  l'air  d'imposer  au  roi  de  Pont 
des  conditions  bien  rigoureuses  ,  que 
celui-ci  se  réservait  les  moyens  de  ne 
pas  exécuter  :  le  traité  ne  fut,  ni  Sou- 
mis à   l'approbation   du   sénat ,    ni 
consigné  par  écrit.  Sylla  laissa  un 
corps  de  troupes  en  Asie,  sous  les 
ordres   de   Muréna  ;    Nicomèùe   et 
Ariobarzanefurentrétablis  dans  leurs 
états:  Mithridate  restitua  toutes  ses 
conquêtes,  à    l'exception  de  la  Pa- 
phlagonie  et  d'une  partie  de  la  Cap- 
padoce;èt  il  rentra  dans  son  royaume 
où  sa  présence  était  très-nécessaire. 
Ainsi  se  termina  la  première  guerre 
des  Romains  contre  Mithridate  ,  en 
l'an  85  avant  J.-C.  Ce  prince  était 
à  peine  de  retour  dans  ses  étals  hé- 
réditaires ,  qu'il  se  hâta  de  marcher 
contre  les  peuples  de  la  Golchide, 
qui  s'étaient  révoltés  pendant  sonab- 
sence.  Cette  guerre  ne  fut  cependant 
pas  de  longue  durée  ;   ces    peuples 
lui  demandèrent  pour  roi ,   son  fils 
nommé  comme  lui  Mithridate ,  ce 
qui  leur  fut  facilement  accordé  :  mais, 
peu  après  ,  le  roi,  soupçonnant  que 
c'étail  ce  même  fils  qui  les  avait  ex- 
cites à  la  révolte  pour  obtenir  la  cou- 
ronne, le  fit  charger  de  chaînes  d'or, 
et    Lui   fil  trancher  la  tète.   Cette  af- 
faire terminée,  il  ordonna  d'immen- 
ses préparatifs  de  guerre  pour  sou- 
mettre  les   peuples  du   Bosphore, 
qui  s'étaient  aussi  revoit, 
para:  ifs  furent  si  formidables  que 
le    bruit    se    répandit    bientôt   qu'il 
voulait  profiter  de  l'absence  de  Sy  L 


i66  MIT 

pour  recommencer  les  hostilités.  Le 
refus  qu'il  faisait  de  restituer  à  Ario- 
barzane  une  partie  de  la  Cappadoce, 
et  les  plaintes  qu'il  ne  cessait  de  pro- 
r  coutre  Archdlaus ,  qu'il  accu- 
sait du  mauvais  succès  dç  la  dernière 
guerre ,  ne  pouvaient  que   fortifier 
ces  soupçons.  Celui-ci, pour,se mettre 
à  L'abri  de  la  vengeance  bien  ou  mal 
fondée  de  Mit nridate ,  prit  le  parti 
de  s'enfuir  auprès  de  Murena,  auquel 
il  représenta  le  roi  de  Pont  comme 
décide  à  recommencer  la  guerre.  Bien 
aise  de  trouver  une  occasion  de  se 
signaler,  Murena  se  bâta  de  prévenir 
Mithridate  ,  et  de  faire  une  invasion 
dans  la  partie  de  la  Cappadoce  que 
ce  monarque  avait  retenue.  En  vain 
le  roi  de  Pont  se  plaignit  de  l'infrac- 
tion du  traite  conclu  avec  Sylla;  Mu- 
rena en  nia  l'existence,  et  continua 
ses  ravages  :  l'intervention  d'un  en- 
voyé de  Sylla  fut  également  inutile  ; 
tiridate  fut  donc  oblige  de  se  dé- 
fendre contre  les  Romains.  Gordius, 
<pi  lui  avait  donne  tant  de  preuves 
de  son  dévoûment  ,  fut  chargé  par 
lui  de  chasser  Murena  de  la  Cappa- 
doce ;  il  s'acquitta  de  sa  commission 
avec  un  tel  succès,  que  Murena, battu, 
se  vit  contraint  rie  repasser  Tria  lys 
avec  perte.  Milhridate  arriva    lui- 
même  à  la  tête  d'une  nouvelle  armée; 
?<\  fleuve  fut  passe  de  vive  force  : 
Murena,  complètement  vaincu,  fut 
contrant  d'opérer  sa  retraite  dans 
1  a  Phrygie.  Cependant  Sylla  était  fort 
mécontent  que  son  lieutenant  eût,  au 
jnépris  de  ses  cidres,  attaqué  le  roi 
rot,  qui  n'avait  que  sa  parole 
■pour  garantie  de  la  paix.  ;  il  envoya 
en   Asie  G; binais  ,  pour  régler  ers 
çnds.  Murena  fut  rappelé,    et 
!■:)*  pays  qu  envahis  furent 

restitués.  Ensuite,  par  la  médiation 
rie  Gabinius  ,  la  paix  fut  rétablie  en- 
tre Mithridate  et  Ariobarzaue  :  le  roi 


MIT 

de  Pont  promit  d'épouser  une  fille 
d'Ariobarzane ,  âgée  alors  de  quatre 
ans  ,  et  reçut  pour  sa  dot  une  p< 
de  la  Cappadoce,  qu'il  joignit  à  celle 
qu'il  occupait.  Ainsi  se  termina,  en 
l'an    82   avant  J. -C.  ,  la  seconde 
guerre  des  Romains  contre  Mithri- 
date. Celui-ci,  libre  désormais  de 
toute  inquiétude,  ne  s'occupa  plus  que 
de  réparer  les  maux  que  la  guerre 
lui  avait  fait  éprouver  ,  et  de  raffer- 
mir sa  puissance.  Il  passa  dans  le 
Bosphore,  qui  fut  bientôt  soumis, 
et  dont  il  confia  le  gouvernement  à 
son  fils  Macbarès ,  qu'il  décora  du 
titre  de  roi.  Les  Acbéens,  peuple  bar- 
bare qui  habitait  entre  la  Golchide 
et  la  Chersonèse  Taurique  ,  fixèrent 
ensuite  son  attention.  11  ne  fut  pas 
heureux  contre  eux  :  la  nature  mon- 
tagneuse de  leur  pays  leur  fournit 
les  moyens  de  résister  avec  avantage; 
la  rigueur  du  froid ,  et  une  multitude 
de  petits  combats  ,  lui  enlevèrent  la 
plus  grande  partie  de  son  armée,  et 
avec  le  reste  il  fut  obligé  de  se  reti- 
rer honteusement  dans  le  Pont.  Cet 
échec    engagea    vraisemblablement 
Ariobarzaue  ^  réclamer  auprès  du 
sénat   contre  les  arrangements   peu 
avantageux  qu'il  avait  contractés  avec 
Milhridate,  et  à  demander  la  resti- 
tution de  la  partie  de  son  royaume 
que  celui-ci  avait  usurpée.  Sylla  lui 
accorda  la  satisfaction  qu'il  desirait, 
et  Milhridate  ne  put  se  dispenser  d'o- 
béir. Quelque  temps  après  ,  il  envoya 
une  ambassade  au  sénat  pour  qu'il 
ratifiât  le  traité  qu'il  avait  fait  avec 
Syila.  Ce  général  mourut  dans  ces  en- 
trefaites ',  et  le  sénat  fut  trop  occupe 
pour  faire  grande  attention  aux  sol- 
licitations du  roi  de  Pont,  dont  les  , 
espérances   d'ailleurs   se  relevèrent 
par  cet  événement  :  aussi  le  roi  n'in- 
sista-t-il  pas  davantage,  et  tourna - 
t-il  ses  vues  d'un  autre  côté.   Ne 


MIT 

voulant  pas  encourir  le  reproche 
de  violer  ses  traites  ,  i!  fit  engager 
sous  main  le  roi  d'Arménie,  Tigrane, 
à  opérer  pour  son  compte  une  inva- 
sion danslaCappadoce.  Les  Romains 
ne  furent  point  dupes  de  cette  ruse  ; 
et  dès -lors  ils  purent  se  regarder 
c  oui  me  en  état  de  guerre  avec  ?-!i- 
th  rida  te,  qui  n'attendait  plus  qu'une 
occasion  pour  se  déclarer  ouverte- 
ment. Dans  le  même  temps,  il  reçut 
des  ambassadeurs  de  Sertorius  ,  qui 
s'était  révolté  en  Espagne  contre  la 
république  ,  ou  plutôt  contre  le  parti 
de  Pompée,  lequel  maîtrisait  le  sé- 
nat :  une  alliance  fut  bientôt  con- 
clue, lis  se  promirent  d'attaquer  si- 
multanément les  Romains,  à  l'occi- 
dent, et  a  1'oriqnt  :  l'Asie,  la  Bi- 
lliynie,  laPaphlagonie,  la  Cappadoce 
et  la  Gaîatic,  devaient  appartenir 
à  Mithridatc,  si  la  victoire  couron- 
nait les  cffbrti  des  deux  alliés.  M. 
Varius  et  deux  autres  officiers  ro- 
mains furent  envoyés  par  Sertorius, 
pour  aider  Mithridatc  de  leurs  con- 
seils :  ainsi  commença  la  troisième 
guerre  politique,  en  l'an  n$  av. 
J.-C  Violant  aussi  brusquement  la 
paix  qu'il  avait  lui-même  sollicitée  , 
il  dut,  après  la  terrible  expérience 
qvi'il  avait  faite  de  la  puissance  des 
Romains,  prendre  toutes  ses  précau- 
tions, pour  soutenir  avec  avantage 
une  guerre  qui  désormais  devait- être 
implacable.  Une  année  entière  fut 
icrée  à  équiper  une  flotte  for- 
midable, et  à  amasser  d'immenses 
provision^  pour  ses  troupes.  Pres- 
que tous  les  peuples  du  Caucase, 
le  la  Scythie  -  Asiatique  j  lui 
fournirent  dès  soldats  ;  il  lui  en 
vint  a  tnénie  :  les  Sarmates, 

les  la  Bastarnes,  les  Thra- 

ces,  et  to  iples  barbares  de 

l'Eun  ,    le  Mont- 

Haemus   et  le  furent  ses 


MIT 

auxiliaires.  Il  se   trouva  Lientôt    i 
la  tête  de  plus  de  160,000 
tants,  e!  il  résolut  de  corn. 
bostililés,  au  printemps  d<:  1' 
avant  J,  -C.  Deux  de 
(  Taxile  et  Hermocraîe  ) 
dans  la  Papldagonic,  qui  fut  promp- 
tement  soumise.  Aupremi. 
préparatifs  du  roi  de  Pont,  le  sénat 
s'était  hâté  d'envoyer  les  deux  con- 
suls en  Asie.  Cotta  avait  le  gouver- 
nement de  la  Bithyuie,  que  Nico- 
mède,  son  dernier  roi,  fils  de  Nico- 
mède  Philopator,  dont  nous  avons 
souvent  parlé,  avait  cédée  par  son 
testament  a\x  Romains;   Luculins 
était  chargé  de  défendre  la  Cilicie. 
Pendant  que,  d'un  cote  ,  Milhridate 
était   maître    de   la   Paphlagonie  , 
Diophante  ,  un  de  ses  plus  habiles 
généraux ,  s'emparait  de  la  Cappa- 
doce ,  et  empêchait  Lucullus  de  sor- 
tir de  la  Cilicie  ,  où  il  le  tenait  dans 
une  inaction  forcée.  Le  roi  en  pro- 
fitait pour   se  porter  en   personne 
dans  la  Bilhynie,  qu'il  soumit  toute 
entière.  Cotta  n'osa  lui  résister;  il 
se  hâta  c!e  chercher  un  asile  dans 
les  murs  de  Chalcédoine,  où  Milhri- 
date   vint    l'assiéger  ,    après   avoir 
vaincu  Rutilius  ,  son  lieutenant,  qui 
fut  tué  dans  la  bataille.  Les  forces 
navales  du   roi  arrivèrent    }. 
aussitôt  devant  la  place.  San 
rer ,  il  donna  l'ordre  d'attaquer  la 
flotte  romaine,  qui  fut  bu 
eue,  et  toute  prise  ou  brûlée.  Plus 
de    5 0,000    hommes   furent    tués  , 
noyés,  ou  faits  prisonniers  dans  cette 
journée.Ne  voulant  pas  s'arrêter  plus 
long  -  temps   devant   Chalcédoine  , 
Mithridatc  laissa  un  corps  pour  la 
contenir  ;   et  il  se  porta  ,  en  toute 
hâte  ,   à  la   rencontre  de  Lucullus. 
Fier  de  la  supériorité  de  ses  1 
il   était    impatient    de    c< 
mail  !  romain,  qui  avait 


i68 


1\1IT 


!iu  que  la  partie  n'était  pas 
égale  ,  recula  devant  lui.  Il  desi- 
rait  faire  traîner  la  guerre  en  lon- 
gueur, pour  détruire  en  détail  l'ar- 
mée politique.  Mithridate  avant  vai- 

ut  tente  d'amener  Lucullus  aune 
action  générale  ,  mit  le  siège  devant 
Cyzique,  ville  forte  et  très-affection- 
née aux  Romains,  dans  le  but  de  con- 
traindre Lucullus  à  livrer  bataille 
pour  sauver  la  place.  Les  attaques 
furent  poussées  avec  vigueur ,  et  la 
résistance  fut  opiniâtre.  En  vain  Mi- 
thridate voulut-il  épouvanter  lesCy- 
zicéniens,  en  leur  annonçant  que  le 
roi  d'Arménie  allait  arrivci  ,  suivi 
de  toutes  les  forces  de  l'Orient  :  ils 
étaient  animés  par  la  présence  de  Lu- 
cullus ,  retranché  avec  son  armée  sur 
une  hauteur  à  peu  de  distance  de  la 
ville.  Le  siège  se  prolongeait  ;  et  les 
soldats  de  Mithridate ,  obligés  de 
soutenir  de  rudes  combats  contre 
les  assiégés  ,  étaient  perpétuellement 
harcelés  par  les  troupes  de  Lucul- 
lus. Pour  comble  de  malheur,  les 
vivres  leur  manquèrent;  la  famine 
fut  suivie  de  la  peste  ,  qui  fit  de 
grands  ravages.  Le  roi  voulut  alors 
lever  le  siège ,  et  opérer  sa  retraite. 
Lucullus ,  informé  de  son  dessein , 
se  mit  aussitôt  en  marche ,  pour 
lui  disputer  le  passage  du  Rhyn- 
dacus  :  Mithridate  y  fut  repoussé 
avec  perte  ,  et  il  reprit  sa  position 
devant  Cyzique.  Pendant  qu'il  se  con- 
sumait inutilement  sous  les  murs 
de  cette  place,  Eumachus,  un  de  ses 
généraux  ,  lui  soumettait  la  Phry- 
gie ,  la  Cilicie ,  la  Pisidie  et  l'Isau- 
rie.  Ces  succès  partiels  ne  pouvaient 
le  tirer  de  la  position  fâcheuse  où  il 
se  trouvait;  la  peste  continuait  de 
ravager  son  armée,  et  l'hiver  ap- 
prochait. Il  résolut  donc  de  faire  sa 
retraite  à  quelque  prix  que  ce  lût. 
Trente  mille  hommes.,  seul  reste  de 


MIT 

toutes  ses  forces ,  se  retirèrent  sur 
Lampsaque  ;  Lucullus  en  tailla  en 
pièces  la  plus  grande  partie  :  le  reste 
se  sauva  par  mer.  Pour  le  roi ,  monté 
sur  un  vaisseau  léger,  il  s'enfuit  a 
Nicomédie  ,  d'où  bientôt  il  se  ren- 
dit à  Sinope,  puis  à  Amisus,  dans 
le  Pont,  après  que  les  tempêtes  de 
PEuxhi  eurent  détruit  toutes  ses  for- 
ces navales  ,  qui  avaient  eu  peu  à 
souffrir  des  Romains.  Mithridate  fut 
à  peine  de  retour  dans  le  Pont ,  qu'il 
se  hâta  d'envoyer  demander  du  se- 
cours à  Tigrane  et  à  son  fils  Macha- 
rès ,  roi  du  Bosphore.  Mais  Lucul- 
lus ne  perdait  pas  de  temps  :  tan- 
dis que  Cotta  et  d'autres  généraux 
soumettaient  les  villes  de  Bilhynie 
qui  tenaient  encore  pour  le  roi,  il 
s'avançait,  lui-même,  avec  toutes 
ses  forces,  pour  le  poursuivre  dans  le 
cœur  de  ses  états.  Le  roi  ne  ju- 
gea pas  à  propos  de  l'attendre  dans 
Amisus  :  pendant  que  cette  ville  fai- 
sait une  résistance  aussi  vigoureuse 
qu'inutile  ,  il  rassemblait  une  nou- 
velle armée  dans  la  partie  orien- 
tale du  Pont  :  bientôt  un  renfort 
de  quarante  mille  hommes  lui  ar- 
riva des  régions  caucasiennes  ;  et  il 
fut  de  nouveau  en  position  de  se  me- 
surer avec  son  ennemi.  Amisus  te- 
nait encore  :  Lucullus  laissa  un  corps 
de  troupes  pour  continuer  le  siège  ; 
et  avec  le  reste  de  son  armée  il  s'a- 
vança pour  combattre  Mithridate. 
Celui-ci,  posté  dans  les  montagnes 
qui  séparent  le  Pont  de  l'Arménie 
et  de  la  Colchide  ,  y  occupait  des 
positions  très  -  avantageuses.  Aussi , 
plusieurs  fois  ,  obtint-il  la  supério- 
rité sur  les  soldats  de  Lucullus  ,  qui 
fut  contraint  de  se  retirer  devant 
lui  jusqu'à  Cabires  ,  où  le  roi  le  sui- 
vit. Lucullus  employa,  pour  le  vain- 
cre ,  la  même  tactique  qui  lui  avait 
si  bien  réussi  devant  Cyzique;  il 


MÎT 

fatigua  ses  ennemis  par  une  multi- 
tude de  petits  combats  :  la  famine 
qui  l'avait  inquiété  pendant  quelque 
temps  ,  passa  dans  ie  camp  du  roi , 
quand  on  eut  intercepté  toutes  ses 
communications  avec  la  Çappadoce, 
où  il  avait  encore  une  armée  ;  la 
trahison  et  la  désertion  achetèrent 
sa  défaite.  Sans  avoir  pu  livrer  de 
bataille  ,  Milhridate  n'eut  bientôt 
plus  d'armée  ;  il  se  vit  réduit  à  pren- 
dre la  fuite  :  pour  éviter  la  pour- 
suite des  Romains ,  il  fit  le  sacrifice 
d'une  grande  partie  de  î>cs  trésors  , 
qu'il  répandit  dans  la  route,  de  sorte 
qu'il  parvint  à  gagner  l'Arménie  avec 
deux  mille  chevaux  seulement.  Dé- 
sespérant de  recouvrer  jamais  son 
royaume,  il  envoya  Bacchus,  un  de 
ses  plus  dévoués  serviteurs  ,  donner 
la  mort  à  ses  sœurs  et  a  ses  ïcr. 
qui  se  trouvaient  enfermées  dans  les 
murs  de  Pharnaeia  ,  ville-forte,  qui 
n'avait  pas  encore  subi  le  joug  des 
vainqueurs.  Monimc  ,  cette  Grecque 
de  Stratonicee,  qui  après  ses  revers 
avait  abandonné  sa  patrie  pour  le 
suivre,  et  qui  était  la  plus  chérie  de 
ses  femmes,  s'empressa  d'obéir  à  ses 
ordres  suprêmes  ,  et  prenant  le  dia- 
dème qui  ornait  encore  son  Iront, 
elle  voulut  s'étrangler  ;  trop  faible, 
il  se  rompit  :  Fatal  diadème ,  dit- 
elle  en  le  foulant  aux  pieds  avec,  mé- 
pris, tu  m'as  toujours  été  inutile; 
que  ne  me  sers-tu  aujourd'hui  en 
rn  aidant  à  mourir  ?  et  elle  s'offrit 
i  ourage  au  glaive  qui  l'immola. 
Bérénice,  autre  femme  de  Mithri- 
date  ,  s  Statira  et  Roxanc  , 

s'empoisonnèrent.  Celte  dernière,  en 
prenant  le  funeste  breuvage,  acca- 
bla son  frère  d'imprécations;  mais 
Statira  .  pi  plus  héroï- 

que peut  -être,  le  remercia  de  ce 
qu'au  milieu  de  tant  de  dangers,  il 
ne  les  oubliait  i 


MIT 

préserver  des  outrages  du  vainqueui . 
('elle  terrible  catastrophe  fut  bien- 
tôt suivie  de  la  reddition  de  la  plu- 
part des  villes  du  Pont;  Héraclée  et 
Siuope  se  rendirent  après  une  vigou- 
reuse résistance;  les  Chaldéens,  les 
Tibaréniens  et  les  peuples  de  la  Pe- 
tite Arménie,  se  soumirent.  Àmisus 
résistait  encore;  mais  elle  ne  tarda 
pas  à  subir  le  joug  dos  Romains  : 
prise  de  vive  force,  elle  fut  livrée 
aux  flammes;  un  grand  nombre  de 
ses  habitants  s'enfuirent  par  mer,  et 
Callimaque,  son  gouverneur,  se  re- 
tira en  Arménie,  où  le  frère  de  Ti- 
grane  lui  confia  la  défense  de  ISisibe 
en  Mésopotamie.  Tout  le  Pont  était 
soumis  :  il  ne  restait  plus  rien  à  Mi- 
lhridate ;  et  Lucullus ,  après  avoir 
rendu  la  liberté  aux  villes  de  Sinope 
et  d'Amisus  ,  en  lit  une  province  ro- 
maine, en  l'an  (5;)  avant  J.-C.  Dans 
le  même  temps,  Mâcha r es,  indigne 
fils  de  Mithridate,  envoya  une  cou* 
ronne  d'or  à  Lucullus  ,  et  lit  alliance 
avec  lui.  Tout  était  tranquille  dans 
P Asie-Mineure  ;  Lucullus  ne  s'occupa 
plus  que  des  moyens  de  s'emparer 
de  la  personne  du  roi  de  Pont.  C? 
prince  avait  bien  trouvé  un  asile  eu 
Arménie;  cependant  il  n'y  élait  pas 
traité  comme  devait  l'être  un  roi  si 
illustre,  parent  et  allié  de  Tigranc. 
On  lui  donna  pour  séjour  un  palais 
royal;  mais  rien  ne  put  décider  Ti- 
grane,  qui  était  mécontent  de  lui ,  à 
l'admettre  en  sa  présence.  Cette  con- 
duite singulière  contraste  trop  avec 
la  générosité  que  Tigranc  montra 
en  soi  te  ,  pour  ne  pas  donner  à  croire 
qu'il  fut  dirigé ,  dans  celte  circons- 
tance, par  quelque  motif  particulier, 
qui  a  échappé  aux  historiens.  Ce 
: .  nous  croyons  l'avoir  décou- 
vert. Ce  n'était  certainement  pis 
la  crainte  de  déplaire  aux  Romains 
qui,  ainsi  que  le  pensent  quelques 


i7o  MIT 

auteurs,  portait  à  agir  ainsi  îe  roi 
des  rois.  Ce  maître  de  tout  l'Orient 
ne  les  redoutait  pas  :  la  suite  le  fera 
bien  voir.   Le  mécontentement  du 
roi  d'Arménie  venait  de  plus  loin; 
lorsque  Mithridate,  vainqueur  des 
Romains  et  maître  de  l'Asie,  couvrait 
la  Grèce  et  la  Thrace  de  ses  armées, 
et  que  déjà,  en  espérance,  il  ache- 
vait la  conquête  de  l'Italie;  .quand  , 
dans  l'enthousiasme  de  la  nouveauté 
et  de  la  victoire,  les  peuples  de  l'Asie 
lui   décernaient   les   titres   les   plus 
pompeux  ,  il  oublia  que. le  roi  d'Ar- 
me'nie  était  ie  suprême  monarque  de 
l'Orient  :  ses  défaites  purent  seules 
lui  rappeler  que  naguère  il  en  avait 
obtenu  des  secours.  On  conçoit  d'a- 
près cela  comment  pendant  la  troi- 
sième  guerre  contre  les  Romains, 
Tigrane  n'envoya  ,  comme  l'attes- 
tent les  historiens  ,  que  de  très- fai- 
bles secours  à  Mithridate,  secours 
encore  que   celui-ci  ne  dut  qu'aux 
sollicitations  de  sa  fille  Gléopàtre, 
mariée   avec  Tigrane.  Si  l'on   ad- 
met que    le    roi    de    Pont  ,  .enor- 
gueilli ,  se  soit  arroge  tous  les  titres 
réserves  au  rang  suprême ,  et  que 
même  il  se  soit  paré  du  nom  de  roi 
des  rois ,  on  ne  doit  plus  s'étonner 
que  Tigrane  n'ait  pas  voulu  admettre 
en   sa   présence  ,   celui   qui   venait 
chercher  un  asile  dans  ses  états  ;  il 
était  devenu  pour  lui  un  rebelle.  Que 
Mithridate,  dans  ses  jours  de  pros- 
périté, se  soit  considéré  comme  mo- 
narque indépendant ,  il  n'y  a  pas  de 
doute  :  qu'il  ait  usurpé  le  titre  de 
roi  des  rois,  les  anciens  ne  nous  en 
donnent    point  la  preuve   directe, 
mais  ils  nous  fournissent  d'autres 
moyens  d'aniver  à  ce  résultat.  Une 
usurpation  justifiée   par  la  force, 
était  le  seiil  droit  de  Tigrane  au  ti- 
tre de  roi  des  rois;  quand  il  eut  été 
vaincu  par  les  Romains,  et  dépouil- 


M1T 

lé  de  la  plus  grande  partie  de  sa 
puissance,  le  roi  des  Parthes  secoua 
le  joug  qu'il  avait  été  contraint  de  su- 
bir, et  i  eprit  ce  titre  qui  lui  apparte- 
nait légitimement.Tigranen'y  renon- 
ça pas  pour  cela.  Les  Romains  furent 
bien  aises  de  le  lui  laisser  ,  pour  en- 
tretenir toujours  un  motif  de  guerre 
entre  lui  et  le  roi  des  Parthcs;  il  ne 
le  quitta  que  long-temps  après,  au 
temps  de  la  défaite  de  Crassus.  Alors 
il  y  renonça  par  un  traité,  et  con- 
tracta une  intime  alliance  avec  les 
Parthes.  Mithridate,  vainqueur  des 
Romains,  et  maître  de  l'Asie-Mineu- 
re, était,  par  rapport  à  Tigrane,  pré- 
cisément dans  la  même  position  que 
celui-ci  à  l'égard  du  roi  des  Parthes. 
Sa  fuite  et  ses  sollicitations  pour  ob- 
tenir des  secours  étaient  la  preuve 
sulïisante  de  son  repentir.  Mithri- 
date n'avait  pas  besoin  de  renoncer 
autrement  à  un  litre  que  nous  suppo- 
sons qu'il  avait  usurpé.  Quand  Ti- 
grane eut  déclaré  la  guerre  aux  Ro- 
mains ,  les  événements  se  succédè- 
rent avec  tant  de  rapidité  ,  qu'il  fut 
impossible  au  roi  de  Pont  de  faire 
une  renonciation  plus  formelle.  En 
signant  la  paix  avec  Rome ,  le  roi 
d'Arménie  abandonna  la  cause  de 
Mithridate,  qui  put  dès-lors  se  con- 
sidérer comme  dégagé  de  tout  de- 
voir envers  lui  ,  et  reprendre  un  ti- 
tre dont  il  n'était  point  indigne,  et 
auquel  il  n'avait  pas  solennellement 
renoncé  par  un  traité.  Son  fds  aura 
donc  pu  hériter  de  ce  titre  suprê- 
me ;  or ,  c'est  précisément  ce  qui  ar- 
riva :  Pharnace  ne  possédait  que  le 
Bosphore,  et  cependant ,  avant  d'a- 
voir envahi  l' Asie-Mineure,  il  pre- 
nait sur  ses  monnaies  îe  litre  de 
roi  des  rois;  la  preuve  de  ce  fait 
important  existe  dans  tous  nos  ca- 
binets numismatiques.  On  retrouve 
cette   même  qualification  sur  plu- 


MIT 

sieurs  monuments  relatifs  aux  suc- 
cesseurs dePharnace  ,  dans  le  Bos- 
phore ;  ils  ne  le  prenaient  certaine- 
ment que  comme  successeurs  de  Mi- 
thridate.  Il  y  avait  vingt  mois  que  ce 
monarque  était  en  Arménie,  quand 
P.  Clodius  fut  envoyé  par  Lucullus, 
pour  demander  son  extradition.  Ti- 
grane ,  indigne  d'une  telle  proposi- 
tion ,  oublia  tous  les  sujets  de  plainte 
qu'il  avait  contre  son  beau-pire,  le 
fit  venir  à  sa  cour,  embrassa  ou- 
vertement sa  ('  et  congédia 
l'ambassadeur  romain  avec  mépris. 
Après  une  telle  démarche,  il  fallait 
se  préparer  à  la  guerre.  Tigrane  fit 
un  immense  armement  ;  et  Mitliri- 
date,  à  la  tête  d'un  corps  de  dix  mille 
hommes,  se  disposait  à  rentrer  dans 
le  Pont.  Lucullus  se  mit  aussitôt  en 
campagne;  Fabius,  gouverneur  du 
Pont,  et  Soruatius,  furent  charges 
rie  défendre  ce  royaume ,  tandis  que 
lui-même,  avec  toutes  ses  forces, 
se  portait  vers  l'Euphrale ,  a  tra- 
vers la  Cappadocc.  Ses  attaques  se 
dirigèrent  vers  la  partie  méridio- 
nale des  états  de  Tigrane ,  c'est-à-dire 
vers  la  Syrie  et  la  Mésopotamie,  qu'il 
avait  enlevées  aux  Sélcucides  ;  il  es- 
pérait triompher  pins  facilement  de 
ce  côté  ,  parce  que  Clodius  ,  pendant 
son  ambassade  ,  y  avait  pratique'  des 
intelligences  ,  et  que  les  habitants 
n'en  étaient  pas  bien  ait.  i 
Tigrane.  En  ellct-,  il  y  eut  de  rapi- 
des succès  ,  et  il  y  trouva  des 
liaires  :  peu  après  le  passage  de  l'Eu- 
phrale ,  il  vainquit  Mithrobarzane  , 
dynaste  de  la  Sophènc;  et  bientôt  il 
se  trouva  en   présence  des  troupes 

,  dont  le  nombre  si: 
sait  de  beaucoup  Les  siennes.  Le  roi 
d'Arménie ,  fier  t!«-  sa  supériorité, 
voulait  sur  p  en  v<  nir  aux 

mains,  pensant  ilirait  fa- 

cilement  cette  -'ennemis. 


MIT  171 

Milhridate  ,  qui  connaissait  1 

q:!c   lui   l'advcr. 

.  ne  cessait  de  l'<  ,  par 

ses  messages  ,  à  ne  r  ba- 

taille ;  à  harceler  ,  à  fatiguer  les  Ro- 
mains par  de  petits  combats,  et  à 
profiter  de  sa  nombreuse  cavalerie 
pour  les  affamer.  Tous  ces  avis  fu- 
rent inutiles  ;  Tigrane  ,  se  confiant  à 
sa  fortune ,  livra  bai a  i  ;  com- 

plètement vaincu.  Sa  défaite en1 
la  prise  de  Tigranocerte,  qui,  assiégée 
depuis  quelque  temps  ,  se  défendait 
avec   courage,  mais  qui  fut  livrée 
par  la  trahison.  Cependant  Tigrane 
fuyait  sans    armée  ,    dans    le    plus 
granddésespoir,  etne  sachant  où  trou- 
ver  un   asile    dans    son    royaume, 
quand  Mithridale,qui  se  préparait  à 
entrer  dans  le  Pont,  vint  à  sa  rei  - 
contre,  le  consola,  et  lui  fil  envisager 
qu'il  ne  fallait   pas    désespérer   du 
salut  de  ses  étals  pour  la  perte  d'une 
bataille.  11  le  décida  donc  à  pri 
des  mesures  pour  continuer  la  guerre 
avec  vigueur  au  retour  du  printemps. 
On  fit   dés  levées   d'hommes    dans 
toutes  les  parties  de  l'Arménie.  Me- 
gaclalcs,  gouverneur  de  Syrie,  fut 
rappelé  avec  les  troupes  qu'il  com- 
mandait. Tous  les  aliiés  furent  con- 
voqués ,  et  bientôt  les  deux  rois  se 
virent  a  la  tête  d'une  armée  moins 
forte  que  la  précédente ,  mais  Lieu 
plus  redoutable  ,  parce  qu'elle  était 
mieux  choisie,  et  composée  d'hom- 
exercés  à  combattre  à  la  ma- 
ies Romains.  Pendant  ce  temps- 
là,  Lucullus  s'emparait  de  plusieurs 
provinces  de  l'Assyrie  ci  de  La  Gor- 
ciyène  ;  il  marcha  ensuite  à  la  ren- 
contre des    troupes    arméniennes  , 
commandées  par  les  deux   monar- 
ques, 1  s  au  milieu  des  mon- 
du  Taurus,  dans  desposi 

rai  romain 
vint  plusieurs  fois  Les  insulter  ,  pour 


i->  MIT 

les  décider  à  livrer  bataille  :  n'ayant 
pu  y  réussir  ,  il  feignit  de  vouloir 
s'enfoncer  dans  l'intérieur  du  royau- 
rae,  pour  attaquer  la  capitale,  Ar- 
taxate.  Afin  de  sauver  cette  place 
importante,  Tigrane  décampa,  et 
vint  disputer  le  passage  de  l'Arsa- 
liias  :  maigre  la   vigoureuse   résis- 
tance que  ses  soldats   opposèrent, 
l'avantage  resta   aux  Romains  ;   et 
IiUcullus  marcha  aussitôt  contre  Ar- 
taxate  ,    dont  il  croyait  s'emparer 
sans  coup  -  férir  :  il  se  trompait  ; 
le  gouverneur  lui  résista  avec  cou- 
rage ,  et ,  après  avoir  consumé  inu- 
tilement beaucoup  de  temps  devant 
cette  place,  Lucullus  fut  contraint, 
par  les  murmures  de  ses   soldats  , 
de  lever  le  siège  ,   et  d'aller  cher- 
cher ses  quartiers  d'hiver  dans  la 
Mésopotamie.  Alors  il  s'occupa  de 
soumettre  la  Mygdonie ,  et  la  ville 
de   JNisibe ,    appartenant   à   Tigra- 
ne ,  et  commandée  par  Gallimaque, 
qui  avait  défendu  avec  tant  de  cou- 
rage Amisus  dans  le  Pont.  .Cette  ville 
fut  prise  de  force  après  une  résis- 
tance opiniâtre.  Au  retour  du  prin- 
temps ,  Lucullus  voulut  rentrer  en 
Arménie;  mais  son  armée  toute  en- 
tière se  mutina ,  et  refusa  de  l'ac- 
compagner :  il  lui  fallut  abandon- 
ner tous  les  pays  qu'il  avait  conquis, 
et  ramener  ses  troupes   dans  i'A- 
sie-Mineure ,  où  le  même  esprit  d'in- 
subordination se  manifesta,  de  sorte 
qu'il  lui  fut  impossible  de  rien  en- 
treprendre.   Mithridate   et  Tigrane 
n'avaient  pas  attendu  tous  ces  em- 
barras pour  reprendre  l'offensive  ;  il 
y  avait  déjà  long-temps  que  Mithri- 
date était  dans  l'Asie  -  Mineure  :  à 
peine  eut-il  la  certitude  de  la  défaite 
de  Tigrane  ,  au  passage  de  l'Arsa- 
nias  ,  qu'il  se  porta  rapidement  vers 
le  Pont ,  pour  faire  une  diversion 
avec  les  troupes  qu'il  commandait. 


MIT 

Sa  marche  fut  si  prompte  ,  que 
tombant  à  l'improviste  sur  le  gou- 
verneur Fabius  ,  il  le  défit  entière- 
ment :  l'armée  de  Mithridate  se  gros- 
sit de  plusieurs  corps  de  Th races 
qui  désertèrent  les  drapeaux  ro- 
mains; mais,  retardé  par  les  bles- 
sures qu'il  avait  reçues  dans  cette 
bataille ,  il  ne  put  poursuivre  Fa- 
bius aussi  vite  qu'il  l'aurait  voulu. 
Triarius  eut  le  temps  de  venir  join- 
dre celui-ci ,  et  de  livrer  à  Mithri- 
date une  bataille  acharnée ,  mais  non 
décisive ,  quoiqu'elle  fût  suffisante 
pour  arrêter,  pendant  quelque  temps, 
les  progrès  du  roi.  Les  Romains  n'o- 
saient plus  en  venir  aux  mains  avec 
Mithridate  ,  qui  avait  recouvré  la 
plus  grande  partie  du  Pont.  Tigrane, 
de  son  coté,  avait  repris  tout  ce  que 
les  Romains  avaient  occupé  dans 
l'Arménie  ;  et ,  à  la  tête  d'une  puis- 
sante armée ,  il  se  préparait  à  pas- 
ser l'Euphrate ,  pour  se  joindre  à 
son  beau-père ,  et  envahir  la  Cap- 
padoce.  Cependant  Lucullus  avait 
appris  que  le  roi  de  Pont  menaçait 
encore  une  fois  de  reconquérir  i' Asie- 
Mineure;  et  comme  il  ne  pouvait  dé- 
cider ses  soldats  à  pénétrer  en  Ar- 
ménie ,  il  partit  en  toute  hâte  afin  de 
s'opposer  à  Mithridate,  qui  devenait 
inquiétant  :  mais  il  ne  put  arriver 
assez  tôt  pour  empêcher  la  défaite 
de  Triarius.  La  perte  des  Romains 
fut  très-considérable;  Mithridate  au- 
rait achevé  la  destruction  de  leur 
armée,  si  un  Romain,  qui  était  à 
son  service  ,  ne  l'eût  perfidement 
blessé  au  milieu  de  la  mêlée.  Cet 
assassin  fut  massacré  par  les  servi- 
teurs du  roi  de  Pont  qui ,  averti  par 
cette  tentative,  résolut  de  se  mettre  à 
l'abri  d'un  pareil  malheur. Il  avait  un 
grand  nombre  de  transfuges  romains 
dans  son  armée;  il  les  fit  tous  égor- 
ger. Cependant  Lucullus  arriva  pour 


•'•  la  défaite  Je  Triarius  :  Mi- 
thridate ne  jugea  pas  à  propos  de  lui 
résister  de  front;  il  se  retira  xcv* 
la  Petite -Arménie,  pour  faire  sa 
jonction  avec  Tigrane,  qui  bientôt 
après  passa  l'Euphrate,  et  envahit 
toute  la  Cappadoce.  Ariobarzane , 
fidèle  à  son  ancienne  coutume  ,  quit- 
ta encore  une  fois  son  royaume  , 
pour  chercher  un  asile  dans  les 
provinces  romaines.  Dans  le  même 
temps  ,  les  soldats  de  Lucullus  ,  mé- 
contents depuis  long-temps  de  leur  gé- 
néral qu'ils  accusaientdetousles  mal- 
heurs de  cette  guerre  qu'il  avait  pro- 
longée pour  s'enrichir,  l'abandonnè- 
rent entièrement.  Personne  ne  resta 
auprès  de  lui  :  Glabrion ,  alors  con- 
sul (l'an  67  avant  J.  C.  ),  arriva  vers 
la  même  époque ,  en  Asie ,  et  dé- 
pouilla Lucullus  du  commandement. 
Mithridate  prit  l'offensive  ,  chassa 
les  Romains  de  toute  la  Cappadoce, 
et  reconquit  son  royaume  en  entier. 
Glabrion  ,  qui  avait  plus  d'ambition 
que  de  courage ,  voulut  lui  résister  et 
demeurer  dans  le  Pont.  La  présence 
de  Mithridate  suffit  pour  repousser 
le  consul,  qui  prit  honteusement  la 
fuite,  sans  oser  livrer  bataille  ;  et  le 
roi  s'avança  jusque  dans  la  Bîthy- 
nie ,  menaçant  encore  une  fois  de 
chasser  les  Romains  de  l'Asie.  Dans 
ce  péril  extrême,  le  sénat  se  bâta 
deconférerlccommandemcntàPom- 
Dee,qui  venait  de  terminer  la  guerre 
des  pirates  ,  et  qui  était  en  Cili- 
cie  :  le  nouveau  général  se  transpor- 
ta aussitôt  en  Gaiatie,  où  il  donna 
rendez  -  vous  à  toutes  les  troupes 
romaines  cantonnées  en  Asie.  La  re- 
prise des  hostilités  fut  précédée  de 
quelques  né  ».  Mithridate  ve- 

nait de  perdre  l'appui  de  Tigrane, 
retourné  dans   son  :  avec 

son  armée,  pour  y  combattre  un  de 

51s,  révolté;  dans   cette  1 


MIT 


i:3 


mité ,  il  envoya  demander  à  Pompée 
à  quelles  conditions  on  lui  accorde- 
rait la  paix.  Pompée  lui  répondit 
qu'il  devait  s'en  remettre  à  la  généro- 
sité du  peuple  romain.  Cette  réponse 
réduisit  Mithridate  au  désespoir;  il 
jura  de  ne  jamais  faire  de  paix  avec 
les  Romains,  et  de  les  combattre 
jusqu'à  son  dernier  soupir.  Pompée 
avait  soixante  mille  hommes  •  les 
forces  du  roi  étaient  à -peu -près 
égales.  Fidèle  à  la  manière  de  com- 
battre qu'il  avait  adoptée  depuis  ses 
revers  devant  Cyzique ,  il  recula 
devant  l'ennemi ,  épiant  une  occa- 
sion favorable  pour  l'attaquer  avec 
avantage.  Il  gagna  les  montagnes 
de  la  Petite-Arménie  :  Pompée  le 
poursuivit,  mais  avec  précaution,  se 
doutant  de  son  dessein  ;  et  il  fut  as- 
sez heureux  pour  l'enfermer  dans 
une  gorge  étroite  et  dominée  de  tous 
les  cotés,  située  sur  les  frontières  de 
l'Acilisène,  province  delà  Grande- 
Arménie.  Là,  l'armée  de  Mithridate 
fut  entièrement  détruite:  Pompée 
l'attaqua  de  nuit;  le  courage  et  le  dé- 
sespoir furent  inutiles  :  tout  périt,  et 
la  puissance  du  roi  de  Pont  fut  anéan- 
tie. Pour  perpétuer  à  jamais  le  sou- 
venir de  cette  importante  victoire  , 
Pompée  y  fit,  quelques  années  après, 
bâtir  une  ville  qu'il  nomma  Nicopo- 
lis,avec  le  titre  de  colonie  romaine. 
Au  milieu  de  ce  désastre,  Mithridate 
parvint  à  s'échapper,  en  se  faisant; 
jour  à  travers  l'armée  romaine,  suivi 
de  huit  cents  cavaliers.  11  en  fut  bien- 
tôt délaissé,  et  réduit  à  errer  dans  les 
montagnes,  avec  sa  femme  Hypsi- 
cratia  ,  sa  lille  Dripetine  ,  et  un  offia 
cier  fidèle.  Par  bonheur,  il  rencon- 
tra un  corps  de  trois  mille  hommes, 
qui  était  en  marche  pour  se  joindre 
a  son  armée  :  il  le  conduisit  aussitôt 
au  fort  dcSinoria  ,  <'ù  il  avait  di 
ses  trésors;  il   «  1  la  plus 


i74  MIT 

grande  partie  aux  compagnons  de 
son  infortune,  et  emporta  le  reste  : 
il  tourna  ensuite  ses  pas  vers  l'Armé- 
nie, et  lit  prévenir  Tigrane  de  son  dé- 
sastre et  de  son  arrivée.  Ce  monar- 
que ,  qui  songeait  à  traiter  de  la  paix 
avec  les  Romains,  et  qui  croyait  que 
le  roi  de  Pont  avait  excite  son  fils 
à  la  révolte  ,  refusa  de  le  recevoir, 
et  lui  lit  signifier  l'ordre  de  "sortir 
de  ses  états.  Mithridatc  résolut  alors 
de  se  retirer  dans  la  Colcliide  :  il 
passa  l'Euphrate ,  qu'il  suivit  jus- 
qu'à sa  source.  Arrivé  sur  les  fron- 
tières de  la  Ghotène,  province  d'Ar- 
ménie ,  il  repoussa  un  corps  de 
Ghoténiens  et  d'ïbériens  qui  lui  dis- 
putaient le  passage,  et  traversa  l'Ap- 
sarus  ,  d'où  il  arriva  bientôt  dans  la 
Colcliide,  qui  n'avait  jamais  cessé  de 
lui  être  fidèle  dans  ses  malheurs  ;  et 
il  passa  l'hiver  à  Dioscurias.  Dans 
cet  asile,  il  méditait  encore  des  pro- 
jets dignes  de  son  ancienne  fortune  : 
il  voulait  se  porter  dans  le  Bosphore, 
y  soumettre  son  fils  révolté;  et  de  là, 
secondé  par  les  Scythes  et  tous  les 
barbares  qu'il  rencontrerai;  dans  sa 
route ,  il  devait  franchir  les  Alpes , 
et  aller  attaquer  les  Romains  jusque 
dans  l'Italie.  Après  avoir  réuni  tout 
ce  qui  lui  restait  de  soldats,  il  se 
met  en  marche  au  retour  du  pria- 
leraps  (  G5  avant  J.-C.  ) ,  et  arrive 
chez  les  Hénioches  ,  qui  le  reçoivent 
avec  amitié  :  les  Achéens  osent  lui 
résister  ;  il  les  bat  :  de  là  ,  il  passe 
chez  les  Mœotes  ,  qui ,  pleins  de  la 
plus  grande  admiration  pour  lui, 
s'empressent  de  lui  prodiguer  tous 
les  soins  de  l'hospitalité.  Afin  de 
tromper  les  Romains  ,  Mithridatc 
resta  pendant  quelque  temps  ca- 
ché chez  ces  peuples.  Cependant 
Pompée  s'était  mis  a  sa  poursuite  : 
après  avoir  vaincu  Tigrane,  et  l'a- 
voir forcé  à  la  paix?  il  avait  pénétré 


MIT 

dans  FIbe'rie  et  l'Albanie,  franchi  îe 
Caucase ,  et  parcouru  plusieurs  des 
régions  désertes  de  la  Scythie  :  n'en- 
tendant plus  parler  de  Mithridatc , 
et  le  croyant  mort,  il  revint  dans  le 
Pout ,  où  il  soumit  plusieurs  forte- 
resses qui  tenaient  encore  pour  le  roi; 
il  a!la  ensuite  porter  la  guerre  bien 
loin  de  là,  dans  la  Syrie  et  jusqu'en 
Judée.  Quand  Mithridate  fut  informé 
du  départ  de  Pompée,  il  sortit  de  sa 
retraite ,  et  reparut  sur  la  scène  ,  à  la 
tête  d'une  puissante  armée.  Aussitôt 
il  marche  pour  soumettre  l'ingrat 
Macharès  ,  son  fils  ,  qui ,  placé  par 
lui  sur  le  trône  du  Bosphore ,  n'avait 
pas  eu  honte  de  s'allier  avec  les 
Romains.  Etonné  de  voir  arriver 
son  père  ,  Macharès  implora  sa  clé- 
mence; ce  fut  en  vain:  Mithridate, 
impatient  de  se  venger ,  avance  eu 
toute  hâte;  déjà  il  est  maître  de 
Chersonésus  :  pour  prévenir  le  châ- 
timent qui  l'attendait ,  Macharès  se 
donne  lui  -  même  la  mort.  Bientôt 
le  roi  s'empare  de  Panticapéc;  il  y 
fait  poignarder ,  sous  les  yeux  de  sa 
mère,  un  autre  de  ses  fils  ,  nommé 
Xipharès,  parce  que,  pour  sauver 
son  fils  ,  cette  femme  avait  livré  aux 
Romains  un  fort  rempli  de  trésors  , 
qui  appartenait  à  Mithridate  :  tout 
le  reste  du  Bosphore  fut  prompte- 
ment  soumis.  Cependant  les  projets 
que  Mithridate  méditait  pour  aller 
attaquer  les  Romains,  commençaient 
à  être  connus  de  ses  soldats  :  la  gran- 
deur de  ses  malheurs  et  l'audace  de 
cette  entreprise  les  épouvantaient  j 
ils  n'osaient  envisager  sans  frémir, 
les  périls  et  les  fatigues  prodigieuses 
qui  les  attendaient, et  qui  étaient  peut- 
être  tout  ce  qu'il  y  avait  à  retirer  d'un 
projet  désespéré.Un  mécontentement 
général ,  une  fermentation  sourde  ? 
étaient  répandus  dans  son  armée;  et, 
parmi  ses  officiers ,  plusieurs  se  ré- 


MIT 

oltèrcnt:  Castor  de  Phanagorie  don- 
na l'exemple  en  s'em  parant  de  celte 
ville;  il  fut  bientôt  imite  par  d'au- 
tres. Le  roi  apprit  par  ces  défections 
qu'il  devait  peu  compter  sur  ses  sol- 
dats, et  qu'il  lui  fallait  chercher 
d'autres  auxiliaires  pour  achever 
la  glorieuse  expédition  par  laquel- 
le il  voulait  illustrer  ses  derniers 
instants: il  chargea  plusieurs  de  ses 
afBdés  de  conduire  ses  filles  chez 
les  Scythes  ,  et  de  les  marier  avec 
les  chefs  de  ces  barbares ,  pour  en 
obtenir  des  secours."  Mit  h  rida  te  n'at- 
tendait plus  que  leur  arrivée,  pour 
mettre  à  exécution  son  grand  des- 
sein,  quand  Pharnace,  son  fils  bien- 
aimé ,  son  héritier  désigné ,  espé- 
rant que  les  Romains  lui  restitue- 
raient le  Pont ,  a  l'infamie  de  cons- 
pirer contre  son  père.  Le  com- 
plot est  découvert  ,  et  Mithridate 
pardonne  à  son  fils  ;  mais  celui-ci , 
craignant  que  l'auteur  ses  jours  ne  se 
repentît  de  son  indulgence  ,  se  hâte 
de  former  un  nouveau  complot.  Il 
divulgue  dans  tout  le  camp  les  pro- 
jets de  son  père;  gagne  les  transfu- 
ges romains  ,  qui  étaient  les  plus 
opposés  à  cette  entreprise:  l'esprit 
de  révolte  se  propage  rapidement 
parmi  les  Soldats  de  la  flot 
bientôt  la  défection  devient  générale. 
Mithridate  est  réveillé  par  les  cris 
belles;  il  veut  monter  à  che- 
1  il  pour  les  ramener  à  leur  devoir: 

rie  qui  l'accompagne,  pa 
leur  coté.  Il  rentre  clans  son  palais. 
Les  révoltés  proclament  Pharnace 

i\  sa  tête  du  sacré  dia  ; 
et  marche;, :  j  pour  s'emparer 

de  l'infortune  monarque.  Vainement 
plusieurs  messagers  à 
Pharnace  ,  pou  rvec  lui:  ne 

les  voyant  pas  t  craignant 

d'être  livré 
lut,  sans    |  ;  Irè  ,  d«  mettre 


MIT  175 

lui-même  fin  à  sa  vie  et  à  ses  mal- 
heurs. Quelques  serviteurs  fidèles  le 
gardaient  encore  :  il  monte  sur  les 
murs  de  l'enceinte  qui  environne  son 
palais.  La  il  reproche  amèrement  à 
Pharnace  sa  lâche  ingratitude,  l'ac- 
cable  de  ses  justes  im  précations,  et  le 
dévoue  à  la  vengeance  des  dieux  ,  en 
les  priant  de  donner  à  ce  fils  crimi- 
nel ,  des  enfants  aussi  dénaturés.  Se 
tournant  ensuite  vers  ceux  qui  lui 
avaient  été  constamment  attachés 
dans  sa  bonne  et  sa  mauvaise  for- 
tune, il  les  remercie  de  leur  fidélité 
et  de  leurs  services  ,  et  leur  conseille 
d'obtenir  des  conditions  honorables 
de  Pharnace,  leur  déclarant  que  pour 
lui ,  la  mort  seule  peut  le  préserver 
de  l'ignominie  qu'on  lui  prépaie  :  il 
se  retire  enfin  dans  l'appartement  de 
ses  femmes  ,  et  prend  un  poison  très- 
subtil,  qu'il  avait  coutume  de  porter 
sur  lui.  Ses  deux  filles,  Mithridatis 
et  Nyssa  ,  promises  aux  rois  d'E- 
gypte et  de  Cypre,  le  supplient  à  ge- 
noux de  les  admettre  à  {partager  sa 
glorieuse  mort,  ne  demandant  que  la 
grâce  de  mourir  avant  lui.  Deux  cou- 
pes sont  préparées  pour  elles  ;  elles 
meurent ,  mais  le  poison  est  impuis- 
sant contre  Mithridate  :  il  a  recours 
à  son  épée  ,  elle  trahit  encore  son  es- 
pérance ;  alors  il  s'adresse  à  Bitui- 
tus  ,  officier  gaulois  ,  qui  était  là  : 
«  Ton  bras  m'a  souvent  et  bien 
»  dans  les  combats*  en  m'immolant 
»  aujourd'hui ,  tu  me  prouveras  ton 
»  inviolable  attachement.  »  Ainsi 
périt  Mithridate,  après  un  règ 
57  ans  ,  qui  ne  fut  qu'une  longue 
guerre  contre  les  Romains.  I 
où  Pompée  reçut  le  cada^  re 
grand  roi  ,   des   mains  de  S(  u   mdi- 

fils,  fut   un   jour  de   triomphe. 

ne  du  corps  de  Mithridal 
uperbe  armure  qu'il 
tait  dans  les  bataille  t  seu- 


176  MIT 

sibilité  de  Pompée,  qui  ne  put  s'em- 
pêcher de  plaindre  la  fin  malheureuse 
monarque  ,  et  de  témoigner 
l'admiration  qu'il  avait  pour  ses  gran- 
des qualités,  en  disant  que  sa  mort 
avait  mis  fin  à  la  haine  des  Romains. 
Il  traita  avec  les  plus  grands  égards 
les  enfants  de  Mithridate  que  le  sort 
des  armes  avait  fait,  tomber  entre 
ses  mains;  ordonna  ensuite  défaire 
des  obsèques  magnifiques  au  roi ,  et 
de  le  déposer  avec  honneur  dans  le 
tombeau  de  ses  aïeux,  à  Sinope.  ?ùi- 
thridate  était  d'une  haute  stature; 
l'énergie  de  son  ame  indomptable 
se  peignait  dans  les  traits  mâles  rie 
sa  physionomie  :  son  corps  n'était 
pas  moins  robuste  ;  accoutumé  dès 
son  enfance  à  des  exercices  très-vio- 
lents ,  il  supportait  avec  facilité  les 
plus  grandes  fatigues;  il  pouvait  en 
un  jour  faire  des  traites  de  mille  sta- 
des, en  courant  sur  des  chevaux  dis- 
poses de  distance  en  distance.  Son 
adresse  égalait  sa  vigueur;  il  diri- 
geait facilement  trente -deux  che- 
vaux dans  leur  course.  Ces  qualités 
si  importantes  pour  un  prince  guer- 
rier ,  n'étaient  surpassées  que  par 
son  courage  imperturbable  sur  le 
champ  de  bataille.  Il  s'exposait  com- 
me un  simple  soldat  ;  et ,  couvert 
de  blessures,  il  pouvait,  pour  ainsi 
dire,  compter  ,  par  ses  cicatrices  , 
le  nombre  de  ses  journées  mémo- 
rables. Il  n'était  guère  moins  bien 
partagé  pour  les  facultés  de  l'esprit  : 
il  aimait  passionnément  les  beaux- 
arts,  surtout  la  gravure  en  pierres 
fines  ;  il  en  avait  réuni  une  immense 
collection  qui,  après  sa  mort,  servit 
à  orner  le  triomphe  de  Pompée  ,  et 
fut  ensuite  consacrée  dans  le  Capi- 
tale. Les  sciences,  les  lettres,  avaient 
été  aussi  les  objets  de  son  affection , 
et  plus  particulièrement  la  médecine 
et  l'histoire  naturelle.  I!  existait  de 


MIT 

lui  un  traité  de  botanique ,  fort  esti- 
mé des  anciens,  et  très-fréquemment 
cité  par  eux.  Enfin  sa  prodigieuse  mé- 
moire était  telle,  qu'il  pouvait  facile- 
ment parler  vingt-deux  langues,  et 
s'entretenir,  sans  interprètes,  avec 
les  nombreuses  nations  barbares  de 
la  Scythie  et  du  Caucase,  qui  étaient 
soumises  à  son  empire.  C'est  de  là 
que  nous  est  venue  l'habitude  de 
désigner  par  le  nom  de  ce  monarque 
les  recueils  de  grammaire,  de  voca- 
bulaires ,  ou  d'extraits  sur  les  lan- 
gues (  V .  Adelung  et  Conrad  Ges- 
ner  ).  Les  monnaies  de  Mithridate  , 
en  tout  métal,  sont  fort  rares;  il 
n'en  existe  pas  en  bronze.  Cette  ra- 
reté a  fait  croire  à  plusieurs  numis- 
mates que  ce  prince  avait  renouvelé 
la  monnaie  d'Alexandre,  se  conten- 
tant de  distinguer  la  sienne  par  un 
monogramme  particulier.  Cette  opi- 
nion ,  que  nous  ne  partageons  pas, 
est  sujète  à  de  très-grandes  difficul- 
tés ;  il  nous  semble  que  sans  y  re- 
courir, on  peut  trouver  des  moyens 
plus  vraisemblables  d'expliquer  l'ex- 
trême rareté  de  ses  monuments  nu- 
mismatiques.  Quoi  qu'il  en  soit,  le 
portrait  de  ce  prince  nous  est  par- 
faitement connu  par  des  tétradra dî- 
mes, frappés  dans  le  Pont,  en  l'an 
1 1 3  de  l'ère  de  ce  royaume  (  84  et 
83  avant  J.  G.  ),  c'est-à-dire,  après 
que  le  roi  eut  fait  la  paix  avec  Sylla. 
M.  Visconti,  dans  son  Iconographie 
grecque,  tom.  n,  pag.  137,  a  donné 
une  médaille  de  Smyrne,  qui  pré- 
sente une  tête  sans  légende;  mais  nous 
pensons  qu'il  a  tort  d'y  voir  un  por- 
trait de  Mithridate  (1).  S.  M— -n. 


[t)  La  chronologie  de  cet  article ,  pour  toul 
précède  la  première  guerre  d.    Mithridate  contre  1rs 
Romains,  <  >t  entièrement  neuve;  nous 
de  divers  mémoir  s  encore  inédits  ,  mais  déjà  r<*tn- 
muuiques   à   l'académie    ries  inscriptions    el 
lettres  ,  et  dans  lesquels  l'auteur  de  cet  article  a  <(<•- 
■us  qu'on  peut  avoir  d'adopter 
eau  système. 


MÎT 

MITHRIDATE  1 
des  Part  lies  ,  surnomme  le  Grand  et 
le  Dieu  ,  peut  être  regarde  comme 
le  véritable  fondateur -de  l'empire  des 
Parthes  ,  qu'il  affranchit  pour  jamais 
de  la  domination  des  Grecs.  Jusqu'à 
lui  les  princes  Arsacidcs,  renfermes 
dans  les  montagnes  de  la  Parthyène 
et  de  l'Aiie,  s'étaient  bornes  à  défendre 
leur  indépendance  contre  les  Séleu- 
,   dont  ils   avaient    secoue  le 
joug.  Sous  Mithridate  le  Grand ,  le 
destin  des  deux  familles  fut  irrévo- 
cablement fixe.   Tous  les  pays  com- 
pris entre  l'Euphratc  et  l'Indus  se 
soumirent  au  monarque  des   Arsa- 
cidcs ,  distingue  par  le  titre  auguste 
de  Roi  des  Rois;  et,  de  plus  ,  des 
princes  de  la  même  race  furent  éta- 
blis dans  l'Arménie  et  dans  l'Inde. 
MitbriÀate  voulut  unir  le  nom  de 
législateur  à  celui  de  conquérant  : 
«  Ce  roi ,  (  dit  Diodore  de  Sicile  )  , 
»  préférait  à  tout  la  clémence  et  la 
»  bonté:  aussi  eut-il  partout  de  grands 
»  succès  ;  et  il  étendit  fort  au  loin  les 
»  limites  de  son  empire.  Il  pénétra 
»  dans  l'Inde,  jusqu'aux  pays  où  Po- 
»  rus  avait  régné,  et  subjugua  tout 
»  sans  obstacle  :  arrivé  à  un  tel  de-- 
»  gré  de  puissance  ,   il  ne  s'aban- 
»  donna  pas  au  luxe  et  à  l'orgueil, 
»  comme  la  plupart  des  princi 
»  montra  de  l'humanité   poui 
»  sujets   et  du  courage   conti 
»  ennemis  ;  il  choisi 
»  lois  des  nations  nombreuses  qui 
»  étaient  soumises  à  sa  puissance , 
m  pour   les  donner   aux.  Parthes  ». 
Tun  prince  qui  exerça  une 
tnde  influence  sur  les  destinées 
.  <  t  qui  devait  être  si  inté- 
.    nous    est 
nconnue.  Quel- 
ques  ;  .  dans  les 
auteurs  grecs ,  i                rmeniens  , 
sont  tout  ce  (pu  :  leur 

XXIX. 


MIT  j7: 

intelligence  parfaite,  et  l'ordre  dans 
lequel  il  faut  les  disposer,  | ■■ 
tent  de  grandes  difficultés  ;  <  'est  avec 
ces  faibles  débris ,  que,  dans  une  His- 
toire des  Arsacides,  eue  oie  nu 
l'auteur  de  cet.  article  a  essayé  d'éta- 
blir la  véritable  succession  des  faits 
relatifs  à  ce  prince  ,  en  éclaircissant 
tous  les  textes  anciens  qui  le  concer- 
nent :  voici  le  résumé  de  ses  recher- 
ches sur  ce  sujet.  Mithridatagtoquit 
vers  l'an  'j>3*>,  avant  J.-C.  SdHpre, 
Priapalius,  monta  sur  le  troue  des 
Parthes  ,  en  l'an  iq3  ,  après  la  mort 
d'Artaban  Ier.  :  il  paraît  que  dès-lors 
Mithridate  fut  investi  du  gouverne- 
ment de  quelque  province,  où  il 
exerçait  tous  les  droits   de  la  sou- 

;eté;  car  c'est  de  cette  époque 
que  datent  les  années  de  son  règne , 
qui  dura  cinquante-quatre  ans.  Pria- 
patius  occupa  le  troue  pendant  quinze 
ans ,  et  fut  remplacé  par  son  fils 
aîné  Phrahates  1er.;  celui-ci  régna 
peu  de  temps  :  en  mourant ,  il  céda 
la  couronne  à  son  frère,  déjà  célè- 
bre par  ses  grandes  et  belles  qua- 
lités ,  préférant  la  gloire  et  le  bon- 
heur de  son  pays  a  l'élévation  de 
ses  enfants.  Dans  le  même  temps 
que  Mithridate  montait  sur  le  tronc 
des  Parthes,  le  royaume  des  Grecs 
de  la  Bactiiane  était  gouverné  par 
un  prince  non  moins  digne  de 
lébnté  ,  mais  dont  l'histoire  nous 
est  également  mal  connue,  (l'était 
Eucratydas  Ier.  :  à  l'exemple  de' 
plusieurs  de  ses  prédécesseurs  ,  il 
porta  ses  armes  dans  l'Inde;  et, 
comme  eux,  il  fut  souverain  d< 

IS,  faut  que  ses  années  v  furent 
cantonnées.   Après  v  avoir  promené 
longtemps  ses  troupes  victorii 
!é  de  ricin 

lis,  lorsqu'il  fui  as- 
son  fils  Eucratydas  H  ,  qui  étail  as- 
socié au  troue. 

12 


*1* 


MIT 


giquc  fournit  au  roi  des  Parthes  une 
occasion  favorable  pour  attaquer  ce- 
lui de  la  Bactriane  ;  les  Grecs  ,  peu 
nombreux ,  et  fatigués  par  les  lon- 
gues guerres  qu'ils  avaient  soutenues 
dans  l'Inde  ,  dans  la  Sogdiane  et  la 
Drangiàûe,  ne  firent  pas  une  résis- 
tance digne  de  leurs  exploits ,  dont  le 
souvenir  était  encore  récent.  L'hor- 
reur que  les  compagnons  du  grand 
vdas  avait  conçue  contre 
sodHkcide  fils,  rendit  peut-être 
aussi  plus  facile  la  défaite  de  ce  der- 
nier. Quoi  qu'il  en  soit ,  Eucratydas 
II ,  vaincu  par  Mithridate ,  fut  obligé 
de  lui  céder  plusieurs  provinces  ,  et 
de  reconnaître  sa  suprématie.  Bien- 
tôt   après,  Mitliridate    passa   dans 
l'Inde ,  redevenue  libre  par  l'abais- 
sement des  Grecs  de  la  Baclriane. 
Nous  ignorons  le  détail  de  tout  ce 
qui  concerne  cette  expédition  ;  nous 
savons  seulement  que  Mitliridate  sou- 
mit toutes  les  nations  situées  sur  les 
rives  de  l'Indus  ,  et  qu'il  porta  ses 
armes  jusqu'aux  rives  de  l'Hyphasis , 
dans  les  pays  possédés  autrefois  par 
Porus.  I!  laissa  la  souveraineté  des 
paysconquisàunde  sesfrères,  qui  fut 
lasouche d'une  nouvelle branchedela 
race  des  Àrsarides.  Ces  princes  sont 
connus  chez  les  écrivains  orientaux, 
sousle  nom  de  rois  deKouschan,  et 
chez  les  Latins  ,  sous  celui  de  rois  de 
la  Baclriane etdes Indo-Scythes. L'un 
d'eux  ,  Arlaban  III,  parvint  à  mon- 
ter sur  le  trône  de  Perse ,  au  com- 
mencement du  ier.  siècle  de  notre 
ère ,  et  devint  roi  des  rois ,  tandis  que 
les  princes  légitimes  furent  réduits  à 
chercher  un  asile  chez  les  Romains: 
il   transmit   le   pouvoir   à  ses  des- 
cendants,  qui  le  conservèrent  jus- 
qu'à l'établissement  de  la  dynastie 
des  Sassanidcs.  D'autres  princes  de 
son  sang,  issus  d'une  branche  colla- 
térale, continuèrent  de  régner  dans 


MIT 

la  Baclriane,  dont  ils  étaient  encore 
maîtres  à  la  fin  du  quatrième  siècle. 
Après  la  soumission  de  l'Inde  ,  Mi- 
tliridate qui,  par  ses  conquêtes,  avait 
accru  considérablement  ses  forces, 
résolut  de  se  mesurer  avec  les  Sé!eu- 
cides  ,  et  de  leur  arracher  le  sceptre 
de  l'Orient.  Le  moment  ét;;it  favo- 
rable :    la   mort   d'Antiochus  Epi- 
phane   avait  été  suivie  de    longues 
dissensions  civiles  pendant  la  mino- 
rité d'An:iochus    Eupator  ,    et    les 
premières  années  de  DemetriusSoter. 
Tandis  que  ce  prince  s'abandonnait 
à  la  mollette,  Mithridate  se  rendit 
maître  de  la  Médie  ;  puis  il  fit  la 
guerre  aux  peuples  de  l'Atropatène  , 
vers  l'an  160  avant  J.-G.  Après  une 
vigoureuse  résistance  ,  les  Atropaté- 
niens  reconnurent  l'empire  du  roi  des 
Parthes  ,  qui  leur  donna  pour  prince 
un  certain  Bacasis.  Mithridate  mar- 
cha bientôt  après  contre  les  Hyrca- 
niens ,  qu'il  vainquit  :  ce  fut  ensuite 
contre  les  peuples  de  l'Elymaide  qu'il 
tourna  ses  armes  ;  ils  subirent  le  joug 
comme  tous  les  autres,  et  accrurent 
la  puissance  de  Mithridate ,  qui  se 
contenta  de  leur  soumission  ,  et  les 
laissa  sous  le  gouvernement  de  leurs 
princes   particuliers.   Les  richesses 
qu'il  trouva  dans  les  temples  de  l'E- 
lymaide, que  le  roi  de  Syrie,  A11- 
tiochus  Epiphane  avait  vainement 
tenté  de  piller  quelque  temps  aupara- 
vant ,    augmentèrent,  considérable- 
ment les  moyens  qu'il  avait  déjà  de 
faire  la  guerre  aux  Séleucides.  La 
conquête  de  l'Elymaide  fut  bientôt 
suivie  de  la  prise  de  la  grande  Sé- 
leucie  ,  sur  le  Tigre,   qui  avait  suc- 
cédé a  la  puissance  et  à  la  splendeur 
de  Babylone ,  et  qui  avait  été  long- 
temps la  capitale   de  l'empire  des 
Grecs.  L'Assyrie  et  la  Mésopotamie 
eurent  le  même  sort.   En  l'an  i5i } 
les  peuples  de  l' Arménie  appellent 


MÎT 

d'eux- mêmes  les  armées  des  Par- 
tîtes; et  Mithridate  place  sur  le  trô- 
ne de  ce  pays ,  un  de  ses  frères  , 
nomme  par  les  Arméniens  Vaghar- 
schag,    qui  fut  le  chef  d'une  autre 
branche  de  la  race  des  Arsacides. 
Après  tous  ces  succès  ,  l'empire  des 
Parthes,  parvenu  au  pins  haut  degré 
de   splendeur  ,   s'élendit  depuis    le 
Caucase  indien >  jusqu'aux  rives  de 
FEuphrate.   La  mort  de  De'mètrius 
Soter  ,  roi  de   Syrie  ,   l'usurpation 
d'Alexandre  Bala  ,   la   guerre  qu'il 
eut  à  soutenir  contre  Déniétrius  Ni* 
cator ,  et  la  révolte  de  Tryphon  , 
donnèrent    à   Mithridate   le    temps 
d'affermir  sa  domination  sur  les  pays 
qu'il  avait  enlevés   aux  Séleuc^dcs. 
L'est  à  cette  époque  que  l'empire  des 
Parthes,   d'abord  faible  et  chance- 
celant,  fut  définitivement  constitué. 
Ce  ne  fut  que  long-temps  après  ,  a  ers 
l'an  i43,  que  Demétrius  Micator  , 
fils  de  Demétrius  Soter,  voulut  re- 
conquérir l'Asie:  voyant  que  presque 
tous  ses  sujets  étaient  révoltés  contre 
lui ,  et  que  le  perfide  Tryphon  s'em- 
parait successivement  de  toutes  les 
provinces,  il  résolut,  par  quelque  bril- 
lant exploit,  de  regagner  l'affection 
des  peuples  de  Syrie,  et  de  leur  faire 
oublier  l'indigne  mollesse  dans   la- 
quelle il  avait  passé  les  premières 
années  de  son  règne.  Il  tenta  donc 
une  expédition  dans  la  Haute-Asie, 
afin  de  recouvrer  les  provinces  que 
les  Parthes  avaient  enlevées 
vitre,  et  d'en  tirer  de  nouvelles  forées 
pour  combattre  Tryphon.  Tous  les 
peuples  de  l'Orient  .  impatients  du 
joug  des  Parthes,  l'invitèrent,  par 
leurs  arabi  ntreprendre 

cette  expédition.  !  de  la  Perse, 

de  l'Elymaïdei 

contents  defaii  tu  utiles 

au  succès  de  g 
rcut  encore  de  uiétrius 


MIT 


passa  donc  l'Euphrate,  et  vainqui, 
les  Parthes  dans  plusieurs  bâtai 
Séleucie  lui  ouvrit  ses  portes  ;  et  il 
pénétra  jusque  dans  la  Médie,   où 
il  trouva  le  terme  de  ses 
Trompé  par  de  feintes  propositions 
de  paix ,  il  vit  son  armée  défaite  par 
un  des  généraux  de  Mithridate,  et  lui- 
même  tomba  entre  les  mains  du  vain- 
queur. Le  roi  des  Parthes  fit  parcou- 
rir tous  ses  états  à  son  prisonnier , 
et  le  mena  particulièrement  dans  les 
pays  qui  s'étaient  révoltés  ,  où  il  le 
montra  comme  un  exemple  éclaLant 
de  l'instabilité  de  la  fortune.  La  dé- 
faite de  Demétrius  fut  suivie  de  la 
soumission  de  tous  les  pays  qu'il  avait 
envahis;  et  l'Asie  rentra  presque  sans 
combat  sous  l'empire  de  Mithridate. 
Demétrius  fut  aussitôt  envoyé  dans 
l'Hyrcanie,  où  il  fut  traité  avec  beau- 
coup de  douceur,  et  d'une  manière 
conforme  à  son  rang.  Pour  adoucir 
ses  chagrins,  Mithridate  lui  donna  en 
mariage  une  de  ses  filles,  nommée 
Piodogune,  et  il  promit  de  le  rétablir 
-  sur  le  trône  de  Syrie.  Le  roi  des  Par- 
thes mourut  avant  d'avoir  pu  ac- 
quitter sa  promesse  :  il  périt,  eu  l'an 
189  avant  J.-C. ,  empoisonné,  à  ce 
qu'il  paraît,  par   un  de  ses  frères 
nommé  Gosithris  ,à  l'âge  de  quatre- 
vingt-treize  ans.  Son  fils  Phrahates 
Il  lui  succéda.  S.   M— 

MITHRIDATE  II,  neuvièn 
des   Parthes  ,  neveu  du  préc< 
était   fils  d'Artaban  II  ,   mort  des 
suites  d'une  blessure  qu'il  avait  re- 
çue dans  une  bataille  contre  les  Tho- 
chariens ,  nation  scythique  qui,  de 
concert  avec  plusieurs  autres 
pladcs  barbares  ,  faisait   une 
acharnée  aux  Parthes.  Phraha 
prédécesseur  d'Artaban  , 

ses   |  1  urs  ,    Mithridate   II 

12.. 


MÎT 

reprit  la  guerre  avec  une  nouvelle 
ardeur  ;  il  paraît  qu'elle  fût  encore 
très-longue  :  à  la  fin ,  la  victoire  resta 
aux  Parthes.  Nous  ignorons  tous  les 
détails  de  ces  événements  :  tout  ce 
que  nous  pouvons  démêler  ,  c'est  que 
les  nations  scylhiques  qui  avaient  dé- 
truit  le  royaume  grec  de  la  Bactria- 
ne,  et  quil'avaicnt  occupé,ainsi  que  la 
Sogdiane,la  Draugiane  et  les  régions 
limitrophes  de  l'Indus,  furent  obli- 
gées de  reconnaître  alors  la  supréma- 
tie des  Arsacides  ;  que  la  branche  de 
la  famille  royale,  établie  dans  l'Inde, 
reçut  une  extension  de  territoire ,  et 
que  c'est  alors  qu'elle  fixa  sa  rési- 
dence dans  la  ville  de  Balkh  ,  la  Bac 
tra  des  anciens.  En  partant  pour  com- 
battre les  Scythes,  Mithridate  avait 
confié  le  gouvernement  et  la  défense 
des  provinces  occidentales  de  son 
empire  à  un  Hyrcanien  appelé  Hirné- 
rus ,  qui  avait  été  son  compagnon 
d'enfance.  Sous  prétexte  de  recher- 
cher ceux  qui  avaient  pris  le  parti  des 
Grecs  pendant  l'expédition  qu'An- 
tiochus  Sidétès  ,  roi  de  Syrie,  avait 
faite  sous  le  règne  de  Phrahatcs  II  , 
Himérus  appesantit  le  joug  le  plus 
tyrannique  sur  les  habitants  de  Ba- 
bylone  et  de  Séleucie  :  croyant  aussi 
que  Mithridate  ne  viendrait  jamais 
à  bout  de  la  guerre  contre  les  Scy- 
thes ,  il  se  révolta ,  et  prit  le  titre 
de  roi ,  qu'il  garda  quelques  années  , 
jusqu'à  ce  que  la  victoire  eût  mis 
Mithridate  en  état  de  le  châtier. 
Nous  ignorons  la  suite  de  l'histoire 
de  ce  prince  ;  nous  voyons  seule- 
ment, par  les  historiens  arméniens 
qui  le  nomment  Arschagan ,  qu'il 
eut  de  grands  démêlés  avec  Ardas- 
chès  ou  Tigrane ,  roi  d'Arménie 
(  père  du  célèbre  Tigrane  ) ,  qui ,  d'a- 
bord trop  faible  pour  lui  résister  , 
avait  été  forcé  de  lui  donner  son 
fils  comme  un  gage  de  sa  soumission, 


MIT 

mais  qui,  ensuite  plus  heureux,  avait 
réduit  Mithridate  à  lui  céder  le  titre 
de  roi  des  rois  ,  et  a  le  reconnaître 
comme  le  premier  prince  de  l'Asie. 
On  sent  bien  que  cet  abaissement 
forcé  ne  devait  pas  faire  du  roi  des 
Parthes  un  vassal  bien  fidèle  pour  le 
roi  d'Arménie  :  aussi  quand  Syllà  ,vers 
Tan  96  avant  J.-C. ,  eut  replacé  sur 
son  trône  Ariobarzane,  roideCappa- 
doeequienavaitétéchassépar  Mithri- 
date roi  de  Pont,  et  par  Tigrane  roi 
d'Arménie,  le  souverain  des  Parthes 
envoya  Orobaze,  un  de  ses  courti- 
sans ,  pour  faire  alliance  avec  le  gé- 
néral romain.  Il  paraît  que  celle 
ambassade  mécontenta  le  roi  d'Ar- 
ménie ,•  car,  peu  après,  Mithridate  fit 
mourir  son  envoyé,  sous  prétexte 
qu'il  s'était  mal  conduit  dans  cette 
occasion,  mais  sans  doute  pour  ne 
pas  s'attirer  une  guerre  avec  Je  roi 
d'Arménie.  La  mort  de  ce  prince,  qui 
fut  assassiné  en  l'an  91  ,  dans  l'Asie- 
Mineure,  où  il  avait  entrepris  une 
expédition  de  concert  avec  le  roi 
de  Pont,  présenta  une  occasion  fa- 
vorable à  Mithridate  pour  reprendre 
le  titre  dont  il  avait  été  dépouillé.  Le 
jeune  Tigrane,*  mal  affermi  sur  son 
trône,  fut  forcé  de  lui  céder  soixan- 
te-dix vallées  ou  cantons  limitro- 
phes de  ses  états  ;  et  le  royaume  des 
Parthes  fut  replacé  au  premier  rang 
dans  le  système  politique  de  l'Asie. 
Mithridate  intervint  alors  clans  les 
démêlés  qui  agitaient  la  Syrie.  Sin- 
nacès,  un  de  ses  généraux,  passa 
l'Euphrate  par  son  ordre,  et  se  joi- 
gnit à  Straton ,  tyran  de  Berrhée , 
qui  défendait  le  roi  de  Syrie,  Phi- 
lippe fils  d'Antiochus  Grypus  ,  con- 
tre son  frère  Démétrius,  qui  lui  dis- 
putait la  couronne.  Démétrius  fut 
vaincu,  et  emmené  prisonnier  chez 
les  Parthes ,  l'an  88  avant  J.-C.  Dans 
le  même  temps,  Mithridate  faisait  la 


MIT 

guerre  à  Tigrane,  qui  voulait  sans 
doute  reprendre  le  titre  supr<  * 
dans  une  bataille  livrée  sur  les  bords 
de  ('Araxe,  le  roi  des  Parthes  fut 
tue  par  un  soldat  thrace;  et  l'empire 
de  l'Asie  resta  aux.  Arméniens.  Cet 
eVénement  arriva  également  en  l'an 
88.  L'histoire  de  Milhridate  II  a  en- 
core plus  souffert  des  ravages  du 
temps,  que  celle  de  Milhridate  Ier. 
Ce  n'est  pas  sans  beaucoup  de  peine 
que  nous  avons  retrouvé  dans  les 
auteurs  anciens,  le  petit  nombre  de 
passages  qui  concernent  ce  prince,  et 
que  nous  sommes  parvenus  a  les  ex- 
pliquer et  à  les  coordonner.  S.  M.-x. 
MITHRIDATE  III,  treizième  roi 
des  Parthes,  iiis  et  successeur  de 
Phrahates  III  ;  monta  sur  le  trône  , 
en  l'an  58  avant  J.-C,  par  l'assassi- 
nat de  son  père.  Il  fut  à  peine  roi, 
qu'il  entreprit  une  expédition  en  Ar- 
ménie, contre  Tigrane  et  son  fils  Ar- 

le;  il  était  excite'  à  cette  guerre 
par  Tigrane  le  jeune,  fils  du  roi  d'Ar- 
ménie, qui  s'était  échappé  de  Rome, 
où  on  le  gardait  prisonnier,  et  avait 

hé  un  asile  chez  les  Parthes. 
Tandis  que  Mit hridate  faisait  la  guer- 
re en  Arménie,  son  frère  Orodes,  qui 
avait  pris  part  au  meurtre  de  son 
père ,  voulut  profiter  de  sou  absence 
pour  s'emparer  do  La  couronne.  Mi- 
lhridate revint  aussitôt  dans  son 
royaume,  et  vainquit  Orodes,  qui  se 
réfugia  dans  une  province  éloignée, 
abandonnant  ses  partisans  à  la  ven- 

e  de  son  frère  :  celui-ci  se  con- 
duisit avec  tant  de  cruauté,  que  les 
grands  et  le  peuple,  également  indi- 
gnés ,  rappelèrent  Orodes,  Milhri- 
date fut  vaincu  ,  et  contraint  de  lui 
céder  la  couronne  i  e  du 

royaume  de  Médie,  qu'il  obtint  en 
Q  nouveau 
partage,  Mil  ni.  innés 

bientôt  après  ;  ce  fut  sans  succès  : 


MIT 


8t 


Orodes  le  vainquit  encore,  le  chassa 
de  son  royaume,  cl  le  força  de  cher- 
cher un  asile  en  Syrie  ,  auprès  de 
(  i.ojinius ,  lieutenant  de  Pompée,  qui 
en  était  alors  gouverneur,  l'an  5.J. 
avant  J.-C.  Ce  général  se  préparait 
à  l'aire  la  guerre  aux  Arabes,  lorsque 
Milhridate  vint  réclamer  son  secours 
pour  être  replacé  sur  son  trône.  Déjà 
:  uns  se  disposait  à  passer  l'Eu*- 
phrate,  quand  des  ambassadeurs  de 
Ptolérnée  Aulélès  vinrent  l'engager  à 
rétablir  ce  prince,  qui  avait  aussi  ete 
dé'rôné.  Cette  expédition  présentait 
à  Gabinius  des  succès  plus  faciles,  et 
plus  de  richesses  à  acquérir  :  il  ajour- 
na donc  à  l'année  suivante  l'expédi- 
tion contre  les  Parthes.  A  son  retour 
d'Egypte  ,  il  fut  rappelé  par  le  sénat; 
de  sorte  que  Mithridate  se  vit  privé 
de  tout  espoir  de  rentrer  dans  ses 
états.  Gabinius  ,  en  partant  de  Sy- 
rie ,  donna  une  forte  somme  d'ar- 
gent à  Mithridate.  Celui-ci  ^accom- 
pagné du  général  parthe  Orsanes  , 
qui  l'avait  suivi  dans  son  exil,  passa 
l'Euphrate,  et  alla  joindre  les  Arabes 
de  Mésopotamie  ,  qu'il  n'eut  pas  de 
peine  à  réunir  à  son  parti.  Bien- 
tôt, par  leur  secours,  il  fut  maître 
de  Babylone  et  de  Séleucie:  Surena, 
général  d' Orodes,  fut  envoyé  pour 
le  repousser,  et  y  réussit.  Mithridate 
vaincu  se  réfugia  dans  Babyione  ,  où 
il  fut  assiégé;  il  y  (it  une  vigoureuse 
résistance  :  la  famine  le  força  de  s'a- 
bandonnera la  générosité  de  son  frè- 
re, qui  le  (il  m  •  veux, 
en  l'an  53  avant  J.-C.    S.  M — y. 

MITTARELL1  Jean-Benoit  ) , 
l'un  des  plus  savants  hommes  qu'ait 
produits  l'ordre  des  Cainaldules,était 
:  1 708.  Après  avoir 
terminé  ses  études,  il  prit  l'habit  re- 
ligieux, et  fut  chargé  par  ses  supé- 
rieurs d'enseigner  la  philosophie,  et 
la  théologie  au  couvexU  de  Saint-Mi- 


s->. 


MIT 


.  îl  s'acquitta  de  celte  double 

avec  beaucoup  de   succès,  et 

fui  élu,  en  1747,  procureur  de  sa  con- 

.  Dans  Ja  visite  qu'il  fit  des 

monastères,  il   recueillit 

Un  grand  nombre  de  chartes  et  de 

s  originales  très-intéressantes  ; 
igocicle  P.  Aat.  Gostadoni, 
l'un  de  ses  élèves  {V.  Gostadoni, 
X,  5i),  ils  rédigèrent  les  Annales 
de  l'ordre  des  Camalduïes,  et  les  ac- 
compagnèrent de  dissertations  qui 
jetient  un  grand  jour  sur  les  points 
les  plus  importants  de  l'histoire  ec- 
clésiastique et  civile  de  l'Italie  au 
moyen  âge.  D.  Mirtarelli  fut  élu,  en 
1^56,  supérieur  des  maisons  de  son 
ordre  dans  les  états  Vénitiens,  et, 
en  1764?  supérieur-général  de  l'or- 
dre ,  dignité  qui  l'obligea  de  fixer  sa 
résidence  à  Rome.  \\  y  reçut  un  ac- 
cueil distingué  du  pape  Clément  XIII, 
la  plupart  des  membres  du 
s  acre'  collège'  mais   en   quittant  ses 

ions,  il  se  hâta  de  revenir  au 
couvent  de  Saint-Michel  dont  il  était 

:  il  y  passa  les  dernières  années 
de^  sa  vie,  partageant  son  temps 
entre  la  prière  et  l'étude,  et  mourut 
le    14   août    1777.   Ses   principaux 

iges  sont  :  J.  Memorie  délia 
-vita  di  S.  Parisio ,  monaco  camal- 
dolese ,  e  del  monastero  di  S  S. 
Cristina  e  Parisio  di  1 'révisa ,  etc., 
Venise,  174S.  II  Memorie  del 
monastero  di  Sl\  Trinità,  Faënza  , 
1749.  III.  Annales  Camaldulenses 
ordinis  S.  Benedicti,  ab  anno  907 
ad  ann.  1770,  etc.,  Venise,  1 755- 
73,  9  vol.  in-fol.  Ce  grand  ouvrage 
est  exécuté  sur  le  même  plan  que  les 

des  de  D.  Mabillon.  IV.  Ad 

Script  ores   rerum   Italie  arum   CL 

■orii  accessiones  Faventinœ , 

etc.,  ibid.,   177 1  ,  in-fol.  C'est  un 

il  d'anciennes  chroniques  delà 
"Ville  de  Faënza.  Y.  De  litteraturd 


MIT 

Faventinorum  sive  de  vins  doctis 
eïseriptoribusurbis  Faventinœ  ,'ibià* 
1775  ,  in-fol.  C'est  l'histoire  litté- 
raire de  Faën/.a.  André  Zannoni  a 
publié  sur  cet  ouvrage  des  observa- 
tions critiques  auxquelles  Mittarelli  a 
rependu  {P.  le  Journal  des  savants, 
nov.  1776,  p.  75S  ).  VI.  Bibliotlie^ 
ca  codicum  Mss.  S.  Michaelis  Ve- 
netiarum  cuin  appendice  librorum 
impressorum  xvsœculi ,  ibid.,  1 7  79, 
gr.  in-fol.;  ce  Catalogue  est  estimé. 
W— s. 

MITTERPACHER  (Louis), pro- 
fesseur d'économie,  d'histoire  na- 
turelle et  de  technologie,  à  Pesth  , 
y  est  mort  le  24  mai  181  4  :  il  était 
né  en  1734.  Outre  plusieurs  ouvra- 
ges en  allemand  et  en  hongrois,  il  a 
écrit  en  latin  :  Elementa  reirusticœ} 
à  l'usage  des  académies  de  Hongrie,' 
1779-94,  en  3  parties,  in-8°.  — 
Iter  in  Poseganam  Slavoniœ  pro- 
vinciam ,  avec  Mathias  Tiller,  Pesth, 
1783,  in-4°.  —  Primes  lineœ  histo- 
riée naturalis ,  à  l'usage  des  acadé- 
mies de  Hongrie ,  ib. ,  1 79$ ,  in-8°.  ; 
■nouv.  éd.,  1807.  M — on. 

MITTIÉ  (Jean-Stanislas),  né 
à  Paris  en  1727,  devint  médecin  or- 
dinaire de  Stanislas ,  roi  de  Pologne, 
qui  tenait  sa  cour  à  Nanci.  Sa  qua- 
lité, et  plus  encore  ses  talents,  le  fi- 
rent recevoir  à  l'académie  de  cette 
ville.  Après  la  mort  du  monarque, 
Mitlié  vint  à  Paris  exercer  son  état  : 
il  fut  docteur-régent  de  la  faculté  de 
médecine,  et  mourut  en  1795.  Il 
s'était  spécialement  occupé  des  ma- 
ladies vénériennes ,  voulait  faire  re- 
noncer à  l'usage  du  mercure,  et  a 
publié  quelques  écrits  sur  ce  sujet. 
II  est  inutile  de  rapporter  les  vers 
très-médiocres  que  jui  avait  adressés 
l'abbé  Porquet;  mais  voici  la  liste  de 
ses  ouvrages  :  I.  Dissert atio  :  ergo 
in  vulneribusihoracis  lœsi  pulmoniç 


MIT 

condhioni  conducet  aèrperipsum  et 
qjuIjius  in  thoracem admissus,  1  7  60, 
in-4°-  II.  Etiologe  nouvelle  de 
la  salivation,  1777,  in-8°.  III. 
Lettre  à  V auteur  de  la  Gazette  de 
santé,  1780,  in-8°.  IV.  Observa- 
tions sommaires  sur  tous  les  rai- 
tements  des  maladies  vené  iennes, 
particulièrement  avec  les  végétaux, 
pour  servir  de  suite  à  V Etiologie 
de  la  salivation,  1779,  in- 12.  V. 
Suite  de  V Etiologie  de  la  saliva- 
tion, 1781 ,  in-8°.  VI.  Lettres  à  la 
faculté  de  médecine,  au  collège  de 
chirurgie,  et  à  ï académie  des  scien- 
ces, en  leur  envoyant  les  pièces  ou  il 
(Mittié)  a  publiées  sur  les  maladies 
vénériennes,  1784,  in  -  8°.  VII. 
Avis  au  peuple  (sur  les  maladies  vé- 
nériennes),  I7g3,  in-8°. ,  etc. 
A.  B— t. 
MIZAULD  (Antoine  )  ,  médecin 
ri  astrologue  ,  était  ni  >o  ,  à 

Montluçon  ,  petite  ville  du  Bour- 
bonnais. Il  vint  achever  ses  études 
à  Paris ,  et  y  reçut  ses  degrés  en  mé- 
decine :  il  avait  appris,  dans  le  même 
temps  ,  les  principes  de  l'astrologie 
d'Oronce  Fine  ;  et  à  une  époque  où 
tout  était  encore  conjectural  dans 
l'art  de  guérir  ,  il  chercha  les  causes 
des  maladies  et  leurs  remèdes,  non 
dans  l'observation  de  la  nature, 
mais  dans  la  position  des  planètes 
entre  elles  ou  à  l'égard  de  la  Terre. 
Un    jai  .  otifique  ,    el  ,   sans 

doute  ,  quelques  cures  heureuses,  le 
luirent  assez  promptement  en  vogue. 
On  apprend  ,  par  Ja  dédicace  d'un  de 
ses  ouvrages  (  De  mundi Sphœrd  ) , 
qu'il  était,  fort  bien  vu  à  la  cour  ,  et 

que  la  ,  ite  de  \  a- 

lois  lui  faisait  l'honneur  de  l'admettre 
on  intimité.  Quelques  vers,  dans 
lesquels   on  1   |,.  surnom 

d'Esculape  de  '  • ,  v\  [es  at- 

tculious  dont  il  était  l'objet,  lui  per- 


MIZ  i83 

suadèrent  qu'il  avait  quelque  chose 
de  divin.  Il  abandonna  la  médecine, 
comme  une  science  trop  vulgaire, 
pour  se  livrer  entièrement  a  1" 
îogie  ,  et  a  la  rédaction  de  ses  ou- 
vrages ,  qui  eurent  un  succès  bien 
inconcevable  aujourd'hui.  L'illustre 
de  Thon  lui-même  en  parle  avec  élo- 
ge; et  il  ose  assurer  qu'ils  seront  tou- 
jours estimés  des  juges  compétents. 
Mizauld  mourut  à  Paris  ,  en  1078. 
Sa  réputation  lui  survécut  long- 
temps :  vers  le  milieu  du  dix-septième' 
siècle ,  le  libraire  P.  Ménard  avait 
formé  le  projet  de  publier  le  recueil 
des  ouvrages  de  Mizauld  ;  mais  il  en 
fut  détourne4  par  Naudé  ,  qui  lui  fit 
sentir  qu'il  garderait  dans  son  ma- 
gasin ce  fatras  d'inepties ,  de  men- 
songes et  de  contes  puérils  (  Voj.  le 
M  as  curât ,  p.  1 35  ).  On  ne  s'atroid 
pas  à  trouver  ici  la  longue  no 
clature  des  écrits  de  Mizauld  ;  Nice- 
ron  en  a  rapporté  les  titres  dans  le 
tome  4°  de  ses  Mémoires  ;  on  se 
bornera  à  citer  ici  les  principaux  : 
I.  Le  Miroir  du  temps,  autrement 
dit  Ejjhémérides  perpétuelles  de 
l'air,  etc.,  Pa;is,  i5/J7  ,  in-8°.  ; 
rare  et  recherché  de  cpielques  cu- 
rieux. II.  Cometographia  ;  item 
Catalogus  cornet  arum  usauè  ad  an- 
num  i54o  visarum  ,  cum  portentis 
et  ( ve.nl i s  quœ  secuta  :unt,  ibid.  , 
î549,  in-8G.  Lalande  dit  que  celte 
édition  est  in-4°.  III.  Planetogra- 
phia  ex  (pid  cvlcstium 
cum  hum  unis  et  astronomiœ  cum 
medicind  societas  eihannonia  ape- 
ritur ,  Lyon,  r">5i  ,  in-4à. ;  trad. 
en  français  par  Montlyard.  IV.  De 
mundi  sphœrd  wgraphid 


libri  très,  Paris 


.  >  ». 


1567 


un  poème  dédi 
de    Valois.    V.    Noi 
pour  incontim  lu  naturel 

d'un  chacun  pa 


i8'f  MIZ 

du  front  et  de  ses  linéaments,  ibicl.  i 
i  ;")'():"),  in-8°.  Cette  invention  n'était 

nouvelle  ,  puisque  la  Méto- 
poscopie  de  Cardan  avait  été  publiée 
dès  i558,  eu  latin  et  en  français 
(  V.  Cardan  ).  VI.  Memorabilium  , 
ulilium  et  jucundorum  centui 
arcanorjun  7  ibid. ,  1 5(30  ,  in-8°.; 
compilation  réimprimée  plusieurs 
fois  avec  des  additions  et  des  com- 
mentaires, et  enfin  sous  ce  titre  : 
Mizaldus  redivivus  sive  memorabi- 
lium centuriœ  su,  etc.,  Nurem- 
berg, 168.1  ,  in- 13.  C'est  un  tissu 
de  fables  et  de  contes  populaires. 
VII.  Les  Secrets  de  la  lune ,  opus- 
cule non  moins  plaisant  qu'utile , 
sur  le  particulier  concert  et  mani- 
feste accord  de  plusieurs  choses  du 

le  avec  la  lune,  etc.,  Paris, 
1 5jb  ,  in -4°.  ;  1071,  in-8°.  :  au  dé- 
faut de  l'ouvrage  qui  est  rare  ,  on  en 
trouvera  l'analyse  dans  les  Mélanges 
tirés  d'une  grande  bibliolh.  t.  b  b, 
p.  1 1 3  et  suiv.  Il  y  a  des  choses  bien 
singulières.  VIII.  Ifistoria  horten- 
sium  irovusculis  methodicis  conten- 
ta, etc., Cologne,  1 S77,  in-80.;  trad. 
en  français  par  André  de  La  Caille  . 
sous  ce  titre  :  Le  Jardinage  de  Mi- 
zauld ,  contenant  la  manière  d'em- 
bellir les  jardins  ,  et  comment  il 
faut  enter  les  arbres  et  les  rendre 
médicinaux,  Paris,  i5n8,  in-8°. 
Cette  traduction  est  rare  et  recher- 
chée. Mizauld  conseille,  dans  cet  ou- 
vrage, de  préférer  dans  les  maladies 
l'usage  des  plantes  indigènes  aux 
remèdes  composes  des  apothicaires: 
cette  idée  ,  qui  trouva  des  partisans, 
le  brouilla  ,  dit- on,  avec  ses  con- 
frères. Ghilini  a  publié  Y  Éloge  de 
Mizauld  dans  le  Teatro  d'huomini 
letterati,  t.  Ier.  W — s. 

MNÉSICLÈS,  architecte  grec, 
construisit  à  Athènes  ,  sous  le  gou- 
UTnement  de  Péridès,  un  des  plus 


MNE 

parfaits  monuments  de  l'art  des  an- 
ciens, le  vestibule  et  les  porliq 
connus  sous  le  nom  de  Prop;.  I 
qui  formaient  la  magnifique  entrée  de 
F  icropolis  ou  citadelle  d'Athènes. 
Mnésiclès  les  commença  sous  Far- 
chontat  d'Euthymène,  4^7  ans  av« 
J.-C,  et  les  termina  en  cinq  années: 
les  dépenses  s'élevèrent  à  f2,oia  ta- 
lents (  10,864,800  fr.)  Les  plafonds 
étaient  formés  par  des  blocs  de  inar- 
bre d'une  grandeur  et  d'une  î; 
surprenantes.  Tous  les  arts  rivalisè- 
rent avec  l'architecture  pour  orner 
ce  superbe  vestibule  :  les  Romains  y 
ajoutèrent  quelques  embellissements. 
Lorsqu'Athènes  passa  sous  la  domi- 
nation des  Turcs,  ceux-ci  ouvrirent 
une  autre  entrée  à  la  citadelle  -y  et 
les  Propylées  furent  encombrées  de 
murs  qui  bouchèrent  les  entrecolon- 
ncments ,  et  flanquées  de  lourds  bas- 
tions qui  masquèrent  leur  noble  as- 
pect. Les  combles  et  les  architraves 
furent  presque  entièrement  détruits  : 
mais  ce  qui  reste  aujourd'hui  de  cet 
élégant  édifice  ,  suffît  encore  pour  en 
retrouver  tout  l'ensemble,  pour  en 
faire  admirer  la  perfection  ,  et  pour 
rendre  immortel  le  nom  de  Mnési- 
clès. L — s — E. 

MOAWYAH  ter.  sixième  succes- 
seur de  Mahomet  et  premier  khalyfe 
de  la  dynastie  des  Ommayades,  na- 
quit à  la  Mekke ,  vers  le  commen- 
cement du  septième  siècle  de  l'ère 
chrétienne,  dans  la  tribu  de  Cora'isch 
ou  Koréisch.  Arrière-pelit-fils  d'Om- 
maya  ,  qui  était  cousin  -  germain 
d'Abd-al-Mothalleb,  a'ieul  de  Ma- 
homet ,  il  avait  pour  père  le  fameux 
Abou-Sofyan ,  l'un  des  décemvirs  de 
la  Mekke,  le  plus  puissant  et  le  plus 
cruel  ennemi  du  législateur  des  Mu- 
sulmans {V.  Mahomet,  XXVI, 
190  ).  Après  la  conquête  de  cette 
ville  par  Muhqmet  7  Abou  -  Sofyan 


MOA 

et  son  fils  embrassèrent  l'islamisme  ; 
et  le  second  devint  un  des  secrétaires 
du  prophète.  Nomme ,  l'an  20  (6  \  1  ), 
au  gouvernement  de  Syrie,  il  le  pos- 

pendant  les  quatre  dei •;. 
années  du  khalyfat  d'Omar,  et  les 
douze  années  que  dura  celui  d'O- 
thmau,  dont  il  était  proche  parent. 
Il  dut,  sans  doute ,  à  ce  titre  l'indul- 
gence de  ce  prince  ,  auquel  il  avait 
été  dénonce  comme  concussionnaire. 
Sous  le  règne  de  au  28 

(648-9;,  il  conquit  l'île  de  Cypre  • 
mais,  deux  ans  après,  el!e  retourna 
au  pouvoir  des  Grecs.  L'an  3o  (6  ~>  1  ), 
il  s'empara  de  l'île  de  Rhodes  ,  fit 
mettre  en  pièces  le  fameux,  colosse, 
et  en  vendit  les  débris  à  un  Juif, 
qui  en  chargea,  dit-on,  neuf  cents 
chameaux.  La  même  année ,  il  per- 
dit son  père  Abou-Sofyan.  Othmaii 
ayant  été  «ssassinë,  Moawyah ,  sous 
prétexte  de  venger  sa  mort ,  1 
de  reconnaître  Aly,  son  succès 
(  V.  Aly  ,  \.  5Gg  )  Proclamé  khaiyfe 
en  Syrie,  et  voulant  enlever  l'Egypte 
à  son  compétiteur ,  il  lui  en  r 
suspect  le  gouverneur ?  qu' Aly  rem- 
plaça par  Mohammed,  fils  d'Abou- 

et  l'un  des  assassins  d'Othman. 
Ce  choix  ilé  des  troubles 

en  JÈgypte  ,  Moawyah  donna  des 
troupes  à  son  ami  Amrou  ,  pour 
qu'il  en  chassât  Mohammed;  et  afin 
de  lui  cii  ouvrir  l'entrée,  il  lit  em- 
poisonner, dans  du  miel ,  le  gi 
qu'Aly   envoyait  au   secours  de  ce 

1  aeur,  Amrou  joignit  al;., 
forces  aux  partisans  d'Othman,  et 
attaqua  Mohammed  qui ,  ayant  élé 
vaincu  et  t'ait  prisonnier,  fut  1 
dans  le  corps  d'un  âue ,  et  brûlé 
vif.  Tel  fut  le  sort  du  ûls  du  premier 
khaiyfe,  du  frère  de  l'épouse  chérie 
du  prophète.    1  Moawyah 

soumit,  pai  iants 

Médine,  ta  Mekke,  l<  et  lit 


MO 

périr  en  Arabie  un  grand  m 
de  partisans  d'Aly.  Sur  la  fin  de  la 
même  année,  trois  Kharedjites  a 
tenté  d'immoler  à-la  fois  Aly  ,  Moa- 
wyah et  Amrou,  k  la  tranquillité  de 
l'empire,  Aly  seul  succomba  sous 
le  fer  de  l'assassin  •  et  Moawyah  , 
quoique  blessé  de  manière  à  ne  pou- 
voir plus  désormais  être  père,  de- 
vint plus  puissant  par  la  mort  de 
son  rival.  Il  contraignit  Haçan,  fils 
et  successeur  de  ce  dernier ,  à  se  dé- 
mettre du  khalyfat ,  l'an  4 l  (66 1  ),  et 
à  se  retirer  à  Médine,  où  il  le  fit  em- 
poisonner dans  la  suite.  Moawyah  fit 
alors  son  entrée  dans  Koufah;  et  mal- 

:s  efforts  des  Kharedjites  ,  il  fut 
reconnu  khaiyfe  dans  tout  l'empire. 
Deux  ans  après ,  mourut  le  célèbre 
Amrou  ,  conquérant  de  l'Egypte  , 
dont  Moawyah  lui  avait  rendu  le  gou- 
vernement, et  laissé,  en  quelque  so;  te, 
la  souveraineté  (  V \  Amrou,  tom.  II. 
p.  65).  Le  khaiyfe  répara  bientôt 
cette  perte,  eu  attirant  dans  son. parti 
et  à  sa  cour  le  fameux  Zcïad ,  gouver- 
neur du  Farsistan  ,  qu'il  reconnut 
publiquement  pour  son  frère,  et  au- 
quel il  confia  les  gouvernements  im- 
portants de  Bassorah  et  de  Koufah , 

tels  dépendait  toute  la  Perse  ;  et 
il  y  ajouta  plus  tard  ceux  du  Sind  et 
de  toutes  les  cotes  et  îles  du  golfe 
Persique.  L'an  40,  Moawyah  fit  em- 
poisonner Abd-crrahman  (fils  du  cé- 
Khaled  ),  parce  qu'aimé  des 
Syriens,  celui-ci  pouvait  être  un  jour 
un  rival  redoutable  pour  Je  fils  du 
khaiyfe.  Se  voyant  affermi  sur  le 
trône,  Moawyah  s'occupa  de  reculer 
les  bornes  de  l'empire,  par  des 
quêtes  que  les  guerres  ci\  îles  avaient 

rompues  depuis  plusieurs  an- 
En  Occident,  les  armées  mu- 
sulmanes pénétrèrent  jusqu'à  !"• 
Atlantique;  et  Okbah,  l'un  de  leurs 
généraux,  bâtit,  près  de  Tunis,  la 


i85 


MOI 


ville  de  Kairowan ,  qui  devint  la 
résidence  des  gouverneurs  de  l'Afri- 
que. Vers  l'Orient,  les  Arabes,  sous  la 
conduite  d'Obéid-AIlah,  fils  de  Zéiad, 
et  ensuite  de  Saïd ,  fils  du  khalyfe 
Otliman ,  traversèrent  le  Djihoun 
(  l'Oxus  ) ,  envahirent  la  Sogdiane  , 
s'emparèrent  de  Samarkand,  et  pri- 
rent Termed  par  capitulation.  Les 
armes  de  Moawvah  eurent  moins  de 
succès  contre  les  Grecs.  Son  fils  Ye- 
zid  ,  et  Sofyan,  fils  d'Auf ,  l'un  de 
ses  généraux,  arrivèrent  devant  Cons- 
tantinople ,  qu'ils  assiégèrent  par 
mer  et  par  terre.  Ce  siège  dura  six 
à  sept  ans;  mais,  pendant  l'hiver  , 
les  Musulmans  se  retiraient  à  Cyzi- 
que,  et  recommençaient  les  hosli- 
lite's  à  chaque  printemps.  Enfin,  leur 
flotte  ayant  été  détruite,  en  grande 
partie,  par  le  feu  grégeois,  et  leur 
armée  de  terre  complètement  battue 
par  les  troupes  de  Gonstantin-Pogo- 
nat,  Moawyah  fut  obligé  d'acheter 
la  paix,  l'an  58  (  678).  Ce  fut  pen- 
dant cette  expédition  que  mourut 
Abou-Ayoub,  l'un  des  compagnons 
du  prophète.  Il  fut  enterré  près  des 
remparts  de  Constantinoplc;  et  sur 
son  tombeau  fut  depuis  élevée  la 
mosquée  qui  porte  encore  son  nom , 
et  dans  laquelle  les  sulthans  otho- 
mans  se  rendent  en  pompe  le  jour 
de  leur  avènement  à  l'empire.  Trois 
ans  auparavant ,  Moawyah  ,  qui  ré- 
sidait à  Damas ,  avait  voulu  y  faire 
apporter  le  bâton  et  la  chaire  du 
prophète  ,  de  peur  que  ces  précieu- 
ses dépouilles ,  restées  à  Médine,  n'y 
tombassent  au  pouvoir  des  partisans 
d'Aly  :  mais  une  éclipse  de  soleil 
ayant  eu  lieu  dans  le  moment  même 
où  les  gens  du  khalyfe  portaient  la 
main  sur  cette  chaire,  on  crut  que 
Dieu  s'opposait  à  son  dessein ,  et  on 
hissa  ces  reliques  à  Médine.  Jusqu'â- 
iurs  le  khalyfat  avait  été  électif;  ce 


MOA 

fut  l'an  56  (G76)  que  Moawyah , 
le  possédant  sans  compétiteur,  vou- 
lut le  rendre  héréditaire  dans  sa  fa- 
mille, en  faisant  reconnaître  son  fils 
Yezid  pour  son  successeur.  Il  y  réus- 
sit en  employant  à  propos  l'argent 
et  les  menaces,  et  malgré  la  résis- 
tance d'Abderrahraan  ,  d'Abdallah 
et  de  Houcéin,  fils  des  khalyfes  Abou- 
bekr ,  Omar  et  Aly ,  et  d'Abdallah  , 
fjls  de  Zobeir.  Mais  la  mort  le  déli- 
vra, deux  ans  après,  d'Abderrahman 
et  d' Aiescha ,  sa  sœur,  veuve  du  pro- 
phète. Le  jour  que  Yezid  fut  procla- 
mé khalyfe  ,  son  père  adressa  cette 
prière  à  Dieu  :  «  Seigneur,  affermis- 
»  sez  mon  fils  sur  le  trône,  s'il  en  est 
»  digne,  comme  je  le  crois  ;  sinon  , 
»  arrachez  de  ses  mains  un  sceptre 
»  qu'il  ne  porterait  point  pour  votre 
»  gloire.  »  Il  est  évident  que  l'ambi- 
tion et  la  tendresse  paternelle  aveu- 
glèrent également  Moawyah.  Aussi 
trouva-' -il  des  désapprobateurs  dans 
sa  propre  famille,  et  surtout  dans 
sa  tante  Arwah  ,  qui  était  cousine 
germaine  d'Aly  ;  et  le  choix  qu'il  fit 
de  son  fils  excita  plus  de  méconte- 
ments,  de  troubles  et  de  guéries  que 
sa  propre  usurpation  f  V.  Yezid  Ier.) 
Moawyah  mourut  à  Damas  ,  à  l'âge 
de  soixante- dix  ans  ,  au  mois  de 
redjeb  60  de  l'hégire  (  mai  680  ) , 
après  avoir  régné  dix-neuf  ans  ,  de- 
puis l'abdication  de  Haçan.  Il  avait 
possédé  la  Syrie  pendant  quarante 
ans,  soit  comme  gouverneur,  soit 
comme  khalvfe.  Avant  d'expirer  ,  il 
se  fit  porter  à  la  mosquée ,  et  dit  au 
peuple  :  «  Je  suis  comme  le  blé 
»  qu'on  va  moissonner  ;  je  vous  ai 
»  gouvernés  si  long-temps ,  qu'enfin 
»  nous  sommes  las  les  uns  des  au- 
»  très  :  si  je  n'ai  pu  égaler  aucun  de 
»  mes  prédécesseurs ,  je  ne  serai  sur- 
»  passé  par  aucun  de  ceux  qui  me 
»  succéderont.  »  Ensuite  il  envoya 


MOA 

ses  derniers  avis  à  son  fils  qui  était 
absent ,  et  lui  recommanda  surtout 
de  traiter  avec  beaucoup  d'égards 
les  Arabes  dont  il   tirait  son  ori- 
gine ;  de  ménager  les  Syriens  ,  ses 
plus  fidèles  sujets  ;  de  s'attacher  par 
ses  bienfaits  ,  Houcein  ,  (ils  d'Aly  ; 
de  ne  faire  aucun  quartier  à  Abdal- 
lah, fils  de  Zobéir;  et  d'être  avare 
du  sang  des  Musulmans.  Moawyali 
possédait  éminemment  toutes  les  qua- 
lités nécessaires  à  un  usurpateur  ,  à 
Un  fondateur  de  dynastie.  Toujours 
maître  de  lui-même,  il  savait  à  pro- 
pos cacher  ses  desseins,  réprimer  sa 
violence  naturelle,  mettre  des  bornes 
à  son  économie,  oublier  les  injures, 
caresser  ses  ennemis,  et  gagner  tous 
les  cœurs ,  par  ses  manières  pleines 
de  grâce ,  de  noblesse  et  de  bienveil- 
lance. Ce  fut  par  ses  artifices ,  par 
ses  perfidies,  qu'il  triompha  d'Aly, 
qui  poussait  la  franchise  et  la  loyauté 
jusqu'à  l'inconséquence  et  à  l'indis- 
crétion. Moawyah  eut  surtout  l'art 
de  se  faire  des  amis,  de  les  conser- 
ver, et  de  s'attacher  les  soldats;  ce 
talent  manquait  à  son  rival.  Enfin ,  il 
montra  l'heureux  et  redoutabie  as- 
semblage des  traits  qui  ont  caractérisé 
les  trois  premiers  empereurs  romains: 
il  eut  le  courage,  l'éloquence,  l'affa- 
bilité, la  libéralité  de  César;  l'ambi- 
tion, 1j    souplesse  et  la  tardive  clé- 
mence d'Auguste;   la  politiqu 
dissimulation  et  la  cruautéde  ï '$ 

yah  fut  le  premier  khalyfequi 
établit  des  relais  sur  les  routes;  le 
premier  qui,  à  cause  de  son  embon- 
point, se  tint  assis  en  parlant  au 
peuph  mosquée j  le  premier 

q«i  s'j  lieu  disti 

exhaussé;  le  premier  qui,  de  peur 
d'oublier  le  qu'il  aval; 

paré ,  prononça  la  khotkbah(  le  prô- 
ne ou  sermi 

es.  Mais  i  ;  a  |e 


MOA  187 

plus  contribuéà  le  rendre  odieux  aux 

les,  ou  sectateurs  d'Aly  , 
d'avoir,  le  premier,  obligé  les  Mu- 
sulmans de  prêter  serment  de  fidélité 
à  son  ills,  et  d'avoir  dépouillé  du  kha- 
lyfat  la  famille  du  prophète.   A — t. 
MOAWYAH    11,    3V  khalvfe 
Ommayade,  petit-fils  du  précédent, 
fut  proclamé  à  Damas,  le  \5  ra- 
by  1 ,  (34 de  l'hég.  (  l 'i  nov.  683),  aus- 
sitôt après  la  mort  de  son  père  Yezid 
Ier.  qui,  avant  d'expirer,  l'avait  dé- 
claré son  successeur.    A   peine  âgé 
alors  de  2 1  ans,  ce  prince ,  faible  de 
complexion,   se  distinguait  par  sa 
piété,  par  l'austérité  et  la  simplicité 
de  ses  mœurs.  Élevé  par  le  docteur 
Omar-al-Maksous ,  dans  la  secte  des 
Kadaiïtes  (1),  il  le  consulta,  avant 
d'accepter  le  khalyfat;  et  d'après  son 
avis,  il  consentit  à  essayer  s'il  au- 
rait assez  de  forces  pour  supporter 
le  poids  du  gouvernement.  En  quit- 
tant sa  retraite,  il  fit  graver  sur  son 
cachet  cette  devise  qui  était  l'expres- 
sion de  ses  sentiments  :  Le  monde 
nest  que  tromperie.  Mais  à  peine 
eut-il  régné  six  semaines,  ou  ,  selon 
quelques   auteurs,   trois   ou   quatre 
mois, que, fatigué  d'une  grandeur  im- 
portune, il  résolut  de  s'en  dépouiller. 
11  convoqua  donc  une  grande  assem- 
parla  ainsi  :  «  Moawyah ,  mon 
aïeul  ,  a   usurpé  le  khalyfat  sur  le 
gendre  du  prophète ,  le  vertueux  Aly  : 
,  mou  père,  a  consommé  celte 
lion  par  la  mort  de  Houcein, 
fils  d'Aly.  Je  ne  veux  point  me  char- 
ger d'une  autorité  injuste  dont  j'au- 
rais à  rendre  compte   devant  Dieu, 
(moisissez  donc  un  autre  k!ial\i'<-.  » 
Kl  comme  on  le  pressait  dedésif 
lui-même  son  successeur:  «  J'au 


•  il'-  s    r|c  ,  ,|,  ,  . 

11  i. lit  li  pi<  il.  -il ual Ion  .  alhil)U«i(  &  Dieu  ti  i  I 

tu  me  C.iil ,  el  h  l'homme  ieul   tout  le  mal 
:i  mI  naîtra  Je  >e§  action* 


MOA 


bien  en  cela ,  rcpiit-il ,  suivi  l'exem- 
ple d'Aboubekr,  si  j'avais  connu  un 
Omar;  et  j'aurais  imite  ce  dernier, 
en  désignant  six  candidats,  si  j'avais 
pu  trouver  six  hommes  qui  en  fussent 
dignes.  N'ayant  pas  joui  des  avan- 
tages du  khalyfat,  il  n'est,  pas  juste 
que  ma  conscience  soit  chargée  du 
choix  délicat  de  celui  qui  doit  me 
remplacer.  J'aime  mieux  vous  en 
laisser  juges  vous-mêmes.  »  A  ces 
mots ,  il  quitta  l'assemblée,  et  alla  se 
renfermer  dans  sa  maison,  dV>ù  il 
ne  sortit  plus  jusqu'à  sa  mort,  qui 
suivit  de  très-près  son  abdication. 
Il  fut  surnommé,  à  cause  de  cela  , 
Aboù-Leilah  (  le  Père  de  la  nuit  ). 
Il  mourut  de  la  peste  ou  par  le  poi- 
son. On  prétend  que  les  Syriens  en- 
terrèrent vivant  Al-Maksous,  le  soup- 
çonnant d'avoir  conseillé  à  Moa- 
wyah  cette  démarche  impolitique, 
qui  occasionna  de  grands  déchire- 
ments clans  l'empire  ,  et  i;t  couler 
des  flots  de  sang  musulman.  (  Voyez 
Merwan  Ier.  tom.  XXV1ÏI ,  Ab- 
dallah ibn  Zobaïr  et  Abdelmelek. 
tom.  I ,  p.  5 1  et  54.  )  A — t. 

MOB  AREZ  -  EDD  YN  MOH  A  M- 
MED-CH AH,  fondateur  de  la  dynas- 
tie des  Modhafferides  ,  en  Perse  , 
était  issu  d'une  famille  arabe,  éta- 
blie dans  le  Khoraçan  dès  le  pre- 
mier siècle  de  l'islamisme.  Son  bi- 
saïeul ,  Éuiyr  Gaïath-eddyn  Hadjy , 
ayant  quitté  cette  province,  lors  de 
l'invasion  des  Tartares  sous  Djen- 
ghyz-Khan  ,  se  retira  dans  les  envi- 
rons de  Yezd.  Sa  taille  et  sa  force 
étaient  si  prodigieuses ,  qu'il  ne  put , 
dit-on ,  trouver  de  chaussure  à  son 
pied  dans  cette  ville,  et  que ,  plus  de 
trois  cents  ans  après,  on  y  montrait 
encore  son  épée,  qui  pesait  trente- 
six  livres.  Modhaûer,  son  petit-fils, 
distingué  par  sa  bravoure,  ses  ver- 
tus et  sa  piété  ,  obtint  le  gouverne- 


MOB 

ment  de  Mibad  ,  de  l'atabek  You- 
souf  Chah,  prince  de  Loin is tan;  et 
ayant  ensuite  passé  au  service  d'Ar- 
ghoun  Khan ,  souverain  de  la  Perse  , 
il  parvint  à  divers  emplois  impor- 
tants, sous  les  successeurs  de  ce  prin- 
ce ,  et  mourut  l'an  713  de  l'hégire 
(  i3i4de  J.-G.  ).  Mobarez-eddyn  , 
fils  de  Modhafï'er,  alors  âgé  de  i3 
ans  ,  se  rendit  célèbre  de  bonne  heu- 
re par  une  valeur  extraordinaire.  11 
terrassa  un  fameux  brigand  qui  dé- 
solait la  contrée  entre  Yezd  et  Ghy- 
raz,  et  porta  sa  tête  au  sulthan  Abou- 
Saii-Behader-Khan  ,  qui  ,  charmé 
de  cet  exploit ,  gratifia  le  jeune  brave 
du  gouvernement  de  Yezd ,  en  718, 
quoique  celui-ci  fût  à  peine  dans  sa 
19e.  année.  Mobarez  eddyn  prouva 
par  des  services  plus  essentiels  ,  qu'il 
était  digne  de  celte  récompense. 
Une  horde  de  bandits,  appelés  Ni- 
coudariens  }  infestait  le  Farsislan  : 
il  leur  livra  vingt-un  combais  ,  dans 
l'espace  de  quatre  ans  ,  et  vint  à  bout 
d'en  purger  le  pays.  Enfin,  il  épousa 
la  fille  unique  de  Cothb-eddyn  Chah- 
Djihan ,  dernier  prince  de  la  dy- 
nastie des  Gara-Khatayens,  lequel, 
après  avoir  perdu  la  souveraineté  du 
Kerman,  avait,  au  moyen  de  ses  im- 
menses richesses  ,  obtenu  des  khans 
moghols  le  gouvernement  de  Chy- 
raz  ,  où  il  s'était  retiré.  Ce  mariage 
ayant  fort  accru  la  puissance  et  la 
considération  personnelle  de  Moba- 
rez-eddyn dans  le  midi  de  la  Perse , 
il  y  jeta  les  fondements  d'une  nou- 
velle domination  pendant  l'anarchie 
qui  suivit  la  mort  d'Abou-Saïd  (  F. 
Beiiader  ,  IV,  5q  ,  et  Haçan-Bu- 
zurk.  ,  XIX,  -.i83  ).  Nommé  gouver- 
neur du  Kerman,  par  Haean  Djou- 
bany,  l'an  740,  il  ne  lui  fut  pas  dif- 
ficile de  se  faire  reconnaître  souve- 
rain ,  eu  moharrem  ^4'2  (  jum  l ^4 l  )> 
dans  un  pays  que  les  ancêtres  de  sa 


MOB 

femme  avaient  possédé  près  d'un 
siècle.  Alors  il  attaqua  Cheikh-Chah- 
Abou-Ishak  Indjou,  prince  vertu 

mais  sans  énergie ,  qui  régnait  dans 
le  Farsistan  ;  et ,  après  une  guerre 
longue  et  cruelle ,  il  lui  enleva  succes- 
sivement Chyrazel  ïspalian. L'infor- 
tuné Indjou  arrêté  dans  cette  dernière 
ville,  et  ramené  à  Chyraz,  V  eut  la 
tête  tranchée  ,  le  1 1  juin  i357  ,  aux 
yeux  de  ses  compatriotes  ,  de  ses 
amis,  de  ses  anciens  sujets,  et  au 
milieu  de  L'hippodrome  qu'il  avait 
fondé.  Tandis  que  Mobarez-eddyn  , 
par  cette  exécution  solennelle,  ef- 
frayait les  peuples  du  Farsistan,  et 
leur  ôtait  tout  prétexte  de  révolte  , 
son  fils  aîné,  Modhatfer,  subjuguait 
le  Khouzistan ,  et  allait  ensuite  recu- 
ler les  états  de  son  père,  vers  le  Sois- 
tan  et  le  Mekran.  L'ambitieux  Mo- 
barez  eddyn  convoitait  aussi  l'Adzer- 
ba'idjan,  où  avaient  résidé  les  Djen- 
gliyzkhanides.  Après  diverses  ré- 
volutions (  V.  MeLIK  EL  ASCHRAF, 

X  \  VIII ,  'i  1 4)  >  celte  province  élait 
tombée  au  pouvoir  du  tyran  Akhid- 
jouk.Le  mauvais  succès  du  sultlian  de 
Laghdad,  Cheikh-Weiss  (  V.  Av  i'is 
I),  ne  rebuta  point  le  roi  de  Chy- 
\  la  tête  de  douze  mille  cava- 
liers d'élite ,  il  partit  au  milieu  de 
l'hiver  7(50,  vainquit,  près  de  IVIeïa- 
na,  l'armée  d'Akbidjouk,  forte  de 
trente  mille  hommes ,  s'empara  de 
Tauryz  ,  y  remplit  les  fondions  d'i- 
mam ,  et  y  prononça  la  khothbah 
in  propre  nom.  Mais  deux  m  ni , 
-  .  la  mort  de  son  (ils  aîné ,  et 
l'approche  du  sulthan  de  Baghdad, 
l'obligèrent  d'abandonner  sa  nouvelle 
conquête.  Depuis  son  retour  de  cette 
ilion,  Mobarcz -eddyn  ne  fut 
plus  le  même  prince.  Sans  respect 
pour  les  mœurs  et  la  religion,  il  s'a- 
bandonna a  is  honteux 
avec  tant  de  scandale  ,  que  les  prinei- 


MOC  180 

paux  habitants  de  Ghyraz ,  et  ses  fils 
mêmes  ,  le  dénoncèrent  au  magistrat 
comme  le  témoigne  le  poète  Hafyz , 
dans  une  élégie  où  il  dépeint  les  tur- 
pitudes de  ce  monarque.  Méprisé 
de  ses  sujets  ,  aigri  par  le  chagrin  ? 
Mobarcz- eddyn  devint  encore  plus 
cruel.  11  fit  mourir  plus  de  mille  in- 
dividus dans  les  supplices;  et  plu- 
sieurs périrent  de  sa  propre  main. 
Effrayés  de  ses  menaces,  ses  parents, 
ses  enfants  fuyaient  sa  présence.  En- 
fin ,  Gîiah-Sullhan ,  son  neveu  et  son 
gendre,  et  ses  fils  Chah-Choudja  et 
Chah -Mohammed,  l'ayant  surpris 
un  jour  dans  sa  chambre,  occupé  à 
lire  le  Coran  ,  se  saisirent  de  lui,  et  le 
renfermèrent  dans  une  tour,  où  ils  lui 
firent  crever  les  yeux  le  lendemain, 
19  ramadhan  760  (  14  août  i35g  \ 
Hafyz  ,  qui  avait  déploré  la  mort 
tragique  d'Abou-Ishak  Indjou,  com- 
posa aussi  une  élégie  sur  ce  dernier 
événement.  Mobarez -eddyn  survé- 
cut cinq  ans  à  son  malheur,  et  mou- 
rut en  765  (  1 364  )  •>  après  avoir  ré- 
gné quarante-deux  ans  à  Yezd,  <ih- 
nuit  dans  le  Kerman ,  sept  à  Ghy- 
raz ,  et  deux  à  Ispahan.  Son  fils  , 
Djelal-eddyn  Chah-Choudja  ,  prince 
habile,  sage,  pacifique,  protecteur 
des  lettres  ,  et  bon  poète,  triompha 
de  ses  frères  et  de  ses  neveux ,  qui 
s'étaient  révoltés  ;  il  régna  vingt-six 
ans  avec  gloire,  sul  ménager  Tamer- 
lau,  dont  il  devinait  la  grandeur  fu- 
ture, et  mourut  eu  780  (  i384),en 
lui  recommandant  son  fils  Z< 
Ab-eddyn ,  dont  les  malheurs  entrai  - 
nèreut  la  catastrophe  qui  mit  lin  à 
la  dynastie  des  Modhafferides  (  A". 
Mansour-Chah  ,  XXVI  ).     A — t. 

MOCAILYIL    P.   MoSSAtLAMAH. 

MOCANNA.  V.  Ai 
MOCEILAH.  /'.  Moss 
MOCENIGO(  Thomas 

Venise,  succéda,  le  7  janvier  1 


igo  MOC 

à  Michel  Stcno.  II  était  alors  ambas- 
sadeur de  sa  république  à  Crémone, 
auprès  de  Gabrino-Fondolo  ,  tyran 
de  cette  ville:  il  s'enfuit  secrètement 
dès  qu'il  eut  la  nouvelle  de  son  élec- 
tion ,  de  peur  que  Fondolo  ne  voulût 
retenir  prisonnier  un  personnage  qui 
devenait  aussi  important.  Pendant 
son  règne ,  les  Vénitiens  firent  la  con- 
quête du  territoire  d'Aquilée,  mal- 
gré l'alliance  du  patriarche  avec 
l'empereur  Sigismond  ,  qui  tenta 
vainement  de  le  défendre.  Mocénigo 
empêcha  ensuite,  autant  qu'il  put,  sa 
république  de  s'engager  dans  la  guer- 
re contre  le  duc  de  Milan;  il  mourut 
dans  un  âge  avancé,  au  mois  d'avril 
i4^3  ,  et  il  eut  pour  successeur 
François  Foscari,  moins  pacifique 
que  lui.  —  Pierre  Mocemgo,  doge 
de  Venise  de  i  474  à  '4)6  ,  avant 
de  parvenir  à  la  dignité  ducale,  avait 
obtenu  la  plus  haute  réputation , 
comme  généralissime  de  la  républi- 
que ,  dans  la  guerre  qu'elle  soutenait 
contre  les  Cypriotes  et  contre  les 
Turcs.  Il  avait  été  chargé,  en  1 47°  ? 
du  commandement  de  la  flotte,  au 
moment  où  la  perte  de  Négrepont 
jetait  le  découragement  dans  les  trou- 
pes vénitiennes.  En  arrivant  à  son 
poste  ,  il  avait  fait  arrêter  son  pré- 
décesseur ,  Nicolas  Canale  ,  avec  son 
fils  et  son  secrétaire,  auxquels  la  ré- 
publique attribuait  les  revers  qu'elle 
avait  éprouvés.  Il  avait  ensuite  pro- 
fité de  la  guerre  que  le  roi  de  Perse 
avait  déclarée  à  Mahomet  II ,  pour 
ravager ,  en  1 472 ,  Mitylène ,  Dilo  et 
les  Cyclades,  pendant  que  le  sulthan 
était  occupé  ailleurs:  il  avait  menacé 
toute  la  Natolie,  et  avait  enfin  pris 
Smyrne,  qu'il  ruina  de  fond  en  com- 
ble. La  retraite  d'Ousoun-ÎIaçan, 
qui  n'avait  pu  forcer  le  camp  retran- 
ché de  Mahomet,  priva,  en  1 47^, 
Mocénigo  ,  des  avantages  qu'il  avait 


MOC 

espérés.  D'ailleurs,  à  la  même  épo* 
que ,  il  fut  obligé  de  passer  en  Cypre  , 
pour  prendre  la  protection  de  la 
reine  Catherine  Cornaro,  fille  adop- 
tivede  la  république,  qui  venait  de 
perdre  son  mari:  il  punit  sévèrement 
les  nobles  Cypriotes  qui  avaient  cons- 
piré contre  cette  princesse,  et  qui 
avaient  voulu  maintenir  la  liberté  de 
leur  patrie  opprimée  par  les  Véni- 
tiens. En  1 474  ■>  il  conduisit  une  nou- 
velle flotte  au  secours  de  Scutari, 
que  le  grand- vézir assiégeait:  il  con- 
tribua beaucoup  à  la  glorieuse  dé- 
fense de  cette  place  ;  mais  il  y  con- 
tracta une  maladie  dangereuse  dont 
il  ne  «se  guérit  jamais.  Les  Vénitiens, 
par  reconnaissance  pour  tant  d'ex- 
ploits, le  choisirent  pour  succéder 
à  Nicolas  Marcello ,  au  mois  de  dé- 
cembre de  cette  même  année.  Mais 
tout  le  temps  qu'il  fut  doge,  sa  santé 
fut  très -chancelante;  il  mourut  le 
23  février  1476.  André  Vendramino 
lui  succéda.  S.  S — r. 

MOCENIGO  (  Jean  ),  frère  du 
précédent ,  fut  nommé  pour  succé- 
der à  André  Vendramino ,  qui  n'a- 
vait régné  que  deux  ans.  Venise  à 
cette  époque  fut  affligée  par  de  nom- 
breux fléaux  :  un  incendie  consuma 
le  palais  public;  la  peste  et  la  fami- 
ne désolèrent  les  habitants  ;  la  guer- 
re avec  Mahomet  II  durait  encore  , 
et  Venise  n'acheta  la  paix,  en  1479, 
que  par  la  cession  de  Scutari.  Cepen- 
dant la  république ,  oubliant  bientôt 
ces  calamités,  entreprit,  en  1482, 
une  guerre  nouvelle  de  pure  ambi- 
tion contre  Hercule  III ,  duc  de  Fer- 
rare;  mais,  abandonnée  par  Sixte 
IV ,  son  premier  allié ,  elle  ne  put 
faire  les  conquêtes  sur  lesquelles  elle 
avait  compté.  Jean  Mocénigo  mou- 
rut le  5  novembre  i4H5.  Marc  Bai 
barigo  lui  fut  substitué.  —  Louis 
Mocemgo,  doge  de  Venise,  succéda 


MOG 

le  9  mai  i5-;0,à  Pierre  Loredano, 
mort  six  jours  auparavant.  La  répu- 
blique était  alors  engagée  dans  une 
guerre  coi; tic  les  Turcs  ,  pour  la  dé- 
fense de  l'île  de  Cypre  :  les  prin ci- 
pales  puissances  de  l'Europe  lui 
avaient  promis  des  secours  ;  mais 
leurs  généraux,  par  de  ridicules  dis- 
putes de  prééminence,  perdirent  l'oc- 
casion d'agir.  Nicosie  fut  prise  par 
les  Turcs,  le  g  septembre  1570,  et 
quinze  mille  chrétiens  y  furent  mas- 
sacrés. Farnagouste,  après  un  siège 
soutenu  avec  beaucoup  de  bravoure, 
capitula  le  1  août  i5^  ij  mais  la 
capitulation  ne  fut  point  observée, 
et  les  commandants  vénitiens,  avec 
leur  brave  garnison ,  furent  victimes 
de  la  perfidie  des  Musulmans  (  V 
Baglioni  et  Bbagadini  ).  La  gran- 
de victoire  remportée  à  Lépante,  le 
7  octobre,  par  don  Juan  d'Autri- 
che ,  ne  dédommagea  point  les  Vé- 
nitiens de  la  perte  de  l'île  de  Cypre; 
ils  se  déterminèrent,  en  1073,  à 
faire  la  paix  avec  les  Turcs,  en  aban- 
donnant à  ceux-ci  leurs  conquêtes. 
Pendant  le  gouvernement  de  Louis 
Mocenigo  ,  Venise  fut  désolée  par 
la  peste,  en  1676;  la  contagion 
lui  enleva  soixante-dix  mille  habi- 
tants. A  peine  s'était  -  elle  apaisée, 
lorsque  Louis  Mocenigo  mourut,  le 
4  juin  1077.  Il  eut  pour  successeur 
Sébastien  Vcnieri.  S.  S — 1. 

MOCENIGO  (André),  historien, 
Venise,  vers  la  un  du  quinzième 
siècle',  était  de  la  même  famille 
({ne  les  précédents.  Il  montra,  dès 
sa  première  jeunesse  ,  une  grande 
ardeur  pour  l'étude.  Il  fut  chargé 
de  différentes  négociations,  dont  il 
s'acquitta  avec  autant  de  zèle  que  de 
capacité  ;  et .  après  avoir  rempli  plu- 
sieurs eni;  1  la  sa- 
tisfaction .  vé  au 
rang  de  sénateur.  11  trouva  dans  la 


1VIOC  191: 

culture  des  lettres,  un  délassement 
à  ses  travaux,  et  publia  l'histoire 
de  la  ligue  de  Cambrai,  sous  ce 
titre  :  llelli  memorabilis  Caméra- 
censis  adversùs  Fenetos  historice 
libri  ri,  Venise,  i5i5,  in-8°.  ;  elle 
a  été  insérée  dans  le  12e.  vol.  du 
Thesaur.  anllquitat.  lia!.,  par  Grae- 
vius  et  P.  Burmann.  André  Arriva- 
J>ene  la  fit  traduire  en  italien;  et  cette 
traduction,  imprimée  en  1 544?  l'a 
été  de  nouveau  en  1 060  ,  in  -  8°. 
Quoiqu' écrite  d'un  style  peu  élégant, 
dit  Tiraboschi,  cette  histoire  est  re- 
cherchée pour  l'exactitude  avec  la- 
quelle les  faits  y  sont  rapportés. 
Mocenigo  avait  laissé  en  manuscrit 
un  Poème  latin  sur  la  guerre  que 
les  Vénitiens  soutinrent  contre  lia- 
jazet  II,  en  i5oo  :  il  est  perdu, 
ainsique  quelques  autres  productions 
de  cet  écrivain ,  dont  Marc  Foscarini 
rapporte  les  titres  dans  sou  ouvrage 
Délia  letteratura  Feneziana.  Quel- 
ques bibliographes  citent  encore  de 
lui  un  traité  de  théologie  en  cinq 
livres,  sous  ce  titre  singulier  :  Pen- 
tadoponet  Pentateuchon,  Venise, 
i5i  1 ,  in -8°.  :  l'auteur  l'a  dédié  an 
pape  Jules  II.  Ghilini  a  donné  une 
place  à  Mocenigo  dans  le  Teatro 

d'huomini  letterati.  W s. 

MOCLAH  (  Abcu-Aly  Moham- 
med, Ibn-Aly,  Ibn- )  ,  inventeur 
des  caractères  arabes  modernes  , 
uaquil  à  lîaghdad,  l'an  272  de  1 
(  885-6  de  J.-C  ).  Après  avoir  gou- 
verné une  partie  de  la  Perse ,  sous 
le  khalylatde  Moctader,  il  fui 
parce  prince,  à  la  dignité  de  \ 

\lQ  ;  928  ).  11  en  fut  dépouillé 
l'année  suivante  ;  mais  il  la  recouvra 
lorsque  Gaher  eut  succédé 
a  son  frère  (  / '.  WoCT  kDEB  ).  Ibn- 
Muclah  ayant  trempé  dans  une  cons- 
piration contre  le  nouveau  khalyfe, 
eu  'ri\  ,  perdit  une  seconde  f. 


lO'i 


MOC 


charge.  II  se  déroïw  au  supplice  par 
la  fuite,  et  ne  songea,  dans  sa   re- 
traite, qu'à  se  venger  de  Caher.  Dé- 
guisé en  femrrte ,  en  aveugle,  en  men- 
diant, il  se  rendait  secrètement  chez 
les  grands  officiers  de  l'empire,  et  les 
irritait  contre  ce  prince,  en  leur  rap- 
pelant sa  perfidie  et  sa  cruauté.  Il  ga- 
gna même  par  ses  présents  l'astrolo- 
gue et  l'interprète  des  songes  de  Si- 
211a,  l'un  des  principaux  chefs  de  la 
milice  turque ,  pour  qu'ils  persua- 
dassent à  leur  maître  que  ses  jours 
étaient  menacés  par  le  khalyfe ,  et 
qu'il  ne  pouvait  les  sauver  qu'en  le 
précipitant  du  trône.  Gaher  fut  dé- 
posé, en  3ii  (F.  Gaher,  VI,  4^8); 
et  Radhy,  son  successeur,  récompen- 
sa Ibn-Moclah  de  son  zèle,  en  lui 
rendant  les  sceaux.  Ce  vézyr  fit  ar- 
rêter et  condamner  à   mort  le  fa- 
meux imposteur  Sehalmagany  (  F. 
ce  nom  ).  En  3^3 ,  il  chassa  de  Mons- 
soul,  Nasser-ed-daulah  Haçan,  fon- 
dateur de  la  dynastie  des  Hamdani- 
des ,  lequel  recouvra  bientôt  ses  états, 
moyennant  un  tribut  qu'il  promit  de 
payer  au  khalyfe.  La  même  année , 
Ibn-Moclah  ayant  déplu  à  la  solda- 
tesque, les  portes  de  son  palais  fu- 
rent enfoncées  ;  et  il  n'eut  que  le 
temps  de  se  sauver  avec  son  fils  , 
dans  la  partie  occidentale  de  Bagh- 
dad.  Mais  il  fut  arrêté  et  destitué, 
en  3.ï4-  La  charge  de  vézyr  ayant 
été  bientôt  après  abolie,  et  rempla- 
cée par  la  dignité  plus  éminente  d'é- 
myr-al-Omrah  ,  dont    Àbou-Bekr- 
Ibn-Ra'iek  fut  revêtu 5  Ibn-Moclah, 
plus  sensible  à  la  perte  de  sa  place 
qu'à  l'avilissement  où  était  tombé 
alors  le  khalyfat  ,  intrigua  contre 
Ibn-Raïek,  et  lui  suscita  un  rival 
dans  le  turk  Yahcam.  Soit  qu'il  eut 
écrit  au  khalyfe ,  en  faveur  de  ce 
dernier,  soit  plutôt  qu'il  eût  invité 
Yahcam,  au  nom  de  ce  prince 7  à 


MOC 

venir  supplanter  Ibn-Ra'iek  ,  ses  me- 
nées furent  découvertes  :  Radhy  le 
fit  arrêter  et  condamner  ,  maigre 
ses  dénégations,  à  avoir  la  main 
droite  coupée,  au  mois  de  chawal 
3^6  (  août  q.38  ).  Loin  d'être  corrigé 
par  cette  cruelle  disgrâce,  Ibn-Mo- 
clah continua  d'intriguer  pour  re- 
couvrer la  charge  de  vézyr*  et  afin 
de  prouver  au  khalyfe  qu'il  était 
toujours  capable  de  la  remplir,  il 
s'habitua  à  écrire,  en  attachant  sa 
plume  à  son  poignet.  Son  ambition , 
son  orgueil  et  ses  propos  indiscrets 
sur  le  compte  du  khalyfe  et  de  Pé- 
myr-  al  -  Omrah  ,  achevèrent  de  le 
perdre.  On  lui  coupa  la  langue,  et  on 
le  resserra  plus  étroitement.  N'a  vaut 
personne  pour  le  servirai  fut  réduit 
à  un  tel  état  de  détresse,  que  lors- 
qu'il puisait  de  l'eau ,  avec  sa  main 
gauche  ,  il  était  obligé  de  retenir  la 
corde  avec  les  dents.  11  périt  enfin 
misérablement  et  sans  secours  ,  en 
chawal  3'28(  juillet  940)  :  vézyr  sous 
trois  khalyfes ,  il  avait  trois  fois 
commandé  les  armées,  fait  trois  fois 
le  pèlerinage  de  la  Mekke  ,  copié 
trois  exemplaires  du  Coran  ,  et  il  fut 
enterré  trois  fois.  Ibn-Moclah  culti- 
va la  poésie  •  et  quelques-uns  de  ses 
vers  nous  ont  été  transrais  par  El- 
makin  :  mais  il  est  surtout  célèbre 
pour  avoir  remplacé  les  anciens  ca- 
raotères  koufîques ,  par  l'écriture 
arabe ,  nommée  neskhi  ;  ce  qui  l'a 
fait  surnommer  Fadhékhath  (  le 
père  de  l'écriture  ).  Cette  invention  , 
attribuée  néanmoins  par  quelques 
auteurs,  à  son  frère  Abou- Abdallah  - 
cl-Haçan,  fut  perfectionnée,  un  siècle 
après  ,  par  Aboul-Hacan-Aly ,  Ibn- 
Hallal  (  F.  Ibn-Al-BIwab  ,  XXI , 
i/f3  ).  A— T. 

MOCLAH  ou  MOCLÈS  (  Seid 
supérieur  d'un  monastère  de  dervi- 
ches ,  de  l'ordre  des  Meulcvyy  à  Ispa- 


MOC 

Lan,  florissatfenl'an  1G7")  de  J.-C. ', 
sous  le  règne  de  Chah-Soleiman  ,  roi 
de  Perse,  de  la  dynastie  des  Sofys. 
Comme  ce  derviche  était  de  la  race  de 
Mahomet,  le  monarque,  lorsqu'il  le 
rencontrait  ,  descendait  de  cheval , 
eï  allait  lui  baiser  l'étrier.  Le  peuple 
avait  aussi  pour  lui  beaucoup  de  vé- 
nération, et  ne  le  craignait  pas  moins, 
parce  qu'il  était  grand  cabaliste. 
Comme  Moclah  tendait  à  devenir 
chef  de  parti,  et  à  fonder  une  nou- 
velle secte  ,  il  ne  laissait  pas  d'être 
suspect  à  la  cour.  Outre  les  dervi- 
ches qui  vivaient  sous  sa  direction  , 
il  avait  douze  disciples  qui  portaient 
de  longues  robes  blanches.  Pelis  de 
la  Croix,  le  fils,  pendant  son  séjour 
à  Ispahan ,  apprit  de  ce  docteur  à 
expliquer  le  Mesnevy,  sorte  de  poè- 
me théologique.  Moclah  avait  tra- 
duit en  persan,  dans  sa  jeunesse,  des 
comédies  indiennes  ,  dont  il  doit 
exister  aux  manuscrits  de  la  biblio- 
thèque du  Roi,  une  version  turque, 
sous  le  titre  de  Al  farad]  baad  al~ 
schidda  (  La  Joie  après  l'affliction  )  : 
pour  leur  donner  un  air  d'origi- 
nalité ,  il  les  avait  mises  en  con- 
tes ,  qu'il  appela  Hezariek-Rouz 
(  Mille  et  un  jours  ).  Petis  de  la 
Croix  obtint  une  copie  de  ces  contes 
persans  ,  qu'il  traduisit  en  français  ; 
mais  il  ne  les  publia  qu'après  les 
avoir  soumis  à  la  révision  de  l'au- 
teur de  Gil-Blas.  On  ignore  le  genre 
et  l'époque  de  la  mort  du  docteur 
lah.  A— t. 

MOCQUET  (  Jean  )  ,  voyageur 
us ,  était  né  dans  les  em  irons 
ienne  ,  en  1  575.  Lorsque  Henri 
IV  fut  parvenu  à  La  couronne,  Moc- 
fjuet ,  dont  les  parents  avaient  beau- 
•  usc  de  ce 
e  ,  fut  apothicaire  de  la  cour. 
Le  désir  d\  I  .1  Si  demander 

la  permissi 

x  \  1  \ . 


»'9 


étrangers  :  l'ayant  obtenue  ,  il  fut 
chargé  de  recueillir  des  ra 
le  cabinet  du  Roi.  11  partit  le  icr,  oc- 
tobre 1601 ,  et,  jusqu'en  juillet  1612, 
lit  cinq  voyages  :  le  premier  à  la  cote 
occidentale  d'Afrique ,  le  second  à 
la  Guiane  et  à  Cumana  ,  le  troisième 
à  Maroc  ,  le  quatrième  à  Goa  ,  le 
cinquième  à  la  Terre-Sainte.  Chaque 
fois  qu'il  revenait,  il  déposait  dans 
le  cabinet  du  Roi  aux  Tuileries  ,  les 
singuliers  objets  qu'il  avait  rappor- 
tés. «  Le  roi,  »  dit-il,  «  prenait 
»  plaisir  aux  discours  que  je  lui 
»  faisais  de  mes  voyages.  »  Il  eut  le 
titre  de  garde  du  cabinet  des  singu- 
larités, avec  600  francs  de  gages.  Le 
repos  ne  lui  convenait  pas.  En  j  G14 , 
il  résolut  de  faire  le  tour  du  monde, 
et  il  partit  pour  l'Espagne,  où  on 
lui  refusa  la  faculté  de  s'embar- 
quer pour  l'Amérique,  et  où  il  eut 
beaucoup  à  souffrir.  Alors  il  revint 
à  Paris ,  et  y  remplit  tranquille- 
ment son  emploi.  Sa  relation  est 
intitulée  :  Voyages  en  Afrique, 
Asie  ,  Indes  orientales  et  occiden- 
tales ,  divisés  en  six  livres ,  et  enri- 
chis  de  figures,  Paris,  1617,  1  vol. 
in- 12  •  Rouen  ,  1G4J  J  ibid. ,  i665. 
Il  en  existe  une  traduction  hollan- 
daise ,  Dordrecht,  i656  ,  in  4°  ,  et 
une  allemande ,  1GG8 ,  in~4°. ,  qui  est 
fort  mauvaise.  Mocquet  est  un  voya- 
geur assez  recommandante;  il  donne 
des  détails  curieux  sur  les  sauvages 
et  sur  l'histoire  naturelle  de  l'Améri- 
que méridionale.  Il  raconte,  entre 
autres  ,  une  histoire  qui  ressemble 
beaucoup  à  celle  dïukle  et  Yariko. 
Sànoticesur  Maroe'a  été  abrégée  par 
Dapper.  Il  fait  un  tableau  repouss  mt, 
eï  malheureusemenl  vrai,  de  1 1 

lion  des  Portugais  dans  I 
des,  cl  donne  des  détails  1 
sur  leur  commerce.  Il  coni 
le  voyageur  Pyrard,  qui  I 

i3 


if)  i 


MGG 


beaucoup  de  particularités  sur  les 
Maldives.  Quand  Moequet  revint  de 
la  Palestine ,  le  roi  fit  placer  dans 
son  jardin  du  Louvre  les  plantes 
qu'il  avait  recueillies  au  Mont-Liban. 
E— s. 
MOCTADER-BILLAH  (  Aboul- 
Fadhl  Djafar  II ,  surnomme  Al  ), 
xvniC!.  kalyfe  abbasside  de  Bagh- 
n'avait  que  treize  ans,  lors- 
qu'il succéda  ,  l'an  2g5  de  l'hég. 
(  go8  de  J.-C.  ) ,  à  son  frère  Mok- 
tafy.  Aucun  prince  de  sa  race  ,  avant 
et  après  lui ,  ne  fut  installe  aussi  jeune 
dans  la  chaire  du  prophète.  Aussi 
cette  innovation  occasionna-t-elle  une 
violente  sédition  dans  la  capitale,  dès 
le  commencement  de  l'année  suivan- 
te :  on  massacra  le  vézyr  de  Mocta- 
der  ,  et  l'on  donna  le  khalyfat  à  son 
oncle  Abdallah,  bis  de  Motaz,  avec  le 
titre  de  Radj-billah,  suivant  Aboul- 
Féda  ,  ou  de  Mortadj-billah  ,  sui- 
vant Abouîfaradj.  Mais  le  parti  du 
jeune  khalyfe  ayant  prévalu  le  lende- 
main ,  Abdallah  prit  la  fuite  ,  fut 
arrêté ,  et  on  l'étrangla  dans  sa  pri- 
son, au  grand  regret  des  Alydes  et 
des  gens  de  lettres  qu'il  protégeait. 
Ce  prince,  dont  Elmakin  a  con- 
servé quelques  vers ,  et  Aboulféda 
quelques  sentences,  ne  se  distinguait 
pas  moins  par  sa  piété  que  par  son 
esprit  et  son  talent  pour  la  poésie. 
La  tranquillité  se  rétablit  à  Baghdadj 
mais  Moctader ,  gouverné  par  ses 
femmes  et  par  ses  eunuques  ,  esclave 
de  ses  plaisirs,  jouet  des  factions ,  dé- 
posant ou  sacrifiant,  sans  motifs,  ses 
. .; ,  négligea  tellement  les  soins 
de  f empire  musulman,  déjà  ébranlé 
depuis  un  demi-siècle  par  l'inso- 
lence et  l'insubordination  delà  garde 
turke,  qu'il  en  hâta  la  décadence. 
Son  règne  fait  époque  dans  les  fastes 
de  l'Orient ,  par  les  malheurs  qui 
affligèrent  l'islamisme.    Le  fameux 


MOG 

Obeid- Allah  al-Mahdy,  fondateur  de 
la  dynastie  des  Fathimides ,  enleva  ? 
pour  jamais,  l'Afrique  aux  Abbas- 
sides  ,  attaqua  l'Egypte,  et  fut  l'au- 
teur du  grand  schisme  qui  divisa  si 
long-temps  les  Musulmans  (  Voy. 
Obeid-Allaïï  )  :  les  Grecs  pénétrè- 
rent jusqu'aux  frontières  de  la  Méso- 
potamie, et  en  enlevèrent  une  infi- 
nité de  captifs;  les  Garmathes  con- 
tinuèrent leurs  progrès  en  Arabie  et 
dansi'Irak(  F.Cabmath,  VII,  i63); 
quelques  ambitieux  s'établirent  dans 
d'autres  parties  fie  l'Orient.  Les  vic- 
toires de  l'eunuque  Mounès  ,  à  qui 
Moctader  devait  le  trône  ,  sauvèrent 
pour  long-temps  l'Egypte  et  la  Mé- 
sopotamie :  mais  ce  grand  capitaine, 
loin  de  pouvoir  rétablir  la  paix  dans 
l'empire  ,  et  le  bon  ordre  dans  Bagh- 
dad ,  fut  forcé  de  se  mettre  à  la  tê- 
te des  mécontents  qu'indignaient  la 
mollesse  du  khalyfe  autant  que  l'or- 
gueil et  la  rapacité  de  ses  favoris.  Le 
i4  moharrem  ,  3 1 7  (27  février, 
929  ) ,  il  entra  dans  le  palais  impé- 
rial qu'il  livra  au  pillage,  se  saisit 
de  Moctader ,  de  sa  mère  ,  de  ses 
enfants  et  de  ses  femmes,  les  fit  con- 
duire chez  lui  ;  et  contraignit  ce 
prince,  le  lendemain,  à  abdiquer  le 
khalyfat  en  faveur  de  son  frère  Ca- 
hcr-Billah.  Mais,  le  1 7,  tout  changea 
de  face.  Une  cérémonie  religieuse 
avait  attiré  la  foule  devant  le  palais  : 
unepartiedela  garde  ayant  demandé 
la  gratification  d'usage  à  l'inaugura- 
tion d'un  nouveau  khalyfe ,  îe  refus 
de  Gaher  excite  une  émeute  qu'il  es- 
saie en  vain  d'apaiser.  Son  palais 
est  forcé,  son  chambellan  égorgé,  ses 
partisans  et  ses  serviteurs  dissipés,  et 
lui-même  réduit  à  se  cacher.  Les  fac- 
tieux vont  chercher  Moctader  dans 
la  maison  de  Mounès,  le  portent  sur 
leurs  épaules,  et  le  replacent  sur  le 
trône.  Ge  princç  honora  son  triom- 


MOC 

plie  par  sa  clémence:  ayant  décou- 
vert la  retraite  de  son  frère,  il  le  fit 
amener  en  sa  présence,  le  reconnut 
innocent  de  la  dernière  sédition ,  le 
consola,  l'embrassa,  et  se  contenta 
de  le  confier  a  la  garde  de  sa  mère  , 
qui  traita  le  prisonnier  avec  beau- 
coup d'égards,  et  le  laissa  jouir  d'une 
grande  liberté.  Moctader,  dépose  et 
rétabli  en  si  peu  de  temps,  n'en  régna 
pas  avec  plus  de  talent  ni  plus  de  bon- 
heur. La  même  année ,  Nasser-eddau- 
lah  s'affermit  dans  la  souveraineté  de 
Moussoul,  que  ses  ancêtres  avaient 
gouverné,  et  y  fonda  la  dynastie  des 
Hamdanidcs,  qui  devint,  sous  son  frè- 
re, une  puissance  redoutable  pour 
l'empire  grec  (  V.  Saif-ed-daulaii). 
En  Arabie  ,  les  Carmathcs  prirent  la 
Mekke,  massacrèrent  trente  mille 
pèlerins,  comblèrent  le  puits  Zcm- 
zem,  après  y  avoir  précipité  le  corps 
de  l'émyr  de  celte  ville,  pillèrent  la 
Caabah ,  en  enlevèrent  la  pierre  noi- 
re et  la  gouttière  d'or,  et  interrom- 
pirent pour  plusieurs  années  le  pè- 
lerinage des  lieux  révérés  parles  Mu- 
sulmans {V.  Abou-Taheb,  I,  IOl). 
Dans  un  moment,  où  pour  résister 
à  ces  cruels  sectaires,  l'union  la  plus 
étroite  était  un  besoin  pour  tous  les 
Mahomélans  qui  suivaient  les  quatre 
sectes  réputées  orthodoxes,  les  rues 
de  Baghdad  étaient  le  théâtre  de  leurs 
sanglantes  querelles.  L'année  si;i\  .di- 
te, Moctader  ,  ne  pouvant  satisfaire 
les  prétentions  des  troupes  qui  l'a- 
vaient rétafcli  sur  le  trône,  elles 
voltèrent ,  furent  vaincues  par  Mou- 
liès,  et  allèrent  s'emparer  de  \V,i- 
néral  leur  enleva  bien- 
tôt. Mais,  dans  le  même  temps, 
Mardawidj  d'une 

de   la    .  p   près 

d'Holwan,  l'ai  i  .  et  fai- 

sait trembler  le  kh;  : 
dad(r.RvKD^ 


MOC 

Les  Musulmans  soupiraient 
la  fin  d'un  règne  plus  long  et  plus 
honteux  que  tous  ceux  des  pré 
seins  de  Moctader.  Il  se  perdit  lui- 
même,  en  favorisant  les  ennemis  que 
Mounès  avait  à  la  cour.  Ce  général  , 
pour  se  dérober  à  leur  haiue ,  se  re- 
lira du  cote  de  Moussoul ,  avec  un 
petit  nombre  de  ses  partisans.  Le 
khalyfe  confisqua  ses  biens,  et  man- 
da, au  prince  de  cette  ville  de  l'arrê- 
ter. Nasser-eddaulah  se  mit  en  de- 
voir d'obéir  :  mais  malgré  l'extrême 
supériorité  de  ses  forces,  il  fut  vaincu; 
et  sa  capitale,  ses  trésors  et  plusieurs 
de  ses  places  tombèrent  au  pouvoir 
de  Mounès.  Un  pareil  suects  grossit 
tellement  le  parti  de  ce  dernier,  qu'au 
bout  de  neuf  mois,  il  fut  en  état  de 
se  présenter  sous  les  murs  de  Bagh- 
dad. Moctader,  affaibli  par  la  déser- 
tion de  son  armée,  voulait  s'embar- 
quer sur  le  Tygre  ,  pour  se  retirer  à 
Waseth  ;  ses  amis  le  firent  changer 
de  résolution.  Par  leurs  conseils  ,  il 
se  revêtit  du  manteau  du  prophète, 
et,  précédé  des  docteurs  de  la  loi, 
qui  portaient  des  exemplaires  du 
(  ! 0]  au,  il  s'avança  contre  les  rebelles, 
Ce  spectacle  n'ayant  pu  les  faire  ren- 
trer dans  le  devoir,  il  donna  le  signal 
du  combat  dont  il  fut  Je  spectateur, 
du  haut  d'une  colline.  Mais  ses  trou- 
pes ayant  bientôt  lâché  le  pied,  il  fut 
entraîné  dans  leur  fuite.  Poursuivi 
par  des  soldais  africains,  et  gène  par 
son  embonpoint,  il  leur  cria  qu'il 
le  khalyfe  :  «  Oui,  nous  le  savons  ,  » 
lui  répondirent-ils,  «  lu  es  le  khaljj'a 
i  aire)  du  diable,  et  non  pas  de 
»  Mahomet.  »  Aussitôt  l'un  d'eux 

!  perce  de  son 
achevèrent  de  le  tuer,  'c  dépouillè- 
rent, et  enterrèrent  son  <  <  • 
lui  avoir  cou] ■■■■ 

Moctader  ,  à  la  fin  i  il  3ao 

(find'octol 


z0G  MOG 

îiuit  ans,  dent  il  en  avait  règne  vingt- 
cinq.  Ce  prince  clément,  généreux  et 
charitable,  mai  s  faible,  superstitieux, 
inconstant  et  voluptueux, dissipa  ses 
trésors   par  son   faste  et  ses  folies 
prodigalités.  Après  avoir  prohibé  le 
vin  par  des  édits  sévères,  et  diminué 
par -Là  les  revenus  de  l'empire,  il 
avait  fini  par  s'adonner  avec  excès 
à    cette   boisson.    Ce   fut   sous   lui 
que  le  khalyfat  parvint  à-la-fois  au 
plus  haut  point  de  magnificence  et 
de  faiblesse.  On  peut  juger  de  l'éclat 
de  sa  cour,  par  les  fêtes  qui  avaient 
eu  lieu  pour  la  réception  de  l'empe- 
reur de  Constantinople,  l'an  3o4  de 
l'hég.  (917  de  J.-C.)  et  dont  on  trou- 
ve les  détails  dans  l'Histoire  du  Bas- 
Empire.  Après  la  mort  de  Moctader, 
sa  tête  fut  promenée  dans  les  rues  de 
Baghdad,  et  portée  ensuite  a  Mou- 
nès ,  qui  voulut  placer  sur  le  troue 
un  fils  de  ce    malheureux  prince  : 
mais  la  faction  opposée ,  rendit  le 
khalyfat  à  Caher ,  qui,  l'année  sui- 
vante, fît  trancher  la  tête  à  ce  fa- 
meux eunuque.       -  A — t. 
MOCTADY.  V.  Moktady. 
MOCTAFY.  V.  MoKTAi  v. 
MODÉER  (  Adolphe  )  ,  savant 
Suédois  du  dernier  siècle ,  secrétaire 
de  la  société  patriotique  de  Stock- 
holm ,  et  membre  de  l'académie  des 
sciences  de  la  même  ville ,  naquit  en 
1738,  et  mourut  à  Stockholm,  le 
16  juillet  1799.  Il  eut  part,  tant  à 
l'établissement  qu'aux  progrès  de  la 
société  patriotique ,  qui  a  rendu  de 
grands  services  à  l'agriculture  et  aux 
arts  industriels.  Le  premier  volume 
des  Mémoires  de  cette  société  con- 
tient l'histoire  du  commerce  de  la 
Suède  ,  par  Modéer.  Ce  savant,  très- 
versé  dans  les  sciences  physiques  , 
communiqua  un  grand  nombre  d'ob- 
servations et  d'expériences  à  l'aca- 
démie de  Stockholm ,  qui  les  fit  im- 


MOD 

primer  dans  ses  Mémoires.  Indépen- 
damment de  cinq  Mémoires  (en  sué- 
dois), insérés  dans  le  recueil  de  cette 
société ,  tom.  'j>3  -  28  ,  on  a  de  ce 
savant  naturaliste  :  I.  Histoire  du 
commerce  de  la  Suède ,  Stockholm  , 
1770,  in-8°.,  en  allemand.  If.  Trois 
Opuscules,  dans  la  même  langue, 
sur  l'amélioration  de  l'agriculture, 
les  colonies  ,  et  l'économie  domesti- 
que ,  ibid. ,  1774,  1776,  1780, 
in-8°.  III.  Bibliotheca  helmintholc- 
gica,  seu  enumeratio  auctorum  qui 
de  vermibus  scilicet  cryptozoïs  ? 
gymnodelis ,  testaceis  atquephjto- 
zoïs  ,  tam  vhns  quam  pelrificatis 
sàipserunt,  Erlang,  1776,  in-8°. 
Cette  bibliographie  spéciale,  compre- 
nant environ  1900  articles,  serait 
plus  utile  si  l'auteur ,  au  lieu  de  se 
borner  à  donner  exactement  les  titres 
des  livres  ,  y  eût  joint  plus  souvent 
un  jugement  raisonné  sur  le  mérite 
des  principaux  ouvrages  qu'il  indi- 
que. C — AU. 

MODÈNE  (  Duc  de  ).  V.  Este. 

MODÈNE  (  Esprit  de  Raymond 

DE  MoRMOIRON  ,    COUlte    DE  )  ,  d'une 

des  plus  anciennes  familles  du  com- 
tat  Venaissin,  naquit  à  Sarrians  (  à 
deux  lieues  de  Carpentras  ) ,  le  19 
nov.  1608.  Après  avoir  été  page  de 
Monsieur,  frère  de  Louis  XlU  , 
et  ensuite  un  de  ses  chambellans  ,  il 
suivit  en  Italie  la  fortune  de  Henri 
de  Lorraine ,  duc  de  Guise  ,  qui  se 
rendit  à  Naples ,  le  1 5  novembre 
1647,  sur  la  demande  d'Annèse  > 
successeur  de  Masaniello.  Cette  ca- 
pitale et  tout  le  royaume  étaient  eu 
proie  à  des  troubles  suscités  par 
l'oppression  des  vice-rois  espagnols. 
Le  peuple  écrasé  d'impôts  cherchait 
à  secouer  le  joug  de  la  maison  d'Au- 
triche. A  peine  Guise  fut-il  nommé 
général  en  chef  de  la  république 
naissante,  qu'il  témoigna   le  désir 


MOD 

d'avoir  sous  ses  ordres  le  comte  de 
Modène,  alors  connu  sous  le  titre 
de  baron  •  ce  qui  lui  fut  accorde  : 
mais  ils  ne  tardèrent  pas  à  avoir  en- 
semble tles  discussions  assez  vives 
(  T.  Guise,  XIX,  19g).  Modène  prit 
la  qualité  de  mestre  -  de  -  camp  -  gé- 
néral des  armes  du  peuple.  Après 
avoir  obtenu  d'assez  grands  succès , 
il  finit  par  tomber  entre  les  mains 
des  Espagnols  ,  qui  le  retinrent  pen- 
dant plus  de  deux  ans  prisonnier 
dans  le  château- neuf  de  ÎNaples.  11  y 
fui  traité  en  esclave  ;  et  il  s'en  plaint 
avec  dignité  dans  l'histoire  qu'il  a 
écrite  des  révolutions  de  ce  pays. 
Modène  mourut  en  janvier  1^70. 
Marié  deux,  fois  (d'abord  en  iG3o  ) , 
et  ayant  du  premier  lit  un  fils  unique, 
il  eut ,  de  plus  ,  de  Madelène  Bé- 
jard,  une  fille  ,  qui  naquit  le  3  juil- 
let i638,  fut  baptisée,  le  11,  à 
Saint-Eustache  ,  et  nommée  Fran- 
çoise. C'est  ce  qu'atteste  une  Disser- 
tation sur  J.  B.  Poquelin  de  Mo- 
lière ,  publiée  en  1 82 1  ,  par  M.  Bef- 
fara  ,  et  qui  renferme  des  actes  de 
famille  très-curieux  pour  ceux  qu'in- 

se  tout  ce  qui  concerne  l'homme 
dont  s'honore  le  plus  notre  scène 
comique.  Grimarest  (  Voy.  son  arti- 
cle, XV III ,  5oi  ) ,  dit  dans  sa  Vie 
de  Molière,  imprimée  en  17  o5 ,  que , 
«  celui-ci,  en  formant  sa  troupe,  Ha 
•»  une  forte  amitié  avec  la  Béjard  , 
»  qui,  avant  qu'elle  le  connût,  avait 
»  eu  une  fille  du  comte  de  Modène , 
»  gentilhomme  d'Avignon  ,  avecle- 

'I  il  a  su  (  lui  Grimarest  ) ,  par 
»  des  témoignages  très -assurés  ,  que 
»  la  1.  1  contracté  un  mariage 

1  'i<;.  »  Voltaire  qui  a  aussi  écrit 
une  Fie  de   V  '73q,  con- 

firme   le    1  .A   won    tour, 

l'abb  Court,  auteur  d'une 

Histoire  de  la  •  du  comte 

Vcnaissin  (  Pa  jo  ,  4  vol. 


MOD  19; 

in-4°  ),  a  imprimé  que  «  le  comte 
»  de  Modène  eut,  huit  ans  après 
»  son  mariage  ,  de  la  nommée  Guè- 
»  vin ,  femme  de  Béjard  ,  et  comé- 
»  dienne  de  la  troupe  de  Molière , 
»  une  fille  que  celui  -  ci  épousa.  » 
L'exactitude  du  premier  des  auteurs 
cités  a  été  quelquefois  contestée.  Vol- 
taire s'en  est-il  tenu  au  témoignage 
de  Grimarest ,  ou  bien  s'esl-il  oc- 
cupé d'aprofondir  ce  qui  était  de 
tradition  au  théâtre  et  dans  la  so- 
ciété? Quant  à  Pilhon-Court  ,  il  n'a 
jamais  passé  pour  un  généalogiste 
dont  on  doive  adopter  ,  de  con- 
fiance, toutes  les  assertions  (1).  Celle 
dont  il  s'agit  ici ,  et  que  bien  des  per- 
sonnes admettent  encore  comme  in- 
contestable, tend  «à  faire  croire  que 
Molière  prit  pour  femme  Françoise, 
la  fille  de  M.  de  Modène  et  de  Ma- 
delène Béjard,  née  en  it>38  :  mais 
une  telle  assertion  ne  porte -t -elle 
pas  atteinte  à  la  mémoire  de  Molière 
qu'on  a  prétendu  sur  la  parole  de 
Moutfleurv  père  (  F.  son  article  ) 
avoir  vécu  très  -  intimement  avec 
cette  Madelène  Béjard ,  mère  de 
Françoise,  quoiqu'il  ne  l'eût  connue 
que  long  -  temps  après  la  naissance 
de  la  fille  dont  il  est  question  '.> 
Le  fait  semble  complètement  dé- 
menti par  l'acte  de  mariage  bien 
authentique  de  Jean  -  Baptiste  Po- 
quelin ,  en  date  du  '.>.o  février  1662  , 
qu'à  aussi  publié  M.  Belfara.  Il  ré- 
suite de  cet  acte  qu'Armande-Grc- 
sinde  Béjard ,  femme  de  Molière  , 
était  fille  de  Joseph  Béjard  et  de  Marie 
Hervé.  11  serait  donc  naturel  de  con- 
clure que  Françoise,  fille  illégitime, 
et  Armande-Grcsinde,  fille  très-légi- 
time ,  sont  deux  personnes  disfine- 


(1)  Quand  il  dit  la  nommée  Guirin ,  ilftul 

[ue  ti'éto  t  le   nom  '!>•  fille  b>   M""  .  Dé  ard  . 
i.inciis  que  < ■'<  tnit  le  nom  «lu  mari  >\<  ■ 
nori  d<  Molière,  »a  veuve  née  Béjard 


[),  L'auteur  de  l'article  des  da- 
Bejard  ,  dans  la  Biographie 
.  ÏVT,  71  ),  a  très -bien  in- 
dique la  femme  de  Molière  ;  mais 
n'a-t  il  pas  été  induit  en  erreur,  lui 
aussi  ,  lorsqu'il  a  dit  ,  que  :  «  La 
»  mère  d'Armande  -  Gresinde  et  de 
»  Geneviève  Béjard  fut  mariée  sc- 
»  créiemenî  à  M.  de  Modène  ?  »  S'il 
y  avait  eu  mariage  de  ce  seigneur 
avec  une  comédienne  du  nom  de 
Be'jard  ,  ce  serait  avec  Madelène  , 
mère  de  Françoise.  Sans  pousser  plus 
loin  cette  discussion,  nous  ferons  re- 
marquer que,  dans  l'acte  de  naissance 
de  Françoise,  le  parrain  est  Jean-Bap- 
tiste de  l'Iiermite,  sieur  de  Vauscîlc, 
qui  semble  bien  être  le  beau-frère  du 
comte  de  Modène,  puisque  celui-ci 
épousa  en  secondes  noces  M11 '.  l'Her- 
mite  de  Soulier.  Ce  beau-frère  est  dé- 
signé dans  l'acte,  comme  a  tenant  lieu 
»  de  messire  Gaston  -  Jean-Baptiste 
5>  de  Raymond,  seigneur  de  Modène ,  » 
<nu  très-certainement  était  le  propre 
fils,  alors  âgé  d'environ  sept  ans, 
du  personnage  auquel  notre  article 
est  consacré ,  mais  le  fils  né  d'un 
premier  mariage  contracté  en  iG3o 
avecMlle.  de  La  Baume.  L'interven- 
tion de  deux  parents  aussi  proches 
du  comte  de  Modène ,  dans  un  acte 
qui  concerne  sa  fille  naturelle,  n'est- 


(11  On  n'a  point  encore  trouvé  l'acte  de  naissance 

d'Àrni&ude   Gresinde  ,   qui   a   pu,   dit.  M.  Beffara , 

voir  le  jour  en  province.  Elle  est  appelée  /limande- 

• Jisabeih    Gresinde,  dans  {'Extrait  des   rt- 

retti •!  et  dès  affaires  de  la  comédie,  depuis  Pdqne 

i/e  l'année   160g, jusqu'au  3o   omit    i685  ,  appartc- 

La  Grange,  l'un  des  comédiens  du 

!.  in -i',0.  f  mss.  ,  rju^  possède  M.  Le  Mazurier  , 

é^e  cite  par  M.  in  ftara,  dans  sa  Dissertation. 

Cime  Armande-Gresinde-Claii e 

■r.c  cette  comédienne   est  désignée  dans   la 

'Liste  des  acteurs  et  actrices  dont  le  roi  veuf  et  or- 

médiens  français   soit 

JaU:  ùe  \  .  is;.iiles  ,    x\    OCtofcl 

différent  des  prénoms  n'empêche  pas  absolu- 

.  ••  qu'ils  appartenaient  tous   ?>  ÎVi '"•-•, 

.    1.    qui,    après   la    mort  de   sou 

•   .  i    ~/j  ,  Guérin-d'Estricbé,  acteur 

dr  h  troupe  du  Marais,  alors  réunie  à  celle  du  Palais- 


MOD 

elle  pas  au  moins  bizarre  ?  Ajoutons 
que  la  marraine  fut  Marie  Hervé, 
femme  de  Joseph  Béjard  ,  et  par 
.équent  mère  de  Madelène,  ainsi 
que  d' Ar  mande  -  Gresinde  Béjard. 
Enfin  arrêtons-nous  sur  un  autre  fait 
digne  d'attention  :  c'est  que  le  deuxiè- 
me enfant  de  Molière,  et  de  sa  femme 
Armande-Gresinde.  qui  était  une  fille, 
fut  tenu,  le  4  août  1OO0,  sur  les 
fonts  de  baptême  par  messire  Esprit 
de  Raymond  de  Modène  ,  et  par 
Madelène  Béjarcr ,  fille  de  Joseph 
Béjard ,  ainsi  que  l'établit  un  exti  ait 
baptistairc  du  4  août  i6G5.  Ici  les 
parrain  et  marraine  sont,  sans  nul 
doute,  les  père  et  mère  de  Françoise  , 
baptisée  en  iG38  ;  mais  sont-ils  les 
père  et  mère  d' Armande-Gresinde  , 
qui  était  la  mère  de  l'enfant  ?  voilà 
toute  la  question ,  et  nous  croyons 
l'avoir  résolue  ,  plus  haut ,  néga  - 
tivement.  On  a  du  comte  de  Mo- 
dène :  I.  Histoire  des  révolutions  de 
la  ville  et  du  royaume  de  Naples. 
Pithon-Gourt  cite  une  édition  in-4°. 
de  cet  ouvrage,  1666  et  1667.  La 
plus  connueesten  3  vol.  in-i  2 ,  Paris , 
1 667 .  C'est  une  histoire  assez  métho- 
diquement composée  ;  le  style  en  est 
vif  et  énergique  ,  mais  enflé  et  tenant 
presque  de  la  poésie.  L'auteur  s'étend 
beaucoup  sur  l'éloge  du  connétable 
de  Luynes,  son  parent,  et  à  la  veuve 
duquel  il  adresse  son  épitre  dédica- 
toire.  II.  Un  ouvrage  burlesque  sur 
les  mœurs  de  ses  compatriotes  :  l'his- 
torien du  comtat  Venaissin  l'indique 
comme  écrit  en  vers  provençaux,  et 
imprimé  à  Paris.  Il  est  probable  que 
c'est  1' '  Adiousias  ,  pièce  de  vers  qui 
n'est  point  en  langage  provençal  , 
mais  dans  un  français  poétique  ,  dont 
on  ne  peut  guère  louer  que  la  facilite. 
C'est  du  reste  un  tableau  piquai) 
la  vie  des  Avignonais;nousne  pensons 
pas  que  cette  pièce  ait  jamais  été  li- 


MOD 

vrée  à  l'impression. III.  Un  fragment 
du  livre  des  Rois,  écrit  en  prose,  et 
intitulé  Salomcn  ou  le  Pacifique. 
C'est  une  paraphrase  du  deuxième 
chapitre  du  troisième  livre.  —  IV. 
Une  paraphrase  du  psaume  5o.  — 
V.Des  Prières  pour  la  messe,  en  vers; 
des  Odes  et  des  Sonnets  ;  le  tout  ma- 
nuscrit. Le  comte  de  Modène  avait 
aussi  laisse  des  Mémoires  depuis? ex- 
pédition de  Bénin  jusqu'au  siège  de 
Montauban.  Ils  sont  restés  inédits  ; 
mais  le  président  de  Gramond  en  a 
fait  usagedans  son  histoire  latine  de 
Louis  XIII.  L — p — e. 

MODÈNE  (Pierre,  chevalier  de), 
delà  branche  de  Pomerols,  et  appar- 
tenant à  la  même  famille  que  le  pré- 
cédent, fut  reçu  chevalier  de  Malte  , 
en  17 15.  Successivement  capitaine 
au  régiment  de  Bourbon  ,  et  aide-ma- 
jor-général dans  l'armée  du  roi  de 
France  en  Westphalie  ,  et  en  Bo- 
hème sous  le  maréchal  de  Maille- 
bois  en  1743,  il  remplit  ces  der- 
nières fonctions  dans  l'armée  de  Pié- 
mont en  1744?  devint  colonel  d'un 
régiment  de  grenadiers  -  royaux  en 
1  7  \  5,  et  mourut  maréchal-de-camp, 
en  176:^.  Il  écrivait  en  vers  avec  une 
grande  facilité.  Il  fit  surtout  parler 
de  lui,  à  propos  d'un  quatrain  ,  qu'il 
avait  composé  après  la  bataille  de 
Fontenoy  :  c'était  au  sujet  d'un  bal 
donné  par  Louis  \\  ,  à  son  armée , 
mais  où  l'on  devait  être  en  habit  de 
cour,  afin  d'en  écarter  les  militaires 
qui  ne  pouvaient  faire  cette  dépense. 
L_P_E. 

MODESTIN  (  Herennius  Modes- 
tinus  )  ,  l'un  des  neuf  jurisconsultes 
romains  aux  opinions  desquels  l em- 
le  jeune  imprima 
fore-  de  loi  ,  0  dans  le  troi- 

sième  led'Ulpien, 

me  celui-ci  no1  ;nd  lui- 

même  dans  la  io,  au  Di- 


MOD 


*99 


geste,  Defurtis.  Modestin  fut  admis 
au  conseil  d' Alexandre-Sévère,  et  de- 
meura en  faveur  sous  Maximin,  qui 
lui  confia  l'éducation  de  son  fils.  11 
fut  consul  avec  Probiis  ,  l'an 
C'est  à  lui  que  l'on  doit  une  connais- 
sance distincte  de  l'édit  d'Amoiiin  , 
dont  le  professeur  flegelmaycr  à 
prouvé  l'authenticité  dans  un  Com- 
mentaire historique  et  théologique , 
Tubingen,  1777  •>  m_4°'  C'est  dans 
le  sixième  livre  de  ses  Règles  de 
droit ,  qui  comprenait  dix  livres,  que 
Modestin  fait  mention  de  cet  édit.  II 
avait  composé,  en  outre,  dix-oeuf  li- 
vres de  Réponses  ,  douze  livres  Pan- 
dectarum,  neuf  livres  Différentiel- 
rum,  six  Excusationum ,  quatre  De 
pœnis  ,  plus  de  trente  -  un  livres 
adressés  à  Quintus  Mucius  ;  et  des 
Traités  en  un  seul  livre  :  De  prœs- 
criptionibus  ;  De  inofjicioso  lesta- 
mento  ;  De  manumissionibus  ,  de 
legntis  et  jideicommisïis  ;  De  Tes- 
tamentis  ;  De  eurematicis  seu  m- 
ventionibus  ;  Deenucleatis  casibus  ; 
De  diff'erentîd  dotis  ;  de  ritu  nup- 
tiarum.  On  a  de  Jacques  Lect,  juris- 
consulte genevois  du  seizième  siècle, 
Ad  Modesiinum  de  pœnis  liber  ;  et 
de  Brenkmaun  ,  De  euremalicis  diu- 
triba ,  seu  in  lier.  Mbdestihi  li- 
b;  uni  singularem  Commentai  ius  , 
Leyde  ,  1706,  in-8".         F — t. 

MODIIAFFER  ou  MOUZAFFEll 
Cuaii  II  ,  14e.  et  dernier  roi  mu- 
sulman du  Gouzeràt ,  succéda  ,  l'an 
969  de  Thég.  (  i56i-->.  de  J.-C.  ), 
à  Ahmed  II ,  qui ,  a  l'époque  de  sa 
'majorité,  ayant  voulu  ressaisir  son 
autorité,  que  le  régent  Etmad  avait 
usurpée  ,  venait  d'être  assassiné  par 
ce  dernier,  et  n'avait  pas  laisse 
fants.  Mod  Initier  fut  ah  : 
roi,  sur  le  témoigna  'Minis- 

tre, qui  att  l  III 

l'ayant  charge  de  faire  périr  une  de 


200  MOD  .     , 

ses  propres  femmes  ,  il  l'avait  sau- 
vée, ainsi  que  l'enfant  dont  elle  ac- 
coucha ;  et  que  cet  enfant,  élevé  par 
lui  secrètement ,  sous  le  nom  de  Na- 
thoii  ou  Nanou  ,  était  Modhaffèr  , 
dernier  rejeton  de  la  famille  royale. 
Ce  prince  ,  à  peine  adolescent ,  fut 
oblige  de  consentir  au  partage  de 
ses  états,  entre  plusieurs  émyrs;  et, 
prisonnier  dans  Ahmed-abad ,  qui 
faisait,  partie  du  lot  de  l'ambitieux 
Etmad,  il  ne  fut  qu'un  fantôme  cou- 
ronne'. Cette  olygarchie  acheva  de 
ruiner  le  Gouzerat ,  déjà  déchire  de- 
puis plusieurs  années  par  les  fac- 
tions. Les  peuples ,  lassés  de  l'oppres- 
sion et  des  guerres  continuelles  de 
ces  petits  tyrans  ,  implorèrent  la 
protection  de  l'empereur  moghol 
Akbar  ,  qui  entra  sans  peine  dans 
ce  royaume  ,  l'an  980  (  1. 5 7 2-3  ).  A 
son  approche  de  la  capitale,  Modhaf- 
fer  en  sortit ,  et  vint  se  soumettre  à 
lui.  Akbar,  après  avoir  achevé  la  ré- 
duction du  Gouzerat ,  reprit  la  route 
d'Agrah,  l'année  suivante,  emme- 
nant ce  prince  avec  la  plupart  des 
émyrs  prisonniers.  Modhaffèr  ga- 
gna bientôt  les  bonnes  grâces  de 
l'empereur ,  qui  l'admit  au  nombre 
de  ses  courtisans  ,  et  l'adjoignit  au 
général  KhanKhanna,  chargé,  Fan 
989  (  i58i  ),  de  conquérir  le  Ben- 
gale. Modhaffèr,  se  voyant  libre,  s'en- 
fuit dans  le  Gouzerat,  où  les  peuples 
se  soulevèrent  en  sa  faveur  :  il  vain- 
quit Etmad,  qui  en  était  gouverneur 
pour  les  Moghols  .  recouvra  ses  états, 
et  y  régna  deux  ans,  assez  paisible- 
ment. Mais  KhanKhanna ,  étant  ve- 
nu l'y  attaquer ,  par  ordre  d'Akbar , 
le  défit ,  le  i5  moharrem  992  (  28 
janvier  1 584  ) ,  près  d' Ahmed-abad , 
avec  des  forces  très  s,  le 

poursuivit  du  coté  de  Gambaye ,  le 
débusqua  des  dédiés  des  montagnes 
de  JNadout,  où  il  s'était  fortifié;  et 


MOD 

l'ayant  entièrement  chassé  de  ses 
états  ,  il  le  contraignit  de  se  réfugier 
a  Djounaghar.  Après  le  départ  de  ce 
général  ,  Modhaffèr  obtint  encore; 
quelques  succès  :  vaincu  enfin,  pour 
la  dernière  fois  ,  par  le  nouveau 
gouverneur  du  Gouzerat,  il  se  retira 
dans  une  place-forte,  dont  le  com- 
mandant le  livra  au  général  moghol , 
l'an  1001  (  1692  ).  Modhaffèr ,  fa- 
tigué de  ses  malheurs  ,  et  craignant 
dètre  donné  en  spectacle  dans  son 
ancienne  capitale,  où  on  le  condui- 
sait prisonnier ,  se  coupa  la  gorge 
avec  un  rasoir  ,  et  périt  d'une  mort 
affreuse;  exemple  remarquable,  et 
peut-être  unique  d'un  suicide,  dans 
les  fastes  des  monarques  musulmans. 
Le  Gouzerat  fut  alors  incorporé  a 
l'empire  moghol ,  dont  il  a  fait  par- 
tie jusqu'au  milieu  du  dix-huitième 
siècle,  qu'il  a  passé  sous  la  domina- 
tion des  Mahrattes  (  V.  Mohammed 
XIV  ).  A— t. 

MODITJS  (François),  savant  ju- 
risconsulte et  humaniste  flamand  , 
né  à  Oudeuburg,  dans  la  banlieue  de 
Bruges,  en  i536,  mort  chanoine  à 
Aire,  en  Artois,  l'an  1  ^97 7  a  exer- 
cé sa  judicieuse  critique  sur  plusieurs 
des  classiques  latins ,  qu'il  a  publiés 
ou  enrichis  de  notées;  tels  que  les  tac- 
ticiens Végèce,  Frontin,  Elien  et 
Modeste ,  Cologue ,  1 58o ,  in-8°.  ;  Q. 
Curce,ibid.,  i583,  in-8°.;Tite-Live, 
Francfort,  1607  in-fol.;  Justin, ibid., 
1 587.  On  a  encore  de  lui  :  I.  Lectio- 
nes  nov-anliquœ ,  Francfort,  1 584  ? 
in-8°. ,  et  dans  le  Fax  critic.  de  Gru- 
ter.  II.  Octosticha  ad  nngulas  cleri 
romani figuras,  suivis  d'un  petit  trai- 
té De  ordinis  ecclesiastici  origine, , 
progressif  vestitu,  ib.  i585,in-4°. 
III.  Poèmata  varia ,  adressé  à  son 
protecteur,  Erasme  Neustetter,  chez 
lequel  il  passa  trois  aus  à  Wurtz- 
bourg,  comme  il  avait  vécu  à  Golo- 


MOI) 

gue  dans  la  famille  du  comte  d'Eg- 
mond.  IV.  Pandectœ  triumpliales  , 
sive  pomparum  ,  festorum  ac  so- 
lemnium  apparatuum ,  coivlviorum 
spectaculonwi,  etc.,  tomi  n,  Franc- 
tort,  Feyerabend,  i586,  in-foi.  ,et 
dans  le  Thésaurus  ant.  Grœc,  de 
Gionovius,  tome  il.  Foppcns  i 
que  encore  d'autres  ouvrages  posthu- 
mes du  même  auteur  ,  et  un  manus- 
crit curieux  :  Collectanea  de  rébus 
potissimàm  Flamiriœ,  que  l'on  con- 
servait à  la  bibliothèque  de  Saint- 
Omer.  M — o.\. 

MOEHS  EN (Jean-Charles-Guil- 
laume),  médecin,  ne  à  Berlin  en 
1722  ,  montra  ,  dès  sa  plus  tendre 
enfance  ,  un  goût  décide  pour  l'é- 
tude. M.  llorch  ,  sou  grand -père, 
était  médecin  du  roi  de  Prusse  Fré- 
déric Guillaume  Ier.,  et  jouissait  d'une 
certaine  réputation*  ce  qui  détermina 
le  jeune  homme  à  se  vouer  s] 
iement  à  la  médecine.  A  l'âge  de 
dix-sept  ans  (  en  1739  ),  il  fut  en- 
voyé à  l'université  de  léna*  et 
ensuite  à  celle  de  Halle  ,  où  son  ex- 
trême application  le  mit  en  cul  de 
recevoir  à  vingt  ans  le  bonne!  'de 
docteur.  Peu  d'années  après  son  re- 
tour à  Berlin  ,  son  grand  père  lui 
céda  sa  place  de  médecin  au  gym- 
de  Joachim;  et  le  jeune  doc- 
teur s'y  fit  remarquer  par  les  soins 
particuliers  qu'il  y  donnait  au; 
lants.  Sa  douceur  et  son  enjouement 
ne  le  rendant  pas  moin 

'lames ,  sa  fortune  se   U 

pour  toujours  assurée  parla  vogue 

obtint  comme  médecin  du 

1 1  du  jeune  âge.  Aggrégé  a 

en  17  i7  ,  il  s'y 
disfii!  une  longue  suite 

d'années,  antai  |  perspicacité 

quep  lances 

eu  matièr< 


MOE 

me  des  modèles.  Zélé  pour  tout  ce 
qui   pouvait  favoriser  l 'avancement 
de  la  police  médicale  encore  dans 
l'enfance  ,  il  fut  ,  sans  l'avoir  solli- 
cité, appelé ,  en  1763  ,  au  collège  de 
santé ,  qui  dirige  tout  ce  qui  tient  à 
la  salubrité  publique.  Plus  tard  ,   il 
fut  aussi  nommé  médecin  du  collège 
des  n  obi  es-cadets  ,  puis  de  l'académie 
militaire  de  Berlin  ,  et  finît  par 
attaché,  en  1 778  ,  à  la  personne  de 
Frédéric  II,  qu'il  accompagna  dans 
la  guerre  de  la  succession  de  Bavière. 
Déjà  membre  de  plusieurs  sociétés 
savantes  ,  il  le  devint ,  en  l*]§5  ,  de 
l'académie  royale  des  sciences  et  des 
arts  de  Berlin.  Moehsen  était  né  avec 
des  dispositions  très-heureuses;  et  si 
mémoire  prodigieuse  seconda  bien 
son  goût  pour  l'étude.  M.  OËlrichs , 
historien  estimé,  favorisa  son  pen- 
chant pour  les  recherches  histori- 
ques ;  et  les  meilleurs  artistes  de  sou 
temps  entretinrent,  en  lui  le  goût  des 
arts  et  de  l'antiquité.  Naturellement 
gai,  ayant  la  mémoire  meublée  d'a- 
necdotes curieuses  ,  qu'il  racontait 
avec  grâce  et  avec  une  douce  ironie, 
Moehsen  croyait  que  l'on  contribue 
plus  à  la  guérison  de  ses  malades  en 
leur  donnant  du  courage  et  de  la  pa- 

e ,  n  en  les  entretenant  a 
blement ,  pour  laissera  la  nature  le 
temps  de  les  guérir,  qu'en  employant 
des  remèdes  héroïques  et  dangereux, 
dont  il  était  ennemi  juré.  Quelques 
médecins,  ses  contemporains ,  lui  re- 
prochèrent une  certaine  timidité  dans 
moments  critiques ,  où  il  faut 
.  non  avec  témérité  ,  mais 
force  et  promptitude.    Peut-être  les 

tux    historiques   lui  avai 
donné  trop  de   méfiance  ,  li 
doutes  a  l'égard  des   hypothi 
des  méthodes  nouvelles  et 
qui  se  souj  succédé  plus  rapidement 
depuis  le  dernû 


202  MOE 

obtenu  leur  renommée  aussi  vile 
qu'elles  l'ont  perdue.  Pendant  que  les 
journées  de  notre  médecin  se  pas- 
saient d'une  manière  si  active,  il  con- 
sacrait les  nuits  à  ses  études,  dirigées 
surtout  vers  1  histoire  de  la  méde- 
cine, principalement  dans  sa  patrie. 
Ayant  eu  le  malheur  de  perdre ,  en 
1753  ,  dans  un  incendie  ,  une  bi- 
bliothèque de  8000  volumes  ,  il 
s'empressa  d'en  former  une  nouvelle 
beaucoup  plus  considérable  :  eu  mê- 
me temps  il  rassembla  ,  en  médailles 
et  en  gravures  relatives  à  son  étude 
favorite ,  une  collection  unique  en 
son  genre.  Les  ouvrages  sur  l'histoire 
du  Brandebourg  ,  sa  collection  con- 
sidérable de  bractéates ,  on  t  été  réunis 
à  la  bibliothèque  du  roi.  Moelisen 
était  sans  contredit  l'un  des  méde- 
cins les  plus  érudits  de  son  temps  : 
on  pourrait  le  comparer  à  Charles 
Patin ,  qui  paraît  lui  avoir  servi 
de  modèle  ,  mais  qu'il  surpassait 
néanmoins  par  une  modestie  ,  une 
bonté  rares  ,  et  par  un  esprit  plus 
philosophique.  Né  et  élevé  avant  que 
la  langue  allemande  eût  pris  un  élan 
nouveau  ,  on  trouve  dans  son  style 
moins  de  pureté,  de  goût  et  de  cor- 
rection qu'il  n'en  eût  acquis  s'il  eût 
pu  fréquenter  les  écoles  qu'a  fait  naî- 
tre, depuis,  la  critique  de  Leasing. 
On  reconnaît  trop  souvent  le  carac- 
tère des  langues  dont  les  matériaux 
de  ses  écrits  ont  été  tirés  ;  tantôt 
c'est  le  style  diffus  des  Italiens,  tan- 
tôt le  génie  de  la  langue  française, 
étranger  à  la  formation  du  tudesque  : 
mais  l'auteur  animait  toujours  son 
sujet  par  une  variété ,  par  une  ori- 
ginalité d'esprit,  toute  particulière, 
il  traita  les  parties  négligées  de  l'his- 
toire, sans  ensemble,  à  la  vérité, 
mais  avec  une  exactitude  si  scrupu 
\mse. ,  une  critique  si  impartiale,  si 
tpte  de  préjugés ,  qu'il  y  offre 


MOE 

jusqu'ici  une  source  aussi  pure  qu'a- 
bondante pour  l'histoire  de  la  m<  " 
ci  ne  et  celle  de  la  Prusse,  de  mer 
que  ses  catalogues  en  seront  une  pour 
quiconque  s'occupera  des  médailles 
et  des  beaux-arts.  Moehsen  mourut 
le  l'ï  septembre  T7q5  ,  trois  ans 
après  avoir  célébré,  au  milieu  d'in- 
nombrables amis ,  le  jubilé  de  sa 
pratique  médicale.  Meierotto  pro- 
nonça son  éloge  à  l'académie  ,  et 
peignit  tout  le  regret  de  cette  com- 
pagnie célèbre,  qu'il  instruisait  et 
qu'il  égayait  souvent  par  ses  savants 
mémoires.  Voici  ses  principaux  ou- 
vrages :  I.  Dissertalio  inauguralis 
de  passionis  iliacœ  causis  et  cura- 
tione ,  Halle,  1742.  IL  De  manu- 
scriptismedicis  quœinler  codices  bi- 
blioth.reg.  Berolin.servantur  Epist. 
1  et  1 ,  174C  et  1747.  On  y  trouve  , 
entre  autres,  l'idée  que  les  Arabes 
avaient  de  la  petite-vérole,  et  une 
histoire  de  la  culture  des  tulipes  ,  à 
l'occasion  du  jubileum  de  la  tulipo- 
manie.  III.  Fersuch ,  etc.  (  Essai 
d'une  notice  historique  iur  V art  de 
travailler  l'or  et  l'argent  dans  les 
temps  reculés  ) ,  Berlin  ,  1757,  sans 
nom  d'auteur.  IV.  De  medicis  eques- 
tri  dignitate  ornatis ,  ibid . ,  1768, 
in-4°.  A  la  fin ,  l'auteur  traite  du 
passage  des  arts  et  des  sciences  de 
l'Italie  vei-s  le  Nord,  et  de  quelques 
statues  d'Esculape  ,  d'Hvgiéa  ,  et 
d'Hippocrate  ,  qui  se  trouvaient  en 
Prusse.  Il  s'excuse  lui-même  sur  ses 
digressions  ;  et  ce  traité ,  l'un  de 
ses  premiers  ouvrages,  quoiqu'il  ne 
•  l'ait  publié  que  quinze  ans  après  l'a- 
voir composé  ,  se  ressent  de  la  ré- 
daction à  la  mode  dans  le  temps. 
V.  Ferzeichniss  ,  etc.  (  Catalogue 
d'une  collection  de  portraits ,  la 
',rt  de  médecins  célèbres ,  tant 
gravés  qu'à  V aqua-tinta  ou  en  bois  , 
et  de  quelques  dessins  ) ,  Berlin  , 


MO 

1771*  in-4".,  avec  beaucoup  de 
vignettes  de  Rode,  directeur  cie  l'a- 
cadémie. VI.  Beschreibung  ,  ete. 
(  Description  de  médailles  ou  je- 
tons frappés  en  l'honneur  des  mé- 
decins ,  avec  des  Mémoires  expli- 
quant l'art  de  monnayer  des  an- 
ciens ,  ou  concernant  lliistoire  et 
la  littérature  médicales)  ,  t.  1  et 
II,  Berlin  et  Leipzig  ,  1773  ,  in-4°. 
Sa  collection  consistait  en  pins  de 
deux  cents  médailles  frappées  depuis 
le  quinzième  siècle  en  l'honneur  des 
médecins  ,  et  en  monnaies, ,  médail- 
les et  pierres  gravées  antiques.  L'au- 
teur y  a  joint  une  troisième  partie 
relative  aux  pièces  frappées  en  mé- 
moire des  épidémies ,  de  certaines 
guérisons  ,  ou  des  événements  et 
des  phénomènes  physiques  remar- 
quables. On  y  lit  aussi  la  descrip- 
tion de  celles  qu'on  suppose  faites 
avec  de  l'or  ou  de  l'argent  des  alchi- 
mistes ,  et  de  toutes  sortes  de  mé- 
dailles magiques.  Reincsius ,  Weiscb, 
Meibom  ,  Lochner,  et  autres  méde- 
cins ,  avaient  eu  le  projet  de  publier 
de  ces  collections  :  Moehsen  l'a 
exécuté;  mais  l'ouvrage  devient  au 
moins  aussi  intéressant  par  les  hors* 
d'œuvre  qui  tiennent  à  l'histoire  de 
la  médecine,  que  par  le  catalogue 
des  médailles.  La  deuxième  partie  du 
même  ouvrage,  publiée  en  1781  , 
I  histoire  des  sciences  dans  la 
:  tndebourg ,  surtout  de 
la  médecine  ,  depuis    le    seizième 

.  Les  recherches  sur  les  habi- 
tants,  la  population,  les  mœurs , 
etc.  ,    donnent   un  grand    intérêt    à 

histoire,  divisée  en  quatre  pé- 
jusqu'à   1  i/j|  ; 
la  deuxièm  i.jin  ;  la  troi- 

sième jusqu'à  1  -1-  )(>  ;  et  la  quatrième 
jusqu  leur  (init  1 

donner  le  ne  ^\a 

j) rince  Jean- G 


MOE 


2o3 


tai!s  sur  ses  médecins  ,  et  l'état  de 

zième 
élec- 
tion d' Expériences  remarquables 
pour  déterminer  l'utilité  de  l'ino- 
culation de  la  f.et,ite-vérole  ),  B 
1782.  Sans  être  absolument  partirai! 
de  cette  inoculation,  il  ne  se  refu- 
sait pas  à  faire  l'opération  quand  on 
le  lui  demandait.  Les  tab  es  q Vil 
publie,  à  ce  sujet  ,  prouvent  soa 
impartialité.  VIIT.  Bejlrag,  etc. 
(  addition  à  V Histoire  des  sciences 
dans  la  Marche  de  Brandebourg), 
Berlin,  1783.  On  y  trouve  la  vie  de 
Léonard  Thurneisen  ,  médecin  de 
l'électeur;  une  idée  de  l'alchimie  du 
temps  ;  des  fragments  de  l'histoire 
de  la  chirurgie  ,  de  1 4  >  7  à  1 498  ; 
avec  la  liste  des  couvents  cpii  exis- 
taient alors  dans  la  Marche.  La  vie 
de  Thurneisen  a  aussi  été  imprimée 
séparément.  IX.  Sur  V Histoire  de 
la  Marche  de  Brandebourg  dans  le 
moyen  âge,  et  explication  des  mon- 
naies contemporaines  (  Mém.  de  l'a- 
cadémie royale  des  belles-lettres  de 
Berlin ,  1 793  ).  X.  Vie  du  conseiller 
privé  Cothenius  (  dans  la  collection 
des  Mémoires  de  l'académie  de  Ber- 
lin, écrits  en  allemand).  La  vie  de 
l'auteur  est  insérée  dans  les  Éphémé- 
rides  médicales  de  Berlin ,  de  M.  L. 
Formey,  Berlin,  1799, p.  118.  Son 
Eloge,  par  Meterotto,  est  imprimé 
dans  les  Mémoires  de  l'académie  , 
publiés  en  langue  allemande. 

M  OE  L  L  EN  D  0  R  F  (  Richard- 
Joachim  -  Henrj  comte  de),  feld- 
maréchal  prussien,  naquit  en  1 
dans  une  terre  de  la  marche  de  Pn- 
gnitz,  où  sou  père  avait    la  cl 
de  capitaine  des  digues,  \près  .s'ètiu 
militaire  dans  l'aca- 
démie équestre  de  Brandi 
lacé,  en  qualité  de  pa{ 


a6i  MOË 

auprès  de  Frédéric  II,  qu'il  accoin- 
ta dans  la  première  guerre  de 
^ilc'sic  ,  et  notamment  aux  batailles 
de  Molwitz  et  Chotusitz.  Trois  ans 
après  ,  il  fut  porte-drapeau  au  pre- 
înier  balaillon  de  la  garde  ;  et ,  en 
i  744  ■>  le  r°i  le  nomma  adjudant.  Il 
eut  dès-lors  la  première  occasion  de 
se  signaler;  Frédéric  en  parle  dans 
les  termes  suivants  (  Ilist.  de  mon 
temps  ,  t.  il  )  :  «  Le  jeune  Mœllen- 
»  dorf  reçut,  dans  des  circonstances 
»  très -difficiles,  l'ordre  d'escorter 
»  avec  3oo  hommes  d'infanterie ,  un 
»  grand  convoi  de  vivres,  que  Fran- 
«  klini ,  qui,  de  tous  les  officiers  au- 
»  trichions,  possédait  la  connaissant 
«  ce  la  plus  exacte  des  chemins  con- 
>>  duisant  de  la  Bohème  en  Silésie, 
»  attaqua  avec  4<>oo  pandoures,  en- 
y>  tre  Chatlzar  et  ïrautenau.  Mœllen- 
»  dorff soutint  toutes  les  attaques  de 
»  l'ennemi,  et  s'empara  d'un  cime- 
»  tière  qui  dominait  le  défilé.  De  là 
»  il  protégea  les  caissons  ,  et  se  dé- 
»  fendit  pendant  trois  heures,  jus- 
»  qu'à  ce  que  Dumoulin  vint  à  son 
«  secours.  »  Depuis ,  chaque  campa- 
gne lui  fournit  une  occasion  de  nou- 
veaux exploits  et  d'avancemcnt.Dans 
la  seconde  guerre  de  Silésie,  il  as- 
sista au  siège  de  Prague ,  et  fut  blessé 
assez  grièvement  au  combat  de  Carr. 
Nommé  capitaine  en  1746  ,  il' ob- 
tint une  compagnie  de  la  garde.  Il  se 
trouva  au  siège  de  Prague ,  en  ï  757  , 
ainsi  qu'à  la  nataille  de  Rosbach  ,  et 
à  celle  de  Leuthen  ,  où  sa  manœuvre 
brillante  contre  le  village  de  ce  nom 
décida  la  victoire,  et  lui  valut  l'or- 
dre du  Mérite.  Après  avoir  assisté 
au  siège  de  Breslau ,  il  eut ,  en  1 7  58 , 
le  grade  de  major,  et  de  comman- 
dant du  troisième  bataillon  de  la 
garde.  Deux  ans  après,  il  obtint  celui 
d'un  régiment  de  la  garde,  à  la  tête 
duquel  il  se  signala  à  la  journée   de 


MOIS 

Liegnitz.  Élevé  immédiatement  a  près 
au  grade  de  lieutenant-colonel ,  il  ac- 
quit de  nouveaux  titres  à  la  bataille 
de  Torgau,  où  ses  manœuvres  furent 
encore  décisives.  Cependant  il  tomba 
dans  les  mains  des  Autrichiens ,  et 
resta  quelques  mois  prisonnier  de 
guerre.  Échangé  en  1 761  ,  et  fait  co- 
lonel ,  il  mérita  ,  bientôt  après  ,  le 
grade  de  major-général,  par  la  prise 
d'vm  poste  fortiîié  auprès  de  Bur- 
kersdorf.  Dans  la  guerre  de  la  suc- 
cession de  Bavière ,  il  commanda , 
comme  lieutenant-général ,  un  corps 
de  l'armée  du  prince  Henri ,  en  Saxe 
et  en  Bohème  :  une  expédition  qu'il 
dirigea  avec  succès  ,  auprès  ae  Baut- 
Zen,  lui  mérita  la  décoration  de  l' Ai- 
gle-noir. Depuis  1  783  ,  il  fut  gou- 
verneur de  Berlin  :  dans  ce  poste 
honorifique  ,  il  se  rendit  utile  par 
le  soin  qu'il  donnait  à  l'améliora- 
tion du  sort  du  soldat,  alors  extrê- 
mement négligé.  Frédéric  II ,  habi- 
tée à  sa  société,  n'en  eut  presque  pas 
d'autre  dans  les  dernières  années  de 
sa  vie.  Son  successeur  lui  conféra  la 
charge  de  général  de  l'infanterie. 
Mais  il  n'eut  point  d'occasion  ,  sous  le 
règne  de  ce  prince,  de  cueillir  de 
nouveaux  lauriers.  Le  seul  comman- 
dement qu'on  lui  confia,  fut  celui  des 
troupes  qui  allèrent  effectuer, en  1 793, 
le  démembrement  de  la  Pologne. 
Tout  ce  qu'il  put  faire  d'honorable 
dans  cette  occasion,  ce  fut  d'adoucir 
les  charges  des  habitants.  On  le  ré* 
compensa  a  son  retour,  comme  s  il 
eût  fait  une  opération  difficile  et  glo- 
rieuse. Il  fut  nommé  feld-maréchal , 
puis  gouverneur  de  la  Prusse  méri- 
dionale. Dès  le  commencement  des 
troubles  de  France,  il  avait  été  ques- 
tion d'envoyer  aussi  des  troupes  prus- 
siennes contre  ce  royaume.  Mcellen- 
doif,  en  émettant  un  avis  contraire, 
déplut  à  la  cour  :  cependant  il  ne 


MOE 

fut  pas  entièrement  disgracié  ;  cl 
lorsqu'en  17g  j,  le  duc  de  Brunswick 
se  démit  du  commandement  de  i'ar- 
me'c  prussienne  sur  le  Rhin ,  le  cabinet 
de  Berlin  qetrouva  que  le  vieux  com- 
pagnon de  Frédéric  II  ,  qui  fût  digne 
de  lui  succéder.  Mœllendorflfaccepta; 
et  il  vint  se  placer  en  présence  des 
Français,  qn'il  ne  fit  guère  que  conte- 
nir, continuant  d'occuper  le  pays  de 
Deux-Ponts  :  le  seul  avantage  qu'il 
obtint  fut  la  victoire  de  Kaiserslau- 
tern,  où  l'armée  prussienne  soutint 
pendant  trois  jours  les  attaques  des 
Fiançais,  qu'elle  obligea  de  se  reti- 
rer. (  F.  Hocqe.)  Il  jouissait,  à  cette 
époque,  d'un  très-grand  crédit*  et 
l'on  prétend  que  ce  fut  par  ses  avis  , 
que  le  cabinet  de  Berlin  commit  la 
faute  irréparable  de  laisser  envahir 
la  Hollande.  Son  âge  avancé,  et  tous 
les  honneurs  dont  il  était  comblé, 
niais  qu'il  ne  voulait  plus  compro- 
mettre dans  des  expéditions  incer- 
taines ,  tout  le  portait  alors  à  dé- 
sirer la  paix;  et  il  est  bien  sûr  qu'il 
fut,  en  1797,  un  des  principaux 
auteurs  du  traité  de  Bàle ,  dont  il 
avait  fait  les  premières  ouvertures 
un  an  auparavant.  Pendant  les  douze 
ans  de  repos  dont  ce  traite'  fut  suivi, 
IMœllendorf  jouit  en  paix  de  sa  gloire 
et  de  ses  emplois  ;  et  il  continua 
d'accumuler  des  rie!  c  une 

ardeur  qui  a  été  souvent  taxée  d'a- 
yarfee.  Il  était  plus  qu'octogénaire, 
lorsqu'en  1 806 ,  la  Prusse  prit  la  ré- 
solution  de  combattre  la  France  : 
son  avis  était  encore  opposé  à  cette 

•  ;  mais  ,  entraîné  par  le  mou- 
vement généra]  ,  il  accepta  du  ser- 
vice. On  a  .lit  qu'avant  la  bataille 

ivedu  1  '|  octobre, qui  se  donna 
à-la-fois  aiipiv  et  d'Auer- 

Staedt,et  qui,  par  1  «'l<-  «iivision  mê- 
me ,  devint  si  désastreuse  pour  les 
prussiens,  il  s'opp<-  que  le 


roi,  au  plan  du  duc  de  Brunswick  , 
qui  consistaità  attendre  que  le  brouil- 
lard lut  tombé,  et  à  profiter  de  l'in- 
tervalle pour  rassembler  les  corps 
d'armée  disloqués.  La  bataille  lut 
commencée  au  milieu  du  brouillard  • 
etle  désordre,  qui  alla  toujours  crois- 
sant ,  ne  tarda  pas  à  se  mettre  dans 
l'armée  prussienne.  11  parait  que 
Mœllendorf  ne  commanda  point  de 
division,  quoiqu'on  l'assure  dans  les 
relations  françaises  sur  cette  bataille, 
qui  sont  également  fautives  lors- 
qu'elles disent  que  le  fcld-maréchal 
mourut,  quelques  jours  après,  des 
blessures  reçues  à  Iéna.  Il  fut  blessé, 
il  est  vrai,  et  obligé  le  lendemain  de 
rester  à  Erfurt  malgré  l'approche 
des  troupes  françaises.  Murât  ayant 
fait  sommer  le  commandant  prussien 
d'ouvrir  les  portes  de  la  ville ,  celui- 
ci  y  après  avoir  pris  les  avis  de  Mœl- 
lendorf et  du  prince  d'Orange  ,  se 
replia  sur  Halle  avec  la  garnison. 
Mœllendorf  et  d'autres  officiers-gé- 
néraux blessés,  qui  s'étaient  réfugies 
dans  la  place,  furent  compris  dans 
l'article  de  la  capitulation  qui  accor- 
dait la  faculté  de  la  retraite  aux  Prus- 
siens. Murât  envoya  même  son  chi- 
rurgien au  feld-maréchal,  qui  re- 
gagna Berlin,  dès  que  son  état  le 
lui  permît.  Les  généraux  français , 
qui  occupèrent  bientôt  eette  ville,  lui. 
témoignèrent  beaucoup  d'égards  ; 
Buonaparte  le  fit  plusieurs  fois  dmëru 
sa  table,  et  lui  continua  ses  pensions. 
Mœllendorf  se  retira  ensuite  à  Ha- 
velsbcrg,  où,  selon  un  usage  prussien 
assez  singulier,  il  possédait  une  pré- 
bende de  prévôt  du  chapitre  1 
siastique.  Il  y  est  itmrt  le  '.$  jan- 
vier 18 16.  Les  eoutemporaii 
Mœllendorf  ont  été  à  <!'.(<.- 

cor  I  sur  sou  caractère 
talents.  «  Cet  homme,  du  \ 
est  loyal ,  simpl 


aoG  MOE 

et  en  première  ligne  de  talents  mili- 
taires. »  D — G. 

MOELLER.  V.  Moller. 

MOEBK  (  Jacob-Henri  )  ,  litté- 
rateur suédois,  ne  en  1714?  mort 
en  1 763  ,  était  pasteur  à  la  campa- 
gne ,  et.  consacrait  ses  loisirs  à  i'é- 
tude.  L'académie  des  sciences  de 
Stockholm  le  plaça  parmi  ses  mem- 
bres ,  en  1748.  On  a  de  lui  :  I. 
Adalric  et  Gothilde ,  Stockholm, 
174-Ï-43,  2  vol.  C'est  le  premier 
roman  original ,  qui  ait  paru  eu  lan- 
gue suédoise.  II.  Thecla ,  roman 
moral  en  trois  parties  ,  Stockholm  , 
1748-38.  111.  Portrait  du  vrai  hé- 
ros ,  discours  couronné  par  l'acadé- 
mie des  belles-lettres  de  Stockholm, 
en  1755.  IV.  Plusieurs  Éloge  >  d'a- 
cadémiciens .  lus  à  l'académie  des 
sciences.  V.  Des  sermons  et  des  dis- 
cours de  circonstance.  VI.  L'union, 
poème  ,  en  suédois.  C — au. 

MOËSEK  (  Juste  ) ,  littérateur  al- 
lemand, né  à  Osnabruck  le  1 4  décem- 
bre 1720,  était  (ils  du  directeur  de  la 
chancellerie  de  cette  ville.  Il  eut , 
dès  son  enfance,  un  goût  très-vif 
pour  l'étude,  et  fut  in^ruit  par  sa 
mère  dans  la  littérature  française. 
Il  n'avait  que  yi  ans,  lorsqu'il  con- 
çut et  exécuta  le  projet  d'une  petite 
société  littéraire,  dans  laquelle  il  en- 
rôla ses  camarades,  et  leur  enseigna 
une  langue  de  son  invention.  En 
1740 ,  il  fut  envoyé  à  léna  ,  puis  à 
Gôttingne,  pour  étudier  la  jurispru- 
dence. 11  s'appliqua ,  en  même  temps, 
avec  beaucoup  d'ardeur,  aux  belles- 
lettres  ,  et  à  la  littérature  étrangère. 
De  retour  dans  sa  ville  natale,  il  y 
exerça  l'état  d'avocat,  en  recherchant 
surtout  les  qames  qui  intéressaient 
l'humanité  :  il  dérendait  l'innocence 
avec  un  courage  et  une  franchise  peu 
communes.  La  vivacité  de  la  résis- 
tance qu'il  opposa  quelquefois  à  l'ar- 


MOE 

traire  du  gouverneur  de  la  \ 
lui  valut  l'estime  et  la  confiance  de 
ses  concitoyens.  11  fut  revêtu,  en 
1  7  >7?  de  la  charge  d'advocatuspa- 
tjiaj,  qui,  sous  ses  prédécesseurs, 
n'avait  souvent  été  qu'un  vain  litre  , 
mais  dont  Mœser  tacha  de  remplir 
toutes  les  obligations.  Les  états  du 
pays  le  nommèrent  également  se- 
crétaire et  syndic  de  l'ordre  équestre. 
Lors  de  la  guerre  de  sept  ans,  il  ren- 
dit, par  son  activité  et  ses  mesures 
économiques ,  de  grands  services  à  sa 
patrie,  et  lui  épargna,  dit-on,  des 
sommes  considérables.  Le  duc  de 
Brunswick  ne  put  voir  de  près  cette 
conduite  patriotique,  sans  concevoir 
une  haute  estime  pour  Mœser.  Dé- 
pute à  Londres ,  afin  d'y  diriger 
l'envoi  des  subsides  pour  l'armée 
alliée,  Moescr  mit  à  profit  ce  sé- 
jour par  une  étude  profonde  des 
institutions  et  du  peuple  d'Angle- 
terre. En  1761,  un  prince  anglais, 
encore  enfant ,  obtint  le  titre  de 
prinec-évèque  d'Osnabruck.  Le  gou- 
vernement dirigea, pendant  toute  la 
minorité  de  ce  prince,  les  affaires  de 
son  diocèse,  mais  se  laissa  guider 
par  les  sages  avis  de  Mœser,  qui  se 
trouva  pourtant  plusieurs  fois  dans 
une  position  assez  embarrassante, 
ayant  à  concilier  les  intérêts  des  ha- 
bitants, et  la  volonté  du  gouverne- 
ment anglais.  Il  s'en  tira  toujours 
avec  habiletéet  avec  honneur.  Mœser 
est  principalement  connu  par  ses 
Idées  patriotiques,  recueil  pério- 
dique ,  auquel  il  doit  le  surnom  flat- 
teur de  Franklin  allemand.  L'Al- 
lemagne n'avait  pas  encore  eu  d'é- 
crivain qui  fût  devenu  aussi  popu- 
laire par  une  suite  de  morceaux  sur 
la  philosophie,  la  morale,  l'écono- 
mie politique  et  domestique  ,  etc. 
Gœthe,  dans  les  Mémoires  de  sa  vie 
(  tom.  11  ),  fait  le  plus  grand  éloge  de 


MOE 

ce  recueil,  a  II  faudrait  citer ,  dit-il , 
tout  ce  qui  concerne  le  monde  civil 
et  moral ,  pour  faire  connaître  les 
divers  sujets  traites  par  Mœser  ;  et 
la  manière  dont  il  les  a  traites  ,  est 
admirable.  C'est  un  homme-d'état 
verse  dans  les  atîaires  publiques  ,  qui 
parle  au  peuple  par  la  voie  de  la  ga- 
zette, pour  faire  envisager  sous  leur 
véritable  face  et  mettre  à  la  portée 
de  tout  le  monde  les  mesures  qu'un 
gouvernement  éclairé  et  bienveillant 
se  proposede  prendre  ou  qu'il  exécute: 
mais,  au  lieu  du  ton  magistral,  il  em- 
ploie les  formes  les  plus  variées  ,  et 
en  gardant  toujours  tant  de  modéra- 
tion ,  qu'on  ne  peut  s'empêcher  d'ad- 
mirer à-la-fois  l'esprit,  la  facilité, 
l'adresse,  le  goût  et  le  caractère  de 
l'écrivain.  Sous  le  rapport  de  l'utilité 
des  sujets  choisis  ,  de  la  profondeur 
de  ses  vues ,  de  l'indépendance  de  sa 
manière  de  voir,  des  formes  heureu- 
ses enlin  et  de  l'aménité  qui  caracté- 
risent ses  articles  ,  je  ne  saurais  le 
comparera  d'autres  qu'à  Franklin.» 
Mœser  devint  aussi  l'historien  de  sa 
patrie,  mais  seulement  pour  l'époque 
ancienne  de  l'évêchc  d'Osnabruck  : 
son  ouvrage  est  plus  remarquable 
pour  les  recherches  savantes  aux- 
quelles l'historien  s'est  livré ,  que 
pour  le  style;  les  petits  événements 
d'un  pays  de  quelques  lieues  d'éten- 
due ne  prêtaient  pas  d'ailleurs  à  un 
grand  mouvement.  En  1783,  i! 
le  titre  de  conseiller  de  justice 
<n  1  7<>a ,  l'ordre  équestre  d'Osna- 
bruck célébra  le  cinquantième  anni- 
'■'■  son  entré<  fonc- 

tio»)S  .    Ayant    jferdu  sa 

fenni! 
de  sa 

fille,  M  ;  m  t  en- 

suite 1  pere< 

Mœser  et  ut  d'un  tution, 

et  avait  une  pkj  u verte  et 


MOE  207 

agréable.  Il  avait  pour  principe , 
comme  Montaigne  ,  que  les  mala- 
dies n'étant  que  des  luttes  de  la  na- 
ture contre  le  mal ,  il  n'y  avait  qu'à 
se  reposer,  afin  de  faciliter  à  la  na- 
ture le  moyen  de  vaincre  son  adver- 
saire; en  conséquence,  il  allait  aux 
eaux  de  Pyrmont,  mais  sans  dessein 
d'en  boire  et  seulement  pour  se  ré- 
'  iV(  r.  Dans  sa  dernière  maladie,  sen- 
tant approcher  la  mort,  il  revint  de 
son  système,  et  avoua  qu'il  avait 
perdu  son  procès  :  il  expira  le  7  jan- 
vier 1794.  Un  nouveau  recueil  d'ar- 
ticles détachés  de  Mœser,  dans  le 
goût  de  ses  Idées  patriotiques ,  pa- 
rut après  son  décès  ;  il  suffit  de  citer 
les  titres  de  quelques-uns  de  ces  arti- 
cles pour  en  faire  sentir  le  but  utile  , 
tels  que  ceux-ci  :  Sur  la  Moralité 
des  plaisirs  ;  —  De  la  valeur  des 
compliments  ;  —  Projet  d'éloigner 
les  cimetières  des  villes;  —  De  la 
différence  du  mariage  ecclésiasti- 
que et  du  mariage  civil  ;  —  De  la 
police  des  divertissements  villa- 
geois; —  De  la  tolérance  générale , 
etc.  On  remarque  dans  ce  recueil , 
plusieurs  morceaux  où  l'auteur,  quoi- 
que partisan  de  ce  qu'on  a  nommé 
le  progrès  des  lumières,  prend  quel- 
quefois la  défense  des  institutions 
des  temps  féodaux  ;  et,  ce  qui  sur- 
prendra sans  doute,  il  y  fait  l'éloge 
de  la  servitude.  On  présume  <| 
articles  furent  composés  en  partie 
pendant  les  troubles  de  la  France, 
qui  durent  inspirer  à  l'auteur  des 
craintes  sur  les  effets  des  institutions 

Iles.  Les  principaux  ouvi 

eser  sont  :  I.  Essai 
ques  tableaux  des  mœurs  de  1 

,  Hanovre,   1  7  ^ 7  ,  in-8°.    11. 
y/rminius  ,   tragédie  ,   ibid.  ,    1 
in-H*'.  111.  De  veterum   G 
ritinei  Galloru, 
et  populari ,  Osnabri 


MOE 

4°.  IV.  Epitre  à  Voltaire  sur  le 
caractère  de  Luther  (  en  français  ) , 
i^jo,  in-8°.;  sa  femme  traduisit  ce 
morceau  en  allemand.  V.  Arlequin  , 
ou  défense  du  comique  grotesque , 
Hanovre,  1761  ;  Brème,  1777.  VI. 
Lettre  au  Ficaire  savoyard,  à  re- 
mettre à  M.  J.-J.  Rousseau,  Ham- 
bourg et  Leipzig  176.5  ;  Brème  , 
1777,  in-8°.  (  en  allemand).  VII. 
Histoire  d' Osnabruck ,  Osnabruck , 
1 7G 1 ,  Berlin  et  Steltiri  ,  1 780 , 2  vol. 
in-8°.  VIII.  Lettre  à  M.  Mendez 
da  Costa ,  grand  rabbin  d' Utrecht , 
sur  la  facilité  du  passage  de  la 
secte  pharisienne  à  la  religion  chré- 
tienne ,  Amsterdam ,  1 773;  Brème  , 
1777.  IX.  Idées  (Phantasien) patrio- 
tiques, 4  vol.,  Berlin,  17 74- 1786; 
4e.  édition,  Berlin  1820, augmentée 
du  jugement  de  Gcelhe  sur  Mœser. 
X.  De  la  langue  et  littérature  alle- 
mande ,  avec  un  postscriplum  con- 
cernant l'éducation  nationale  des  an- 
ciens Allemands,  Osnabruck.,  1781  ; 
Hambourg,  1781.  XI.  Le  Célibat 
des  prêtres  sous  le  rapport  politi- 
que ,  Osnabruck  et  Leipzig,  1783. 
XII.  Mélanges  de  Mœser ,  avec  une 
Notice  biographique  sur  cet  écri- 
vain, publiés  par  Frédéric  Nicolaï  , 
Berlin  et  Stettin  ,1797-1798, 2  vol., 
in-8°.  XIII.  La  vertu  sur  la  scène, 
ou  le  mariage  d'Arlequin,  Berlin, 
1798.  Il  a  fourni  divers  morceaux  à 
des  journaux  littéraires  ,  et  à  l' Alma- 
nach  des  inuses ,  de  Leipzig.  De 
Bock,  dans  ses  OEuvres  diverses, 
a  traduit  en  français  quelques  essais 
de  cet  auteur.  D — g. 

MOET  (  Jean  -  Pierre  )  ,  né  à 
Paris,  en  1721  ,  essaya  sur  des  su- 
jets assez  divers  sa  plume  laborieuse. 
De  tous  ses  travaux  littéraires,  celui 
auquel  il  attachait  le  plus  d'impor- 
tance ,  était  une  traduction  des  ceu- 
Yres  volumineuses  de  l'illuminé  S  we- 


denborg  ,  laquelle  est  demeurée  mé- 
dite. Moct  se  refusa ,  dit-on ,  aux 
propositions  de  Gustave  III,  qui  lui 
offrait  3o,ooo  francs  de  cette  traduc- 
tion. Il  avait  des  connaissances  nu- 
mismatiques,  et  s'était  formé  un  ri- 
che médailler.  La  philosophie  pra- 
tique dont  il  se  piquait,  était  mêlée  de 
beaucoup  d'originalité.  Il  avait  réuni 
dans  sa  bibliothèque  tous  les  ouvra- 
ges des  illuminés,  qu'il  avait  pu  se 
procurer.  Il  est  mort  à  Versailles  , 
le  3i  août  1806.  La  France  lit- 
téraire de  1769  donne  la  liste  sui- 
vante de  ses  productions  :  I.  La 
Félicité  mise  à  la  portée  de  tous 
les  hommes ,  Paris ,    174.Ï  ,  in- 12. 

II.  Code  de  Cythère  ou  lit  de  jus- 
tice d'amour,  ibid. ,  1 7 46  ?  in  -  12. 

III.  Lucina  sine  concubitu  ,  ou  Lu- 
cine  affranchie  des  lois  du  concours, 
1730,  in- 1  2  ;  débauche  d'esprit  don- 
née comme  une  traduction  de  l'an- 
glais d'Abraham  Johnson  :  cet  écrit 
fut  condamné  au  feu  par  le  parlement. 

IV.  Conversation  de  la  marquise  de 
L**+,  avec  sa  nièce  nouvellement 
arrivée  de  province  ,  Amsterdam 
(  Strasbourg  )  ,  1753  ,  in-8°.  V. 
Traité  de  la  culture  des  renoncu- 
les ,  des  œillets,  des  auricules,  des 
tulipes,  et  des  jacintes,  Paris,  1754, 
2  vol.  in- 12  ;  ouvrage  assez  recher- 
ché ,  quoique  l'auteur  ,  plagiaire 
d'un  bout  à  l'autre  ,  n'y  eût  rien  mis 
du  sien  {YojAaiBibliogr.  agronom.) 
VI.  Le  dernier  volume  du  Specta- 
teur ou  Socrate  moderne ,  traduit 
d'Addison ,  8téele  et  autres  ,  ibid. , 
1755  ,  un  vol.  in- 12.  VII.  Disser- 
tations insérées  dans  les  dix  pre- 
miers volumes  du  Journal  étran- 
ger. M.  Barbier  attribue  à  Moët  une 
nouvelle  édition  très-ausmentéc  du 
n°.  in ,  sous  ce  titre  :  La  Femme 
comme  on  nen  connaît  point ,  ou 
Vrimauiéde  l  a  femme  sur  ï  homme, 


MO 

Londres,  Gabriel Goldt ,  au  Phénix, 
1706,  in-12,  de  i65  pag.  Moè'tà 
•  donné  une  édition  de  VAlqy- 
sia,  augmentée,  Paris ,  1757  ,  in-8°. 
(  V.  Cuorier  )  ;  et  il  a  publié  les  4 
derniers  volumes  du  Moréri  espa- 
gnol. F — T. 

MOEZZ-ED-DAUL  \H  (Aboul- 
Houcein-Aumed),  troisième  p 
de  la  dynastie  des  Bowa'ides,  et  le 
premier  de  sa  famille  qui  ait  règne' 
à  Baghdad  ,  fut  envoyé  par  Aly 
son  frère  aîné  ,  souverain  d'une 
partie  de  la  Perse,  l'an  3*. vi  de  l'hé- 
gire, pour  enlever  le  Ker  m  an  à  Abou- 
Aly  Mohammed,  prince  issu  d'une 
branche  de  la  race  des  Samanidcs. 
Ahmed  conquit  cette  province,  dont 
il  laissa  le  gouvernement  à  Moham- 
med ,  en  reconnaissance  de  ses  géné- 
reux procèdes;  mais  Elias,  fils  et  suc- 
cesseur de  Mohammed,  ayant  refuse 
de  payer  tribut  aux  Bowa'ides,  Ah- 
med le  tua  dans  une  bataille,  et  sub- 
jugua, pour  la  seconde  fois,  le  Ker- 
.  1 1  lit  ensuite  la  guerre  aux  Be- 
loutchis,et  y  perdit  la  main  gauche. 
Cet  accident  ne  l'empêcha  pas  de 
jouer  bientôt  un  rôle  plus  important 
sur  un  plus  vaste  théâtre.  Depuis  que 
Radhy-Billah  avait  consomme  l'a- 
vilissement du  khalyfat,  en  déposant 
entre  les  mains  d'un  émyr-al-om- 
rah  le  peu  d'autorité  qui  lui  restait, 
le  désordre  n'avait  fait  que  s'accroî- 
tre dans  le  sein  de  l'empire  musul- 
man. Abou -Bekr  ibn-  Raïek  ,  re- 
vêtu de  cette  dignité  suprême,  était 
en  butte  à  la  jalousie  des  autres 
émyrs,  et  employait  les  forces  de  son 
tin  à  s  itisfaire  son  ambition 
h  mes  particulières.  Obeid- 
allah-al-Baridy ,  chassé  par  lui  du 
Khouzistan  ,  s<  auprès  d'A- 

ly ,  prince  bowaide  de  Chyraz,  et 
l'intéressa  dan  .  <  n  lui 

procurani   I    •  andir. 

xxix. 


MOE 

Ahmed,  chargé  encore  de  cette  expé- 
dition par  son  frère,  conquit  leKhou- 
zistan,  fan  326 de  l'hég.  (ç)3Ôde  J. 

et  prit  ensuite  Bassorah  et  Wa- 
seth.  Cependant  la  charge  d'émyr-al- 
omrah  était  devenue  successivement 
la  proie  de  quelques  Turks,  qui  sem- 
blaient ne  l'exercer  que  pour  se  livrer 
impunément  aux  plus  affreux  brigan- 
dages. Appelé  parles  vœux  des  ha- 
bitants de  Baghdad ,  Ahmed  entre 
dans  cette  capitale  le  12  djoumady 
ier.  334  (20  décembre  q45),  après 
le  départ  des  troupes  turkes.  Le  kha- 
lyfe  Mostakfy,  qui  s'était  enfui  à  son 
approche,  y  revient,  le  nomme  érayr- 
a-]omrah,ledécoredu  titre  de Moezz- 
ed-daulak  (  la  force  de  l'empire  ) , 
confère  ceux  de  Imad-ed-daulah  et 
de  Rokhn-ed-daulah  ,  a  Aly  et  «à  Has- 
san, frères  de  ce  prince,  et  ordon- 
ne que  leurs  trois  noms  soient  pro- 
clamés dans  la  khothbah ,  et  gravés 
sur  les  monnaies.  Moezz  occupa  v.w 
des  principaux  palais  de  Baghdad  , 
etlogea  sestroupes  chezles  habitants. 
En  même  temps,  il  assigna  nu  kha- 
lyfe  mille  drachmes  par  jour  (envi- 
ron 2^5  mille  francs  par  an),  pouF 
son  entretien  et  celui  de  sa  maison  , 
et  se  chargea  de  fournir  à  toutes  les 
dépenses  de  l'état,  en  s'en  attribuant 
toutes  les  recettes.  Mais,  quarante 
jours  après,  une  défiance  réciproque 
ayant  rompu  l'union  qui  paraissait 
régner  entre  ces  deux  princes, Moezz- 
ed  -  daulah  fit  arrêter,  déposer  ei 
aveugler  Mostakfy  (  V .  ce  nom  ).ZéIé 
partisan  de  la  maison  d'Àly,  il  vou- 
lait rendre  le  khalyfat  à  un  prime 
de  cette  famille  persécutée  depuis 
près  de  trois  siècles.  11  <-n  fut  dis- 
suadé par  son  ve'/.ir,  qui  lui  repré- 
senta qu'une  pareille  mesure  : 
verserait  l'empire  ,  el  nuirait 
propres  intérêts;  paire  que,  sous  un 
prim  prophète,  !«•  kh 


210  MOE 

recouvrerait  son  éclat  et  la  puissance 
qu'il  avait  eue  sous  les  premiers  suc- 
cesseurs de  Mahomet.  Alors  Moezz- 
ed-daulah  se  détermina  en  faveur  de 
ÎVIothy-Lillah,  cousin -germain  de 
Mostakfy;  mais  il  ne  lui  laissa  aucuue 
espèce  d'autorité,  et  ne  lui  accorda 
qu'une  très-modique  pension  (^.Mo- 
thy).  Il  fit  long-temps  la  guerre  avec 
divers  succès,  contre  ISasscr-cddau- 
lah  ,  prince  hamdanidedeMoussoul, 
qui,  sous  prétexte  de  délivrer  Bagh- 
dad  de  l'oppression  des  Bowaïdes  , 
voulait  y  commander  à  leur  place  :  il 
lui  enleva  plusieurs  villes,  et  même 
sa  capitale,  qu'il  ne  lui  rendit  qu'a- 
près l'avoir  obligé  à  lui  payer  tribut. 
Moezz-ecldaulah  ,  partisan  fanati- 
que des  descendants  d'Aly,  fit  affi- 
cher aux  portes  des  mosquées ,  l'an 
35 1  (  962  ),  les  plus  affreuses  malé- 
dictions, contre  Moawyah,  premier 
usurpateur  du  khalyfat ,  et  persécu- 
teur d'Aîy;  contre  les  possesseurs  in- 
justes de  l'héritage  de  Fathimah  et 
d'Aly;  contre  ceux  qui  s'étaient  op- 
posés à  ce  que  Haçan  et  Houcein  , 
leurs  fds,  fussent  enterrés,  l'un  auprès 
de  Mahomet ,  son  aïeul ,  et  l'autre 
auprès  d'Aly ,  son  père;  enfin  contre 
ceux  qui  avaient  refusé  d'admettre 
le  fils  d'Abbas  oncle  du  prophète,  au 
nombre  des  électeurs  désignés  par 
Omar,  comme  candidats  au  khalyfat 
(  V.  Omar  Ier.  )  Ces  imprécations , 
qui  étaient,  pour  la  première  fois, 
fulminées  par  écrit,  excitèrent  de 
violents  murmures  à  Baghdad.  On 
arracha  les  affiches;  et  on  les  rem- 
plaça par  une  autre  ,  ainsi  conçue  : 
Dieu  maudisse  tous  les  persécuteurs 
des  personnes  issues  de  la  famille 
du  prophète  !  reproche  sauglant  , 
adressé  à  l'émyr-al-omrah,  qui  avait 
envahi  toute  l'autorité  du  khalyfe, 
et  qui  traitait  ce  prince  avec  le  der- 
nier mépris.  Moezz-cddaulah,  crai- 


MOË 

gnant  une  révolte  générale,  se  con- 
tenta de  faire  placarder  de  nouveaux 
aualhèmcs  qui  ne  portaient  que  sur 
Moawyah  1er.  et  sur  les  persécuteurs 
des  descendants  de  Mahomet.  L'an- 
née suivante,  il  signala  encore  son 
zèle  pour  la  secte  d'Aly,  en  insti- 
tuant, contre  le  gré  du  khalyfe,  la 
fête,  si  célèbre  depuis  dans  toute  la 
Perse,  et  consacrée  au  10  mohar- 
rem  de  chaque  année,  en  commémo- 
rationdu  martyre  de  l'imam  Houcein, 
fils  d'Aly.  Celte  fête,  dont  tous  les 
voyageurs  ont  donné  la  description, 
et  qui  se  termine  toujours  par  des 
scènes  sanglantes ,  n'a  pas  peu  con- 
tribué à  perpétuer  la  haine  entre 
les  Sunnites  et  les  Chyit  es  (F.  Aly  et 
Houclin,  I,"  56getXX,  45 1  ).  Moezz- 
eddaulah  venait  d'entrer  en  campa- 
gne contre  un  fameux  brigand  qui 
s'était  formé  une  souveraineté  dans 
les  marais  du  Tygre,  lorqu'il  mourut 
de  la  dysenterie,  le  i3  raby  :2e.  350 
(28  mars  967),  après  avoir  gouver- 
né près  de  vingt-deux  ans  l'empire, 
et  en  avoir  vécu  cinquante -quatre. 
Avant  d'expirer,  ii  se  frappa  la  poi- 
trine, pleura  ses  fautes,  et  crut  les  ex- 
pier en  donnant  la  liberté  à  ses  escla- 
ves, et  en  laissant  aux  pauvres  la  plus 
grande  partie  de  ses  trésors.  Afin 
d'entretenir  des  communications  plus 
fréquentes  avec  son  frère  Roklm-cd- 
daulah  ,  qui  régnait  à  lspahan,  il 
avait  établi  des  coureurs ,  dont  les 
deux  pins  agiles  faisaient  cinquante 
à  soixante  lieues  par  jour.  Moezz-ed- 
cîaulah  eut  pour  successeur  son  fils 
Azz-eddauîah  ,  qui  fut  dépouillé  et 
mis  à  mort,  quelques  années  après, 
par  son  cousin,  Adhad  -  ed-dauîah 

(  r.t.i,  p.  224,  et  t.  m,  p.  149). 

A— t. 
MOEZZ-EDDYN  DJIHAîsDAR- 
CÎ1AH  ,  fils  aîné  de  l'empereur  mo- 
ghol  Bchader-Chah ,  lui  succéda  sur 


MOE 

le  trône  de  l'Indoustan  ,  au  mois  de 
safar  i  i^4  (  mars  17 12  ):  il  s'était 
distingué  pendant  cinq  ans  contre  les 
Beloutchis ,  qu'il  avait  presque  entiè- 
rement extermines  ;  et  son  père,  en 
récompense  de  ces  exploits ,  lui  avait 
donné  le  titre  de  prince  des  haches , 
et  cédé  une  partie  de  son  autorité. 
Mais  bientôt  Behader,  jaloux  de  la 
gloire  et  de  la  puissance  de  ce  prince, 
idole  de  tout  l'empire  ,  lui  suscita 
un  rival  dans  son  second  fils ,  Mo- 
hammed Azem-al-Chan.  La  discorde 
entre  les  deux  frères  éclata  du  vivant 
de  Behader  Chah  ,  et  hâta  sa  fin  V. 
Bi.hader-Chaii  ,  IV ,  137).  Comme 
Azem  s'était  emparé  des  trésors  , 
Moezz-eddyn  et  ses  deux  autres  frè- 
res se  liguèrent  contre  lui ,  sous  la 
^Smesse  de  partager  avec  eux  l'In- 
donstan.  Azem,  attaqué  par  eux,  per- 
dit la  bataille  et  la  vie.  Djihan-Chah 
Kliodjista-Akhter,  le  pins  jeune  des 
frères  et  celui  qui  avait  le  plus  contri- 
bué à  la  victoire,  demande  vainement 
le  partage  convenu  :  indigné  contre 
Moezz-eddyn  Djihandar,  il  lui  livre 
un  second  combat,  et  l'oblige  de  s'en- 
fuir à  Lahor  ;  mais  en  le  poursuivant, 
il  est  tué  avec  son  fils.  Rafyah-el-Ka- 
der,  qui  était  resté  neutre  dans  cette 
dernière  querelle  ,  marche  aussi  con- 
tre son  frère,  et  tombe  mort  dans 
une  troisième  action  ,  au  mois  de 
raby  1  (  avril  ).  Ces  triomphes  assu- 
raient à  Djihandar-Chah  le  trône  de 
VI ndoustan  ;  mais  ils  achevaient  d'é- 
puiser l'empire,  et  en  préparaient  la 
dissolution.  Ce  prince  ,  jusqu'alors 
respecté  et  adoré  pour  sa  bravoure  et 
ses  m  îles,  devient  tout- 

à-coup  un  autre  homme.  Épris  des 
(h  unies  d'une  «I  inseuse  ,  il  oublie 
pour  elle.  Il  lui  donne  le  nom 
ourdjihan  reine, 

lumière  du  1  [donne 

les  rênes  du 


MOE  2ii 

poussière  les  parents  de  cette  femme, 
les  élève  aux  premières  char, 
l'état,  et  indispose  les  principaux 
omrahs  ,  et  particulièrement  Dzoul- 
Fekar,  son  vézyr.  L'an  1  ri  j  (  1 7  1 3), 
Mohammed Ferakh-Syr,  tils  Q?  Azem- 
al-Chan  ,  lève  des  troupes  dans  le 

de,  et  marche  contre  son  oncle. 
Deux  frères  ,  Haçan-Aly-Khan  ,  et 
Abdallah  -  Khan ,  seids  ou  descen- 
dants de  Mahomet,  et  gouverneurs  des 
provinces  de  Beliar  et  d'Al!ah-Abad  , 
se  déclarent  hautement  en  faveur 
de  Ferakh-Syr,  cl  le  proclament  em- 
pereur. Le  monarque  indolent  se  con- 
tente d'opposer  aux  rebelles  un  corps 
de  1 5,ooo  hommes,  sous  les  ordres 
de  son  (ils  Azz-ed-dyn  ,  et  lui  envoie 
bientôt  des  renforts  commandés  par 
un  de  ses  favoris  et  par  le  vézyr , 
ennemis  irréconciliables.  Ses  troupes 
sont  vaincues  près  d'Agrali;  je  \  1 
prend  la  fuite  dès  le  commencement 
de  l'action  ;  ie  favori  est  tué  :  tout 
le  camp  reste  au  pouvoir  du  vain- 
queur ,  et  le  brave  Azz-ed-dyn  vient 
expirer  de  ses  blessures  auprès  de  son 
père ,  que  Nour-djihan  berçait  encore 
par  le  récit  de  prétendus  succès. 
L'empereur  sort  enfin  de  Dchly,  et 
mper  sur  les  bords  du  Djemnah; 
mais  il  fuit  sans  oser  en  disput 
passage  à  son  rival ,  qui  l'atteint ,  le 
combat  et  le  défait  à  Daoura  ,  le  1  i 
dzouihadjah  (  3 1  décembre  1 7  1 3  ). 
Abandonné  par  la  plus  grande  par- 
tie de  ses  troupes  ,  Djihandar  revient 
dans  sa  capitale,  qu'il  met  vainement 
en  état  de  défense.  Le  vainqueu 
entre  le  19  du  même  mois  (  G  jan- 
vier 17  1  \  )  ,  et  lui  fait,  t ranci' 
tête.  Le  cadavre  de  ce  monarque  fut 

os  (lu  palais,  et  promené 
dant  trois  jours  sur  un  éléphant 

duquel  Le  tfézyi  ,  attach 
un   pied  ,  fut   tr 

jusqu'à    ce   qu  ;  ire. 


MOE 

Moezz-eddyn  Djihandar-Chah  n'a- 
vait pas  régfté  deux  ans.     A — t. 
)  EZZ  LEDIN-ALLAfi  (Abou- 

Temym  Maadal-),  quatrième  kha- 
lyfe  fathimidc  d'Afrique  ,  et  le  pre- 
mier de  sa  famille  qui  ait  régné  en 
Egypte,  naquit  a  Mahdiah,  l'an  de 
l'hég.  3 19  (q3  i  de  J.C.;  Il  succéda, 
le  16  ciiawal  3^i  (19  mars  902),  à 
son  père,  Mansour  -  Billalij  mais 
il  ne  prit  le  titre  de  khalyfe,  et  ne 
reçut  les  hommages  de  sa  cour,  que 
trente-sept  jours  après;  ayant  passe' 
tout  ce  temps  dans  la  retraite,  oc- 
cupé à  mettre  ordre  aux  affaires  de 
l'empire.  Ce  prince  fut  le  plus  célè- 
bre, le  plus  brave,  le  plus  riche  et 
le  plus  puissant  de  sa  dynastie.  L'an 
344  (<p5),  un  vaisseau  d'Abdel- 
Rahman  III ,  roi  de  Cordoue,  ayant 
pris  un  navire  qui  portait  un  ambas- 
sadeur de  l'émyr  de  Sicile  à  Moezz, 
cette  agression  occasionna  une  rup- 
ture entre  le  souverain  de  l'Afrique  et 
celuiderEspagne.L'amiraltleMoezz, 
renforcé  par  des  troupes  siciliennes, 
entra  dans  le  port  d'Almeria  ,  brûla 
tous  les  vaisseaux  qui  s'y  trouvaient , 
descendit  ensuite  sur  les  côtes  d'An- 
dalousie ,  y  commit  d'affreux  ra- 
vages, et  retourna,  presque  sans  por- 
te, à  Mahdiah.  Abdel-Rahman  vou- 
lut user  de  représailles;  mais  sa  flotte 
fut  battue  par  celle  du  monarque  afri- 
cain, et  ne  put  rien  en t reprend  re. 
En  347  (o58),  Moezz,  afin  défaire 
rentrer  sous  sa  domination  l'Afri- 
que occidentale,  qui  s'en  était  affran- 
chie sous  les  deux  lègues  précédents, 
y  envoya  une  armée  nombreuse,  avec 
des  munitions  de  toute  espèce,  sous 
le  commandement  d'Aboul -llaçan 
Djewhar,  qui ,  d'abord  esclave  grec, 
puis  renégat, était  parvenu  jusqu'à  la 
chargede  Crtïed(généra!issime;. Dje- 
whar s'empara  d'abord  deTahort; 
mais  ayant  échoué  devant  Fez ,  dé- 


MO 

fendu  par  son  prince  Ahmed,  fiU 
de  Bekr ,  il  alla  soumettre  toute  la 
Numidie  et  la  Mauritanie,  depuis 
Sous  jusqu'à  lOcéan,  et  revint  assié- 
ger Fez,  qu'il  prit  d'assaut,  en  348 
(960).  Le  khalyfe  fit  les  plus  grands 
efforts  pour  propager  l'islamisme  en 
Sicile.  La  conquête  de  cette  île  fut 
terminée  en  35'2  (963  ),  par  la  prise 
de  Taormina,  que  ses  troupes  appe- 
lèrent Moezzîak,  en  l'honneur  de 
leur  souverain.  Les  Grecs  reprirent 
bientôt  cette  place  ,  et  la  reperdirent 
l'année  suivante ,  à  la  suite  d'une 
grande  bataille,  où  leur  général  fut 
tué.  Après  diverses  hostilités ,  la 
paix,  conclue  avec  l'empire  grec, 
en  35fî  (968),  assura  la  possession 
de  la  Sicile  à  Moezz.  Tranquille  alors 
dans  ses  états,  ce  prince  reprit  les 
projets  de  ses  ancêtres  sur  l'Egypte , 
que  la  mort  de  Kafour  avait  plongée 
dans  l'anarchie  [F.  Kafour,  XXII, 
29.8  ).  Djewhar ,  son  général ,  y  cu- 
ira sans  résistance,  le  6  juillet  969; 
et ,  trois  jours  après,  dans  les  mos  • 
quées  de  Misr  ou  Fostât ,  capitale 
du  pays  ,  on  prononça  la  khothbah 
au  nom  de  son  maître,  et  l'on  en 
supprima  celui  du  khalyfe  abbas- 
sidcMothy-Lillah.Oii  changea  aussi 
la  formule  usitée  dans  YEzdn  (  l'ap- 
pel à  la  prière  publique). Ce  fut  Djew- 
har qui  jeta,  près  de  Fostât,  les  fon- 
dements d'une  ville  nouvelle,  qu'il 
nomma  Al-Kahirah  (la  Victorieuse), 
d'où  s'est  formé  le  nom  du  Caire. 
Alors  commença  le  grand  schisme 
qui  divisa  les  Musulmans,  enleva  l'E- 
gypte aux  khalyfesabbassides,  et  la 
mit,  pendant  plus  de  deux  cents  ans, 
sous  l'autorité  spirituelle  et  tempo- 
relle des  Fa thimides.  Djewhar  soumit 
encore  la  Palestine  et  une  partie  de 
la  Syrie ,  jusqu'à  Damas.  Cependant 
les  Carmathes,  ayant  pris  cette  s 
dont  ils  avaient  assassin*  le  gouver- 


MOE 

îietir,  pénétrèrent  jusqu'en  Egypte  , 
l'an  36o  (97  i);  mais  ils  furent  taillés 
en  pièces  j  l.  M       /. ,  in- 

formé que  sa  nouvelle  capitale  était 

fée,  et  jugeant  que  sa  présence 
était  nécessaire  en  Egypte,  fit  fon- 
dre tout  son  or  et  son  argent  en  lin- 
gots qui  avaient  la  forme  de  meules. 
il  laissa  le  gouvernement  héréditaire 

Afrique  à  Yousouf  BaIlun,dont 
le  père,  Zeïii,  fondateur  de  la  dy- 
nastie des  Zéirides  ou  Sanliadjitcs  , 
lui  avait  rendu  d'importants  services 
dans  ses  conquêtes  en  Occident;  et 
il  partit  de  Mahdiah,  en  chawal  36 1 
(  97a  ),  avec  sa  famille,  sa  garde 
et  quinze  cents  chameaux  qui  por- 
taient ses  trésors,  ses  bagages  et  les 
corps  de  ses  ancêtres  :  après  un  voya- 
ge de  dix  mois  ,  il  reçut  à  Alexan- 
drie les  hommages  de  tous  les  chefs 
de  L'Egypte  ,  et  fit  son  entrée  au 
Caire,  le  1  5  ramadhan  30'.*  (973  ) 
(1).  L'année  suivante,  il  remporta 
une  victoire  signalée  sur  les  Caima- 
thes,  les  chassa  de  l'Egypte,  leur 
reprit  Damas  ,  les  força  de  se  retirer 
en  Arabie,  et  délivra  pour  jamais 
ses  états  de  ces  barbares  sectaires. 
Les  révoltes  fréquentes  des  habitants 
de  Damas  l'empêchèrent  de  s'empa- 
rer du  reste  de  la  Syrie  ;  mais  son 
nom  ne  laissa  pas  d'être  proclamé 
dans  les  mosquées  d'Alep,  de  Médine 
et  de  la  A.Mke.  Moezz  s'aftèrmit  sur 
le  trône,  sans  s'inquiéter  des  ana- 
thèmes  ni  des  libelles  du  khalyfede 
Baghdad.  Ce  fut  lui  qui  choi 
blanc  pour  la  couleur  de  ses  éten- 
dards et  de  sa  livrée,  en  opposition 
les  Abbassides,  qui  avaient 
adopté  le  noir.  Il  termina  glorieuse- 


L    belol    et  Cm 

!        ■      '/      Jil      1    !• 

fr'i  J'°ù  ■'  ïaudric. 


i\3 


ment  sa  carrière,  en  raby  ier.,  365 
(novembre  976; ,  dans  là  quarante- 
sixième  année  de  son  âge,  après  avoir 
régné,  par  lui-même  et  sans  vézyr, 
plus  de  vingt  ans  en  Afrique ,  et  trois 
en  Egypte.  11  laissa  pour  successeur 
son  fils,  Azyz-Biilah  (  F.  ce  nom, 
III  ,  i4ç)  )•  Quoique  Moezz  fût  très- 
enfichéde  la  science  des  astrologues, 
et  qu'il  n'entreprît  rien  sans  les  con- 
sulter ,  il  était  savant  et  vertueux. 
Aucun  prince  arabe  ne  fut  plus 
grand  par  sa  libéralité  ,  son  amour 
pour  la  justice  ,  sa  piété,  la  régula- 
rité de  ses  mœurs,  son  affection  pour 
ses  sujets  et  la  douceur  de  son  gou- 
vernement. Il  fit  creuser ,  dans  le 
Delta,  un  canal  qui  a  longtemps  re- 
tenu son  nom;  et  il  embellit  le  Caire 
de  plusieurs  édifices,  entre  autres,  de 
la  grande  mosquée,  ou  il  fut  enterré 
auprès  de  ses  aïeux.  On  lui  contesta 
toujours  la  généalogie  qui  le  faisait 
descendre  d'Aly  et  de  Fathimc,  fille 
de  Mahomet.  Un  jour  qu'il  passait  la 
revue  de  .ses  troupes,  un  prince  aïy- 
dc  lui  demanda  de  quelle  branche  de 
cette  maison  il  était  issu  :  «  Voilà 
»  mes  titres,  dit  Moezz  en  tirant  son 
»  sabre,  et  voilà  ma  race,  ajouta-î- 
»  il,  en  jetant  des  poignées  d'or  à  ses 
»  sol lats  !  »  A — t. 

MOEZZ  SCHERYF-EDDAULAI1 
(  Ar.ou  Temym  ),  cinquième  prince 
de  la  dynastie  des  Zéirides  ou  Badi- 
sùles  ,  monta  sur  le  trône  de  Tunis 
et  de  Tripoli ,  à  Mahdiah  ,  après  la 
mort  de  son  père  Badis,  à  la  fin  de 
l'an  |o6  (  mai  1016)  ;  et  son  oncle, 
qu'une  faction  avait  proclamé  roi , 
abdiqua  volontairement  au  moyen 
de  quelques  dédommagements.  Moezz 
n'avait  alors  que  onze  ans.  11  alla 
au-devant  de  l'année  qui  accompa- 
gnait la  pompe  funèbre  de  son  père, 
mort  au  siège  de  Madjila  ; 
Bières  gracieuses  et  allubles  lui  ga* 


'±\\ 


MOE 


gnèrcnt  tous  les  cœurs.  Il  se  rendit  à 
Kairowan  ,  où  ses  ministres,  abusant 
de  son  inexpérience,  ordonnèrent 
un  horrible  massacre  des  chyites  ou 
sectateurs  d'Aly  ,  Fan  4«7'  Moezz 
vainquit  ensuite  Hamad,son  grand- 
oncle  ,  fondateur  de  la  dynastie  des 
Hamadides  ,  a  Aschir  ,  Budgie ,  Al- 
ger ,  etc.  Il  extermina  les  Zeuates 
qui  habitaient  le  pays  de  Barca  •  fit 
périr  son  vézyr  à  cause  de  son  or- 
gueil et  de  ses  concussions ,  ainsi  que 
le  gouverneur  de  Tripoli ,  qui  avoit 
voulu  venger  la  mort  de  son  frère  ; 
et  il  subjugua  plusieurs  tribus  de  Ber- 
bers.  En  4'-)-7  (  io35-36  ),  il  envoya 
bon  (ils  Abdallah  en  Sicile  ,  avec  un 
corps  de  troupes  pour  seconder  un 
parti  de  Musulmans  révoltes  contreAl- 
Akkal ,  leur  gouverneur;  mais  après 
la  mort  de  cet  émyr  ,  les  Siciliens  se 
réunirent  contre  les  Africains  ,  leur 
tuèrent  huit  cents  hommes  ,  et  les 
forcèrent  de  se  rembarquer.  L'an 
43o,  Moezz  s'empara  de  File  Djerby, 
dont  il  fit  passer  au  fil  de  l'épéc  tous 
les  habitants.  Deux  ans  après  ,  il  dé- 
clara la  guerre  à  son  parent  Caïed  , 
roi  d'Âschir  et  de  Budgie;  mais  son 
armée  échoua  devant  le  château  d'fia- 
mad.  La  même  année,  il  cessa  de 
reconnaître  la  suzeraineté  et  l'auto- 
rité spirituelle  des  knalyfes  Fathi- 
mides  d'Egypte  ,  auxquels  ses  ancê- 
tres avaient  été  redevables  de  leur 
puissance  5  et  il  fit  prier  ,  dans  tous 
ses  états,  pour  Caïm  Beamr-allah 
khalyfe  abbasside  de  Baghdad  ,  qui 
par  reconnaissance  et  en  signe  de  sou- 
veraineté ,  lui  envoya  l'étendard  ,  et 
les  autres  attributs  de  la  royauté. 
Mostanser ,  khalyfe  d'Egypte ,  écri- 
vit, à  ce  sujet,  une  lettre  menaçante 
à  Moezz,  qui  lui  répondit  avec,  non 
moins  de  fierté.  La  querelle  entre 
ces  deux  princes  était  aigrie  par  le 
vézyr  Hassan  al-Yazoury7  dont  le 


MOE 

prince  africain  avait  choqué  l'amour- 
propre  :  il  en  résulta  une  guerre  des 
plus  opiniâtres  et  des  plus  cruelles 
dont  l'Afrique  ait  été  le  théâtre.  Le 
ministre  égvpîien  ayant,  réconcilié 
les  tribus  arabes  de  Zabah  et  de 
Riah  ,  leur  fournit  de  l'argent  et  des 
provisions  ,  et  les  envoya  ravager 
les  états  de  Moezz  ,  en  442  (  io5o). 
Elles  s'établirent  d'abord  dans  le 
pays  de  Barca  ,  riche  en  pâturages  , 
mais  absolument  désert  depuis  que 
ce  prince  y  avait  exterminé  les  Ze- 
nates  :  de  là  les  Arabes  firent  des  in- 
cursions dans  les  provinces  voisines. 
Moezz  leur  opposa  une  armée  ,  qui 
fut  vaincue  l'année  suivante  -?  mais  il 
s'alarma  peu  du  voisinage  de  ces 
hôtes  dangereux.  Les  conquêtes  des 
Normands  en  Sicile ,  et  l'anarchie 
qui  régnait  dans  cette  île  parmi  les 
Musulmans,  lui  avaient  inspiré  le 
désir  de  s'en  emparer.  11  équipa  une 
puissante  flotte,  en  444  (  io5'2); 
comme  on  était  dans  l'hiver ,  elle  fut 
presque  entièrement  détruite  par  une 
tempête  ,  près  de  l'île  Gousira  ou 
Cossyre,  aujourd'hui  Pantalaria  (i  ). 
Ce  désastre  affaiblit  considérable- 
ment Moezz,  l'empêcha  d'arrêter  les 
progrès  de  Roger  en  Sicile,  et  fut 
cause  que  les  Arabes  pénétrèrent 
dans  le  cœur  de  ses  étals.  Après  lui 
avoir  enlevé  Tripoli  ,  l'an  44^> 
(  i  o54  ) ,  ils  s'avancèrent  en  exerçant 
partout  les  plus  affreux  brigandages. 
Moezz  marcha  contre  eux,  à  la  tête 
d'une  armée  nombreuse  ,  dont  un 
corps  de  trente  mille  esclaves  faisait 
la  principale  force  ;  mais  il  perdit  la 
bataille ,  parce  que  ses  autres  trou- 
pes ,  jalouses  de  sa  prédilection  pour 
ces  soldats  qu'il  avait  formés,  ne 
donnèrent  que  lorsque  la  déroute  fut 


(t)  Et  nu  pas  l'Ile  de  Coise,  comme  l'a  dit  de 


MOE 

inévitable.  Vaincu  pour  la  seconde 
fois  près  de  Kaïrowau  ,  et  force 
d'abandonner  successivement  cette 
ville,  et  celles  de  Rakkadah  et  de 
Mansouriah  ,  il  se  renferma  dans 
Mahdiah,  où  commandait  son  filsTe- 
mym  ,  dont  la  pie'té  filiale  le  consola 
de  ses  disgrâces.  Les  Arabes,  maî- 
tres de  la  campagne  ,  prirent  et  pillè- 
rent Kaïrowau  ,  détruisirent  les  pa- 
lais bâtis  par  les  monarques  afri- 
cains ,  détournèrent  le  cours  de  la  ri- 
vière qui  arrosait  la  ville  ;  et  ils  par- 
coururent ensuite  le  royaume,  démo- 
lissant les  places-fortes  ,  coupant  les 
arbrps ,  comblant  les  canaux  et  les 
sources.  Tant  de  revers  accablèrent 
Moezz,  et  le  mirent  au  tombeau,  Tan 
453  ou  4'j4  (  1061  ou  62  ) ,  dans  la 
cinquante-huitième  année  de  son  âge, 
et  la  quarante-septième  de  son  règne. 
C'est  ce  prince  qui  a  introduit,  en 
Afrique,  la  doctrine  de  l'imam  Ma- 
ïek,  à  l'exclusion  de  celle  de  Chafeï 
(  V.  Malek  et  Giiafei  )  :  il  eut  pour 
successeur  son  fils  Temym.  A — t. 
MQFFAN  (  Nfcolas  de  ) ,  histo- 
rien ,  né  au  seizième  siècle,  dans  le 
bailliage  de  Poligni,  d'une  noble  et 
ancienne  famille,  fut  d'abord  desti- 
né à  la  magistrature.  Il  faisait  ses 
études  à  l'université  de  Dole,  lors- 
que Charles-Quint,  effrayé  des  pro- 
grès de  Soliman  ,  leva  des  troupes 
pour  garantit-  l'Allemagne  d'une  nou- 
velle invasion.  Le  jeune  Mollau  ré- 
pondit a  l'appel  de  son  souverain  , 
<i  pirtit,  brûlant  de  signaler  son  cou- 
contre  les  ennemis  du  nom  chré- 
tien. Le  corps  d'armée  dans  lequel 
il  servait  ayant  été  attaqué  à  l'im- 
proviste  par  les  Turcs  en  i55'2  ,  il 
fut  blessé  grièvement,  et  mené  pri- 
sonnier àConstantinople.  On  le  traita 
d'abord  avec  beaucoup  de  rigueur, 
pour  l'obliger  Leterj  mais 

ses  gardiens  se  relâchèrent  inscnsi- 


MOF  2i5 

blemcnt  d'une  sévérité  inutile  :  ils 
finirent  par  lui  permettre  de  se  pro- 
mener seul  dans  les  rues  de  Conslan- 
tinople  ;  et,  le  soir,  on  renfermait 
dans  une  chambre  où  se  trouvait  un 
Turc,  arrêté  pour  dettes.  La  nécessité 
avait  fait  faire  à  iMoiïan  de  ra 
progrès  dans  la  langue  turque  :  il  fut 
bientôt  en  état  de  converser  avec  son 
compagnon  ;  et  ce  fut  de  lai  qu'il  ap- 
prit les  détails  de  la  mort  de  Musta- 
pha ,  victime  de  la  jalousie  de  Uoxc- 
lane.  Après  trois  ans  d'esclavage  y 
Mo  flan  recouvra  sa  liberté ,  qu'il  dut , 
probablement,  à  la  compassion  gé- 
néreuse de  Christophe,  duc  de  Wur- 
temberg. Il  se  hâta  de  rejoindre  l'ar- 
mée chrétienne  en  Allemagne,  et  fut  . 
blessé  une  seconde  fois,  en  i556. 
Ce  fut  à  la  prière  du  duc  de  Wirtem- 
berg  ,  regardé  par  lui  comme  son 
prince  et  son  patron  ,  qu'il  mit 
par  écrit  les  particularités  recueillies 
dans  sa  prison ,  sur  la  mort  de  Mus- 
tapha. Cet  ouvrage  est  intitulé:  Soi- 
tant  Sotymani ,  Turcarum  impera- 
toris ,  horrendwn  facinus  in  pro- 
priwn  jilium  ,  nalu  maximum  , 
soltanum  Mustaphum  ,  panjcidio , 
anno  Domini  i553,  pairatum.  Il  a 
e'té  imprimé  à  Bàîe ,  i555,  in-8°. 
Chevalier  {Ilist.  de  Poligni,  tome  11, 
pag.  4  H)  )  -en  cite  une  édition  de 
Paris,  i5.j6;  mais  Duverdicr  nous 
fait  connaître  qu'il  en  parut,  cette  an- 
née là,  une  traduction  française  par 
J.  V.  On  a  encore  de  Mollau  :  De 
origine  do  m  Us  ottomanes  et  debello 
turcico  sui  temporis.  Crevenna  en 
possédait  une  copie  in-fol.  d 
feuillets  (  Voy.  son  Catalogue,  éd. 
iu  iu.,  tome  v  ,  p.  219).  Cet  ou- 
vrage   est  divisé  en   deux   parties  ; 

conde  est  datée  du  mois  d 
vembre  i55ô.  C'est  dans  : 
dicatoire  que  Mollau  nou 
craie  ,  mis  I  ,l  V'u"  unQ 


2îG 


MOF 


blessure  peu  dangereuse ,  il  ava i  I 
ployé  ses  loisirs  forces  à  écrire  l'his- 
toire des  événements  dunt  il  venait 
d'être  le  témoin.  W — s. 

MOGLIANO  (Gentile  de),  l'un 
de  ces  tyrans  qui  déchirèrent  la  mar- 
che d'Ancone,  au  milieu  dudouzième 
siècle  ,  avait  profité  du  séjour  du 
pape  à  Avignon  ,  pour  s'emparer  de 
la  seigneurie  de  Fermo  ,  avant  Tan- 
née i348  ,  épo  jue  où  il  fut  fait  pri- 
sonnier dans  une  guerre  contre  ses 
voisins ,  les  Malatesti,  princes  de  Ri- 
mini.  11  racheta  sa  liberté  par  une 
grosse  rançon  ;  et  bientôt  après  ,  il 
recommença  la  guerre,  appelant  à 
son  secours  ,  en  i353,  la  compa- 
gnie d'aventure  du  chevalier  de 
Montréal. La  haine  entre  Malatesti  et 
Mogliano  causa  la  ruine  du  dernier  , 
îorsqu'Égidio  Albornoz  entreprit, 
cette  année  même,  de  reconquérir  les 
états  de  l'Égbsr.  Les  petits  souve- 
rains, qui  s'étaient  partagé  le  domaine 
ecclésiastique,  ne  surent  pas  demeu- 
rer unis  pour  résister  au  cardinal. 
Dès  l'année  1 354  ?  Gentile  de  Mo- 
giiauo  ouvrit  volontairement  les  por- 
tes de  Fermo  à  Égidio  Albornoz  , 
qui,  en  retour,  le  nomma  gonfalonier 
de  l'Eglise.  L'année  suivante  ,  Mo- 
gliano voulut  s'allier  de  nouveau  aux 
Malatesti  et  aux  Ordelalli;  il  reprit 
alors  la  garde  de  Fermo  ,  d'où  il 
chassa  les  soldats  de  l'Eglise  ;  mais 
il  fut  à  son  tour  abandonné  par  les 
Malatesti,  dèsleurs  premiers  revers  : 
le  peuple  de  Fermo  se  souleva  contre 
lui  et  le  chassa,  au  mois  de  juin  i355. 
Mogliano  finit  ses  jours  en  exil  ^tan- 
dis que  ses  deux  filles ,  qui  s'étaient 
réfugiées  à  Gésène ,  auprès  deMarzia 
des  Ordelalli ,  partagèrent  avec  cette 
femme  intrépide  les  dangers  de  sa 
valeureuse  défense,  et  furent  faites 
prisonnières  avec  elle  ?  le  21  juin 
i357.  S.  S— 1. 


MOH 

MOHALHAL  (Adyben  il 

estl'imdes  plus  anciens  poètes  arabe 
Avant  lui ,  les  poésies  des  Arabes  n'é- 
taient autre  chose  que  des  vers  iso- 
lés. Le  premier,  il  composa  des 
pièces  de  trente  vers  (  Gasydah  ) , 
créa  des  compositions  plus  légères, 
et  lit  servir  la  poésie  à  chanter  les 
charmes  de  l'amour.  C'est  ce  qu'in- 
dique le  nom  de  Mohalhal ,  qu'on  lui 
donna.  Son  frère,  Goléib,  ayant  été 
tue  injustement  par  des  Arabes  d'une 
tribu  voisine  de  la  sienne  ,  il  se  mit 
à  la  tête  d'une  petite  troupe ,  mar- 
cha contre  la  tribu  meurtrière,  et  la 
punit  par  de  sanglantes  représailles. 
Mais  ses  succès  lui  inspirèrent  une 
telle  présomption  ,  que  le  desir  de 
se  venger  dégénéra  chez  lui  eu  fé- 
rocité. Abandonné  des  siens,  qu'a- 
vait irrités  sa  conduite,  il  fut  obligé  de 
fuir.  Même  dans  sa  retraite,  son  goût 
pour  les  expéditions  ne  le  quittait 
pas.  Ses  esclaves ,  lassés  de  ce  genre 
de  vie  ,  le  massacrèrenL  Mohalhal 
était  antérieur  de  quelques  années  a 
Mahomet.  J  —  n. 

MOHAMMED  I™. ,  empereur  de 
de  l'Indoustan  (  V.  Mas'oud  et  Mau- 
doud,  tom.  XXVII. -p.  37<jet495.) 

MOHAMMED  II  (  Aboul-Mod- 

IIAFFER    ClIAil-CuYR-ZAD    ChEIïAC- 
ED  DYN  )  AL    GhAURY  ,   5e.    SUÏthail 

de  la  dynastie  des  Ghaurides  en  Per- 
se, et  17e.  souverain  musulman  de 
l'Indoustan,  fut  associé  au  trône,  l'an 
567  (1 1 7  1)  par  son  frère  Gaïath-ed- 
dyu ,  dont  il  avait  partagé  les  ex- 
ploits ,  et  qui  lui  céda  le  royaume 
de  Ghaznah  (  Voyez  Mohammed  * 
Gaiatii-eddyn).  Ghehab-eddyn  Mo- 
hammed, autant  par  inclination  que 
par  déférence  pour  son  frère,  conti- 
nua de  reculer  les  bornes  de  ses 
états  du  coté  de  l'Indoustan.  Eu  572, 
il  conquit  la  province  de  Moultau  : 
en  574,  il  pénétra  dans  le  Gouzcràl; 


m 

mais  son  année  y  fut  taillée  en  pièces 
par  celle  du  radjah  Bim-déou.  L'an- 
née suivante ,  il  s'empara  de 
chour-  en  5"6 ,  il  iuarcha  sur  La- 
lior,  où  résidait  Khosrou  -  Meiik , 
dernier  prince  de  la  dynastie  des 
/•ic  vides  :  après  avoir  tenu  quel- 
que temps  la  place  assiégée  ,  il  em- 
mena le  fils  de  ce  prince ,  comme 
prisonnier  ou  comme  otage.  Il  sou- 
mit ensuite  le  Sind,  et  en  rapporta 
de  riebes  dépouilles.  Il  assiégea  vai- 
nement Lahor  en  58o,  la  prit  enfin 
par  stratagème,  en  58'2  .  et  anéantit 
la  dynastie  dv.s  Ghaznevi des  (  V. 
Kiiosrou-Chah,  XXII ,  3()i  ).  L'an 
587  ,  il  retourna  dans  l'Indoustan  , 
se  rendit  maître  d'Adjemyr  et  de  Ti- 
berhind  ;  mais  il  fut  surpris  entre 
cette  ville  et  Dehly  parles  radjahs  de 
Dehly  et  d'Adjemyr,  qui  l'attaquè- 
rent avec  des  forces  infiniment  supé- 
rieures :  il  courut  les  plus  grands 
dangers  dans  cette  bataille  ,  qu'il 
perdit  par  la  lâcheté  de  plusieurs  de 
ses  oiliciers.  Arrivé  à  Lahor ,  il  ne 
laissa  pas  de  pourvoir  à  la  sûreté 
de  ses  provinces  dans  l'Indoustan; 
et  il  revint  à  Ghaznah  ,  où  ,  après 
avoir  infligé  des  peines  infamantes 
aux  lâches  qui  l'avaient  abandonne', 
il  passa  le  reste  de  l'année  dans  les 
plaisirs  ,  en  attendant  le  moment 
de  réparer  sa  honte.  Au  printemps 
suivant,  il  rentra  dans  l'Indoustan  , 
à  la  tète  de  cent  mille  cavaliers  turks , 
persans  et  afghans,  et  rempi 
près  des  bords  du  Sursoit 
grande  victoire  sur  les  radjahs  In- 
dous  ,  dont  l'armée  était  de  trois 
rent  nulle  chevaux,  de  trois  mille  élé- 
phan:  infanterie  innombra- 

ble.  !  lincus  fut  im- 

mense, fii  en  bestiaux,  et 

en  bai  Dehly 

et  d'Adjemyr  y  furent  tués,  Moham- 
med soumit  Ad]  r  au 


MOU  .m  7 

fil  de  l'épée  ,  ou  réduisit  en  1 
vage  tous  les  habitants  ;  mais  il 
rendit  cette  ville  au  fils  du  dernier 
prince ,  moyennant  la  promesse  d'un 
tribut  annuel  ;  et  le  nouveau  radjah 
de  Dehly  conserva  aussi  les  étals  de 
son  père  aux  mêmes  conditions.  Le 
sulthan  reprit  la  route  de  Ghaznah  , 
laissant  le  gouvernement  de  ses  con- 
quêtes au  Turk  Cothb-eddyn  Aïbek  , 
qui  avait  été  son  esclave.  Ce  général 
se  rendit  bientôt  maître  de  Dehly  , 
et  força  tous  les  peuples  voisins 
d'embrasser  l'islamisme.  En  589 
(  1 193  ),  Chehab-eddyn  Mohammed 
reparut  dans  l'Indoustan  ,  vainquit 
le  radjah  de  Canoudj  et  deBénarès  , 
entra  dans  ces  deux  villes  ,  y  ren- 
versa toutes  les  idoles  ,  et  changea 
les  temples  en  mosquées  (  1  ).  En 
Sgi ,  il  prit  Biana  ,  dont  il  confia 
le  gouvernement  à  Boha-ed-dy:i 
Thogrul ,  autre  a'ïranchi  turk  ,  qui , 
suivant  les  ordres  de  son  maître, 
avant  soumis  Goualyor,  fut  ensuite 
battu  complètement  par  les  radje- 
pouts  qu'il  avait  imprudemment  at- 
taqués. En  5q3  ,  Cothb-eddyi 
para  cet  échec  par  la  conquête  de 
Narnai  ,  Calindjar  ,  Calpy  et  Bou- 
daoun.  Mohammed  se  trouvait  à 
Thous,  dans  le  Khoraean  ,  occupé 
à  faire  la  guerre  au  sulthan  de  Kha- 
rizin  ,  lorsqu'il  apprit  la  mort  de 
son  frère  Gaialh  -  eddyn  Mcham- 
med  ,  en  599  (  iao3)  :  il  se  ren- 
dit aussitôt  «i  Ghaznah  ,  s'empara 
du  trône  ,  dépouilla  les  enfants  de  ce 
prince  ,  auxquels  il  ne  laissa  que 
des  apanages  peu  importants  ,  et  fît 
presque  mourir  sous  le  bat. 
femme  favorite  ,  afin  d'avoir  s< 


(  1 1    B  '•■••  1   '••   1  rii  ■ 

BratimiDei  ;  el    'I   e»l    prohablt    au»  •  •    \<>t 
époque  .  «|n<-  I'-  un»  ■- » t ,  ..li 


ai  8  MOH 

sors.  Ce  fut  ainsi  qu'il  reconnut  les 
bienfaits  de  son  frère  :  son  ingrati- 
tude ne  demeura  pas  impunie.  Ayant 
voulu  soumettre  Mérou,  Fan  (ioo, 
il  marcha  contre  le  sulthan  de  Kha- 
rizm,  qui,  n'étant  pas  en  état  de 
tenir  la  campagne,  fut  oblige  de  se 
renfermer  dans  sa  capitale  ;  mais 
le  roi  de  Samarkand ,  et  le  général 
du  khan  des  Khitans,  vinrent  au  se- 
cours des  Kharizmiens.  Ghehab-ed- 
dyn ,  enveloppé  de  toutes  parts  ,  se 
battit  en  désespéré  :  il  vit  périr  la 
plus  grande  pariie  de  son  armée  ; 
blessé  lui-même  dangereusement ,  il 
ne  dut  son  salut  qu'à  une  poignée  de 
braves,  qui ,  s'ouvrant  un  passage  à 
travers  les  rangs  des  ennemis,  portè- 
rent le  sulthan  dans  le  château  d'Hin- 
dou -Koud.  Il  y  fut  bientôt  assiégé; 
mais  ,  en  rendant  la  place ,  et  en 
payant  une  rançon,  il  obtint  du  roi 
de  Samarkand  ,  la  liberté  de  retour- 
ner dans  ses  états.  On  l'avait  cru 
mort  ;  ce  bruit  avait  donné  lieu  à  de 
grands  désordres.  Lorsque  le  sulthan 
arriva  devant  Ghaznah  ,  le  comman- 
dant lui  en  refusa  l'entrée.  Forcé  de 
fuir  vers  Moultan,  il  y  fut  traité  en  en- 
nemi par  le  gouverneur.  Enfin  ,  avec 
îe  secours  de  ses  fidèles  sujets  ,  il 
triompha  de  ces  deux  rebelles,  rentra 
dans  sa  capitale,  et  fît  la  paix  avec  le 
sulthan  de  Kharizm.  Les  Djakkars  , 
peuples  féroces,  sans  morale  et  sans 
religion ,  qui  habitaient  les  mon- 
tagnes de  Sewalek,  près  du  Niiab  , 
(un  des  affluents  de  l'Indus) ,  avaient 
ravagé  le  Pendjab  ,  et  exercé  mille 
cruautés  sur  les  Musulmans.  Chehab- 
eddyn  Mohammed  marcha  contre 
secondé  par  Cothb  -  eddyn 
Aibek  ,  qui  lui  amena  des  troupes 
de  Debly  ,  il  tailla  en  pièces  ces  bri- 
gands, et  contraignit  leur  prince  et 
îa  nation  entière  d'embrasser  l'isla- 
misme. Apres  avoir  pacifié  ses  pro- 


MOH 

vinces  de  l'Indoustan ,  le  monarque 
partit  de  Lahor,  pour  retourner  à 
Ghaznah,  dans  la  résolution  de  pren- 
dre sa  revanche  sur  les  Khitans. 
Arrivé,  le  •>,  chaban  G02  (  1206), 
sur  les  bords  de  l'Indus  ,  il  y  fut  as- 
sassiné par  vingt  Djakkars  ,  qui  le 
surprirent  seul ,  pendant  la  nuit  dans 
sa  tente ,  où  il  était  en  prières.  Il 
avait  régné  3i2  ans  à  Ghaznah  ,  et  un 
peu  plus  de  trois  ,  comme  sulthan , 
depuis  la  mort  de  son  frère.  Ce 
prince  ,  l'un  des  plus  célèbres  qui 
aient  occupé  le  trône  de  l'Indoustan, 
avait  toutes  les  qualités  d'un  conqué- 
rant ;  mais  il  en  eut  aussi  tous  les 
vices.  Il  fut  souvent  ingrat,  perfide 
et  cruel.  La  soif  de  l'or  et  des  con- 
quêtes, non  moins  que  le  fanatisme  de 
la  religion,  fut  le  premier  mobile  de 
ses  invasions  dans  l'Indoustan  ,  qui 
furent  au  nombre  de  neuf:  aussi  pos- 
sédait -  d  des  trésors  incalculables. 
On  dit  qu'il  y  avait  cinq  cent  mans 
(dix  quintaux)  de  diamants  et  de 
pierreries,  et  la  charge  de  mille  cha- 
meaux en  pièces  d'or.  Se  voyant 
sans  héritiers  mâles  ,  il  avait  fait 
élever  avec  soin  plusieurs  mil- 
liers d'esclaves  turks,  qu'il  regardait 
comme  ses  enfants;  et  il  se  vantait 
de  laisser  en  eux  une  nombreuse 
postérité  qui  perpétuerait  la  mé- 
moire de  son  nom.  Il  distribua  des 
gouvernements  à  plusieurs  de  ces  es- 
claves ou  mamlouks,  dont  les  plus 
célèbres  furent  Tadj-cd-dyn  Udouz, 
qui  régna  dans  le  Kerman  et  à 
Ghaznah;  Nassir  -  eddyn  Kobah, 
dans  leSindetleMoullan(  ^.Kocah, 
XXII ,  5o8  ) ,  et  Cohb- eddyn  Aibek , 
qui  fut ,  à  proprement  parler ,  le 
premier  roi  musulman  de  Dehly. 
A — t. 
MOHAMMED  III,  33e.  empereur 
de  l'Indoustan ,  fils  et  successeur  de 
Touglouk-Chah  ,  l'an  725  de  l'hég. 


mou 

(  ï3'2.5  de  J.-C.  ),  gouverna,  du  vi- 
de ce  prince  ,  tout  ce  que  les 
Musulmans  avaient  conquis  dans  le 
Dekhan.  Il  agrandit  la  ville  deDéou- 
gbyr  ,  lui  donna  le  nom  de  Daulat- 
Abad,  y  fixa  sa  résidence,  y  attira 
un  grand  nombre  de  savants  et  d'é- 
trangers ,  et  la  rendit  la  cite  la  plus 
riche  de  tout  le  Deklian.  Appelé  au 
trône  de  Dehly,  par  la  mort  de  son 
père  ,  il  sut  joindre  les  vertus  d'un 
bon  roi  aux  qualités  d'un  grand  mo- 
narque. 11  entretint  toujours  une  ar- 
mée nombreuse,  pour  l'aire  respec- 
ter son  autorite:  mais  les  princes  du 
Dekhan  profitèrent  de  son  éîoigne- 
ment  pour  recouvrer  leur  indépen- 
dance j  ils  chassèrent  les  Musulmans 
de  toute  la  contrée  ,  et  ne  leur  lais- 
sèrent que  Daulat-Abad.  Mohammed 
entreprit  d'y  transférer  le  sfége  du 
gouvernement,  sans  pouvoir  y  réus- 
sir. La  malheureuse  issue  de  ses  ten- 
tatives pour  conquérir  la  Chine,  af- 
faiblit sa  puissance.  Des  révoltes 
dans  le  Bengale  ,  le  Gouzerât  et  le 
Pendjab,  lui  firent  perdre  une  grande 
partie  de  ses  états.  II  mourut  sur  les 
bords  du  Sind  ,  en  marchant  contre 
dos  rebelles  ,  l'an  759,  (i35u) ,  après 
un  règne  de  27  ans,  laissant  pour  suc- 
cesseur son  fils,  Fyrouz  Chah  III (  Z7". 
ce  nom.  \\  i,  >  1  1  .  —  " 
Cuaii  IV,  pclit-fils  t;.  it,fut 

reconnu  empereur  à  JNagarkot ,  par 
une   partie    ue    l'armée  ,  l'an 
>rt  de  son  ; 
iZ-Chah  ;  tandis  que  les  gi 
m  pire  plaçaient  sur  le  trône  à 
Delily,  son  frère  Touglouk-Chah  II. 
vboubekr , 
fils  d'un  autre  do  ses  frères,  détrôna 
et  mit.  1  mort  Touglouk,  qui  s'était 
rendu  iches. 

Mohammed  fil  ,  ,.  aou_ 

veau  compi 
trer  dans  I  On  vit  ; •  '" 


mou 


219 


Dehly  deux  empereurs  se  disputer 
le  trône,  et  remplir  de  carnage  les 
rues  de  celte  ville.  Enfin ,  au  bout  de 
deux  ans,  Aboubekr,  forcé  de  se 
rendre ,  fut  confiné  dans  une  prison, 
en  rç)"\  (  i3ç)ï  );  et  Mohammed  de- 
meura paisible  possesseur  de  l'em- 
pire, qu'il  transmit,  par  sa  mort, 
en  796  (  i3g4),  après  un  règne  de 
six  ans  el  demi,  à  son  fils  Iskander- 
Chah  qui  fut  bientôt  remplacé  par 
son  second  fils  Mahmoud-Chah  J II 
(  V.  ce  nom ,  XXVI ,  179).  —  Mo- 
hammed-Chah V,  43°.  souverain 
de  Dehly  ,  était  lils  de  Ferid ,  et 
petit-fils  de  l'empereur  Khizer,  seïd 
ou  descendant  de  Mahomet,  lequel 
avait  dû  à  ïamerian  les  commence- 
ments de  son  élévation.  Mohammed 
fut  mis  sur  le  trône,  en  8^7  (  1  434), 
par  la  faction  qui  avait  fait  périr 
Moubarek  II,  son  oncle  et  son  pré- 
décesseur :  mais  des  révoltes  éclatè- 
rent de  toutes  parts.  Mohammed  , 
assiégé  dans  sa  capitale  ,  négocia  se- 
crètement avec  les  rebelles,  pour  leur 
livrer  le  vézvr,  principal  auteur  de 
la  mort  de  Moubarek.  Le  vézyr ,  in- 
formé de  ce  qui  se  tramait  contre  lui , 
força  les  portes  du  palais  pour  assas- 
siner l'empereur  :  mais  Mohammed 
s:-  tenait  sur  ses  gardes;  et  des  sol- 
dats, au  premier  signal  qu'il  donna, 
tombèrent  sur  les  conspirateurs  ,  et 
les  mirent  en  pièces.  Ce  prince  ne 
fut,  après  ce  coup  d'autorité,  ni 
plus  heureux  ni  plus  puissant:  jouet 
des  factions,  réduit  à  ne  commander 
que  dans  sa  capitale,  il  mourut  .  en 
cî/j7  (  l/|43),  après  un  règne  de  dix 
ans  ,  dont  la  fin  ne  fut  tranquille 
que  parce  que  Bahloul-Lody,  gou 
neurde  Moultan  et  de  Labor,  a 
soumi  lit  tous  les  autres  i<  - 

iblit  l'ordre  dans  l'em- 
pire ,  el  demeura  maître  de   tout  If 
;r,  sous  le  titre  de  vézvr,  jus- 


MOU 

qu'à  ce  qu'il  eût  force  Ala-ed-dyn  , 

i  successeur  de  Mo  ha  Dirai 
descendre  du  trône,  pour  y  montera 
sa  place.— Mohammed  VI  et  Vlï. 
(  V.  Babour, III,  i  58,  et  Houmaioun 
au  Supplément.  )  —  Mohammed 
VIII  ,  l'un  des  princes  Afghans  ou 
Patatis  ,  qui  interrompirent  le  règne 
de  l'empereur  moghol  Houmaioun, 
usurpa  le  trône  de  Deldy,  l'an  ç)5G 
(  ir)/jo),  en  faisant  pe'rir  le  jeune 
uz-Chah  IV,  dont  il  était  oncle 
maternel.  Ce  fut  ainsi  qu'il  se  mon- 
tra reconnaissant  envers  sa  sœur  , 
mère  de  Fyrouz,  laquelle,  du  vi- 
vant de  Selim-Chah,  son  époux,  avait 
sauve  la  vie  à  Mohammed ,  que  ce 
prince  ,  connaissant  la  perversité 
de  son  beau -frère,  voulait  sacrifier 
à  la  sûreté  de  son  fils.  Moham- 
med fut  un  monstre  de  débauches  et 
de  cruauté.  Il  régna  un  peu  plus  de 
deux  ans,  et  fut  assassiné,  en  969 
(  i-55 1  ),  par  ses  deux  beaux-frères  j 
qui  occupèrent  successivement  le  trô- 
ne de  Dchly  ,  et  dont  le  deuxième, 
Iskàttder,  fut  vaincu  et  tué  ,  l'année 
suivante,  près  de  Nagarkot ,  par 
Houmaioun,  auquel  cette  victoire 
rendit  L'empire.  A — t. 

MOHAMMED  IX,  X ,  XI  et  XII. 
(  V.  AiiBAR ,  I  ,  36o  ;  Djih  an  Ghyr  , 
XI,  449?  Chah  Djih  an  ,  VII,  618; 
et  Bi'HADER-CiiAn  ,  IV,   57.  ) 

MOHAMMED  XIII  (  Ferjkh- 
Syr  ),  empereur  moghol  de  l'Indous- 
tan,  était  fils  d'Azem-al-Chân ,  et 
petit-fils  de  l'empereur  Behader- 
Chah  ,  (|ni  lui  avait  donné  le  gouver- 
nement du  Bengale.  Il  s'y  fit  telle- 
ment aimer  ,  que  les  habitants  ont 
long-temps  célébré  sa  mémoire  dans 
leurs  chansons.  Après  la  catastrophe 
de  son  père  et  de  ses  oncles ,  l'an 
1 1  «24  de  i'hég.  (  1712  de  J.-C.  ) ,  il 
abandonna  Dacca ,  sa  résidence  pour 
se  soustraire  à  la  vengeance  de  son 


OH 

oncle,  Moezz-cddyn  Djiliandar-Chah 
(  V.  ce  nom);  et,  à  la  tète  d'un  corps 
de  troupes  affolées,  il  se  rendit  à 
Patnah  ,  où  les  mécontents  le  procla- 
mèrent empereur,  en  t 713  :  il  re- 
çut le  même  honneur  à  Deldy,  après 
la  défaite  et  la  mort  de  son  oncle , 
eu  1 19.5  (  17  14  )•  Il  recompensa  les 
qui  t'avaient  placé  sur  le  trône , 
choisit  Abdallah,  l'un  des  deux  frè- 
pour  son  vézyr  ,  et  donna  au 
second ,  Haçan-Aly  ,  les  charges  de 
bakhehy  ou  trésorier-général,  et  d'é- 
myr-al-omrah.  Ces  deux  ambitieux 
s'emparèrent  de  toute  l'autorité,  dis- 
posèrent des  trésors,  des  emplois,  et 
ne  laissèrent  à  Mohammed  que  le 
nom  et  les  signes  extérieurs  de  la 
souveraineté.  Pendant  les  troubles 
qui  agitaient  l'Indoustan ,  depuis  la 
mort  d'Aureng-Zcyb ,  la  puissance 
des  Seikhs, comprimée  par  ce  monar- 
que ,  s'était  relevée  (  V,  Govinda  , 
XVIII,  aie),  et  Nanek).  Bendah- 
Singh  ,  leur  nouveau  chef,  à  la  tête 


cent  mille  hommes,  avait  rava 


tout  le  Pendjab,  et  fait  périr  succes- 
sivement trois  gouverneurs  de  Lah  or. 
Enfin  Abd-el-Sernad  khan,  nommé 
à  ce  poste  périlleux ,  lassa  les  Sei- 
khs ,  par  de  fréquentes  escarmou- 
ches ,  sans  hasarder  de  bataille  dé- 
cisive, et  força  Bendah  de  se  renfer- 
mer dans  Eohagar ,  où,  après  un  siè- 
ge de  onze  mois  ,  il  le  réduisit,  par  la 
faim  et  la  soif,  à  se  rendre,  ainsi  que 
toute  sa  famille.  On  l'envoya  à  Deh- 
ly,  avec  trois  cents  Seikhs,  dont  pen- 
dant un  mois,  dix  eurent  la  tête  tran- 
chée chaque  jour  sur  la  place  publi- 
que. Bendah  et  ses  trois  fils  subirent 
le  même  sort,  parce  qu'ils  refusèrent 
d'embrasser  l'islamisme.  L'empe- 
reur publia  une  loi  sévère  contre  les 
Seikhs ,  mit  leurs  têtes  à  prix  et  les 
poursuivit  avec  tant  d'acharnement 
qu'ils  semblèrent  anéantis,  et  qu'ils  ne 


it  de  trente 

important 
du  r<  :    Ferakh- 

Syr.  <  :  prince  que  la  com- 

pagnie anglaise  des  Indes  obtint  un 
mplaitdetous  droits 
d'entréeet  de  sortie  ,  et  qu'elle  a  re- 
gardé comme  sa  charte  commerciale 
dans  l'Inde,  tant  qu'elle  a  eii  besoin 
de  la  protection  des  princes  du  ; 

odant    Mohammed    soullrait, 
depuis  plus  de  quatre  ans  ,  le  despo- 
tisme et  les  indignes  procèdes  des 
deux  seuls  ,  et  il  avait  t'ait  de  vaincs 
tentatives  pour  se  défaire  d'eux.  En- 
fin, Abdallah  étant  parti  ,  en  1718, 
pour  a!  1er  chasser  du  Malwa,  Nizam- 
el-Molouk,  l'empereur  se  concerte 
avec  quelques  omrahs ,  pour  faire  as- 
sassiner à-ia-fois  ces  deux  factieux. 
Le  projet  avorte  :  Abdallah  tire  de 
prison  à  Sa  tara  h  ,  un  petit-fiis 
,'eyb  ,  revient  à  Dchly,  à  i 
dite  mille  Mahrattes,  et  annonce 
a  Mohammed  qu'il  vient  lui  disputer 
l'empire,  au  nom  de  ce  prince.  Il  lui 
de  néanmoins  la  paix ,  et  lui  li- 
vre le  prétendant;  mais  il  exige  que 
Mohammed  congédie  sa  garde  ,    et 
qu'il  en  accepte  une  autre  du  choix 
(lu  vé/.yr.  Alors,  les  tiens:  frères,  mai- 
!.i  personne  de  l'empereur, lui 
font  crever  les  yeux,  après  lui  avoir 
reproché  son  ingratitude,  et  l'avoir 
uillé  des  marques  de  la  souve- 
nue révolution  arrti 
avril  ou  mai  17  18.  On  voulut  étran- 
gler ce  malheureux  prince:  il  eut  la 
de  casser  le  cordon  qu'on  avait 
déjà   passé  autour  de  son  col  ;  mais 
le  lendemain  on  se  défit  de  lui  par 
led  Ferakh-Syr 
•ans  et  de- 
itraint 
sseur , 
l  Dird- 
jah  .  qui ,  peu  éprou- 


va  le  même  <•'  par 

son-frère,  Rafyh-ed-daulah.  A — t. 
MOHAMMED  XI\ 

MoDIIAFFER    Ni 

schaii  (jiiazy  ),  empereur  m< 
de  l'Indoustan  ,  était  fils  de  khod- 
jistah-Akhter  Djihan-Chah,  le 
nier  des  fils  de  l'empereur  Bebader 
Chah.  Il  passa  de  la  prison  sur  le 
trône  où  le  placèrent  les  deux  frères 
seïds,  en  Dzoul  hadjah  1 1 3 1  (septem- 
bre 1719) ,  après  la  mort  de  Rafyh- 
ed-daulah  ,  son  cousin.  Les  fréquen- 
tes révolutions  qui  avaient  ensan- 
glante l'Indoustan ,  depuis  la  mort 
d'Aureng-Zeyb,  la  faiblesse  de  ses 
successeurs,  l'ambition  des  omrahs, 
et  l'avilissement  de  l'autorité  si 
raine,  avaient  prépare  la  décadence 
de  l'empire  moghol.  Le  règne  de 
Mohammed  fut  l'époque  de  sa  disso- 
lu! ion  totale.  Pour  se  délivrer  de  la 
tyrannie  de  ses  deux  ministres,  ce 
prince  excite  sous  main  à  la  révolte 
plusieurs  gouverneurs  de  provinces, 
entre  autres  Nizara-el-Molouk 
bah-dar  du  Malwa.  Les  troupes 
envoyées  contre  ce  dernier,  par  les 
seuls  ,  sont  battues,  et  deux  de  leurs 
neveux  périssent  sur  le  champ  de 
bataille.  Les  deux  frères  se  séparent 
pour  faire  tête  à  l'orage  qui  les  me- 
nace de  toutes  parts.  Abdallah 
che  contre  les  rebelles  :  Baçai 

avec  l'empereur,  est  assassine , 
à  une  journée  de  Dehly,  par  le 

qui  servaient  la  cause  de 
hammed  ;  et  ce  prince  ,  à  la  té 
ses  troupes  ,  tue  de  sa  main  un  ne- 
veu de  l'ambitieux  vézyr,  qui 
excité  une  sédition  pour  venger  la 
mort  de  son  oncle.  A  cette 
Abdallah  tire  des  prisons  de  S 
gar  ,     Ibrahim  ,     frère 
derniers   monarques  ,   le  proclame 

impéi  iale,  le  1 


aaa 


moh 


venibre  1750;  il  est  vaincu  et  fait 
prisonnier  ,  ainsi  que  le  prince  Ibra- 
him :  on  le  conduit  à  Mohammed , 
qui  lui  pardonne  ,  et  se  contente  de 
le  reléguer  dans  un  château,  où  il 
pourvoit  splendidement  à  tous  ses 
besoins  ;  mais ,  peu  de  temps  après  , 
Abdallah  mourut  des  suites  de  ses 
blessures.  Telle  fut  la  chute  des 
Séïds  qui ,  dans  l'espace  de  sept 
ans  ,  avaient  été  assez  puissants  pour 
donner  quatre  empereurs  à  i'Indous- 
tan,  et  pour  en  sacrifier  cinq  à  leur 
ambition  (  V.  l'article  précédent,  et 

3YÏOEZZ-EDDYN    DjIIIANDAR    CllAII  ). 

Mohammed ,  qui  se  vantait  de  n'a- 
voir commence  de  régner  que  depuis 
la  mort  de  ces  deux  factieux ,  n'en 
fut  pas  moins  toujours  un  fantôme 
de  souverain.  Les  omrahs ,  qu'il  re- 
gardait comme  ses  libérateurs,  ob- 
tinrent, les  uns  les  premières  dignités 
de  l'empire,  les  autres  de  grands 
gouvernements  ,  où  ils  se  rendirent 
indépendants;  et  l'empereur,  livré 
sans  retenue  à  sa  passion  pour  le 
vin  ,  la  chasse  et  les  femmes  ,  aban- 
donna entièrement  à  ses  ministres  !c 
soin  des  affaires.  Celui  qui  avait  le 
plus  de  crédit  à  la  cour ,  et  d'ascen- 
dant sur  l'esprit  du  monarque  ,  était 
Khan-Dowran  ,  qui,  réunissant  la 
charge  de bakhehy,  et  celle  d'émyr- 
al-omrah,  disposait  à  son  gré  des 
finances  et  de  l'armée.  Cependant , 
les  Mahrattes  qui  avaient  su  résister 
à  Àureng  Zeyb,  étaient  devenus,  sous 
ses  faibles  successeurs  ,  des  ennemis 
redoutables  à  l'empire  moghol.  Ils 
dévastèrent  les  provinces  de  Mal- 
wa,  d'Adjemyr  ,  de  Gouzerât ,  vin- 
rent ravager  les  environs  de  Goua- 
lyor ,  et  menacèrent  souvent  la  ca- 
pitale. Khan-Dowran  ,  et  les  autres 
généraux  que  Mohammed  leur  op- 
posa ,  aimèrent  mieux  traiter  avec 
eux  que  de  les  combattre.  L'empe- 


MOH 

renr  s'obligea  de  leur  payer  le  clwiit , 
c'est-à-dire  ,  le  quart  du  revenu  an- 
nuel des  provinces  envahies  :  mais 
cette  condescendance  les  rendit  plus 
exigeants,  et  ils  finirent  par  s'empa- 
rer de  ces  mêmes  provinces.  Ces  bri- 
gands étaient  excités  par  Isizam-cl- 
Molouk,  qui ,  deux  fois  appelé  à  la 
cour ,  où  ses  talents  avaient  été  jugés 
nécessaires ,  s'était  retiré  deux  fois 
mécontent,  parce  que  ses  projets  de 
réforme  avaient  déplu  au  parti  de 
Khan  -  Dowran  :  il  était  retourné 
dans  le  Dekhan,  qu'il  gouvernait  en 
véritable  souverain.  Ce  fut  alors 
qu'il  invita  le  fameux  Nadir-Chah  , 
usurpateur  du  trône  de  Perse  ,  à 
conquérir  l'Indouslan.  Au  bruit  de 
la  marche  du  monarque  persan ,  on 
rappelle  encore  ISizam-el-Molouk  à 
Dehly;  mais  il  n'y  travaille  qu'à  per- 
dre son  rival.  Cependant  Nadir,  maî- 
tre de  Kaboul ,  de  Peïchour,  de  La- 
hor,  poursuit  sa  marche  triomphante 
vers  la  capitale.  Mohammed  en  sort, 
avec  sa  cour  et  son  armée,  et  vient 
camper  à  Pannipout,  d'où  il  envoie 
la  plus  grande  partie  de  ses  forces , 
sous  les  ordres  de  Khan-Dowran  , 
et  de  Sadet-Khan,  soubah  -  dar 
d'Aoude,  pour  tenir  tête  à  l'en- 
nemi. Ces  deux  généraux  rencon- 
trent l'armée  persane  dans  les  plai- 
nes de  Karnâl  ;  la  bataille  se  donne 
le  c2/\.  février  1739;  les  Indiens  y 
sont  mis  en  déroute.  Khan-Dowran , 
blessé  mortellement,  va  expirer  aux 
pieds  de  son  maître  ;  et  Sadet-Khan, 
ennemi  de  ce  général,  est  fait  pri- 
sonnier. Alors,  l'empereur,  trompé 
par  le  perfide  Nizam -ei-Molouk , 
monte  sur  un  trône  portatif,  et  se 
rend  au  camp  du  vainqueur,  qui  le 
reçoit  avec  tous  les  honneurs  dus 
à  son  rang  ,  l'embrasse,  lui  donne 
place  à  ses  côtes,  cause  familière- 
ment avec  lui,  blâme  son  apathie  ; 


MOH 

F.i  mollesse ,  et  surtout  son  impru- 
dence d'être  venu  se  mettre  à  la  dis- 
crétion de  son  ennemi ,  et  finit  par  le 
rassurer  sur  ses  intentions.  Un  traite 
avait  été  négocié  d'avance,  par 
Nizam-el-Nfolouk,  entre  les  deux 
monarques.  Nadir  devait  recevoir 
deux  krors  de  roupies  (environ  5o 
millions  de  francs);  et,  à  ce  prix,  il 
consentait  à  retourner  dans  ses  états  : 
mais  Sadet-Khan,  jusqu'alors  com- 
plice des  intrigues  de  Nizam-el-Mo- 
louk,  quoique  zclé  pour  la  gloire  et 
le  bonheur  de  l'Indoustan,  craignit 
que  cet  omrah  ne  recueillît  seul 
l'honneur  et  l'avantage  de  ce  traite: 
il  éveilla  la  cupidité  de  Nadir-Chah  , 
et  lui  persuada  de  visiter  la  capitale. 
Le  conquérant  licencie  les  restes  de 
l'armée  moghole ,  s'empare  de  la 
caisse  militaire  et  de  l'artillerie,  qu'il 
envoie  en  Perse,  avec  tous  les  équi- 
pages  de  l'empereur ,  retient  ce  mo- 
narque prisonnier,  et  marche  sur 
Dehly.  Il  y  fait  son  entrée  le  '20 
mars ,  et  va  occuper  le  palais  impé- 
rial, après  avoir  préalablement  en- 
voyé Sadet-Khan,  pour  apposer 
le  scellé  sur  les  effets  les  plus  pré- 
cieux ,  notamment,  sur  le  fameux 
trône  du  Paon,  et  dresser  l'état  des 
omrahs  ,  et  des  plus  riches  citoyens, 
qui  devaient  être  mis  à  contribution. 
Le  lendemain  ,  une  querelle,  au  su- 
jet delà  taxe  du  blé,  et  un  faux  bruit 

I  tdir  avait  «:!<;  tué,  ayant  i 
une  insurrection  parmi  les  habitants  , 
ils  font  main-basse  sur  tous  les  Per- 
san-, qu'ils  rencontrent.  Nadir,  me- 
■  Utieux,  quitte  I 
on  quartier  dans  la 
grande  mo  -me  un  pil- 

et  un   ma  aérai.  Pour 

iper  à  l'a\  .  eur,  et 

à  la  urutali  i  ,  plusieurs 

famili  i 

leurs  maisons,  et  se  précipitent  dans 


MOH  v±3 

les  flammes.  Le  nombre  des  victi- 
mes, de  tout  âge,  de  tout  rang  et  de 
tout  sexe,  fut  de  cent  mille,  suivant 
les  rapports  les  moins  exagères,  et  de 
deux  cent  vingt  cinq  mille,  suivant 
Olter.  Une  grande  partie  de  la  ville 
fut  consumée.  Enfin,  le  soir,  Nadir, 
touché  par  les  prières  de  Nrzam-el- 
Molouk,  et  du  vézyr  Kamar-ed-dyn- 
Khan,  fit  cesser  le  carnage,  et  réta- 
blit l'ordre  et  la  tranquillité;  mais 
les  cruautés  les  plus  inouïes  furent 
encore  exercées  sur  tous  les  malheu- 
reux: que  frappait  la  contribution 
et  coûtèrent  la  vie  à  plusieurs  d'en- 
tre eux.  Nadir-Chah  interrompit  la 
désolation  générale  par  les  fêtes  bril- 
lantes qui  solennisèrent  les  noces 
de  l'un  de  ses  fils  ,  avec  une  prin- 
cesse du  sang  de  l'empereur  moghol. 
Après  avoir  exerce  les  droits  de 
souveraineté  à  Dehly,  il  assembla 
les  omrahs;  replaça  la  couronne,  en 
leur  présence,  sur  la  tête  de  Moham- 
med-Chah; se  (il  céder,  par  ce  prince, 
toutes  les  provinces  à  l'ouest  de 
l'Indus  ;  lui  donna  des  conseils  sur 
la  manière  dont  il  devait  gouverner; 
enjoignit  à  ses  ministres  de  lui  êtie 
fidèles,  cl  partit  enfin  de  Dehlv  , 
le  16  mai  i  7  ?9  ,  emportant  les  dé- 
pouilles de  l'Indoustan,  évaluées  à 
quinze  cents  millions  ,  cl  même  à 
plus  de  deux  milliards,  selon  quel- 
ques relations.  L'invasion  de  ce  con- 
quérant avait  porté  le  dernier  coup 
a  la  puissance  de  i'empire  moghol. 
Aly-Yerdv-khan  usurpa  le  Bengale; 
;  Vlahrattes  pénétrèrent  dans  le 
Carnate,  dont  ils  tuèrent  le  nabab  , 
qui  avait  osé  leur  résister  :  les 
liillalis,  peuples  Afghans,  formèrent 
un  état  indépendant  à  l'ouest  du 
;e,  et  a  quatre-vingts  milles  de 
la  capitale. Sa'if-dar-Djenk ,  soubah- 
dar  d'Aoude,  ennemi  juré 
niers,  détermiu  eur  a  leur. 


22  \  mon 

faire  la  guerre,  et  s'obligea  a  en 
payer  tous  les  frais.  Mohammed- 
Chah  commanda  lui  -  même  cette 
expédition,  Tan  174^  ;  il  s'empara 
du  pays  des  Rohillahs,  contraignit 
Aly-Mohammed,  leur  chef,  de  se 
rendre  à  discrétion  ,  lui  fit  grâce  ,  à 
Ja  sollicitation  du  vézyr  Kamar-ed- 
dyn,  et  l'emmena  prisonnier  àDehly; 
mais,  l'année  suivante,  une  troupe  de 
Bohiiîahs  s'introduisit  dans  la  capi- 
tale, et,  par  ses  cris  séditieux, força 
l'empereur  de  mettre  en  liberté  Aly- 
Mohammed  ,  à  qui  ce  prince  donna 
même  le  gouvernement  de  Serhind. 
Après  la  mort  de  Nadir-Chah  ,  en 
1747?  Ahmed- Abdally,  l'un  de  ses 
généraux,  s'étant  formé  un  royaume 
de  toutes  les  provinces  nouvellement 
cédées  à  la  Perse  par  l'empereur  mo- 
ghol  ,  entra  dans  l'Tndoustan  ,  à 
l'exemple  de  son  maître,  prit  Lahor, 
et  pénétra  jusqu'à  Serhind.  Moham- 
med-Chah  lui  opposa  une  armée, 
sons  les  ordres  de  son  fils  Ahmed, 
et  du  vézyr  Kamar-eddyn.  Ce  dernier 
fut  tué,  dans  sa  tente ,  par  un  boulet 
de  canon  ,  ce  qui  n'empêcha  pas  le 
jeune  prince  de  battre  Ahmed -Ab- 
dally ,  et  de  le  forcer  à  la  retraite 
(  V .  Ahmed  -  Cuaii  Abdally  ,  I , 
335  ).  Depuis  la  décadence  de  l'em- 
pire moghol,  Kamar-ed-dyn ,  autre- 
fois le  compagnon  de  débauches  de 
Mohammed-Chah  ,  était  devenu  son 
confident  et  son  ami.  En  apprenant 
la  mort  de  ce  favori ,  le  monarque 
se  retira  dans  son  appartement ,  où 
il  passa  toute  la  nuit,  en  larmes.  Le 
lendemain  matin  (  8  avril  1748), 
tandis  qu'il  donnait  audience,  i!  fut 
frappé  d'apoplexie  ,  et  mourut  sur 
sou  trône  ,  après  un  règne  orageux 
et  malheureux  de  3o  ans.  Moham- 
med se  distinguait  par  sa  beauté  , 
son  esprit ,  et  ses  connaissances  ;  il 
écrivait  purement  l'arabe  cl  le  per- 


MOÏÏ 

san  ;  il  était  brave,  affable,  et  géné- 
reux :  mais  son  caractère  facile  ,  et 
porté  à  l'indulgence ,  lui  fit  trop 
souvent  sacrifier  son  autorité  à  sa 
clémence.  Indolent  et  voluptueux,  il 
joignait  à  ces  défauts  une  extrême 
défiance  en  ses  propres  talents  :  il 
écoutait  tous  les  conseils  ,  et  flottait 
dans  une  incertitude  continuelle  ; 
aussi  fut-il  toujours  dominé  par  ses 
omrahs  et  par  ses  faVoris.  11  eut 
pour  successeur  son  fils  Ahmed - 
Chah.  A — t. 

MOHAMMED ,  sulthan  d'Egypte. 
V.  Nasser  Mohammed. 

MOHAMMED  (  Abou-Add-Al- 
lau  ) ,  connu  sous  le  nom  d'Ebn- 
Batouta  ,  célèbre  voyageur  arabe, 
était  natif  de  Tanger,  et  appartenait 
à  la  tribu  africaine  de  Léwata  :  c'est 
du  moins  ce  que  l'on  doit ,  ce  semble , 
conclure  des  surnoms  de  Léwati  et 
Tandji ,  qu'on  lui  donne.  Son  père  se 
nommait,  comme  lui,  Mohammed. 
Nous  ignorons  d'où  lui  venait  le  sur- 
nom d'Èbn  -  Bat  ou  ta.  11  naquit  en 
l'année  703  de  l'hégire,  comme 
nous  l'apprend  M.  Graberg  de  Ilem- 
so  ,  dans  son  Précis  de  la  littérature 
historique  du  Magbrib  -  el  -  Aksa 
(  Lyon,  1820  ).  En  l'an  725  (  1 324-5 
de  J.-C.  ) ,  il  quitta  Tanger  sa  pa- 
trie ,  et  ce  premier  voyage  dura  vingt 
années.  11  visita  l'Egypte ,  l'Arabie  , 
la  Syrie ,  plusieurs  provinces  de 
l'empire  grec  ,  et  la  capitale  de  cet 
empire,  îaTartarie,  laPerse,  l'Inde, 
les  îles  de  Ceylan  et  de  Java,  les 
Maldives  et  la  Chine.  Il  fixa  quelque 
temps  sa  résidence  à  Dehly,  et  ensuite 
dans  l'une  des  îles  Maldives  ,  et  exer- 
ça même  ,  dans  l'un  et  dans  l'au- 
tre endroit ,  les  fonctions  de  kadhi. 
De  retour  dans  sa  patrie  après  une 
si  longue  absence  ,  il  ne  tarda  pas  à 
la  quitter  de  nouveau  pour  parcourir 
l'Espagne.  Ce  voyage  terminé  ,  il  en 


MOH 

entreprit  un  autre  dans  L'intérieur  de 
l'Afrique  septentrionale ,  et  du  pays 
5,  dont  il  vit  les  principales 
villes ,  notamment  celles  de  Tom- 
bouclou  et  de  Melli.  Rentre  enfin 
dans  ses  foyers, il  rédigea  une  ample 
relation  de  tous  ses  voyages.  Cette 
relation  a  été  abrégée  plus  tard  ,  et 
vraisemblablement  vers  la  fin  du 
seizième  siècle,  par  un  Arabe,  nommé 
Mohammed  Ben-Mohammed Kélebi. 
Jusqu'à  ces  derniers  temps,  on  ne 
possède  point  eu  Europe  la  relation 
complète  des  voyages  d'Ebu-Balouta, 
telle  qu'il  l'a  écrite  lui  même  ;  quoi- 
que l'on  suppose  que  Dombay  s'en 
était  procuré  un  exemplaire  pendant 
son  séjour  à  Tanger.  L'Abrégé  de  Mo- 
hammed Kélebi  l'ait  partie  des  ma- 
nuscrits que  le  docteur  Seetzen  avait 
acbete's  dans  le  Levant,  et  envo 

tiothèque  du  duede  Saxe-Gotha. 
M.  Kosegarten,  professeur  de  langues 
orientales  en  l'université  de  Iéna  ,  a 
publié  un  mémoire  curieux  surEbn- 
Batouta  ,  et  sur  ses  voyages  (  i  )  ;  et 
il  a  donné  trois  fragments  très-inté- 
ttts  de  la  relation  abrégée  de  Mo- 
hammed Kéléiu.  Un  nouveau  frag- 
ment de  la  même  relation  a  été  pu- 
blié par  Al.  Henri  Apetz ,  élève  de 
M.  l\i  >.).  Si  Ebn-Batouta, 

paraît  être,  dans  gments,  un 

rédule  et  disposé  à  ajou- 
ter foi  a  des  récits  absurdes  ,  il  s'y 
montre  aussi  narrateur  véridique  et 

,  distinguant  avec  soin  ce  (huit 

il  a  ete  témoin,  de  ce  qu'il  n'a  appris 

que  par  oui-dire.  Les  notions  qu'il 

donne  sur  l'intérieur  de  l'Afrique  sep- 

île  ,  ont  surtout  fixé  l'a Iten- 

■  pour  lesquels 

:  devenues,  depuis  les 


i 


dernières  années  du  dix-huitième  siè- 
cle, l'objet  de  recherches  assid 
de  savantes  combinaisons.  En 
rai,  la  relation  d'Ebn-Batouta  mérite 
d'être  publiée*  et  les  savants  sauront 
beaucoup  de  gré  a  M.  Kosegarten  , 
de  la  leur  faire  connaître  en  entier, 
comme  il  semble  en  avoir  formé  le 
projet.  Si  M.Graberg  a  réussi,  comme 
on  le  présume  ,  a  se  procurer    un 
manuscrit  de  cette  même  relation  ? 
on  peut  aussi  espérer  que  le  public 
n'en  sera  pas  privé.  Nous  ignorons 
l'année  de  la  mort  d'Ebn  B  ;touta. 
S.  d.  S — Y. 
MOHAMMEi  udjah 

;  u  m  dyn  Ier.),  5'-'.  sulthan  sel 
djoukidede  Perse,  était  le  deuxième 
lils  du  célèbre  Melik-Chah  .  et  frère 
deBarkyaroc  {K.  ce  nom,  fil,  378), 
auquel  il  disputa  l'empire  dès  l'an  de 
i'hég.  492  «  «'D^y.  Après  une  guerre 
cruelle  de  cinq  ans  et  des  suc* À- 
ries  ,  il  obtint  enfin  îe  titre  de  Melik 
(  roi  )  et  la  souveraineté  absolue  de 
l'Adzerba'idjan  ,  de  l'Arménie,  du 
Diarbekir  ,  de  la  Syrie  ,  et  de  tous 
les  pays  jusqu'à  Derbend.  Ces  que- 
relles sanglantes,  entre  les  deux  frè- 
res ,  portèrent  un  grand  coup  à  l'is- 
lamisme, et  facilitèrent  les  su 
des  Chrétiens  occidentaux  qui,  sous 
■  ires  de  Godefroi  de  Bouillon  , 
et  des   autres  chefs  de  la   première 

s'emparèrent  d»;   >ïj 
d'Antioche,  d'Edesse,  de  Jérusalem , 
d'Acre  ,  et  fondèrent ,  en  Syrie  et  en 
Palestine  ,  diverses  principautés,  qui 
ant  deux  cents  ans 
les  Musulman  . 
hammed  ,  devenu  maître  de  toute  la 
II,!)       1 105  )  ,   par    la 
mort  de  Barkyaroc  ,  et  |>  ir  1 1  re- 
nonciation de  son  u,  .  ;  ihah 
an  titre  de  sulthan  ,   lit 
l'émj  1 

inU  qu'il  1 


2-26 


TVIOH 


placer  un  jour  son  pupille  sur  le 
trône.  Au  lieu  de  marcher  en  Syrie, 
contre  les  Chrétiens,  à  la  tête  de 
toutes  ses  forces  ;  au  lieu  de  faire  la 
guerre  aux  Batîteniens  ou  Ismaé- 
Hens,  qui,  au  centre  de  ses  états  ,  pos- 
sédaient plusieurs  forteresses  inex- 
pugnables ,  d'où  leur  souverain  en- 
voyait des  troupes  attaquer  les 
caravanes,  et  des  sicaires  assassi- 
ner les  princes  et  les  grands  dont  il 
voulait  se  défaire  (  V.  Haçan  Ben- 
S abbah  ,  XIX ,  280  )  ;  Mohammed 
tourna  ses  armes  contre  les  Mu- 
sulmans ,  et  ne  s' attacha  qu'à  sou- 
mettre ou  à  détruire  les  grands  vas- 
saux dont  l'ambition  préparait  déjà 
la  ruine  de  l'empire  seldjoukide.  11 
se  détermina  pourtant  à  investir  un 
château  dont  les  Ismaéliens  s'étaient 
emparés  dans  le  voisinage  même 
d'Ispahan.  Les  assiégés,  pressés  par 
la  famine  ,  songeaient  à  se  rendre  , 
lorsque  le  commandant  mit  dans  ses 
intérêts  le  vézyr  du  sulthan.  Ceprince, 
incommodé  par  une  trop  grande 
abondance  de  sang,  avait  coutume 
de  se  faire  saigner  tous  les  mois.  Un 
chirurgien  ,  gagné  par  le  vézyr,  pro- 
mit de  se  servir  d'une  lancette  em- 
poisonnée :  mais  le  complot  fut  dé- 
couvert ,  et,  au  moment  de  l'opéra- 
tion, l'assassin,  effrayé  par  un  regard 
terrible  du  sulthan ,  laissa  tomber 
l'instrument,  et  avoua  son  crime.  Le 
vézyr  fut  condamné  à  mort  :  le  chi- 
rurgien fut  saigné  avec  la  lancette 
qu'il  avait  préparée  pour  son  maître; 
et  la  place  ayant  été  prise  et  rasée  , 
le  commandant  ismaélien  fut  aban- 
donné aux  outrages  delà  populace,  et 
ensuite  écorché  vif  par  ordre  de  Mo- 
hammed. Les  progrès  des  Chrétiens 
qui  avaient  pris  en  Syrie,  Tripoli  , 
Beyrout ,  Siclon ,  etc.  ,  réveillèrent 
eniin  ce  prince.  Il  envoya  ,  contre 
eux ,  une  armée  nombreuse,  sous  les 


MOH 

ordres  de  Maudoud ,  auquel  il  venait 
de  donner  le  royaume  de  Moussoul. 
Après  divers  succès ,  Maudoud  fut. 
assassiné  à  Damas  (  V.  Maudoud  , 
XXVII,  498);  et  Toghtcghyn, 
violemment  soupçonné  d'avoir  été 
l'instigateur  de  ce  crime  ,  obtint  son 
pardon  du  sulthan  ,  qui  le  confirma 
dans  la  souveraineté  de  Damas,  et 
qui  reprit  Moussoul  dont  Acsencar 
al-Bourski  s'était  emparé (  V .  Ac- 
sencar ,  1 ,  i05  ).  Les  auteurs  ex- 
traits par  d'Herbelot ,  et  ceux  du 
Loub  el  Tawarikh  et  du  Gulchenal 
Kholafah,  parlent  d'une  prétendue 
expédition  dans  l'Inde  ,  entreprise 
par  Mohammed  ,  el  que  de  Guignes 
a  regardée,  avec  raison,  comme  fa- 
buleuse. La  partie  orientale  de  la 
Perse  était  alors  possédée  par  le  célè- 
bre Sandjar,  frère  de  ce  prince;  et 
Mas'oud ,  qui  régnait  à  Ghaznali  et 
sur  toutes  les  provinces  du  nord  de 
l'Inde,  vivait  en  paix  avec  les  Sel- 
djoukides  (  V.  Mas'oud  m,  XXVII, 
3hb  ).  D'ailleurs  Ferischlah  ,  dans 
son  Histoire  de  l'Indoustan ,  traduite 
en  anglais  par  Dow,  ne  fait  aucune 
mention  de  cette  expédition.  Mo- 
hammed mourut  à  Ispahan,  le  s&4 
dzoulhadjah  5 1 1  ( 1 1 18  ) ,  dans  la 
trente-septième  année  de  son  âge ,  et 
la  quatorzième  de  son  règne ,  après 
avoir  lui-même  placé  son  fils  sur  le 
trône  (  V.  Mahmoud  ,  XXVI ,  1 7.4  ). 
Ce  prince  dans  ses  derniers  moments 
composa  des  vers  sur  le  néant  des 
grandeurs  humaines.  Il  s'était  rendu 
recommandable  par  sa  clémence  ,  sa 
justice,  etia  régularité  de  ses  mœurs. 
Quoiqu'il  eût  considérablement  allé- 
gé le  poids  des  impôts,  il  laissa  dans 
son  trésor  pour  deux-cent-vingt  mil- 
lions ,  tant  en  or  qu'en  pierreries  et 
autres  choses  précieuses.     A — t. 

MOHAMMED  (  Abou-Ciioudjah 
Gaïatii-eddyn  II),  i  oe  ou  1 1 e  sulthan 


tofl 

Seldjoukide  do  Perse,  fils  de  Mah- 
moud et  petit-fils  du  précédent,  se 
trouvait  dans  le  Kliouzistan ,  lorsque 
son  frère  ,  Melik-Chah  II ,  fut  arrête 
et  déposé  par  ses  émyrs ,  l'an  5  \r]  de 
rhég.  (  1  i5a  de  J.-C.  )  Khass-Beye  , 
le  plus  puissant  d'entre  eux,  appela 
Mohammed  à  Hamàdan ,  dans  le  des- 
sein de  l'arrêter  aussi ,  et  de  s'empa- 
rer du  troue:  mais  ce  prince  ,  peu  de 
temps  après,  fit  périr  le  traître,  et 
abandonna  son  corps  aux  chiens.  Un 

Î>areil  coup  d'autorité  souleva  tous 
es  autres  seigneurs  déjà  disposés  à 
î  1  révolte.  La  défaite  et  la  captivité 
du  solthan  Sandjar,  grand-oncle  de 
Mohammed,  chez  les  ïurkomans  , 
offrirent  aux  factieux  une  occasion 
favorable  de  s'élever  sur  les  ruines  de 
l'empire  seldjoukide.  L'atabek  Yl- 
deghiz  déposa  Mohammed  ,    et  fit 
reconnaître  sullhan  Soleïman-Ghah , 
oncle  de  ce  prince.  Ceiui-<  i,  forcé  de 
quitter  Hamadan  ,  se  relira  à  Ispa- 
lian  ,  d'où  il  fut  rappelé,  six  mois 
après  ,  pour   remplacer  le  stupide 
Soléiman.  Mohammed  eut  bientôt 
à-la-fois  sur  les  bras  son  propre  fre- 
itlik-Chah  ,  qui  s'était  échappé 
de  sa  prison,  Soléiman,  qui  s'était 
réfugié  à  Baghdad,  et  le  khalyfe  qui , 
sous  prétexte  de  soutenir  les  droits 
de  ce  dernier,  ne  travaillait  qu'à  di- 
viser les  princes  seldioukides,  afin 
de  s'affranchir  de  leur  joug  (  /'.  Mon- 
TAF1   II  ).    Cependant    Mohammed 
ayant  vaincu  Soléiman,  sur  [es  bords 
de  l'Aïav,  et  affermi  son  autorité 
en  Perse,  marcha  vers   Baghdad  , 
pour  i-  di,  kh  d\  IV. 

.  us  très-vives  ,  il 
[ut  oblige',  au  boni  de  trois  mois,  do 
levtM  e  ville  ,  pour  vo- 

1  secours  1 
talc,  que  son  fi  ih  ,  et 

l'atabek    Yldeghiz   \  de   pil- 

ler ,  et  d'où  il 


MOU 
femmes  de  ses  émyrs,  Mohamn 

harcelé  dans  sa  retraite  par  les  trou- 
pes du  khalyfe,  aurait  néanmoins 
triomphé  de  son  frère  ,  qui  faisait  lu 
guerre  moins  en  prince  et  en  général 
qu'en  partisan  et  en  brigand  ;  mais 
il  tomba  malade,  et  ne  lit  plus  que 
languir.  Pour  arrêter  les  ravages  de 
Melik-Chah,  il  lui  promit  inutile- 
ment sa  succession,  et  ne  put  l'em- 
pêcher d'aller  s'emparer  du  Kliou- 
zistan. Mohammed  mourut  au  mois 
de  dzoulhadjâh  554  (  lï~>9  )»  dans 
la  33e.  année  de  son  âge,  et  la  8  ".  de 
son  règne.  Avant  d'expirer,  il  voulut 
voir  encore  ses  armées ,  sa  cour  et 
ses  trésors  :  «  Hélas  ,  dit-il ,  tant  de 
»  puissance  ne  peut  ni  soulager  mes 
»  maux  ni  prolonger  mes  jours  !  Que 
»  l'homme  est  malheureux  de  s'at- 
'  »  tacher  aux  choses  périssables,  et 
»  de  négliger  celui  qui  est  la  source 
»  de  tous  biens!  »  Mohammed  joi- 
gnait à  beaucoup  d'esprit ,  de  bra- 
voure ,  de  prudence  et  de  fermeté  , 
un  caractère  plein  de  douceur  et  de 
boulé:  il  accueillait  les  savants  et  les 
gens  de  mérite ,  et  semblait  destiné  à 
relever  la  gloire  de  sa  maison,  dont 
il   prévit  la  décadence.  Aussi  ,  loin 
d'assurer  le  troue  à  son  (ils,  il  lui 
chercha   un  asile ,  pour 
d'un 

circonstances  difficiles.  11  eut  poui 
esseur  son  oncle  Soleïman-Chah 
(  /r.  cenoi  a — t. 

MOHAMMED,  roi  de  Perse.  T. 
KnoD  et  Oldjaïtou. 

■il  kMMED  AbôudCacem  au 

MàHADY.    y.    M  UU)Y. 

lHAMMED(AonA),KnA» 
cond  prince  de  la  dynastii 
jais,  aujourd'hui  régnant 

le  deuxième  filé  de  Ylohai 
Haçau  khan,  qui  ai 
disputé  le 


l'éloigner 
peux  dans 


•>'>8 


MOH 


Après  la  dernière  défaite  et  la  mort 
de  son  père  en  1 758 ,  il  fut  pris  avec 
quatre  de  .ses  frères ,    et    emmené 
à  Ghyraz,  où  Keiym-Khan  le  ren- 
dit  eunuque  ;    il    y  demeura   com- 
me otage ,   jusqu'à  la   mort  de   ce 
prince,  en  mars  1779.  Ayant  trouve 
moyen   de    s'évader ,    pendant   les 
troubles  qui  suivirent  cet  événement, 
il  retourna  dans  l'Esterabad  ,  que 
son  père  et  son  a'ieui  avaient  gouver- 
ne': l'enleva  à  son  frère  Mourteza- 
Couli-Khanj  et, favorisé  par  les  guer- 
res civiles  des  princes  zends,  succes- 
seurs de  Kerym,  il  s'empara  aussi  du 
Mazanderan,  et  obligea  le  gouver- 
neur du  Gliylan  de  se  reconnaître  son 
vassal.  Aly-Mourad-Klian,  vainqueur 
de  tous  ses  rivaux,  maître  de  Ghy- 
raz, et  reconnu  souverain  par  la  plus 
grande  partie  de  la  Perse ,  voulut 
de  même  soumettre  les  provinces  au 
sud  de  la  mer  Caspienne.  Il  envoya- 
son  fils  Cheikli-Weis-Khan,  qui  ob- 
tint d'abord  des  succès  sur  Agha  Mo- 
hammed, et  lui  enleva  Esterabad, 
Semnan  et  Damegan  :  mais  ,  tandis 
qu'il  assiégeait  Bostam,  où  l'eunuque 
avait  déposé  ses  trésors ,  rebutée  par 
la  fatigue  et  la  disette,  son  armée  l'a- 
bandonna ,  et  il  fut  contraint ,  pour 
échapper  aux  séditieux, de  se  retirer  à 
Thehran.  La  mortd'Àly-Mourad,  en 
janvier  1 780,  ayant  replongé  la  Perse 
dans  l'anarchie  (K  Aly-Mourad)  , 
Agha  Mohammed  fit   des  progrès 
plus  rapides  ,  et  se  rendit  enfin  maî- 
tre d'Ispahan ,  la  même  année.  Cette 
ville  lui  fut  long-temps  disputée  par 
Djafar-Khan ,  frère  d'Aly-Mourad , 
lequel  s'était  maintenu  à  Ghyraz  et 
dans  tout  le  midi  de  la  Perse  {V. 
Djafar,  XI ,  4^9)-  La  mort  délivra 
Mohammed  de  ce  compétiteur  ,  en 
janvier  1 789;  mais  il  trouva  dans  son 
fils,  Louthf-Aly-Khan,  un  rival  plus 
brave,  plus  redoutable,  contre  lequel 


MOH 

il  recourut  plusieurs  fois  à  la  perfidie 
et  à  la  corruption,  n'ayant  pu  le  vain- 
cre par  la  force  des  armes  (  V. 
Louthf-Aly-rhan,  XXV,  271  ). 
Enfin  il  triompha;et  son  or  lui  ayant 
successivement  ouvert  les  portes  de 
Ghyraz  et  de  Kerman,  il  se  vit  maî- 
tre de  toute  la  Perse  méridionale,  et 
affermit  le  trône  dans  sa  famille,  en 
exterminant  tous  les  princes  zends 
qui  tombèrent  en  son  pouvoir.  Eu 
1794,  il  marcha  vers  l'Adzerba'id- 
jan,  dont  les  divers  khans  s'étaient 
maintenus  dans  l'indépendance ,  de- 
puis la  mort  de  Kerym  -  Khan  ,  au 
moyen  de  leurs  intelligences  avec 
Héraclius ,  prince  de  Géorgie.  Mo- 
hammed, les  ayant  forcés  de  le  re- 
connaître pour  souverain  ,  fit  de 
grands  préparatifs  de  guerre  ,  pour 
punir  Héraclius  de  s'être  affranchi, 
depuis  quarante  -  cinq  ans  ,  de  la 
soumission  et  du  tribut  envers  la 
Perse,  et  de  s'être  rendu,  en  1783  , 
vassal  de  la  Russie  :  il  entra  dans 
l'Arménie  en  1795,-  battit,  sous  les 
murs  d'Erivan,  les  troupes  géorgien- 
nes, commandées  par  un  fils  d'He- 
raclius  ;  se  contenta  de  bloquer  cette 
ville  et  celle  de  Gh  outché,  dont  les  gou- 
verneurs refusèrent  de  se  soumettre , 
et  marcha  sur  Téflis,  qu'Héraclius  , 
privé  du  secours  des  Russes  ,  avait 
quittée  précipitamment.  Agha  Mo- 
hammed la  prit  sans  résistance,  au 
mois  d'octobre  ,  en  fit  massacrer  ou 
charger  de  fers  tous  les  habitants,  la 
livra  au  pillage,  mit  le  feu  aux  mai- 
sons et  démolit  le  château.  Après 
avoir  répandu  la  terreur  dans  les 
environs,  reçu  les  soumissions  des 
khans  du  Chyrwan  et  du  Daghes- 
tan, et  permis  au  fils  d'Héraclius  de 
retourner  en  Géorgie,  en  l'obligeant 
de  se  reconnaître  de  nouveau  ,  tant 
pour  lui  qu'au  nom  de  son  père,  vas- 
sal de  la  Perse,  il  reprit  la  route  de 


MOH 

Thehran.Chah-Rokh,  petit-fils  de  Na- 
dir-Chah ,  régnait  depuis  près  d'un 
demi-siècle  dans  le  Khoraçan  ,  où  il 
s'était  maintenu  par  la  protection 
des  rois  de  Caudahar  et  par  la  bra- 
voure de  son  fils,  Nasr- Allah,  qui 
avait  deux  fois  sauve  Meschehd,  sa 
capitale,  de  la  fureur  des  avides  Ouz- 
b'eks  ;  mais  il  ne  put  résistera  la  puis- 
sance de  l'ambitieux  eunuque.  Agha- 
Mohammcd  ayant  marche  contre  ce 
vieillard  aveugle  et  infirme,  au  prin- 
temps de  1796,  Chah-Rokh  persua- 
da a  ses  fils  de  se  retirer  à  Cauda- 
har ,  et  alla  au-devant  de  l'usurpa- 
teur, dans  l'espoir  de  le  toucher  par 
cet  acte  de  soumission ,  par  l'aspect 
de  ses  malheurs ,  et  surtout  par  ses 
riches  présents.  Mohammed  lui  té- 
moigna d'abord  beaucoup  d'égards; 
mais  lorsqu'il  fut  entré  dans  Mes- 
chehd, il  s'empara  du  palais,  s'ar- 
rogea tous  les  droits  de  la  souveraine- 
té, lit  arrêter  Chah-Rokh,  et  le  força, 
par  les  douleurs  de  la  torture,  à  décla- 
rer où  étaient  ses  trésors.  Il  quitta  le 
Khoraçan,  après  y  avoir  laissé  des 
garnisons,    et    emmena    l'infortuné 
Chah-Rokh,  qui  mourut  près  d'Este- 
rabad  .  soit  par  le  poison  ,  soit  des 
suites  des  mauvais  traitements  (fu'il 
avait  endurés.  Pendant  cette  expédi- 
tion d'Agha  Mohammed,  une  armée 
russe,  sous  les  ordres  du  comte  \  .de- 
rien  Zouboff,  avait  passé  le  Térek, 
prisDerbend,  Bakhou,  Chamakhy, 
etc.  .  posait  à  pénétn 

Gébi  que  la  nouvelle  de  la 

I  atherine  \\  ,  et  les  ordres 
tie  Paul  i  lièrent  ee  général 

et  son  an  .  Agha  Mo- 

hammed pas    moins 

l'Ai  1797  , 

pour  ch  1  places 

qu'ils   avaient   gard 
jet,  après  la  (in 
de  tounu  icIaPorte- 


MOH 


-"9 


Olhomane  ,  lorsqu'un  ofïieier  d< 
maison,  gagné  par  Sadek-Khau  Clia- 
kaky ,  l'un  de  ses  généraux  ,  l'assas- 
sina clans  sa  tente,  prés  de  Chou- 
tché,le  14  mai  1797.  Sadek  s'em- 
para aussitôt  des  trésors ,  décampa 
avec  une  partie  des  troupes  et  des 
munitions ,  et  se  rendit  a  ïauryz , 
dans  le  dessein  de  disputer  le  trône 
à  Baba-Khan  ,   neveu  et  successeur 
désigné  d'Agha  Mohammed  ;  mais 
Baba-Khan  triompha  de  Sadek  et  de 
quelques  autres  compétiteurs,  et  fut 
reconnu  roi ,  sous  le  nom  de  Fcth- 
Aly-Chah  (  V,  ce  nom  dans  la  Bio- 
graphie   des    Hommes   vivants  ). 
Agha  Mohammed  était  âgé  d'envi- 
ron soixante  ans ,  et  en  avait  régné 
dix-huit  à  Esterabad  et  dans  le  Ma- 
zanderan  ,  douze  seulement  à  Ispa- 
han  ,  et  moins  encore  sur  les  autres 
parties  de  la  Perse. Quoiqu'il  n'y  prît 
jamais  le  titre  de  chah  (roi)  ,  il  réu- 
nit plus  de  provinces  sous  sa  dorai- 
nation  qu'aucun  des  autres  succes- 
seurs dufameuxNadir.il  était  grand, 
maigre  ,  sec  ;  et  sa  physionomie  dé- 
sagréable et  repoussante.  Avare,  dur, 
perfide  et  cruel ,  il  n'avait  pas  su  ga- 
gnci'  les  cœurs  de  ses  sujets-  mais  on 
le  craignait.  Spoliateur  et  tyran  de 
sa  propre  famille,  il  avait  fait  périr 
ou  aveugler  presque  tous  ses  frères  , 
et  rendre  eunuques  la  plupart  de 
leurs  (ils  ,  afin  ,  disait  -  il  avec  une 
atroce   ironie,   de  se  voir  revivre 
dans  ces  enfants.  Agha  Mohammed 
khan  ne  manquait,  au  reste,  ni  de 
ige,  ni  de  talents  politiques. 
C'est  auprès  de  lui  que  les  natu- 
ralistes Èruguières  et  Olivier  rem- 
plirent, en   1*796,  une  mission  di- 
plomatique, de  la  part,  du  gouver- 
nement français.     11   avait  d'abord 
résidé  à  Sari,  d;iv.A  le   INa/anderan  , 
OÙ  il  avait  fait  élever  un  , 
fortifications  ;  mais  dep 


MOIÏ 

sa  demeure  à  Thehran ,  qui  ,  sous 
lui  n  sou  successeur,  est  devenue ,  eu 
qudquc  sorte  ,  la  ci  pila  le  de  la 
Perse  :  quoiqu'il  eût  fait  revêtir  de 
lames  de  cuivre  dore  les  dômes  des 
mosquées  d'Imam  -  floucein  et  d'I- 
mam-Gasem  ,  et  fondé  d'autres  mos- 
quées dans  le  voisinage  de  Bagh- 
dad ,  il  ne  laissait,  pas  de  menacer 
souvent  le  pacha  de  cette  ville  d'y 
aller  en  pèlerinage  ,  à  la  tête  de  son 
armée.  A — t. 

MOHAMMED  (Ala-eddyn),  6e. 
sulthàn  de  Kharizm,  était  le  deuxiè- 
me fils  de  Takasch.  Devenu  ,  par  la 
mort  de  son  frère,  l'an  de  l'hég.5g3 
(  i  i()G  de  J.-G.  ) ,  l'héritier  présomp- 
tif du  trône  ,  il  quitta  le  surnom  de 
Cothb  -  eddyn  ,  pour  celui  d' Ala- 
eddyn  ,  et  obtint  Je  gouvernement 
du  Khoraçan.  Il  faisait  la  guerre  aux 
Ismaéliens,  ou  Assassins ,  et  assié- 
geait le  château  de  Terschiz ,  lors- 
que la  nouvelle  de  la  mort  de  son 
père  l'obligea  de  retourner  précipi- 
tamment dans  le  Kharizm  ,  ii  y 
fut  reconnu  sulthan,  l'an  Sgfy  (  i  aoo;, 
et  reçut  le  serment  de  fidélité  des 

Is  de  l'empire  et  des  princes , 
.ses  vassaux.  Hindou  -  Khan  ,  son 
neveu  .  s'étant  relire  aussitôt  à  la 
cour  du  roi  de  Ghaur,  y  trouva  de 
puissants  secours.  Ce  monarque  ,  et 
ïe  roi  de  Ghaznah ,  son  frère,  entrè- 
rent dans  le  Khoraçan ,  dont  ils  fi- 
rent la  conquête  ,  et  le  donnèrent 
à  Hindou  -  Khan  ;  mais  après  le 
départ  des  princes  Ghaurides  ,  Mo- 
hammed reprit  tout  ce  qu'ils  lui 
avaient  enlevé,  et  mit  en  fuite  son 
neveu.  Vaincu,  l'an  600  (  X2o3  )  , 
par  Chehab  -  eddyn  Mohammed  , 
roi  de  Ghaur  et  de  Ghaznah  ,  il 
eut  recours  aux  Khilans  qui  vengè- 
rent sa  défaite.  Taudis  que  les  états, 
des  Ghaurides  étaient  en  proie  aux 

►us  et  aux  guerres  civiles  ,  par 


MOH 

la  mort  de  leur  monarque  ;  les  rois 
de  Bokhara  et  de  Samarkande  im- 
plorèrent la  protection  du  sulthan 
de  Kharizm  ,  contre  ces  mêmes 
Khitans,  non  moins  insupportables 
à  leurs  aidés  que  terribles  à  leurs 
ennemis.  Mohammed  traversa  le 
Djihoun  ,  l'an  604  (  1207),  enleva 
tout  le  Mawar-el-Nahr  aux  Khitans  , 
gagna  sur  eux  une  grande  bataille 
l'année  suivante  ,  envoya  leur  gé- 
néral prisonnier  dans  le  Kharizm, 
pour  y  porter  lui-même  la  nouvelle 
de  sa  déroute  ,  et  le  fit  périr  dans  la 
suite.  Cette  victoire  fut  si  complète  , 
que  le  sulthan  prit  le  surnom  de 
Sanàjar,  le  plus  vaillant  des  princes 
seldjoukides  ;  mais  les  peuples  lui 
donnèrent  celui  de  second  Alexan- 
dre. Mohammed  pénétra  dans  l'O- 
rient jusqu'à  Otrar  ou  Fariab  ,  y 
laissa  un  gouverneur  ,  et  revint  dans 
le  Kharizm.  Une  guerre  contre  le 
khan  des  Khitans  et  celui  des  Naï- 
mans  ,  son  gendre ,  fournit  à  Mo- 
hammed l'occasion  de  rentrer  dans 
leTurkestan,  comme  alliédu second. 
Mais  il  fut  vaincu ,  et  fait  prisonnier 
par  la  trahison  d'un  de  ses  géné- 
raux; il  ne  recouvra  sa  liberté  qu'en 
passant  pour  l'esclave  d'un  çle  ses 
officiers,  qui  consentit»  jouer,  dans 
cotte  circonstance ,  le  rcle  de  sul- 
than. Aly-Chah,  gouverneur  du  Kho- 
raçan, s'était  emparé  du  trône,  pen- 
dant la  courte  captivité  de  son  frère. 
Le  retour  de  ce  prince  l'obligea  de  se 
réfugier  auprès  du  roi  de  Ghaur, 
qu'il  entraîna  dans  son  malheur. 
Mohammed  les  fit  périr  l'un  et  l'au- 
tre. Après  avoir  conquis  tout  le  pays 
de  Ghaur  ,  l'an  6o5  (  V.  Gaïath 
eddyn  Maumoud  ,  XXVI,  1 
il  prit  encore  part  aux  querelles  en- 
tre les  Naïmans  et  les  Khitans  ,  et 
contribua  beaucoup  à  la  ruine  de  ces 
derniers,  dont  l'empire  fu.t  ip 


MOH 

par  îa  prise  de  Kascligar.  Délivre'  de 
ces  dangereux  voisins  ,  et  tranquille 
dans  ses  états  ,  Mohammed  ,  tel  que 
le  héros  macédonien  dont  on  lui  a\  ait 
donné  le  surnom  ,  s'abandonna  au 
vin  et  aux  femmes  ,  fit  périr  un 
célèbre  docteur  musulman,  qui  lui 
reprochait  ses  débauches;  et,  comme 
le  meurtrier  de  Clitus  ,  il  se  repentit 
de  ce  crime,  lorsque  les  fumées  du 
vin  furent  dissipées.  L'an  6 1 1  (  i  i  16), 
il  s'empara  de  Gliazna  sur  Tadj-ed- 
dyu-Ildouz  ,  l'un  des  Mamlouks  qui 
s'étaient  partagé  les  démembrements 
de  l'empire  Ghauride.  Ayant  trouvé 
dans  les  archives  de  cette  ville  ,  une 
lettre  par  laquelle  le  khalyfe  Na<-ser- 
Ledin- Allah  avait  engagé  Chehab- 
eddyn  Mohammed  à  faire  la  guerre 
au  sulthan  de  Khaiïzm ,  celui-ci  la 
déclara  lui  -  même  au  chef  de  l'is- 
lamisme ,  et  résolut  de  le  déposer. 
En  effet ,  il  convoqua  une  assemblée 
d'imams  et  de  docteurs  ,  qui  dé- 
clara que  les  abbassides  étaient  des 
usurpateurs,  et  que  le  khalyfat  ap- 
partenaitde  droit  auxdescendantsde 
Iloucéin ,  fds  d'Ali.  En  conséquence  , 
Ala-eddyn  al-Melik  al-Termedy  fut 
élu  khalyfe,  l'an  61 4  (  1 2 1 y  ),  et  re- 
connu comme  tel  dans  tous  les  états  du 
sulthan.  Mohammed,  voulant  l'ins- 
taller à  Baghdad,  marche  à  la  tête 
d'une  année  ,  s'empare  de  Kazwyn  , 
d'Hamadau  ,  d'Ispahan  ,  oblige  les 
princes  de  l'Adzerbaïdjan  et  du  Far- 

ir  ses  vassaux  e 
tributaires  ,  et  menace  la  capitale  de 
l'empire    musulman  :    des    neiges 

'antes,  et  le  bruit  de  l'invasion 
de  Djenghyz-Khan  ,  sauvent  le  kha- 

et  rappellent  Mohammed  dans 
leKharizm.  Le  conquérant  moghol, 
vainqueur  de  toutes  les  hordes  tar- 
avâit envoyé  un  ambassadeur 
au  sulthan  de  khan/m  f  pour  lui 
faire  part  de  ses  triomphes  ,  et  lui 


MOU 


u3i 


proposer  une  alliance,  comme  celle 
d'un  père  avec  son  fils.  L'o» 
leux  Mohammed,  accoutumé 
flatterie,  s'indigna  de  ce  ton  d 
périorilé  :  mais  il  dissimula  ;  et  la 
paix  entre  deux  monarques  qui  se 
redoutaient  mutuellement,  su! 
quelques  années ,  malgré  les  sollici- 
tations du  khalyfe  Nasser  auprès  de 
Djenghyz-Khan,  pour  l'engager  à  la 
rompre.  Plus  taid  une  caravane  de 
marchands  tartares  étant  arrivée  a 
Otrar,  avec  trois  ambassadeurs  que 
Djenghyz-Khan  envoyait  à  Moham- 
med ,  pour  lui  proposer  un  traité 
de  commerce,  le  gouverneur  leur 
donna  audience.  Fier  de  sa  parenté 
avec  la  mère  du  sulthan ,  et  offensé 
que  l'un  d'eux ,  en  raison  de  leur 
ancienne  liaison ,  l'eût  familière- 
ment appelé  par  son  nom,  sans 
lui  donner  ses  titres  5  il  fit  arrêter 
tous  les  marchands  ,  ainsi  que  les 
ambassadeurs,  et  manda  au  sulthan 
qu'une  troupe  d'étrangers  ,  auxquels 
il  supposait  de  mauvais  desseins,  ve- 
nait d'arriver  sur  cette  frontière;  et 
qu'il  s'était  assuré  d'eux,  en  atten- 
dant ses  intentions.  Mohammed,  sans 
s'éclaircir  de  la  vérité,  envoya  l'or- 
dre de  les  faire  périr;  et  le  gouver- 
neur s'empressa  d'obéir ,  aiin  de 
confisquer  les  richesses  et  les  mar- 
chandises des  malheureux  Moghols. 
Un  seul,  échappé  au  triste  sert  de 
ses  compagnons,  retourna  en  Tar- 
tarie,  et  instruisit  Djenghyz-Khan  de 
cette  horrible  violation  du  droit  des 
gens.  Telle  fut  la  cause  de  l'incendie, 
qui  devait  bientôt  embraser  l'Asie 
occidentale,  et  s'étendre  jusque  dans 
le  nord  de  l'Europe  {F. Djenghyz- 
Khan.  XI,  438).  Le  conquérant  mo- 
ghol usa  d'abord  de  modérât  ion;  mais 
le  sulthan  ayant  refusé  audit  1 
l'ambassadeur  chargé  de  lui  deman- 
der satisl*action;  Djenghyz-Khan.  I14. 


•232 


mou 


déi  lara  solennellement  la  guerre,  et 
marcha  vers  le  Turkestan,  à  la  tête 
de  ses  nombreux  el  terribles  Tarta- 
res. Mohammed,  qui  s'était  avancé 

jusqu'à   Khodjend,   avant  connu  à 
quels  ennemis  il  avait  affaire,  dès  la 
qu'il  dit  à  soutenir 
contre  Touchy  Khan,  fils  du  monar- 
que moghol,  ne  crut  plus  devoir  ha- 
sarder de  batailles,  li  laissa  de  furies 
garnisons  dans  toutes  les  places  du 
Turkestan  et  du  Mavvar  el-nahr;  et, 
sans  s'inquiéter  du  découragement 
où  son  départ  allait  jeter  les  habitants 
de  ces  vastes  provinces,  il  repassa  le 
Djihoun  ,  incertain  sur  le  parti  qu'il 
avait  à  prendre,  cl  déjà  trouble  par 
de  funestes  pressentiments.  Il  son- 
geait à  se  retirer  dans  l'Indouslan , 
et  à  mettre  sa  famille  et  ses  trésors 
en  sûreté  dans  les  montagnes  du  Ma- 
ïanderan;  mais  craignant  de  laisser 
la  Perse  entière  exposée  à  la  fureur 
des  barbares ,  il  s'arrêta  à  Nischa- 
bour,  dans  le  Khoraçan,  et  s'y  li- 
vra pendant  quelques  jouis  aux  déli- 
ces de  la  table.  Ce  furent  les  derniers 
plaisirs  de  sa  vie ,  qui  désormais  ne 
fut  plus  qu'un  enchaînement  de  mal- 
heurs. Déjà  les  villes  d'Otrar,  de 
Khodjend,  de  Sarnarkande,  de  Bo- 
khara,  etc.,  étaient  tombées  au  pou- 
voir des  Tartares  ;  Khai  izm  ,  capi- 
tale des  états  de  Mohammed,  n'avait 
pu  tenir  contre  eux.  Poursuivi  par 
un  corps  de  leur  avant  -  garde  ,  ce 
prince  prit  la  route  de  l'Irak-Adjem, 
s'arrêta  quelques  moments  a  Bostam, 
pour  y  déposer  dans  une  forteresse 
dix  caisses  de  pierreries  ;  et  arriva 
prèsd'Hamadan,  où,  par  la  jonction 
des  troupes  que  lui  amena  Rokn-ed- 
dyn,  l'un  de  ses  fils ,  il  se  vit  encore 
à  la  tête  de  vingt    mille  hommes. 
Mais  ces  faibles  débris  de  sa  puis- 
sance furent  surpris  el  taillés  en  piè- 
ces par  les  Moghols  ;  et  lui-même  fut 


JVIOH 

réduit  à  se  sauver  dans  les  défilés 
du  Gliylan ,  d'où  il  gagna  Esterabad, 
suivi  d'un  petit  nombre  d'officiers. 
I  si  traître  ayant  découvertaux  vain- 
queurs le  lieu  de  sa  retraite,  il  fut 
près  de  tomber  entre  leurs  mains  , 
et  ne  leur  échappa  qu'en  se  jetant 
dan.,  mie  barque  ,  qu'il  trouva  sur 
les  bords  de  la  mer  Caspienne  ,  et 
qui ,  à  travers  une  grêle  de  flèches 
lancées  du  rivage,  le  transporta  dans 
l'île  d'Abiscoun,  à  quatre  ou  cinq 
lieues  d' Esterabad.  La  ,  dénué  de 
tout,  accablé  de  chagrins  et  d'in- 
firmités, livré  aux  plus  tristes  ré- 
flexions, ne  subsistant  que  de  quel- 
ques provisions  que  les  habitants  de 
la  cote  lui  apportaient,  il  charmait 
ses  ennuis  en  faisant  paître  un  che- 
val autour  de  sa  tente.  Ce  fut  dans 
cette  situation,  qu'il  apprit  que  sa 
mère,  ses  femmes,  ses  plus  jeunes 
enfants  et  ses  trésors  ,  étaient  deve- 
nus la  proie  des  Tartares.  11  ne  put 
résister  à  tant  d'infortunes  ,  et  n'eut 
que  le  temps  de  révoquei  le  testament 
qu'à  la  sollicitation  de  sa  mère,  Ter- 
kan-Khatouu  (  V.  ce  nom),  il  avait 
fait  en  faveur  de  Cothb-eddyn  ,  l'un 
de  ses  fils;  et  de  déclarer  pour  son 
successeur  Djelal  -  eddyn ,  qui  était 
l'aîné  ,  et  qu'il  eut  la  consolation 
d'embrasser  avant  de  mourir.  Telle 
fut,  en  617  (1220),  la  triste  fin  d'un 
monarque  qui  naguère ,  au  lever  et 
au  coucher  du  soleil,  voyait  vingt- 
sept  rois,  ou  fils  de  roi,  battre  la 
caisse  aux  portes  de  son  palais,  sur 
des  tambours  d'or,  avec  des  baguet- 
tes ornées  de  perles.  Son  orgueil  fut 
cruellement  puni;  car  il  ne  laissa  pas 
de  quoi  l'ensevelir,  et  on  fut  obligé 
de  l'envelopper  dans  la  seule  chemise 
qui  lui  restait:  exemple  mémorable 
de  la  fragilité  des  vanités  humaines! 
Mohammed  avait  régné  vingt-un  ans 
et  quelques  mois.  Ce  prince  était  sa- 


MOÎÏ 

vant,  grand  guerrier,  actif,  infati- 
gable; et  sa  coi  tns  les  re- 
égala son  courage  dans  les 
combats.  Mais  son  ambition  déme- 
surée, sa  soif  des  richesses,  sa  haine 
contre  ses  frères  ,  la  mort  de  l'un 
d'eux  ,  et  le  massacre  des  marchands 
moghols  à  Otrar ,  sont  des  taches 
éternelles  à  sa  mémoire.  Au  com- 
mencement de  ses  disgrâces,  il  avait 
partagé  ses  vastes  états  entre  ses 
quatre  fils  aines;  il  avait:  donne  à 
Djelal-eddyn  M  mklterny  les  royau- 
mes de  Ghàznah  ,  de  Ghaur,  et  tous 
les  pays  depuis  Bost  jusqu'à  l'ïndus; 
àCothb-eddyn  Azlagh-Chah,  leKha- 
rîzm ,  le  Khoraçan  et  le  Mazanderan  : 
Gaialh-eddyn  Tiz-Chali  eut  le  Ker- 
man  avec  le  Mc'kran;  et  l'Irak  ïui  le 
partage  de  llokn-eddyn  Gour  Chah 

(    V.   DjELAL-EDDVN    MANKBERNY, 

XI,  433).  A-t. 

MOHAMMED-ALY-HAZIJN ,  né 
à  Ispahan,  en  1691,  et  mort  dans 
e  à  Bénarès  en  1779,  est  au- 
teur de  plusieurs  ouvrages  persans  , 
en  prose  et  en  vers.  On  parle  surtout 
avec  éloge  de  ses  Mémoires,  qui  cou  • 
tiennent  le  récit  de  ses  voyages  en 
Perse,  en  Arabie  et  dans  l'Inde,  et 
qu'il  composa  peu  de  temps  avant 
sa  mort.  Outre  la  relation  de  ses 
voyages,  on  y  trouve,  dit-on,  des 
jugements  sur  diverses  productions 
littéraires  modernes  ,  des  oL 
tions  intéressantes  sur  les  opinions  et 
les  usages  des  nations  qui  habitent 
les  contrées  qu'il  a  parcourue 
un  grand  nombre  d'anecdotes  cu- 
rieuses. Ce  fut  pour  se  soustraire 
aux  persécutions  de  Nadir-Schah  , 
qui-  !Vïohammed-Aly  se  retira  dans 
L'Inde.  Aussi  était-il  ennemi  de  ce 
conquérant,  qu'il  n'a  pas  ménagé 
dans  ses  mis.  :  quable 

ducaractèrede  Mohammed  Ah 
qu'il  poussait  très-loin  ! 


MO 

pour  les  divcr.-; 

peut  douter,   ce   semble,    qu'il    fût 

bien  sincère  musulman.  Cette  manière 

de  penser ,  jointe  à  de  grands  talents, 
lui  conciliait  l'amitié  de  tous  ceux, 
qui  le  connaissaient:  et  iJ  mourut 
également  regretté  des  Musulmans, 
des  Indous  et  des  Anglais,  avec  les- 
quels il  avait  eu  des  relations.  Sir 
William  Ouseley,  qui  a  inséré  dans 
le  tome  11  de  ses  Oriental  collections 
quelques  fragments  des  Mémoires  de 
Mohammed- Aly-Hazin,  a  manifesté 
plusieurs  fois  l'intention  d'en  publier 
une  traduction  :  le  manuscrit  du  texte 
persan  ,  que  possède  sir  William  , 
est  un  volume  in-8°.,  de  1 53  pages 
seulement.  Le  recueil  des  poésies  de 
Mohammed-Aîy  forme, dit-on  , 
gros  volumes  manuscrits.  S.  d.  S-y. 
MOHAMMED  re*  ABDALLAH. 

V.  ToMRl 

MOHAMMED  f.f.n  ALBAREZÏ  , 
dit  encore  Aldjohni ,  poète  arabe  et 
..in  renommé  pour  son  élo- 
quence ,  était  natif  de  Haraath  ,  ap- 
partenait à  la  secte  des  Oh  a  ici  tes  ,  et 
etailehefdcsbureauxdelasecrétairc- 
l'état  du  royaume  d'Egypte.  Il 
composa,  Tan  ^-ij  de  l'hégire  (  1 3> \ 
de  J.-C.  ),  un  beau  poème  en  l'hon- 
neur de  Mahomet,  intitulé:  Bedîyet 
(Chose  excellente  ou  admirable'*, 
fait  à  l'imitation  et  sur  le  mètre  du 
célèbre  poème  Borda,  et  qui 
commenté  par  Taki-eddyn  de  Ha- 
math  (1).  11  en  existe  deux  exem- 
plaires à  la  bibliothèque  royale  de 
Paris,  cotés  i38i  ,  1  382  ,  tous  deux 
ce  commentaire  qu'on  trouve 
aussi  a  l'Escurial  et  à  la  bibliothèque 
Bodleïenne.  — Mohammed  be«  Ca- 
CEM  ,  né  eu  80.4  de  l'hég.  (  i/j(3o  )  , 


(1  )  C'est  j>:\r   crrnir   que   .1.    I!.    '! 

■'■  .,'//'  un!,  uni,' 

tnenUîre  ,  qui  porte  I-   titre   il<-  Takdin, 
lui-ujême. 


a34  moh 

à  Lmasia,  dans  la  Natolic,  d'où  il 
a  été  surnommé  Amasi  ,  est  auteur 

d'un  livre  intitulé,  Raud  alakhiar 
(  Jardin  des  gens  de  bien  ).  C'est 
l'abrégé  d'un  ouvrage  de  Zamachs- 
cari ,  assez  estime  qui  est  intitulé  : 
Rebialabrar  (Printemps  des  justes)  : 
cet  abrège  d'une  espèce  de  biogra- 
phie musulmane  est  intéressant  par 
plusieurs  observations  que  l'auteur 
y  a  jointes  sur  la  vie  et  les  écrits 
des  principaux  docteurs  arabes,  et 
dont  d'Herbelot  a  fait  un  très-grand 
usage  dans  sa  Bibliothèque  Orien- 
tale. On  le  trouve  aussi  à  la  biblio- 
thèque du  Roi ,  à  Paris ,  et  dans  la  bi- 
bliothèque  du  roi  de  Saxe.    R — d. 

MOHAMMED  bew  HASSAN 
ALTOUSSY  (  Abou-Djafar  ).  F. 
Nassir-eddyn. 

MOHAMMED  ben  IBRAHYM- 
AL-FAZARY.  F.  Fazary  ,  XIV  , 
233. 

MOHAMMED  Ben  Mousa  Kho- 

1VABEZMITE.    F.  MoUS.4. 

MOHAMMED  ben  THAHER, 
cinquième  et  dernier  prince  de  la 
dynastie  des  Thahérides,  fut  confir- 
mé par  îe  khalyfe  Mostaïn-Billab , 
l'an  248  de  l'hég.  (  86a  de  J.-G.  ) , 
dans  la  souveraineté  de  tous  les  états 
que  Thaher  Ie*-.  son  bisaïeul  avait 
reçus  du  klialyfe  Al-Mamoun,  c'est- 
à-dire,  du  Khoraçan,  qui  compre- 
nait alors  toute  la  Perse  orientale, 
depuis  Réi  jusqu'aux  frontières  de 
llndoustan  et  du  Turkestan.  (  V. 
Thaher  L '.  )  Son  oncle,  Moham- 
med, fds  d'Abdallah,  fut  en  même 
temps  déclaré  émyr  et  des 

deux  villes  sacrées  d'Arabie;  de  sor- 
te que,  des  rives  du  Sihoun  et  de  l'In- 
clus jusqu'à  la  mer  bouge,  tout  était 
soumis  immédiatement  ou  indirec- 
tement à  la  puissance  des  Thahéri- 
La  splendeur  de  cette  illustre 
famille  éclipsait  même  celle  de  la 


MOH 

maison  d'Abbas  ,  lorsqu'elle  fut 
anéantie  par  une  suite  d'événements 
qu'un  prince  plus  habile  et  plus 
guerrier  que  Mohammed  aurait  su 
maîtriser.  Affable  ,  humain  ,  géné- 
reux, ami  de  la  justice  ,  cet  émyr  se 
distinguait  encore  par  son  esprit  et 
par  ses  connaissances.  Il  excellait 
dans  la  musique  :  mais  sa  passion 
pour  cet  art ,  son  penchant  pour  le 
jeu  ,  le  vin  et  les  femmes ,  éteignirent 
en  lui  tout  sentiment  d'énergie  ,  de 
courage,  d'activité,  de  prévoyance  , 
et  le  rendirent  incapable  de  s'appli- 
quer aux  soins  du  gouvernement. 
Son  exemj)le  corrompit  ses  courti- 
sans, amollit  ses  sujets  et  ses  trou- 
pes; les  hommes  vertueux  s'indignant 
de  la  conduite  d'un  tel  prince ,  prévi- 
rent une  révolution  prochaine.  En  ef- 
fet,la  même  année,  le  fameux  Yacoub 
ben  Léilh  ,  s'empara  du  Séistan  ,  où 
il  fonda  la  dynastie  des  Sofiarides 
(F.  Yacoub  ).  L'an  'i5o  (804)  »  Ha- 
çan  ,  fils  de  Zeïd ,  de  la-  race  d'Aiy, 
enleva  îeThabaristan  et  le  Deïlem  à 
Mohammed,  et  les  transmit  à  sa  pos- 
térité. Trois  ans  après ,  l'émyr  du 
Khoraçan  fut  revêtu  de  la  dignité 
à' al  scharta  (  lieutenant- général  du 
khalyfe,  à Baghdad),  charge  impor- 
tante qu'avaient  occupée  ses  oncles 
Mohammed  et  Soléiman  ,  et  qu'il  fit 
exercer  par  Obeid-Allah ,  qui  était 
aussi  son  oncle.  Mais  le  crédit  des 
Thahérides  n'en  diminua  pas  moins 
à  la  cour  du  khalyfe.  Dans  le  même 
temps,  Yacoub  entra  dans  le  Khora- 
çan ,  s'empara  de  Herat,  força  Mo- 
hammed de  lui  abandonner  Fous- 
chendj ,  et  de  se  retirer  à  Nischa- 
bour.  L'an  ibn  (871  ),  Haçan,  fils 
de  Zcïd  ,  pénétra  dans  le  Djordjan  , 
fit  un  carnage  épouvantable  d'une 
armée  que  Mohammed  avait  levée  à 
la  hâte  et  à  force  d'argent ,  et  annexa 
cette  province  à  ses  nouveaux  états. 


MOH 

Cependant  Yacoub  avait  obtenu  du 
khaiyfe,  par  ses  menaces  et  ses  hos- 
tilités, la  souveraineté  du  Seïstan  ,  de 
Balkh  ,  et  d'autres  démembrements 
de  la  puissance  thabéride.  Quelques 
seigneurs  n'ayant  pas  voulu  le  recon- 
naître, s'étaient  retires  à  Nischa- 
bour.  Mohammed  ,  somme  de  les 
livrer  ,  respecte  les  droits  de  l'hos- 
pitalité' :  son  refus  lui  attire  une  nou- 
velle guerre.  Mais  le  bruit  de  la  mar- 
che de  son  ennemi  ne  peut  l'arra- 
cher du  sein  des  plaisirs  et  de  la 
mollesse.  Des  sujets  fidèles,  de  vérita- 
bles amis,  veulent  l'instruire  du  dan- 
ger qui  le  menace  :  l'énirrdcrt,  leur 
dit  le  portier  du  palais  ;  et  leurs  ins- 
tances sont  vaines  pour  pénétrer  jus- 
qu'au prince.  Enfin,  Mohammed  sort 
de  sa  léthargie  ,  à  l'aspect  des  éten- 
dards victorieux  de  l'usurpateur.Il  re- 
fuse alors  toute  proposition  de  paix; 
il  jure  de  s'ensevelir  sous  les  ruines 
de  sa  capitale  :  généreuse  ,  mais  trop 
tardive  résolution  !  Il  ne  trouve  que 
des  lâches  ou  des  traîtres.  Ses  favo- 
ris mêmes  font  avec  Yacoub  leur  ca- 
pitulation particulière;  et  les  habi- 
tants vont  en  foule  au-devant  du 
vainqueur,  qui  entre  dans  Nischa- 
bour ,  le  4  chawal  *»:>)  (  3  août  87') ). 
Mohammed,  arrête  dans  sa  fuite, 
est  conduit  à  Yacoub,  qui,  dédai- 
gnant de  lui  ôter  la  vie  ,  le  relient 
prisonnier,  auprès  de  sa  personne, 
et  relègue  ioï  ou  même  160  prin- 
ces de  la  maison  de  Thaher 
divers  châteaux  du  Seïstan,  où  ils 

•ut  misérablement.  Mohammed 

avait  régné  1  1  ans  et  2  mois,  et  sa 

\  \'\i  duré  un  peu  plus  de 

54  ans.  La  déroute  de  Yacoub ,  près 

1    ><»'    876  ,  brisa 

qui  se  réfu- 

BaehcUd  ,  où  il  fut  mis  en  pos- 
çharta.  11 

1rs  quelqu<  rcs  pour  rc- 


MOH  s35 

couvrerle  Khoraçan.  Mais  son  frère, 
Houcein  ,  qui  était  rentre  dans 
chabour,  ne  put  s'y  maintenir  :  et 
lorsqu'en  266(879),  Amrou,  frère 
et  successeur  de  Yacoub,  eut  regagné 
les  bonnes  grâces  du  khaiyfe; 
hammed  fut  dépouille  du  gouverne- 
ment de  Baghdad,  et  ve'cut  dans  une 
telle  obscurité,  qu'aucun  historien 
n'a  pris  la  peine  d'indiquer  l'époque 
de  sa  mort.  On  rapporte  de  ce  prince 
un  trait  de  générosité  qui  a  pu  four- 
nir à  Marsollier  le  sujet  de  son  ope 
ra-comiquede  Gulnare  ou  Y  Esclave 
persane.  A  — t. 

MOHAMMED  bei»  YAHYA  ben 
ISMAIL  (  Aboul-wafa  ) ,  Al  Bouz- 
djany  ,  célèbre  mathématicien  et  as- 
tronome arabe,  né  l'an  328  de  l'hég. 
q3q de  J.-C. ,  à  Bouzdjan,  petite  villo 
du  Khoraçan,  passa,  en  Qjg,  dans 
l'Irak,  où  il  s'appliqua  à  l'astrono- 
mie, et  fit  ses  observations  pour  cor- 
riger celles  qui  avaient  été  faites  par 
l'ordre  du  khaiyfe  Al-Mamoun.  La 
table  qui  en  contient  les  résultats , 
fut  a  ppelée  alzjdje  al-chamil  (tables 

aies  ) ,  et  a  été  commentée  par 
le  seid  Aîy  Alcouschgi  et  par  son  Gis 
le  seid  Hassan.  Il  a  beaucoup  écrit 
sur  l'astronomie  et  les  mathémati- 
ques. Il  mourut  en  998.  On  trouve 
la  liste  exacte  de  ses  ouvrages  ,  dans 
Gasiri ,  Bibliotheca  arabico  -  hisp. 
tom,  i«'-.  p.  433.  R — d. 

MOHAMMED  ben  ZEIN-EIr 
ABEDIN-ALY ,  est  le  cinquième  des 
douze  imams,  issus  d'Aly  et  de  Fa- 
thimah  ,  et  regardés  par  les  Cl 
comme  les  soûls  héritiers  légitimes 
du  khalyfat.  Il  naquit  à  Médiue, 
l'an  57  de  l'hég.  (677  de  J.-C), 
trois  ans  avant  la  fin  tragiquexiu 
bre  Houcein  ,  son  aïeul; et  il  eul  , 
mère  une  fille  du  khaiyfe   IL 

raod-  oncle.  Sa  passion 
.  ta  profondeur  de  ses  cou- 


$rj 


mou 


naissances  le  firent  surnommer  Ba- 
ker {on  le  Scrutateur) j  on  lui  a  donne 
aussi  les  surnoms  de  Iîadj  (  Direc- 
teur), et  de  Schaker ,  parce  qu'il 
rendait  à  Dieu  de  fréquentes  actions 
de  grâces.  Il  mourut  en  Syrie ,  l'an 
1 14  ou  1  i(j  (  >j3'2  ou  734),  empoi- 
sonné, dit-on,  par  ordre  du  khalyfe 
Hescham.  Son  corps  fut  transféré  à 
Médine,  et  inhume  ,  suivant  ses  vo- 
lontés, dans  le  cimetière  public ,  où 
on  ne  l'ensevelit  qu'avec  la  chemise 
qu'il  portait  pendant  ses  pùèrcs.  Il 
eut  deux  filles  et  six  fils,  dont  l'aîné 
Djâfar-ai-Sadik  lui  succéda.  —  Mo- 
hammed II ,  9e.  imam  ,  surnommé 
al  Djawad  (  le  Généreux) ,  al  Taki 
(  craignant  Dieu  ) ,  et  al  Zaki  (  le 
Pur),  naquit  à  Médine,  l'an  icp  de 
i'hég.  (  810- 1 1  de  J.-G.  )  Il  était  fils 
d'Aly-Riza ,  que  le  khalyfe  Al  -  Ma- 
moun  avait  déclaré  son  successeur, 
ïlalla  dans  le  Khoraçan  avec  son 
père,  après  la  mort  duquel  il  suivit  à 
Baghdad  le  khalyfe  dont  il  épousa  la 
fille.  Il  mourut  dans  cette  ville,  très- 
regretté  de  ses  partisans  ,  l'an  220 
(835)  à  l'âge  de  ci5  ans  ;  et  quoiqu'on 
ait  prétendu  que  Motasem ,  frère  et 
successeur  d'AÎ-Mamoun,  le  fit  empoi- 
sonner, ce  fut  Wathek,  fils  du  premier 
île  ces  princes,qui  récita  sur  son  corps 
les  prières  funèbres.  Mohammed  fut 
enterré  auprès  de  l'imam  Mousa,  son 
aieul.il  eutpour  successeur  Aly  l'aîné 
de  ses  deux  fils.  —  Mohammed  ,  fils 
d'Abdallah ,  et  arrière-petit-fils  de 
Houcéin,  fut  le  premier  prince  aly- 
de  qui  prit  le  titre  de  khalyfe  à  Mé- 
dine, l'an  i3ï  de  l'hég.  (  749  ).  For- 
cé de  celer  à  la  puissance  d'Abou- 
Djâfar  al-Mansour,  et  de  se  dérober 
à  ses  poursuites,  il  s'enfuit  aux  Indes. 
Mais  les  cruautés  de  ce  prince  envers 
le  père  et  les  parents  deMohammed, 
furent  pour  celui-ci  un  motif  de  re- 
paraître sur  la  scène  (  V.  Mansour, 


MOH 

XXVI ,  5 1 4  )•  Maître  dcMcdinc,  de 
la  Mckkeetdu  Yémen,il  prit  le  litre  de 
Mahdv  (Directeur);  et  celui  deJYafi 
zaki  (  Ame  pure).  Vaincu  par  Isa, 
neveu  de  Mansour ,  il  périt ,  les  armes 
à  la  main,  sur  les  remparts  de  Mé- 
dine ,  l'an  i45  (  762  )  ;  et  son  frère 
Ibrahim  éprouva  un  semblable  sort 
la  même  année,  dans  une  bataille, 
deKoufah.  Ce  fui  sur  Moham- 
med que  l'on  trouva  le  fameux  sabre 
dzoul-fekar  (  à  deux  lames  ) ,  dont 
Aly  avait  hérité  du  prophète  ,  et 
qui  fut  depuis  conservé  religieuse- 
ment par  les  khalyfes  abbassides  , 
jusqu'à  ce  que  l'un  d'eux  le  rompit 
un  jour  à  la  chasse.  On  voit  encore 
la  représentation  de  ce  sabre  sur  les 
étendards  othomans.  A — t. 

MOHAMMED  -  BEYG  ABOU- 
DrlAHAB  ,  successeur  du  fameux 
Aly-Beyg  ,  dans  le  gouvernement  de 
l'Egypte,  avait  été  acheté  par  lui, 
en  17.58.  Admis  au  nombre  de  ses 
mamlouks,  il  devint  son  favori ,  son 
gendre,  et  fut  élevé  au  rang  de  l'un 
des  'il\  beygs  de  l'Egypte,  en  1766. 
Mohammed  répondit  d'abord  à  la 
confiance  de  son  maître.  Il  lui  soumit 
le  Saïd,  après  avoir  détruit  la  puissan- 
ce d'un  cheikh  arabe  qui  s'en  était 
emparé.  L'année  suivante,  il  condui- 
sit une  armée  en  Arabie ,  conquit  la 
Mekke ,  détrôna  le  scheryf ,  et  mit 
à  sa  place  l'émyr  Abdallah.  En  1 77 1 , 
il  commanda  l'armée  qu' Aly-Beyg 
envoyait  en  Syrie;  et,  renforcé  par  la 
jonction  des  troupes  du  cheikh  Dha 
lier  ,  émyr  d'Acre  ,  il  vainquit ,  le  6 
juin,  les  forces  réunies  des  quatre  pa- 
chas de  Syrie,  sous  les  murs  de  Da- 
mas, prit  cette  ville,  et  assiégea  le 
château,  qu'il  força  de  capituler  le 
troisième  jour.  Mais  au  moment  d'en 
prendre  possession  ,  Mohammed  , 
excité  par  la  jalousie  ou  l'ambition, 
et  séduit  par  les  intrigues  d'Osman  j 


pacha  de  Damas,  décampe  brusque- 
ment, évacue  toutes  les  places  qu'il 
a  conquises,  et  reprend,  a  la  têîe  de 
ses  mamlouks,la  route  du  Caire, 
avec  tant  de  précipitation ,  que  le 
bruil  de  leur  arrivée  ne  les  y  piè- 
ce, le  que  de  six  heures.  Bientôt  la 
mésintelligence  éclale  entre  Al  y  et 
Mohammed.  Ce  dernier,  se  croyant 
désormais  plus  puissant  que  son 
maître  ,  jette  le  masque  ,  échap- 
pe à  sa  surveillance  et  à  ses  em- 
bûches ,  court ,  dans  le  Sa'id  ,  se 
mettre  à  la  tête  des  ennemis  d'Aly, 
et  revient  bientôt ,  avec  une  armée, 
menacer  le  Caire.  Aly  lui  oppose 
une  autre  armée  :  mais  le  perfide  Is- 
maëi ,  qui  la  commandait ,  ayant 
passé  dans  le  camp  de  Mohammed  , 
celui-ci ,  vainqueur  presque  sans  tirer 
l'épée  ,  rentre  dans  le  Caire,  que  la 
fuite  d'Aly  met  en  son  pouvoir  ,  en 
avril  1  77-ï;  et,  l'année  suivante,  dans 
le  même  mois,  il  devient  paisible  pos- 
sesseur de  toute  l'Egypte ,  par  la  dé- 
faite et  la  mort  de  son  rival  (  V.  Aly 
Bey,  I,  572  ).  Mohammed ,  feignant 
de  n'être  que  le  ministre  des  volon 
tés  du  sullhan,  se  soumit  à  la  Porte, 
et  lui  envoya  le  tribut  interrompu 
depuis  six  ans.  Il  obtint  le  titre  de 
pacha  du  Caire,  et  l'autorisation  de 
faire  la  guerre  au  cheikh  Dhaher, 
autant  pour  se  venger  du  fidèle  allié 
d'Aly-Bey,  que  pour  s'emparer  de 
ses  trésors.  Muni  d'une  artillerie 
extraordinaire,  et  pourvu  de  c 
niers  européens  ,  it  paraît  eu  Pales- 
tine, au  mois  de  février  177O,  ac- 
l.i  reddition  de  Gaza  ,  assiège  , 
prend  «■!  saccage  Yalïa  ,  et  fait  e'riger 
une  pyramide  avec  les  tètes  de  ses 
ibandonnee 
par  Dhahe  1  pillage;  et 

Mu !i  soir   enlevé 

les   richesses  de  Péglise  du  Mont' 
Garmel  ,    fait    trancher    la    tète    à 


*J7 


trois  moines,  sous  prétexte  qu'ils 
refusaient  de  lui  livrer  les  trésors 
de  Dhaher  et  d'Ibrahim,  son  mi- 
nistre. Il  réservait  le  même  sort  aux 
négociants  français  établis  dans  cette 
ville,  et  qu'il  croyait  dépositaires  de 
ces  trésors ,  lorsqu'il  fut  emporté  à 
la  fleur  de  son  âge ,  par  la  peste  ou 
par  une  lièvre  maligne  ,  au  mois  de 
juin  177O.  Ce  tyran  éphémère  de 
l'Egypte  avait  été  surnommé  Abou- 
Dhdhdb  (  le  père  de  l'or  ),  à  cause 
de  son  avidité ,  et  du  luxe  de  sa  tente 
et  de  ses  équipages.  Après  sa  mort, 
les  beygs  Ismaél ,  Haçan  ,  Ibrahim 
et  Mourad,  se  disputèrent  le  gouver- 
nementde  l'Egypte,  que  les  deux  der- 
niers finirent  par  posséder  en  com- 
mun. (  V.  Mourad  beyg.  )  A — t. 

MOHAMMED  (  Cheikh  )  ,  fon- 
dateur de  la  secte  musulmane  des 
Wahabis ,  ainsi  nommée  de  son  père 
Abd-el-Wahab ,  naquit  en  Arabie  , 
vers  le  commencement  du  xvme. 
siècle  de  l'ère  chrétienne,  dans  la 
tribu  de  Temim ,  au  village  de  He- 
reinlé,  dans  la  vaste  province  de 
Nedjed.  On  prétend  que  son  aïeul 
Soléiman  était  de  la  race  des  Seuls  ou 
descendants  de  Mahomet ,  et  qu'il 
avait  eu  en  songe  le  presagede  l'illus- 
tration de  son  petit-fils.  Cheikh  Mo- 
hammed invenU  peut-être  lui-même 
ou  répandit  ces  bruits  ,  afin  d'accré* 
diter  sa  mission.  11  étudia  la  théolo- 
gie et  la  jurisprudence  musulmanes  , 
avec  succès  ,  à  Sana.  Doué  d'un 
quence  persuasive,  aifectant  une  aus- 
tère piété  ,  et  joignant  l'audace  à  la 
prudence,  il  débita  des  fables,  con- 
trefit l'homme  inspiré  ,  et  s'< 
en  réformateur  de  l'islamisme.  11  osa 
même  adresser  des  reproches  a 
à  son  père,  qui  se  li\  rail  à  I 
ce  fut  pour  se  dérober  a 
qu'il  s'enfuit  à  Bassorah,  d'où  il  en- 
treprit  pliftieui 


238 


MOH 


Baghdad ,  Damas  ,  la  Mekke  cl  les 
autres  principales  villes  de  l'Irak,  de 
la  Syrie  et  de  l'Arabie.  Rebute  ou 
maltraite  partout  ,  il  se  rendit  à 
Dréîé ,  où  régnait  Moliammed  ibn 
Séoiul,qui  le  reçut  favorablement,  et 
lui  permit  de  répandre  sa  doctrine, 
dontles  principes  s'accordaient  assez 
avec  ses  propres  vues  d'agrandisse- 
ment. Il  en  obtint  même  un  détache- 
ment de  soldats  montés  sur  des  cha- 
meaux ,  pour  commencer  ses  cour- 
ses apostoliques. ïl  lit  la  guerre  avec 
succès  à  quelques  tribus  ,  et  conver-; 
lit  plusieurs  villages  ;  mais  ayant 
voulu  propager  ses  principes  reli- 
gieux dans  l'Irak  et  à  Medine,  il  y 
éprouva  toutes  sortes  de  dégoûts  et 
d 'humilia lions.  Après  une  absence 
de  plusietu  il  retourna  dans 

le  viiîage  où  il  était  né;  et  n'ayant 
pas  mieux  réussi,  il  vint  à  Aïnié,  bour- 
gade gouvernée  par  Ibn-Mômar,  dont 
il  épousa  la  sœur.  Peu  de  jours  après, 
comme  il  avait  fait  punir  de  mort  une 
femme  accusée  d'adultère  et  parente 
de  Soléiman ,  émyr  de  Lahsa,  les  me- 
naces de  ce  dernier  auraient  détermi- 
né Ibn-Mômar  a  lui  livrer  son  beau- 
frère,  si  Moliammed,  averti  par  sa 
femme  ,  ne  se  fût  relire  de  nouveau 
chez  Ibn-Séoud  :  mais  cette  fois  il 
n'y  trouva  d'abord  que  l'hospitalité, 
et  ne  dut  qu'au  nombre  et  à  l'audace 
de  ses  partisans  le  nouveau  zèle  de 
l'émyr  de  Dreié  pour  la  défense  et  la 
propagation  du  Wahabisme.  Tandis 
qu' Abdel- Aziz,  qui  venait  de  succéder 
à  son  père  Ibn-Séoud,  convertis- 
sait par  la  force  des  armes  les  diver- 
ses tribus  du  Nedjcd  ;le  Cheikh  ,  brû- 
lant de  se  venger  de  son  beau-frère 
Ibn-Mômar  ,  l'attira  dans  une  em- 
buscade, et  lui  fit  trancher  la  tète. 
A  la  suite  d'une  expédition  malheu- 
reuse contre  les  Arabes  du  Yémcn  , 
Abdel- Aziz  découragé  fut  exposé  en 


MOH 

même  temps  à  la  vengeance  de  ces 
derniers,  et  à  la  colère  du  prince  de 
Lahsa.  Cheikh  Mohammed  ranima 
son  courage,  le  délivra  des  Arabes 
du  Yémen ,  à  force  d'argent,  et  l'aida 
à  repousser  les  attaques  de  l'émyr  de 
Lahsa.  Après  avoir  triomphe  dans 
deux  autres  guerres  défensives  ,  le» 
Wahabis  prirent  enfin  l'essor;  et  éft 
moins  de  douze  ans ,  ils  furent  en 
e'tat  de  dicter  la  loi  à  ceux  qui  le* 
avaient  d'abord  méprisés.  Croire  ou 
mourir-  était  leur  devise  ,  et  le  choix 
qu'ils  laissaient  aux  vaincus.  La  doc- 
trine du  Cheikh  Mohammed  était 
l'islamisme  ramené  à  sa  pureté  pri- 
mitive.  11  admettait  le  Coran;  mais 
il  rejetait  toutes  les  traditions ,  taut 
écrites  qu'orales.  II  regardait  Jésus- 
Christ,  Mahomet  et  les  prophètes 
comme  des  sages,  aimés  du  Très- 
Haut  ;  mais  il  leur  refusait  toute  es- 
pèce de  culte  :  il  se  montrait  néan- 
moins plus  tolérant  pour  les  Chré- 
tiens elles  Juifs,  que  pour  les  Maho- 
m étans.  li  bornait  la  profession  de 
foi  musulmane  à  ces  mots  :  II  ny 
a  a  nuire  Dieu  que  Dieu ,  et  en  sup- 
primait ceux-ci  :  et  Mahomet  est 
l'apôtre  de  Dieu,  il  interdisait  tous 
les  pèlerinages,  à  l'exception  de  celui 
de  la  Caabah  ,  objet  de  l'antique 
vénération  des  Arabes.  Il  prohibait 
les  cérémonies  et  les  décorations  fu- 
nèbres comme  impies  ,  et  ordonnait 
de  détruire  les  Turbcs  ou  chapelles 
sépulcrales  élevées  sur  les  tombeaux 
des  cheikhs  et  des  imams  réputés 
saints  parmi  les  Musulmans.  Les  pro- 
grès de  la  secte  des  Wahabis  ,  qui 
avait  commencé  vers  le  milieu  du  siè- 
cle ,  et  l'accroissement  de  leur  puis- 
sance alarmèrent  enfin  la  Porte.  So- 
léiman ,  pacha  de  Baghdad,  eut  or- 
dre de  marcher  contre  eux  ;  mais 
l'issue  malheureuse  de  l'expédition 
d'Aly  ,son  kiaya,  en  1798,  servit 


MOH 

de  prétexte  à  ces  sectaires  pour  user 
de  représailles.  En   1801  ,  ils  vin- 
rent, an   nombre  de   quinze  mille 
hommes  ,  surprendre  ia  petite  ville 
d'Imam  -  Houceïn  ou  Kerbelah  ;  ils 
changèrent  en  cloaque  le  tombeau  du 
(ils  d'Aly,  exercèrent  des  cruautés 
inouïes  sur  les  habitants  et  sur  les 
pèlerins  ,  et  se  retirèrent  sans  nul 
obstacle ,  emmenant  'ioo  chameaux 
chargés  de  butin ,  et  surtout  des  tré- 
sors  de  la  mosquée  qu  avaient  en- 
richie depuis    plusieurs    siècles   la 
piété  et   la   libéralité    des    princes 
Chyiles  de  la  Perse ,  de  l'Inde  et  de 
l'Arabie.  Deux  ans  après ,  les  Waha- 
bis  s'emparèrent  pour  la  première 
fuis  de  la  Mekke  ,  qu'ils  ne  purent 
conserver  :  ils  échouèrent  à  Médine 
et  à  Djidda.  Abdel-Aziz,  leur  prince, 
fut  assassiné  le  10  novembre  i8o3. 
(  V.  Abdel- Azyz  ,  I  ,  54-  )  Cheikh 
Mohammed,  leur  prophète,  l'avait 
précédé  au  tombeau  peu  d'années 
auparavant.  Il  mourut  dans  \\\\  âge 
très-avancé,  laissant  plusieurs  Gis, 
dont  l'aîné,  Houcéin,  aveugle  et  in- 
firme ,  lui  a  succédé  dans  les  fonc- 
tions de  kadhy ,  ou  pontife  suprême. 
Niebuhr ,  qui  parle  de  la  secte  des 
Wahabis  ,  dans  sa  Description  de 
V  Arabie ,  2e.  partie ,  p.  2o5  a  '2 1 1  , 
édit.  de  Paris,  en  attribue  la  fonda- 
tion à  Abd-el-Wahab  père  du  Cheikh 
Mohammed  ;  mais  il  convient  que 
ce  dernier  en  était  déjà  le  chef  en 
j.  Une  Notice  sur  l.>  >  fi  alubis, 
pwliiie'e  dans  le  Moniteur  du  3.1  oc- 
tobre 1804,  reparut  avec  plus  d'é- 
tendue sous  ce  titre  :   Histoire  des 
Wahabis  ,  de/mis  Leur  origine  ,  jus- 
qu'à la  fin  d  par  L.  A*** 
(  M.  I  Baghdad  ) , 
Paris,  1810  , .  e  No- 
tice historique                       bis  fut 
imprimée 
tion  du  PachaUk  d               il ,  par 


MOH  239 

M***  (Rousseau,  consul  d'Alep), 
Paris  ,  1809  ,  in-8°.  ;  ce  dernier  l'a 
continuée  jusqu'en  1 81 3  ,  et  l'a  pu- 
bliée sous  ce  nouveau  titre  :  Mé- 
moires sur  les  trois  plus  fameuses 
sectes  du  musulmanisme  ,  les  Wa- 
habis, etc. ,  Paris  et  Marseille,  1 8 1 8 
in  8°.  Ces  deux  ouvrages  ont  donné 
lieu  à  quelques  diseussions  entre  les 
deux  consuls,  qui  paraissent  avoir 
travaillé  sur  les  mêmes  matériaux  • 
mais  la  priorité  doit  être  accordée  à 
M.  Rousseau.  A  —  r 

MOHAMMED-COTHB-EDDYN. 

V.    CoTHB-EDDYÎV. 

MOHAMMED  -  DJELAL  ED- 
DYN.  V.  Akdar. 

MOHAMMED-EL  AZDY-IBN- 
DOREYD  (  Abou-bekr  ).  V.  Ibn 
Dorhid. 

MOHAMMED- EL -NASER.  V. 
Mehemed  et  INaser-Mohammed. 

MOHAMMED  (  Gaiatii  -eddyi* 
Aboul-Feïhaii  ) ,  3e.  sultban  de  la  ' 
dynastie  des  Ghaurides,  dans  la  Perse 
orientale,  était  fils  de  Sam  ,  et  neveu 
d'Ala-eddyn-Haçan  ,  fondateur  de 
cette  dynastie  (  V.  Djiiian-Souz, 
au  Supplément  ).  Avant  succédé  , 
l'an  556  de  l'hég.  (1 161  de  J.-C.) ,  â 
son  cousin  Saif-eddyn-Mohammed , 
qui  avait  péri  par  la  main  d'un  des 
siens,  dans  une  bataille  ;  il  vengea  la 
mort  de  ce  prince  par  celle  de  l'as- 
sassin et  de  ses  complices  ,  et  réta- 
blit la  tranquillité  dans  ses  états  (0. 
Après  avoir  recouvré  Ghaznah,  qui 
lui  avait  été  !  ment  enlevée 

par  les  Turkomans  G  nazis  et  par 
Khosrou-Melik,  dernier  prince  gbaz- 
nevide  ,  Mohammed  conquit  le  Ker- 
Min  et  les  provinces  limitrophes  1 
l'iudousian  :  il  tourna  ensuite  ses  ar- 
mes contre  Takasch ,  sulthan  du  Kha- 


(1)  Aboul-Feda  !<■  foît  succéder  iuimMiattmeut  \ 
njiljMU-SuU'*  ,  ■>«"  oudt:  et  »ou  beau  ; 


a.èo 


MOU 


auquel  ii  disputa  le  Khora 
livré  à  l'anarchie  depuis  la  mort  du 

ux  sulthan  scldjoukide  Sandjar 
(  Voy.  ce  nom  ).  Eu  5^  i  ,  il  prit 
Badghiz  et  Hérat ,  choisit  celle  der- 
nière ville  pour  sa  résidence,  qui 
été  jusqu'alors  à  Firouz-Couh 
dans  le  Ghauristan  ,  er  il  céda  le 

urne  de  Ghazuah  à  son  frère 
Chehab-eddyn  Mohammed.  En  573 , 
il  força  la  ville  de  Fouschcudj ,  s'em- 
para ,  en  £77, de  celle  de  Chad-Bagh 
qui  avait  remplace  Nischabour,  et 
y  lit  prisonniers  un  fils  et  plusieurs 
princes  de  la  famille  de  Takasch. 
L'année  suivante ,  il  acheva  la  con- 
quête du  Khoraçan  par  la  prise  de 
Merou.  Long-temps  il  s'était  contenté 
du  titre  de  Melik  (  roi  )  :  mais  lors- 
que son  frère  ,  en  58a,  eut  soumis 
une  partit  de  l'Indoûstan ,  par  la  des- 
truction de  la  puissance  ghaznevide 
(  V,  Kiiosrou-Chah  ,  XXII,  4°5); 
il  voulut  être  proclamé  sulthan  ,  et 
joignit  à  ce  titre  ceux  de  Moïn-el-ïs- 
lam  (  soutien  de  l'islamisme  ) ,  et  de 
Cacim-émyr-al-Moumenin  (  intime 
ami  du  kalyfe  ):  Ce  prince  ayant  ap- 
pris, eu  586,  la  mort  de  Takasch  , 
son  ancien  ennemi ,  ordonna  qu'on 
cessât,  pendant  trois  jours  ,  de  mon- 
ter la  garde  et  de  relever  les  senti- 
nelles devant  son  palais  au  son  des 
instruments,  et  reçut  les  compliments 
de  condoléance  de  toute  sa  cour , 
comme  s'il  eût  perdu  un  prince  de  sa 
propre  iamille  ;  action  qui  honore 
également  les  deux  monarques.  On 
cite  un  autre  trait  delà  magnanimité 
de  Gaïath-eddyn  Mohammed  :  son 
oncle  Fakhr-eddyn  ,  gouverneur  de 
Ivuniân,  s'étant  révolté,  ainsi  que  le 
gouverneur  de  Balkh  ,  celui-ci  fut 

1  is  et  enveloppé  par  les  troupes 

ilthan  ,  qui  envoia  la  tête  du 
rebelle  à  son  oncle  ,  et  marcha  con- 
tre ce  dernier.  Fakhr-eddyn  serepent, 


MOH 

mais  trop  tard,  de  son  imprudence  ; 
il  n'ose  combattre ,  et  ne  peut  échap- 
pera la  juste  vengeance <ie  son  neveu. 
Le  sulthan  l'atteint ,  met  pied  à  terre , 
lui  baise  l'étrier  et  la  cuisse  ,  le  loge 
dans  sa  propre  lente,  lui  donne  la 
place  d'honneur;  et  après  s'êtreamusé 
[ue  temps  de  l'embarras  de  son 
oncle  et  de  son  inquiétude  sur  le  dé- 
nouement de  cette  comédie ,  il  !e  con- 
sole de  sa  disgrâce,  le  comblé  de 
présents,  et  lui  rend  la  liberté  avec 
le  gouvernement  de  Bamiân,  que 
Fakhr-eddyn  transmit  à  ses  descen- 
dants. Gaiath-eddyn  Mohammed  lit 
la  guerre  avec  succès  au  nouveau 
sulthan  dcKharizm  (  F.  Ala  -  eddyn 
Mohammed,  pag.  23o  ci-dessus  ),  et 
mourut  en  djoumady  Ier.  599  (  i'2o3 
de  J.-C.  ) ,  dans  la  43e.  année  d'un 
règne  plein  de  gloire  et  de  bonheur  : 
il  fut  enterré  dans  la  principale  mos- 
quée de  Hérat,  qu'il  avait  fondée  ,  et 
qui  passait  pour  une  des  plus  magnifi- 
ques de  l'Orient.  A  de  grands  talents 
militaires  et  politiques,  ce  prince  joi- 
gnait des  vertus  essentielles ,  la  bon- 
ne-foi, la  piété,  la  bienfaisance  ,  et 
des  mœurs  pures.  Une  se  distinguait 
pas  moins  par  son  esprit  et  par  son 
éloquence.  Il  copia  plusieurs  exem- 
plaires du  Coran,  et  les  distribua 
dans  les  divers  collèges  qu'il  avait 
créés.  Attaché  d'abord  à  la  doctrine 
des  Karamites,  il  l'abjura  pour  pro- 
fesser celle  des  Chaféites ,  à  la  per- 
suasion du  célèbre  docteur  Fakhr- 
eddyn  Razy ,  qu'il  protégea  ouver- 
tement contre  les  envieux  qui  avaient 
voulu  le  perdre  (  V.  Fakhr-eddyn, 
XIV,  12  ).  Ce  sulthan,  dont  la  do- 
mination embrassait  la  Perse  orien- 
tale, tout  le  nord  de  l'Indoûstan, 
jusqu'à  Dehly,  et  s'étendait  jusqu'aux 
frontières  du  Turkestan'et  du  Thi- 
bet ,  ne  laissa  qu'un  fils ,  sous  la  tu- 
telle de  son  frère  (  V.  Mohammed  II , 


MOU 

pac;.  2 1 6  ci-dessus  ,  et  Gaïa&-<  i  : 
Mahmoud,  \\\  1,  176    .     A— t. 
MOHAMMED  HAÇAN  KH 

fondateur  de  la  dynastie  des  Kad- 
jars  (1),  aujourd'hui  régnante  eu 
Perse,  était  fils  de  Feth-Aly-Khan  , 
gouverneur  du  Mazânderan  ,  sous  le 
rè^ne  de  Chali-Thahmasp   II,   en 

.  et  depuis,  Tune  des  premières 
victimes  immolées  à  l'ambition  de 
Thahmasp-Oauli-Khan.  (  r.NÂDià- 
Chab.  )  Mohammed  Haçan  ne  laissa 
pas  d'être  nommé  dans  la  suite  gou- 
verneur d'EsteraLad  ,   par  Nadir  , 
qu'il  servit  fidèlement.  11  corn;;: 
un  corps   de  troupes,    au  siège  de 
Moussoul,  en  1  ^43.  L'année  suivante, 
il  marcha  au  secours  de  Houcéin, 
5011  fils  aîné,  et  son  lieutenant,  que 
les  Turkoinans  avaient  chassé  d'Es- 
terabad;  il  vainquit  les  rebelles,  et 
fit  périr  avec  eux  un  grand  nombre 
d'habitants  de  la  province.  Après  la 
mort  de  Nadir  et  celle  d'Adel-Chah , 
son  neveu,  qui  avait  usurpé  le  tronc 
sur  Chah-Rokh ,  petit-fils  de  ce  prin- 
ce; et  pendant  la  guerre  qui  eut  lieu 
entre  Chah-I\okli,  et  Ibrahim,  frère 
d'Adel,  Mohammed  Haçan  fut  un 
des  premiers  ambitieux  qui  affecta 
l'indépendance,  en  1 7  jS.  Deux  ans 
après  ,  il  vainquit  le  gouverneur  du 
Mazânderan,  le  fit  brûler  vif,  et  s'em- 
para de  cette  pi  ttaquébictt- 
lôt  lui-même  p.r  Ahmed -Chah-Ab- 
dally  ,  roi  de  Gandahar  ,  qui  venait 

Mimetlre  le  khoraian  ,  il  le  bat- 
tit dans  les  défilés,  a  l'orient  d'Es- 
terabad  ,  et.  lui  6ta  tout  espoir  de 
conquérir  le  reste  de  la  Perse     /  . 


al  k  nom  tu.!. 

lomiadu 

■  "t  <i.s  irouLl  s 
Mazantic 
r.ui,  . 

fondu 

XXIX. 


M'.  24 ï 

Ahmed  -  Chah,  1  ,  335  ).  Cette  i  ic- 
toire  affermit  la  puissance  de  Mo- 
hammed Haçan,  etle  mit  en  étal  tYvn 
étendre  les  bornes.  Une  sorte  d'oli- 
ibliedansleGbylan: 
il  sema  la  division  parmi  les  chefs  , 
et  assujélit  cette  province ,  dont  il 
donna  le  gouvernement  à  l'un  d'eux. 
Il  refusa  de  reconnaître,  pour  sou- 
verain, Chah-Rokh  le  jeune,  a  qui 
le  roi  de  Candahar  ,  son  protecteur, 
avait  laissé  Meschehd   et  quelques 
cantons  du  Khoraçan.  II  méconnut 
aussi  les  prétendus  droits  d'ismaél, 
rejeton  des  Sophis  ,  qu'Aly-  Merdan 
et  Kcrym-Khan  avaient  placé  sur 
le  trône  à  Ispahan.  Alors  Pauarchie 
devint  générale  en  Perse.  Tous  les 
gouverneurs  se  rendirent   indépen- 
dants, et  plusieurs  aspirèrent  a   la 
souveraineté.  Mais  bientôt  les  trois 
principaux  compétiteurs  furent  Ke- 
rym-Khau  ,  qui ,  sous  le  nom  du  jeu- 
ne Ismaël-Chah,  régnait  sur  la  Perse 
méridionale;  Asad- Khan,  qui  était 
maître  de  Tauryz  et  de  toute  la  par- 
tie nord-ouest  jusqu'à  la  Géorgie  (F'. 
ÂSAD-KnAN,  au  Supplément  )  ;  et 
Mohammed-  flaçan-Khan.  Celui-ci, 
après  avoir  vaincu  ,  sur  les  frontières 
du  Mazânderan  ,  Kerym-Khan  ,  qui 
était  venu  l'attaquer,  prit  à  son  tour 
l'offensive,  et  s'avança  vers  Ispahan, 
taudis  que  Keryra  venait  de  repren- 
dre cette  capitale,  à  la  suite  d'une  lon- 
gue lutte  contre  Asad.  Mohammed 
vainquit ,  sans  beaucoup  de  peine  7 
les  troupes  de  son  rival ,  fatiguées  et 
découragées    à  la  vue    d'un   nouvel 
ennemi.  Il  s'empara  d'ïspahan  .  et  do 
fi  personne  d'ismaél  dont  il  feignit 
d  abord  de  n'être  que  le  génér, 
me.  Mais  ayant  poursuivi  Kerj  m  qui 
s'était  retiré  à  Chyraz.  il  fut  battu  et 
forcé  de  retourner  .  Plus 

heureux  contre  Asad.  en  mai   1767 
il  dissipa  ses  troupes,  en  ineoi  ; 

16 


a4a  MOH 

plus  grande  partie  dans  son  année, 
et  réduisit  cet  afghan  à  quitter  la 
Perse  et  à  se  re'fugier  à  Bagndad.  De- 
venu alors  le  plus  puissant  des  pré- 
tendants au  tronc ,  il  ma  relie  vers 
Chyraz  avec  toutes  ses  forces  ,  dans 
le  dessein  d'écraser  Kerym-Khan , 
et  refuse  un  combat  singulier  que 
celui-ci  lui  envoie  proposer.  Mais  au 
moment  où  il  se  croyait  sûr  de  triom- 
pher, les  Persans  et  les  Afghans  qui 
servaient  dans  son  armée,  ayant  dé- 
serté spontanément,  il  se  voit  con- 
traint de  décamper  avec  les  Kadjars 
et  les  Turkomans  ,  et  s'enfuit  à  Ispa- 
han,  où  ne  se  trouvant  pas  en  sûreté, 
il   reprend   bientôt  la   route  d'Es- 
terabad.    Cependant   Kerym  ,    ren- 
tré dans Ispahan ,  charge  son  cou- 
sin Cheikh-Aly-Khan  de  poursuivre 
Mohammed.  Celui-ci  se  fortifie  dans 
ses  montagnes ,  et  en  ferme  tous  les 
passages  :  mais  un    traître   sert   de 
guide  aux  troupes  de  son  rival.  Mo- 
hammed se  bat  en  désespéré  :  vaincu 
et  .«sans  ressource,  il    fuit  à  travers 
un  marais  ,  où  son  cheval  s'enfonce. 
On  l'arrête ,  et  on  lui  coupe  la  tête 
(  1  7  58).  Mohammed  Haçan  avait  ré- 
gné  une  dixaine  d'années  dans  le 
nord  de  la  Perse  ;  il  laissa  huit  fils  , 
dont  les  principaux  furent  Agha  Mo- 
hammed  qui  subjugua   cet  empire 
(  V.  Mohammed  -  Agiia  ,  XXlX  , 
l'i'j),  Houccïn  Couli-Khan,  père  du 
roi    de  Perse  actuel,  et  Mourteza- 
Gouli-Klian  ,   qui  fut  long-temps  en 
guerre  avec  son  frère  Agha  Moham- 
med ,  et  qui  vivait  encore  à  Astra- 
kan ,  l'an  1798.  Les  autres  ont  tous 
été  aveuglés  ,  ou  mis  à  mort ,  par 
ordre   d'Agha   Mohammed   ou    de 
Feth-Aly-Chah  ,  son  successeur.  A-t. 
MOHAMMED  - 1 BN  -  B  ATOUT  A. 
Voy.  Mohammed  abou  Abd-Allah. 
MOHAMMED-IBN-HANEFIAH , 
était  le  3e.  fils  du  khalyfe  Aly ,  et  de 


MOH 

llanefiah,  l'une  de  ses  femmes,  qu'il 
avait    épousée    depuis   la    mort   de 
Fathimah  :  ce  personnage  n'a  pas 
été  mis  au  nombre  des    i  2  imams  , 
parce  qu'il  n'était  point  de  la  race  de 
Mahomet;  néanmoins  ,  après  la  fin 
tragique  de  son  frère  Houcéin  ,  qui 
n'avait  laissé  que  deux  fils  en  bas 
âge  (  V.  Hoce'ïn  ,  XX,  434)  1  il  &*  re- 
gardé comme  le  chef  de  la  maison 
d'Aly  ,  et  comme  l'espérance  de  son 
parti. Malgré  la  conduite  circonspecte 
qu'il  tint  à  la  Mekke,  où  Abdallah, 
fils  de  Zubeir  ,  s'était  fait  proclamer 
khalyfe,  Mohammed  ne  fut  point 
étranger  aux  démarches  de  ses  par- 
tisans pour  rendre  le  khalyfat  aux 
enfants  d'Aly  (  V.  Mokiitar)  ;  mais 
il  leur  défendit  toujours  de  recourir 
aux  armes  et  de  répandre  le  sang, 
déclarant  qu'il  s'abandonnait  aux  dé- 
crets de  la  Providence.  Cependant 
Abdallah,  soupçonnant  la  vérité,  fit 
arrêter  Mohammed,  et  toute  sa  fa- 
mille, l'an  de  l'hégire  66  (685  de 
J.-C),  les  renferma  dans  l'enceinte 
du  puits  Zemzem,  et  les  menaça  de 
la   mort,  s'ils   ne  lui  prêtaient  pas 
serment  de  fidélité,   dans  un  délai 
qu'il  leur   fixa.   Deux   jours   avant 
l'expiration  du  terme  fatal,  sept  cents 
cavaliers  déterminés ,  venus  de  Kou- 
fah,  délivrèrent  les  prisonniers  ,  se 
saisirent  d'Abdallah,  et  lui  auraient 
fait  un  mauvais  parti,  si  Mohammed 
n'eût  sauvé  les  jours  de  son  rival ,  et 
empêché  ses  libérateurs  de  violer  le 
sancluaire  de  la  Caabah,  près  de  la- 
quelle se  trouve  le  puits  de  Zemzem. 
Il  se  retira  sur  le  mont  Kedhwa ,  non 
loin  de  la  Mekke,  avec  4ooo  de  ses 
sectateurs,  pour  se  soustraire  aux 
persécutions  du  khalyfe  ommayade 
Abdel-?delek,qiti  avait  détruit  ie  par- 
ti d'Abdallah  (  F.  ces  deux  noms ,  1 , 
5 1  et  54  ).  Mohammed  Ibn  Hanefiah 
mourut  àMedine,  l'an  de  L'hég.  81 


MOU 

(700  de  j.-<  ilesCîiyi- 

tes,  il  y  a  u  [ui  lui  applique 

ce  que  les  antres  disent  de  Moham- 
med-Aboul- Cacein  ,  le  13*.  imam 
(  ^.Mahdy,  XXVI,  1  56)  :  cette  secte 
prétend  que  ee  fils  d'Aly  est  encore 
vivant  suri  a,  qu'il  est 

le  Mahlr  (  ou  directeur  )  prédi 
Mahomet,  et  qui  doit  venir,  à  la  lin 
des  siècles,  faire  régner  la  justice  et 
le  bonheur.  On  voit  d'ailleurs  que 
Mokhlar,  qui  agissait  en  apparence 
comme  lieutenant  de  Mohamined- 
Ibn-Hauefian ,  lui  donnait  le  titre  de 
Mahdy;  et  il  c>\  certain  que  le  chef 
de  la  secte  des  Carmathes,  qui  se 
faisait  passer  pour  le  Mahdy,  avait 
pris  ie  nom  de  Mohammed-Ibn-Ha- 
nefiah.  Celui  qui  fait  le  sujet  de 
article,  est  quelquefois  appelé  Ibn 
al  fYassi  (le  01s de  l'héritier  légitime, 
c'est-à-dire  d'Al  a  quelques 

cillants;  et  l'historien  Ibn-Co! 

re  que  l'un  d'eux,  Abou-Has- 
chem  ,  héritier  des  droits  de  son 
père ,  étant  mort  sans  enfants  en  Sy- 
rie ,  les  transmit  aux.  Abhassides  , 
dans  la  personne  de  Mohammed,  ar- 
rière petit-fils  d'Àbbas.        A — t. 

MOHAMMED  (Smi).  V.  Sidi. 

MOHAMMED-SU  LT11 
za),  né  à  Herat,  l'an  821  de  l'hég. 
(  i/jiBde  J.-C.  ),  était  arrière  ; 
fils  de  Tamerlan,  et  second  bis  de 
Ba'isangar  Mirza.  L'an  8  {.6   1  j 
Chah-Kokh,  son  aïeul,  lui  donna  le 
gouvernement  d'une   grande  partie 
de  l'Irak- Ad  jem ,  avecles  droits  et  les 
attributs  de  la  royauté;  mais,  l'année 
suivante,  mécontent   de   l'adminis- 
tration du  jeune  prince,  il  ne  lui  lais* 
pour  apanage,  que  les  villes  de 
vu  et  de  Sulthauieb.  Moham- 

1  celle 
1  paterncll  1  sur  Hama- 

dan ,  attaqua  le 
isé  de  lui  r 


MOH 


5143 


vainquit,  lui  fit  cou] 
s'empara  de  cette  ville,  Chah-1 
i  inutilement  à  son  petil 
les  plus  sanglants  reproches  sur  la 
mort  de  cet  e'myr,  dont  l. 

Qt  rendu  de  grands   ser\  • 
la  famille  de  Tamerlan  :  Mol 
med  ,  entouré  de  jeunes  courl 
qui    lui    exagéraient  sans   cesse    le 
grand  âge  et  les  infirmités  de  Chah- 
Rokh,  dont  il  était  un  des  plus 
cbes  héritiers,  sentit  redoubler  son 
ambition  ,  par  l'espoir  de  l'impunité. 
L'an  849,  il  entra  sans  résistance 
dans  Ispahan,  et  mit  le  siège  devant 
Chyraz,  où  régnait  Mirza- Abdallah , 
son  cousin-germain  ,  qui  ,  hors  d'é- 
tat de  tenir  la  campagne,  se  défei 
en  attendant  les  secours  qu'il  solli- 
cita son  aïeul  de  !ui*envoyer.  Chah- 
Rokh,  oubliant  sa  vieillesse,  mar- 
che en  personne,  en  85o  (  i- 
contre  un  ingrat  qui  osait  troubler 
la  paix  dont  la  Perse  jouissait*' 
plusieurs  années  ,  et  préparait  ainsi 
la  ruine  de  la  maison  de  Tymour.  A 
l'approche  de  son    aïeul,  Moham- 
med, saisi  de  crainte,  abandonne 
ses  conquêtes,  son  armée,  et  s'enfuit 
dans  le  Louristan,  avec  ses  femm<  s 
et  un  petit  nombre  d'eunuques. Chah- 
Rokh  sévit  rigoureusement  contre  les 
flatteurs  et  les  complices  du  ; 
rebelle  ;  mais  ce  grand  monarque 
ayant  succombé  sous  le  poids  dc^ 
ans  et  de  la  fatigue  (  V.  Chaii-Pu 
Vil  .  662) ,  son  armée  retourna  dans 
le  Khoraçan,  où  ses  petits-fils  dispu- 
tèrent le  tronc  à  leur  oncle  0 
le  seul  de  ses  fils  qui  h 
survécu.  A  la  faveur 
Mohammed  rentra    dans  U\' 
l'an  85 1  ,  et  reprenant  ' 
s  sur  le  Farsistan, 
Abdallah  ,  le  ti 
et  lui  fournit  un  r  le  ie- 

i\llO< 
l6.. 


i  I 


MOU 


raçan.  Reconnu  sultlian  dans  i'Irak- 
Adjem ,  le  Farsistan  et  le  Kerman  , 
Mohammed,  reçut  les  soumissions  de 
tous  les  princes  tributaires  delà  Perse. 
Le  seul   Djihaii  -  Chah  ,  souverain 
de   l'Adzerbaïdjan  ,   et   (ils   du   fa- 
meux turkoman  Cara-Yousouf  (  V. 
ce  uom  ,  VII ,  ()i  ) ,  se  croyant  déga- 
ge de  la  fidélité  qu'il  avait  jurée  à 
Chah-Rokh,  se  mit  en  mesure  d'a- 
grandir ses  étals.  Mohammed  mar- 
cha contre  lui  ;  mais  au  moment  où 
les  armées  étaient  en  présence,  et  où 
la  Perse  occidentale  allait  être  livrée 
à  toutes  les  horreurs  de  la  guerre  , 
les  deux  rivaux  firent  la  paix.  Mo- 
hammed épousa  la  fille  de  Djihan- 
Chah,  céda  Cazwyn  et  Suithanieh 
à  son  beau-père ,  et  reprit  la  route  de 
Ghyraz,  où  ,  pendant  deux  ans ,  il  ne 
s'occupa  que   du   bonheur   de   ses 
sujets.  Mais  lorsque  son  oncle  Ou- 
lough-Beyg,  par  sa  retraite  dans  le 
Mawar-el-Nahr,  eut  abandonné   la 
Perse  orientale  à  l'ambition  d'Ala- 
ed-Daulah  ,  et  de  Babour ,  frères  de 
Mohammed,  ce  dernier  entra  dans 
l'arène,  et  voulut  être  reconnu  pour 
unique  successeur  de  Chah-Rokh. 
L'an  853 ,  il  marcha  vers  le  Khora- 
çan,  dont  il  s'empara,  après  avoir 
vaincu  Babour,  près  de  Djam  ;  et  il 
fut  reçu  dansHerat,  aux  acclama- 
tions universelles.  Il  mit  en  liberté 
son  neveu  Ibrahim,  fils  d'Ala-ed- 
Daulah ,  le  renvoya  à  son  père,  et 
rendit  aussi  Mahmoud ,  fils  de  Ba- 
bour, à  sa  mère.  Babour,  ayant  levé 
une  armée  dans  le  Mazanderan,  re- 
parut en  854-  Mohammed  lui  op- 
posa des  troupes  qui  furent  battues, 
et  n'arriva  lui-même  avec  un  corps 
de  cavalerie,  que  pour  être  témoin 
de  leur  fuite.  Sa  présence  intimida 
néanmoins  Babour  , qui,  le  croyant 
suivi  de  toute  son  armée,  se  relira 
dans  une  forteresse.  Mais  Moham- 


MOH 

me  1 ,  étant  retourné  dans  son  camp , 
le  trouva  abandonné  :  ses  soldats  s'é- 
taient dispersés  sur  un  faux  bruit 
qu'il  avait  été  tué.  Tandis  que  ces 
deux  princes,  à-la-fois  vainqueurs  et 
vaincus,  dans  celle  singulière  cam- 
pagne, se  disputaient  le  Khoraçan 
presque  sans  combattre ,  Ala -ed- 
Daulali ,  leur  frère  aîné,  surprit  Hc- 
rat.  Cette  nouvelle  obligea  Moham- 
med de. retourner  à  Chyraz;  et  les 
émyrs  qu'il  avait  laissés  pour  assié- 
ger Babour,  s'étant  rangés  sous  les 
étendards  de  ce  prince  ,  l'aidèrent  à 
reprendre  Herat  sur  Ala-ed-Daulah. 
Cependant  Mohammed,  loin  d'être 
rebuté  par  le  mauvais  succès  de  sa 
dernière  expédition,  faisait  d'im- 
menses préparatifs  pour  recouvrer 
le  Khoraçan.  Babour  employa  tous 
les  moyens  pour  le  ramener  à  des 
sentiments  plus  pacifiques. -Enfin  un 
traité  fut  conclu  entre  les  deux  frè- 
res ;  mais  Mohammed  ,  le  rompant 
presqu'aussitôt ,  envahit  le  Khora- 
çan ,  avec  une  armée  formidable.  La 
bataille  se  donna  en  dzoulhadjah 
855  (janvier  i45'i),  près  d'Esfe- 
rain,  vers  les  frontières  de  l'Este- 
rabad.  Mohammed  d'abord  vain- 
queur, s'étant  imprudemment  achar- 
né à  la  poursuite  des  fuyards ,  fut  en- 
veloppé par  des  cavaliers  ennemis , 
et  conduit  à  Babour,  qui  lui  repro- 
cha son  ambition  et  son  parjure. 
«  Mon  frère,  répondit  Mohammed, 
»  un  roi  comme  moi  ne  devait  pas 
»  agir  autrement.»  Cette  réponse  fut 
l'arrêt  de  sa  mort.  Ce  prince ,  l'un  des 
plus  vaillants  et  des  plus  généreux 
de  la  postérité  de  Tamerlan ,  n'était 
âgé  que  de  34  ans,  et  il  en  avait  ré- 
gué  dix.  La  sulthane  ,  son  épouse  , 
mourut  de  douleur,  deux  jours  après 
lui.  Babour  ne  put  s'emparer  des 
états  de  son  frère ,  qui  passèrent 
sous  la  domination  de  Djihan-Chah, 


MOH 

beau-père  do  Mohammed,  lequel  les 
conserva  jusqu'au  règne  de  Ouzoun- 
Haçan  (  V.  ce  nom  ).  A — t. 

MOHAMMEDTARAGHY.  Voy. 

OuLOUGU-BeYGH. 

M01IEDANO:RAPiiA.L-Let  Pierre 
Rodriguez  )  frères ,  et  tous  deux  reli- 
gieux du  tiers-ordre  de  la  Merci,  au 
couvent  de  Saint-Antoine,  à  Gre- 
nade, se  sont  fait  une  réputation,  par 
leur  Histoire  littéraire  de  l'Espagne: 
ils  ont  en  gênerai  beaucoup  contri- 
bué à  y  répandre  ic  goût  des  études 
savantes.  C'est  d'après  leurs  sollici- 
tations que  des  chaires  de  langues 
orientales,  de  mathématiques  et  de 
physique,  furent  établies  dans  les  col- 
lèges de  leur  ordre ,  et  que  tous  les 
livres  nécessaires  furent  distribués 
aux  étudiants  et  aux  maîtres.  Ils  fi- 
rent envoyer  à  Madrid  deux  reli- 
gieux de  leur  ordre  ,  pour  y  appren- 
dre de  Gasiri  l'hébreu  et  l'arabe. 
Leur  zèle  désintéressé  pour  les  pro- 
grès des  sciences  ,  leur  attira  quel- 
ques tracasseries;  mais  du  moins 
il  fut  récompensé.  Ils  furent  admis 
tous  deux  dans  l'académie  d'histoire 
à  Madrid  ;  et  le  roi  leur  accorda 
une  pension  de  mille  ducats.  Il  pa- 
raît qu'ils  sont  morts  à  peu  de  clis- 
taiice  l'un  de  l'autre,  vers  la  fui  du 
dernier  siècle.  Leur  ouvrage  prin- 
cipal est,  comme  il  vient  d'être  dit, 
Historia  literaria  de  Espana  ;  ori- 
gen ,  progresos  ,  decadencia  y  res- 
tauration delà  literaiura  espanofa, 
Madrid,  1766-17&),  <)  vol.  in-/,0. 
Les  deux  frères  avaient  eu  le  projet 
d'écrire  celte  histoire,  sur  un  plan 
aussi  \  asle  que  celui  de  l'histoire  lit- 
téraire de  la  France;  mais  ils  n'a- 
>re  terminé  l'histoire 
ancienne,  el  déjà  I.  ur  ouvrage  était 
h  si  voltie  [ut  l'on  dut 

pérerde  le  \  oii  ,.   miné. 

Us  y  renoi 


MOH 

histoire  littéraire,  embarrassée  par 
une  foule  de  digressions,  n'a  pas  at- 
teint même  l'époque  du  règne  des 
Goths  :  le  dernier  volume  s'arrête  a 
Poinponius  Mêla,  à  la  vie  et  aux 
ouvrages  de  qui  ce  volume  est  pres- 
que entièrement  consacré.  A  l'exem- 
ple des  autres  auteurs  espagnols,  ils 
revendiquent ,  pour  leur  patrie ,  l'o- 
rigine de  plusieurs  auteurs  latins ,  qui 
ne  paraissent  pas  être  nés  en  Espa- 
gne; ils  analysent  leurs  ouvrage»,  et 
discutent  longuement  le  mérite  des 
traductions  qui  en  ont  été  faites  par 
des  Espagnols.  Us  avaient  destiné 
leur  travail  a  l'instruction  de  la  jeu- 
nesse, ainsi  que  l'indique  le  titre  de 
leur  ouvrage  :  les  attaques  dirigées 
contre  quelques-unes  de  leurs  asser- 
tions, forcèrent  les  auteurs  à  en  pu- 
blier une  apologie  sous  le  titre  de  /ipo~ 
logiadelur.no  F  de  la  Historia 
literaria  de  Es  fana,  Madrid,  1  779, 
in-4°-  Quelques  années  plus  tard, 
don  J.  Suarcz,  de  Tolède,  publia 
une  autre  défense  de  cette  histoire 
littéraire,  Madrid,  1783,  in-4°. 
Les  PP.  Mohedano  ont  laissé  en  ma- 
nuscrit plusieurs  Dissertations  et  Mé- 
moires ,  tels  qu'une  Apologie  de  la 
nation  Espagnole  contre  quelques 
auteurs  modernes  et  étrangers  ,  des 
Réflexions  sur  la  littérature  espa- 
gnole des  trois  derniers  siècles ,  com- 
parée à  celle  des  Français,  et  d'au- 
tres nations  ;  une  Dissertation  sur 
l'histoire  d'Espagne  du  P.  Mariana; 
enfin  une  Dissertation  historique  et 
géographique  sur  lès  Celtes  cl  autres 
peuples  qui  ont  habité  l'Espagne. 
D— G. 

MOHSIN-FANI  (oulVfOHSAN  . 

comme  ce  nom  est  écrit  pa 
écrivains),  poète  célèbre  de  I  . 

dans  le  dix-septième   siècle  ,    n'est 
guère  connu  eu  Europe  que  comme 

auteur  du  Dabislan ,   ouvrage  per- 


24<3 


MOH 


.van,  où  il  est  traite  d'un  grand  nom- 

bre  de  sectes  religieuses,  anciennes 

et  modernes,  de  VAsie.  11  esl  cepen- 

lin  aujourd'hui 

•  Dabistan  a  été  mal-à-propos 
attribue  a  iVlohsiu-Fani  par  William 
Jones  et  Gladwin,  qui  ont  été  copiés 
à  cet  égard  par  d'autres  écrivains. 
Ajoutons  que  ce  livre  a  beaucoup 
perdu  aujourd'hui  de  l'importance 
qu'on  lui  avait  accordée,  sur  l'autori- 
té du  même  W.  Jones,  et  que  tout 
Ce  qu'il  raconte  des  antiquités  de  la 
Perse  et  de  la  dynastie  des  Mahaba- 
diens  ,  est  justement  relégué  parmi 
les  fables  les  plus  absurdes.   Au  sur- 

,  il  y  a  lieu  de  croire  que  le  Da- 
bistan est  postérieur  à  Mohsin-Fani, 
et  ne  lui  a  été  attribué  que  parce  que 
l'auteur,  à  5a  suite  de  son  introduc- 
tion ,  cite  un  couplet  de  Mohsin  , 
et  que  les  mots  par  lesquels  il  in- 
dique la  citation  ,  mal  entendus,  ont 
été  cause  de  cette  erreur.  Les  raisons 
qui  prouvent  que  Mohsin  ne  saurait 
ttre  l'auteur  du  Dabistan,  ont  été 
exposées  par  MM.  Vans  Kennedy  et 
William  Erskine,  dans  deux  mé- 
i a o ires  qui  Tout  partie  du  second  vo- 
lume des  Transactions  de  la  société 
littéraire  de  Bombay.  Ii  paraît  aussi 
que  c'est  à  tort  qu'on  a  donné  à 
in  le  nom  de  Mohammed. 
Quoi  qu'il  en  soit ,  Mohsin  était  natif 
de  Cachemire.  Après  avoir  étudié 
dans  sa  ville  natale  ,  sous  un  doc- 
teur célèbre  ,  il  se  rendit  a  Dehlv  ;  et 
.s'j-  étant  fait  avantageusement  con- 
naître de  l'empereur  moghol  Schah- 
Djihan  ,  il  fut  nommé  par  ce  prince 
sadder ,  c'est-à-dire,  juge  suprême 
llahabad;  et  dans  ce  poste  émi- 

.,  il  devint  le  disciple  du  sel 

ibb-alîah,  docteur  célèbre  de 
ville.  Dans   la  suite  ,  lorsque 
ah-Bjihan  soumit   la   viile  de 
■  ,  le  prince  Uz 


MOH 

qui  la  possédait,  ayant  pris  la  fuite , 
et  tout  ce  qui  lui  appartenait  ayant 
été  livré  au  pillage ,  on  trouva  dans 
sa  bibliothèque  une  copie  du  divan 
(c'est-à-dire, du  recueil  des  poésies)de 
Mohsin- Fani,  parmi  lesquelles  était 
une  ode  en  l'honneur  de  l'infortuné 
prince.  Schah-Djihan  ,  irrité  contre 
Mohsin,  le  destitua,  mais  lui  assura 
une  pension.  Le  poète  se  retira  dans 
la  viile  de  Cachemire  ,  lieu  de  sa 
naissance;  et  il  y  passa  le  reste  de 
ses  jours  dans  un  entier  éloigncmeiit 
des  affaires  ,  heureux  ,  et  générale- 
ment respecté.  8a  maison  était  le 
rendez-vous  des  hommes  de  lettres 
et  des  personnages  les  plus  éminents 
en  dignité.  ïl  donnait  chez  lui  des 
leçons  de  littérature  et  de  morale  , 
dont  le  sujet  lui  était  fourni  par  les 
ouvrages  des  plus  célèbres  écrivains 
qu'il  commentait ,  et  dans  l'explica- 
tion desquels  il  développait  toute  son 
érudition.  De  cette  école  sont  sortis 
plusieurs  bomm  es-de-lettres  très- 
distingués.  Les  œuvres  poétiqu 
Mohsin-Fani  se  composent,  dit-on  , 
de  six  ou  sept  mil]  s.    Ce 

poète  mourut  en  iiro  (  1081  de 
l'hégire  ).  Fani  est  le  surnom  poé- 
qu'it  avait  adopté  ,  suivant 
ge  des  poètes  persans  :  il  veut 
dire  périssable  ,  sujet  à  la  destruc- 
tion. S.   d.  S — Y. 

MOHTADY-BÏLLA.H(  Abou-Ab- 
ballaii  Mohammed  VI ,  al-),  i4e. 
khalyfc  abbasside ,  et  (ils  de  Wa- 
thek ,  fut  appelé  de  Baglidacl,  et  pro-s 
clamé  à  Sérmenraï  ,  l'an  x55  de 
l'hég.  (  869  de  J.-C.  ) ,  après  la  dé- 
position de  Motaz  ,  son  cousin-ger- 
main ,  qu'il  voulut  d'abord  r. 
ciiicr  avec  les  milices  turkes  :  il 
n'accepta  le  khalyfat  que  sur  le  re- 
fus obstiné  de  ce  prince.  Mohtady 
s'attira  d'abord  l'estime  gcV  1 
en  rappelant  |es  beau:;  jours  c*  U 


MOÏI 

simplicité  des  premiers  temps  de 
l'islamisme.  Il  défendit  le  jeu  ,  le 
vin ,  les  représentations  de  figures 
humaines  sur  les  lapis  ;  et  donnant 
lui-même  l'exemple  de  la  soumis- 
sion aux  préceptes  du  Coran  ,  il 
bannit  de  sa  cour  les  musici 
les  baladins,  les  boulions  ,  les  ani- 
maux ,  et  tous  ces  vains  objets  de 
luxe  qui  avaient  entretenu  la  mol- 
lesse eliez  ses  derniers  prédéces- 
seurs, en  épuisant  les  finances  de 
l'empire.  Ses  réformes  embrassèrent 
aussi  l'administration  de  la  justice  : 
il  examina  la  conduite  des  juges  ,  et 
les  comptes  publics  :  deux  i'o;s  la 
semaine  ,  il  donnait  audience  publi- 
que à  tous  ses  sujets  indistinctement, 
écoutait  leurs  plaintes,  et  redressait 
leurs  griefs  ;  enfin ,  il  supprima  la 
moitié  des  impôts. La  douceur,  l'équi- 
té ,  le;  mœurs  austères  et  la  piété  de 
Mohtady,  le  faisaient  comparer  au 
vertueux  Omar  II  :  mais  un  tel  prince 
ne  pouvait  plaire  aux  factieux.  Mou- 
sa ,  l'un  des  chefs  de  la  garde  turke, 
ayant  fait  assassiner  Sàleh  ,  l'un  de 
ses  collègues  ,  qui  avait  obtenu  le  vé- 
zyriat  parce  qu'il  avait  placé  Mohta- 
dy sur  le  trône;  ce  prince  prit  des  me- 
sures col; Ire  les  auteurs  de  la  mort 
de  son  vézyr.  Sa  sévérité  aigrit  les 
mutins.  Ils  viennent  en  tumulte  in- 
vestir le  palais ,  et  réclamer  l'élar- 
gissement d'un  des  principaux  cous- 
us. Loin  d'elle  intimidé  par 
leurs  cris  et  leurs  menaces  ,  le  kha- 
,  au  milieu  d'eux ,  la 
lu  rebelle. Leur  fureur  redouble  : 
un  combat  terrible  s'engage  aux  por- 
Quatre  mille  hommes 
sont  I  mi  et  d'autre  :  mais 

lent.  Le  khalyfe 
qui,  ;  arde  ,  avait 

■  la  iiièléc  , 
est  poursuivi  d  on  voi- 

sine. Ou  ie  saisit,  on  lu  crache  au 


MOI  i\-j 

visage,  on  l'accable  de  coups;  on 
veut  le  forcer  d'abdiquei . 
épuisé  ,  presque  mourant  ,  brave  la 
rage  de  ses  assassins.  Ou  le  rem 
on  lui    marche  sur  la  tète,   on  lui 
serre  les  parties  naturelles  •.  i!  i 
avec  fermeté.    Enfin  ,  l'un  d 
monstres    termine    ses    sou!V, 
d'un  coup  de  poignard,  et  avale  un 
trait  de  sou  sang.  Ainsi  périt  Moh- 
tady, Je  3 1  juin  870,  à  l'âge  de  trente- 
huit  ans  ,  après  un  règne  de  onze 
mois  et  demi  ,    prince   digne   d'un 
meilleur  sort  et   d'un  autre  siècle. 
Il  eut  pour  successeur  Motamed. 
A— r. 

MOINE  (Le).  V.  Lemoine. 

MOISANT  DE  BRIEUK  (Jac- 
ques ) ,  l'un  des  bons  poètes  latins 
de  son  temps,  était  né,  en    161  j, 
à  Caen,  de  parents  nobles  ,  attachés 
à   la  réforme.   Il  fit  ses  premières 
études  à  l'académie  de  Sedan ,  avec 
le  duc  de  Montausier  ,  qui   devint: 
bientôt  son  ami ,  et  qui  resta  son  pro- 
tecteur; il  se  rendit  ensuite  à  Leyde,  où 
il  suivit  deux  ans  les  leçons  du  célè- 
bre Vossius,  dont  il  reçut  des  preu- 
ves multipliées  de  bienveillance 
bout  de  ce  temps  ,  le  désir  qu'il  avait 
de  s'instruire,  le  détermina  à  passer 
en  Angleterre  ,  et  il  y  demeura  trois 
ans ,  qu'il  employa  à  Iréquenl 
cours  des  plus  babil* 
et  à  visiter  les  bibliothèques.  !  I 
tour  dans  sa  patrie,  1 

it,  et  fut,  peu  après,  pourvu 
charge  de  conseiller  au  parle- 
ment de  Metz.  Des  raisons  de  santé' 
l'obligèrent  de  donner  sa  démission  ; 
et  il  se  hâta  de  revenir  dans  si  ville 
natale,  pour  laquelle  il  avait  beau- 
coup d'affection.  Il  trouva  un 
traction  à  ses  douleurs  i  uis  i  I 
ture  des  lettre* 

,1    parmi  Si 
triotes  ,   eu  fondaut 


:v',8  MOI 

dont  les  assemblées  se  tinrent  d'a- 
bord dans  sa  maison  ,    et    ensuite 
dans  celle  de  Segrais  (  V.  ce  nom  ). 
Les  dernières  années  de  sa  vie  turent 
troublées  par  la   mort  d'un  de  ses 
fils  ,  jeune    homme  (Je  belle  espé- 
rance ,   qui  fut  tué  à  la  première 
■  ■quelle  il  prit  part.  (  V.  sa 
Lettre  à  Halley,  Rcc.  de  1670  ,  pag. 
100  ).  Il  était  tourmenté  de  la  pierre 
depuis  long-temps;  il  se  décida  à  se 
faire  tailler,  et  mourut  quelques  jours 
après  l'opération,  en  1674,  à  l'âge 
d'environ  soixante  ans.  Moisant  était 
non-seulement  bon  poète,  mais  en- 
core    savant    littérateur  •    il    avait 
pour  amis  les  hommes  les  plus  célè- 
bres: Chapelain,  Tanncgui  Lefèvre, 
Bochart ,  Huet ,  Hcinsius  ,  Yossius  , 
etc.  On  a  de  lui  :  I.  Trois  différents 
Recueils  de -poésies  latines,  Caen  , 
i658  ,  in- 4°.  ;  ibid.  ,  i663 ,  in-8°.  ; 
et  ibid.,    1669,  in -16.   Bayle  et 
d'autres  critiques  parlent  des  vers 
de   Moisant    avec    les   plus  grands 
éloges  :  cependant  Huet  pense  qu'ils 
n'ont  pas  toute  la  vivacité  ni  toute 
cette  richesse  d'invention  qui  fait  les 
grands  poètes.  La  pièce  qu'il  com- 
posa sur  son  Coq  passe  pour  la  meil- 
leure. A  la  suite  du  recueil  de  1669 , 
on  trouve  quatre  lettres  latines  ;  la 
première  sur  l'académie  de  Caen  ,  et 


igme 


en  i65'2  :  la  seconde 


sur  Malherbe  ;  la  troisième  sur  les 
antiquités  de  Caen,  et  la  quatrième 
sur  les  littérateurs  qu'a  produits  cette 
ville.  IL  Epistolœ  ,  ibid.,  1670, 
in-8".  ;  elles  sont  pleines  d'érudition, 
et  le  style  en  est  très-agréable.  Ou- 
dendorp  en  a  extrait  des  Remarques 
sur  Lucain  ,  qu'il  a  insérées  dans  la 
belle  édit.  de  ce  poète,  Leyde,  1729, 
in-4°.  III-  Les  Origines  de  quel- 
ques coutumes  anciennes  ,  et  de 
plusieurs  façons  de  parler  triviales, 
ibid.,  107'Ji  ,  in-i2-   ouvrage  rare 


MOI 

et  curieux.  Il  a  publié  à  la  suite  , 
d'après  un  manuscrit  que  M1"'1,  de 
Matignon  lui  avait,  confié,  un  poème 
intitulé  :  Cy  est  V ordre  des  banne- 
rets  de  Bretagne  et  leur  origine  , 
translaté  sur  le  latin  ,  et  depuis  mis 
en  rimes  françaises.  IV.  Les  Diver- 
tissements de  M.  D.  B. .  ibid.,  1G73, 
in-  12  ;  rare.  C'est  un  recueil  de 
lettres,  et  de  vers  français  et  latins. 
On  y  trouve  quelques  vers  heureux  , 
et  quelques  réflexions  judicieuses. 
Moisant  a  laissé  en  manuscrit  la  tra- 
duction latine  d'une  partie  des  épi- 
grammes  de  Y  Anthologie  ,  et  un 
volume  de  Méditations  chrétiennes , 
morales  et  politiques  ,  dont  Segrais 
avait  eu  sans  doute  communica- 
tion ,  car  il  dit,  «  que  ces  méditations 
»  ne  sont  pas  seulement  propres 
»  pour  les  calvinistes  ,  mais  encore 
»  pour  nous,  puisqu'il  n'y  a  rien  qui 
»  regarde  les  points  de  contrô- 
la verse.  »  (  OEuv.  de  Segrais ,  11  , 
18.)    ..  W— s. 

MOÏSE  ,  législateur  des  Hébreux, 
né  dans  la  terre  de  Gessen  ou  Go- 
sen  ,  l'an  1^71  avant  J.-C.  ,  était 
filsd'Amram  et  de  Joeabed,  de  la 
tribu  de  Lévi ,  et  frère  puîné  de  Ma- 
rie et  d'Aaron.  Le  roi  d'Egypte  Pha- 
raon avait  ordonné  aux  sages-fem- 
mes de  ses  états  d'étouffer  tous  les 
enfants  mâles  qui  naîtraient  par- 
mi les  Hébreux.  Joeabed  ne  put  se 
résoudre  à  faire  périr  son  fils  ;  elle  le 
ca<  ha  pendant  trois  mois.  Au  bout 
de  ce  terme ,  voyant  qu'il  n'était  plus 
possible  de  garder  le  secret ,  elle  mit 
l'enfant  dans  une  de  ces  petites  na- 
celles de  jonc  qui  étaient  en  usage 
dans  l'Egypte,  après  l'avoir  enduite 
de  poix  et  de  bitume,  et  l'exposa 
parmi  des  roseaux,  sur  le  bord  du 
fleuve.  Marie,  sœur  de  l'enfant,  se 
tenait  à  une  distance  convenable  , 
pour  voir  ce  qui  arriverait.  La  fille 


MOI 

de  Pharaon  vint  au  fleuve  pour  se 
baigner  ou  pour  se  purifier  a  la  ma- 
nière du  pays.  Voyant  la  nacelle,  elle 
envoya  une  de  ses  filles,  qui  la  lui 
apporta  ;  elle  l'ouvrit ,  et  y  trouvant 
cet  enfant,  qui  était  d'une  beauté  ex- 
traordinaire ,  elle  fut  touchée  de  ses 
cris,  et  pensa  bien  que  c'était  un  des 
enfants  des  Hébreux.  Alors  la  sœur 
de  l'enfant ,  s'élant  approchée,  dit  à 
la  fille  de  Pharaon:  f  ous  plaît-il  que 
je  vou>  ailh  quérir  une  femme  des 
Hébreux  ,  qui  soit  en  élut  d'alaiter 
cet  enfant?  Elle  lui  répondit  :  Allez. 
Marie  alla  promptement  avertir  sa 
'  mère,  qui  vint  ,  et  la  princesse  lui 
donna  l'enfant  à  nourrir.  Quand  il 
put  se  passer  de  nourrice,  Joca- 
bed  le  mena  à  la  fille  de  Pharaon, 
qui  l'adopta  pour  son  fils,  et  le  nom- 
ma Moïse j  car ,  dit-elle ,  je  Vai  tire 
de  Veau.  Si  l'on  en  croit  Josèphe, 
Philon,  Clément  d'Alexandrie,  le  P. 
Kircher  ,  Hottinger  ,  J.  Leclerc  , 
dom  Calmet,  et  quelques  autres  sa- 
vants ,  Moïse  est  un  composé  de 
deux  mots  égyptiens,  moi  ou  moyy 
qni  signifie  eau,  et  hyses ,  sauvé. 
ïsaac  Abarbanel  pense  que  le  nom 
de  Mosche  (  sauvé,  retiré  )  ,  lui  fut 
imposé  par  Jocabed  ,  lorsqu'elle 
le  remit  entre  les  mains  de  la  prin- 
cesse. Abcn  -  Ezra  ,  au  contraire  , 
croit  que  le  vrai  nom  de  l'enfant  fut 
MonioSj  en  égyptien  ,  <-t  que  Mos- 
che n'en  est  que  la  traduction  dans 
la  langue  hébraïque.  Nous  appre- 
nons du  discours  du  martyr  saint 
Etienne, dans  le  livre  des  Act< 
vu  ,  que  Moue  fut  élevé  dans  la  sa- 
gesse, c'est-à-dire,  dans  les  si  : 
des  i  ,  par  la  Qlle  de  Pha- 

raon ,  qui  Thermutis 

par  Josèphe,  Artapan, 

et  par  la   ehroniqui    d' Mexandrie. 

Philon   (I   I  |    Irni    vont 

jusqu'à    faire  I  mt  des 


sciences  que  l'on  apprit  à  Mois 
ils  ne  se  bornent  pas  à  ceïh 
étaient  alors  cultivées  en  Egypte. 
L'auteur  de  l'ancienne  Vie  de  Moïse. 
en  trente-sii  parties ,  raconte ,  après 
plusieurs  autres  fables  ,  qu'il  fut 
rendu  à  la  fille  de  Pharaon  à  l'âge 
de  trois  ans.  Vers  ce  temps  ,  le  roi 
se  maria,  et  donna  un  grand  festin. 
Sa  femme  était  à  sa  droite,  et  sa  fille 
avec,  le  petit  Moïse  à  sa  gauche  . 
enfant,  en  se  jouant,  prit  la  couron- 
ne du  roi ,  et  se  la  mit  sur  la  tête.  Le 
mage  Balaam,  eunuque  du  roi,  lui 
dit  :  Seigneur  ,  souviens-toi  de  ton 
rêve  ;  certainement ,  l'esprit  de  Dieu 
est  dans  cet  enfant.  Si  tu  veux  que 
V  Egypte  ne  soit  pas  détruite,  il  faut 
le  faire  mourir.  Cet  avis  plut  beau- 
coup au  roi ,  qui  avait  vu  en  songe  un 
vieillard  tenant  eu  main  une  balance 
dans  un  bassin  de  laquelle  étaient 
tous  les  habitants  de  l'Egypte,  et 
dans  l'autre  un  enfant  dont  le  poids 
égalait  celui  de  tous  les  habitants. 
On  était  près  de  tuerie  petit  Moïse, 
lorsque  Dieu  envoya  l'ange  Gabriel  , 
qui  prit  la  figure  d'un  des  princes  de 
la  cour  de  Pharaon  ,  et  dit  au  roi  :  Je 
ne  crois  pas  qu'on  doive  faire  mou- 
rir un  enfant  qui  n'a  pas  encore  de 
ient ,  mais  il  faut  l'éprouver  : 
présentons-lui  à  choisir,  d'une  perle 
ou  d'un  charbon  aident  :  s'il  choisit 
le  charbon ,  ce  sera  une  preuve  qu'il 
est  sans  raison ,  et  qu'il  n'a  pas  eu 
mauvaise  intention  en  prenant  la- 
couronne  royale  ;  mais  s'il  choisit 
la  perle  ,  ce  sera  une  preuve  qu'il  a 
du  jugement ,  et  alors  on  pourra  le 
tuer.  Aussitôt  ou  met  devant  Moïse 
\\>.\  charbon  ardent  et  une  perle. 
Moïse  allait  prendre  la  perlej  mais 
l'ange  lui  arrêta  la  main  subites 
et  lui  fit  prendre  le  chai  bon,  qu'il 

porta  lui-!  i    .niant 

lia   la  langue   et  la  main;  et 


2.JO  MOI 

ce  qui  le  rendit  bègue  pour  le  res- 
te de  sa  vie.  Josèphe  ne  s'éloigne  pas 
essentiellement  de  ce  récit  :  Pharaon , 
dit-il,  ayant  pris  l'enfant  dans  son 
Sein,  pour  le  caresser,  et  lui  ayant 
mis  en  jouant,  son  diadème  sur  la 
tête,  Moïse  l'arracha  ,  le  laissa  tom- 
ber à  terre,  et  le  foula  même  aux 
pieds.  Les  devins,  et  surtout  celui 
qui  avait  inspire  au  roi  le  dessein  de 
faire  périr  tons  les  enfants  mâles  qui 
naîtraient  des  Hébreux,  commencè- 
rent à  crier  qu'assurément  c'était-!à 
cet  enfant,  dont  les  Dieux  avaient 
annoncé  la  naissance  pour  la  ruine 
de  la  nation,  et  qu'il  fallait  le  faire 
périr.  Mais  Tliermulis  l'enleva  d'en- 
tre les  mains  du  roi ,  et  le  déroba  à  la 
mort  qui  le  menaçait.  Artapau,  la 
Chronique  d'Alexandrie,  et  les  an- 
ciens rabbins  ,  racontent  encore 
d'autres  particularités  de  l'enfance 
de  Moïse.  Voltaire  qui  en  avait  con- 
naissance, et  qui  cite  même  le  trait 
de  l'ancien  historien  et  celui  de  Jo- 
sèphe ,  conclut  hardiment  qu'il  en  a 
été  de  l'histoire  sacrée  de  Moïse , 
comme  de  l'histoire  profane  d'Her- 
cule ;  que  chaque  auteur  qui  en  a 
parié  ,  y  a  mis  beaucoup  du  sien  ,  et 
qu'enfin  Moïse  pourrait  bien  être  un 
personnage  fabuleux!  Josèphe  ra- 
conte ensuite  comment  Moïse,  par- 
venu à  l'adolescence,  fut  chargé  du 
commandement  des  armées  égyp- 
tiennes contre  les  Ethiopiens;  com- 
ment il  assiégea  le  roi  d'Ethiopie 
dans  Saba  ,  et  le  força  de  lui  livrer 
cette  forteresse  ;  comment  enfin  il 
épousa  Tharbis  ,  fille  de  ce  prince, 
et  retourna  victorieux  en  Egypte. 
Ce  n'est  pas  contre  les  Éthiopiens  , 
que  les  rabbins  font  marcher  Moïse 
à  la  tête  des  Égyptiens,  mais  au  se- 
cours du  roi  d'Ethiopie  ,  contre  le- 
quel les  magiciens  Baiaam  ,  Janncs 
et  Mainbrès  s'étaient  révoltés,   et 


MOT 

employaient  toutes  les  ressources  de 
leur  art.  Mais  laissons-la  toutes  ces 
rêveries.  Lorsque  Moïse  eut  atteint 
sa  quarantième  année  ,  il  renonça  à 
la  pompe  et  aux  richesses  de  la  cour 
de  Pharaon ,  pour  partager  l'igno- 
minie de  ses  frères.  Témoin  de  leur 
affliction,  il  en  fut  profondément 
ému.  Il  rencontra  un  Hébreu  qui 
était  maltraité  par  un  Égyptien  ;  et 
ne  voyant  personne  autour  de  lui ,  il 
tua  l'Egyptien,  et  ensevelit  son  corps 
dans  le  sable.  Le  lendemain ,  il  ren- 
contra deux  Hébreux,  qui  se  querel- 
laient ;et  dit  au  plus  fort  :  Pourquoi 
frappez-vous  votre  frère?  Cet  hom- 
me lui  répondit  :  Oui  vous  a  établi 
sur  nous  pour  prince  et  pour  juge  ? 
Est  -  ce  que  vous  voulez  me  tuer 
comme  vous  tuâtes  hier  un  Egyp- 
tien ?  Moïse  eut  peur  ,  ne  pouvant 
comprendre  comment  son  action 
était  connue.  Cependant  Pharaon  en 
fut  informé,  et  chercha  réellement 
à  faire  mourir  Moïse.  Les  rabbins 
ajoutent  même  que  le  roi  ordonna 
qu'on  lui  tranchât  la  tête  ,  mais  que 
son  col  devint  dur  comme  une  co- 
lonne de  marbre,  et  que  l'épée  ne 
put  rien  contre  lui.  Moïse  sortit 
alors  d'Egypte  ,  et  se  retira  dans 
le  pays  de  Madian,  au-delà  de  la 
Mer-Rouge,  sur  le  bord  oriental  , 
dans  l'Arabie-Pétrée  ,  vers  le  Mont- 
Sina.  Il  y  avait  à  Madian  un  prêtre , 
nommé  Raguel  ou  Jéthro,  qui ,  se- 
lon quelques  anciens ,  était  également 
roi  de  la  contrée.  Jéthro  avait  sept 
filles,  qui,  étant  sorties  de  la  ville 
pour  puiser  de  l'eau,  et  ayant  rem- 
pli les  canaux  ,  voulaient  faire  boire 
le  troupeau  de  leur  père.  Des  ber- 
gers qui  étaient  survenus  T  les  chas- 
sèrent. Alors  Moïse,  qui  était  pré- 
sent, prit  la  défense  de  ces  filles,  et 
fit  boire  leurs  brebis.  De  retour  à  la 
maison  de  leur  père,  Jéthro  leur 


MOI 

îles  étaient  re- 
venues plutôt  qu'à  l'ordinaire;  elles 
répondirent:  Un  Egyptien  nous  a 
délivrées  dé  la  violence  des  bergers; 
il  nous  a  même  tiré  de  Veau  en 
abondance  ,  et  a  donné  à  boire  à  nos 
brebis.~-  Où  est-il  ?  dit  Je'thro , pour- 
quoi avezvous  laissé  aller  cet  hom- 
me? Appelez-le  f  afin  q  'il  mange 
ici.  Moïse  consentit  a  demeurer  avec 
et  Je'thro  lui  donna  sa  fille  Së- 
phora. On  sent  bien  que  ce  récit  est 
trop  simple  pour  les  rabbins  ,  et 
qu'ils  ont  dû  l'accompagner  de  tout 
ce  que  l'imagination  orientale  enfante 
de  bizarre.  Ceux  qui  seront  curieux 
de  savoir  les  amours  de  Moïse  et  de 
Sëphora  ,  n'ont  qu'à  lire  la  Vie  de 
Moïse,  par  Gaulmin  ,  Paris,  i(r.U), 
in-8u.  ,  ou  même  X Histoire  de  V an- 
cien Testament ,  par  dom  Calmet, 
liv.  ier.  Sëphora  mit  au  monde  Ger- 
sam,et  ensuite Eliëzcr.  Long-temps 
après,  le  roi  d'Egypte  mourut  :  les 
:  ,  gémissant  sous  le 
poids  des  travaux  qui  les  accablaient, 
crièrent  vers  le  ciel.  Dieu  entendit 
leurs  plaintes,  et  se  souvint  de  l'al- 
qu'il  avait  faite  avec  Abra- 
ham, Isaac  et  Jacob.  Un  jour  (pie 
Moïse  menait  paître  les  brebis  de  son 
beau-père  ,  et  qu'il  avait  conduit  son 
troupeau  bien  a  -  le  désert , 

jusqu'au  Mftnt-Horeb,  il  aperçut  de 
Join  un  buisson  qui  paraissait  tout  en 
feu,  sans  que  le  feu  le  cou 
Frappe  d'ëlonnemeut  ,  il  dit  en  lui- 
même  :  Il  faut  que  j'aille  voir  celle 
grande  merveille,  et  que  je  sache 
pourquoi  ce  buisson  brûla  sans  se 
consumer.  Mais  le  Seigneur  ,  ou 
•  m  ii]  tri  ûl  (  ■!  son  nom, 
lui  di  -un  :  N'ap- 

procl  tuliers 

de  VOS  pt< 

vou  i 

flt'V' 


MOI 


i!j  i 


visage,  parce  qu'il  n'osait  re^, 
Dieu.  L'ange  lui  dit  :  J'ai  considéré 

rlion  de  mon  peuple  ;  je  suis 
descendu  pour  le  délivrer  de  l'es- 
clavage des  Egyptiens  ,  et  pour  le 
faire  entrer  dans  un  pays  excellent  ; 
je  vous  ai  choisi  pour  exécuter  ce 
grand  ouvrage  ;  je  veux  vous  en- 
voyer ves  Pharaon.  Moïse  objecte 
sa  faiblesse  ;  mais  l'ange  lui  promet 
d'être  avec  lui.  Moïse  insiste,  et  de- 
mande le  nom  de  celui  qui  lui  parle. 
Je  suis  celui  qui  suis  (  Jchovaîi  )  . 
(0  lui  répond  l'ange.  Ils  ne  me  croi- 
ront pas  ,  reprend  Moïse;  ils  ne  vou- 
dront pas  écouter  ma  voix.  —  Jetez 
par  terre  la.  verge  que  vous  tenez 
à  la  main.  Moïse  obc'it ,  et  la  verge 
est  changée  en  serpent.  —  Prenez  ce 
serpent  parla queue.Mdise  le  prend, 
et  le  serpent  redevient  verge.  —  J'ai 
fait  ceci,  ajouta  l'ange  ,  afin  qu'ils 
croient  que  le  Seigneur  vous  a  ap- 
paru. Pour  surabondance  de  preuve , 
l'ange  lit  un  second  miracle,  afin  de 

,incre  ceux  qui  n'écouteraient 
point  la  voix  du  premier  ,  et  s'en- 
gagea à  lui  en  faire  opérer  d'autres 
jusqu'à  la  conviction  la  plus  entière 
(  V.  l' Histoire  des  apparitions  di- 
vines faites  a  Moïse ,  par  Monceaux  , 
i5<)r2,  in-rr2  ).  Moïse  opposa  une 
nouvelle  difficulté  ;  il  représenta  le 
peu  de  facilite  qu'il  avait  de  parler. 
Quoi  donc  ,  dit  l'ange  !  Qui  a  fait 
la  bouche  de  l'homme  ?  N'est-ce  pas 
moi  qui  suis  le  Seigneur?  Allez 
donc ,  je  vous  apprendrai  ce  que 
vous  aurez  à  dire.  Moïse  ne  se  ren- 
du pas  encore:  Envoyez,  dit-il , 
celui  que  vous  devez  envoyer,  i 
alors  se  fâcha  contre  Moïse.  Il  lui 
révéla  que  s<>:!  frère  Aaron  rie 
au-devant  de  lui.  eî 


à52 

prête.  Moïse  prit  congé  de  Jélhro  , 
et  partit  avec  sa  femme  et  ses  enfan  ta. 
Aaron  ,  suivant  la  parole  du  Sei- 
gneur, alla  à  sa  rencontre  sur  la 
montagne  d'Horeb  ,  et  l'embrassa 
tendrement.  Moïse  lui  communiqua 
la  mission  dont  il  était  charge  ,  et 
ils  continuèrent  ensemble  leur  route. 
Séphora  était  retournée  à  Madian 
avec  ses  deux  fils.  A  leur  arrivée  dans 
la  terre  de  Gessen ,  ils  assemblèrent 
le  peuple,  lui  annoncèrent  les  ordres 
du  Seigneur  ,  et  lui  prouvèrent,  par 
des  miracles  ,  cpie  c'était  lui  qui  les 
envoyait.  De  là ,  ils  se  rendirent  à  la 
cour  de  Pharaon ,  et  le  supplièrent 
d'accorder  aux.  Israélites  la  permis- 
sion d'aller  sacrifier  dans  le  désert. 
Loin  de  se  rendre  à  celte  prière , 
Pharaon  apesantit  encore  son  joug 
sur  les  Hébreux  ,  et  exigea  d'eux 
de  nouveaux  travaux.  Ces  persécu- 
tions les  forcèrent  de  porter  leurs 
plaintes  au  pied  du  trône }  mais 
elles  furent  sans  succès.  Le  roi  leur 
répondit  que  s'ils  n'avaient  pas  tant 
de  loisir  ,  ils  ne  penseraient  point  à 
aller  sacrifier  dans  le  désert.  Les 
Israélites  s'en  prirent  à  Moïse ,  qu'ils 
accusèrent  d'avoir  aggravé  le  poids 
de  leur  servitude. Celui-ci  s'adressa  au 
Seigneur,  et  lui  transmit  les  plaintes 
de  son  peuple.  Le  Seigneur  lui  ré- 
pondit :  C'est  à  présent  que  vous 
allez  voir  ce  que  je  ferai  à  Pha- 
raon ;  je  le  contraindrai ,  par  la 
force  de  mon  bras  ,  à  laisser  sortir 
les  Israélites.  Je  suis  celui  qui  suis. 
Dites  ,  de  ma  part ,  aux  enfants 
d'Israël  :  Je  vous  prendrai  pour 
mon  peuple ,  et  je  serai  votre  Dieu  ; 
je  vous  déchargerai  dos  fardeaux 
dont  les  Égyptiens  vous  accablent  ; 
je  vous  mettrai  en  possession  de  la 
terre  que  j'ai  juré  de  donner  à  vos 
pères.  Moïse  rapporta  cette  réponse 
aux  Hébreux  ;  mais  ils  ne  l'écoutè- 


MOl 

rent  pas,  à  cause  de  la  dureté  de  leur 
servitude ,  et  de  l'excès  de  leur  aiilic- 
tion.  Le  Seigneur  commanda  pour 
lors  à  Moïse  de  paraître  en  la  pré- 
sence de  Pharaon,  et  d'exercer  sur 
ses  états  un  empire  divin.  Moïse  fut 
chargé  d'agir  au  nom  du  Seigneur, 
et  Aaron  d'expliquer  ses  ordres.  Ils 
reviennent  tous  les  deux  à  la  cour; 
et  là  commencent  les  dix  miracles  , 
appelés  les  dix  plaies  de  l'Egypte. 
Clément  Alexandrin  ,  livre  Ier.  des 
Stromates  ,  rapporte  ,  d'après  Aria- 
pan  ,  que  Moïse  prononça  le  nom  de 
Jhaho  f  ou  Jehovah  ,  d'une  manière 
si  efficace  à  l'oreille  de  Phara-Ne- 
kefr  ,  que  ce  roi  tomba  sans  con- 
naissance. Le  livre  de  l'Exode  nous 
apprend  que  Moïse  changea  sa  ver- 
ge en  serpent,  devant  Pharaon,  et 
que  les  magiciens  du  roi  imitèrent  ce 
prodige,  mais  que  la  verge  de  Moïse 
dévora  les  leurs.  Le  lendemain  il 
changea  l'eau  du  Nil  en  sang,  de  sor- 
te que  les  poissons  moururent ,  et  que 
les  Egyptiens  furent  obligés  de  creu- 
ser la  terre  le  long  du  lleuve ,  afin 
d'avoir  de  l'eau  pourboire.  Les  ma- 
giciens de  Pharaon  imitèrent  encore 
ce  second  prodige.  Sept  jours  après, 
Moïse  couvrit  tout  le  pays  d'une 
multitude  de  grenouilles ,  qui  en- 
traient dans  les  maisons ,  et  y  por- 
taient la  plus  grande  incommodité  : 
même  imitation  de  ce  troisième  pro- 
dige par  les  magiciens.  Il  changea  la 
poussière  en  moucherons ,  qui  atta- 
quèrent les  hommes  et  les  bêtes  :  ce 
fut  la  quatrième  plaie;  elle  ne  put  être 
imitée.  Les  magiciens  reconnurent 
hautement  que  le  doigt  de  Dieu  était 
là  :  mais  le  cœur  de  Pharaon  s'endur- 
cit de  plus  en  plus.  Pour  cinquième 
prodige, Moïse  fit  paraître  nnegrande 
quantité  de  mouches,  qui  dévoraient 
tout  en  Egypte,  excepté  dans  la  ter- 
re de  Gessen.  Pour  sixième  plaie  ,  il 


;\i<  il 

étendit  la  mortalité  sur  tons  les  ani- 
maux qui  étaient  dans  les  champs. 
Pour  septième  plaie,  il  répandit  de 
la  cendre  vers  le  ciel ,  et  en  même 
temps  il  se  forma  des  ulcères  en- 
flammes el  des  tumeurs  sur  les  hom- 
mes et  sur  les  animaux.  Pour  hui- 
tième plaie,  il  fit  tomber  une  grêle 
horrible,  qui  écrasa  les  hommes  et 
les  animaux  ,  et  qui  ravagea  les  plan- 
tes et  même  les  ai  bres.  Pour  neuvième 
plaie,  il  fit  souffler  un  vent  brûlant , 
qui  amena  des  sauterelles  en  telle 
quantité,  qu'elles  couvrirent  la  sur- 
face delà  terre  et  causèrent  beaucoup 
de  dégât.  Pour  dixième  plaie  enfin, 
il  forma  des  ténèbres   si  épaisses  , 
qu'elles  étaient  palpables ,  et  qu'on 
ne  se  voyait  pas  l'un  l'autre.  Tous 
les  genres  de  fléaux  semblaient  être 
épuisés,  sans  que  Pharaon  eût  pu  se 
résoudre  à  laisser  partir  les  Israéli- 
tes. Pour  le  déterminer,   Moïse  lui 
annonça  que  le  Seigneur  extermine- 
rait pendant  la  unit  tous  les  premiers 
nés  de?  Égyptiens,  depuis  l' héritier 
présomptif  du  tronc,  jusqu'au  fils 
de  l'esclave.  L'exécution  suivit  de 
près  la  menace.  Alors  les  cris  du 
peuple  forcèrent  le  roi  à  permettre 
aux  Hébreux  de  sortir  de  l'Egyp- 
te.   Des    contradictions    apparentes 
entre  ces  prodiges,  tels  qu'ils  sont 
racontés    dans    l'Exode  ,  celles  qui 
semblent  aussi   résulter  du  récit  de 
Moïse,   et  de  celui  de  David  dans 
ses  Psaumes,  ont  été  n  I 
emphase  par  Voltaire  (  Bible  enfui 
expliquée).hes  commentateurs  n'ont 
rien  laissé  a  désirer   sur  ce  point. 
On  peut  consulter  principalement 
dom  Calmet  el  la  Bible  de  \ 
Disse '-talions  sur  tes  faux  miracles; 
l'abbé  Guénée,  et  l'abbé  du  Contant, 
Exode  expliqué.  )   \<  aut  de  quitter 
la  tei  rdonna 

aux  Hébr< 


MOI  20 1 

gneur,  de  demander  aux  Égyptiens 

ises  d'argent,    des    \ 
et  des  habits,  alin  de  se  les  ap] 
prier.  Cette  conduite  du  chef  du  peu 
pie  de  Dieu  a  été  a  Lolemment  atta- 
quée par  les  incrédules,  et  victorieu- 
sement défendue  par  les  apologistes 
de  la  religion  ,  à  la  tète  desquels  on 
doit  mettre  le  savant  auteur  des 
très  de  quelques  Juifs  portugais  , 
etc. ,  Grotius  et  Puflendorf.  Les  en- 
fants de  Jacob,  sous  la  conduite  de 
Moïse,  sortirent  de  l'Egypte,   j  i.> 
ans  après  que  leurs  pères  y  avaient 
fixé  leur  demeure.  Leur  premier  cam- 
pement, en  quittant  Ramcssès  ,  fut  à 
Socoth  ,  près  de  la  mer  Rouge  ;  le 
second  à  Etham ,  à  l'extrémité  du 
désert  ;  le  troisième  à  Phihahiroth  , 
sur  les  bords  de  la  mer.  C'est  dans 
cette  dernière  station, qu'ils  aperçu- 
rent Pharaon  et  son  armée ,  qui  ve- 
naient à  leur  poursuite.  Moïse  éten- 
dit sa  verge  miraculeuse,  et  ans 
les  eaux  de  la  mer  se  partagèrent  :  le 
peuple  juif  en  traversa  les  abîmes  à 
pied  sec.   Moïse  étendit  encore  sa 
verge,  et  les  eaux  se  rejoignirent, 
pour  engloutir  Pharaon  et  toute  sou 
armée  ,  qui  suivaient  de  près  les  Hé- 
breux. Après  cet  événement ,  Moïse 
fit  chanter  par  le  peuple  un  cantir 
que  de  louanges,  qui  est  un  des  plus 
beaux    poèmes  que    l'on    connaisse. 
Lowih  en  a  fait  remarquer  les  beau- 
tés ,  dans  son  livre  De  sacra  poësi 
Hcbrœorum.\\QY<dn ,  cité  par  Rolliu, 
Traité  des  études ,  en  a  également 
donné  un  commentaire,  que  M.  Fab 
bé  Guillon,  professeur  d'éloquence 
sacrée,  a  adopté  et  perfectionné, 
Leydecker ,  lib.  îr  de  repu! 
brœorum ,  rapporte  une  traduction, 
en  vers  latins,  d e ce  subi im 
faite  par  un  de  ses  amis,  Coi 
Laurimann.  Dans  le  cam] 
I\]ara.  Moi 


rj54 


MOI 


eaux.,  en  y  jetant  un  morceau  deLoîs 
que  le  Seigneur  lui  avait  indique. 
Dans  le  désert  île  Sin ,  il  obtint  de 
Dieu,  par  ses  prières,  un  grand  nom- 
bre de  cailles  pour  la  nourriture  du 
peuple,  et  cette  rosée  du  matin,  qui 
î ut  appelée  manne,  des  mots  hébreux 
m  an- hou  (  qu'est-  ce  que  cela  ?  )  A 
Raphidim  ,  il  fit  jaillir  des  eaux  vives 
du  sein  d'un  rocher,  en  le  frappant 
de  sa  verge.  Il  y  triompha  aussi  des 
Amalécites,  par  la  valeur  de  Jo- 
sué,  et  y  érigea  un  monument  de  sa 
victoire.  Jethro  ,  son  beau  -  père  , 
alla  le  trouver  et  lui  ramena  sa  femme 
et  ses  deux  fils.  Ce  sage  vieillard  lui 
conseilla  de  choisir ,  entre  tout  le 
peuple ,  des  hommes  fermes  et  cou- 
rageux, de  leur  partager  le  com- 
mandement des  tribus ,  et  de  leur 
confier  la  distribution  de  \a  jus- 
tice. De  Raphidim ,  Moïse  arriva  à 
Sinaï,  où  Dieu  donna  la  loi  à  son 
peuple ,  au  milieu  des  éclairs  ,  du 
tonnerre  et  du  plus  terrible  appareil. 
Moïse  descendit  de  la  montagne,  où 
il  était  demeuré  quarante  jours  :  il 
portait  dans  ses  mains  deux  tables  de 
pierre  ,  sur  lesquelles  étaient  gravés 
les  dix  commandements  de  la  loi  ; 
mais  il  les  brisa  dans  son  indigna- 
tion ,  à  la  vue  du  veau  d'or  qu' Aaron 
avait  érigé ,  pendant  son  absence ,  à 
la  demande  du  peuple  :  il  fut  obligé 
d'en  tailler  de  nouvelles;  et  il  re- 
tourna sur  la  montagne,  où  il  passa 
de  nouveau  quarante  jours.  Dans  les 
divers  entretiens  qu'il  eut  avec  l'Eter- 
nel, il  reçut  de  sa  bouche  les  ordon- 
nances morales,  civiles  et  religieuses 
qu'il  promulgua  solennellement,  et, 
suivant  les  rabbins,  les  traditions, 
qui  se  transmirent  comme  de  main 
en  main  jusqu'aux  auteurs  de  la  Mis- 
chna  qui  les  ont  recueillies.  C'est  à 
l'occasion  du  veau  d'or,  fondu  en  si 
peu  de  temps  par  Aaron ,  et  réduit  en 


MOI 

poudre  par  Moïse,  suivi  de  la  puni  lion 
d'environ  vingt-trois  mille  hommes, 
que  Voltaire  n'a  rien  épargné  pour 
rendre  odieux  le  nom  de  ce  législa- 
teur (  V.  l'explication  de  tous  ces 
faits,  dans  les  Lettres  de  l'abbé  Gue- 
née ,  et  dans  Y  Exode  de  l'abbé  du 
Contant  ).  Moïse  étant  de  retour  de 
la  montagne  ,  son  visage  parut  tout 
resplendissant  d'un  éclat  divin  ,  dont 
il  porta  toujours  l'empreinte.  Moïse 
ne  quitta  pas  la  station  de  Sinaï  , 
qu'il  n'eût  achevé  le  tabernacle ,  l'ar- 
che d'alliance,  et  tout  ce  qui  servait 
au  culte  du  Seigneur  ;  qu'il  n'eût 
consacré  le  grand-prêtre,  la  race  sa- 
cerdotale et  les  lévites.  Il  y  fit  aussi 
le  dénombrement  des  tribus  d'Israël, 
assignant  à  chaque  famille  le  rang 
qu'elle  devait  occuper  à  jamais  dans 
la  Palestine.  A  Hazerolh,  le  Seigneur 
glorifia  son  serviteur  ,  en  couvrant 
d'une  lèpre  honteuse  Marie  et  Aaron, 
qui  s'étaient  livrés  à  des  murmures. 
Du  désert  de  Pharan,  Moïse  fit  partir 
un  des  principaux  de  chaque  tribu  , 
pour  reconnaître  la  terre  promise,  et 
lui  en  faire  un  rapport  exact.  Les 
envoyés,  à  l'exception  de  Caleb  et  de 
Josué,  exagérèrent  tellement  les  dan- 
gers dont  ils  avaient  été  frappés,  que  le 
peuple  tomba  dans  le  désespoir  et  se 
plaignit  amèremeut  d'avoir  été  séduit 
par  Moïse.  Il  se  serait  peut-  être  porté 
àdesexcèseontrelui,  sile  Seigneur  ne 
l'avait  protégé  visiblement,  et  n'a- 
vait frappé  les  séditieux  de  mort  subi- 
te. Israël  étaitencoredans  ce  campe- 
mentlorsqueCoré,  Dalhanet  Abiron, 
jalouxde  la  prééminence  d'Aaro 
révoltèrent  coutrerautoritéde  Moïse. 
Cette  révolte  fut  étouffée  d'une  ma- 
nière miraculeuse  :  à  la  voix  de  cet 
homrnede Dieu, la  terre  sefenditsous 
les  pieds  des  rebelles ,  et  les  engloutit 
dans  son  sein,  eux,  leurs  familles  et 
toutes  leurs  richesses.  Ce  châtiment. 


MOI 

loin  d'intimider  le  peuple,  l'irrita 
contre  son  chef,  et  le  lendemain  il 
se  ligua  pour  le  perdre.  Le  Seigneur 
lit  mourir  quatorze  mille  sept  cents 
des  plus  coupables;  et  il  en  aurait 
puni  un  plus  grand  nombre  ,  si 
Moïse  n'avait  fléchi  sa  colère.  Dans 
le  désert  de  Sin,  près  de  Cadès,  les 
Israélites,  ne  trouvant  point  d'eau 
pour  se  désaltérer,  murmurèrent  se- 
lon leur  coutume,  et  renouvelèrent 
contre  leur  chef  le  reproche  de  les 
avoir  tirés  de  l'Egypte,  pour  les 
faire  périr  dans  ces  lieux  arides. 
Moïse  frappa  deux  fois  (  i  )  le  rocher 
de  sa  verge,  et  il  eu  sortit  des  eaux 
abondantes.  De  là ,  il  adressa  des  am- 
bassadeurs au  roi  d'Édom  ,  pour  lui 
demander  un  passage  à  travers  sou 
pays  ;  ce  qui  lui  fut  refusé.  Aaron 
étant  mort  sur  la  montagne  de  Hor, 
Moïse  revêtit  Éléazar  des  habits  pon- 
tificaux, et  le  reconnut  pour  grand- 
prêtre.  Vers  le  même  temps,  il  vain- 
quit le  roi  d'Arad,  qui  avait  réduit 
en  captivité  quelques  espions  israé- 
lites.  Dans  le  circuit  qu'on  fut  obligé 
de  faire  pour  ne  point  eu  lier  dans  le 
pays  d'Edom  ,  les  Hébreux  méritè- 
rent, par  leur  indocilité,  que  le  Sei- 
gueur  leur  envoyât  des  serpents  de 
feu  pour  les  dévorer;  et  ils  n'en  fu- 
rent préservés  que  par  L'inauguration 
d'un  serpent  d'airain  ,  qui  fut  ex- 
posé à  tous  les  regards,  au  milieu 
du  camp.  Moïse  coin]  cette 

époque,  un  cantique,  qui  comm 
par  ces  mots  :  Chantons  ce  <jiie  le 

a  fait  dans  la  mer  Ri 
et  ce  qui  regardâtes  eaux  du  torrent 
non;  et  uu  autre,  à  Béer,  qui 

cou;'  i  :   0 puitS. 

vas  eaux:  n'existent  plus. 


'■"■'  ,"'  I""""  '"■  :  i  d'Iiésita. 

i  itrer   lui 


MOI 


(  Voy.  Buddaeus  ,  Historia  eccle- 
siastica  veteris  Tèstamenti ,  tome 
Ier.  )  De  Pharga  ,  il  lit  demand 
Sehon,  roi  des  Amorrhéens ,  un  pas- 
sage par  son  pays.  Sehon  ne  l'ac- 
corda point  :  on  entra  de  vive  force, 
et  son  pays  fut  livré  au  pi liage.  Ogr 
roi  de  Basait,  ayant  levé  une  année 
contre  Moïse,  le  Seigneur  le  lui  livra, 
et  il  fut  taillé  en  pièces.  Tandis  qu'Is- 
raël était  campé  à  Setlim,  le  peuple 
s'abandonna  au  péché  avec  les  filles 
de  Moabet  deMadian.  En  exécution 
des  ordres  du  Seigneur,  Moïse  or-< 
donna  la  peine  de  mort  contre  tous 
ceux  qui  furent  convaincus  de  forni- 
cation. Il  ne  tarda  pas  à  se  porter 
sur  les  terres  des  Madianites  ;  le 
ravage  fut  horrible,  et  le  butin  con- 
sidérable. Moïse  paraît  n'avoir  en 
aucune  part  dans  la  division  qui 
s'en  lit.  Peu  de  temps  après,  il  an- 
nonça aux  enfants  d'Israël  que  ceux 
qui  étaient  sortis  d'Egypte  depuis 
l'âge  de  vingt  ans  et  au-dessus,  n'en- 
treraient point  dans  la  terre  promise, 
excepté  Josuéet  Caleb.  Bientôt,  d'a- 
près des  demandes  réitérées,  il  mit 
en  possession  de  Galaad les  tribus  de 
Gad  et  de  Ruben  ,  et  la  moitié  de  la 
tribu  de  Manassé.  Le  premier  jour 
du  onzième  mois  de  la  quarantième 
année  depuis  la  sortie  d'Ég} 
dans  une  plaine  du  désert ,  "entre 
Pharan,  Thpphel,  Laban  et  H 
roth,  il   rappela  aux  Hébreux  tout 

ie  le  Seigneur  avait  fait  pour 
eux,  tous  les  événements  qui  leur 
étaient  arrivés  ,  et  finit  par  leur  an- 
noncer que  le  Seigneur  L'avait  averti 
qu'il  serait  privé  de  la  satisfaction 
luire  dans  l'héritage  pru- 
nus a  leurs  pères.  (  Voyezles  j  pre- 
miers chapitres  du  D< 
lit  ensuite  une  second 

loi, qu'il  ai 
dictions  pour  ceux  <p 


a56  M< 

raient,  et  de  grandes  malédictions 
pour  les  iniraçteurs  (Deutéronotne , 
chap.  iv-xxx).  11  ne  se  contenta  pas 
de  publier  la  loi  de  vive  voix;  il  la 
fit  écrire  dans  il/)  livre,  composa 
mi  cantique  qu'il  fit  apprendre  par 
cœur,  et  q  li  commence  par  ces  mots  : 
deux,  prêtez  l'oreille,  etc.  (Dcut. 
chap.  xxxn.  )  Outre  les  commenta- 
teurs du  Pentateuqué,  qui  l'ont  ex- 
pliqué,  on  peut  distinguer  le  gros 
ouvrage  du  jésuite  Balthasar  Paëz, 
dans  lequel  il  y  a  beaucoup  d'érudi- 
tion. Moïse,  se  voyant  près  de  sa 
fin ,  donna  ses  dernières  instruc- 
tions à  chacune  des  tribus.  Il  monta 
sur  la  montagne  de  Nébo ,  d'où  il 
pouvait  distinguer  tout  le  pays  de 
Galaad  jusqu'à  Dan ,  et  il  s'endormit 
dans  le  Seigneur,  à  l'âge  de  six-vingts 
ans.  11  n  avait  éprouve  aucune  des 
incommodités  de  la  vieillesse.  Les 
Hébreux  le  pleurèrent  pendant  trente 
jours.  Josué fut  son  successeur.  On  lit 
dans  le  Deutérononie,  qu'il  ne  s'éleva 
plus  dans  Israël  de  prophète  sem~ 
blable  à  Moïse ,  à  qui  le  Seigneur 
parlât  comme  à  lui  face  à  face,  ni 
qui  ait  agi  avec  un  bras  si  puissant, 
et  qui  ait  fait  des  œuvres  aussi 
grandes  et  aussi  Inerveilleuses  ;  et 
dans  le  livre  des  Nombres,  chap.  xii, 
que  c  et i-.it  l'homme  le  plus  doux 
qui  fût  sur  la  terre.  «  Moïse,  dit 
l'Ecclésiastique,  chap.  xlv  ,  vers. 
1-6,  a  été  aimé  de  Dieu  et  des  hom- 
mes,et  samémoireesten  bénédiction. 
Le  Seigneur  l'a  environné  d'une  gloire 
égale  a  celle  des  saints;  il  l'a  rendu 
grand  et  redoutable  à  ses  ennemis; 
et,  à  sa  parole,  il  a  fait  cesser  les 
plaies  les  plus  étonnantes.  11  l'a  élevé 
en  honneur  devant  les  rois  ;  il  lui 
a  prescrit  ses  ordonnances  pour 
son  peuple ,  et  lui  a  fait  voir  sa 
gloire.  11  l'a  sanctifié  par  la  foi  et 
par  la  douceur  qu'il  lui  a  inspirée. 


MOI 

et  l'a  choisi  d'entre  tous  les  hom- 
mes. Il  lui  a  fait  entendre  sa  voix, 
et  l'a  introduit  dans  la  nuée.  Il  lui  a 
parlé  face  à  face  pour  lui  donner  ses 
préceptes  ,  qui  contenaient  la  loi  de 
vie  et  de  science.  »  L'apôtre  saint 
Paul  (  Epi tre  aux  Hébreux,  chap.  xi, 
versets  '23-'2S),lui  paye  également 
son  tribut  d'éloges.  Saint  Jude  rap- 
porte que  le  Diable  se  querella  avec 
l'archange  Michel ,  au  sujet  du  corps 
de  Moïse;  mais  on  ne  trouve  rien  de 
semblable  dans  le  canon  judaïque. 
Celte  dispute  de  Michel  avec  le  Dia- 
ble n'est  que  dans  un  livre  apocryphe, 
intitulé  :  Analypse  de  Moïse  ,  cité 
par  Origène  ,  livre  3  des  Principes. 
Voltaire  ,  qui  a  montré  une  si  vio- 
lente animosité  contre  les  écrivains 
sacrés  ,  s'est  particulièrement  dé- 
chaîné contre  Moïse.  Il  a  commencé 
par  nier  son  existence  {Dictionnai  e 
philosophique ,  art.  Moïse;  Philoso- 
phie de  V histoire;  Pyrrhonisme  de 
l'histoire  ).  Celte  opinion  a  trouve 
peu  de  partisans  ;  elle  ne  doit  point 
en  avoir  chez  les  Juifs  et  chez  le;> 
Chrétiens,  qui  voient  à  chaque  page, 
dans  leurs  livres  sacrés,  que  Moïse  est 
un  personnage  réel . et  véritable  (  i ). 
Voltaire  n'a  pas  eu  plus  de  raison 
d'attaquer  la  certitude  des  miracles 
opérés  en  Egypte  par  Moïse,  sous 
prétexte  que  d'anciens  écrivains  n'en 
ont  point  parlé.  Parce  que,  ni  Sancho- 
niaton  le  Phénicien ,  ni  Manéthon  , 
ni  Chérémon,  auteurs  Egyptiens  ,  ni 
Ératosthène ,  ni  Hérodote  ,  ni  Dio- 
dore  de  Sicile  ,  qui  ont  tant  écrit  sur 
l'Egypte ,  n'ont  dit  un  seul  mot  de 


(i)  Il  paraît  (jue  Voltaire  n'était  pas  bien  convaincu 
de  la  non-existence  de  Moïse  ,  ou  que  ramené  parles 
objections  de  ses  adversaires  ,  il  revint  à  l'opinion 
générale  :  car  ,  dans  un  écrit  posthume  ,  (  Diction». 
philosop/i.  art.  MoïSE  ,  sect.  i  )  ,  il  dit  positivement 
qu'on  ne  fient  douter  qu'il  y  ail  eu  un  Moi  se  légis- 
lateur du  peuple  juif;  rétractation  précieuse  de  la 
part  d'un  homme  qui  uVtait  guère  dans  l'usage  d'en 
&ir«.  T— D. 


MOI 

ces  terribles  miracles  qui  durent  lais- 
ser d'eux  une  mémoire  durable,  et 
effrayer  les  hommes  de  siècle  eu  siè- 
cle, s'ensuit-il  que  ces  miracles  n'aient 
point  étéopérés?  Que  prouveie  silence 
de  quelques  écrivains  ,  sur  des  faits  , 
quand  ils  sont  rapportés  par  tant 
d'autres  ,  bien  instruits  et  dignes  de 
loi?  Voltaire  suit  pas  à  pas  Moïse, 
dans  ses  quarante-deux  campements 
depuis  la  sortie  d'Egypte  ;  et  a  cha- 
que instant  il  relève  avec  malignité, 
ou  la  prétendue  dureté  du  législateur 
des  Hébreux  ,  ou  sa  mystérieuse  con- 
duite (  F.  sur  ce  point  l'abbé  Guenée, 
et  l'abbé  du  Contant  de  la  Molette  ). 
Le  philosophe  de  Ferney  n'a  pas  le 
même  iort  en  tournant  en  ridicule  le 
système  du  docte  Huet,  qui  a  pré- 
tendu que  Moïse  était  Bacchus  :  celui 
de  l'abbé  Guérin  du  Rocher  (  His- 
toire véritable  des  temps  fabuleux  ), 
lui  donnait  encore  plus  de  prise. 
Quant  aux  attaques  qu'il  a  dirigées 
contre  la  législation  de  Moïse,  elles 
sont  anéanties  par  quelques-uns  des 
auteurs  que  nous  avons  indiqués  ,  et 
par  Selden ,  Louis  de  Dieu,  Spencer, 
Cuneus  ,  Basnage  ,  Méuochius,  Ley- 
decker  ,  Constantin  Lempercur,  par 
M.  de  Pastoret  (  Moïse  considéré 
comme  législateur,  Paris,  1788, 
in  -  8°.,  Histoire  de  la  législation , 
18 iG,  in-8u.  ),  et  surtout  par  le 
savant  J.  D.  Michaëlis  ,  qui  tous  ont 
aprofondi  la  matière.  Il  n'est  pas 
sans  intérêt  de  voir  ici  ce  qu'en 
ut  J.-J.  Rousseau  :  «  La  loi  ju- 
daïque ,  toujours  subsistante  ,  an- 
nonce encore  aujourd'hui  le  grand 
homme  qui  l'a  dictée •  et  taudis  que 
l'orgueilleuse  philosophie  ou  l'aveu- 
pril  <le  parti  i.e  voit  en  lui 
qu'un  heureux  imposteur ,  le  vrai  po- 
litique ad-  les  institutions, 
ce  grand  et  puissant  g<  nie  qui    pré- 

v.\  cia!i!i  durables.  » 

w 


MOI 


257 


(  Contrat  social ,  liv.  1 ,  chap.  7  ). 
Moïse  a-t-il  écrit  le  Pentateuque,  tel 
qu'il  est  aujourd'hui  ,  ou  b:en  des 
écrivains  postérieurs  Font-ils  com- 
posé d'après  ses  Mémoires  ?  \ 
Kzra,  Maïmonidc,  Spinosa,  Ilobbcs, 
La  Peyreire,  Richard  Simon  ,  Jean 
Leclerc  ,  Newton,  Middleton,  Vol- 
taire ,  etc.  ,  ont  cru  que  Moïse  n'é- 
tait pas  l'auteur  du  Pentateuque  * 
mais  ils  ne  se  sont  pas  accordés 
sur  l'écrivain  auquel  il  fallait  l'at- 
tribuer. Il  était  facile  de  prouver 
que  le  Pentateuque  est  l'ouvrage 
de  celui  dont  il  porte  le  nom  ;  et 
c'est-lace  qu'ont  fait  avec  avantage 
plusieurs  savants  du  premier  or- 
dre, dans  toutes  les  communions 
chrétiennes  ,  les  Bossuct ,  les  Clé- 
mence, les  Dupin,  les  Jahn,  les  Mi- 
chaëlis, les  Rosenmuller,  les  Duvoi- 
sin  ,  etc.  Voyons  de  quelle  manière 
l'illustre  Bossuet  expose  les  motifs 
qu'allèguent  les  adversaires,  pour 
ôter  à  Moïse  la  gloire;  d'avoir  écrit 
le  Pentateuque  :  «  Puisque  de  nos 
»  jours  on  a  bien  osé  publier  en  tou- 
»  tes  sortes,  de  langues,  des  livres 
»  contre  l'Ecriture  ,  il  ne  faut  point 
»  dissimuler"  ce  qu'on  dit  pour  dé- 
»  crier  ses"  antiquités.  Que  dit-on 
»  donc  pour  autoriser  la  supposi- 
»  tion  du  Pentateuque?  et  que  peut- 
»  on  objecter  à  une  tradition  de  trois 
»  raille  ans,  soutenue  par  ses  pro- 
»  près forcesetparlasuitedes choses? 
»  Rien  de  suivi ,  rien  de  positif, 
»  rien  d'important*  des  chicanes  sur 
»  des  nombres  ,  sur  des  lieux  ,  ou 
»  sur  des  noms  ;  et  de  telles  obser- 
»  rations  qui  ,  dans  toute  autre  ma- 
lt hère,  ne  passeraient  tout  au  plus 
»  que  pour  de  vaines  curiosin 
»  capables  de  donner  atteinte  au  fond 
»  des  choses,  nous  sont  ici  aile.; 
»  comme  faisant  la  décision  de  I 

»  tain;   la    plus  scrute  qui  lVit    j  1 


258 


MOI 


»  mais  !  »  Et  il  discute  les  alléga- 
tions des  adversaires  ,  avec  cette 
force  de  raison  et  d'éloquence  qui 
le  caractérise.  (  Voyez  Discours  sur 
V Histoire  universelle ,  seconde  par- 
tic  ,  n°.  i3.  )  Après  avoir  essayé 
d'enlever  le  Pcntateuque  à  Moïse ,  on 
a  chicané  sur  chacune  de  ses  parties. 
Il  n'est  point  d'événement  sur  lequel 
ne  se  soit  exercé  l'esprit  de  critique. 
Le  plan  de  cette  Biographie  ne  nous 
permet  pas  d'entrer  dans  l'e'numé- 
ration  des  traités  qui  ont  été  com- 
posés au  sujet  de  chaque  ligne  du 
Pentateuque,  si  l'on  peut  parler  ainsi. 
Ce  recueil  a  eu  des  commentateurs 
généraux  et  particuliers.  Parmi  les 
Juifs  et  parmi  les  Chrétiens  ,  on 
peut  remarquer  Âben  Ezra ,  Maï- 
monide,  Iarchi,  Abarbanel ,  Aaron 
Ariscon,  Cornélius  à  Lapide,  Me- 
nochius ,  Bonfrère  ,  saint  Jérôme  t 
dom  Calmet ,  Sacy ,  la  Bible  de  Ven- 
ce,  Rosenmuller,  Ainsworth  ,  et  au- 
tres, cités  par  Rosenmuller,  en  têfe 
de  son  commentaire;  le  P.  Mcrsen- 
ne  (  Quœstiones  celeberrimœ  in  Ge- 
nesim  ) ,  Duguet,  Alix^Aretin ,  sur 
le  même  livre  ;  Astruc  (  Conjectures 
sur  la  Genèse  ) ,  etc.  Les  objections 
physiques  et  géologiques  par  les- 
quelles on  a  prétendu  attaquer  le 
récit  de  Moïse  ,  ont ,  de  nos  jours  , 
été  victorieusement  réfutées  par  de 
Luc  et  le  P.  Ghrysologtje  de  Gy 
(  Voy.  leurs  articles,  XXV,  334, 
et  VIII  ,  497  ).  On  a  attribué  à 
Moïse  le  livre  de  Job  ,  ou  du  moins 
sa  traduction  en  hébreu  (  V.  ce  nom, 
XXI ,  57-2  ).  On  lui  a  aussi  attribué 
quelques  psaumes ,  et  particulière- 
ment celui  qui  porte  son  nom  (  le 
90e.)  Bossuet,  d'après  saint  Jérôme, 
ne  trouve  point  d'inconvénient  à  le 
lui  accorder  (Voy.  sa  Première  dis- 
sert, sur  les  Psaumes).\\  n'en  est  pas 
de  même  de  quelques  autres  ouvra- 


MOI 

ges  :  il  serait  ridicule  de  dire  qu'ils 
sont  de  lui.  (  Voy.  J.  A.  Fabricius, 
Codex  pseudo-epigraphus  veteris 
Testamenti ,  tome  Ier. ,  où  l'on  trou- 
vera des  choses  fort  curieuses  sur 
Moïse  ;  et  Buddœus ,  Historia  eccle- 
siastica  veteris  Testamenti ,  tome 
Ier.)  Les  Orientaux,  amateurs  du 
merveilleux,  racontent,  entre  beau- 
coup d'autres  fables  ,  que  Moïse  , 
après  avoir  long-temps  prêché  au  roi 
Pharaon,  qui  était  athée  et  tyran, 
l'existence  d'un  Dieu  éternel ,  et  la 
création  du  monde,  voyant  qu'il 
ne  gagnait  rien  sur  son  esprit ,  ni 
sur  celui  de  sa  cour ,  fit  bâtir  en 
secret  un  beau  palais ,  dans  un  en- 
droit désert,  à  deux  journées  d'une 
maison  de  campagne  où  le  monar- 
que passait  tous  les  étés  ;  et  quelques 
années  après  ,  il  fit  ensorte  que  Pha- 
raon ,  étant  à  la  chasse,  allât  de  lui- 
même  de  ce  côté-là.  Le  prince,  aper- 
cevant de  loin  un  grand  édifice  dans 
ce  lieu  désert,  voulut  voir  ce  que 
c'était,  et  demanda  qui  l'avait  fait 
bâtir?  Personne  delà  suite  n'ensavait 
rien  ;  Moïse  à  la  fin  s'avança ,  et  dit 
au  roi  qu'il  fallait  que  ce  palais  se 
fût  bâti  de  lui-même  :  le  roi  se  mit 
à  rire  ,  et  lui  dit  que  pour  un  hom- 
me qui  se  disait  prophète  ,  c'était 
une  belle  chose  à  dire,  qu'un  tel  pa- 
lais se  fût  fait  de  lui  -  même,  au  mi- 
lieu du  désert.  Moïse  arrêta  Pharaon 
là-dessus,  et  lui  dit  :  Fous  trouvez 
extravagant  qu'on  dise  que  cette 
maison  s'est  faite  d'elle-même, 
comme  étant  une  chose  impossible; 
et  cependant  vous  croyez  bien  que 
ce  monde  s'est  fait  de  lui-même.  Si 
ce  beau  palais,  qui  n'est  qu'un  ato- 
me en  comparaison ,  ne  peut  être 
venu  de  soi-même  en  ce  désert , 
comme  en  effet  cela  est  impossi- 
ble ,  combien  plus  ést-il  impossible 
que  ce  monde ,  aussi  solide,  aussi 


MOI 

grand  et  aussi  admirable  qu'il  Vest 
dans  toutes  ses  parties ,  se  soit  fait 
de  lui-même,  et  ne  soit  pas  au  con- 
traire l'ouvrage  d'un  architecte 
très- sage  et  tres-piussant.  Le  roi 
fut  convaincu  par  ce  raisonnement , 
et  adora  Dieu,  comme  Moïse  lui  en- 
seigna de  t'ait  e  (  J.  Chardin,  Descrip- 
tion de  la  Perse,  tome  x .  page  4 6  ). 
D'Herbelot ,  dans  sa  Bibliothèque 
orientale ■-,  rapporte  plusieurs  anec- 
dotes sur  Moïse,  d'après  les  Musul- 
mans (Art.  Moussa  ben  Àmran,  qui 
est  très-curieux  j  Feraoun,  Pharaon; 
Caroun,  Gore'j  Saoum,  Amal,  etc.) 
Outre  les  auteurs  que  nous  avons  in- 
diques, on  peut  consulter  :  J.  Tlumi. 
Fregii  Mosaicus ,  Bàle  ,  1  583  ,  in- 
8°.  —  De  vitd  et  morte  Mosis  Ubri 
très ,  traduit  de  L'hébreu,  par  Gaul- 
min,  Paris,  i6'2§;  Hambourg,  avec 
unepréfacedeFabricius,  1 7  1  £,in-8°. 
— Phùon,  vit  a  Mosis. — IjeTarguni, 
le  Zoar,  le  schialceth  hakkaba- 
la. — J osèphe,  antiquités  judaïques. 
—  Spon,  Becherches  curieuses  d'an- 
tiquités. —  The  divine  légation  of 
Moses  demonstrated,  par  Guillaume 
Warhurton  ,  cvêque  de  Glocesler  , 
imprimée  plusieurs  l'ois,  5  vol.,  in- 
8°.,  et  les  réfutations  qui  en  ont  été 
faites  par  Lowth,  etc.    L — b — e. 

MOÏSE  (François-Xavier),  sa- 
vant théologien,  ne  le  11  décembre 
1  7 4'-*  7  àUX  Gras  ,  village  d<  Fr,ui- 
che-Comté,  acheva  ses  études  d'une 
manière  brillante,  et  concourut,  à 
l'âge  de  vingt-sept  ans,  pour  une  des 
chaires  de  théologie  de  L'univer- 
sité de  Besançon.  Présenté  !<■  pre- 
mier par  les  juges  du  concours  , 
ii  eut  !«•  chagrin  A-  <v  voir  préférer 
nu  de  ses  rivaux  :  le  cardinal  de 
Choiseul  ,  afin  de  !<•  consoler ,  le 
lit   nommer    |>>  m    collège 

royal  de  Dole. 
coude  l'ois  sur  les  rangs .  pour  une 


MOI  irj9 

chaire  à  l'université  ,  après  la  mort 
du  savant  abbé  Bujlet ,  et  ne  fui 
plus  heureux;  mais  il  fut  dédomma- 
gé de  celte  nouvelle  mortification, 
par  le  plaisir  de  voir  les  élèves,  dé- 
serter les  bancs  de  l'université,  pour 
aller  l'entendre  à  Dole,  où  sa  réputa- 
tion attirait  une  foule  d'auditeurs 
de  toutes  les  provinces  voisines.  Ce 
furent  peut-être  les  injustices  qu'il 
croyait  avoir  essuyées,  qui  le  jetèrent, 
en  1790  ,  dans  le  parti  du  clergé  fa- 
vorable à  la  révolution.  Il  prêta  le 
serment  de  la  constitution  civile,  fut 
nommé  évêque  du  Jura  par  l'assem- 
blée électorale  de  ce  département ,  et 
sacré  à  Paris  ,  le  1  o  avril  1 791.  Pen- 
dant la  terreur  ,  il  fut  enfermé  ou 
obligé  de  se  cacher  dans  les  monta- 
gnes. Ce  traitement  ne  refroidit  point 
son  zèie  pour  la  catfce  qu'il  avait 
embrassée.  Il  adhéra  aux  deux  en- 
cycliques publiées  par  les  évoques 
constitutionnels  en  179$,  et  parut 
aux  conciles  tenus  par  eux  en  1.797 
et  en  1 80 1 .  On  trouve  ,  dans  les  An- 
nales de  ce  parti  ,  un  discours  de 
lui ,  sous  le  litre  de  Considérations 
surle  Saint-Siège  (tome  vu,  p.  1 3o). 
11  avait  essayé,  en  1798,  de  tenir 
un  synode  dans  son  département  : 
mais  l'administration  l'en  empêcha; 
et  une  semblable  tentative  qu'il  fit 
en  1800,  ne  fut  pas  plus  heureuse. 
Les  ac^es  du  concile  de  1801  ,  ren- 
ferment (tome  m,  p;ig.  i»->),  un 
long  rapport  qu'il  fit  sur  les  démis- 
sions  demandées  aux  éyêquesj  rap- 
port où,  entre  autres  choses  assez 
étranges  ,  ii  disait  que  les  sièges  des 
constitutionnels  étaient  remplis  plus 
canoniqueraent  que  Le  Saint -Siège 
même,  le  chagrin  d'être  obi; 
se  démettre  ,  paraît  ayoir  dv  ' 
en  it  assez  peu  modère',  ainsi  qu'une 
lettre  que  MoiseeJ  ML  Gré] 
sèrent  de  concert  au  pag>e  ,  le    li 


2Go 


MOI 


octobre  1801  ,.  pour  annoncer  leur 
démission.  Ces  deux  prélats  étaient 
fort  lies;  et  Moïse  eutniême  la  com- 
plaisance de  publier  eu  180 1  ,  pour 
la  défense  de  son  ami ,  un  petit  écrit 
intitulé  :  De  V 'opinion  de  M.  Gré- 
goire dans  le  procès  de  Louis  XVI, 
où  il  dit  ingénument  qu'à  la  véri- 
té M.  Grégoire  a  condamné  Louis 
XVI,  mais  qu'il  l'avait  condamné 
à  vivre  ;  ce  qui  parut  un  peu  ridi- 
cule. Moïse  quitta  Paris  peu  après  , 
fut  fait  chanoine  honoraire  de  Be- 
sançon par  Lecoz,  et  se  retira  dans 
une  petite  ferme  qu'il  possédait  à 
Morteau.  Il  partagea  dès -lors  son 
temps  entre  l'étude  et  les  travaux 
agricoles.   Le    costume   qu'il   avait 
adopté  ,  ne.  différait  point  de  celui 
des  autres  montagnons;  et  il  a  joui 
plusieurs  fois*de  la  surprise  des  étran- 
gers ,  étonnés  de  trouver  un   pay- 
san qui  parlait  avec  une  facilité  et 
un  choix  d'expressions  que  ne  donne 
pas  toujours  l'éducation  la  plus  cul- 
tivée. Il  était  versé  dans  l'histoire 
civile  et  ecclésiastique,  dans  le  droit- 
canon  et  les  langues  orientales;  et  sa 
bibliothèque,  qu'il  avait  formée  lui- 
même,  était  riche  en  ouvrages  de 
son  état.  Moïse  mourut  dans  cette 
retraite  ,  le  7  fëvil^i  ï8i3.  On  a  de 
lui  :  Réponses  critiques  aux  incré- 
dules ,  sur  plusieurs  end  oits  des 
Livres  saints  ,  Paris  ,  1783,  in- 12. 
Ce  livre  forme  le  tome  quatrième  de 
l'ouvrage  de   l'abbé  Ballet  (  V.  ce 
nom  );  mais  on  a  fait  disparaître  le 
nom  de  Moïse  dans  les  réimpressions 
publiées  récemment.  Il  a  laissé  en 
manuscrit  deux  volumes ,  qui  termi- 
nent cet  important  ouvrage;  on  peut 
présumer  que,  s'ils   paraissent   ja- 
mais, ce  ne  sera   pas  sous  le  nom 
de  leur  auteur.  Outre  plusieurs  let- 
tres pastorales ,  d<js   mandements  , 
etc.;  on  a  de  Moïse  plusieurs  petits 


MOI 

écrits,  insérés  dans  les  Annales  de 
la  religion,  par  Desbois  de  Roche- 
fort  ;  et  il  a  laissé ,  entre  les  mains 
d'un  de  ses  amis,  une  Défense  des 
libertés  de  V Eglise  gallicane,  dont 
on  promet  la  publication.  On  trouve 
dans  la  Chronique  religieuse,  tome 
v,  pag.  385  ,  nue  Dissertation  sur 
l'origine  des  fausses  décretales,  qui 
est  attribuée  à  cet  évêque  ,  et  qui 
forme  4o  pages.  P — c — t  et  W — s. 

MOÏSE  ALSCHECH,  filsdeRahbi 
Chajim  ,  flo lissait  vers  le  milieu  du 
seizième  siècle  ,  à  Saphet  ,  ville 
de  la  haute  Galilée  ,  dont  il  élait 
grand- rabbin.  Il  jouissait  d'une  ré- 
putation distinguée  parmi  ses  co-ré- 
ligionnaires,  comme  prédicateur,  et 
comme  interprète  des  Livres  saints. 
Il  a  laissé  sur  tous  les  livres  de  l'An  - 
cieu-Teslament ,  des  Commentaires 
également  estimés  des  Juifs  et  des 
Chrétiens  qui  s'appliquent  à  l'étude 
des  rabbins.  Richard  Simon  le  range 
parmi  les  meilleurs  commentateurs 
de  l'Écriture.  Constantin  Lempereur 
en  fait  aussi  un  grand  éloge.  Ses 
Commentaires  surl'Ecclésiaste,  les 
Lamentations ,  Ruthet  Esther,  ont 
été  imprimésensemble,  Venise,  1601, 
in-4°. ;  Prague,  1610,  in-fol.;  Ams- 
terdam ,  1 098 ,  in- 1 2  :  ses  Commen- 
taires sur  les  grands  Prophètes,  Ve- 
nise ,  1620,  et  Francfort-sur-Mein  , 
1719,  in-fol.  :  ses  Commentaires  sur 
les  :  etits  Prophètes  ,  léna  ,  1 720  j 
su r  les  Psaumes  ,  Venise  ,  1 6o5  , 
in-4°.j!  Iéna,  1721  ,  in-fol.;  sur  le 
Pentateuque,  Venise,  160  r ,  in-fol., 
Prague,  1616,  in-fol.  F.  Wolf. 
Bibl. ,  hehr. ,  tomes  1  et  m.    L-e-e. 

MOÏSE  ben  NACHMAN,  célèbre 
rabbin  espagnol  du  treizième  siècle, 
naquit  à  Girone,  en  1 194.  Les  Juifs 
l'appellent  Ramban,  nom  formé  des 
initiales  des  quatre  mots,  Rabbi  Mo  se 
ben  Nachman.  Il  étudia  et  pratiqua 


MOT 

la  médecine  avec  succès,  et  ne  fit  pas 
moins  de  progrès  dans  les  sciences 
qui  conduisent  à  l'intelligence  de  la 
loi  et  du  Talmud.  L'éloquence  ne  lui 
fut  pas  étrangère;    et    un  discours 
qu'il  prononça  devant  le  roi  de  Cas- 
tille  (  Prague ,  1 5»)7  ,  in-4°.  ),  lui  mé- 
rita la  dénomination  de  père  de  V  élo- 
quence, qu'il  ajouta  aux  titres  depère 
de  la  sagesse,  de  luminaire }  de  fleur 
de  la  couronne  de  sainteté ,  que  lui 
avaient  valu  ses  vastes  connaissances. 
Aussi   philosophe  que  Maïmonide  , 
presque  son  contemporain,  il  adopta 
ses  opinions,  qu'il  défendit  avec  cha- 
leur, et  qui  lui  attirèrent  des  enne- 
mis, entre  autres  le  rabbin  Méir.  Il 
avait  d'abord  méprisé  la  cabale;  mais 
il  en  goûta  insensiblement  les  subti- 
lités ,  et  y  devint  fort  habile.  Il  ne  se 
borna  pas  à  la  spéculative  ;  il  se  jeta 
dans  la  pratique   ou  Yopérante.  Il 
trouvait  tout  ce  qu'il  voulait  dans 
le   Cantique   de  Moïse  (  Deutéro- 
norae  xxxn  ').  On  raconte  qu'un  de 
ses  disciples  l'ayant  défié  d'y  trouver 
son  nom  d' Abner ,  Ramban  lui  cita 
aussitôt  le  verset  26  :  J'ai  dit. ...j'a- 
bolirai  leur   mémoire    d'entre   les 
hommes.  La  troisième  lettre  de  cha- 
que mot ,  dans  la  langue  hébraïque, 
compose  celui  d! Abner.  Le  disciple, 
effrayé,  demanda  s'il  n'y  avait  point 
de  pardon  pour  lui  ?  —  Vous  avez 
entendu  les  paroles  de  V Ecriture , 
répondit  Ramban.  Abner,  au  déses- 
poir, se  jeta  dans  un  vaisseau  sans 
voiles  et  sans  5am.es,  et  on  ne  le  re- 
vit  jamais,  bai  ia63,  Jacques,  roi 
d'Aragon,  voulut  que  ce  rabbin  en- 
trât  en   conférence,  à   Barcelone, 
docteurs  catholiques.  Ram- 
ban disputa  plusieurs  jours  en  pré- 
•  du  ""  -  de  m  cour,  et  d'une 
foule  immense,  »  ontre   frère  Paul 
i  li.iui  ,  reli  mûneain,  et 

on  seul  jour  contre]  Martin, 


MOI  261 

religieux  du  même  ordre,  auteur  du 
Pugio  jidei.    Chacun   s'attribua  la 
victoire,  comme  il  arrive  ordin 
ment  dans  ces   sortes  de  disputes. 
François  Bosquet,  évêque  deLodèvé, 
dans  une  lettre  à  Joseph  Duvoisin , 
qui  se  trouve  en  tète  du  Pugio 
assure  que  le  rabbin  Moïse  Nach- 
manide  fut  réduit  au  silence  par  ses 
adversaires ,   notamment   par  Rai- 
mond  Martin;  mais  cette  dernière 
circonstance  prouverait  que  le  récit 
des    catholiques  n'est  pas  .tut lien- 
tique,  puisque  Martin  parla  très-peu, 
et  que  frère  Paul  soutint  seul  tout  le 
choc,  suivant  l'édit  du  roi ,  qui  pa- 
rut après   la    conférence,  et  qu'on 
trouve  dans  Wagenseil  (  Tela  i^nea 
Satanœ  ,  tome  11  ) ,  mais  non  dans 
le    Codex    legum    antiquarum   de 
Lindcnbroch,  comme  le  prétendent 
mal  à-propos  Wagenseil  et  Basnage. 
Au  reste,  le  savant  évêque  de  Lo- 
dève  n'a  fait  que  suivre  ce  qui  est 
rapporté  dans  le  Candor  Ulii ,  et 
dans  la  Bibliothèque  des  frères  Prê- 
cheurs de  Venise.   Ramban  publia 
de  son  côté  les  actes  de  la   confé- 
rence, dans  lesquels  il  insulte  à  la 
faiblesse  de  ses  adversaires ,  et  pa- 
raît s'arroger  tout  l'honneur  du  com- 
bat. Le  fond  de  la  dispute  était  de 
savoir  si  le  Messie  est  déjà   venu  , 
et  s'il  faut  le  regarder  comme  Dieu  : 
sur  le  premier  point ,  Babbi  Moïse 
semble  convenir,  avec  Maïmonide, 
que  le  Messie  est  né  à  l'époque  de 
la  destruction  de  Jérusalem  par  Ti- 
tus, et  avec  Rabbi  Josué  Ben  Levi, 
qu'il  s'est   montré  à  Rome;  mais  d 
assure   que    sa  manifestation    solen- 
nelle n'aura  lieu  qu'à  la  fin  du  mon- 
de. Sur  le  second,  11  oie  formellement 
que  le  Messie  soit  Dieu.  Vois  avouons 

franchement  que,  maigre 
eearroganceel 

ban  s'y  montre  très-subtil  e.  h 


9,0 


MOI 


tieux.  Wagenseil  ;\  insère  lès  actes  de 
ectic  conférence  dans  le  second  tome 
du  Tela  ignëttSàtanùe , p.  i/^So.  Cet 
habile  ci  i: irju.e  reeoniiàîl  qu'on  y  a 
fait  des  itatèrpolalions  et  des  ihuli- 
la  lions  ;  d'où  liàsnage  (  ffistuire  âei 
Juifs),  et  Wolf  (  Bibliotheca  he~ 
uni  a  )  ,  concluent  assez  lesienient 
qu'ils  sont  supposes.  Si  l'on  en  croit 
Ramban,  le  roi  Jacques  lui  donna 
trois  cents  c'eus  d'or  pour  ses  liais  de 
voyage,  comme  une  marque  de  sa 
bienveillance.  Après  être  resté  quelque 
temps  à  Giroue,  environne  de  con- 
sidération et  d'honneur,  il  se  retira, 
par  dévotion  ,  a  Jérusalem ,  où  il  bâ- 
tit une  synagogue.  11  mourut  en  1 3oo, 
suivant  Ghédalia  {Schialal  el  hhak- 
kabala).\\  a  composé  un  grand  nom- 
bre d'ouvrages,  h  plupart  inédits. 
On  peut  eu  voir  le  catalogue  dans 
Wolf  (Bibl.  fteb.),  tomes  I  et  m. 
Voici  les  plus  connus  :  I.  lgherclh 
hakkodesch  (  Lettres  de  sainteté  ) , 
Rome,  1 540,  m  8°.;  Cracovie,  1 694, 
ln-\'i.  ïï.  Sëpher  Jezira,  avec  un 
commentaire  de  sa  façon,  et  des 
commentaires  de  quatre  autres  rab- 
bins, Mantoue,  i56'2,  in-8°.  III. 
Milmolh  Jefavah  (Guerres  du  Sei- 
gneur ) ,  Venise ,  1 552 ,  iu-Fol.  •  il  y 
défend  le  rabbin  Alpliès.  IV.  Ighè- 
réth  Rumbam  (  Apologie  deMa'imo- 
rude  ).  V.  Thorah  Jdom  (Loi  de 
l'homme),  Venise,  i5v)5,  in- 4°.  VI. 
Tephilah  (  Prière  sur  la  mine  du 
fera  pîe  ) ,  dans  le  MàchasoY  de  Rome  ; 

se ,  \6ï6  ,  in-8°.  VII.  Saar  ha- 

monah  (Porte  de  la  foi),  Venise, 

1G01  ,  et  Cracovie,  î6'j8.     L-B-fe. 

TIBBON  ,  célèbre 

Samu  el  Àb  en  Ti  bb  0  n , 

lait  à  Grenade  dans  le  treizième 
siècle ,  du  temps  d'Alphonse  X,  roi 

■slillc:  ï.  Il  a  traduit,  de  l'arabe 

breu,  les  Eléments  d'Euclide, 
dont   le   manuscrit  se    conserve  à 


MOI 

Rome.  II.  La  Logique  de  Màimo- 
-nide,  qui  parut  à  Baie  avec  la  version 
latine,  1  5iï8.  III.  Les  Tables  astro- 
Ttotniques  d' 'Atfergany ',  imprimées 
à  \ 'mise.  IV.  Des  Commentaires 
d' Avevroes  sur  Ai  istole.  V.  Le  livre 
des  Préceptes  usuels,  par  Maïmonide, 
VI.  Le  Livre  de  l'angle ,  où  sont 
enseignées  l'arithmétique  et  la  géo- 
méirie.  Il  a  composé  quelques  ou- 
vrages, assez  estimés,  dont  on  peut 
voir  le  catalogue  dans  Bartolocci , 
Bibliolh.  rab.y  et  dans  Wolf ,  Bi- 
blioth,  heb..  tomes  1  cl  ni.    L-b-e. 

MOÏSE  de  KHOREN ,  le  plus  cé- 
lèbre des  historiens  arméniens  ,  fut 
surnommé  Kherthogh ou  hherthog- 
Iwhair,  c'est-à-dire  le  Poète.  L'élé- 
gance ,  la  pureté  de  diction  ,  la  con- 
cision ,  et  un  choix  d'expressions 
admirable  ,  sont  ce  qui  le  fait  dis- 
tinguer entre  tous  les  écrivains  de 
sa  nation.  Ces  qualités  lui  ont  valu  le 
premier  rang  parmi  les  ailleurs  clas- 
siques de  l'Arménie.  Il  naquit  à  Kho- 
ren  ou  Khorni,  bourg  du  canton  de 
Baron  ,  dans  la  province  de  Dourou- 
peran  ,  vers  l'an  870.  Dès  sa  jeu- 
nesse ,  il  s'attacha  au  célèbre  Sahag, 
descendant  de  saint  Grégoire  ,  et  pa- 
triarche de  l'Arménie,  qui ,  de  con- 
cert avec  Mesrob  ,  autre  personnage 
émi uent ,  s'occupait  de  faire  fleurir 
dans  son  pays  l'étude  des  lettres  ,  et 
s'efforçait  d'y  propager  la  connais- 
sance de  la  langue  et  des  ouvrages 
des  Grecs',  pour  y  affermir  la  foi 
chrétienne.  Sahag  et  Mesrob  formè- 
rent donc  une  école  nombreuse  de 
jeunes  gens  zélés,  qui  pussent  les  se- 
conder dans  leur  projet,  et  les  aider 
à  traduire  en  langue  arménienne  tou- 
te l'Écriture  sainte  et  les  principaux 
ouvrages  des  Pères.  Jusqu'alors  les 
A  ru  ioniens  n'avaient  pu  lire  les  Livres 
saints  que  dans  la  langue  syriaque, 
fort  peu  connue  dans  leur  pays.  Pour 


MOI 

exécuter  leur  entreprise  ,  ils  résolu- 
rent d'envoyer  leurs  jeunes  disciples 
dans  l'Empire  romain,  afin  d'y  étu- 
dier avec  soin  la  langue  et  la  littéra- 
ture grecques  ,  et  d'en  rapporter 
des  manuscrits.  Moïse  visita  d'abord 
Edesse,  Antiocheet  Alexandrie,  où 
il  demeura  long-temps.  Il  se  rendit 
ensuite  à  Rome  ;  et ,  en  revenant  , 
il  séjourna  quelque  temps  dans  Athè- 
nes, puis  à  Constantinople,  d'où  il 
revint  dans  sa  patrie,  riche  de  con- 
naissances utiles  et  de  manuscrits 
qu'il  avait  rassemblés.  Il  fut  alors 
nommé  garde  des  archives  patriar- 
cales ,  et  remplit  les  fonctions  de 
juge  auprès  de  Sahag ,  et  de  Mesrob , 
qui  ne  survécut  au  premier  que  de  six 
mois  ,  et  mourut  en  l'an  441  •  Moïse 
de  Khoren  les  seconda  dans  toutes 
leurs  entreprises  littéraires,  et  s'oc- 
cupa constamment  de  traduire  en 
langue  arménienne  les  ouvrages  grecs 
qu'il  s'était  procurés  dans  ses  voya- 
ges. Il  jouit  aussi  de  la  confiance  de 
Joseph  Ier.,  successeur  de  Mesrob,  et 
l'ut  ensuite  archevêque  des  provinces 
de  Pakiévant  et  d'Arscharouni.  11 
prolongea  son  existence  jusqu'à  un 
âge  très-avancé  :  selon  Thomas  Ardz- 
rouni ,  il  vécut  jusqu'à  cent  vingt  ans  ; 
et  Samuel  d'Ani  place  sa  mort  eu  l'an 
489  de  J.-G. ,  ce  qui  équivaut  à  l'an 
487 ,  selon  notre  manière  de  comp- 
ter. Quoi  qu'il  en  soit ,  il  est  certain 
qu'en  l'an  4^° ,  son  disciple  Eznig 
était  archevêque  de  Pakiévant,  et  que 
ce  ne  lut  que  plusieurs  années  après , 
que  Moïse  die Khoren  lui  succéda.  On 
voit,  par  le  témoignage  d'Asolnig, 
que  Moïse  vivait  encore  sous  Kioud  , 
qui  occupa  le  troue  patriarcal ,  de- 
puis l'an  }65  jusqu'en  475.  Le  prin- 
cipal ouvrage  de  Moïse  de  Khoren 
nia, compo- 
sée ver,  l'an  i  i  '  .<  la  prii  re  de  Sa- 
bag,  princenagratide,  qui  Cm     , 


MOI  263 

481  ,  marzban  d'Arménie,  et  mou- 
rut en  combattant  les  Persans.  Cette 
histoire  est  divisée  en  trois  livres. 
Le  premier  traite  de  tout  ce  qui  con- 
cerne l'Arménie,  depuis  Haïk ,  qui 
en  est  regardé  comme  le  premier  roi , 
jusqu'à  l'établissement  delà  race  des 
Arsacides.  Maribas  Kathina,  d'an- 
ciennes poésies ,  et  des  écrits  chal- 
deens  et  persans,  en  ont  fourni  les 
matériaux.  Le  deuxième  livre  con- 
tient le  ré(  it  de  tous  les  événements 
arrivés  depuis  Vagharschag  ,  pre- 
mier roi  Arsaçide  en  Arménie  ,  jus- 
qu'à la  mort  de  ïiridate,  qui  Je  pre- 
mier professa  la  religion  chrétienne. 
Les  principaux  auteurs  dont  Moïse. 
de  Khoren  s'est  servi  pour  compo- 
ser cette  partie  de  son  ouvrage,  sont 
Maribas  Kathina;  Leroubna ,  fils 
d'Apschatar  d'Edesse;  Olyp  ,  prêtre 
d'Ani;  le  fameux  hérésiarque  Bar- 
desane,  auteur  d'une  histoire  en  sy- 
riaque; Khouroutoud  qui  avait  écrit 
celle  de  Perse  ,  et  d'autres  historiens 
dont  les  ouvrages  sont  également 
perdus.  Le  troisième  livre  s-étènd 
depuis  le  règne  de  Khosrou  II , 
jusqu'à  la  mort  de  Sahag  et  de  Mes- 
rob. A  ces  trois  livres,  Moïse  de 
Khoren  en  ajouta  dans  la  suite  un 
quatrième,  qui  contenait  le  récit  de 
tout  ce  qui  s'était  passé  en  Armé- 
nie depuis  la  destruction  de  la  mo- 
narchie Arsaçide,  jusqu'au  temps  de 
l'empereur  Zenon.  Cette  continua- 
tion est  perdue.  Les  trois  premiers 
livres  ,  qui  forment  un  ouvrage  com- 
plet ,  ont  été  imprimés,  pour  la  pre- 
mière fois  ,  en  arménien  seulement , 
à  Amsterdam  ,  iGcp  ,  in  12.  Cette 
édition  fort  jolie  contient  un  grand 
nombre  de  fautes  ;  l'éditeur  ,  Tho- 
mas de  Vanant,  n'avait  a  sa  dispo- 
sition qu'un  seul  manuscrit-,  <jui 
tait  ni  bon.  ni  ancien.  En 

,  ères  W  histon  donnèrent  à  Lun- 


•jh  \ 


MOI 


drcs,  une  nouvelle  édition  de  ce  Ut! 
histoire;  et  ils  y  joignirent  une  ver- 
sion latine  ,  accompagnée  de  notes 
en  trop  petite  quantité  pour  pouvoir 
lever  les  nombreuses  difficultés  litté- 
raires et  historiques  que  présente  le 
texte  de  Moïse  de  Khoren.  Un  ma- 
nuscrit que  les  frères  Winston  s'é- 
taient procuré,  leur  servit  à  corriger 
quelques-unes  des  fautes  de  l'édition 
d'Amsterdam.  Quoiqu'il  y  en  existe 
encore  beaucoup  ,  et  que  les  frères 
Winston  se  soient  trompés  plus 
d'une  fois  dans  leur  interpréta- 
tion ,  il  est  étonnant  qu'avec  le  peu 
de  moyens  qui  étaient  à  leur  dis- 
position ,  ils  aient  pu  entreprendre 
et  exécuter  un  pareil  travail ,  qui , 
malgré  ses  imperfections ,  doit  tou- 
jours être  regardé  comme  très- 
recommandable.  Quelques  années 
après  ,  un  évoque  arménien  ,  nom- 
mé Sergius ,  donna  à  Venise  une  nou- 
velle édition  de  l'histoire  de  Moïse 
de  Khoren ,  mais  en  se  bornant  à 
reproduire  le  texte  des  frères  Wins- 
ton. Il  serait  fort  important  de  pos- 
séder une  bonne  édition  de  cet  ou- 
vrage ;  mais  la  rareté  des  manuscrits 
rend  cette  entreprise  fort  difficile. 
M.  Zohrab,  de  Constantinople  ,  cé- 
lèbre par  la  découverte  de  la  version 
arménienne  de  la  Chronique  d'Eu- 
sèbe ,  en  prépare  une  depuis  long- 
temps ;  il  a  revu  le  texte  de  Moïse 
de  Khoren,  sur  trois  manuscrits, 
dont  deux  fort  anciens:  la  profonde 
connaissance  que  M.  Zohrab  a  de  la 
littérature  classique  de  sa  nation,  et 
sa  grande  sagacité,  t'ont  vivement 
désirer  la  publication  de  cet  impor- 
tant ouvrage.  Moïse  de  Khoren  est 
aussi  l'auteur  d'un  Trailé  de  rhéto- 
rique ,  dédié  à  l'un  de  ses  disciples 
nommé  Théodore ,  et  divisé  en  dix 
livres.  Cet  ouvrage  ,  écrit  dans  le 
goût  des  rhéteurs  grecs ,  contient  un 


MOT 

grand  nombre  de  discours  composés 
par  Moïse  de  Khoren  lui-même ,  pour 
mieux,  inculquer  dans  l'esprit  de  ses 
élèves  ,  les  préceptes  qu'il  enseigne. 
Ce  livre  ,  fort  difficile  à  entendre  , 
est  un  trésor  inépuisable  pour  ceux 
qui  veulent  pénétrer  dans  toutes  les 
délicatesses  de  la  langue  arménienne. 
Moïse  de  Khoren  y  cite  souvent  des 
auteurs  et  des  ouvrages  grecs  ,  par- 
mi lesquels  on  remarque  les  Peliades, 
tragédie  perdue  d'Euripide,  dont  il 
donne  une  courte  analyse.  M.  Zohrab 
adonné,  eu  1 796,  à  Venise,  en  1  vol. 
in-8°. ,  une  fort  bonne  édition  de  ce 
livre,  avec  un  ample  commentaire, 
le  tout  en  arménien  :  pour  faire  cette 
édition,  il  a  eu  à  sa  disposition  cinq 
manuscrits,  dont  un  de  l'an  547  de 
l'ère  arménienne  (  1098  de  J.-C.  ;  Il 
existe,  en  arménien,  une  Géographie 
qui  porte  le  nom  de  Moïse  de  Khoren  : 
un  traité  de  Pappus  d'Alexandrie, 
forme  la  principale  partie  de  cet  ou- 
vrage; on  y  a  joint  quelques  détails 
qui  ne  pouvaient  être  donnés  que  par 
un  Arménien,  sur  ;a  Perse,  l'Armé- 
nie et  sur  les  pays  Caucasiens  ;  ou  y 
a  aussi  joint  des  prolégomènes,  tirés 
de  la  partie  mathématique  de  la  Géo- 
graphie de  Ptolémée.  Si  cet  ouvrage 
appartient  à  Moïse  de  Khoren ,  ce 
dont  on  a  de  fortes  raisons  de  dou- 
ter ,  comme  on  peut  le  voir  dans 
un  Mémoire  composé  par  l'auteur  de 
cet  article  (  Mémoires  historiques  et 
géographiques  sur  V Arménie,  tome 
11,  ]).  3oi  -317),  on  ne  peut  au 
moins  disconvenir  qu'on  y  a  fait  un 
grand  nombre  d'interpolations,  qui  , 
pour  la  plupart ,  paraissent  dater 
du  dixième  siècle.  Cette  Géogra- 
phie a  été  imprimée  quatre  fois. 
La  première  édition  est  de  Mar- 
seille, i683,  in  -  8°.  de  3'2o  pa- 
ges ,  dont  60  pour  la  géographie  ;  le 
re;te  est  un  recueil  de  fables  et  d'his- 


MOI 

toricttes.  Cette  édition  ,  toute  armé- 
nienne, fourmille  de  fautes.  En  1 736, 
les  iïères  Winston  ont  ajoute  cette 
géographie  à  leur  édition  de  l'his- 
toire de  Moïse  de  Khoren.  Ils  n'ont 
corrigé  aucune  des  fautes  de  l'édi- 
tion de  Marseille  ,  et  se  sont  con- 
tentés de  joindre  au  texte  une  ver- 
sion latine.  Le  même  texte ,  toujours 
fautif,  a  été  reproduit  dans  l'édition 
faite  à  Venise  par  i'cvêquc  Scrgius. 
Enfin,  en  1819,  Fauteur  de  cet  ar- 
ticle en  a  donné  une  nouvelle  édition, 
dans  le  second  volume  ,  p.  3 18-094 
de  l'ouvrage  déjà  cité.  On  y  a  cor- 
rigé, autant  qu'on  l'a  pu,  les  nom- 
breuses   fautes    qui    existent    dans 
le  texte  de  cet  ouvrage;  et  l'on  y  a 
joint  une  traduction  française  et  dus 
notes.  Moïse  de  Khoren  est  aussi 
l'auteur  d'un  grand  nombre  de  piè- 
ces de  vers  et  d'hymnes  qui  se  chan- 
tent encore  dans  les  offices  de  l'É- 
glise d'Arménie,  et  qui  ne  sont  pas 
moins  estimés  que  ses  autres  pro- 
duclions,  sous  le  rapport  du  style. 
On  en  trouve  un  grand  nombre  dans 
le  Scharayiols ,  ou  Recueil  d'hym- 
nes et  de  cantiques  imprime  en  ar- 
ménien, à  Amsterdam,  170:1,  1  vol. 
in-8°.  Le  témoignage  unanime  des 
auteurs  arméniens  ,  et  ce  qu'il   dit 
lui-même,  dans  plusieurs   pas 
de  son  histoire,  suifisenl  pour  qu'on 
croie  que  Moïse  de  Khoren  tradui- 
sit   un   grand    nombre    d'ouvi 
grecs  en  langue  arménienne.   Nous 
1  onnaissons  aucune  de  ces  tra- 
ductions :  il  eu  existe  probable 
plusieurs  dans  nos  bibliothèques  et 
dans   celles  des    arméniens;   mais 
l'absence  de  son  nom  empêche  peut- 
être  «l'en  connaître  le  véritable  in- 
terprète. Vmi^  qu'on  a  ni- 
cemmeni  t}«  ouvra- 

uous  vou!' 
arménienne  de  la  Ûhroniqut  d'Èu- 


MOI  265 

sèbe.  Dans  son  histoire  d'Arménie , 
Moïse  de  Khoren  cite  trop  fréquem- 
ment ce  livre,  pour  qu'on  puisse  dou- 
ter qu'il  fît  partie  des  manuscrits 
grecs  qu'il  rapporta  dans  sa  patrie. 
Bien  plus  :  les  morceaux  d'Eusèbe  , 
insérés  dans  l'histoire  d'Arménie  , 
présentent  quelques  contre  -  sens  et 
une  disposition  de  mots  qui  se  re- 
trouvent précisément  dans  le  texte 
de  la  version  arménienne.  Enfin  l'on 
y  remarque  un  style  pur ,  élevé  ,  et 
un  choix  d'expressions  «{ni  ne  peu- 
vent appartenir  qu'au  beau    siècle 
de  la  littérature  arménienne,  et  qui 
rappellent  toutes  les  qualités  exclusi- 
vement propres  à  Moïse  de  Khoren. 
Cette  traduction  était  perdue  depuis 
long-temps,  lorsqu'en  l'an  1784,  le 
docteur  Zohrab  en  découvrit  à  Gons- 
lantinople  un  manuscrit  sur  parche- 
min, qui  avait  appartenu  autrefois 
au  patriarche  Grégoire  IV  (  1173- 
1 193  ),  et  qui  était  alors  en  la  pos- 
session d'un  savant  Arménien ,  qui  Je 
tenait  d'un  prêtre  de  sa  nation,  attaché 
au  patriarche  de  Jérusalem.Une  co- 
pie de  cet  important  ouvrage  fut  ap- 
portée à  Venise  par  ledocleurZohrab 
et  déposée  dans  la  bibliothèque  des 
Mekhitharistes  ,  qui  songeaient  dès- 
lors   à    en  donner  une  édition.  Les 
révolutions  de  l'Italie  empêchèrent 
ce  projet  d'être  mis    à   exécution  : 
il   était  abandonné  ,  lorsqu'en  l'an 
1816,    M.    Mai    annonça    que,  de 
concert  avec  le  D'.  Zohrab  ,  il  se 
proposait  de  donner  une  édition  la- 
tine de  la  Chronique  d'Eusèbe  ;  elle 
parut  effectivement  bientôt  après  , 
sous    ce  titre  :    l'hisebii   Pamphiti 
Chronicorum   canormm  Ubri  duo. 
Omis  ex  llaicaw)  codicei  à  d* 
J.  Zohrab 0  ,  diligenter 
ci   castigatum.    4ng,    Vtdius  et  ./. 
Zoh  'abus  mine  primàm  conjunctis 
cutis  latinitate  tl<  oiisque 


266  MOI 

illuslralum ,  addilis  Grœcis  reli- 
quiis  ediderunt ,  Milan,  1818,  un 
vol.  grand  in  -4°.  Peu  après,  dans 
la  même  année ,  on  publia  à  Ve- 
nise, le  texte  arménien,  avec  une 
nouvelle  version  laîiuc  :  Eusebii 
Pamphili ,  Ca>sariensis  episcopi , 
Chronicon  bipartiîum  ,  mine  pri- 
mùm  ex  anneniaco  lexlu  in  lali- 
mim  conversum  ,  adnotationibus 
auctum,  Grœcis  j'ragmentis  exorna- 
ttim,  operci  P.  J.  B.  Aucher,  Venise, 
18 18,  2  vol.  in-4°.  On  peut  voir, 
dans  le  Journal  des  savants  ,  février 
1820  ,  le  jugement  qu'on  a  cru  de- 
voir porterde  cette  seconde  édition, 
qui ,  à  l'exception  du  texte  arménien 
qu'elle  contient ,  est  de  beaucoup 
inférieure  à  celle  de  Milan,  pour  la 
fidélité  de  la  traduction.  S.  M — n. 

MOISSON-DKV AUX  (Gabriel- 
Pierre-François  ) ,  naturaliste  ,  né 
en  1 74^?  à  Caen,  d'une  ancienne  fa- 
mille de  robe,  fut  envoyé  de  bonne 
heure  «à  Paris  ,  où  il  fit  ses  études 
avec  beaucoup  de  distinction.  Il  ob- 
tint à  seize  ans  un  brevet  de  lieufe- 
nant,  dans  le  régiment  de  Dauphin 
cavalerie ,  et  fit  toutes  les  campagnes 
de  la  guerre  de  1 7 58.  La  paix  Payant 
ramené  en  France,  il  offrit  la  démis- 
sion de  son  emploi,  et  s'appliqua 
dès-lors  à  l'étude  de  l'histoire  natu- 
relle, et  en  particulier  de  la  botani- 
que. Moins  occupé  de  la  nomencla- 
ture des  plantes  que  de  leur  utilité,  il 
fit  beaucoup  d'essais  inîércssants,  et 
réussit  à  acclimater  dans  la  Norman- 
die le  Sassafras  d'Amérique  et  le 
grand. Magnolia.  Appelé,  pendant  la 
révolution  ,  par  le  suffrage  de  ses 
«oneitovens,  dans  nos  assemblées  dé- 
libérantes, il  n'ambitionna  point  les 
succès  de  la  tribune,  et  n'y  parla 
que  pour  demander  la  reprise 
des  travaux  du  port  de  Caen,  et  l'a- 
chèvement du  canal  de  l'Orne.  Après 


MOI 

avoir  rempli  pendant  plusieurs  an- 
nées des  fonctions  publiques  avec  zèle 
et  désintéressement, il  s'empressa  de 
revenir  à  l'étude  de  la  botanique.  Il 
lut  dilfércnts  mémoires  à  la  société 
d'agriculture  de  Caen,  entre  autres, 
un  sur  la  nécessité  d'établir  des  pé- 
pinières dans  le  département  du  Cal- 
vados. Cet  homme  estimable  mou- 
rut le  8  sept.  1802.  Il  a  laissé  beau- 
coup d'ouvrages  en  manuscrit,  parmi 
lesquels  on  distingue  un  Traité  com- 
plet sur  les  Fucus ,  que  l'abbé  Rozier 
se  proposait  de  donner  au  public; 
mais  sa  modestie  était  si  grande, 
qu'il  n'a  jamais  rien  imprimé.  V.  son 
Eloge ,  par  M.  P.  A.  Lair,  dans  le 
liecueil  de  la  société  d'agriculture  j 
et  dans  le  Magasin  encyclopédiq.  , 
ann.  i8o3,  tome  m.  W — s. 

MOITTE  (  Pierre-Etienne  )  , 
graveur  à  la  pointe  et  au  burin  ,  na- 
quit à  Paris  ,  en  \yi'i.  Elève  de 
Bcaumont,  il  cultiva  également  le 
genre  du  portrait  et  celui  de  l'histoire. 
L'ouvrage  qui  a  le  plus  contribué  à  le 
faire  connaître,  consiste  en  deux  gra- 
vures qu'il  a  exécutées  pour  la  ga- 
lerie de  Dresde,  et  neuf  pour  celle  du 
comte  de  Bruhl.  Il  a  gravé  en  outre 
six  tableaux  ,  d'après  Greuze  ,  ainsi 
que  quelques  portraits ,  parmi  les- 
quels Diderot  cite  avec  éloge  celui  de 
Duhamel  du  Monceau  ,  exposé  au 
Salon  en  1 767.  Il  fut  reçu  de  l'acadé- 
mie ,  en  1770  ,  sur  la  gravure  du 
Portrait  de  fiestout.  Il  obtint,  quel- 
ques années  après,  le  titre  de  graveur 
du  roi.  Il  mourut  en  1 780  ,  laissant 
six  enfants,  qui  tous  ont  suivi  la  car- 
rière des  arts  ,  et  parmi  lesquels  ses 
deux  filles  (  Angélique-Rose  et  Éli- 
sabeth-Mélanie  )  ont  cultivé  la  gra- 
vure avec  succès.  —  François-Au- 
guste Moitte  ,  fils  du  précédent  , 
naquit  à  Paris,  en  174B,  et  s'a- 
doitna,  comme  ses  sœurs ,  à  la  gra- 


rMOI 

vnre.  Elève  de  son  père ,  il  se  fît 
distinguer  par  la  jwrdpteté  de  son 

burin  et  la  iincsse  de  son  exécution. 
Il  a  grave  d'après  différents  maîtres; 
mais  (ircuze  était  celui  qu'il  affec- 
tionnait le  plus.  On  connaît  de  lui 
trente  pièces  exécutées  d'après  ce 
maître,  parmi  lesquelles  on  doit  par- 
ticulièrement citer  une  suite  de  vingt- 
quatre  feuilles  ,  publiée  par  cahiers 
de  six  feuilles ,  sous  le  litre  de  Divers 
habillements,  suivant  le  costume 
d'Italie  ,  dessinés  d'après  nature  i 
par  J.  B.  GréUzè,  ornés  de  fonds , 
par  J.  B.  Lallemand ,  et  gravés  par 
A.  Moiite  ,  d'après  les  dessins  tirés 
du  cabinet  de  l'abbé  Gougenot. 
Cette  suite  ,  piquante  par  la  variété 
des  objets  ,  est  très-estimée.  Cepen- 
dant ,  la  Récréation  de  table  qu'il  a 
gravée,  d'après  Jac.  Jordaens  ,  passe 
pour  son  chef-d'œuvre.  —  Jean-Bap- 
tiste-Philibert  Moitié  ,  autre  fils  de 
Pierre-Etienne,  cul  tival'archit  cet  i  ire, 
et  mourut  en  1808,  professeur  de  l'é- 
cole de  Dijon.  Il  s'était  fait  remar- 
quer par  un  projet  de  cathédrale,  et 
par  un  arc  de  triomphe,  qui  obtin- 
rent un  prix  en  179'*.  —  Jean- 
Guillaume  Moitte  ,  frère  du  précé- 
dent ,  et  l'un  des  plus  habiles  sculp- 
teurs de  ce  siècle ,  naquit  à  Paris,  en 
17^7.  Son  goût  pour  le  dessin  se  ma- 
nifesta presqueau  sortir  de  l'en! 
et  son  père,  charmé  des  dispositions 
qu'il  annonçait,  s'empressa  de  les 
seconder  ,  en  dirigeant  lui-mêmi 
études.  Les  nombreux  artistes  qui 
fréquentaient  sa  maison, étonnés  1 
mêmes  des  progrès  du  jeune  Moiite, 
lui  prodiguaient  les  encouragements.; 
et  Pigalle,  mie  l'on  regardait  alors 
leur ,  solli- 
cita lui  même  la  faveur  de  l'ai  oir 

. 
dans  laquelle  il  d  bonne 

heure  ;  ne  tudier 


MOI  267 

assidûment  la  nature.  Convaincu  que 
le  dessin  est  la  seule  bise  d'une  ins- 
truction solide,  il  employait  tous  les 
loisirs  qui  lui  restaient,  a  copier  le 
modèle  vivant.  Après  la  mort  de 
Pigalle,  il  passa  dans  l'atelierd( ■■Jean- 
Baptiste  Lemoync.  Dans  les  oilïé- 
ren.'s  concours  de  l'académie,  il  rem- 
porta presque  toutes  les  médailles;  et 
en  1  768, ayant  obtenu  le  grand  prix 
de  sculpture ,  sur  une  figure  de  David 
portant  en  triomphe  la  tête  de  Go- 
liath ,  il  partit  pour  l'Italie.  La  vue 
des  chefs  -  d'œuvre  que  renferme  la 
capitale  du  monde  chrétien  ,  frappa 
le  jeune  artiste  ,  et  vint  donner  un 
autre  cours  à  ses  idées.  11  s'aperçut 
que  la  route  qu'il  avait  suivie  jus- 
qu'alors, laissait  presque  tout  à  dési- 
rer :  il  se  mit  donc  à  étudier  l'an- 
tique, non-seulement  dans  les  belles 
statues  dues  au  ciseau  des  Grecs  , 
mais  dans  les  monuments  de  l'ar- 
chitecture qui  subsistent  encore  à 
Rome.  Les  usages ,  les  mœurs  ,  les 
costumes  ,  les  formes  les  plus  belles 
du  corps  humain  ,  rien  n'échap- 
pait à  ses  recherches  assidues.  C'est 
ainsi  qu'il  acquit  le  goût  exquis  et  la 
correction  de  dessin  ,  1  élégance  des 
fortees,  la  beauté  des  proportions, 
l'heureux  choix  des  draperies,  et  la 
variété  d'expression  qu'il  a  su  répan- 
dre dans  ses  ouvrages.  Il  aurait  pro- 
longé son  Séjour  en  Italie,  si  le  dé- 
.  ment  de  sa  saule' ne  l'eût  force, 

en  177  J,  a  retenir  en  France,  où 
sa  réputation  l'avait  devancé  depuis 

long-temps.  Il  reçut  à  Paris  ,  des  ar- 
tistes et  des  amateurs,  l'accueil  le 
plus  distingue'.  Ce  fut  dans  lé  ealme 
qu'il   retrouva  ,   après   son    retour  , 

que  Moitte  dessina  à  la  plume  plu- 
sieurs grandes  frises  d'un  beau  St)  le, 
et  qui  exriurei:!  l'admiration  des 
artistes.  1M.  kucttste,  01  lè\re  du  roi  , 
se  L'attacha  fit  pont  lui  des 


o.  68 


MOI 


dessins  qui  servirent  de  modèles  à 
ses  plus  beaux  ouvrages  ,  et  qui  lui 
donnèrent  une  grande  supériorité  sur 
tous  les  autres  orfèvres.  Moitié  a 
produit  peut-être  plus  de  mille  des- 
sins de  ce  genre  ;  et  il  a  ,  sous  ce 
rapport  ,  éminemment  contribué  à 
rendre  à  un  genre  de  luxe  que  les 
plus  grands  maîtres  n'ont  pas  refusé 
d'illustrer  ,  un  degré  de  mérite  qui 
n'existait  plus  en  France  depuis  plus 
d'un  siècle.  Agréé  à  l'acadéniie ,  en 
1783,  sur  une  figure  représentant 
un  Sacrificateur ,  il  fut  chargé  de' 
"plusieurs  travaux  importants  ,  dans 
le  nombre  desquels  on  remarque  une 
Vestale  faisant  Vaspenion  de  Veau 
lustrale,  exécutée  pour  M.  de  Jou- 
bert,  trésorier  des  étals  de  Langue- 
doc ;  une  Ariane ,  pour  M .  Brack- 
ford,  Anglais;  les  Bas-reliefs  de  plu- 
sieurs des  barrières  de  Paris;  les  figu- 
res colossales  représentant  les  Prç- 
vincesde  Bretagne  et  de  Normandie, 
placées  à  la  barrière  des  Bons-Hom- 
mes, et  plusieurs  Bas  -  reliefs  et 
Sphinx ,  au  château  de  l'Isle-Adam. 
Louis  XVI  lui  avait  commandé  la 
Statue  de  Cassini.  La  révolution 
l'empêcha  d'abord  de  la  terminer; 
et  ce  ne  fut  que  plus  lard  qu'il  put 
mettre  la  dernière-main  à  cet  ou- 
vrage, qui  est  un  de  ses  plus  beaux  ti- 
tres de  doire.Des  artistes  ont  rendu 
justice  au  rare  mente  des  parties 
nues  ,  mais  ils  ont  critiqué  la  pose  et 
la  draperie  :  ils  ont  pensé  qu'en  vou- 
lant s'affranchir  du  costume  mo- 
derne ,  Moitte  avait  trop  ,  ou  trop 
peu  fait ,  et  que  le  costume  ne  doit 
être  ni  suivi ,  ni  observé  à  demi.  Au 
milieu  de  nos  troubles  civils ,  il  fut 
choisi  pour  exécuter  le  bas -relief 
du  fronton  de  la  nouvelle  église  de 
Sainte-Geneviève ,  alors  nommée  le 
Panthéon.  Il  y  représenta  la  Patrie 
amant  les  vertus  civiques  et 


TVÏOI 

guerrières  (1).  En  1794,  on  établit 
un  concours  pour  une  Statue  de 
J.  J.  Rousseau  ,  qui  devait  être 
exécutée  en  grand  ,  et  coulée  en 
bronze  pour  êti  <>  placée  aux  Champs- 
Elysées.  Le  modèle  de  Moitte  repré- 
sentait le  Citoyen  de  Genève  médi- 
tant le  plan  de  son  Emile,  et  exa- 
minant les  premiers  pas  de  V enfan- 
ce. Il  obtint  le  prix;  mais  le  projet 
ne  reçut  point  son  exécution.  Quel- 
que temps  après ,  il  fut  l'un  des  deux 
artistes  désignés  par  le  gouverne- 
ment, lors  de  la  création  de  l'Ins- 
titut ,  pour  former  le  noyau  de  la 
classe  des  beaux  -  arts.  Après  la  ba- 
taille de  Marengo  ,  il  fut  chargé  de 
l'exécution  du  Mausolée  en  bas-re- 
lief du  général Desaix ,  pour  l'église 
de  l'hospice  du  mont  Saint-Bernard. 
Il  représente  le  Général  Desaix  , 
frappé  du  couji  mortel,  expirant  en- 
tre les  bras  du  colonel  Lebrun ,  son 
aide-de-camp.  On  vanta,  dans  le 
temps,  la  grâce  de  la  composition, 
l'élégance  des  figures  et  le  fini  de 
l'exécution;  mais  on  reprocha  jus- 
tement à  l'artiste  de  n'avoir  pas 
su  donner  à  ses  personnages  le  ca- 
ractère sévère  et  héroïque,  qui  con- 
venait à  son  sujet.  Le  bas-relief  d'un 
des  avant-corps  de  l'intérieur  de  la 
cour  du  Louvre,  à  la  droite  du  pa- 
villon de  l'horloge  ,  dans  lequel  il  a 
représenté  la  Muse  de  V histoire , 
ainsi  que  les  deux  figures  de  Moïse 
et  de  JVuma  qui  l'accompagnent , 
sont  d'un  style  plus  grandiose,  et  rap- 
pellent davantage  les  compositions 
du  même  genre  ,  que  Jean  Goujon  a 
exécutées  de  l'autre  côté.  On  a  vu, 
à  l'exposition  du  Louvre,  une  Statue 


(1)  L'église  de  Saiute-Genev.ève  ayant  été  rendue 

au  culte  ,  on  a  cru  devoir  détruire   le  vaste  bas-relief 

d.   Moitte     il  existait  en  Franc»:  peu   de   monuments 

m  e  ,  dont  il  avait  été  pour  ainsi  dire  le  nre- 

inier  exemple  et  le  modèle. 


MOI 

équestre  en  bronze  de  Buonaparle , 
de  moyenne  proportion  ;  elle  lai  mé- 
rita d'être  choisi  pour  exécuter  la 
Statue  équestre  du  général  d'Haut- 
poul,  dont  il  n'a  fait  que  le  modèle. 
Il  reçut  alors  la  décoration  de  la 
Légion-d'honneur  ;  et  on  lui  confia 
l'exécution  des  bas-reliefs  en  bronze 
destinés  à  décorer  la  Colonne  du 
camp  de  Boulogne  ,  ainsi  que  le 
Tombeau  du  général  Leclercr  qui 
devait  être  érigé  dans  l'église  de 
Sainte-Geneviève. Quoique  d'un  tem- 
pérament robuste,  qu'avait  encore 
affermi  L'habitude  du  travail  ,  la 
mort  de  sa  femme,  Adélaïde- Ma  rie- 
Anne  Castillas,  distinguée  eile-même 
par  ses  talents  dans  les  arts,  l'af- 
fecta profondément.  Sa  santé  s'en 
ressen  it  ;  elle  s'affaiblit  progressi- 
vement ,  et  il  ne  put  se  livrer  avec 
la  même  vigueur  et  la  même  assi- 
duité au  travail  de  son  atelier  :  il 
mourut  le  :i  mai  1810,  regretté  de 
tous  ceux  qui  avaient  pu  apprécier 
la  bonté  de  son  cœur,  à  travers 
l'austérité  de  ses  principes  et  la  sé- 
vérité de  son  caractère.  M.  Quatre- 
mère  de  Quincy  prononça  sur  sa 
tombe  un  discours  dans  lequel  il  sut 
dignement  apprécier  ses  talents  (1). 
Cet  habile  artiste  s'était  aussi  fait  con- 
uaître  de  la  manière  la  plus  avanta- 
geuse par  une  foule  de  beaux  dessins. 
Outre  les  ouvrages  dont  on  a  parlé, 
la  mort  l'empêcha  d'achever  un  bas- 
relief  pour  le  péristyle  du  palais  du 
sénat,  et  les  statues  du  Destin,  de  la 
Force ,  du  Rétablissement  des  Cultes 
et  du  Traité  d' Amiens ,  dont  il  n'a 
laissé  que  les  modèles.  Celui  du  bas- 
relief  représentant  des  Guerriers  se 
dévouât*  pour  le  salut  de  la  patrie , 
oit  dans  la  salle  d'entrée  de  la 
galerie  des  tableaux  <!<■  la  chambre 

f  1)  V<>y.  It   Bfoi  1  1810. 


MOI 


1269 


des  pairs.  Parmi  les  élèves  sortis  de 
son  école,  et  qui  font  honneur  à  ses 
leçons,  on  peut  citer  MM.  Gatteaux, 
Gérard,  Taunay  jeune,  etc.  P — s. 
MOIVRE  (  Abraham  ),  géomè- 
tre, né  en  1O67,  à  Vitri ,  en  Cham- 
pagne ,  où  son  père  exerçait  la  chi- 
rurgie ,  fut  envoyé  à  l'académie  de 
Sedan,  pour  y  faire  ses  études.  La 
lecture  d'un  traité  de  Legendre  lui 
inspira  le  goût  des  mathématiques  ; 
mais  il  ne  s'y  livra  qu'en  secret , 
par  ménagement  pour  son  profes- 
seur ,  qui  regardait  comme  mal  em- 
ployé tout  le  temps  qu'il  dérobait 
à  la  langue  grecque.  iVIoivre  passa 
ensuite  à  Saumur  ,  puis  à  Paris  , 
pour  y  achever  ses  cours  de  phi- 
losophie :  mais  il  avait  sans  cesse 
entre  les  mains  les  ouvrages  «les 
meilleurs  mathématiciens;  et  sa  pé- 
nétration naturelle  lui  aplanissait  la 
plus  grande  partie  des  difficultés 
qu'il  y  rencontrait.  Son  père ,  cé- 
dant enfin  à  ses  instances  ,  consentit 
à  lui  donner  un  maître  de  mathéma- 
tiques; et  son  choix  tomba  sur  Oza- 
nam.  A  la  révocation  de  l'édit  de 
Nantes,  Moivre,  élevé  dans  la  reli- 
gion protestante,  se  retira  en  An- 
gleterre, où  il  se  fit  appeler  De  Moi- 
vre. Il  n'apportait  d'autres  ressour- 
ces pour  y  subsister,  que  l'enseigne- 
ment des  mathématiques ,  dont  il 
croyait  avoir  atteint  le  sommet  :  la 
lecture  des  Principes  de  Newton  le 
Misa  ;  étonné  de  ne  point  en- 
tendre un  ouvrage  dont  la  simplicité 
apparente  l'avait  séduit,  il  n'hésita 
pas  à  le  prendre  pour  l'unique 
de  ses  études,  et  il  en  portait  tou- 
jours sur  lui  quelques  feuillets,  qu'il 
relisait  dans  ses  moments  de  I 
La  rapidité  de  ses  progrès,  et  sou 
application .  le  rirent  connaître,  en 
i(h)>.,  (le  l'astronome  Halley,  qui 
se  cli  s  pre- 


270 


MOI 


miers  écrits  à  la  société  royale,  et 
l'y  lit  admettre,  en  1697.  ^jC  gra,)d 
Newton,  dont  il  s'honorait  d'être  le 
disciple,  voulait  qu'il  le  regardât 
comme  un  ami  ;  et  une  discussion 
assez  vive  qu'il  eut  à  soutenir  contre 
le  médecin  Chcync,  acheva  d'éten- 
dre sa  réputation  (  V .  G.  Cueyne  , 
VIII ,  36g  ).  Leibnitz  fit  d'inutiles 
démarches  pour  lui  procuver  une 
chaire  dans  quelque  université  d'Al- 
lemagne ;  on  tenta  avec  aussi  peu 
de  succès  de  l'attacher  à  l'académie 
de  Cambridge.  Moivre  fut  l'un  des 
commissaires  désignés  pour  pro- 
noncer sur  la  contestation  qui  s'é- 
leva entre  Leibnitz  et  Newton ,  au 
sujet  de  l'invention  du  calcul  intégrai 
(  V.  Leibmtz  et  Newton)  •  et  peu 
après,  il  communiqua  a  la  société 
royale  un  petit  traité  :  De  Mensurd 
sortis,  qui  ajouta  encore  à  l'opinion 
qu'on  avait  de  son  talent.  Montmort 
s'était  occupé ,  avant  lui,  du  calcul 
des  jeux  de  hasard;  mais  il  avait 
pris  une  route  si  différente ,  qu'il 
reconnut  lui-même  qu'on  ne  pouvait 
accuser  Moivre  de  plagiat.  Ce  der- 
nier perfectionna  ce  travail ,  et  en 
fit  d'ingénieuses  applications  aux 
usages  de  la  vie.  Il  se  délassait  de 
l'étude  des  mathématiques  par  la 
lecture  des  meilleurs  auteurs  ,  an- 
ciens et  modernes;  il  possédait  par- 
faitement les  classiques,  et  on  le 
consultait  souvent  sur  des  passages 
difficiles  ou  contestés  :  il  savait  par 
cœur  Rabelais  et  Molière;  et  si  l'on 
en  croit  son  panégyriste,  il  aurait 
mieux  aimé  être  ce  célèbre  comique 
que  Newton.  Dans  sa  vieillesse  il  fut 
privé  de  la  vue  et  del'ouie,  sans  rien 
perdre  de  ses  facultés  intellectuelles: 
sur  la  fin  de  sa  vie,  il  éprouvait  un 
besoin  de  sommeil  tel,  qu'il  dormait 
vingt-trois  heures  par  jour;  enfin  il 
cessa  de   se  réveiller    le  27   noy. 


MOI 

1754,  à  l'âge  de  87  ans.  Moivre, 
religieux  par  conviction  ,  ne  connut 
jamais  l'envie  ni  les  passions  basses 
dont  les  savants  eux-mêmes  ne  sont 
pas  toujours  exempts.  Il  évitait 
la  société  plus  qu'il  ne  la  recherchait; 
et  il  ne  savait  pas  déguiser  son  aver- 
sion pour  le  manège  et  la  fausseté.  Il 
avait  été  reçu  membre  de  l'académie 
des  sciences  de  Paris ,  quelques  mois 
avant  sa  mort,  et  il  était  depuis  long- 
temps de  celle  de  Berlin.  Ou!re  des 
Mémoires  nombreux  dans  les  Tran- 
sactions philosophiques  ,  on  a  de 
lui  :  I.  The  doctrine  qf  chances, 
Londres,  17 16;  ibid.,  1738;  ibid., 
1756,  in-4°.  C'est  la  traduction  an- 
glaise qu'il  publia  de  son  traité  des 
probabilités ,  avec  des  additions  ;  l'éd. 
de  17.56  est  plus  complète  que  les 
précédentes.  On  trouve  l'analyse  de 
la  méthode  de  Moivre  dans  Yllist. 
des  mathématirj.,  par  Montucla,  t. 
m,  p.  3g6  et  suiv.  Lagrange  avait 
le  projet  de  traduire  cet  ouvrage  en 
français;  c'est  dire  assez  combien 
il  est  intéressant.  Jï.  Miscellanea 
analytica  deseriebus  et  quadraturis, 
Londres,  1730,  in-4°.  Cet  excellent 
ouvrage,  divisé  en  huit  livres,  con- 
tient les  plus  savantes  recherches 
d'analyse;  c'est  le  recueil  des  décou- 
vertes de  Moivre  et  des  méthodes 
qu'il  av. lit  employées  pour  y  parve- 
venir.  III.  Annuities  on  lives  (  Des 
rentes  à  vie),  ibid.,  1724,  174^? 
1750,  in-8°.  (1);  trad.  en  italien 
par  le  P.  Fontana,  Milan,  1776  7 
in-8°.  C'est  Moivre  qui  a  revu  et 
publié  la  traduction  latine  de  l'Opti- 
quede  Newton.  Y  oyezle  Méinoire  sur 


(  i)  I.a  deuxième  édition  renPermp  quelques  expres- 
sions désobligeantes  contre  Simpson  qui  wnait  de 
publier  sur  le  même  sujet  un  traité,  où  Moivre  était 
mentionné,  lionoi , il. I<  nient  :  Simpson  répliqua  ,  eu 
I<7/|3  ,  avec  décern-e  .  .lans  un  Appendix  ;  et  Moivre, 
dans  l'editiou  de  i~5» ,  montra  la  nolilesse  couve* 
cable. 


MOI 

la  Vie  de  M.  Abraham  de  Moivre , 
par  Maty,  La  Haye,  in- 12  ,  et  son 
Éloge  par  Grandjean  deFouehy, 
dans  le  Recueil  de  l'académie  des 
scien.  •  W — s. 

MOKHTAR,  fameux  capitaine 
arabe,  ne  dans  la  première  année  de 
l'hégire  (6'12  de  J.-C),  était  fils 
d'Abou-Obéid,  qui  avait  commandé 
les    Musulmans,   à   la  journée   de 
Cosson  Natef ,  près  de   Koufali,  et 
qui,  avant  tué  l'éléphant  sur  lequel 
était  monté  le  général  persan ,  avait 
été  écrasé  par  la  chute  de  l'animal. 
Un   des   frères   de   Moklitar   périt 
dans  le  même  combat;  et  sa  sœur 
épousa    Abdallah,  fils   du    khalyfe 
Omar.  Moklitar,  qui  devait  être  le 
plus  grand  fléau  des  ennemis  de  la 
famille  du  prophète,  montra  cepen- 
dant peu  de  zèle  pour  le  service  du 
khalyfe  Haçan  fils  d'Aly.  Mais  lors- 
que Houcein,  frère  de  Haçan  ,  eut  en- 
voyé son  cousin  Moslem  à  Koufah, 
l'an  60  de  l'hég.  (67g),  pour  attirer 
à  son  parti  les  habitants  de  cetteville; 
Moklitar  accueillit  daus  sa  maison  le 
prince  alyde ,  l'aida  de  son  crédit ,  et 
se  rendit  tellement  suspect  à  Obéid- 
Allah,  gouverneur  de  l'Irak  pour 
le  khalyfe  Yézid  Ier.  ,  qu'il  en  1 
un  coup   de  bâton    dont  il    perdit 
un  œil.  Moklitar  fut  même. envoyé 
en  prison,  et  y  demeura  jusqu'à  la 
mort  de  Houcein,  l'année  suivante 
{V.  Hoceïiv,  XX,  43/f  ).  Il  obtint 
alors  sa  liberté  par  ordre  de  ï 
et  se  relira  dans  le  Hedjaz  ,  en  jurant 
de  se  venger  d'Obcid-Allah,  et  de 
tous  les  meurtriers  de  Houcein.  Lors- 
qu'il arriva  à  la  M<  kke,  Abdallah  , 
fds  de  Zobéir,  venait  d'y  être  pro- 
clamékhalyfe,  et  disputait  à  Yezid 
L'empire  musulman.  Wokhtar  lui  of- 
frit ses  services  .  1  esqucîs 
il  exigea  une  confiance  illimitée  ;el  il 
combattit  vaillamment  pour  la  dc- 


MOK  37! 

fense  de  la  Mekke ,  jusqu'à  ce  que 
la  mort  de  Yézid  obligea  l'armée 
syrienne  à  lever  le  siège  {V .  Abdal- 

LAn-IBN-ZoBEiR,I,f)I,etYlîZID  I'  '.  ). 

Voyant  qu'Abdallah  le  consultait 
peu  ,  et  ne  le  chargeait  d'aucun  em- 
ploi important,  il  se  rendit  à  Koufah, 
où  les  partisans  de  ce  khalyfe  étaient 
moins  nombreux  que  ceux  de  la 
maison  d'Aiy  :  il  convoqua  ces  der- 
niers ;  mais ,  quoiqu'il  s'annonçât 
comme  lieutenant  de  Mohammed- 
ibn-ii  aneûah ,  chef  de  cette  illustre 
famille,  il  s'efforça  vainement  d'af- 
faiblir leur  confiance  et  leur  con- 
sidération pour  Soléiraan  ,  fils  de 
Sorad,  leur  général,  et  il  ne  put  en 
séduire  d'abord  qu'un  petit  nombre. 
Ses  démarches  et  ses  intrigues  inspi- 
rèrent même  des  soupçons  au  gou- 
verneur de  Koufah,  qui  le  fit  mettre 
en  prison.  Sur  ces  entrefaites ,  Soléi- 
man ,  à  la  tête  d'une  troupe  de  fana- 
tiques, qui  s'appelaient  Pénitents, 
partit  pour  venger  la  mort  de  Hou- 
cein ,  sans  attendre  les  secours  que 
voulait  lui  donner  le  gouverneur  de 
Koufah  ,  lequel  ,  dans  l'intérêt  du 
khalyfe  Abdallah,  se  servait  des  par- 
tisans d'Aly,  pour  faire  la  guerre  au 
khalyfe  Oaimayade  de  Syrie.  Vaincu 
en  Mésopotamie,  par  Obeid  -  Allah 
ibn-Zéiaa ,  général  de  ce  dernier,  So- 
léinian  périt  avec  tous  les  siens.  Cet 
événement  rendit  la  liberté  à  Mokli- 
tar, et  rallia  autour  de  lui  à  Koufah 
tous  les  sectateurs  d'Aly.  Il  sut  même 
attirer  dans  son  parti  Ibrahim  ibn- 
al-Aschtar,homme  brave  et  puissant, 
jusque-  là  dévoué  au  khalyfe  de  la 
Mekke.  Moklitar  commença  dès-lors 
sa  guerre  d'extermination  contre  lès 
meurtriers  de  Houcein  :  presque  tous 
furent  arrêtes ,  et  expirèrent  dans 
divers  supplie;  .  Se  reconj  ai 
aucun  des  deux  khah  fe$  q 
putaient  le  tronc  de  l'islamisme,  il 


'.iy.i  MOK 

feignit  cependant  de  ménager  Ab- 
dallah ,  qui  ne  fut  point  sa  dupe,  et 
qui  fit  tailler  en  pièces  un  corps  de 
trois  mille  hommes,  que  Mokhtar 
lui  envoyait,  en  apparence  comme 
auxiliaires,  mais  eu  effet  pour  l'as- 
siéger clans  la  Mekke.  Mokhtar  au- 
rait eu  l'occasion  de  prendre  sa  re- 
vanche, sans  la  modération  de  Mo- 
hainmed-ibn-Hanciiali  (  V. ce  nom). 
L'an  67  (  687  ) ,  il  dirigea  une  ar- 
mée sous  les  ordres  d'Ibraliim-al- 
Aschtar ,  contre  les  troupes  syrien- 
nes ,  commandées  par  Obéid-Allah , 
qui  venait  assiéger  Koutah.  Pour  ani- 
mer le  courage  de  ses  soldats,  Mokh- 
tar fit  construire  une  espèce  de  tro- 
ue ,  que  l'on  portait  devant  eux  sur 
une  mule;  et  il  leur  persuada  que  ce 
trône  leur  serait  aussi  utile  que  l'ar- 
che d'alliance  l'avait  été  aux  Israé- 
lites. Il  se  prétendait  inspiré  de  Dieu, 
et  il  assurait  que  l'ange  Gabriel  lui 
apparaissait  sous  la  forme  d'une  co- 
lombe. Afin  d'appuyer  cette  impos- 
ture, il  donna  des  colombes  blanches 
à  quelques  oîvieiers  qui  lui  étaient 
dévoués ,  et  auxquels  il  recommanda 
de  les  retenir,  si  la  victoire  se  dé- 
clarait  pour  eux,  mais  de  les  lâcher, 
si  elle  penchait  du  côté  de  l'ennemi; 
et  de  pu!  lier  alors  que  les  anges,  sons 
la  forme  de  ces  colombes,  venaient 
combattre  pam  la  bonne  cause.  En 
congédiant  ses  troupes, il  leur  promit 
aussi  le  secours  des  anges,  cl  les  ha- 
rangua en  vers,  suivant  son  habi- 
tude. Elles  remportèrent  une  victoire 
complète  :  Obeid  -  Allah  fut  tué  ;  et 
presque  toute  la  Mésopotamie  se  sou- 
mit à  Mokhtar.  Mais  la  tyrannie  de 
cet  ambitieux  devint  si  insuppor- 
table, que  les  Koufiens  implorèrent 
la  prolection  deMosab,  qui  gouver- 
nait Bassorah  au  nom  du  khalyfe 
Abdallah  son  frère.  Mokhtar,  atta- 
qué et  vaincu  par  Mcsab,  se  réfugia 


MOK 

flans  le  château  de  Koufah;  il  y  fut 
pris  ,  et  on  lui  trancha  la  tète  en 
ramadhan  67  (687),  à  l'âge  de  67 
ans.  Ainsi  périt  ce  capitaine  dont 
les  cruautés  souillèrent  les  talents ,  et 
qui  avait  knmolé  5o  mille  victimes 
aux  mânes  de  llouecïu,  sans  comp- 
ter celles  qui  étaient  restées  sur  les 
champs  de  bataille.  A — t. 

MOKTADY  BIAMR- ALLAH 
(  Aboul-Cacem -Abdallah  VI  al  ), 
'.27e.  khalyfe  abbasside  ,  né  six  mois 
après  la  mort  de  son  père  ,  était  l'u- 
nique héritier  mâle  et  la  seule  con- 
solation de  son  aïeul  Caïm  Biamr 
Allah ,  qui  le  fit  reconnaître  pour  son 
successeur,  avant  de  mourir.  (  V. 
Caïm,  VI,  479)  Moktady  fut  inau- 
guré khalyfe,  le  i3e.  chaban  4^7 
(  3  avril  1074),  par  Mowaïed  el-Mo- 
louk,  lieutenant,  à  Baghdad,  du  sul- 
than  Melik-Chali  Ie*.  (  F.  ce  nom  , 
XXVIII ,  204  )  :  il  fut  traité  par  ce 
prince  avec  plus  d'égard ,  que  ses 
prédécesseurs  ne  l'avaient  été  pen- 
dant '2l>6  ans,  par  leurs  Emyrs  al 
Omrah.  Depuis  plus  d'un  siècle,  l'A- 
rabie s'était  soumise  à  la  domination 
des  khalyfcs  fathimides  d'Egypte  , 
et  ne  reconnaissait  plus  ceux  de 
Baghdad.  La  puissance  de  Melik- 
Chah,  ayant  accru  l'influence  re- 
ligieuse de  Moktady  ,  on  recom- 
mença, Tan  468  (1076),  à  la  Mekke 
et  à  Medine,  de  réciter  la  khothbah 
au  nom  de  ce  dernier;  ce  qui  eut  lieu 
pour  lui  et  ses  successeurs ,  jusqu'à 
l'extinction  du  khalyfat.  Ami  des 
sciences  et  des  lettres  ,  il  favorisa  les 
opérations  astronomiques  qui  furent 
faites  pour  la  réforme  du  calendrier, 
quoique  toute  la  gloire  en  ait  été  attri- 
buée au  sulthan.  L'an  480, ce  khalyfe 
épousa  la  fille  de  Meîik-Chah ,  qui  lui 
imposa  l'obligation  de  n'avoir  point 
d'autres  femmes  ,  ni  de  concubines. 
Les  noces  furent  célébrées  à  Bagh 


* 


tlad,  avec  une  magnificence  inouïe; 
mais  ce  mariage  ,  qui  devait  resser- 
rer l'union  des  deux  princes ,  occa- 
sionna   uue    rupture.    La    nouvelle 
épouse,  d'humeur acariâtre,  vécut  en 
si  mauvaise  intelligence  avec  Mokt»- 
i'au  bout  de  deux  ans,   il  fut 
obligé  de  la  renvoyer  à  son   père. 
Celui-ci  conçut  tant  de  haine  contre 
son  gendre,  que  non-seulement  il  le 
força  de  déshériter  sou  fils  Ahmed, 
qui  fut  depuis  khalyfe  sous  le  nom 
de  Mostadhcr,  et  d'appeler  au  tronc 
pontifical   Djafar  qu'il  avait  eu   de 
la  princesse  seldjuukide;    mais   en- 
core il  voulut  contraindre  Moktady 
d'abandonner  Baghdad ,  et  d'aller  ré- 
sider à  Basrah.  Le  khalyfe,  ayant 
obtenu  de  son  beau-père,  un  délai  de 
dix  jours  ,  pour  faire  ses  préparatifs 
de  voyage  et  de  translation,  passa 
tout  ce  temps  à  prier,  «à  jeûner  ,  assis 
sur  la  cendre  ,  et  implorant  la  ven- 
geance divine  contre  son  persécuteur, 
qui   mourut  en    effet  peu  de  jours 
après.  Moktady  ne  lui  survécut  que 
de  1 5  mois.  II  venait  de  signer  le  di- 
plôme qui  confirmait  le  sulthanat  à 
Barkiarok ,  fils  de  Mélik-Chah ,  le  1 5 
moharrem  4&7   (  4  février   1094  )  , 
lorsqu'au  sortir  de  table  ,  il  fut  frap- 
pé d'apoplexie  ,  auprès  de  deux  de 
ses  femmes,  dans  la  3if.  année  de 
son  âge  ,  et  la  9,0e.  de  son  règne.  Ce 
khalyfe    était    affable,   bienfaisant, 
pieux  et  très-versé  dans  les  rites  et 
les  pratiques  delà  religion.  11  aima 
lice  et  corrigea  une  infinité'  d'a- 
bus. On  trouve  ,  dans  Elmaeiu  ,  quel- 
ques vers  de  sa  façon.  11  eut  pour 
mère  une  arménienne ,  qui  survécut 
non-seulement  aux  khalyfats  de  son 
fils  et  de  son  petit  fils  Mosthadcr ; 
mais  qui    !  celui  de  son  ar- 

rière-pet  1:  lied.      A-T. 

MDKTAFY-BILLAHCAbou-Mo- 

•n  i>   Vit  11  plus  cor- 

•   !  T. 


MGR  273 

reetement  Moetafy ,    17°.  khal 

ade  ,  se  trouvait  à  ftakka  lors- 
qu'il apprit  la  mort  de  son  père  , 
Motadhed  ,  l'an  289  de  l'hég.  (  902 
de  J.-C.  )  :  il  se  rendit  aussit 
Baghdad,  où  le  vézyr  Caeem  l'avait 
fait  proclamer  khalyfe.  Ce  ministre 
avait  eu  néanmoins  l'intention  de  le 
priver  du  trône  ,  et  avait  confié  ce 
projet  à  Bader  ,  l'un  des  courtisans 
de  Moctafv.  Mais,  craignant  ensuite 
qu'il  n'abusât  de  son  secret ,  il  pro- 
fita de  l'absence  de  Bader,  pour  le 
rendre  suspect  à  ce  prince,  qui  mar- 
cha contre  lui ,  corrompit  ses  trou- 
pes ,  et  le  força  de  se  renfermer  dans 
Waseth.  Alors  Bader  se  soumit ,  li- 
cencia ses  troupes,  et  partit   pour 
Baghdad  ;  mais  le  vézyr,  qui  l'avait 
porté  à  cette  démarche,  le  fit  assas- 
siner en  chemin.  Les  Carmathes  exer- 
cèrent de  grands  ravages  en  Syrie  , 
sous  le  règne  de  Moetafy  :  en  2JQO  , 
ils  taillèrent  en  pièces  une  armée  de 
ce  prince  ,  dont  le  général ,  poursui- 
suivi  jusqu'à  Halep  ,  les   empêcha 
néanmoins  de  prendre  celle  ville.  Le 
khalyfe  marcha  contre  eux,  l'année 
suivante ,  à  la  tête  de  cent  mille  hom- 
mes •  et  s'étant  arrêté  à  Rakka  ,  il 
envoya  un  de  ses  lieutenants,  qui  rem- 
porta une  grande victoiresurcesbar- 
bares  sectaires.  Moetafy,  rentré  dans 
Baghdad  ,  fit  couper  les  pieds ,  les 
mains,  et  ensuite  la  tète  à  tous  les 
prisonniers  Carmathes  ,  ainsi  qu'à 
lloueéin,leurgénéral.L'an..i9'2(9o5), 
le  khalyfe  détruisit  la  dynastie  des 
Thoulounides  ,  et  réunit  î'Égyptc  et 
la  Syrie  sous  sa  domination  immé- 
diate (  V.   klIOMAROUYAII  ,    XXII, 
375  ).  Les  Carmathes  continuèrent 
leurs  dévastations,  les  deux  années 
suivantes;  ils  remportèrent  quelques 
avantages  sur  les  troupes  de  Moetafy, 
pillèrent  la  caravane  de  la  Mekke , 
et  massacrèrenl  vingl  mille  pèlerins. 


2^4 


MOK 


Mais  un  des  généraux  de  ce  prince, 
ant  attaqués  tandis  qu'ils  étaient 
chargés  et  embarrassés  <3e  leur  bu- 
tin ,  gagna  sur  eux  une  bataille  dé- 
cisive, dans  laquelle  Zakrou'iah  ,  leur 
général  ,  fut  blessé  mortellement 
et  fait  prisonnier  ;  il  envoya  la  fa- 
mille de  ce  rebelle,  avec  un  grand 
nombre  de  captifs ,  à  Baghdad ,  où  le 
khalyfe  les  fit  expirer  dans  les  sup- 
plices. Les  Garmathes  furent  si  affai- 
blis par  cette  défaite,  qu'ils  laissè- 
rent respirer  quelque  temps  l'em- 
pire (  V.  Abou  -  Tiiaiier  ,  1 ,  101  ). 
Moetafy  mourut  à  la  (in  de  Pan  295 
(  908) ,  âgé  de  trente-un  ou  trente- 
trois  ans ,  après  un  règne  court,  niais 
fortuné,  de  six  ans  et  demi.  Quoique 
sévère  jusqu'à  la  cruauté  à  l'égard  des 
rebelles  et  des  grauls  coupaLles  ,  il 
était  humain  et  généreux.  11  maintint 
ses  finances  et  ses  armées  sur  un  pied 
respectable  ;  et  il  aurait  relevé  la 
gloire  et  la  puissance  du  khaîyfat ,  si 
la  mort  n'eût  arrêté  ses  projets.  Il  eut 
pour  successeur  son  frère  ,  le  faible 
et  voluptueux  Mbctader.     A — t. 

MORT  AF  Y-LE  AMR-ALL  AH 
(  Abou  -  Abdallah  Mohammed  IX 
al),  3 ie.  khalyfe  abbasside,  fils 
de  Mosladher,  et  petit-fils  de  Mok- 
tady,  fut  installé  sur  la  chaire  de 
Mahomet,  après  la  fuite  et  la  dépo- 
sition de  son  neveu  Rasched ,  le  12 
dzouîhadjah  53o  de  Phég.  (  1 1 36  de 
J.-C,  par  !e  sulthan  seldjoukide  Ma- 
s'oud, auquel  il  témoigna  sa  gratitude 
par  une  entière  condescendance.  (  V. 
Mas'oud, XXVII,  38s).L'an  535,  il 
recouvra  le  manteau  et  le  bâton  du 
prophète,  qui  lui  furent  renvoyés  par 
le  sulthan  Sandjar ,  entre  les  mains 
duquel  ces  dépouilles  sacrées  étaient 
tombées  ,  après  la  mort  tragique  du 
khalyfe  Most^rsched  (  V.  ce  nom  et 
Sandjar  ).  L'an  54o,  il  fit  renfermer 
étroitement  son  frère  Abou-Taleb  et 


MOL 

plusieurs  autres  princes  de  sa  famille, 
La  mort  de  Mas'oud,  en  547  ,  et  la 
captivité  de  son  oncle  Sandjar  ayant, 
hâté  la  décadence  des  Seldjoukides  , 
qui ,  depuis  cent  ans,  étaient  les  véri- 
tables maîtres  de  l'empire  musul- 
man; Moktafy  profita  des  guerres  qui 
curent  lieu  entre  leurs  successeurs  , 
pour  affranchir  le  khaîyfat  du  joug 
humiliant  qu'il  avait  subi  pendant 
plus  de  deux  siècles  sous  la  tyran- 
nie des  Einyrs  al-  Omrah;  et  il  fit 
tous  ses  efforts  pour  rétablir  l'an- 
tique puissance  de  ses  ancêtres.  Il 
s'empara  d'abord  du  palais  que  ]es 
sulthans  avaient  à  Baghdad;  mais  il 
assiégea  vainement  Tekrit ,  en  54f)  , 
et  ne  réussit  pas  mieux  ,  l'année  sui- 
vante ,  devant  Dacuca ,  dont  les  trou- 
pes du  roi  de  Moussoul  le  forcèrent 
de  lever  !e  siège.  Il  parvint  néan- 
moins à  gouverner,  par  lui-même  et 
avec  un  pouvoir  absolu,  Baghdad  et 
PIrak-Araby,  faible  et  unique  reste 
de  l'empire  musulman,  et  à  obtenir 
une  certaine  prépondérancepolitique, 
qu'il  transmit  à  ses  descendants.  Ce 
khalyfe  entretenait,  à  grands  frais  , 
des  agents  secrets,  qui  l'instruisaient 
exactement  de  tout  ce  qui  se  passait 
dans  les  diverses  cours  de  l'Orient. 
Il  mourut  le  2  raby  1,  555  (  14  mars 
1 160  )  à  l'âge  de  66  ans,  après  un 
règne  heureux  de  24  aKS-  Moktafy 
avait  fait  enlever  les  portes  de  la 
Gaabah  à  la  Mekke  ;  et  les  ayant  rem- 
placées par  d'autres,  qui  furent  re- 
couvertes de  lames  de  vermeil ,  il 
ordonna  que  le  bois  des  anciennes  fût 
employé  cà  faire  son  cercueil.  Il  eut 
pour  successeur  son  fils  Mostandjed. 
A — T. 
MOLAI  (  Jacques  de  ),  dernier 
grand-maître  des  Templiers,  était  de 
la  famille  des  sires  de  Longwic  et 
de  Raon.  Vers  l'an  ia65  ,  il  fut  ad- 
mis, encore  très-jeune,  dans  l'ordre 


MOL 

d«;S  Templiers ,  et  reçu  par  Irnbert 
de  Peraudo  ,   visiteur  de  France  et 
de  Poitou  ,  dans  la  chapelle  du  tem- 
ple à  Beaunc.  A  peine  arrivé  en  Pa- 
lestine ,  il  se  distingua  conlre  les  in- 
fidèles. A  la  mort  de  Guillaume  de 
Beâujeu ,  quoique  Molai  ne  fût  pas 
dans  l'Orient,  une  élection    unani- 
me le  nomma  grand-maître.   11  se 
trouva,  en   1299,  à  la  reprise    de 
Jérusalem   par  les  Chrétiens.  For- 
cé ensuite  de  se  retirer  dans   File 
d'Arad,  et  de  là  dans  l'île  de  Gypre  , 
il  allait  rassembler  de  nouvelles  for- 
ces ,  pour  venger  les  revers  des  ar- 
mes  chrétiennes  ,  lorsque  le  pape 
Fappela  en  France  (  i3o5  ).  Arrivé 
avec  soixante  chevaliers  et  un  trésor 
très-considérable  ,  il  fut  reçu  avec 
distinction  par  Philippe-le-Bel ,  qui 
le  choisit  pour  parrain  de  l'un  dos 
enfants  de  France.  En  rappelant  le 
grand-maître  ,  la  politique  qui  pré- 
parait  la    destruction    de    l'Ordre 
avait  donné  pour  prétexte  le  projet 
de  réunir  l'ordre  du  Temple  et  celui 
de  l'Hôpital.  Le  pian  de  celle  des- 
truction, concerté  par  le  roi  et  ses 
agents,  fut  caché  avec  tant  d'adres- 
ie,le  1 3  octobre  i3on  ,  tous  les 
Templiers  furent  arrêtés  à  la  même 
heure  dans  toute  la  France.  La  veille 
de  l'arrestation  ,  legrand-maitreavait 
porté  le  poêle  à  la  cérémonie  de  l'en- 
terrement  de   la   princesse   Cathe- 
rine, héritière  de  l'empire  de 
tanttnople,  épouse  du  comte  de  Va- 
lois. Depuis  l'arrestation  des  1 
liera  nid-maître*,  les  desti- 

nées de  cet  illustre  chef  furent  liées  à 
celles  de  l'ordre  entier.  On  sait  que 
cet  Ordre  r  dn^ 

croi:  -but  de 

protéger  et  de  les  pèlerins 

qui  ;\.  La 

noblesse  et  la  bi  1 
l'utilité  et  la  gloire' 


MOL 

la  rendirent  recomraanlable  dès  son 
origine.  Les  statuts   furent   dressés 
dans  un  concile;  et,  pendant  deux 
siècles,  les  privilèges  accordés  par 
les  papes,  la  reconnaissance  des  rois, 
des  grands  et  du  peuple,  l'autorité 
et  le  crédit  qu'augmentaient  chaque 
jour  les  exploits  et  les  grandes  ri- 
chesses des  Templiers ,  en  firent  l'Or- 
dre  le  pins  puissant  de  la  chrétienté. 
Il  dut  exciter  la  jalousie,  même  des 
rois,  parce  que  dans  le  haut  rang  où 
il  s'était  élevé ,  il  était  difficile  que 
tous   les    chefs  et  tous   les   cheva- 
liers   se    maintinssent    toujours   et 
partout  dans  cette  sage  modération 
qui    aurait    pu    seule  prévenir    ou 
désarmer  l'envie  et  la  haine.  Mal- 
heureusement pour  l'Ordre ,  le  roi 
de  France  eut  plusieurs  motifs  de  le 
perdre  ;  et  le  principal  peut  -  être  . 
ce  fut  la  pénurie  du  trésor  royal  , 
laquelle   le   rendit    moins    difficile 
sur  les  moyens  de  s'approprier  une 
partie  des  biens  de  l'Ordre,  et  de 
jouir  de  tous  pendant  long-temps. 
A  l'instant  où  furent  arrêtés  le  grand- 
maître    et  tous  les    chevaliers   qui 
étaient  avec  lui  dans  le  palais  du  Tem- 
ple à  Paris  ,  le  roi  occupa  ce  palais, 
et  s'empara  de  leurs  possessions  et 
de  leurs  richesses.  Eu  arrêtant  les 
autres  chevaliers  dans  les  diverses 
parties  de  la  France,  on  saisi: 
leurs  biens.  Des  inquisiteurs  procé- 
dèrent aussitôt  contre  tous,  les  in- 
terrogèrent en  les  livrant  aux  tortu- 
ou  en  les  menaçant  de  les  y  li- 
vrer. Partout,  ou  presque  partout, 
ils  arrachèrent  au  plus  grand  nombre 
des  chevaliers, l'aveu  de  quelques-uns 
des  crimes  honteux  dont  on  les  accu« 

et  qui  offensaient  à-la-f< 
nature, la  religion  ei  les  .  , 
menaces  on  joignail  ens  de 

séduction    pour    obtenir   les 
qui  devaient  justifier  les  ri 


n6 


MOL 


mesures  employées.  Le  procès  con- 
tre les  Templiers  existe  en  original  à 
la  bibliothèque  du  Hoi.  Au  commen- 
cement des  procédures ,   trente-six 
chevaliers  étaient  morts  à  Paris ,  dans 
les  tortures.  Philippe  le-Bel  mit  en  usa- 
ge tous  les  moyens  qui  pouvaient  per- 
dre  l'ordre  et  les  chevaliers  dans  l'o- 
pinion publique.  Le  pape,  croyant  sa 
propre  autoritéblessée  par  les  agents 
du  roi ,    avait  d'abord  réclame  en 
faveur  des  chevaliers.  Philippe  sut 
bientôt  calmer  les  scrupules  du  pon- 
tife. La  faculté  de  théologie  applau- 
dit aux  mesures  du  roi  ;  et  une  as- 
semblée convoquée  à  Tours  ,  s'ex- 
pliquant  au  nom  du  peuple  français  , 
demanda  la  punition  des  accusés  , 
et  déclara  au  roi  qu'il  n'avait  pas 
besoin  de  l'intervention  du  pape  , 
pour  punir  des  hérétiques  notoire- 
ment coupables.  Jacques  Mariai  avait 
été  envoyé,  avec  d'autres  chefs  de 
l'Ordre,  auprès  du  pape  ,  pour  s'ex- 
pliquer devant  lui  ;    mais  sa  mar- 
che fut  arrêtée  à  Ghinon  ,  où    des 
cardinaux  vinrent  l'interroger.  Des 
historiens  ont  cru  que  Philippe-le- 
Bel  avait  procuré  la  tiare  a  Clément 
V,  en  lui  imposant  diverses  condi- 
tions ,  l'une  desquelles  étaitl'abolition 
de  l'Ordre.  Dans  les  premières  infor- 
mations ,   un  très-grand  nombre  de 
chevaliers  firent  les  aveux  exigés  ;  et 
l'on  croit  généralement  que  le  grand- 
maître  lui-même  céda,  comme  ceux- 
ci,  ou  à  la  crainte  des  tourments  et 
de  la  mort ,  ou  à  l'espérance  qu'il 
obtiendrait  quelques  conditions  favo- 
rables pour  l'Ordre ,  s'il  ne  résistait 
pas  aux  projets  de   la  politique  du 
roi.  Cependant  le  pape  ,   obligé  de 
donner  une  apparence  juridique  aux 
moyens  violents  qui  (lovaient  ame- 
ner la  destruction  de  l'Ordre  ,  con- 
voqua    un    concile  œcuménique   à 
Vienne ,  et  nomma  une  commission 


MOL 

qui  se  rendit  à  Paris  ,  afin  de  prendre, 
contre  l'Ordre  en  général,  une  infor- 
mation nécessaire  et  même  indispen- 
sable  pour  motiver  la  décision  du 
concile.   La  bulle  porte  que  l'ordre 
comparaîtra  devant  le  concile,  par  le 
ministère  de  ses  défenseurs.  Jacques 
Molai  fut  amené  en  présence  de  ces 
commissaires  du  pape;  et  on  lui  lut, 
en  langue  vulgaire,  les  pièces  de  la 
procédure.   Quand   il    entendit    des 
lettres  apostoliques  qui  supposaient 
qu'il  avait   fait  à   Ghinon  certains 
aveux ,  il  manifesta  son  étonnement 
et  son  indignation  contre  une  telle 
assertion.  Un  grand  nombre  de  Tem- 
pliers comparurent  après  leur  chef. 
L'affaire  prit  alors  un  caractère  im- 
posant et  extraordinaire  ;  les  cheva- 
liers se  montrèrent  dignes  et  de  l'Or- 
dre et  d'eux-mêmes  ,  et  des  grandes 
familles  auxquelles  ils  avaient  l'hon- 
neur d'appartenir.    La   plupart    de 
ceux  qui ,  forcés  par  les  tourments 
ou  la  crainte ,  avaient  fait  des  aveux 
devant  les  inquisiteurs  ,    hs   révo- 
quèrent devant  les  commissaires  du 
pape.  Us  se   plaignirent  hautement 
des  cruautés    qu'on  avait  exercées 
envers  eux.,  et  déclarèrent,  en  ter- 
mes énergiques,    vouloir  défendre 
l'Ordre  jusqu'à  la  mort,  de  corps  et 
d'ame,  devant  et  contre  tous,  con- 
tre   tout  homme    vivant  ,    excepté 
le  pape  et  le  roi ,  etc. ,  etc.  Le  grand- 
maître  demandait  sans  cesse  qu'on 
le  conduisît  eu   présence  du  pape  , 
qui  devait  le  juger.  Cinq  cent  qua- 
rante six  Templiers,   soit  de  ceux 
qui  avaient  fait  des  aveux ,  soit  de 
ceux   qui    avaient    toujours   résisté 
aux   moyens    des    oppresseurs  ,    se 
déclarèrent  et   se  constituèrent  dé- 
fenseurs de  l'Ordre.  Bientôt  d'autres 
chevaliers,  détenus  dans  les  diverses 
prisons  de  la  France  ,  demandèrent 
a  partager  cet  honorable  péril,  et  ils 


MOL 

furent  traduits  à  cet  effet  dans  les  pri- 
sons de  la  capitale.  Alors  le  nombre 
des   défenseurs  fut   d'environ    neuf 
cents.  Il  était  facile  de  justifier  l'Or- 
dre ;  et  comme  ils  commençaient  à 
le  faire  avec  un  succès  qui  déconcer- 
tait le  roi  et  ses  agents,  on  imagina 
un  moyen  aussi  cruel  que  prompt: 
ce  fut  oie  livrer  au  jugement  des  in- 
quisiteurs, les  chevaliers  qui,  ayant 
rétracte  les  aveux  précédents ,  sou- 
tenaient l'innocence  de  l'Ordre.  Tous 
ceux  qui  persistèrent  dans  leurs  ré- 
tractations  furent  déclarés   héréti- 
ques relaps  ,  livrés  à  la  justice  sé- 
culière, et  condamnés  au  feu.  Ceux 
qui  n'avaient  jamais  fait  d'aveux  ,  et 
qui  ne  voulurent  pas  en  faire,  furent 
condamnés  à  la  détention  perpétuelle, 
comme  chevaliers  non  réconciliés. 
Quant  à  ceux  qui  ne  rétractèrent  pas 
les  aveux  des  impiétés  et  des  lurpitu- 
iputées  à  l'Ordre,  ils  furent  mis 
en  liberté,  reçurentrabsolution,et  fu- 
rent nommés  Templiers  réconciliés. 
Pour  accuser  ,  interroger  ,  juger  les 
prétendus  relaps ,  les  condamner  aux 
flammes,  et  faire  exécuter  le  juge- 
ment ,  il  suffit  du  temps  qui  s'écoula 
fin  lundi   il  mai  au  lendemain  ma- 
lin. Cinquante-quatre  chevaliers  pé- 
rirent à  Paris  ce  jour-là.   La  procé- 
dure indique  nominativement  quel- 
ques-uns des  chevaliers  qui  subirent 
cet  honorable  supplice.  Il  est  du  de- 
voir   de   l'histoire    de   transmettre 
leurs  noms  à  la  postérité.  En  voici 
huit  sur  lesquels  il  ne  peut  y  avoir 
aucun  doute  :  Gaucerand  de  Buris  , 
Guido  de  Nici ,  Martin    de  Nici  , 
Gaultier   de    Bullens ,  Jacques    de 
Sansy  ,  Henri  d'Anglesi ,  Laurent  de 
Beaune,  Raoul  de  Frémi.  Tous  les 
historiens  qui  onl  parlé  du  supplice 
mille, ont  attesté 
la  noble  intrépidité qu  ils  montrèrent 
jusqu'à  la  mort:  entonnant  les  saints 


MOL  277 

cantiques  ,  et  bravant  les  tourments 
avec  un  courage  chevaleresque  et  une 
résignation  religieuse ,  ils  se  mon- 
trèrent dignes   de  la  pitié  de  leurs 
contemporains  et  de  l'admiration  de 
la  postérité.  Les  commissaires  du 
pape  crurent  qu'il  n'était  plus  pos- 
sible   de    continuer   la   procédure  , 
quand  la  franchise,  dont  la  religion 
et  la  loi  faisaient   aux  accusés  un 
droit  et  un  devoir  pour  éclairer  le 
concile   qui   devait  juger  l'Ordre  , 
devenait  un  prétexte  pour  les  con- 
duire au  bûcher  :  ils  se  retirèrent. 
D'autres  exécutions  eurent  lieu  en 
France   et  par  les  mêmes  motifs. 
Dans  les  pays  étrangers ,  les  Tem- 
pliers ,  poursuivis  à  l'instigation  du 
pape  et  de  Philippe- le-Bel,   résistè- 
rent avec  succès ,  parce  que  l'on  n'a- 
vait point  recours  contre  eux  aux 
terribles  moyens  employés  en  France. 
En  Portugal  ils  furent  conservés  sous 
un  autre  nom  (  V.  Denis,  XI,  80).  Le 
i3  octobre  i3i  1  ,  jour  anniversaire 
de  celui  où  ,  quatre  ans  auparavant , 
ils  avaient  été  arrêtés  dans  toute  la 
France  ,  le  pape  ouvrit  le  concile 
œcuménique  de  Vienne  :  on  y  lisait 
les  procédures  faites  contre  l'Ordre, 
quand  tout-à-coup  neuf  chevaliers  se 
présentent  comme  délégués  de  quinze 
cents  à  deux  mille,  et  offrent  de  pren- 
dre la  défense  de  l'Ordre  accusé.  Le 
pape  les  fit  mettre  aux  fers;  et  l'Ordre 
ne  fut  point  défendu  par  ces  dignes 
mandataires ,  quoique  les  membres 
du   concile    fussent    d'avis    de   les 
entendre.  Pour  imposer  aux  pères 
du  concile,  Philippe  -  le  -  Bel   ar- 
riva dans  Vienne,  accompagné  de 
ses  trois  fils,  et  d'une  suite  nom- 
breuse de  gens  de  guerre.  Bientôt) 
dans  une  séance,  le  pape,  vans  con- 
sulter   le  concile,  publia    le   décr  t 
d'abolition  de  l'ordre  du  Temple  , 
par  voie  de  provision.  Le  actes  du 


*78 


MOL 


concile  de  Vienne  ont  été  soustraits 
dans  le  temps;  et  la  bulle  même  du 
2  mai  i3i2,  qui  supprime  ainsi,  par 

voie  de  provision,  l'ordre  du  Tem- 
ple, n'a  été  imprimée,  pour  la  pre- 
mière fois,  qu'en  1606.  Dans  sa  bulle 
Considérantes ,  publiée  4  jours  seu- 
lement après  la  bulle  d'abolition  ,  le 
pape  déclare  que  l'ensemble  des  in- 
lormations  faites  contre  l'Ordre  et 
les  chevaliers  n'offre  pas  des  preuves 
suffisantes  pour  les  croire  coupables, 
mais  qu'il  en  résulte  une  grande  sus- 
picion. C'est  de  cette  forme  employée 
par  Clément  V,  contre  les  Templiers, 
que  Clément.  XIV  se  prévalut  quand 
il  abolit  l'ordre  des  Jésuites  ;  dans  le 
fcref  du  21  juillet  1  773,  6n  lit  :  «  Le 
»  pape  Clément  V  a  supprimé  et  to- 
»  taicment  éteint  l'ordre  militaire  des 
»  Templiers,  à  cause  de  la  mauvaise 
»  réputation  où  il  était  alors,  quoi- 
»  que  cet  ordre  eût  été  légitimement 
»  confirmé,  quoiqu'il  eût  rendu  à  la 
»  république  chrétienne  des  services 
»  si  éclatants  que  le  Saint-Siège  apos- 
»  tolique  l'avait  comblé  de  biens ,  de 
»  privilèges  ,  de  pouvoirs ,  d'exemp- 
»  lions  et  de  permissions,  et  quoi- 
»  qu'enfin  le  concile  de  Vienne,  que 
»  ce  pontife  avait  chargé  de  l'exa- 
»  men  de  l'affaire,  eût  été  d'avis 
»  de  s'abstenir  de  porter  un  juge- 
ai ment  formel  et  définitif.  »  II  paraît 
qu'après  l'abolition  de  l'ordre,  la  per- 
sécution contre  les  chevaliers  cessa: 
cependant  Molai  était  encore  en  pri- 
son à  Paris.  Il  avait  toujours  récla- 
mé son  jugement,  que  le  pape  s'était 
réservé  personnellement  •  mais  le 
pontife  ,  craignant  la  présence  du 
grand-maître,  nomma  trois  commis- 
saires pour  le  juger  à  Paris,  ainsi  que 
irois  autres  chefs  de  l'Ordre.  Ces 
commissaires,  ayant  appelé  les  ac- 
cusés sur  un  échafaud  dressé  dans  le 
de  Noire-Dame  7  leur  lu 


MOL 

une  sentence  qui  les  condamnait  à  la 
réclusion  perpétuelle.  Aussitôt  Jac- 
ques de  Molai ,  rendant  hommage  à 
l'innocence  de  l'Ordre ,  déclara  qu'il 
savait  qu'en  parlant  ainsi  ,  il  se  dé- 
vouait à  la  mort,  mais  qu'il  aimait 
mieux,  renoncer  à  la  vie ,  que  de  faire 
des  aveux  mensongers  qui  terniraient 
la  gloire  de  l'Ordre.  L'un  des  trois 
chevaliers  parla  de  même:  le  conseil 
du  roi,  assemblé  à  l'instant,  les  con- 
damna tous  deux  à  la  mort,  sans  ré- 
former la  sentence  des  commissaires 
du  pape, sans  faire  prononcer  aucun 
tribunal  ecclésiastique.  Le  bûcher 
fut  dressé  a  la  pointe  de  la  petite  île 
de  la  Seine,  à  l'endroit  même  où  est 
la  statue  d'Henri  IV.  Les  deux  che- 
valiers montèrent  sur  le  bûcher,  que 
l'on  alluma  lentement,  et  ils  furent 
brûlés  à  petit  feu  (  18  mars  1 3 14  ) : 
jusqu'au  dernier  soupir,  ils  protes- 
tèrent de  leur  innocence  et  de  celle 
de  l'Ordre.  On  a  dit  que  leurs  cendres 
furent  recueillies  pendant  la  nuit. 
On  a  ajouté  que  le  grand-maître  , 
avant  de  mourir,  avait  cité  le  pape  et 
le  roi  au  tribunal  de  Dieu.  Si  ces  sortes 
de  traditions  ne  spot  pas  toujours 
véritables ,  elles  permettent  du  moins 
de  croire  que  l'opinion  publique,  qui 
les  accueillit,  jugeait  que  les  condam- 
nés étaient  innocents.  Toute  l'affaire 
s'explique  par  ce  mot  profond  de 
Bossuet  :  Ils  avouèrent  dans  les  tor- 
tures ,  mais  ils  nièrent  dans  les  sup- 
plices. Les  documents  nombreux  ap- 
portés de  Rome  il  y  a  quelques  an- 
nées, la  publication  de  la  procédure 
faite  contre  l'Ordre  ,  les  débats  aux- 
quels a  donné  lieu  la  tragédie  des  Teni 
pliers  ,  publiée  par  M.  Raynouard  , 
en  181 3,  ont  permis  de  jeter  un 
grand  jour  sur  ce  grand  et  terrible 
événement  ;  et  l'opinion  publique  pa- 
raît désormais  fixée  sur  l'injustice 
de  l'accusation  et  sur  l'innocent 


MOL 

cet  Ordre  célèbre.  Voy.  Y  Histoire  de 
la  condamnation  des  Templiers  par 
Dupuy,  Bruxelles,  1 75i,  in-4"-;  His- 
toire apr.lo^étique  des  Templiers, 
par  le  P.  Lejeune,  Paris,  1789, 
1  vol.  in-4°.  ;  Moldenhawer ,  Pro- 
cès gegen  den  Orden  des  Tem- 
pelherren  ,  Hambourg  ,  1792  ,  in- 
8°.  ;  Mémoires  historiques  sur  les 
Templiers  par  Grouvelle  ,  Paris  , 
i8o5  ,  in-8°.  ;  Monuments  histori- 
ques relatifs  à  la  condamnation  des 
chevaliers  du  Temple,  et  à  V aboli- 
tion de  leur  Ordre,  par  M.  Ray- 
nouard,  Paris,  i8i3,ih-8°.  M.  de 
Ilammer  a  tenté  récemment  d'établir, 
par  de  nombreux  monuments,  la 
réalité  des  crimes  imputés  aux  Tem- 
pliers ;  mais  il  a  été  victorieusement 
réfuté  dans  le  Journal  des  savants  , 
mars  et  avril  1819,  et  dans  la  Bi- 
bliothèque universelle,  même  année. 

Z. 
MOL  ANS  (  Philibert  de  ) ,  gen- 
tilhomme  franc  -  comtois  ,  né    au 
quatorzième  siècle,  fut  un  très-vail- 
lant chevalier ,  et  se  signala  dans 
maintes  occasions.  11  était   écuyer 
du  duc  de  Bourgogne  ,  et  maître 
visiteur  des  arsenaux  et  artillerie  des 
rois  de  France  et  d'Angleterre.  Il  en- 
treprit deux  fois  le  voyage  de  la  Pa- 
lestine, pour  satisfaire  sa  dévotion  en 
visitant  les  lieux  où  se  sont  accom- 
plis les  augustes  mystères  de  notre 
foi  ,  et  en  rapporta  une  partie  des 
reliques  de  saint  George,  dont  il  fit 
présent  à  l'église  de  Rougemont  ,  où 
il  institua  ,  l'an   i3qo,  une  confré- 
rie sous  l'invocation  de  ce  glorieux 
martyr.  Les  confrères  doivent  être 
ou    domiciliés    dans  le   comté 
de  L  quar- 

buil  paternels  et 
de  leur 
admission  ,  \V  >t  d'em- 

ployer leur  fortune  et  leur  vie  au 


MOL  279 

maintien  de  \a  religion  catholique 
et  à  la  défense  des  faibles  ,  spéciale- 
ment des  vierges  et  des  orphelins. 
Leur  décoration  est  un  Saint-George 
en  or  ,  suspendu  à  un  ruban  ! 
Les  confrères  prennent  le  titre  de 
chevaliers  :  mais  le  parlement  de 
Besançon  leur  a  toujours  contestée* 
droit;  et  l'on  trouve  dans  la  Biblio- 
thèque historique  de  France  ,  t.  iv  , 
p.  5 1 4  ,  les  motifs  des  deux  derniers 
arrêts  du  parlement  ,  rendus  sur 
cette  matière.  Thom.  Variu  a  publié, 
en  i663  ,  Y  Etat  de  V  illustre  con- 
frérie de  Saint-  George  en  ladite 
année,  avec  les  armoiries  gravées 
par  P.  de  Loisy.  M.  de  Poutier  de 
Gouhelans  (aujourd'hui  maréchal-de- 
camp  en  retraite  )  est  l'éditeur  des 
Statuts  de  l'ordre  de  Saint-George , 
avec  la  liste  des  chevaliers  ,  depuis 
1390,  Besançon  ,  1768,  in-8°.  Mal- 
gré l'indication  du  frontispice  ,  la 
liste  ne  commence  qu'en  i43i.  On 
trouve,  dans  le  Journal  encyclopédi- 
que ,  ann.  1 773  , 4.  vu  ,  p.  334  ,  un 
Mémoire  très- court  sur  l'ordre  de 
Saint-George.  W — s. 

MOL  ANUS  (Jean  Ver-MEU- 
LEN  ,  plus  connu  sous  le  nom  latin 
de),  savant  théologien,  était  né  en 
i533  ,  à  Lille, de  parents  originaires 
de  Louvain ,  et  qui  y  retournèrent 
peu  après.  Il  lit  ses  études  à  l'uni- 
versité de  cette  ville,  à  cette  époque  , 
la  plus  célèbre  des  Pays-Bas  :  après 
y -avoir  pris  ses  degrés  ,  il  obtint  la 
chaire  de  théologie,  et  fut  pourvu 
d'un    canonicat   de    l'église   Saint- 
Pierre.  Le  roi  d'Espagne  ,  Philippe 
II ,  lui  accorda  sa  bienveillance  ,  et 
lui  prouva,dans  différentes  occasion*, 
l'estime  particulière  qu'il  fais 
ses  talents.  Nommé  doy< 
culte*  de  théologie ,  et  en. 
il  pai 
voies  et  la  recherche  des  antiquités 


2So 


MOL 


ecclésiastiques  :  comme  il  était  très- 
laborieux,  il  aurait  publié  un  grand 
nombre  d'ouvrages,  s'il  n'eût  été  en- 
levé par  une  mort  prématurée,  le  18 
septembre  i585.  Ses  restes  furent 
déposés  dans  la  collégiale  de  Saint- 
Pierre,  sous  une  tombe  décorée  d'une 
épitapne  lionorable  ,  rapportée  par 
différents  auteurs.  Molanus  a  dorme 
une  bonne  édition  du  Martyrologe 
d'Usuard,  avec  des  notes  ,  des  addi- 
tions, et  une  curieuse  préface  ,  dans 
laquelle  il  démontre  la  supposition 
de  différents  écrits  attribués  à  des 
Pères  de  l'Église  et  la  fausseté  de 
quelques  légendes.  La  première  édi- 
tion {  Louvain  ,  1 568  ,  in-8°.  )  est 
la  plus  recherchée,  parce  qu'on  a 
retranché  des  suivantes  plusieurs  pas- 
sages importants  (  V.  Usuard  ). 
On  trouvera  la  liste  des  ouvrages  de 
Molanus  ,  dans  les  Mémoires  de  Ni- 
ceron  ,  t.  xxvn  ,  et  plus  complète- 
ment dans  la  Bibl.  Belgua  de  Fop- 
pens.  On  doit  se  borner  à  citer  ici  les 
principaux  :  I.  annales  urbis  Lova- 
niensis,  Louvain,  137:2,  in-4°.  II. 
De  historid  sacrarum  imaginum  et 
picturarumpro  vero  earum  usu  con- 
tra abusas  lib.  îr  ,  ibid. ,  iS^o  ,  in- 
1  '2.  Cet  ouvrage  a  été  réimprimé  trois 
fois  à  Anvers  ,  dans  le  dix-septième 
siècle;  et  Paquot  en  a  donné  une  édi- 
tion enrichie  de  notes  et  de  supplé- 
ments ,  Liège  ,  1771,  in-4°.  La  par- 
tie qui  traite  des  erreurs  commises 
par  les  artistes  dans  la  représenta- 
tion des  sujets  religieux,  est  intéres- 
sante ,  et  a  fourni  à  l'abbé  Méry  l'i- 
dée de  sa  Théologie  des  peintres, 
sculpteurs  et  dessinateurs.  III.  Na- 
tales S.  S.  Belgii  et  eorum  chronolo- 
gica  recapitulatio ,  Louvain,  i5çp, 
in-8°.  ;  avec  un  supplément  d'Arnold 
de  Raisse  ,  Douai,  16*26  ,  iu-8°.  IV. 
Medicorum  ecclesiaslicum  diarium, 
Louvain,  i5()5  ,  in-8°.Cet  ouvrage, 


MOL 

publié  par  H.  Cuyek,  qui  Ta  fait 
procéder  d'un  court  éloge  de  l'auteur, 
est  ordinairement  réuni  au  pr< 
dent.  V.  Defïde  hœreticis  seruandd, 
libri  très  ;  de  fide  rebellibus  servau- 
dd  liber  unus  ;  et  de  fide  ac  jura- 
mento  quœ  à  tjrannis  exigun'ur, 
Cologne,  i584?  bi-8°.  VI.  De  piis 
testamentis  ,  et  qudeumque  alid 
pid  ultiiriœ  voluntatis  dispositione , 
ibid.,  1 584  7  réimprime  en  1661  , 
in-8°.  VIL  De  canonicis  libri  très , 
ibid.  1587  ,  in-8°.  VIII.  Militia 
sacra  ducum  ac  principum  Braban- 
tiœ  ,  cum  annotationibus ,  Anvers  _, 
1 5cp  ,  in-8°.  ,  ce  livre ,  rare  et  cu- 
rieux, contient  l'histoire  des  guerres 
entreprises  par  les  ducs  de  Brabant, 
pour  cause  de  religion.  IX.  Biblio- 
theca  materiarum  theologica  quœ  à. 
quibus  auctoribus  cum  antiquis}  tùm 
recentioribus  sint  pertractatœ ,  Co- 
logne, 1618,  in-4°.  Cette  première 
partie  est  la  seule  qui  ait  été  pu- 
bliée :  la  seconde  se  trouvait  entre 
les  mains  d'Aub.  Lemirc  ,  et  l'on 
ignore  les  motifs  qui  l'ont  empêché 
de  la  mettre  au  jour.  W — s. 

MOLANUS  ( Gérard- Walter), 
dont  le  nom  de  famille  était  origi- 
nairement Fan  der  Muelen  ,  ab- 
bé de  Lokkum ,  né  à  rlameln ,  en 
i633  ,  fut  professeur  de  mathéma- 
tiques et  ensuite  de  théologie  ,  à 
Pvinleln,  et  obtint,  en  1677,  l'abbaye 
de  Lokkum  ,  avec  la  direction  géné- 
rale de  toutes  les  églises  protestantes 
du  duché  de  Lunebourg.  Il  passait 
pour  le  plus  habile  et  le  plus  conci- 
liant des  docteurs  luthériens  de  son 
temps.  L'évêque  de  Neustadt  (  Chris- 
tophe de  Spinoia),  qui  desirait  avec 
ardeur  la  réunion  des  communions 
chrétiennes ,  s'adressa  pour  cet  objet 
à  Molanus ,  alors  surintendant  des 
églises  de  Hanovre.  Après  être  con- 
venus  que  le  moyen  d'abréger  les 


MOL 

«lis eussions  était  de  rédiger  une  ex- 
position simple  et  claire  dcspoiutsde 
Foi  communs  aux  Catholiques  et  aux: 
Luthériens,   ils  commencèrent 
conférences  dont  le  résultat  fut  un 
écrit,  attribué  généralement  à  Mo!a- 
mis,etquiest  intitulé:  Régulas  citcà 
Christianorum  omnium  ecclesiasti- 
cam  reunionem.  Cet  opuscule  fut 
adressé  à  Bossuct  par  la  duchesse 
d'Hanovre,  qui  réclamait  ses  lumières 
et  son  intervention.  Le  prélat  déclara, 
dans  sa  réponse,  quele  projet  de  conci- 
liation présenté  par  Molanus  ne  lui  pa- 
raissait pas  suffisant,  qu'il  avouait 
qu'on    pourrait   accorder    aux.  Lu- 
thériens   certaines  choses  qu'ils  dé- 
sirent beaucoup,   mais  que  l'Égli- 
se n'accéderait,  jamais  à  aucune  ca- 
pitulation sur  le  fond  des  dogmes 
définis.  Cette  noble  franchise  de  Bos- 
suet  ne    fit    qu'ajouter   à    L'estime 
•îolanus  avait  pour  le  caractère 
de  l'évcquc  de  Meaux;  et  en  lui  fai- 
sant passer  une  nouvelle  copie  de 
son  opuscule,  il  y  en  joignit  un  se- 
cond, sous  le  titre  de  :  Cogitai  tours 
privât  ce  de  methodo  reunionis  eccle- 
siœ  Protestantium,  etc.  (  Ces  deux 
écrits  sont  imprimes  dans  le  tome  'i5 
des  Œuvres  de  Bossuet.  )  Ce  second 
opuscule,  dit   Mgr.  le   cardinal  de 
Bausset,  est  conforme  à  beaucoup 
d'égards  au  premier;  il  est  surtout  re- 
marquable par  un  ton  de  candeur  et 
de  bonne-foi  qui  honore  le  caractère 
de  Molanus  :  cet  abbé  alla  plus  loin  , 
puisqu'il  composa  un  troisième  écrit 
dont  on  n'a  que  des  fragments),  dans 
lequel  il  était  parvenu  à  concilier  ciu- 
quante  articles  controversés  entre  les 
Luthériens  et  les  Catholiques.  Après 
cela  ,  on  ne  peut  guère  douter  que  si 
l'abbé  de  Lokkum  lui  .-<  sté  seul  char- 
ec  Bossuet, 
ils  auraienl  »uver  d'ac- 

cord sur  tous  1-  le  doctrine. 


Quant  ta  la  discipline  udait 

des  concessions  que  Bossuet  ne  se 
montra  pas  éloigné  d'accueillir;  m, 
par  une  contradiction  manifeste  avec 
les   principes  qu'il  avait  lui-même 
établis,  Molanus  refusait  de  recon- 
naître la   légitimité  du    concile  de 
Trente,  et  voulait   que  les  Luthé- 
riens fussent  admis  à  la  communion 
de  l'Église  romaine,  jusqu'à  ce  qu'un 
nouveau  concile,  convoqué  et  prési- 
dé par  le  pape,  eût  définitivement 
prononcéfir  les  points  controversés. 
Bossuct  employa  plus  de  quatre  mois 
de  l'année  1692  à  L'examen  des  pro- 
positions de  L'abbé  de  Lokkum;  et 
il  lui   démontra,  dans  sa  réponse, 
avec  la  dernière  évidence  ,  que  les 
décrets  du  concile  de  Trente  offraient 
aux  Luthériens  tous  les  éclaircisse- 
ments qu'ils  pouvaient  raisonnable- 
ment désirer,  et  que  la  proposition 
de  les  laisser  en  suspens  ne  tenait 
qu'à   un  vain  point  d'honneur.  La 
discussion  en  était  là,  lorsque  Leib- 
nitz  y  intervint;  et  le  premier  résul- 
tat de  ses  démarches  fut  d'écarter 
de  la  négociation  le   sage  abbé  de 
Lokkum  ,  qui  y  avait  apporté  un  si 
excellent  esprit  et  des  intentions  si 
estimables  \Vt   Leibnitz,  XXI  II, 
599).  11  parait  qu'on  fit  crain 
Molanus  d'avoir  déplu  aux  princes 
d'Hanovre,  en  s'avançant  plus  qu'il 
onvenait  aux  intérêts  de  leur  po- 
litique. Knelîèt,  il  semble  revenirsur 
ses  premiers  aveux,  dans  un  dernier 
e'cril  qu'il  adressait  à  Bossuet,  le  rv. 
août  1693  ,  intitulé  :  Nouvelle  expli- 
cation de  la  méthode  qu'on  doit  sui- 
vre pour  parvenir  à  la  réunion  des 
Eglises.  Il  ne  se  mêla  plus  de 
importante  négocia tion,qui  n'cehou/i 
probablement  que   par    la   crainte 
qu'eut  L'électeur  d'Hanovre  de 
met  l'accès  .ni   trône  d'Angleterre. 
Molanus  vécut  toujours  u'lib. 


a8'. 


MOL 


il  possédait  une  riche  collection  de 
médailles  dont  parle  Leibnitz.  Lés  de- 
voirs de  sa  charge  et  l'étude  rempli- 
rent le  reste  de  sa  vie,  qui  se  termina 
le  7  septembre   1722.  On  lira  avec 
intérêt  les  détails  cpie  le  cardinal  de 
Bausset  a  donnés  sur  Molanus,  dans 
le  livre  xu  de  Y  Histoire  de  Bossuet  : 
c'est  la  source  où  l'on  a  principale- 
lement  puisé  pour  la  rédaction  de 
cet  article;  et  on  s'est  attaché,  au- 
tant qu'on  l'a  pu,  à  conserver  les 
propres  expressions  de  l'ittustrc  his- 
torien. On  peut  voir  dans  Si  rider 
(  Ifist.  litt.  de  la  Messe),  et  dans  la 
Vie  de  Molanus,  par  J.  Just.  Vou 
Einem  (  Magdebourg,  i  734?  in-8°., 
en  allemand) ,  la  confession  de  foi  de 
ce  prélat,  son  testament  et  la  liste  de 
ses  ouvrages.  Rotermund  en  compte 
trente-quatre  ,  tant  en  latin  qu'en  al- 
lemand, outre  plusieurs  manuscrits. 
W— s. 
MOLAY  (Jacques  de).  T.Molaï. 
MOLDOVAJNDGF,  grand -vézir 
sous  Mustapha   III ,  et  successeur 
de  Méhémet-Kmin,  sembla  promet- 
tre aux  Othomans  un  vengeur,  et 
aux  Russes  un  ennemi  digne  d'eux. 
D'abord  bostandgi  ou  jardinier  dans 
le  sérail,  puis  simple  soldat  dans  ia 
garde  du  grand-seigneur,  il  mérita, 
par  son  intrépidité  dans  les  fonc- 
tions de  police  auxquelles  son  corps 
est  consacré  à  Constantin op le  ,  les 
regards  de  son  maître,  le   titre  de 
chef  des  bostandgis ,   et  ensuite  Je 
gouvernement  d'une  petite  province. 
Tel  était   son   rang  ,  assez  obscur  , 
lorsque  Méhémet-Emin  le  tira  de  la 
foule  des  officiers  de  l'armée  ,  pour 
Fcnvoyer,  avec  quatre  mille  hommes 
d'élite,   défendre  la  Moldavie  et  la 
Valachie,    contre    les    ravages   des 
Othomans  eux-mêmes.  A  la  nouvelle 
de  l'investissement  de  Choczin 
les  Russes,  Moldovandgi  marcha  de 


MOL 

lui-même  au  secours    de   la  place. 
Renforcé  ,  sur  la  route,  par  tous  les 
soldats  qui  avaient  quitté  le  grand- 
vézir,  et  qui  suivaient  avec  plus  de 
confiance  un  homme  dont  la  bravou- 
re et  la  réputation  leur  était  connues. 
Ce  corps  devint  une  armée  considé- 
rable, qui  fut  en  état  de  contrain- 
dre les  Russes  à  débloquer  Ghoczim ,  " 
et  à  se  retirer.  Le  même  ordre  qui 
demanda  la  tête  de  Méhémet-Éinin  , 
éleva  Moldovandgi.  à  la  dignité  de 
grand-vézir.  Il  se  montra  plus  brave, 
mais  non  moins  ignorant  que  son 
prédécesseur.   Dans   la  même  cam- 
pagne ,   en   l'année    1769,   si   peu 
glorieuse   pour  les  armes  olhoma- 
nes  ,  Mustapha  III   ôta   à  Moldo- 
vandgi  le  commandement  et  le  vézi- 
riat.  Sa  disgrâce  n'alla  pas  jusqu'à 
la  spoliation  de  sa  fortune  ou  à  la 
perle  de  sa  tête.  Il  fut  puni  d'avoir 
été    battu  :    le  sullhan  mitigea  sa 
peine ,  et  lui  donna  le  gouvernement 
subalterne  des  châteaux  du  Canal, 
sous  le  nom  de  défenseur  des  Dar- 
danelles. Le  baron  de  Tott  confirme, 
dans  ses  Mémoires,  tout   ce  qu'on 
doit  penser  de  l'ignorance,  du  cou- 
rage, et  des  vicissitudes  de  fortune 
de  Moldovandgi  pacha, commandant 
une    armée  othomane  ,    et    ne   sa- 
chant pas  mêmeeommentune  bombe 
se  tirait;  élevant  des  murs  de  dix- 
huit  pouces  d'épaisseur,  et  les  fai- 
sant peindre  à  l'eau  de   chaux,  de 
peur  de  masquer  trop  ses  batteries; 
devenu  pour  une  seule  année  général 
et  grand-vizir,  et  de  grand  vizir  re- 
tombé en  un  jour  au  grade  obscur 
de  concierge  de  l'Hellespont.  S — y. 
MOLE  (L 1).  Voj.  Coconas. 
MOLE  (Edouard),  conseiller, 
puis   procureur-général  ,   et  enfin  , 
président  à   mortier  au   parlement 
de  Paris,  était  né  vers   i55o.  Son 
père  ,  Nicolas  Mole ,  avait  une  char- 


MOL 


MOL 


283 


ge  de  conseiller  au  parlement.  Sa 
famille  était  originaire  de  Troyès, 
où  Guillaume,  l'un  de  ses  ancêtres, 
échevin  de  la  ville,  avait ,  en  14-iQ  , 
fait  entrer  Charles  VII  ,  pour  s'a- 
vancer jusqu'à  Reims,  et  hâter  ainsi 
l'accomplissement  des  paroles  pro- 
phétiques de  la  Pucelle  d'Orléans. 
Edouard,  destiné  dès  sa  naissance  à 
la  magistrature ,  était  devenu  conseil- 
ler, et  l'un  des  membres  les  plus 
distingués  du  parlement  de  Paris , 
lorsqu'il  se  trouva  enveloppé  avec 
toute  sa  compagnie  dans  les  événe- 
ments funestes  du  16  janvier  1589 
(  V.  Harlay  ),  et  emprisonné  à  la 
Bastille:  il  revint ,  avec  la  plupart  de 
ses  collègues ,  reprendre  ses  fonctions 
au  paiais  ;  mais  moins  heureux  que 
quelques-uns  d'entre  eux  ,  il  ne  put 
s'échapper  pour  aller  se  jeter  dans 
le  parti  qui  convenait  à  ses  prin- 
cipes d'honneur  et  de  fidélité.  Le 
'il  du  même  mois,  il  fut,  à  la  cla- 
meur publique,  nommé  procureur- 
général,  et  contraint  de  prêter  ser- 
ment à  la  Ligue.  Sa  position  de- 
vint extrêmement  difficile.  Surveillé 
par  des  furieux ,  qui  ne  se  mépre- 

1  point  à  des  apparences  for- 
cées, il  cultivait  avec  loyauté',  mais 

•  rudence,  ses  liaisons  avec  les 
magistrats  demeurés  fidèles  au  fond 
de  leur  cœur,  tels  que  Le  Hfaistre, 
*  on,  Tardif,  LareËer;  il  parta- 
geait avec  eux  les  espérances  d'un 
meilleur  avenir,  et  se  consolait  en 
secret  des  horreurs  du  présent  par 

ation  d'un  fils,  qui  devait  un 
jour  faire  son  bonheur,  en  élevant 
au  plus  haut  degré  ta  gloire  de  son 
nom.  |   d'autant   plus 

uaeements  r ,  qu'il  fal- 

lait (!  jaloux  ses 

intelii 

■pendant  d  [a  fu- 

reur des  Sciî  e  af- 


faire de  Brigard  (  V.  le  Journal  de 
l'Étoile  ,  3  novembre  i5()i  ).  Il  fut 
assez  heureux  pour  leur  échapper  ; 
et  il  eut  la  douleur  de  voir  ses  amis  , 
Brisson,  Larcher  et  Tardif,  payer 
de  leur  vie  la  plus  généreuse  fidélité. 
Mole  négociait  en  secret  l'abjuration 
de  Henri  IV.  Cet  heureux  événement, 
qui  désarmait  enfin  les  rebelles ,  fit 
rendre  le  fameux  arrêt  du  28  juin 
i5ç)3,  prononcé  sur  les  conclusions 
d'Edouard  Moié,  et  porté  par  lui- 
même  au  duc  de  Maïennc.  (  V.  Le 
Maistre  et  P.  Prmou.)  Mole,  dit  un 
auteur  contemporain ,  parla  fort  ver- 
tueusement au  duc  de  Maïerine.  «  Ma 
»  vie,  lui  dit-il, et  mes  moyens ,  sont 
»  à  votre  service;  mais  je  suis  vrai 
»  Français,  et  perdrai  la  vie  et  les 
»  biens  devant  que  jamais  être  au- 
»  tre  »  (  Voy.  V Esprit  de  la  Ligue, 
tome  m  ).  Ce  digue  et  courageux 
magistral,  après  avoir  vu  ses  vœux 
comblés  par  le  retour  du  souverain 
légitime  ,  reprit  modestement  sa 
place  de  conseiller.  Eu  1699,  la 
reine  Marguerite  de  Valois  le  nom- 
ma un  de  ses  fondés  de  pouvoir 
pour  la  dissolution  de  son  ma- 
riage. En  1602,  Henri  IV,  qui  n'a- 
vait point  oublié  les  services  de  Mo- 
le, lui  donna  une  charge  de  prési* 
à  mortier,  qui  est  restée  dans 
sa  famille  jusqu'à  la  révolution. 
É  louard  Mole  mourut  en  161 4.  On 
trouve  un  arrêt  prononcé  par  lui , 
dans  le  Journal  de  V Etoile  (  18 
août  160.4  )?  arrêt,  dont  la  sévérité 
étonnerait  un  peu  nos  mœurs  ac- 
tuelles; il  fut  rendu  contre  un  maître- 
des-eomptes  de  Rennes,  qui  refusait 
d'épouser  une  veuve,  à  laquelle  il 
avait  promis  foi  de  mariage,  et  dont 
il  avait  eu  un  enfant.  L'arrêt  portait 
qu'il  épouserait  m.i -h -eliamp  ,  ou 
serait  pendu  à  deux  heures  après 
midi.  Ce  qu'il  y  eut  de  singulier, 


MOL 

c'est  la  manière  dont  Mole  annonça 
celte  nouvelle  au  délinquant  :  «  Ou 
»  mourez,  ou  épousez,  lui  dit  -  il  ; 
»  telle  est  la  volonté  et  décision  de 
»  la  cour.  »  On  devine  sans  peine 
que  le  mariage  s'ensuivit.     D— -s. 

MOLE  (Matthieu  ),  fils  du  précè- 
dent, était  né  en  1 584-  Les  fureurs 
de  la  Ligue  qui  environnèrent  sou 
enfance,  et  menacèrent  souvent  les 
jours  de  soii  père,  une  éducation  de 
famille,  modeste  dans  ses  formes, 
mais  riche  d'instruction  et  forte 
d'exemples  de  vertus ,  lui  donnèrent 
cette  fermeté  d'ame ,  cette  supério- 
rité de  lumières  ,  et  cette  dignité  de 
mœurs,  qu'il  développa  dans  tout  le 
cours  de  sa  vie.  Il  résista  «à  la  toute- 
puissance  de  l'homme  le  plus  absolu 
qui  ait  jamais  tenu  les  rênes  du  gou- 
vernement, et  reçut  ses  faveurs  sans 
les  avoir  recherchées.  11  eut  depuis 
à  combattre  des  hommes  moins  forts 
de  caractère,  peut-être  ,  que  Riche- 
lieu, mais  tout  aussi  dangereux  par 
la  souplesse  de  leur  esprit  et  par  l'ha- 
bileté de  leurs  manœuvres,  ou  plus 
imposants  encore  par  l'éclat  de  leur 
naissance,  de  leur  rang  et  de  leurs 
qualités  personnelles.  11  en  triompha 
par  la  droiture  et  l'intrépidité  de  sa 
conduite,  ne  les  trompa  jamais  ,  et 
les  força  de  l'admirer.  Matthieu 
Mole,  reçu  conseiller  au  parlement, 
en  1606,  devint,  au  bout  de  quatre 
ans ,  président  de  l'une  des  chambres 
des  enquêtes,  et  succéda,  en  i6i4  , 
à  M.  de  Bellièvre,dans  la  charge  de 
procureur-général.  On  s'étonna  de 
voir  un  jeune  homme  ,  à  peine  âgé 
de  trente  ans,  appelé  à  un  poste  aussi 
difficile.  C'était  l'ouvrage  du  cardi- 
nal de  Richelieu,  «  qui  savait,  »  dit 
un  écrivain  de  nos  jours,  «  juger  les 
»  hommes,  indépendamment  des 
»  données  ordinaires  de  l'âge  et  de 
»  l'expérience.  »  Ce  fut  vers  cette 


MOL 

époque ,  que  Mole  épousa  Renée  de 
INicolaï,  fille  du  premier  président 
de  la  chambre  des  comptes.  Le  bon- 
heur de  sa  vie  se  partagea  bientôt 
entre  L'éducation  de  ses  enfants,  et  le 
charme  qu'il  trouvait  dans  ses  liai- 
sons avec  les  solitaires  de  Port-Royal. 
L'abbé  de  Saint  Gyran,  surtout,  lui 
avait  inspiré  un  de  ces  attachements 
dans  lesquels  la  raison  ne  se  défend 
qu'avec  beaucoup  de  peine  des  excès 
d'une  prévention  exclusive.  Mole  con- 
naissait tropbien ,  d'après  l'exemple 
de  sa  famille  (  i  ) ,  les  dangers  d'une 
exaltation  dont  le  résultat,  en  isolant 
des  êtres  remplis  de  talents  et  de  ver- 
tus, pouvait  devenir  si  contraire  aux 
intérêts  de  la  société,  par  des  renon- 
cements et  des  sacrifices  exagérés.  Il 
n'en  conserva  pas  moins  la  plus 
profonde  vénération  pour  l'abbé  de 
Saint-Cyran;  et  quoique,  sous  cer- 
tains rapports  ,  il  désapprouvât  la 
doctrine  de  cet  ecclésiastique  ,  il  eut 
bientôt  l'occasion  de  lui  prouver  son 
attachement  personnel.  Le  cardinal 
avait  Tait  renfermer  à  Vincennesrab- 
bé  de  Saint-Cyran,  accusé  d'hérésies 
religieuses  et  politiques  :  le  procu- 
reur-général vole  à  Saint- Germain  , 
et  n'est  point  écoulé  ;  il  y  retourne 
encore  :  à  chaque  instant  il  est  sur 
les  pas  du  premier  ministre.  Celui-ci, 
impatienté  un  jour,  le  saisit  par  le 
bras,  et  lui  dit  :  «  M.  Mole  est  un 
»  honnête  homme ,  mais  il  est  un 
»  peu  entier.  »  Mole  ne  se  rebute 
point  ;  il  fait  passer  au  prisonnier 
toutes  les  instructions  qu'il  croit  né- 
cessaires pour  sa  défense.  L'abbé  de 
Saint-Cyran,  ayant  recouvré  sa  liber- 
té à  la  mort  du  cardinal,  vint  remer- 
cier son  ami,  qui  lui  donna  mille  écus 
pour  l'impression  d'un  grand  ouvrage 

(i)  Un  de  ses  frères  s'était   jeté  dans  Je   cloître, 
c  mtrele  gré  ds  ses  parents  (Journ.  de  l'Etoile^  oct 

X'jo'6  ). 


MOL 

que  l'abbé  avait  médite  dans  sa  cap- 
tivité. Depuis  il  se  rendit  de  nouveau 
suspeet  à  la  régente ,  et  Mole  s'offrit 
encore  pour  être  sa  caution.  Cepen- 
dant une  autre  affaire  non  moins 
importante  avait  également  com- 
promis celui-ci  avec  le  cardinal j 
c'était  le  procès  du  maréchal  de 
Marillac.  Le  procureur  -  général 
e'tait  son  parent,  et  fut  soupçonné 
d'être  son  complice;  un  arrêt  du 
conseil  l'interdit  de  ses  fonctions. 
Ii  parut  à  la  cour  pour  se  justifier  ,  . 
et  n'eut  que  la  peine  de  se  montrer. 
«Sa  gravité  naturelle,  dit  Talon, 
»  dont  il  ne  rabattit  rien  dans  cette 
»  circonstance,  loi  fit  obtenir  sur- 
»  le-champ  arrêt  de  décharge.  »  Pen- 
dant le  cours  de  ces  altercations,  Mo- 
le, dont  l'esprit  était  assez  enclin  à 
la  raillerie,  s'était  permis  contre  le 
cardinal  quelques  traits  malins;  ils 
pouvaient  faire  craindre  des  ressen- 
timents de  la  part  du  ministre.  Riche- 
lieu, qui  savait  tout,  ne  parut  point 
offensé;  il  lit  nommer  Mole  premier 
président  (novembre  164 1).  Le  jour 
où  il  devait  être  reçu,  sa  femme  mou- 
rut en  le  laissant  père  de  dix  en- 
fants.Après  avoir  donne'  les  premiers 
moments  au  sentiment  d'une  trop 
juste  douleur  ,  il  commença  ses  nou- 
velles fonctions,  qui  devaient  jeter 
tant  de  trouble  et  tant  d'éelat  sur  le 
restedesa  vie.  On  est  tenté  de  remar- 
.1  cette  époque  deux:  hommes 
différents  dans  cet  illustre  magistrat. 
<rait,  à  notre  avis,  une  grande 
erreur.  Mole,  que  leeoadjuteur  nous 
représente  comme  étant  tout  d'une 
:  Molé,  qui  ,  suivant  l'expres- 
sion du  même  écrivain,  voulait  le 
bien  du  Vétat  /  m  ml  à  tou- 

tes choses  ,  fut  invariablement  fidèle 
a  ce  devoii  Les  moyens 

différents  double   position 

lai  imposa,  u-géncral,  son 


MOL 


9.S. 


aine  indépendante  et  ficre  ne  lui 
permit  pas  d'être  servilement  l'hom- 
■  la  cour,  eu  ployant  sous  un 
ministère  despotique,  qui  se  jouait  de 
toutes  les  libertés  ,  et  vrblait  toutes 
les  justices.  Premier  président,  dans 
un  moment  où  la  minorité  du  roi  et 
la  faiblesse  du  conseil  avaient  be- 
soin d'un  appui  contre  une  foule  de 
factieux,  qui  se  disputaient  l'usur- 
pation de  l'autorité  légitime,  il  dut 
chercher  à  éteindre  le  feu  de  la  sé- 
dition ,  qui  se  rallumait  sans  cesse 
dans  la  compagnie  dont  il  était  le 
chef.  Sous  l  empire  absolu  de  Ri- 
chelieu, on  l'a  vu  défendre  les  droits 
des  sujets  :  il  Va  ,  sous  le  ministère 
souvent  trop  faible  de  Mazarin  , 
soutenir  le  pouvoir  du  monarque. 
Pour  remplir  ce  double  devoù 
fallut  à  Mole  les  mêmes  vertus  ;  et 
loin  que  son  caractère  ait  fléchi  en 
lien  ,  il  paraît  peut  -  être  et  plus 
grand  et  plus  fort  dans  les  nou- 
veaux dangers  qu'il  va  courir.  Ce  l'ut 
en  1648,  qu'éclatèrent  les  premiers 
troubles  de  la  Fronde  ,  qui  voulut  un 
moment  se  modeler  sur  la  Ligue,  et 
n'obtint  pas  le  funeste  honneur  de 
lui  ressembler.  Des  édits  bureaux, 
dictés  par  les  besoins  du  trésor  pu- 
blic, excitèrent  les  oppositions  du 
parlement  et  des  autres  cours  sou- 
veraines ;  et  ces  oppositions  produi- 
sirent le  fameux  arrêt  d'union,  du 
i3  mai,  où  elles  mirent  en  commun 
leurs  intérêts  et  leur  résistance.  Le 
président  n'ignorail  pas  que  la  pre- 
mière efifi  rvescence  des  compagnies 
se  refroidit  parles  délais  des  formes 
et  par  la  longueur  des  délibérations  : 
il  parut  ne  rien  faire,  dès  le  prin- 
cipe, pour  arrêter  ces  mesui 
traordinaires qui, sous  le  prétexte  dt^ 
remontrances  usitées  alors,  étaienl , 
jusqu'à  nu  certain  point,  dans  les 
attributions  delà  hante  m 


aS6 


MOL 


Mais  l'impatience  de  la  régente  qui 
dicta  les  de'marches  du  premier  mi- 
nistre ,  et  les  menées  sourdes  du 
coadjutcur ,  déjouèrent  tous  les  cal- 
culs de  Imprudence.  Une  déclara- 
tion apportée  par  le  chancelier  , 
pour  révoquer  ou  modifier  la  plu- 
part des  impôts  proposes  ,  fut  jugée 
insuffisante  ,  et  surtout  entachée  de 
cette  ambiguïté  tortueuse  qui  déce- 
lait trop  la  politique  italienne.  Les 
délibérations. des  chambres  recom- 
mencèrent ,  malgré  la  présence  de 
Gaston,  lieutenant-général  du  royau- 
me; les  avis  les  plus  violents  furent 
ouverts,  et  les  emportements  écla- 
tèrent contre  le  cardinal.  Dès  ce  mo- 
ment ,  deux  partis  se  mirent  en  pré- 
sence ,  les  Frondeurs  et  les  Maza- 
rins.  La  cour  crut  pouvoir  profiter 
de  la  victoire  de  Lens,  pour  frapper 
un  coup  décisif.  Le  '26  août ,  après 
le  Te-  Deum  chanté  en  actions  de 
grâces,  deux  membres  du  parlement 
furent  arrêtés  par  les  troupes  qui 
avaient  servi  de  cortège  à  la  céré- 
monie. A  l'instant  même ,  toute  l'al- 
légresse publique  se  changea  en  fu- 
reur. Le  peuple  prit  les  armes,  et.  se 
porta  en  foule  au  Palais-Royal.  Tous 
les  mémoires  du  temps  ont  rapporté 
les  circonstances  de  celle  journée, 
qui  fut  signalée  par  des  scènes  san- 
glantes. Le  lendemain,  ce  fut  le  par- 
lement qui  eut  toute  la  part  du  dan- 
ger. La  nuit  entière  avait  été  em- 
ployée à  des  préparatifs  de  défense  ; 
les  barricades  avaient  été  établies 
dans  toutes  les  rues.  Mole' ,  à  la  tête 
de  sa  compagnie  ,  à  pied ,  en  robes 
rouges,  se  mit  en  marche  pour  aller 
demander  à  la  régente  la  liberté  des 
prisonniers.  Il  parla  avec  force,  fut 
refusé  avec  aigreur,  revint  a  la  char- 
ge, et  n'obtint  qu'une  promesse  vague 
de  relâcher  les  détenus,  pourvu  que 
le  parlement  cessât  ses  assemblées 


MOL 

On  prit  le  parti  de  délibérer  su; 
réponse;  et  l'on  se  mit  en  chemin 
pour  retourner  au  Palais  de  justice. 
Les  deux  premières  barricades  s'a- 
baissèrent assez  paisiblement;  mais, 
à  la  troisième,  l'effervescence  popu- 
laire éclat  ;  de  la  manière  la  plus  vio- 
lente. Des  cris  furieux,  qui  redeman- 
daient les  deux  magistrats, et  surtout 
Brousscl ,  des  attroupements  formi- 
dables ,  arrêtèrent  la  marche  cl  for- 
cèrentde  rétrograder.  Un  marchand 
de  fer,  capitaine  du  quartier,  saisit 
Mole  par  le  bras ,  et  le  menaçant  de 
son  pistolet  :  «  Tourne,  traître  ,  lui 
»  dit-il;  si  tu  ne  veux  être  massacré 
»  loietles  tiens, ramène -nous  Brous- 
)>  sel ,  ou  Mazarin  et  le  chancelier 
y>  en  otage.  »  Plusieurs  des  membres 
prennent  la  fuite,  et  se  perdent  dans 
la  foule  ;  d'autres  hésitent ,  incertains 
encore  s'ils  chercheront  à  suivre  cet 
exemple,  ou  s'ils  resteront  auprès  de 
leur  chef ,  que  les  mutins  harcèlent 
et  menacent  (1):  «  pour  lui,conscr- 
)>  vant  la  dignité  de  la  magistrature, 
»  dans  ses  paroles  et  dans  ses  dé- 
»  marches  ,  il  rallia  tout  ce  qu'il  put 
»  de  sa  compagnie,  et  revint  au  Pa- 
»  lais-Royal,  au  petit  pas,  dans  le 
»  feu  des  injures,  des  exécrations  et 
»  des  blasphèmes.  »  (  Mémoires  du 
cardinal  de  Retz.  )  c«.  Cet  homme,  » 
dit  encore  le  coadjuteur  ,  «  le  plus 
»  intrépide ,  à  mon  sens  ,  qui  ait 
»  paru  dans  son  siècle,  ne  parlait 
»  jamais  mieux  que  dans  le  péril.  » 
Sa  diction  était  souvent  incorrecte, 
mais  véhémente  et  persuasive.  11  se 
surpassa  dans  cette  occasion.  La  ré- 
gente, outrée  de  dépit,  fut  néanmoins 
contrainte  de  céder;  elle  signa  la 
liberté  des  deux  magistrats.  Le  par- 
lement retourna  comblé  des  louanges 
bruyantes  de  cette  même  populace, 

(ï)   H  fui ,  (lit  Gui  Joly,  dans  se*  Mémoires,  ti- 

y  ris  par  sa  larbt: ,  yu'iijjurtaUfcrt  longue. 


MOL 

qui ,  l'instant  d'auparavant  ,  vou- 
lait le  déchirer.  Les  barricades  dis- 
parurent, et  tout  sembla  plus  tran- 
quille qu'un  jour  de  vendredi  saint 
(Mém.  de  Retz).  Le  coadjuteur  fut 
mande  à  la  cour,  remercie  par  la 
reine,  et  caresse' par  Mazarin.  Ce- 
pendant il  s'en  fallait  beaucoup 
qu'il  fût  satisfait.  Il  était  depuis 
long -temps  l'artisan  principal  de 
tontes  ces  discordes,  par  les  largesses 
qu'il  avait  répandues  dans  le  peuple, 
et  par  les  intelligences  qu'il  s'était 
ménagées  dans  le  parlement,  où  il 
avait  obtenu  de  prendre  séance  à 
la  place  de  son  oncle  (  V.  Retz). 
La  cour  espérait  profiter  des  vacances 
pour  se  débarrasser  des  imporlunités 
du  parlement  ;  il  n'en  prit  point ,  et 
resta  assemblé.  La  reine  quitta  Paris , 
avec  le  roi.  Alors  il  fallut  négocier  ; 
et  le  premier  président  fut  nommé 
l'un  des  députés.  Des  articles  furent 
signés  ,  et  produisirent  une  déclara- 
tion ,  enregistrée  le  24  octobre ,  qui 
accorda  presque  tous  les  points  de- 
mandés par  la  chambre  d'union.  On 
n'y  parla  pas  d'un  arrêt  qui  ex- 
cluait tous  les  étrangers  du  minis- 
tère. La  reine  crut  avoir  tout  gagné 
par  cette  omission ,  qui  lui  paraissait 
rassurer  la  position  du  cardinal  : 
elle  ramena  la  cour  à  Paris,  le  3 1 . 
Cependant  les   a  s  du  par- 

lement recommencèrent  a  la  ri 
(  i3  novembre  ).  La  reini 
de  cette  fermentation  ;  elle  quitta  de 
nouveau  Paris  ,  le  6  janvier   1 
et  mena  li  cour  à   Saint-Gem 

fuite  inopinée  remit  les  afl 

point  où  elles  étaient  trois 
mois  aupai  :    s  frondeui 

iprès 
du  peuple  1  rient  ;  et  la 

e  fut  résolue.   1  '-onde 

se  range»  du  par  quoi- 

qu'il m éj nisàt  M 


MOL  287 

président  partageait  ses  sentiments; 
et  sa  position  n'en  devint  que  plus 
difficile.  «  Obligé  de  ménager  sa 
»  compagnie  pour  conserver  sur  elle 
»  quelque  pouvoir  ,  Mole  était  ré- 
»  duit  sans  cesse  à  composer  avec 
»  ses  principes  ,  afin  de  mieux  ser- 
»  vir  l'état  et  la  cour  :  tous  les  jours 
»  le  coadjuteur  essayait  de  l'effrayer 
»  par  les  menaces  du  peuple 
»  remplissait  les  avenues  du  palais  ; 
»  et  tous  les  jours  le  sang-froid  et 
»  l'intrépidité  de  Mole  le  déconcer- 
»  taient  davantage.  »  (  Voy.  Essais 
de  morale  et  de  politique.  )  Mais 
celui-ci  manquait  de  cette  séduction 
qui  fournissait  tant  de  ressources  à 
son  adversaire  ,  pour  renouer  ses  in- 
trigues ,  se  relever  de  ses  défaites  , 
et  recommencer  ses  attaques.  La  ré- 
gente ,  en  partant ,  avait  ordonné  au 
parlement  de  se  transférer  à  Mon- 
targis.  Le^  gens  du  roi  essayèrent  de 
porter  des  remontrances  ,  et  ne  fu- 
rent point  reçus.  Le  parlement  n'o- 
béit point;  et,  dès  le  8  ,  il  prononça, 
en  forme  de  manifeste,  l'arrêt  qui 
proscrivait  le  cardinal  de  Mazarin,  et 
ordonnait  de  lui  courre  sus  ,  comme 
ennemi  de  l'état.  Cet  acte  de  violence 


perça  ,  pour  ainsi  dire. 


la  di 


gue  qui 


arrêtait  le  débordement  de  la  haine 
publique  contre  le  ministre.  La 
prise  de  la  Bastille  ,  qu'on  avait  né- 
gligé d'approvisionner  ,  fut  le  pre- 
mier "exploit  des  Parisiens  mutinés. 
Le  parlement  ordonna  des  levées  , 
imposa  des  taxes  ,  et  nomma  des  gé- 
néraux, ou  plutôt  les  reçut  de  la  main 
du  coadjuteur,  qui  eut  bien  de  la 
peine  les  rangs  ,  et  à  satis- 

faire toutes  les  prétentions.  L'assem- 
blée des -chambres,  malgré  les  efforts 
de  Mole,  refusa  d'entendre  un  hérault 
envoyé  par  le  roi  ,  et  ne  lit  p 
difficulté  d'admettre  a  sa  barre  im 
prétendu   envoyé  de  l'archiduc.  Au 


MOL 

milieu  de  ces  scènes  d'extravagance, 
le  premier  président  conservait  un 
calme  inaltérable,  qui  bravait  tous 
les  dangers  et  désolai  les  factieux.  Il 
prévoyait  que  ce  feu  si  ardent  s'étein- 
drait aussitôt  que  l'ennui  d'une  agita- 
lion  sans  but  ,  La  lassitude  de  sacri- 
fices exorbitants  ,  et  la  mésintelli- 
gence des  chefs,  auraient  ramené'  les 
esprits  à  des  pensées  plus  raisonna- 
bles. Tous  ces  présages  ne  tardèrent 
pas  à  se  vérifier.  Les  faits  d'armes ,  si 
l'on  excepte  la  prise  ;de  Charcnton  , 
furent  peu  dignes  du  héros  de  Lens 
et  de  Rocroi.  Lorsqu'il  s'agit  de  négo- 
cier,  Mole  fut  encore  un  des  députes, 
et  les  conférences  s'ouvrirent  à  Ruel. 
Le  devoir  des  députés  les  mit  souvent 
dans  une  fausse  position;  ils  étaient 
obligés  de  dissimuler  tantôt  les  ré- 
ponses ou  malveillantes  ou  tortueu- 
ses des  ministres  ,   tantôt  les  pré- 
tentions  excessives   des   frondeurs. 
Les  absences  de  Mole  laissaient  un 
champ  trop  libre  aux  intrigues  du 
coadjuteur,  dans  les  délibérations  du 
parlement;  et  d'un  autre  côté  sa  pré- 
sence eût  été  continuellement  néces- 
saire à  Ruel ,  pour  y  combattre  les 
obstinations  de  la  reine,  la  fierté  de 
Condé,  et  les  astuces  du  cardinal.  Ce- 
pendant on  menaçait  deretircrlcspou- 
voirs  aux  députés.  Une  autre  consi- 
dération importante  mit  les  négocia- 
teurs dans  la  nécessité  de  brusquer, 
pour  ainsi  dire,  la  signature  des  arti- 
cles :   ee  fut  la  crainte  de  voir  les 
oppositions  du  parlement  appuyées 
par  les  talents  de  Turenne,  et  par  les 
secours  des  Espagnols  ,  avec  lesquels 
le  coadjuteur  n'avait  cessé  d'entre- 
tenir  ses    coupables    intrigues.    Le 
traité  fut  donc  conclu,  Ic3i  mars, 
souscrit  par  tous  les   princes ,  par 
tous  les  ministres,  et  même  par  le 
cardinal  ,    malgré  l'opposition  des 
députés,  qui  prévoyaient  bien  qu'un 


MOL 

tel  nom    ne  manquerait   pas  d'ex- 
citer de  nouveaux  orages.  Les  fron- 
deurs   furent    outrés   :    ce    qui   les 
exaspérait  davantage,  c'était  l'oubli 
des  intérêts  des  généraux,  qu'on  s'é- 
tait contenté   de  comprendre  dans 
une    amnistie,    sans   leur  accorder 
aucune  faveur.  Aussi ,  lorsque  Mole 
apporta  le  traité  au  parlement,  la 
fureur  était  à  son  comble  :  jamais 
séance  ne  fut  plus  tumultueuse.  Aux 
reproches  outrageants  des  conseil- 
lers-frondeurs, se  joignirent  les  vo- 
ciférations d'une   foule  de  peuple , 
dont  le  coadjuteur  n'avait  pas  man- 
qué d'encombrer  les  salles  du  palais. 
Les  mutins  voulaient  qu'on  leur  li- 
vrât le  traité  pour  brûler  la  signa- 
ture de  Mazarin ,  et  qu'on  pendît 
les  députés,  ou  qu'on  les  désavouât. 
Enfin,  on  se  contenta  d'arrêter  que 
ces  députés  retourneraient  à  Ruel, 
pour  traiter  des  prétentions  des  gé- 
néraux.  Au  milieu  de  ces  mouve- 
ments désordonnés,  Mole  fut  le  seul 
sur  le  visage  duquel  on   n'aperçut 
aucune  altération.    Il   recueillit  les 
voix ,  prononça  l'arrêt  avec  un  cal- 
me ,  une  présence  d'esprit  presque 
surnaturels;  «  ce  qui  est ,  dit  Gondi  , 
»  quelque  chose  de  plus  grand  que 
»  la  fermeté.  »  Le  véritable  danger 
l'attendait   au  sortir  de    la   grand' 
chambre.  Les    chefs  des  factie 
qui,  tout  en  le  haïssant,  ne  pouvaient 
s'empêcher  de  l'estimer,    ou  qu'une 
espèce  de  honte  retenait  encore,  lui 
proposaient  de  retourner  chez  lui 
par  les  greffes.  «  Jamais  la  cour  ne 
»  se  cache,   leur  répondit-il;  si  j'é- 
»  tais  assuré  de  périr,  je  ne  commet- 
»  trais  pas  cette  lâcheté,  qui  de  plus 
»  ne  servirait  qu'à  donner  de  la  har- 
»  diesse  aux  séditieux.  »  Le  coadju- 
teur le  conjurait  au  moins  d'attendre 
qu'il  eût  parlé  aux  mutins  pour  les 
apaiser  :  «  Eh!  mon  bon  sei 


gneur, 

I 


MOL 

»  lui  dit  ironiquement  Mole,  dites 
»  le  bon  mot.  »  Le  coadjuteur,  qui 
devait  sentir  toute  l'amertume  de  ce 
reproche,  ne  put  que  l'admirer.  Il 
se  mit,  en  sortant,  au-devant  de 
Mole.  Un  bourgeois  appuya  son 
mousqueton  sur  le  front  du  prési- 
dent, en  le  menaçant  de  le  tuer;  Mole, 
sans  détourner  )a  tète,  sans  écarter 
Tarmc,  lui  dit  froidement  :  «  Quand 
»  vous  m'aurez  tue,  il  ne  me  faudra 
»  que  six  pieds  de  terre.  »  Et  il 
continua  sa  marche,  sans  doubler 
le  pas  (  i  ).  Un  des  chefs  de  la  Fronde 
lui  avait  dit  que  c'était  bien  dom- 
mage qu'on  les  eût  abandonnés  au 
moment  où  plusieurs  d'entre  eux  ve- 
naient de  conclure  un  traite  avec  les 
j,no!s,  sous  la  sauve-garde  de 
la  compagnie  :  «  Nommez-les,  ré- 
»  pondit  impétueusement  Mole,  et 
»  nous  leur  ferons  leur  procès  coni- 
»  me  à  des  criminels  de  1  se-ma- 
»  jesté.  »  Tant  de  traits  décourage, 
de  grandeur  ,  arrachent  au  coadju- 
teur ces  expressions  me'morables', 
au-delà  desquelles  l'admiration  sem- 
ble forcée  de  s'arrêter  :  «  Si  ce  n'é- 
»  tait  pas,  dit-il ,  une  espèce  de  blas  - 
»  phème  de  dire  qu'il  y  a  quelqu'un 
»  dans  notre  siècle  plus  intrépide 
»  que  le  grand  Gustave  et  ML.  le 
»  Prince,  je  dirais  que  ça  été  M. 
»  Mole,  premier  président  s  >.  ;.  »  Ce- 
I  ut  le  traite  de  Ruel  a\  ail  pro- 
duit d'heureux  effets.  Les  partis 

I   rapproches;  les    frondeurs, 


lifts,  qni  m*  ttenl  dans  leui  i  ré- 

lion  ,  |in  I.  iiilrnt   que 

1      .         Il'l     ■  //  1  II 

■:■■  d'un 

m   disent 

Il    ,   (pli    nr  «'un  - 

ut  .1  ail- 

XXI 


MOL  289 

excepte  le  duc  de  Beaufort  et  le  coad- 
juteur,  reparaissaient  à  la  cour,  et  le 
roi  était  revenu  à  Paris.  Mais  le  coad- 
juteur ,  qui  ne  desirait  que  la  prolon- 
gation des  troubles,  cherchait  à  in- 
terrompre un  repos  qui  le  condam- 
nait à  une  insupportable  obscurité. 
Pour  y  parvenir,  il  n  avait  que  deux 
moyens  :  eeiui  de  se  recoudre,  com- 
me il  le  disait  lui-même  ,  au  parle- 
ment, et  celui  d'attirer  M.  le  Prince 
dans  son  parti.  Quant  au  premier,  il 
trouvait  une  opposition  trop  redou- 
table dans  l'inflexible  Mole,  dont 
il  était  impossible  de  tromper  la  pé- 
nétration ;  et  quant  au  second,  Cou- 
dé lui  opposa  une  hauteur,  un  dé- 
dain, qui  dissipèrent  toutes  ses  es- 
pérances. Il  ne  lui  resta  plus  qu'à 
imaginer  un  moyen  détourné  pour 
parvenir  à  sou  but.  Il  le  trouva 
dans  le  mécontentement  excité  par 
le  retard  des  paiements  des  rentes 
sur  l'hôtel  -de-  ville  :  les  rentiers 
nommèrent  des  syndics  pour  sou- 
tenir leurs  droits.  Mole  s'opposait 
de  toute  sa  force  à  cette  mesure, 
qui  instituai'  un  corps  délibérant  in- 
connu jusqu'alors  dans  l'état.  Gondi 
et  ses  partisans  imaginèrent  un  ex- 
pédient qui  pût  forcer  le  parle] 
à  se  mêler  de  ces  intérêts,  d'abord 
d'une  manière  judiciaire,  et  bientôt 
après  d'une  manière  politique.  Tel 
fut  le  motif  de  l'assassinai  simule' de 
Joly,  l'un  de  ces  syndics,  confident 
intime  du  coadjuteur.  Cet  événement 
produisit  au  palais  ht  fermentai  ion 
qu'on  s'était  promise;  mais  Mole 
«  d'assembler  les  chambres,  et 
(ii  voir  que  ce  procès  ne  devait  être 
soumis     qu'aux   formes    ordii 

Tandis  que  le  parti  du  coadjuteur 

pand  en  imprécati 
1        irdinal  ,  le  pin 
le  premier  président,  qu'on  a 

hautement  de  cet  assassiihi' 


2Q0  MOL 

un  autre  incident  vient  répandre  des 
impressions  contraires  :  la  voiture 
de  M.  le  Prince  est  attaquée,  et  les 
frondeurs  sont  accuses  à  leur  tour 
de  ce  nouveau  forfait.  Cette  dernière 
affaire  fit  oublier  celle  de  Joly  , 
et  se  poursuivit  criminellement  dans 
les  chambres  assemblées.  Gondi  et 
ses  deux  consorts  présentèrent  une 
requête  de  récusation  contre  le  pre- 
mier président  ,  qui  fut  oblige  de 
descendre  au  greffe  pendant  qu'on 
délibérait.  «  Ici  la  constance  de  Mo- 
»Ié,»  dit  son  biographe  moderne, 
»  vint  échouer  contre  l'injustice. 
»  C'est  la  faiblesse  des  grandes  âmes 
»  de  ne  pouvoir  la  supporter.  Il  vit, 
»  avec  douleur,  une  jeunesse  fac- 
»  tieuse  se  venger  de  l'ascendant 
»  que  ses  vertus  lui  avaient  donne' 
»  sur  elle ,  et  ses  ennemis  aperçu- 
»  rent  enfin  dans  ses  yeux  quelques 
»  larmes.  »  La  récusation  fut  rejetée 
à  la  majorité  de  quatre-vingt  dix-huit 
voix  contre  soixante-deux  (  4  jan- 
vier i65o  ).  Le  lendemain  ,  un  con- 
seiller ,  nomme  Daurac  ,  osa  rap- 
peler à  Mole  cette  espèce  d'humilia- 
tion en  termes  outrageants.  «  Mole, 
i)  saisissant  sa  barbe  (i),  se  leva, 
»  déclarant  qu'il  laissait  sa  place  cl 
»  celui  qu'on  en  croirait  plus  digne. 
»  Ce  mouvement,  dit  le  coadjuteur, 
a  fit  une  commotion  ,  qui  pensa  de- 
»  venir  fatale  parmi  tous  les  ^ens  ar- 
»  mes  des  deux  partis ,  dont  les  salles 
»  étaient  pleines  :  si  le  moindre  la- 
»  quais  eût  tiré  l'épée  ,  tout  était 
»  confond'!.  »  Le  provocateur  de 
cette  scène  imprudente  alla  Je  soir 
même  faire  ses  excuses  à  Mole,,  qui 
lui  parla  avec  douceur,  et  l'assura 
qu'il  ne  se  souvenait  plus  d'avoir  été 
offensé.  Au  reste  celte  affaire  se  dis- 


(i)  C'était  son  geste  familier,  quand  il  était  y i ve- 
inant emu» 


MOL 

sîpa  en  fumée  ,  à  cause  de  la  foule 
des  témoins  que  la  cour  avait  pro- 
duits. Le  grand  Condé  sentit  qu'il 
était  joué  j  et  il  imputa,  non  sans 
raison  ,  à  Mazarin ,  une  machina- 
tion ,  qui  venait  de  l'abaisser  à  un 
rôle  aussi  ridicule.  Sa  colère,  ses 
mépris  ,  redoublèrent  contre  le  mi- 
nistre. Ses  insultes  s'étendirent  jus- 
qu'à la  reine,  qui,  lasse  enfin  d'un 
despotisme  aussi  violent ,  résolut 
de  le  faire  arrêter.  Mule  ne  l'apprit 
point  sans  la  plus  vive  douleur  :  il 
était  sincèrement  attaché  à  ce  prince, 
et  par  reconnaissance  et  par  l'estime 
que  les  hommes  supérieurs  s'inspi- 
rent mutuellement  ,  même  quand 
leurs  intérêts  deviennent  contraires. 
Alors  ces  intérêts  étaient  encore  les 
mêmes  ;  et  Mole  ne  fut  pas  maître 
des  mouvements  de  son  cœur.  Dans 
le  discours  qu'il  fit  à  la  tête  du  par- 
lement pour  demander  !a  liberté  des 
pi  inces  ,  il  mit  peut-être  ses  senti- 
ments  à  la  place  des  convenances  , 
dit  ici  l'écrivain  que  nous  nous  plai- 
sons à  suivre  et  à  citer.  Le  premier 
président  rappela  ,  «  avec  la  pins 
»  grande  force,  les  services  éclatants- 
»  de  son  héros ,  de  son  ami  ;  il  le 
»  nomma  le  principal  appui  de  l'E- 
»  tat  ;  il  blâma  sans  ménagement  la 
»  faiblesse  et  l'imprévoyance  du  gou- 
»  vernement ,  et  fit  sentir  que  le 
»  contre-coup  de  la  mesure  qui  ve- 
»  naît  d'être  prise  retomberait  sur 
»  l'autorité  royale  elle  -  même.  »  Ce 
discours  ne  pjut  qu'au  public,  qui 
applaudit  toujours  à  l'attitude  de  la 
résistance.  Mais  le  duc  d'Orléans  se 
trouva  blessé  de  la  supériorité  qu'on 
attribuait  à  M.  le  Prince;  le  cardinal 
et  la  régente  ne  le  furent  pas  moins  : 
il  n'y  eut  pas  jusqu'au  jeune  roi  qui , 
alors  âgé  de  treize  ans  ,  ne  témoignât 
une  vive  impatience  contre  le  pre- 
mier président.  Mole  s'aperçut  bien- 


MOL 

tôt  qu'il  avait  été  emporte  au-delà  des 

bornes  de  la  prudence.  II  voulait  sin- 
cèrement la  liberté  des  princes  ;  mais 
il  la  voulait  avec  les  formes  légales  , 
et  tenait  à  ce  que  l'on  conservât  en- 
vers la  cour  l'apparence  de  la  soumis- 
sion et  du  respect.  Aussi ,  lorsqu'on 
dressa  chez  lui  la  requête  au  nom  du 
parlement,  il  dit  :  «Voilà  ce  qui  s'ap- 
»  pelle  servir  les  princes  en  gens  de 
»  Lien  ,  et  non  comme  des  fac- 
»  tieux  (i).  »  Mole  observait  avec 
inquiétude  tous  les  mouvements  des 
deux  factions  ,  qui  se  réunirent  enfin 
pour  arracher  à  la  régente  une  grâce 
qui  devait  produire  de  tristes  ré- 
sultats. Frappés  d'un  bruit,  vrai  ou 
supposé  T  que  la  cour  devait  encore 
sortir  de  Paris ,  les  séditieux  pous- 
sèrent l'audace  jusqu'à  se  présenter 
en  armes  au  Palais  ttoyal  ,  et  forcer 
les  portes  de  la  chambre  où  le  jeune 
roi  dormait.  Cet  attentat  pénétra 
Mole  de  la  plus  vive  douleur.  Lors- 
qu'on apporta  au  parlement  la  lettre 
de  la  reine ,  qui  promettait  d'élar- 
gir les  prisonniers,  il  ne  put  s'empê- 
cher de  s'écrier  en  poussant  un  pro- 
fond soupir  :  «  M.  le  prince  est  en 
»  liberté,  et  le  roi ,  le  roi  notre  maî- 
»  tre ,  est  prisonnier  !  »  On  avait  en 
même  temps  exigéd' Anne  d'Autriche 
l'éloignement  de  son  ministre;  et 
Mazarin  s'était  retiré  dans  l'électo- 
rat  de  Cologne.  Condé  triomphait, 
plus  puissant,  plus  exigeant  que  ja- 


i    11  icrait  ùillic  il*-  de  naivre  ,  <!  i 

labyi  inthed'iuti  igu  >  -j«ii  occit|  èreirt  touiloa 
i    les  ruées  i  i 
Gotidi  e t  de  Maxai    i    ni 

an  m  .m.  ni'  pour 

a    un  mot  di'   de- 


MOL 


9.9 1 


brouille 


politique 


'!" 


l'a,». 


■  •  ',  déCui- 
l'a  fiu. 

mld. 


mais.  L'orgueil- du  prince  ôfl 
l'emporta  sur  les  devoirs  du  sujet 
fidèle;  ses  prétentions  n'avaient  plus 
de  frein  :  il  demanda,  ou  plutôt  il 
prescrivit  le  changement  du  minis- 
tère. La  reine  se  crut  heureuse  île 
donner  les  sceaux  à  Mole.  Quant  à 
lui,  cette  grâce  devait  peu  le  tou- 
cher ;  il  ne  pouvait  que  servir  à  re- 
gret une  cabale  si  outrageuse  pour 
l'autorité  du  roi  (1).  En  effet ,  les 
factieux  des  deux  Frondes,  Gaston, 
le  coadjuteur ,  les  amis  de  M.  le 
Prince  ,  se  réunirent  bientôt  contre 
lui ,  et  songèrent  même  à  des  moyens 
de  la  dernière  violence  pour  l'ecar- 
ter.  Anne  d'Autriche  ,  désespérée 
qu'on  lui  enlevât  le  seul  homme 
sur  la  vertu  duquel  elle  pût  compter, 
!  !a  résolution  de  le  consulter 
lui-même.  Mole,  en  voyant  son  trou- 
ble ,  ne  la  laisse  pas  achever,  et  lui 
remetsur-le-champla  elef'des  sceaux. 
La  reine  lui  offre  successivement  le 
chapeau  de  cardinal  pour  lui ,  une 
place  de  secrétaire-d'état  pour  son 
fils  ,  une  somme  de  cent  mille  écus. 
Il  refuse  tout  avec  respect ,  sans  at- 
tacher plus  de  prix  à  la  générosité 
de  son  désintéressement  qu'à  la  gran- 
deur du  sacrifice.  Mole  reprend  sa 
plac*  de  premier  président,  peut-être 
avec  l'orgueil  de  croire  «  que  !.. 
»  ce  la  plus  difficile  était  toujours 
»  celle  qu'il  méritait  le  mieux.  »  De 
nouveaux  dangers  l'y  attendaient  eu 
effet  :  il  allait  avoir  pour  atlv 
le  grand  Condé;  et  quelque  ci. 
qu'il  éprouvât  à  combattre 
qu'il  admirait  à  tant  de  titres  ,  il  ne 
balança  pas  tin  iostani  eôl 
sentiments  et  ses  devuirs.  M.  h» 
IV". ce  a  ficelait  dans  sa  conduite  une 

telle  ! 

— ■ — ■  ' 

ftàilf  II  moiudi 


MOL 

It  nient  exorbitantes,  que  ses  ennemis 
l'accusaient  d'aspirer  même  à  la  cou- 
ronne. Feignant  de  croire  qu'on  vou- 
lait attenter  de  nouveau  à  sa  liberté , 
il  s'était  retiré  à  Saint-Maur,  d'où  il 
ne  revenait  à  Paris,  qu'avec  une  es- 
corte nombreuse.  Mole  ,  alarmé  de 
cet  e'tat  de  choses,  en  lit,  dans  l'as- 
semblée des  chambres  ,  des  repro- 
ches au  frère  de  M.  le  Prince,  don- 
nant clairement  à  entendre  qu'une 
telle  conduite  pourrait  devenir  le  si- 
gnal de  la  guerre  civile.  A  ce  mot, 
le  prince  de  Gonti  prit  feu,  et  inter- 
rompit avec  force  le  premier  prési- 
dent ,  qui  repondit,  avec  non  moins 
de  vigueur  ,  «  qu'il  ne  devait  pas  être 
foiré  dans  son  discours;  qu'à  la  pla- 
ce où  il  était ,  nul  autre  que  le  roi 
n'avait  le  droit  de  lui  imposer  silence; 
qu'il  n'avait  point  eu  dessein  d'accu- 
ser personnellement  M.  le  Prince; 
mais  que  des  mesures  semblables  à 
celles  qui  étaient  prises  en  ce  mo- 
ment, avaient  souvent  causé  la  guerre 
civile,  témoin  celles  qu'avaient  allu- 
mées le  père  ,  l'aïeul  et  le  bisaïeul  de 
M.  le  prince  de  Conti.  »   Gaston  , 
présent  à  la  séance ,  apaisa  celte  al- 
tercation ,  et  recommanda  les  voies 
d'accommodement.   On   était    bien 
éloigné  de  part  et  d'autre   de   s'y 
prêter.  Mécontent  de  ne  pouvoir  ob- 
tenir à  son  gré  une  garantie  irrévo- 
cable de  l'éloignement  de  Mazarin, 
M.  le  Prince  affectait  de  ne  point 
retourner  à  la  cour,  soit  pour  for- 
tifier les  craintes  publiques  ,  et  l'in- 
térêt que   l'on    portait   à   sa    per- 
sonne ,  soit  pour  braver  la   reine. 
Mole  n'épargnait  ni  les  prières ,  ni 
les   remontrances  ,  pour  le  fléchir. 
«  Faut  -  il ,  Monsieur,  lui  disait  -  il , 
»  que  vous  vous  présentiez  ici  sans 
»  avoir  paru  chez  le  roi ,  et  que  vos 
»  ennemis  vous  accusent  d'élever  au- 
»  tel  contre  autel?  »  Le  Prince  re- 


MOL 

pond  que  le    premier    président  a 
quelque  intérêt  à  lui  tenir  ce  langa- 
ge. «  Je  n'en  ai  aucun,  s'écrie  Mole, 
»  et  je  veux  bien  le  déclarer,  quoique 
»  je  ne  doive  compte  de  mes  senti- 
«  ments  qu'au  roi.  »  Il  part  de  là 
pour  peindre  les  malheurs  qui  doi- 
vent résulter  d'une  fatale  division, 
et  finit  par  cette  vive  apostrophe  : 
«  Est-il  possible  ,  Monsieur  ,   que 
»  vous  n'ayez  pas  frémi  d'une  sainte 
»  horreur,  après  ce  qui  s'est  passé 
»  au  cours  (  i  )  ?  »  Gondé  fait  quelques 
excuses;  mais,  comme  Achille,  il 
reste  courroucé,  inexorable.  La  reine 
accusait  M.  le  Prince  du  crime  de 
lèse-majesté.  Le  public  se  partageait 
entre  les   deux  Frondes.   Celle  du 
Prince,  où  se  trouvait  la  populace  la 
plus  animée,  insultait  le  premier  pré- 
sident ;  on  l'appelait  Mazarin;  ou 
menaçait  sa  vie.  Le  parlement  n'é- 
tait plus  qu'une  arène ,  où  les  deux 
partis   allaient  se  disputer  la   vic- 
toire. Dans  une  telle  irritation  des  es- 
prits, une  crise  était  inévitable  :  elle 
arrivale  2  ï  août;  c'était  le  jour  où  l'on 
devait  entendre  au  palais  ia  réponse 
de  la  reine  au  mémoire  justificatif 
de  M.  le  Prince.  Dès  la  veille,  le  co- 
adjuteur  y  avait  fait   pénétrer  des 
gens  à  lui.  Le  matin,  il  les  renforça 
par  les  troupes  que   la   reine  avait 
mises  à  ses  ordres.  Les  dispositions 
de  Gondé  ne  furent  pas  moins  dé- 
monstratives. A  sept  heures ,  le  pre- 
mier président  tenait  l'audience  or- 
dinaire ,  «  montrant,  dit  le  coad- 
»  juteur,  par  son  visage  et  par  ses 
»  manières,  qu'il  avait  de  plus  gran- 
it des  pensées  dans  l'esprit.  La  tris- 
»  tesse    paraissait  dans  ses  yeux, 
»  mais  cette  sorte  de  tristesse  qui 
»  touche  et  qui  émeut,  parce  qu'elle 


(ï)  11  avait  osé  disputer  le  pas  à  l'escorte  du 
dans  uie  promenade. 


MOL 

y>  n'a  rien  de  l'abattement.  »  Le 
coadjuteur  arriva  le  premier;  M.  le 
Prince  vint  ensuite  ,  et  tous  deux  se 
délièrent  par  des  menaces.  Quatre 
mille  e'pc'cs  allaient  se  tirer  et  se 
croiser  sous  les  voûtes  du  palais, 
lorsque  Mole,  suivi  de  quelques-uns 
de  ses  collègues,  se  précipita  entre 
le  Prince  et  le  coadjuteur,  les  con- 
jurant, au  nom  de  saint  Louis,  de  ne 
pas  ensanglanter  le  temple  de  la  jus- 
tice. A  la  vue  du  magistrat  suppliant , 
les  combattants  s'arrêtèrent;  Condé 
fut  le  premier  à  donner  l'ordre  à  ses 
gens  de  se  retirer.  Gondi  sortit  pour 
en  taire  autant.  En  rentrant  dans  la 
grand'-chambre,  il  se  trouva  la  tête 
prise  entre  les  deux  battants  de  la 
porte.  Ce  fut  M.  de  Cbam plâtreux  , 
fils  du  premier  président ,  qui  le  dé- 
gagea ,  et  1  ui  sauva  la  vie.  11  faut  lire , 
dans  les  Mémoires  de  Retz,  tous  les 
détails  de  cette  séance  trop  mémo- 
rable, et  surtout  les  expressions  ma- 
gnifiques et  sincères  de  sa  reconnais- 
sance envers  Mole'  et  son  fils.  Quoi 
qu'il  en  soit,  celte  journée  orageuse 
ne  produisit  aucune  délibération.  La 
séance  finit  à  dix  bernes  :  tous  ceux 
qui  y  avaient  figuré,  se  retirèrent , 
étourdis  et  presque  honteux  des  ex- 
cès qui  avaient  failli  de  la  rendre  fu- 
neste. La  reine  crut  avoir  obtenu 
un  avantage;  et  passant  rapidement 
de  la  frayeur  aux  moyens  de  vio- 
lence, elle  voulait  défendre  à  M.  le 
Prince  et  au  coadjuteur  de  paraître 
aux  chambres.  Mole  s'y  opposa.  Il 
lui  représenta  avec  force  les  droits 
que  le  Prince  tenait  de  sa  naissance  , 
eut  l'air  de  déprécier  ceux  du  co- 
adjuteur, malgré  \c  petit  iervieeque 
son  (ils  lui  avait  rendu  le  matin  (  ce 
furent  ces  i  ps),et  lui  con- 

serva   son     en  parlement. 

Gondi  le  remerci  i  de  l'avoir  tiré  avec 
honneur  d'un  ti  as.  «  H 


MOL 


$93 


»  est  sage  de  le  penser  ,  lui  dit  Mole, 
»  et  encore  plus  honnête  de  le  dire.» 
Là-dessus  ,  ils  s'embrassèrent  eu  se 
jurant  une  éternelle  amitié.  «  Je  la 
»  tiendrai,  s'écrie  Gondi ,  dans  ses 
»  Mémoires  ;  je  la  tiendrai  à  lui  et  à 
»  toute  sa  famille  avec  tendresse  et 
»  reconnaissance.  »  Dans  tout  le 
cours  de  cette  affaire ,  Mo'é  s'était 
couvert  de  gloire  ,  se  surpassant  lui- 
mêràe en  courage,  en  prudence,  en 
générosité:  un  événement  impatiem- 
ment désiré  de  toute  la  France  vint 
ajouter  un  nouvel  éclat  à  sa  dignité. 
On  lui  rendit  les  sceaux  ,  le  jour  mê- 
me où  le  roi  venait  faire  reconnaître 
sa  majorité  au  parlement  (  lit  de  jus- 
tice du  7  septembre  ).  Condé,  qui 
avait  refusé  d'y  paraître,  quoiqu'on 
y  proclamât  son  innocence  ,  appre- 
nant que  Mole  rentrait  au  conseil , 
déclara  qu'il  ne  retournerait  plus  à 
la  cour  :  il  partit  pour  la  Guienne, 
contre  son  gré,  dit  le  coadjuteur  , 
et  entraîné  par  les  conseils  de  ses 
amis;  et  de  ce  moment  datèrent  ces 
pages  déplorables  que  la  Musc  de 
l'histoire  aurait  voulu  retrancher 
d'une  si  belle  vie.  Le  10,  la  cour 
se  transporta  à  Bourges.  Mole  resta 
à  Paris,  tenant  les  sceaux  et  pré- 
sidant le  parlement.  Les  chefs  des 
partis  le  respectaient;  mais  le  peu- 
ple était  toujours  furieux  contre  lui 
(i).  Bientôt  un  ordre  delà  cour  l'ap- 
pelle à  Bourges  ;  il  est  obligéde  par- 
tir. Son  ame  était  navrée  de  tristesse, 


(1)  Un  Jour  qu'il  travaillait  avec  le  maréchal  de 
Schoinherg,  ou  vint  l'avertît'  qu'une  troupe  de  force- 
lit  entrer  daiu  son  hôtel ,  meuaçail  d'enfon- 
cer 1m  portes,  et  demandait  ta  tele.  Le  maréchal  lui 
offrait  ses  suisses  pour  dissiper  l'ait i  oupeiueul 
»  monsieur  le  maréchal,  lui  ''.il  Mol  en  sour'aut , 
»  laissex-moi  terminer  seul  celte  affaire j  i 
»  (oujoui  la  porte   d'un 

»  a.  1 .1    .lrv.it  être  ouverte   '<    loul   le  "•  ■ 

effel  ,  ,l  .  v  inntioi ,  lui 

«m  air  sévère  ce  qu'ils  v<  uleut ,  !■  »  menai  e  >!<•  Ii  -  faire 
p.  ndre,  i  V  '•s  i  '"* 

prompte  :  la  foule  »e  <l  ssipa  à  l'iusiaut,  cl  .V 
tourne  achever  son  trw 


MOL 


en  prévoyant  les  maus  qui  allaient 
tondre  sur  la  capitale.  11  pair,  mai- 
gre les  instances  do  Gaston,  du  m;i- 
îéchal  de  LTiôpilal,  gouverneur  de 
Paris,  et  du  eoxdjuîeur.  11  épanche 
ses  douleurs  dans  leur  sein >  et  (ii.it 
en  adressant  à  Talon  ces  paroles  re- 
marquables :  «  Au  reste,  je  porterai 
»  à  la  cour  le  même  esprit  dont  vous 
»  m'avez  vu  anime  dans  la  grand'- 
v  chambre;  je  ferai  tous  mes  efforts 
»  pour  empêcher  le  retour  du  car- 
»  dinal.  Je  dirai  la  vérité'  ;  après 
»  quoi,  il  faudra  obéir  au  roi.  » 
C'était-là,  en  effet,  le  fond  de  son 
ame  et  le  système  de  toute  sa  conduite. 
Tâcher  d'écarter  le  ministre  chargé 
de  la  haine  publique  et  l'auteur  de 
toutes  les  discordes,  mais  s'abstenir 
de  l'arracher  avec  violence  ou  avec 
insulte  à  l'autorité  qui  le  protégeait , 
dans  la  crainte  de  l'avilir,  en  la  for- 
çant de  céder;  telle  était  son  opinion, 
plus  convenable  peut-être  dans  une 
monarchie  paternelle  et  absolue,  que 
dans  un  gouvernement  représentatif, 
où  la  majesté  du  troue  doit  êde 
sauvée  par  la  responsabilité  des  mi- 
nistres. Les  vœux  de  Mole  ne  furent 
pas  accomplis.  Mazariu  revenaii  à  la 
cour,  amenant  avec  lui,  de  h  Cham- 
pagne-, une  armée  aguerrie  et  com- 
mandée par  Turenne.  Loin  de  céder  , 
ia  cour  prit  le  parti  de  résister  à  M. 
le  Prince.  Ici  commence  une  série 
d'événements  qui  n'appartient  phis  à 
notre  travail.  La  cour  suit  les  dra- 
peaux du  rival  de  Coudé  :  elle  se  ra  p- 
proche  de  la  capitale  ,  à  mesure  que 
la  victoire  étend  ses  conquêtes.  Le 
parlement  de  Paris  ,  privé  de  la  pré- 
sence de  son  chef,  était  à  la  merci 
des  factieux ,  qui  se  disputaient  à 
main  armée  le  pouvoir  dans  l'en- 
ceinte de  la  ville.  Mole,  attaché  au 
conseil  ,  suit  les  quartiers  du  ici. 
Après  le  combat  du  faubourg  Saint- 


MO? 

Antoine,  décidé  par  le  canon  delà 
Bastille ,  après  le  massacre  de  l'hôtel- 
de-viljc,  les  horreurs,  la  misère  ,  la 
confusion  qu'entraînait  un  tel  étal  de 
es  ,  des  négociations  sont  ou- 
vertes :  le  roi  ordonne  au  parlement 
de  se  transférer  à  Pontoise.  Mole  s'y 
trouve  à  la  tête  des  membres  les  plus 
lidèles  de  sa  compagnie  ,  auxquels  il 
fait  partager  la  sagesse  de  ses  pen- 
sées. Cependant ,  on  juge  encore  né- 
cessaire d'écarter  Mazarin  ,  pour 
accélérer  la  paix- intérieure.  Enfin, 
le  génie  de  Turenne  surmonte  tous 
les  obstacles.  Le  ministre  revient 
triomphant.  Tout  fléchit ,  excepté 
Condé ,  qui  s'éloigne  et  va  se  livrer 
à  de  graves  erreurs  :  on  oublie  tous 
les  torts,  on  pardonne  à  tous  les 
coupables  ,  hormis  à  Gondi ,  dont 
l'audace  factieuse  est  punie  par  la 
perte  de  sa  liberté,  mais  qui  semble 
encore  défier  le  favori  victorieux , 
de  ses  tristes  et  intrépides  regards 
(  Bossuet,  Oraison  funèbre  du  chan- 
celier Le  Tellier  ).  Les  maux  de  l'É- 
tat louchent  à  leur  terme.  Le. beau 
règne  de  Louis  XIV  a  commencé. 
Témoin  de  cette  gloire  naissante  , 
pour  laquelle  il  a  si  vertueusement 
combattu  ,  prêt  «à  combattre  encore  , 
s'il  en  était  besoin,  toujours  chef  du 
conseil  et  du  sénat ,  Mole  meurt ,  le 
3  janvier  i656,  au  terme  d'une  heu- 
reuse vieillesse  entièrement  exempte 
des  faiblesses  de  la  caducité.  Tel  fut 
le  grand  magistrat  que  nous  avons 
essayé  de  peindre.  Au  milieu  des  dan- 
gers ,  des  agitations  qui  exercèrent 
son  courage  ,  il  faut  remarquer  sur- 
tout cette  suite,  cette  tenue,  cette 
force  de  caractère  ,  qui  ne  le  laissa 
îs  dévier  de  la  ligne  droite  qu'il 
s'était  tracée  ,  dans  les  deux  époques 
si  dilîérentes  de  sa  vie  politique. 
C'est  la  vertu,  la  justice  elle-même 
qui  brave  les  BK  r.c  autorité 


MOL 

violente, et  qui  tient  toujours,  d'une 
main  ferme  et  vigoureuse  ,  les  fais- 
peaux  consulaires  ,  malgré  les  ca- 
prices ou  les  fureurs  d'une  multitude 
insensée.  A  coté  de  ces  grandes  qua- 
lités ,  on  observe  des  traits  de  sensi- 
bilité qui  pénètrent  d'un  sentiment 
plus  doux,  témoin  sa  constante  ami- 
tié pour  Saint-Cyran,  sa  facile  indul- 
gence pour  une  jeunesse  téméraire 
qui  l'insultait  jusque  dans  le  temple 
de  la  justice,  et  sa  généreuse  réconci- 
liation avec  le  coadjuteur.  Toutefois 
l'historien  fidèle  ne  saurait  dissimu- 
ler quelques  imperfections  qui  trop 
souvent  ont  nui  au  bien  que  Mole  de- 
vait faire.  On  l'a  vu  se  livrer  trop 
facilement,  tantôt  à  cette  ironie  ma- 
ligne qui  fait  des  blessures  cruelles 
et  produit  de  longues  inimitiés,  tan- 
tôt à  cette  impétuosité  du  premier 
mouvement  qui ,  en  plusieurs  occa- 
sions, lui  fit  dépasser  le  but.  Celte 
aspérité  de  formes,  qui  aurait  été 
incompatible  avec  les  mœurs  plus 
élégantes  de  la  société ,  sous  le  règne 
de  Louis  XIV  ,  convenait  peut-être 
davantage  à  l'époque  où  Mole  vécut , 
et  surtout  aux  difficultés  qu'il  eut  à 
combattre.  Son  histoire  est  dans  tous 
les  Mémoires  du  temps.  Parmi  les 
écrits  modernes  qui  contiennent  son 
Eloge ,  on  distingue  celui  de  M.  Ilcn- 
rion  de  Pansey  (  Éloge  de  Mathieu 
Mole ,  Paris,  177 0  ).  L'arrière  petit- 
fils  de  Mole  a  aussi  écrit  la  vie  de 
ce  grand  magistrat ,  sans  dissimuler 
le  sentiment  qu'il  éprouvait  ,  en  rc- 
:.it  la  gloire  de  sa  famille,  mais 
blesser  le  devoir  de  l'historien 
(  Essais  de  morale  et  de  politique  , 
'le  la  vie  de  Mathieu  Mo- 
it,  Paris,  irt'><)  ).  D— s. 
I  r  iwçois),pe^ 
iil-(ils  du  précédeM  ,  ne'  le  3o  m. us 
17"")  ,  fi  1     président    du 

parlement  es  la  démis- 


MOL 


29-) 


sion  de  Picnc  Charles  de  Maupeou, 
en  1707,  et  se  démit,  en  17G  •  . 
faveur  de  Maupeou  le  fils,  <! 
chancelier.   Ce  magistrat  mourut  à 
Pari-,  on  1  79  > ,  et  laissa  pour  (ils  : 

MOLE     DE    ClIA^ÎPLATliLLX    (  É- 

douard- François- Mathieu  ) ,  né  le 
5  mars  1700,  qui  devint  président 
à  mortier,  en  1788.  Il  avait  émi- 
gré ,  et  rentra  au  temps  prescrit 
par  les  décrets  de  l'assemblée  natio- 
nale. Croyant  pouvoir  servir  mieux 
Je  roi  dans  l'intérieur  de  la  France, 
il  lui  écrivit  dans  ce  sens;  la  lettre 
fut  trouvée  dans  l'armoire  de  fer. 
Ce  ne  fut  pas  le  seul  motif  de  pros- 
cription qui  le  fit  monter  sur  l'é- 
chafaud  révolutionnaire  :  il  avait 
souscrit,  avec  plusieurs  de  ses  collè- 
gues ,  la  protestation  du  parlement 
contre  les  opérations  de  l'assemblée 
constituante.  Ce  magistrat  périt  le 
1er.  floréal  an  11  ('20  avril  1791  ): 
il  avait  épousé  une  des  filles  du 
garde-des-sceaux  Lamoignon,  et  il 
en  eut  le  comte  Mole  ,  aujourd'hui 
pair  de  France.  D — s. 

MOLE  (François-René*  ) ,  célèbre 
comédien,  dont  le  véritable  nom  était 
Molet  (  1) ,  naquit  à  Paris,  en  1784. 
Sou  père  était  un  graveur  pauvre  et 
obscur.  Le  jeune  Mole,  après  avoir 
été  successivement  clerc  de  notaire 
et  commis  d'un  intendant  des  finan- 
ces, sentit  qu'il  avait  plus  de 
tion  pour  le  théâtre  que  pour  les  af- 
faires :  il  trouva  moyen  de  débuter 
à  la  Comédie -Française  (le  7  oc- 
tobre 1754  ),  quoiqu'il  eut  à  peine 
vingt  ans,  et  qu'il  ne  se  fût  encore 
exercé  que.  sur  des  théâtres  d'ama- 
teurs. Sêfi  premiers  essais  furent  en* 


1 1    Lemazttrîer  pr<  teud  nue  Pm  »Gm  dm  .  t  I.  * 

tu  l'ptiuille  du  yr««<Uol 


?.f)6 


MOL 


courages  :  il  joua  ,  avec  chaleur  et 
intelligence,  le  rôle  ■  ieus, 

ni  d'Olinde  (  dans  la  comédie 
intitulée  Zéneïde),  et' continua  ses 
débuts  par  ceux  de  Néreslan,  S< 
etc.  Les  femmes,  surtout,  furent  en- 
chantées de  ses  grâces  naturelles,  et 
<iu  charme  particulier  qu'il  savait 
donner  à  l'expression  de  l'amour  : 
néanmoins  les  comédiens  jugèrent 
qu'il  avait  besoin  de  parcourir  la 
proyince,  pour  acquérir  l'usage  de 
la  scène  ;  et  •  ce  fut  seulement  en 
1760  (le  '28  janvier)  qu'il  obtint 
la  permission  de  recommencer  à 
Paris  ses  débuts  :  ils  lurent  heureux 
et  même  brillants.  Reçu,  en  1761  , 
pour  les  jeunes  premiers  et  les  amou- 
reux ,  il  ne  tarda  pas  à  mériter  la 
confiance  des  auteurs  dramatiques , 
qui  s'empressèrent  de  lui  donner  dans 
presque  toutes  leurs  pièces  nouvel- 
les ,  des  rôles  importants.  La  comé- 
die à' Heureusement ,  où  il  remplit 
le  personnage  d'un  jeune  otïicier , 
avec  la  légèreté  la  plus  piquante,  fut 
une  des  premières  qui  lui  valurent 
un  succès  de  vogue.  Ce  fut  environ 
à  la  même  époque  qu'il  représenta 
le  marquis  du  Cercle ,  rôle  de  fat , 
dont  son  jeu  brillant  et  original  fit 
presque  tout  le  mérite,  et  dans  le- 
quel plusieurs  petits-maîtres  de  la 
cour  et  de  la  ville  voulurent  bien- 
tôt Je  prendre  pour  modèle.  Il  se- 
rait trop  long  de  citer  ici  tous  les 
autres  ouvrages  dramatiques  qui  lui 
fournirent  des  occasions  ,  plus  ou 
moins  favorables  ,  de  développer 
son  talent  :  nous  nous  bornerons  à 
dire  que  l'espèce  d'engouement,  dont 
il  se  vit  l'objet,  tint  long-temps  de 
l'idolâtrie;  un  seul  fait  en  donnera  l'i- 
dée. Dans  le  courant  de  1 766,  cet  ac- 
teur est  atteint  d'une  fluxion  de  poi- 
trine :  à  peine  en  sait-on  la  nouvelle , 
cjue  l'alarme  se  répand  dans  toutes  les 


MOL 

classes  de  la  société;  chaque  soir ,  le 
public  demande  aux  acteurs  des  nou- 
de  Mole;  des  bulletins  de  sa 
santé  circulent  à  toute  heure  dans 
Paris  :  l'idée  d'une  calamité  publique 
n'aurait  pas  inspiré  de  plus  vives  in- 
quiétudes. Tous  les  sujets  de  crainte 
sont-ils  passés,  chacun  veut  contri- 
buer, pour  quelque  chose,  à  la  con- 
valescence du  malade.  Les  vins  les 
plus  exquis  ,  les  analeptiques  les  plus 
recherchés, lui  sont,  envoyés  de toutes 
parts.  La  cour,  et  le  roi  lui-même,  lui 
prodiguent  de  riches  présents.  Quel- 
que intéressants  que  fussent  les  jours 
de  Mole,  on  ne  peut  nier  qu'il  n'y 
eut,  dans  cet  enthousiasme  général, 
une  exagération  un  peu  ridicule.  Plu- 
sieurs beaux-esprits  du  temps  en  fi- 
rent l'objet  de  piquantes  railleries. 
Le  chevalier  de  Bouliers ,  entre  au- 
tres ,  composa  des  couplets ,  qui 
commençaient  ainsi  :  Quel  est  ce 
gentil  animal,  et  dont  nous  ne  rap- 
porterons que  ce  passage  : 

L'animal  ,  un  peu  lib'.  ri  in  , 
Tombe  malade  un  b<  bu  matin  ; 
VoiFi  t"iit  Paris  dans  la  pt  ine  , 
On  crut  voir  la  mort  de  Turenne  : 
Ce  uVt;>if ,  pourtant ,  que  Molel , 
Ou  le  singe  de  Nicolet  (i). 

(  Voyez  les  Mémoires  secrets  de  Ba- 
chaumonl,  où  la  chanson  est  entiè- 
rement rapportée.  )  Mole  est  malade, 
disait-on  au  marquis  de  Bièvre  :  — 
Quelle  fatalité  (  quel  fat  alité  !  )  ré- 
pondit ce  fameux  faiseur  de  calem- 
bourgs.  Toutes  ces  malignes  facéties 
n'empêchèrent  point  l'acteur  chéri 
de  recevoir  encore  de  nouvelles  mar- 
ques de  la  munificence  publique.  Une 
repiésentation  fut  donnée  à  son  bé- 
néfice, sur  un  pe.tit  théâtre  construit 
exprès  à  la  barrière  de  Vaugirard; 
et,  quoique  la  salle  pût  à  peine  con- 


(1)  Il  y  avait  alors,  au  théâtre  rie  Nicole!,  un  siuge 
ejui,  par  sts  lourd  iuer\tilleux  ,  attirait  la  foule. 


MOL 

tenir  six  cents  personnes,  la  recette 
s'éleva  à  plus  de  vingt-quatre  mille 
francs.  11  est  inutile  d'ajouter  que  la 
rentrée  de  Mole  à  la  Comédie- Fran- 
çaise lui  valut  un  nouveau  triomphe. 
Nous  sacrifions  ici  une  loue  d< 
tails  et  de  petites  anecdotes  de  cou- 
lisses ,  qui  ont  peu  d'intérêt  pour 
l'histoire  ,  et  dont  la  véritable  place 
n'est,  d'ailleurs,  que  dans  les  chro- 
niques scandaleuses.  L'année  1778 
fut  marquée  par  des  événements  qui 
procurèrent  à  Mole  le  moyen  d'a- 
grandir sou  répertoire  :  Lekain  et 
Bcliecour  moururent.  Jusque-là, 
Mole  n'avait  encore  joué,  uans  les 
pièces  anciennes  des  deux  genres  , 
que  des  rôles  du  second  ordre,  dont 
il  avait  su ,  à  la  vérife' ,  faire  des  pre- 
miers rôles  :  il  crut  devoir  alors  pro 
fiter  de  son  droit  d'ancienneté,  pour 
remplacer  à-la-fois  ees  deux  acteurs. 
Ses  efforts  ne  furent  pas  sans  succès 
dans  le  grand  emploi  de  ia  tragédie. 
Cependant,  comme  il  y  restait  très- 
évidemment  au-dess*  q  pré- 
décesseur,  et  qu'il  se  fatiguait  ex- 
traordinairement ,  il  prit  le  parti  de 
résigner  en  faveur  de  ses  doubles. 
Larive.  dont  V  xtéri  ix  et 
toutes  les  habitudes  théâtrales  étaient 
héroïques,  n'eut  pas  de  pane  1  l'y 
faireoublier.  Mais  Mole  fi 

beureux  dans  les  premiers  rôles 
de  la  <  où,  du  moins,  il  ne 

trouva  pas  de  rivaux.  S'il  n'y  repro- 
duisit pas  tout-à-fait  la  noblesse  et  les 
grandes  manières  de  Bellecour,  il 
l'emporta  de  beaucoup  sur  ce  comé- 
dien ,  pour  la  chaleur  de  l'action,  la 
fincssi  riété  des  intentions,  et 

le  brillant  prestige  du  débit.  Ce  fut 
dans  l'année  1778,  que  Mole, 
chargé  deprononcer,  au  théâtre,  le 
discours  d<  publi- 

quement des    h  \  «baire 

qui  assistait ,  ce  jour-U 


MOL 


tacle  ,  et  qu'il  jeta  en  même  temps 
des  fleurs  sur  ia  tombe  de  Lekain. 
Ce  discours,  médiocrement  écrit, 
mais  non  dépourvu  d'idées  ,  fut  ap- 
plaudi avec  transport.  Mole  avait 
eu  le  tort  de  le  faire  lui-même,  sans 
vouloir  consulter  personne.  Cet  ac- 
teur n'était  pas  sans  esprit  :  il  par- 
lait même  de  son  art  d'une  manière 
fort  intéressante;  mais,  ni  ses  dispo- 
sitions naturelles,  ni  le  grand  usage 
du  monde,  n'avaient  pu  lui  tenir  en- 
tièrement lieu  des  premiers  éléments 
de  l'instruction  classique.  Arrivé  à 
l'époque  de  la  révolution  ,  il  en  em- 
brassa d'abord  les  principes,  sans 
toutefois  afficher  l'exagération.  Sa 
réputation  de  civisme  le  préserva  du 
sort  de  ses  camarades ,  les  comédiens 
français,  qui  furent  tous  incarcérés 
en  1 790;  et  il  s'attacha  au  théâtre  de 
Mlle.  Montansier ,  où  ,  forcé,  par  une 
trop  juste  crainte,  de  suivre  la  route 
malheureuse  dans  laquelle  il  s'était 
engagé  ,  il  prostitua  son  talent  aux 
plus  honteuses  productions  de  l'es- 
prit revolutionnairc.il  eut  la  douleur 
d'y  jouer  le  rôle  de  Marat  (  1  )  ;  nous 
disons  la  douleur,  car  il  ne  put  long- 
temps la  dissimuler:  ce  fut  même  le 
sujet  d'une  assez  vive  altercation , 
qu'il  eut  avec  l'auteur  de  la  pièce 
ignoble  dont  Marat  était  le  héros. 
Celui  qui  rapporte  ce  fait,  en  fut  le 
témoin  oculaire.  A  l'époque  où  le 
gouvernement  rassembla  tous  !< 
inents  de  l'ancienne  Comédie-Fran- 
çaise, Mole,  qui  s'était  successive- 
ment attaché  aux  théâtres  de  1V\- 
deau  et  de  Louvois,  se  réunit  enfin 
anciens  camarades ,  le  3  mai 
1  79g  ;  et ,  quoiqu'il  lut  déjà  d'un  âge 
avancé,  il  y  lit  encore,  jusqu'à 
poque  de  sa  mort,  c'est-à-dire  pen- 
dant trois  ans  et  demi,  le  service 

(0  D«U  li>  CatiUna  modciuet. 


2C)8 


MOL 


le  plus  pénible.  Ce  qu'il  y  eut  alors 
(le  très-remarquable,  c'est  que  ja- 
mais, aux  plus  belles  époques  de  sa 
vie  théâtrale,  il  n'avait  montre  plus 
de  vivacité  et  de  talent.  C'était  une 
admirable  réunion  de  toute  la  cha- 
leur brillante  qui  accompagne  la  jeu- 
nesse, avec  toute  la  sûreté  de  goût 
et  de  jugement  qu'on  n'acquiert  que 
par  l'expérience.  Une  représentation 
que  la  Comédie-Française  donna  à 
son  bénéfice,  en  1802,  et  dans  la- 
quelle il  joua  le  rôle  de  Y  amant 
bourru  ,  lui  valut  au  moins  3o,ooo 
francs.  On  assure  que  ce  fut  une  des 
causes  de  sa  mort.  Cette  somme ,  mal 
employée,  lui  servit  presque  entière- 
ment à  payer  des  plaisirs ,  qui  ne 
devaient  plus  être  ceux  d'un  vieil- 
Jard;  et,  après  une  maladie  d'épui- 
sement, dont  la  durée  ne  fut  que 
trop  prolongée ,  il  mourut  dans 
d'horribles  souffrances,  le  1 1  décem- 
bre i8o'2.  Toute  la  Comédie-Fran- 
çaise, tous  les  acteurs  des  théâtres 
de  la  capitale,  une  députation  de 
l'Institut  (dont  il  était  membre  de- 
puis l'origine  (1)),  et  une  foule 
d'hommes  de  lettres,  assistèrent  à 
ses  obsèques.  Deux  discours  furent 
prononces  sur  sa  tombe,  l'un  par 
Monvel ,  son  camarade;  l'autre,  par 
M.  Mahérault,  commissaire  du  gou- 
vernement près  le  Théâtre -Fran- 
çais. Mole  peut,  à  juste  titre,  être 
1ère  comme  un  des  plus  habiles 
comédiens  que  nous  ayons  eus  depuis 
Baron.  11  avait  contracté,  dans  la 
tragédie  ,    certaines    habitudes    qui 


(1)  La  loi  rfu  3  l-rumaîre   an    IV  autorisa  le  direc- 
toire ej 

ronl  les 

lé  fut  <iii   nombi  e  'les 

oii.uarl-  eu  ho  s  conié- 

(Irand- 

'   nr  art 
s'ils  veu.eal  è'.re  admis  dans  ce  corps  à  d'autres  litres, 
A.  B— T. 


MOL 

s'accordaient  quelquefois  mal  avec 
la  sévérité  du  genre.  «  Plein  d'esprit 
et  d'à  me,  dit  Laharpe,  il  a  déna- 
ture la  déclamation  tragique,  en  y 
portant  les  tons  tâtonnes,  la  vivacité 
bavarde,  les  nuances  familières,  qui 
appartiennent  a  la  comédie;  sa  répu- 
tation et  ses  succès  ont  égaré  tous  les 
jeunes  acteurs  qui  vont  s'exercer  en 
province,  et  qui,  ne  pouvant  imiter 
sa  sensibilité  et  ses  grâces,  ne  savent 
plus  que  trépigner  et  bégayer  comme 
lui.  »  Toutefois,  malgré  ces  imper- 
fections ,  Mole  n'a  pas  laissé  de 
créer,  avec  un  succès  mérité, des  rôles 
de  tragédie  très-difficiles  et  très-fati- 
gants, notamment  celui  de  Hamlet. 
En  admettant  au  surplus,  que  Mole 
ne  fût  pas  toujours  au  niveau  de  sa 
réputation  lorsqu'il  chaussait  le  co- 
thurne ,  par  quelle  supériorité  incon- 
testable ne  nous  en  dédommageait- 
il  pas  dans  la  comédie  !  Que  d'ai- 
sance, que  de  feu,  que  de  vérité, 
et  quelle  variété  inépuisable  d'inten- 
tions dramatiques  !  S'il  faut  s'en  rap- 
porter aux  vied  lards  qui  ont  vu  sa 
jeunesse,  nul  ne  jouait  mieux  que 
lui  la  fatuité  vive  et  légère;  nul, 
dans  le  genre  lugubre  du  drame,  ne 
portait  plus  loin  l'effet  pathétique. 
On  en  cite  pour  exemple,  d'une  part, 
les  applaudissements  qu'il  était  sûr 
d'obtenir  clans  le  marquis  du  Dis- 
sipateur ,  dans  le  Chevalier  à  la 
mode ,  dans  le  marquis  de  Turcaret, 
et,  d'une  autre  part,  les  pleurs  qu'il 
faisait  répandre,  la  terreur  dont  il 
remplissait  la  scène ,  lorsqu'il  jouait, 
ou  le  Beverley  de  Saurin ,  ou  le 
Saint-Albin  du  Père  de  famille.  Son 
talent,  disait,  il  y  a  vingt  ans,  l'au- 
teur de  cet  article,  dans  une  cri- 
tique du  théâtre,  est  si  naturel,  si 
varié,  si  chaud,  si  brillant;  son 
intelligence  est  si  étendue ,  que  , 
«  quel  que  soit  le  caractère  de  so 


MOL 

»'rôle ,  sombre  ou  comique ,  flcgma- 
»  tique  ou  impétueux ,  ouvert  ou  con- 
»  centre,  galant  ou  bourru-  il  sait  al- 
»  ternativement ,  sans  charge,  sans 
»  charlatanerie  ,  v  faire  rire  ou 
»  pleurer  ,  suivant  les  intentions  de 
»  l'auteur.  Jamais  il  ne  cesse  de  par- 
»  1er  au  cœur  ou  à  l'esprit ,  et  le  plus 
»  souvent ,  il  parle  à  tous  deux  à- 
»  la-lois.  »  Mole  était  d'une  taille 
moyenne  et  d'une  figure  agréable _j  sa 
corpulence,  dans  les  derniers  temps, 
était  devenue  un  peu  épaisse ,  sans 
pourtant  nuire  à  la  vivacité  de  ses 
mouvements.  Sa  voix,  qui  avait  plus 
de  timbre  que  de  corps  ,  laissait  dési- 
rer, dans  la  tragédie,  plus  de  gravité 
de  sons  ,  et  plus  de  mordant.  Il  était 
tellement  comédien  ,  et  il  avait  une 
présence  d'esprit  si  extraordinaire, 
qu'il  lui  arrivait  fréquemment  de 
jouer  tout  un  rôle  qu'il  ne  savait  point, 
et  d'être  par  conséquent  en  rapport 
continuel  avec  le  souffleur  ,  sans  que 
le  public  pût  s'en  apercevoir.  Des 
critiques  un  peu  vétilleux  ont  re- 
marqué que  Mole  avait  souvent  un 
balancement  de  bras  trop  précipité  ; 
qu'il  portait  sans  cesse  la  main  à 
sa  bouche  ;  qu'il  disait  presque  tou- 
toujours  Ma-ame,  au  lieu  de  Ma- 
dame ;  et,  enfin ,  qu'il  lui  arrivait  de 
négliger  quelque*  o  diction. 

Mais  en  faisant  ces  observations ,  il 
eût  été  juste  de  ne  pas, nous  donner 
pour  des  défauts  réels  ,  ce  qui  n'était, 
en  lui,  qu'un  abus  de  talent,  une  ! 
imperfection ,  néede  l'habitude.  (  ictlc 
imperfection  même,  à  laquelle  Mole 
nais  avait  accoutumés,  pouvait  être 
jusqu'à  un  certain  point,  justifiée  par 
exactitude 
les  petits-n:  temps.  Ainsi  que 

«eus  i  »,  Mole  n'était 

pas  éciïva;  outre   les 

qu'il  fit  à  k  i]  pr0- 


MOL 


299 


nonça  en  séance  publique  au  Lycée 
des  arts,  le  1 1  août  1 793,  \\i\  éloge  de 
Préville;  et,  le  (i  septembre  l* 
celui  de  M11*.  Dangevilie  :  de  plus  ,  il 
donna,  sous  son  nom,  une  petite  co- 
médie intitulée  le  Quiproquo,  la- 
quelle ne  fut  pas  favorablement  ac- 
cueillie. Il  a  aussi  composé  un  Eloge 
de  Mlle.  Clairon  :  il  y  a  de  lui  quel- 
ques lettres  dans  le  Journal  de  Pa- 
ris ,  et  quelques  poésies  dans  divers 
recueils.  Enfin  ,  l'on  trouve,  dans  un 
Supplément  aux  Mémoires  de  Le- 
kain ,  une  assez  bonne  notice  de 
Mole  sur  le  talent  de  ce  grand  tra- 
gédien. Mole  avait  épousé,  en  1 16g  , 
une  actrice  du  Théâtre  -  Français, 
M,1(\  Dépinay,  qui  joignait  alors  aux 
grâces  de  la  figure,  un  talent  assez 
agréable.  Cette  actrice  ,  connue  de- 
puis sous  le  nom  de  Mme.  Mole,  dou- 
blait Mme.  Préville,  dans  les  rôles 
de  grandes  coquettes.  Elle  avait  de 
l'intelliocncc;  mais  un  grasseyement 
assez  prononcé  musait  à  sa  diction. 
Elle  mourut,  en  1^83,  à  la  suite  d'une 
maladie  longue  et  doul  oureuse.  Voyez 
la  Vie  de  Fr.-îi.  Mole ,  comédien 
français ,  et  membre  de  F  Institut 
national  de  Fran>  e  ,  Paris  ,  am  xi , 
(i 8o3) ,  tn-iâ ,  de  2tx3  ]^. ,  devenu 
tris-rare.  Sur  le  frontispice  même 
est  gravé  le  buste  de  Mole  (  de  pro- 
fil ).  Les  auteurs  sont  MM.  Etienne 
elNaulcuil.  F.  P — t. 

MOLESWORTH  (Robert),  di- 
plomate irlandais  ,  naquit  à  Dublin, 
en  décembre  i656.  Le  zèle  qu'il  mon- 
tra eu  faveur  du  prince  d'Orange  ,  *  u 
i  ,  lui  attira  des  persécutions  du 
parti  oppose' \  niais  des  que  ce  prince 
fut  monté  sur  le  trône  d'Angleterre  , 
il  le  nomma  consciller-d'état  ;  et  Mo- 

traordinaire  ,  à  la  coi 
Danemark  .  où  U  dem<  ura  troi 

lu  bout  de  < 


MOL 

manifesté  des  prétentions  injustes  et 
ridicules,  comme  de  chasser  le  gi- 
bier du  roi ,  il  lui  fut  défendu  de  re- 
paraître à  la  cour  :  prétextant  des 
affaires  indispensables,  il  partit  sans 
audience  de  congé  ,  et  revint  en  An- 
gleterre. Il  publia,  quelque  temps 
après,  un  ouvrage  intitule  :  Relation 
du  Danemark  ,  où  il  s'attache  à  re- 
présenter le  gouvernement  de  ce 
royaume  comme  arbitraire  et  tyran- 
nique.  Le  succès  qu'eut  cet  ouvrage , 
attira  l'attention  de  la  cour  de  Da- 
nemark, qui  y  fit  repondre  par  le 
docteur  Guil.  King.  La  liberté'  avec 
laquelle  Molesworth  parle  ,  dans  son 
livre  ,  de  la  religion ,  qu'il  semble  re- 
garder comme  une  imposture  ,  mais 
comme  une  machine  politique  utile, 
lui  valut  l'amitié  du  comte  de  Shaf- 
tesbury  ,  auteur  des  Caractères  ,  et , 
pour  la  lui  prouver,  celui-ci  voulut 
épouser  une  parente  de  son  ami  ;  ce  qui 
cependant  n'eut  pas  lieu.  Elu  mem- 
bre de  la  chambre  des  communes  , 
tant  en  Angleterre  qu'en  Irlande, 
Molesworth  y  montra  beaucoup  de 
fermeté ,  de  talent  et  de  fidélité  à 
ses  principes  politiques.  Il  fut  con- 
seiller-privé de  la  reine  Anne  ,  jus- 
qu'en 1 7  1 3  'y  fut  nommé ,  en  1714? 
conseiller- privé  de  George  Ier. ,  en 
Irlande  ,  commissaire  du  commerce 
et  des  plantations  ,  et  élevé  à  la  pai- 
rie ,  en  1716,  avec  le  titre  de  baron 
de  Philipstown  ,  et  vicomte  Mo- 
lesworth de  Swordes  ,  en  Irlande. 
Il  était  membre  de  la  société  royale. 
Il  mourut  dans  sa  terre  de  Breedens- 
town  ,  le  'il  mai  1725  ,  laissant* 
onze  enfants,  dont  une  fille  nommée 
Marie  ,  d'un  caractère  peu  commun , 
qui  épousa  George  Monk,  et  de  la- 
quelle on  a  des  poésies  estimées.  On 
connaît  encore  de  lord  Molesworth 
une  Adresse  à  la  chambre  des  com- 
munes ,   pour  l'encouragement  de 


MOL 

l'agriculture  ,  et  la  traduction  de 
l'ouvrage  latin  du  jurisconsulte  Hot- 
man  ,  intitulé  :  Franco  -  G  allia. 
Cette  traduction  fut  réimprimée,  en 
1721 ,  in-8°. ,  avec  des  additions  et 
une  nouvelle  préface  par  le  traduc- 
teur. L. 

MOLEVILLE  (  Antoine  Fran- 
çois de  Bertrand  ).  V.  Bertrand 
au  Supplément. 

MOLIERE  (François  de)  ,  sieur 
de  Molière  et  d'Esscrtines,  était  qua- 
lifié gentilhomme  du  Bi  ionhais  (pro- 
bablement au  diocèse  d'Autun  ).  Il 
vivait  à  la  cour,  et  fut  assassiné  (1) 
assez  jeune,  en  i6'23,  au  plus  tard, 
puisqu'Anne  Picarde!  prend  le  titre 
de  sa  veuve,  à  la  tête  du  volume  dont 
elle  est  l'auteur,  et  qui  est  intitulé  : 
Odes  spirituelles  sur  l'air  des  chan- 
sons de  ce  temps,  seconde  éd.,  Lyon, 
i6i3 ,  in-8°.  On  avait  de  son  mari  : 
I.  La  Semaine  amoureuse ,  1620, 
in-8°.j  c'est  un  roman.  IL  Le  Mé- 
pris de  la  cour,  imité  de  l'espagnol 
de  Quevara,  1621,111  8°.  III.  La 
Polixène,  avec  la  suite  et  conclusion, 
par  Pomeray ,  i63'2,  2  vol.  in -8°. 
On  voit  que  ce  roman  est  un  ouvra- 
ge posthume,  et  qu'il  avait  été  laissé 
imparfait.  Sorel  dit  que  la  Polixène 
n'est  qu'une  imitation  de  l'histoire 
de  Daphnide  dans  VAstrée.  Depuis 
on  a  imprimé  la  Fraie  suite  de  Poli- 
xène ,  suivie  et  conclue  sur  ses  Mé- 
moires, i634,  in-8°.  IV.  Lettres 
(au  nombre  de  sept) ,  dans  le  recueil 
de  Faret,  1627  ,  iu-8°.  {F.  Faret, 
XIV,  i53.)La  table  du  Catalogue 
de  la  Bihl.  du  roi  (belles-lettres;  at- 
tribue ces  lettres  à  Poquelin  de  Mo- 
lière. C'est  une  transposition  éviden- 
te, puisque,  lorsque  ces  lettres  paru- 


(0  D'après  un  passage  du  Bergrr  extravagant ,  de 
Sorel  (Remarques  sur  le  livre  XIII,  tom.  il),  p. 
708  de  P  rtition  de  1728  ),  il  paraîtrait  qu'i  f'ulas- 
*as>iiie  par  eux  qu'il  tenait  [Jour  it$  amis. 


MOL 

rent  pour  la  première  fois,  l'auteur 
du   Tartuffe  n'avait  que  sept  ans. 
V.  Quelques  pièces  de  vers,  dans  les 
Délices  de  la  poésie  française  (edit. 
de  1620,  publiée  par  Baudouin  ) 
page  48 1-5 12).  Le  seul  Dictionnaire 
historique  qui  parle  de  François  de 
Molière ,  est  celui  de  Moréri ,  qui 
lui   a  consacre'  deux  lignes  et  de- 
mie, et  qui  lui  attribue  des  Pièces  de 
théâtre.  C'est  une  erreur,  conservée 
même  dans  le  Moréri  de  1709  ;  ce- 
pendant elle  avait  e'té  relevée  par  La 
Monnoye,  dans  une  de  ses  notes  sur 
les  Jugements  des  savants,  par  Bail- 
let,in-4°.,t.iii,  1 24,  ou  in- 1 2,  tome 
11,  3e.  partie,  page  4^'  Non-seule- 
ment Fr.  de  Molière  n'a  fait  aucune 
pièce  de  théâtre  ;  mais  il  est  douteux 
qu'une  tragédie  de  Polixène  ,  attri- 
bue'e  par  Léris,  à  un  Molière,  qu'il 
dit  avoir  été  comédien,  et  surnom- 
me le  tragique  ,  ait  jamais  cxÉfc'. 
Voltaire,  dans  sa  Vie  de  Molière , 
parle  en  effet  d'un  comédien  nommé 
Molière,   auteur  d'une  tragédie  de 
Polixène.  La  Biblioth.  du  Théâtre 
français  ne  mentionne  sous  ce  titre 
que  les  pièces  de  Behourt ,  Bilîiard  , 
Lafosse  et  d'Aigueberre;  et  la  pièce 
attribuée  à  Molière  le  tragique,  n'exis- 
tant ni  dans  la  collection  de  Pont  de 
Veslc,  ni  dans  celle  de  La  Vallière  , 
ni  dans  celle  de  M.  de  Soleines  ,  on 
peut  presque  assurer  qu'elle  n'a  ja- 
mais été  imprimée,  et  même  présu- 
mer que  du  titre  d'un  roman  on  a  fait 
celui  d'une  tragédie.  La  Bibliothèque 
des  théâtres,  par  Maupoint,  que  pa- 
raît avoir  copiée  Leris ,  et  que  Vol- 
taire n'asuiviequç  trop  souvent, s'au- 
torise d'une  épigramme  de  Racan, 
qui  s'applique  très-bien  au  roman.  La 
Monnoyr.  Baillet, 

n'\  <){(>,  parle  d'un  amie  Molière  , 
auteur  d'un  Dictionnaire  francois 
historique.  Cet  auteur  n'i 


MOL  3ot 

Juigne,  sieur  de  la  Broissinière,  et 
sieur  de  Molière  (  V.  Juignj:  .  XXII, 
na).  A.  B— t. 

MOLIÈKE  (Jean-Baptiste  Po- 
QUELIN,  quia  rendu   si  fameux  le 
nom  de  ),  naquit  à  Paris,  le  quinze 
janvier    1622   (  1),   de  Jean   Po- 
quelin,   marchand  tapissier,  et  de 
Marie  Cressé,  dont  le  père  exerçait 
la   même  profession.    Destiné   par 
ses  parents  à  les  remplacer  dans  leur 
commerce,  après  les  y  avoir  aidés, 
il  ne  savait  encore,  à  quatorze  ans 
qu'un  peu  lire,  écrire    et  compter. 
Heureusement  il  avait  un  grand-père 
qui  aimait  fort  la  comédie,  et  qui  le 
menait  quelquefois  avec  lui  à  l'Hôtel 
de  Bourgogne.  Il  n'en  fallut  pas  da- 
vantage pour  lui  inspirer  le  dégoût 
de  son  état ,  et  l'envie  d'acquérir 
l'instruction  dont  il  se  sentait  juive. 
11  obtint  de  ses  parents,  non  sans 
beaucoup  de  peine,  qu'ils  le  fissent 
étudier;  et  il  fut  envové  comme  ex- 
terne au  collège  de  Glermont.  Les 
circonstances  les  plus  favorables  à 
sa  fortune  et  à  son  génie  l'attendaient 
dans  cette  maison.  Il  y  eut  pour  ca- 
marade de  classes  Armand  de  Bour- 
bon, prince  de  Gonti,  dont  la  pro- 
tection  affectueuse  devait  lui    être 
utile  plus  d'une  fois  dans  la  suite. 
Chapelle  suivait  les  mêmes  cours, 
Chapelle,  fils  naturel  de  Lhuillicr, 
riche  magistrat,  qui  lui  avaii  d 
pour  précepteur  le  célèbre  Gassendi, 
el  pour  compagnon  d'études  Bernier, 
alors  enfant  pauvre,  et  depuis  homme 
fameux  pai  dans  l'Inde. 

Cassen  li,  frappe  des  beureuses  dis- 
positions du  jeune  Poquelin ,  l'admit 
aux  leçons  particulières  qu'il  donnait 
à  ses  deux  élèves  :  faveur  dont  jm.it 


me  s I.!.'  nvoir  ■  tabli  i  <■  poi 

teraiio  ,  iar  dri  preu\  ■ 


3o-2  MOL 

également  Cyrano  de  Bergerac ,  qui 
n'en  profita  pas  tout-à-fait  aussi  bien. 

Dans  les  entretiens  du  sage  qui  avait 
combattu,  et  souvent  avec  succès, 
Aristote  et  Descartes,  les  deux  gran- 
des puissances  rivales  delà  philoso- 
phie antique  et  moderne,  Poquelin 
contracta  l'habitude  de  ne  soumettre 
sa  raison  à  aucune  autre  autorité 
qu'à  celle  de  la  vérité  démontrée. 
La  morale  d'Epicure,  presque  éga- 
lement calomniée  par  ses  adversaires 
et  par  ses  sectateurs ,  mais  vengée 
des  uns  et  des  autres  par  les  écrits 
et  surtout  parles  mœurs  du  vertueux 
prêtre  de  Digne,  celte  morale  fut  celle 
que  Poquelin  adopta  dès  loi  s ,  et  qu'il 
professa  toujours.  Quant  à  la  phy- 
sique des  atomes,  pour  être  plus 
ancienne  que  celle  des  tourbillons , 
elle  ne  dut  pas  lui  en  paraître  moins 
chimérique  •  et  tout  porte  à  croire 
que,  sur  ce  point,  il  ne  demeura  pas 
fidèle  aux  enseignements  de  son  maî- 
tre. Il  lui  en  resta  toutefois  une  cer- 
taine prédilection  .pour  le  poème  de 
Lucrèce  ,  qu'il  entreprit  plus  tard  de 
traduire  en  vers.  Un  valet  ayant  par 
mégarde  déchiré  quelques  feuillets 
de  cette  traduction,  il  jeta,  de  dépit 
tout  l'ouvrage  au  feu.  Sa  mémoire 
en  conserva  seulement  quelques 
vers  qu'il  plaça  dans  une  scène 
du  Misanthrope.  Poquelin  le  père 
avait  une  charge  de  vaiet-de-cham- 
bre  tapissier  du  roi,  que  son  grand 
âge  ou  sa  mauvaise  santé  l'empêchait 
de  remplir.  Le  fils ,  qui  en  avait 
obtenu  la  survivance ,  et  en  exerçait 
les  fondions,  fut  obligé  de  suivre 
Louis  XIII  dans  le  voyage  que  ce 
prince  fit  à  Narbonne,  en  164 1.  Re- 
venu à  Paris  avec  la  cour,  son  goût 
pour  la  comédie  se  réveilla  plus  vif 
que  jamais.  La  passion  du  cardinal 
de  Richelieu  pour  les  amusements 
dramatiques  s'était  communiquée  à 


MOL 

la  nation;  et  de  toute  part ,  dans  la 
capitale,  s'ouvraientdcs théâtres  par  • 
ticuiiers,  où  l'on  allait  applaudir  in- 
distinctement Rotrou  et  Desmarcfs, 
Corneille  et  Scudéry.  Poquelin  réunit 
plusieurs  jeunes  gens,  qui  avaient 
ou  croyaient  avoir  du  talent  pour  la 
déclamation.  Cellesociété,  qui  éclipsa 
bientôt  toutes  les  autres  ,  fut  ap] 
Y  Illustre  Théâtre.  Ce  fut  alors  que 
Poquelin,  déterminé  à  suivre  la  vo- 
cation, prit  le  nom  de  Molière,  afin 
sans  doute  que  ses  parents  n'eussent 
pas  à  lui  reprocher  de  tramer  et  de 
prostituer  leur  nom  sur  des  tréteaux. 
Si  nous  sourions  aujourd'hui  de  cette 
délicatesse  bourgeoise,  c'est  par  une 
espèce  d'anachronisme  ,  c'est  en  dé- 
plaçant les  époques  et  en  confon- 
dant les  idées.  Molière,  à  son  début, 
n'était  qu'un  comédien  sans  renom 
et  peut-être  sans  talent,  légitime  sujet 
d'nîquiétude  et  de  chagrin  pour  sa 
famille,  dont  l'honnête  obscurité  ne 
pouvait  prévoir  quelle  glorieuse  il- 
lustration elle  recevrait  un  jour  de 
son  génie  comme  poète.  Les  troubles 
de  la  Fronde  vinrent  interrompre 
les  jeux  du  théâtre.  Molière  dispa- 
raît dans  cette  ridicule  tempête,  et 
ne  doit  plus  se  remontrer  qu'à  l'épb- 
que  où  l'autorité  royale  aura  recon- 
quis ses  droits  par  des  transactions 
plus  victorieuses  que  ses  armes.  Ce 
moment  arrivé,  Molière,  à  la  tête 
d'une  petite  troupe  qu'il  avait  for- 
mée, se  mit  à  parcourir  la  province 
pacifiée,  préludant  aux  merveilles 
de  son  art  par  de  petites  pièces  bouf- 
fonnes,composées  à  lahâte  et  jouéesà 
Vimprovisade,  comme  les  farces  ita- 
liennes, dont  elles  n'étaient  souvent 
qu'une  imitation.  Sa  première  pièce 
régulière  fut  V  Etourdi  y  représenté  à 
Lyon  en  i653.  A  son  arrivée  dans 
celte  ville ,  il  y  avait  trouvé  une  autre 
troupe  de  comédiens  ,  que  le  public 


MOL 

abandonna  promplement  pour  la 
sienne,  et  dont  les  principaux  sujets 
s'attachèrent  dis -lors  à  sa  fortune 
pour  ne  plus  s'en  séparer.  Avec  ce 
renfort ,  ii  se  rendit  à  Beziers  ,  où  son 
ancien  condisciple, le  prince  de  Gonti, 
tenait  les  états  de  Languedoc.  Spécia- 
lement charge' d'amuser  la  ville,  l'as- 
semblée et  le  prince,  il  fit  passer  en  re- 
vue, devant  eux ,  toutes  les  pièces  de 
son  petit  répertoire  ,  qui  venait  de 
s'enriinir  du  Dépit  amoureux.  Le 
•_rnre  ,  charmé  de  son  esprit  et  de 
son  zèle,  lui  offrit  de  le  prendre  pour 
secrétaire  :  il  refusa.  Qui  put  lui  faire 
préférer  à  ce  poste  tranquille,  avan- 
tageux et  honorable  ,  la  vie  errante  , 
nécessiteuse  et  presque  humiliante 
de  comédien  de  campagne?  Son  gé- 
nic  ,  sans  doute ,  qui  le  retenait  in- 
vinciblement dans  la  carrière  où  il 
devait  s  illustrer  ;  sa  passion  pour  la 
gloire  ,  qui  venait  de  lui  faire  goûter 
ses  premières  faveurs  ;  le  scrupule  , 
a-t-oif  dit,  qu'il  se  faisait  de  laisser 
là  de  pauvres  comédiens  amenés  de 
loin,  qui  s'étaient  liés  à  son  sort, 
dont  le  leur  semblait  entièrement 
dépendre  j  peut-être  aussi  d'autres 
motifs  moins  nobles  ,  tels  que  rem- 
pire  de  certaines  liaisons  ,  et  un  [jeu 
de  goût  pour  cette  existence 
bonde  et  agitée,  mêlée  de  loi 
de  travail,  de  peine  et  de  pi 
d'abondance  et  de  détresse  ,  qui , 
malgré  son  asservissement  réel ,  offre 
à  la  folle  jeunesse  la  séduisante  image 
de  l'indépendance.  Molière,  après 
avoir  continué  quelque  tein 
courses  dans  le  midi  de  la  France, 
se  rapprocha  de  la  capitale  ,  où  l'at- 
tirait en  s<  cr<  l  l'espoir  d'une  meil- 
leure fortune  et  d'une  plus  grande 
renommée  :  i! 
p      retrouva    la    protecl  m  au- 

guste camarad. 
elle,  acquit  des  protections  plus  e!e- 


MOt 


3o3 


vées  encore  :  celles  de  Monsieur, 
frère  du  roi,  et  du  roi  lui-même. 
C'est  sous  leurs  aupices  et  en  leur 
présence,  que,  le  3  novembre  i658, 
il  fit  l'ouverture  d'un  théâtre  qu'il 
devait  enrichir,  en  moins  de  quinze 
années,  de  plus  de  trente  ouvra- 
ges, dont  la  moitié  sont  des  chefs- 
d'œuvre.  Paris  ,  pris  à  son  tour 
pour  juge  de  V Etourdi  et  du  Dépit 
amoureux  y  confirma  le  jugement  de 
la  province.  On  admira  ,  dans  la 
première  de  ces  pièces ,  malgré  les 
vices  du  plan  et  les  incorrections  du 
style  ,  le  comique  franc  de  plusieurs 
situations  ,  cette  fécondité  d'imagi- 
nation qui  renouvelle  tant  de  fois  drs 
stratagèmes  si  souvent  déconcertés, 
surtout  ce  dialogue  gai,  rapide,  na- 
turel ,  qui  anime  constamment  la 
scène  ,  et  dans  lequel  chaque  person- 
nage se  peint  lui-même  des  couleurs 
qui  lui  sont  propres.  Dans  le  Dépit 
amoureux,  on  applaudit  avec  trans- 
port cette  admirable  scène  debrocil- 
lèrie  et  de  raccommodement ,  déli- 
cieuse image  d'une  nature  char- 
mante, que  Molière  a  reproduite  plu- 
sieurs fois  sans  la  surpasser ,  et  qu'on 
a  mille  fois  répétée  d'après  lui  sans 
l'égaler  jamais.  Dans  ces  deux  01- 

s  ,  Molière  a   suivi ,  avec   la 
fouie   de  ses  devanciers    et  d< 
contemporains  ,  la  roule  tracée  par 

omiqnes  italiens  et  espagnols. 
11  va  s'ouvrir  une  carrière  nouvelle 
où  il  n'aura  d'autre  guide  que  son  gé- 

!  (es  Précieuses  ridicules  (  i 

i  ïsent;  et  les  ruelles,  ces  orgueil- 
i  ù  l'affectation  déna- 
turait à-la  fois  l'esprit  et  le  senli- 
menl  ,  dont  le  jargon  infestait  h  lit- 
térature comme  ,  sont  tout- 
à-coup  frappées  de  consternation. 
Ménage  ,  qui  avait  long-temps 
fié  à  ces  fauss< 
que,  sur  les  ruiu 


Zo.\  MOL 

allait  s'élever  celui  du  véritable  es- 
prit ,  dit  a  Chapelain  ,  comme  autre- 
fois saint  Rémi  à  Ciovis  :  II  nous 
faudra  briller  ce  que  nous  avons 
adoré  ,  el  adorer  ce  que  nous  avons 
brûlé.  Un  vieillard  s'écria  du  milieu 
du  parterre  :  Courage,  courage  , 
Molière  ,  voilà  la  bonne  comédie  ! 
et  ce  cri  du  vieillard  a  et c'  répété  par 
la  postérité.  Aux  Précieuses  ridi- 
cules succéda  le  Cocu  imaginaire 
(  1660),  petite  pièce  dans  laquelle 
Molière ,  peut-être  importuné  des 
scandaleux  succès  de  Scarron  ,  sem- 
ble avoir  emprunté  ses  armes  pour 
le  vaincre  ,  et  l'emporte  en  effet 
sur  lui  par  des  mœurs  plus  vraies  , 
une  gaîté  plus  naturelle,  une  bouffon- 
nerie de  meilleur  goût.  Il  avait  déjà 
montré  assez  de  mérite  et  acquis 
assez  de  célébrité  pour  avoir  des 
envieux.  Ceux-ci  prétendirent  qu'il 
n'avait  de  talent  que  pour  la  farce  , 
et  qu'il  était  incapable  de  s'élever 
jusqu'au  genre  noble  et  sérieux.  Cette 
espèce  de  défi  avait  tout  le  danger 
d'un  piège ,  s'il  n'en  avait  la  perfidie. 
Molière,  en  l'acceptant,  voulut  don- 
ner un  démenti  à  ses  détracteurs  ; 
et  ce  fut  un  triomphe  qu'il  leur 
procura.  Don  Garcie  de  Navarre , 
comédie  héroïque ,  imitée  de  l'es- 
pagnol ,  fut  plus  que  froidement 
accueillie,  et  disparut  promptement 
du  théâtre.  L'auteur  fut  bientôt  ven- 
gé de  ce  premier  échec  par  le  suc- 
cès de  f  Ecole  des  maris  (  1661  ), 
comédie  à -la -fois  de  mœurs  ,  de 
caractère  et  d'intrigue.  Les  Adel- 
jjhes  de  Térence  lui  avaient  fourni 
l'idée  fondamentale  de  sa  pièce,  le 
contraste  des  deux  vieillards ,  en  qui 
se  trouve  personnifiée  l'opposition 
des  deux  systèmes  d'éducation  ,  l'un 
sagement  indulgent  et  l'autre  folle- 
ment sévère.  Mais  il  ne  devait  qu'à 
lui-même  son  intrigue  intéressante  et 


MOL 

comique;  son  Sgana relie,  si  plai- 
sant dans  son  humeur  chagrine  et 
bourrue;  son  Isabelle,  si  ingénieuse 
parce  qu'elle  est  dans  l'esclavage^  sa 
Léonor ,  si  prudente  et  si  sage ,  parce 
qu'il  dépendrait  d'elle  de  ne  jias  l'être; 
son  dénouement,  dont  h  spirituelle 
adresse  ne  permet  pas  d'apercevoir 
oude  blâmer  l'invraisemblance,  etson 
style  aussi  vif,  aussi  gai  que  celui  de 
Plaute  ,  aussi  élégant,  aussi  pur  que 
celui  de  Térence.  C'est  de  ïî  vcole 
des  maris  que  date  véritablement  $$ 
qu'on  pourrait  appeler  la  seconde 
manière  de  Molière,  celle  où,  cessant 
d'imiter  avec  talent  ,  il  invente  avec 
génie;  où,  renonçant  à  copier  les 
tableaux  fantastiques  d'une  nature 
de  convention  ,  il  prend  pour  uni- 
ques modèles  l'homme  de  tous  les 
temps  et  la  société  du  sien.  Les  Fâ- 
cheux (  1 66 1  ) ,  lui  furent  demandés 
par  ce  riche  et  généreux  Fouquet,  à 
qui  Mlle.  de  la  Vallière  eut  seule 
quelque  chose  à  refuser.  La  pièce 
fut  jouée  à  Vaux,  en  présence  de 
Louis  XIV  ,  peu  de  jours  avant  que 
le  monarque  ,  à  qui  la  fête  était  don- 
née, fit  arrêter  et  emprisonner,  pour 
le  reste  de  sa  vie,  le  fastueux  minis- 
tre qui  la  lui  donnait.  Le  roi  goûta  si 
fort  l'ouvrage,  qu'il  voulut  y  contri- 
buer en  indiquant  à  l'auteur  un  origi- 
nal dont  la  manie  avait  échappé  à  ses 
crayons.  Cet  original  était  un  grand 
seigneur  de  la  cour  ,  chasseur  déter- 
miné et  narrateur  impitoyable  de  ses 
prouesses  en  ce  genre.  Molière,  igno- 
rant les  termes  de  vénerie,  imagina 
de  s'adresser  à  lui-même  pour  les 
savoir;  et  il  écrivit ,  pour  ainsi  dire, 
le  rôle  sous  la  dictée  du  personnage. 
Les  Fâcheux  ,  premier  modèle  , 
dans  l'ordre  du  temps  et  dans  celui 
du  mérite  ,  des  comédies  à  scènes 
détachées,  autrement  appelées  comé- 
dies à  tiroir,  sont  aussi  la  première 


[OL 

pièce  où  la  danse  ait  c'te  liée  à  l'action 
«ie  manière  à  en  remplir  les  interval- 
les sans  en  rompre  le  fil.  L' Ecole  des 
femmes  (  166a  )  eut  un  de  ces  succès 
que  la  contradiction  anime  et  prolon- 
ge parles  efforts  mêmes  qu'elle  fait 
pour  en  amortir  l'éclat  et  en  abréger  la 
durée.  La  pièce  fut  déchirée  avec  rage 
et  applaudie  avec  fureur  :  excellente 
suivant  les  uns,  détestable  selon  les 
autres,  elle  n'était  ennuyeuse  au  ju- 
gement de  personne.  Beaucoup  la 
trouvaient  indécente-  et  l'on  crut  re- 
marquer que  celte  manière  de  la  dé- 
crier  ne  faisait  qu'augmenteiTafîluen- 
ce.  Tout  Paris  la  vit,  la  voulut  revoir; 
et  les  plus  ardents  à  en  dire  du  mal 
ne  furent  pas  les  moins  empressés  à 
y  retourner.  Pièce  singulière,  et  digne 
de  sa  singulière  destinée  !  Un  double 
nom  porté  par  un  des  personnages, 
voilà  tout  le  nœud  ;  ce  nom  ,  révélé 
par  hasard  à  un  autre  personnage 
qui  l'ignorait,  voilà  tout  le  dénoue- 
ment; une  suite  de  récits ,  faits  au 
même  personnage,  sur  le  même  su- 
jet, par  le  même  narrateur,  voilà 
toute  l'intrigue.  On  parle,  on  écoute, 
et  il  semble  qu'on  agisse  •  de  simples 
confidences  deviennent  des  situa- 
tions dramatiques;  il  n'y  a  aucun 
mouvement  sur  la  scène,  et  tout  y 
paraît  animé.  Les  envieux,  les  sots 
et  les  prudes,  s'étaient  lignés  contre 
ce  chef-d'œuvre:  Molière  voulut  les 
en  punir,  et  il  lit  la  Critique  de  V É- 
coû  des  femmes  166  ;  |  monument 
nieuxd'une  juste  ^engeance;  ind- 
iquante et  fidèle  d'une  coin  • 
OÙ  la  raison  et  la  folie,  l'esprit 
el  la  sottise,  l'instruction  polie  et  le 
if  nédantescpie,  semblent  étaler 
à  l'envi  leurs  grâces  et  leurs  ridi- 
cules, pour  se  faire  valoir  mutuelle- 
ment par  l<  |  Impromptu 
de  l  une  repré- 
irsault 


MOI,  3o5 

qu'on  regrette  de  rencontrer  parmi 
les  ennemis  de  Molière,  avait  l'ait 
contre  lui  m:e  pièce  impudemment 
satirique,  intitulée  le  Portrait  du 
peintre;  et  les  comédiens  de  l'Hôtel 
de  Bourgogne  avaient  saisi  avec  em- 
pressement celte  occasion  de  diffa- 
mer en  plein  théâtre  le  chef  d'une 
troupe  rivale  et  heureuse.  Les  comé- 
diens et  le  poêle  furent  à  leur  tour 
immolés  à  la  risée  publique.  Le  Ma- 
riage forcé  (i664)  est  tire  de  Babe- 
lais,  dont  Molière,  ainsi  que  La  Fon- 
taine, faisait  ses  délices  et  son  profit. 
La  scène  où  Sganarelle  demande  à 
Géronimo  son  avis  sur  le  mariage 
qu'il  est  décidé  d'avance  à  contrac- 
ter; celle oùlemême  personnage  fait 
sortir  à  coups  de  bâton  Marphurius 
de  son  scepticisme  obstiné,  et  le 
force  au  moins  à  reconnaître  la  cer- 
titude delà  douleur;  celle  enfin  où, 
Pancrace,  furieux  qu'on  ait  osé,  à 
propos  de  chapeau,  prendre  la  for- 
me pour  la  figure,  fait  innocemment 
la  satire  des  inintelligibles  absurdi- 
tés du  moderne  péripalétisme  :  ces 
trois  scènes  d'une  petite  comédie 
qu'on  néglige,  et  qu'à  peine  on  con- 
naît, sont  des  chefs-d'œuvre  de  vé* 
rite  comique  ou  d'ingénieuse  bouf- 
fonnerie. Ce  fut  pour  plaire  à  Louis 
XI  V,et  pour  embellir  une  de  ses  plus 
belles  fêtes  ,  que  Molière  composa 
la  Princesse  d' Elide  (1664),  dont 
le  sujet  appartient  au  théâtre  espa- 
gnol. Pressé  par  le  temps,  il  ne  put 
en  vers  que  le  premier  acte 
et  la  première  scène  du  second.  «  11 
semblait,  »  a  dit  spirituellement  Ma- 
rigny,  le  fameux  chansonnier  de  la 
île,  «  que  la  comédie  n'avait  eu 
«  le  temps  que  de  prendre  un  de  ses 
»  brodequins,  et  qu'elle  était  venue 
»  donner  des  marques  de  son  obéis- 
p  sauce,  un  pied  ehau.vsé  et  l'autre 
»  nu.  »  Le  roi  ayant  applaudi  Pou- 

'10 


3o6 


MOL 


vrage ,  la  cour  crut  l'avoir  admi- 
re, et  la  ville  elle-même  11e  l'accueil- 
lit pas  défavorablement.  Transporte 
d'Espagne  en  Italie,  et  d'Italie  en 
France,  le  bizarre  et  monstrueux 
spectacle  d'une  slalue  qui  marche  et 
qui  parle,  avail  déjà  attire  la  foule 
à  deux  théâtres  de  la  capitale.  Mo- 
lière, cédant  aux  instances  de  sa 
troupe  ,  fil  aussi  son  Festin  de  Pier- 
re (iG(35).  Deux  scènes  ,  qu'on  peut 
au  moins  dire  hardies,  excitèrent 
un  tel  déchaînement,  qu'il fut obli- 
gé de  les  retrancher  dès  la  secon- 
de représentation.  Le  courroux  des 
rigoristes,  faux  ou  vrais,  n'en  fut 
point  desarme  :  ils  continuèrent  de 
peindre  Molière  comme  un  impie, 
un  athée,  un  scélérat  pire  que  son 
héros,  et  plus  que  lui  digne  de 
tous  les  châtiments  de  la  vengeance 
céleste.  Il  n'avait  pu  entièrement 
soumettre  aux  rigoureuses  lois  de 
notre  théâtre  un  sujet  essentielle- 
ment irrégulier;  mais  si  les  unités 
dramatiques  sont  violées  dans  l'ou- 
vrage, l'unité  de  caractère  y  est  du 
moins  respectée  au  point  de  de- 
venir un  mérite  supérieur ,  et  une 
source  de  beautés  du  premier  ordre. 
Don  Juan,  armé  contre  la  société 
de  mille  qualités  brillantes  dont  il 
s'est  fait  des  instruments  de  vices, 
capable  de  tout  subjuguer  par  l'é- 
nergie de  caractère  ,  de  tout  séduire 
par  le  charme  des  manières  et  du 
langage,  Don  Juan  est,  si  l'on  ose 
s'exprimer  ainsi,  un  monstre  subli- 
me et  le  beau  idéal  de  la  scéléra- 
tesse. L' Amour  médecin  (i665)  fut , 
a  dit  Molière  lui-même,  proposé, 
fait,  appris  et  représenté  en  cinq 
jours.  Ce  n'est,  a  - 1  -  il  dit  encore, 
qu'un  petit  impromptu  ,  un  simple 
crayon;  mais  il  commence  par  une 
scène  de  génie;  celle  où  Sganarelie 
demandant  des  conseils  pour  ne  pas 


MOL 

les  suivre ,  en  reçoit  qui  ne  pour- 
raient profiler  qu'aux  bons  amis  qui 
les  lui  donnent.  Ici  ,  Molière  ,  dès 
long-temps  malade  ,  et  sans  foi  aux 
promesses  d'un  art  dont  il  n'avait 
pu  obtenir  l'adoucissement  de  ses 
maux  ,  déclare  à  ceux  qui  l'exer- 
cent une  guerre  qui  ne  doit  finir 
qu'avec  sa  vie ,  puisque  nous  le 
verrons  mourir  au  champ  d'hon- 
neur en  combattant  contre  eux. 
Quatre  médecins  de  la  cour  furent 
joués  dans  sa  pièce  ,  sous  des  noms 
qui  désignaient  leurs  personnes  ,  et , 
s'il  enfant  croire  la  tradition,  sous 
des  masques  qui  représentaient  leurs 
visages.  Depuis  quatre  ans,  Molière 
avait  peu  fait  pour  son  art  et  pour  sa 
gloire.  Son  génie,  paraissant  tout-à- 
coup  s'élever  au-dessus  de  lui-même, 
atteignit  à  une  hauteur  qu'il  ne  de- 
vait plus  pouvoir  surpasser;  il  créa 
le  Misunthrope  (  1666  ).  L'action  , 
simple  et  peu  animée  ,  les  beautés 
fines,  délicates  et  quelquefois  un  peu 
sérieuses  de  ce  chef-d'œuvre,  n'étaient 
pas  de  nature  à  frapper,  à  saisir,  à 
enlever  des  spectateurs  qu'il  avait 
accoutumés  lui-même  à  des  intrigues 
plus  vives ,  et  à  un  comique  plus  po- 
pulaire. La  pièce  n'eut  donc  pas  d'a- 
Î3ord  tout  le  succès  qu'elle  méritait 
et  qu'elle  a  obtenu  depuis.  II  fallut  du 
temps  pour  reconnaître  par  quelle 
profonde  et  heureuse  conception  le 
poète,  voulant  ouvrir  un  champ  vas- 
te et  fertile-  à  la  satire  des  vices  et 
des  ridicules,  avait,  pour  ainsi  dire, 
élargi  la  scène  comique,  jusque-là  res- 
serrée de  manière  à  ne  permettre 
que  le  développement  de  quelque  tra- 
vers particulier;  et,  transportant  sur 
le  théâtre,  non  plus  une  coterie,  mais 
la  société  presque  entière,  avait  pla- 
cé ,  au  mi!icu  de  cette  foule  de  per- 
sonnages ,  un  censeur  de  leurs 
iauts ,  atteint  lui  -  même  d'une  ma- 


MOL 

nie  sauvage,  qui  l'expose  justement 
à  la  risëe  de  ceux  dont  il  condam- 
ne légitimement  la  conduite  et  les 
discours.  Tandis  qu'Alceste  ,  ver- 
tueux et  inflexible,  gourmande  élo- 
quemment  les  vices  qui  sont  seuls  di- 
gues de  sa  colère,  Célimène,  vicieuse 
et  médisante,  fronde  gaiment  les  ri- 
dicules qui  sont  seuls  à  la  portée  de 
sa  malignité  :  ainsi ,  ces  deux  person- 
nages se  partagent  entre  eux  la  satire 
de  tout  ce  qui  existe,  et  nul  ne  peut 
échapper  aux  traits  lancés  par  l'un 
ou  par  l'autre.  Le  Médecin  malgré 
lui  (  1666  ),  dont  un  de  nos  vieux 
fabliaux  a  fourni  le  sujet,  n'eut  pas , 
comme  on  le  croit  communément, 
l'honneur  de  soutenir  le  Misanthro- 
pe ;  mais  ,  ce  qui  est  plus  vrai,  sans 
être  moins  singulier,  en  le  rempla- 
çant sur  la  scène,  il  l'y  éclipsa  ,  puis- 
qu'il obtint  une  plus  longue  suite  de 
représentations,  et  attira  un  plus 
nombreux  concours  de  spectateurs. 
Jamais  pièce,  uniquement  faite  pour 
exciter  ie  rire,  n'a  mieux  atteint  son 
but.  C'est  le  modèle  du  genre  bur- 
lesque, de  ce  genre  désigné  par  le 
nom  de  farce,  qui ,  peignant  une  na- 
ture triviale,  en  renforce  les  traits 
au  lieu  de  les  affaiblir,  substitue  la 
caricature  à  l'imitation ,  la  bouffon- 
nerie au  comique,  les  joyeux  quoli- 
bets aux  mots  fins  et  piquants ,  les 
bévues  de  l'ignorance  ou  de  la  sottise 
aux  saillies  de  la  passion  ou  du  <a- 
re.  Oui  pourrait  ne  pas  recon- 
naître dans  Sganarelle  l'image  vivan- 
te d  une  espèce  d'hommes 
commune  dans  les  derniers  rangs  de 
la  société,  de  ces  nommes  possédant 
un  fonds  a  prit  et  de  gaîte'; 

fertiles  eu  rébus  ,  gri- 

s  mots 
mal  appris  et  plus  mal  einplc 
qui  les  font  ado 
docteurs  au 


Mol 


3o? 


publique  ;  aimant  leurs  femmes  ,  et 
leur  donnant  des  coups;  chérissant 
leurs  enfants,  et  ne  leur  donnant  pas 
de  pain  ;  travaillant  pour  boire,  et 
buvant  pour  oublier  leurs  peines  ; 
n'ayant  ni  regret  du  passé,  ni  soin 
du  présent ,  ni  souci  de  l'avenir  ;  vé- 
ritables épicuriens  populaires  ,  à  qui 
peut-être  l'éducation  seule  a  manqué 
pour  figurer,  sur  une  plus  digne  scè- 
ne ,  parmi  les  beaux-esprits  et  les 
hommes  aimables  ?  Le  Sicilien  ou 
Y  Amour  peintre  (  1(367  )>  succédant 
au  Fagotier,  se  distingue  par  un  mé- 
rite di lièrent  et  tout-à-fait  opposé, 
celui  de  la  grâce  et  de  la  galanterie. 
La  singularité  des  mœurs  siciliennes, 
l'amour  ombrageux  et  tvrannique 
d'un  noble  messin  ois  ou  palermitaia 
aux  prises  avec  l'amour  tendre  et 
respectueux  d'un  gentilhomme  fran- 
çais, des  scènes  de  nuit,  des  séréna- 
des galantes  ;  tout  cela  formait  un 
spectacle  animé,  varié,  pittoresque, 
que  la  danse  et  la  musique  venaient 
naturellement  embellir.  L'idée  de 
mettre  l'hypocrisie  sur  la  scène,  dans 
un  siècle  tout  religieux,  était  le  pro- 
jet le  plus  hardi  qu'un  poète  pût  for- 
mer :  Molière  le  conçut,  et  l'exécuta 
dans  le  Tarlu/fe.  Les  faux  dévots  en 
furent  frappés  de  terreur;  des  hom- 
mes vraiment  pieux  en  conçurent  de 
Vives  alarmes  :  ils  ne  voyaient  pas 
sans  horreur  le  profane  théâtre s'ar-» 
r,  pour  ainsi  dire,  un  droit  de 
juridiction  en  matière  sacrée;  et  ; 
dans  ce  zèle  ardent  d'un  comédien 
contre  un  vice  dont  l'Église  gé- 
t  ,  ils  n'apercevaient 
qu'une  envie  mal  déguisée  d'insulter 
a  la  vertu  même  dont  ce  vice  1  m- 
pruntait  les  dehors.  ( 
au  nombre,  à  la  pui 
sonnes  que  les  calculs  d'un  odieux 
i  ou  les  erreurs  d'ui 

tre  1« 

SJO.. 


3oS 


MOL 


Tartuffe^  on  ne  peut  être  surpris  des 
difficultés  qu'éprouva  la  représenta- 
tion de  ce  chef-d'œuvre  :  on  doit  l'être 
seulement  que  Molière  soit  parvenu 
à  les  surmonter.  L'honneur  toutefois 
n'en  appartient  pasàlui  seul.  Sa  per- 
sévérance n'eût  rien  produit ,  si  Louis 
XIV  ,  par  la  rectitude  et  la  force  de 
son  jugement ,  ne  se  fût  élevé  au- 
dessus    des    scrupules    qu'on    avait 
réussi  à  lui  inspirer.  Après  trois  ans 
de    refus    ou  d'indécision,  il  avait 
permis  verbalement   à   Molière   de 
l'aire  jouer  sa  pièce.  Le  lendemain  de 
la  représentation  (  1667  ),  arriva  un 
ordre  du  premier  président,  qui  dé- 
fendait aux  comédiens  d'en  donner 
une  seconde.   Attirés  par  le  succès 
de  la  première ,  d'innombrables  spec- 
tateurs étaient  déjà  rassemblés  dans 
la  salle  pour  jouir  à  leur  tour  du  chef- 
d'œuvre  nouveau.  Molière,  dit-on , 
leur  fit  part  de  la  défense  en  ces  ter- 
mes :  Messieurs ,  nous  allions  vous 
donner  le  Tartuffe;  mais  monsieur 
le  premier  président  ne  veut   vas 
qu'on  le  joue.  On  peut  douter  qu'il 
ait  osé  se  permettre  nue  si  injurieuse 
équivoque.  Louis  XI\  était  alors  de- 
vant Lille.  Molière  lui  dépêcha  deux 
comédiens  porteurs  d'un  placet  fort 
pressant  ;  ils  revinrent  sans  réponse. 
Deux  années   environ   s'écoulèrent 
encore  avant  que  Molière  obtînt  du 
roi  la  permission  par  écrit  de  re- 
mettre sa  pièce  au  théâtre.  En  accueil- 
lant les  préventions  dont  le  Tartuffe 
était  l'objet,  et  en  y  cédant,  Louis 
XIV  ne  s'en  était  jamais  dissimulé 
tout-à-fait  l'injustice.  Sortant  un 
jour  ,  avec  le  prince  de  Coudé,  de 
la  représentation   d'une  farce   im- 
pie et  obscène,  intitulée  Scaramou- 
che  ermite  :  —  Je   voudrais  bien 
savoir,  dit  -  il  au  prince  ,  pourquoi 
les  gens  qui  se  scandalisent  si  fort 
de  la  comédie  de  Molière  ,  ne  di- 


MOL 

sent  mot   de  celle  de  Scaramcu- 
che.  —  La  raison  de  cela  ,  répon- 
dit le   prince,  c'est  que  la  comé- 
die de  Scaramouche  joue  le  ciel 
et  la  religion  dont  ces  messieurs-là 
ne  se  soucient  point ,  et  que  celle  de 
Molière   les  joue  eux-mêmes  ,   ce 
qu'ils  ne  peuvent  souffrir.  Que  dire 
du  Tartuffe, considéré  sous  le  rapport 
de  l'art?  Uu  tel  ouvrage  est  sans  doute 
une    matière  inépuisable   d'éloges  ; 
mais  combien  de  fois  et  sous  combien 
de  formes  cette  matière  n'a-t-ellc  pas 
été  traitée?  Plus  de  cent  cinquante 
ans  d'un  succès  que  le  temps  n'a  pu 
affaiblir  ;  Tamuence  toujours  crois- 
sante du  public,  à  chaque  représen- 
tation nouvelle  de  ce  chef-d'œuvre  , 
sans  cesse  représenté;  le  rire,  l'indi- 
gnation et  l'attendrissement  du  spec- 
tateur, toutes  ces  émotions  si  diver- 
ses, si  contraires ,  et  pourtant  si  na- 
turellement   unies    et   confondues  , 
grâce  à  l'art  infini  du  poète;  voilà  , 
sans  contredit,  un  genre  de  louanges 
plus    expressif,   plus  éloquent   que 
tous  les  discours,  et  qui  semble  les 
rendre  tous  superflus.  Molière,  dans 
Amphitryon  (1668) ,  imite  le  chef- 
d'œuvre  de  Plaute,>  et  il  le  surpasse. 
DansY  Jvare (1668),  il  emprunte  au 
même  comique  latin,  avec  l'idée  d'un 
caractère  qu'il  rend  plus  dramatique 
et  plus  moral,  celle  d'une  intrigue 
qu'il  rend  plus  vive  et  plus  attachan- 
te. L'avarice  de  l'indigent  Euclion  , 
occasionnée  par  la  découverte  d'un 
trésor  qui  l'éblouit  et  l'embarrasse, 
n'est  qu'une  folie  digne  de  pitié.  Celle 
d'Harpagon,  né  au  sein  des  richesses, 
et  contrarié  par  les  convenances  d'un 
état  honorable,  est  une  manie  odieu- 
se et  risible  à -la-fois.  Harpagon  a 
réduit   son  fils ,    par  les    plus    in- 
justes privations  ,  à  la  ressource  des 
plus  onéreux  emprunts  ;  et  c'est  lui- 
même  qui  exerce  envers  ce  fils  la 


MOL 

plus  impitoyable  usure.  Celui-ci,  dé- 
couvrant l'infamie  de  son  père ,  le 
méprise  et  l'outrage.  Quel  exemple! 
quelle  leçon!  De  graves  philosophes 
eu  ont  grondé.  Pensent  -  ils  donc 
qu'un  père  comme  Harpagon,  ne 
mérite  pas  un  fils  comme  Gléante  ? 
Ne  voient-ils  pas  que  le  vice  impuni 
de  l'un  serait  une  infraction  aux  lois 
de  la  justice  naturelle,  et  que  la  vertu 
impraticable  de  l'autre  serait  une 
faute  contre  les  règles  de  la  vérité 
dramatique?  Enfin,  ne  se  plaignent- 
ils  pas,  au  nom  de  la  morale,  de  ce 
que  la  moralité  d'une  pièce  de  théâ- 
5t  trop  énergique  et  trop  effica- 
ce? Leur  censure  a  été  plus  juste 
et  plus  éclairée,  lorsqu'elle  a  atta- 
qué la  comédie  de  George  Dandin 
(  1668).  On  peut  penser  avec  eux,  que 
la  sottise  d'un  paysan  qui  a  pris  pour 
femme  une  demoiselle  ,  est  trop  pu- 
nie par  les  déportements  de  sa  noble 
épouse,  et  que  l'avantage  de  préser- 
ver les  petits  du  ridicule  de  s'allier  à 
plus  grand  que  soi ,  n'est  pas  pro- 
portionné à  l'inconvénient  de  mon- 
trer sur  la  scène  le  triomphe  d'une 
coquette,  pour  le  moins,  qui  trom- 
pe impudemment  son  mari,  et  qui 
donne  des  rendez-vous  nocturnes  à 
son  galant.  Pourceaugnac  (  1669) 
qu'une  farce;  mais  dans  cette 
farce  il  y  a  des  scènes  du  meilleur 
comique.  C'est  le  moule  d'où  sont 
sorties,  d'où  sortent  chaque  jour, 
sans  qu'il  paraisse  encore  usé,  ces 
petites  pièces  sans  nombre,  desti- 
1  faire  rire  le  parterre  delà  ca- 
pitale, des  ridicules  d'un  homme 
de  province,  qui  vient,  par  le  co- 
che, à  Paris,  pour  y  épouser  une 
jolie  ûlle  ,  et  qui  s'en  retourne  baf- 
foué,  tourmenté,  excédé  par  des 
valets  malins,  qu'un  rival  préféré 
a  mis  dans  sea  intérêts.  Louis  XIV 
fourni  1  I    mjet  des 


MOL  3og 

amants  magnifiques  (1679).  Mo- 
lière, à  défaut  de  comique,  sut  y 
mettre  quelque  philosophie ,  en  se 
moquant  des  chimères  de  l'astrolo- 
gie, dont  plusieurs  esprits  étaient 
encore  infatués.  La  pièce,  faite  pour 
la  cour ,  ne  pouvait  réussir  que  là  ; 
et  c'est  là  seulement  qu'elle  fut 
jouée.  C'était  un  de  ces  ouvrages  de 
commande,  entrepris  par  nécessité, 
et  exécutés  avec  précipitation,  dont 
tout  le  mérite  devait  être  dans  la 
prompte  obéissance  du  poète,  tout 
le  succès  dans  une  parole  flatteuse 
du  monarque.  Ce  monarque ,  doué 
d'un  esprit  juste  et  d'un  goût  sur, 
fut  le  premier  a  sentir  et  à  procla- 
mer l'excellence  comique  du  Bour- 
geois gentilhoinme  (1670).  Il  en 
avait  vu  la  première  représentation  , 
sans  donner  aucun  signe  de  satis- 
faction :  les  courtisans  en  conclu- 
rent qu'il  était  mécontent  de  la  piè- 
ce, et  ils  se  mirent  à  la  déchirer. 
Leur  délicatesse  affectait  d'être  ré- 
volléc  de  la  bouffonnerie  des  deux 
derniers  actes  •  et  peut  -  être  quel- 
ques consciences  étaient-elles  eu  se- 
cret blessées  du  rôle  élégamment  vil 
et  odieux  de  Dorante.  Molière  était 
consterné; le  roi,  ayant  assisté  à  une 
secoudeVeprésentation,luidit  :  Vous 
n'avez  encore  rien  fait  qui  ni  ait 
tant  diverti,  et  votre  pièce  est  excel  • 
lente.  —  Votre  pièce  est  excellente, 
lui  redirent  aussitôt  tous  les  échos 
de  Versailles.  Le  ridicule  que  cette 
pièce  attaque,  était  alors  dans  toute 
sa  force.  Il  s'est  affaibli  depuis,  à 
mesure  que  la  noblesse  perdait  de 
son  prix;  et  enfin  ,  il  a  dû  périr  avec 
clic,  dans  cette  révolution  où  tant  de 
chose  ont  péri.  Nous  l'avons  vu  revi- 
vre un  moment ,  à  la  faveur  d'une  no- 
blesse nouvelle;  et  peut-être  su: 
tc-t-il  encore  dans  quclq  . 
mais  le  ridicule  contraire,  né  de- 


3io  MOL 

puis  peu  d'années ,  menace  de  lui 
survivre;  et  ta  société  semble  at- 
tendre un  Molière  qui  lasse  la  co- 
médie du  Gentilhomme  bourgeois. 

Les  Fourberies  de  Scavin  (  1G71  ) 
ont  attiré  à  Molière,  de  la  pari  du 
sévère  Boileau,  le  reproche  d'avoir 
allié  Taharin  à  Térence.  On  dirait 
en  effet  qu'il  a  pris  quelques  scènes 
au  farceur  populaire-  mais  tout  le 
reste,  il  l'a  emprunté  au  pins  délicat 
des  comiques  latins,  et  en  l'emprun- 
tant,!] Ta  perfectionne.  Lerci  lui  avait 
demandé  une  pièce  dont  le  spectacle 
prêtât  au  jeu  des  plus  savantes  ma- 
chines que  l'on  connut  alors,  et  qui 
pût  inaugurer  dignement  une  salîe 
magnifique  qu'il  venait  de  faire  cons- 
truire. Molière  choisit  le  sujet  de  Psj  • 
ché  (iô^i),  ce  sujet,  qui,  comme  a 
dit  Lamotte,  eût  pu  lui  seul  faire  in- 
venter l'opéra.  Pour  que  les  désirs 
du  monarque  fussent  plus  prompt  e- 
ment  satisfaits,  i!  crut  devoir  associer 
à  son  travail  le  vieux  Corneille  et  le 
jeune  Quinault.  Corneille  s'assujétit 
modestement  au  plan  tracé  par  un 
autre  ;    et  Quinault  eut   l'heureuse 
occasion   de   pratiquer,   sous  deux 
grands   maîtres ,    l'art  qu'il  devait 
illustrer  en  créant  Alceste ,  Roland 
et  Ârmide.  Molière  avait  peint,  dans 
Pourceaugnac,   les  ridicules  natu- 
rels que  les  gens  de  province  appor- 
tent à  Paris  :  il  peignit  dans  la  Com- 
tesse d'Escarbagnas  (  167 1  ),   les 
ridicules  empruntés  qu'ils  en  rappor- 
tent. La  libéralité  grossière  et  la  ga- 
lanterie brutale  des  traitants  sont  ef- 
fleurées, en  passant,  dans  un  rôle  de 
cette  pièce  :  c'est  v,n  sujet  de  comédie 
que  Molière  semble  avoir  légué  au 
talent  satirique  de  Lcsage;M.  Har- 
pin,  plus  riche,  et  plus  insolent  à  pro^ 
portion ,    deviendra   M.   Turcaret. 
La  comédie  des  Femmes  savantes 
{i0"j'2)  fut  condamnée  avant  d'être 


MOL 

entendue.  Sur  le  titre  seul,  on  jugea 
que   le  fond  était  trop  stérile  pour 
qu'il  pût  en  sortir  antre  chose  qu'une 
pièce  languissante  et  froide,  où  le 
défaut  d'action  entraînerait  l'abus  du 
dialogue,   et   où.  quelques   portraits 
satiriques  Rendraient  lieu  de  carac- 
tères.   La  prévention  avait  fasciné 
les  yeux  à  ce  point,  qu'on  vit  l'ou- 
vrage, non  pas  tel  qu'il  était,  mais 
tel  qu'on  se  l'était  figuré  d'avance. 
Le  succès  fut  différé,  et  même  com- 
promis. Ii  fallut  que  la  voix  tardive 
des  hommes  de  goût  s'élevât  contre 
cette  injuste  froideur  qui  accueillait 
un  chef-d'œuvre,  et  ramenât  le  pu- 
blic à  la  vérité  de  ses  propres  im- 
pressions. Jamais,  sur  la  scène,  la 
raison  n'avait  encore  eu  plus  d'in- 
terprètes, et  mieux  vu  défendre  ses 
droits.  C'est  la  raison   qui  domine 
dans  cette  pièce ,   et  qui  en  fait  le 
principal  charme;  c'est  elle  qui,  se 
montrant  dans  tous  les  états ,  pre- 
nant tous  les  tons,  et  parlant  tous 
les  langages  ,  inspire  et   passionne 
les  discours  fins  et  délicats  du  cour- 
tisan Cîitandre,  les  boutades  fami- 
lières du  bourgeois  Chrisale ,  et  les 
saihies  incorrectes  de  la  villageoise 
Martine.    Le    Malade   imaginaire 
(  1673  )  termina  la  carrière  drama- 
tique de  Molière.  C'est  une  excellente 
comédie,  qui  dégénère  en  une  farce  : 
les  deu?;  premiers  actes  sont  un  ta- 
bleau delà  vie  humaine;  le  dernier 
est  une  mascarade  invraisemblable. 
Il  fallait  amuser  le  roi,  a  qui  l'excès 
de  l'ennui,  dans  les  vains  exercices 
de  sa  représentation,  rendait  peut- 
être  quelquefois  l'excès  de  la  gaîté 
nécessaire.  Il  fallait  fournir  un  ca- 
nevas  aux  pas  des  danseurs,   aux 
chants  des  musiciens,  aux  notes  et 
aux   lazzis   boulions  de   Lulli.   M. 
Argan  est  reçu  médecin  par  la  même 
raison  que  M.  Jourdain  a  ç'té  faj$ 


MOL 

mamamouchi.  Ou  doit  donc  consi- 
dérer chacune  des  deux  cérémonies 
comme  la  machine  obligée  d'une 
comédie  faite  pour  la  cour  ,  et 
absoudre  le  poêle  d'un  reproche 
qu'il  n'eût  sans  doute  pas  mérité, 
si  le  chef  de  troupe  n'eût  été  forcé 
de  se  conformer  à  des  program- 
mes de  fêtes.  Le  jour  de  la  qua- 
trième représentation  du  Malade 
imaginaire,  Molière  souffrait  delà 
poitrine  plus  qu'à  l'ordinaire.  On 
voulut  lui  persuader  de  ne  pas  jouer. 
Eh!  que  feront, dit-il ,  tant  de  pau- 
vres ouvriers  qui  rCont  que  leur 
journée  pour  vivre?  Je  me  repro- 
cherais cl' avoir  négligé  de  leur  don- 
ner dupainun  seul  jour,  le  pouvant 
faire  absolument.  Il  joua;  et,  dans 
le  divertissement  de  la  pièce,  au  mo- 
ment où  il  prononçait  le  mot  Juro, 
il  lui  prit  une  convulsion  ,  qu'il 
essaya  vainement  de  cacher  sous 
un  ris  forcé.  Ou  le  transporta  chez 
lui.  Deux  de  ces  religieuses  qui  ve- 
naient quêter  à  Paris  pendant  le  ca- 
rême, étaient  alors  dans  sa  maison, 
où  il  leur  avait  donné  un  asile.  Ces 
charitables  filles  luiprodiguèrent  inu- 
tilement les  soins  les  plus  empressés; 
il  mourut  bientôt,  étouffé  par  le  sang 
qui  sortait  de  sa  bouche  en  abon- 
dance. Ce  fut  le  vendredi  1 7  février 
1673,  à  dix  heures  du  soir,  qu'il 
rendit  le  dernier  soupir,  âgé  seule- 
ment de  cinquante-un  ans,  un  mois 
et  deux,  ou  trois  jours.  Comme  il 
mort  en  état  d'excommunica- 
tion ,  le  curé  de  Saint-Eustachc,  sa 
paroisse,  lui  refusa  la  sépulture  ccclé- 
siastique.  Quoi!  s'écriait  sa  veuve,  on 
lui  refuse  ici  la  sépulture!  en  Grèce 
on  lui  eut  élev  -Is.  Le  roi 

engagea  ,  dit-on  ,   l'archevêque  de 
.   candale, 
et  Molière  fu!  u  cimetière 

Saint-Joseph.   Le  jour  de  ses  oIji,c- 


MOL 


3ir 


ques  (ai  février) ,  le  peuple  se  ras- 
sembla en  tumulte  devant  sa  maison. 
Sa  femme,  effrayée,  jeta  de  l'argent 
par  les  fenêtres  ;  et  la  multitude , 
qui  était  peut  être  venue  pour  insul- 
ter son  cadavre,  se  dissipa  ,  en  fai- 
sant des  prières  pour  son  amc.  Les 
pieux  empressements  de  l'amitié  sup- 
pléèrent aux  pompes  religieuses  : 
deux  cents  personnes  ,  ayant  des 
flambeaux  à  la  maiu  ,  suivirent  le 
corps  que  deux  prêtres  seulementcon- 
duisaienten  silence.  Les  libelles  sati- 
riques avaient  poursuivi  Molière  pen- 
dant sa  vie:  les  épi  ta  phes  louangeuses 
furent  entassées  sur  sa  tombe  (1). 
L'auteur  d'une  de  ces  pièces,  et  d'une 
des  plus  mauvaises ,  eut  la  malencon- 
treuse idée  d'aller  l'offrir  au  grand 
Coudé.  Plût  à  Dieu,  lui  dit  un  peu 
durement  le  héros,  que  celui  dont  tu 
me  présentes  V épitaphe ,  fut  en  état 
de  me  présenter  la  tienne  !  Ce  prince, 
d'un  esprit  encore  plus  élevé  que  son 
rang  ,  n'avait  pas  pour  Molière  celte 
espèce  d'affection  sans  estime  que  les 
grands  prodiguent  trop  facilement  à 
ceux  qui  les  amusent  :  s'il  aimait 
l'auteur  et  son  talent,  il  considérait 
l'homme  et  son  caractère.  Il  exigeait 
qu'il  le  vînt  voir  souvent,  et  disait 
qu'il  trouvait  toujours  à  apprendre 
sa  conversation.  Molière  eut 
pour  amis  tous  les  grands  écrivains 
de  son  temps.  Il  en  faut  excepter 
Racine,  qm,  après  avoir  reçu  de 
lui  cent  louis  et  un  plan  de  tragé- 
die, enleva  du  même  coup  à  son 
théâtre  une  pièce  et  une  actrice,  qui, 
toutes  deux,  y  attiraient  la  foule.  On 
doit  regretter  que  deux  hommes  de 
génie,  dont  l'un  avait  été  le  bienfait 
leur  .le  l'autre,  ne  soient  pas 
unis;  niais  du  moins  leur  iiiésin(rlli< 


(t) Celte  '['"'  ''■  u  Po»t»in«,  »"«  flu.d.fcii» -mm 
«  • 


3f2 


MOL 


gence  ne  fut  marquée  par  aucune 
perfidie,  par  aucun  mauvais  procède, 
et  ils  rendaient  mutuellement  justice 
à  leur  talent.  Molière  avait  beaucoup 
d'autres  ennemis  ;  mais  c'était  de 
ceux  dont  la  haine  est  honorable.  Il 
y  en  avait  de  la  ville  et  de  la  cour. 
Ceux-ci  étaient  des  sots  qui  ne  pou- 
vaient lui  pardonner  de  les  avoir 
immoles  sur  la  scène;  ceux-là,  des 
envieux  qui  lui  pardonnaient  encore 
moins  de  les  y  avoir  éclipsés.  D'o- 
dieux libelles  décrièrent  s  s  senti- 
ments et  ses  mœurs.  Plus  d'une  fois  , 
pour  le  mieux  diffamer  ,  on  imagina 
de  publier  ,  sous  son  nom ,  les  plus 
condamnables  écrits.  Mais  la  cons- 
tante faveur  du  roi  le  soutint  contre 
tant  d'attaques  furieuses  ou  perfides; 
cette  faveur  assura  le  repos  de  sa 
personne ,  comme  elle  protégea  la 
gloire  de  ses  ouvrages.  L'ame  de 
Molière  semblait  être  au  niveau  de 
«on  génie  ;  il  n'y  en  avait  pas  une 
plus  droite  ,  une  plus  élevée ,  une 
plus  généreuse.  La  contemplation 
habituelle  des  vices  et  des  travers  de 
l'humanité,  ne  hù  avait  fait  ni  haïr 
ni  mépriser  les  hommes  ;  il  croyait 
à  leurs  vertus  ,  voyait  avec  indul- 
gence leurs  faiblesses,  avec  joie  leur 
bonheur  ,  avec  compassion  leur  mi- 
sère. Un  pauvre  comédien,  nommé 
Mondorge ,  qui  avait  été  son  cama- 
rade en  province  ,  vint  un  jour  chez 
lui  pour  solliciter  quelque  secours. 
Comme  ,  dans  son  pileux  accoutre- 
ment ,  il  n'osait  se  présenter  lui- 
même  ,  Baron  se  chargea  de  sa 
supplique.  //  est  vrai,  dit  Molière, 
que  nous  avons  joué  la  comédie 
ensemble  :  c'est  un  fort  honnête 
homme ,  et  je  suis  fâché  que  ses  pe- 
tites affaires  soient  en  si  mauvais 
état.  Que  croyez-vous  que  je  doive 
lui  donner? —  Quatre pisl oies,  ré- 
pondit en  hésitant  Baron.  —  Je  vais 


MOL 

lui  donner  quatre  pistoles  pour  moi , 
répliqua  Molière  ;  en  voilà  vingt 
que  vous  lui  donnerez  pour  vous.  11 
se  fait  présenter  Mondorge  ,  l'ac- 
cueille affectueusement ,  et  joint  au 
don  de  l'argent  celui  d'un  magnifi- 
que habit  de  théâtre,  dont  il  prétend 
n'avoir  plus  besoin.  Un  autre  jour  il 
avait  fait  l'aumône  à  un  pauvre.  Un 
instant  après  ,  le  pauvre  court  après 
lui  ,  et  lui  dit  :  Mpnsieur,  vous  n'a- 
viez peut  et  re  pas  dessein  de  me  don- 
ner un  louis  d'or  ;  je  viens  vous  le 
rendre.  —  Tiens ,  mon  ami,  lui  dit 
Molière ,  en  voilà  un  autre  ;  et  il 
s'écrie  :  Où  la  vertu  va-t- elle  se  ni- 
cher ?  Cette  exclamation  fameuse 
n'est  pas  celle  d'un  riche  insolem- 
ment surpris  et  presque  irrité  de 
rencontrer  quelque  délicatesse  sous 
les  haillons  de  la  misère  ;  c'est  celle 
d'un  philosophe  humain,  qui  sent 
profondément  combien  la  probité  , 
devoir  facile  pour  l'homme  opulent, 
quand  elle  ne  lui  commande  pas  de 
trop  grands  sacrifices  ,  est  une  vertu 
pénible  et  méritoire  dans  l'homme 
indigent,  qui  toujours  lui  immole  ses 
propres  besoins  et  ceux  de  sa  famille. 
Molière  était  justement  chéri  et  ho- 
noré des  comédiens  qui  composaient 
sa  troupe.  Aucun  sacrifice  ne  lui 
coûtait  pour  assurer  leur  existence 
et  servir  leurs  intérêts.  Nous  l'avons 
vu, au  commencement  de  sa  carrière, 
refuser  de  s'attacher  à  un  prince  du 
sang,  en  partie  pour  ne  pas  se  sépa- 
rer d'eux.  Plus  d'une  fois  ,  subor- 
donnant son  goût  et  le  soin  de  sa 
gloire  à  l'avantage  de  son  théâtre  , 
il  descendit  à  traiter  des  sujets  plus 
populaires  ,  pour  lui  procurer  de 
plus  abondantes  recettes.  Parvenu 
au  faîte  de  la  célébrité  et  comblé  des 
biens  de  la  fortune,  ses  amis  le 
pressaient  de  renoncer  à  l'action 
théâtrale  ,  si  contraire  à  l'état  de  sa 


MOI, 

poitiine.  Il  y  a,  leur  rcpondaiî-il , 
un  point-d'honneur  pour  m<>i  à  ne 
point  quitter  {  i  ).  Ce  point-d'honneur, 
Lien  différent  du  préjuge  cruel  qu'on 
invoque  sons  ce  nom,  lui  comman- 
dait d'achever  la  ruine  de  sa  santé , 
et  d'avancer  le  terme  de  ses  jours, 
pour  soutenir  des  comédiens  et  des 
gagistes.  ,Sa  fin  ,  nous  l'avons  vu  , 
fut,  sinon  causée,  du  moins  préci- 
pitée par  la  crainte  de  les  frustrer  du 
produit  d'une  représentation.  Ainsi, 
il  est  presque  vrai  dédire  qu'il  vécut 
et  qu'il  mourut  victime  de  son  dé- 
voûmenl  pour  eux.  L'homme  qui 
pénétrait  si  avant  dans  le  secret  des 
faiblesses  humaines  ,  qui  savait  si 
Lien  démêler  et  vaincre  l'artifice  de 
leurs  innombrables  métamorphoses, 
pour  les  forcer  à  venir  se  trahir  et 
s'accuser  elles-mêmes  sur  la  scène, 
cet  homme  qu'on  pouvait  croire 
exempt  des  infirmités  morales  de 
son  espèce  ,  en  avait  pourtant  sa 
part  ;  et  le  ridicule  même  dont  il 
s'était  le  plus  souvent  moqué  ,  était 
précisément  celui  dont  il  avait  le 
moins  su  se  préserver.  En  1662  ,  il 
avait  épousé  la  fille  d'une  comé- 
dienne ,  nommée  Béjard,  avec  la- 
quelle il  avait  eu  une  longue  et 
étroite  liaison  {'>.).  Ses  ennemis  ré- 
pandirent le  bruit  qu'il  avait  épouse 
sa  propre  fille;  et  l'un  d'eux,  Mont- 
fieury,  eut  la  hardiesse  de  l'en 
accuser  auprès  du  roi.  Cette  calom- 
nie fut  aisément  détruite.  Mai 
Molière    n'était  pas  le    père    d 


M  Ce  Fui  \  oelte  occatian  que  Baileau  di|  un  |oi  r 
hel  honneur  qu 

w  rf<  tplanchi 
(•*)  J 'ai    un  i  1 1  tradition  commune  ,  qui  Fait  de  l.i 
•   Bile  naturelle  <l  ■  lu  Béjard  .1 
«i  un  fp-ntilboim 

^•''"'li'  ipuieuts 

•""'  •pécieuji     i  ,,,  ,.,„, . 

• ..  u<  m    Je  prends  !•■  .                                    .  ,  ux  ,.,„, 
pourrait   inten 


MOL  3i3 

femme  ,  il  aurait  au  moins  pu  l'être; 
et  cette  disproportion  d'âge  ,  jointe  à 
son  état  valétudinaire  et  à  ses  habi- 
tudes sérieuses,  était  un  désavantage 
que  tout  son  génie  et  toute  sa  gloire 
ne  pouvaient  racheter  auprès  d'une 
jeune  et  jolie  comédienne  ,  fort  en- 
cline à  la  coquetterie  ,  et  entourée  de 
mille  dangers  qu'elle  craignait  trop 
peu  pour  s'en  garantir  beaucoup. 
Molièie  ,  né  tendre  et  mélancolique  , 
avait  donné  tout  son  cœur,  et  vou- 
lait en  retour  un  cœur  tout  entier.  11 
cuttous  les  tourments,  il  eut  presque 
tous  les  ridicules  d'un  mari  jaloux. 
Avait-il  raison  de  l'être?  on  ne  peut  le 
savoir;  mais  qu'importe? La  jalousie, 
pour  n'être  pas  fondée  ,  en  est-elle 
moins  un  mal  réel?  et  ne  saiL  on  pas 
qu'ordinairement  elle  nous  fait  moins 
souffrir  de  ce  qui  est ,  que  de  ce  qu'elle 
invente?  Mari  trompé  ouuon  trompé, 
Molière  ne  pouvait  manquer  d'être 
malheureux ,  et  il  le  fut  beaucoup.  La 
femme  du  comédien  Poisson  ,  comé- 
dienne elle-même,  qui  avait  connu 
Molière  ,  et  joué  d'original  dans  une 
de  ses  nièces  ,  nous  a  laissé  de  lui  ce 
portrait  :  «  11  n'était  ni  trop  gras  ,  ni 
»  trop  maigre.  Il  avait  la  taille  plus 
v  grande  que  petite  ,  le  port  noble  , 
»  la  jambe  belle.  11  marchait  graves 
»ment,  avait  l'air  très-sérieux,  le 
»  ne/,  gros  ,  la  bouche  grande  ,  les 
»  lèvres  épaisses,  le  teint  brun,  Les 
»  sourcils  noirs  et  forts  ;  et  les  divers 
»  mouvements  qu'il  leur  donnait  lui 
»  rendaient  la  physionomie  extrême 
»  meut  comique.  »  A  ces  détails  sur 
sa  personne,  la  tradition  ajoute  quel- 
ques particularités  qu'il  est  de  notre 
devoir  de  recueillir.  Une 
hoquet,  qu'il  avait  contracté  en  vou- 
lant modérer  i 
de  sa  voix  ,  rendait  son  jeu  dans  la 

comédie  plus  plaisant  ,  mais  AUSSI  le 
rendait  ridicule  dans  la  tragédie  que 


3i 


MOL 


malheureusement  il  aimait  à  jouer. 
Cette  prédilection  pour  le  genre  où 
il  réussissait  le  moins  ,  fut  cause  que 
Mignard ,  son  ami  ,  ie  peignit  plu- 
sieurs fois  sous  l'habit  romain,  dans 
les  rôles  de  César  ou  d'Auguste,  il  se 
plaisait  également  à  haranguer;  iîen 
recherchait  ou  en  faisait  naître  vo- 
lontiers les  occasions,  et  il  y  réus- 
sissait. Excellent  maître  ,  il  était 
pourtant  maître  assez  difficile.  Il 
voulait  qu'on  sût  interpréter  son 
geste,  et  comprendre  son  silence.  Il 
voulait  qu'autour  de  lui  tout  offrît 
l'image  de  l'ordre  et  de  l'exactitude; 
et  la  bonne  Laforest  elle-même,  cette 
servante  à  laquelle  il  lisait  ses  farces, 
pour  en  essayer. l'effet,  n'était  pas  à 
l'abri  des  marques  de  son  impatience, 
quand  quelque  meuble,  quelque  li- 
vre, quelque  papier,  ne  se  trouvait 
pas  à  sa  place.  Eu  tout,  ses  habitudes 
se  ressentaient  d'un  certain  goût  pour 
l'apparat  et  pour  le  commandement. 
Les  soucis,  les  dégoûts  attachés  aux 
fonctions  de  chef  d'une  troupe  de 
comédiens,  semblaient  être  compen- 
ses pour  lui  par  le  plaisir  d'avoir 
dans  sa  dépendance  et  de  gouverner 
à  son  gré  un  certain  nombre  de  per- 
sonnes. Peu  de  paroles  doivent  suf- 
fire pour  assigner  à  Molière  la  place 
qui  lui  appartient  parmi  !es  hommes 
de  génie  qui  ont  instruit  ou  charmé 
l'univers.  En  tous  les  genres  de  lit- 
térature ,  nos  prosateurs  et  nos  poè^ 
tes  ont  été  les  disciples  des  écrivains 
de  l'antiquité:  quelques-uns  les  ont 
égalés;  peu  les  ont  surpasses  ;  il  a 
..  a  la  gloire  du  plus  grand  nom- 
bre de  ne  pas  rester  trop  au-dessous 
d'eux.  En  tous  les  genres  encore, 
nos  auteurs  trouvent  dans  ceux  des 
autres  nations  modernes,  des  rivaux 
à  qui  tantôt  ils  disputent,  tantôt  ils 
enlèvent ,  tantôt  ils  cèdent  la  supério- 
rité. Par  la  plus  glorieuse  excepi 


MOL 

Molière  ne  rencontre  ,  en  aucun 
temps,  en  aucun  lieu,  ni  émule,  ni 
vainqueur;  et  l'on  ne  peut  pas  dire 
qu'il  soit  vainqueur  lui-même,  puis- 
qu'où  il  n'y  a  pas  de  combat ,  il  n'y 
a  pas  de  victoire.  La  Grèce  et  Rome 
n'ont  rien  qui  lui  puisse  être  com- 
paré ;  leurs  plus  fanatiques  adora- 
teurs en  conviennent  :  les  peuples 
nouveaux  n'ont  rien  qu'ils  lui  puis- 
sent opposer;  eux-mêmes  le  recon- 
naissent sans  peine.  Pour  lui  seul,  on 
s'est  dépouillé  de  tout  préjugé  litté- 
raire, de  toute  prévention  nationale; 
et  tous  les  pays,  comme  tous  les  siè- 
cles, semblent  unir  leurs  voix  pour 
le  proclamer  l'auteur  unique,  le  poè- 
te comique  par  excellence.  L'Aca- 
démie  française,  qui  n'avait  pu  ad- 
mettre Molière  au  nombre  de  ses 
membres ,  à  cause  de  sa  profession 
de  comédien,  voulut  du  moins  ren- 
dreàsa  mémoire  les  honneurs  qu'elle 
s'était  crue  obligée  de  refuser  à  sa 
personne.  En  i  778,  elle  décida  que, 
dans  la  salle  où  étaient  rangés  les 
portraits  des  académiciens ,  serait 
placé  le  buste  de  Molière  ,  portant 
pour  inscription  ce  monostique  heu- 
reux, proposé  par  Saurin  : 

Rien  ne  ninnquo  à  sa  gloire  :  il  manquait  à  la  nôtre. 

Non  contente  de  cet  hommage,  elle 
mit  l'éloge  de  Molière  au  concours. 
Le  prix  fut  remporté  par  Chamfort, 
qui  mit  beaucoup  d'esprit  à  juger  et 
à  iouer  les  œuvres  du  génie.  On  a 
des  OEuvres  de  Molière  :  i°.  l'édi- 
tion publiée  par  La  Grange  et  par 
Vinot,  en  8  vol.  in-12  ,  dout  deux 
d'OEuvres  posthumes,  Pans,  iGS'i; 
—  '2°.  Celles  d'Amsterdam ,  Jacques 
Lejeune,  1670  et  1679,  en  5  vol. 
petit  in  12,  et  celle  du  même,  i(>84, 
G  vol.,  même  format;  —  3°.  Celle 
d'Amsterdam,  Wetstein,  1691  ,  6 
vol.  petit  in-12;  —  4°.  Celle  dont 


MOL 

Joly  est  l'éditeur,  et  qui  est  précédée 

de  M  émoi  es  sur  la  vie  et  les  ouvra- 
ges de  Molière,  par  De  !a  Série, 
Paris,  1 7 3  t ,  6  vol.  in-y'-; — 5°. 
réimpression  de  ia  précédente, 
Paris,  1739,  8  vci.  in- 12; — 6°, 
Celle  d'Amsterdam  ,  1  -;  \  1  ou  1  749 , 
4  vol.  petit  in- 12,  avec  fîg.  dePunt; 
—  7°.  Celle  que  Bret  a  donnée,  avec 
des  remarques  grammaticales  ,  des 
observations,  etc.,  Paris,  1778,6 
vol.  in-8\  .  fig.  gravées  d'après  les 
dessins  de  Moreaujcunej —  8°.  Celle 
de  P.  Duiot  l'aîné,  1792  ,  6  vol.  gr. 
in-4°.,  pap.  vél.; — q°.  Celle  du 
même,  faisant  partie  de  la  collection 
des  meilleurs  ouvrages  de  la  langue 
française,  1817,  7  vol.  in-8°.  ; — 
io°.  Celle  qui  est  accompagnée  d'une 
Vie  de  Molière,  d'un  discours  préli- 
minaire et  de  réflexions  sur  chaque 
pièce,  par  M.  Pétitot ,  Paris ,  181 3 , 
6  vol.  in  -  8°.  ;  —  1 1°.  Celle  que 
l'auteur  de  cet  article  publie  en 
neuf  vol.  in-8°.,  dont  cinq  ont  déjà 
paru  :  cette  édition  t  ornée  de  gra- 
vures, faites  d'après  des  tableaux 
d'Horace  Vernet,  est  accompagnée 
d'une  Vie  de  Molière ,  d'un  Discours 
préliminaire,  et  d'un  Commentaire. 

A G R. 

MOLIÈRES (Joseph  Privât  de), 
physicien,  né  à  Tarascou  ,  en  1O77  , 
avait  reçu  de  la  nature  une  constitu- 
tion fort  délicate.  Ses  parents  le 
laissèrent  le  maître  de  s'amuser  ou 
d'étudier  ,  par  la  crainte  que  l'appli- 
cation ne  nuisît  au  développement  de 
ses  forces.  11  apprit  cependant ,  par 
la  méthode  ordinaire  ,  le  latin  ,  les 
humanités,  la  philosophie,  et  les  élc- 
es,  science 
qui  lui  inspira  !  dégoût  de 

toutes  les  autres.  Son  1  ayant 

ét(;  tué  à  l'armée,  en  i(i<p  ,  on  le 
pressa  de  songer  à  m  ment  : 

niais  il  résista  à  toul 


MOL 


3i5 


de  ses  parents;  et  voulant  s'assurer 
une  vie  paisible  et  studieuse  ,  il  em- 
brassa ,  en  1701,  l'état  ecclésias- 
tique. Il  entra,  quelque  temps  après, 
dans  la  congrégation  de  l'Oratoire  , 
et  enseigna  dans  différents  collèges. 
Conduit  à  Paris ,  par  le  désir  de  voir 
Malcbranche.il  parvint  à  l'intéresser, 
et  vécut  plusieurs  années  dans  sa  so- 
ciété la  plus  intime.  Après  la  mort  de 
cet  illustre  philosophe,  il  reprit  l'é- 
tude des  mathématiques,  qu'il  avait 
négligées  pour  !a  métaphysique  ,  et 
rédigea  des  mémoires  qui  lui  ou- 
vrirent ,  en  17^1  ,  les  portes  de  l'aca- 
démie des  sciences.  Deux  ans  après  , 
il  remplaça  Varignon  dans  la  chaire 
de  philosophie ,  au  collège  de  France, 
ïl  partagea  le  reste  de  sa  vie  entre  ses 
devoirs  et  les  soins  qu'exigeait  la  pu- 
blication de  plusieurs  ouvrages,  ou- 
bliés maintenant  ,  ainsi  que  le  sys- 
tème des  tourbillons ,  dont  il  fut  l'un 
des  derniers  ,  mais  des  plus  zélés  dé- 
fenseurs. L'abbé  de  M  obères  ,  d'un 
caractère  vif,  supportait  difljçile- 
ment  la  contradiction  :  ayant  eu  à 
soutenir  une  discussion  pénible  à 
l'académie ,  il  rentra  chez  lui  avec 
une  fièvre  violente,  et  mourut  au  bout 
de  cinq  jours  ,  le  l'J  mai  17  , 
l'âge  de  soixante-cinq  ans.  C'était  un 
iiilc philosophe,  obligeant, scr- 
viable,  et  d'un  désintéressement  sans 
égal  'y  il  était  quelquefois  si  absorbé 
par  ses  méditations,  qu'il  ne  voyait 
pas  ce  qui  se  passait  autour  de  lui. 
Saveiïen  rapporte  qu'un  jour  un  dé- 
crotcur  lui  ôla  ses  boucles  d'argent , 
et  y  en  substitua  de  fer,  sans  qu'il 
s'en  aperçût.  Dans  le  temps  qu'il  lo- 
geait au  collège  de  France,  il  tra- 
vaillait toute  la  matinée  dans  sou 
lit ,  pendant  l'hiver, pour  se  garantir 
du  froid  ,  par  économie.  1  a  \  ■ 

,  m,  matin  dans  sa  chambre,  et 
le  trouva  demi-  couché,  occupé  à 


3i6 


MOL 


chercher  la  solution  de  quelque  pro- 
blème :  l'abbé  s'apercevant  de  l'objet 
de  eetle  visite ,  lui  indique  du  doigt , 
sans  se  déranger,  l'endroit  où  il  ser- 
rait son  argent ,  le  priant  de  ne  pas 
toucher  à  ses  papiers  Outre  des  Mé- 
moires dans  le  Recueil  de  l'académie 
des  sciences ,  ou  dans  le  Journal  de 
Trévoux.,  dont  on  trouvera  les  titres 
à  la  suite  de  son  Eloge  par  Mairau  , 
on  a  de  l'abbé  de  Molières  :  I.  le- 
çons de  mathématiques ,  nécessaires 
jjour  V intelligence  des  principes  de 
physique  qui  s'enseignent  actuelle- 
ment au  Collège  royal ,  Paris,  1 726 , 
in- 1 'l  ;  traduit  en  anglais  par  Husel- 
dcn.  C'est ,  dit  Mairan  ,  un  Traité 
de  la  grandeur  en  général ,  où  les 
principes  d'algèbre  et  le  calcul  arith- 
métique sont  exposés  avec  ordre  ,  et 
les  opérations  bien  expliquées  et  bien 
démontrées.  II.  Leçons  de  physique , 
contenant  les  éléments  de  la  phy- 
sique ,  déterminés  par  les  seules  lois 
des  mécaniques  ,  ibid.  ,  1733-89, 
l\  vol.  in- 12  ;  trad.  en  italien  ,  Ve- 
nise, 1743,  3  vol.  in-8°.Des  ouvra- 
ges de  l'abbé  de  Molières,  c'est  celui 
qui  lui  a  l'ait  le  plus  d'honneur;  c'é- 
tait son  ouvrage  favori ,  auquel  il 
rapportait  tous  les  autres,  et  où  il  a 
refondu  la  plus  grande  partie  des 
Mémoires  qu'il  avait  lus  à  l'académie. 
Il  y  cherche  à  faire  prévaloir  le  sys- 
tème des  tourbillons  :  mais  cène  sont 
ni  les  tourbillons  de  Descartes,  ni 
ceux  de  Malcbianche  j  il  modifie  les 
principes  de  ses  maîtres ,  quand  ils  se 
sont,  écartés  de  la  nature  :  en  conser- 
vant ce  qu'il  y  a  de  plus  vrai  dans  le 
i  rue  de  Descartes  ,  il  le  fortifie 
«les  calculs  de  Newton,  et  s'efforce 
de  démontrer  que  les  découvertes  de 
ce  grand  géomètre  ne  sont  que  des 
applications  des  principes  du  philo- 
sophe français  (  V.  l'analyse  de  l'ou- 
vrage ,  par  Mairan  ).  III.  Eléments 


MOL 

de  géométrie  ,  dans  l'ordre  de  leur 
génération ,  Paris  ,1741,  in- 1  x.  Cet 
ouvrage ,  qu'il  destinait  à  servir  d'in- 
troduction à  ses  leçons  de  physique  , 
n'a  point  été  terminé.  W .  Plusieurs 
Mémoires  dans  le  Recueil  de  l'aca- 
démie des  sciences  et  dans  le  Jour- 
nal des  savants.  L'abbé  Le  Corgnc  de 
Launay,  son  élève,  a  publié,  en 
1743,  in-8°.  :  Principes  du  sys- 
tème des  petits  tourbillons  ,  ou 
Abrégé  de  la  Physique  de  l'abbé  de- 
Molières  ,  avec  une  dissertation  pos- 
thume (  F.  Sigorgne  ).  On  peut 
consulter  ,  pour  plus  de  détails  , 
outre  l' Eloge  de  notre  auteur  par 
Mairan  ,  Y  Histoire  du  collège  de 
France ,  par  Goujet,  tom.  11  ,  éd. 
in- 1 'i  ,  et  les  Vies  des  philosophes 
modernes  ,  par  Saverien  ,  tom.  vi  , 
p.  '217:248.  On  trouvera  ,  dans  ce 
dernier  ouvrage  ,  quelques  particu- 
larités curieuses  ,  échappées  aux  au- 
tres biographes.  W — s. 

MOLIN  (  Laurent  ) ,  professeur 
et  archidiacre  à  Upsai ,  rie  en  1657  > 
moitié  19  septembre  1729,  était  un 
théologien  estimable,  un  philologue 
très-savant ,  et  en  même  temps  un 
homme  d'état  souvent  consulté.  Ou 
a  de  lui  :  I.  Disputatio  de  clavibus 
veterum  ,  1 684  5  dissertation  pleine 
de  recherches  savantes ,  insérée  dans 
le  Thésaurus  antiquitatum  de  Sal- 
leugre  ,  3e.  partie  ,  p.  789-844-  H» 
Disput.  de  origine  lucorum  ,  1688. 
III.  Disput.  de  pietate  heroied  , 
îGiyi.  IV.  Poème  eu  grec  ,  adressé 
à  l'archevêque  BenzeSius  ,  1(378.  V. 
Une  Edition  portative  de  la  Bible  , 
en  suédois,  qu'on  appelle,  enSuède, 
la  Bible  de  Molin  ,  et  qu'il  fit  im- 
primer, à  ses  frais,  à  l'usage  des  voya- 
geurs et  des  étudiants  ,  Stokholm  , 
17.x»  ,  in-12.  On  trouve  l'Éloge  de 
Molin  ,  dans  les  sîcta  litter.  Sueciae 
de  1724.  C — AU- 


MOL 

MOLTN  (  Jacques  ) ,  plus  connu 
sous  le  nom  de  Dumoulin  ,  célèbre 
médecin  de  Paris,  fut  l'un  dos  plus 
grands  praticiens  de  son  temps.  Il 
était  ne  à  Marvége,  petite  ville  du 
Gévaudan,  le '?.<)  avril  1  (>(>(>.  Après 
une  enfance  qui  n'annonçait  pas  ce 
qu'il  devait  être  un  jour,  son  esprit 
se  développa  tout-à-coup  ,  et  il  fit  de 
rapides  progrès  dans  les  lettres  grec- 
ques et  latines.  La  médecine  ayant 
fixé  son  choix,  il  partit  pour  Mont- 
pellier, où  tous  ses  moments  fuient 
consacrés  aux  études  qu'exigeait  la 
profession  qu'il  avait  embrassée: 
il  y  reçut  le  bonnet  de  docteur,  et 
se  rendit  a  Paris  ,  où  tous  les  cours 
publics  devinrent  l'objet  de  ses  soins 
assidus.  11  fut  nommé  professeur 
d'anatomie  au  Jardin  du  roi  ;  et  il 
n'était  âgé  que  de  vingt-six  ans  ,  lors- 
que le  maréchal  de  Noailles  le  dé- 
signa pour  être  médecin  en  chef  de 
l'armée  de  Catalogne.  En  1G9».  ,  le 
duc  de  Vendôme  lui  fit  expédier  des 
lettres  de  premier  médecin  pour  toute 
cette  province.  Api  es  avoir  suivi  ce 
prince,  en  qualité  de  médecin  en  chef 
des  armées  du  roi,  il  revint  dans  la 
capitale  en  1706,  et  y  augmenta  en- 
ta réputation  en  guérissant  le 
prince  de  Coudé;  bientôt  il  fut  l'Es- 
eulape  de  la  cour  et  fie  la  ville  : 
Louis  XIV  l'appela  d  I  rniè- 

uiées  de  sa  vie  ,  et  voulut  qu'il 
lût  consulté  dans  toutes  ses  maladies. 
En  17a  1 ,  il  contribua  au  réta!  ! 
ment  delà  santé  de  Louis  \\  ,  et  fut 

ifié  d'une  pension  de  quinze  1 
livres  ,  sur  le  trésor  royal.  Le  roi 
lui  accorda,  en  1728,  un  nouveau 
brevet  de  médecin  consultant.  Lors 
de  la  mal,:'  |  rince, en  1744, 

Molin,  âgé  te-dix-huit  ans, 

vole  à  Metz  ,  el  -.  rend 

le  monarque  an  h  France  : 

cependant  la  craint  chute  , 


MOL  3 17 

fit  qu'il  s'opposa  au  départ  de  Louis 
pour  l'armée;  il  ne  fut  point  écouté, 
et  quand  il  reparut  devant  le  mo- 
narque après  la  prise  de  Fribourg  : 
«  lié  bien  ,  lui  dit  ce  prince,  si  je 
»  vous  avais  cru,  je  n'aurais  pas  pris 
»  Fribourg.  —  Sire,  répond  Mo- 
»  lin  ,  j'étais  plus  occupé  de  votre 
»  sauté  que  de  votre  gloire.  »  Neuf 
mille  livres  d'appointement  furent 
ajoutées  à  son  brevet  de  médecin 
consultant;  il  les  conserva  jusqu'à  sa 
mort,  arrivée  à  Paris,  le  21  mars 
1755.  H  était  alors  âgé  de  près  de 
quatre-vingt-neuf  ans  .  et  il  n'a  point 
laissé  d'enfants.  A  la  faveur  delà  cour, 
Molin  joignaitl'estime  et  la  confiance 
du  public;  iJ  soignait  tous  les  malades 
sans  distinction  de  rang  et  de  fortune. 
Sa  théorie  était  solide ,  fondée  sur 
l'observation  et  l'expérience;  sans 
système  et  sans  verbiage,  il  consta- 
tait les  maladies  par  leurs  signes  et 
leurs  symptômes  :  peu  curieux  d^en 
rechercher  les  causes,  il  fixait  le 
régime  le  plus  convenable ,  et  se 
bornait  aux  remèdes  les  plus  surs 
et  les  plus  éprouvés.  Personne  n'a 
mieux  connu ,  avant  lui ,  l'art  diffici- 
le d'employer  convenablement  dans 
chaque  maladie ,  les  différentes  - 
minérales.  Partisan  de  la  saignée, 
<  n  être  prodigue  ,  il  était  hardi 
dans  l'emploi  des  moyens  héroïques 
•s'ils  étaient  indiqués  ,  et  il  était 
habile  à  saisir  le  moment.  Le  lait 
toute  nourriture,  était  un  des 
remèdes  qu'il  exaltait  au-dessus  des 
res-;  cl  il  avait  l'art  d'y  prépa- 
rer ses  malades.  Souvent  il  n'or- 
donnait aucun  remède;  un  régime 
plus  régulier,  l'application  des 
eeptes   d'une   hygiène   éclairée,    lui 

suffisaient  pour  faire  cesser  des  ma- 
ladies très-graves.  On  croit  que 
ce  médecin  ,  que  Lesage  a  désigne 
sous  le  nom  du   d  odeur  Sa:: 


3i8 


MOL 


(  i  ) ,  parce  que  Molin  saignait  fré- 
quemment ,  prescrivait  la  diète  et 
l'eau  ;  et  que  lui-même  s'abstenait 
de  vin ,  pour  éviter  la  goutte  à  la- 
quelle il  était  sujet.  Lesage,  peut-être , 
avait  eu  à  s'en  plaindre.  Toutefois 
Molin  fut  le  plus  habile  praticien  de 
son  temps  :  son  coup-d'œil  était  sur, 
et  ne  le  trompait  jamais  sur  le  diag- 
nostic le  plus  difficile.  Oir  rapporte 
qu'étant  âge,  quelques  jeunes  méde- 
cins, qui  venaient  s'instruire  dans  sa 
conversation ,  le  pressant ,  un  jour , 
de  designer  celui  de  leurs  confrères 
qu'il  jugeait  digne  de  le  remplacer  , 
Molin  leur  répondit  :  «  Je  laisse 
»  après  moi  trois  grands  médecins.» 
Nouvelle  instance  de  la  part  des  in- 
terlocuteurs ,  pour  savoir  le  nom  de 
ces  trois  favoris  d'Esculape  :  «  Ce 
»  sont ,  répliqua  Molin  ,  la  diète  , 
»  l'eau  et  l'exercice.  »  S'il  n'a  rien 
e'erit  sur  la  médecine  (2),  on  peut 
assurer  qu'il  a  beaucoup  contribué  à 
établir  la  meilleure  manière  de  la 
pratiquer.  Molin  avait  acquis  une 
fortune  considérable  (on  la  portait  à 
seize -cent  mille  francs).  On  raconte 
de  lui  des  traits  d'avarice  dignes  de 
figurer  avec  ceux  de  l'Harpagon  de 
Molière:  mais,  ce  qui  ne  doit  pas 
être  oublié,  c'est  que  32  neveux  ou 
petits-neveux  lui  durent  leur  éduca- 
tion et  leur  établissement;  qu'il  don- 
nait gratuitement  ses  soins  aux  pau- 
vres ,  et  leur  fournissait  de  l'argent 
pour  se  procurer  du  bouillon  et  les 
choses  nécessaires  :  quelquefois  mê- 
me il  distribua  des  sommes  assez 
fortes,  en  cherchant  toujours  à  mé- 
nager l'amour-propre  et  la  délica- 
tesse de  ceux  qui  auraient  pu  rougir 
de  leurs  besoins.  Jean-Baptiste  Cho- 


(i)  On  l'a  dit  aussi  d'un  autre  médecin  contempo- 
rain (  V,  Hecquet  ). 

(a)  \  l'exception  d'un  Recueil d'obie/vations  sur 
le  r/tumatisnu  .  iu-»aj  ouvrage  ;iss<;>  médiocre. 


MOL 

mcl  a  publié  un  Éloge  historique 
Molin,  Paris  ,  1761  ,  in  -8°.;  cet 
article  en  est  un  extrait.      F — r. 

MO  LIN  A  (  Marie  de),  l'une  des 
plus  grandes  reines  qui  aient  occupé 
le  trône  de  Gastille  et  de  Léon  ,  était 
fille  d'Alphonse  de  Molina  ,  du  sang 
royal.  Elle  fut  mariée,  en  1282,  à 
l'ambitieux  Sanche  IV,  son  cousin- 
germain  ,  qui ,  après  avoir  détrôné 
son  propre  père,  s'était  fait  déférer  le 
titre  de  roi  par  les  états  (Foj,  Al- 
phonse x  ,  1 ,  618  ).  Leur  parenté 
était  unobstacle  à  leur  union  :  le  pape 
ordonna  aux  évoques  de  Burgos  et 
d'Astorga,  d'en  prononcer  la  nullité, 
et  d'excommunier  les  deux  époux  , 
dans  le  cas  où  ils  refuseraient  de  se 
séparer.  Tandis  que  Sanche  était  oc- 
cupé à  affermir  son  autorité,  Marie 
travailla  avec  succès  à  le  réconcilier 
avec  son  père;  et  Alphonse  mourant 
révoqua  l'acte  par  lequel  il  l'excluait 
du  trône.  Marie  se  rendit  aussitôt 
avec  son  époux,  à  Tolède,  pour  y 
recevoir  le  serment  des  grands  du 
royaume;  et  elle  réussit,  par  sa  sa- 
gesse et  sa  prudence  ,  à  en  ramener 
plusieurs  à  des  sentiments  pacifiques. 
Sanche  mourut  en  1 29.5  ;  et  Ferdi- 
nand ,  son  fils  aîné  ,  âgé  de  dix 
ans ,  fut  déclaré  son  successeur ,  sous 
la  tutelle  de  la  reine  Marie  :  mais 
don  Jean,  oncle  de  Ferdinand,  re- 
fusa de  le  reconnaître,  sous  le  pré- 
texte qu'il  n'était  pas  né  d'un  maria- 
ge légitime;  et,  appuyé  par  une  foule 
de  mécontents,  il  essaya  de  lui  ravir 
la  couronne.  Marie  n'avait  cessé  de 
faire  des  démarches  pour  obtenir  de 
la  cour  de  Rome  la  confirmation  de 
son  mariage  :  ce  ne  fut  pourtant  qu'en 
i3oi,  qu'elle  obtint  du  pape  Boni- 
face  VIII  une  bulle  qui  légitima  ses 
enfants.  Dès  qu'elle  eut  été  reconnue 
régente  dû  royaume,  elle  chercha  à 
11er   l'affection   des    peuples   est 


as 


MOL 

adoucissant  leur  sort;ellediminua  les 
impôts,  et  supprima  entièrement 
ceux  f|ue  le  malheur  des  temps  avait 
fait  établir  sur  les  denrées  nécessai- 
res à  la  vie  :  elle  convoqua  ensuite 
les  états  à  Yalladolid,  pour  les  con- 
sulter sur  les  moyens  à  prendre  dans 
les  circonstances,  et  en  obtint  des 
sommes  considérables, dont  elle  em- 
ploya une  partie  à  payer  la  fidélité 
des  grands  restés  attachés  à  son  (ils, 
ou  à  en  acheter  d'autres.  Elle  aban- 
donna à  D.  Denis  ,  roi  de  Portugal  , 
quelques  villes  qui  étaient  un  sujet 
de  guerre,  et  lui  demanda  pour  Fer- 
dinand la  main  de  l'infante  Constan- 
ce. Dès  l'a  nuée  suivante  (  1 296  ) ,  les 
grands  envoyèrent  dire  à  la  régente 
qu'elle  ne  devait  plus  compter  sur 
leur  fidélité,  et  élurent  D.  Alphonse 
de  Cercla,  roi  de  Castille.  Aidés  du 
roi  de  Grenade ,  les  rebelles  entrèrent 
aussitôt  dans  l'Andalousie  ,  où  ils 
commirent  beaucoup  d'excès;  mais 
arrêtés  devant  Mayorga,  une  mala- 
die contagieuse  se  déclara  dans  le 
camp  ,  et  ds  furent  obligés  de  - 
tirer.  Le  roi  de  Portugal,  oubliant  les 
sacrifices  dont  Marie  avait  acheté 
son  alliance,  avait  pénétré  en  même 
temps  dans  la  Castille  :  informé  de 
la  levée  du  siège  de  Mayorga  ,  et 
abandonné  par  les  Si 
lans  qui  servaient  sous  ses  drap 
il  se  hâta  de  reprendre  le  chemin  de 
ses  étals.  Marie  profita  habih 
du  mécontentement  du  roi  de  Portu- 
gal, pour  lui  faire  de  nouvelles  pro- 
positions;^, avec  les  secours  qu'elle 
ut,  elle  acheva  de  pacifier  le 
ridant  cou 

point 
compter  sur  les]  jrands, 

elle  voulut  avoii  1  cons- 

tammi  et  les 

états  lui  a 

1 


MOL  3kj 

au  courage  et  à  la  sagesse  de  sa  mère, 
que  Ferdinand  devait  le  tronc:  mais 
ce  fds  ingrat,  séduit  par  ses  courti- 
sans ,  ne  larda  pas  à  se  lasser  de  l'in- 
fluence salutaire  qu'elle  exerçait  sur 
l'administration  du  royaume;  il  lui 
signifia  qu'il  voulait  régner  par  lui- 
même.  Marie  quitta,  sans  se  plain- 
dre ,  les  rênes  du  gouvernement  ,  et 
sut  néanmoins  conserver  sur  Ferdi- 
nand une  autorité  qu'elle  n'employa 
qu'à  le  garantir  des  fautes  où  l'en- 
traînait un  caractère  cruel  et  empor- 
té (  V.  Ferdinand  iv,  XIV,  3ii  ). 
Ce  prince  mourut  en  i3ri,  laissant 
au  berceau  un  fils,  qui  fut  reconnu 
son  successeur,  sous  le  nom  d'Al- 
phonse XI.  Marie  fut  aussitôt  nom- 
mée régente;  mais  une  partie  des 
états  se  déclara  en  faveur  de  Cons- 
tance, mère  du  jeune  prince.  Cette 
double  élection  occasionna  des  trou- 
bles qui  déterminèrent  Marie  à  re- 

re  l'autorité  aux  infants,  oncles 
du  roi;  elle  garda  toutefois  la  sur- 
veillance de  son  petit-fils  ,  qui  fut 
élevé  sous  ses  yeux.  Cette  princesse 
mourut  à  Valïadolid,  le  1e1'.  juin 
i3*22,  regrettée  de  ses  sujets,  dont 
elle  s'était  montrée  la  mère  plutôt 
(pie  la  reine:  elle  fut  inhumée  dans 
le  couvert  de  las  Huclgas  (  du  Re- 
pos ),  qu'elle  avait  fonde'.  Ses  vertus 
grandes  qualités  lui  ont  mérité 
les  éloges  des  historiens  espagnols, 
et  la  reconnaissance  de  la  postérité. 
W— s. 
MOLINA  (  Alphonse  de  ),  mis- 
sionnaire espagnol,  fut  conduit,  dans 

remière  jeunesse,  au  Mexique, 
par  ses  parents,  et  apprit  la  langue 
des    indigènes,   qu'il    parla    bientôt 

la  plus  grande  facilité.  Le 

deliçrs  missionnaires  dans  celte  par- 
tie de  I'  \  le  prirent  pour 
leur  interprète  ;  el  à  l'âge  d  • 


MOL 

il  avait  rendu  d'importants  services. 

Il  fut  attache  pendant  cinquante  ans, 
à  différentes  missions,  dans  la  Nou- 
velle-Espagne, et  eut  le  bonheur  de 
convertir  a  la  foi  catholique  un  grand 
nombre  d'iufidèles.  Après  une  vie 
remplie  de  bonnes  œuvres  et  d'utiles 
travaux,  il  mourut,  en  1 58o,  dans  le 
couvent  de  son  ordre,  à  Mexico.  Le  P. 
de  Molina  a  publie  une  Grammaire 
et  un  Dictionnaire  mexicains  ;  et  ii  a 
traduit  dans  la  même  langue,  les 
Evangiles  de  Vannée,  des  Instruc- 
tions famih ères  sur  les  vérités  de  la  re- 
ligion, une  Méthode  pour  la  confes- 
sion, et  plusieurs  ouvrages  ascétiques, 
dont  on  trouvera  les  titres  dans Wa- 
ding,  Scriptor.  ordin.minor.  p.  i3  et 
i4>  Le  plus  remarquable  des  écrits 
du  P.  Molina,  est  le  Vocabulario  en 
lengua  castillana y  mexicana,  Me- 
xico, 1371,  1  part.,  in  fol.  ;  c'est 
le  plus  ancien  livre  connu  imprimé 
en  Amérique,  et  la  rareté  en  est  ex- 
cessive. M.  Is.  Thomas  en  a  donné 
la  description  ,  dans  le  The  history 
ofprinting  in  America  (  V.  le  Ma- 
nuel du  libraire,  par  M.  Brunct, 
3°.  édition,  à  l'art.  Molina).  W-s. 

MOLINA  (  Goivzalve  Argote 
de),  généalogiste  espagnol,  naquit 
non  à  Bacza ,  comme  le  dit  Nicolas 
Antonio ,  mais  à  Séville  ;  c'est  du 
moins  l'opinion  de  D.  Jean  -  Lucas 
Cortès ,  dans  sa  Eihliotheca  hispa- 
nica ,  Jristorico-genealogico-heraldi- 
ca,  publiée  sous  le  pseudonyme  de 
Gérard-Ernest  de  Franckenau.  Mo- 
lina s'adonna  ,  dès  sa  jeunesse  ,  aux 
lettres  et  aux  armes.  Il  se  signala 
non-seulement  dans  la  guerre  de  Gre  • 
nade,  eu  i5G8,  mais  encore  dans 
une  expédition  aux  Canaries,  contre 
les  pirates  qui  infestaient  ces  para- 
ges. De  retour  dans  sa  patrie,  il  y  fut 
nommé  échevin  ,  commandant  de  la 
Sainle-Ilermandad,  et  alferez  major 


MOL 

(  premier  enseigne  )  d'Andalousie. 
Ces  fonctions  lui  attirèrent  quelques 
procès  avec  le  chapitre  de  Séville. 
Il  avait  épousé  la  fille  naturelle  et 
unique  d'Augustin  de  Herrera  et  Ra- 
jas, marquis  de  Lanzarote;  et  dans 
l'espoir  d'en  hériter,  il  avait  déjà  pris 
le  titre  de  son  beau-père.  Maisle  mar- 
quis s'etant  remarié,  et  ayant  eu  des 
enfants  mà'cs,  Molina  dut  se  conten- 
ter du  litre  de  seigneur  de  la  Tour  de 
Gilde-Oiid.  Il  avait  eu  lui-même  des 
enfants  de  son  mariage;  mais  il  les 
perdit  de  bonne  heure.  Il  tomba  dans 
le  besoin  pendant  ses  dernières  an- 
nées ;  tous  ses  chagrins  avaient  altéré 
sa  raison,  lorsqu'il  mourut,  en  i5f)o 
environ.  Les  ouvrages  généalogiques 
de  Molina  sont  tellement  estimés, 
qu'ils  font  autorité ,  dit  Antonio. 
Cortès  en  donne  une  liste,  dans  la- 
quelle il  a  compris  même  les  manus- 
crits. Les  ouvrages  imprimés  de  Mo- 
lina sont  :  l.  Nobleza  del  AndaUt- 
zia,  Séville,  i588,  in-folio.  II. 
Historiadel  gran  Tamerlan,  1087., 
in-folio,  imprimé  dans  le  tome  m 
du  Cronicas de  los reyes  de  Castillay 
Madrid,  1782,  in-4°.  {V.  Clavijo, 
VIII,  64a.)  C'est  à  Molina  que  l'on 
doit  la  première  édition  du  Comte  de 
Lucanor  (  V.  Manuel , XXV 1, 5 \ o), 
et  l'édition  du  Libro  de  la  Monteria 
(  Traité  de  vénerie,  composé  au  qua- 
torzième siècle,  par  ordre  d'Alphon- 
seXI  ) ,  Séville ,  1 58a,  in-fol.  Argote 
de  Molina  ajouta  à  la  fin  un  discours 
ou  notice  historique  sur  cet  ouvrage, 
très-rare,  dit  La  Serna  Santandcr 
et  en  même  temps  très-utile  pour  1 
connaissance  de  la  géographie  du  bas 
âge  de  l'Espagne.  A.  B — t. 

MOLINA  (  Louis  )  ,  théologien 
espagnol,  né  en  i535,  à  Cuenca  , 
dans  la  nouvelle  Castiîle,  entra  chez 
les  Jésuites  à  18  ans  ,  fit  ses  éludes  à 
Coïmbre,  et  enseigna,  pendant  vingt 


MOL 

ans ,  la  théologie  dans  l'université 
d'Evora.  Il  quitta  ensuite  le  Portugal, 
et  mourut  à  Madrid  le  12  octobre 
1601.  En  travaillant  à  un  commen- 
taire sur  la  Somme  de  saint  Thomas 
(publié  en  kh)3,  2  vol.  in  loi.  ) ,  il 
fut  conduit  à  chercher  les  moyens 
de  concilier  le  libre-arbitre  de  L'hom- 
me avec  la  prescience  divine  et  avec 
la  prédestination  ;  matières  qui  sont 
Iraite'es  dans  la  irc.  parlic  de  la 
Somme  du  saint  docteur.  S'étant 
beaucoup  occupe  de  cet  objet ,  il 
lit  un  ouvrage  sépare'  de  son  com- 
mentaire, et  le  publia,  in*4°.,  à  Lis- 
bonne ,  en  i588,  sous  ce  titre  :  De 
liberi  arbitra  cum  gratiœ  donis.... 
concordid,  avec  un  Appendix  publié 
en  1 589  ;  ce  livre  parut  avec  l'appro- 
bation du  censeur:  il  était  dédié  à  l'ar- 
chiduc d'Autriche,  inquisiteur-géné- 
ral du  royaume.  Il  a  été  depuis  im- 
primé à  Lyon  en  i5q3  ,  à  Venise  en 
1  5g  [,  et  à  Anvers  en  1  5q5  ;  mais  l'é- 
dition originale  est  la  plus  recher- 
chée. C'est  dans  ce  livre  que  Molina 
expose  le  système  qui  depuis  a  été 
si  fort  agité  dans  les  écoles.  Ce  théo- 
logien n'admet  point  de  grâces  effi- 
caces par  elles-mêmes,  et  paraît  ac- 
corder beaucoup  au  libre-arbitre  ;  il 
suppose  en  Dieu  une  science  qu'il  ap- 
pelle moyenne  ,  relativement  aux 
actes  conditionnels,  et  croit  que  là 
prédestination  est  postérieure  à  I  1 
vision  des  mérites.  Une  anal) 

j  stème  passerait  les  bornes  qui 
nous  sont  tracées.;  on  eu  trouvera 
une  dans  l'Histoire  ecclésiastique 
du  dix-septième  siècle  ,  par  Dupm  j 
tome  ier.L'auteurneconnaît  que  Mo- 
lina procè  in  de  clar- 
té, de  méthode  el  <le  subtilité.  Sua- 
rez,  confrère  de  Molina  ,  modifia  un 
peu   son  -  \  1    celui 

qu'on  a  appelé  l<  we.L'unet 

l'autre  sont  abandonnés  aujourd'hui; 

XXIX. 


MOL 


3?.i 


mais  ils  ont  dans  l'origine  donne  lieu 
à  de  vives  disputes.  Les  Dominicains, 
qui  avaient  tout  mis  en  œuvre  pour 
empêcher  le  livre  de  Molina  de  pa- 
raître ,  le  poursuivirent  dès  qu'il  eut 
été  publié.  Les  Jésuites  prirent  parti 
pour  leur  confrère.  On  s'attaqua 
dans  des  thèses,  dans  des  sermons  , 
dans  une  foule  d'écrits.  Le  livre  de 
la  Concorde  fut  déféré  à  l'inquisition 
d'Espagne ,  ensuite  à  Rome  ,  ou  Clé- 
ment VIII  nomma  ,  en  1 597 ,  une 
congrégation  pour  prononcer  à  ce 
sujet  :  c'est  ce  qu'on  appela  la  con- 
grégation de  auxiliis  ,  parce  qu'il 
s'agissait  d'y  examiner  la  nature  des 
secours  de  la  grâce  et  la  manière 
dont  elle  opère  (  V.  Lemos  ).  Cette 
congrégation  tint  un  grand  nombre 
de  séances  où  les  Dominicains  et  les 
Jésuites  furent  entendus.  Clément 
VIII  ne  vitpas  la  fin  de  cette  affaire, 
et  elle  se  renouvela  sous  Paul  V  :  on 
prétend  savoir  que  la  plupart  des 
consulteurs  furent  d'avis  de  censurer 
la  doctrine  de  Molina.  Mais  Paul  V 
ne  publia  aucune  censure  ;  et,  en  con- 
gédiant les  contondants,  il  leur  défen- 
dit ,  en  1607 ,  de  se  censurer  mutuel- 
lement. Le  même  pontife  prescrivit 
depuis  de  ne  rien  publier  sur  ces  ma- 
tières; et  plusieurs  de  ses  successeurs 
ont  renouvelé  cette  recommandation, 
qui  n'a  pas  été  religieusement  obser- 

chaque  parti  a  fait  paraître 
des  histoires  des  congrégations  de 
auxiliis  ;  et  les  adversaires  de  Mo- 
lina ,  entre  autres,  ont  présenté  son 
svsièmc  comme  monstrueux  en  lui- 
même  ,  et  horrible  dans  ses  consé- 
quences. C'est  le  jugemenl  qu'on  m 
porte  dans  un  grand  nombre  d'écrits 
dictés  par  l'exage'ration.  IVIai 
même  temps  il  faut  convenir  a 

me   paraît  invraisemblable    et 

lettre 

de  l'Écriture  ainsi  qu  .lion  : 


321 


MOL 


aussi  n'est-il ,  depuis  long-temps  ,  ni 
enseigné  ni  suivi  Les  théologiens 
de  nos  jours  s'abstiennent  de  sonder 
ces  questions  profondes ,  qu'il  n'est 
peut-être  pas  donne  à  l'homme  d'é- 
claircir.  C'est  donc  à  tort  que  quel- 
ques-uns continuent  d'appeler  Moli- 
nistes  ceux  qui  sont  opposes  à  un 
certain  parti,  comme  s'il  n'y  avait 
aucun  milieu,  et  que  l'on  fût  néces- 
sairement Moliniste  parce  qu'on  re- 
jette les  opinions  de  ce  parti.  On  peut 
assurer,  au  contraire,  que  les  théo- 
logiens les  plus  déclarés  contre  ces 
opinions,  ne  sont  pas  pour  cela  plus 
favorables  au  molinisme.  Il  y  a  seu- 
lement cette  différence  qu'ils  rejettent 
ces  opinions  comme  condamnées , 
tandis  que  le  molinisme ,  quelque  peu 
vraisemblable  qu'il  paraisse,  n'a  ^ubi 
aucune  flétrissure.  Les  autres  ouvra- 
ges du  P.  Molina  étaient  à-peu-près 
oubliés  :  en  fouillant  dans  son  traité 
De  Justitid el  jure  (Maience,  1609, 
6  vol.  in-fol.) ,  on  y  a  trouvé  quelques 
propositions  de  morale  relâchée ,  au 
sujetdes  compensations  occultes,  etc. 
Elles  ont  servi  à  grossir  Y  Extrait 
des  assertions ,  etc. ,  qui  a  servi  de 
prétexte  à  la  suppression  des  Jé- 
suites. P — c — T. 

MOLINELLI  (  Jean-Baptiste  ), 
prêtre  de  la  congrégation  des  Écoles- 
Pies,  né  à  Gènes  en  1730,  enseigna 
d'abord  la  philosophie  à  Oncille,  et 
ensuite  la  théologie  à  Gènes.  En  1 769, 
il  fut  appelé  à  Rome  pour  y  rempla- 
cer le  père  Natali ,  qui  venait  d'être 
nommé  professeur  à  Pavie.  Moli- 
nelii  occupa,  pendant  huit  ans,  la 
chaire  de  théologie  dans  le  collège 
Nazaréen,  dirigé  par  sa  congrégation 
à  Rome.  On  loua  beaucoup  une  thèse 
qu'il  y  fit  soutenir,  en  1777  ,  sur  les 
sources  de  l'incrédulité  et  sur  la  vé- 
rité de  la  religion  chrétienne  ;  cette 
thèse,  qui  futimpiïniée(89  p.  in-4°.)> 


MOL 

était  rcdige'e  suivant  les  principes  du 
système  .iitgustinicn.  L'auteur  quitta 
Rome  peu  après,  et  retourna  dans 
sa  patrie,  où  il  professa  de  nouveau 
la  théologie.  11  publia  cependant  à 
Rome,  en  1788  ,  un  Traité  de  la, 
primauté  du  pape.  Tl  joignit  des  re- 
marques et  des  notes  à  l'édition  de 
la  Théologie  de  Lyon,  faite  à  Gènes  ? 
par  Olzati,  en  1788.  Ce  soin  mon- 
tre assez  à  quelle  école  appartenait 
Molinelli  :  il  eut,  sur  ses  opinions,  des 
démêlés  avec  le  savant  et  pieux  Lam- 
bruschini,  barnabite,  alors  profes- 
seur de  théologie  au  séminaire  de 
Gènes,  et  aujourd'hui  archevêque  de 
cette  ville.  11  se  montra  favorable  à 
la  révolution  de  son  pays  ;  et  il  faisait 
partie  d'une  espèce  d'académie  ecclé- 
siastique ,  formée  à  Gènes  dans  ce 
sens  :  les  principaux  membres  étaient 
l'évêpieSolari,  Palmieri,  Degola,  et 
autres  patriotes  ;  ils  donnaient  des 
ouvrages  en  faveur  du  système  démo- 
cratique. Molinelli  publia  pour  sa 
part  (en  italien),  le  Préservatif  con- 
tre la  séduction  ,  et  Du  droit  de 
propriété  des  Églises  sur  les  biens 
ecclésiastiques.  Le  sénat  de  Gènes 
l'aVait  nommé  un  de  ses  trois  théo- 
logiens ;  et  il  rédigea,  en  cette  qua- 
lité ,  des  mémoires  et  des  consulta- 
tions sur  différentes  matières. Il  mou- 
rut à  Gènes  ,  au  commencement  de 
1799,  laissant  beaucoup  de  manus- 
crits. P C T. 

MOLINET  (  Jean  ),  poète  fran- 
çais, naquit  au  quinzième  siècle,  dans 
un  village  du  Bouîonais  (  1  ).  11  fit  ses 


(O  Son  épitap!>e  porte  qu'il  naquit  à  Diverma  f 
que  l'abbé  Goujet  rend  par  Desvres  ;  l'r  sp.  Mar- 
dis d  par  Desvrenn-  s  ,  el  !a  Bi!>l.  histor.  de  France  , 
par  I)isvcrn<s.  M.  Chevalier  {  Ilist.  de  Potigrii , 
tome  11  ,  p.  4°.r>-  et  suiv.  ) ,  a  voulu  prouver  qu  Mo- 
linet  elait  ne  à  Poligtii  ,  ou  du  moins  qu'il  elait  ori- 
ginaire de  cette  ville;  et  c'est  dans  son  e'pitaphe  mê- 
me qu'il  a  cherche  les  preuves  d'une  opinion  aussi 
singulière.  Voici  cette  e'pitaplie  ,  rapportée  par  Fop-» 
peus ,  dans  1%  Bill,  Belgica  : 


MOT, 

études  à  l'université  de  Paris  ,  et 
retourna  en  Flandre,  où  il  se  maria 
(a)«  Devenu  veuf,  il  embrassa  l'état 
ecclésiastique  ,  et  fut  pourvu  d'un 
canonicat  de  la  collégiale  de  Valen- 
ciennes.  Il  était  l'ami  et  le  disciple 
de  George  Châtelain  •  et  il  lui  suc- 
céda dans  la  place  d'indiciaire  et 
îiistoriograpliede  la  maison  de  Bour- 
gogne. Marguerite  d'Autriche ,  gou- 
vernante des  Pays-Bas  ,  le  nomma 
son  bibliothécaire.  Il  mourut  ,  en 
1507  (3) ,  à  Valenciennes  ,  dans  un 
âge  avancé ,  et  fut  enterré  dans  l'é- 
glise de  la  Sale-le-Comte  ,  à  côté  de 
Châtelain.  C'était  lui  qui  avait  pris 
soin  de  l'éducation  de  Lemaire  de 
Belges  ,  son  parent ,  qui  lui  succéda 


Me  Molinet  peperit  Dh-erniu  Bùloniensit ; 

l'arisiis  docuit ,  aluit  quoque  ValUs  amorum  ; 
Et  quaïnvis  magna  fuerit  inca  lama  per  orbeia, 
Haec  mihi  pro  cuuctis  fruclibus  nain  fuit. 

Divcrnia  ,  dit  M.  Chevalier,  est  le  nom  de  la  mère 
de  Molinet,  qui  était  de  la  maison  du  Vernois  de  Po- 
lîgni;  fiolaniiriisis  ,  le  (graveur  lest  trompé,  eu 
substituant  un  P  au  B,  il  tant  lire  Polàtiîenris ,  de 
Poligni  ;  f'allii  amorum  ,  c'est  le  V;.l  d'amour,  tan- 
ton  près  de  Poli^ui  ,  où  Molinet  fut  nourri  dans 
son  enfance.  Cependant  il  est  évident  que  Divemia 
n'est  pas  le  nom  de  la  mère  de  Molinet ,  mais  bien 
celui  du  lieu  de  sa  naissance,  que  tous  les  biographes 
s'accordent  à  placer  dans  Je  Boulouaù  :  quant  a  la 
signification  de  Vatlii  amorum  ,  elle  est  expliquée 
]>.ii'    l'epitaphe    française    du    même    Moliu   t,    rap- 

Sortpe  par  Jules  Chiffiét,  à  la  lèle  de  l'histoire  de 
Boqaes  de  Lalain  ,  p.  ia. 

Valr.ncienncs ,  val  doux ,  val  insiçne  et  floury. 

11  n'est  pis  permis  de  supposer  que  l'auteur  de  IVp»- 
taphe  latine  ait  \oulu  parler  dl 
cte  en   nourrice,  .  t   qu'il   ail    oublie   de   faits 
ti   n  dé  la  ville  où   cet    écrivain,  de  l'aveu  de  tout  li  s 
p  .-.se    la    ului      i 

Molinet,  à  la  prière  île  Jean  I'..  i  ii. ni.l ,  de  P 

lé  nue  //,  //i/ie  en  l'honni  ur  de  s  mit  Hipp<  l\te, 

patron  de  cette  ville  ;  et   le  lilence  qu'il  i,  •• 

Celte  pifci  .  /.  longue  i 'tendue,   mu-  les  liens 

•  i.  i.i  l'.,ii  „  ht -r  .'.  cette  ville  , .  -t  une  nouvelle 
preuve  qn  on  ne  rtoil  point  y  placer  sa  naisxance. 

(')  Ci  de  Molinet  n'a 
i  ]  .   .    ■  he;  mail 
on  ne  pi                                         .!,•  ,  d'api,  s   le  témoi- 
gnage d<                                                   i,-  »econd  volu- 
me et  le  lupplément  de  s xerapnire  de  la  <  'hrorti- 

inie  de  Min.  t  mit  .i 

lils ,  Augustin  .Moliii.  i  .    ,  y0v  j;l 

Bibl-hislor.di  I 

(3)  Jul<  sChi  xàphê  ù<]\  ci- 

tée, dit  qncl'an  du  di 
que  ,  luuii  qu'il  trouve  qu'il  tuouiwt   IwH.   OVUI 


MOL 


323 


dans  la  place  d'indiciaire  (  F.  Le- 
maire ,  XXIV ,  33  ).  Il  était  fort  lié 
avec  le  poète  Guillaume  Crétin ,  com- 
me on  le  voit  par  deux  épîtres  que 
celui-ci  adressa  à  Molinet.  La  plu- 
part des  beaux-esprits  de  son  temps 
le  regardaient  comme  leur  maître  et 
leur  modèle  ;  mais,  après  avoir  lu  ses 
ouvrages  ,  on  est  bicu  étonné  qu'il 
ait  jamais  pu  obtenir  une  si  grande 
réputation.  Dépourvu  de  goût ,  d'i- 
maginalion  et  de  sensibilité,  il  n'a- 
vait d'autre  mérite  qu'une  facilité 
malheureuse  a  écrire  sur  toutes  sor- 
tes de  sujets  ;  son  style  est  défiguré 
par  de  pitoyables  jeux  de  mots  ,  de 
froides  allusions,  et  par  une  atten- 
tion puérile  à  ramener  sans  cesse  les 
mêmes  rimes  ,  défaut  que  Rabelais 
a  tourné  en  ridicule  dans  le  chap. 
liv  de  son  Gargantua.  Outre  la 
traduction  du  roman  de  la  Rose, 
dont  on  a  parlé  à  l'art.  Jean  de 
Meung  ,  on  a  de  Molinet  :  I.  Les 
Faits  et  Dits,  contenant  plu  ieurs 
beaux  traictés ,  oraisons  et  chants 
royaux ,  etc.,  Paris,  i53i  ,  in-fol.; 
ibid. ,  1 537  ,  in-8". ,  et  1 :>4o  ,  même 
format  ;  ces  trois  éditions  sont  rares 
et  recherchées.  C'est  de  ce  recueil 
qu'on  a  extrait  les  poésies  diverses 
de  Molinet,  imprimées  à  la  suite  de 
la  Légende  de  maître  Pierre  F  ai  feu 
(  V.  Bourdigivé,  V,  3G3  ).  L'abbé 
(ioujet  a  donné  une  !n.m:e  analyse 
des  ouvrages  de  cet  écrivain  ,  dans  la 
Bibliothèque  francaie ,  t.  x,  T-17. 
De  toutes  ses  productions  la  plus  en- 
rieuse  est  sans  contredit  :  la  Hecol- 
lection  des  Mciveilles  advemtt 
notre  temps ,  comment ■»•«•  par  Cli.ttc- 
lain  ,  et  continuée  par  son  disciple 
(fr.  Ci.  ati  i.  ain,  VIM,  ••:<).  H.  ^e 
Temple  de  Mais ,  dieu  des  bat.: 

Paris,  Petit  Laurent ,  s.  «1. ,  in-80., 

gOth.;  sans  nom  de  ville*  ! 

in- 16  ,  gOthi,  de  îG  pag.  Cette  pièce 

SU. , 


:3-4 


MOL 


a  été  réimprimée  dans  les  Faits  et 
Dits  ,  cte.  La  dernière  stance  nous 
apprend  que  Molinet  avait  éprouve 
de  grandes  pertes  par  les  guerres 
qui  désolèrent  les  Pays-Bas,  vers  la 
fin  du  quinzième  siècle ,  et  qu'il  ne 
put  recouvrer  les  sommes  qu'on  lui 
avait  enlevées.  III.  Le  Calendrier 
mis  par  petits  vers  ,  s.  d. ,  in-8°.  , 
insère'  dans  les  Faits  et  Dits.  C'est 
une  face'tie  ,  dans  laquelle  on  trou- 
ve quelques  traits  assez  plaisants. 
IV.  Moralité  intitulée  :  Vigile  des 
morts ,  mise  en  rimes  françaises  )  et 
par  personaiges  ,  Paris ,  Jean  Jehan- 
not,  s.  d.  j  in-16  ,  go  th.  ;  pièce  très- 
rare.  V.  Histoire  du  rond  et  du 
quarré ,  à  cinq  personaiges  ,  assa- 
voir :  ie  rond  ,  le  quarré  ,  honneur  , 
vertu  et  bonne  renommée ,  où  sont 
contenues  plusieurs  choses  singu- 
lières touchant  le  saint-sacrement  de 
l'autel;  plus  la  plainte  de  Constanti- 
nople ,  le  tout  en  rimes  ,  imprimé 
par  Ant.  Blanchard ,  sans  nom  de 
lieu  et  sans  date.  Cette  pièce,  citée  par 
Duverdier ,  ne  peut  être  que  de  la 
plus  grande  rareté ,  puisqu'elle  a  été 
inconnue  à  tous  les  autres  bibliogra- 
phes. Molinet  a  laissé  en  manuscrit  : 
\] Art  de  rimer  ,  conservé  à  la  bi- 
blioth.  du  Roi ,  sous  le  n°.  1 1 88 ;  et 
une  Chronique,  de  l'an  i474  à  i5o4, 
dont  on  connaissait  plusieurs  copies 
dans  les  Pays-Bas.  Jean  Godefroy, 
archiviste  de  la  chambre  des  comptes 
de  Lille  ,  en  possédait  un  exemplaire 
en  *2  vol.  in- fol. ,  avec  un  supplément 
jusqu'en  1 5o6  ;  et  il  se  proposait  de 
publier  cet  ouvrage,  qu'il  regardait 
comme  une  bonne  suite  aux  Mé- 
moires de  Comines  ;  mais  sa  mort 
priva  le  public  de  ce  travail.  Dès 
1610,  Aubert  Lemirc  avait  eu  l'in- 
tention de  faire  imprimer  un  Extrait 
de  la  Chronique  de  Molinet  ;  son 
manuscrit  autographe  ,    revêtu   de 


MOL 

l'approbation  du  censeur ,  est  indi*- 

qué  dans  le  Catalogue  de  La  Serna 

Santander,  sous  le  n°.  3053.  W — s. 

MOLINET  (  Claude  du  ).  F.  Du- 

MOLINET. 

MOLINEUX.  r.MoLYNEux. 

MOLINIER  (  Guillaume  )brilla, 
dans  le  quatorzième  siècle  ,  comme 
chancelier  de  l'association  de  trou- 
badours toulousains  qui  ,  sous  le 
nom  de  Collège  du  gai  savoir ,  fut 
l'origine  de  l'académie  des  jeux  flo- 
raux (  V.  Camo  et  Clémence).  Com- 
posée de  sept  poètes  qui  prenaient 
individuellement  le  titre  de  Main- 
teneurs  du  gai  savoir ,  et  s'appe- 
laient collectivement  le  Gai  consis- 
toire, cette  compagnie  affectait  les 
formes  des  universités  ,  dissertait 
périodiquement  sur  la  matière  des 
belles -lettres  ,  et  se  recrutait  de 
bacheliers  et  de  docteurs  ?  après 
leur  avoir  fait  subir  un  examen  sur 
les  Leys  cl 'anwrs,  synonyme  des  rè- 
gles de  la  poésie ,  dans  la  langue 
romane.  Les  mainteneurs  appor- 
taient une  loyauté  scrupuleuse  dans 
le  jugement  des  compositions  pro- 
duites au  concours ,  au  point  d'ex- 
clure les  femmes  que  l'élévation  de 
leur  rang  ,  et  leur  grande  réputation 
d'esprit  et  de  vertu,  ne  mettaient  pas 
à  l'abri  du  soupçon  d'avoir  emprunté 
le  secours  d'une  main  plus  exercée. 
Cependant  le  gai  consistoire  sentit 
la  nécessité  de  propager,  par  des 
moyens  moins  bornés  ,  les  tradi- 
tions de  goût  qui  dirigeaient  ses  mem- 
bres. Molmier,  qui  ne  faisait  point 
partie  intégrante  de  ce  corps  ,  mais 
qui  ,  par  un  long  exercice  de  ses 
fonctions  de  chancelier ,  et  par  l'é- 
terfdue  de  ses  lumières,  y  avait  ac- 
quis une  autorité  prépondérante ,  fut 
chargé,  en  1348,  de  préparer  une 
Poétique  ,  dont  il  devait  soumettre 
les  difficultés  aux  mainteneurs  assem- 


MOL 

ble's.  Le  vieux  chancelier  fondit  dans 
sa  rédaction  les  observations  du  gai 
consistoire  -y  et ,  pour  perfectionner 
son  travail,  il  recueillit  les  conseils 
de  deux  commissions,  l'une  de  cinq 
membres,  l'autre  de  onze  ,  dans  les- 
quelles figuraient  encore  les  mainte- 
neurs.  Enfin,  cet  important  ouvrage, 
médité  avec  lenteur ,  et  rédigé  à  deux 
reprises  ,  fut  en  état  de  voir  le  jour 
en  i35G.  Les  sept  poètes  L'approu- 
vèrent, et  en  envoyèrent  des  copies, 
non  seulement  aux  lettrés  ,  mais  aux 
princes  et  grands  seigneurs  ,  dans 
tous  les  pays  où.  la  langue  romane 
était  cultivée.  Cet  effort  pour  multi- 
plier l'instruction,  un  siècle  avant 
la  découverte  de  L'imprimerie,  ne 
demeura  pas  infructueux  :  en  1 388  , 
Jean  ,  roi  d'Aragon  ,   voulut  fon- 


der 


dans    ses    états  ,    une 


école  de  gaie  science.  Pour  y  par- 
venir ,  il  demanda  des  poètes  de  la 
langue  d'Oc  au  roi  de  France,  Char- 
les VI; -et  deux  académiciens  de 
Toulouse  portèrent  leurs  talents  à 
Barcelone,  d'où  ils  envoyèrent  une 
colonie  littéraire  à  Tortose.  Le  pre- 
mier de  ces  établissements  commen- 
çant à  déchoir,  Ferdinand  le  Catho- 
lique en  confia  la  direction  au  mar- 
quis lie  Villena,  qui,  pour  ranimer 
les  bonnes  éludes  ,  fit  paraître  son 
livre  de  la  Gaie  science ,  dont  Gré- 
goire de  Mayans  a  publié  des  frag- 
ments. La  Poétique,  pu 
d'amors,  rédigée  par  Moliniei 
un  monument  tout  ;  pré- 

cieux pour  constater  l'état  de  la  lilté- 
ratm  lu  quatorzième  si 

Deux  .  conservés  par  I 

déni:'  ux,  contiennent 

la  p  et  la  rédaction 

Les  règles 
générales  dion  ,   les 

petits  poè- 
epoque ,  y 


MOL  325 

sont  déduites  avec  ordre ,  détail  et 
netteté  ;  on  y  trouve  une  sévérité 
remarquable  sur  les  hiatus  ,  au  sujet 
desquels  on  ne  se  montrait  pas  scru- 
puleux au  temps,  bien  postérieur,  de 
Marot.  Une  Grammaire  et  un  Traité 
étendu  des  figures  de  rhétorique  eora- 

Slètent  cette  production.  L'érudition 
ont  elle  est  remplie  ne  nuit  pas  trop 
à  la  clarté.  Des  détails  qui  décèlent 
un  homme  versé  dans  la  connais- 
sance du  droit ,  font  reconnaître  la 
main  d'un  jurisconsulte  de  profes- 
sion ,  le  plus  éclairé  des  collabora- 
teurs de  Mobilier,  qui  en  a  enveloppé 
le  nom  dans  une  équivoque  latine 
devenue  inintelligible.  Les  Leys*à'a- 
mors  sont  en  prose  ,  mêlée  de  quel- 
ques vers  :  M.  Raynouard  en  a  pu- 
blié le  commencement  dans  sa  Gram- 
maire P,omane.  Ce  morceau  peut 
donner  une  idée  du  style  de  Mobilier, 
qui,  d'ailleurs,  abonde  en  jeux  de 
mots  ,  et  surtout  en  comparaisons 
et  en  métaphores.  On  attend  la  pu- 
blication du  texte  de  cette  Poétique , 
avec  la  traduction  en  regard  ,  par 
MM.  d'Escouloubre  et  d'Àguilar, 
académiciens  des  jeux  floraux. 

F_T. 

MOLINIER  (  Etienne  ),  prédica- 
teur, né  à  Toulouse  ,  vers  la  fin  du 
seizième  siècle  ,  y  exerça  qu< 
temps  la  profession  d'avocat,  puis 
entra  dans  l'état  ecclésiastique,  et  se 
fit  nu  nom  dans  la  chaire  ;  ce  fut  lui 
qui  porta  la  parole,  au  sacre  de  Louis 
XIII  ,  le  l]  octobre  i(J  i  o  :  son  dis-  I 
cours  ,  imprimé  sous  le  nom  de  Pa- 
négfi:  noyé  dans  de  longs 

détails  sur  l'origine  de  la  cérémonie 
qui  y  avait  donné  lieu.  Mobilier  cul- 
tivait aussi  ia  poésie;  et  il  e'tail  parti- 
culièrement lie'  avec  M11'-,  de  (iour- 
nay  ,  la  fille  d'alliance  de  Montaigne. 
Jl  mourut  en  i65o  ,  pourvu  dune 
cure  dans  sa  pn>\  ince,  f  <iu- 


SiG 


MOL 


vragcs,  nous  mentionnerons  :  I.  Des 
Sonnons  pour  tous  les  dimanches  de 
l'anr.r'c,  Toulouse,  iG3i,  2VoLin-8°, 
II.  Idem  ,  pour  le  Carême  ,  Lyon  , 
iG5o,  i  vol.  in-8°.lll.  Vomies  Fêtes 
des  saints.  Douai,  i65sî  ,  3  vol. 
in-8°.  IV.  Vour  Y  Octave  du  Saint- 
Sacrement,  Toulouse,  1640,  in-8°. 
V.  Sur  le  mystère  de  la  Croix,  ibid. , 
i643,  in-8°.  On  trouve,  à  la  fin, 
une  Oraison  funèbre  du  garde-des- 
sceaux  Duvair.  VI.  Panégyrique  de 
saint  Louis ,  Paris,  16 18,  in- 12. 
VII.  Panégyrique  de  saint  Thomas, 
archevêque  de  Canterbury.  VIII. 
Œuvres  mêlées ,  Toulouse,  i65i  , 
in-8°.  Ce  volume  se  compose,  en 
grande  partie ,  du  panégyrique  de 
Louis  XIII  ,  d'un  plaidoyer  pour  la 
préséance  des  avocats  sur  les  méde- 
cins ,  et  de  quatre  discours  acadé- 
miques. F T. 

MOL1NIER  (  Jean-Baptiste  )  , 
prédicateur  comme  le  précèdent,  né' 
à  Arles,  en  167.5  ,  d'un  va!et-dc- 
chambre  de  l'archevêque  François 
deGrignau,  étudia  cliezlesOratoriens 
de  Pézenas  ,  et,  en  1700 ,  entra  dans 
cette  congrégation ,  après  avoir  porté 
quelque  temps  l'habit  militaire.  Il 
passa  des  travaux  c!e  l'enseignement 
à  ceux  de  la  chaire  ,  et  prêcha  avec 
succès  à  Grenoble ,  à  Aix  ,  à  Tou- 
louse ,  à  Lyon  ,  à  Orléans  et  à  Paris. 
Massillon  ,  frappé  de  Fé<  lat  et  de 
l'inégalité  de  son  talent,  lui  exprima 
son  étonncmciit  :  «  Il  ne  lient  qu'à 
•»  vous  ,  Fui  dit-il  -  d'être  ie  predica- 
■n  teurdu  peuple  ou  ceiui  des  grands.  » 
Molinier  quitta  l'Oratoire,  en  1720, 
et  se  retira  au  diocèse  de  Sens  ; 
3nais  il  fut  ramené  à  Paris ,  par  le 
désir  de  reparaître  dans  la  chaire. 
L'archevêque  de  Paris  ,  Vinlimilic, 
lui  ayant  interdit  la  prédication ,  il 
ne  s'occupa  plus  que  de  la  révision 
des  sermons  qu'il  avait  prononcés.  H 


MOL 

mourut  à  Paris,  le  i5  mars  174^ 
On  a  de  lui  :  I.  Des  Sermons ,  1 730 
et  années  suivantes,  14  vol.  in-12  , 
dont  3  de  Panégyriques,  et  1  de  Dis- 
cours sur  la  vérité  de  la  religion  chré- 
tienne. Un  style  vif,  mais  peu  cor- 
rect,  un  ton  véhément,  de  riches 
images,  attestent  le  génie  oratoire  de 
Molinier:  malheureusement  il  tombe 
à  chaque  instant  dans  les  répétitions 
et  dans  un  langage  prolixe,  bas  et 
parfois  bizarre.  Son  sermon  sur  le 
Ciel  passe  pour  son  chef-d'œuvre; 
on  peut  le  comparer  avec  la  compo- 
sition d'un  autre  orateur  méridional , 
l'abbé  Poulie,  qui  a  traité  le  même 
sujiet.II.  Une  traduction àesPidumes, 
avec  le  latin,  et  des  notes  littérales  et 
morales  ,  in-12.  III.  Une  traduction 
de  Y  Imitation  de  J.-C,  17^5,  in- 1  2, 
et  1 730,  in- 18.  IV.  Extrait  s  de  î'His- 
foire  ecclésiastique  de  Fleury,  sur 
V  Jvianisme ,  avec  une  préface  tliéo- 
logique,  1718,  in-e4°.  Cette  préface 
ayant  essuyé  des  critiques  très-vives, 
l'auteur  en  retira  les  exemplaires.  V. 
Instructions  et  prières,  pour  soutenir 
les  aines  dans  les  voies  de  la  péni- 
tence,  17^4?  in-12.  VI.  Exercice 
du  pénitent .  avec  l'office  de  la  péni- 
tence ,  in- 18.  VII.  Prières  et  Pen- 
sées chrétiennes  ;  Cantiques  spiri- 
tuels ,  etc.  F — t. 

MOLINOS  (Michel),  théologien 
espagnol,  né  dans  le  diocèse  de  Sara* 
gocc  en  1 627  ,  alla  se  fixer  à  Rome, 
et  s'y  lit  une  réputation  de  piété  et 
de  talent  pour  diriger  les  consciences. 
Il  publia,  dans  celte  ville,  en  1673, 
avec  l'approbation  de  cinq  docteurs, 
un  livre  qu'il  intitula  La  Guide  spi- 
rituelle, et  dans  lequel  il  prétendait 
diriger  les  âmes  dans  le  chemin  de 
la  perfection.  Cet  ouvrage  parut  d'a- 
bord en  espagnol,  et  fut  ensuite  ini- 
primé  en  italien,  et  enfin  en  latin 
avec  l'approbation  de  l'archevêque 


MOL 

dePalcrme.  Si  l'on  jugeait  de  sa  doc- 
trine par  l'analyse  qu'en  donne  Du- 


pm 


dans   son  I/istoi  c  ecclésias- 


tique, il  ne  paraîtrait  point  offrir  les 
principes  monstrueux  attribues  à 
l'auteur;  on  y  voit  seulement  des  idées 
de  mysticité  fort  bizarres  et  qui  pou- 
vaient donner  lieu  à  des  conséquence  s 
fâcheuses.  Ce  furent  ces  conséquen- 
ces, et  ce  que  l'on  rapportait  des  en- 
tretiens particuliers  de  Molinos,  qui 
donnèrent  l'éveil  sur  son  livre.  Le 
père  Segneri ,  jésuite  italien ,  célèbre 
par  sa  pieté  et  ses  travaux,  écii\it 
contre  lui  :  d'un  autre  côté,  le  père 
Petrucci  et  Fr.  Malaval  soutinrent 
la  doctrine  de  La  Guida.  En  i685, 
Molinos  fut  arrêté,  et  conduit  dans 
les  prisons  de  l'inquisition  romaine  j 
l'inquisition  d'Espagne  condamna 
son  livre  la  même  année.  L'instruc- 
tion de  son  procès ,  à  Rome,  fit  con- 
naître, dit- on,  des  erreurs  plus  gra- 
ves qu'il  avait  enseiguées  dans  ses 
entreliens  particuliers,  et  des  écarts 
dans  sa  conduite  ;  plusieurs  person- 
nes furent  arrêtées  à  ce  sujet.  Le  i5 
février  1686,  le  cardinal  Cibo ,  se- 
crétaire d'état  du  pape  Innocent  XT, 
écrivit  une  circulaire  aux  évêques 
d'Italie,  pour  les  avertir  de  se  défier 
des  nouvelles  méthodes  d'oraison 
avec  lesquelles  on  cherchait  à  trom- 
per les  simples  :  on  signalait  dans 
cette  lettre  les  propositions  tirées  des 
livres  des  Quictistes,elà  chacune  des- 
quelles on  avait  joint  une  courte  ré- 
futation. Le  ^8  août  1687,  l'inqui- 
sition donna  un  décret  pour  condam- 
ner 08  propositions  dé  Molinos  , 
qui  y  est  qualifie  d'Enfant  déper- 
dition. On  obligea  Molinos  à  faire 
une  abjuration  publique  ;  ce  qui  eut 
lieu  le  3  septembre  suivant,  Le  19 
novembre  de  la  même  année,  Inno- 
cent XI  confirma  .  par  une  bulle,  le 
jugement  de  l'inquisition,  et  censura, 


MOL  327 

in  globo,  les  68  propositions.  Mo- 
linos mourut  en  prison,  le  29  rîéç. 
1  (>9<j  ,  étant  âge  Se  69  an 
la  Guide  spirituelle  ,  ii  avait  publié 
un  petit  traité  de  la  Communion  quo- 
tidienne, où  on  l'accuse  d'autoriser 
le  relâchement.  On  trouve,  dans 
l'édition  des  OEuvres  de  Fénéhm, 
chez  Lêpel,  à  Versailles  ,  tome  iv, 
une  analyse  judicieuse  de  la  doctrine 
de  Molinos;  et  la  différence  de  cette 
doctrine  avec  le  quiétisme  mitigé  de 
Mmc.  Guyon ,  et  le  système  plus 
adouci  encore  de  Fénélon  ,  y  est  ex- 
posée avec  autant  de  précision  que 
de  clarté.  Lé  même  volume  renferme 
une  Réfutation  des  soixante -huit 
propositions  de  Molinos,  par  l'ar- 
chevêque de  Cambrai.  Voyez  aussi 
les  Actes  de  la  condamnation  des 
quiétLtes,  dans  les  OËtivres  de  Bos- 
suet ,  édition  de  Versailles ,  tome 
xx  vu.  P — c — T. 

MOLLENDORF.   V.  Moellen- 

DORF. 

MOLLER  ou  MOELLER  (Henri), 
théologien  luthérien,  était  né,  vers 
i5si8,  à  Hambourg.  Sa  réputation 
le  fit  appeler  à  l'académie  de  Wit- 
temberg ,  où  il  professa  les  langues 
anciennes  et  l'hébreu  avec  beaucoup 
de  succès.  Ayant  refusé  de  signer  les 
articles  de  foi  dressés  par  le  synode 
deTorgau,  il  perdit  son  emploi,  et 
revint  dans  sa  ville  natale,  où  il 
mourut  le  26  novembre  1689.  C'é- 
tait nu  homme  très-savant  dans  les 
langues;  et  Mélanchthon  en  faisait 
on  cas  particulier.  On  a  de  lui  ,  des 
1  itnèntaires  en  latin,  sur  Isa  le, 
Maiarhie,  Osée  ,  et  sur  les  Psaumes 
de  David  :  son  Commentaire  sur  les 


.     DnpiQ  cl  d'Aviiunv  mettent  '«  date  de  la  m-'rt 
i.iM.ivi 
la  date  oiai-qu'e  <J..i.-,  HorérI  et  le»  autre»  dictiou- 
Dairei  historique»  ,  et  qdi  •  il  '<•  der- 

nier .il.t  ur  de  i  •  i>'l"".  >'i  <it^  ieê  /iuics  de  la  C0ii- 
damnation  dWi  Quiélisiêit 


3s8 


MOL 


Psaumes  a  été  imprime  au  moins 
deux  fois,  Wiltcmbcrg,  i573,  3  vol. 
in-8°.,  et  Genève,  iGo3,  in-fol.;  il 
v  a  ajouté  une  traduction  ,  dont  Bèzc 
s'est  servi  pour  faire  sa  paraphrase 
en  vers.  Suivant  Richard  Simon,  les 
Commentaires  de  Mol  1er  sont  diffus  , 
mais  écrits  d'un  style  net  et  clair. 
On  citera  encore  de  lui .  I.  Disserla- 
tio  in  cœnd  Domini.  1 1 .  Scholia  in 
omnes  prophetas.  III.  Adhorlatio  in 
cognoscendam  linguam  hebrœam, 
insérée  dans  le  tome  v  des  Decla- 
mationes  selectœ  de  Me'lanclithon, 
Wittemb.  ,  1 590 ,  in  -  8°.  IV.  Des 
Vers  latins ,  dans  le  tome  iv  des  De- 
liciœ  poèlar.  garni  anor.     W — s. 

MOLLER  (Daniel-Guillaume)  , 
l'un  des  -plus  savants  et  des  plus  la- 
borieux philologues  allemands  ,  au- 
rait mérite  une  place  parmi  les  e'rn- 
dits  précoces.  Né  en  1642  ,  à  Pres- 
bourg ,  de  parents  protestants ,  il 
acheva  son  cours  de  philosophie  à 
dix-huit  ans ,  et  visita  les  principales 
villes  d'Allemagne ,  dans  l'unique  but 
d'acquérir  de  nouvelles  connaissan- 
ces. S'étant  arrêté  à  Wittemberg  ,  il 
y  suivit  les  leçons  de  théologie  et  de 
médecine  ,  et  s'appliqua  en  même 
temps  à  l'étude  des  langues  orien- 
tales ,  dans  lesquelles  il  fit  de  rapides 
progrès.  Il  parcourut  ensuite  la 
Prusse  ,  la  Pologne  ,  l'Angleterre  , 
la  Hollande  ,  et ,  remontant  les  bords 
du  Rhin  ,  arriva  à  Strasbourg  ,  où 
il  acheva  son  cours  de  théologie. 
S'étant  chargé  de  surveiller  l'éduca- 
tion des  fils  du  gouverneur  de  Col- 
mar,  il  employa  ses  loisirs  à  étu- 
dier l'alchimie  ,  science  qui  comp- 
tait alors  de  nombreux  partisans  ,  et 
profita  du  voisinage  de  la  Suisse 
pour  voir  un  pays  qui  lui  offrait  tant 
de  sujets  d'observations.  Il  aban- 
donna son  emploi ,  dans  la  vue  de 
satisfaire  plus  librement  sa  curiosité, 


MOL 

visita  à  pied  les  différentes  provinces 
de  France ,  séjourna  quelque  temps  à. 
Paris ,  et  de  là  se  rendit  à  Rome  afin 
d'assister  au  couronnement  du  pape 
Alexandre  VII.  Il  était  de  retour  à 
Presbourg  en  1670,  et  il  fut  nommé, 
l'année  suivante  ,  sous  -  recteur  du 
collège  de  cette  ville.  Ayant  été  dé- 
puté vers  l'empereur  pour  demander 
la  conservation  des  privilèges  dont 
jouissaient  les  protestants  de  Hon- 
grie ,  la  liberté  avec  laquelle  il  ré- 
clama les  droits  de  ses  coreligion- 
naires ,  déplut  aux  ministres;  et  il 
reçut  l'avis  de  s'éloigner  au  plutôt , 
s'il  ne  voulait  être  arrêté.  Il  revint 
promptement  à  Presbourg  régler  ses 
affaires  ,  et  choisit  pour  asile  Nu- 
remberg, où  il  fut  accueilli  avec  dis- 
tinction. Il  fut  nommé,  en  1674,  à 
la  chaire  de  métaphysique  et  d'his- 
toire de  l'université  d'Altdorf  •  et 
l'on  joignit  bientôt  à  cette  place  celle 
de  bibliothécaire.  Il  remplit  ces  dif- 
férentes fonctions  avec  beaucoup  de 
zèle,  et  mourut  le  25  février  17 12. 
Il  était  membre  des  académies  de 
THistoire  de  l'empire ,  des  Curieux 
de  la  nature  et  des  Fdcovrati.  On  a 
de  lui  un  très-grand  nombre  d'ou- 
vrages, mais  peu  volumineux;  la 
plupart  ne  sont  que  des  thèses  ,  des 
programmes  et  des  dissertations.  Ni- 
cèron  rapporte  les  titres  de  tG4  , 
dans  le  tome  xn  de  ses  Mémoires. 
Nous  nous  bornerons  à  indiquer  les 
principaux:  I.  Oratio  de  confusions 
linguarum  Babylonicd ,  Wittem- 
berg ,  1662,  in-4°.  Il  n'avait  que 
vingt  ans  quand  il  prononça  cette 
harangue,  qui  est  fort  savante.  II. 
Meditatio  de  insectis  quibusdam 
Hwigaricis  prodigiosis  ex  aère  unà 
cum  nive  in  a  gros  delapsis,  Franc- 
fort, 1673,  in-12.  III.  Curriculam 
po'êticum  ,  Altdorf,  1 67 4;  Mens a 
poétisa ,  ibid.,  1678,  in-12  ?  deux 


MOL 

recueils  des  poésies  que  l'auteur  avait 
composée*  dans  sa  jeunesse.  I\  .  Pro- 

muls.is  arlisheraUlicœ,  ibid.,  1681, 
in-4°-  Cette  dissertation  contient  des 
recherches  sur  les  principaux  écri- 
vains qui  se   sent  occupes  de  l'art 
héraldique.  V<  Indiculus  mediooruni 
)gorum  ex  Germanid  oriun- 
ilorum,  ibid. ,  1691 ,  in-4°.  VI.  De 
tjpographid,  ibid.,  1692,  in -4°. 
Cette  courte  dissertation  a  été  n 
primée  à  la  suite  de  la  Fie  de  Jean 
Luft,  en  allem. ,  par  Zeltner  ,  Nu- 
erg,  17-27  ,  et  dans  les  Monu- 
menta  typographica ,  par  J.  Chr. 
Wolf ,  tom.  11,  p.  607-14.  VII.  Dis- 
sertatio  de  opsimathid ,  ibid. ,  1 69 \  , 
.  Elle  traite  de  l'utilité  des  bi- 
bliothèques, et  des  services  qu'on  en 
peut  retirer.  VIII.  De  scjtald  La- 
vedœmoniomm ,  ibid. ,  169 J  5  in- 4°. 
Ce  sont  des  recherches  sur  les  moyens 
employés    par  les  anciens    ,     pour 
communiquer  secrètement.  IX.  De 
technophjsiotamis  ,    ibid.,    1704, 
în-4°.  Cette  dissertation  ,  très-inté- 
ressante ,  contient  des  recherches  sur 
les  cabinets  d'histoire  naturelle  et  de 
curiosités  ,  et  leur  utilité  ,  avec  des 
observations  sur  les  devoirs  de  ceux 
»ut  chargés  de  leur  conserva- 
reimprimëc   par 
koeller,  dans  II  pliq.  scrip- 

for.  de  benè  on 

hiblloth.    (    F.  \\{  , 

.  )   X.  Cinquante  ations 

)uinte-Curcc ,  Gornelius-Ncpos , 
Florus,  Justin,  Sui  I 
etc. ,  et  les  principaux  lus- 
yen  âge.   Dan.  Czvit- 
linger  a  rassemblé  une  feule  de  dé- 
la  vie  et  les 
ouvr  '• 

peut  consulter  illem. 

ïïungar.yU,  6  Wiil,  Dic- 

tionnaire à 


MOL 


329 


640-6  J9  ?  et  Klein ,  Notice  des  pas- 
leurs  hongrois.  W — s. 

MOLLER  (Jean),  célèbre  phi- 
lologue, né  en  16Ô1,  à  Fiensbourg, 
dans  le  duché  de  Sleswig,  était  fils 
d'Olaiis    Moller  ,  pasteur  de    cette 
ville.  Il  fréquenta  successivement  les 
universités  de  Kiel ,  de  Iéna  et  de 
Leipzig,   et  fit  de  grands   progrès 
la  théologie,  la  philosophie  et 
la  littérature.  Ses  études  terminées, 
il  alla   visiter  les  bibliothèques  de 
Hambourg  et  de  Copenhague,  et  eu 
tira  un  grand  nombre  de  pièces  iné- 
dites, et  de  notes  relatives  à  l'his- 
toire  littéraire  des  pays  du  Nord. 
Ayant  reçu  une  vocation  pour  l'é- 
glise de  Fiensbourg ,  il  la  refusa,  pré- 
férant suivre  la  carrière  de  l'ensei- 
gnement,  à    laquelle  il    se    croyait 
plus   d'aptitude.  IL  fut  nommé,  en 
168.),  régent  au  collège  de  sa 
natale-  il  en  devint  co-rcctcur  ,  en 
1 690 ,  et  recteur  ,  en  1 7  0 1 .  (  ' 
le  dernier  terme  de  son  ambition  ; 
car  il  ne  voulut  accepter,   ni   les 
chaires  émineutes  qu'on   lui    offrit 
dans  les  principales  universités  d'Al- 
lemagne ,  ni  la  place  de  conserva- 
teur de  la  bibliothèque  d'Oxford  , 
avec  j<>o  'iv.  sterl.  d'appointements. 
Son  modique  revenu  suffisait  à 
besoins;  et  il  n'avait  d'autre  plaisir 
que  de  rassembler  et  de  incii 
ord  re  des  mater  ;  il  1110. 

nument  qu'il  se  proposait  d'él 
à  la  gloire  de  son  pays.  Il  suppor- 
ta avec  résignation  les   infirmités  , 
suite  de  sa  vie  sédentaire  et 
occupée,  et  mourut  le  20  octobre 
>.  On  a  de  lui  :  ï.  Prodr* 
■//>  Uttera 
.  C'est  le  plan  de  IV 
quel  il  travailla  pcndanl 
ans,  ei  qu'il  n\  ut]  as  la 
de  terminer.   II.  / 
riam  Ch 


33o 


MOL 


bourg,  1691 ,  iu-8°.  On  y  trouve 
l'indication  de  tous  les  ouvrages  qui 
avaient  paru  sur  l'histoire  du  Dane- 
mark et  des  pays  voisins.  III.  Ho- 
monymoscovia  hisloriço-philologi- 
co-crilica,  ibid. ,  1697,  lQ-8°«  ^a 
ressemblance  des  noms  est  la  princi- 
pale source  des  erreurs  qui  se  glis- 
sent dans  l'histoire  littéraire  :  Molicr 
en  a  relevé  un  grand  nombre  dans 
cet  ouvrage  vraiment  utiie(  V.  \eVic- 
îionn.  de  Bayle,  art.  Demetrius  , 
note  B  ).  IV.  Bibliotheca  septentrio- 
ms  erudili,  ibid. ,  1699,  in -8°.,  1 
part.  11  a  réuni  sous  ce  titre  l'ouvra- 
ge d'Alb.  Bartholin  :  De  scriptis  Da- 
norum  {V.  Bartholin,  111,  4^0? 
celui  de  J.  Scheffer  :  Sueci a  litter ci- 
ta, et  Vlsagogj  ad  hisloriam,  ci- 
te'epkïs  haut,  avec  des  notes  et  des 
additions  importantes.  V.  Diatribe 
de  llelmoldo  presbytevo ,  hislorico 
sœculixii  ineditOy  Lubeck,  1  702,  in- 
4°.  VI.  Une  bonne  e'dition  du  Poly- 
histor(J/'.  Morhof).  Mais  l'ouvrage 
le  plus  considérable  de  Molier,  et 
celui  qui  a  mis  le  sceau  à  sa  réputa- 
tion ,  est  le  suivant  :  VIL  Cimbria 
îilterata  seu  historia  scriptoriim 
ducdtûs  uiriusque  Sleswicensis  et 
Hblsatici,  quibus  Lube censés  et 
II ambur penses  aecensenfur,  Copen- 
hague, 1 744  ^  3  vol.  in -fol.  La 
première  partie  comprend  les  vies 
de  plus  de  deux  mille  écrivains  nés 
dans  le  Danemark  ou  dans  les  pays 
voisins;  la  seconde,  celle  des  auteurs 
étrangers  qui  s'y  sont  établis,  ou  qui 
y  ont  fait  un  long  séjour;  et  la  troi- 
sième, les  vies  que  Molier  n'a  pas 
cm  devoir  faire  entrer  dans  les  deux 
premières  classes,  à  raison  de  leur 
étendue.  Cet  ouvrage  n'est  pas  exempt 
d'erreurs;  mais,  tel  qu'il  est,  il  prou- 
ve une  immense  érudition  et  une  p  1- 
tience  infatigable.  Les  deux  fils  de 
flcr;  Bernard  et  Cflaus  -  Heur  , 


MOL 

ont  publie'  sa  Vie  en  latin ,  Slcswig, 
1734,  in-4°.  —  Olaiis -Henri  Mol- 
lir, né  à  Flensbourg  en  17  i5,  fut 
nommé  en  17/ij,  professeur  hono- 
raire d'histoire  littéraire  à  Copenha- 
gue, et  devint,  en  1749,  recteur 
dans  sa  vile  natale,  où  il  mourut  le 
5  avril  179G.  Outre  la  vie  de  Jean  , 
on  a  de  lui  un  grand  nombre  de  tables 
généalogiques,  et  des  notices  histo- 
riques sur  Flensbourg  et  sur  d'autres 
villes,  etc.  du  duché  de  SIeswig,  et 
sur  divers  points  de  l'histoire  de  Da- 
nemark Il  fut  le  rédacteur  de  la  Bi- 
bliothèque danoise  (en  allemand), 
depuis  le  4e.  cahier  jusqu'au  9e. 
(Copenhague,  17 43-49 >  in-8°.)Les 
trois  premiers  sont  dus  à  L.  Harboe 
et  à  Jacq.  Langebek.  W — s. 

MOLLET  (  Claude  ) ,  premier 
jardinier  de  Henri  IV «et  de  Louis 
XIII,  se  distingua  par  son  goût  et 
ses  connaissances  dans  son  art.  On 
ignore  l'époque  de  sa  naissance  ,  et 
le  genre  d'éducation  qu'il  reçut  ; 
mais  les  travaux  qu'il  a  exécutés 
pendant  sa  vie  ,  les  découvertes  qu'il 
a  faites,  et  les  principes  qu'il  a  con- 
signés dans  son  ouvrage,  lui  assi- 
gnent, dans  la  culture  des  jardins ,  le 
même  rang  qu'Olivier  de  Serres  oc- 
cupe parmi  nous  dans  la  culture  des 
champs.  Henri  IV,  l'ayant  nommé 
son  premier  jardinier  ,  s  ît  appré- 
cier son  mérite.  Ce  prince  suivait 
avec,  intérêt  les  travaux  et  les  embel- 
lissements que  Mollet  exécutait  dans 
ses  différentes  maisons.  Il  s'entrete- 
nait familièrement  avec  lui.  Ce  fut 
par  ses  ordres  que  plusieurs  milliers 
d'arbres  fruitiers  furent  plantés  à 
cette  époque  dans  les  jardins  de  Fon- 
tainebleau. Mollet  introduisit,  dans 
ce  lieu  et  dans  d'autres  maisons  roya- 
les, bien  des  plantes  qui  y  étaient 
inconnues  auparavant;  telles  que  les 
pins }  les  pais  sans  parchemin ,  etc. 


MOT, 

îl  s'appliqua  aussi  à  tracer  des  jar- 
dins à  grands  compartiments,  et  à 
dessins  figures  ,  genre  d'ornement 
que  nous  avions  emprunte  aux  Ita- 
liens, et  qu'un  goût  plus  simple  et 
plus  réfléchi  a  heureusement  pros- 
crit dans  ces  derniers  temps.  C'est 
d'après  ces  principes ,  qu'il  traça ,  en 
i  5qj  ,  les  jardins  de  Saint-Germain, 
et  qu'il  tailla  les  cyprès  qu'il  avait 
plantes,  en  les  soumettant  aux  for- 
mes de  l'architecture.  Ces  arbres 
ayant  pe'ri  par  le  froid  rigoureux  de 
1608,  il  les  remplaça  par  le  buis. 
Mollet  recueillait  avec  soin  toutes 
les  plantes  nouvelles  qu'il  pouvait 
se  procurer,  soit  comme  ornement, 
soit  comme  objet  d'utilité.  Il  culti- 
vait une  grande  quantité  d'herbes 
médicinales.  Il  allait  visiter  les  jar- 
dins les  plus  célèbres  de  celte  épo- 
que, et  il  obtenait,  par  des  échan- 
ges ,  les  plantes  les  plus  remarqua- 
bles. Après  avoir  été  le  créateur  des 
parterres  à  compartiments  ,  vers 
l'année  i58'2,  et  avoir  ordonné  un 
assez  grand  nombre  de  jardins 
d'après  ce  système,  il  fut  chargé, 
en  1608,  de  faire  des  plantations 
dans  le  jardin  des  Tuileries.  Mollet 
vécut  encore  quelques  années,  re- 
cherché et  considéré  par  les  per- 
sonnes de  distinction.  Ses  deux  bis, 
André  et  Noël  Mollet,  firent  pa- 
raître après  sa  mort  son  ouvrage  in- 
titulé :  Théâtre  des  plans  et  jardi- 
nages ,  contenant  des  secrets  et  in- 
ventions incognus  à  tous  ceux  qui 
jusqu'à  présent  se  sont  meslés  d'é- 
l'i'ire  sur  cette  matière  ,  avec  un 
Traité  d'astrologie  ,  propre  pour 
toutes  sortes  de  personnes  ,  et  par- 
ticulièrement pour  cent:  qui  s'occu- 
pent à  la  culture  des  jardins,  par 
Claude  Mollet ,  Pai  il .  ch<  /  Charles 
de  Sercy,  in-/j°.,  ave<  •  -  planches 
de  dessins,  m\  1 .  .-Jac- 


MOL  33 1 

ques  et  Noël ,  fils  de  l'auteur,  ï652. 
Cet  ouvrage ,  où  l'on  trouve  la  in  été- 
réologie  appliquée  pour  la  première 
fois  aux  travaux  du  jardinage,  a  eu 
plusieurs  éditions.  La  seconde,  pu- 
bliée en  1660,  sous  le  titre  de  Théâ- 
tre du  jardinage ,  contenant  une 
méthode  facile,  etc. ,  celle  de  1676, 
ainsi  que  les  suivantes  ,  sont  infé- 
rieures à  la  première  sous  tous  les 
rapports.  L — ie. 

MOLYJSEUX(  Guillaume),  ma- 
thématicien irlandais ,  né  à  Dublin 
en  i656,  étudia  à  l'université  de 
cette  ville,  et  entra  ,  en  1675,  dans 
la  société  de  Middle-Temple ,  à  Lon- 
dres ,  non  dans  la  vue  de  s'attacher 
au  barreau  ,  mais  pour  ajouter  à  ses 
connaissances  celle  des  lois  de  son 
pays.  Les  mathématiques  ,  et  ce 
qu'on  appelait  alors  la  nouvelle  phi- 
losophie, mise  en  vogue  par  la  so- 
ciété royale,  avaient  captivé  tous 
goûts.  Il  épousa,  en  1678,  la 
fille  du  procureur  -  général  du  roi, 
en  Irlande.  Cette  femme  lui  apporta 
de  la  fortune;  mais  elle  n'en  jouit  pas 
long -temps  elle-même.  Une  mala- 
die lui  ravit  l'usage  de  ses  yeux ,  d'a- 
bord après  son  mariage,  et  elle  mou- 
rut au  bout  de  douze  ans ,  en  donnant 
le  jour  à  un  (ils.  En  i()83,  Molyneux. 
fonda  ,  à  Dublin  ,  sur  le  modèle  de  la 
société  royale  de  Londres,  une  so- 
ciété littéraire  dont  il  fut  le  premier 
secrétaire.  Le  duc  d'Ormond,  lord- 
lieutenant  en  Irlande,  le  nomma,  en 
i6$4j  conjointement  avec  sir  W. 
.-on  ,  ingénieur  en  chef  et  inten- 
dant général  des  bâtiments  de  S.  M.: 
la  société  royale  l'admit  dans  son 
sein,  en  i685.  H  publia,  en  1686, 
à  Dublin  ,  un  ouvrage  intitulé  Scio- 
thericum  telcscopium .  contenait  la 
description  de  la  structure  et  l'usage 
d'un  cadran  solaire  à  lunette  de  son 
invention.  Il  en  parut  une  autre  édi- 


33s  MOL 

tion  à  Londres,  en  1700 ,  in-4°.  La 
société  de  Dublin  fut  dissoute,  et 
ses  membres  disperses,  en  1G88, 
par  l'effet  des  desordres  civils.  En 
1689,  Molyneux  se  vit  contraint, 
ainsi  qu'un  grand  nombre  d'autres 
protestants,  d'aller  chercher  un  re- 
fuge en  Angleterre.  Il  vint  se  fixer 
à  Chester,  où,  aide  par  Flamsleecl, 
il  mit  la  dernière  main  à  son  traité 
de  Dioptrique.  Ce  traité ,  après  avoir 
été  revu  par  Halley,  parut  à  Lon- 
dres, eu  1692,  sous  le  titre  sui- 
vant :  Dioptrica  nova;  traité  de  Diop- 
trique en  deux  parties ,  où  sont 
expliqués  les  divers  effets  et  appa- 
rences des  verres  sphériques, tant  con- 
vexes que  concaves ,  simples  et  com- 
bines, dans  les  télescopes  et  les  micros- 
copes ,  avec  leur  usage  dans  les  dif- 
férentes circonstances  de  la  vie.  C'est 
le  premier  ouvrage  qui  ait  été  im- 
primé sur  ce  sujet  dans  la  langue  an- 
glaise ;  et  il  a  été  long- temps  le  ma- 
nuel des  opticiens.  On  y  voit  le  théo- 
rème célèbre  de  Halley,  pour  trouver 
les  foyers  des  verres  d'optique.  La 
tranquillité  étant  rétablie  en  Ir  - 
lande,  et  un  nouveau  parlement  s'y 
étant  formé  en  1G92,  Molyneux  y 
devint  un  des  représentants  delà  ville 
de  Dublin  :  il  représenta  l'université 
dansleparlemcntde  169.5,  et  jusqu'à 
sa  mort.  A  la  même  époque  ,  il  refusa 
la  place  lucrative  ,  mais  peu  tran- 
quille, de  commissaire  pour  les  biens 
confisqués,  qui  lui  fut  offerte  par  le 
lord -lieutenant.  L'oppression  dont 
le  gouvernement  anglais  accablait  les 
manufactures  de  laine  de  l'Irlande, 
lui  inspirale  désir  de  prouver  l'indé- 
pendance de  ce  royaume  ;  ce  qu' 
avec  beaucoup  de  talent  dans  un  ou- 
vrage qui  parut,  en  1698,  sons  ce 
titre  :  La  cause  de  l'Irlande  établie 
relativement  à  l'opinion  qu'elle  est 
liéepardes  actes  de  parlement  faits 


MOL 

en  Angleterre.  Cet  ouvrage  fut  réim- 
pi  imé  en  1 7^0 ,  in-8°. ,  avec  des  ad- 
ditions. Grand  admirateur  de  Locke, 
Molyneux,  quoique  infirme  et  souf- 
frant ,  fit  encore  une  fois ,  en  1 698 , 
le  voyage  d'Angleterre,  exprès  pour 
le  voir.  Mais  ce  voyage  abrégea  ses 
jours  ;  et  à  peine  fut-il  de  retour 
dans  ses  foyers,  qu'il  y  mourut,  le 
11  octobre  delà  même  année,  âgé 
de  f\i  ans.  On  trouve,  dans  les  Tran- 
sactions philosophiques,  plusieurs 
Mémoires  de  Molyneux.  —  Son  (ils , 
Samuel  Molyneux,  né  à  Chester 
en  1689,  et  qui  fut  élevé  d'après  la 
méthode  recommandée  par  Locke, 
hérita  du  goût  de  son  père  pour  les 
études  astronomiques ,  et  contribua 
comme  lui  aux  progrès  de  l'optique. 
Il  fut  secrétaire  du  prince  de  Galles 
(  George  II  ) ,  et  ensuite  commissai- 
re de  l'amirauté.  Ses  premiers  tra- 
vaux se  trouvèrent  interrompus  par 
ses  occupations  obligées  ,  mais  ne 
furent  pas  perdus  pour  la  science  :  il 
en  communiqua  le  résultat  au  doc- 
teur Robert  Smith,  qui  en  fit  usage 
dans  son  Traité  complet  d'optique. 
—  Thomas  Molyneux,  médecin, 
frère  de  Guillaume ,  a  aussi  laissé 
plusieurs  Mémoires  dans  les  Tran- 
sactions philosophiques.  Il  mourut 
le  19  octobre  i"j33.  L. 

MOLZA  (  François-Marte  ),  i'im 
des  meilleurs  poètes  de  son  siècle,, 
était  né  à  Modène,  le  18  juin  1 489 , 
d'une  famille  noble.  Il  avait  reçu  de 
la  nature  les  plus  heureuses  dispo- 
sitions; et  rien  ne  fut  négligé  pour 
les  développer.  Après  avoir  terminé 
ses  études  classiques,  il  alla  suivre  , 
à  Bologne,  les  leçons  de  Jas.  Mavno, 
célèbre  jurisconsulte;  et  de  là  ,  il  se 
rendit  à  Rome  ,  pour  se  perfection- 
ner dans  la  connaissance  des  langues 
par  la  fréquentation  des  savants. 
Quelques  pièces  de  vers ,  pleines  d'é- 


MOL 

4égance  et  de  facilite ,  lui  méritèrent 
bientôt  des  protecteurs  dans  une 
cour  où  tous  les  talents  étaient  ac- 
cueillis avec  empressement ;  mais 
son  goût  excessif  pour  les  plaisirs 
alarma  son  père,  qui  se  hâta  de  le 
rappeler  à  Modène.  Moka  joignait 
aux  dons  He  l'esprit  une  belle  ligu- 
re :  sa  naissance  et  sa  fortune  lui 
permettaient  de  prétendre  aux  meil- 
leurs partis.  Son  père  se  flatta  de 
le  ramener  à  une  conduite  plus  ré- 
gulière, en  lui  choisissant  une  épouse 
dont  les  grâces  et  la  douceur  sau- 
raient le  captiver.  Il  fut  marié  en 
i5i2;  et  les  premières  années  de 
son  union  furent  assez  heureuses  : 
lassé  enfin  d'une  vie  tranquille  et 
uniforme,  il  revint  à  Rome,  sous  le 
prétexte  de  hâter  la  conclusion  de 
quelques  procès ,  et  s'y  livra  de  nou- 
veau à  son  goût  effréné  pour  les 
plaisirs.  Quelques-unes  de  ses  intri- 
gues eurent  un  éclat  scandaleux; 
dans  une  querelle  avec  un  de  ses  ri- 
vaux, il  fut  provoqué  en  duel,  et 
reçut  un  coup  d'épée  qu'on  crut  mor- 
tel :  son  père  indigné  cessa  de  lui 
envoyer  de  l'argent,  et  finit  par  le 
déshériter.  Molza  trouva  une  com- 
pensation aux  chagrins  qu'il  s'était 
attirés,    dans    le  qu'eurent 

ses  poésies ,  et  dans  l'amitié  dont  les 
plus  illustres  personnages  lui  don- 
naient chaque  jo  preu- 
ves ;  mais  l'argent  qu'il  recevait  de 
ses  Mécènes:,  étail  aussitôt  dissipé, 
et  il  se  voyait  souvent  obligé  de  re- 
courir à  dès  emprunts.  II  suivit  une 
de  ses  maîtJ  ne,  et  elle 
etint  près  de  trois  ans.  11  était 
de  retour  à  Komc,  eu  i  5î5  :  il  fut 
témoin  de  la  pri  ,,•  ,|c  cettc 
ville,  en  i  ivante, 
il  fit  U  is  l'es- 
poir d'obtenir  ,! 
mille.  Ses  paie                         de  le 


MOL  333 

recevoir;  et  il  dut  chercher  uu  asile 
dans  une  campagne  voisine,  où  il 
resta  une  année  entière,  occupé  uni- 
quement de  la  culture  des  lettres. 
Ce  fut  à  cette  époque  qu'il  composa 
ses  élégies  latines  ,  qui ,  suivant  Ti- 
raboschi ,  le  placent  au  rang  des  plus 
heureux  imitateurs  de  Ti bulle.  Il 
fut  rappelé  à  Rome,  en  152g,  parle 
cardinal  de  Médicis;  et,  après  la  mort 
de  cet  illustre  protecteur,  il  passa  au 
service  du  cardinal  Farnèsc  :  mais 
les  bienfaits  dont  ils  le  comblèrent 
l'un  et  l'autre,  ne  purent  le  reti- 
rer de  l'état  misérable  où  il  avait 
presque  constamment  langui.  On 
voit,  par  une  de  ses  lettres  à  sa  fem- 
me ,  qu'il  manquait  de  linge  et  des 
vêlements  les  plus  indispensables; 
et  il  supplie  celle  même  femme  qu'il 
avait  si  indignement  abandonnée,  de 
lui  envoyer  quelques  légers  secours. 
Aux  embarras  de  la  pauvreté  se  joi- 
gnit bientôt  une  maladie,  suite  hon- 
teuse de  ses  débauches.  Il  se  fit  trans- 
porter à  Modène,  au  printemps  de 
l'année  i5{3,  pour  respirer  l'air 
natal  dont  les  médecins  attendaient 
sa  guérison  ;  mais  le  mal  n'en  conti- 
nua pas  moins  ses  ravages,  et  il  mou- 
rut, le  '.>8  février  i544i  âgé  de 
quarante-cinq  ans.  Alors  ou  oublia 
ses  vices  pour  ne  se  rappeler  que  ses 
qualités  aimables  et  ses  talents  ;  la 
mort  de  Molza  mit  eu  deuil  tout  le 
Parnasse  italien.  Une  médaille  fut 
frappée  en  son  honneur,  parles  soins 
de  Léonard  A  ré! in;  et  des  recueils  de 
vers  furent  publiés  à  sa  louange. Tous 
ses  contemporains  l'ont  comblé  d'é- 
loges*; Annibal  Gard,  Pirro  Ligoriôj 
le  comparent  à  Homère,  à  Virgile^ 
à  Platon,  et  d'au!  ces  on!  osé  dire  qu'il 
était  supérieur  h  ces  trois  grands 
hommes.  Les  poésies  de  Vïolza  .sont 
pleines  de  douceur  et  d' igrémcnl  ; 
tour-à-tour,  sérieux  et  badin ^  il  i 


334 


MOL 


MOL 


sit  également  dans  tous  les  genres, 
et  il  joint,  à  l'élégance  du  style ,  la  no- 
blesse des  pensées  et  la  vivacité  des 
images.  Ses  OEuvrcs  ont  été  r\  cueil- 
lies parPier.  Ant.  Serassi,  Bcrganie, 
1747-54,  3  vol.  in  8.;  et  l'esti- 
mable éditeur    les  a  fait    précéder 
d'une  Vie  de  Molza  .  remplie  de  dé- 
tails intéressants.  Celte  édition  ren- 
ferme des  rime ,  des  capitoli,  dans 
le  genre  auquel  Fr.  Berni  a  donné 
son  nom  (  V .  Fr.  Bkrjni  ) ,  des  nou- 
velles ,  des  'vers  latins ,  et  des  let- 
tres. La  plupart  des  pièces  rassem- 
blées par  Serassi ,  avaient  déjà  paru 
séparément,  ou  dans  des  recueils  de 
poésies  italiennes  ,  dont  les  éditions 
originales  sont  très-recherchées  des 
curieux.  Mais  on  conserve  dans  les 
bibliothèques  d'Italie  beaucoup  de 
morceaux  encore  inédits  de  Molza  , 
et    qui   figureraient  avec   avantage 
dans  une  réimpression  de  ses  œu- 
vres. Son  Capitolo  in  Iode  de'  fichi , 
a  été  publié  à  la  suite  des  Dialogues 
de  l'Arétin  :  cela  sufht  pour  faire 
juger  de  la  nature  de  l'ouvrage  ;  il  a 
été  imprimé  pour  la  première  fois  , 
en  1  53g  ,  in-40.,  avec  un  commen- 
taire d'Annibal  Garo  ,  caché  sous  le 
nom  d'Agresto  :    Comento   di  ser 
Agresto  daficaruolo  sopra  la  prima 
ficatadel  P.  Siceo.  Ce  dernier  nom 
est  celui  qu'avait  pris  Molza  dans 
l'académie  délia  Virtù.  Baylelui  a 
consacré  un  article  curieux.   Voy. 
aussi  la  Bibliot.  modenoe.  W — s. 

MOLZA  (Tarquinia),  petite-fille 
du  précédent,  lui  fut  supérieure,  non 
par  ses  poésies  ,  mais  par  l'étendue 
et  la  variété  de  ses  connaissances. 
Née  à  Modène,  le  iev.  novembre 
i54r-i,  elle  annonça, dès  sa  plus  ten- 
dre enfance ,  des  dispositions  dont 
son  père  favorisa  le  développement , 
en  confiant  son  éducation  aux  meil- 
leurs maîtres.  Elle  apprit  d'abord  le 


grec,  le  latin  et  l'hébreu,  et  se  ren- 
dit familiers  les  ouvragesdes  anciens; 
elie  étudia  aussi  la  philosophie,  les 
mathématiques  et  l'astronomie  ,  et 
cultiva  en  mêineteraps  les  arts  d'agré- 
ment. Tarquinia  épousa,  en  i56o, 
Paul  Porrino,  gentilhomme  de  Modè- 
ne, avec  qui  elle  vécut  près  de  vingt 
ans,  dans  une  parfaite  union.  Restée 
veuve sansenfants,  elle  fut  recherchée 
par    différents    partis    honorables; 
mais  elle   refusa  de  contracter  de 
nouveaux  engagements ,  afin  de  se 
livrer  à  sa  passion  pour  l'étude.  Des 
procès  que  lui  suscitèrent  les  parents 
de  son  mari,  troublèrent  sa  retraite; 
et  elle  se  vit  obligée  de  recourir  à  la 
protection  du  duc  de  Ferrare  ,  pour 
obtenir  justice.  L'accueil  qu'elle  re- 
çut de  ce  prince ,  et  les  bontés  de 
la  duchesse,  la  retinrent  à  la  cour  de 
Fenare,  dont  elle  fut  pendant  six 
ans  le  principal  ornement.  Sa  dou- 
ceur ,  sa  modestie  et  la  pureté  de  sa 
conduite,  ne  purent  la  mettre  à  l'abri 
des   attaques  de  la  calomnie.    Elle 
revint  à  Modène  ,  en  1 58g  ,  désabu- 
sée des  grandeurs  et  des  vanités  du 
monde.  La  réputation  dont  elle  jouis- 
sait ,  lui  mérita  un  honneur  jusqu'a- 
lors sans  exemple.  Un  décret  du  sé- 
nat (  du  8  décembre  1600  )  lui  con- 
féra le  titre  de  citoyenne  romaine, 
transmissible  à  perpétuité  aux  per- 
sonnes de  sa  famille.  Le  pape  et  les 
plus  illustres  prélats  la  pressèrent  de 
venir  se  fixer  à  Rome  ;   mais  elle 
s'excusa  sur  son  âge    et   ses  infir- 
mités ,  et  ne  voulut  point  sortir  de 
Modène,  où  elle  mourut,  le  8  août 
161 7,  à  soixante-quinze  ans.  Les  ou- 
vrages de  Tarquinia  ne  justifient  guè- 
re les  éloges  dont  elle  a  été  comblée 
par  le  Tasse,  Guarini  et  les  plus  il- 
lustres écrivains  de  son  temps.  Fr. 
Patrizi ,  qui  avait  enseigné  à  cette 
dame  les  éléments  de  la  philosophie 


MOL 

pla'onicienne,lui  a  dédie  ses  Disser- 
tationcs  peripaieiicœ  ;  et  d'autres 
auteurs  ont  suivi  cet  exemple.  On  a 
d'elle  la  Traducti  m  de  deux  dialo- 
gues de  Platon  (  le  Carnéade  et  le 
Criton),  des  Sonnets,  des  Madri- 
gaux et  des  Epigramites,  en  lat.  et 
en  itaî. ,  etc.  Toutes  ces  pièces  ont 
été'  publiées  dans  les  tora.  n  et  m  du 
recueil  des  OEuvres  de  l;r.  Mo'za , 
son  aïeul  (  F.  l'art,  précèdent  ).  On 
trouve,  dans  le  tome  n  ,  la  Fie  de 
cette  dame,  par  Dan.  Yandelli.  Son 
Eloge,  par  Pierre-Paul  de  Ribera  , 
chanoine  de  La  Iran /insère  dans  les 
Glorie  immortali,  a  été  traduit  en 
français  par  le  P.  Hilarionde  Coste; 
et  Bayle  en  a  rapporte  de  longs  frag- 
ments, à  l'art,  de  cette  dame.  On  peut 
encore  consultera  Bïbliot  .modenese 
de  Tiraboschi.  W — s. 

MOMORO  (Antoine-Fuançois), 
imprimeur,  né  à  Besançon,  en  i  -p(>, 
d'une  famille  obscure,  alla  jeune  à 
Paris  ,  et  fut  admis ,  au  mois  de  dé- 
cembre 1787,  dans  la  communauté 
des  libraires  de  cette  ville.  Il  épousa 
la  petite-nièce  de  Fournier,  artiste 
très-distingué  dans  la  gravure  des 
caractères  ,  et  montra  l'intention  de 
marcher  sur  ses  traces  ;  mais ,  ayant 
embrassé  avec  ardeur  les  principes 
de  la  révolution,  il  abandonna  son 
'atelier  pour  suivre  les  séances  dp  la 
société' des  Cordcliers,  à  laquelle  il 
se  fit  agréger  l'un  des  premiers.  Il  fut 
arrêté  au  mois  d'août  17Q!  ,  comme 
l'un  des  chefs  des  attroupements  qui 
avaient  eu  lieu  au  Ghamp-de-Mars, 
pour  forcer  l'Assemblée  naiioi 
pronom.' -r la  déchéance  «I"  'oi;  .'nais 
cette  affaire  n'eut  aucupesiute.  Ipr  s 
la  chute  du  tronc ,  il  fut  nommé 
membre  «le  la  ci  a  adminis- 

trative qui  itiii,  parlement 

de  Paris  ,  et  em 
pour  presser  les  nouveaux 


NOM  333 

bataillons.  Arrêté  à  Lisieux,  il  fut 
mis  en  liberté,  par  un  décret  delà 
Convention ,  et  se  hâta  de  revenir  à 
Paris.  Il  fut  envoyé  deux  fois,  en 
1-9'î,  dans  la  Vendée,  pour  sur- 
veiller les  opérations  des  généraux. 
A  son  retour,  il  se  lia  plus  particu- 
lièrement avec  Hébert,  Chaumette, 
etc.;  il  déclama  hautement  contre 
les  prêtres.,  qu'il  accusait  des  mal- 
heurs de  la  France,  et  provoqua 
contre  eux  les  mesures  les  plus  vio- 
lentes. Danton  et  Robespierre,  dont 
il  s'était  séparé,  le  firent  compren- 
dre dans  le  décret  d'accusation  lance' 
contre  Hébert  et  ses  partisans,  et  il 
fut  condamné  à  mort,  le  4  germinal 
an  n  ('^4  mars  1794),  à  l'âge  de 
trente  huit  ans  (  F.  Hlbert).  Mo- 
moro  s'intitulait  le  premier  impri- 
meur de  la  liberté.  C'était  un  homme 
d'une  exaltation  extraordinaire.  la 
loi  agraire  eut  en  lui  un  prédicateur 
forcené  :  il  accusait  le  retard  des 
poètes  à  propager,  par  l'influence  du 
théâtre,  ce  principe  d'une  rigoureuse 
égalité.  Sa  femme,  qu'il  traitait  as- 
sez durement,  était  bien  prise  dans 
sa  taille,  et  avait  de  la  fraîcheur. 
Dans  les  fêtes  décadaires  ,  il  la  fit 
monter  sur  le  piédestal  où,  pendant 
quelques  mois,  la  Raison  personni- 
fiée fut  offerte  aux  hommages  d'une 
superstition  nouvelle,  On  a  de  i\ïo- 
moro  :  I.  Epreuve  d 'une  parité  des 
caractères  de  sa  fonderie,  17H7, 
in-i().  II.  Manuel  des  impositions 
/  >  pograpJûques ,  1 7  <S(  ) ,  in- 1  2 ,  de 
a 4  pag..  avec  '^3  pi.  représentant  7*2 
impositions  pour  toutes  sortes  dt 
formats.  Id.  a0,  édition,  17»)». ,  aug- 
mentée d'un  supplément  de  4  plan- 
ches offrant  a5  impositions;  troi- 
sième édition,  Bruxelles,    1819,  in- 

8". ,  avec.  33  planches  .  el  une  ; 
d'anglaise,  Ce  u'esl   qu'un 
sauf  les  augnwWa  lions,  de  «1 


336  MOM 

de  l'imprimerie.  III.  Le  Traité  élé- 
mentaire de  l'imprimerie  ,  1 793  , 
in-8°.,  avec  36  pi.  ;  ouvrage  estime, 
et  que  l'on  peut  consulter  avec  fruit. 
IV.  Rapport  sur  les  événements  de 
la  guerre  de  la  Vendée  ,  et  le  plan 
d'oppression  dirigée  contre  les 
chauds  républicains ,  suivi  de  plu- 
sieurs pièces  intéressantes  ;  fait  à 
la  société  des  cordeliers  (le  1 4  ni- 
vôse an  2  ) ,  in-8°.  en  trois  parties; 
la  première  de  six  pages  ,  la  seconde 
de  vingt-quatre,  la  troisième  de  cin- 
quante. On  lui  attribue  encore  :  Ré- 
flexions d'un  citoyen  sur  la  liberté 
des  cultes  religieux ,  pour  servir 
de  réponse  à  l'opinion  de  M.  V abbé 
Sièges*,  in-8°.,  et  le  Journal  des 
Cordeliers,  dont  il  a  paru  dix  nu- 
méros, forai.  in-8°.7  du  28  juin 
au  4  août  1791.  W — s. 

MONACI  (  Laurent  de'  ),  chro- 
niqueur ,  ne  à  Venise  ,  florissait  au 
commencement  du  quinzième  siècle. 
Il  remplit  quelque  temps  les  fonctions 
de  secrétaire  du  sénat ,  et  fut  nommé 
grand  -  chancelier  du  royaume  de 
Candie  ,  où  il  mourut  en  1 429.  On  a 
de  lui ,  une  Chronique  de  Venise  en 
seize  livres  ,  intitulée  :  De  rébus 
Vendis  ab  urbe  conditd  ad  annum 
i354;  ^e  savant  FI.  Cornaro  Fa  pu- 
bliée avec  une  préface  et  des  notes  , 
Venise,  1758,  in-4°.  (  V.  Cornaro, 
IX,  6o5.  )  Félix  Osio  en  avait  extrait 
le  treizième  livre,  qui  contient  la  vie 
d'Ezzelin  ,  tyran  de  Padoue  (  V. 
Romano  ) ,  et  l'avait  publié,  avec  des 
notes  ,  dans  les  pièces  préliminaires 
àeYflistoria  augusta  d'Albert  Mus- 
sato ,  Venise ,  1  (336 ,  in-fol.  Ge  mor- 
ceau ,  l'un  des  plus  intéressants  de 
l'ouvrage  ,  a  été  inséré  dans  le  The- 
saur.  ital.  de  Burmann  ,  t.  vi  ,  et 
dans  les  Scriptor.  ital.  de  Muratori, 
tom.  vin.  On  conserve  dans  les  ma- 
nuscrits de  la  bibliothèque  de  Tré- 


MON 

vise,   Y  Oraison  funèbre  de  Vital 
Lancli,  prononcée  par  Laurent  de7 

de 


doge 


Monaci ,  en  présence  du 
Venise.  On  cite  encore  de  lui  deux 
pièces  de  vers  :  Carmen  metricum 
de  Caroli  parvi  régis  Hungariœ 
lugubri  exiiio  ;  et  JPia  descriptio 
miserabilis  casûs  illustrissimœ  regi- 
nœ  Hungariœ,  W — s. 

MONACO  (  T.-F.  de  Ciioiseul- 
Stainville  ,  princesse  de  Grimal- 
di-  ) ,  fille  du  maréchal  de  Stainviile, 
nièce  du  duc  de  Ghoiseul ,  ministre , 
naquit  à  Paris,  en  octobre  1767. 
Douée  de  beaucoup  d'avantages  ex- 
térieurs et  de  qualités  attachantes  , 
elle  fut  mariée  très-jeune  au  prince 
Joseph  de  Monaco ,  qui  était  le  se- 
cond fils  du  possesseur  d'une  petite 
souveraineté  d'Italie  (  V.  Grimaldi  , 
XVIII ,  4ï)5  )•  Elle  avait  émigré  ; 
mais  elle  rentra  de  bonne  heure  en 
France,  où  étaient  restés  ses  enfants. 
On  vint  l'arrêter  en  vertu  de  la  loi 
des  suspects  du  1 7  septembre  1 793  : 
le  motif  allégué  était  qu'elle  portait 
sur  elle  une  somme  très-considéra- 
ble. Le  comité  révolutionnaire  de  sa 
section  lui  promit  de  la  laisser  chez 
elle  avec  des  gardes  ,  et  n'en  renvoya 
pas  moins  la  chercher,  peu  de  temps 
après ,  pour  la  mener  dans  une  mai- 
son d'arrêt.  Elle  parvint  à  s'évader, 
mais  ne  tarda  pas  à  être  saisie  et 
constituée  prisonnière.  Ayant  été 
condamnée  à  mort  le  8  thermidor 
an  11  ,  elle  écouta  sa  sentence  avec 
calme  et  sérénité.  Une  heure  avant 
que  la  princesse  de  Monaco  parût 
devant  ses  juges  ,  on  lui  avait  fait 
entendre  qu'en  se  déclarant  grosse, 
elle  pourrait  se  sauver.  Ne  pensant 
qu'à  ses  deux  filles  qui  restaient  sans 
soutien,  elle  se  prêta  un  instant 
cette  ruse-  mais  comme  il  y  avaii 
long-temps  qu'elle  était  éloignée 
son  mari ,  elle  ne  voulut  pas  devoiî 


MON 

la  vie  à  un  mensonge  qui  l'aurait 
dégradée  à  ses  propres  yeux.  Une 
lettre  qu'elle  écrivit  à  Fouquier-Tin- 
yille  ,  décida  sa  perte.  Au  moment 
d'aller  à  l'échafaud ,  elle  demanda  du 
rouge,  de  peur  que  la  nature  ne  l'em- 
portât, et  qu'un  instant  de  faiblesse 
ne  fit  douter  du  courage  dont  son  ame 
était  remplie.  En  même  temps  elle 
brisa  avec  vivacité  un  carreau  de 
vitres,  hacha  par  morceaux  ses  beaux 
cheveux  blonds  ,  les  adressa  à  ses 
enfants,  et  marcha  ensuite  à  la  mort 
avec  dignité.  On  prétend  que  dans  la 
fatale  charrette  ,  elle  dit  au  peuple 
qui  accourait  :  «  Vous  venez  nous 
»  voir  mourir  ;  il  fallait  venir  nous 
v  voir  juger.  »  La  feinte  qu'on  lui 
avait  conseillé  d'employer  au  tribu- 
nal révolutionnaire  eût  été  proba- 
blement inutile.  Cependant  trente 
heures  plus  tard  une  révolution  nou- 
velle survint  :  les  affreux  attentats 
d'une  tyrannie  de  quinze  mois  furent 
dévoiles  ;  et  quoique  le  retour  com- 
plet à  des  idées  de  justice  et  de  mo- 
dération fût  encore  bien  éloigné,  on 
ne  vit  plus  guère  ,  à  dater  du  9  ther- 
midor, que  le  sang  des  démagogues 
couler  sur  les  ér.hafauds.        L-r-i:. 

MONALDESCHI  (  Benoît),  sei- 
gneur d'Orviète  ,  conçut,  en  1 35 1  , 
le  projet  de  s'emparer  du  pouvoir 
suprême  dans  sa  ville  natale,  qui 
était  alors  gouvernée  en  république, 
la  protection  du  pape.  Il  s'as- 
sura d'abord  les  secours  de  Jean  \  is- 
conti,  archevêque  de  Milan,  et  l'allie 
«{«■tous  les  usurpateurs  d'Laïic.  Réu- 
nissant  ses  satellites  dans  sa  maison, 
il  leur  distribua  des  armes;  il  les 
il  auquel  ils  devaient 
paraîl  p|  tee  :  puis  il  se  ren- 

dit au  conseil,  où  il  reneentra  deux 
de    ses    parents      les   Monaldi    de' 
Monaldeschi  ,  dont    il   connaissait 
pérer  qu'ils 
tix. 


337 


consentissent  à  son  usurpation.  Il 
les  prit  à  part,  dès  que  le  conseil 
fut  terminé ,  et  les  conduisant  de- 
vant sa  maison,  il  les  fit  poil 
der  sous  ses  yeux.  C'était  le  signal 
qu'attendaient  les  brigands  rassem- 
blés chez  lui  :  ils  remplirent  aus- 
sitôt la  place  ,  prirent  d'assaut  le  pa- 
lais du  gouvernement,  pillèrent  les 
maisons  et  les  magasins  des  mar- 
chands ,  massacrèrent  tous  ceux 
qui  (îrent  résistance,  el  proclamè- 
rent le  nouveau  prince,  Benoît ,  fils 
de  Bermonle  Monaldeschi.  L'al- 
liance de  ce  tyran  avec  l'archevêque 
de  Milan,  fut  publiée  peu  de  jours 
après.  Monaldeschi  conserva  son 
pouvoir  jusqu'en  i355  ,  que  le  légat 
Egidio  Alboruoz  s'empara  ri'Ôr- 
viète.  Les  habitants,  reconnaissants 
de  ce  qu'il  les  avait  délivrés  de  la 
tyrannie,  donnèrent  la  Seigneurie  de 
leur  ville  à  ce  prélat.        S.  S — 1. 

MONALDESCHI  (Louis-Bonco^ 
te  de),  chroniqueur  ,  né  à  Qrviète, 
eu  i3'i^,  fut  élevé  à  Home,  où  il  pas- 
sa toute  sa  vie,  n'en  étant  jamais 
sorti  que  pour  aller  rendre  visite  à 
ses  parents.  Il  poussa  sa  carrière  jus- 
qu'à Tâge  de  cent  quinze  ans ,  sans 
avoir  éprouvé  aucune  maladie,  et 
mourut,  ou  plutôt  s'éteignit  comme 
une  lampe  qui  reste  privée  d'aliment, 
en  1  \  \  «i.Ges  détails  .sont  tirés  du  pro- 
logue de  sa  Chronique;  et  ce  qui  est 
très- plaisant,  c'est  que,  comme  il  y 
parle  à  la  première  personne,  c'est 
lui -même  qui  affirme  qu'il  est  mort 
douleur,  de  décrépitude.  On 
icture  que  ces  particularités 
avaient  été  mises  par  un  contem- 
porain, a  la  marge  de  son  ou\i 
d'où  elles  ont  passé  dans  le  ! 
par  ^inadvertance  de  quejqu* 
piste.  La  Chronique  de  Monaldes- 
chi devait  comprendre  l'histoin 
nérale  de  son  temps,  Mjiratori 


338 


MON 


publié  un  fragment  assez  court,  dans 
les  Scriptor.  rer.  ital.  ((tome  xn, 
p.  ryi"r\'},  ) ,  d'après  un  manuscrit 
de  la  bibliothèque  de  Vienne;  il  finit 
a  l'an  i3  \o.  La  bibliothèque  du  Roi 
en  possède. un  beaucoup  plus  com- 
plet. Cette  Chronique  est  écrite  dans 
le  dialecte  alors  en  usage  à  Rome,  et 
et  qui  a  des  rapports  frappants  avec 
l'idiome  napolitain.  L'examen  qu'on 
en  ferait,  pourrait  fournir  des  ob- 
servations intéressantes  aux  sa- 
vants qui  s'occupent  de  la  critique 
verbale.  L'ouvrage  de  Monaldeschi 
paraît  plus  important  sous  ce  rap- 
port, que  sous  celui  des  faits  qu'il 
contient ,  lesquels  se  retrouvent  dans 
la  plupart  des  chroniques  du  même 
temps.  W — s. 

MONALDESCHI  (  Jean  ).  (  Voy. 
Christine  ,  VIII ,  433.  ) 

MONANÏflEUIL  (  Henri  de  ), 
mathématicien ,  né  à  Reims  ,  vers 
i536,  d'une  famille  noble,  fit  ses 
études  à  l'université  de  cette  ville . 
nouvellement  fondée  par  le  cardinal 
Charles  de  Lorraine ,  et  y  enseigna 
lui-même  les  humanités  pendant 
quatre  ans.  Il  vint  ensuite  à  Paris  , 
où  il  suivit  le  cours  de  philosophie 
du  célèbre  Ramus ,  et  étudia  en  mê- 
me temps  les  mathématiques  et  la 
médecine.  Après  avoir  terminé  ses 
cours  ,  il  reçut  le  doctorat ,  devint 
régent  à  la  faculté  de  médecine ,  et 
joignit  la  pratique  à  l'enseignement. 
Sur  la  recommandation  de  P.  Bru- 
lart,  secrétaire-d'état,  dont  le  fils 
était  l'élève  de  Monanlheuil ,  il  fut 
nommé  professeur  de  mathémati- 
ques au  Collège  royal  ;  il  prit  pos- 
session de  sa  chaire,  au  commence- 
ment de  l'année  1^74,  par  un  dis- 
cours :  Pro  mathemalicis  arfibus , 
qui  fut  imprimé.  Amyot  s'était  op- 
posé à  sa  nomination  ,  comme  con- 
traire à  l'usage  qui  ne  permettait 


MON 

pas  qu'une  même  personne  cumulât 
deux  emplois,  et  il  vint  à  bout  de 
faire  rayer  Monanlheuil  du  tableau 
des  professeurs.  Celui-ci  réclama 
contre  une  décision  qu'il  regardait 
comme  injurieuse  à  son  honneur;  et 
ses  collègues  se  réunirent  pour  pré- 
senter à  Henri  III  une  requête  favo- 
rable à  ses  prétentions,  et  que  P.  Bru- 
lart  appuya  de  tout  son  crédit.  Il  fut 
réintégré  dans  ses  fonctions  en  1577, 
et  rouvrit  son  cours  j>ar  une  haran- 
gue :  Pro  suo  in  cathedram  regiam 
reditu.  Monanlheuil  resta  constam- 
ment attaché  à  Henri  IV  ,*  et  il  con- 
tribua ,  du  moins  par  ses  vœux  et  ses 
démarches,  à  hâter  la  soumission 
de  Paris.  Son  zèle  l'avait  rendu  sus- 
pect aux  ligueurs,  comme  on  en  peut 
juger  p.ir  divers  passages  du  Dialo- 
gue entre  leMaheustre  et  le  Manant 
(Voy.  cette  pièce  à  la  suite  de  la 
Satyre  Ménippée,  éd.  in-8°. ,  t.  ni); 
et  il  est  probable  que  s'ils  fussent 
restés  plus  long-temps  les  maîtres  , 
ils  lui  auraient  fait  un  mauvais  parti. 
Il  mourut  presque  subitement,  en 
1606,  à  l'âge  de  70  ans,  et  fut  in- 
humé dans  l'église  Saint-Benoît,  où 
l'on  voyait  son  çpitaphe.  La  douceur 
de  ses  mœurs  et  son  obligeance  lui 
avaient  mérité  l'estime  de  tous  les 
gens  de  lettres.  Guill.  Duvair  l'a  dé- 
signé sous  le  nom  de  Musée  dans 
son  livre  de  la  Constance  :  il  a  eu  la 
gloire  de  former  un  grand  nombre 
d'élèves  distingués,  entre  autres,  le 
savant  Pierre  de  Lamoignon  et  de 
Thou  l'historien.  Outre  des  Haran- 
gues, et  une  traduction  latine  du 
livre  des  Mécaniques ,  avec  un  com- 
mentaire, Paris,  1599,  in-4°.  (i)? 
on  cite  de  lui  :  I.  Ludus  iatro-ma- 


(1)  Cctls  édition  contient  le  texte  grec.  Dans  la 
préface  ,  Moiianlhenil  revendique  cet  ouvrage  pour 
Aristote,  à  qui  Fr.  Patrizi  et  Jos.  Cardon  l'avaieut 
ôté  ;  et  sou  opinion  a  prévalu  parmi  les  tavanU. 


MON 

thematicus  musis  factus ,  ibid.  , 
î  597  ,  in-8°.  C'est  un  discours  dans 
lequel  il  s'efforce  de  prouver  qu'il 
est  indispensable  à  un  médecin  de 
posséder  les  mathématiques.  II.  De 
puncto,  primo  geometriœ  principio, 
liber,  Leyde,  it>oo,in-4°.  III.  Pro- 
blematis,  omnium  quœ  à  duodecen- 
tis  annis  inventa  sunt ,  nobilissimi 
demonstratio ,  Paris,  1600.  IV.  11  a 
laisse  en  manuscrit  un  Commentaire 
latin  sur  le  Serment  d'IIippocrate, 
dont  Jacques  Mcntel  promettait  la 
publication,  et  un  grand  ouvrage 
intitule  ïfeptatechnon ,  auquel  il  tra- 
vaillait depuis  long-temps,  et  qu'il 
n'eut  pas  la  satisfaction  de  terminer. 
On  peut  consulter,  pour  plus  de  dé- 
tails, son  Éloge  par  Nicolas  Goulu  , 
son  petit-fils  {V.  Goulu,  XVIII, 
190);  les  Mémoires  de  Niceron, 
t.  xv  ;  mais  surtout  le  Mémoire  de 
G ouj et  sur  le  Collège  royal,  t.  11, 
éd.  in-i'2,  p.  83-g5.        W — s. 

MONARDÈS  (Nicolas),  méde- 
cin, né  à  Séville,  au  commence- 
ment du  seizième  siècle,  prit  ses 
degrés  à  l'université  d'Alcalà,  et, 
de  retour  dans  sa  patrie,  y  prati- 
qua son  art  avec  une  réputation 
qui  bientôt  s'étendit  au  loin.  Il  s'at- 
tacha à  l'étude  de  la  botanique,  et 
publia,  sur  les  propriétés  des  plantes 
employées  en  médecine,  plusieurs 
ouvrages  estimables ,  qui  furent  tra- 
duits en  latin,  en  français  et  en  ita- 
lien. Il  mourut  à  Séville,  en  1078  , 
flans  un  âge  avancé.  On  cite  de  lui  : 
I.  De  seconda  vend  in  pleuritide 
inter  Grœcos  cl  Arabes  concordia, 
Séville,  i5rH),  in-/v°.;  Anvers,  i564, 
in-8°.  Il-  De  rosci  et  pàrtibus  ejus; 
de  succi  rosarum  temperaturd ;  de 
rosis  persicis  seu  aie x and nuis  ;  de 
m  alis ,  cil  ris ,  aura*  : ,  miis, 

Anvers,  î5C5  ,  in  S".  III.  libro  de 
dos  medicinas  eccelentissimas  co/i- 


MON 


339 


tro  todo  veneno,  Séville,  1^69,  et 
1080,  in-8°.  Les  deux  contrepoisons 
dont  Monardès  exalte  l'importance, 
sont  la  pierre  de  bezoard  et  la  scor- 
zonère.  IV.  Libro  que  trata  de  la 
nieve,  ibid.,  1671  ,  in-8°.  C'est  un 
traité  sur  les  effets  des  boissons  ra- 
fraîchissantes, et  en  particulier  sur 
l'usage  de  la  glace,  dont  il  dit 
que  les  Espagnols  ne  sont  jamais  in- 
commodés. V.  De  las  cosas  que  si 
traen  de  las  Indias  Occidentales  , 
que  sirven  al  uso  de  medicina.  Cet 
ouvrage  est  divisé  en  trois  parties. 
Les  deux  premières  furent  d'abord 
imprimées  séparément.  L'auteur  les 
réunit  toutes  les  trois  dans  l'éd.  de 
Séville,  1074, in-4°., qu'il  dédia  au 
pape  Grégoire  XIII ,  et  les  fît  suivre 
de  ses  dialogues  sur  la  pierre  de 
bezoard,  etc.,  sur  la  neige,  et  d'un 
troisième  Traité,  encore  inédit  :  De 
la  grandeza  del  hierro ,  touchant 
les  propriétés  du  fer  dans  les  mala- 
dies causées  par  les  obstructions. 
Tous  ces  différents  ouvrages  ont  été 
traduits  en  latin,  par  Ch.  Lécluse 
(  V.  Lécluse,  XIII,  52i  ).  Linné 
cite  un  Jean  Monardls,  dans  sa 
Biblioth.  botanica,  et  lui  attribue 
quelques  lettres  (  Epistolœ  médicina- 
les), et  des  Notes  insérées  dans  l'é- 
dit.  des  Œuvres  de  Mesué,  Leyde  , 
1  556 ,  in-fol.;  mais  ce  médecin  n'est 
point  connu,  et  il  est  probable  qu'il 
ne  faut  pas  le  distinguer  de  notre  au- 
teur. W— s. 

MONBODDO  (  Jacques  Bur- 
NETT,lord),  écrivain  écossais,  na- 
quit ,  en  1  7  t  4  ,  à  Rfoilboddo  ,  dans 
le  comté  de  Kinkardine.  résidence  de 
sa  famille,  qui  descendait  des  anciens 
Burnett  de  Leys.  Il  fit  ses  étud< 
collège  d'Aberdeen,  et  étudia  le  droit 
à  l'université  de  Groningue.  Il  ie\  int, 
en  1738  ,  <\;ms  sa    patrie,  .1    • 
mençade  plaider  au  barreau  écu 
•il.. 


3£o 


MON 


J.  j  obtint  nue  clientclle  très-consi- 
dérable ,  et  se  distingua  par  plusieurs 
plaidoiries  j  entre  autres  dans  la  cause 
de  la  famille  Doublas ,  qui  fil  beau- 
coup de  bruit ,  et  qu'il  gagna  com- 
plètement. La  rébellion  qui  éclata  , 
en  Ecosse,  en  1745  ,  l'ayant  déter- 
mine à  se  retirer  à  Londres  ,  et  le 
goût  des  lettres  balançant  en  lui  celui 
de  son  état ,  il  rechercha  la  connais- 
sance des  écrivains  fameux  du  temps. 
Celui  qui  influa  le  plus  sur  l'esprit  de 
Monboddo  ,  fut  Harris,  dont  il  de- 
vint l'ami  et  partagea  l'enthousiasme 
pour  le  génie  des  anciens  Grecs.  En 
1 7O7  ,  après  la  mort  de  lord  Milton , 
son  parent ,  il  fut  nomme'  juge  à  la 
cour  de  session  à  Edimbourg,  et  prit 
le  titre  de  lord  Monboddo.  Il  con- 
serva celte  place  touîe  sa  vie ,  n'ayant 
jamais  voulu  en  accepter  de  plus  éle- 
vées )  et  il  en  exerça  les  fonctions 
avec  une  intégrité  qui  lui  a  valu  les 
e'ioges  de  ses  contemporains.  Dans 
les  intervalles  des  sessions  delà  cour, 
il  se  retirait  dans  un  domaine  qui  lui 
rapportait  3oo  liv.  sterl.  par  an,  et 
y  vivait  presque  en  paysan  par- 
mi ses  fermiers  pour  lesquels  il 
avait  l'affection  d'un  père ,  ne  haus- 
sant jamais  le  bail ,  quelques  pro- 
positions qui  lui  fussent  faites.  Son 
esprit  méditatif  s'appliqua  de  bonne 
heure  à  l'étude  de  la  littérature,  des 
arts  et  des  lettres  des  anciens  ,  sur- 
tout des  Grecs.  Plus  il  s'enfonça 
dans  cette  étude  ,  plus  son  ame  , 
concentrée  dans  ses  affections ,  v 
trouva  de  sujets  d'admiration,  et 
plus  il  conçut  de  mépris  pour  les 
petitesses  qui  trop  souvent  occupent 
toute  l'attention  des  modernes.  Il 
se  fit  un  projet  d'histoire  du  savoir 
humain,  en  commençant  par  celle 
de  notre  langage  ;  et  à  force  de  1  atta- 
cher à  sa  vaste  esquisse  tous  les  faits 
que  lui  offrait  l'histoire  générale,  il 


MON 

vint  à  créer  un  système ,  grand  et 
étonnant  par  sa  conception ,  mais 
faux  et  paradoxal  dans  sa  base.  Les 
Grecs  furent  pour  lui  l'idéal  des  peu- 
ples; et  pour  les  élever  encore  plus 
haut,  il  abaissa  devant  eux  les  mo- 
dernes, au  point  de  leur  refuser  même 
la  faculté  d'égaler  en  force  physique 
et  en  longévité  les  anciens  habitants 
de  la  Grèce  ,  et  de  ne  les  représenter 
que  comme  une  race  abâtardie  suc- 
cessivement depuis  l'antiquité.  S'il 
n'avait  développé  que  ce  paradoxe  , 
Monboddo  se  serait  rendu  ridicule  , 
et  aurait  été  oublié  ;  mais  les  médi- 
tations que  lui  fit  faire  le  génie  des 
Grecs,  le  conduisirent  à  de  grandes 
idées  sur  l'origine  des  langues  ;  et 
c'est  ce  beau  travail  ,  publie  sous  le 
titre  de  :  On  the.originandprogress 
aflanguage,  1773-1791,  6  vol. 
in-8°. ,  qui  a  illustré  son  nom.  Il  ne 
faut  pas  en  juger  par  les  clameurs 
que  cet  ouvrage  excita  parmi  les  lit- 
térateurs anglais  ,  que  l'auteur  avait 
trop  peu  ménagés  pour  qu'il  pût  en 
espérer  de  la  modération:  d'ailleurs 
son  enthousiasme  pour  les  anciens  , 
l'avait  rendu  injuste  envers  les  mo- 
dernes. Son  mépris  pour  les  idées 
rétrécies  du  vulgaire  des  écrivains 
lui  avait  même  inspiré  des  préveu 
tions  contre  des  hommes  tels  que 
Newton  et  Locke.  L'ouvrage  de 
Monboddo  a  fait  peu  de  sensation 
en  France  ,  où  l'on  en  voit  à  peine 
des  exemplaires;  mais  il  a  trouvé  rt 
appréciateur  et  même  un  admira 
teur  en  Allemagne.  Ileivler,  quiavai 
aussi  aprofondi  l'histoire  des  fa- 
cultés intellectuelles  de  l'homme  ,  a 
exprimé  sur  l'ouvrage  de  l'écrivain 
anglais  ,  dans  le  discours  prélimi- 
naire de  la  traduction  allemande  , 
une  opinion  motivée ,  dont  voici  la 
substance.  Le  premier  Inéritc  d 
Monboddo  est,  selon  Herder,  so 


e 


: 


MON 

jugement  profond  et  solide ,  exprimé 
dans  un  langage  mâle  et  nerveux  ; 
on  voit  que  ,  nourri  de  l'antiquité  , 
il  dédaigne  le  clinquant  des  moder- 
nes. Quelquefois  sa  philosophie  tom- 
be   dans   les   subtilités   d'Aristote  j 
mais  en  général  elle  est  profonde  , 
éclairée  et   élevée  :   il  ne  s'attache 
pas  d'ailleurs  uniquement  au  maître 
de  Stagyre  ;  il  suit  aussi  Platon  et 
les  Pythagoriciens  ,  et  il  les  com- 
mente même  avec  succès  en  quelques 
endroits.  Cet  esprit ,  vraiment  phi- 
losophique ,  règne  surtout  dans  la 
première  partie  de  son  ouvrage.  Les 
recherches  sur  l'origine  et  les  pro- 
grès du  langage  sont  extrêmement 
ingénieuses  :  ce  n'est  pas  de  la  gram- 
maire  spéculative  ;   c'est  l'histoire 
philosophique  de  l'homme  même. 
Herder  ,  qui  assure  avoir  lu  à  peu- 
près  tout  ce  qui  a  été  écrit  sur  cette 
matière,  et  qui  s'en  est  occupé  lui- 
même  dans  ses  ouvrages,  avoue  que 
Monboddo  mérite  la  palme.  Home 
rassemble  beaucoup  de  faits,  et  en- 
visage le  genre  humain  sous  bien  des 
rapports  :  mais   ses    principes  sont 
vacillants  ;  et  la  partie  de  son    ou- 
vrage a  laquelle  il  a  donné  le  pins 
d'importance ,    eu   est    précisément 
la  pins  faible  ,  tandis  que  Monboddo 
a  presque  épuisé  son  sujet,  et  qu'il 
n'y  a  qu'à  suivre  la  route  frayée  par 
un  écrivain  aussi  judicieux  pour  dé- 
velopper la  nature  de  l' homme  dans 
ses diwrséiais.  La  comparaison  qu'il 
fait  des  langues  ,  est  encore  un  coup 
de  maître:  rien  de  plus  ingénieux  que 
l'idée  de  comparée  les  langues  de 
peuples  arrives  a  des  degrés  divers 
de  la  civilisation.  Pour  continuer  ce 
travail  ,  <»n  pourra  mettre  en  paral- 
lèle les  languesdes  peuples  haï  baies, 
mieux  obfcervés  depuis  Moohoddo  ; 
çl .  par  c<  I  examc 
arrivera  enfin  a  CU  philo- 


sophie  de  l'esprit  humain.  Mais  il 
faut  dire  aussi ,  et  Herder  l'avoue  , 
quoique  avec  ménagement,  que  l'au- 
teur de  l'ouvrage  sur  l'origine 
langues  a  été  conduit  à  des    h 
bizarres  et  même  absurdes.  Tirant 
parti  de  quelques  récits  fabuleux  des 
anciens  sur  de   prétendus    peuples 
dépourvus   de  toute  sensibilité  ,  et 
comptant  sur  les  assertions  hasar- 
dées de  quelques  voyageurs  ,  qui  ont 
pris  de  gros  singes  pour  des  hommes 
sauvages ,    Monboddo  s'appuie    de 
ces  témoignages  fragiles  ,  pour  pla- 
cer, sur  le  dernier  échelon  des  êtres 
humains, des  peuples  qui,  selon  lui, 
n'ont  point  de  langage  ,  et  pour  tirer 
de  là  cette  conclusion ,  que  la  faculté 
des  langues  est,  non  pas  naturelle  , 
mais  acquise  à   force  de   travail  et 
de  raisonnement.  Monboddo  insinue 
que  c'est  dans  les  contrées  regardées 
comme  le  berceau  du  genre  humain , 
c'est  -  à  -  dire,  en  Asie ,  que  la  pre- 
mière invention  du  langage  a  eu  lieu  , 
ainsi  que  l'emploi  des  autres  facul- 
tés humaines  :  cependant ,  pour  ne 
pas    trop  s'écarter   de    son  peuple 
favori,   les  Grecs,  il  attribue  aux 
Égyptiens  l'honneur  d'avoir  ensei- 
gné le  langage  aux  peuples  d'Euro- 
pe. Les  Egyptiens  ont,  selon  lui, 
possédé  le  véritable  savoir  humain; 
et  il  cherche  a  démontrer  comment 
hs  événements  ont  produit  la  dé- 
cadence de  ce  prétendu  grand 
voir.   Après  avoir  recherché  l'ori- 
gine et  examiné  le  génie  des  langues , 
l'auteur  développe,  dans  les  derniers 
volumes,  leurs  progrès  chez  les  peu* 
pics  les  plus  civilisés,  surtout  chez 
les  Grecs  et  les  Romains  ;  il  passe  en 
revue  tous  les  genres  de  style  dans 
lesquels  ils  se  sont  <  \  I  ana- 

lyse et  juge  les  chefs-d'œuvre  pro- 
duits dans  chaque  genre:  il  les.eom* 
pare  aux  chefs-d'œuvre  mod' 


342  MON 

surtout  à  ceux  de  l'Angleterre.  Mais 
il  ne  se  contente  pas  d'examiner  la 
forme  des  ouvrages  classiques  ;  il  en 
aprofondit  encore  le  sujet.  Ses  juge- 
ments ne  sont  pas  exprimés  d'une 
manière  aussi  concise  et  aussi  ner- 
veuse que  le  dit  Herdcr.  Monboddo 
est  au  contraire  un  peu  verbeux,  et 
son  style  manque  d'éclat;  mais  il  y  a 
dans  ces  analyses  des  vues  très-judi- 
cieuses et  une  grande  érudition.  A 
l'occasion  du  style  didactique ,  il  est 
amené  à  s'occuper  de  la  philosophie 
des  anciens;  et  là ,  il  va  jusqu'à  pré- 
tendre que  les  modernes  n'ont  point 
traité  de  la  véritable  philosophie  ;  que 
le  système  de  Newton  ,  par  les  attri- 
butions qu'il  accorde  à  la  matière , 
détruit  l'idée  de  la  Divinité  ;  qu'au- 
cun moderne  ne  définit  le  mouve- 
ment, ni  ne  distingue  Dieu  d'avec 
la  nature,  ni  la  nature  d'avec  l'hom- 
me. Monboddo  assure  que  ce  n'est 
qu'après  avoir  étudié  Aristote  et 
Platon ,  qu'il  a  été  en  état  de  faire 
ces  distinctions.  Il  accorde  un  si 
grand  avantage  à  ces  deux  philo- 
sophes ,  qu'il  les  recommande ,  mê- 
me pour  l'explication  des  mystères 
de  la  religion  chrétienne,  qui,  selon 
lui,  s'y  trouvent  développés  tous, 
sans  en  excepter  l'incarnation.  Mon- 
boddo est  en  général  très-pieux;  il 
fait  observer  que  ce  qui  distingue 
éminemment  les  historiens  classi- 
ques, et  ce  qui  manque  un  peu  aux 
modernes,  c'est  la  piété,  ou  la  foi 
en  un  régulateur  suprême  de  toutes 
choses.  Dans  un  ouvrage  plus  volu- 
mineux encore  ,  auquel  il  consacra 
le  reste  de  sa  vie  ,  et  dont  la  pu- 
blication n'a  été  terminée  qu'après 
sa  mort,  dans  VAncient  metapky- 
sicsy  or  the  science  ofthe  universals, 
Edimbourg,  1-779- 1799,  G  vol. 
in- 4°.,  il  renchérit  encore  ,  s'il  est 
possible,  sur  les   opinions   systé- 


MON 

matiques  et  paradoxales  qu'il  avait 
exposées  avec  tant  de  savoir  ,  dans 
son  premier  ouvrage.  Il  se  propose 
particulièrement ,  dans  le  second , 
de  développer  la  philosophie  d'A- 
ristote ,  et  de  réfuter  Newton  et 
Locke.  Il  y  expose  habilement  les 
systèmes  des  philosophes  anciens, 
et ,  sous  ce  rapport ,  son  ouvrage 
est  utile  ;  il  est  fâcheux  que  cet 
exposé  soit  entremêlé  de  ses  para- 
doxes, qui  prouvent,  entre  autres 
choses  ,  une  crédulité  surprenante 
dans  un  homme  aussi  instruit  :  il  y 
regarde  l'orang  -  outang  comme  un 
être  humain  abâtardi;  il  admet  l'exis- 
tence des  syrènes  et  d'autres  préten- 
dus animaux  participant  des  qualités 
de  l'espèce  humaine.  Par  ses  ouvra- 
ges, Monboddo  s'était  attiré  des  en- 
nemis ,  et  avait  donné  beau  jeu  à  la 
raillerie.  Johnson  fut  du  nombre  de 
ses  antagonistes.  Monboddo  ayant 
soutenu  que  tous  les  objets  imagi- 
nables se  trouvaient  réellement  dans 
la  nature,  quelque  bizarres  que  l'i- 
magination les  créât ,  le  savant  cri- 
tique dit ,  dans  une  société ,  qu'il 
était  persuadé  de  ce  principe,  de- 
puis qu'il  avait  vu  la  nature  pro- 
duire un  Monboddo.  Le  comédien 
Foote,  connu  par  ses  bons  mots, 
comparait  souvent  les  deux  antago- 
nistes ,  et  appelait  Monboddo  ,  pro- 
bablement à  cause  de  sa  taille  ,  une 
édition  elzévirienne  de  Johnson. Ce- 
lui-ci, néanmoins  ,  clans  son  voyage 
en  Éeosse  ,  reçut  l'hospitalité  chez  le 
lord  écossais,  et  le  quitta,  à  ce  qu'il 
assure  dans  la  relation  de  ce  voyage , 
avec  des  sentiments  d'estime.  On  pré- 
tend que  Boswell  avait  engagé  John- 
son à  cette  visite,  pour  mettre  aux 
prises  les  deux  antagonistes.  La  con- 
versation de  Monboddo  se  ressentait, 
suivant  l'assertion  d'un  de  ses  amis, 
de  l'étude  profonde  qu'il  avait    ail© 


MON 

des  auteurs  anciens  :  elle  c'iait  ner- 
veuse ,  concise  et  pleine  d'un  esprit 
original  Ses  soupers  ,  auxquels  il  in- 
vitait un  petit  nombre  d'amis,  res- 
semblaient ,  par  les  sujets  des  entre- 
tiens ,  aux  banquets  des  anciens 
sages.  Monboddo  y  frappait  d'ad- 
miration ses  convives ,  par  la  forme 
sentencieuse  et  classique  de  ses  maxi- 
mes, ou  par  l'éloquence  avec  laquelle 
il  soutenait  ses  théories  et  ses  para- 
doxes. Il  paraissait  vouloir  imiter 
les  anciens  jusque  dans  leur  endur- 
cissement aux  fatigues  du  corps.  II 
prenait  des  bains  froids  pendant 
toute  l'année,  même  dans  le  cœur  de 
l'hiver  et  dans  ses  indispositions.  Il 
dédaignait  les  voitures,  comme  un 
usage  trop  efféminé,  et  faisait  tou- 
jours à  cheval  le  voyage  de  Londres. 
Mais  vers  l'âge  de  quatre-vingts  ans, 
voulant  aller  de  cette  manière  pren- 
dre congé  de  ses  amis  dans  la  capi- 
tale, il  faillit  mourir  en  route.  Il 
survécut  à  sa  femme  ,  à  un  fils  et  à 
à  une  fille  :  la  perte  de  la  dernière 
lui  causa  un  chagrin  violent,  et  hâta 
sa  fin.  Il  mourut  d'une  attaque  d'a- 
poplexie, à  Edimbourg  ,  le  2G  mai 
!*7QQ,danssa  quatre-vingt-cinquième 
année.  Aucun  de  ses  ouvrages  n'a, 
jusqu'ici,  été  traduit  en  entier  dans 
d'autres  idiomes.  La  traduction  alle- 
mande de  l'ouvrage  sur  l'origine  des 
langues  ,  par  Schmidt ,  Riga  ,  178/1- 
8(3,  '1  vol.  in-8°.,  n  ut  que 

la  moitié  :  encore  eçt-<  lie  al  : 
dans  les  deux  dernières  parties. 
sieurs   recueils   littéraires   anglais  , 
tels  que  YAnnual  regisler ,  1799, 

;  le  Ylonthlj  m 
zinc,  août  ,1799;  le  Gentleman  s 
magazine,  juin  et  décembre  1799, 
ont  donné  des  notices  sur  la  vie  de 
Monboddo.  On  letrou?e  peint  aussi 
dans  les  Publu  années 

1798-1799.  D— G. 


MON  343 

MONBRON  (  Fougeret  de  ),  né 
à  Péronne,  servit  quelque  temps  dans 
les  gardes-du-corps.  Son  caractère 
inquiet  le  fit  renoncer  à  cette  car- 
rière pour  le  métier  d'écrivain.  Hu- 
moriste et  frondeur,  il  communiqua 
l'empreinte  de  cette  disposition  d'es- 
prit à  la  plupart  de  ses  productions; 
mais  la  gaîté  qui  règne  dans  quel- 
ques-unes ,  contraste  singulièrement 
avec  l'attitude  morne  et  la  taeitur- 
nité  qu'il  gardait  dans  la  société.  Il 
mourut  en  septembre  1761.  On  a 
de  lui  :  I.  La  Jlenriade  travestie , 
1745,  in- 12  j  on  cherche  en  vain 
dans  cette  parodie  la  franchise  d'ex- 
pressions burlesques  de  Scarron  ,  et 
ce  gros  sel  qui  rachète  un  peu  la 
pauvreté  du  genre  :  Monbron  ne  fait 
aucuns  frais  d'imagination  ;  il  suit 
Voltaire  pas  à  pas  ,  et  transforme 
en  style  trivial  la  substance  de  cha- 
que chant,  avec  une  facilité  sans 
mérite.  Il  est  assez  remarquable  que 
la  parodie  n'ait  paru  que  l'i  ans 
après  la  Henriade  :  cependant  elle 
a  eu  beaucoup  d'éditions  ;  la  dernière 
est  de  181 7.  II.  Préservatif  conUe 
V  anglomanie ,  1787,  in-8u.  111.  Le 
Cosmopolite  ou  le  citoyen  du  mon- 
de, 17J0  ,  in  VI.  Ce  sont  deux  dia- 
tribes pleines  d'âcreté.  IV.  Margot 
la  ravaudeu  e  ,  Thérèse  Philoso- 
phe, et  quelques  autres  romans  li- 
cencieux (Voy.  le  Dict.  des  ano- 
nymes au  mot  Fougeret).  F — t. 

MONCABRIÉ  de  PEYTFS  (le 
comte  Joseph-Saturnin  )  ,  contre- 
amiral,  naquit  à  Toulouse,  le  9  août 
[741,  d'une  famille  distinguée  du 
Languedoc.  A  l'âge  de  quinze  ans,  il 
fut  lait  garde  de  la  marine  :  embar- 
qué sur  le  vaisseau  le  f  aillant  ,  il 
assista  au  coriibal  que  Boutim 
dans  le  détroit  de  Gibraltar,  quatre 
\  jeaux  français  contre  cinq  An- 
glais. En  17  5g ,  comme  il  montait  le. 


MON 

Souverain,  le  comte  de  Panât, qui  le 
commandait ,  le  chargea  de  coopérer 
«à  la  défense  de  deux  frégates  françai- 
ses qui,  mouillées  aux  Sablettes(rade 
de  Toulon  ) ,  avaient  été  attaquées 
par  l'amiral  Boscawen;  etMoncabrié 
donna  ,  dans  cette  circonstance  ,  des 
preuves  d'une  bravoure  peu  com- 
mune. 11  assista,  sur  le  même  vais- 
seau ,  au  combat  que  livra  M.  Dela- 
çiue  à  ce  même  amiral.  Dans  ce'ui 
que  soutint  le  Souverain  contre  Y  Her- 
cule ,  il  fut  blessé  aux  deux  jambes 
par  un  éclat  de  canon.  Nommé  en- 
seigne de  vaisseau  en  1764,  lieute- 
nant et  chevalier  de  Saint-Louis  en 
j 777  ,  il  servit  successivement  sur 
divers  bâtiments.,  sous  les  ordres  des 
amiraux  d'Estaing  ,  Guichen  et  de 
Grasse.  Il/it^  sous  ce  dernier  amiral, 
la  guerre  d'Amérique;  il  eut  part  à  la 
prise  de  Saint-Christophe ,  et  aux 
combats  des  9  et  1  Si  avril  178-2,  sur 
îe  Triomphant  :  Du  pavillon  ,  qui 
commandait  ce  vaisseau,  ayant  été 
tué  dans  la  dernière  action,  le  marquis 
de  Yaudreuil  désigna  Moncabrié  pour 
îç  remplacer  ;  et  quoiqu'il  ne  fût  que 
lieutenant,  la  cour  le  confirma  dans 
ce  commandement.  Peu  de  temps 
après ,  le  roi  le  nomma  capitaine  de 
vaisseau ,  et  lui  accordaiine  pension. 
La  paix  ayant  été  faite ,  il  ramena  en 
France  ,  le  Souverain ,  dont  il  garda 
le  commandement.  En  1786,  il  prit 
celui  de  la  corvette  la  Poulette, 
qui  faisait  partie  de  l'escadre  d'évo- 
lution a;;\  ordres  du  comte  d'Albert 
deRioras.  En  1  788,  nommé  au  com- 
mandement de  la  frégate  la  Vestale^ 
il  fit  partie  de  la  division  de  Saint- 
Domingue.  L'année  suivante,  i!  pro- 
tégea efficacement  la  pêche  de  Terre- 
fteuve,  et  rendit  les  plus  grands  ser- 
vices au  commerce.  A  son  retour  à 
Saint-Domingue,  il  trouva  cette  co- 
lonie en  proie  aux  dissensions  poli- 


MON 

tiques.  Après  le  départ  de  La  Galis- 
sonière  ,  i!  prit  le  commandement  de 
la  station  ,  qu'il  conserva  seize  mois , 
dans  les  temps  les  plus  critiques;  et 
il  sut,  par  sa  fermeté,  maintenir  le 
plus  grand  ordre.  En  1791  ,  il  fut 
appeléau  commandement  du  vaisseau 
le  Lj  s,  et,  peu  de  temps  après  ,  des- 
titué comme  noble.  Le  séquestre  fut 
mis  sur  ses  biens,  et  il  subit  une 
longue  détention.  Apres  le  18  bru- 
maire (  8  novembre  1 799  ) ,  il  fut 
nommé  membre  du  conseil-général 
du  département  de  la  Haute-Garonne  ; 
et  il  reçut,  en  i8o3,  une  marque 
flatteuse  de  l'estime  de  ses  con- 
citoyens ,  lorsque  son  département, 
ayant  vote  un  million  pour  la  cons- 
truction d'un  vaisseau  de  ligne ,  de- 
manda que  le  commandement  lui  en 
fat  confié.  En  1 8 1 4 ,  le  roi  le  nomma 
comte,  commandeur  de  Saint-Louis, 
et  contre-amiral  en  retraite  avec  une 
pension  ;  mais  une  maladie  longue 
et  cruelle  l'enleva  à  sa  famille  et  à 
ses  amis,  le  9,0  septembre  1819.  Le 
comte  de  Moncabrié  fut  l'un  des  offi- 
ciers de  notre  marine  les  plus  distin- 
gués ;  et  il  jouissait,  dans  ce  corps  , 
de  la  plus  grande  estime.  Deux  de 
ses  enfants  ont  suivi  cette  carrière* 
l'aîné  est  contre  amiral  en  retraite  , 
et  le  troisième  trésorier-général  des 
invalides  de  la  marine.  —  Le  cheva- 
lier de  Peytes-Moncabrié  (  Pierre- 
É  isabeth  ) ,  second  fils  du  comte,  né 
à  Toulouse  en  1 77  1 ,  entra  fort  jeune 
à  l'École  militaire,  et  fut  nommé 
éiève  d'artillerie  des  colonies  en 
1790.  Il  était,  en  1806,  chef  d'état- 
major  au  quatrième  corps  de  la 
grande -armée ,  commandé  par  le 
maréchal  Soult,  lorsqu'il  fut  tué  par 
un  biscaïen  sous  les  murs  de  Lubeck. 
H— q— N. 
MONC4DE (Hugues de),  vaillant 
capitaine  espagnol,  descendait  d'une 


MON 

des  plus  anciennes  et  des  plus  illus- 
tres maisons  de  Catalogne.  D.ns 
sa  jeunesse,  il  vint  offrisses  services 
à  Charles  VI lï ,  et  ie  suivi'  à  sa  bril- 
lante et  malheureuse  expédition  d'I- 
talie. Après  la  retraite  des  Français, 
il  s'attacha  au  service  de  César  Bor- 
gia  ;  el  il  accepta  enfin  un  comman- 
dement dans  les  bandes  espagnoles 
Stationnées  au-delà  des  Alpes,  sous 
les  ordres  de  Gonsalve  de  Gordoue. 
11  jouissait  déjà  d'une  grande  répu- 
tatioii  ,  due  au  courage  et  au  sang- 
froid  dont  il  avait  donné  des  preu- 
ves dans  les  occasions  les  plus  pé- 
rilleuses. 11  profita  d'une  trêve  pour 
aller  à  îa  poursuite  des  pirates  qui 
infestaient  les  côtes  de  l'Italie,  et 
les  purgea  ,  pour  quelque  temps  ,  de 
ces  dangereux  ennemis.  Il  reçut,  eu 
i5i(5,  l'ordre  de  ramasser  les  mi- 
lices napolitaines  pour  les  conduire 
au  secours  du  pape,  presse'  par  le 
duc  d'Urbin,  que  les  Français  ap- 
puyaient secrètement.  Quelques  mois 
après  la  funeste  bataille  de  Pavic,  il 
fut  fait  prisonnier,  sur  la  cote  de 
Gènes  ,  par  André  Doria,  qui  tenait 
alors  pour  les  Français.  La  régente 
le  retira  des  mains  de  Doria,  et  le 
renvoya  à  Charles-Quint,  sans  con- 
dition, espérant  que  cette  marque 
de  générosité  déterminerait  L'empe- 
reur a  user  de  plus  de  ménagement 
envers  François  1  •'.  Moncaoe,  de 
retour  en  Italie,  embrassa  Le  parti 
des  Colonne  contre  le  pape  Clémenl 

VII,  et  désola  ses  états  par  des  (our- 
ses continuelles.  Il  signa,  eu  i  .■"»'». 7  , 
avec  fc  pape,  un  traité  de  neutralité, 
bien  dé<  idé  »  ne  le  point  tenir  :  in- 
formé  que  le  pontife  venait  de  con- 
gédie] ses  soldats,  d  pénétra  dans 
Home  a  la  faveur  de  la  nuit,  <  ; 

tant  emparé  du  ,  en  aban- 

donna le  pillai; .  1  s.  Le 

pape  n'eut  que  le  t<  re'fu- 


IVÎON 


345 


gier  au  château  Saint-Ange-,  d'où  il 
lit  savoir  à  Moneade  qu'il  était  prêt 
à  signer  toutes  les  conditions  que  ce* 
Loi-ci  voudrait  lui  imposer,  pourvu 
qu'il  se  retirât.  Moneade,  nommé 
vice-roi  de  Nap'cs-,  eut  bientôt  à  dé- 
fendre cette  ville  contre  les  Français. 
Lautrec  chargé  de  cette  expédition  , 
voulant  ménager  ses  troupes,  se  con- 
tenia  de  bloquer  Naples  par  terre, 
tandis  que  Philippe  Doria  en  fermait 
le  port  avec  quelques  gffercs.  Mon- 
eade, résolu  d'éloigner  Doria,  vint 
l'attaquer  avec  des  forces  inférieures: 
«  Il  combattit  pendant  l'action,  dit 
»  Brantôme,  avec  une  rondelle  d'une 
»  main,  et  l'épée  en  l'autre,  tout  ce 
»  que  pouvait  faire  le  plus  vaillant 
»  homme  du  monde.  »  Il  tomba 
percé  de  coups,  au  moment  où  la 
galère  qu'il  montait  coulait  à  fond, 
de  sorte  que  son  corps  ne  put  être 
retrouvé.  Ce  combat  eut  lieu  dans 
les  premiers  jours  de  juin  1  5^8.  Phi- 
libert de  Châlons,  prince  d'Orange, 
lui  succéda  dans  la  vice-royauté  de 
Naples,  qu'il  n'avait  exercée  que  six 
mois.  «  Il  se  lit,  dit  encore  Bran- 
»  tome,  que  le  pape  Clément  fut  fort 
»  joyeux  de  sa  mort,  parce  que  ce 
»  fut  lui  qui  prit  le  Vatican,  et  pilla 
»  la  sacristie  de  la  Sainte-Eglise.  » 
(  V .  Brantôme ,  Vies  des  grands 
capitaines  étrangers,  iv  ,  àa3r.  ) 

W-vS. 

MONCADE  (François  de),  coin  1- 
d'Ossone  et  marquis  d'Aytona,  de 
la  même  famille  que  le  précédent, 
naquit  à  Valence,   le  29  décembre 

i  >.  après  avoir  fait  ses  étude! 
avec  le  plus  grand  succès,  il  ob- 
tint un  régiment,  qu'il  ne  quitta 
que  pour  le  commandement  de  la 
Hotte  de  Dunkerque,  destinée  à  ap- 
puyer les  opérations  de  l'armée  de 

terre.  Il  joignait  aux  talenls  d'un  ge 

néral ,  beaucoup  d'esprit  et  d'ins truc 


146 


MON 


tion ,  et  la  connaissance  des  inte'rêts 
des  différents  états  de  l'Europe.  En- 
voyé par  Philippe  IV  en  ambassade 
à  la  cour  de  Vienne,  il  y  mérita 
bientôt  la  confiance  des  diplomates 
les  plus  éclairés,  et  aplanit  les  dif- 
ficultés qui  s'opposaient  au  rétablis- 
sement de  la  paix  en  Allemagne. 
Nommé,  en  i633,  généralissime  des 
troupes  espagnoles  dans  les  Pays- 
Bas,  sous  les  ordres  de  l'infante 
Isabelle ,  il  réussit  à  calmer  les  es- 
prits disposés  à  la  révolte,  forti- 
fia plusieurs  places,  et,  par  d'habiles 
manœuvres,  fit  échouer  toutes  les 
tentatives  du  prince  d'Orange  sur  la 
Meuse.  Il  mourut  au  milieu  de  ses 
succès,  en  i635,  au  camp  deGlock 
dans  le  duché  de  Cléves,  empor- 
tant les  regrets  du  peuple  et  des 
soldats.  Le  comte  de  Moncade  a 
publié,  en  espagnol,  Y  Histoire  de 
l'expédition  des  Catalans  et  des 
Aragonais ,  contre  les  Turcs  et  les 
Grecs ,  sous  le  règne  de  l'empereur 
Andronic  Paléoïogue ,  Barcelone, 
i6'23  ,  in-4°.  On  cite  encore  de  lui, 
une  Vie  de  Manlius  Torquatus, 
Francfort,  16/p,  et  une  Histoire 
du  célèbre  monastère  de  Mont  serrât  ; 
ces  deux  derniers  ouvrages  sont  écrits 
en  latin.  Le  Portrait  de  Moncade, 
par  Van-Dyck,  qui  l'a  représenté  à 
cheval,  a  fait  partie,  quelques  an- 
nées, du  musée  du  Louvre ,  et  a  été 
repris,  en  181 5,  par  les  puissances 
alliées  :  il  a  été  gravé  par  Morghen. 
W— s. 
MONCADE  (  Louis- Antoine  de 
Belluga  de  ),  cardinal,  né  le  3o 
novembre  166-2  ,  à  Motril ,  dans  le 
royaume  de  Grenade  ,  descendait 
d'une  famille  illustre  de  la  Catalo- 
gne. Il  fit  ses  études  à  Motril ,  et  les 
acheva  tant  à  Grenade  qu'à  Séville  , 
où  ii  prit,  en  1686,  le  bonnet  de  doc- 
teur en  théoiogie.Devenu,  l'année  sui- 


MON 

vante,  chanoine  de  Zamora  ,  puis  de 
Cordoue,  il  se  livrait  jeune  encore  à 
la  pratique  des  bonnes  œuvres  et  aux 
fonctions  du  ministère  ecclésiastique. 
Il  établit  à  Cordoue  les  prêtres  de 
l'Oratoire  de  saint  Philippe Néri,  et  il 
observait  lui-même  leur  règle ,  vi- 
vant avec  eux,  et  donnant  l'exemple 
des  vertus  de  son  état.  Il  montra 
beaucoup  de  zèle  pour  la  cause  de 
Philippe  V  ,  quand  ce  prince  vint 
prendre  possession  de  la  couronne 
d'Espagne.  Aussi  fut-il  nommé  à 
l'évêché  de  Carthagène.  Sa  modes- 
tie s'effraya  d'abord  d'une  dignité 
dont  il  connaissait  les  devoijœ  •  et  il 
n'accepta  que  par  déférence  pour  les 
conseils  des  hommes  les  plus  recom- 
mandâmes. Il  fut  sacré  le  19  avril 
1705  ,  et  se  rendit  dans  son  diocèse 
où  il  ne  se  fit  pas  moins  estimer  qu'à 
Cordoue.  Les  impériaux  étant  entrés 
en  Espagne,  le  prélat  publia  un  mé- 
moire pour  la  défense  des  droits  de 
Philippe  V  ,  et  maintint  son  diocèse 
sous  l'obéissance  de  ce  prince,  qui, 
par  reconnaissance  ,  le  nomma  ,  en 
1706,  vice-roi  de  Valence  et  capi- 
taine-général de  Murcie.  Ces  titres 
parurent,  à  l'évêque,  incompatibles 
avec  ses  fonctions  pastorales  ;  il  ne 
les  accepta  que  sur  un  ordre  exprès 
du  nonce  du  pape ,  et  il  ne  tarda 
pas  de  s'en  démettre.  Il  refusa  le 
riche  évêché  de  Cordoue  ,  pour  res- 
ter au  milieu  d'un  troupeau  qu'il 
affectionnait.  Charitable  ,  zélé,  il  fit 
beaucoup  de  fondations  pieuses  et 
utiles:  deux  collèges,  un  séminaire, 
deux  maisons  de  refuge,  deux  hôpi- 
taux, des  églises  bâties,  sont  des  mo- 
numents de  sa  libéralité.  Sa  vie  re- 
traçait la  sainteté  des  évêques  des 
premiers  siècles  ;  et  son  gouverne- 
ment était  réglé  sur  les  canons  de 
l'Église  et  sur  les  principes  de  la  plus 
exacte  discipline.  En  même  temps 


MON 

qu'il  soutenait  avec  vigueur  les  droits 
du  souverain,  il  défendait  aussi  ceux 
de  l'épiscopat,  et  il  s'opposa  aux  em- 
piétements de  quelques  agents  de  l'au- 
torité' civile.  On  a  de  lui  plusieurs 
Mémoires  en  faveur  des  immunités 
ecclésiastiques  et  des  prérogatives  de 
son  siège.  La  réputation  de  doctrine 
et  de  vertu  du  pieux  eveque  engagea 
Clément  XI  à  le  nommer  cardinal 
de  son  propre  mouvement ,  le  29  no- 
vembre 17 19.  M.  de  Belluga  refusa 
d'abord,  ayant  fait  vœu  de  n'accep- 
ter aucune  dignité  qui  pût  le  détour- 
ner du  devoir  de  la  résidence.  Mais 
le  pape ,  voulant  honorer  un  sujet  si 
distingué ,  le  dispensa  de  son  vœu  , 
etluiordonnaformcllement,  en  17*20, 
d'accepter  le  chapeau.  Le  prélat  sou- 
haitait du  moins  se  démettre  de  son 
évêché;  et  il  ne  le  conserva  que  jus- 
qu'en  1724,  qu'étant  allé  à  Rome 
pour  la  deuxième  fois,  à  l'occasion  du 
conclave ,  il  se  fixa  dans  cette  ville  , 
partageant  son  temps  entre  l'étude  et 
la  prière.  Il  refusa  l'archevêché  de 
Tolède  ,  le  siège  le  plus  riche  de  la 
chrétienté.  Il  avait ,  à  Rome  ,  le  titre 
de  protecteur  d'Espagne  ,  et  fut  quel- 
que temps  chargé  des  affaires  de  cette 
couronne  auprès  du  Saint-Siège.  Le 
cardinal  Belluga  mourut  à  Rome,  le 
22  février  1743-  Il  était  fort  instruit 
dans  la  théologie  et  le  droit  canon; 
et  les  papes  Clément  XI,  et  ! 
XIV  ,  le  citent  avec  honneur  dans 
leurs  ouvrages.  Outre  ït's  Mémoires 
sur  les  immunités  et  la  juridiction, 
dont  nous  avons  parlé,  ce  cardinal  a 
publié  un  Mémoire  dogmatique  sur 
la  conception  de  la  Sainte- Vierge , 
in-  i".  ;  —  Epistola  dogmatica  ad 
irmenos,  in-fol.; —  Explication  de 
la  doctrine  V usage  des 

'[idclcs,  in- 
— dcsLet:  !   .. 

in-4%  et  qucl<(  sur  des  cau- 


MON  347 

ses  de  canonisation.  Il  avait  de  plus 
laissé  en  manuscrit  une  défense  des 
droits  du  Saint-Siège ,  une  apologie 
de  la  constitution  Unigenitus  ,  et 
quelques  traités  de  théologie.  Benoît 
XIV  lui  fit  ériger  un  mausolée  ,  et 
en  composa  lui-même  l'épitaphe,  qui 
est  conçue  dans  les  termes  les  plus 
honorables  pour  ce  cardinal ,  et  qui 
se  trouve  dans  Moréri,  édition  de 

I759.  P— C—  T. 

MONCE  (  Ferdinand  de  la  ) , 
peintre  et  architecte,  naquit  à  Mu- 
nich, en  1678.  Son  père,  Paul  de 
La  Moncc,  Dijonnais  d'origine,  mort 
en  1708  premier  peintre  et  premier 
architecte  de  l'électeur  de  Bavière, 
lui  donna  les  premières  leçons ,   et 
l'envoya  bientôt  à  Paris,  pour  s'y 
perfectionner.  La  Monce  visita  suc- 
cessivement Rome  et  les  principales 
villes  d'Italie,  et  revint  en  France  , 
par  Marseille.  Pendant  son  séjour  à 
Rome ,  le  duc  d'Orléans ,  régent ,  le 
chargea  d'acquérir  le  célèbre  cabinet 
de  la  reine  Christine ,  que  possédait 
le  duc  de  Braccianc  ;  et  La  Moncc  en 
dirigea  l'envoi  à  Paris.  A  son  retour 
en  France,  s' étant  arrêté  à  Grenoble, 
il  s'y  fit  connaître  par  quelques  ou- 
vrages, s'y  maria ,  et ,  en  1781,  alla 
se  fixer  à  Lyon.  Sur  sa  réputation  , 
on  lui  confia  plusieurs  travaux  im- 
portants. 11  fit  construire  Y  église  des 
Chartreux ,  qui  passe  pour  une  des 
plus  belles  de  cette  ville.  Il  donna 
ensuite  les  du  Portail  de 

Saint-Just  ,  dont  les  connaisseurs 
font  un  cas  particulier;  le  Styl 
est  simple  et  noble  tout-à-la-fois: 
mais  ice  le  cède  au  ; 

hôtel-dieu,  dont  le  vestibule  1 
né  par  une  coupole,  les  ailes 
façadequl  répond  au  préau,  forment 
1    ornements   de 
Lyon.  II  avait  donne',  pour  tout  l'é- 
difice, un  beau  plan,  qu'il  ne  put 


MON 

exécuter  lui-même,  mais  qui  fut 
entrepris  dans  la  suite,  et  termine  par 
Soufflot.  C'est  encore  La  Monce  qui 
construisit  le  quai  du  Rhône ,  de- 
puis la  chapelle  du  Saint-Esprit,  jus- 
qu'au po>t  du  Tibre  (  aujourd'hui 
port  de  l'hôpital  ) ,  qu'il  fit  à  l'imi- 
tation de  celui  de  Ripelta,  à  Rome. 
Enfin  il  est  l'auteur  de  la  magni- 
fique chaire  en  marbre  et  en  bronze 
do.**:',  que  Yon  voit  dans  l'église 
du  collège  de  la  Trinité,  et  dont  la 
composition  ingénieuse  est  égale- 
ment remarquable  par  la  hardiesse 
et  par  l'élégance.  Accable  de  bonne 
heure  d'infirmités  incurables,  il  fut 
obligé  d'abandonner  l'architecture; 
mais  la  culture  des  arts  fut  toujours 
un  besoin  pour  lui.  Dans  les  moments 
de  relâche  que  lui  laissaient  ses  souf- 
frances ,  il  composait  des  dessins 
pour  la  gravure.  C'est  d'après  lui  que 
furent  exécutées  les  planches  de  la 
belle  édition  deY  Essai  sur  l'homme 
de  Pope,  publiée  à  Lausanne.  C'est 
encore  d'après  lui  qu'on  a  gravé  les 
planches  qui  font  partie  de  la  Des- 
cription de  la  chapelle  des  Invalides, 
à  Paris.  La  Monce  mourut  à  Lyon, 
d'une  hydropisie,  le  3o  septembre 
1753.  P— s. 

MONCHAUX.  V.  Dumonchaux. 

MONGHESNAY  (Jacques de 
Losme  de  ) ,  littérateur  ,  né  à  Paris 
le  4  mars  \666y  était  fils  d'un  pro- 
cureur au  parlement.  Il  montra,  dès 
son  enfance ,  un  goût  très-vif  pour 
les  lettres  :  h  quinze  ans  ,  il  avait  déjà 
publié,  dans  le  Mercure  ,  quelques 
imitations  en  vers  des  plus  belles 
épigrammes  de  Martial  ;  elles  lui 
méritèrent,  de  la  part  de  l'illustre 
Bayle  ,  des  éloges  et  des  encourage- 
ments (1).  Après  avoir  terminé  ses 


(1)  La  Lrttrc  de  Bayle  à  Monchesnay  ne  se  trouve 
•point  dans  le  recueil  de  ses  œuvres  ;  mais  elle  est  iiu- 
})riiaca  dans  le  Mercure  de  septembre  1740. 


MON 

cours ,  il  se  fit  recevoir  avocat  (  i  )  j 
mais  la  fortune  dont  il  jouissait  le 
dispensait  d'exercer  aucune  profes- 
sion ,  et  il  ne  parut  point  au  barreau. 
Il  fit  jouer  par  les  comédiens  ita- 
liens ,  quelques  pièces  dont  le  succès 
ne  fut  point  contesté  :  cependant  il 
se  repentit  bientôt  d'avoir  travaillé 
pour  le  théâtre;  et  à  l'exemple  de 
certains  moralistes  rigides ,  il  en 
vint  à  condamner  ,  sans  exception  , 
toute  espèce  de  représentations  dra- 
matiques. Boileau  ,  moins  scrupu- 
leux ,  prit  contre  Monchesnay  la 
défense  de  la  comédie  ;  mais  ce- 
lui-ci ne  se  rendit  point,  et  sou- 
tint dans  sa  réponse  (a)  que  Molière 
avait  beaucoup  contribué  à  cor- 
rompre les  mœurs  en  France  ;  opi- 
nion embrassée  et  défendue  par  le 
philosophe  de  Genève ,  avec  une  rare 
éloquence  ,  et  combattue  avec  beau- 
coup d'adresse  par  d'Alembert  et 
Marmontel.  (  V.  la  Lettre  a  d'sJlem- 
berl  sur  les  spectacles ,  et  les  ré- 
ponses de  ses  deux  adversaires.  ) 
Monchesnay,  l'un  des  plus  grands 
admirateurs  de  Boileau  ,  lui  rendait 
de  fréquentes  visites  ,  dont  le  satiri- 
que l'aurait  volontiers  dispensé  :  «  Il 
»  semble,  disait-il ,  que  cet  homme- 
»  là  soit  embarrassé  de  son  mérite  et 
»  du  mien.  »  J.-B.  Rousseau  le  ju- 
geait, «  plus  né  avec  les  talents  du 
»  cabinet  qu'avec  ceux  du  monde.  » 
Les  suites  du  système  si  fatal  à  la 
France  dérangèrent  la  fortune  de 
Monchesnay  :  des  motifs  d'écono- 
mie le  déterminèrent  à  se  retirer  à 


(1)  Le  panégyriste  anonyme  de  Mffochrsuay  dit 
qu'il  fit  imprimer  ,  en  1691*011  i6t)3  ,  une  traduction 
du  Plaidoyer  de  Cicéron  pour  Milan 4  qu'il  y  mit 
son  nom  ,  et  y  prit  la  qualité  d'avocat.  C'est  une  er- 
reur qui  s'est  glissée  dan*  le  Dictionn.  de  Moréri  En 
irj;j3  ,  il  a  paru  nue  traduction  delà  Mdonienne  , 
mais  elle  est  de  Cl.  Delaistre ,  avocat. 

(n)  Elle  est  imprimée  à  la  suite  de  la  lettre  île  Boi- 
leau, dans  le  Vite,  tome  de  la  Continuât,  des  Mémoi- 
res de.  littéral.  (  V.  De'SMOLETS  ),  et  d;ms  redit, 
de  Boileau  ,  par  Saiut-Marc ,  III ,  5*1-53. 


MON 

Chartres,  pays  de  sa  femme  ,  où  il 
passa  les  dernières  aimées  de  sa  vie 
dans  la  retraite  et  dans   la  pratique 
i\i's  vertus  chrétiennes  :  il  y  mourut  le 
i(j  juin  1740-  Un  littérateur  de  cette 
ville  a  publié  son  Eloge  dans  le  Mer- 
cure;   septembre  ,  même  année  ).  On 
a  de  lui  :  I.  Cinq  Comédies:  la  Cause 
des  Femmes;  la  Critique  delà  Cause 
des  femmes  'y  Mezetin  grand  sophi 
de  Perse  ;  le  Phénix  ou  la  femme 
fidèle,  et  les  Souhaits.  Os  pièces  , 
représentées  de  1687  H  ,(\)3,  ont  été 
imprimées  dans  le  Théâtre  italien 
do  Gherardi  ;  et  elles  ne  sunt ,  ni  les 
meilleures,  ni  les  plus  mauvaises  du 
recueil.    IL   Satires  nouvelles  sur 
l'esclavage  des  passions  ,  et  sur  l'é- 
ducation des  enfants,  Paris,   1698, 
in-4°.  III.  Bolœana  ou  entretiens 
avec    Despréaux.    Il  rédigea    cette 
compilation  peu  de  temps  avant  sa 
mort ,  à  la  prière  de  l'abbé  Soueliav, 
qui  l'inséra  dans  les  pièces  prélimi- 
naire? de  son  édition  des  OEuvres  de 
Bûtleau  (Paris,   1740,  in-j°.  )  Le 
Bolœana  a  été  réimprimé  avec  les 
Poésies  de  Sanlecque,  Amsterdam  , 
1  7  \i  ,  iu-i  -2  ,  et  dans  le  tome  v  du 
luàltau  de  Saint-Marc,  avee  des  ad- 
ditions et  des  corrections  de  l'éd  iteur, 
nécessitées  en  général  par  les  erreurs 
que  Monchesnay  avait   commises, 
sans  qu'il  soit  permis  d'en  rien  con- 
clure contre saionne foi  (  /'.  \eIMct. 
universel,    au    mot    Monchesnay , 
xii,  67).  IV.  Il  a  laissé  en  manuscrit 
des  Epitres,  des  Satires  cl  des  /•.  / 
grammes,    trad.  de   Martial,  qu'il 
avait  eu  l'intention  de  publier:  «  Je 
ne  sais,  »  dit  Rousseau  dans  une  let- 
tre à  Brosaelte  ,  «  si  ses  épigrammes 
«  amont  un  l'oit  grand  succès  :  la  na'i- 
»  veté  ne  lasse  jamais ,  et  les  pointes 

»  d'esprit  lassent  bientôl Au 

ste  ,  ML  >1  m  besna)  est  plus  ca- 
»  pabled-  I  .l'un  autre, 


MON 


349 


m  et  je  ne  connais  que  lui  présente- 
»  ment  (17  1G)  qui  sache  faire  des 
»  vers  marqués  au  bon  coin.  J'ai  en- 
»  tendu  quelques-unes  de  ses  satires, 
»  où  j'ai  trouvé  des  endroits  parfaile- 
»  ment  bien  louches,  etc.  »  {Lettres 
de  Rousseau,  n,  1 15.)  Cet  éloge  est 
évidemment  dicté  par  la  complai- 
sance: c'est  un  des  exemples  que  l'on 
pourrait  citer,  pour  prouver  com- 
bien notre  grand  lyrique  écoutait 
quelquefois,  clans  ses  jugements,  non 
son  excellent  goût,  mais  ses  affec- 
tions particulières.  W — s. 
MONCHRÉTIEN.  V.  Mont- 

CIIRESTIKN.  V. 

MONCK  (George).  V.  Monk. 

MONCLAR  (  Jean-Pierre-Fr  ^x- 
çois  Rippert  de  )  ,  procureur-géné- 
ra!  au  parlement  d'Aix,  se  distingua 
parmi  les  magistrats  qui,  dans  le  dix- 
huitième  siècle,  répandirent,  pai  leurs 
lumières  et  leur  éloquence  ,  sur  les 
cours  souveraines  deprovince  un  éclat 
jusque  -  là  réservé  au  seul  parlement 
de  Paris.  Profondément  versé  dans 
le  droit  public  ,  il  déposa  la  preuve 
de  ses  connaissances  dans  une  foule 
de  mémoires  et  de  réquisitoires  sur 
des  objets  d'une  haute  importance. 
Les  secours  à  dispenser  aux  véri- 
tables indigents  ,  l'administration 
des  maisons  de  dépôt,  la  police  des 
collèges,  l'intérêt  de  l'argent,  la  ma- 
rine, la  maréchaussée,  la  libellé  du 
commerce  des  grains ,  occupèrent 
successivement  sa  plume.  D'Agues- 
seau  se  plaisait  à  nommer  VAmi  du 
bience.  magistral  infatigable,  Chargé 
de  rédiger  des  remontrances  .m  noin 
de  sa  compagnie,  Monclar,  sans  l'aire 
fléchir  la  dignité  du  Langage  et  la  fer- 
meté de  ses  réclamations,  sut  con- 
server h'  respecl  dû  au  souverain, el 
se  préserver  de  cette  dureté  ni!  peu 
républicaine  que  \  oltaire  repi  0 
à    Malesherbes.   Genève   rendit  un 


35o 


MON 


Îmblic  hommage  à  son  intégrité,  en 
e  choisissant  pour  arbitre  entre  les 
deux  partis  qui  la  divisaient.  Louis 
XV,  ayant,  par  suite  d'une  mésintelli- 
gence avec  la  cour  de  Rome  ,  fait 
occuper  Avignon  et  le  Gomtat  en 
1768,  Monclar,  de  concert  avec  le 
comte  de  Rochcchouart ,  comman- 
dant de  l'expédition,  prit  possession 
de  ce  territoire  autrefois  démembre' 
de  la  Provence.  L'année  suivante ,  il 
publia  un  Mémoire  pour  établir  les 
droits  du  roi  sur  cette  enclave.  Cet 
exposé  fut  d'un  grand  secours  aux 
orateurs  qui  reproduisirent ,  depuis  7 
la  même  question  à  la  tribune  de  l'As- 
semblée constituante.  Monclar  eut  à 
soutenir  de  longues  luttes  avec  le 
clergé  j  il  multiplia  les  réquisitoires 
contre  les  brefs  du  pape  et  les  man- 
dements des  évêques.  Mais  ce  fut  sur- 
tout contre  les  Jésuites  qu'il  déploya 
toute  l'énergie  de  son  caractère  et 
toute  l'activité  de  son  zèle.  Son 
compte  rendu  des  constitutions  de 
cette  société,  les  réquisitoires  où  il 
l'attaquait,  plus  substantiels  que  les 
philippiques  de  La  Chalotais,,  ne  leur 
sont  point  inférieurs  en  force.  On  les 
a  imprimés  dans  le  format  in- 12. 
Monclar  montra  la  morne  chaleur  au 
sujet  des  refus  de  sacrements,  et  des 
autres  actes  de  l'assemblée  du  clergé 
de  1765.  Cet  inflexible  exercice  de 
son  ministère,  l'indépendance  d'o- 
pinion qu'il  professait,  les  traits  que 
l'on  remarque  dans  ses  écrits  contre 
les  papes  et  les  évêques  ,  et  les  éloges 
que  lui  donnèrent  ceux  qui  régnaient 
alors  dans  la  littérature  ,  le  firent  re- 
garder comme  un  adepte  de  la  secte 
philosophique  ,  et,  par  suite  ,  indis- 
posèrent contre  lui  un  certain  nom- 
bre de  parlementaires.  On  lui  repro- 
cha ,  entre  autres  ,  la  sévérité  de  ses 
procédés  envers  le  président  d'A- 
guilles,  poursuivi  si  rigoureusement 


MON 

pour  avoir  opiné  suivant  sa  cons- 
cience dans  un  procès  fameux.  Son 
confesseur,  par  l'ordre  de  l'cvèque 
d'Apt,  exigea  de  lui,  dans  ses  der- 
niers moments  ,  qu'il  rétractât  ce 
qu'il  avait  avancé  de  défavorable  au 
clergé.  Il  se  résigna,  dit-on,  à  cet 
acte  de  repentir  et  de  soumission. 
Il  mourut  à  l'âge  de  soixante  -  sept 
ans ,  dans  sa  terre  de  Saint  -  Sa- 
vournin  ,  le  \'i  février  1773  ,  pen- 
dant la  disgrâce  des  parlements. 
Son  Mémoire  pour  le  procureur-gé- 
néral  de  Provence,  servant  à  établir 
la  souveraineté  du  roi  sur  Avignon 
etlecomtat  Venaissin,  1769,^1-4°., 
est  devenu  extrêmement  rare,  le  dé- 
pôt des  affaires  étrangères  ayant  ab- 
sorbé le  fonds  de  l'édition.  Il  est 
aussi  très-difficile  de  se  procurer  son 
Mémoire  théologique  et  politique 
au  sujet  des  mariages  clandestins 
des  Protestants  de  France ,  1755, 
in-8°.  (1)  F— t. 

MONCONYS  (  Baltuasar  )  , 
voyageur  français ,  était  né,  en  1 6 1 1 , 
à  Lyon  ,  où  son  père  exerçait  les 
fonctions  de  lieutenant  -  criminel  , 
auxquelles  il  succéda.  Monconys  ve- 
nait d'achever  ses  études  ,  quand  , 
sous  prétexte  d'éviter  la  peste  qui 


(1)  Il  y  prouve,  par  l'Écriture  et  la  tradition,  qu'en 
fait  de  croyance ,  la  violence  est  tout-à-fait  con  ■ 
traire  à  la  religion:  il  propose  que,  conformément 
M  l'arrêt  du  conseil  du  i5  septembre  i685  ,  on  per- 
mette aux  protestants  de  se  marier  devant  le  prin- 
cipal officier  de  justice  du  lieu  de  leur  résidence; 
et  que  les  bans  soient  publiés  au  siège  le  plus  pro- 
chnin.  On  y  trouve  la  force  qu'on  reconnaît  dans 
tout  ce  qui  est  sorti  de  sa  plume  ;  i!  fait  monter  le 
nombre  des  protestants  à  trois  millions.  Tous  ses 
réquisitoires  annoncent  une  imagination  vive;  mais 
elle  l'égaré  quelquefois  ,  comme  dans  son  réquisi- 
toire du  3o  mai  1-76;  contre  un  recueil  apologétique 
de  l'assemblée  du  cierge  de  i-65  ,  où  il  réduit  l'au- 
torité ecclésiastique  presqu'à  néant.  La  rareté  du 
Mémoire  relatif  aux  dioits  delà  France  sur  Avi- 
gnon, vitnt,  dit-on,  de  ce  que  les  Auglais  ayant 
menacé  de  se  déclarer  en  faveur  du  pape  ,  la  cour 
crut  devoir  les  apaiser;  cet  écrit  {fut  brûlé  par  arrêt 
du  parlement  de  Paris,  et  les  exemplaires  en  furent 
enlevés  :  c'était  un  ouvrage  de  commande  ,  et  Mon- 
clar avouait  franchement  que  s'il  l'eût  composé  à 
Naples  ,  il  eût  parlé  tout  autrement.  T — J8>. 


MON 

commençait  à  se  manifester  en  1628, 
il  obtint  de  son  père  d'aller  prendre 
ses  degrés  à  l'université  de   Sala- 
manque.  Il  parcourut  une  partie  de 
l'Espagne  ;  et  il  songeait  à  passer 
aux  Indes  ou  à  la  Chine  :  son  père 
le  fit  revenir  ,  et  espéra  le  fixer  par 
une  charge  de  conseiller  ;  ce  fut  im- 
possible. Monconys,  n'écoutant  que 
son   penchant,    partit,   en    i645, 
pour  le  Portugal  ,  avec  le  dessein 
d'aller  aux  Indes  Orientales  ;  mais  il 
ne  poussa  pas  ses  courses  aussi  loin. 
11  visita  successivement  la  Provence, 
l'Italie,  l'Egypte,  la  Palestine,  la 
Syrie  ,  la  Natolie ,  Constantinople  , 
et  fut  de  retour  au  mois  de  janvier 
1649.  Un  des  buts  de  son  voyage 
avait  été  d'apprendre  des  savants  de 
ces  pays,  s'il  restait  quelques  traces 
de  la  philosophie  de  Trismégiste  et 
de  Zoroastrc  :  car  il  cultivait  assidû- 
ment les  sciences  occultes  ;  et  l'au- 
teur de  sa  vie  dit  qu'en  Portugal ,  il 
fit  admirer  sa  facilité  à  dresser  des 
horoscopes.  Cependant  ses  connais- 
sances lui  avaient  acquis  l'estime  et 
l'attachement  des   personnages  les 
plus  illustres  et  les  plus  doctes  de 
sou  temps.  Leduc  de  Luy nés, ayant 
eu  à  traiter  une  négociation  impor- 
tante avec  la  cour  de  Rome ,  en  char- 
gea  Monconys,  qui  ,  dans  deux  au- 
diences, amena  le  pape  à   tout  ce 
qu'il  desirait  La  satisfaction  que  le 
duc  de  Luynes  en  éprouva  ,  fut  si 
vive,  qu'il  pria  Monconys  d'accom- 
pagner  son  fils  ,  le  duc  de   Chc- 
vreuse ,   dans   les    pays  étran 
Monconys  ne  put  refuser  cette  pro- 
position qui  s'accordait  si  bien  avec 
ses  anciens  goûts;  el  il  parcourut 
successivement  ,  au  mois  de 

juillet  \6(>\  ,  I  e ,  les  Pro- 

vinces-Unies et  l'Ail  et  re- 

vint par  le  Milanc  Savoie. 

Une  maladie  dont  il  fut  attaqué , 


MON 


55 1 


peu  de  temps  après  son  retour  dans 
sa  ville  natale,  le  mit  au  tombeau 
le  28  avril  jGGj.  Son  (ils  (  le  sieur 
de  Liergues  )  publia  les  Voyages 
de  M.  de  Monconys ,  etc. ,  Lyon  , 
i665  ,  3  vol  in  -  4°-  ■>  avec  fig.  ; 
Paris ,  1667  ,  1  vol.  in- 4°.  ;  ibid. , 
i6g5  ,  5  vol.  in  -  i-i  ,  6g,  ;  trad.  en 
allemand,  par  Chr.  Juncker,  Leip- 
zig, i(>97  ,  in-  4°«  i  fig«  Monconys 
était  un  homme  estimable  ,  et,  sans 
doute  ,  très-instruit  pour  son  temps  ; 
mais  la  relation  de  ses  voyages  ne 
répond  pas  à  la  haute  réputation 
dont  il  a  joui  de  son  vivant.  L'on 
n'y  trouve  ,  le  plus  souvent ,  qu'un 
journal  fort  sec  ,  ou  rempli  de  par- 
ticularités très-insignifiantes ,  et  en- 
tremêlé d'une  prodigieuse  quantité 
de  recettes  et  de  formules  médicales 
et  chimiques  ,  toutes  plus  bizarres 
les  unes  que  les  autres.  Les  observa- 
tions utiles  y  sont  extrêmement  ra- 
res. E — s. 

MONCOUSU  (Pierre- Augustin), 
capitaine  de  vaisseau ,  né  en  1  7  56 ,  à 
Beauné,  en  Anjou,  entra  dans  la 
marine  ,  à  l'âge  de  dix -sept  ans  , 
comme  matelot ,  fut  fait  officier  bleu 
en  1 779  ?  et  embarqué  sur  la  frégate 
la  Terpsicore.  Nommé  capitaine  de 
vaisseau  en  179I,  il  prit  le  com- 
mandement du  Redoutable.  Au  com- 
bat d'Algésiras,  livré  par  l'escadre 
de  Liuois  ,  à  celle  de  l'amiral  Sau- 
marez,  le  5  juillet  1801  ,  Moncousu 
commandait  le  vaisseau  Y  Indompta- 
ble. 11  lit,  dans  celte  action,  des 
prodiges  de  valeur  j  mais  le  sort  tra- 
hit son  courage,  et  il  fut  emporté 
par  un  boulet  sûr  son  banc  de  quart, 
vcis  la  fin  du  combat,  La  perte  du 
brave  Moncousu  fut  vivement  ap- 
préciée par  ses  camarades,  qui  le 
<  onside'raient  comme  un  '1rs  meil- 
leurs officiers  du  corps.  Il  a\ ait  ac- 
quis des  connaissances  peu  commu- 


35j 


MON 


nés,  dans  ses  nombreuses  campagnes 
de  guerre  et  de  paix.     H — Q — rv. 

MONCRIF  (  François-Augustin 
Paradis  de  )  naquit  à  Paris  en  1 687 . 
Il  perdit ,  bien   jeune  encore  ,  son 
père,  qui  était  procureur.  Sa  mère, 
femme  d'esprit ,  d'origine  anglaise  , 
ne  négligea  rien  pour  l  éducation  des 
deux  fils  dont  elle  restait  chargée.  Un 
peu  plus  tard,  elle  mit  un  vif  intérêt 
a  introduire  dans   le  grand  inonde 
Faîne,  dont  il  s'agi;  ici,  et  auquel 
elle  lit  prendre  le  nom  de  Montcrief , 
.son  aïeul  ,  en  le  francisant  un  peu. 
On  a  prétendu  que  cet  aîné,  ayant 
très  -  bien  réussi  dans  l'art  de  l'es- 
crime, voulut  être  reçu  maître  d'ar- 
mes. Il  est  à-peu-près  démontré  que 
cette  circonstance  s'applique  au  frère 
cadet  :  Mme.  Paradis  ne  reconnaissait 
pas  en  lui  d'autre  moyen  d'arriver  à 
la  fortune  que  celui-là  ;  mais ,  grâce  au 
crédit  de  Moncrif  ,  il  finit  par  être 
commandant  d'une  petite  place.  Le 
plus  âgé  des  frères  ,  dont  la  figure 
était  prévenante  ,  l'esprit  fin  ,  l'hu- 
meur douce   et  égale  ,   dut  surtout 
aux  talents  agréables  qu'il  cultivait, 
l'avantage  d'être  accueilli  dans  des 
sociétés  brillantes  ,  où  il  fit  connais- 
sauce  avec  la  jeunesse  la  plus  distin- 
guée  du  royaume.  Poète,  musicien,  ac- 
teur ,    il  était  l'ame  des  divertisse- 
ments à  la  mode.  Le  grand-prieur 
d'Orléans  et  le  comte  de  Maurepas 
aimaient  extrêmement  les  parodies 
et  les  parades.  Ce  fut  pour  eux  qu'il 
travailla  dans  ce  dernier  genre  ,  sou- 
vent beaucoup  trop  gai ,  et  que  de- 
puis long-temps  le  bon  goût  a  relégué 
,     chez  nous  sur  les  tréteaux  ,  qui  n'at- 
tirent guère  que  le  peuple  (1).  Mon- 
crif trouva  des  dispositions  particu- 
lièrement bienveillantes  dans  la  mai- 


(1)  Collé  nous  apprend  que  Y  Amant  cochemar , 
parade  en  vers ,  imprimée  daus  le  Théâtre  des  lou- 
dtyards  .  i?56,  2  vol-  >»  i  ■■ 


IVSGSi 

son  de  MM.  d'Argenson  ,  qui,  de- 
puis ,  furent  ministres.  Celui  qui  por- 
tait le  titre  de  comte,  commença  par 
s'attacher  à  lui  en  raison  delà  com- 
plaisante facilité  de  caractère  qu'il 
remarquait  dans  ce  compagnon  de 
quelques-uns  de  ses  plaisirs  :  il  le 
prit  ensuite  pour  secrétaire.  Moncrif 
ne  se  borna  pas  à   rechercher,  un 
peu   plus  tard,   la   protection  d'un 
prince  du  sang,  ami  des   sciences, 
des  lettres   et   des  arts .   le  comte 
de  Clermont  :  il  prélendit  à  sa  fa- 
veur. Ce  prince  -  abbé  le  fit  secré- 
taire de  ses  commandements  ;  et , 
de  plus ,  ayant  été  chargé  par  Louis 
XV  de  la  feuille  des  bénéfices  ,  il  en 
laissa  ,  pour  ainsi  dire  ,  la  dispo- 
sition à  son  protégé.  On  ajoute  cpie 
les  propositions  des  sujets  ecclésias- 
tiques  ne  furent   pas   toujours   di- 
rigées d'après  les  conseils  des  hom- 
mes les  plus  moraux  que  fréquentait 
le  secrétaire.  Il  se  brouilla  dans  cette 
petite  cour ,  en  1 7 34  ;  mais  il  fut  dé- 
dommagé de  ce  qu'il  perdait,  par  la 
place  de  lecteur  de  la  reine  Marie 
Leczinska  ;  et  il  eut  ainsi  ses  entrées 
chez  le  roi.  Cette  princesse  l'honora 
de  sa  confiance,  et  le  traita  même 
avec  une  bonté  toute  particulière , 
qui  lui  donna  dès- loi  s  une  sorte  de 
crédit  à  la  cour.  Il  avait  eu  l'obliga- 
tion de  sa  nouvelle  place  au  comte 
d'Argenson ,  devenu  ministre  de  la 
guerre,  et  qui,  ayant  aussi  la  sur- 
intendance des  postes,  lui  assura, 
dans  cette  dernière  administration  , 
l'emploi  de  secrétaire-général.  Mon- 
crif avait  été  reçu  à  l'académie  fran- 
çaise, en  1733  ,  avanl  que  ses  litres 
littéraires  fussent  très-nombreux,   11 
y  succédait  à  M.  de  Caumartin  ,  évê- 
quede  Biois  ,  et  oncle  des  deux  d'Ar- 
genson qui  s'étaient  si  efficacement 
intéressés  à  lui.  Le  cours  de  sa  vie 
n'oS'rit  plus  d'evénemcntsremarqua- 


MON 

blés  jusqu'au  moment  où  il  apprit 
que  le  comte  d'Argenson  était  exilé  à 
sa  terre  des  Ormes  (  17^7  ).  Aussitôt 
il  mauifesta  sa  douleur  par  des  té- 
moignages très- marques  ,  eu  parais- 
sant braver  Mme.  de  Pompadour,  qui 
avait  provoqué  la  disgrâce  de  ce  mi- 
nistre ,  et  il  sollicita  la  permission  de 
le  suivre  dans  sa  retraite.  On  laissa 
seulement  Moncrif  maître  d'y  aller 
passer  six  semaines  ;  et  il  retourna 
tous  les  ans  donner  la  même  preuve 
de  reconnaissance  et  d'attachement 
à  l'un  des  premiers  auteurs  de  sa  for- 
tune ,  qui  ne  voulait  plus  être  sou 
pro lecteur  ,  mais  son  ami.  Indépen- 
damment de  ce  qu'il  mettait  d'agré- 
ment dans  le  commerce  du  inonde  , 
par  ses  talen  ts  aimaLIes,on  apprécia  it 
en  lui  une  ame  sensible  et  une  grande 
aménité  de  mœurs.  Mais  Marmon- 
te! ,  dans  ses  Mémoires ,  et  Cirimm  , 
dans  sa  Correspondance  ,  semblent 
s'être  accordés  à  le  peindre  comme 
minutieux  et  susceptible.  Voltaire 
lui  écrivait  assez  souvent;  et  tout 
en  se  permettant,  en  secret,  quelques 
plaisanteries  sur  son  compte,  il  mé- 
nageait le  secrétaire  des  commande- 
ments du  comte  de  Clermont,  et 
surtout  le  lecteur  de  la  reine,  dont  il 
avait  besoin  dans  la  capitale ,  pour 
les  ouvrages  qu'il  y  envoyait  succes- 
sivement, et  en  général  pour  ses  in- 
térêts littéraires.  Du  reste,  il  ne  par- 
donna pas  sans  peine  à  son  confrère 
de  l'académie  française  d'avoir,  par 
obéissance  pour  la  princesse  qu'il 
avait  l'honneur  d'approcher  souvent, 
mis  en  vers  quelques  cantiques  pieux, 
que  d'Alerabert  a  cependant  loués, 
en  disant  que  c'étaient  des  poésies 
spirituelles ,  dans  tous  les  sens  pos- 
sibles de  ce  mot.  On  a  prétendu  que 
si  Moncrif  se  montrai!  dévot  a  la 
cour,  il  était  toujours ,.  Paria  homme 
de  plaisir.  Il  mourut  âgé  de  qiutre- 

XXIX. 


MON 


353 


vingt-trois  ans  (1),  le  1 3  novembre 
1770 ,  au  palais  des  Tuileries  ,  où  il 
avait  un  logement.  On  trouve,  sur  les 
derniers  jours  de  sa  vie,  des  particula- 
rités singulières,  dans  le  huitième 
volume  des  Pièces  intéressantes  et 
peu  connues  de  La  Place ,  qui  d'ail- 
leurs atteste  que  la  fin  de  son  ami  fut 
chrétienne.  Tous  les  emplois  que 
Moncrif  réunissait,  lui  avaient  for- 
mé le  fonds  d'une  fortune  assez  con- 
sidérable ,  qui  fut  recueillie  par  ses 
héritiers  (2).  Il  avait  toujours  fait 
le  plus  généreux  et  le  plus  noble 
usage  de  cette  sorte  d'opulence  , 
dans  le  cours  de  sa  longue  car- 
rière. Il  faut  ajouter  aux  détails  de 
ses  titres  ou  places ,  qu'il  fut  lec- 
teur de  Mme.  ladauphine,  secrétaire 
du  duc  d'Orléans,  enfin  académicien 
de  Berlin  et  de  Nanci.  Ses  ouvra- 
ges les  plus  connus  sont  :  I.  Essais 
sur  la  nécessité  et  sur  les  moyens 
déplaire  (1738,  in  12),  production 
où  il  y  a  de  la  raison  et  des  maximes 
sages;  qui  est,  de  plus,  écrite  avec, 
agrément,  mais  avec  un  peu  de  dif- 
fusion. On  pourrait  reprocher  à  l'au- 
teur de  ces  Essais,  comme  l'observe 
d'Alembert,  d'avoir  cherché  a  rédui- 
re en  préceptes  un  art  dont  il  n'ap- 
partient qu'a  la  nature  de  donner 
des  leçons.  II  le  connaissait  parfai- 
tement, cet  art,  et  il  savait  le  mettre 
en  pratique;  mais  c'était  un  tort  de 
vouloir  le  révéler  aux  autres ,  et  le 
leur  enseigner  théoriquement.  Mon- 


(1)  Loui»  XV.  qui  aimait  à  s'entretenir  d'Açe  , 
dit  un  jour  'i  Moncrd  qu'où  lui  donnai!  QO  wuf  -  Oui  , 
Sue ,  r>  pondit-il  ,  mait  jâ  ne  Ut prer.ds  pax. 

(l)  Voltaire,  dans  une   lettre  de  i -<!">.  parle  d'un 
bâtard  de  Moncrif,  dont  lïge  tres-avancé  - 
mal  accord»'  avec  celui   de  son    pére  qui    iv.nl    alorf 
Deux  de  ses  parent!  ,  !<■  père  rtle  BU,   <(iu 
ntaietit probablement  ses  héritiers,  périrent 

mu   le.  Ii  ,t    ml  ,  en  1-ij)  ,  avec  plusieurs  ilioStl 

timet.  Il»  lurent  exécutes  le  jour  même  do  m  ther- 
midor  an    •  ,  le  | •  r  .   > 

à  l'écbafàud  avec-  toute  la  fermeté  i|n  |<  mu-  bomma 

qui   rt  recueillir  une  palme  m<  nj  iUit 

',     au». 

u3 


354 


MON 


cvii*  fit  imprimer,  à  la  suite,  quatre 
coûtes  'le  fées  ,  genre  de  composi- 
tion dont  lui-même  se  moqua  plus 
tard.  On  disait,  dans  le  temps  où  ils 
parurent ,  qu'ils  étaient  trop  sérieux 
pour  des  enfants,  et  pas  assez  amu- 
sants pour  ceux  qui  ne  le  sont  plus.. 
II.  Plusieurs  petits  romans,  parmi 
lesquels  on  distingue  les  Ames  r  va- 
les  {  1738  ).  La  chimère  indienne  de 
la  transmigration  des  âmes  lui  en 
avait  donne  l'idée.    On   remarque  , 
dans  cet  opuscule  ,  des  traits  de  cri- 
tique ;  ,  qui  portent  visible- 
ment sur  nos  mœurs  et  nos  ridicules. 
L'auteur  en  avait  donne  un  exem- 
plaire à  un  de  ses  amis  ,  qui  partait 
pour  le  Mogol.  Un  brame,  instruit 
de  notre  langue ,  crut  voir  dans  ce 
roman  un  développement  merveil- 
leux du  système  de  la   métempsy- 
cose :  «  en  sorte  ,  dit  Moncrif  ,  que 
»  je  passais  dans  le  Port -Royal  du 
»  Gange  pour  mi  génie  transcendant. 
»  Je  reçus  même  ,  ajoute-t-il,  un  pré- 
»  sent  du  brame,  avec  mille  assu- 
»  rances  d'estime  et  de  vénération.  » 
C'est  un   petit  in  -  foiio    représen- 
tant les  principaux  dieux  de  l'Inde  , 
avec  des  notes  mystiques;  Moncrif 
en  fit  hommage  à  la  bibliothèque 
du  roi.  III.  Histoire  des  chais,   ou 
Dissertation  sur  lavrééminence  des 
chats,  dans  la  société,  swles  autres 
animaux  d' E  gj  pie  ;  sur  les  distinc- 
tions et  privilèges  dont  ils  ont  joui 
personnellement  ;  sur  le  traitement 
honorable  qu'on  leur  faisait  pendant 
leur  vie,  et  des  monuments  et  au- 
tels qu'on  leur  dressait  après  leur 
mort,  avec  plusieurs  yi'eces  qui  y 
ont  î^apport ,  Paris  ,  Quillau  ,  ï  727- 
1748?  et  réimprimé  a  Amsterdam  , 
en  1767  ,  in  8°.  Moncrif  avait  pro- 
digué dans  cette  production,  grave- 
ment frivole ,  ainsi  qu'il  la  qualifiait 
lui-même,  une  érudition  pédantesque 


MON 

dont  il  ne  voulait  que  s'égayer.  Le 
principal  mérite  était  dans  les  gravu- 
res faites  par  le  comte deCaylus,  d'a- 
près les  dessins  de  Coypel  :  mais  le 
ridicule  s'y  attacha  ;  e;  il  en  résulta, 
pour  l'historien  des  chats,  pendant 
toute  la  diiréede  sa  vie,  beaucoup  de 
critiques  et  de  sarcasmes.  Ceux  du 
poète  Roy  excitèrent  sa  colère.  Un 
jour  que,  pour  le  châtier,  il  avait 
pris  un  bâton  :  Patte  de  velours  , 
Minet  ,  patte  de  velours ,  lui  dit 
Roy,  eu  tendant   le   dos.  Moncrif 
retrancha  ses  Lettres  sur  les  chats , 
du  ivecucil  de  ses  œuvres  publiées 
par  lui-même  en   17JI  ,  et  il  mo- 
tiva cet  acte  de  justice  sévère.  Com- 
me il  cherchait ,  après  le  départ  de 
Voltaire  pour  la  Prusse,  à  intéres- 
ser le  comte  d'Argenson,  pour  qu'il 
lui  fît  obtenir  la  place  d'historiogra- 
phe: «  Tu  veux  dire  liistoriogrifje,  » 
lui  répondit  le  ministre.  IV.  Quel- 
ques Dissertations,  dont  une  ,   lue 
à  l'académie  française,  fixe  avec  jus- 
tesse et  équité  la  différence  entre  l'es- 
prit de  critique  et  l'esprit  critique. 
Dans unéautre dissertation  non  moins 
digne  d'éloges,  il  met  à  leur  place 
ces  prétendus  romans  ,  connus  sous 
le  nom  de  Féeries^  et  qui  ne  mëri 
tent  pas  même  ,  selon  lui,  le  110 
d'ouvrages  d'imagination.  V.  L' O 
racle  de  Delphes ,  comédie  en  troi 
actes  et  en  vers,  jouée  au  Théâtre- 
Français,  en  17*22,  sans  nom  d'au 
teur.  Le  public  la  reçut  très-bien 
mais  le  gouvernement  la  défendit  à  1 
quatrième  représentation,  parce  qu' 
s'y   trouvait  quelques    plaisanterie 
sur  la  religion  païenne,  dont  on  fai 
sait    des    applications    dangereuses 
VI.  Les  Abdèrit.es ,  autre  comédi 
en  un  acte  et  en  vers  libres,  compo 
sée  pour  madame  la  duchesse,  doua' 
rière,  mère  du  comte  de  Clermont 
elle  fut  représentée  à  Fontainebleau 


us 

\ 

us 

3- 

?s 


MON 

dans  le  mois  de  novembre  1732  , 
mais  ne  partit  jamais  sur  la  scène 
française.  VIL  Divers  petits  Opéras- 
ballets,  dont  le  succès  ne  s'est  pas 
soutenu  loue-temps.  Presque  tous 
sont  des  modèles  de  celle  galanterie 
fade  que  nous  ne  pourrions  suppor- 
ter aujourd'hui.  L'acte  de  Zelindor 
fit  plus  de  plaisir  que  tous  les  autres. 
VIII.  Poésies  chrétiennes ,  compo- 
sées par  ordre  de  la  reine,  Paris, 
17  47 ,  petit  iu-8°.  IX.  Des  Poésies 
fugitives,  à  la  tête  desquelles  il  faut 
placer  le  Rajeunissement  inutile,  pe- 
tite pièce  charmante,  qui  suffirait 
pour  transmettre  avec  honneur  à  la 
postérité  le  nom  de  son  auteur.  X. 
Des  Chansons  dont  ou  ne  peut  assez 
vanter  le  sel  ou  la  grâce.  Moncrif  re- 
mit en  vogue  parmi  nous  un  genre 
dans  lequel  il  n'a  pas  de  rivaux  :  quel- 
ques-unes de  ses  romances  sont  vrai- 
ment dignes  du  bon  vieux  temps  , 
dont  il  a  imité  le  langage  avec 
beaucoup  d'art  et  de  talent  •  on 
y  trouve  autant  de  finesse  que  de 
sentiment ,  de  délicatesse  et  de  naï- 
veté. 11  Tut  éditeur  d'un  Choix  de 
chansons  ,  à  commencer  par  celles 
du  comte  de  Champagne,  jusques  et 
compris  celles  de  quelques  poètes 
vivants ,  1  7  > 7  ,  in- 12.  Moncrif  tra- 
vailla ,  de  1 7^9  à  I7f3,  au  Journal 
des  savants.  Il  composa  IVpîn 
dicaloire  et  la  préface  du  /<' 
des  pièces  choisies ,  rassemblées  par 
les  soins  du  Cosmopolite  ,  Aucune  , 
1735  ;  recueil  que  l'on  attribue  à  la 
princesse  de  Conti,  ou  bien  au  duc 
d'Aiguillon.  11  prit  part  aussi  à  la 
rédaction  des  h'drcnnes  de  la  Saint- 
Jean.  En  17  i  '),  il  pensait  adonner 
une  édition  deJ.-B.  Rousseau  :  nous 
ne  croyons  pas  <pi<-  ce  projet  ail 
eu  son  exécution.  L'auteur  des  Me'?. 
lances  d'une  grande  bibliothèque 
(  tome  11  )  lui  attribue  les  Mille 


MON  355 

et  une  faveurs,  contes  indiens  ,  un 
vol.  in- 12  (1716),  <|  1  est  fort  ra- 
re. Cet  ouvrage a\ ail  paru  en  1714, 
sous  le  titre  tf  Aventures  de  Zéloïde 
et  d'Ainanzarijdine.  Les  Œuvres 
de  Moncrif  ont  été  imprimées  a  Pa- 
ris, en  1701,3  vol.  in- 1  G. Il  en  existe 
une  édition  de  1768,  en  4  vol.  in- 
1 2 ,  avec  figures  ;  une  autre,  augmen- 
tée de  l'histoire  des  chats,  et  publiée 
à  Paris,  en  1791,  2  vol.,  in-8°;  :  en- 
fin une  nouvelle  édition  a  paru  en 
1801,  2  vol.  iu-18.  L — P — e. 
MONDEVILLE.  F.  Hl:rmo*da- 

VILLE. 

MONDINO  (  abréviation  de  Ri- 
mondino  )  ,  en  latin  Mundinus ,  mé- 
decin et  anatomiste  italien,  du  qua- 
torzième siècle,  naquit  à  Milan,  sui- 
vant quelques-uns  ,  et  suivant  d'au- 
tres ,  a  Florence.  On  sait,  avec  plus 
de  certitude,  qu'il  mourut  à  Bologne, 
en  i3'i6  ,  après  a\  oir  enseigné  long- 
temps avec  beaucoup  d'éclat  dans 
l'université  de  celte  ville.  On  regarde 
généralement  Mondino  comme  le 
restaurateur  de  Fanatomie  ,  dans  l'é- 
tude de  laquelle  il  prit  Galien  pour 
son  principal  guide.  11  eut  plus  de 
facilités  que  le  médecin  de  Pergamc 
pour  disséquer  des  cadavres  humains* 
et  il  sut  en  tirer  un  grand  avantage 
pour  confirmer  ou  corriger  les  des- 
criptions des  anciens  ,  et  en  donner 
de  nouvelles.  Les  ouvrages  de  Mon- 
dino ont  été  long-temps  classiques  en 
Italie  »  *>ù  ils  servaient  de  texte  dans 
les  universités  ,  pour  les  leçons  d'a- 
natonue.  Mondino  a  laissé'  Y  Ouvrage 
suivant  :  Anatomè  omnium  humant 
corporis  interiorum  membrorum  , 
Pavie:,  1  178,  in-folio;  ibid.  ,  1 
in  i».,  et  iii-S\  ,  avec  les  Commen- 
taires de  Mathieu  Curtius  ;  Bolo 

,  ,  iu-i.l.  ;  ibid.  ,  1  Ï2i  ,  belle 
édition  ,  avec  ce  titre  :  Càrpi  nom- 
mcnlaria  CUtn  amplissimis  annota- 

23.. 


3jG 


MON 


tionibus  super  anatomiam  Mundini 
unà  cum  textu  ejusdem  inpristinum 
et  verum  nitorein  redacto ,  avec  des 
ligures;  Padoue,  avec  les  Commen- 
taires de  Berenger  de  Garpi,  1484  , 
in-4°.  ;  ibid.  ,  publié  par  André 
Merlianus ,  en  i5s3  ,  in-fol.  ;  par 
Jean  de  Katam  ,  en  i(î38  ,  avec  des 
notes  ;  Leipzig ,  1 5o5  ,  in-4°. ,  avec 
des  Commentaires  de  Martin  Polich  ; 
Venise  ,  1507  ,  in-fol. ,  publiée  par 
Jérôme  de  Maffei  ;  Strasbourg ,  1 5o9, 
de  l'imprimerie  de  Martin  Flach  , 
caractères  gothiques  ;  ibid. ,  en  1 5 1 3 , 
avec  ce  titre  particulier  :  Mundinus 
de  omnibus  humani  corporis  inte- 
rioribus  membris  anatomia;  Lyon  , 
i5'iS7  in-8°.  5  Marbourg  ,  i54i  , 
in-4°.,  publié  par  Dryander.  D-g-s. 
MONDONVILLE  (Jeanne  de 
Juliard,  dame  de),  fille  d'un  con- 
seiller au  parlement  de  Toulouse , 
devint  veuve  au  bout  de  cinq  ou  six 
ans  de  mariage,  et  résolut  de  se  con- 
sacrer à  l'instruction  et  au  soulage- 
ment des  pauvres.  Elle  ouvrit  des 
écoles  gratuites,  et  institua  une  con- 
grégation de  filles ,  qui  devaient 
s'appliquer  aux  œuvres  de  charité. 
Alexandre  VII  approuva  cette  con- 
grégation, en  1662;  et  plusieurs  évé- 
ques  l'autorisèrent  dans  leurs  dio- 
cèses. Mme.  de  Mondonville  obtint 
aussi  un  arrêt  du  parlement  de  Tou- 
louse en  faveur  du  nouvel  institut , 
qui  prit  le  nom  des'  Filles  de  V en- 
fance de  Notre-Seigneur.  Outre  la 
maison  de  Toulouse  7  il  s'en  forma 
d'autres  à  Pézenas,  à  Saint-Félix,  à 
Montesquieu,  à  Aix.  Toutefois  Mme. 
de  Mondonville  éprouva  des  contra- 
riétés :  des  liaisons  qu'elle  avait  for- 
mées ,  déplurent  ;  on  l'accusa  d'in- 
trigues, soit  dans  l'affaire  du  jansé- 
nisme ,  soit  dans  celle  de  la  régale. 
En  i685,  elle  eut  défense  de  rece- 
yoir  aucune  fille,  puis  de  prendre 


MON 

des  pensionnaires;  et  un  arrêt  du 
conseil,  du  12  mai  1686,  supprima 
la  congrégation.  L'autorité  ecclé- 
siastique appuya  cette  mesure  :  les 
maisons  furent  détruites;  et  Mme. 
de  Mondonville,  exilée  à  Coutances  , 
y  mourut  le  3  janvier  1703(1).  An- 
toine Arnauld  prit  la  défense  des 
Filles  de  l'enfance,  dans  son  livre  in- 
titulé, Y  Innocence  opprimée ,  1 688 , 
in-i  2 ,  où  il  présente  leur  destruction 
comme  l'ouvrage  d'une  horrible  ca- 
bale. On  essaya ,  en  ï  7 1 7 ,  de  rétablir 
la  congrégation  ;  et  il  parut,  l'année 
suivante ,  un  Recueil  de  pièces  con- 
cernant les  Filles  de  l'enfance  , 
in- 1 2  ,  2  parties  :  d'un  autre  côté , 
Reboulet ,  d'Avignon ,  publia  une 
Histoire  de  la  congrégation  des 
Filles  de  l'enfance ,  1734,  2  vol. 
in-12.,  où  il  donne  une  idée  peu 
avantageuse  de  cet  institut,  et  de  la 
fondatrice ,  qu'il  présente  comme 
livrée  à  un  parti.  L'abbé  Juliard, 
prévôt  de  l'église  de  Toulouse,  et 
neveu  de  Mme.  de  Mondonville  , 
obtint  du  parlement  de  Toulouse  , 
en  1735,  un  arrêt  qui  condamnait 
cette  Histoire ,  et  fit  imprimer  un 
Mémoire  in-folio  ,  pour  la  réfuter. 
Reboulet  soutint  sa  relation  par  une 
Réponse  au  Mémoire  de  M.  Juliard, 
1737,  in-12,  de  348  pages  ;  écrit 
contre  lequel  le  parlement  de  Tou- 
louse sévit  aussi,  en  1738,  à  l'ins- 
tigation des  parents  de  Mme.  de  Mon- 
donville. P — c — T. 

MONDONVILLE  (  Jean-Joseph 
Cassanea  de  )  ,  né  à  Narbonne  7 
d'une  famille  noble ,  mais  pauvre  , 
le  24  décembre  171 5,  se  fit  remar- 
quer par  un  talent  précoce  sur  le 
violon.  Après  avoir  voyagé  et  com- 
posé trois  grands  motets  à  Lille  en 


(1)  Moréri  dit,  le  4  janvier  1704  :  nous  avons  suiv  » 
l'abbé  Racine  daus  son  Abrégé  de  l'histoire  ecclé- 

siaitiqu*. 


MON 

Flandre  ,  il  vint ,  en  1 737  ,  les  faire 
entendre  à  Paris,  a*  Concert  spiri- 
tuel ,  où  ils  furent  très-applaudis.  Ce 
succès ,  dans  le  genre  qui  a  le  plus 
contribue'  à  la  réputation  de  Mon- 
douville  ,  lui  valut  une  place  dans  la 
musique  du  roi ,  et  plus  tard  celle  de 
maîtrc-de-chapelle  à  Versailles.  Il 
publia  d'abord  des  sonates  et  des 
trio  de  violon ,  des  concerto  d'orgue, 
et  des  sonates  de  clavecin ,  avec  ac- 
compagnement de  violon.  Mais  sa 
pastorale  historique  d'Isbé,  jouée  en 
f]^'2  ,  sur  le  théâtre  de  l'Opéra,  n'y 
réussit  point.  Plus  heureux ,  eu  1 749, 
son  Carnaval  du  Parnasse  y  eut 
trente -cinq  représentations,  et  fut 
repris  en  1759  et  1767.  Ce  fut  ce- 
pendant moins  à  ses  talents  qu'à 
sa  souplesse  ,  et  à  quelques  circons- 
tances particulières ,  que  Mondon- 
ville  dut  une  vogue  de  quelques  an- 
nées. Il  s'était  fait,  à  la  eour,  de  puis- 
sants protecteurs,  qui  voulurent  l'op- 
poser au  célèbre  Rameau ,  dont  la 
rude  franchise  leur  avait  déplu ,  et 
procurer  à  Mondonvillc  une  sorte  de 
triomphe  sur  le  compositeur  bour- 
guignon. La  guerre  était  alors  décla- 
rée entre  les  partisans  de  la  musique 
française  et  ceux  de  h  musique  ita- 
lienne. Une  troupe  de  bouffons  avait 
fait  tomber  plusieurs  opéras  fran- 
çais ;  et  le  champ  de  bataille  allait 
rester  aux  chefs-d'œuvre  de  Pergo- 
lèse  et  des  autres  grands  maîtres  de 
l'Italie  ,  lorsque  Mondonvillc  donna 
Titon  et  V Aurore ,  en  1753.  Mme. 
de  Pompadour  prit  hautement  la  dé- 
fensedela  musique  française.  Le  jour 
de  la  première  représentation ,  le  par- 
terre de  l'Opéra  fut  occupé  par  les 
gendarmes  de  la  maison  du  roi,  les 
mousquetaires  et  les  <  lievau-légers  : 
!<s  messieurs  du  eàin  de  lareine(\  ) 

—  'I -  U  Manque 
H<„fjii»e     q  „  |f  plaçaient  JU  jkuUto  du  tôle  de  U 


MON  357 

ne  purent  trouver  de  place  que  dans 
les  corridors.  La  pièce  réussit  com- 
plètement ,  grâce  à  une  cabale  si  for- 
midable ;  et  l'on  envoya  un  courrier 
à  Choisi ,  pour  porter  au  roi  la  nou- 
velle de  cette  victoire.  Les  bouffons 
furent  renvoyés  en  Italie;  et  l'on  con- 
tinua de  brailler  à  l'Opéra  ,  jusqu'au 
temps  des  Gluck  et  des  Piccini.  En 
1 754  ,  Mondonvillc  obtint  un  double 
triomphe  ,  comme  auteur  et  compo- 
siteur ,  par  sa  charmante  pastorale 
languedocienne  de  Daphnis  et  Alci- 
madure,  avec  un  prologue  par  l'abbé 
Voisenon.  On  lui  contesta  néanmoins 
cette  double  paternité  :  on  prétendit 
que  la  pièce  était  connue  depuis  long- 
temps en  Languedoc  ,  sous  le  titre 
d' Opéra  de  Frontigtian  ;  que  la  mu- 
sique était  un  plagiat  d'intermèdes 
italiens  et  de  chansons  languedo- 
ciennes. Au  surplus ,  cette  innovation 
dut  une  partie  de  son  succès  aux  ta- 
lents de  J  éliotte,  de  Latour  et  de  M1Ie. 
Fel ,  qui ,  nés  tous  trois  dans  les 
provinces  méridionales  ,  rendirent 
l'illusion  complète  (  V.  Jéliotte  au 
Supplément.  )  En  1 768  ,  Mondon- 
villc remit  au  théâtre  cette  pastorale 
traduite  par  lui-  même  eu  français  , 
presque  littéralement.  On  trouva  que 
la  traduction  avait  souvent  chan- 
gé en  niaiserie  la  naïveté  languedo- 
cienne; que  la  musique  y  avait  perdu 
une  partie  de  son  charme  ;  que  le 
jeu  froid  ,  gauche  et  maniéré  de  Le- 
gros  et  de  Mme.  Larrivée ,  donnait 
lieu  de  regretter  les  acteurs  qui  a- 
vaient  créé  les  deux  premiers  rôles; 
qu'enfui  ,  c'étaient  les  ballets  qui  a- 
vaient  le  plus  contribué  au  nouveau 
succès  de  cette  pièce.  Cependant  l'en- 
thousiasme fut  si  grand ,  que  les 
applaudissements  forcèrent  les  ac- 
teurs et  les  musiciens  de  suspendre 

loge  de  U  reine  ,  et  pwmi  lesquels  m  f»u»i«ut  MM  .»  - 
MMH  d'Aleuibert  et  l'abbé  G»na 


358  MON 

leur  exécution.  Cette  pastorale  fut 
reprise  encore  en  1 7"3.  Les  autres 
opéras  de  M  on  don  vil  le  sont  :  Les 
Fêtes  de  P'ajphâs,  en  17.58  ;  Psy- 
ché ,  jouée  en  1 762  ,  devant  la  cour 
à  Fontainebleau ,  et  à  Paris  en  1 769  ; 
c'est  le  troisième  acte  de  la  pièce 
précédente  ;  Thésée ,  dont  il  refit  la 
musique  sur  les  paroles  de  Quihault , 
en  conservant  les  récitatifs  de  Lulli, 
et  qui  ne  réussit  pas  mieux  à  la 
cour  en  i-j(i5  ,  qu'à  Paris  en  1  7O7  : 
après  la  troisième  représentation  , 
l'auteur  eut  même  l'humiliation  de 
voir  remettre  la  pièce  avec  l'an- 
cienne musique  de  Lulli  ,  qui  ne 
Valait  pas  mieux  ;  enfin  ,  les  Pro- 
jets de  V amour  ,  ballet  héroïque  en 
trois  actes,  joué  en  1 77 1 .  A  la  mort 
de  Rover,  en  janvier  1755,  Mon- 
donville avait  été  chargé  de  la  direc- 
tion du  Concert  spirituel .  Il  s< 
quitta  avec  beaucoup  de  zèle  ;  et  ses 
motets  en  furent  long-temps  le  fonds 
le  plus  riche.  Ce  fut  lui  qui ,  le  pre- 
mier, en  1758,  y  fi*  exécuter,  à 
l'imitation  des  Oratorio  d'Italie,  les 
Israélites  au  mont  Oreb;  il  y  donna 
encore  les  Fureurs  de  Saûl  et  les 
Titans.  Mécontent  des  offres  deDau- 
vergne  ,  qui  l'avait  rem  plate  en 
1762  ,  mais  qui  ne  le  fit  point  011- 
'biier ,  Mondonville  lui  retira  d'a- 
Lord  sa  musique,  passa  depuis  un  bail 
de  neuf  ans,  et  s'obligea,  moyennant 
117000  francs,  de  fournir  ses  motets 
et  d'en  diriger  l'exécution  ;  mais  il 
exigea  qu'on  les  laissât  reposer  deux 

s ,  afin  de  ne  pas  en  fatiguer  le 
public.  Ce  compositeur  avait  beau- 
coup d'ainour-propre  :  il  avait  sur- 
tout la  prétention  de  passer  pour 
homme-dc-lettres  ;  et  la  plupart  des 
poèmes  de  ses  opéras  furent  affichés 
et  imprimés  sous  son  nom,  quoique 

:  de  Voisenon  eu  fût  le  véritable 
auteur.  En  1768,  MondonviUeob- 


MON 

tint  une  pension  de  1000  fr.  sur 
l'Opéra.  Contre'f  ordinaire  des  musi- 
ciens ,  il  était  très-avare.  11  avait 
amassé  une  fortune  assez  considé- 
rable, et  mourut  néanmoins  sans 
médecin ,  sans  chirurgien  et  sans  se- 
cours ,  dans  sa  maison  de  campagne, 
ta  Belleville  ,  près  de  Paris,  le  8  oc- 
tobre 1772.U  s'occupait, dit-on,  de 
traduire  le  Thémistocle  de  Métas- 
tase :  l'ardeur  qu'il  mettait  à  ce  tra- 
vail ,  enflamma  son  sang ,  et  causa 
sa  mort.  La  réputation  de  Mondon- 
ville ,  contestée  de  son  vivant ,  est 
bien  déchue  depuis  long-temps.  Il 
excellait  dans  les  motets  ,  dans  les 
chœurs  ,  dans  les  symphonies  •  mais 
ses  compositions  étaient  sans  verve , 
sans  génie  ,  et  ses  chants  aussi  traî- 
nants ,  aussi  monotones  que  ses  réci- 
tatifs. Grimm ,  partisan  outré  de  la 
musique  italienne,  l'appelle  un  musi- 
cien de  guinguette  (1).  La  femme 
de  Mondonville  cultivait  la  musique 
et  la  peinture.  Leur  fils,  né  en  1748, 
et  mort  vers  1808  ,  publia  des  so- 
nates de  violon,  en  1767.     À — t. 

MONDR  AIN  VILLE.  V.  Du  val. 
-  MONDRAJN  (  De  ).  V.  Dupuy  du 
Gp.ez. 

MONET  (  Philibert  ) ,  jésuite 
savoisien ,  né  en  i566,  à  Bonneville, 
entra  dans  la  Société  à  l'âge  de  vingt- 
quatre  ans ,  et.  ne  tarda  pas  à  se  faire 
Tcmarquer  par  ses  connaissances  ap- 
profondies dans  la  langue  latine.  Il 
fonda  ie  collège  de  ïhonon,  en  1 597. 
et  fut  très-iîtiie  à  saint  François  de 
Sales  dans  la  mission  du  Chablais.  Il 
enseigna  les  humanités  pendant  cinq 
ans  dans  le  collège  de  la  Trinité ,  à 


(1)  Doué  d'un  caractère  on'siual  et  même  bigarre  , 
jWondonville  aTait  mis  en  musique  !e  privilège  de  la 
librairie  ,  qui  précédait  nue  de  .ses  partitions,  Louis, 
par  la  2,1 are.  de  Dieu  ,  etc.  ,  etC;  ;  et  sp'i- 
fette  putnlilé  comme  d'un  chef d'œiivre  ,  il 
tait  de  faire  cbtrtitei  U  Gazelle  de  HvUande,  comme 
»oacLt>u.a«  (TopÔH.  .  S — Y — *» 


MON 

Lyon,  où  il  fut  vingt-deux  ans  préfet 
des  études;  il  professa  aussi  la  théo- 
logie morale  dans  la  même  ville,  et 
y  mourut,  en  i643.  Quelques-uns  de 
ses  nombreux,  écrits,  très -estimés 
dans  le  temps,  méritent  encore  d'être 
cités.  Son  Delectus  latinitalis  a  l'ait 
dire  au  P.  De  Colonia  (  Ilist .  litlér.  de 
Lyon  )  ,   que  personne  ne  connut 
mieux  que  le  pèreMonet  la  propriété 
et  la  force  des  mots  latins,  sans  ex- 
cepter même  les  Aide -Ma  nu  ce,  les 
Maffeï ,   les  Scioppius ,   etc.   Voici 
le  catalogue  le  plus  complet  des  œu- 
vres de  ce  savant  jésuite  :  I.  Feterum 
nummorum  ad  récentes  francicos 
propordo-,  une  feuille  in-fol.,  Lyon  , 
1617.  II.  Abacus  Romanorum  ra- 
tionum ,  h.   e.  de  nummariis ,   de 
mensurarum   ponderumque   notis , 
etc.,  ibid.,  1G18,  in-8°.  Yil./lnnuoe 
litterœ  Indiaru m ,  a  un .  1  Ci  1  -i  - 1 4 , 
ibid. ,  1618,  in-8\  :  ce  fut  le  P.  Mo- 
net  qui  traduisit  ces  lettres  en  latin. 
IV.  Delectus    lalinitatis  ,  Douai  , 
1625,    in- 12;   celte   édition  était 
déjà  la  septième,  et  ij^s'en  fil  un  grand 
nombre  d'autres  depuis  :  l'auteur  eu 
publia ,  eu  1 G  \-i,  une  nouvelle  édition 
in-8°. ,  avec  des  augmentations  con- 
sidérables. V.  Ligatures  des  langues 
française  et  latine,  in- 12  ,  Lyon, 
1  6 M).  Y  l.  Parallèle  des  l 
une  et  française,  in-.j°.,ibid.,  iG 3o, 
3i,  et  iG3G.  VII.  Rupecula  capta, 
Cracina  (Rhé)  servata  < 
X i lï,  Carmen,  iu-i.>,  ibid..  1 
VIII.  Origine  et  pratiqua  ti- 

Lyon, 
i63  1  ;  la  lilion  de  < 

vrage,  dont  Mcnestrier  parle 
éloge, parut  en  i65q.  IX.  6Y 
phia   Calliœ   veteri^    recentisque , 
in-ia,(l  .  Inventaire 

des  dem  !  fran- 

çais* i'i  veut 

rpie  l'un  1 


MON 


35f) 


on  le  prononce,  et  c'est  ainsi  qu'il 
orthographie  :  la  préface  qu'il  a  faite 
à  ce  sujet  est  savante.  XI.  Al 
du  Parallèle  des  lan 
et  latine,  m  j1.,  Rouen,  iG3*;.  XII. 
JSfomenclatura  geograahica  G  ailia- 
rum,  in- 12, Lyon,  i6£3.  XII 1. 1  il- 
bonius  Cymnasiarcha ,  in  Vespau- 
terii  grammaticam  ;  in-8°. ,  ibid., 
i654«  Quoique  cet  ouvrage  porte  mi 
titre  pseudonyme,  on  ne  peut  douter 
qu'il  ne  soit  du  P.  Monet.  Ce  fécond 
écrivain  a  encore  laissé  plusieurs  ou- 
vrages mss. ,  parmi  lesquels  le  P. 
Lelong  cite  des  Mémoires  sur  la 
Bourgogne,  sous  le  titre  Burgundio- 
nica,  que  l'on  possédait  à  Dijon;  et 
la  Bibliothèque  dos  Jésuites,  un  autre 
écrit  sous  ce  titre  :  Formularium  ar- 
tium  completum  ex  sentants  sym- 
bolis,  qui  devait  contenir  d'immen- 
ses délai  1s.  G.  M.  R. 

MONET,  lieutenant -général   au 
service  de  Pologne  ,  associé  de  l'aca- 
démie de  Nanci ,  et  de  celle  des  Ar- 
cadirns  de  Rome ,  sous  le  nom  d'.^/- 
jo-Leuconiense  ,  de  la  même 
famille  que  le  précédent,   naquit, 
eu  1 703 ,  de  François  Monet ,  contrô- 
leur de  la  chambre  des  comptes  de 
Savoie.  Il  entra  d'abord  dans  la  so- 
îsùites ,  d'où  sa  faible  san- 
té l'obligea  de  se  retirer  :  il  étudia 
le  droit  à  Turin ,  et  fut  fait  ensuite  ca- 
ie   d'infanterie.  Il  passa, 

uveraiu,  en  Po- 

•,  auprès  du  priii  riski , 

-pour  diriger  les  éti  0  fils. 

!u'il  fit  avec  son 

,  i!  recul ,  dans  plusieurs  cours  , 

.leur  de  Bavière 

1  te  111,  roi  de 

•cialio 

et  du  roi  de  Sar  daigne,  le  titre 


3fio 


MON 


de  comte.  Ayant  épouse  une  noble 
suédoise,  il  en  eut  deux  fils.  A  l'oc- 
casion du  mariage  de  Mmc  Marie- 
Clotilde-Xavièrede  France,  sœur  de 
Louis  XVI .  avec  le  prince  de  Pié- 
mont ,  depuis  roi  de  Sardaigne,  sous 
le  nom  de  Charles  -  Émanuel  IV, 
le  comte  Monct  ,  qui  était  alors  au 
service  de  France  .  publia  un  petit 
ouvrage  anonyme  ,  intitule  :  Essai 
historique  sur  la  maison  de  Savoie  , 
in-8°.,  Paris  ,  1779.  Cet  Essai ,  un 
-peu  superficiel  ,  contient  quelques 
détails  inexacts.  L'abbé  de  Martilly, 
auteur  d'un  Abrégé  chronologique  de 
l'histoire  de  la  maison  de  Savoie ,  en 
Vers  techniques  ,  publié  en  1780  ,  se 
plaint  amèrement,  dans  son  aver- 
tissement ,  de  l'auteur  de  \'E>sai  his- 
torique ,  qu'il  accuse  d'avoir  copié 
presque  mot  à  mot  quelques  uns  des 
écrits  ou  il  a  puisé  ses  matériaux, 
et  d'avoir  ensuite  voulu  faire  enten- 
dre que  lui .  Martilly  .avait  profité  de 
son  Essai,  et  n'était  qu'un  plagiaire. 
G.  M.  H. 

MONET  (  Jean  ).  V.  Monnet. 

MONFORT.  r.  Montfort. 

MO>OAULT(Nicolas-Hubert), 
excellent  traducteur  ,  né  a  Paris  ,  en 
1674  était  fils  naturel  de  Colbert- 
Pouanges.  Il  (il  ses  études  au  collège 
Duplcssis  ,  et  mérita  ,  par  son  esprit 
et  par  son  application,  l'estime  de 
Roliin  (1  ).  A  seize  ans  il  entra  dans 
la  congrégation  de  l'Oratoire ,  et  fut 
envoyé  au  Mans  faire  son  cours  de 
philosophie.  On  n'enseignait  encore 
que  la  philosophie  ancienne  :  il  étu- 
dia seul   celle  de  Descartes,  et   se 


(1)  B'il'in  a  inséré  dans  son  Traité  des  études, 
deux  lettre!  de  Cicéroa,  traduites  par  Mongault  , 
(lont  il  O  mpare  la  version  avec  telle  de  Saint- Real  ; 
toutcsd'ux  lui  semblei  t  laisser  «Deere  quelque  chose 
J>  désirer,  et  ses  observations  soi;t  pleines  de  goût  et 
'«le  justesse  ••  mais  son  attachement  pour  Mongault 
perce  i<u  travers  de  ses  critiques,  et  il  en  convient 
ïiii-inème  avec  nue  admirable  candeur.  Voye*  le 
*u»p.  été  la  Truduc.tifti ,  tome   j" 


MON 

trouva  en  état,  à  la  fin  de  ses  cours , 
d'en  prendre  la  défense  dans  des  thè- 
ses qui  furent  très-applaudies.  Il  pro- 
fessa ensuite  les  humanités  à  Ven- 
dôme :  n;aisla  faiblessedesa  poitrine 
ne  lui  permit  pas  de  soutenir  long- 
temps les  fatigues  de  cet  emploi;  et 
il  quitta  la  congrégation,  en  1699, 
pour  se  retirer  au  collège  de  Bourgo- 
gne. Colbert,  archevêque  de  Toulou- 
se, qui  prenait  un  vif  intérêt  à  l'abbc' 
Mongault,  l'appela  près  de  lui,  et  le 
combla  de  témoignages  solidesde  son 
affection  ,•  cependant  il  regrettait  le 
séjour  de  Paris ,  si  utile  à  un  homme 
de  lettres  :  il  y  revint  dès  qu'il  en  eut 
obtenu  la  liberté,  et  peu  de  temps 
après  il  fut  admis  à  l'académie  des 
inscriptions.  Chargé,  en  17 10,  de 
l'éducation  du  fils  aîné  du  duc  d'Or- 
léans ,  régent  du  royaume  ,  il  s'ac- 
quitta de  ses  importantes  fonctions  , 
de  manière  à  se  concilier  l'estime  et 
la  bienveillance  de  son  élève.  Il  s'at- 
tacha surtout  à  lui  inspirer  les  prin- 
cipes religieux  ,  capables  de  le  pré- 
server de  la  corruption  générale. 
Mongault  fut  récompensé  de  ses  soins 
par  plusieurs  bénéfices  ,  et  par  la 
place  de  secrétaire-général  de  l'in- 
fanterie ,  dont  le  duc  de  Chartres 
était  colonel.  L'abbé  D.»bois ,  devenu 
premier  ministre,  aurait  voulu  que 
le  prince  vînt  travailler  avec  lui,  et 
il  pria  Mongault  de  l'y  engager  :  «  Je 
»  n'abuserai  jamais  ,  lui  répondit 
»  celui-ci  ,  de  la  confiance  du  prince 
»  pour  l'engager  à  s'avilir  ».  On  voit 
que  si  Mongault  avait  de  l'ambition, 
comme  on  le  lui  a  reproché,  il  était, 
du  moins ,  bien  étranger  aux  moyens 
de  réussir.  Le  succès  de  sa  traduction 
des  Lettres  de  Cicéron  à  Atticus,  lui 
ouvrit,  en  17 18 ,  les  portes  de  l'aca- 
démie française.  Rendu  à  la  vie  pri- 
vée ,  il  se  proposait  d'entreprendre 
quelques  ouvrages  importants;  mais 


MO?J 

sa  santé  chancelante  ne  le  lui  permit 
pas.  Peuiant  les  vingt  dernières  an- 
nées de  sa  vie ,  il  fut  continuellement 
tourmente  par  des  douleurs  de  gra- 
velle,  ou  par  les  vapeurs  qui  leur 
succédaient.  Un  jour  on  lui  deman- 
dait ce  que  c'étaient  que  les  vapeurs 
dont  il  se  plaignait  :  «  C'est  »  ré- 
pondit-il «  une  terrible  maladie  ;  elle 
»  fait  voir  les  choses  telles  qu'elles 
«  sont.  »I1  conserva  jusqu'au  dernier 
moment  la  fermeté  d'un  philosophe 
chrétien ,  et  mourut  le  1 5  août  1 746 
(1),  emportant  les  regrets  de  tous 
ceux  qui  l'avaient  connu.  Fréret  pro- 
nonça son  éloge  à  l'acad.  des  inscrip- 
tions (  tom.  x vin  )  ;  et  Duclos  fut  son 
successeur  à  l'acad.  française.  C'était 
un  homme  d'un  caractère  franc  , 
vrai ,  bon  ami  ;  joignant  à  la  sagacité 
qui  saisit  le  ridicule ,  l'indulgence 
qui  le  fait  pardonner  ;  au  talent  d'une 
plaisanterie  fine  ,  un  talent  encore 
plus  rare ,  celui  d'en  connaître  les 
bornes  (  Voy.  le  Discours  de  récept. 
de  Duclos  ).  On  a  de  l'abbé  Mon- 
gault  ,  la  traduction  de  Y  Histoire 
d'Hérodien ,  Paris  ,  1 700 ,  in-i  2 ,  et 
celle  des  Lettres  de  Cicéron  à  Atti- 
cus,  ibid. ,  1714,  4  vol.  in- 1 a.  Elles 
jouissent  toutes  deux  de  l'estime  gé- 
nérale :  le  style  en  est  pur  et  élégant  ; 
et  les  notes  dont  est  accompagnée  la 
traduction  des  Lettres  à  Atticus  of- 
frent une  érudition  choisie  :  elles  ont 
été  fort  utiles  à  Middleton  pour  la 
vie  de  Cicéron  (  F.  Middleton  ).  On 
a  encore  de  l'abbé  Mongault  deux 
1  lations,  l'une  sur  les  honneurs 
divins  rendus  aux  gouverneurs  des 


(0  Vollu.re  prétend  que  l'»U>é  Monpauît  mourut 
de  chagrin  de  n'uvoùrpa  fefa  .     «  élève  la 

m  me  fortnfte  que  IV.  ,  ,,.„   n>est 

moini  vraisemblable.  Eet-il  d<>u«.  ai  étonnant  qu'un 
homme   d'une   • 
avant  l'âge,  meure  à  7»  ■ 

c'e»l  qu'il  ail  rtti  touleurs 

lonliuuclle». 


MON  36 1 

provinces,  du  temps  de  la  république 
romaine  ;  et  l'autre  sur  le  fanum  (  ou 
temple)  de  Tullia  :  elles  font  vive- 
ment regretter  que  sa  santé  ne  lui  ait 
pas  permis  d'en  rédiger  quelques 
autres  comme  il  en  avait  le  projet. 
W— s. 
MONGE  (  Gaspar  ) ,  créateur  de 
la  géométrie  descriptive,  et  l'un  des 
fondateurs  de  l'école  polytechnique, 
naquit  à  Beaune ,  en  17  46.  Son  père, 
livré  à  la  chétive  industrie  de  mar- 
chand forain,  soutenait  difficilement 
sa  famille 5  elle  se  composait  de  trois 
fils,  que  de  communes  dispositions 
entraînaient  vers  les  sciences.  Cet 
homme  de  bien,  à  qui  un  sens  droit 
faisait  sentir  l'importance  de  l'ins- 
truction ,  ne  négligea  rien  pour  leur 
en  procurer  le  bienfait.  Tous  les 
trois  se  dirigèrent  vers  les  fonctions 
de  l'enseignement  :  les  deux  plus  jeu- 
nes suivirent  d'abord  les  traces  de 
leur  aîné,  qui  fait  l'objet  de  cet  ar- 
ticle (  1  )  ;  mais  une  célébrité  assez  ra- 
pide l'eut  bientôt  mis  à  part.  Les 
Oratoriens,  qui  dirigeaient  le  collège 
de  sa  ville  natale ,  après  l'avoir  initié 
dans  les  premières  notions  des  ma- 
thcmatiqueSjPadressèrentàleurs  con- 
frères de  Lyon  ,  comme  à  une  école 
supérieure  ,  où  ses  talents  précoces 
achèveraient  de  se  développer.  Il  fut 
jugé,  à  seize  ans  ,  digne  de  s'asseoir 
à  coté  de  ses  nouveaux  maîtres,  et  de 
professer  la  physique.  Les  vacances 
lavant  ramené  au  sein  de  sa  famille , 
il  entreprit  de  lever  le  plan  de  Beaune 
sur  de  larges  dimensions.  Les  instru- 
ments nécessaires  lui  manquaient  :  il 
Mit  en  créer,  et  fit  présent  de  son 
ouvrage  à  l'administration  munici- 
pale (2).  Un  lieutenant- colonel  du 

(1)  L'un  mcàéda  depvii  ■  no  tii 

HYxnminnteiir  delà  marine  ;  l'autre  cet  moi  I   pcofi 
scur  d'hydrographie  •'■   I 

:  ^,iavc  ù  la  («te  d«  l'Hi>lo.ie 
de  Beaunu  ,parGw 


3f>2 


MON 


génie,  frappe  de  L'élégante  précision 
de  ce  travail ,  recommanda  Monge 
au  commandant  de  l'école  fondée 
depuis  quelques  années  à  Mezières 
pour  les  officiers  de  cette  arme.  Mais 
cet  établissement  ne  s'ouvrait  qu'à 
des  élèves  privilégies  ,  au  nombre  de 
vingt,  qui  se  renouvelaient  par  moi- 
tié tous  les  ans  :  il  fallait ,  pour  en 
faire  partie  ,  appartenir  à  une  con- 
dition élevée;  et  l'humble  fortune 
de  Monge  était  un  titre  d'exclusion. 
Il  ne  trouva  place  que  dans  la  classe 
des  appareilleurs  et  conducteurs  de 
travaux  des  fortifications,  en  qualité 
d'élève  et  de  dessinateur.  Isolé  au 
milieu  d'obscures  pratiques  ,  où  la 
dextérité  de  la  main  prévalait  sur 
l'intelligence  ,  on  méconnut  d'abord 
la  portée  de  la  sienne  :  on  ne  voyait 
en  lui  qu'un  dessinateur  exercé  ;  et 
il  brûlait  d'échapper  à  cette  estime 
exclusive  dont  s'irritait  son  amour- 
propre.  Cependant  le  commandant 
de  l'école  jeta  les  yeux  sur  lui  pour 
faire  les  calculs  pratiques  d'une  opé- 
ration de  défilement.  Monge ,  rebuté 
des  longs  tâtonnements  par  lesquels 
on  arrivait  à  la  solutiouduproblème, 
«t  inspiré  par  l'importance  de  son 
début  dans  la  carrière  ,  chercha  ses 
moyens  de  plus  haut,  et  imagina  une 
voie  plus  expéditive  et  non  moins 
sûre  :  ce  fut  la  première  méthode 
géométrique  et  générale  essayée  pour 
atteindre  au  résultat  désiré.  Sa  solu- 
tion lui  fut  contestée  ,  attendu  ,  lui 
dit  le  commandant ,  qu'il  n'avait  pas 
même  pris  le  temps  rigoureusement 
nécessaire  pour  épuiser  la  série  des 
calculs  obligés.  Force  fut  néanmoins 
d'examiner  le  procédé  de  l'élève,  et 
sa  capacité  fut  révélée  avec  éclat.  Il 
avait  dix-neuf  ans  alors.  Bossut,  qui 
professait  les  mathématiques  à  Me- 
zières, l'adopta  pour  son  suppléant; 
et  Monge  fut  attaché,  au  même  titre, 


MON 

à  l'aLbéNolîct,  pour  la  chaire  de  phy- 
sique. Bientôt  il  remplaça  tout  à-fait 
ce  dernier  dans  ses  fonctions  :  ce  fut 
pour  lui  l'occasion  d'une  foule  d'ex- 
périences curieuses  sur  les  gaz ,  l'at- 
traction moléculaire,  les  effets  d'op- 
tique et  l'électricité,  de  déductions 
fines  sur  la  météorologie ,  et  de  la 
découverte  importante  de  la  produc- 
tion de  l'eau  par  la  combustion  de 
l'air  inflammable.  Prévenu  ,  mais 
sans  le  savoir  ,  par  Cavendish  ,  il 
poursuivit  avec  une  attention  scrupu- 
leuse ce  phénomène  ,  dans  lequel  il 
assigna  la  part  du  calorique  et  de  la 
lumière  (  V.  Lavoisier  ).  L'ingé- 
nieux expérimentateur  ne  se  bornait 
pas  à  ses  leçons  journalières  :  il  ai- 
mait à  mettre  ses  élèves  en  présence 
des  phénomènes  de  la  nature ,  à  leur 
faire  prendre  sur  le  fait  les  créations 
des  arts  et  à  les  pénétrer  de  leurs  dé- 
tails. Le  territoire  de  Mezières,  par 
la  variété  de  ses  sites ,  par  ses  aspects 
géologiques  et  le  rapprochement  des 
fabriques  qui  le  couvrent,  prêtait  un 
intérêt  très  -  vif  aux  excursions  du 
professeur  avec  ses  élèves,  et  leur  of- 
frait un  champ  fécond  d'instruction. 
Dans  le  même  temps  ,  Monge  éten- 
dait et  généralisait  toujours  ses  pre- 
miers essais  mathématiques;  et  par- 
tant du  principe  qui  rapporte  à  trois 
coordonnées  rectangulaires- la  posi- 
tion d'un  point  quelconque  pris  dans 
l'espace,  il  en  fit  le  fondement  d'une 
doctrine  neuve  et  féconde,  indispen- 
sable à  tous  les  arts  de  construction  , 
et  qui ,  complétée  par  des  développe- 
ments successifs,  a  reçu  le  nom  de 
Géométrie  descriptive.  Cet  ensemble 
de  méthodes  simples  et  uniformes  se 
trouvait  en  conflit  avec  des  pratiques 
incohérentes  ,  mais  consacfées  par 
la  tradition  :  de  là  l'opposition  op 
niâtre  qu'eut  à  surmonter  le  gé 
mèlre-iiiYenteur ,  pour  faire  passe 


3 


MON 

dans  l'enseignement  de  l'e'cole ,  ses 
heureuses  innovations.  Ses  efforts 
furent  même  inutiles,  pendant  plus 
de  vingt  ans ,  pour  obtenir  l'applica- 
tion de  sa  géométrie  aux  traces  de  la 
charpente.  Un  charpentier,  charge 
d'expliquer  un  certain  nombre  (le 
tracés,  tint  ferme  pour  l'intégrité  de 
ses  routines,*  et,  pour  prix  du  carac- 
tère vigoureux  qu'il  déploya  contre 
la  raison,  il  fut  autoridé  à  enseigner 
toute  sa  vie  ses  pratiques  particuliè- 
res ,  en  dépit  de  toute  théorie  géné- 
rale. Monge  éprouva  moins  de  dif- 
ficultés pour  la  coupe  des  pierres;  et 
il  lui  fut  permis  de  perfectionner , 
dans  cette  partie,  les  procédés  accré- 
dités. Mais  ces  améliorations  demeu- 
rèrent renfermées  dans  l'enceinte  qui 
les  avait  vues  naître;  le  corps  du  gé- 
nie, aveuglé  par  un  esprit  peu  noble 
de  supériorité,  se  réservait  des  con- 
naissances exclusives,  dont  il  inter- 
disait la  publicité.  Monge, en  subis- 
sant cette  règle,  se  dédommagea  par 
des  recherches  d'analyse  et  de  géo- 
métrie combinées  ,  bien  propres  à 
répandre  sa  réputation  au  dehors.  On 
a  remarqué  que  les  géomètres  lisaient 
peu  les  ouvrages  les  uns  des  autres  : 
Monge,  surtout,  éprouvait  une  ex- 
trême répugnance  à  suivre  dans  les 
livres  la  marche  de  la  *  ience.  Il 
lui  paraissait  moins  pénible  de  s'in- 
culquer, d'après  ses  pro 
ment  s  ^  les  vérités  déjà  connue! 
imagination  se  pliait  aussi  <!r 
nient  au  soin  de  fixer  par  une  t 
tion  définitive  les  résultats  d< 
méditations.  Cette  premier'-  disposi- 
tion d'esprit  raient:  i  de 
son  génie,  en  lui  faisant  m  . 
les  ti  .  iers  :  la  .se- 
cond- c  fois  à  se 
voir  enlever  la 

qu'il  avait  m  di- 

te classer  dans  le  m  m  lui 


MON 


363 


arracha  enfin  quelques  mémoires  sur 
le  calcul  intégral.  Monge  venait  passer 
tous  les  ans  le  temps  des  vacances  à  Pa- 
ris,au  milieu  des  hommcsquilenaicnt 
le  premier  rang  dans  les  sciences. 
Déjà  correspondant  de  l'académie 
aux  honneurs  de  laquelle  il  devait  pré- 
tendre, il  trouva  des  patrons  actifs 
dans  Lavoisier,  Condorcct,  le  ver- 
tueux la  Rochefoucauld  et  le  prési- 
dent Bochart  de  Saron.  D'Alombert, 
qui  avait  encore  présents  les  obstacles 
qui  entravent  le  mérite  sans  appui, 
mit  surtout  un  empressement  très- 
vif  à  faire  valoir  un  savant  qui  pa- 
raissait s'ignorer  lui-même;  et  il  lui 
procura  le  litre  de  membre  de  l'a- 
cadémie des  sciences,  en  i 780.  La 
même  année,  Monge  fut  adjoint  à 
Bossu  t,  nommé  professeur  du  cours 
d'hydrodynamique  établi  au  Louvre 
par  Turgot.  Les  intervalles  de  ses  le- 
çons furent  consacrés  à  initier  dans 
les  hautes  mathématiques,  des  élè- 
ves d'élite,  entre  autres  M.  Lacroix 
et  Gay  deVernon,  auteur  d'un  Traite 
de  Géométrie  desciiptivc ,  appli- 
quée à  l'art  militaire.  Cette  géomé- 
trie, Monge  leur  en  dérobait  alors  les 
théories  avec  regret.  «  Tout  ce  que  je 
»  fais  ici  parle  calcul,  leur  disait-il,  je 
»  pourrais  l'exécuter  avec  la  règle  et 
»  leeompas;inaisil  ne  m'est  pas  per- 
»  mis  de  vous  révéler  ces  secrets.  » 
Pour  satisfaire  à  ses  doubles  fonc- 
tions, il  fut  obligé  d'alterner  entre 
Paris  el  Me'/ il  res.  La  place  d'exami- 
nateur de  la  marine,  à  laquelle  il  fut 
nommé  après  la  mort  de  Bezoufc, l'en- 
leva ,  en  1  783  ,  à  cette  dernière  éco- 
le, où  il  avait  préparé  pour  les  scien- 

•!i -usiner,   les   Tinscm  ,  les 
Carnot  Jcs  Coulomb,  et  où  il  )• 
enfin  à  faire  adopter,  par  son  intim-n- 

.  ente,  les  1! 
M.  Ferry,  son  élève,  pour  le  p 
uonnement  des  ti  1  ['ente. 


364 


MON 


Le  maréchal  de  Casti  ies  le  pressa  de 
refaire  les  cléments  de  Bezout,  long- 
temps recommandés  par  leur  clarté, 
mais  prolixes,  peu  rigoureux,  et  en 
arrière  des  nouvelles  acquisitions  de 
la  science.  Monge  refusa  de  dépouil- 
ler ces  écrits  de  leur  caractère  classi- 
que, et  de  frustrer  ainsi  la  veuve  de 
Bezout  du  seul  moyen  de  subsistance 
qu'elle  eût   conservé.    Il    consentit 
seulement   à   composer,    pour  les 
élèves  de  la  marine,   un  traité  de 
statique.   Borda    en  avait    prescrit 
le  cadre  ;  et ,  pour  se  conformer  à 
ses   instructions  ,   Monge   procéda 
parla  synthèse,  et  écarta  les  équa- 
tions. Par-là,  son  livre  rendit  les  prin- 
cipes plus  accessibles,  en  se  relâ- 
chant de  la  rigueur  des  démonstra- 
tions ;  et  le  mérite  d'une  exposition 
simple  et  facile  l'a  fait  comprendre 
parmi  les  ouvrages  destinés  aux  as- 
pirants de  l'école  polytechnique.  La 
conception  de  ce  traité  guida  Monge 
vers  des  idées-mères  sur  les  machi- 
nes; idées  qu'il  a  négligé  de  dévelop- 
per, mais  qui  fructifierait  dans  la  tête 
du  jeune  Prony,  dont  il  cultiva  ,  par 
des  soins  assidus ,  les  heureuses  dis- 
positions. Le  lycée  de  Paris  ,  fon- 
dation qui  avait  pour  objet  de  dé- 
guiser l'instruction  sous  des  formes 
agréables  pour  une  centaine  d'ama- 
teurs  oisifs ,  venait  d'accueillir  les 
sciences  dans  sou  sein.  La  chaire  de 
physique  fut  confiée  à  Monge.  A  des 
auditeurs  aussi  frivoles  ,  il  eût  fallu 
un  Fontenelle  î  si  Monge  ne  le  rap- 
pela pas  ,  du  moins  il  sut  donner  de 
l'attrait  à  ses  leçons  par  des  aperçus 
piquants,  par  des   rapprochements 
ingénieux,  indépendants  des  grâces 
du  langage.  Des  détails  tirés  de  la 
vie  commune,  des  observations  sur 
les  objets  qui  nous  frappent  à  tous 
les  instants ,  et  qui ,  par-là  même , 
échappent   à  l'attention  ordinaire., 


fcoir 

des   opérations   surprises   dans   les 
ateliers ,   et  développées    avec    une 
admiration  réfléchie,  prenaient  un 
intérêt  varié  dans  la  bouche   d'un 
homme  accoutumé  à  passer  conti- 
nuellement de  la  sphère  des  abstrac- 
tions à  la  contemplation  des  objets 
sensibles  ,  et  que  les    plus  légères 
particularités  ne  trouvaient  point  in- 
différent. 11  ne  le  fut  point  aux  pro- 
messes de   la  révolution  française. 
Adoptant  les  espérances  de  perfecti- 
bilité qui  étaient  dans  toutes  les  têtes, 
il  crut  surtout  voir  tomber  les  bar- 
rières qui  arrêtaient  l'émulation,  et 
les  talents  prendre  sans  effort  le  rang 
qui  leur  était  dû.  Les  terribles  épreu- 
ves qui  se  succédèrent  sous  ses  yeux 
dissipèrent  imparfaitement  ses  illu- 
sions. Porté  au  ministère  de  la  ma- 
rine ,  après  la  journée  du    10  août 
1792  ,   dans    laquelle    s'écroula    le 
trône,  il  accepta  celte  fonction  ,  dé- 
terminé ,  disait  -  il ,  par  la  présence 
des  Prussiens  sur  le  sol  français  j  il 
fit  ainsi  partie  du  gouvernement  que 
formèrent  alors  les  ministres  sous  la 
dénomination  de  Conseil  exécutif  j 
et  ce  fut  en  cette  qualité  qu'il  con- 
courut ,  avec  ses  collègues  ,  à  faire 
exécuter  le  jugement  qui  condamnait 
Louis  XVI  à  mort.  C'était  une  des 
obligations  de  sa  place  ;  et  l'on  sait 
qu'il  a  vivement  regretté  dans  la  suite 
cette  participation  à  un  aussi  funeste 
événement.   Si  l'on  recherche   ses 
actes  personnels  ,  on  le  voit  commu- 
niquer aux  ports  une  nouvelle  acti- 
vité ,  sauver  son  prédécesseur  Du- 
bouchage  en  lui  conférant  un  grade , 
et  vaincre ,  par  ses  instances ,  la  ré- 
sistance de  Borda  ,  qui  se  refusait  à 
continuer  ses   services.  D'un  autre 
côté,   on  ne  peut  oublier  que  sous 
son  ministère  les  bureaux  de  la  ma- 
rine se  remplirent  d'hommes  ignares 
et  grossiers ,  et  que  les  meilleurs  of- 


MON 

ficiers  ,  poursuivis  par  la  faction  ré- 
volutionnaire ,  furent  cnleve's  à  nos 
escadres.  Parmi  les  torts  de  son  es- 
prit ,  qui  ne  furent  jamais  ceux  de 
son  cœur ,  nous  sommes  encore  for- 
ces de  rappeler  son  adhe'sion  aux 
formes  cyniques  introduites  par  d'ab- 
surdes niveleurs  (  i  ) ,  et  sa  subor- 
dination à  son  collègue  Pache.  Il 
ne  tarda  pas  à  reconnaître  que  la 
partie  n'était  plus  tenable  au  milieu 
de  l'acharnement  des  factions;  et 
il  donna  sa  démission ,  au  mois  d'a- 
vril 1793.  Le  comité  de  salut  pu- 
blic fit  ,  quelque  temps  après ,  un 
appel  aux  savants  pour  concourir  à 
la  défense  du  territoire.  Neuf  cent 
mille  hommes  étaient  prêts  pour  re- 
pousser la  croisade  européenne  qui 
menaçait  la  république  ;  mais  les  fa- 
briques existantes  ne  pouvaient  pro- 
duire la  dixième  partie  du  matériel 
nécessaire  à  d«^  si  grands  préparatifs. 
Il  fallait  multiplier  les  manufactu- 
res, décrire  et  simplifier  leurs  pro- 
cédés, diriger  les  opérations  des  ate- 
liers ,  décomposer  d'innombrables 
alliages  métalliques  pour  les  besoins 
de  l'artillerie,  extraire  le  cuivre, 
créer  l'acier  qui  manquait ,  et  tirer 
des  seules  ressources  du  sol  une 
quantité  prodigieuse  de  poudre.  Les 
progrès  de  l'ennemi  commandaient 
une  célérité  extraordinaire.  Monge 
se  livra  tout  entier  à  ces  opérations. 
Mêlé  aux  savants  qui ,  dans  un  coin 
du  comité  de  salut  public,  concer- 
taient leurs  combinaisons  ,  il  se  dis- 
tinguait d'eux  tous  par  une  infatiga- 
ble activité.  Les  manufactures  d'ar- 
mes ,  les  fonderies  ,  les  foreries  ,  les 
poudrières,  l'appelaient  tour-à-tour  ; 


MON 


3G5 


(  1)  Monge  ,    dtM    1. 

vf  nnnee*  ,  duut  le  l>«.» 
Meut. 


m  de  l'école  oor- 

-nt  :iviv  lot    1  li  - 
Bl  Klil  <OH 

K  faisait 


il  surveillait  leurs  travaux  intérieurs, 
en  simplifiait  l'exécution  ,  passait  les 
jours  à  donner  des  instructions  sur 
la  préparation  du  salpêtre;  et  il  écri- 
vait ,  pendant  les  nuits  ,  son  Ait  de 
fabriquer  les  canons  ,  où,  bien  qu'il 
fût  commandé  par  le  temps  ,  il  con- 
signa des  détails  extrêmement  pré- 
cieux pour  les  directeurs  d'usine  et 
les  artistes,  et  où  il  jeta ,  sur  les  diffé- 
rents états  du  fer,  des  considérations 
générales  qui  ne  sont  pas  indignes  de 
l'attention  des  savants.  Dans  un  Avis 
aux  ouvriers  enfer ,  sur  la  fabrica- 
tion de  l 'acier ,  rédigé  en  1794,  in- 
4°.,  avec  Vandermonde  et  Bertliol- 
let  ,  il  exposa  les  moyens  d'obtenir 
l'acier ,  eu  combinant  le  fer  et  un  peu 
de  charbon;  et,  grâce  encore  aux 
soins  de  ces  trois  physiciens  ,  s'ac- 
complit cette  promesse  qui  paraissait 
téméraire  :  On  montrera  la  terre  sal- 
pêtrée  ,  et  en  trois  jours  on  en  char- 
gera le  canon.  Des  services  aussi 
éclatants  ayant  mis  en  honneur  les 
savants ,  sur  lesquels  se  levait  naguère 
la  hache  de  la  proscription ,  ils  obtiii- 
rent,  après  la  chute  de  Robespier- 
re, une  tardive  protection  pour  rins* 
truction  publique.  L'écolenorinalefut 
créée ,  et  une  lumière  plus  pure  s'éten- 
dit sur  l'exposition  des  vérités  scienti- 
fiques. Monge  eut  enfin  le  bonheur 
de  mettre  au  jour  sa  Géométrie  des- 
criptive si  long-temps  tenue  secrète. 
En  exposant  cet  ensemble  ingénieux 
de  méthodes,  où  les  modifications  de 
l'étendue  sont  développées  et  combi- 
nées à  l'aide  du  dessin  f  cette  langue 
imitative  d'où  se  déduisent ,  par  une 
description  exacte ,  les  vérités  qui 
résultent  des  formes  des  corps  et  de 
leurs  positions  respectives  ,  il  s'é- 
tendit avec  prédilection  rar  les  a- 
vantages  qu'il  sérail  facile  de  reti- 
rer de  sa  doctrine  ,  ]><»ur  la  rectitude 
du  jugement ,  pour  le  perfectionne- 


366  MON 

ment  de  la  main  -  d'oeuvre  dans  les 
arts  ,  les  jouissances  de  la  société  et 
la  simplification  des  machines.  De 
toutes  les  applications  dont  sa  géo- 
métrie elait  susceptible,  il  n'a  em- 
brasse que  cinq  chefs  d'opérations  : 
la  charpente ,  la  coupe  d?s  pierres  , 
le  défilement ,  la  perspective  linéaire 
et  aérienne  ,  et  la  distribution  de 
la  lumière  et  des  ombres.  Il  a  laisse 
dans  ses  papiers  ,  sur  ces  deux  der- 
niers objets  ,  trois  leçons  interes- 
sanl  <j<ù  n'ont  été  recueillies  dans 
îe  édition  de  ses  cours.  Les  mé- 
thodes qu'il  n'a  pas  indiquées  avec 
assez,  de  détails  ont  été  reprises  et 
complétées  par  plusieurs  de  ses  élè- 
ves ;  et  d'autres  ont  abordé  les  ques- 
tions importantes  pour  les  arts ,  qu'il 
avait  écartées  comme  trop  compli- 
quées pour  renseignement.  Ces  élè- 
ves ,  qui  se  sont  trouvés  en  gi  and 
nombre  dignes  rie  continuer  l'oeuvre 
de  leur  maître,  ont  fait  partie  de 
celte  école  polytechnique  qui  lui  dut 
plus  particulièrement  son  existence. 
Si  Caruot ,  Prieur  et  Fourcroy,  en 
qualité  de  membres  de  la  Convention 
nationale,  prirent  l'initiative  des  me- 
sures législatives  dont  émana  cette 
institution ,  s'il  convient  d'associer  à 
leurs  noms  ceux  de  Berthol'et  et  de 
Guyton-Morveau  ;  à  qui,  plus  qu'à 
Mongc,  appartint  le  système  d'études 
qui  fut  adopté,  et  dont  le  succès  délia 
la  mobilité  rapide  des  créations  ré- 
volutionnaires ?  L'école  polytechni- 
que, véritablement  digne  de  ce  nom 
dans  l'origine,  n'était  pas  seulement 
une  école  centrale  où  les  aspirants  al- 
laient puiser  les  principes  généraux 
qui  lient  toutes  les  branches  de  ser- 
vices publics,  et  établissent  une  com- 
munication fraternelle  ,  une  trans- 
mission de  pensées  uniformes,  entre 
des  classes  que  divisait  la  rivalité; 
elle  s'ouvrait  encore  à  tous  ceux  qui 


MON 

tendaient  â  éclairer ,  par  les  concep- 
tions de  la  science, les  arts  manufac- 
turiers exercés  par  une  libre  indus- 
trie. On  a  reproché  quelquefois  à 
cette  institution  de  dépasser  le  but 
par  la  profondeur  et  l'étendue  de  son 
enseignement:  on  ne  voulait  pas  voir 
que  les  élèves  arrivaient  munis  d'une 
instruction  préalable  assez  forte  5 
qu'on  avait  tout  arrangé  pour  les 
forcer  à  se  former  par  leur  propre 
travail  ;  que  la  variété  des  études  ,  et 
les  exercices  manuels  exigés  d'eux  , 
concouraient  à  détendre  leur  pensée, 
à  reposer  leur  imagination.  Pour  s'as- 
surer que  les  professeurs  s'étaient 
fait  entendre  à  tous  ,  que  leurs  con- 
ceptions avaient  été  généralement 
saisies,  Monge  donna  l'idée  de  ré- 
partir les  élèves  en  brigades,  à  la 
tête  desquelles  seraient  préposés  des 
sujets  d'élite,  destinés  à  servir  d'in- 
termédiaires entre  ics.  maîtres  et  la 
masse  de  leurs  disciples,  et  faire  des- 
cendre a  la  portée  de  ceux-ci  les  pro- 
positions qui  leur  auraient  échappé. 
La  première  promotion  de  ces  ins- 
tructeurs secondaires  fut  fixée  au 
nombre  de  vingt,  choisis  sur  quatre 
cents  élèves.  Monge  se  chargea  de  les 
préparer  à  leur  nouvelle  destination, 
dont  dépendait  la  mise  en  activité  de 
l'école.  Il  les  exerça  sans  relâche  sur 
l'analyse  et  la  géométrie,  enflammant 
leur  zèle  ,  les  suivant  d  ms  leurs  labo- 
ratoires et  guidant  toutes  leurs  tenta- 
tives :  il  ne  se  séparait  d'eux  qu'à  la 
fin  du  jour  pour  écrire  les  feuilles 
d'analyse  qui  devaient  servir  de  texte 
à  ses  prochaines  leçons  ;  et ,  après 
quelques  heures  de  sommeil ,  il  re- 
paraissait au  milieu  de  ses  enfants 
adoptifs.  En  trois  mois,  ils  furent  en 
état  de  réaliser  les  plus  belles  espé- 
rances. Monge  s'éloigna  de  ce  ber- 
ceau florissant  des  travaux  publics  , 
pour  recueillir  eu  Italie ,  avec  le 


MON 

sculpteur  Moitte,  le  peintre  Barthé- 
lémy et  MM.  Berthellet ,  Thouia  et 

Labillardtère ,  ses  collègues  à  l'Ins- 
titut ,  les  chefs  -  d'œuvre  des  arts 
dont  la  cession  avait  été  stipulée  par 
Buona parte  victorieux.  Cette  mission 
dura  plus  d'une  année.  Monge  ,  par 
son  expérience  des  procédés  mécani- 
ques ,  seconda  singulièrement  le  zèle 
qui  animait  ses  collègues  pour  la  con- 
servation et  ie  déplacement  des  mo- 
numents conquis.  Tandis  qu'on  accor- 
dait au  souverain  dépouillé  la  faculté 
de  prendre  des  copies  des  originaux 
réservés  pour  la  France ,  des  moyens 
délicats  furent  employés  pour  restau- 
rer des  chefs-d'œuvre  qui  dépéris- 
saient, négligés  sous  le  ciel  qui  les 
avait  vus  éclore  :  ou  arracha  aux  in- 
jures des  hommes  et  du  temps,  on 
rendit  à  leur  fraîcheur  première,  la 
/  ierge  de  Foligno,  de  Raphaël,  et 
son  immortelle  Transfiguration.  Des 
échantillons  des  trois  règnes  de  la 
nature,  des  manuscrits  tirés  du  Va- 
tican ,  accompagnèrent  les  tributs 
levés  sur  les  arts  de  l'Italie:  Monge  y 
ajouta  la  statue  de  Notre-Dame  de 
Lofette,  et  quelques  autres  dépouil- 
les de  la  sonia  casa.  Lorsque  Paris 
célébra  ,  par  une  fête  brillante  ,  l'a- 
pothéose des  monuments  qu'il  rece- 
vait en  dépôt,  Monge  était  encore 
occupé  à  visiter  l'Italie,  cl  se  rendait 
à  l'invitation  de  Buonapnte,  qui 
rappelait  auprès  de  lui.  i 
le  chargea  ensuite  d'apporter  au  Di- 
rectoire ,  avec  le  général  Berthier, 
le  traité  de  Gampo-Formio.  Dans 
de  réception,  on  <  rul  qu'il 
allait  entretenirles  directeurs  ,  de  là 
•■lit  remplie,  el  des 

•  I  <i -uwedont .l'apparition  avait 
un  moment  i  !<•  cri  des  dis- 

corde alta  au 

souvenir  d  !  i  républi- 

que ;  il  demanda  grâce  pour  la  nation 


MOU 


dont  le  gouverneur 
sait  en; rainé  dans  un  abîme; 
il  compara  Buonaparte  à  Epaminon- 
das,  et  finit  d'une  manière  inatten- 
due ,  en  assimilant  son  héros  à  Ver* 
cingentorix  ,  que  mille  ans  avaient 
enfin  réussi  à  reproduire,  il  est  dou- 
teux que  le  vainqueur  de  l'Italie  eût 
été  content  de  ce  panégyrique  ,   et 
qu'il  eût  trouvé  quelque  chose  de 
commun  entre  lui  et  le  chef  d'une 
confédération  gauloise  accablée  par 
César.  Le  discours  de  Monge  expli- 
que son  républicanisme  :  ce  n'était 
qu'une   réminiscence  prolongée  de 
l'enthousiasme  excité  dans  les  jeunes 
têtes  par  la  lecture  des  classiques  de 
l'antiquité.  Cependant,  quelque  étran- 
ger qu'il  fût  à  la  connaissance  des 
affaires  et  des  hommes  ,  on  le  porta 
deux  fois  comme  candidat  au  Direc- 
toire. Comme  il  ne  fut  point  élu  ,  on 
l'envoya  à  Rome,  avec  M.  Daunou  , 
pour  organiser  une  république.  L'ou- 
vrage de   ces  deux  législateurs  ne 
dura  pas  long  -  temps  ;  et  il  était  à 
peine  achevé  ,  que  Buonaparte  qui 
faisait  voile  vers  l'Egypte,  emme- 
nant une  élite  de  savants  et  d'artis- 
tes dévoués  à  sa  fortune,  écrivit  à 
Monge  de  mettre  en  mouvement  les 
bâtiments  de  transport  qui  se  trou- 
vaient à  Cisita- Veechia  ,  et  de  par- 
tir sans    délai.    Monge   s'embarqua 
ligoit  l'armée  à 
Malte  (  juin  H98  }.  Il  assista  ,  avec 
Berthollet  et   quelques   autres 
vaot9,à  la   victoire  remportée   par 
la  flottille   française,  sur  celle 
MamlouLs  ,    dont   les    troupes    de 
terre  étaient  ,  en  même  temps,  mi- 
ses en  fuite  au  village  de  Ghébi 
Pendant  le  trajet  d'  Alexandrie  au 
Caire,  parle  Désert,  il  observa   te 
ûomène  d'optique  connu  sous  le 
nom  de  mirage,  et  qui  ne  se  renou- 
velle nulle  pari  avec  un  caractère 


3G8 


MON 


aussi  frappant  que  sous  le  climat 
brûlant  de  l'Egypte  :  à  une  heure 
avancée  du  jour ,  lorsque  les  sol- 
dats étaient  dévorés  par  la  soif,  la 
plaine  qui  se  déployait  devant  eux 
leur  offrait  l'apparence  d'un  lac  peu 
éloigné.  Ils  couraient  vers  ces  eaux 
salutaires;  mais  là  commençait  pour 
eux  le  supplice  de  Tantale  :  l'image 
qui  les  avait  séduits  disparaissait , 
et  les  laissait  au  milieu  d'un  espace 
aride.  Monge  ,  privé  d'instruments , 
distrait  par  les  embarras  d'une  mar- 
che pénible,  décrivit  le  mirage,  et 
lui  assigna  pour  cause  l'altération  des 
densités  de  l'atmosphère  ,  produite , 
de  bas  en  haut,  par  la  terre  saturée 
de  chaleur,  de  manière  que  les  objets 
saillants  ,  vus  près  de  l'horizon  , 
envoient  parfois  une  double  image  , 
l'une  directe ,  l'autre  renversée ,  sui- 
vant que  les  courbes  trajectoires  pré- 
sentées par  la  réfraction  des  rayons 
solaires,  se  croiseront  ou  ne  se  croi- 
seront pas.  Monge  porta  deux  fois 
son  admiration  au  pied  des  pyra- 
mides ;  il  visita  l'obélisque  et  les 
murailles  d'Héliopolis  ,  et  tous  les 
restes  d'antiquités  dispersés  autour 
du  Caire  et  d'Alexandrie.  Il  décrivit 
l'état  du  Mékias  ,  puits  construit 
dans  l'île  de  Raoudah  par  le  khalife 
Al-Mamoun ,  pour  mesurer  les  eaux 
du  Nil.  Ses  souvenirs  demeurèrent 
tellement  empreints  du  grandiose  de 
ces  monuments  ,  que  long  -  temps 
après  il  en  parlait  avec  cette  inspi- 
ration qui  semble  n'appartenir  qu'à 
la  présence  des  objets.  L'école  po- 
lytechnique avait  fourni  quarante- 
un  de  ses  élèves  à  la  colonie  savante 
embarquée  pour  l'Egypte.  Sous  sa 
direction ,  et  celle  de  MM.  Berthollet 
et  Fourier ,  ils  exécutèrent  la  des- 
cription géodésique  et  monumentale 
de  cette  merveilleuse  contrée.  Le 
général  en  chef  ,   ayant  formé  au 


MON 

Caire  un  institut  sur  le  modèle  de 
celui  de  France  ,  Monge  en  accepta 
la  présidence.  La  défaite  navale  d'A- 
boukir  isola  l'armée  de  toutes  com- 
munications avec  l'Europe.  Les  sa" 
vants ,  réunis  au  Caire,  eurent  a 
faire  face  à  des  besoins  bien  p!us 
multipliés  que  ceux  dont  la  France 
avait  présenté  le  spectacle  en  1793  : 
là  ,  en  effet  ,  il  fallut  créer ,  in- 
dépendamment des  approvisionne- 
ments militaires  ,  les  ustensiles  pro- 
pres aux  usages  de  la  rie  et  aux  opé- 
rations des  arts.  Les  membres  de 
l'institut  se  partagèrent  ces  travaux  • 
et  l'examen  de  commissions  ,  tirées 
du  même  corps  ,  éclaira  et  facilita 
les  tentatives  individuelles.  Le  géné- 
ral Berthier  écrivait  au  ministre  de 
la  guerre  :  «  On  ne  parle  pas  des  ci- 
»  toyens  Monge  et  Berthollet  ;  ils  sont 
»  partout,  s'occupent  de  tout,  et  sont 
»  les  premiers  moteurs  de  tout  ce  qui 
»  peut  propager  les  sciences.  »  Le 
Caire  s'étant  révolté ,  l'institut ,  qui 
contenait  tous  les  résultats  des  tra- 
vaux de  l'expédition,  se  trouva  quel- 
que temps  menacé,  réduit  qu'il  était 
à  une  poignée  de  savants  pour  tous 
défenseurs.  Monge  et  Berthollet  (  il 
devient  difficile  de  les  séparer  )  re- 
tinrent ceux  qui  voulaient  se  faire 
jour,  l'épée  à  la  main,  jusqu'au  quar- 
tier-général :  tous  restèrent  fidèles  à 
leur  poste;  et  l'Egypte  ne  vit  point 
un  second  exemple  d'une  perte-dé- 
plorable pour  l'esprit  humain.  Dans 
un  voyage  à  Suez,  entrepris  avec 
Buonaparte,  Monge  reconnut  les  ves- 
tiges du  canal  qui  communiquait  de 
la  Mer  Rouge,  par  le  Nil,  à  la  Médi- 
terranée :  il  visita  les  ruines  de  Pe- 
luse;  et  à  deux  lieues  et  demie  de 
Suez ,  au  débouché  de  la  vallée  de 
l'Égarement,  par  où  l'on  présume 
que  les  Hébreux  se  dirigèrent  vers 
le  mont  Sinaï,  U  observa,  la.  fou- 


taine  de  Moïse.  Il  sui\  it  encore  Buo- 
ôaparte  en  ta  mur- 

murèrent plus  d'une  fois,  dans  leur 
langa  [ue  .  ronde  te  vieux 

.savant  qu'ils  croyaient  l'auteur   de 
l'expédition.  Mais  à  ces  explosions 
d'une  humeur  grossière,  succé 
Un  sentiment  (Tanecfîon  pour  l'hom- 
me distingué  qui  fraternisait   avec 
eux,  Icscncouragcailet  entrai fen  par- 
tage de  leurs  privations  et  de  ' 
fatigues";  Mongc  fut  atteint,  devant 
Saint-Jean  d'Acre,   d'une   maladie 
dangereuse  ;  il  eut  la  douleur  de  re- 
cueillir ,  de  sa  tente,  les  derniers  sou- 
pirs de  son  élève,  le  général  Caffa- 
re'li  (  F.  Caf^aAelli,  VI,  éfi).  De 
retour  eu  Europe  avec  Buonaparte  , 
il  présida  la  commission  des  seien- 
:  des  arts  d'Egypte,  revenue  plus 
tard  en  France;et,  sous  ses  auspices , 
furent  coordonnés  les  Mémoires  où  se 
île  en  grande  partie  le  tableau  de 
pte,  telle  que  ses  antiquités  té- 
moignent qu'elle  fut  sous  ses  Pha- 
raons et  ses  Ptolémécs  ,  et  telle  que 
l'a  faite  l'influence  du  mahométis- 
nïê  :  magnifique  entreprise ,  où  les 
poétiques,  les  recherches 
conjectures  de  l'érudition,  et 
mnaissances  positives,  emprun- 
tent un  nouveau  lustra  i\<->  arts,  leurs 

:         fciliai 

vint  le  père  de  l'école  ;  nique, 

en  reprenant  sa  place  p  Mini  les  pro- 

■    .   !  I     él  ,t ,  contre 

.lions  de  Buon  parte,  une 

im',  i|  i  i  nporturtait 

l'instinct  despoti  [ue  du  soui  crahi  ; 

:    e 

,  menl  ci  à 

i  l'elle  lut 

as  fortune. 

a  iprès 

i  é<  ai 

u  ment 

abienlran- 

XXIX. 


MON  36g 

montra  if 
îitntions  :  il  ne 
fut  poi  ins  i!  clier- 

cha  des  consolai  adon- 

nant son  traiie. uent  de  professeur,  et 
ensuite  sa  pension  de  retraite,  aux 
élèves  que  la  foitu!  e  n'avait  point 
favorisés.  BuonStpàrte,  attentif  à  ré- 
vcilier  les  Souvenirs  d'une  ancienne 
amitié  qui  dans  Monge  s'et  it  trans- 
ie en  enguûment  invincible  pour 
son  héros,  avai:  triompher 

delà  IbégUe  abnégation  de  ce  savant, 
et  l'avait  comble  d'honneurs.  Nom- 
mé membre  du  sénat,  de  1 1  ■  reniière 
atîon  de  ce  corps,  Monge  fut 
pourvu  de  la  sénatorerie  de  I\iége. 
avec  le  titre  de  comte  de  Peluse 
reçut  !e  grade  de  graiid-ouicier  de 
la  Légion  -  d'honne: Ir  et  de.  ia  Réu- 
nion, Un  majorât  en  VVest)}haliè,  et, 
sur  la  lin  de  sa  carrière" ,  un  don  dé 
•2oo,()oo  francs.  Le  d(  e  Mos- 

cou lui  causa  une  affliction  pro- 
fonde :  son  irtiagi  ilutnee 
à  s'exalter  aux  Récits  de  notre  gloire 
militaire,  se  sentit  amassée.  Envoyé 
dans  sa  sénatorerie,  pour  prendre 
des  mesures  extraordinaires,  il  y 
accueillit  la  division  Macdonald.  qui 
revenait  dans  un  état  de  dénuement 
absolu,  et  il  fit  en  sa  faveur  le  sacri- 

i  une  somme  de  i'.aooo  frai 
qu'il  vetiail  fit1  recevoir  L'amertume 
que  lui  laissa  la  chut)  .parte 

s'augmenta  par  la  dislocation  de  l'é- 
cole polytechnique,  el  par  le  bannis- 
sement dcsconventionnelsâqûïavaient! 
envoyi   I  "••  V  I  à  la  moit,  mesu- 

re qui   frappait  M.  I  .uix, 

Sa  radiation  de 
l'Iustil  t.  par  suite  de  nsde 

r 8  i (>  (  y.  Maury),  j)ona  lé'fl   : 
coup  a  sa  sehsibi 
i  .  d'apople 

rnpé- 
ramentencure  r  iaiiou 


37o  MON 

de  ses  idées ,  et  tous  les  symptômes 
d'un  déclin  rapide  ,  annoncèrent  à 
ses  amis  que  sa  mort  anticipée  avait 
commencé.  Il  cessa  de  vivre,  le  18 
juillet  i8i8.M.Berihollet  lit  éten- 
dre sur  sa  tombe  les  regrets  d'une 
amilié  de  cinquante  ans.  M.  Du]. in  a 
publié  un  Essai  historique  sur  les 
services  et  les  travaux  scientifiques 
de  Monge  ,  Paris  ,  1819,  in-4°.  et 
in  8°.  Monge  a  élevé,  à  coté  de  sa 
Géométrie  descri  tive ,  un  monu- 
ment à  la  géométrie  analytique,  où 
l'on  reconnaît  un  cligne  continuateur 
des  travaux  de  Clairaut,  d'Euler  et 
de  d'Alembert.  a  Son  Analyse  ap- 
»  pi  quée  à  la  géométrie,  dit  M. 
»  Del  ambre  ,  présente  les  équations 
»  des  lignes,  des  plans,  des  courbes 
»  du  deuxième  degré,  la  tliéorie  des 
•»  plans  tangents ,  enfui  les  princi- 
»  pales  circonstances  de  la  géne'ra- 
»  tion  des  surfaces  courbes  ,  expri- 
»  mées  par  des  équations  aux  dif- 
»  férences  partielles ,  dont  il  se  sert 
»  pour  intégrer  d'une  manière  élé- 
»  gante ,  un  grand  nombre  d'équa- 
»  tions,  en  suivant  pas  à  pas  les  dé- 
»  tails  de  la  description  géométri- 
»  que.  Dès  177*2,  il  avait  montre' 
»  la  liaison  qui  existe  entre  les  cour- 
»  bes  à  double  courbure  et  les  sur- 
»  faces  déve'oppées.  »  Quelques  par- 
ties de  ce  que  Monge  a  écrit  sur  la 
physique  ,  peuvent  paraître  aujour- 
d'hui surannées.  Par  exemple ,  des 
erreurs  se  sont  glissées  dans  ses  ex- 
plications des  phénomènes  de  la  mé- 
téorologie :  prenant  pour  point  de 
départ  les  principes  posés  par  le  doc- 
teur Leroy,  relativement  aux  varia- 
lions  de  l'atmosphère,  il  a  fait  fausse 
route  ,  par  sa  facilité  à  substituer  des 
inductions  ingénieuses  aux  moyens 
sûrs  de  l'observation.  Monge  effleura 
quelques  cô'és  de  la  théorie  des  phé- 
nomènes  capillaires,  si  complète- 


MON 

ment  analysés  depuis  par  M.  de  La- 
placc.  On  avait  remarqué  que  deux 
corps  nageant  dans  un  fLide  ,  qui 
s'eiève  ou  s'abaisse  autour  de  tous 
deux,  s'approchent  l'un  de  l'autre, 
et  se  réunissent  par  un  mouvement 
accéléré  :  mais  ils  se  repoussent  le 
plus  souvent,  si  le  flui  'e  qui  s'élève 
autour  de  l'un  s'aba.sse  autour  de 
l'autre;  et,  alors,  si  l'on  diminue 
convenablement  la  <  istanee,  on  voit 
l'attraction  succéder  à  la  répulsion. 
Amontons,  l'un  des  plus  estimables 
savants  sauvés  de  l'oubli  par  Fonte- 
nelle,  avait  tenté  d'expliquer  ce  phé- 
nomène. Monge ,  en  1787  ,  démontra 
l'insuffisance,  et  même  l'inexacti- 
tude des  principes  d'Àmontons,  dans 
un  Mémoire  où  l'on  trouve  des 
aperçus  heureux,  des  vues  fines  ,  et 
des  expériences  curieuses  (Delam- 
bre,  Mém.  de  V Institut,  1806).  Les 
essais  de  Monge,  en  chimie,  prou- 
vent encore  qu'il  eût  mérité  la  gloire 
d'un  expérimentateur  habile,  si  celle 
de  géomètre  ne  l'eût  pas  si  impérieu- 
sement attiré.  Cependant  il  travailla 
moins  pour  la  gloire  que  pour  les 
jouissances  intimes  et  profondes  que 
les  sciences  lui  présentaient  en  e!les- 
mêmes.  Le  plaisir  le  plus  vif  qu'el- 
les lui  procurèrent,  fut  peut-être 
d'avoir  été  applaudi  un  jour  par  La- 
grange,  pour  une  leçon  d'éclat,  don- 
née a  l'École  polytechnique.  Quand 
sa  réputation  fut  assurée ,  il  parut  se 
reposer  dans  la  carrière  laborieuse 
de  l'enseignement.  Presque  bègue,  et 
accoutumé  à  une  prosodie  vicieuse, 
il  suppléait  aux  difficultés  de  son  ar- 
ticulation par  une  pantomime  très- 
animée.  Une  bonté  naïve,  combinée 
avec  un  penchant  prononcé  à  l'en- 
thousiasme, était  le  trait  distinctif 
de  son  caractère.  Sa  seule  bonhomie 
apparaissait  dans  ses  habitudes  pri- 
vées j  mais  l'on  s'étonne  que,  pre- 


MON 

Dànl  sa  gaucherie  dans  la  société 
pour  l'indice  d'un  esprit  borné,  Mme. 

Roland  ait  lait  une  caricature  de  cet 
homme  célèbre,  à  qui  des  apprécia- 
teurs plus  justes  appliquaient  ce  juge- 
ment de  Bull'un  sur  d' Aubeaton ,  qu'il 
n'avait  jamais  ni  plus  ni  moins  d'es- 
prit que  n  en  exigeait  le  sujet  de  sa 
pensée.  Mme.  Roland,  tout  eu  ren- 
dant un  témoignage  remarquable  à 
la  probité  de  Mongc ,  insinue  encore 
qu'il   fut  ingrat  envers  Bossut  :  la 
vérité  est  que  celui-ci  s'éloigna  le 
premier  de  Monge,  qui  lui  avait  été 
préféré  dans  la  place  d'examinateur 
de  la  marine.  Monge  a  inséré  quatre 
Mémoires  d'analyse   pure    dans  la 
Collection  des  savants  étrangers  de 
J académie  des  sciences  de  Paris , 
tomes  vu,  ix  et  x.  Pour  marquer 
la  progression  de  ses  travaux  scien- 
tifiques ,  nous  désignerons ,  par  leurs 
titres ,  ceux  qu'il  a  consignés  dans 
les  Mémoires  de  la  même  académie: 
1781,  Mémoire  sur  la  théorie  des 
déblais  et  des  remblais  ;  —  1783, 
Sur  le  résultat  de  V inflammation  du 
gaz  inflammable y  et  de  V air  déphlo- 
gistiqué  dans  des  vaisseaux  clos  ; 
Sur  une  méthode  d'intégrer  les  équa- 
tions aux  différences  finies  non  li- 
néaires ;  —  1 784 ,  Sur  t expression 
anal/tique   de  la   génération  des 
surfaces  courbes  ;  Sur  le  calcul  in- 
tégral des  équations  aux  différences 
partielles  ;  mémoire  supplémentaire 
(  les  deux  premiers  morceaux  avaient 
déjà  été   publiés  dans  les  Mémoires 
de  l'académie  de  Turin  )j —  1786 
(  avec  Vandermonde  et  Bertliollet  ), 
Du  feu,  considéré  dans  ses   diffé- 
rente états  métalliques  ;  Sur  l'effet 
étincelles  électriques  excitées 
dans  l'air  fixe;  —  1  7  S-  .  Sur  quel- 
ques ctjcts  d'attraction  ou  de  répul- 
sion apparente  < 
de  matière  ;  -  Rapport  sur 


MON 


37i 


le  système  général  des  poids  et  me- 
sures (  avec   Borda  et  Lagrange  ). 
Monge  a  enrichi  le  premier  volume 
du  Journal  de  l'École  polytechnique, 
d'un  cours  de  stéréotomie ,  et  a  ré- 
pandu divers  Mémoires    dans    les 
tomes  îv,  vi  et  vin  de  ce  Journal. 
Il  a  rempli  d'un  bien  plus  grand 
nombre  de  morceaux   détachés   la 
Correspondance  polytechnique ,  ré- 
digée par  M.  Hachette.  Son   nom 
figure   parmi   ceux   des  collabora- 
teurs du  Dictionnaire  de  physique 
de  Y  Encyclopédie  méthodique;  et 
les  Annales  de  chimie  contiennent 
de  lui,  un  Mémoire  sur  quelques 
phénomènes  de  la  vision  ;  un  autre 
sur  les  causes  des  principaux  phé- 
nomènes de  la  météorologie  ;  des 
Observations  sur  le  mécanisme  du 
feutrage  ;  et  des  Notes  sur  la  fabri- 
cation du  fromage  de  Lodésan,  to- 
mes m  ,  v,  vi  et  xvii.  11  faut  ajouter 
à  cette  énumération,  des  Observa- 
tions sur  la  fontaine  de  Moise,  dans 
le  premier  volume  de  la  Description 
de  l'Egypte,  in-fol.  j  l'Explication 
du  mirage ,  dans  le  premier  volume 
de  la  Décade  égyptienne.  Mongc  a 
publié  séparément  :  I.   Traité  élé- 
mentaire de  statique ,  Paris,  1786, 
in-8°.  ;  ibid.  i8i3  ,  5e.  édit.  II.  Des- 
cription del'art  de  fabriquer  les  ca- 
nons, Paris,   au  11,  in-4°. ,  ornée 
de  soixante  planches.  On  la  joint, 
quelquefois,  à  la  Collection  des  arts 
et  métiers ,    d'Yverdun  ,  dont   elle 
forme   alors   le  9.1e.   volume.  HT. 
Leçons  de  géométrie   descriptive, 
publiées  d'abord  dans  le  Journal  des 
séances  de  l'Ecole  normale.  Paris, 
an  ni;  ibid.,  i8i3,  in-80.,  3°. ëdit. 
IV.  Application  de  l'analyse  à  la 
géométrie  des  surf  mes  du  premier 
et  du  deuxiètm  r-  édition  , 

Paris,    1809,   in-4°  :  ta  première 
édition  ,  in-fol.  ,  avait    paru,  dans 

*4.. 


;7* 


MON 


l'an   m,   sous  te  titre  de  Feuilles 
d analyse  appliquée  à  la  géométrie. 

Z. 
MONGEZ  (  Jean- André  ) ,  né  à 
Lyon  en  17JI  ,  entra  chez  les  cha- 

1  •  :s  réguliers  de  Sainte-Geneviève, 
et  s'adonna  à  l'étude  des  sciences. 
Ses  connaissances  en  physique  la- 
vaient fait  agréger  à  plusieurs  socié- 
tés savantes  ;  et  déjà  il  avait  obtenu 
quelques  voix  pour  entrer  à  i'acadé- 
mie  des  sciences,  lorsqu'il  partit,  en 
1^85,  avec  La  Pérousc,  en  qualité 
de  physicien ,  et  avec  les  fonctions 
d'aumônier.  Les  dernières  nouvelles 
qu'on  ait  reçues  de  La  Pérouse 
étaient  datées  de  Botauy-Ray,  où 
l'expédition  avait  relâché  dans  l'es- 
poir ,  qui  fut  trompé,  de  rafraîchir 
ses  provisions,  Il  est  donc  à  croire 
que  Mongez  a  partagé  le  sort  de  l'in- 
fortuné voyageur  qu'il  accompagnait 
(  V.  PÉrousb  ).  On  a  de  lui  :  1.  Des- 
cription, usages  et  avantages  de  la 
machine  pour  la  fracture  des  jam- 
bes d'Albert  Pieropan  ,  1  7S2  ,  in- 
8°.  IL  Manuel  du  minéralogiste  7 
etc. ,  trad.  de  Bergmanu ,  et  augmen- 
té de  Notes  (  V.  Bergmann,  IV, 
160  ).  11  avait  eu  une  grande  part 
aux  premiers  volumes  du  Cours 
d'agriculture ,  de  l'abbé  Rozier  ;  et 
avait,  depuis  1779,  rédigé  le  Jour- 
nal de  physique,  commencé  par  cet 
abbé.  Il  y  avait  précédemment  fait 
insérer  plusieurs  morceaux,  et,  entre 
autres,  un  sur  les  Ombres  colorées  du 
matin,  et  (  mars  1777  )  un  sur  les 
Causes  principales  qui  font  fumer 
les  cheminées,  sujet  proposé  quel- 
ques années  auparavant  par  l'acadé- 
mie de  Bordeaux.  On  a  presque  tou- 
jours confondu  J.  A.  Mongez  !e  jeune 
avec  son  frère,  M.  Antoine  Mongez, 
membre  de  l'Institut.     A.  B — t. 

MONGIN  (  Athanase  de  ),  pieux 
et  savant  bénédictin,  né  en  1389,  à 


- 

Gray  ,  ville  de  Franche  -  Goiat^ , 
d'une  famille  noble,  fit  profession  a 
i'abhayc  de  Luxeul ,  et  l'ut  envoyé  à 
Paris  ,  pour  y  terminer  ses  études  et 
prendre  ses  grades.  Il  sollicita,  lun 
des  premiers,  la  réforme  des  abus 
qui  s'étaient  glissés  dans  les  princi- 
pales maisons  de  l'ordre,  et,  s'étant 
rendu  à  Saint-Vannes  ,  y  prit  l'habit 
des  mains  de  D.  Didier  de  Lacour.  Il 
fut  ensuite  chargé  d'enseigner  la 
philosophie  et  la  théologie  à  Gluni , 
et  fut  élu  ,  au  bout  de  quelques  an- 
nées ,  supérieur  de  cette  maison.  11 
arquit  bientôt  la  réputation  d'un  des 
plus  habiles  maîtres  dans  la  vie  spi- 
rituelle, et,  malgré  samodestie,  se  vit 
obligé  de  répondre  aux  questions 
que  lui  adressait  la  Sorbonne ,  dans 
les  cas  diiiiciles.  Il  fut  nommé,  en 
iGi4  -,  prieur  de  Goibie  ,  d'où  il 
passa  ,  avec  le  même  titre,  à  Saint- 
Remi  de  Reims  ,  pour  y  introduire 
la  réforme.  Elu,  en  i63o,  visitei 
de  la  province  de  France,  il  fut  apr 
lé,  en  quittant  cette  charge,  à  la  da- 
tion de  Saint-Germain-des-i;res, 
chargé,  par  le  chapitre  général , 
revoir  les  constitutions  de  l'ordre 
et  d'y  proposer  les  changements  qi 
le  temps  aurait  rendus  nécessaires 
Il  était  occupé  de  ce  travail,  lor: 
qu'il  mourut  presque  subitement. 
1 7  octobre  i633  ,  à  l'âge  de  44  ,m< 
avec  la  réputation  d'un  savant  tbéi 
logien ,  et  laissant  à  ses  confrère 
l'exemple  d'une  vie  irréprochable. 
D.  Mongin  a  laissé  en  manuscrit  r 
un  grand  nombre  d'ouvrages ,  la  plu- 
part ascétiques.  On  en  trouvera  la 
liste  à  la  suite  de  sa  Vie,  dans  la 
Bïblioth.  de  la  congrégat.  de  Saint- 
Maur,  pag.  17  et  793.  ~  L'un  de 
ses  frères  ,  jésuite  ,  distingué  dans 
son  ordre  par  sa  science  et  sa  piété , 
a  publié  un  des  ouvrages  du  béné- 
dictin, intitulé:  Les  Flammes  eu- 


MON 

charis tiques ,  Paris,    i634,  in-8°.; 
ibid.,  i<ii(),  in  ia*  W — s. 

AiO_\  GIN  (  Edme  ) ,  né  à  Baro- 
ville  ,  dans  le  diocèse  de  L.mgres,  en 
i(j(>8,  se  consacra  de  bonne  heure 
à  la    chaire  chrétienne.  Suivant  un 
usage  qui  était  alors  nouvellement 
■    l\e- 1  lémie  française  lui  dé- 
suecessivement  trois  prix,  d'é- 
ice.  Il  prononça  devant  eile  le 
gyrique  de  saint  Louis.  Ce  fut  à 
iccès  réitères  ,  comme  orateur  , 
qu'il  dut  le  choix  que  fit  de  lui  la 
maison  de  Condé,  pour  l'éducation 
de  deux  de  ses  princes  ,  le  dm 
Bourbon  et  le  comte  e!e  Charol ..  ;      ! 
dut  à  ces  mêmes  succès  (en  1708  )  le 
litre  d'académicien;  et  en  cette  qua- 
lité i!  -  .  de  l'orfisou  fui 
de    LOUIS    XIV  ,   qu'il    lit   entendre 
dan  s  la  chapelle  du  Louvre.  11  donna 
d    grand  nombre  d'autres 
discours,  qui,  presque  tous  ,  avaient 
la  religion  pour  objet,  et  qu'il  a  lui- 
même  publiés,  une  année  avant  sa 
,  dans  le  recueil  très-bien  im- 
prima de  ses  œuvres     17'p,  in-4''.) 
On  loue  surtout  son  Sermon  sur  la 
?   son  Oraison  funèbre  de 
Henri  de  Bourbon,  prince  de  Condé. 
Nomme,  en    17^4,   à   l'évcelié  de 
i  ,   il  s'y  fit  respecter  en  même 
temps  que  chérir,  et  entretint  la  paix 
au   milieu  des   quer  .'uses 
qui  tioub'aicnt  l'église  de  France. 
'.     gin  mourut  à  I)  1  1  r\(\. 
On  trouve  son  Éloge  dans  !<•  i 
Llembert.              L — p — e. 
MONGINOT  (  François),  né  à 
Langres,  le  i(i  mai-,  i56<),  médecin 
dupri             londé  «m  1616*,  devint 
1  in  ordinaire  du  roi ,  en  i635. 
Il  est  auteur  d'un  Traité  SW  la  Cori- 
qui  pa- 
raît a                                      ;  'il  fut 
réimprimi 
giuol 


MON 


3-3 


en  i(>4o ,  et  publia  l'année  suivantes 
Résolution  sommaire  et  Décision  sur 
les  doutes  et  controverses  entre  Vé- 
glise  romaine  et  la  religion  n 
mée ,  Cliarenton ,  i:i-8°.  D — b — s. 

M03G1TORE  (  àntonm  ) ,  anti- 
quaire et  biographe  laborieux,  né  a 
Païenne  en  i(j63,  embrassa  l'état 
ecclésiastique  ,  et  fut  pourvu  d'un 
canonieat  de  la  cathédrale  :  il  devint 
dans  la  suite  l'un  des  juges  du  tri- 
bunal diocésain ,  consulteur  du  Saint 
Office,  et  mourut  le 6  juin  1743  (1). 
Sa  longue  vie  fut  consacrée  à  la  re- 
cherche des  antiquités  historiques  et 
littéraires  de  son  pays;  aussi  a-t-il 
publié  un  grand  nombre  d'ouvrages. 
Le  plus  connu  de  tous  est  la  Biblio- 
theca  Sicula  sive  de  scriptoribus  si- 
culis  notitice  locuplet'ssimœ  ,  Pa- 
ïenne ,  1 708- 1  4 ,  ^  vol.  in-fol.  L'au- 
teur l'a  fait  précéder  d'une  courte 
description  de  la  Sicile  ,  avec  des 
remarques  sur  ses  différents  noms, 
bseï  valions  sur  le  caractère  dts 
Siciliens  ,  etc.  :  cette  introduction  a 
été  insérée  sous  ce  titre,  Begni  Sicilicu 
delinealio  ,  dans  le  Thés  ur.  anii- 
cfùtat.  Italiœ. ,  etc.  ,  tome  x.  Les 
écrivains  sont  rangés  dans  l'ouvra- 
ge, suivant  l'ordre  alphabétique  de 
leurs  prénoms,  d'après  l'usage  as- 
sez généralement  suivi  au  dix  - 
tième  siècle;  mais  on  trouve,  à  la 
fin  du  second  volume,  des  tables 
qui  facilitent  les  recherches.  Ce  livre 
n'est  pas  exempt  d'erreurs  ;  Tira- 
bosehi  en  a  relevé  un  assez 
nombre  :  cependant  il  y  a  beau- 
coup d'érudition ,  et  quelques  noii- 
iODt  fort  intéressantes.  L'article 
qui  concerne  l'auteur  lui-même  est 
le  dernier  de   tous;  il  y  doi 


'*.„,,,     dit  «euleiuent  uu 

t.  P. 


Jo  •  Il   • 


374 


MON 


liste  des  ouvrages  qu'il  avait  déjà  pu- 
blies, et  de  ceux  qu'il  se  proposait  de 
mettre  incessamment   sous  presse. 
Parmi  les  derniers ,  on  remarque , 
Degli  scrittori  mascherati  centurie 
cinque,  qui  n'a  point  paru,  ou  qui,  du 
moins,  a  échappé  à  Struvius  et  aux 
autres  auteurs  de  l'histoire  littéraire. 
On  citera  encore  de  Mongitore  :  I. 
Divertimenti  geniali  ;  ce  sont  des 
remarques  et  des  observations  qu'il 
avait  faites  sur  la  Sicilia  inventrice 
de  Yinc.  Auria,  à  mesure  qu'on  l'im- 
primait :  elles  ont  été  réunies  à  l'ou 
vrage  dont  elles  sont  le  complément 
nécessaire  ,  Palerme  ,    1704  ,  petit 
in-4°^  Mongitore  prononça ,  dans  la 
suite  ,  Y  Éloge  d 'Auria  ;  il  fait  partie 
du  tome  m  des  Fitœ  illustrium  Ar- 
cadum.  II.  Brève  compendio  délia 
vita  di  S.  Francesco  di  Sales  ,  Pa- 
lerme, i6g5  ,  in  12.  III.  Palermo 
santificato  dalla  vita  de  suoi  santi 
cittadini ,  ibid. ,  1708,  in-8°.  Il  a 
réuni  sous  ce  titre  plusieurs  vies  qu'il 
avait  données  séparément.  IV.  Me- 
morie  istoriche  délia  funda  zione  del 
monastero  di  S.  Maria  di  tutte  le 
grazie ,  ibid. ,  1 7 1 0 ,  in- 4°.  V.  Dis- 
sertazione  sopra  un  antico  sepolcro 
e  simulacro  ritrovato  nella  campa- 
gnadi  Palermo  ,  l'ann.  î6q5  ,  dans 
la  Raccolta  Calogerana ,  tome  x. 
VI.  Palermo  divoto  di  Maria  ver- 
gine  ;  e  Maria  vergine  ,  protettrice 
di  Palermo ,  ibid. ,  1 7 1 9  ,  2  tomes , 
in-4°.  VII.  Sacrœ  domûs  mansionis 
S  S.  Trinitatis,  militaris  ordinisTeu- 
tonicorum  urbis  Panormi,  et  magni 
ejus  prœceptoris,  monument  a  histo- 
rica  ,  ibid. ,  1721  ,  in-fol. ,  et  dans 
le  tome  xiv.  du  Thés,  antiquit.  Ita  ■ 
lin.  VÏÎI.  Bullœ ,  privilégia  et  ins- 
trumenta Pdnormitawe  metropoli- 
tance  ecclesiœ  regni  Siciliœ  prima- 
riœ,  collecta ,  notisque  illustrata , 
ibid.,  1734,  in-fol.  IX.  Discorso 


MON 

storico  su  V antico  titolo  di  regno  } 
concesso  alV  isola  di  Sicilia  ,  ibid. , 
1735,  in-4°.  X.  Parlamenti  gene- 
rali  di  Sicilia  daV  anno  1 44^  ?  s*no 
aV  1 748,  con  le  cerimonie  istoriche 
dell'  antico  e  moderno  uso  del  par- 
lamento  appresso  varie  nazioni,  etc., 
ibid.,  1749,  in-fol.,  publié  par  le 
docteur  François  -Senio  Mongitore, 
prêtre  de  Palerme,  qui  l'a  enrichi  de 
notes  et  d'additions.  On  doit  à  Mon- 
gitore une  nouvelle  édition  augmentée 
de  la  Sicilia  sacra7  de  Roch  Pirrho, 
W— s. 

MONGLAT.  V.  Montglat. 

MONGOMERI.    V.   Montgom- 

MERY. 

MONÉGARIO  (  Dominique  )  , 
doge  de  Venise,  fut  substitué,  en 
756,  par  le  peuple,  à  l'usurpateur 
Gallo ,  qui  avait  été  déposé,  et  privé 
de  la  vue  dans  une  insurrection.  Mais 
Monégario  ,  après  avoir  gouverné 
huit  ans  les  Vénitiens,  éprouva  le 
même  sort.  Des  factieux  se  saisirent 
de  sa  personne  en  764  ,  lui  arrachè- 
rent les  yeux,  et  lui  donnèrent  pour 
successeur  Maurice  d'Héraclée. 
S.  S— 1. 

MONIGLIA  (  Jean  André  ) ,  mé- 
decin et  littérateur  ,  était  né ,  vers 
1 64« ,  a  Florence ,  d'une  noble  et  an- 
cienne famille  ,  originaire  de  S 
zane  ,  dans  l'état  de  Gènes.  Ses  ta- 
lents, comme  médecin,  lui  méritè- 
rent la  confiance  des  plus  illustres 
personnages  ;  et  le  grand-duc  de  Tos- 
cane l'honora  du  titre  de  son  pre- 
mier archiâfre.  Il  fut  nommé  ,  en 
i68'2  ,  à  l'une  des  chaires  de  l'uni- 
versité de  Pise  ;  niais  les  devoirs  de 
sa  place  ne  l'empêchèrent  pas  do 
suivre  son  goût  pour  les  lettres.  11 
composait  des  intermèdes,  et  des 
pièces  de  théâtre,  que  ses  protec- 
teurs faisaient  représenter  avec  une 
magnificence  dont  elles  étaient  peu 


MON 

dignes  ;  car  on  n'y  trouve  ni  régula- 
rité ,  ni  vraisemblance.,  et  le  .*>tyle 
eu  est  défigure  par  les  pointes  et  les 
concelti ,  qui  déparent  tous  les  ou- 
vrages du  même  temps.  Ce  fut  lui 
qui  eut  avec  le  docteur  Bamazzini 
cette  violeii.'e  querelle  dont  on  a  parlé 
à  l'article  Ciwelli  (  VIII ,  5G7  ) ,  et 
dont  le  détail  se  trouve  à  la  tête  du 
tome  11  de  la  Biblioteca  volante  , 
dont  cette  dispute  pensa  causer  la 
suppression.  Moniglia  était  mem- 
bre de  l'académie  de  la  Grusca  et 
de  celle  des  Arcadiens.  Il  mourut 
en  1700  ,  à  l'âge  de  soixante  ans. 
On  a  de  lui  :  1.  De  viribus  arcani 
aurei  antipodag-ici  epistola  ,  Flo- 
rence, 1666.  in-4°.  H.  De  aquee 
usu  in  febribus  ,  ibid.,  \6&'i.  III. 
Opère  dainaticke  ,  ibid.,  1O89, 
3  tomes  in-40. 11  fait  entier  dans  ce 
recueil  des  pièces  qui  ne  sont  pas  de 
lui,  mais  dont  il  avait  composé  le 
pro  ogucet  les  divertissements.  W-s. 
MONIGLIA  (  le  P.  Thomas-Vin- 
cent ),  savant  théologien  de  l'ordre 
de  Saint-Dominique,  né  à  Florence, 
le  18  août  iG8(3 ,  alla  Caire  ses  pre- 
mières études  à  Pise  ,  où  son  oncle 
professait  la  médecine.  (  V .  l'article 
précédent.  )  Il  revint  à  Florence , 
après  la  mort  d?.  son  protecteur,  et 
embrassa  la  vie  religieuse  ,  avant  de 
s'être  bien  assuré  de  sa  vocation.  La 
liberté  que  lui  laissèrent  ses  supé- 
rieurs ,  de  fréquenter  les  écoles  pu- 
bliques,  lui  donna  le  moyen  de  faire 
connaître  ses  talents  pour  la  discus- 
sion. Henri  Newton,  ambassadeur 
d'Angleterre  près  le  grand-duc  de 
Toscane ,  ayant  eu  l'occasion  (l'en- 
tendre le  jeune  religieux,  rechercha 
uifiance,  et  vint  à  bout  de  lui 
;       iader  de  passer  a  Londres,  où  il 

jouirait  d'une  1  'ion  qu'il  ne 

pouvait  p.*  :  lie.  Séduit 

par  les  avantages  que  le  ministre  lui 


MON  37  5 

faisait  entrevoir,  Moniglia  s'échappa 
de  son  couvent ,  et,  ayant  gagné  Li- 
vourne ,  il  s'embarqua  sur  un  vais- 
seau qui  allait  mettre  a  la  voile  pour 
l'Angleterre.  Arrivé  à  Londres  ,  il 
visita  les  bibliothèques  ,   rechercha 
la  société  des  savants,  et  acquit  dans 
leur   commerce    des    connaissances 
très-étendues,    (lependant   les   pro- 
messes de  Newton  ne  se  réalisaient 
point  :  toutes  les  ressources  du  reli- 
gieux fugitif  étaient  épuisées  ;  et  il 
se  vit  forcé  d'accepter  l'emploi  de 
précepteur   chez  un   lord  auquel  il 
avait  inspire  quelque  intérêt.   Plein 
d'inquiétude  pour  l'avenir  ,  il  prit  le 
parti  de   s'adresser  au  grand- duc  , 
qui,  touché  de  l'état  d'abandon  où  se 
trouvait  un  jeune  homme  intéressant, 
obtint  de  l'Ordre  le  pardon  uc  ses  er- 
reurs. 11  revit  l'Italie,  après  trois  ans 
d'absence,  et  fui  accueilli  de  ses  an- 
ciens confrères  avec  une  bonté  qui 
augmenta  le  regret  qu'il  éprouvait  de 
les  avoir  quittés.  Il  se  dévoua  dès-lors 
à  la  prédication  avec  un  zèle  infati- 
gable, et  qui  fut  couronné  du  succès. 
On  le  donna  quelque  temps ,  pour 
adjoint,  au  P.  Miuorelli,  préfet  de 
la  bibliothèque  Casana'.a  ;  mais  ses 
supérieurs  jugèrent  plus  utile  de  ti- 
rer parti  de  son    rare   talent  pour 
l'enseignement  :  il  professa  succes- 
sivement la  théologie,  a  Florence  et 
à  Pise  ,  et  mourut  dans  cette  dernière 
ville,  le  i5  février  17O7  ,  à  quatre- 
vingt-un  ans.  On  a  de  lui  :  I.  De  ori- 
i^iiu    saciarum  precuni  rosarii  B. 
M.   virghiis    Dissert atio  ,   Rome  , 
l-^o5 ,, in-8°.  C'est  la  réfutation  t'a 
sentiment  des  Bollandistes  ,  qui  ne 
croient  point  que  saint  Dominique 
soit  l'auteur  de  ces  prières,  IL  Dû 
annis  Cliristi  sah>ato>is,  et  de  rcli- 
gione  ut  iusquô  Vhilippi    tugusti , 
Dissertatioins  (hue,    ibid.,   1^4*  > 
in-4°-  U  y  a  di  l'érudition  du: 


;->7<j  MON 

dissertations.  III.  Disserlazione  con- 
tro  ij  cil alisti ,  L  u  c  q  tes  ,  i  n  \  \ ,  •. i 
part.  in-8".  IV.  Dis*,  contî'o  i  ma- 
te •ialisti ,  e  ali  ri  inci  eduli ,  i  'a  <  i  u  u  e , 
17  "io  ,  i  tomes  in  8'  .  V.  Osseva- 
zwni  critic'-;  iusoj  ckti  contrai  ma- 
teri  isti,  Lucques,  176'»,  a  tomes 
in  8°.  VI.  La  mente  umana,  spiriio 
imniortale,  non  materia  pansante, 
Padoue,"  17O6  ,  'i  tomes  in-8°.  (  V. 
Fabroiii ,  Vitœ  Italorum,  tom.  11, 
p.  148.  )  W-  s. 

MON]  VIE.  V.  M1THRIDATE. 
MON1N  (  Du  ).  P.  Dumonin  et  le 
Supplément. 

MONIQUE  (Sainte),  mère  de 
l'illustre  évêque  d'Hippone ,  nëe  en 
332,  de  parents  pieux,  fut  confiée 
aux  soins  d'une  sage  gouvernante, 
qui  sut  lui  inspirer  de  bonne  heure 
l'amour  de  ses  devoirs.  La  surveil- 
lance qu'on  exerçait  sur  ses  moindres 
actions  ne  l'empêcha  pas  de  contrac- 
ter insensiblement  l'habitude  déboire 
du  vin  en  secret;  mais  une  servante 
lui  ayant  reproclié  ce  défaut   dans 
un  moment,  de  mauvaise  humeur, 
elle  s'en  corrigea,  et  veilla  de^plus 
près  sur  sa  conduite.  Quoique  chré- 
tienne, elle  fut  mariée  à  un  bourgeois 
dcTagasle,  nomme  Patrice,  qui  con- 
tinuait de  professeï-  ieculte  dcsidolcs. 
La  douceur  et  la  patience  ciel  Ionique 
triomphèrent  à  la  fin  de  l'obstination 
de  son  époux  ,  et,  quelques  années 
avant  de  ftioÇrii',  il  embrassa  le  chris- 
tianisme. Restée  veuve  avec  trois  en- 
fants ,  Augustin  et  Navigius ,  et  une 
filie  dont  on  ignore  le  nom,  Moni- 
que se  dévoua  toute  entière  à  leur 
éducation.  A:igu-;lin,  âge  rie  dix-sept 
ans  ,  se  distinguait  dans  les  écoles  de 
Cartilage,  par  des  talents  qui  pro- 
mettaient alors,  non  un  défenseur  à 
l'Église,  mais  au  monde  un  orateur 
éloquent.  Séduit  par  les  discours  des 
Manichéens.,  il  partageait  déjà  leurs 


MON 

erreurs  ;  et  ni  les  prières ,  ni  les  lar- 
mes de  sa  mère  ,  ne  purent  le  déter- 
miner à  renoncer  a  des  principes 
qu'entretenait  sa  raison  égarée  par 
la  passion.  Il  partit   pour  l'Italie, 
dans  le  des  ein  d'y  établir  une  école 
de  rhétoîique;  et  cette  tendre  mère, 
informée  qu'il  était  à  Milan,  se  hâta 
de  l'y  rejoindre,  malgré  la  longueur 
du  vovageet  les  dangers  de  la  naviga- 
tion. A  son  arrivée  ,  elle  eut  le  bon- 
heur d'apprendre  de  la  bouche  d'Au- 
gustin que ,  grâce  à  ses  conférences 
avec  saint  Ambroise,  il  n'était  plus 
ma 'iclfén;  et  ayant demeuré  quelque 
temps  avec  lui,  dans  une  campagne 
où  il  s'était  retiré  pour  vaquer  plus 
tranquillement  à  l'étude  et  à  la  p«  i  re, 
elle  le  décida  à  repasser  en  Afrique. 
Arrivée  à  Ostie,  où  i.s  devaient  s'em- 
barquer, elle  tomba  malade,  et  y 
mourut,  à  l'âge  de  cinquante-six  ans, 
en  387,  le  4  niai,  jour  où  l'Église 
célèbre  sa  fête.  Le  corps  de  sainte 
Monique  fut  transporté  à  Rome,  en 
i43o,  sous  le  pontiîicat  de  Martin 
V  ,  qui  a  rédigé  lui-même  l'histoire 
de  cette  translation.   Cependant  les 
chanoines  réguliers  d^Arouai  e,  près 
de  Bapaume,  avaient  la  prétention 
de  le  posséder  (  V.  la  Vie  de  sainte 
Monique  par  Godescard  ).  C'est  dans 
les   Confessions  de  saint    Augustin 
qu'on  trouvera  les  détails  les  plus 
vrais  et  les  plus  touchants  sur  la  vie 
et  les  vertus  de  sa  mère.    W — s. 

MONK  (George),  un  des  person- 
nages les  plus  célèbres  de  l'Angle- 
terre, dans  le  dix-septième  siècle, 
naquit ,  Je  6  décembre  1  ho8,  dans  le 
Devonshire.  Son  père  était  d'une 
noblesse  ancienne,  mais  sansfortune  : 
le  jeune  IVÏonk  dut  sou  éducation  aux 
soins  de  son  aïeul  maternel  ,  sir 
George  Smith.  Une  action  hardie  dé- 
cida de  bonne  heure,  de  sa  vocation  : 
un  officier  du  shérif  arrêta  son  père 


MO 

en  sa  présence  ;  le  jeune  homme  , 
pour  venger  l'auteur  de  les  jours, 
assomma  l'agent  à  coups  de  bâton. 
Il  fallut  fuir,  eti'élat  militaire  était  sa 
:  i!  entra  ,  comme  vo- 
lontaire à  Tàge  de  i  7  ans  ,  dans  le  ré- 
giment de  sir  ftichardGrenville,  allie 
àsafamillc,  etlit  ses  premières  armes 
(i  dis  une  expédition  maritime  contre 
Espagnols.  A  peine  revenu  dans 
su  patrie,  il  fut  emplové  ,  en  qua- 
lité d'enseigne,  su  l'escadre  chargée 
de  l'attaque  des  ii  -s  de  RûC  et  d'Oie- 

et  son  corps  étant  passé  en 
Flandre,  i!  y  prit  part  à  dix  cam- 
pagnes successives.  C'est  la  qu'il  ac- 
quit des  connaissances  militaires  qui 
le  (lient  distinguer  de  ses  chefs.  Il 
retourna  en  Angleterre ,  à. l'époque 
même  où  les  mécontents  d'Ecosse  y 
allumèrent  la  guerre  civile.  Lord 
Newport  lui  offrit  la  place  de  lieute- 
nant- colonel  oc  son  régiment,  qui 
faisait  partie  de  l'armée  que  Charles 
lt!.  rassemblait  sur  les  frontières 
d  Ecosse.  Cette  campagne  fut  peu 
ac  ive  :  Monk  accepta  avec  empres- 
sement la  proposition  de  passer  en 
Irlande,  comme  colonel  du  régi- 
ment de  Leicester.  Il  y  fit  une  guerre 
très-vive  aux.  rebelles,  jusqu'à  ce  que 
le  vice-roi,  marquis  d'Or  moud,  eût 
conclu  une 

afin  de  pouvoir  disposer  de  ses  trou* 
pes  en  faveur  de   (maries   I1'.,   qui 
était  alors  en  liostilit 
le  parlement.  Monk  fut  soup< 
de  pencher  pour  ce   parti  :  a  peine 
de  retour  eu  Angleterre,  i!  fui  ai 
et  on  lui  o';t  le  commandement  de 
son  eor|  s.  Peu  de  temps  après,   r,e- 

lil  ,  on  lui  ; 
à  Oxford  sur  sa   parole;  él  delà  il 
parvint  à   se  ji  complète- 

auprès  de  mi,  qu'il  fut  rap- 

tou*  ses  drape  toi .  el  élevé  au 
grade  de  major  . 


MON 

irlandaise,  qui  était  alors  employée 
au  siège  de  Nantwich,  sous  le  coin- 
maudemeut  de  lord  liyron.  Monk 
ne  prit  possession  de  ce  nouveau 
poste  que  pour  tomber  avec  tout  son 
corps  au  pouvoir  de  Fairfax.,  dans 
une  surprise  nocturne  (  i  ti 4 4 ) •  En- 
voyé sur-ic-champ  à  la  tour  de  Lon- 
dres, il  y  resta  jusqu'au  mois  déflo- 
re i(>  j().  Pour  charmer  les  en- 
nuis de  sa  captivité,  il  écrivit  ses 
Observations  sur  des  .sujets  mili- 
taires et  politiques.  Il  envoya  son 
manuscrit  à  lord  Lisle,  qui  ne  le  pu- 
blia qu'après  sa  mort  (  Londres  ? 
1G71,  in  -  fol.  ).  Ce  fut  ce  même 
lord,  fils  aîné  du  comte  de  Leicester, 
alors  en  grande  faveur  auprès  du 
parlement ,  qui  obtint  la  liberté  de 
ftïoflk,  mais  sous  la  condition  ex- 
pi  esse  qu'il  adhérerait  au  covenant , 
et  qu'il  accompagnerait  en  Irlande 
le  comte  qui  s'y  rendait  avec  des 
pleins-pouvoirs  du  parlement. Monk, 
servant  une  cause  contre  laquelle  il 
avait,  combattu  jusqu'à  ce  moment, 
reçut  le  commandement  en  chef  du 
nord  de  l'Irlande.  Il  marcha  au  se- 
cours de  Londondcrry,  attaqué  par 
les  loyalistes,  et  leur  fit  lever  le 
sie'ge.  Bientôt  cependant  la  supério- 
lu  nombre  lé  contraignit  à  traiter 
avec  lord  Inchiquin,  commandant 
pour  le  roi,  à  lui  remettre  la  place 
dcDimbalk,  et  finalement  a  n  . 

■  Jeterrc.  Le  parlement,   très 
mécoutenl  <te  ce  résultat,  refusa   de 
ratifier  le  traité,  mais  déclara  que 
Monk  ne  serait  point  poursuivi  pour 
h  luite.  Ou  a  prétendu  .   néan- 
moins, qu'il  fut  si  sensible  au  blâme 
de  ses  opérations  militaires,  qu'il  en 
conserva  un  ressentiment  < 
fui  a  cette  epoqne  qu'il  vil  Crom 
pour  la  première  fois  :  le  pron  1 
lin  conféra  le  grade  de  lieutenant 
ner al  d'artillerie,  et  remmena 


373  MON 

lui  en  Ecosse.  Monk  se  distingua  par- 
ticulièrement à  la  bataille  de  D.m- 
bar.  Gromweil  le  laissa  en  Ecosse 
avec  un  corps  d'armée  ,  lorsqu'il  re- 
passa en  Angleterre  pour  y  combat- 
tre Charles  II.  Monk  déploya  la  plus 
grande  vigueur  :  il  prit  le  château  de 
Stirling,  et  fit  transporter  à  Lon- 
dres les  archives  qui  s'y  trouvaient. 
Il  prit  Dundee  d'assau'  ;  et  voulant 
imiter  l'inflexible  sévérité  de  Crom- 
well,  il  livra  au  fil  de  l'épée  le  gou- 
verneur e'  toute  la  garnison.  Il  avait 
soumis  l'Ecosse ,  à  l'exception  de  la 
partie  inaccessible  des  montagnes  , 
lorsqu'une  maladie  grave  l'obligea  de 
se  rendre  aux  eaux  deBath,  en  i65a. 
11  retourna  l'annéesui  vante  en  Ecosse, 
comme  membre  de  la  commission 
qui  négociait  alors  la  réunion  de  ce 
royaume  avec  la  république  d'Angle- 
terre. Une  carrière  toute  nouvelle 
s'ouvrit  tout- à -coup  pour  Monk  : 
général  de  terre,  il  se  vit  transporter 
sur  un  vaisseau  pour  faire  la  guerre 
aux  Hollandais.  On  ne  croyait  pas  , 
dans  ce  temps  ,  que  le  service  de  la 
marine  exigeât  des  études  et  un  exer- 
cice préliminaires.  Monk  se  trouva 
commander  une  division  sous  l'ami- 
ral Blake.  Il  soutint,  avec  cette  divi- 
sion seule,  un  combat  très-vif  contre 
le  fameux  amiral  Troinp.  L'action 
dura  deux  jours  :  enfin  Blake  vint 
le  dégager.  Deux  mois  après  (juillet 
i653  ) ,  Monk ,  commandant  en  chef 
la  flotte  anglaise  ,  livra  bataille  à  l'a- 
miral Tromp  ,  qui  fut  tué  dans  le 
combat.  La  victoire  de  Monk  était 
attestée  par  la  prise  ou  la  destruc- 
tion de  trente  vaisseaux  hollandais. 
Elle  fut  célébrée  à  Londres  par  une 
fête  extraordinaire  ;  et  Gromweil,  de 
sa  propre  main,  passa  une  chaîne 
d'or  au  cou  du  vainqueur.  La  paix 
maritime  le  rendit  à  sa  première  des- 
tination j  et  il  prit  le  commandement 


MON 

en  chef  de  l'Ecosse  ,  où  venaient 
d'éclater  de  nouveaux  troubles.  Il 
fit  proclamer  le  protecteur  a  Edim- 
bourg ,  et  parviut  à  désarmer  les 
montagnards.  Débarrassé  alors  de 
tout  soin  militaire,  il  se  retira  dans 
les  terres  Je  !a  comtesse  de  Bunleugh, 
à  Dalkeith,  et  passa  cinq  ans  dans  ce 
séjour,  plus  occupé  d'agriculture  que 
de  son  gouvernement.  Les  peuples 
avaient  su  apprécier  sa  justice ,  et  ils 
lui  obéissaient  sans  contrainte.  On 
prétend  que  c'est  dans  la  paix  de  cette 
retraite  que  se  réveillèrent  ses  anciens 
sentiments  royalistes.  Ce  qui  semble 
plus  sûr ,  c'est  qu'il  n'échappa  point 
aux  soupçons  de  l'ombrageux  pro- 
tecteur. Moiik  ne  négligeait  rien  ce- 
pendant pour  les  écarter  :  non  con- 
tent de  rompre  ouvertement  avec  qui- 
conque avait  la  réputation  d'être  at- 
taché aux  Stuarts  ,  il  dénonçait  au 
protecteur  toutes  les  menées  des  ca- 
valiers; il  lui  envoya  enfin  une  lettre 
qu'il  avait  reçue  du  roi  par  une  voie 
secrète.  Toutes  ces  précautions,  à  ce 
qu'il  paraît,  ne  rassurèrent  point  en- 
tièrement Cromwell  :  on  peut  en  ju- 
ger par  ce  post-scriptum  d'une  lettre 
qu'il  adressait  à  Monk,  peu  de  temps 
avant  de  mourir.  Le  ton  de  plaisan- 
terie qui  y  règne,  n'empêche  point  de 
pénétrer  la  pensée  du  tyran  :  a  J'en- 
»  tends  dire  qu'il  y  a  en  Ecosse  un 
»  certain  drôle  fort  rusé,  que  l'on 
»  appelle  George  Monk,  qui  n'attend 
»  que  le  moment  d'ouvrir  la  porte  à 
»  Charles  Stuart  :  je  vous  prie  de 
»  faire  tous  vos  efforts  pour  mettre  la 
»  main  sur  cet  individu,  et  de  me  l'en» 
»  voyer  aussitôt.»  Lorsque  Monk  ap- 
prit qu'Olivier  Cromwell  était  mort, 
et  que  son  fils  Richard  lui  avait  suc- 
cédé dans  le  protectorat,  il  ne  fit  au- 
cun mouvement ,  et  ne  parut  occupé 
que  du  soin  de  se  maintenir  dans  son 
commandement.  Richard  tomba  ;  et 


MON 

Monk  se  soumit  au  parlement  avec 
la  même  docilité  :  il  fit  plus;  il  pro- 
testa contre  la  violence  de  l'année 
qui  avait  chasse  cette  assemblée  usur- 
patrice. Quels  étaient  dès-lors  ses  des- 
seins? chaque  historien  s'est  fait,  à  ce 
sujet,  des  opinions  particulières.  Les 
panégyristes  de  Monk  n'ont  pas 
manqué  d'affiriner  que ,  constam- 
ment fidèle  au  sang  de  ses  rois  ,  tout 
le  temps  qu'il  passa  sous  les  dra- 
peaux du  protecteur  et  de  la  républi- 
que, ne  fut  pour  lui  qu'une  longue 
dissimulation.  Un  examen  réfléchi 
de  sa  conduite  permet  de  penser 
que  c'est  lui  faire  trop  d'honneur: 
la  suite  de  sa  vie  le  prouvera. 
Son  frère,  ecclésiastique  respectable, 
étant  allé  le  trouver  en  Ecosse  , 
pour  lui  remettre  une  lettre  du  roi , 
il  le  reçut  assez  bien  :  mais  ,  non- 
seulement  il  ne  voulut  point  répon- 
dre à  la  lettre;  il  refusa  même  opi- 
niâtrement d'entrer  dans  la  plus 
légère  explication  avec  son  frère. 
Lambert  ,  son  rival  ,  qui  com- 
mandait alors  dans  le  nord  de 
l'Angleterre,  marcha  sur  les  fron- 
tières d'Ecosse,  pour  faire  la  loi  à 
Monk.  Celui-ci  négocia  pour  tem- 
poriser, et  envoya  des  agents  secrets 
a  Londres,  chargés  de  plaider  sa 
Cause  auprès  du  parlement.  Lambert 
fut  arrêté;  et  Monk,  devenu  le  seul 
chef  militaire  redoutable,  entl 
Angleterre  (  iGfio):  il  y  k<< 
chaque  pas  des  adresses  ,  où  il  était 
conjuré  d'établir  un  gouvernement 

I  et  régulier.  En  approchant  de 
Londres,  il  envoya  un    i 
parlement,   pour  demander  I 

tent    immé  régiments 

qui  ai  immis    les  dernières 

violences.  furent  remplis, 

ilte  :  il  vint  alors  oc- 
cuper We  i  n'annon- 
çait que  son  ex  ;  e  pour 


MON 


379 


les  ordres  du  parlement  fut  changée. 
Pour  lui  complaire,  il  ne  craignit 
point  d'irriter  les  habitants  de  I 
dres  ,  en  s'emparant  des  portes  de  la 
cite'  :  il  ne  lui  fallut  ensuite  qu'un  si- 
gnal du  parlement  pour  abattre  ces 
portes ,  et.  les  herses  qui  les  défen- 
daient. Les  murmures  qui  s'élevè- 
rent alors  de  toutes  parts  contre  lui, 
firent  quelque  impression  sur  son 
esprit  ;  il  se  rendit  l'organe  de  la  na- 
tion, auprès  du  long  parlement  (ou 
rump  )  :  il  le  pressa  de  se  dissoudre , 
et  d'abandonner  la  place  à  des  dé- 
putés librement  élus.  Cet  infâme 
rump  disparut  enfin.  Tout  semblait 
tendre  vers  la  restauration  de  la  mo- 
narchie: rien  ne  s'opposait  plus  à  ce 
que  Monk  ouvrît  des  communica- 
tions directes  entre  le  roi  et  lui.  Ou 
n'observe  cependant,  à  cette  époque, 
dans  toute  sa  conduite  et  dans  tous 
ses  discours ,  qu'un  redoublement  de 
réserve  et  d'impassibilité.  Un  ins- 
tant de  plus  ;  et  la  contre-révolution 
allait  se  faire  sans  son  intervention  : 
il  prêta  enfin  l'oreille,  pour  la  pre- 
mière fois,  à  l'un  de  ses  parents, 
nommé  Morice ,  qui  le  détermina  à 
s'aboucher  avec  sir  John  Grenville  , 
principal  agent  de  Charles  IL  II  lui 
donna  des  instructions  verbales  pour 
ce  prince,  qui ,  d'après  ses  conseils, 
quitta  l'Espagne ,  et  vint  établir  sa 
résidence  a  Breda.  Tout  paraissait 
prêt  pour  lui  ouvrir  les  portes  de 
l'Angleterre ,  Lorsque  Lambert  s'é- 
chapp  1  de  la  prison  où  il  était  déte- 
nu ,  et  rallia  aussitôt  autour  de  lui 
un  as.se/.  grand  nombre  de  vieux  ré- 
publicains: niais  il  fut  proiuptenient 
repris;  et  les  alarmes  qu'il 
secs,  cessèrent  entièrement  Monk, 

libre    d'agir,  consentit  à  faire 
clamer    le  souverain    légitime   dans 
Londi  mai   1660.  Il  ; 

1  parut  devant  Charles  11. 


3 


MON 


lorsque  ce  prince  descendit  à  Dou- 
vres. Mouk  tomba  aux  pieds  du  mo- 
narque, qui  le  releva  et  l'embrassa. 
Charles  lui  sut  un  gré  particulier  de 
ce  que,  non  content  de  relever  le 
trône,  il  avait  rejeté  toutes  les  con- 
ditions et  les  reserves  que  le  parti 
républicain  voulait  mettre  à  l'exer- 
cice du  pouvoir  royal.  Le  premier 
soin  du  monarque  fut  de  récompen- 
ser, d'une  manière  digne  de  lui,  l'au- 
teur d'un  si  grand  service.  Mouk  l'ut 
nommé  chevalier  de  la  Jarretière , 
membre  du  conseil-privé ,  grand- 
écuyer,  gentilhomme  de  la  chambre, 
premier  commissaire  de  !a  trésore- 
rie ,  et  enfin  duc  d'Albemarie.  Ce 
titre  fut  attaché  à  des  biens  d'un 
revenu  considérable ,  indépendam- 
ment de  plusieurs  pensions.  Los 
gouvernements  du  Devonshire  et  du 
Middlcsex  achevèrent  de  compléter 
son  élévation  :  il  la  supporta  avec 
une  modestie  trop  peu  commune. 
Peut-être  aussi  se  rendait-il  intérieu- 
rement justice  :  il  devait ,  mieux  que 
personne,  savoir  si  c'était  réellement 
à  lui,  plus  qu'au  cours  fortuit  des 
événements ,  que  l'Angleterre  était 
redevable  du  rétablissement  de  la 
monarchie.  Cette  question  a  été  sou- 
vent débattue;  mais  elle  est  devenue 
beaucoup  moins  compliquée  depuis 
la  révolution  française.  Plusieurs 
fois ,  cette  révolution  fut  sur  le  point 
d'être  comprimée,  ou, du  moins,  de 
recevoir  une  autre  direction  ;  et  ce 
bieufait  eût  été  dû  a  des  hommes 
que  les  circonstances  eussent  mieux 
servis  que  leur  génie  ou  leur  courage. 
Quant  à  Mouk ,  on  peut ,  sans  se 
rendre  coupable  d'injustice  envers  sa 
mémoire ,  attribuer  à  la  mort  de 
Cromwell  ta  principale  part  dans  les 
événements  dont  il  recueillit  ensuite 
toute  la  gloire.  L'anarchie  s'établit 
dès  le  jour  où  le  protecteur  disparut: 


MON 

ecux-mêmes  qui  avaient  !e  plus  con- 
tribué à  renverser  le  trône ,  les  pres- 
bviériens,  sentirent  qu'il  était  temps 
de  le  relever  ;  et  si  Mouk  ne  l'eût 
fait  ,  plus  d'un  antre  allait  le  faire. 
Il  se  montra  extrêmement  modéré 
dans  le  procès  des  régicides  ,  dont 
il  fut  un  des  juges.  Cette  cons- 
tante indulgence  envers  ceux  dont 
ii  avait  partagé  les  erreurs  ,  ne  l'a- 
bandonna qu'une  fois.  Lorsque  le 
comte  d'Argylc  fut  arrêté  et  mis  en 
jugement  comme  coupable  de  baute- 
trahison  ,  Mouk  produisit  contre 
lui  des  lettres  confidentiels  q  i'il 
en  avait  reçues;  lettres  qui  témoi- 
gnaient du  dévouement  pour  l'ftsiîr- 
pateur,  à  l'époque  où  le  général  lui- 
même  commandait  en  Kros.se,  au 
nom  de  Cromwell.  Le  nouveau  duc 
d'Albemarie  trouva  bientôt  l'occa- 
sion de  justifier  les  bienfaits  de  son 
souverain.  1!  fut  adjoint  au  duc 
d'York,  dans  la  direction  et  le  com- 
mandement des  armées  navales,  lors- 
que la  guerre  éclata  contre  la  Hol- 
lande, en  16O4.  L'armement  d'uni 
flotte  redoutable  fut  dû  presque  en- 
tièrement à  ses  soins.  Les  matelots 
l'avaient  pris  en  une  telle  affection  , 
qu'ils  l'appelaient  familièrement  le 
brave  George,  il  commandait  en 
commun  avec  le  prince  Rupert,  lors- 
qu'ils rencontrèrent  la  flotte  hollan- 
daise, sous  les  ordres  du  célèbre 
Ruyter,  et  du  jeune  Tromp,  qui  avait 
succédé  à  son  père  (1666).  Le  prin- 
ce,par  le  conseil  d'Albemarie,  s'étant 
porté  au-devant  de  l'escadre  françai- 
se, qui  arrivait  au  secours  des  Hol- 
landais, leduc  soutint  seul  les  efforts 
de  ceux-ci.  Trop  inférieur  en  forces, 
après  un  combat  de  trois  jours,  il  se 
vit  obligé  de  faire  retraite  ,  mais 
toujours  couvrant  l'arrière  -garde  , 
et  déterminé  à  se  faire  sauter,  plu- 
tôt que  de  se  rendre.  Il  prit  une  re- 


vancbe  éclatante,  dans  la  même  cam- 
pagne, et  signala  ençpre  sou  coura- 
ge tannée  suivante,  lorsque  la  flotte 
hollandaise  remonta  la  Tamise,  et 
vint  brûler  [es  vaisseaux  anglais  a 
Cbatam.  Ce  fut  le  terme  de  sa  car- 
rière :  il  ressentit  les  premières  atta- 
ques d'une  hydropisie  qui  causa  sa 
mort,  le  3  janvier  1670.  II  laissa 
une  fortune  immense  à  son  fils  uni- 
que, qui  11  est  guère  connu  que  pour 
avoir  été  une  des  principales  causes 
de  la  défaite  totale  des  allies,  à  De- 
nain,  par  le  maréchal  de  villars. 
Charles  voulut  que  le  duc  d'Albe- 
raarlc,  et  son  frère  ,  Nicolas  Monk  , 
évêque  d'Hcreford ,  fussent  enterres 
avec  une  pompe  presque  royale,  dans 
la  cli  a  pelle  de  Henri  VII,  à  West- 
minster ;  mais,  par  une  singularité  re- 
marquable ,  aucun  monument  ne  fut 
érige  à  leur  mémoire  que  plus  d'un 
demi  siècle  après  (1).  La  simplicité  et 
un  flegme  imperturbable  firent  le 
fonds  d  u  caractère  de  Monk.  Cesdcux 
qualités  le  servirent  mieux  que  la  po- 
litique la  plus  délice,  clans  les  cir- 
constances épineuses  où  il  se  trouva. 
Mais  sa  grande  renommée  ne  doit 
point  en  imposer  :  c'était  au  total 
un  homme  médiocre.  Il  existe  en  an- 
glais une  Fie  du  général  Monk,  écri- 
te par  son  aumônier,  Thomas  (lum- 
l»ie;  elle  a  été  traduite  en  français 
Gui  Miége;  mais  cette  traduc- 
tion^ publiée  en  it>7->. ,  a  vieilli.  M. 
D.'svaulx,  baron  d'Oinville,  m.in-- 
i-'camp,  et  l'un  des  otages  de 
Louis  XVI,  lui  a  rendu,  en  181G,  le 
service  de  la  rajeunir.    S — v — s. 

>NK    IUm*), Irlandaise, fille 

du  lord  Molesworth  ,  et  femme  de 

1  >nk,  morte  à  Bat  h  <  n 


MTS 


38  r 


.;.:,, 


, 


1  ■'.  Westioini- 


joignaità  la  connaissance  des  la: 
latine,  italienne  et  espagm 
lent  assez  distingué  pour  la  p 
Ses  productions  en  ce  genre  ont  été 
imprimées  en  1716,  1  vol.  in-8°. , 
sous  le  titre  de  Marinda ,  Poésies 
et  Traductions  sur  différents  sujets. 
On  trouve  aussi  quelques-uns  de  ses 
vers  dans   les   Poems  of  eminent 
Ladies?  et  dans  les  Fies  des  poètes 
anglais,  par  Cibber.  L. 

MONLUC.  F.  MoNTLuc. 

MONMOUTH  (  Jacques  /  duc 
de  ),  passe  communément  pour  le 
fils  naturel  de  Charles  II,  roi  d'An- 
gleterre. Il  est  certain  ,  du  moins  , 
que  Lucy  Waîters,  sa  mère,  fut  une 
des  maîtresses  de  ce  prince;  mais  il 
n'est  pas  moins  certain  que  les  per- 
sonnes qui  avaient  connu  le  plus  in- 
timement cette  Lucy,  doutèrent  tou- 
jours que  Charles  fut  le  père  de  l'en- 
fant auquel  elle  avait  donné  le  jour. 
Le  roi  Jacques  II  lui-même  donne, 
dans  ses  Mémoires ,  des  détails  qui 
ne  peuvent  que  fortifier  les  soupçons 
à  cet  égard.  Lucy  Walters  se  trouvait 
en  Hollande  ,  avec  le  colonel  Robert 
Sidney,  (frère  du  fameux  Alger:: on. 
Sidney  ),  qui  l'entretenait  publique- 
ment. Charles  II  vint  à  la  Ha\ 
cette  époque.  Frappé  de  l'extrême 
beauté  de  la  jeune  Anglaise,  ii   mit 
tout  en  œuvre  pour  l'enlever  au  co- 
lonel ,  qui  s'y  montra  peu  sm 
e!  dit  hautement  :  u  La  prenne  qui 
»  veut;    son  affaire  est  faite.   »  A 
peine  avait-elle  passé  dans  hs  bras 
du  roi ,  qu'elle  déclara  sa  gros- 
Elle  accoucha  à  Rotterdam  ,  nu  peu 
avant  terme  (  i64{)  )  ;  et  ce  qui  fut 
bien  plus  remarque  encore ,  c'est  que 
l'enfant  qu'elle   mit  au  nouai. 
dépendamrnenl  d'une  rea 
frappante  avec    le  colonel   Sid 
avait  ,    comme  lui  ,    un 
apparent  »ur  U  joue.  Pendant  Pex* 


382  MON 

péditiondc  Charles  en  Ecosse,  Lucy 
mena  une  vie  si  dissolue  ,  que  ce 
prince ,  à  son  retour ,  refusa  de 
la  voir.  Le  roi  Jacques  ajoute  que 
Charles  II,  presse  un  jour  de  re- 
ntre le  duc  de  Monmouth  ,  s'é- 
cria  qu'il  aimerait  mieux  le  voir 
;  re  à  Tyburn.  11  prit ,  au  reste  , 
le  plus  grand  soin  de  son  éducation, 
et  l'envoya  en  France,  à  l'âge  de 
neuf  ans  ,  pour  y  être  instruit  dans 
la  religion  catholique.  Après  la  res- 
tauration ,  il  le  fit  venir  à  sa  cour , 
et  le  créa  successivement  comte 
d'Orkney,  duc  de  Monmouth,  che- 
valier delà  Jarretière,  et  capitaine 
de  ses  gardes.  11  saisit  l'occasion  de 
lui  faire  faire  ses  premières  armes 
sous  le  prince  d'Orange,  dans  les 
Pays-Bas.  Le  jeune  duc  commandait 
un  corps  d'Anglais  et  d'Écossais,  à 
la*bataille  de  Saint-Denis,  que  ce 
prince  livra  au  maréchal  de  Luxem- 
bourg ,  en  1678.  Il  fut  employé, 
l'année  suivante,  avec  plus  d'éclat 
et  d'utilité,  contre  les  rebelles  d'E- 
cosse ,  qu'il  défit  complètement.  La 
faveur  et  le  crédit  dont  il  jouissait , 
semblaient  s'accroître  chaque  jour, 
lorsqu'une  violente  maladie  dont  fut 
attaqué  Charles  II ,  fit  craindre  pour 
ses  jours.  Alarmé  lui-même  ,  le  mo- 
narque voulut  revoir  le  duc  d'York  , 
son  frère,  éloigné  de  la  cour  paries 
cris  du  parti  protestant.  Le  premier 
effet  de  ce  rapprochement  fut  l'exil 
du  duc  de  Monmouth  ,  en  Hollande. 
Depuis  ce  moment  ,  il  fut  accusé 
plusieurs  fois ,  et  non  sans  motif 
peut-être  ,  d^ctre  entré  dans  des  cons- 
pirations d'état.  Son  nom  figura  dans 
celie  qui  est  encore  désignée  sous  le 
titre  de  conspiration  du  Tonneau  de 
farine  {  Meal-tub  ).  Peu  de  temps 
après  ,  les  artifices  du  comte  de 
Shaftsbury  qui,  comme  lui,  avait  ju- 
ré une  guerre  à  mort  au  duc  d'York , 


MON 

le  déterminèrent  à  répandre  le  bruit 
qu'il  était  le  fruit  légitime  de  l'union 
du  roi  avec  miss  Walters.  Il  alla 
jusqu'à  soutenir  que  leur  contrat  de 
mariage  était  renfermé  dans  une  cas- 
appartenant  à  un  nommé  Gil- 
bert Géraid.  Cet  homme,  cité  de- 
vant un  conseil  extraordinaire,  fît 
serment  que  jamais  il  n'avait  ouï 
parler  de  l'existence  de  ce  contrat. 
CharlesIIsesenlit  d'autant  plus  irrité 
contre  le  duc  de  Monmouth  ,  qu'au 
mépris  de  ses  ordres  ,  ce  dernier 
avait  quitté  la  Hollande  pour  repas- 
ser en  Angleterre,  où  il  travaillait 
avec  audace  à  grossir  son  parti.  S'il 
n'est  point  prouvé  qu'il  connût  toute 
l'atrocité  du  complot  de  Rje-hause , 
dont  le  but  direct  était  l'assassinat 
du  roi ,  il  résulte  ,  du  moins ,  de  ses 
propres  aveux  ,  qu'il  était  intime- 
ment lie  avec  les  chefs  des  conjurés. 
Dès  qu'il  apprit  qu'ils  étaient  décou- 
verts, ii  se  cacha;  mais  le  monarque 
ayant  rendu  une  proclamation  qui  le 
sommait  de  comparaître , il  futforcé, 
pour  sa  sûreté  ,  de  faire  une  démar- 
che à  laquelle  ,dit  le  roi  Jacques,  son 
cœur  ne  l'eût  point  porté.  II  écrivit 
à  Charles  II,  implorant  humblement 
le  pardon  de  ses  fautes,  protestant 
que  la  mort  serait  moins  pénible  pour 
lui  que  les  tourments  de  sa  cons- 
cience. Par  une  seconde  lettre,  il  sup- 
plia ce  prince  de  lui  accorder  une  en- 
trevue ,  dans  laquelle  il  promettait  de 
faire  les  plus  importantes  révélations. 
En  effet ,  il  indiqua  les  conspira- 
teurs les  plus  dangereux,  et  dévoila 
tout  ce  qu'il  savait  de  leur  plan. 
Mais  à  peine  le  roi  lui  eut-il  accordé 
un  généreux  pardon,  qu'il  renoua 
toutes  ses  anciennes  liaisons.  Char- 
les, au  reste,  ne  s'était  pas  contenté 
d'une  confession  verbale;  il  avait 
exigé  que  le  coupable,  qu'il  traitait 
encore  en  fils,  lui  écrivît  une  lettre 


MON 

qui  pût  lui  servir  de  garantie.  Le  duc 
traça  cette  lettre  daus  les  termes  les 
plus  humbles  et  les  plus  soumis. 
Mais  bientôt,  comme  effraye'  de  se 
voir  compromettre  envers  un  para 
qu'il  affectionnait  toujours,  il  osa 
presser  le  roi  de  lui  rendre  cet  e'erit. 
Cbalcs,  justement  irrite,  lui  ren- 
voya sa  lettre,  et  lui  fit  signifier  en 
même  temps  la  défense  de  paraître 
à  la  cour.  Monmoutb  se  retira  une 
seconde  fois  en  HoUan  !e,oùle  prin- 
ce d'Orange  le  reçut  avec  une  affec- 
tation de  tendresse  qui  était  Irop  éloi- 
gnée de  son  caractère  pour  n'être 
point  attribuée  à  une  politique  ar:ifi- 
cieuse.  Ou  a  prétendu  que  Charles  II 
n'avait  point  entièrement  banni  Mon- 
m  >uth  do  son  cœur,  et  qu'il  lui  fai- 
sait passer  îles  secours  par  une  voie 
secrète.  Il  ne  devait  plus  le  revoir  : 
Charles  cessa  bientôt  de  vivre  (168 '5). 
Le  prince  d'Orange ,  en  apprenant 
sa  mort,  craignit  que  Jacques  II, 
son  successeur,  trop  autorisé  à  re- 
garder le  duc  de  Monmouth  comme 
son  ennemi ,  ne  sommai  les  états- 
généraux  de  le  lui  livrer.  Il  lui  con- 
seilla de  se  réfugier  à  Bruxelles  : 
mais  Monmouth  se  crut  moins  en 
sûreté  encore  sous  le  gouvernement 
espagnol ,  et  il  retourna  secrètement 
en  Hollande.  Le  comte  d'Argyle  y  fai- 
sait déjà  les  apprêts  de  son  expédi- 
tion. Il  pressa  le  jeune  duc.  de  s'unir 
à  lui;  mais,  dit  un  écrivain  célèbre, 
qui  s'est  cependant  rendu  son  pané- 
gyriste, Monmouth  ne  montrait  plus 
qu'une  répugnance  extrême  pour  tout 
ce  qui  portait  l'empreinte  de  la  té- 
mérité (  «  ).  Il  avait  résolu  d'ajourner 
toute  tcutitive  contre  le  gouverne- 
ment de  Jacques,  jusqu'à  ce  qu'une 
occasion  plus  favorable  se  présentât 


(l)l  >  oflht  €arljr  punvjth»  reigf 

g/James  i't€  ncund. 


MON  383 

d'elle-même.  Mais  ce  que  Monmouth 
voulait  différer  ,  l'impatient  Argyle 
vou  lait  le  brusquer  :i!  desirait  qu'une 
descente  en  Angleterre  pût  se  com- 
biner avec  celle  qu'il  méditait  en 
Ecosse.  Il  mit  donc  le  premier  à  la 
voile  (  V.  Jacques  fï  ,  xxi ,  35g  ). 
Peu  de  temps  après ,  Monmouth  part 
du  Texel  ,  avec  trois  petits  bâti- 
ments et  quatre-vingts  hommes.  Il 
débarque  à  Lyme,  sur  la  côte  du 
Dorsetshire,  le  11  juin  168").  Sa 
première  opération  fut  de  publier 
une  proclamation  ,  dans  laquelle 
n'appelant  Jacques  II  que  le  duc 
d'York  et  l'usurpateur,  il  poussait 
la  fureur  contre  ce  prince  jusqu'à 
l'accuser  d'être  l'auteur  de  l'incendie 
de  Londres  ,  et  d'avoir  empoisonné 
le  roi  Charles  II ,  son  frère.  Les  pro- 
testants se  rallièrent  avec  d'autant 
plus  d'empressement  à  Monmouth  , 
que  depuis  long-temps  il  avait  apos- 
tasie ,  pour  grossir  son  parti  de 
tous  les  ennemis  du  duc  d'York.  Il 
se  vit  bientôt  ta  la  tête  de  deux  ou 
trois  mille  hommes ,  et  marcha  sur 
Axminstcr.  Mais  déjà  le  roi  avait 
obtenu  du  parlement  un  bill  d'at- 
tainder  contre  lui,  et  !a  promesse 
de  einq  mille  livres  Sterling  à  qui  le 
livrerait  mort  ou  vif.  Déjà  aussi  Ar- 
gyle, pris  en  Ecosse,  avait  payé 
de  sa  tête  la  hardiesse  de  sou  en- 
treprise. Monmouth  n'avait  plus 
de  ressources  qu'en  lui  -  même  ; 
et  c'est  alors  que  l'on  put  voir 
combien  étaient  médiocres  toutes 
ses  facultés.  Parvenu  jusqu'à  Taun- 
ton  ,  il  y  fit  une  seconde  procla- 
mation dans  laquelle,  se  disant  fils 
lé-ilime  du  feu  roi,  il  se  déclarait 
son  successeur  ,  et  prenait  le  titre 
de  Jacques  II.  Mais  bientôt  l'année 

royale  parut  :  elle  étail  comman- 

j)  ir  le  i<>uue  du<  marie , 

fils  du  laineux  Monk.  Monmouth 


:'        • 


avait  besoin  d'un  coup  d'éclat  pour     dans  sa  fuite  à  travers  champs.  C'est 


U 


la   coiiliance  :   au    lieu   cic 
chercher  une  action  générale,  ii  mit 

tous  ses  soins  à  l'éviter.  Il  tenta, 
mais  vainement,  de  se  faire  ouvrir 
les  portes  de  Balh  et  de  Bristol.  Ses 
partisans  appartenaient  presque  tous 
à  la  classe  du  peuple;  et  ils  étaient 
sans  influence.  Fox,  qui  a  recueilli 
îfous  les  détails  de  celte  expédition, 
lait,  à  ce  sujet, une  réflexion  très-di- 
<!c  remarque,  et  surtout  sous  sa 
plume:  «  La  laveur  populaire,  dit- 
»  il ,  a  ses  douceurs  ;  mais  Mon- 
»  moutli  savait  bien  que,  s'il  ne  par- 
»  venait  pas  à  gagner  les  premières 
»  classes ,  il  lui  était  difficile  de  se 
»  flatter  du  succès.  11  est  impossible 
»  qu'il  n'eût  point  observé  que  les 
»  habitudes  et  les  préjugés  du  peu- 
»  pie  anglais  sont  éminemment  aris- 
»  tocratiques.  L'histoire  ne  luifour- 
»  nissait  pas  un  seul  exemple  d'une 
»  révolution  qui  eut  réussi  sans  le 
»  concours  des  anciennes  familles 
»  et  des  grands  propriétaires.  »  Ce- 
pendant l'armée  royale  s'approchait. 
Monmouth ,  après  avoir  témoigné  de 
l'hésitation  et  même  de  l'abattement, 
prit  tout-à-coup  la  résolution  déses- 
pérée d'aller  surprendre  l'ennemi 
à  Sedgemore,  près  de  Bridgewater. 
Mais  sa  marche  fut  découverte  : 
sa  cavalerie ,  commandée  par  lord 
Grey,  compagnon  de  son  exil,  lâcha 
pied  honteusement.  L'infanterie  pa- 
rut vouloir  tenir  ;  mais  Monmouth , 
en  se  retirant  irop  tôt  pour  sa  gloire, 
dit  Fox  lui-même,  donna  le  signal 
d'une  déroute  complète  (  6  juillet 
i685  ).  Abandonné  bientôt  par  sa 
petite  escorte ,  réduit  à  errer  à  pied 
dans  la  campagne,  il  tomba  de  las- 
situde, et  se  coucha  dans  un  fossé, 
à  demi  recouvert  par  des  orties  et 
de  la  fougère.  Il  n'avait  sur  lui 
que   quelques   pois    verts ,    cueillis 


i!   fi 


le  le.  idem; 


m  qu  u  lut  pris  le  Jenacmant  gc 
la  bataille.  Il  fut  conduit  aussitôt 
à  Londres.  Son  découragement  et 
sa  faib'esse  étaient  extrêmes.  En  ar- 
rivant à  la  Tour,  son  premier  soin 
fut  d'écrire  au  roi  une  lettre  exces- 
sivement humble,  où  ,  après  avoir 
protesté  de  son  sincère  repentir,  il 
suppliait  le  monarque  de  daigner 
l'ai  mettre  en  sa  présence,  protestant 
qu'un  seul  mot  suffirait  pour  dé- 
sarmer son  courroux.  Fox  ,  qu'il 
faut  toujours  citer  de  préférence  , 
parce  qu'étant  l'apologiste  de  Mon- 
mouth et  l'ennemi  de  Jacques  II , 
son  témoignage  contre  le  premier  ne 
peut  être  suspect ,  Fox  avoue  naïve- 
ment que,  si  le  duc  écrivit  cette  lettre 
humiliante,  c'est  qu'il  tenait  for- 
tement à  la  vie.  On  s'accorde  généra- 
lement à  penser  que  le  seul  mot  au- 
quel Monmouth  attachait  tant  d'im- 
portance, était  la  révélation  de  ses 
intelligences  secrètes  avec  le  perfide 
comte  de  Sunderlaud,  premier  mi- 
nistre et  favori  de  Jacques  II.  Il  est 
certain,  du  moins,  que  le  duc  en  fit 
part  à  Ralph  Sheldon,  qui  avait  été 
envoyé  au-devant  de  lui ,  pour  l'ame- 
ner à  Londres.  Le  roi  Jacques  lui- 
même  a  consigné  ce  fait  dans  ses 
Mémoires.  C'est  là  aussi  qu'il  rap- 
porte les  détails  de  son  entrevue  avec 
le  prisonnier.  «  Monmouth  ,  dit-il , 
»  se  jeta  à  genoux  en  entrant,  et 
»  rampa  sur  le  plancher  pour  em- 
»  brasser  les  pieds  du  roi  :  oubliant 
»  qu'il  avait  voulu  jusque-là  se  faire 
»  passer  pour  un  héros,  il  se  con- 
»  duisit  avec  bassesse  et  abjection,  » 
Après  avoir  déduit  toutes  les  raisons 
d'état  cpii  ne  lui  permettaient  pas 
de  faire  grâce,  Jacques  II  ajoute  : 
«  Monmouth  alla  jusqu'à  faire  enten- 
»  dre  qu'il  desirait  revenir  à  la  reli 
»  gion  catholique.  Le  roi  ayant  en- 


MON 

»  Toyé  quelques  personnes  pour  l'en- 
»  treteniràce  sujet,  on  n'eut  pas  de 
»  peine  à  découvrir  qu'il  songeait 
»  plutôt  à  sauver  son  corps  que  son 
»  arae.  Quand  il  vit  qu'il  ne  réussirait 
w  pas  par  ce  moyen  ,  il  se  déclara 
m  meilleur  protestant  que  jamais  ;  ce 
»  (.;ne  les  ministres  anglicans  qui  l'as- 
»  sistèrent,  ne  voulurent  point  re- 
»  connaître.  —  11  prétendit  ensuite 
■»  que  lady  Henriette  Wentworth ,  sa 
n  maîtresse, était  sa  femme  légitime, 
»  à  la  face  du  ciel,  tandis  que,  d'un 
»  autre  cote,  il  recommandait  aux 
)>  bontés  du  roi  les  enfants  qu'il 
»  avait  eus  de  la  duchesse  de  Mon- 
»  mouth,  laquelle  vivait  encore.  » 
La  duchesse  ,  qui  appartenait  à  l'an- 
cienne famille  écossaise  de  Buc- 
cleugh,  demanda  elle-même  avoir 
son  époux  dans  la  prison  :  quelques 
écrivains  ont  prétendu  qu'il  s'y  refu- 
sa ;  mais  il  est  certain  que  l'entrevue 
eut  lieu,  et  qu'elle  fut  extrêmement 
froide.  Les  mêmes  écrivains  se  sont 
également  trompes,  quand  ils  ont  dit 
que  la  reine,  présente  à  L'audience 
que  Jacques  accorda  au  duc,  l'acca- 
bla elle-même  des  plus  sanglants  ou- 

;s.  Fox  fait  observer  queBurnet, 
si  passionné  contre  les  Stuarts,  n'eût 
point  manqué  de  rapporter  cette  cir- 
constance, si  elle  eut  été  conforme  à 
rite'.  Le  1  ~>  juillet  ,  jour  fixé 
pour    l'exécution  ,    Moumouth    fut 

!  ut  à  Tovverhill.  Deux  évéques 
anglicans  L'accompagnèrent  jusque 
sur  l'eehafaud;  ils  le  pressaient  de 
manifester  hautement  des  principes 
plus  orthodoxes  sur  la  doctrine  de 
non-résistance  ,  ci  de  demander  pu- 
bliquement pardon  de  sa  révolte, 
qu'il  affectait  de  n'appeler  qu'une 
invasion.  Il  secontruta  de  dire  :  «Je 
»  meurs  bien  i  .!<•  s'en 

!i<»u    qu'il    avait 

le  le  matin  même  :  il  reconnais- 


MON 


38 


sait,  par  et  'ait  contre 

:e  qu'il  avait  pris  le  titre  de 
roi ,  et  que  Charles  11  lui  avait  affir- 
me n'avoir  jamais  été  marie'  a\ 
mère.    Mon  mouth    alors    n'adi 
plus    la   parole  qu'à    i  ;;•  :  il 

le  pria  de  ne  point  lui  bander  les 
yeux,  et  de  ne  point  le  manquer 
comme  il  avait  manque  lord  Russel. 
L'ex^utcur,  troublé  par  ce  souvenir, 
n'en  devint  que  plus  mal-habile;  et 
ce  ne  fut  qu'au  cinquième  coup  que 
la  tête  de  Moumouth  fut  séparée  du 
corps.  Il  n'avait  que  trente-six  ans. 
Ou  a  prétendu  que  le  fameux  Masque 
de  fer  (  V.  XXVII,  393  ),  n'était 
autre  que  le  duc  de  Moumouth.  De 
toutes  les  conjectures  qui  ont  été  fai- 
tes à  ce  sujet,  c'est  peut-être  une  des 
moins  déraisonnables.      S — v — s. 

MONNET  (  Jean  ) ,  né  à  Con- 
drieux  ,  près  de  Lyon  ,  fut  orphelin 
à  l'âge  de  huit  ans  ,  et  resta  jusqu'à 
l'âge  de  quinze  ans,  chez  un  oncle 
qu'on  appelait  le  Rabelais  du  canton, 
mais  qui,  tout  à  ses  plaisirs,  négligea 
l'éducation  de  son  pupille.  Le  jeune 
Monnet  savait  à  peine  lire,  lorsqu'un 
de  ses  compatriotes  le  conduisit  à 
Paris,  et  le  plaça  auprès  de  la  du- 
chesse de  Berri  (  tille  du  rég 
Cette  princesse,  charmée  du  talent 
qu'il  montrait  pour  exécuter  ei 
trefairela  voix  1 1  les  g<  stes  de  tout»  s 
les  personnes  qu'il  \  oyait  ,  le  pril  eu 
affection,  et  lui  lit  donner  plusieurs 
maîtres  d'agrément.  Déjà  Monnet  se 
livrait  aux  plus  douces  espérances, 
lorsque  lout-à-coup  il  perdit  sa  bien- 
faitrice ,  le  •>.()  juillet  1719.  H  était 
sans  ressource  :  la  veuve  d'un  vieux 
militaire  le  reçut  chez  elle, 
pas  une  existence  honorable  ;  1 
dant  elle  lui  offrait  quelques 

mentS  :  mais  les  parents  de  l,i  dame 

la  firent  enfermer.  Monnet  alla  de- 
mander asile  à  un  cousin  qu'il 


386 


MON 


à  Mortagne.  Il  ne  tarda  pas  à  ressen- 
tir une  vive  passion  pour  une  jeune 
personne  d'une  bonne  famille;  et, 
payé  de  retour,  il  se  disposait  à  l'en- 
lever. Le  projet  fut  découvert,  et 
manqua.  Dans  son  désespoir,  Mon- 
net se  retira  à  la  Trappe;  mais,  le 
neuvième  jour,  il  quitta  le  couvent, 
et  reprit  le  chemin  de  Paris.  Pendant 
dix  ou  douze  ans  ,  il  exerça  plu- 
sieurs métiers.  «  Je  fus,  dit-il,  bi- 
»  bliothécaire, éditeur, mêrneauteur 
»  de  plusieurs  ouvrages.  »  Après  une 
jeunesse  dissipée  et  orageuse  ,  il  ob- 
tint, en  1743,  la  direction  de  l'Opé- 
ra-Coraique ,  dont  on  le  priva  bientôt , 
quoiqu'il  eût  revivifié  ce  spectacle. 
Il  était ,  en  1 7  45 ,  directeur  du  théâ- 
tre de  Lyon,  et,  en  1748,  d'une 
troupe  française  à  Londres.  Il  se  lia, 
dans  cette  ville  avec  le  fameux  Théo- 
dore, roi  de  Corse.  De  retour  à 
Paris ,  il  y  reprit ,  en  1 752 ,  la  direc- 
tion de  l'Opéra-Comique  ,  qu'il  con- 
serva jusqu'en  1757  :  ce  fut  l'époque 
la  plus  brillante  de  ce  spectacle. 
Monnet  fit,  en  1766,  un  nouveau 
voyage  à  Londres  ,  puis  revint  à 
Paris ,  où  il  est  mort  obscurément 
vers  1785.  De  nombreuses  recher- 
ches sur  les  premiers  ouvrages  que 
Monnet  lui-même,  ainsi  qu'on  l'a  vu, 
dit  avoir  publiés  de  1720  à  1780 
environ,  n'ont  amené  aucun  résultat. 
Mais  il  a  fait  imprimer  plus  tard  : 

I.  Anthologie  française ,  ou  Chan- 
sons choisies  depuis  le  treizième 
siècle  jusqu'à  -présent ,  Paris  ,  Bar- 
bou,  1 765  ,  3  vol.  in-8°.  La  Préface 
ou  Mémoire  historique  sur  la  chan- 
son, est  de  Meusnier  de  Querlon.  Ce 
recueil  est  estimé,  et  mérite  de  l'être. 

II.  Choix  de  chansons  joyeuses, 
Supplément  à  V Anthologie  ,  in-8°. , 
de  1 10  pag. ,  à  la  suite  desquelles  on 
trouve  ordinairement  les  Chansons 
gaillardes,  en  80  pag, ,  et  un  cahier 


MON 

d'airs  notés  en  iG  pag.;  niai 
Chansons  gaillardes  et  la  musique 
ne  sont  autre  chose  que  le  recueil  de 
Collé,  intitulé  :  Chansons  joyeuses 
mises  au  jour  par  un  âne  onynte 
OTiissime,  1765,  in  -  8°.  Le  Choix 
seulement  est  donc  de  Monnet.  III. 
Supplément  au  Roman  comique,  ou 
Mémoires  pour  servir  à  la  vie  de 
Jean  Monnet,  écrits  par  lui-même , 
1772,  2  vol.  in-12,  ornés  du  por- 
trait de  l'auteur ,  au  bas  duquel  on 
lit  ces  mots  :  Mulcet ,  Mtvet ,  Mo- 
net  ;  il  avait  déjà  pris  pour  inscrip- 
tion de  son  théâtre  à  Lyon,  cette 
devise  ,  où  il  fait  allusion  à  son 
nom.  Les  Mystifications  de  Poin- 
s'uiet  se  trouvent  à  la  suite  des  Mé- 
moires de  Jean  Monnet,  qui  ont 
fourni  à  MM.  Barré ,  Radet  et  Des- 
fontaines ,  le  sujet  d'un  joli  vaude- 
ville intitulé  :  Jean  Monnet  ,  joué 
pour  la  première  fois  ,  le  4  thermi- 
dor an  vu  (  '21  août  1 799  ) ,  et  im- 
primé in-8°.  A.  B — t. 

MONNET  (MarietteMort:au  fe.), 
née  à  la  Rochelle,  d'une  famille  pau- 
vre, reçut  une  éducation  très-bor- 
née; mais,  la  vivacité  de  son  esprit 
suppléant  au  défaut  d'instruction , 
elle  avait  à  l'âge  de  seize  ans  obtenu 
déjà  plus  d'un  succès  littéraire.  Vol- 
taire ,  lui  -  même ,  lui  écrivit  une 
lettre  très-flatteuse ,  à  l'occasion  de 
ses  poésies.  Peu  de  temps  après  elle 
fit  paraître  sa  charmante  Idylle  sur 
lesjleurs;  mais  toutes  les  ressources 
de  son  imagination  brillante  et  de  son 
esprit  philosophique  se  déployèrent 
surtout  dans  les  Contes  orientaux , 
qu'elle  publia,  Paris,  1779,  in-12, 
et  dans  Y  Histoire  d! Àbd-Almazour, 
ou  Suite  des  Contes  orientaux,  1  784, 
in-12.  Nous  avons  encore  d'elle,  Let- 
tres de  Jenny  Bleinmore ,  1787,  1 
vol.  in-12,  et  quelques  pièces  de 
théâtre.  Mm*.  Monnet  parlait  avec 


MON 

beaucoup  d'agrément  et  de  facilite  ; 
elle  eut  pour  amis  D'Alembert , 
Diderot,  et  principalement  Thomas, 
qui  entretenait  avec  elle  une  corres- 
pondance suivie.  Elle  mourut  dans 
é  peu  avance,  le  xi  novembre 
1790.  Une  opération  intempestive 
au  sein,  fut  la  cause  de  sa  mort 
G— r— r. 

MONNET  (ANTOiNfe-fcRlMOÀLD), 

chimiste  distingué,  naquit,  en  1734, 
à  Champeix ,  en  Auvergne ,  de  pa- 
rents peu  favorisés  de  la  fortune. 
Porté  par  son  goût  naturel  à  l'étude 
des  sciences  physiques,  il  s'y  appli- 
qua avec  beaucoup  d'ardeur,  et  éta- 
blit une  pharmacie  à  Rouen.  Ses 
succès  l'ayant  l'ail  connaître,  il  vint 
à  Paris,  et  mérita  la  protection  de 
Malesherbcs ,  qui  lui  procura,  en 
1774^  la  place  d'inspecleur-général 
des  mines.  11  remporta,  la  même  an- 
née, un  prix  à  l'académie  de  Berlin, 
par  un  Mémoire  sur  l'arsenic;  et, 
l'année  suivante  ,  il  fut  encore  cou- 
ronné par  l'académie  de  Manheim. 
Guettard  associa  Monnet  à  ses  tra- 
vaux, et  lui  confia  la  publication  de 
l'Atlas  minéralogique  de  la  France 
(T.  G  i/.  Monnet 

cul  le  tort  de  s'aveugler,  au  point  de 
ne  pas  reconnaître  les  progrès  que 
la  chimie  dut  aux  d 

îsicr,  des  Fourcroy,  des  Bcr- 
thollet,  etc. ,  et  le  tort  plus  grand  de 
combattre  les  résultats  évidents  de 
l'expérience.  Son  entêtement 

:  h-  brouilla  avec  presque  tous 
les  savants,  el  nuisit  beaucoup  à  sa 
célébrité.  Privé  dé  sa  place,  par  la 
révolution,  il  passa  sa  vieillesse  dans 
une  retraite  profonde,  et  mourut  à 
Palis,  le  23  mai  1 S  1  -  .dans  un  âge 

avancé.  Il  était  meml 
démies  de  Stockholi  d  et  de 

Turin.  Il  a  traduit  plusii 

ges  de  l'allemand  :  Exposition  des 


MON  387 

mines,  et  Dissertation  sur  les  mines 
de  cuivre  ,  Londres  (  Paris  ) ,  177», 
in- 12.  —  Traité  de  V exploitation 
Ses  mines,  avec  des  notes,  1773, 
in-/>°.;  traduction  très -estimée.'—. 
Voyage  miner  alogi  que,  fait  en  Hou- 
grie  et  en  T ranssylvanie ,  par  de 
Boni,  Paris,  1780,  in-8°.  On  a  eu 
outre  de  Monnet  :  I.  Traité  des  eaux 
minérales,  Paris,  17 08,  in-12.  il. 
Traité  de  la  vitriolisalion  et  de  l'a- 
lunation ,  ibid. ,  «7^9,  in-12.  Iil. 
Catalogue  raisonné  minéralogique 
ou  Introduction  à  la  mû 
ibid.,  i  77*2,  in- 12.  IV.  Nouvelle  hy* 
drologie,  ou  Exposition  •  i  ■ 
et  de   la  quaiiti 

1,772,  in-12.  V.  Traité  de  la  dis- 
solution des  métaux,  ibid.,  i 
in- 1 2  ;  ouvrage  estimé.  Y  ; . 
système  de  mu:  uillon 

1779,  in-12.  Vil.  Dissertatii 

iences  itlat'wes  aux  principes 
de  la  chimie  pneumatique ,  Turin 
178;),  in-4'J.  VIII.  Mémoire  his- 
torique et  politique  sur  les  mines 
de  France,  Paris,  1790,  in  -8°. 
IX.  Démonstration  de  la  fausseté 
des  principes  des  nouveaux  chimis- 
tes, ibid. ,  1 798 ,  iu-8°.  X.  Un  grand 
nombre  à'dnalyses  et  de  Mémoires, 
dans  le  Journal  de  lJhysique}  etc. 

—s. 
MONNIER  (Dorn  Hilarion  ),  sa- 
vant cohtroversiste.  naquit,  en  i(j  j(j 
à  Toulouse,   bailliage  de  Poligni  i 
d'une  famille  noble.  Resté  orphelin 
en  bas-âge,  il  fut  élevé.,  par  les  soins 
d'un  oncle  ,  pi<>n\  ecclésiastique  y 
qui  lui  inspira  l'amour  de  l'étude  et 
de  la  retraite.  Si 
prit  rhabil 
sançon,  el,  ' 

ies  supérieurs  ,  d'ei 
philosophie  et  la  th 
qu'il  professai!  S  ûnt- 

Miliiel;  le  cardinal  tic  R< 

25.. 


388  MON 

Commcrci ,  entendit,  parler  des  ta- 
lents de  D.  Monnier,  et  l'invita  à 
assister  aux  conférences  qu'il  avait 

le  projet  d'ouvrir  sur  la  philosophie 
de  Deseartes.  Le  modeste  religieux 
fît  briller  dans  ces  assemblées  une 
telle  pénétration  d'esprit  ,  une  si 
grande  facilité  d'élocution  ,  qu'il  en 
devint  le  modérateur  et  le  chef,  sans 
avoir  pensé  à  briguer  cet  honneur. 
Envoyé  à  Paris  ,  en  1677  ,  il  y  fut 
accueilli  par  Mabillon  ,  Nicole ,  Du- 
guet,  et  d'autres  savants  hommes 
avec  lesquels  il  resta  en  correspon- 
dance. Ce  fut  par  leurs  conseils  qu'il 
se  voua  à  la  carrière  de  la  chaire. 
Après  la  révocation  de  l'édit  de 
Nantes  ,  il  fut  chargé  de  prêcher  la 
controverse  à  Metz  ,  en  1 686  ;  et  il 
s'en  acquitta  avec  beaucoup  de  suc- 
cès. D.  Monnier  remplit  successive- 
ment les  premiers  emplois  de  sa  con- 
grégation. Nommé,  en  1706,  prieur 
de  Morey ,  i!  y  tomba  malade ,  et 
mourut  dans  de  grands  sentiments 
de  piété,  le  17  mai  1707.  Ou  a  de 
lui  :  Eclaircissement  des  droits  de 
la  congrégation  de  saint  Vannes  , 
sur  les  monastères  qu'elle  possède 
en  Franche-Comté ,  1688,  in-4°.  ; 
utile  pour  l'histoire  monastique  de 
cette  province.  —  Sept  Lettres  , 
contenant  la  réfutation  du  système 
de  Nicole ,  sur  la  grâce  ;  elles  ont 
été  publiées  par  Duguet ,  à  qui  elles 
sont  adressées  dans  l'ouvrage  inti- 
tulé :  Réjlexions  sur  le  traité  de 
la    grâce  générale ,    1 7  1 6  ,  in-i  2. 

—  Deux  Lettres  à  Mabillon  ,  sur 
les  études  monastiques  ,  dans  les 
Œuvres   posthumes   de    Mabillon. 

—  Lettre  à  un  docteur  de  Sor- 
honne  ,  sur  la  vocation  à  la  vie  re- 
ligieuse. 11  a  laissé  en  manuscrit  des 


Serrm 


des  Traités  de  morale  et 


de  controverse  ,  conservés  dans  sa 
famille.  L'abbé  Monnier    chanoine 


MON 

de  Troies ,  l'un  de  ses  petits-neveux  7 
a  publié  :  Abrégé  de  la  vie  de  D. 
Ililar.  Monnier  (  Dole,  1 786  ) ,  in- 
12  de  12  pag.  W — s. 

MONNIER  (  Louis  -  Gabriel  )  , 
graveur,  né  à  Besançon,  le  1 1  octo- 
bre 1733,  fut  placé  jeune  dans  l'a- 
telier  de  Durand,    graveur    de    la 
monnoie,  à  Dijon,  et  vint  ensuite 
à  Paris    se  perfectionner   dans   les 
principes  de   son   art.  De  retour  à 
Dijon,  il  se  lia  d'une  étroite  amitié 
avec  Devosges,  qui  venait  de  créer  , 
dans  la  capitale  de  la  Bourgogne,  une 
école  de  dessin  ,  justement  célèbre 
par  le  grand  nombre  de  bons  élèves 
qui  en  sont  sortis  (  F.  Devosges).  Ce 
fut  par  ses  conseils  que  Monnier  s'ap- 
pliqua à  l'étude  de  l'antique,  à  la- 
quelle il  dut  cette  pureté  de  dessin 
qui  distingue  ses  productions  de  celles 
des  artistes  de  la  même  époque.  Le: 
états  de  Bourgogne,  désirant  le  fixe 
dans  cette  province  ,  lui  coniièrcn 
l'exécution  de  divers  ouvrages  con 
sid érables  ,  qu'il  termina  avec  le  plus 
grand  succès.  Cet  artiste,  d'un  carac- 
tère doux  et  modeste  ,  sortait  ran 
ment  de  son  atelier  ,  où  il  se  plaisait 
à  recevoir  les  savants  et  les  curieux 
qui  s'empressaient  de  le  visiter 
conserva  ,  jusqu'au  terme  de  sa  car- 
rière ,  la  même  égalité  d'humeur,  1 
même  assiduité  au  travail ,  et  mouru 
à  Dijon,  le  28  février  1804  ,  uni  ver- 
sellement  regretté.  Il    était,  membre 
de  l'académie  de  cette  ville.  Parmi 
les  plus  belles  productions  de  Mon- 
nier, on  cite,  la  Carte  topographique 
de   la   Bourgogne ,   par   Paucher, 
sous-ingénieur  de  la  province,  3  feuil- 
les ;  la  Carte  des  chaînes  de  monta- 
gnes et  des  canaux  de  la  France ,  par 
le  même;  la  grande  Carte  synopti- 
que,  qui  accompagne  les  Notions 
élémentaires  de  botanique  (  V.  Dl- 
iujnde,  XII ,  346  )'}  les  Vignettes  et 


i 


MON 

les  Estampes  du  iv°.  vol.  de  Y  His- 
toire de  Bourgogne,  par  D.  Plan- 
cher; celles  du  Salluste,  trad.  par  le 
président  de  Brosses;  des  Antiquités 
de  Diji  n1  par  Legoux  de  Gerland; 
le  beau  Frontispice  des  Mémoires  de 
l'acad.  de  Dijon,  tic.  11  a  grave  en 
creux  et  en  relief  un  très -grand  nom- 
bre de  Sceaux  ,  de  Cachets  ,  de  Je- 
tons ,  et  de  Médailles  recherchées 
des  curieux.  «  Les  médailles  de  Mon- 
»  nier,  dit  M.  Paillet,  ne  représen- 
»  tent  pas  des  figures  isolées  sur  des 
»  fonds  unis  ;  elles  y  sont  placées  sur 
»  des  fonds  d'architecture,  etaccom- 
»  pagnées  d'accessoires  qui  rendent 
»  reflet  des  bas-reliefs.  Le  nu  y  est 
»  correctement  et  savamment  expri- 
w  me  ;  les  tètes  et  les  extrémités , 
»  toutes  gravées  dans  le  creux,  ont 
»  les  perfections  qu'on  pourrait  de- 
»  sirer  dans  de  grandes  statues.  »  On 
peut  consulter ,  pour  plus  de  détails  , 
V Eloge  de  Monnier  dans  le  Pan- 
théon dijonnais  ,  p.  8 0-8 5.    W — s. 

MONNIER  (Le).  ^Lemonnier. 

MONNIOTTE  (  Dorn  Jean-Fran- 
çois ) ,  habile  mathématicien,  né  en 
17  >. 3,  à  Besançon,  entra  fort  jeune 
dans  la  congrégation  de  Saint-Maur, 
et  fut  chargé,  par  ses  supérieurs, 
d'enseigner  la  philosophie  et  les  ma- 
thématiques ii  l'abbaye  de  Saint-Gcr- 
main-des-Prés.  Religieux  simple  et 
modeste,  attaché  à  sa  règle,  il  par- 
tageait  son  temps  entre  l'étude  et  les 
devoirs  de  son  état  Apres  la  suppres- 
sion de  son  ordre,  il  se  retira  a  Tï- 
gery,  près  de  Corbeil3  el  y  mourut  le 
\  ril  1797. 11  avait  eu  la  douleur 
de  voir  périr,  sur  l'échafaud,  son 
table,  qui 
urage  contre  les 
décrets  sanguin  1    nven- 

tion.  1).  Monuiotte  csl  l'éditeur  des 
Institutiones  pi 
Pan-  1  (  /''. 


MON  38o 

:  d  )  ;  et  il  est  le  véritable  au- 
teur de  Y  Art  du  facteur  d'orgues  , 
publié  sous  le  nom  de  D.  Bedos  de 
Celles,  dans  la  Description  des  arts 
et  métiers  (  V.  Bedos  ).  On  trouve 
dans  le  Magasin  enejelopéd.  (  111e. 
ann. ,  tom.  icr.,  pag.  267)  une  Pièce 
de  vers  latins ,  à  la  louange  de  D. 
Monniotte,  par  M  Guiot,  ci-devant 
prieur  de  Saint  -  Guerrant ,  à  Cor- 
beil.  W— s. 

MONNOIE  (  Bernard  delà), 
né  à  Dijon,  en  1641  ,  étudia  sous 
les  Jésuites  ,  et,  dans  son  cours  d'hu- 
manités, commença  de  se  faire  un 
nom  par  des  épigrammes  latines  , 
que  suivirent  des  compositions  fran- 
çaises ,  doublement  remarquables 
par  la  jeunesse  de  l'auteur,  et  par 
une  élégance  alors  peu  commune  en 
province.  Pour  répondre  aux  vœux 
de  son  père,  qui  lui  marquait  sa  place 
au  barreau  ,  il  alla  faire  son  droit  à 
Orléans  :  là,  cédant,  à  son  insu,  à 
l'ascendant  de  ses  goûts  littéraires , 
il  s'appliqua  surtout  à  recueillir , 
parmi  les  épines  de  la  jurisprudence, 
des  particularités  curieuses  sur  les 
auteurs  et  les  livres  qui  en  avaient 
traité.  Il  débuta  au  parlement  de  Bi- 
jou ,  en  1662  ;  mais  l'incompatibilité 
de  sa  nouvelle  profession  avec  les 
besoins  de  son  esprit  se  fit  bientôt 
sentir-  et  colorant  sa  répugnance  du 
prétexte  de  l'affaiblissement  de  sa 
santé,  il  échappa  au  labyrinthe  des 
lois,  et  se  livra  tout  entier  aux  let- 
tres. Dijon  possédait  à  cette  époque 
une  réunion  d'hommes  qui  justi- 
fiaient les  éloges  donnés  par  Voltaire 
à  l'esprit  cultivé  de  ses  Habitants  : 

il  un  noyau  d'académie,  dans 
lequel  on  distinguait  le  président 
Bouhier,  Lamare,  Dumaj  ,  Lantin  , 
Legoui ,'  Moreau  de  Mautour,  le  I*. 

mi  et  l'abb&Nicaise.  L  1  Monnoie 
se  partagea  entre  ses  livr<  - 


3qo 


MON 


amis  :  il  leur  offrait  les  primeurs  de 
sou  talent  poétique;  et  l'approbation 
d'un  perde  pajsibîe  suâ^sait  à  son 
ambition.  11  allait  jusqu'à  gourman- 
•is,  s'il  leur  arrivait  de  le 
tra air  parla  publicité' de  leurs  éloges. 
Un  succès  .sur  lequel  il  avait  peu 
compte,  lit  réfléchir  sur  lui  l'éclat 
qu'il  redoutait  si  fort.  L'académie 
française  proposa,  en  1671,  pour 
sujet  du  prix  de  poésie  qu'elle  décer- 
nait pour  la  première  fois,  Y  abolition 

:cl.  La  Monnoie  se  mit  sur  les 
ïanjgsj  et  Sa  pièce  qu'il  envoya,  fut 
couronnée.  Avant  que  l'auteur  fût 

u  ,  Charles  Perrault  la  vantait 
avec  chaleur.  Mais,  lui  dit  quel- 
qu'un, si  elle  était  de  Despréaux  ? 
—  Fut  elle  du  Diable,  répondit  l'é- 
quitable académicien  ,  elle  mérite 
le  prix ,  et  l'aura.  Le  texte  des  com- 
positions que  l'académie  demandait 
pour  ses  concours,  roulait .éternelle- 
ment sur  les  louanges  de  Louis  XIV: 
ce  fonds  uniforme  offrait  pourtant 
encore  des  inspirations  au  talent.  Si 
l'on  excepte  La  gloire  acquise  parie 
roi,  en  se  condamnant  dans  sa  pro- 
pre cause ,  les  autres  sujets  traités 
par  la  Monnoie,  La  gloire  des  armes 
tt  des  lettres  sous  Louis  XIV,  L'é- 
ducation du  Dauphin ,  Les  grandes 
choses  faites  par  le  Boi  en  faveur 
de  la  religion,  pouvaient  soutenir 
sa  musc  :  il  triompha  cinq  fois,  et  le 
bruit  courut  que  ses  juges  l'avaient 
fait  prier  de  s'abstenir  désormais  du 
concours,  dont  sa  supériorité  écar- 
tait trop  de  rivaux.  En  célébrant  le 
zèle  de  Louis  pour  la  cause  de  la  re- 
ligion ,  la  Monnoie  eut  pour  concur- 
rents Fontenelle  et  cet  abbé  Dujarry, 
qui  depuis  ,  dans  une  autre  joute  aca- 
démique ,  l'emporta  sur  Voltaire 
adolescent.  C'est  à  Santeul  que  la 
Monnoie  fut  redevable  de  son  der- 
nier succès.  Le  Yictoriu  avait  chanté 


MON 
le  succès  des  me 


envers  latins 

prises  par  le  roi  pour  extirper  l'iu 
résie  ;  mais  sa  pièce  ne  pouvant  dis- 
puter le  prix,  il  envoya  au  concours 
la  traduction  eu  vers  français  qu'en 
avait  faite  la  Monnoie  ,  et  sans  en 
prévenir  celui-ci.  La  Monnoie  ayant 
obtenu  la  médaille  ,  Santeul  la  ré- 
clama comme  premier  auteur  :  uu 
acfe  par-devant  notaire  termina  le 
différend  •  le  religieux  fut  nanti  de  la 
médaillé,  moyennant  quoi  il  déclara 
que  la  Monnoie  en  avait  toute  1  a 
gloire.  Le  désintéressement  du  poète 
dijonnais  lui  aurait  fait  oublier  le 
soin  de  sa  fortune ,  sans  la  sollici- 
tude de  sa  famille.  Pour  la  satisfaire 
et  pour  ne  point  demeurer  sans  état, 
il  acheta,  en  1672  ,  une  charge  de 
conseiller-correcteur  en  la  chambre 
des  comptes  ,  qu'il  garda  pendant 
huit  ans.  Quelque  temps  après  il  se 
laissa  marier  ,  et  n'eut  point  à  s'en 
repentir.  Ses  amis  le  pressaient  de- 
puis long-temps  de  se  fixer  à  Paris  ; 
il  leur  répondait  qu'il  n'y  serait  con- 
sidéré que  comme  un  bel-esprit ,  rôle 
dont  il  se  souciait  fort  peu.  «  Toute 
»  petite  qu'est  ma  fortune ,  ajoutait- 
»  il,  j'en  suis  coûtent;  je  n'ai  aucune 
»  ambition  :  je  n'ai  jamais  rien  dc- 
»  mandé,  et  neveux  rien  demander 
»  encore  aux  puissances.  »  11  répé- 
tait la  même  chose  en  vers  : 

A  te  nil  unquàm  petit ,  Lodotce  ,pciamve  ; 

A  ma  ml  itmjuàm  sic  ,  Lodotce,  petits. 

Ce  qui  le  faisait  insister  sur  ces  pa- 
roles, c'était  la  mauvaise  humeur  que 
lui  causaient  certaines  mesures  fis- 
cales :  il  s'en  prenait  aux  instruments, 
des  exactions  dont  il  avait  «à  se 
plaindre.  Publicanus,  disait-il ,  équi- 
vaut à  publiais  canis.  Du  sein  de 
son  indépendance  philosophique,  il 
laissait  couler  des  vers ,  dédaignés 
aujourd'hui,  mais  qui  servirent  alora 


W 


MON 

à  augmenter  sa  réputation.  Santeul , 
aux  productions  duquel  Corneille 
prêtait  quelquefois  le  secours  de  son 
talent,  préférait  la  manière  de  la 
Monnoie ,  traducteur  plus  souple  et 
plus  fidèle.  Celui-ci,  en  se  mettant 
en  veine  pour  le  lyrique  latin,  entre- 
prit le  même  travail  sur  un  grand 
nombre  d'hymnes,  et  rendit  en  fran- 
çais ,  vers  pour  vers,  la  Glose  de 
sainte  Thérèse,  composition  espa- 
gnole en  stances,  qui  expriment  les 
transports  de  l'ame  unie  à  Dieu  par 
la  communion  (i).  Il  voulut  dédier 
cette  traduction  à  Mlle.  de  Lavallière, 
alors  carmélite;  mais  elle  refusa  par 
humilité.  On  raconte  que  Racine ,  in- 
vité ta  traduire  de  nouveau  cette 
pièce  ascétique,  répondit  quon  ne 
-pouvait  mieux  faire  que  M.  de  la 
Monnoie  :  paroles  évasives  ,  qui  ne 
prouvaient  que  le  sentiment  des  dif- 
ficultés d'une  telle  entreprise.  La 
Monnoie,  par  la  tournure  de  son  es- 
prit, était  peu  propre  à  la  poésie 
noble  :  dominé  par  l'enjoûment  de 
son  caractère,  il  se  montait  diffici- 
lement au  ton  de  son  sujet;  cédant  à 
sa  facilité,  il  rencontrait  le  plus  sou- 
vent des  expressions  Vulgaires  ,  et 
tombait  dans  le  prosaïsme,  sermone 
pedestri.  Voltaire,  fidèle  aux  admi- 
rations de  sa  jeunesse,  a  loué 
bitamment  le  Duel  aboli;  c'est  dans 
cette  pièce,  et  dans  celle  que  la  Mon- 
noie composa  sur  l'éducation  du 
Dauphin  ,  qu'il  a  semé'  ses  meilleurs 
:  il  y  a  de  la  force  e!  du  mouve- 
ment; nuis  Les  négligences  et  les  inver- 
sions \  icieuses  y  forment  de  trop  fré- 
quentes disparates.  Le  poète  a  mieux 
es  épigrammes  et  ses 


•  ntewbic 


MON  39x 

contes,  imités  pour  la  plupart,  et 
qui  ne  demandaient  que  du  naturel  et 
de  la  vivacité  (i).  Il  fit  surtout  une 
heureuse  application  de  son  talent , 
en  écrivant  des  Noèls  dans  le  patois 
de  son  pays.  Aimé  Piron,  père  de 
l'auteur  de  la  Métromanie ,  et  apo- 
thicaire à  Dijon,  s'était  d^jà  essayé 
dans  ce  genre;  et  ses  pc'iles  pièces, 
adaptées  aux  circonstances,  avaient 
joui  d'une  vogue  extraordinaire.  La 
Monnoie  lui  reprocha  un  jour  sa 
manière  expéditive,  qui  l'empêchait 
de  mettre  dans  ses  compositions  tout 
l'art  et  toute  la  finesse  dont  elles 
étaient  susceptibles.  L'apothicaire 
le  défia  de  faire  mieux;  et  il  répon- 
dit en  publiant  treize  Noèls,  sous  le 
nom  de  Gui  Bdrozai ,  dénomination 
par  laquelle  on  désignait  les  riches 
vignerons  de  la  Côte,  porteurs  de  bas 
à  coins  de  couleur  rose.  Seize  autres 
Noèls  parurent  la  même  année 
(  1700);  et  l'on  put  dire  que  la  Mon- 
noie avait  tué  son  devancier.  Ces 
chants  populaires ,  où  des  grâces 
toutes  nouvelles  ornaient  un  dialecte 
naïf;  mais  pauvre  et  borné  dans  ses 
moyens,  et  où  le  sel  de  la  satire 
remplaçait  quelquefois  une  gaîté  tou- 
jours ingénieuse,  furent  bientôt  dans 
toutes  les  bouches  :  ils  pénétrèrent  à 
la  cour,  et  y  furent  chantés.  De- 
discordantes  troublèrent  ce  concert 
de  louanges  :  une  piélé  méticuleuse 
crut  apercevoir,  dans  des  couplets, 


(1)  Parmi  les  lions  1 
piul  <i"  11  forme 

Id  ,    lion!    quel*  I      Mij><  1  it  un  •-     « 

lout  1 1'  qu'on  ;>\ .ni   al   1 1  u>-    mil  ux 

\\     .llilili's    Mil      II 

..•    111    coltégl    1 
,1  .    i<t.  HH'di 

.  ou      .le 

'i  de    lu 
CtUc  provocation  par  un 


3q>  MON 

tout  au  plus  malins,  le  dessein  for- 
mel de  touiiier  la  Bii  le  en  ridicule. 
Un  nomme  Magnicn ,  vicaire  à  Di- 
jon, déjà  plusieurs  fois  repris  pour 
arts  de  son  zèle,  fit,  en  chaire, 
une  violente  sortie  contre  L'élégant 
badinage  dont  les  mondains  se  lais- 
saient charmer.  Vers  ce  temps-là, 
un  missionnaire  qui  avait  opéré 
beaucoup  de  conversions  à  Dijon  , 
fit,  dit- on,  brûler  entre  autres  livres, 
sur  la  place  publique,  le  josèphe 
d'Arnauld  d'Àndiliy,  attendu  que 
tout  ce  qui  venait  d'un  janséniste 
était  suspect.  La  Monnoie  n'eiail 
donc  pas  rassuré  par  son  orthodoxie 
et  par  la  régularité  de  ses  mœurs.  Ses 
ÏSo'èh  furent  déférés  à  la  censure  de 
la  Sorbonne;  mais,  quoiqu'en  ait  dit 
Voltaire  ,  elle  évita,  contre  i'avis  de 
neuf  de  ses  docteurs  ,  le  ridicule  de 
fulminer  en  pareille  occasion.  La 
Monnaie  se  vengea  de  ses  détrac- 
teurs par  le  sarcasme;  et  voulant 
multiplier  ses  lecteurs, et  donner  un 
démenti  à  Dumay,  qui ,  très-versé 
dans  ie  patois  bourguignon,  trouvait 
dans  les  Noëls  la  preuve  d'une  con- 
naissance imparfaite  de  ce  dialecte, 
il  composa  un  Glossaire  des  mots 
bourguignons  les  plus  difficiles  à 
entendre.  Ce  fut  pour  lui  un  cadre  , 
où  il  fît  entrer  une  érudition  agréable, 
et  où  il  sut  glisser  de  piquantes  anec- 
dotes :  de  ce  nombre  est  l'extrait  d'un 
sermon  de  saint  Vincent  Ferrier,  sur 
le  devoir  conjugal,  morceau  qui  a 
beaucoup  d'affinité  avec  le  Calen- 
drier des  vieillards  de  La  Fontaine , 
et  qui  est  un  monument  précieux  de 
l'innocence  de  l'orateur,  ainsi  que 
de  la  simplicité  du  temps.  La  Mon- 
noie passait,  de  ces  débauches  d'es- 
prit, à  l'élude  réfléchie  des  écri- 
vains de  l'antiquité:  quoiqu'il  ne  se 
fût  appliqué  au  grec  que  vers  l'âge 
de  quarante  ans,  si  nous  en  croyons 


MC. 

d'Olivct,  il  était   aussi  versé  dans 
la  littérature  grecque  que  dans  celle 
de  Home.  11  avait  un  goût  particu- 
lier pour  faire  des  vers  dans  l'une 
et  l'autre  langue.  C'est   ainsi  qu'il 
traduisit  en  latin  son  poème  du  Duel, 
que,  dans  celte  forme,  il  préférait  à 
l'original ,  et  qu'il  mil  en  grec  plu- 
sieurs odes  d'Horace ,  et  la  sixième 
satire  deBoileau.  La  langue  espagno- 
le et  la  littérature  italienne  lui  étaient 
aussi  très-familières;  et  les  fàcovrati 
de  Padoue  lui  envoyèrent  des  lettres 
d'académicien,  en  1687.  Ses  corres- 
pondances avec  les  savants  avaient 
répandu  dans  toute  l'Europe  sa  ré- 
putation de  philologue  consommé. 
Nicaise,  qui  se  faisait  un  plaisir  d'é- 
pargner quelques  lettres  à  la  paresse 
de  son  ami,  le  plaça  très-haut  dans 
l'estime  de  Bayle.  Ce  philosophe,  re- 
connaissant des  utiles  matériaux  et 
des  nombreuses  observations  que  la 
Monnoie  lui  a^ait  fait  passer  pour 
améliorer  la  première  édition  de  son 
Dictionnaire ,  rendit  un  hommage  so- 
lennel à  l'érudition  saine,  étend 
ornée  de  son  bienveillant  auxiliaire. 
En  1 707  ,  la  JVlonnoie  consentit  en- 
lin  à  venir  à  Paris  avec  ses   livres. 
Sa  modestie  put  seule,  pendant  plu- 
sieurs années,  l'écarter  de  l'acadé- 
mie française  :  il  y  fut  reçu  à  l'unani- 
mité ,  en  1  7 1 3 ,  à  la  place  de  Régnier- 
Desmarais.  On  a  imprimé  sans  fon- 
dement qu'il  fut  dispensé  des  visites 
d'usage.  Son  élection  offrit  une  par- 
ticularité plus  intéressante.  Trois  car- 
dinaux, membres  de  l'académie  ,  l'y 
portaient  avec  vivacité;  mais  comme, 
dans  les  assemblées,  le  directeur,  le 
chancelier  et   le  secrétaire   avaient 
seuls  des  fauteuils ,  l'étiquette,  faisant 
à  leurs  ëminences  une  loi  de  ne  point 
se  confondre  avec  la  foule  sur  ries 
sièges  inférieurs,  les  empêchait  d'as- 
sislcr  aux  séances ,  et  de  donner  leur* 


MO 

voix  à  leur  protégé.  Louis  Xl\ 
cette  difficulté,  en  faveur  de  l'égalité 
académique  ,  eu  accordant  quarante 
fauteuils  a  la  compagnie.  En  17  (  ~>, 
la  Monnoie  se  vit  compromis  dans 
de  nouvelles  tracasseries,  parla  pu- 

ilion  du  Mena ^iana.  En  corri- 
geant les  erreurs  de  Ménage ,  en 
éclaircissant  certains  articles,  il  ce 
da  à  la  tentation  d'y  intercaler  une 
partie  des  remarques  curieuses  dis- 
persées dans  son  porte-feuille.  Des 
esprits  scrupuleux  trouvèrent  mau- 
vais qu'il  eût  levé  le  voile  sur  cer- 
taines personnes  ,  et  qu'il  eût  mêlé 
à  ses  citations  des  traits  un  peu  li- 
bres. Le  livre  fut  arrêté,  et  soumis  à 
des  censeurs,  avec  lesquels  il  fallut 
composer.  La  Monnoie  eut  assez  bon 
marché  d'eux,  servi  qu'il  fut  par 
leur  impéi  ilie  et  par  le  crédit  du  car- 
dinal de  Kohan.  Après  les  avoir  com- 

-  au  Bridoie  de  Rabelais ,  il  s'ap- 
plaudissait de  leur  honte  à  laisser 
par-ci  par-là  des  articles  plus  licen- 
cieux (fue  ceux  qu'ils  avaient  sup- 
primés. Il  prépara  lentement  les  cor- 
rections exigées;  et  l'édition  eut  le 
temps  de  s'écouler  sans  cartons.  Tan- 
dis qu'il  jouissait  paisiblement  de  la 
consid  due  à  ses  travaux,  le 

1  le  de  Law  le  dépouilla  de  toute 
sa  fortuné  convertie  en  renies  sur 
L'état,  et  le  Ire  jusqu'à 

médailles   académiques.    \ 
pertes  se  joignit  celle  d'une  compa- 
gne qu'il  chérissait  :  sa  sei  eiuu 
lut  point  altérée.  Les  consolations  de 
l'amitié,  le  produit  de  sa  biblii 
([uc,  dont  l'acquéreur  lui  laissa  Pu- 
I  endanl  sa  vie ,  une  pension  de 
six  cents  francs,  qu'il  dut  à  la  géné- 
'      I' roi,  une  autre 
d'égale  valeur,  que  lui  firent  des  li- 
brair<  remarques 

Mti  -  Baillel .  le 
conduisirent  san*  1 


de  sa  vieillesse,  arrivé  le  i5  octobre 
17:28.  De  ses  quatre  enfants,  trois 
embrassèrent  la  vie  religieuse.  L'aî- 

maric  à  Paris,  fut  le  père  d'eu 
célèbre    avocat   au    parlement.    Ce 
dernier,  dit  M.  Lacrelclîe 
homme  plein  d< 

comme  dans  la  figure  :  il  portai 
barreau   le  ion  d'une  conversation 
agféable  et  facile  ;  et  ses  qualil 
niables  lui  a  •■ncilié  l'attache- 

ment et  le  respect.  La  douceur,  la 

Btie  et  l'urbanité  de  Bernard  la 
Monnoie  ,  lui  avaient  fait  de  uoin- 

.  anus.  Sa  gaîté,quelquefoi 

,  perce  dais  ses  contes  et  ses 
épigrammes  ;  mais  on  se  tromperait, 
si  Ton  eu  tirait  quelque  induction 
contre  ses  mœurs  :  elles  étaient  irré- 
prochables de  tout  point  ;  et  naturel- 
lement insouciant,  il  ne  paraît  pas 
qu'il  ait  jamais  pensé  à  justifier  sou 
anagramme  :  lo  amo  le  donne. 
uniquement  comme  critique  et  phi- 
lologue que  la  Monnoie  a  conservé 
sa  célébrité  :  encore  est-on  un  peu 
fondé  a  lui  reprocher  la  frivolité  de 
ses  recherches.  Burinait  s'en  expri- 
mait durement,  en  l'appelant  i/irir- 
j'essus  nugaiwn  indagëtfor.  La  Mon- 
noie avait  pourtant  trouvi 
Allemagne  :  et  1  teta  erutii- 

torum  de  !  par  Leib- 

t.it/.  ,  il  était  q 

ele^aniiw  periïi$$imus  ci  studiosis- 
.  pal  mi  ses  contem- 
porains, ne  ;  mieux  l'histoire 
littéraire,  et  ne  le  lui  disputait  et 

il  est 
néanmoins  remarquable  qu'il  n'eut 
que  des  notions  superficielles  sur  nos 
trouvères ,  sui  î<  urs  fa  pliai 

notre 
e  encore  r  • 

si  complètement  exploité* 
derni<  rs  lem]        I  1    VI< 
fencon 


3o4 


' 


toute  superstition  dans  son  culte 
pouf  les  aticiens  .  et  se  prononça 
franchement  en  faveur  de  V  OKdipe 
de  Voltaire.  Il  avouait  hautement  la 

{>  référence  que  lui  paraissait  mériter 
a  culture  de  notre  langue;  et  il  se 
bornait  à  féliciter  Santeul  de  s'être 
empare,  par  ses  hymnes,  du  seul  coin 
de  réserve  qui  restât  aux  vers  latins. 
Les  siens  ont  été  insérés,  ainsi  que 
ses  vers  grecs,  dans  le  recueil  des 
Mecenliotes  po'élœ  selecti ,  par  d'O- 
livel.  Ses  poésies  françaises,  entre- 
mêlées, sans  discernement,  de  mor- 
ceaux qui  n'étaient  pas  de  lui  ,  fu- 
rent publiées  d'abord  par  Sallengre 
sur  des  copies  incorrectes  et  tron- 
quées ,  la  Haye ,  1 7  1 6 ,  in-8°.  :  l'abbé 
Joly  rassembla  de  nouvelles  poésies 
pour  faire  suite  au  volume  précé- 
dent ,  Dijon  ,  1 743  ,  in-8°.  Rigoley 
de  Juvigny  ,  dans  ses  Œuvres  choi- 
sies de  la  Monnoie ,  la  Haye  (  Dijon  ), 
1770,2  vol.  in-4°.  ou  3  vol.  in-8°. , 
divisés  en  ix  liv. ,  ne  fit  guère  que  re- 
procl  uirele  fonds  de  ces  trois  éditions  : 
ii  entassa ,  sans  méthode  comme  sans 
goût,  tous  les  matériaux  qui  se  trou- 
vèrent sous  sa  main*  et  il  ne  jugea  pas 
à  propos  de  comprendre  les  Noels  dans 
sa  compilation.  Ses  additions  consis- 
tent principalement  dans  le  discours 
de  la  Monnoie  à  l'académie,  et  en 
rognures  de  ses  lettres  (1).  Mercier 
de  Saint-Léger ,  et  après  lui  Chardon 
de  la  Rochette,  avaient  promis  de 
suppléer  à  l'ineptie  de  Rigoley  ,  en 
élaguant  considérablement  son  re- 
cueil ,  et  en  publiant,  avec  un  choix 
de  Mélanges  philologiques  de  la  Mon- 
noie ,  d'élégantes  pièces  de  vers  que 
le  pauvre  éditeur  avait  oubliées.  Ce 
projet  n'a  point  reçu  d'exécution  (2). 

(\)  Voycx  d'autres  fragments  de  Lettres  delà  Mon- 
foie,  Jiïagas.  encycl.,  1807,  lotae  m. 

(a)   On  a  f.iil  un  nouveau  choix  des  poe'sies  de  la 
ie,  Palis,    J780,  in  ii  ,  et  quelques-uns   de 


MON 

Voici  la  1  ste  des  productions  de  la 
Monnoie  ,  qui  complètent  la  collec- 
tion de  Rigoley.  I.  Noeiborguignons 
de  Gui  Bdrozai;  ai  Dioni  (Dijon  ), 
1720  ,  petit  in-8°. ,  avec  le  glossaire 
et  la  musique.  M.  Louis  Dubois  , 
ancien  bibliothécaire  à  Lisieux  ,  a 
qui  l'on  doit  la  récente  édition  des 
Vaux-de-viredeBassclin,  a  donné  le 
texte  plus  épuré,  plus  complet  des 
Noèls  et  autres  poésies  bourguignon- 
nes delaMonnoie,  Châtillon,  181  7  r 
in- 1 2,  Ce  n'était  que  l'annonce  d'un 
travail  plus  considérable,  pour  le- 
quel il  aura  été  gagné  de  vitesse  par 
M.  Peignot,  dont  l'Essai  historique 
et  bibliographique  sur  les  ouvrages 
publiés  en  patois  bourguignon ,  par- 
ticulièrement sur  les  Noèls  de  la 
Monnoie ,  et  le  Virgile  Viraien  vers , 
est  sur  le  point  de  paraître  (1).  IL 
Menagiana,  Paris,  17T5,  4  v°l* 
in- 12  {V.  Ménage,  XXVIII,  254). 


ses  contes  ont  été  inse'rés  par  Nougaret,  à  la  suite  de 
ceux  de  Vergier,  il>id. ,  1801  ,  •?.  vol.  iu-ia. 

1  Voici  la  série  des  diverses  éditions  dis  Noëls: 
ïr<\  Noei  tô  noven  (au  nombre  de  ïi) ,  composai  an 
lai  me  du  tillô  ,  Dijon  ,  1700,  in-i»  ;  —  ?.e.  ibid.  , 
même  année,    in-i?.  ,  avec    16   nouveaux  noei  s  corn- 


posai  an 


lai  rue  de  lu  Roulotte 


—  4e-  P\eumeire  (Dijon)  ,  sans  date,  in-iî».  ;  —  0e. 
(avec  i'Épâlâgie  dé  Noei  ,  qui  avait  paru  à  part  en. 
170(1;,  Lucsambor  (Dijon),  1717,  in-12  ;  —  6». 
(cotée  4e)  bonne  édit.  donnée  par  te  président  Bon- 
hier,  Dijon,  1720  ,  in-80.  de  4itr  nages,  avec  le 
Glossaire;  eile  a  servi  fie  typf?  aux  édit.  suivantes,  qui 
en  ont  scupuleusement  reproduit  toutes  les  fautes  ,  et 
n'ont  pas  manque  d'y  en  ajouter  :  il  y  eut.  deux  réim- 
pressions des  noels  dans  la  même  année;  —  7<-'.  Dijon, 
1-2 4,  iu-12;  —  8e.  (cotée  5c.)  ,  avec  les  pièces  d'uu 
autre  auteur,  ifil ,  in-ia;  —  9e-  Dijon  ,  Det'ay  , 
1738  ,  avec  la   musique  à  la  fin  ;  —  îoc.  de  1748  ,  in- 

Ia  ; ne,  (cotée  5e.}  de  177?. ,   ou  environ  ,  m-80. 

de  /pG  p.;  —  i?.c,  Dijon,  1^6  ,  in-80.  ;  _  i3«.  ,  vers 
1780,111-19-,  sansle  Glossaire; —  14e  ,  vers  178?., 
in-ia  ,  id.  ;  —  i5e.  (cotée  7e.),  in-a4  >  de  170 
p.,  Dijon  ,  17<)9- ,  avec  un  abrégé  du  Glossaire;  — 
1  rie.  édit.  de  1817,  procurée  par  l'auteur  de  cette 
note.  Uu  amateur  s'est  donné  la  peine  de  mettre  les 
noëls  en  vers  français;  celte  pitoyable  traduction  se 
trouve  dans  un  livre  très-rare,  Recueil  des  pièces 
S  ,  rassemblées  par  les  soi/is  du  cosmopolite , 
]7.i5  ,  in-.',o.  On  sait  que  ce  recueil  est  de  d'Aiguillon 
le  pire  ,  moitié  3i  janvier  i75o.  G'est  par  erreur 
que  ,  tome  I  ,  346  ,  °»  l'a  attribué  à  son  fils.  (  Voyew 
les  articles  G  RECOURT ,  XVIII  ,  373  ,  et  MoNCRIF , 
p.  355  ci-dessus.  )  Celte  traduction  a  été  reproduite; 
par  P.  S.  Canon  ,  sons  la  même  date  ,  in-8«. 
pnij.  ,  non  compris  le  titre.  D— B — S. 


MON 

La  Monnoie  a  rassemble  ,  à  la  fin  du 
quatrième  volume  ,  quelques  piè< 
qui  méritent  plus  particulièrement 
l'attention  des  curieux:  i°.  Lettre 
au  président  Bouliier  sur  le  prétendu 
livre  des  Trois  imposteurs.  II  y  dé- 
montre, par  une  suite  de  raisonne- 
ments sans  réplique,  qu'aucun  de  ceux 
qui  ont  cile'  cet  ouvrage ,  ne  l'avait 
VUj  etque,  commeil  est  impossible, 
quelque  rare  qu'on  le  suppose,  qu'il 
ait  échappé  aux  recherches  de  tant 
d'érudits  ,  on  en  doit  conclure  qu'il 
n'a  jamais  existe'  que  dans  l'imagina- 
tion de  quelques  impies.  Cependant 
un   téméraire  ,  qui  spéculait  sur  la 
crédulité  des  amateurs  ,  a  publié  un 
ouvrage  sous  le  titre  fameux  :  De 
Tribus  impostoribus ,  anno  m  duc  , 
(  i5g8)  ,  petit  in-8°.  de  48  p.  Un 
exemplaire  de  celte  édition  ,  tirée  cer- 
taineuientà  un  très-petit  nombre ,  est 
annoncé  dans  le   catalogue  de  Cre- 
venna  ;  un  second,  acheté  au  prix 
exorbitant  de  474  fr«  a  ^a  vente  du 
duc  de  la  Vallière,  est  conservé  à  la 
bibliothèque  du  Roi  ;  et  M.  Renouard 
en  possède  un  troisième ,  dont  il  a 
donné  une  notice  assez  détaillée  dans 
son  Catalogue   de  la  Bibliothèque 
d'un  amateur  (torn.i,  118).  L'exa- 
men que  M.  Bruneta  lait  de  ce  livre, 
l'a  mis  à  même  de  décider  qu'il  a  été 
imprimé  en  Allemagne,  ou  tout  au 
moins  à  l'imitation  des  éditions  de 
ce  pays,  dans  le  courant  du  w  m' . 
le.  La  note,  avec  la  date  manus- 
crite de  1762 ,  que  porte  l'exeni- 
Slaire  de  M.  Kenouard  ,  semble  ;i  (  e 
ernier  une  preuve  décisive  que  L'ab- 
bé Mercier  de  Saint-: Léger  n'a  eu 
aucune  part  a  cciîc  édition.  (  F.  le 
Man.  du  libraire,  tome  111 ,  p.  355; 
lesj  Questions  de  littérature  légale 
(de  M.  Nodier  et  le  Dict. 

des  anonym.  1  Quant  à  la 

prétendue  e  de  ce 


MON  3q5 

livre  ,  elle  est  évidemment  de  l'in- 
vention de  quelqu'un  de  nos  esprits- 
Torts  de  ees  derniers  temps.  On  trou- 
vera dans  le  Dictionnaire  de  Pros- 
per  Marchand  (  1 ,  3 1 1  ) ,  la  notice  de 
tous  les  écrits   qui  ont  paru  pour 
repousser  ou  pour   soutenir   l'exis- 
tence du  traité  de   Tribus   impos- 
toribus. —  'i°.  Dissertation  sur  le 
Moyen  de.  parvenir.   La    Monnoie 
prouve  que  Beroalde  de  Vcrville  en 
est  l'auteur.  —  3°.  Autre  Disserta- 
tion ,  sur  le  Songe  de  Poliphile  (  V* 
F.  Colonna,  IX  ,  3 19  ).  4°-  Enfin  , 
Dissertation   sur  la   célèbre   Epi- 
gramme  latine  de  Pulci  sur  un  her- 
maphrodite (  F.  Pulci  ).   III.  Re- 
marques sur  les   Jugements    des 
savants  de  Raiïlet.  (  V.  Baillet, 
III,  '.128.  )  Elles  sont  intéressantes, 
et  supposent  une  immense  lecture. 
La  Monnoie  se  refusa  aux  instances 
vindicatives   du  président  Cousin  , 
qui  voulait  qu'il  les  publiât  du  vi- 
vant de  Ménage.  IV.  Des  Observa- 
tions sur  le  Cjmbalum  mundi ,  et 
sur  les  Contes  de  Bonav.  Despcr- 
riers  ,  publiées  par  P.   Marchand  , 
dans  les  éditions  qu'il  a  données  de 
ces   deux  ouvrages.  V.  Remarques 
sur  le  Poggiana  (  de  Lenfant  )  ,  Pa- 
ris ,  1  n'i'i ,  in- 1  a.  VI.  Une  Préface 
et  des  Notes  sur  les  Nuits  de  Slra- 
parole.  La  Monnoie  méprisait  beau- 
coup ces  contes  italiens  ;  il  n'en  ex- 
ceptait que  deux  ou  trois,  qu'il  a  imi- 
i  H.  Deux  Préfacés  pour  \nPan- 
charis,  de  Bonnefons.  V1IÏ.  des  No- 
tes sur  la  Bibliothèque  choisie  et  sur 
les  Opuscules àeColqmies.  1\.  Une 
Dissertation  sur  le  Passavant  1 
de  Bèze  ;  la  Fie  du  poète  S.inaziu 
dans  le  tome  r1.  des  Mémoires  de 
Sallengre.  X.  Une  lettre  à  l'abbé 
Conti  sur  les  pruu  tuteurs. 

français;   dans    le   tome  \  11    de    li 
JJibl.  franc.  Elle  ne  va  que  jusqu'à. 


3/>  MON 

!.  Rigoley  a  Cru  sérieusement 
que  Voltaire  en  avait  eu  besoin  pour 
son  Catalogue  des  Ecrivains  du  siè- 
*  le  de  Louis  xiv.  XI.  La  Vie  de 
Pyrrhon;  trad.  du  grec  de  Diogène- 
Laërce  ,  et  quelques  autres  mor- 
ceaux ,  dans  la  continuation  de 
meir.  de  ,., 

tpme  m  et  vi.  XII.  Lettre  à  Mait- 
taire,  contenant  diverses] 
sur  h-  s  de  Vimp i un erie ,  et 

sur  t.;  Estiennes ,  Dm 

1.7x2,  111-8.;  et  insérée  dan 
BibHoth.  angk  tome  vu.  (  F.  MLâiï- 
taire.  )  XI IL  Remarques  sur  les 
Bibliothèques  de  Lacroix -Dum 
et  Duverdier,  Paris,  17^2,  6  vol. 
iii-4°.  (  V.  Rigoley  de  JuVfGPnr.  ) 
La  Monnoie  fut  encore  l'éditeur  du 
Recueil  de  pièces  choisies  tant  en 
prose  quen  vers  ,  la  Haye  (  Paris  ) , 
1 7 1 4  5  2  vol.  in- 12.  Leuucnat  pour 
son  Rabelais  ,  Cosle  pour  son  Mon- 
taigne, Brossette  pour  son  commen- 
taire de  Boileau,  Gibert  pour  ses 
jugements  sur  les  rhéteurs,  Sallengre 
pour  l'histoire  de  Montmaur,  durent 
beaucoup  à  ses  communications  :  il 
ne  fut  pas  moins  utilement  consulte 
par  l'abbé  d'Olivct  pour  l'édition  des 
lettres  de  Pogge  ,  par  Morabin  et 
d'Olivet  pour  plusieurs  de  leurs  tra- 
ductions. Il  laissa  eir manuscrit,  des 
Observations  sur  l'Anacrcon  de  Bé- 
gnier-Desmarais ,  et  des  Remarques 
sur  les  vies  des  jurisconsultes  ,  de 
Taisand.  Le  fils  de  celui-ci  n'eut  pas 
l'esprit  de  profiter  de  ces  Remarques 
pour  rendre  moins  fautive  et  moins 
pauvre  la  compila  lion  de  son  père. 
j.a  Monnoie  avait  commence  un  tra- 
vail sur  la  farce  de  Patelin  ;  mais 
le  déplacement  d'un  directeur  de  la 
librairie  ,  sur  la  tolérance  duquel  il 
comptait,  lui  lit  poser  la  plume.  La 
même  considération  l'empêcha  de 
tirer  de  son  porte -feuille  un  com- 


MON 

méntairc  sur  Melin  de  Saint-Geïaîs. 
On  lui  a  faussement  attribué  une  part 
à  i 'édition  des  anciens  Poètes  fran- 
çais, imprimée  chez  Coustellier,  et 
«ne  V  ie  de  Bayle,  qui  parut  à  la  tête 
du  dictionnaire,  édition  de  1 7  1  j  , 
i >  «renient  à  Amsterdam ,  1 7  1 6 , 
et  dont  l'auteur  était  un  abbéDu  Re- 
vest.  B'Alembért  regrettait  la  perle 
Recherches  de  la  Monnoie  sur 
les  livres  proscrits  ou  condamnés  au 
feu.  M.  Peignot  nous  en  a  dédom- 
;s  par  son  dictionnaire  sur  le 
même  objet,  Vcsoul,  1806,  '2  voL 
in-8°.  F— ï  et  VV — s. 

MONNOT  (  Pierre-Etienne  )  , 
sculpteur  distingué  ,  né  à  Besançon  , 
vers  1660  ,  alla  jeune  en  Italie  ,  où 
il  se  perfectionna  dans  la  pratique 
de  son  art ,  par  les  leçons  des  plus 
habiles  maîtres  et  par  l'étude  réflé- 
chie de  l'antique.  On  lui  confia,  en 
1690,  l'exécution  du  Tombeau  en 
marbre ,  élevé  au  pape  Innocent  XI , 
dans  une  des  chapelles  latérales  de 
la  basilique  de  Saint-Pierre.  Le  ta- 
lent qu'il  montra  dans  cette  grande 
composition,  lui  mérita  des  protec- 
teurs ;  et  il  fut  chargé  successivement 
de  différents  travaux  ,  entre  autres , 
de  deux  Statues  colossales  des  apô- 
tres saint  Pierre  et  saint  Paul,  qui  dé- 
corent l'église  de  Saint  -Jean-de-La- 
tran.  Il  fut  aussi  employé  par  l'em- 
pereur Léopoîd  (1)  et  par  l'électeur 
de  Hcsse  ,  qui  lui  commanda  les  co- 
pies des  plus  belles  statues  antiques, 
qu'on  voit  encore  dans  le  palais  et 
les  jardins  de  Cassel.  Monnot  fut 
anobli  par  le  souverain  pontife  ,  et 
décoré  du  titre  de  chevalier  :  il  était 
l'un  des  directeurs  de  l'académie  de 


(1)  M.  Grappin  (Hisi.  du  comté  de  Bourgogne) 
<l»l    que  Mon.sot  fut  attire  à  Vienne  par   l'empereur 
Lr  opold,  cf  qu'il  y  mourut  au  commencement  du  dix- 
huitième  siècle  ;  c'est  une  erreur  ;  ccL  artiste  n'a  w - 
mais  q  littc  l'Italie. 


MON 

Saint-Luc.  Il  mourut  à  Rome  ,  vers 
i^3o  ,  dans  un  âge  avancé.    W — s. 
MONNOT  (    .  )  ,  anato- 

miste  ,  né  en  ï  76.5  à  Besançon  ,  fut 
.  en  1788,  membre  du  collège 
irurgie  de  cette  ville,  et  nomme, 
l'année  suivante,  démonstrateur  d'a- 
mie à  l'université,  don!  la  up- 
sion  le  laissa  sans  emploi.  Il  ne 
tarda  pas  d'être  attache  au  service 
des  hôpitaux  militaires  ,  et  fut  rap- 
pelé ,  en  1794  j  à  Besançon  ,  | 
remplir  la  place  de  ; 
couchements,  vacante  par  la  mort 
dr  Nedey  /  ".  <  e  nojn).  Il  ouvrit,  à  la 
même  époque,  un  cours  gratuit 
tomie  pour  les  élèves  de  l'école  de 
dessin,  et  fut  enfin  désigné,  en  1807  , 
l'un  des  professeurs  de  chirurgie  de 
l'école  secondaire  de  médecine ,  place 
qu'il  a  remplie  avec  beaucoup  de 
zèle.  Il  est  mort  le  4  juillet  uS'20  , 
emportant  les  regrets  des  pauvres 
qu'il  soignait ,  dans  leurs  maladies  , 
avec  un  désintéressement  extraordi- 
naire. Monnot  a  publié  différents 
opuscules  :  Description  d'une  nou- 
velle machine  pour  obtenir  l'exten- 
sion continuée  dans  les  fractures  des 
extrémités  inférieures,  1791,  in-8°. 
—  Introduction  à  V élude  de  Vana- 
tomie  ,  1791.  —  Observations  sur 
une  grossesse  de  trompe,  commu- 
niquée à  l'académie  royale  de  chi- 
rurgie ,  171)1  ;  —  sur  le  déchire- 
ment du  col  de  la  matri  e  dans  Fac- 
ilement ,  1 7Q'i  ;  —  sur  une  fis- 
tule biliaire  ,  et  sur  les  succès  ob- 
tenus par  l'emploi  du  cai  1ère  dans 
les  maladies  cancéreuses,  1  -- < > 
Précis  cfanalomie  à  l'usage  des 
I  <lc  dessin  ,  171)9.  — 
ra*  Phydrophobie  , 
1799  ;  —  mg  et 

l'emploi  du  gil\  >miuedei- 

nier  moyen 
d'acci 


fait  un  Manuel  pratique  des  accou- 
chements. 

MONOD   (  Pierre  )  ,   jésuite    et 

deMme.  Royale  Christine 
de  France,  fille  de  fleuri  IV,  femme 
de  Victor-  Amé  I"'.,  duc  de  Savoie, 
naquit  en  i586,à  Bonnevillc ,  d'un 
père  sénateur  à  Chambéri;  ce  qui  a 
fait  dire  à  Moréri  qu'il  et  lit  né  dans 
celte  dernière  ville.  Entré  chez  les 
Jésuites  à  l'âge  de  dix-sept  ans  ,  Mo- 
nod  fut  d'abord  destiné  à  ensei- 
gner les  humanités  au  collège  de  la 
Roche  ,  petite  ville  de  sa  province; 
il  professa  ensuite  la  rhétorique ,  \a 
philosophie,  et  devint  recteur  du 
collège  de  Turin.  Ses  connaissances  , 
son  habileté  dans  les  affaires ,  et  ses 
qualités  personnelles,  lui  acquirent 
l'affection  et  l'estime  du  duc  Charles- 
Enianuel  Ier.  ,  de  son  fils  Victor- 
Ame,  et  de  la  princesse  Christine  : 
celle-ci ,  dont  il  fut  le  confesseur  ,  lui 
accorda  beaucoup  de  confiance  ,  et 
ne  le  sacrifia  ,  dans  la  suite  ,  qu'avec 
peine  ,  en  faveur  des  intérêts  du  pays 
qu'elle  gouvernait  ,  au  ressentiment 
du  cardinal  de  Richelieu  ,  comme 
on  le  verra  plus  bas.  Quatre  ans  après 
la  paix  de  Ratisbonne  ,  du  3  octobre 
i03o  ,  l'Espagne  ayant  pris  la  ville 
de  Trêves  ,  et  fait  enlever  l'électeur, 
qui  s'était  mis  sous  la  protection  de 
la  France,  celle-ci  ménagea  ,  contre 
Philippe  IV,  une  ligue  dans  laquelle 
entrèrent  la  Hollande  ,  le  duc  de 
Parme  et  le  duc  de  Savoie.  Victor- 
Ame',  qui  n'avait  pris  que  par  force  le 
parti  de  la  Fiance  ,  fui  cependant  le 
plus  Utile  de  ses  allies  dans  la  guerre 
d'Italie,  par  sa  valeur  et  parsona^ti- 
particulièrcmi  ni  au  combat  de 
Tornavi  oto  •  •■  juin  i636  . 
Je  cardinal  de  Richelieu  ,  oui  d 

lorsqu'il  faisait  ï'éloj 
ce  pliure  ,  lui  donn  i-t-il,  tant  de  la 
part  d 


393  MON 

toutes  sortes  de  marques  clc  satis- 
faction. Ces  dispositions  favorables 
que  Victor-Ame'  trouvait  à  la  cour  de 
franco,  lui  tirent  juger  le  moment 
opportun  pour  une  négociation  qu'il 
avait  en  vue.  Le  pape  Urbain  VIII 
avait  change,  en  i03o  ,  le  titre  d'ïl- 
luslrissime  que  portaient  les  cardi- 
naux,  en  celui  d1 'éminéntissirrte ,  ne 
leur  permettant  de  recevoir  désor- 
mais le  premier  titre  que  de  la  part 
des  empereurs  et  des  rois.  La  répu- 
blique de  Venise  ,  par  suite  de  ses 
prétentions  au  royaume  de  Cypre, 
voulut  conserver ,  à  cet  égard  ,   la 
prérogative  des  rois  ,    et   le   doge 
prit  la  couronne  fermée.   Charles- 
Emanuel  Ier. ,  duc  de  Savoie,  or- 
donna à  son  ambassadeur,  à  Rome, 
de  maintenir  la  même  prérogative. 
Ce  prince  étant  mort  peu   après , 
Victor  -  Ame  ,  son  fils ,  soutint  ses 
droits  au  royaume  de  Cypre,  fit  aussi 
fermer  sa  couronne ,  et  prit  le  titre 
<T Altesse  Royale.  A  l'époque  dont 
nous  avons  parlé  plus  haut,  voulant 
affermir  ce  titre  royal  dans  sa  mai- 
son ,  il  chargea  le  P.  Monod  d'une 
mission  à  la  cour  de  France,  pour 
cet  objet.  Le  jésuite  eut  ordre  de  faire 
valoir  les  droits  de  la  maison  de 
Savoie  au  royaume  de  Cypre ,  ses 
grandes  alliances  ,  ses  prérogatives  , 
les  services  rendus  à  la  France ,  la 
qualité  particulière  de  Victor-Ame, 
peau-frère  de  Louis  XIII ,  les  pro- 
messes faites  à  son  père  Charles- 
Emanuel,  etc.;  et,  en  conséquence, 
de  demander  que  le   régiment  des 
gardes  prît  les  armes  lorsque  l'am- 
bassadeur  de   Savoie  irait  à  l'au- 
pience  ,  comme  il  le  faisait  pour  les 
ambassadeurs  des  rois  ;  enfin,  d'ob- 
tenir que ,  par  la  médiation  du  roi 
de  France ,  le  pape  accordât ,  à  Rome, 
aux  ministres  de  Savoie ,  les  mêmes 
donneurs  qu'à  ceux  des  cours  royales. 


MON 

Le  P.  Monod  devait ,  avant  tout  , 
s'entendre  avec  le  marquis  de  Saint- 
Maurice  ,  ambassadeur  du  duc  de 
Savoie  ta  la  cour  de  France  :  mais 
ayant  négligé  de  consulter  ce  mi- 
nistre, il  agit  seul  ;  et  se  livrant  à  1 
pente  naturelle  d'un  caractère  imp 
tueux  et  remuant ,  il  prétendit  obt 
nir  sur-le-champ,  et  comme  pa 
force  ,  ce  qu'on  ne  voulait  accorder 
qu'avec  le  temps.  Ses  ardentes  solli- 
citations importunèrent  le  cardinal 
de  Richelieu  ,  qui  s'opposa  à  ses  de- 
mandes. Le  jésuite ,  piqué  de  cette 
résistance,  voulut,  dit  -  on  ,  se  ven- 
ger du  cardinal ,  et  se  flatta  de  l'es- 
poir de  le  perdre  à  la  cour.  Dans  ce 
dessein,  il  s'adressa  au  P.  Caussin, 
confesseur  du  roi  ,  et  a  MIle.  de  La 
Fayette,  l'une  des  filles  d'honneur 
de  la  reine.  Le  cardinal ,  qui  décou- 
vrit tout ,  fit  enfermer  Mlle.  de  La 
Fayette  dans  un  monastère ,  éloigna 
le  P.  Caussin ,  et  obligea  le  P.  Monod 
de  se  retirer.  Victor-Amé  désavoua 
la  conduite  de  son  envoyé.  Après  la 
mort  de  ce  prince  ,  le  cardinal  de 
Richelieu  poursuivit  sa  vengeance 
contre  le  P.  Monod  auprès  de  la  du- 
chesse régente.  Celte  princesse  ayant 
d'abord  refusé  de  lui  livrer  le  jésuite, 
comme  il  l'exigeait,  et  même  ensuite 
de  le  faire  sortir  des  états  de  Savoie, 
se  vit  enfin  dans  la  nécessité  d'exiler 
son  confesseur  à  Coni ,  pour  donner 
quelque  satisfaction  au  cardinal.  Le 
P.  Monod,  irrité  de  cette  condes- 
cendance de  sa  souveraine  ,  se  con- 
certa secrètement  avec  le  marquis 
de  Légancz ,  gouverneur  de  Milan 
pour  le  roi  d'Espagne  :  Léganez  ré- 
solut de  faire  enlever  le  jésuite  à 
main  armée  ,  dans  la  première  pro- 
menade qu'il  ferait  hors  de  Coni ,  et 
de  le  faire  conduire  à  Madrid ,  où 
la  cour  ne  pouvait  manquer  de  le 
voir  avec  un  grand  intérêt ,  eu  égard 


MON 

à  ses  connaissances  clans  les  affaires 
de  Savoie,  et  à  l'utilité  qu'on  aurait 
cru  pouvoir  retirer  de  la  possession 
d'un  tel  personnage.  Le  projet  d'éva- 
sion  ayant  transpiré  Ja  veille  de  son 
exécution,  Madame  Royale  Christine 
fit  enfermer  le  P.  Monod  dans  le  fort 
de  Montmélian,  le  8  janvier  i 
et  écrivit  au  cardinal  de  fâch 
qu'il  n'y  aurait  plus  de  sujets  de  re- 
prochât de  part  ni  d'autre  ;  quelle 
avait  assuré  la  personne  du  P.  Mo- 
nod ,  et  lié  sa  langue  à  Montmé- 
lian. Mais  le  prisonnier  avant  encore 
intrigue,  du  fond  de  sa  retraite,  la 
régente  le  fit  transférer  au  fort  de 
Miolans.  Le  pape  Urbain  le  réclama 
par  l'entremise  de  D.  Juste  Guérin  , 
évèquc  de  Genève,  comme  unique- 
ment   justiciable   du    Saint  -  Siège. 
La    mort    du   jésuite ,    qui    arriva 
peu  après ,  mit  fin  à  toutes  ces  con- 
testations ;   et  toutes  les  agitations 
cessèrent  avec  la  vie  d'un  homme 
qui ,  relègue  dans  une  prison  au  pied 
des  Alpes  ,  occupait  à-la-fois  les  cours 
de  Paris  ,  de  Madrid,  de  Home  et  de 
Turin  ,  et  troublait  le  repos   d'un 
ministre-roi  ,  qui  remuait  l'Europe 
à  son  gré.   Le  P.  Monod  mourut  à 
Miolans,  le  3i  mars  ii)44«  On  pré- 
tend qu'il  avait  refusél  archevêché  de 
Turin  et  celui  de  Tarent  aise.  Ce  reli- 
gieux avait  des  talents  et  d 
connaissances  :  «  Personnage  »  dit 
Guiclienon  ,  «  d'un  esprit 
11  des  mieux  verse's  (!• 
»  l'histoire  ,  et  qui  eut  moins  de  loi  - 
11  lune  que  de  mérite.  »  Il  était  ha- 
bile ,  éclairé ,  lier  et  entreprenant. 
Le  P.  Monod  a  composé  les  ou 

t.  //ermes  Christia- 
hus,  in-12,  Lyon,  i(iif);  traduc- 
tion d'illl  \.\  p. 
Jacquinot,  litre: 

dans 
le  monde.   IL   Rjchgrch*>  ûi^loi- 


MON 

ques  sur  les  alliances  royales  de 
France  et  de  Savoie,  i'i-4°.,  Lyon 
1 62  I.  III.  Amedeus  pat 
de  Eagenii  IF,  et  Amedei  Sabau- 
dicè  Ducis  ,  in  sud  obedientid  Feti- 
cis  F  nuncupati ,  controversiis  com- 
menlarius  ,   etc. ,  in  -  4<\  ,  Turin  , 
1  ()>  \  ;  et  in -8°. ,  Paris  ,  idiO.  Cet 
tige,  l'un  des   meilleurs   écrits 
du  P.  Monod  ,  a  été  inse'ré  dans  le 
17'.  volume  des  Annales  ecclésiasti- 
ques de  thronius.  1 V.  Apologie fran- 
çaise pour  la  Sérénissime  Maison  de 
Savoie  ,  contre  les  scandaleuses  in- 
vectives intitulées  Première  et  Se- 
conde Savoy  siennes  ,  in-4°. ,  Cham- 
béri ,  1 63 1  :  la  première  Savoysienne 
était  d'Antoine  Arnauld,  avocat  au 
parlement  de  Paris;  et  la  seconde,  de 
Bernard  de  Rechignevoisin ,  seigneur 
de  Gurou.  V.  Apologia  seconda  per 
la  Casa  di  Savoja,  tradoita  dal 
francese,  in-4°.,  Turin,   i63a;  la 
traduction  est  de  l'auteur  lui-même. 
V  I .  Trattato  del  tîtolo  regio  dovuto 
alla  Serenissima  Casa  di  Savojacon 
un  ristretto  délie  rivoluzioni   del 
Beame  di  Cipri  e  ragiorti  délia  Ca- 
sa di  Savoja  sopra  di  esso ,  in-foî., 
Turin,  i033.  Cet  ouvrage,  oui  pa- 
rut en  même  temps  en  latin,  brouilla 
la  cour  déTurin  avec  le  sénat  de  Ve- 
nise; il  fut:  durement  réfute  par  uu 
jurisconsulte  allemand  (  F.  Gras- 
wmcKEL  ).  VIL  //  ( 
si  a  Voroscopo  (ire  y 

taglio  del  dco  S.  L. , 

in-8'.,  Turin,  IÔ33;  ouvrage  pseu- 
donyme, attribn  ontestatioit 
au  P.  Monod.  VIII.  L'/ 
de  It  rébellion,  ou  Déclaration 
des  motifs  que  le  roi  de  France  a 
d' abandonner  la  protection  de  Ge- 
nève, 'i  vol. ,  doi 

ment    a   été'    irnprim  .iiya 

dans  la  chambr 
Miolam,   queues   mauuscnb  qui 


4° 


MOM 


furent  déposés  dans  la  bibliothèque 

de  l'université  de  Turin  :  i".  An- 
nales ccclesiaslici  et  civiles  Sabau- 
diœ; — 2°.  Eloge  de  Charte s- E 'ma- 
nuel Ier.  ;  —  3°.  Vie  de  Marguerite 
de  Savoie,  marquise  de  Monti'errat; 
—  4°.  Traie  de  la  faveur  des 
princes; — 5°.  Dictionnaire  des  rites 
religieux,  sous  le  titre  de  Hierolo- 
gitim  alphabeticum  (  ¥o-y.  le  Mo- 
réri  de  1739).  G.  M.  R. 

MONOD  (  Gaspard- Joël  )  ,  mi- 
nistre de  l'Église  réformée,  né  à  Ge- 
nève eu  17  17,  mort  en  178*2,  cul- 
tiva les  sciences  pour  lui-même  ,  et 
a  laissé  un  nom  plus  cher  à  sa  famille 
que  célèbre  dans  la  postérité.  On  n'a 
de  lui  que  quelques  traductions  d'ou- 
vrages anglais,  parmi  lesquelles  nous 
remarquerons  celle  des  Lettres ,  Mé- 
moires et  négociations  du  chevalier 
Dudlejr  Carleton ,  1759,  3  vol. 
111-12,  pour  relever  une  erreur  qui 
s'est  glissée  dans  ce  Dictionnaire  ,  à 
l'article  George  Carleton  (  F.  ces 
deux  noms,  VII,  t43  ).  Ce  ne  sont 
pas  les  Mémoires  de  ce  dernier  que 
Monod  a  traduits.  Ses  autres  traduc- 
tions principales  sont  celles  de  Gran- 
disson,  Leyde  ,  17-57,7  vol.  in- 1 1 , 
réimprimée  à  Leipzig  ;  —  d'Hen- 
riette Courteney,  1  vol.  in-iaj  —  du 
Monde  par  Adam  (ÏYIoore),  ou  Suite 
du  Spectateur ,  1758,  %  vol.  in- 12 
(  V,  le  Dict.  des  anonymes)  ;  — de 
la  Philosophie  morale  ,  d'Hutche- 
son,  qu'il  ne  publia  pas,  parce  qu'il 
en  parut  une  autre  ,  malheureuse- 
ment peu  cligne  de  l'ouvrage.  Sa 
traduction  de  Grandisson  est  bien 
moins  élégante  que  celle  de  Prévost, 
mais  infiniment  plus  exacte  et  plus 
complète ,  en  sorte  que  ceux  qui  ne 
pourront  lire  l'original,  et  qui  vou- 
dront le  connaître  ,  feront  bien  de 
lire  la  version  de  Monod.  L'abbé 
Prévost  a  presque  défiguré  l'ouvrage 


MON 

de  Richardson  au  moyen  de  ses  sup- 
pressions ,  en  sorte  qu'il  a  fait  mal 
juger  l'auteur  anglais.  Monod  n'a 
point  mis  son  nom  à  ces  traductions, 
non  plus  qu'à  plusieurs  bons  articles 
qu'il  a  fournis  aux  journaux  de  Hol- 
lande :  Bibliothèque  raisonnée ,  et 
Bibliothèque  des  sciences.  En  1 7^9, 
la  Guadeloupe  ayant  été  occupée  par 
les  Anglais ,  Monod  y  fut  envoyé  , 
comme  chapelain  du  gouverneur,  et 
pasteur  des  protestants  français ,  as- 
sez nombreux  dans  cette  colonie.  Il 
faisait  le  service  dans  les  deux  lan- 
gues. Il  comptait  cette  époque  comme 
une  des  plus  heureuses  de  sa  vie;  et 
il  parlait  souvent ,  avec  le  plus  vif  in- 
térêt, de  l'accueil  qu'il  avait  reçu  au 
milieu  de  ces  honnêtes  colons  ,  qui 
jouissaient  pour  la  première  fois  du 
libre  exercice  de  leur  religion;  et  de 
la  douleur  qu'ils  éprouvèrent  quand, 
au  bout  de  trois  ans  et  demi  l'île  ayanl 
été  rendue  à  la  France  ,  ils  se  virent 
privés  à* la-fois  de  leur  pasteur  et  d< 
leur  culte.  M — n — d. 

MONOYER     (  jEANrBAPTISTE    ), 

nommé  communément  Baptiste  , 
peintre  de  fleurs ,  naquit  à  Lille  en 
Flandre,  en  i635.  11  vint  fort  jeun 
à  Paris  ,  et  s'y  fit  bientôt  distinguer, 
L'académie  l'admit  dans  son  sein 
en  1 665  ;  et  son  tableau  de  réceptioi 
fit  long-temps  l'ornement  des  salles 
de  cette  compagnie.  Le  genre  de  son 
talent  ne  lui  permettant  pas  d'être 
professeur,  l'académie,  par  une 
distinction  honorable ,  le  nomma 
conseiller,  en  1679.  Lord  Montagu 
le  choisit  pour  orner  de  fleurs  et 
de  fruits  le  grand  salon  ,  l'escalier  et 
une  partie  des  appartements  de  son 
hôtel  à  Londres;  Lafosse  et  Rous- 
seau ,  si  fameux  dans  la  perspective, 
travaillèrent  avec  lui  à  la  décoration 
de  cet  hôtel.  Monoyer  s'y  surpassa 
et  ses  peintures  charmèrent  tellement 


\ 

u 
« 

c 

I, 


] 


MON 

;u,  qu'il  combla  l'auteur 
de  bienfaits  ,  et  1  lêmc  à  se 

fîxcràLond  enait  alors 

en  An  lier  rang  com- 

me peintre  de  portraits  :  pour  don- 
ner à  ses  ouvrages  une  nouvelle  va- 
il  composa  d.'s  fonds,  dans 
;  tisail  entrer  des   V. 

et  c'est  à  Baptiste  qu'il  en  confiait 
Lition.    Cet   artiste    mourut    à 
Londres  ,  en  1699.  Ses  dessins  sont 
peu  communs  en  France  :  l'Angle- 
terre en    possède    davantage   mais 
comme  il   ne  peignait  jamais  que 
d'après  nature,  il  dessinait  rarement. 
Ceux  de  ses  dessins  que  l'on  connaît 
sont  remarquables  par  la  légèreté  de 
la  main,  la  finesse  de  la  louche  et  le 
moelleux  des  tons.   L'hôtel  de  lire 
tonviîliers    a    e'té  décore    par    lui. 
On  voit,  dans  la  chapelle  du  Grand- 
ïrianon ,  une  Annonciation  de  La- 
t  fosse,  entourée  d'une  guirlande  de 
fleurs ,  peinte  par  Mono  ver  :  c'est  un 
de  ses  plus  beaux  ouvrages.  11  eut  un 
iils  qui  cultiva  la  peinture,  mais  qui 
n'a  point  acquis  la  réputation  de  son 
père.  P — s. 

MONPL  AISIR.  V.  Caillavet  et 

MoNTPLAISIR. 

MO>RO  (  Alexandre  ),  théolo- 
gien e'cossais,  né  en  164.8,  dans  le 

•      -    l'ut  nommé  prof 
de  philosophie  à  l'ui  l'Abcr- 

deen  ,  et,  en  1686,  principal  de  l'u- 
niversité d'Édinbourg.  Il  j  erdit cet- 
te place  par  son  opposition  à  la  révo- 
lution de  168$,  et  devint  prédj 
d'une  congrégation  épiscopale.  En 
169),  il  écrivit  quelques  pamphlets 
contre  Les  presbytériens  ,  notam- 
ment des  Recherches  sur  les  nou- 
velles opinions,  qui  attirèrent  sur  lui 

le  ressentiment  de  l'assemblée  géné- 

>ir  vécu  ca- 
ché  j  mées,  il  re- 

parut à  Édi  La  fureur 

1 1  K, 


MON 


4o  1 


des  persécutions  fut  passée;  <f  il  re- 
prit ses  foD  pasteur  d'une 

■  ;ation  épiscopale,  qu'il  ei 
jusqu'à  sa  mort,   arrivée  en   1- 

L. 
MON  H  0  (  A lex  andre  ) ,  professeur 
d'anatoraie    à   l'université    d'Édin- 
bourg, et  regardé  comme  le  père  de  la 
célèbre  école  médicale  de  cette  ville, 
naquit ,  en  1 697 ,  à  Londres ,  où  son 
père,  chirurgien  des  armées  du  roi 
Guillaume  enFlandre, passait  une  par- 
tie de  l'année.  A  près  avoir  terminé  ses 
études  à  Edinbourg,  et  à  Londres 
sousCheselden,  il  voyagea  en  France 
et  eu  Hollande,  et  suivit  à  Leyde, 
les  leçons  de   Boerhaave.  11  revint 
ensuite  se  fixer  à  Edinbourg,  où  il  fut 
nomme  (  en  1719  ),  démonstrateur 
aux  écoles  de  chirurgie.  Ses  leçons, 
et  celles  de  botanique  et  de  matière* 
aie  que  donnait  en  même  temps 
le   docteur   Alston ,    son  ami   (Pr. 
Alston)  ,  commencèrent  la  réputa- 
tion de  cette   université  ,   devenue 
l'une  des  premières  de  l'Europe,  de- 
puis qu'elle  fut  complétée,  en  1  748  , 
par  les   cours  de  clinique  médicale 
du  docteur  Kutherford.   Monro  fut 
long-temps  secrétaire  de  la  société 
royale  d'Edinbourg;  et  il  publia  six 
volumes  des   Médical  essuys   and 
observations   de  cette   compagnie, 
dont  le  premier  parut  eu  17  '!•>,.  1!  fut 
un  des  meilleurs  anatomistes  de  son 
siècle,  et  ne  se  distingua  pas  moins 
dans  la  pratique  de  la  chirurgie.  Il 
essaya  le  premier  d'opérer  la  cure 
radicale  de  L'hydrocèle  par  les  injec- 
tions avec  le  vin  et  l'alkool ,  et  se 
montra  l'un  des  plus  grands  antago- 
nistes de  l'ablation  dc<.  seins  cancé- 
reux. Il  résigna,  en  1759,  sa  chaire 
d'anatomie  à   son   hls 
mais  il  continua  de  donner  - 
nuis  de  clinique  à  L'infirmerie  an- 
à  l'école.  Il  consacrait  le  reste 

•20 


qOA 


MON 


de  son   temps   aux  divers  cm; 
demi  on  l'avait  honoré  dans  là  di 
rectionde  ia  banque  d'Ecosse,  la  jus- 
ticc-dc-pùix,  ia  commission  des  gran- 
des routes,  etc.  Il  e'tait  membre  de  !a 
société  royale  de-Londres,  Honoraire 
de  L'académie  de  chirurgie  de  Paris, 
etc.  11  s'énonçait  avec  facilité  et  avec 
grâce,  et  fit  toujours  ses  leçons  sans 
préparation.  Il  était  sujet  au  crache- 
ment de  sang  et  aux  fluxions;  et  dès 
son  enfance  il  l'avait  été  aux  lièvres 
inflammatoires.  11  attribuait  ces  ma- 
ladies aux  trop  grands  soins  que  ses 
parents  avaient  pris  de  lui  pendant 
sa  jeunesse,  et  à  l'abus  des  saignées: 
on  lui   en  avait  fait  régulièrement 
deux  par  an;  car,  selon  le  préjugé 
du  temps  ,  rien  n'était  plus  propre  à 
conserver  la  santé.  11  mourut  le  io 
juillet  1 767.  Nous  avons  de  cet  auteur 
les  ouvrages  suivants  :  I.  Anatomie 
du  corps  humain  ,  en  anglais,  Edim- 
bourg, 17*26,  in-8r\;  huit  éditions 
parurent  du  vivant  de  l'auteur:  celle 
de  1785  est  grand  in-fol.  La  partie 
qui  traite  du  système  nerveux,  a  été 
publiée  en  latin,  sous  le  titre  sui- 
vant :  Anaiome  nervorumeontracta, 
Franeker,  1709,  in-8°.  ,  avec  des 
notes  par  Coopmann;  '2e.  ©dit. ,  Har- 
lingen,  1768,  in-8°.;  en  allemand  7 
Leipzig,   1785,  in-4°-  :  traduit  en 
français  par  Lebègue  de  Preste,  avec 
ie  traité  des  maladies  nerveuses  de 
White,   Paris,     1767,    in- 12  ;  la 
partie  qui  traite  de  Y  Ostéologie,  a 
été  traduite  en  français  par  Sue ,  Pa- 
ris, 1759,    1  vol.  in-fol.,  avec  un 
grand  nombre  de  planches.  II.  Es- 
sai sur  les  injections  anatomiques , 
traduit  en  latin  (par  J.  Ch.  Fred. 
Bonnegarde) ,  sur  le  mémoire  anglais 
inséré  clajis  les  Essais  de  la  société 
d'Edinbourg,  Leyde,  174*  >  în-8°. 
III.    Examen  des   remarques    de 
Winslow ,  Ferrein  et  ïValthers,  sur 


MON 

les  muscles,  en  anglais,  Edimbourg, 
i752  ,  in-8".  ;  1783,  in-fol.  IV.  t)e 
testibus ,  et  de  semine  in  variis  ani- 
malibus,  ibid.,  1755,  in-8°. avec  li- 
gures. V.  Vu  succès  de  l'inoculation 
en  Ecosse,  ibid. ,  1765,  in-8°.  ;  tra- 
duit en  français ,  Paris ,  1 766,  in-8°. 
C'est  une  réponse  aux  questions  qui 
lui  avaient  été  adressées  de  la  part 
de  la  faculté  de  Paris.  Le  résultat 
de  ses  recherches  fut  que  la  petite 
vérole  naturelle  qui ,  suivant  les  lis- 
tes mortuaires  de  Londres,  depuis 
plus  d'un  siècle,  détruit  la  quator- 
zième partie  du  genre  humain,  le- 
vait en  Ecosse  Un  tribut  annuel  d'un 
dixième  sur  l'humanité.  Monro  fut 
un  des  plus  chauds  partisans  de  l'ino- 
culation; et  il  rapporte  que  les  mon- 
tagnards écossais  avaient  depuis 
long- temps  l'habitude  de  s'inoculer 
la  variole,  en  s'attachant  autour  du 
poignet  des  (ils  de  laine  qu'ils  trem- 
paient dans  le  pus  des  boutons.  Il  pen- 
sait aussi  qu'on  pourrait  inoculer  la 
rougeole  avec  succès,  en  employant  à 
cet  effet  la  salive  ,  les  larmes  et  d'au- 
tres humeurs  prises  sur  les  individus 
attaqués  de  cette  éruption.  On  trouve, 
dans  le  Recueil  de  la  société  d'Edin- 
bourg ,  plusieurs  morceaux  fort  inté- 
ressants sur  divers  sujets  d'anatomie 
et  de  chirurgie  ,  publiés  par  Monro , 
à  diverses  époques  ,  et  dans  le  nom- 
bre desquels  on  distingue  surtout  un 
Mémoire  sur  la  nutrition  du  fœtus. 
L'un  de  ses  fds  (1)  a  réuni  tous  les 
ouvrages  que  nous  venons  de  citer  , 


(O  Donald  MoNRO  .  médecin  des  armées  .  et  mem- 
bre du  collège  de  médecine,  à  Londres  ,  ne  en  17^1 , 
mort  en  juillet  1802  ,  après  avoir  publié  des  Observa- 
tions  sur  les  moyens  de  conserver  la  santé  des  soi- 
dais,  traduites  en  français,  sous  le  titre  de.  Médecins 
d'armée,  par  Lebègue  de  Presle,  Paris,  1709  ,  iu- 
8".  ,  ii'i  Essai  sur  Vhjdropisie  ,  un  Rappoi l  (  Ac- 
count ;  sur  les  hôpitaux  anglais  i  n  Allemagne  ,  un 
Traité,  lies  eaux  minérales  ,  un  Traité  de  cîiimie 
médicale  et  pharmaceutique ,  et  de  matière  médica- 
le ,  1788  ,  4  vol.  iu-8°.  ,  irad.  en  allemand  ,  par  Sam. 
Hauuenianu  ,  Leipzig  ,  1791  ,  2A' •!.  in  80. 


MON 

sous  le  titre  suivant  :  Œuvres  d'A- 
lexandre M<  nro  ,  Londres  ,  i  781 , 
in  4°. ,  en  anglais.  Voyez  la  IVolice 
(  Account  )  iiir  la  vie  et  les  ouvrages 
de  feu  Al.  Monro  (  par  André 
Dimcan  ),  Edinbourg ,  1780.  — 
Monro  (  Jean  )  ,  médecin  anglais , 
naquit  à  Greenwich ,  dans  le  comté 
de  Kent ,  le  16  novembre  1715(1). 
Après  avoir  étudie  la  médecine  à 
Edinbourg,  il  se  rendit  à  Leydc 
pour  y  entendre  les  leçons  du  célèbre 
Boerliaave;  il  parcourut  ensuite  les 
principales  villes  de  l'Europe  ,  et 
revint  en  Angleterre  ,  en  1  ^5  t  .  Nom- 
me  à  celte  époque  adjoint  de  Jacques 
Monro  ,  son  père  ,  pour  les  hôpi- 
taux de  Bridëwel  et  de  Betblem ,  il 
en  devint  le  médecin  titulaire  en 
175*2.  Il  s'occupa  ,  presque  exclusi- 
vement, du  traitement  de  la  manie, 
et  réfuta  l'ouvrage  publié  sur  cette 
maladie  par  le  docteur  Beattie ,  dans 
lequel  cet  auteur  avait  attaqué  Jes 
médecins  de  l'hôpital  de  Bethlem.  Il 
mourut  d'une  attaque  d'apoplexie, 
en  janvier  \  ^83.  P.  et  L. 

MONROE   Ulysse),  noble  Ecos- 
sais ,  d'une  bravoure  et  d'une  probité 
reconn  es,. se  signala  par  son  dévoue- 
ment aux  intérêts  de  '  . ,  en 
Ecosse  et  en   Irlande.    En   i(>48,le 
parlement  d  Iv  osi                      arra- 
cher le  roi  des  mains  de  Cromwell, 
ordonna    L'armement   de    qua 
mille  hommes,  cl  le  rappel  de  M 
roe ,  qui  s'était  déjà  réi  i.i,  avec  un 
corps               ible  d'Écossais,  à  Eu- 
gèneO              aérai  dupa 
te  en  Irlande.  Le  commandement  de 
l'arm                          ;  confié  au  duc 


(l)  (,'  tïl    lils  de 

M   m" 

j»;.ii    1  tiil    1  >•"  *  »  *   lUl    l!  ' 

mu    |,.u- 

ant    (lu 

|0j  Guillaume  l'i 


MON  4o3 

d'Hamilton.  Arrivé  sur  les  frontières 
de  l'Angleterre,  Hamilton  ordonna  à 
Monroe  de  s'arrêter  dans  le  West- 
morland,  et  se  porta  dans  le  comté 
de  Lancastre,  avec  les  troupes  dont 
il  s'était  réservé  le  commandement  ; 
imprudence  qui  eut ,  pour  la  cause 
royale,  les  résultais  les  plus  funes- 
tes. Utaque  à  l' improviste  par  Crom- 
wcll,  près  de  la  ville  de  Preston,  le 
duc  fut  réduit  à  se  livrer  ,  lui  et  son 
armée,  à  la  discrétion  du  vainqueur. 
Par  suite  de  cette  honteuse  défaite  , 
Monroe  et  les  troupes  sous  ses  or- 
dres furent  rappelés  en  Ecosse  •  et 
le  comte  de  Lanerik ,  malgré  les 
doutes  déjà  élevés  sur  la  sincérité  de 
son  dévouement ,  succéda  au  duc 
d'Hamilton ,  son  frère  ,  dans  le  com- 
mandement de  l'armée.  Ses  magnifi- 
ques promesses  ayant  dissipé  les  pré- 
ventions qui  existaient  contre  lui,  la 
plupart  des  chefs  de  clan  ou  tribu , 
et  d'autres  seigneurs  royalistes,  se 
réunirent  à  son  armée  ,  qui  s'avança 
sur  Edinbourg,  où  le  duc  d'Argvle  , 
chef  des  rebelles,  avait  rassemble  ses 
partisans.  Monroe,  à  la  tête  de  l'a- 
vant-garde,  composée  de  vieilles 
troupes  irlandaises x attaqua  l'ennemi 
à  Musselburg ,  lui  tua  beaucoup  de 
monde,  et  mit  le  reste  en  fuite.  En- 
couragés par  ce  premier  succès,  les 
Ecossais  demandèrent  à  grands  cris 
a  poursuivre  leurs  avantages  :  mais 
Lanerik  ordonna  de  marcher  sur 
Stiriing.  Monroe  résolut  dès-lors  de 
déjouer  les  intrigues  n  al  déguisées  de 
son  général  ,  OU  du  moins  de  les  ex- 
poser clairement  à  tous  les  j 
L'avaut-garde  écossaise  touch. 
peine  a  la  t<  rr  de  V\  al  lace,  q  e,  sans 
attendre  le  reste  de  I  arnii 
pide  IVIonri  se  porte,  avec  me  poi- 
gnée de  irfldats,  vei  ,  ,,ù 
j(.  il  !..        .       '   \niaii  de  se 

un  renfort  de  sept  cents  hom- 
■20.. 


4»4 


MON 


mes.  Il  se  rend  maître  de  la  place , 
par  le  coup  de  main  le  plus  hardi  : 
toute  la  garnison  est  tuée  ou  faite 
prisonnière;  et  Argylc  lui-même  n'é- 
chappe qu'avec  peine  à  la  poursuite 
de  Monroe.  Dès  cet  instant,  il  n'y 
eut  plus  de  doute  sur  les  intentions 
de  Lanerik  ;  celui-ci  ne  songea  plus 
qu'à  faire  sa  paix. Celte  brave  armée, 
la  dernière  espérance  du  parli  roya- 
liste, fut  licenciée;  et  l'on  stipula 
que  Monroe  et  ses  Irlandais  seraient 
obligés ,  sous  peine  de  mort,  de  quit- 
ter l'Ecosse.  Monroe  se  retira  donc 
de  nouveau  en  Irlande  ,  où  ses  ef- 
forts, ceux  du  marquis  d'Ormond  , 
et  les  tentatives  de  Mont  rose  sur 
l'Ecosse,  retardèrent  quelque  temps 
encore  la  chute  du  parti  royaliste , 
déjà  affaibli  par  la  mort  du  général 
O'-Neile.  Mais  la  faction  de  Crom- 
well  ayant  enfin  entièrement  pré- 
valu, Monroe  fut  proscrit,  dégradé 
de  son  nom  et  de  ses  litres  ,  et  dé- 
pouillé de  ses  biens.  La  révolution 
de  i(JGo,  qui  replaça  Charles  II  sur 
le  trône  de  ses  ancêtres,  ayant  été 
opérée  par  ceux-mêmes  ,  qui  avaient 
suivi  le  parti  de  Cromweil,  n'apporta 
que  peu  de  changements  dans  la  si- 
tuation des  royalistes  catholiques. 
Ulysse  Monroe  avait  épousé  Marie 
Brady,  d'une  maison  d'Uitouie;  son 
fils  aîné,  qui  ne  s'appelait  plus  qu'En 
gène  Roë,  épousa  Catherine  O'Kely, 
dont  il  eut  deux  fils  :  Edmond  et 
Charles.  Edmond  fut  garde  du-corps 
du  roi  Jacques  II.  Lors  de  la  révolu- 
tion de  1688,  qui  précipita  de  nou- 
veau les  Stuarts  du  trône  d'Angle- 
terre, Edmond  fit  déclarer  sa 
compagnie  en  faveur  du  malheureux 
monarque;  mais,  surpris  par  les 
partisans  du  prince  d'Orange  ,  il  fut 
enfermé  dans  la  tour  de  Londres  ,  où 
il  resta  long-temps.  Parvenu  à  s'é- 
chapper de  sa  prison,  il  erra  pendant 


MON 

plusieurs  années  dans  les  trois  royau- 
mes, et  unît  [>ar  se  réfugier  en  Lor- 
raine, où  son  frère  Charles  lui  céda 
sa  place  d'officier  dans  les  gardes- 
du-corpsdu  due  Le'opold. —  C 
les,  le  plus  jeune  des  deux  frères  - 
naquit  en  i(>; 4,  au  château  d'Oid- 
Castel ,  que  ses  parents  possédaient 
dans  îc  comté  de  Mealh  ,  en  Irlande. 
Très-jeune  encore,  il  suivit  la  fortu- 
ne de  Jacques  II ,  qu'il  accompagna 
en  France.  Lorsque  la  paix  de  Uys- 
wick  eut  amené ,  en  1 698  ,  le  licen- 
ciement des  régiments  irlandais  , 
Charles  Roë  fut  appelé  en  Lorraine  , 
par  le  comte  de  Carlingfort,  son 
compatriote,  qui  venait  de  prendre 
possession  du  duché,  et  qui  y  com- 
mandait ,  au  nom  du  duc  Léopold. 
— Deux  de  ses  petits-fils,  après  avoir 
servi  avec  distinction  dans  les  trou- 
pes impériales,  parvinrent  au  grade 
de  général-major,  et  moururent  en 
1801  et  1816.  A.  D — r. 

MONS  (  Claude  de  ).  F.  Démons. 

MONSIGNY  (Pierre-Alexandre), 
un  des  plus  célèbres  musiciens  fran- 
çais, naquit,  le  17  octobre  1729,  à 
Fauquemberg  en  Artois ,  d'une  fa- 
mille noble.  Il  vint  très-jeune  à  Pa- 
ris :  à  l'âge  de  dix-neuf  ans  ,  il  ob- 
tint un  emploi  dans  les  bureaux  de 
la  comptabilité  du  clergé.  C'est  en 
assistant  à  une  représentation  de  la 
Servante  maîtresse,  de  Pergolèse  , 
qu'il  sentit  se  développer  en  lui ,  un 
goût  inné  pour  la  musique.  Il  reçut 
les  premières  leçons  de  composition 
de  Gianotti,  contre-basse  de  l'Opéra, 
et  assez  bon  harmoniste.  Devenu  , 
en  peu  de  mois,  aussi  savant  que  son 
maître,  Monsigny  essaya  ses  forces 
dans  un  petit  opéra ,  intitulé  :  Les 
Aveux  indiscrets,  représenté  en 
17:39,  sur  le  théâtre  de  la  foire 
Saint-Laurent.  Ce  début ,  qui  eut 
quelque  succès  ;  place  Monsigny  au 


MO 

rang  des  créateurs  Je  l'opéra-co- 
mi que  à  ariettes,  qui  date  de  170. 
Peu  de  personnes,  aujourd'hui  même 
encore ,  daignent  considérer  que 
c  est  principalement  a  lui  que  nous 
sommes  redevables  de  notre  second 
re  lyrique,  et  qu'il  a  précédé 
Grétry.  À  l'exception  de  Dauvergne 
et  de  Laborde,  dont  la  musique  est 
aujourd'hui  oubliée,  il  n'avait  pour 
rivaux,  à  l'époque  où  il  entra  dans 
la  carrière,  que  Duni  et  Pbilidor, 
dont  presque  tous  les  opéras  ont 
disparu  de  la  scène,  tandis  que  ceux 
de  Monsigny  y  occupent  encore  un 
rang  distingué.  Monsigny  donna 
aussi  à  ce  spectacle  avec  Lemon- 
nier,  le  Maître  en  droit ,  en  i  760  , 
et  le  Catl'i  dupé,  en  1761.  Ce  fut 
de  ce  moment ,  qu'il  attira  l'attention 
du  publie.  L'anonyme  qu'il  garda 
toujours  en  publiant  ses  ouvrages, 
contribua  peut-être  autant  à  la  réus- 
site de  ses  premiers  essais  que  leur 
■  intrinsèque.  Les  spectateurs 
PS  ,  dont  les  oreilles  et  le  goût 
peu  exercés  avaient  pris  pour  de  la 
musique  italienne,  celle  que  Dau- 
vergne avait  composée  sur  les  Tro- 
queurs  deVadé,  firent,  avec  bien 
plus  de  raison  ,  le  même  honneur  à 
celle  de  Monsigny;  1,  que 

souvent,  dans  ce  temps-là,  on  pro- 
nonçait et  on  imprimait  Moncini  , 

lit   même    l'erreur   plus   1 
sable.  Son  Cadi  dune  frappa  telle- 
ment Sedaine,  qu'il  s'écria  :  «  Voilà 
mon  homme  !  »  et,  dès  le  lendemain, 
il  s'empress  1  ae  i  ire  connais* 
avec  :   .    Leur   amitié  l'un 

pour  l'autre  devint  fort  vive  dés  le 
premier  in  L'alliance  de  leurs 

S  ouvrages, 
quis  à  la  mémoi- 

re de  toi  ivoir   : 

en  17O1  ,  On  jamais  de 

tout ,  c'est  la  dern  de  ce 


MON 


40^ 


genre,  jouée  à  l'Opéra-Comique,  qui 
lut  supprimé  au  commencement  de 
l'armée  suivante  :  les  succès  de  Mon- 
signy avaient  excité  la  jalousie  de  la 
comédie  italienne  ,  et  ils  furent  la 
principale  cause  de  la  réunion  des 
théâtres;  —  en  176-2,  le  Roi 
et  le  Fermier,  qui  eut  plus  de  deux 
cents  représentations ,  et  qui  valut  au 
moins  vingt  mille  francs  aux  au- 
teurs ;  —  eu  1764,  Rose  et  Colas; 
— le  Déserteur  en  1 769  ;  et  Félix  ou 
Y  Enfant  trouvé  en  1777.  Il  avait 
donné  aussi  en  1768,  V lie  sonnante 
avec  Collé;  — en  1774,  le  Rendez- 
vous  bien  employé,  avec  Anseau- 
mejeten  t.  7  7 5  7  la  Belle  Arsène 
avec  Favart.  Il  a  composé  trois 
grands  opéras,  dont  les  paroles  sont 
de  Sedaine  :  Aline,  reine  de  Gol- 
conde ,  joué  en  ^66,  repris  en- 
1782  ;  et  deux  autres,  non  représen- 
tés :  Pagamin  de  Monègue,  et  Phi- 
lémon  et  Baucis  :  il  craignait  alors 
de  se  risquer  sur  la  scène  lyrique  , 
où  brillaient  les  chefs-d'œuvre  de 
Gluck  et  de  Piccini.  On  y  a  mis  de- 
m  ballet-pantomime  sou  opéra 
du  Déserteur.  Le  caractère  domi- 
nant de  la  musique  de  Monsigny  est 
le  naturel  et  la  vérité  :  sans  aucun  ef- 
fort, sans  aucune  recherche,  il  lui 
arrive  souvent  d'atteindre  à  un  degré 
d'expression  et  de  pathétique  qui  le 

:  lit  digne  du  surnom  de  Gluck 
de  l'Opéra  -  Comique.  Sa  modestie 
était  néanmoins  si  grande,  qu'il  ne 
voulait  se  ranger  que  parmi  les  sim- 
ples amateurs.  La  concurrence  qui 
s'établit  entre  lui  et  Grétry,  sans 
nuire  à  la  réussite  de  ses  ouïra 

lêcbé  le  public  de  lui  rendre  en 

tout  point  une  exacte  jusl  I 

try,  généralement  accusé  de  jalou- 
sie, a  cependant  cité  plusieui  i 
son   illustre  rival  dans   nés   i 
sur  la  musiqjte,  et  toujours  dajpj 


4o6  MON 

des  termes  honorables  :  «  Monsi- 
•»  gny  ,  dit-il ,  le  plus  chantant  des 
»  musiciens,  Monsigny  qui  chante 
»  d'instinct...  »  Cette  expression  est 
d'une  justesse  rigoureuse  :  les  per- 
sonnes cpii  ont.  connu  l'auteur  de  la 
Belle  Arsène  et.  de  Félix ,  savent 
qu'il  lui  a  suffi  souvent  de  se  péné- 
trer des  paroles  ;  et ,  prenant  son 
violon ,  il  jouait  aussitôt  d'inspira- 
tion les  airs  qui  ont  encore  tant  de 
charme  pour  les  cœurs  sensibles.  Le 
sien  l'était  au  suprême  degré;  on 
peut  s'en  faire  une  idée,  d'après  une 
anecdote  que  rapportent  les  auteurs 
du  Dictionnaire  des  musiciens  :  «  En 
»  nous  expliquant ,  disent-ils  ,  la 
»  manière  dont  il  avait  voulu  rendre 
»  la  situation  de  Louise  dans  le  Dé- 
»  serteur,  quand  elle  revient  par 
»  degrés  de  son  évanouissement,  ce 
»  vieillard ,  déjà  plus  qu'octogé- 
»  naire ,  pleurait  à  chaudes  larmes, 
)>  et  tomba  lui-même  dans  l'acca- 
»  blement  qu'il  peignait  avec  tant 
»  d'expression.  »  Les  premiers  suc- 
cès de  Monsigny  lui  avaient  valu  la 
protection  de  ravant-dernier  duc 
d'Orléans ,  et  une  place  de  maîlre- 
d'hôtel  dans  la  maison  de  ce  prince, 
vers  1 765.  Il  la  perdit  à  l'époque  de 
la  révolution  ,  qui  lui  enleva  aussi 
une  partie  de  sa  fortune.  En  1798, 
les  artistes  du  théâtre  Favart  lui  dé- 
cernèrent une  pension  de  deux  mille 
quatre  cents  francs ,  et  acquittèrent 
ainsi  l'ancienne  dette  de  la  comédie 
italienne.  La  place  supplémentaire 
d'inspecteur  de  renseignement  au 
Conservatoire  de  musique,  vacante 
parla  mort  dePiccini,  en  1800, 
iwi   maintenue   par  le  ministre  de 


ï'inlérieur  en  faveur  de  Monsi 


;ny 


qui  s'en  démit  au  bout  de  deux  ans  , 
et  fut  remplacé  par  Marlini„Succes- 
seur  de  Grétry,  à  l'Institut  (4e. 
classe),   en    i8i3,  il  fut   nommé 


MON 

membre  de  la  Légion-d'honneur  en 
181 5,  et  de  l'académie  des  beaux- 
arts  en  181 6.  Il  jouit  fort  peu  de 
temps  de  ces  honorables,  mais  trop 
tardives  récompenses.  Retiré  dans 
une  petite  maison  du  faubourg  Saint- 
Martin,  il  y  mourut,  doyen  des 
musiciens,  le  14  janvier  1817  ,  âgé 
de  quatre-vingt  huit  ans.  Ses  obsè- 
ques furent  célébrées  dans  l'église 
Saint-Laurent,  sa  paroisse,  quartier 
de  cette  fameuse  foire  Saint-Laurent, 
qui  fut  le  berceau  del'Opéra-Comique 
et  le  théâtre  des  premiers  triomphes 
de  Monsigny.  Cet  excellent  compo- 
siteur n'était  pas  moins  recomman- 
dabie  par  ses  mœurs  ,  son  esprit  et 
ses  qualités  sociales  ,  que  par  la  su- 
périorité de  son  talent.  On  regrettera 
toujours  qu'un  excès  de  modestie  et 
de  désintéressement  ait  borné ,  à 
quarante-huit  ans,  sa  carrière  lyri- 
que, lorsque,  s'arrêtant  à  Félix, 
il  pouvait  encore  enrichir  la  scène  de 
plus  d'un  ouvrage,  qui  n'aurait  pas 
été  indigne  de  ce  chef-d'œuvre,  si 
l'on  en  juge  par  les  progrès  conti- 
nuels du  génie  de  l'auteur.  L'éloge  de 
Monsigny  a  été  lu  par  M.  Quatre- 
mère  de  Quincy,  dans  la  séance  pu- 
blique de  l'académie  des  beaux-arts, 
en  octobre  18 18. 

A — t  et  S — v — s. 
MONSON  (  Guillaume  ),  ami- 
ral anglais,  né  a  South -Carlîon , 
dans  le  comté  de  Lincoln,  d'une  fa- 
mille assez  distinguée,  entra  de  bon- 
ne heure  dans  la  marine.  Ce  fut  au 
commencement  de  la  guerre  d'Elisa- 
beth avec  l'Espagne  ,  qu'il  s'embar- 
qua à  bord  d'un  vaisseau,  à  l'insu 
de  ses  parents.  Il  eut,  en  1587,  le 
commandement  d'un  petit  bâtiment , 
et  fut,  deux  ans  après,  vice-amiral 
du  comte  de  Cumberland,  dans  son 
expédition  aux  îles  Açores,  où  il  as- 
sista au  siège  de  Fayal.  Dans  la  tra~ 


MON 

versée  pour  revenir  en  Angleterre  , 
son  vaisseau  éprouva  de  grands  dé- 
sastres, et  surtout  un  manque  d'eau 
qui  fit  périr  une  grande  partie  de 
l'équipage  :  lui  même  en  tomba  ma- 
lade ,  et  fut  obligé  de  rester  en  repos 
pendant  une  année.  En  1  5g\  ,  il  ser- 
vit pour  la  seconde  fois  sous  le  duc  de 
Cumberland,  contre  les  Espagnols, 
auxquels  ils  prirent  plusieurs  vais- 
seaux. Monson  ,  chargé  d'en  con- 
voyer un  en  Angleterre,  fut  entouré 
et  pris  par  six  galères  espagnoles  , 
après  un  combat  long  et  sanglant. 
Il  fut  retenu  comme  otage,  et  con- 
duit en  Portugal,  où  il  resta  prison- 
nier pendant  deux  ans  à  Cascaès  et 
à  Lisbonne.  Mis  en  liberté,  sa  mau- 
vaise fortune  ne  le  découragea  pas  ; 
il  reprit  du  service,  en  i:hj3,  et  se 
comporta ,  comme  dans  les  autres 
expéditions,  eu  marin  plein  de  bra- 
voure et  d'habileté.  En  1  Jt>4  7  il  fat 
créé  maître-ès-arls  à  Oxford ,  et  ser- 
vit, en  1  596  ,  dans  l'expédition  de 
Cadix,  sous  WalterDevercux, comte 
d'Essex,  auquel  il  rendit  de  grands 
services  par  ses  conseils  sages  et  mo- 
dérés ;  sa  récompense  fut  d'être  nom- 
mé chevalier:  il  fut  encore  employé 
dans  d'autres  expéditions  sous  le  rè- 
gne d'Elisabeth. 

de  la  reine  ,  n'aimait  pas  les  militai- 
res :  aussi,  depuis  la  mort  d'Elisabeth 
Monson  ne  reçut  ni  use  ni 

encouragement.  11  fut  cependant  nom- 
■  m  \Chk\  ,  amiral  de  la  Manche, 
aserva  ce  poste  jusqu'en  1O1O. 
Pendant  ces  douze  années,  il  soutint 
l'honneur  du  pavillon  anglais  contre 

de  la  république 
saute  de  Hollande,  doul  i;  se  plaint 
souvent  d,  u  la  mari- 

ne ;  et  il  pr<.  contre 

les  F)  1  i  Gdè- 

1  baine 
de  quelques  courtisans  [ 


MON  407 

tomba  dans  la  disgrâce ,  et  fut  même 
enfermé  à  la  Tour,  en  16 16  ;  mais 
ayant  été  examiné  par  le  grand-juge 
Coke,  et  le  secrétaire  Wiuwood,  il 
fut  déchargé  de  l'accusation  qu'on 
faisait  peser  sur  lui.  Il  écrivit  une 
apologie  de  sa  conduite,  ayant  pour 
titre  :  Sur  les  insolences  des  Hollan- 
dais,  et  Justification  du  chevalier 
W. Monson,  et  il  l'adressa  au  chan- 
celier Ellesmère,  et  à  F.  Bacon,  pro- 
cureur-général et  conseiller.  Son  zèle 
contre  les  Hollandais ,  et  la  demande 
qu'il  avait  faite  d'une  enquête  sur 
l'état  de  la  marine,  que  le  comte  de 
Noltingham,  alors  grand -amiral, 
n'approuvait  pas,  semblent  avoir  été 
les  motifs  des  désagréments-  qu'on  lui 
(it  éprouver.  Il  avait  eu  aussi  le  mal- 
heur de  s'attirer  la  haine  universelle , 
en  arrêtant  lady  Arabella  Stevvart, 
après  sa  fuite  Jjiors  (l'Angleterre,  en 
juin  1G11,  quoiqu'il  n'eût  agi  que 
conformément  aux  ordres  qu'il  avait 
reçus  cl  à  son  devoir.  Cette  dame  fut 
renfermée,  dit-on,  à  la  Tour,  à  cau- 
se de  son  mariage  avec  Guillaume 
Seymour;  mais  le  vrai  motif  de  sa 
proven; 
îlle  avait 
couronne  d'Angleterre.  Le  chevalier 
Monson  recouvra  cependant  son  cré 
dit  à  la  cour;  car  on  le  voit  appelé 
au  conseil,  en  1G17,  pour  donner 
son  opinion  sur  les  moyens  de  dé- 
truire les  pirates  d'Alger,  et  d'atta- 
quer leur   ville.    II  démontra  l'im- 

5  «  m  parer  d*Alg< 
parla  fortement  contre  cette  expé- 
dition, qui  fut  néanmoins  témérai- 
.1  entreprise  par  Buckingham. 
Le  chevalier  NJonson  fut  également 

opposé,  eo   1  ti'")  el    16  '• 

projets  des  minisl 
aussi  mal  combines  ,  l'un 
et  l'autre  sur  l'île  de  |;l., 
fat-il  ,pasempl< 


détention  provenait  de  ce  que  par  ses 
alliances  elleavaitdes  prétentions  àla 


MO:  " 

tions.  En   >(335  ,  le  gouvernée 

'  jugé  nécessaire  d'équiper  une 
grande  flotte  pour  s'opposer  à  la 
confédération  des  Français  et  des 
Hollandais,  Monsonfut  nomme  vice- 
amiral  de  cet  armement ,  et  s'acquitta 
de  son  emploi  avec  autant  de  bra- 
voure que  de  talent.  Retiré  ensuite 
dans  sa  terre  de  Kinnersley,  il  y 
mourut  en  février  1G.43,  après  avoir 
terminé  ses  Essais  ou  Traités  sur 
la  marine  (  Naval  tracts  ) ,  publiés 
dans  la  Collection  de  voyages  de 
Churchill.  D — z — s. 

MONSTIER  (  De  ).    V.  Mérin- 

VILLE. 

MONSTIER  (  Artus  du  ) ,  com- 
pilateur, né  dans  le  diocèse  de  Rouen, 
au  commencement  du  dix-septième 
siècle,  embrassa  la  vie  religieuse  dans 
l'ordre  des  Récollets  ,  et  s'appliqua 
particulièrement  à  rassembler  les 
titres  et  chartes  relatifs  à  l'histoire 
de  sa  province.  Il  mourut  en  1662, 
laissant  en  manuscrit  une  compila- 
tion en  5  vol.  in-fol.  Les  deux  pre- 
miers, intitules  Neu stria  christ  iana, 
contiennent  l'histoire  chronologique 
des  archevêques  et  évêques  de  Nor- 
mandie, depuis  l'établissement  du 
christianisme;  le  troisième,  Neus- 
triapia ,  imprimé  en  i  (iG3 ,  traite  de 
l'origine  et  de  la  fondation  des  ab- 
bayes et  prieurés  de  la  province  ;  le 
quatrième  ,  Neustria  sancta  ,  ren- 
ferme les  vies  des  saints  du  pays  •  et 
le  cinquième ,  Miscellanea  Neus- 
tria ,  les  titres  et  chartes  dont  l'au- 
teur n'avait  pi'  faire  usage  dans 
les  premières  parties.  D.  Toussaint 
Duplessis  a  relevé  quelques  inexac- 
titudes deDuMonstier,  dans  la  Des- 
cript.  de  la  Haute-Normandie.  On 
a  encore  de  ce  bon  religieux  :  I.  La 
Piété  française  envers  la  Sainte- 
Fie:  ge  Marie  ,  N.-D.  de  Liesie , 
Vins  ,  1G3-: ,  in-8°.  On  trouve  dans 


cet  ouvrage  quelques  pièces  intéres- 
santes pour  l'histoire  de  Picardie, 
II.  De  la  Sainteté  de  la  monarchie 
française^  des  rois  très-chrétiens,  et 
de  s  enfants  de  France ,  ibid. ,  1 638, 
in-8°.  III. Martrrologium  fra 
canum  ,  Paris,  i653,  in-fol.  IV. 
Fortissimi martjris  ChristiD. Lau- 
riani  archiep.  Eispaliensis  agon  , 
hravium  et  elogium  ,  cum  annota- 
tionibus,  ibid.,  iGoG,  in- 12.  V. 
Martrrologium  amplissimum  sanc 
tarum et beatarum mulierum  ,  Paris, 
1657  ,  in-fol.  Tes  Bollandistes  ont 
consacré  le  sixième  chapitre  de  leur 
tome  Ier.  de  février,  à  la  critique 
de  cet  ouvrage.  L'abbé  Saas  a  lu ,  à 
l'aead .  de  Rouen ,  un  Eloge  du  P.  Du 
Mousticr ,  conservé  dans  les  regis- 
tres de  cette  compagnie.     W — s. 

MONSTRELET  (  Enguerrand 
de  )  :  on  ignore  en  quelle  année  na- 
quit cet.  historien.  La  plupart  des 
biographes  indiquent  l'an  i3qo,  pré- 
tendant qu'il  avait,  trente  ans  ,  lors- 
qu'il commença  à  écrire  ses  Chroni- 
ques en  1 4'io.  Aucun  détail  sur  sa 
vie pii vée n'est  parvenu  jusqu'à  nous; 
seulement  en  sait  qu'il  lut  prévôt  de 
Cambrai ,  et  bailli  de  Walincèurt. 
Un  acte  capitulaire  de  la  métropole 
de  Cambrai ,  daté  de  1437  ,  prouve 
qu'il  était,  à  celte  époque,  bailli  de  ce 
chapitre;  mais  il  avait  perdu 
qualité  au  moment  de  sa  mort,  ai  ri- 
vée en  i/j53.  Les  Mémoriaux  de  Jean 
le  Robert  ,  abbé  de  Saint-Aubert , 
contemporain  de  Monstrelet ,  rela- 
tent, ainsi  qu'il  suit,  les  obsèques  du 
prévôt  de  Cambrai  :  «  Le  xx  jour 
»  de  juillet ,  l'an  xiiii  c.  iàii ,  hono- 
»  rable  homs  ,  et  noble  Engherans 
»  de  Monstrelet ,  escuvers  ,  prevost 
»  de  Cambray  ,  et  baiilis  de  Waliu- 
»  court  ,  trépassa  et  eslisit  se  sepul- 
»  tureaux  Cordelois  de  Cambray ,  et 
»  fula  porté  en  1  por'a'>oire  entelo- 


»  pez  dune  en  %abit  de 

»  Cordelois  ,  le  visage  au  nud  ,  et  y 
»  heult  vi  flambiaux  et  iiij  chirons 
»  de  i>j  quarte  chacun  autour  de  le 
»  bière ,  ou  il  y  avoit  un  linceul  cs- 
»  tendu....  un  habit  de  Cordelois ,  et 
»  heult  loilïce  de  le  tresorie  ,  le  quart 
»  de  ledite  chire,  et  li  curez  de  cheens 
»  le  quart  des  offrandes  ,  et  ny  heult 
»  nient  de  drap.  Il  fut  né  de  bas  ,  et 
»  f u  uns  biens  honnestes  lioms  et 
»  paisibles ,  et  croniqua  de  .son  tems 
»  des  gherres  de  France,  d'Artois  , 
»'dc  Picardie  et  de  Engle  terre  ,  et  de 
»  FI  and.  de  ceulx  de  Gand  contre 
»  Mous,  le  ducs  Phelippe,  et  très 
»  sa  xv  ou  xvj  jours  avant  que  la 
»  pais  fust  faicte  qui  se  fist  en  le  fin 
»  de  jullet  l'an  xiiij  c.  LÎij.  Loez  en 
»  soiî  Dieiix  et  bénis.  »  Cet  article 
rie  nécrologie  a  fait  penser  que  Mons- 
trelctéiait  bâtard,  a  cause  des  mots 
né  de  bas ,  qu'il  en  impossible  de 
concilier  avec  les  titres  de  noble  et 
d'écuyer  ,  donnes  à  Monstrelet,  qui 
d'ailleurs  commence  sa  chronique  par 
ces  mots:  Je  Enguerrand ,  issu  de 
noble  génération.  Si  Monstrelet  lut 
né  de  basse  extraction  suivant  la  si- 
gnification que  l'académie  attache 
aux  mots  ne  de  bas  ,  il  n'eût  point 

!  »  tête  du  corps  échevinal  d'une 

ville  impériale,  alor  pres- 

qu'entièreraent  d<  listo- 

phes  contemp  tecor- 

le  qualifier  de  nobilis  senti  fer, 

■  f  r.  A  L'appui  de  ces  pre 
oîi  peut  ajouter  celle  qu'un   f 

ii  chevalier  de  Malte, 
en      '  e  qualité,  le    19 
juillet    1  î  i  i ,  dans  la  cathedra 

1  |  oque  ,  la  quali- 

fication de  bâtard  n'avait  rien  d'in- 
us  le  règne 
ttureLs 

de  la  nobh 


MON  409 

tuel  de  la  société  d'émulation 

de  Cambrai,  dans  un  rapport  fait  à 
ectîe  société  en  1808  ,  insinue  qu'au 
lieu  de  né  de  bas  lieu,  il  devait  y 
avoir  né  de  Ponthieu,  contrée  où  se 
trouve  la  terre  de  Monstrelet.  Quoi 
qu'il  en  soit  de  sa  qualité,  Monstrelet 
est  jugé  favorablement  comme  his- 
torien :  l'hommage  le  plus  flatteur 
qu'il  ait  pu  recevoir  ,  est  d'avoir 
été  consulté  et  suivi  par  le  président. 
Hénault.  Bayle ,  Moréri,  le  P.  Lc- 
long ,  Foppens  ,  Duverdier  ,  Du- 
chêne  ,  Sorel ,  Lenglet-Dufresnoy , 
s'accordent  à  louer  la  fidélité  des 
dates  ,  la  naïveté  du  style  ,  et  la 
clarté  des  faits  de  ses  Chroniques. 
Monstrelet  nedissimulepas  son  atta- 
chement pour  le  duc  de  Bourgogne, 
qu'il  suivit  au  siège  de  Compiègne  en 
i43o.  Il  se  contente  de  dire  que  la 
mémoire  lui  manque,  lorsqu'il  pour- 
rait aggraver  les  torts  de  son  maître  , 
en  rapportant  exactement  ses  paroles. 
Les  Chroniques  de  Monstrelet  em- 
brassent les  années  de  1400  à  i/p3: 
elles  commencent  précisément  où 
finit  Froissart ,  quoique  le  premier 
chapitre  de  Monstrelet  remonte  à 
i38o,  et  présente  un  abrégé  de  l'his- 
toire de  Charles  VI,  depuis  son 
couronnement.  On  a  reproché  à  no- 
tre historien  d'être  diffus ,  parce 
qu'en  trois  gros  volumes  in- fol. ,  il 
ne  donne  que  l'histoire  de  r>7>  ans  ; 
ses  Chroniques  réunissent  une 
Dse  quantité  de  pièces  justifica- 
très-précieuses  :  il  y  a  inséré 
textuellement  des  édits,  des  haran- 
gues, des  plaidoyers,  des  d 

>.    C'est   une    mine    féconde    à 
exploiter  pour  les  savants,  qui 

discuter  les  faits ,  et  en  apro- 
fondir  les  causes.  Monstrelet  a 
arec  cette  nan  été ,  cette  si«npli< 
isail  le  prit 

.  il  se 


MON 

distingue  dos  autres  historiens  en 
appuyant  sa  narration  sur  les  pièces 
mêmes,  qu'il  rapporte  en  entier,  ce 
qui  la  rend  diffuse  et  languissante. 
Rabelais,  dans  son  Pantagruel,  liv. 
m ,  chap.  '2.4 ,  maltraite  singuliè- 
rement Monstrelet  ;  et ,  avec  ses  ex- 
pressions originales  de  malice  et  de 
méchanceté,  il  lui  reproche  d'être 
baveux  comme  un  pot  à  moutarde, 
et  lui  assigne  un  chaperon  verd  et 
jaune  à  oreilles  de  Heure.  On  sent 
que  le  jugement  du  satirique  curé  de 
Meudon,  contredit  par  des  témoi- 
gnages infiniment  moins  légers  que 
le  sien  ,  ne  peut  cire  d'aucun  poids  , 
le  graveleux  docteur  ayant  souvent 
exerce  la  licence  de  ses  plaisanteries 
sur  des  choses  qui  méritaient  tout 
son  respect.  La  Chronique  d'En- 
guerrand  de  Monstrelet,  commen- 
çant à  l'année  1400,  devrait  finir  à 
i453,  époque  de  sa  mort.  Son  con- 
tinuateur (  que  M.  Dacier  soupçonne 
être  Jacques  Duclerq  )  l'a  portée  jus- 
qu'en 1467;  et  différents  éditeurs  , 
par  d'autres  continuations  ,  l'ont 
prolongée  jusqu'en  i5i6.  La  pre- 
mière addition  n'est  autre  chose  que 
la  Chronique  de  Louis  XI ,  connue 
sous  le  nom  de  Chronique  scanda- 
leuse^ attribuée  à  Jean  de  Troyes  , 
greffier  de  l'hôlcl-de-ville  de  Paris. 
Toutefois  il  se  trouve  des  difleren- 
u  commencement  de  ces  deux 
ouvrages ,  qui  ne  deviennent  une 
même  chose  qu'au  débordement  de 
la  Seine  et  de  la  Marne,  arrivé  en 
1460.  La  seconde  continuation  com- 
prend tout  le  règne  de  Charles  VIII  ; 
elle  est  de  Pierre  Desrey  :  on  la 
trouve  littéralement  reproduite  à  la 
suite  de  la  traduction  de  Gaguin, 
jar  le  même  Desrey ,  à  la  fin  de  la 
Chronique  de  Bretagne  par  Alain 
Bouchard  ,  et  dans  le  Charles  V1ÎI 
de  Godefroy.  Il  y  a  différentes  édi- 


tions des  Chroniques  de  Monstrelet. 
Antoine  Verard,  de  Paris  ,  en  a 
donné,  sans  date,  deux  différentes, 
chacune  en  3  volumes  in-fol.,  qui  ne 
vont  que  jusqu'à  1 4^7  ?  et  sur  les- 
quelles on  peut  consulter  le  Manuel 
du  libraire.  Les  plus  anciennes  édi- 
tions, avec  date,  sont  celles  deJ. 
Petit  et  Lenoir ,  1  5 1  ri ,  et  de  Fr.  Re- 
gnault,  i5i8,  publiées  aussi  à  Pa- 
ris, chacune  en  3  volumes  in-fol. 
Voici  le  titre  de  celle  de  Pierre  L'Hui- 
lier, Paris,  1572;  c'est  presque  une 
analyse  de  l'ouvrage  :  «  Volume  pre- 
»  mier  des  Chroniques  d'Enguer- 
)>  rand  de  Monstrelet,  gentilhomme, 
«jadis  demeurant  a  Cambray  en 
»  Cambresis ,  contenant  les  cruelles 
»  guerres  civilles  entre  les  maisons 
»  d'Orléans  et  de  Bourgongne,  l'oc- 
»  cupation  de  Paris  et  Normandie 
»  par  les  Anglois,  l'expulsion  d'i- 
»  ceux,  et  autres  choses  mémorables 
»  advenues  de  son  te  m  s  en  ce 
»  royaume,  et  pays  étranges.  His- 
»  toire  de  bel  exemple,  et  grand  fruit 
»  aux  François,  commençant  en  l'an 
»  mccgc  ,  où  fini&t  celle  de  Jean 
»  Froissard ,  et  finissant  en  l'an 
»  mcccc.  lxvii  ,  peu  outre  le  com- 
»  mencement  de  celle  de  messire  Phi- 
»  lippe  de  Gommes;  revue  et  cor* 
»  rigée  sur  L'exemplaire  de  la  librai- 
»  rie  du  roy,  et  enrichie  d'abbregez 
«pour  L'introduction  d'i«elles,  et 
»  de  tables  fort  copieuses.  »  La  bi- 
bliothèque du  Roi  possède  un  exem- 
plaire de  cette  dernière  édition,  pro- 
venant du  savant  Huet,  évêque  d'A- 
vranches:il  contient  plusieurs  notes 
manuscrites  très-précieuses,  et  une 
table  chronologique  ,  faite  aussi  de 
sa  main,  présentant  les  diverses 
branches  issues  de  Charles  VI  ,  de 
Charles  VII  et  Louis  XI ,  aux  rè- 
gnes desquels  ces  chroniques  se  rap- 
portent. L'édition  que  Denis  Sauvage 


MON 

a  donnée  de  ces  Chroniques  (  Pa- 
ris, Chaudière,  1572,  3  vol.  in-fol.), 
quoique  plus  belle  que  les  précé- 
dentes, est  des  moins  estimées,  par- 
ce que  cet  historiographe  a  change' 
beaucoup  de  mots  et  de, phrases, 
dont  même  il  n'a  pas  toujours  rendu 
le  sens.  La  traduction  anglaise,  par 
Thomas  Johnes,  imprimée  en  1809, 
Hafod  ,  4  vol.  in-4°.  ,  pour  faire 
suite  à  l'édition  de  Froissard,  sortie 
des  mêmes  presses,  a  aussi  été  tirée 
in-fol. ,  et  a  reparu  à  Londres,  18 1  o, 
eu  12  vol.  in-8°.  Bullart ,  dans  son 
Académie  des  sciences  et  des  arts  , 
Amsterdam,  Eizevir,  1680,  2  vol. 
in-fol.,  etFoppens,  tom.  1 ,  pag.  263  , 
de  sa  Bibliothèque  belgique,  nous 
ont  donne  le  portrait  de  Monstrelet. 
La  bibliothèque  du  Roi  possède  trois 
beaux  manuscrits  de  ses  Chroni- 
ques •  et  M.  De  Bure  a  détaille  les 
beautés  d'un  exemplaire  manuscrit 
qui  se  trouvait  dans  la  bibliothèque 
du  duc  de  la  Vallière.       D — os. 

MONTAGNAC    (  François   de 
Gain  ) ,  évêque  de  Tarbes  ,  né  Je  (J 
janvier  i«j44  1   3U  château  de  iVIoii- 
tagnac  ,  en  Limousin ,  fut  d'abord 
aumônier  du  roi  et  grand-vicaire  de 
Reims.  En  1768,  il  fut  nomi 
l'abbaye  de  Quarante  ,  au  diocèse  de 
Narbonne,  et,  en  1783  ,  a  L'évéché 
de  Tarbes.  11  fut  sacré  po 
le  20  octobre   de  la    mime 
Ayant  obtenu  ,  en    1788 
de  Saint-Vincent  du  Mans  ,  1!  remil 
son  abbaye  de  Quarante.  ! 
3ats  s'opposèrent  avec  plus  d< 
aux  innovations  de  l'assemblée  cons- 
tituante: il  adressa  sur  ce  sujet  plu- 
.  11  s'était 
la  fin  de 
1790  ;  mais  il  revint  inopinément  à 
iis  179» 

|   ■ 
uonça  un  disco.  lotiversoi 


MON  4»i 

refus  du  serment.  Tl  fut  dénom 
l'on  commença  des  poursuites  contre 
lui.  En  même  temps  ,  on  élut  pour 
évêque  des  Hautes  -  Pyrénées  Guil- 
laume Molinier,  doctrinaire,  auquel 
M.  de  Moutagnac  adressa  vainement 
des  exhortations  pour  le  détourner 
du  schisme.  L'évêque  de  Tarbes  fut 
obligé  de  se  réfugier  de  nouveau  en 
Espagne  :  il  habita  quelque  temps 
dans  la  vallée  d'Aran  ,  à  peu  de  dis- 
tance de  son  diocèse  ;  et  de  là  il  fai- 
sait passer  des  instructions  et  des  avis 
au  clergé  et  aux  fidèles  ,  pour  les 
soutenir  dans  les  circonstances  diffi- 
ciles où  l'on  se  trouvait.  Cette  proxi- 
mité et  cette  correspondance  dé- 
plurent aux  révolutionnaires  fran- 
çais, qui  menacèrentles  habitants  du 
village  espagnol  ,  où  l'évêque  était 
retiré ,  de  piller  leurs  maisons  ,  si 
l'on  continuait  à  donner  asile  au  pré- 
lat. Celui-ci  quitta  donc  ce  séjour 
avec  deux  autres  évoques  français  ; 
et  il  haleta  pendant  trois  ans  le  mo- 
nastère de  Mont -Serrât,  en  Cata- 
logne. On  a  de  lui  plusieurs  mande- 
ments et  écrits  datés  de  ce  lieu.  A  la 
.fin  de  1 794 ,  il  se  rendit  en  Italie,  et 
résida  plusieurs  années  à  Lugo.  Ce 
fut  de  cette  ville  ,  qu'il  adressa  au 
clergé  de  son  diocèse  une  Instruction, 
du  20  niai  179:),  pour  les  prêtres 
missionnaires  ,  une  Lettre  contre  la 
soumission  demandée  alors  aux  çc- 
elésiasiifjnes ,  une  Instruction  du  21 
décembre  1797  ,  sur  les  droits  du 
roi  .  et  quelques  autres  écrits  tic  cir- 
constance. Cet  évêque  n'approuva 
punit  les  tempéraments  que  ses  col- 

,:  France,  autoris 
en  plusieurs  occasions  sur  les  aJ 
de  l'Eglise.  En  1800  ,  il  j 
Portugal ,  et  envoya  sa  d< 
(i  no\  'i  ;    niais  il  ré 

contre  l'exécution   et  les  suiti 
concordat ,  et  se  joignit  a;, 


• 

non-démissionnaires,  dans  plusieurs 
de  leurs  démarches.  Le  nombre  des 
écrits  de  M.  de  Môntagnac  ,  sur  les 
matières  ecclésiastiques  de  ce  temps- 
là  ,  est  de  cinquante-sept ,  qui  paru- 
rent depuis  1790  jusqu'en  îHo'i;  on 
en  trouve  la  liste  dans  l'ouvrage  in- 
titulé :  Extraits  de  quelques  écrit» 
de   fauteur    des    Mémoires   pour 
servir  à  l'histoire  de  la  révolution 
française  ,  Pi  se  ,  181 4  ,  tome  11  :  il 
parait  que  M.  de  Môntagnac  avait 
envoyé  à  M.  l'abbé  d'Auribeau  ,  au- 
teur de  ces  Mémoires ,   une  copie 
authentique  de  ces  divers  écrits  ;  et 
M.  d'Auribeau  en  donne  une  analyse 
assez  étendue.  Quelque  temps  après 
le   concordat ,    l'ancien  évêque   de 
Tarbes  se  rendit  en  Angleterre  :  il  y 
vécut  dans  la  retraite  ,  occupe  de  la 
prière  et  d'études  convenables  à  son 
état,  et  mourut  à  Londres  en  i8ofj. 
P— c— T. 
MONTAGU   (  Sir  Edouard  )  , 
magistrat  anglais  ,  de  la  même  fa- 
mille que  les  comtes  de  Manchester 
et  d'Halifax  (  V.  ces  noms) ,  naquit  à 
Bridgstock  (comté  de  Northampton), 
vers  la  fin  du  seizième  siècle.  11  sui- 
vit ia  carrière  du  barreau.  Élu  mem- 
bre de  la  chambre  des  communes  , 
il  devint  bientôt  président  de  cette 
assemblée  {speaker).  Montagu  exer- 
çait cette   fonction,  aussi  honora- 
ble qu'importante  (1) ,  lorsque  Henri 
VIII,  ayant  un  pressant  besoin  d'ar- 
gent ,  proposa  un  bill  de  subsides  , 
qui  fut  rejeté   (  i523  ).  L'influence 
de  Montagu    était   si   grande  et  si 
connue,  que  le  roi  ,  irrité  de  ce  re- 
fus ,  lui  fit  donner  l'ordre  de  se  ren- 


(1)  Arthur  Collins,  dans  son  Histoire  de  Îh  pairie 
.  assure  ,  d'après  son  manuscrit  posséda  par 
]a  famille  de  Montagu ,  qu*  *«  dernier  était  à  «cite 
époque  président  de  la  chambre  des  communes  :  Hu- 
me et  d'autres  historiens  accordent  bien  à  Montagu 
i  me  très-grande  influence  sur  l'esprit  de  se?  collègues  ; 
mais  ils  affirment  que  Thomas  More  présidait  la 
chambre  lorsque  le  subside  fut  demandé. 


7 

dre  auprès  de  lui ,  et  s'écria  en  le 
voyant  :  «   Eh  quoi ,   l'ami ,  ils  ne 
»  veulent  donc   pas  admettre   mon 
»  bill  !  Faites  que  demain  ,  à  telle 
«heure,  »  ajouta-t-il  ,  en  mettant 
sa   main  sur  la    tête  de  Montagu, 
»  mon  bill  ait  passé,  ou  cette  tête  ne 
»  restera  pas  sur  vos  épaules.  »  Sir 
Edouard  connaissant  le  danger  qu'il 
courait,    d'api  es   le  caractère    im- 
pétueux  et  sanguinaire  de   Henri  , 
agit  si  efficacement  auprès  des  mem- 
bres de  là  chambre,  que  le  bill  passa 
avant  l'heure  indiquée    En  i53i, 
Montagu  obtint  le  degré  de  docteur 
es -lois,  et  fut  nomme'  avocat  du 
roi  ,  .six  ans  après.  Il  fut  élevé ,  en 
1 533 ,   au   rang   de    chevalier,    et 
obtint,  l'année  suivante,  la  conces- 
sion de  plusieurs  terres  qui  avaient 
appartenu  à  des  abbayes  que  Henri 
V 1 1 1  venait   de  supprimer.  Après 
avoir  exercé  ,  pendant  quelques  an- 
nées, la  place  de  président  ou  grand- 
juge  de  la  cour  du  banc  du  roi ,  il 
résigna  cet  oin.ee  ,  en  i545,  et  fut 
nommé,  la  même  année,  président 
de  la  cour  des  plaids  -  communs  ; 
changement  que  Fuller  appelle  une 
abaissement  en  honneur,  mais  une 
élévation  en  profit.  Il  fut  aussi  l'un 
des  membres  du  conseil  -  privé  ,  et 
jouit  d'une   telle  faveur  auprès  de 
Henri   VIII ,  que   ce   souverain    le 
nomma   l'un    des  seize    exécuteurs 
de  son  testament ,  qui  devaient  être 
en  m^me  temps  régents  du  royaume, 
et  gouverneurs  du   jeune   Edouard 
VI,  son  fils.  Au  couronnement  de  ce 
prince  (  février  1 54  7  ) ,  Montagu  dut 
à  rattachement  qu'Edouard  lui  té- 
moignait, d'être  chargé,  avec  d'au- 
tres commissaires  ,  de  recevoir  les 
plaintes  des  sujets  du  roi ,  et  d'y  faire 
droit.  En   i54ç),  une  conspiration 
ayant  clé  formée  contre  le  prolecteur 
Sommerset,  Montagu  se  joignit  à  ses 


MON 

adversaires  ,  et  contribua  ainsi  a  son 
renversement.  Cependant  la  santé  du 
jeune  roi  déclinant  rapidement,  le 
duc  de  Northumberland ,  qui  avait 
remplace  Sommerset  ,  résolut  de 
changer  l'ordre  de  la  succession  à  la 
couronne ,  en  laveur  de  Jeanne  Grey, 
qu'il  avait  t'ait  épouser  à  son  fils  , 
lord  Guilford  -  Dudley.  Il  usa  de 
son  ascendant  sur  l'esprit  du  jeune 
Edouard,  pour  lui  faire  approuver 
son  projet ,  et  exigea  (pie  Montagu 
et  les  autres  chefs  de  la  magistra- 
ture,  qu'on  avait  fait  appeler  à  un 
conseil  tenu  à  cet  effet ,  rédigeassent 
en  forme  de  lettres  patentes  la  mi- 
nute de  l'acte  projeté.  Le  danger 
qu'une  telle  condescendance  pouvait 
faire  courir  à  ces  magistrats  ,  les  fit 
long-temps  hésiter.  Us  représentèrent 
que  le  règlement  de  la  .succession  à  la 
couronne  ayant  été  fait  par  Henri 
VIII,  en  conséquence  d'un  acte  du 
parlementâtes  lettres-patentes  seraient 
nulles,  et  exposeraient  à  la  peine  de 
haute  -  trahison  non  -  seulement  les 
juges  qui  les  auraient  dressées,  mais 
tout  conseiller  qui  les  aurait  signées  , 
et  que  la  seule  voie  régulière  était  de 
convoquer  un  parlement,  et  d'obtenir 
le  consentement  de  cette  assemblée. 
Northumberland  s'emporta  contre 
eux  d'une  manière  violente  ,  et  dit  à 
Montagu  qu'il  était  un  traître.  Mais 
les  magistrats  persisl  s  leur 

opposition  ,  qui  ne  cessa  qu'après 
plusieurs  assemblées  du  conseil  ,  et 
lorsque  Montagu  eut  fourni  un  expé- 
dient qui  réunit  tous  les  suffra- 
ges. Il  proposa  qu'une  commission 
du  roi ,  en  son  conseil ,  fût  doi 
pour  requérir  les  juges  de  dresser 
1rs  letl 

tement  après,  un  pardon  fût  accordé 
pour  ' 

vitation.  1 


MON 


*i-> 


pour  plus  grande  sûreté ,  que  tous  Ics^ 
membres  du  conseil  signassent  ces 
lettres-patentes  ,  en  vertu  desquelles 
les  princesses  Marie  et  Elisabeth  fu- 
rent exclues,  et  la  couronne  fk 
la  tête  de  Jeanne  Grey.  Mais  ce  triom- 
phe de  Northumberland  fut  de  peu 
de  durée;  car  Edouard  VI  étant  mort 
Iques  jours  après,    Marie,  ap- 

e  par  les  barons,  mécontents 
du  despotisme  du  protecteur ,  par- 
vint à  déjouer  ses  projets  ,  et  monta 
sur  le  trône  de  ses  pères.  Montagu 
reçut  la  punition  que  méritait  sa 
complaisance.il  fut  envoyé  à  la  Tour, 
et  privé  de  ses  emplois.  Mis  en  li- 
berté après  une  courte  détention  ,  il 
se  retira  dans  le  comté  de  North 
ton,  où  il  mourut  le  i  o  février  ; 

D— z— s. 
MONTAGU  ou  MONTAGUE 
(  Edouard  ),  comte  de  Sandwich  , 
également  distingué  comme  général , 
comme  amiral  et  comme  homme 
d'état,  mais  dont  la  conduite  politi- 
que fut  une  suite  de  contradictions, 
était  pelit-Ols  de  lord  Montagu  de 
Boughton  ,et  delà  même  famille  que 
le  précédent.  Né  en  16^5,  il  débuta 
fort  jeune  dans  la  carrière  militaire, 
puisque  dans  le  mois  d'août  iG43,  il 
reçut  la  commission  de  lever  un  1 
de  troupes,  au  service  du  parlement, 
contre  Charles  1er.  (1).  Montagu  se 
rendit  à  L'armée  avec  son  régiment  , 

distingua  à  l'assaut  de  l,in< 
aux  batailles  de  Marstcn-Moor  et  de 
INaseby ,  et  dans  d'autres  circons- 
tances importantes,  n  s  en- 
ans.  Nomme  meml  1 
la  chambre  des  communes,  par  le 
comté  d'Hungtindon,  il  siégea  au 
parlement  avant  d'avoir  atteint  ■■ 


ni  fi  "'""  lui  lit  tdoptci  li  >  pi  iiuri- 


414  mon 

requis,  et  obtint  aussi  une  place  dans 
la  trésorerie,  sous  l'administration 
i!e  Cromwcll.  La  paix  ayant  été  con- 
clue avec  la  Hollande,  il  quitta  le  ser- 
vice de  terre,  pour  entrer  daus  la 
marine,  et  fut  associe' au  célèbre  ami- 
rai  Blake ,  dans  le  commandement 
de  la  flotte  destinée  pour  !a  Méditer- 
ranée. Les  deux  amiraux  finlbt  voile 
vers  les  côtes  d'Afrique  (  i656), 
châtièrent les  corsaires barbaresques, 
et  s'emparèrent,  après  celte  expédi- 
tion, de  deux  galions  espagnols,  ri- 
chement chargés ,  queMontagn  con- 
duisit en  Angleterre.  L'année  suivan- 
te, il  obtint  le  commandement  d'une 
flotte  dont  l'objet  était  de  veiller  sur 
les  démarches  des  Hollandais,  de 
commuer  la  guerre  contre  les  Espa- 
gnols ,  et  de  faciliter  aux  Français  la 
prise  de  Dunkerque.  Il  s'acquitta  de 
cette  commission  avec  autant  de  cou- 
rage que  de  prudence,  vainquit  la 
flotte  espagnole  près  des  Dunes,  et 
fut  envoyé  ensuite  auprès  du  maré- 
chal de  Turenne,  pour  conférer  avec 
lui  sur  les  moyens  de  continuer  la 
guerre.  Après  cette  entrevue,  Mcn- 
tagu  renonça  tout-à-coup  au  service, 
cl  se  retira  dans  ses  terres  (  i  ).  Après 
la  mort  de  Cromwell ,  il  obtint  du 
fils  du  protecteur,  le  commande- 
ment d'une  grande  ftolte ,  qui  fut 
envoyée  dans  la  Baltique  (  1659  )  •> 
de  concert  avec  les  Hollandais,  pour 
arrêter  les  progrès  des  Suédois ,  et 
obtenir,  par  une  médiation  armée  , 
un  accommodement  entre  les  puis- 
sances du  IN  ord.  Il  y  réussit;  et  le 
roi  de  Suède,  jadis  l'allié  de  l'An- 
gleterre, fut  obligé  de  lever  le  siège 
de  Copenhague  ,  et  de  consentir  à  la 
paix  avec  le  Danemark.  Il  paraît  qu'à 


MON 

cette  époque,  Montagu  conçut  un 
grand  dégoût  contre  ceux  qui  l'em- 
ployaient :  on  l'attribue  à  la  réforme 
de  son  régiment  de  cavalerie,  et  à  la 
mesure  qui  fut  prise,  de  subordon- 
ner tous  ses  actes  à  l'approbation 
d'Algernon  Sidney  et  d'un  autre  com- 
missaire. Il  était  dans  celte  disposi- 
tion d'esprit ,  lorsque  Charles  II  lui 
écrivit  deux  lettres  ,  une  pour  le 
chancelier  Hydc  ,  et  l'autre  pour  lui- 
même  ,  dans  laquelle  il  l'engageait  à 
abandonner  le  service  du  parlement, 
et  à  ramener  sa  flotte  en  Angleterre, 
où  il  pourrait  agir  de  concert  avec 
sir  George  Booth  et  d'autres  roya- 
listes disposés  à  effectuer  la  restau- 
ration. Montagu  ,  prenant  pour  pré- 
texte le  manque  de  provisions,  fit 
voile  pour  les  cotes  d'Angleterre. 
Mais  il  eut  le  chagrin  d'apprendre  , 
en  arrivant,  que  sir  George  Booth 
avait  été  arrêté  et  conduit  à  la  Tour; 
que  le  parlement  jouissait  encore  de 
l'autorité,  et  qu'Algernon  Sidney  l'a- 
vait dénoncé  comme  traître.  Sans  se 
laisser  effrayer  par  ces  événements  , 
Montagu  n'hésita  pas  à  paraître  à 
Londres,  et  se  défendit,  devant  le 
parlement,  d'une  manière  si  plausi- 
ble ,  qu'on  se  contenta  de  lui  ôter 
son  commandement  (1).  Sa  retraite 
ne  fut  pas  de  longue  durée  :  car , 
peu  de  temps  après  ,  le  conseil- 
d'état  l'adjoignit  à  Monk,  dans  le 
commandement  de  la  flotte  anglaise. 
Il  profita  de  son  autorité  pour  se 
rendre  sur  les  côtes  de  Hollande;  et 
lorsqu'il  fut  en  vue  de  Scheveling  , 
sans  s'inquiéter  des  intentions  du 
parlement ,  il  détermina  ses  officiers 
à  se  soumettre  à  Charles  II,,  qui 
s'embarqua  avec  le  duc  d'York ,  à 


[t'\  On  attribua  cette  retraite  extraordinaire  à  la 
peinture  touchante  que  Tureune  lui  avait  faite  des 
ji»iil,eurs  de  Cliarle 


CJIH 

s  il. 


(1)  La  situation  difficile  dans  laqu  'lie  se  trouvait 
alors  le  parlement ,  ne  lui  permit  pas  d'aprofondir  les 
motifs  qui  avaient  déterminé  Montagu  à  quitter  s«m 
poste. 


MON 

bord  de  la  flotte  anglaise  dont  Mon- 
tagu  résigna  le  eom mandement  à 
ce  dernier  prince ,  en  sa  qualité  de 
grand  -  amiral.  Montagn  eut  ainsi 
l'honneur  de  concourir  au  rétablis- 
sement de  Charles  II ,  qu'il  ramena 
en  Angleterre.  Deux  jours  après  le 
débarquement ,  le  roi  lui  remit  l'or- 
dre de  la  Jarretière ,  et  le  créa  en- 
suite baron  Montagu  de  Saint-Neoth, 
vicomte  Hinchinbroke  et  comte  de 
Sandwich.  Il  fut  nommé,  peu  après, 
membre  du  conseil-privé,  maître  de 
la  garde-robe,  amiral  de  la  Manche , 
et  lieutenant  du  duc  d'York.  Lorsque 
la  guerre  éclata  avec  la  Hollande  , 
en  166  j ,  le  duc  d'York  prit  le  com- 
mandement en  chef  de  la  flotte , 
comme  grand-amiral  ;  et  le  comte  de 
Sandwich,  mis  à  la  tête  de  l'escadre 
bleue,  contribua,  par  ses  manœu- 
vres, à  la  prise  d'un  grand  nombre 
des  vaisseaux  de  l'ennemi.  Dans  Ja 
grande  bataille  du  3  juin  1 665,  où  les 
Hollandais  perdirent  leur  amiral  Op- 
dam ,  et  eurent  dix-huit  vaisseaux  de 
guerre  pris  et  quatorze  détruits,  on 
attribua  en  grande  partie  l'honneur 
de  la  victoire  au  comte  de  Sand- 
wich ,  qui  s'empara ,  le  4  septem- 
bre suivant  ,  de  huit  vaisseaux  de 
guerre  hollandais .  de  deux  de  leurs 
meilleurs  bâtiments  de  i.;  compagnie 
des  Indes,  et  de  vingt  bâtiments  mar- 
chands. A  peine  de  retour  en  Angle- 
terre, il  fut  envoyé  a  Madrid,  pour 
icier  la  paix  entre  li . 
Mlugal  :  il  y  réussit  eom] 
ment.  Il  conclut  aussi ,  av. m:  la  cour 
de  Madrid,  eu  t ra ■. !  traerce 

erre.  Au  re- 
nouvellement c 

Hollande  en  i»;--  qUa  de 

nouve  tcom- 

mand  ■!  hol- 

landais Ki,  c  nue 

flotte  fou  le  (ji 


MON 


« 


vaisseaux  de  ligne  et  de  44  brûlots  ; 
et  le  28  mai ,  à  la  chute  du  jour,  il  fut 
en  vue  des  Anglais,  qui  avaient  été' 
joints  par  les  Français  commandés 
par  le  maréchal  d'Estrées.  Les  flottes 
combinées  étaient  mouillées  à  Sole- 
bay,  et  n'avaient  pris  aucune  des 
précautions  que  la  prudence  indiquait. 
Sandwich  crut  devoir  donner  au  duc 
les  avis  que  son  expérience  consom- 
mée lui  suggérait  sur  le  danger  qu'ils 
couraient.  Mais  il  paraît  que  ses 
conseils  furent  mal  accueillis,  et  que 
le  duc  se  permit  même  une  réponse 
piquante,  dans  laquelle  il  attribuait 
ses  appréhensions  à  un  manque  de 
courage.  A  l'approche  de  l'ennemi , 
chacun  courut  à  son  poste  avec  pré- 
cipitation; et  plusieurs  vaisseaux  fu- 
rent obligés  de  couper  leurs  cables 
pour  être  prêts.  Sandn  ieh  comman- 
dait l'avant-garde;  et  quoique  déter- 
miné à  vaincre  ou  à  périr,  il  écoula 
d'abord  la  voix  de  la  prudence,  en 
se  hâtant  de  sortir  de  la  baie,  où 
Kuyter  aurait  pu  détruire,  avec  ses 
brûlots ,  les  deux  flottes  combinées  , 
dont  les  bâtiments  pressés  les  uns 
contre  les  autres,  étaient  hors  d'état 
de  manœuvrer.  Il  les  sauva  ainsi 
d'un  danger  imminent,  et  donna  le 
temps  de  se  dégager  au  duc  d'York  , 
qui  commandait  le  corps  principal, 
et  au  maréchal  d'Estrées,  qui  était  a 
la  tête  de  l'arrière-garde.  Sandwich 
récipita  ensuite  au  milieu  des 
[liants,  et,  par  cet  acte  dés<- 
attira  tous  leurs  efforts  sur  le  /. 
Jacques,  qu'il  montait.  11  tua  de  sa 
propre  main  l'amiral  hollandais 
Van-Gheilt,  repoussa  son  vaisseau  , 
coula  bas  un  autre  bâtiment ,  et  trois 
brûlots  qui  cherchaient  à  l'aborder. 
Quoique  le  Royal  Jacques  fût  criblé 
de  toutes   parts,    et  que,   sur    mille 

hommes  qui  le  montaient,  si\  cents 
fussent  étendus  morts  sur  le  pont,  il 


4i6 


MON 


n'en  continua  pas  moins  à  faire  ton- 
ner son  artillerie  au  milieu  Ses  en- 
nemis; mais  un  autre  brûlot,  masque 
par  la  fumée,  étant  parvenu  à  se 
cramponnera  son  vaisseau,  sa  perte 
devenait  inévitable.  Averti  par  sir 
Edouard  Haddock  son  capitaine,  ce 
brave  amiral  refusa  de  se  sauver,  et 
périt  ainsi  au  milieu  des  flammes  , 
avec  presque  tous  ses  officier*. Quinze 
jours  après  ia  bataille,  les  habitants 
de  Ilarwich ,  reconnurent  son  ca- 
davre flottant  sur  le  rivage,  à  l'ordre 
de  la  Jarretière  dont  il  était  décoré. 
On  le  fit  embaumer;  et,  d'après  les 
ordres  du  roi ,  il  fut  porté  à  Londres 
et  enterré  avec  une  grande  solennité 
dans  l'abbaye  de  Westminster.  La 
malheureuse  fin  de  Sandwich  fit  faire 
de  grandes  réflexions  sur  la  conduite 
du  duc  d'York;  et,  dans  le  pari* 
qui  se  tint  à  Westminster  en  octobre 
1680,  lors  du  débat  du  bill  d'exclu- 
sion ,  plusieurs  membres  des  Com- 
munes la  lui  imputèrent  hautement. 
Il  n'y  a  qu'une  opinion  sur  la  bra- 
voure et  les  talents  du  comte  de 
Sandwich  ,  considéré  comme  com- 
mandant, ou  comme  homme-d'état  : 
mais  on  lui  reproche  avec  raison  les 
inconséquences  de  sa  carrière  poli- 
tique ,  qui  ne  furent  égalées  que  par- 
les inconséquences  de  la  cour  dans 
la  distiibution  des  faveurs  dont  elle 
le  combla  après  la  restauration.  Il 
avait  en  effet  contribué  à  détrôner 
le  père,  et  avait  offert  la  couronne 
à  l'usurpateur  :  cependant ,  pour  le 
récompenser  de  quelques  légers  ser- 
vices à  la  veille  d'une  inévitable 
restauration  ,  Charles  II  fit  pleuvoir 
sur  lui  les  honneurs  et  les  récom- 
penses ,  tandis  qu'il  négligeait  mille 
sujets  fidèles  qui  avaient  risqué  leur 
vie  et  leur  fortune  pour  défendre  la 
cause  royale  dans  toutes  ses  vicis- 
situdes. Walpole  7  qui  a  donné  une 


MO 

place  à  Montagu  dans  son  Catalo- 
gue of  Royal  ami  noble  authors  , 
cite  de  lui  :  i°.  Lettre  au  secrétaire 
Thurlce ,  dans  le  Ier.  volume  des 
Papiers  d'état  de  Thurloe.  —  2°. 
Diverses  lettres  ,  écrites  pendant 
sou  ambassade  en  Espagne,  publiées 
dans  les  Lettres  d\A*lingion ,  et 
dans  les  Lettres  originales  et  négo- 
ciations de  sir  Richard.  Fanshaw , 
du  comte  de  Sandwich  ,  etc.  Le 
comte  de  Sandwich  est  aussi  l'au- 
teur d'une  traduction  (de  l'espagnol) 
do  la  Métallurgie  d'Alonzo  Barba  , 
1 0 7  4  ,  petit  in-8°.  Enfin  on  trouve, 
dans  le  n°.  21  des  Transactions  phi- 
losophiques ,  quelques  observations 
astronomiques  du  comte  de  Sand- 
wich. D — z — s. 

MONTAGU  (Jean),  quatrième 
comte  de  Sandwich  ,  de  la  même  fa- 
mille que  le  précèdent,  naquit  à  West- 
minster ,  en  in  1 B.  Il  avait  à  peine 
quatre  ans, lorsqu'il  perdit  le  vicomte 
cTiiinchinbroke  son  père.  Il  reçut 
une  brillante  éducation  par  les  soins 
delord  Sandwich  son  aïeul ,  et  entre- 
prit ,  au  sortir  du  collège,  un  voyage 
autour  de  la  Méditerranée  ,  dont  il 
écrivit  lui-même  la  relation,  publiée 
après  sa  mort.  Montagu  rapporta  de 
ses  excursions  plusieurs  momies,  des 
ibis  ,  un  grand  nombre  de  médailles 
et  d'autres  objets  curieux  (  1  ).  Il  avait 
succédé,  en  1729,  cala  pairie  de  son 
grand-père;  et,  dès  qu'il  eut  atteint 
l'âge  requis  ,  il  siégea  clans  la  cham- 
bre haute.  ïl  commença  sa  carrière 
politique,  en  se  joignant  au  parti 
alorsen  oppositionavec  Robert  Wal- 
pole. A  la  formation  du  ministère 
désigné  sous  le  nom  de  Broad-Bot- 


(l)    Pnrmi   ces    objets  se    trouvait   une    pièce 
marbre  Je  deux  pieds   de    long,  sur   les    deux    cil 
de  laquelle  était  une  inscription  qu'on  Fut  long-teni] 
MHS  pouvoir  deçhilïrer.  Le  savant  D.  Taylor ,  du  C< 
lége  delà  Trinité  ,  parvint  à  l'expliquer,  eu  ly.J^j 
lui  doauu  le  wjiu  d^  Marbre  de  Sandwich, 


MON 

fom ,  il  fut  nomme  second  lord  de 
l'amirauté'  (  i5  décembre  1744)? 
et  obtint  un  grade  dans  l'armée ,  à 
cause  de  la  part  active  qu'il  avait 
prise  dans  les  levées  de  troupes  pour 
éteindre  la  rébellion  de  i;45.  Il  pa- 
raît qu'on  avait  reconnu  en  lui  des 
talents  politiques;  car,  en  novembre 
1  74O,  il Iut  envoyé,  comme  plénipo- 
tentiaire, au  congrès  qui  devait  se  te- 
nir à  Bréda  ;  et  ses  pouvoirs  furent 
continués  jusqu'au  traité  d'Aix-la- 
Chapelle  (  octobre  1748).  A  son 
retour,  il  fut  admis  au  conseil-privé, 
et  nommé  premier  lord  de  l'amirauté, 
Lorsque  George  II  s'embarqua  pour 
le  Hanovre  ,  lord  Sandwich  fut  un 
des  lords-justiciers  du  royaume  pen- 
dant l'absence  du  roi.  En  juin  1 7  5 1 , 
il  fut  éloigné  de  l'amirauté,  et  resta 
sans  emploi  jusqu'en  17 55, qu'il  de- 
vint l'un  des  vice-trésoriers  adjoints 
d'Irlande.  En  avril  1763,  il  reprit 
sa  place  de  premier  lord  de  l'ami- 
rauté. Eloigné  encore  des  affaires 
en  1765,  il  obtint,  en  1768,  l'em- 
ploi d'adjoint  directeur-général  des 
postes  avec  lord  Le  Despcncer.  Sous 
l'administration  de  lord  North ,  il 
fut  replacé,  pour  la  troisième  fois ,  à 
la  tête  de  l'amirauté  (janvier  177 1); 
emploi  qu'il  occupa  pendant  toute 
la  période  orageuse  de  la  guerre  d'A- 
mérique, et  qu'il  résigna  lors  de  la 
dissolution  du  ministère  qui  Payait 
provoquée.  Sa  conduite  ,  à  la  tète  de 
cette  administration  dans  des  cir- 
constances difficiles,  lui  fit  beau* 
coup   d'honneur.    Il  réforma   plu- 

:  !  abus  dans  les  arsenaux  de 
marine,  qu'il  visitait  tous  les  ans; 
augmenta  les  établissements  des  sol- 
le  marine,  encouragea  les  voya- 
ges de  découvertes ,  dont  il  pro- 

1  les  autei  aontra  une 

grande  connal-  devoirs  du 

département  qui  lui  ;   , 

xxix. 


MON 


417 


1783,  lors  du  ministère  de  la  coali- 
tion, il  accepta  la  capitainerie  des 
chasses ,  qu'il  conserva  seulement 
pendant  une  anne'e;  et  il  rentra  pour 
toujours  dans  la  vie  privée,  jusqu'à 
sa  mort,  arrivée  le  3o  avril  179-ï» 
Le  comte  de  Sandwich  était  un  ora- 
teur plus  solide  que  brillant.  Pen- 
dant la  guerre  d'Amérique ,  il  fut 
fréquemment  attaqué  dans  les  deux 
chambres,  pour  sa  conduite  admi- 
nistrative, ou  pour  des  malversations 
qu'on  lui  imputait.  Dans  les  débats 
parlementaires  qui  eurent  lieu  lors 
des  fâcheux  événements  de  la  guerre 
d'Amérique,  il  eut  souvent  pour  ad- 
versaire le  célèbre  lord  Chatham  , 
dont  l'éloquence  extraordinaire  im- 
posait silence,  et  inspirait  la  crainte 
aux  pairs  dont  l'habileté  était  le 
plus  reconnue.  Lord  Sandwich  ne 
se  laissa  pas  éblouir  par  l'éclat  de 
ce  talent  oratoire  :  il  n'hésita  ja- 
mais à  lui  répondre ,  et  il  le  fit  tou- 
jours de  manière  à  prouver  que  sa 
réplique  était  nécessaire  et  convena- 
ble. Il  avait  une  politesse  aisée ,  et 
une  gaîté  peu  commune.  Il  aimait  à 
rendre  service,  et  le  faisait  toujours 
avec  grâce.  C'était  un  homme  de 
plaisir ,  passionné  surtout  pour  la 
musique.  On  lui  attribue  un  pam- 
phlet intitulé  :  Etat  de  la  question 
relative  à  Vhospice  de  Greenwich  , 
177g,  en  réponse  à  l'écrit  du  ca- 
pitaine Baillie  :  JEtat  de  Vhospice 
royal  de  Greenwich,  publié  en 
1778.  Depuis  sa  mort,  John  Cookr 
son  chapelain,  a  publié:  Voyage 
fait  par  le  comte  de  Sandwich  , 
dans  la  Méditerranée,  dans  I 
nées  1738  et  1739,  écrit  par  lui- 
même.  LVditeùr  y  a  \o\zà  sur  l'au- 
teur une  notice  oétatUee,  d\ 
extraite  en  partie  celle  que  nous  don- 
nons. L'ouvrage  du  noble  lord  ,  quoi- 
que bien  écrit  ;  et  rempli  d\>l- 
37 


4i8 


MON 


lions  justes,  a  perdu  beaucoup  de 
son  intérêt —  George  Montagu, 
naturaliste  distingué  ',  né  en  Angle- 
terre ,  membre  de  la  société  Lin- 
néenne,  a  publié:  i°.  Dictionnaire 
ornilhologiquc ,  i  vol.  in-8°. ,  180a  ; 
'2°.  Testacea  britannica ,  ou  Histoire 
naturelle  des  coquillages  anglais,  in- 
4°.,  i8o3,  avec  un  supplément  qui 
a  paru  en  1809.  George  Moutagu 
est  mort  à  Knowle  ,  dans  le  Devon- 
sliire,  en  181 5.  D — z — s. 

MONÏAGUE.  V.  Mowtagu  (1). 

MONTAGUE  (Ourles),  comte 
d'Halifax.  F.  Halifax. 

MONTAGUE  (  Lady  Marie  Wor- 
tley  )  naquit  à  Thoresby,  dans  le 
comté  de  Nottingham ,  en  1690,  du 
duc  de  Kingston ,  et  de  lady  Marie 
Fulding,  fill'e  du  comte  deDenbigh, 
laquelle  mourut  en  1694.  Lady  Ma- 
rie Pierrepoint  (  nom  qu'elle  porta 
jusqu'à  son  mariage  ,  et  qui  était 
celui  de  sa  famille  )  montra ,  bien 
jeune  encore  ,  les  dispositions  les 
plus  heureuses  ;  et  le  duc ,  son  père , 
se  plut  à  les  cultiver.  Aussitôt  que 
ses  facultés  le  permirent,  il  lui  donna 
dans  tous  les  genres  les  mêmes  maî- 
tres qu'à  ses  fils  :  elle  apprit  succes- 
sivement le  grec  ,  le  latin,  le  fran- 
çais, l'italien,  l'allemand,  et  fit  de 
grands  progrès  dans  ces  différentes 
langue*.  Une  telle  éducation  deman- 
dait qu'elle  vécût  dans  la  retraite;  et 
en  effet ,  elle  eut  très  -  peu  de  rap- 
ports avec  le  monde,  jusqu'à  ce  que 
son  intimité  avec  Mmc.  Wortley 
Monta gtie  lui  fit  connaître  Edouard 
Montague ,  fils  aîné  de  cette  dame. 
Un  mariage  d'abord  secret,  on  igno- 
re pourquoi ,  l'unit  à  l'héritier  de 
cette  famille,  au  mois  d'août  17 12. 


(1)  Les  Anglais  écrivent ,  presque  indistinctement , 
«le  ces  deux  manières  ;  Us  prononcent  toujours  Mon- 
totzti. 


MON 

Excité  par  l'ambition  de  sa  femme 
à  se  présenter  aux  élections  et  porté 
au  parlement ,  Edouard  Wortley  ne 
tarda  pas  à  s'y  distinguer  par  ses 
talents  et  ses  connaissances  :  il  par- 
vint bientôt  à  la  place  de  lord  de  la 
trésorerie  ,  et  fut  nommé  ,  quelque 
temps  après ,  à  l'ambassade  de  Cons- 
tantinople.  Lady  Marie  suivit  son 
époux  en  Turquie,  où  l'appelait  une 
curiosité  excitée  par  tout  ce  qu'elle 
avait  lu  sur  des  contrées  aussi  célè- 
bres. La  partie  la  plus  intéressante 
de  ses  lettres  est  sans  contredit  celle 
où  elle  rend  compte  de  ce  voyage. 
Elle  visita  d'abord  la  Hollande  , 
parcourut  l'Allemagne  ,  s'arrêta  à 
Vienne  ,  traversa  la  Hongrie ,  et 
arriva  heureusement  auprès  de  son 
mari.  Elle  s'empressa  de  prendre 
des  leçons  de  langue  turque ,  sur- 
moDta  toutes  les  difficultés ,  et ,  au 
bout  d'un  an ,  parvint  à  l'entendre , 
et  même  à  la  parler  intelligiblement. 
Elle  obtint  du  sulthan  Achmet  la 
permission  d'entrer  dans  le  sérail, 
où  elle  se  lia  d'amitié  avec  la  sultane 
favorite  Fatima.  Les  fréquentes  visi- 
tes qu'elle  lui  fit,  la  mirent  à  portée 
de  redresser  bien  des  préjugés ,  et 
de  donner ,  du  harem  du  grand- 
seigneur,  des  idées  plus  justes  que 
les  Européens  n'en  avaient  eu  jus- 
qu'à elle.  Ce  fut  à  Beligrad ,  pe- 
tite ville  située  à  quatre  lieues  de 
Constantinople  ,  que  lady  Marie  eut 
la  première  connaissance  de  l'ino- 
culation de  la  petite- vérole  ,  prati- 
quée depuis  long-temps  dans  cet  en- 
droit ,  où  les  agents  diplomatiques 
vont  ordinairement  pendant  l'été  se 
dérober  à  la  peste,  et  aux  chaleurs 
delà  saison.  L'ambassadrice  recueil- 
lit quantité  de  documents  sur  cette 
pratique ,  et  fut  si  convaincue  de  son 
utilité ,  qu'elle  fit  inoculer  son  fils 
sur  les  lieux  mêmes  avec  un  grand 


MON 

succès.  Elle  résolut  d'introduire  ce 
procède  en  Europe ,  et  crut  ne  pou- 
voir faire  un  plus  beau  présent  à 
sa  patrie  en  particulier,  que  de  lui 
fournir  un  moyen  fort  simple  d'at- 
ténuer au  moins  les  i'ifets  d'une  aus- 
si cruelle  contagion.  M.  Wortley 
ayant  été  rappelé  de  Constantinople, 
environ  trois  ans  de  séjour 
dans  celte  capitale,  (it  voile,  avec 
lady  Marie,  vers  l'Italie.  Ils  débar- 
quèrent sur  les  cotes  d'Afrique  ,  allè- 
rent voir  Tunis  et  les  ruines  de  Car- 
tilage, se  rendirent  ensuite  à  Gènes, 
et  retournèrent  en  Angleterre,  en 
passant  par  la  France.  M.  Wortley 
y  suivit  sa  carrière  politique-  et  lady 
Marie  put  s'y  livrer  à  son  goût  pour 
les  lettres  et  jouir  de  la  conversation 
des  hommes  qui  s'y  e'taient  rendus 
célèbres.  Pope,  Addison ,  Steele, 
Young,  et  plusieurs  autres  littéra- 
teurs moins  fameux ,  formèrent  à 
Twickenham ,  village  charmant,  à 
trois  lieues  de  Londres,  la  société 
habituelle  de  lady  Montagne;  mais 
le  commerce  des  gens  de  lettres,  et 
particulièrement  celui  des  poètes,  a 
I  incs.  Pope  était  le  plus  irascible 
des  favoris  des  Muses.  Des  plaisan- 
teries piquantes,  qui  parvinrent  à 
sa  connaissance,  l'aigrirent  contre 
lady  Marie;  et  il   se  irdes 

traits  de  satire  ,  qui  amenèrent  une 
rupture  et  un  éclat  qui  morli: 
beaucoup  celle  qui  en  «tait  l'objet. 
Ce  désagrément  et  les  dégoûts  dont 
l'accabla  le  parti  des  Toris,  qui  par- 
vint a  écraser  les  Whigs  dont  elle 
partageait  l»-s  opinions,  la  décidèrent 
à  se  rendre  en  Italie  :  elle  y  fit  con- 
sentir M.  Wortley  ,  et  alla  séjourner 
tantôt  .1  \  mis 
près  du  lac  d'1 

délices  delacul  qu'elle 

joignait  a  des 
très.  Elle  avait   pris   beaucoup  de 


MON  4*<J 

goût  pour  la  langue  et  pour  les  mœurs 
italiennes  ;  et  les  vingt-deux  années 
qu'elle  passa  dans  ce  pays ,  le  prou- 
vent suffisamment.  Un  exil  volon- 
taire si  long,  et  qui  plaçait  une  si 
grande   distance    entre  elle  et  tout 
ce  qu'une  femme  a  de  plus  cher, 
démontre,   à  notre   avis,   que  sou 
caractère  n'était  pas  exempt  de  sin- 
gularités. Elle  sentit  cependant  la  né- 
cessité de  retourner  dans  ses  foyers  , 
après  la  mort  de  son  mari,  en  1 76 1  • 
et  elle  partit  pour  l'Angleterre ,  dans 
la  même  année.  Comme  elle  traver- 
sait la  France ,  quelqu'un  lui  parla 
des    lettres  de  Mme.  de    Sévigné  : 
Elles  sont  fort  jolies,  répondit-elle  ; 
mais ,  dans  quarante  ans ,  les  mien- 
nes ne  seront  pas  moins  recherchées. 
Sa  santé  avait  décliné  depuis  un  cer- 
tain temps  :  ses  infirmités  augmen- 
tèrent; et  elle  mourut  uu  an  après 
son  retour  au  sein  de  sa  famille  ,1e 
•21    août    176:2,  âgée  de  soixante- 
treize  ans.  On  voit,  dans  la  cathé- 
drale de  Litchfield  ,  un  monument 
en  marbre ,  consacré  à  la  mémoire 
de   cette  dame  illustre.  La  beauté; 
y  est  représentée  versant  des  larmes 
sur  la  tombe  de  celle  qui,  par  l'ino- 
culation qu'elle  introduisit  en  Euro- 
pe, enleva  à  la  mort  et  à  la  laideur 
une   multitude  d'enfants  destinés  à 
devenir  leurs  victimes.  Ce  cénota  phe 
est  dû  aux  soins  généreux  et  phi'an- 
tropiques   de   Henriette  Inge,   fille 
d'un  baronet  de  cette  contrer 
Lettres  de  lady  Montague ,  quelques 
Fragments  ,  et  des  Poésies  en    petit 
nombre,  ont  été  recueillis  en  cinq  vo- 
lumes imprimés  à  Londres,  ru  i8o3, 
d'après  les  originaux   remis  j 
famille  à  l'éditeur.  L'édition  en 

lûmes,  in- 12,    publier   à    Londres  . 

par  Becket,  en  17''  avoir 

.    M.  Cléland,  qui  la 

mit  au  jour;  encouragé  par  le  succès 

- 


4^o  MON 

qu'elle  obtint,  en  fit  paraître  une  au- 
tre en  4   volumes  ,    1 767  ;    mais  , 
comme  il  n'existe  point  de  manus- 
crit des  lettres  du  quatrième  volume 
de  cette  seconde  édition ,  on  est  fon- 
de à  croire  que  Gléland  en  est  l'au- 
teur. On  sait  même  qu'il  n'a  jamais 
repousse  le  soupçon  de  les  avoir  sup- 
posées. Les  critiques  anglais  qui  ont 
compare'  lady  Montague  à  Mme.  de 
Sévigné ,  ont  sans  doute  voulu  dire 
uniquement  qu'elle  est  pour  sa  na- 
tion  ce  que  la   mère  de  Mmc.  de 
Grignan  est   pour  la   notre.   Rien 
n'est  d'ailleurs  plus    différent  que 
leur  tour  d'esprit  et  leur  style.  En 
lisant  lady  Montagne,  on  est  frap- 
pé de  je  ne  sais  quelle  force  de  ré- 
flexion ,  qui  décèle  des  études  classi- 
ques et  une  tête  formée  à  l'école  des 
anciens.  Ses  jugements  ont  une  har- 
diesse, et  sont  exprimés  avec  une 
3 prêté  satirique.,  qui  souvent  annonce 
une  liberté  de  penser  que  rien  n'ar- 
rêtait, de  son  temps,  en  Angleterre, 
et  que  favorisait  le  protestantisme. 
Dominée  par  l'orgueil  et  étrangère 
à  toute  sensibilité,  on  ne  la  vit  jamais 
contente  d'elle-même  et  de  sa  posi- 
tion, a  A  seize  ans ,  dit  M.  Fiévée  , 
«  elle  regrette  de  n'être  pas  homme ^ 
»  à  trente  elle  demande  déjà  dix  an- 
»  nées  de  moins;  mère  de  famille, 
»  elle  fait  l'éloge  du  célibat.  La  toi- 
»  lette  des  Françaises  lui  paraît  ri* 
»  dicule;  et ,  tant  qu'elle  a  l'espoir 
»  de  plaire ,  elle  tire  ses  modes  de 
»  France.  A  soixante-huit  ans,  il  y 
»  avait  déjà  onze  années  qu'elle  n'a- 
»  vait  osé  se  regarder  dans  un  mi- 
î>  roir;  et ,  lorsqu'on  venait  lui  ren- 
»  dre  visite,  elle  recevait  en  domino 
»  et  en  masque.  Ses  vœu?:  les  plus 
»  ardents  étaient  qu'aucune  de  ses 
»  petites-filles  ne  lui  ressemblât  pour 
»  l'esprit  et  le  caractère;  enfin ,  dans 
»  ses  vieux  jours  ?  en  voyant  passer 


MON 

»  une  grosse  villageoise,  elle  regret- 
»  tait  de  n'avoir  pas  été  toute  sa  vie 
»  ignorante  et  sans  ambition.  «C'est 
encore  milady  Montague  qui  disait 
de  son  sexe ,  que  sa  seule  consola- 
tion d'être  femme  avait  toujours  été 
la  certitude  de  n'en  point  épouser 
une.  On  ne  peut  méconnaître  non  plus 
dans  sa  manière,  un  peu  de  cet  ap- 
prêt et  de  ce  travail  qui  laissent  voir 
qu'elle  destinait  ses  Lettres  à  être  un 
jour  imprimées.  Ce  ne  pouvait  être 
en  effet  dans  un  autre  dessein  qu'elle 
en  remit  elle-même  une  copie  eu 
deux  volumes  in-4°.7  à  M.  Sowden, 
ecclésiastique  hollandais,  constatant 
cette  remise  par  une  note  signée  de  sa 
main,  qui  était  en  tête  du  manuscrit. 
C'est  vraisemblablement  à  cette  cir- 
constance, qu'il  faut  attribuer  le  man- 
que de  naturel,  tranchons  le  mot,  la 
pédanterie  de  quelques  passages,  ainsi 
que  la  pesanteur  et  la  tournure  pé- 
nible de  la  plupart  de  ses  fins  de  let- 
tres. Ces  défauts  n'empêchent  pas  le 
recueil  dont  il  s'agit,  d'être  un  des 
plus  piquants  que  l'on  ait  publiés  en 
aucune  langue,  et  de  faire  le  plus  grand 
honneur  aux  connaissances ,  à  la  sa- 
gacité de  vues  et  à  l'art  d'écrire  que 
possédait  l'auteur.  Quant  à  ses  Frag- 
ments et  à  ses  Poésies,  ils  méritent 
assez  peu  d'attention.  Ce  n'est  pas 
qu'ils  n'offrent  des  preuves  de  talent  * 
on  y  remarque  des  pensées  fines  et 
agréables ,  et  souvent  une  causticité 
pleine  de  sel:  mais  avec  ce  qu'il  fal- 
lait pour  faire  quelques  bons  vers  , 
lady  Montague  était  loin  de  posséder 
les  qualités  nécessaires  pour  compo- 
ser une  bonne  pièce  de  quelque  éten- 
due. Elle  néglige  fréquemment  l'ob- 
servation des  règles ,  sans  lesquelles 
les  bagatelles,  même  en  ce  genre, 
perdent  beaucoup  de  leur  prix.  En- 
fin, l'on  peut  dire  que  le  dernier  vo- 
lume ajouté  aux  Lettres ,  «juoiqua 


MON 

propre  à  satisfaire  les  curieux,  dimi- 
nuerait plutôt  qu'il  n'augmenterait 
les  litres  de  cette  dame  anglaise  à  la 
célébrité'.  On  a  publié  les  OEuvres 
de  lady  Montagne,  contenant  sa 
vie  ,  sa  correspondance  avant  son 
mariage  et  durant  son  ambassade  en 
Turquie ,  et  pendant  ses  voyages  en 
Italie  ,  trad.  de  l'anglais  ,  Paris  , 
1804,  4  vo'-  in-lX  On  cite  deux 
traductions  françaises  de  ses  Lettres; 
la  plus  estimée  est  celle  d'Auson , 
i8o5,  1  vol.  in-i'js  :  elle  contient 
les  poésies  de  lady  Montagne  ,  tra- 
duites par  M.  Germain  Garnier.  On 
doit  ranger  parmi  les  fables  ce  que 
l'on  a  débité  de  la  passion  que  le  sul- 
tan Achmet  avait  conçue  pour  lady 
Montagne,  et  à  laquelle  elle  ne  serait 
pas  demeurée  indifférente.  Indépen- 
damment des  préjugés  turcs,  qui, 
surtout  chez  un  empereur ,  ne  per- 
mettent pas  d'adopter  une  pareille 
idée ,  on  croira  difficilement  que  les 
charmes  de  cette  dame  anglaise  aient 
pu  balancer  aux  yeux  du  grand-sei- 
gneur les  attraits  célestes  d'une  Fa- 
tima,  et  de  tant  d'autres  créatures 
angéliques,  qui  environnaient  leur 
fortuné  possesseur.  C'est  peut-être 
avec  aussi  peu  de  fondement  que  l'on 

Înétend  à  Londres,  au  moins  parmi 
e  peuple,  qu'Edouard  Wortley,  fils 
aîné  de  lady  Montagne,  fut  enlevé  à 
l'âge  de  quatre  ou  cinq  ans ,  par  des 
mendiants  de  la  classe  appelée  en 
Angleterre  Gypsiçs  (Bohémiens), 
qui  en  firent  un  ramoneur  ;  qu'un 
heureux  hasard  le  fit  reconnaître, 
et  ht  rendit  à  sa  famille;  et  qu'a- 
fmde  perpétuer  la  joie  qui  avait  suivi 
our,  la  mère  de  cet  enfant  af- 
"ii  vivant, et  légua  par  tes- 
tament, un  annuelle,  pour 
quel  Londres  eussent 
régulièrement  ,m  bon 
dîner,  daoi             lus  de  l'hôtel  de 


MON  421 

Montague;  et  qu'enfin  chacun  d'eux 
reçût  en  se  retirant  un  shelling.  Ce 
qu'il  y  a  de  certain,  c'est  le  dîner  et 
le  shelling  donnés,  le  Ier.  mai,  dans 
ces  jardins,  et  la  permission  qu'a 
chaque  convive  d'emporter  son  cou- 
vert :  le  fait  est  connu  de  tous  ceux 
qui  ont  habité  Londres.  D — p — c. 

MONTAGUE  (  Edouard  Wor- 
tley )  était  fils  de  la  précédente. 
Autant  sa  mère  s'est  distinguée  par 
son  esprit,  autant  Edouard  W.  Mon- 
tagne s'est  fait  remarquer  par  la 
bizarrerie  de  sa  conduite  et  par  les 
aventures  de  sa  vie,  qui  n'a  été  qu'un 
enchaînement  d'actions  singulières. 
A  l'âge  de  trois  ans  ,  il  avait  déjà  fait 
du  bruit  dans  le  monde  ,  ayant  été  le 
premier  Anglais  sur  lequel  on  eût 
essayé  l'inoculation  (  V '.  l'article 
précédent).  En  17 19,  ses  parents 
revinrent  à  Londres  ,  et  le  placèrent 
à  l'école  de  Westminster  :  mais  après 
l'avoir  fréquentée  pendant  quelques 
années ,  il  disparut  ;  et  malgré  des 
perquisitions  continuées  durant  une 
année  entière  ,  on  ne  put  savoir  ce 
qu'il  était  devenu.  Un  jour,  un  ami 
de  la  famille  ayant  affaire  chez  un 
capitaine  de  navire,  et  s'étant  rendu , 
avec  un  vieux  domestique  de  la  mai- 
son de  Montague,  sur  le  port  de 
Blackwall  ,  fut  frappé  de  la  voix 
d'un  enfant  qui  offrait  dans  la  rue 
des  poissons  à  vendre  :  il  l'observe 
de  plus  près  ,  et  reconnaît  avec  sur- 
prise  le  jeune  Edouard,  qui  avait 
changé  d'état.  Celui-ci ,  dès  qu'il  se 
voit  reconnu ,  abandonne  les  pois- 
sons ,  et  se  sauve  à  la  hâte.  On  ne 
tarda  pas  à  découvrir  la  demeure  du 
marchand  de  poissons  chez  lequel 
il  s'était  engagé  depuis  un  an  comme 
apprenti',  et  qui  était  fort  content 
de  lui.  L'ambassadeur  fit  sur-le- 
champ  retirer  son  (ils  de  l'apprcn- 
e  pour  h  ramener  à  Técoledc 


%ra  MON 

Westminster.  Bientôt  après,  Edouard 
disparut  de  nouveau  ;  et  cette  fois  i! 
prit  si  bien  ses  mesures,  que,  malgré 
tous  les  efforts  de  la  famille,  il  fut 
impossible  d'apprendre  de  ses  nou- 
velles. Gomment  se  serait-on  doute, 
en  effet ,  qu'un  enfant  de  dix  ans 
irait  engager  ses  services  à  un  maître 
de  bâtiment, prêt  à  mettre  à  la  voile 
pour  le  Portugal;  et.  qu'à  peine* dé- 
barqué à  Oporto,  il  s'échapperait  des 
mains  de  son  maître  pour  errer  à 
l'aventure  dans  un  pays  où  le  lan- 
gage des  habitants  lui  était  inconnu? 
c'est  pourtant  ce  que  fît  le  jeune 
Edouard.  On  était  alors  dans  la  sai- 
son de  la  vendange.  L'enfant,  courant 
à  travers  les  champs  d'Oporto,  offrit 
ses  services  aux.  vignerons  ,  en  fut 
accueilli  tant  bien  que  mal,  et  apprit 
un  peu  de  portugais.  Il  avait  vécu 
chez  les  paysans  deux  ou  trois  ans  , 
lorsqu'un  d'eux  lui  commanda  de 
conduire  des  ânes  chargés  à  la  fac- 
torerie anglaise  sur  la  côte.  Edouard 
IMontague  se  met  en  route;  mais  ar- 
rivé à  la  factorerie ,  il  y  trouve  son 
ancien  maître  de  navire,  et,  de  plus , 
le  consul  anglais  à  qui  l'on  avait  en- 
voyé son  signalement.  On  le  recon- 
naît; et ,  malgré  lui,  on  l'embarque 
pour  l'Angleterre.  Ses  parents  déso- 
lés le  comblent  de  caresses.  Cependant 
le  jeune  Montagne,  dont  le  goût  pour 
la  vie  aventurière  semblait  l'em- 
porter sur  tous  les  sentiments ,  dé- 
joua une  troisième  fois  l'espoir  de 
sa  famille  :  devenu  plus  robuste,  il 
s'engagea  celte  fois  comme  matelot 
dans  un  bâtiment  destiné  pour  la 
Méditerranée.  Le  père,  irrité  d'une 
désobéissance  aussi  obstinée,  ne  vou- 
lut plus  faire  aucune  démarche  pour 
un  fils  qui  le  fuyait  avec  tant  d'ar- 
deur. Le  même  ami  de  la  famille  qui 
avait  retiré  Edouard  do  l'apprentis- 
'  Ue.z  le  marchand  de  poissons, 


MON 

le  ramena  encore  à  la  maison  pater- 
nelle, et  le  réconcilia  avec  ses  pa- 
rents. Il  fut  convenu  alors  que,  puis- 
que le  jeune  homme  avait  un  goût 
si  décidé  pour  les  voyages ,  il  irait 
aux  Indes-Occidentales  avec  ce  fidèle 
ami  de  la  maison,  nommé  Forster  , 
et  qu'il  ferait  ses  études  en  voya- 
geant. Le  précepteur  et  l'élève  s'em- 
barquèrent en  conséquence  pour  les 
îles  :  ils  y  passèrent  quelques  années  ; 
et  il  paraît  que,  tout  en  courant  le 
monde  ,  le  jeune  Montagne  ne  laissa 
pas  de  s'instruire  assez  profondément 
dans  le  latin   et  le  grec.  Lorsqu'ils 
revinrent  en  Angleterre ,  les  parents 
crurent  que  M.   Forster  leur  rame- 
nait un  enfant  entièrement  guéri  de 
sa  folie.  Ils  procurèrent  à  leur  fils 
un  emploi  public  ;  et,  en  1 747 ,  ils  le 
firent  nommer  un  des  chevaliers  du 
comté  d'Huntingdon.  Mais  on  eût  pu 
croire    qu'Edouard   n'ambitionnait 
que  la  qualité  de  chevalier  errant  :  il 
joua;  il  s'endetta,  et  ne  trouva  d'au- 
tre moyen  de  se  tirer  de  ses  embarras 
que  de  quitter  encore  l'Angleterre,  il 
vint  à  Paris,  en  1^5  1;  et  la  première 
aventure  qu'il  eut  dans  cette  capitale, 
le   conduisit    dans   les   cachots  du 
grandChâtelet.  Un  riche  juif,  nom- 
mé Abraham  Paybot,  l'avait  accusé 
de    s'être    entendu    avec    plusieurs 
complices,  pour  l'entraîner  dans  un 
tripot,  où  ils  l'avaient  enivré,  forcé 
de  jouer ,  et  dépouillé  de  son  argent  et 
de  ses  bijoux,  en  lui  enlevant,  en 
outre,  sa  maîtresse.  Le  procès  fut 
instruit  devant  le  lieutenant-criminel 
de  Paris  :  ce  juif,  ne  pouvant  prou- 
ver   les    charges    proférées    contre 
Montagne  et  un  doses  compatriotes, 
fut  condamné  à  payer  à  chacun  d'eux 
10000  livres   à  titre  d'indemnités. 
Mais,  ayant  appelé  de  cette  sentence 
à  la  haute-cour  de  la  Tournellc,  il 
eu  obtint  un  jugement  qui  cas- 


MON 

premier,  et  mit  les  plaideurs  hors 
de  cour.  Tl  parut  dans  ee  procès  plu- 
sieurs  mémoires ,  pour    et    contre 
chacune  des  deux  parties.  Apres  ce 
fâcheux  début  à  Paris  ,   Montague 
revint  à  Londres  ;  et  maigre  la  tache 
qu'une  pareille  affaire  devait  laisser 
sur  sa  réputation,  il  fut  élu  ,  en  i  7  5  i, 
membre    du   parlement.   Le   grand 
Chàlelet  l'avait  un  peu  dégoûte  des 
aventures  ;    il  devint  sage  ,  vécut 
dans  la  retraite  à  la  campagne,  y 
étudia  l'histoire,  et  écrivit  des  Ré- 
flexions sur  les  progrès  et  la  chute 
des  anciennes  républiques  ,  avec  des 
aiiplications  à  L'état  actuel  de  l'An- 
gleterre ,   1 7  jg  ( i  ).  Quelque  temps 
après  i!  perdit  son  père,  qui,  quoique 
très-riche,  nelui  laissa  que  ioooliv. 
sterling  de  revenu ,  en  réservant  800 
liv.  sferl.  de  rente  pour  la   femme 
qu'il  épouserait,   et  une  belle  terre 
dans  le  Yorkshire  pour  le  (ils  qui 
naîtrait  de  ce  mariage.  Sa  mère,  qui 
mourut  un  an  après  son  père,  ne 
lui  lé-ua  qu'une  guinée  ,  en  laissant 
toute  sa  succession  à  la  sœur  d'E- 
douard, qui  avait  épousé  le  comte  de 
Bute.   C'est  ainsi  que  ses  parents  le 


(»)Ti  ,,//e  ,/,< 

- 

jis  ,  1 7' »» » ,  in  m.  Cautwel  m  i  .ne  Irn- 

ductien  (  D»  la  hnitsai 
uhlùiuet  )  ,   il...-. 

Kings- 
ton ,  ineinne  qui  |   .m*  |j_ 

-  iqde  qui  ;.vail   été    ,  h 
lil-   de  i 

pour  m.  obtenir  du  pi- 
■    que  li*   j«uua 

■ 

pareille 
il   laite 
et  qui  [>a 

I    U'eut     lieu, 
I  I     ittribut; 

,  tuti»  ou  n'ni- 


•|)i  ucl  jil 
.i,..,,,,,., 


di'iuc  paj  le  lîci 


MON  423 

punirent  des  folies  de  sa  jeunesse. 
Cependant  le  comte  de  Bute ,  sou 
beau-frère,  fut  assez  généreux  pour 
lui  céder  une  partie  de  la  succession. 
Devenu  maître  d'une  assez  grande 
fortune,  Edouard  Montague  ne  son- 
gea plus  qu'à  satisfaire  son  goût  pour 
la  vie  aventurière.  Ses  courses  sur 
le  continent  d'Europe  ont  été  telle- 
ment multipliées,  que  l'on  ne  peut  in- 
diquer que  celles  dont  il  a  parlé  lui- 
même,  ou  dont  nous  connaissons  les 
détails  parles  rclationsd'autres voya- 
geurs. C'est  ainsi  que  nous  savons 
qu'il  se  trouvait ,  en  1  "fyi ,  à  Turin  ? 
parce  qu'il  adressa  de  là  au  comte 
de  Macclesfield  deux  lettres  archéo- 
logiques, qui  furent  lues  à  la  société 
royale  de  Londres,  et  publiées  sous 
le  titre  de  Remarques  sur  un  pré* 
tendu  buste  antique  à  Turin,  in-4°. 
Les  Lettres  de  Sharpe,  sur  l'Italie, 
nous  apprennent  comment  Montague 
employa  les  trois  années  suivantes. 
II  parcourut  la  Terre-Sainte  ,  l'E- 
gypte (  1  )  et  l'Arménie  :  avec  le  Vieux 
et  le  Nouveau  Testament  à  la  main  , 
ii  chercha  la  route  des  Israélites  à 
travers  le  désert.  Il  avait  laissé  croî- 
tre sa  barbe;  il  s'était  coiffé  à  l'ar- 
ménienne ,  et  il  ne  se  nourrissait  que 
de  riz,  d'eau  et  de  café.  Il  efait  de- 
venu  presque  Arabe,  lorsqu'il  repa- 
rut à  Venise,  en  1  -;G5.  Il  parlait  aveo 
enthousiasme  .  de  la  simplicité  des 

s  orientales  ,  aux  Anglais  qui 
allaient  le  voir.  Cependant  Winfcel- 
man,  dans  .ses  Lettres,  nous  apprend 
une  anecdote,  qui  ne  dépose  pas  en 

c  de  la  pureté  des  ma?m 
noire  •  .  A  Alexandrie,  Mon- 

tagne s'était  lié  avec  un  consul  da- 

qui  avait  une  très-jolie  femi 
afin   d'éloigner   le   mari  ,    il    I" 

(  I  1   I  1    v 

vinoii,   dont   Im    icthciclu.»  ..'.  .-ut   été 

publiée». 


4*4 


MON 


charge  de  commissions  importantes 
pour  la  Hollande  ;  et  aussitôt  qu'il 
sut  que  le  trop  crédule  consul  était 
arrive  dans  ce  pays ,  Montague  alla 
trouver  la  femme   avec  une  lettre 
à  la  main ,  qui  lui  annonçait  qu'elle 
était  veuve.  Soit  que  cette  femme 
fût  encore    plus    crédule   que   son 
mari,  soit  qu'elle  feignit  de  l'être, 
elle  pleura  le  consul ,  et  épousa  no- 
tre voyageur,  qui  l'emmena  en  Sy- 
rie :  voilà  ce  que  raconte  Winkel- 
man.  Montagne  ne  s'est  jamais  vante' 
de  ce  tour  infâme;  mais  il  avoue  , 
dans  une  lettre  au  P.  Lami ,  qu'il 
a  joué  tous  les  rôles  dans  ses  voya- 
ges. «  Chez  les  nobles  d'Allemagne , 
»  dit-il ,  j'ai  fait  l'ecuyer  ;  j'ai  été 
»  laboureur  dans  les  champs  de  la 
»  Suisse  et  de  la  Hollande;  je  n'y 
»  ai  pas   même  dédaigné  l'humble 
»  métier  de  postillon  :  à  Paris,  je 
»  me  suis  donné  les  airs  d'un  pelit- 
»  maître  :  j'ai  été  abbé  à  Rome  :  à 
»  Hambourg,  j'ai  pris  la  grave  con- 
»  tenance  d'un  ministre  luthérien, 
•»  et  j'ai  raisonné  théologie,  de  raa- 
»  niére  à   rendre  le  clergé  jaloux. 
»  Bref,  j'ai  joué  tous  les  rôles  que 
3>  Fielding  donne  à  son  Julien,  et 
»  j'ai  eu  le  sort  d'une  guinée,   qui 
î>  est  tantôt  entre  les  mains  d'une 
i)  reine ,  et  tantôt  dans  le  sac  d'un 
»  sale  Israélite.  »  Cet  aveu  semble 
confirmer  ce  que  l'on  rapporte  de  ses 
changements  de  religion.  Anglican 
de  naissance  ,  il  se  fit,  dit-on,  catho- 
lique en  Italie,  et  musulman  en  Tur- 
quie. L'islamisme  lui  plut  apparem- 
ment de  préférence  aux  autres  reli- 
gions ;  il  en  pratiqua  du  moins  les 
rites  tout  le  reste  de  sa  vie.  On  pré- 
tend même  qu'il  recevait  une  pension 
de  la  Porte  othomane  ;  et  comme  sa 
mère  avait  séjourné  quelques  années 
à  Gonstantinople  ,  et  avait  pénétré 
dans  les  harems ,  la  malignité  ajouta 


MON 

qu'Edouard  Montague  était  fils  du 
grand-seigneur.  Mais,  sous  ce  rap- 
port, l'honneur  de  ladyMontague  est 
à  couvert:  car  elle  eut  cet  enfant  avant 
son  voyage  en  Turquie.  Ce  qu'il  y 
a  de  certain ,  c'est  qu'Edouard  Mon- 
tague s'était  tellement  identifié  avec 
la  vie  des  Musulmans  ,  que  l'imam 
le  plus  scrupuleux  n'aurait  pu  l'accu- 
ser de  négligence.  Il  se  levait  avec 
le  soleil ,  faisait  ses  ablutions  ,  et  se 
tournait  vers  l'Orient  dans  ses  prières, 
qu'il  marmottait  en  arabe.  On  dit 
qu'il  voulut  aussi    que    sa   femme 
embrassât  le  mahomélisme  :  il  n'en- 
seignait pas  d'autre  religion  à  un  en- 
fant presque  noir,  qui  l'accompagnait 
dans  ses  voyages  en  Orient  ,  et  qui 
passe  pour  avoir  été  son  fils  ;  il  l'ap- 
pelait Fortunatus ,  et  ne  lui  parlait 
qu'arabe.  11  avait  lui-même  appris 
à  fond  cette  langue  (i),  pour  plaire 
à  une  femme  arabe  dont  il  parle  avec 
enthousiasme  dans  ses  lettres.  Cepen- 
dant ce  zélé  Musulman  avait  con- 
servé de  son  éducation  anglaise  un 
goût  assez  vif  pour  l'étude  des  anti- 
quités. Il  adressa  à  la  société  royale 
de  Londres ,  le  récit  de  son  Foyage 
du  Caire  au  désert  de  Sinaï,  et  ses 
Observations  sur  la  colonne  de  Pom- 
pée auprès  d'Alexandrie.  Ces  deux 
Mémoires  ont  été  insérés  dans  les 
volumes  56  et  57  des  Transactions 
philosophiques.  Après  avoir  fait  de 
nouveaux  voyages  dans  l'Orient,  de- 
puis 1 766  jusqu'en  1773,  il  revint  en 
Italie  avec  l'intention  de  se  préparer 
au  pèlerinage  de  la  Mecque.  A  Venise, 
le  duc  d'flamilton,  curieux  de  con- 
naître un  compatriote  aussi  original, 
s'étant  annoncé  pour  lui  rendre  vi- 
site ,  Montague  le  reçut  à  la  manière 
orientale. Assis,  les  jambes  croisées, 

(0  U  possédait  encore  l'hébreu,  le  rhaldcea  et  le 
persan,  aussi  biea  <jue  **  ku^ue  uatvudk. 


MON 

sur  un  coussin ,  il  fit  présenter  au 
duc  du  café ,  et  brûler  devant  lui  des 
parfums  dans  une  cassolette  :  il  se 
parfuma  lui-même  la  barbe,  qui  lui 
descendait  jusqu'à  la  ceinlure.  Dans 
cette  entrevue,  il  lit  le  plus  grand 
éloge  des  Turcs:  c'étaient ,  selon  lui, 
les  gens  les  plus  hospitaliers  .  les  plus 
généreux  et  les  plus  sages  de  la  terre. 
Dans  la  même  ville  ,  l'habile  peintre 
anglais  Romney  le  visita  plusieurs 
fois,  et  fit  son  portrait,  que  l'on  con- 
serve encore  en  Angleterre  ,  et  qui  a 
e'té  grave1.  Ce  fut  en  dînant  avec  ce 
peintre,  que  Montague  ,  ayant  le  go- 
sier embarrasse  d'un  os  de  perdrix, 
tomba  malade  ;  ses  domestiques  ap- 
pelèrent à  la  haïe  un  prêtre  :  celui-ci, 
informe  des  aventures  de  Montague, 
lui  demanda  dans  quelle  foi  il  vou- 
lait quitter  le  monde.  J'espère  que 
ce  sera  dans  celle  d'un  bon  musulman, 
répondit  Montague  sans  hésiter.  11 
mourut  quelques  jours  après  (  le  2 
mai  177G),  et  fut  enseveli  dans  le 
cloître  d'un  couvent  à  Padoue ,  où 
une  table  de  marbre  avec  une  ins- 
cription indiquait  encore ,  il  n'y  a 
pas  longtemps  ,  le  lieu  de  sa  tombe. 
Il  avait  laisse  un  testament,  parlequel 
il  ordonnait  que  son  fils  Fortunatus , 
oxiMasioud,  fût  élevé  en  Angleterre , 
pourvu  qu'il  n'apprît  ni  le  latin  ni 
le  grec  ,  et  qu'il  n'habitât  point  la 
ville  de  Londres  ,  ni  ■  -  deux 

universités  anglaises.  Ce  t<  -.lanient 
pourvoyait  aussi  au  sort  d'un  iils  , 
héritier  de  son  nom  dans  l'Inde  ,  et 
d'une  fille  qui  avait  pris  le  voile  au 
couvent  desUrsulines  a  Rome.  Os 
deux  entants  paraissent  être  issus  d'un 
autre  mariage  que  celui  qu'il  avait 
contracté  furtivement  en  Egypte,  i  Fne 
Notice  détaillée  lui  m  vie  9  été  insé- 
rée dans  17//'.v/.  toté de  /.<;- 
cester,  et  reimprim  j  ■ .  vol, 
des   AiLtcdolcs  littéraires  du  dix- 


MON 


4^5 


huitième  siècle ,  par  J.  Nichols  , 
Londres,  181a.  D — g. 

MOiNTAGUE  (Elisabeth),  dame 
anglaise ,  aussi  distinguée  par  son 
érudition  que  par  son  esprit,  était 
fille  de  Mathieu  Robinson,  riche 
propriétaire  ,  et  d'Elisabeth  Drakc. 
Elle  naquit  à  York,  le  2  octobre 
1720,  et  fut  élevée  à  Cambridge,  où 
résidait  sa  famille  ,  par  les  soins  du 
docteur  Conyers  Middleton  (  V.  ce 
nom,  pag.  3  ) ,  second  mari  de  sou 
aïeule.  Le  docteur  Middleton  exigeait 
que  sa  jeune  et  belle  pupille  lui  pré- 
sentât le  résume  de  toutes  les  con- 
versations savantes  auxquelles  elle 
était  souvent  présente  dans  sa  so- 
ciété :  il  l'habitua  ainsi  à  écouter 
attentivement,  et  à  analyser  dans  son 
esprit  tout  ce  qu'elle  entendait.  Elle 
épousa  en  174-*,  Edouard  Montagne, 
petit-fils  du  premier  comte  de  Sand 
wich,  et  membre  de  plusieurs  par- 
lements successifs  pour  le  bourg 
d'ïluntingdon.  Il  mourut  en  1775, 
laissant  à  sa  veuve  une  fortune  con- 
sidérable ,  dont  elle  lit  le  plus  noble 
usage  pendant  le  cours  de  sa  longue 
carrière,  qu'elle  termina,  le  25  août 
1800,  à  l'âge  de  quatre-vingts  ans. 
Mistriss  Montague  se  fit  remarquer 
de  bonne  heure  comme  auteur; 
d'abord,  par  ses  Dialogues  des 
morts,  publiés  avec  ceux  de  lord 
Lyltetton;  et,  ensuite,  par  un  i.ssal 
sur  la  génie  et  les  écrits  de  Skak- 
speare,  qui  parut  eu  »7*'<),  ou- 
vrage classique  et  élégant,  où  l'on 
trouve  beaucoup  plus  de  savoir  et 
de  critique  qu'on  n'eu  devait  atten- 
dre d'une  femme  du  grand  monde. 

La  manière  dont  Les  jugements  de 

Voltaire  sont  relevés  dans  cel  I 
entrepris  surtout  pour  venger  Sliak- 
speare  des   sarcasmes  de  l'auteur  de 

la  Hcnriade,  attira  à  mistriss  Mon- 
tague i'anuuadvcriuu  de  cet  homme 


fcQ 


MON 


illustre,  qu'elle  avait  autrefois  connu 
en  Angleterre  :  il  ne  lui  pardonna  ja- 
mais, et  il  ne  pouvait  prononcer  son 
nom  de  sang-froid  (  i  ).  Mistriss  Mon- 
tagne ayant  fait  un  voyage  en  Fran- 
ce, envoyason  Essai  sur  Shakspeare 
a  Voltaire,  avec  cette  épigraphe: 


Immolât. 


Pallas  te,  hoc  vulnere ,  Pallas 


Se  trouvant  à  Paris  ,  quelques  an- 
nées après  (  1776  ) ,  elle  apprit,  en 
société,  que  le  philosophe  de  Ferney 
avait  dit  que  ce  n'était  pas  une  mer- 
veille de  trouver  quelcpies  perles  dans 
l'énorme  fumier  de  Shakspeare:  elle 
répliqua  vivement,  en  faisant  allu- 
sion aux  emprunts  de  Voltaire,  que 
c'était  pourtant  à  ce  fumier  qu'il  de- 
vait une  partie  de  son  meilleur  grain. 
Mistriss  Montagne  vivait  dans  l'in- 
timité de  tout  ce  qu'il  y  avait  de 
grand  et  d'illustre  dans  les  lettres  en 
Angleterre.  Pope,  Johnson,  Golds- 
mith  ,  Pulteney  ,  depuis  lord  Bath  , 
Lyttelton,  Burke,  etc.,  formaient  sa 
société  (2),  Le  docteur  Bcattie  et 
mistriss  Carter  furent,  pendant  toute 
leur  vie,  ses  amis  et  ses  correspon- 
dants. Mistriss  Montagne  joignait  à 


(t)  Voltaire,  dans  s»  Lettre  à  l' tir  a  demie  française, 
lue  le  «5  auguste  177!),  juge  sévèrement  Iç  tragique 
anglais.  Il  avait  fait  la  même  chose  clans  son  Appel  à 
tontes  les  nu/ions  de  l'Europe,  i;fn  ,111-80.  Mistriss 
Montague  prù  la  plume  pour  ia  défense  de  son  com- 
patriote ;  et  son  ouvrai;:'  a  él(;  traduit  en  français  sous 
te  titre  :  Apologie  rU  Shakspeare  ,  en  réponse  à  la 
critique  de  M,  de  Voltaire  ,  1777  ,  in- 80.  Voilaire  la 
«élu  ta  dais  une  nouvelle  Lettre  à  l'académie  fran- 
çaise ,  imprimée  à  la  tête  d'Irène.  A.  lï— "t. 

{%)  Mistriss  Montagne  avait  formé  une  société  lit- 
téraire qui,  pendant  plusieurs  années,  attira  l'atten- 
tion générale ,  sou>  le  nom  lie  Ciuh  de<;  bas  bleus. 
(  Bine  stockings  club.  )  On  s'est  livré  dans  le  temps 
i,  beaucoup  de  conjectures  pour  trouver  l'origine  de 
cMte  singulière  dénomination.  11  parait  qu'elle  pr ..- 
vint  de  1e  qu'une  personne  qui  en  faisait  partie,  s'e- 
taut  excusée  de  paraître  ;'i  une  îles  premières  réu- 
nions, parce  qu'elle  était  en  déshabille  du  malin  ,  il 
lui  fut  répondu  qu'on  s'occupait  peu  de  costuinedans 
une  société  uniquement  consacrée  a  cultiver  l'esprit. 
»<  Ou  fait  si  peu  d'attention  à  l 'habillement  des  per- 
>i  son  nés  qui  s'y  rendent,  ajduta-t-on,  qu'un  gcnlil- 
l>  homme  en  bas  bleus  ne  serait  même  pas  trouve* 
}j  mis  ridiculement.  » 


MON 

un  profond  jugement  et  à  une  ima- 
gination vive  et  brillante,  un  goût 
aussi  pur  que  sévère.  Le  recueil  des 
Lettres  que  nous  avons  d'elle,  et  tout 
ce  que  les  contemporains  racontent 
du  charme  de  sa  conversation,  à-la- 
fois  instructive  et  piquante ,  prou- 
vent qu'elle  méritait  l'estime  que  les 
gens  les  plus  érudits  accordaient 
à  ses  talents.  Elle  avait  cependant 
le  défaut  de  vouloir  se  conformer 
trop  strictement  aux  mœurs  et  aux 
usages  du  grand  monde  qu'elle  fré- 
quentait. Le  désir  excessif  qu'elle 
avait  de  plaire  et  d'obtenir  la  répu- 
tation de  femme  à  la  mode  ,  lui  fai- 
sait souvent  adopter  un  ton  léger  et 
frivole,  qui  trompait  les  observa- 
teurs superficiels.  Depuis  sa  mort , 
quatre  volumes  de  sa  correspon- 
dance *b1àt  été  publiés  par  son  neveu 
(  Mathieu  Montagne  ):  il  paraît  qu'il 
se  propose  d'en  faire  paraître  en- 
core, qui  compléteront  sans  doute 
l'idée  favorable  qu'on  s'est  formée 
de  mistriss  Montague.    D — z — s. 

MONTAIGNE  (Michel,  seigneur 
de  ) ,  philosophe-moraliste  fameux 
par  son  livre  des  Essais,  naquit  au 
château  de  Montaigne,  enPérigord, 
le  28  février  1 533,  d'une  famille  an- 
ciennement nommée  Efghem,  ori- 
ginaire d'Angleterre.  Son  père,  bra- 
ve et  loyal  écuyer ,  qui  avait  servi 
dans  les  guerres  au-delà  des  monts  , 
et  qui  avait  rapporté  d'Espagne  et 
d'Italie  un  esprit  orné,  mais  d'ailleurs 
homme  grave  et  simple  ,  l'envoya 
nourrir,  dès  le  berceau,  dans  un  ché- 
tif  village  de  sa  dépendance,  pour  le 
dresser  à  une  manière  de  vivre  com- 
mune, et  le  rallier  à  cette  classe  du 
peuple  qui  a  besoin  de  l'aide  des  au- 
tres classes.  Il  l'avait,  par  les  mêmes 
motifs,  donné  à  tenir  sur  les  fonts  à 
des  personnes  de  la  pins  humble 
condition  afin  de  l'y  attacher,  et  dot 


MON 

le  faire  compatir  naturellement  à  la 
misère  d'autrui.  Mais  le  bon  père  , 
dont  la  lecture  ordinaire  était  le 
Maro-Aurèle  espagnol  de  Guevara  , 
fut  jaloux  de  procurer  de  bonne 
heure  à  son  fils  la  connaissance  des 
Grecs  et  des  Romains,  par  une  voie 
moins  lente  et  moins  tardive  que 
celle  des  écoles.  L'expédient  qu'il 
trouva,  fut  de  le  confier,  en  nour- 
rice ,  avant  le  développement  de  la 
parole,  à  un  maître  allemand,  se- 
condé par  des  maîtres  en  sous- 
ordre,  ignorant  entièrement:  le  fran- 
çais, et  très-versés  dans  le  latin.  De 
ce  moment  ,  on  ne  l'entretint  que 
dans  cette  langue  ;  et  c'était  une  rè- 
gle convenue,  que,  ni  le  père  mê- 
me, ni  la  mère,  ni  les  domestiques, 
ne  s'exprimeraient ,  en  sa  compa- 
gnie ,  qu'en  autant  de  mots  latins 
qu'ils  avaient  appris  pour  pouvoir 
jargonner  avec  l'enfant,  a  Nous  nous 
»  latinisâmes  tant,  »  dit  Montaigne, 
»  qu'il  en  regorgea  jusqu'aux  villages 
»  tout  autour  plusieurs  appellations 
»  latines,  qui  ont  pris  pied  par  l'usa- 
»  ge,etqui  existent  encore.  »  L'idio- 
me vigoureux  de  Tacite  et  de  Sénè- 
que,  qu'il  suça  en  même  temps  que 
le  lait  de  sa  nourrice,  devint  sa  lan- 
gue naturelle.  Elle  influa  sans  doute 
beaucoup  chez  lui  sur  le  français  , 
qu'il  apprit  plus  tard  comme  une 
langue  étrangère,  et  qui ,  venant  d'ê- 
tre nationalisa;  par  François  I 
n'étant  rien  moins  qu'une  langue  fu- 
ie, prit  d'autant  plus  librement,  dans 
un  organe  encore  jeune  ,  la  forme 
empreinte  par  1rs  premières  habi- 
tudes. Locke  qui,  dans  son  Traité 
d'éducation  ,  doit  beaucoup  a  Mon- 
iVnfant  appren- 
l' abord   sa  aelle* 

mais  il  prescril  lui  donner 

un  maître  qui  h  même 

le  latin,   en   c<  c  lui. 


MON  427 

Quant  au  grec,  Montaigne  l'ctudia 
jtar  art ,  mais  sous  forme  à' ébats  et 
d'exercices.  «  Nous  pelotions,  dit-il, 
»  nos  déclinaisons  à  la  manière  de 
»  ceux  qui,  par  certains  jeux  d< 
»  blier  (1),  apprennent  l'arithméti- 
»  <[\\c  et  la  géométrie.  »On  lui  faisait 
goûter  la  science,  comme  le  devoir, 
par  son  propre  désir  ,  sans  forcer  sa 
volonté.  On  l'élevait  ainsi  avec  toute 
liberté,  en  le  sollicitant  doucement, 
au  point  que,  pour  ne  pas  troubler 
son  cerveau  encore  tendre  en  l'ar- 
rachant avec  violence  au  sommeil 
profond  auquel  les  enfants  sont  su- 
jets, son  père  le  faisait  réveiller,  non 
en  sursaut,  mais  au  son  d'un  instru- 
ment agréable.  Cependant  il  n'avait 
point  les  goûts  d'un  enfant  délicate- 
ment élevé ,  et  il  fallut  corriger  en  lui 
le  refus  des  friandises  et  des  douceurs 
que  commuiiémeut  on  aime  le  mieux 
à  cet  âge.  Lorsque  le  père  de  Mon- 
taigne n'eut  plus  autour  de  lui  ceux 
qui  l'avaient  secondé  dans  ses  vues, 
il  fut  forcé  de  suivre  la  routine  ordi- 
naire. 11  envoya  son  fils,  après  l'âge 
de  six  ans,  a  lîordeaux,  au  collège 
de  Guienne,  le  plus  florissant  de 
France  à  celte  époque.  L'instruction 
extraordinaire  que  notre  jeune  Ro- 
main avait  acquise  ,  le  fil  arriver 
d'emblée  aux  premières  classes. Là, 
il  eut  pour  maîtres  Nicolas  Grouchy, 
Guillaume  Glie'renfe,  Buchanan  et 
Muret,  qu'il  nomme  ses  précepteurs 
domestiques , ou  de  chambre.  Lé  ré* 

iirde  l'article  Buchanan,  dans 
la  Biographie  (  M.  Suard  ) ,  ne  pou- 

expliqucr  comment  Monl 
qu'il  suppose  ne  en  1  538  ,  àui 
pour  maître,  à  Bordeaux,  Buchanan, 
qui  énserait  parti  en  1  cours 

a  une  conjecture  qui  1  uvelle 

supposition.  Cebiogiaphea  été  iront- 

(i)  Ecljiquirt. 


4->8 


MON 


pé  par  l'erreur  do  l'édition  de  Coste, 
ou  plutôt  du  président  Bouhicr  ^i), 
sur  l'époque  de  la  naissance  de  Mon- 
taigne, quoique  fixée  Lien  positive- 
ment: par  notre  auteur  à  l'année 
i533.  M.  Suard  eût  facilement  re- 
connu cette  erreur,  s'il  avait  l'ait  at- 
tention que  Montaigne,  en  même 
temps  qu'il  nomme  ses  maîtres,  té- 
moigne qu'à  l'âge  de  douze  ans  ,  il 
jouait  les  premiers  personnages  dans 
les  tragédies  latines  représentées  au 
même  cuilége,  sous  son  principal, 
André  Gouvea ,  qui ,  dès  l'époque  de 
1 547  7  avait  quitté  Bordeaux ,  pour 
se  retirer  en  Portugal.  Quoique  les 
Jésuites  ne  fussent  pas  encore  établis 
en  France,  on  voit  que  ces  spectacles 
étaient  en  usage  dans  les  collèges  ;  et 
iis  remontaient  à  un  temps  antérieur 
à  Gerson,  qui  les  blâmait,  par  un 
autre  motif  que  ne  l'a  fait  de  nos  jours 
le  citoyen  de  Genève.  Notre  philoso- 
phe, moins  sévère,  en  louant  ces 
ébattements  comme  utiles  à  entrete- 
nir les  relations  de  société,  ne  parle 
pas  aussi  avantageusement  des  fruits 
de  ces  études  scolastiques ,  qui  lui 
apprenaient  seulement  les  dériva- 
tions nominales  de  la  vertu ,  «  que 
pous  savons,  dit-il,  assez  décliner, 
si  nous  savons  l'aimer.  »  Quoiqu'il 
eût  pour  maître  ,  dans  Guérenle  ,  un 
commentateur  d'Àristote,  et  que  l'on 
modifiât,  en  sa, faveur,  quelques  rè- 
gles en  usage  dans  les  collèges,  cé- 
lail ,  selon  lui,  toujours  collège. 
Sous  une  langueur  apparente  ,  il 
nourrissait  des  goûts  qui  Importaient 
à  lire ,  à  la  dérobée  ,  des  l'âge  de 
sept  ou  huit  ans,  les  Métamorphoses 
d'Ovide,  comme  le  livre  le  plus  aisé 
qu'il  connût  dans  sa  langue  mater- 


1 1)  Mémoire  sut  In  vie  de  Montaigne  ,  en  lêle  de 
n   ch»  Essais  f  par  Costc,  Louâtes,  Ij3y ,  G 
toi.  m- 12. 


MON 

nelle.  On  feignait  de  n'en  rien  voir; 
et  on  lui  fit  enfiler  de  suite,  en  con- 
jurant à  ce  manège  secret ,  Virgile, 
Tércnce ,  Plaute  ,  etc.  ;  car  taudis 
qu'il  s'appliquait  avec  peine  à  ses 
autres  études,  le  plaisir  éveillait  son 
imagination.  Il  avait  ['appréhen- 
sion lente,  mais  sûre;  et  ce  qu'il 
voyait,  il  le  voyait  bien.  On  ne  cr  ai- 


mait 


ft.^it  pas  qu'il  fit  mal7  mais  quil 
ne  fit  rien.  Quoiqu'il  fût  d'un  natu- 
rel doux  et  traitablc,  il  était  difficile 
de  l'arracher  au  repos ,  même  pour 
le  faire  jouer;  mais  s'il  jouait,  alors 
les  jeux  de  ses  camarades  lui  sem- 
blaient des  actions  sérieuses  ;  il  lui 
répugnait  d'y  mêler  la  finesse  et  la 
ruse,  et  il  allait  toujours  le  droit  che- 
min. Son  esprit,  qui  semblait  inac- 
tif, n'avait  pas  laissé  de  porter  des 
jugements  sur  les  objetsqu'ilconnais- 
sait;  et  il  digérait  librement  et  à  loi- 
sir ses  pensées.  Après  avoir  terminé 
ses  études  à  l'âge  de  treize  ans ,  Mon- 
taigne ,  peu  disposé  à  suivre  la  car- 
rière militaire ,  se  décida  de  faire 
son  cours  de  droit.  Le  même  esprit , 
ennemi  de  toute  contrainte ,  dut  re- 
pousser cette  masse  de  jurisprudence 
coutumière  qui  lui  paraissait  sur- 
charger et  compliquer  des  institu- 
tions déjà  si  multipliées.  Cependant 
il  fut  pourvu,  vers  i554,  d'une 
charge  de  conseiller  ,  dont  il  rem- 
plit les  fonctions  jusqu'à  la  mort 
de  son  frère  aîné ,  suivant  Scévole 
de  Sainte  -  Marthe  ;  et,  quoi  qu'en 
ait  dit  Balzac,  sa  qualité  de  gentil- 
homme ne  lui  fit  pas  dédaigner  le 
titre  de  conseiller,  même  en  écrivant 
à  son  père  ,  en  1 563.  Quoique  l'or- 
donnance de  François  Ier. ,  concer- 
nant la  rédaction  des  actes  en  fran- 
çais, eût  été  rendue  dès  i53g,  les 
actes  continuaient  d'être  écrits  en 
latin  dans  la  province  de  Gascogne 
11  réclamait  contre  cet  usage  :  il  eût 


MU  • 

toulu  aussi  plus  de  simplicité  et 
d'uniformité  dans  le  droit.  11  ob- 
serve qu'il  y  a  plus  de  livres  sur  les 
livres  de  jurisprudence  que  sur  tout 
autre  sujet.  Nous  ne  faisons  ,  dit-il, 
que  nous  entre  -  gloser.  îl  avouait 
qu'il  n'entendait  rien  aux  plaids  et 
aux  affaires  du  palais.  Il  n'y  eut  ja- 
mais ,  dit  Pasquier ,  homme  moins 
chicaneur  et  moins  praticien  que  lui. 
Ce  fut  pendant  qu'il  était  revêtu  de 
sa  charge ,  dit  l'historiographe  de 
Bordeaux  dom  de  Vienne  (i),  qu'il 
fit  plusieurs  voyages  à  la  cour,  et  s'at- 
tira tellement  l'estime  de  Henri  II , 
qu'il  en  reçut  le  cordon  de  Saint-Mi- 
chel ,  distinction  qu'il  témoigne  avoir 
désirée,  jeune  encore,  mais  dont  il 
semble,  en  se  plaignant  du  discrédit 
de  cet  ordre ,  n'avoir  été  gratifié  que 
plus  tard.  Et ,  en  effet ,  Pasquier , 
son  contemporain  et  son  ami ,  dit 
que  Montaigne  fut  fait  chevalier  de 
l'ordre  de  Saint-Michel  sous  Charles 
IX.  Quoi  qu'il  en  soit ,  les  liaisons  du 
conseiller  de  Bordeaux  avec  Pibrac 
et  Paul  de  Foix  ,  ses  compatriotes  , 
conseillers  ainsi  que  lui,  et  sur-tout 
ses  relations  avec  le  chancelier  de 
I/flospital ,  annoncent  la  haute  con- 
fiance dont  il  était  honoré  comme 
magistrat;  de  même  que  sa  noble 
intimité  avec  Etienne  la  Boétic  ,  son 
Confrère,  décèle,  chez,  l'un  comme 
chez  l'autre,  une  aine  nourrie»!, 
timents  puisés  à  la  même  source, 
et  que  n'avaient  pu  dessécher  le 
cupations  arides  du  palais.  Leur 
amitié,  devenue  célèbre,  fut  celle 
d'hommes  faits  :  ils  s'estimaient  , 
avant  de  se  connaître  personnelle- 
ment. La  Boétie  .  dans  sa  jeunesse  , 
i  fait  un  traire'  de  la  Servitude 
volontaire.  M<  leconnais- 


_ 


MON  4?o 

sait  des  sentiments  analogues  aux 
siens,  et  qui  annonçaient  une  ame 
moulée  au  patron  des  siècles  an- 
ciens. Sur  les  rapports  qu'ils  appre- 
naient l'un  de  l'autre,  ils  se  cher- 
chaient ,  sans  s'être  vus.  Enfin  ,  dans 
une  grande  société  à  Bordeaux  ,  ils 
se  rencontrèrent,  et  se  trouvèrent 
aussitôt  si  connus  ,  si  amis  ,  qu'au- 
cun autre  dès-lors  ne  leur  fut  plus 
proche  ,  et  que  tout  bientôt  devint 
commun  entre  eux.  Rien  de  plus  naif 
à  ce  sujet  que  ce  mot  de  Montaigne, 
si  digne  du  bon  La  Fontaine:  «  Si  l'on 
»  me  presse  de  dire  pourquoi  je  l'ai- 
»  mais  ,  je  sens  que  cela  ne  peut 
»  s'exprimer  qu'en  répondant  :  .  .  . . 
»  Parce  que  c'était  lui  ;  parce  que 
»  c'était  moi.  »  L'amitié  de  Mon- 
taigne pour  la  Boétie ,  ne  le  cédait 
qu'à  sa  tendresse  pour  son  père, 
dont  il  rappelle  souvent,  avec  un  vif" 
intérêt,  l'affection,  dans  le  cours  de 
son  livre;  mais  il  a  consacré  en  par- 
ticulier un  chapitre  de  ses  Essais  k 
l'amitié.  Là  ,  son  style  sentencieux 
s'élève,  et  devient  aussi  sentimental 
qu'énergique;  et  telle  est  l'effusion 
de  sa  sensibilité,  qu'on  peut  dire  que 
c'est  l'ame  elle-même  de  Montaigne 
qui  s'épanche  et  déborde  dans  ce 
chapitre.  Une  amitié  si  intime  n'était 
point  une  effervescence  passagère. 
r-'euf  ans  après  la  mort  de  la  Boétie, 
dont  il  a  décrit  les  derniers  moments 
d'une  manière  touchante,  il  témoi- 
gne, dans  ses  Essais,  que  les  plaisirs 
qui  s'offraientà  lui ,  depuis  ce  temps , 
au  lieu  de  le  consoler,  lui  redou- 
blaient le  regret  de  sa  perte.  Nous 
riions,  dit-il  ,  à  moitié  de  tout  :  il 
me  semble  que  je  lui  dérobe  sa  par!. 
Après  dix-nuit  ans  même,  durant 
.son  \oyage  d'Italie,  m  i  58o  ,  lorS- 
qu'il  écrivait  au  cardinal  d*Ossa1  ,  il 
ae trouva  mal,  en  pensant  à  son  ami. 
Montaigne  ne  cru;,  ail  pas  les  femmes 


43o 


MON 


susceptibles  du  même  lien  d'amitié. 
Cependant  il  recherchait  leur  com- 
merce. Sa  sensibilité  physique  l'en- 
traînait vers  le  sexe.  L'imagination , 
l'esprit,  l'attiraient  et  le  retenaient 
auprès  des  femmes  spirituelles.  C'est 
ainsi  qu'il  fit  sa  cour  à  Marguerite  de 
France  ,  sœur  de  Charles  IX  ,  à  la- 
quelle il  offre  un  chapitre  aussi  grave 
qu'intéressant,  le  plus  considérable 
de  ses  Essais  ;  comme  il  adresse  à 
Diane  de  Foix  son  chapitre  de  V Ins- 
titution des  enfants,  et  à  la  dame 
d'Eslissac  ,  celui  de  Y  Affection  des 
■pères  ,  l'un  et  l'autre  d'un  intérêt 
plus  réel  et  d'une  utilité  pratique  qui 
fait  pardonner  le  scepticisme  du  pre- 
mier. Mais  ce  sentiment  d'une  amitié 
tendre  qu'il  cherchait  vainement  au- 
près des  femmes,  il  ne  l'eût  peut-être 
éprouvé  qu'auprès  de  Mlle.  de  Gour- 
nay,  si  elle  eût  vécu  vingt-cinq  ans 
plutôt.  Mmc.  de  Bourdic  (r)  la  fait 
exister  en  même  temps  que  la  Boé- 
tie  ,  et  partager  avec  lui  le  cœur  de 
Montaigne  :  c'est-là  une  erreur  de 
l'enthousiasme, une  pure  fiction  poé- 
tique. Le  lien  conjugal  avait  pu  du 
moins  fixer  en  partie  les  affections 
du  philosophe.  Il  donne  cependant 
à  entendre  qu'en  formant*  un  enga- 
gement, il  céda  plutôt  à  la  conve- 
nance et  à  l'usage  qu'à  son  inclina- 
tion naturelle.  Mais  quoiqu'il  s'a- 
vouât enclin  à  l'amour  des  femmes  , 
et  qu'on  tînt,  dit -il,  ses  mœurs 
pour  licencieuses  ,  il  affirme  qu'il 
avait  observé  plus  sévèrement  les  lois 
du  mariage  qu'il  n'avait  promis  ni 
espéré.  Dans  un  accident  grave  qui 
lui  arriva ,  et  qu'il  décrit  si  pitto- 
resquement ,  lorsque  jeté  à  la  ren- 
verse par  un  choc  violent,  étendu 
parterre  évanoui,  on  le  rapportait  à 


MON 

la  maison;  en  revenant  à  lui,  sos 
premier  mot  fut  de  dire  qu'on  don- 
nât un  cheval  à  sa  femme  qui  venait 
à  sa  rencontre  ,  et  qu'il  voyait  s'em- 
pêtrer dans  le  chemin.  De  même  , 
lorsqu'il  apprend  ,  à  Paris  ,  la  mort 
de  sa  fdle  en  nourrice,  il  envoie  à  la 
mère,  avec  une  lettre  pleine  de  bon- 
homie ,  une  Epîlre  de  consolation  du 
bon  Plutarque ,  écrite  dans  un  cas 
semblable.  C'est-là  pourtant  ce  qui , 
avec  d'autres  passages  isolés ,  l'a 
fait  signaler  comme  un  philosophe 
égoïste  (i);  tandis  que  Montaigne 
témoigne  à  sa  femme  combien  il  est 
marri  que  !a  fortune  lui  ait  rendu  si 
propre  cette  Épftre  ,  traduite  en 
françois  par  feu  sou  ami ,  par  ce  sien 
cher  frère ,  qu'il  lui  rappelle ,  en  s'u- 
nissant  ainsi  à  la  Boétie  et  à  Plutar- 
que pour  la  consoler.  Quoi  de  plus 
spirituel,  et  en  même  temps  de  plus 
délicat  !  C'est  encore  avec  la  même 
naïveté  de  sentiment ,  et  pour  ne  rien 
refuser  ,  dit-il ,  au  commandement 
du  meilleur  des  pères  ,  qu'il  avait 
entrepris  ,  et  qu'il  lui  adressa  la  tra- 
duction de  la  'Théologie  naturelle 
de  Raymond  Sebonde.  Son  père  , 
animé  par  cette  ardeur  avec  laquelle 
le  roi  François  Ier.  avait  encouragé 
les  lettres  ,  tenait  depuis  long-temps 
sa  maison  ouverte  aux  hommes  doc- 
tes et  lettrés  ,  sans  être  lettré  lui- 
même.  Il  avait  accueilli  Pierre  Bu- 
nel ,  qui  lui  remit  l'ouvrage  de  Se- 
bonde elle  lui  recommanda  comme 
un  livre  très-utile ,  à  l'époque  où  les 
innovations  de  Luther  commençaient 
à  prendre  crédit,  et  menaçaient  d'é- 
branler en  beaucoup  de  lieux  l'an- 
cienne croyance.  Montaigne  s'était 
empressé  de  traduire  ce  livre ,  et  de 
l  offrir  à  son  père ,  qui  y  prit  uti 


(x)  Eloge  de  Montaigne ,  Paris ,  au  YHI  (  1800  ) 
ûwS, 


(1)  Discours  qui  a  obtenu  une  mention    au   con- 
cours académique  (par  M.  Iiiot  )  .  Paris,  Miçhaud 
181a  ,  in-8o. 


MON 

singulier  plaisir ,  et  donna  l'ordre 
de  l'imprimer  (i).  C'est  par  des 
preuves  tirées  de  la  raison  naturelle  , 
que  Sebonde ,  à  l'exemple  de  Ray- 
mond Lulle  (  V.  Lulle  ) ,  entrepre- 
nait ,  non  d'expliquer  les  mystères, 
mais  seulement  d'opposer  aux  no- 
vateurs ,  à  l'appui  de  la  foi ,  cette 
même  raison  avec  laquelle  ils  com- 
battaient l'autorité  du  dogme.  Ce  li- 
vre eut  beaucoup  de  succès,  sur- 
tout auprès  des  dames  ,  qui  trou- 
vaient fort  belles  ces  imaginations 
de  la  raison  humaine  en  faveur  de 
la  religion;  et  Montaigne,  le  cham- 
pion de  ces  dames ,  et  du  livre  dont 
elles  goûtaient  la  traduction,  le  dé- 
fendit ,  comme  on  le  verra  ,  contre 
ceux  qui  blâmaient  les  hardiesses 
de  l'auteur ,  ou  qui  taxaient  de  fai- 
blesse ses  arguments.  Mais  il  ne  s'en- 
suit pas  que  ce  furent,  comme  le  dit 
Chaudon  ,  ces  singularités  hardies  , 
transformées  en  erreurs  par  Feller, 
qui,  ayant  plu  à  Montaigne  à  cause  de 
leur  conformité  avec  ses  idées  ,  lui 
firent  tenter  de  traduire  Sebonde;  car 
cette  occupation  lui  parut  étrange  et 
nouvelle;  et  l'on  a  vu  qu'il  ne  l'en- 
treprit qu'à  la  prière  de  son  père. 
Après  l'impression  du  livre  de  Se- 
bonde ,  notre  philosophe  ,  qui  était 
devenu  possesseur  du  château  de 
Montaigne  et  maître  de  lui  -  même, 
s'occupa  de  publier  les  opuscules  qui 
lui  avaient  été  Légués  par  la  Boétie, 
et.  qu'il  dédie  à  ses  proches  et  amis. 
Là  se  trouvent  l'Épitre  de  consola- 
tion, envoyée  à  sa  femme  (2),  et  le 
Discours  qu'il  avait  adressé  à  sou 
père  sur  la  mort  de  la  Boétie.  Mais 


d)  7  nn„d  Sebonde , 

I 


MON 


43f 


par  égard  pour  sou  ami ,  et  à  cause 
des  relations  qu'il  avait  à  la  cour, 
il  ne  crut  pas  prudent  d'y  joindre  lo 
traité  de  la  Servitude  volontaire  , 
dont  eût  pu  abuser  l'esprit  de  parti 
dans  un  temps  de  faction  et  de  trou- 
bles (  1  ).  Une  époque  désastreuse  s'ap- 
prochait; et  notre  philosophe  était  ra- 
mené par  l'agitation  même  à  des  sen- 
timents dont  il  éprouvait  le  besoin. 
Il  s'était  en  quelque  sorte  réfugié  au 
château  de  son  père.  Il  observe  que, 
depuis  la  perte  de  ce  bon  père,  il 
portait,  lorsqu'il  mentait  à  cheval  ? 
un  manteau  qui  lui  avait  appartenu. 
«  Ce  n'est  point,  disait -il,  par  com- 
modité ,  mais  par  délices  :  il  me 
semble  in  envelopper  de  lui.  »  Une 
coinplexion  nerveuse  délicate  n'avait 
pas  peu  contribué  à  cette  sensibilité 
morale.  Quoique  né  et  élevé  à  la  cam- 
pagne, une  liberté  douce,  exempte, 
comme  on  l'a  vu,  de  toute  sujétion 
rigoureuse,  l'avait  éloigné  des  soins 
de  l'économie  domestique,  et  même 
de  tout  exercice  agréable,,  mais  vio- 
lent. La  dureté  lui  paraissait  être  un 
vice  extrême  ;  et  il  était  si  délicat  sur 
ce  point ,  qu'il  entendait  impatiem- 
ment gémir  un  lièvre  sous  les  dents 
de  ses  chiens  ,  quoique  la  chasse  fût 
pour  lui  un  plaisir  bien  vif.  Du  mo- 
ment qu'il  s'était  retiré  eu  sa  maison 
de  campagne  ,  il  était  bien  résolu  de 
ne  se  mêler  de  rien ,  si  ce  n'est  de 
passer  en  repos  le  reste  de  sa  \iv.  II 
avait  cru  faire  une  grande  faveur  k 
son  esprit ,  que  de  le  laisser  s'entrete- 
nir soi-même  ,  et  se  rasseoir  en  soi7 
d'autant  plus  aisément ,  qu'il  était 
devenu,  avec  le  temps,  plus  grave 
et  plus  mûr.  Mais  il  trouva,  qu'au 
rebours  ,  son  esprit,  comme  un  cJie« 
val  échappé,  se  donnait  plus  de  car- 


(i)  Ce  iriiv  >  i  t-   publia  i  la  Mille  «les  Essais, 
duu  U  4*-  eïiliwn  uv.-i'n  pw  ' 


43i 


MON 


rière  avec  lui-même  qu'il  n'avait  fait 
cm  la  compagnie  d'autrui.  Quelques- 
uns  rengageaient  «à  écrire  l'histoire 
des  affaires  de  son  temps,  estimant 
qu'il  les  voyait  d'un  œil  moins  blessé 
par  la  passion ,  et  de  plus  près ,  à 
cause    de   l'accès    que   ses    qualités 
personnelles  et  les  circonstances  lui 
avaient  donné  auprès  des  chefs  des 
divers    partis.  Mais  ,   ennemi  juré 
de  toute  gène ,  il  n'eût  pu  s'assujé- 
tir  à  une  obligation  constante ,   ni 
se  laisser  guider  ;   et   sa   marche  , 
étant  si  libre,  il  eût  publié  des  juge- 
ments que  la  loi  eût ,  à  son  gré ,  jus- 
tement condamnés.  On  a  remarqué 
que  ce  fut  vers  l'époque  de  la  Saint- 
Barlhélemi ,  que  notre  philosophe  , 
humain  par  sentiment,  tolérant  par 
raison,  se  tint  ainsi  à  l'écart,  libre 
de  tout  parti ,  et  attaché  à  son  roi , 
d'une  affection  légitime  et  purement 
civile ,  sans  être  ému  ni  dému  par 
aucun  intérêt  privé.  Ce  fut  du  moins 
vers  1572  ,  qu'il  commença  dans  sa 
retraite  la  composition  de  ses  Essais, 
où ,  dès  l'un  des  premiers  chapitres  , 
d'une  teinte  de  philosophie  un  peu 
sombre ,  due  à  la  gravité  des  circons- 
tances ,  il  annonce  avoir  atteint  l'âge 
de  3g  ans.   Il  dit  qu'une  humeur 
mélancolique ,   opposée  à  sa  com- 
plexion  naturelle,  et  produite  par  le 
chagrin  de  la  solitude  où  il  s'était 
jeté  depuis  quelque  temps,  fut  ce  qui 
lui  mit  d'abord  en  tête  cette  rêverie 
de  se  mêler  d'écrire  ;  et  puis,   se 
trouvant  dépourvu   de  toute   autre 
matière,  il  s'était  présenté  lui-même 
à  lui  pour  argument  et  pour  sujet. 
«  Son  livre,ajoute-t-il,  est  le  seul  livre 
au  monde  de  son  espèce;  »  et  ailleurs , 
dans  son  avis  au  lecteur ,«  c'est  ici  un 
livre  de  bonne  foi.» Néanmoins,  dit- 
il  modestement,  il  avait  voulu  faire 
purement  Y  Essai  de  ses  facultés  na- 
turelles, et  il  n'y  avait  rien  dont  il 


MON 

fît  moins  profession  que  de  science, 
Cependant  sa  bibliothèque ,  accrue 
de  celle  de  son  ami,  était  bien  pour- 
vue de  livres;  et  il  s'en  munissait  dans 
ses  chasses,  comme  dans  ses  autres 
courses  ;  mais  l'histoire  était  son 
gibier  principal  en  matière  de  li- 
vres. Il  avait  cessé  ,  avec  l'enfance  , 
de  goûter  Ovide  ;  l'Arioste ,  malgré 
la  vivacité  de  son  imagination  ,  ne 
l'avait  pas  long-temps  arrêté.  Entre 
les  livres  amusants,  Térence  et  Ca- 
tulle, chez  les  anciens;  chez  les  mo- 
dernes, 13occace  et  Rabelais ,  si  chers 
de  même  au  bon  La  Fontaine  ,  plai- 
saient beaucoup  à  notre  philosophe  : 
mais  il  ne  trouvait  de  commerce  et 
de  plaisir  solide  qu'avec  Plutarque  et 
Senèque.  11  ne  laissait  pas  d'étudier 
Tacite,  et  de  lire  beaucoup  Lucrèce 
et  Horace ,  qu'il  cite  très  fréquem- 
ment. 11  rêvait  à  ses  lectures  dans 
ses  courses  à  cheval;  et  c'était  même 
en  se  promenant ,  qu'il  lisait  et  mé- 
ditait dans  sa  bibliothèque;  car  mes 
pensées  dorment ,  dit-il ,  si  je  les  as* 
sieds.  Là  on  le  voit  feuilletant,  soit  un 
livre  ,  soit  un  autre ,  sans  ordre  et 
sans  dessein  apparent.  Là  ,  tantôt  il 
note  ,  tantôt  il  pense,  et  dicte  ,  en 
marchant ,  ce  qu'il  a  noté  et  pensé. 
Il  avait  une  mémoire  d'idées  plutôt 
que  de  mots.  Ce  qui  lui  demeurait 
dans  l'esprit ,  il  ne  le  reconnaissait 
plus  pour  être  d'un  autre  :  son  ju- 
gement en  avait  fait  son  profit.  Ses 
emprunts  se  trouvent  par-là  quel- 
quefois confondus  avec  ses  propres 
pensées  :  il  veut  plaisamment  que 
ses  lecteurs  donnent  ainsi  à  Plutarque 
et  à  Sén èque  une  na sarde  sur  son 
nez.  Tel  on  l'a  vu,  dans  ses  prome- 
nades et  dans  son  cabinet ,  passant 
de  la  méditation  à  la  lecture  ,  de  l'é- 
tude des  autres  à  celle  de  lui-même  , 
observant  et  réfléchissant,  remar- 
quant ?  extrayant  tour-à-tour  3  tel  il 


MON 

parcourt ,  dans  son  livre  ,  dans  ses 
chapitres  mêmes  ,   tous  les  sujets , 
tous  Les  textes ,  sans  plan  arrêté,  sans 
objet  suivi,   mais  non  sans  un  but 
indirect  ou  éloigne.  S'il  ignore  fré- 
quemment où  il  va,  il  sait  toujours 
où  il  vent  aller:  car  ,  quoiqu'il  coure 
ainsi  d'une  idée  à  une  autre  ,  sans 
transition  sensible  ,  et  qu'il  s'éloigne 
de  son   propos  ,  qui   cesse  bientôt 
d'être  celui  du  titre  ou  du  chapitre  , 
il  y  revient  toutefois ,  et  il  y  ar- 
rive souvent  à  la  fin.  Ces  irrégula- 
rités deviennent  de  plus  en  plus  sen- 
sibles dans  les  diverses  éditions  qu'il 
a  données  depuis  celle  de  1 58o  ,  la 
première  de  ses  Essais  (  i  );  car ,  à  cha- 
que édition,  il  ajoutait,  retranchait, 
intercalait,  citait  de  nouveau,  sans 
corriger,  sans  lier  ni  refondre.  Son 
style  se  ressent  du  désordre  de  ses 
discours   :    il   est   vif ,    sautillant  , 
fort,  entraînant,  ondoyant  et  divers, 
comme  son  esprit.  L'énergique   li- 
berté de  son  langage  égale  aussi  la 
liberté  de  ses  pensées  :  si  elles  sont 
plus   mesurées   en   ce  qui   se   rap- 
porte à  sa  conduite  morale  dans  la 
vie  civile  ,  c'est  que  les  convenances 
et  les  lois,  respectées  par  le  citoyen  , 
exerçaient  leur  influence  sur  ses  opi- 
, .  et  contenaient  le  philosophe. 
Au  reste,  une  liberté  de  pensai-,  si 
conforme  à  ses  dispositions 
relies  dans  tout   ce  qui  est  du  res- 
sort de  la   raison   humaine   consi- 
dérée eu  elle-même  et  relativement 

aux  motifs  tirés  de  nos  affections  di- 

;  le  conduire  .  surtoul 

•  -Mips  de  discussions  sub- 

tilcs  et  d'agitation  presque  générale , 


(1)  /  '  itaigne  , 

■a, 

- 


MON  435 

a  reconnaître  et  à  peindre  cette  fluc- 
tuation d'idées  et  île  sentiments  ,  qui 
ne  caractérise  que  trop  les  hommes 
livres  à  l'incertitude  d'une  raison plus 

ou  moins  troublée  par  la  passion  , 
et  dès-lors  presque  toujours  eu  con- 
flit avec  le  principe  des  lois  socia- 
les et  religieuses.  C'est  surtout  dans 
sa  dernière  édition  des  Essais  ,  édi- 
tion grossie  principalement  par  les 
additions  faites  au  chapitre  le  plus 
étendu,  dont  on  a  parlé,  et  par  l'aug- 
mentation d'un  nouveau  livre  for- 
mant le  tiers  de  l'ouvrage  (1),  que 
Montaigne  devient  tout  à-fait  l'his- 
torien de  l'homme,  qu'il  montre  sous 
ses  différentes  faces,  en  achevant  de 
tirer  de  lui  -  même  ses  propres  vues 
et  de  faire  son  portrait.  Cette  con- 
naissance morale  de  l'homme  ,  et 
les  traits  historiques  tant  modernes 
qu'anciens ,  tant  étrangers  que  na- 
tionaux, dont  il  joint  les  exemples 
aux  siens  ,  même  dans  ses  deux  pre- 
miers livres  ,    ont  fait  penser  qu'il 
avait  déjà  voyagé  hors  de  France, 
lors  de  la  composition  de  son  ou- 
vrage. M.  Villemain,  entre  autres, 
en  faisant  l'Éloge  de  l'observateur? 
philosophe     (a),    paraît    l'avoir 
cru.    Mais    il    est   certain    que    le 
voyage  de  Montaigne,  en   Allema- 
gne, en  Suisse,  en  Italie,  est  posté- 
rieur a  la  publication  qu'il  fit  de  ses 

Essaie,  en  mars  t58o.  Ce  qui  a 
trompé  quelques  biographes,  ('est 
«pie  plusieurs  faits  de  ce  voyage  ouf 
été  insères  par  l'autour  même,  dès 
i58'i,dans  les  édifions  qu'il  a  don- 
nées avanl  que  [ouvrage  eûl  n 
dernière  forme.  IVIais  ces  faits  ne 
ernentguère  que  les  séjoui 


Pari»'  I 

.  Itutilu»  ,  l'jri 


. 


V><i 


MON 


bains  de  Plombières  ,  de  Bade  ,  et 
surtout  à  ceux  délia  Villa,  près  de 
Lucques.  C'etait-là  sans  doute  l'objet 
principal  de  son  voyage;  et  c'est  en 
effet  la  partie  la  pins  considérable 
de  son  Journal  posthume  (i),  qui 
n'était  pas  destine  à  voir  le  jour. 
Mais  Montaigne ,  avant  la  composi- 
tion de  ses  Essais,  avait  beaucoup 
voyage  en  France.  Il  observe  que  la 
conversation  ,  dans  ses  courses  et 
dans  ses  voyages ,  était  pour  lui  une 
des  meilleures  écoles,  où  il  apprenait 
toujours  quelque  chose,  en  ramenant 
ceux  avec  lesquels  il  s'entretenait 
aux  matières  qu'ils  connaissaient  le 
mieux.  11  allait  souvent  à  Paris , 
et  à  la  cour,  où  l'appelait  sa  place 
de  gentilhomme  de  la  chambre  du 
roi.  11  s'était  trouvé  à  Bar-le-Duc 
avec  Henri  IL  II  avait  accompagne 
Charles  IX  à  Rouen,  probablement , 
ditBouhier,  lors  de  la  déclaration 
de  la  majorité  de  ce  prince  ,  auquel 
furent  présentés,  par  son  entremise  , 
les  sauvages  Américains  dont  il 
parle  dans  le  chapitre  des  Cannïba- 
\ts ,  où  il  oppose  les  mœurs  barba- 
res et  simples  de  ces  peuples,  tels 
qu'on  les  connaissait  alors,  aux  ac- 
tes trop  fréquents  de  conduite  atroce 
auxquels  il  avait  vu  se  livrer  ses 
concitovens ,  sous  prétexte  de  reli- 
gion. L'abbé  ïalbert  (2)  dit  qu'on 
sait  que  Montaigne  servit  de  secré- 
taire à  Catherine  de  Médicis,  dic- 
tant ses  instructions  à  son  ûh.  Cette 
asseriion  peut  sembler  hasardée.Mais 
il  est  sûr  que  Marguerite  de  Fiance  , 
princesse  d'un  esprit  vif,  et  portée 
à  la  galanterie,  recevait  les  conseils 
du  philosophe.  Le  livre  de  Sebon- 


la  Su 


Ktniàl  du  voyage  de  Montai gtîe  en  Italie, 
peu  la  Suisse  et  l'A  fie  magne,  en  i58o  et  i58i,  pu- 
blié parQnerlon  ,  P-.rrs,  i  —  '.,  i  vol.  in-1'7 

(■> .  El  aigne  .  qui  a  remporté"  le  prix 

d'élormeuce  de  l'acail.   de   Bordeaux,    1773,    iu-ia. 


MON 

de  ayant  eu  de  la  vogue  même  à  la 
cour,  mais  ayant  déplu  d'une  part 
aux  esprits-forts,  et  de  l'autre  aux 
théologiens,  le  traducteur  ,  consulté 
par  cette  princesse,  répondit  aux 
premiers  en  attaquant  la  raison  hu- 
maine avec  une  force  qu'admirait 
Pascal ,  et  aux  seconds  en  défendant 
cette  même  raison  naturelle  alléguée 
par  Sebonde.  Ces  moyens  contradic- 
toires développés  dans  le  long  cha- 
pitre xii  déjà  cité  du  deuxième  livre , 
sont  ce  qui  a  fait  surtout  accuser 
Montaigne  de  scepticisme  :  il  les 
propose,  à  la  vérité  ,  comme  des  ar- 
mes diverses  dont  il  se  sert  contre 
des  adversaires  différents  ;  et  il  con- 
seille à  la  princesse,  après  s'être 
escrimé  lui-même  à  outrance,  de  res- 
ter ,  quant  à  elle ,  aussi  modérée  dans 
ses  opinions  que  dans  ses  mœurs,  eu 
tenant  un  juste  milieu  entre  les  deux 
extrêmes.  Mais  il  faut  convenir  que 
les  raisonnements  du  philosophe, 
fortifiés  encore  de  nouvelles  raisons, 
l'ayant  conduit  à  adopter  définitive- 
ment pour  devise  :  Que  sais-je?  et 
cela ,  avec  tout  le  sang-froid  de  l'âge 
et  de  la  réflexion  (  i  ) ,  c'était  pré- 
senter à  Marguerite  et  aux  lecteurs, 
pour  dernier  résultat  ,  la  balance 
du  doute  ,  bien  plutôt  que  l'équilibre 
de  la  raison.  L'éditeur  de  la  nouvelle 
Collection  des  moralistes  français , 
où  figure  en  tête  notre  philosophe 
('2) ,  infère,  des  derniers  mots  du 
chapitre  xv  du  2e. livre  des  Essais, 
que  Montaigne  avait  trente  ans  , 
lorsqu'il  l'écrivit;  d'où  l'on  pour- 


fi)  Cette  devisé  ne  se  trouve  pas  dans  les  premières 
éditions.  Mais  celle  de  i58o  porterait  une  épigraphe  , 
dont  on  ut;  jx'iil  ,  dit  le  sénateur  Veruier  ,  contester 
la  Miité  :  «  Il  sut  se  connaître  lui-même  (JVovti 
>>  se  ipsurn  ).  » 

|  • ,  Paris,  i8-AO  ,  in-8"  Edition  avec  dos  sommaire. 

el  des  notes  historiques  et  critiques,  \r.\r  M.  Amaury» 

Durai;  des  observât  ois   philologiques     par  M.   J    - 

:  )  ,  et  des  extraits  choisis  du  commentaire  J« 

Nuigeon  sur  Montaigne  et  Charron. 


MON 

rait  induire  qu'il  avait  entrepris  ses 
Essais  ayant  d'avoir  atteint  le  com- 
plément de  l'âge  mûr.  Mais  ces 
mots,  qui  sont  morne  une  addition 
postérieure  aux  premières  éditions, 
ne  disent  pas  absolument  que  Mon- 
taigne eut  vécu  3o  années  ,  mais 
qu'il  avait  assez  vécu  pour  rendre 
cette  durée  remarquable.  Outre  ce 
qii'il  a  dit  de  son  âge  au  commence- 
ment de  ses  Essais,  lui-même  enco- 
re ,  dans  le  chapitre  xxxvn ,  le  der- 
nier de  l'ouvrage  publié  en  deux 
livres,  achève  de  fixer  le  temps  de 
sa  composition.  Je  me  suis  envieilii, 
dit-il,  de  sept  ou  huit  ans,  lorsque  je 
le  commençai*  Ce  n'a  pas  été,  ajoute- 
t-il,  sans  y  avoir  acquis  la  colique 
far  la  libéralité  des  ans  ;  et  il  croit 
que  c'est  assez  pour  sa  part  d'avoir 
vécu  quarante-six  années.  Ce  ne 
l'ut  pas  le  désir  d'aller  acquérir,  par 
la  comparaison  ,  une  nouvelle  con- 
naissance des  hommes,  dont  il  n'a- 
vait pas  seulement  étudié  l'histoi- 
re dans  les  livres;  ce  fut  l'intérêt 
de  sa  santé,  qui  put  seul  le  résoudre 
à  quitter  ce  qu'il  avait  de  plus  cher, 
pour  voyager  au  loin.  Quoique  l'an- 
tipathie pour  la  médecine,  comme 

'  inftea  qu'il  ressentait  de  la 
pierre,  fussent  héréditaires  dans  sa 
famille,  et  qu'il  eût  appris,  dit-il, 
après  deux  années  de  souffrance,  à 
se  consoler  et  a  espérer,  néanmoins, 
soit  qu'il  crût  à  la  vertu  naturelle  des 

minérales,  soit  qu'il   regardât 

comme  salutaire  de  faire  des  cour- 

iprès  avoir  visité  les 

bains  de  France,  il  voulut  connaître 

des  différentes   centrées.  On 

n'entrera   pas  .Lus   le  détail  d'un 

on     minutieux 

par  -  [ui  contribue  à 

peindre  fautent  il  mériter 

iuc  Mon- 

;  \ . .  1 1 


sans  suivre  duc  route  directe  ,  quoi- 
que dans  la  compagnie  d' 

.  Si  on  l'avertissait  qu'il  reve- 
nait souvent  sur  ses  pas,' il  donnait 
pour  réponse  qu'il  û'àllart  nulle 
que  là  où  il  se  trouvait.  Jl  fait  fran- 
chement i'aveu  de  sa  vanité.  • 
mait  à  s'arrêter,  lorsque,  le  prenant 
pour  un  seigneur  de  haut  rang,  on 
lui  offrait  les  vins  d'honneur,  ou 
qu'on  lui  adressait  des  harangues  , 
auxquelles  il  répondait.  Le  même 
mouvement  de  vanité  lui  faisait  lais- 
ser ses  armoiries,  soit  aux  bains, 
soit  aux  hôtels  où  il  descendait,  en 
observant  que  c'était  à  la  mais  On 
qu'il  les  destinait,  non  au  maître  du 
logis.  Il  est  difficile  aussi  de  i  e  pas 
attribuer  à  un  sentiment  mclé  de 
vanité  le  don  de  lW-i>ofo  d'argent 
ciselé,  avec  la  figure  de  la  Vierge, 
la  sic;  ne,  celle  de  sa  femme  et  de 
sa  fille,  fait  à  la  chapelle  de  Lu- 
rette, malgré  l'acte  de  religion  qui 
accompagna  cette  offrande.  Les  let- 
tres de  citoyen  romain  qu'il  i 
par  l'autorité  du  sainl-père,  et  qu'il 
rapporte  au  long  dans  le  troisième 
livre  des  Essais,  ne  laissèrent  pas  , 
malgré  leur  vain  titre  ,  d'être 
flatteuses  pour  son  amour-propre: 
il  en  est  de  même  des  excuses  polies, 
ou  plutôt  des  félicitations  qu'il  reçût, 
lorsque  le  maître  du  sien'  palais  lui 
remit  les  Essais,  qui  n'étaient  point 
encore  connus  à  Home,  comme  l'a 
prétendu  Quérlon,  mais  qui, saisis  au 
contraire,  à  leur  entrée,  sur  notre 
voyageur,  avaient,  été  légèrement 
censures  ,  pour  la  forme,  par  un 
moine  on  ftaîér  fiançais.  En  par- 
courant les  collines  OÙ  fut  jadis 
Rome  dont  son  enfance  avait  été 
entretenue,  il  remarquait 
nenient  qu'il  marchait  sur  le  . 
des  temples  cl   sur  la  tète  des    | 

de  l'ancienne  cité.  On 


436  MON 

manière  pittoresque,  et  l'expression 
énergique  d'un  sentiment  profond, 
lorsqu'il  dit,  qu'on  ne  voit  plus  de 
Rqrae  que  !<■  ciel  sous  lequel  elle  est 
assise,  et  le  pian  de  sou  gîte;  que 
ses  ruines,  qu'on  croit  voir,  n'en  sont 
rien  que  le  sépulcre  ;  et  que  les  bâ- 
timents attaches  à  ces  restes  de  ma- 
sures qui  paraissent  encore  au-des- 
sus de  sa  tombe,  lui  rappellent  les  nids 
suspendus  aux  voûtes  et  aux  parois 
des  églises  de'molies  en  Franee  par 
les  Huguenots.  Malgré  ce  qu'il  dit 
de  la  ville  moderne,  il  en  remporta 
ses  lettres  de  bourgeoisie  romaine 
avec  non  moins  de  respect  que  celles 
de  sa  nomination  à  la  mairie  de  Bor- 
deaux ,  qui  lui  fut  notifiée ,  non  à 
Venise,  comme  l'a  dit  de  Thou,  mais 
à  Rome  même.  Ce  ne  fut  pas  sans 
avoir  religieusement  baisé  les  pieds 
du  pape  Grégoire  XIïT ,  dont  il  trace 
uu  beau  portrait,  en  le  représentant 
comme  peu  passionné  pour  les  affai- 
resdu  monde;  tout  en  observantnéan- 
moins  qu'il  avait  vu  à  Saint-Pierre  les 
trophées  des  enseignes  gagnées  parle 
roi  sur  les  Huguenots ,  et  le  tableau  de 
la  bataille  de  Montcontour.  L'abbé 
Taibert  s'est  trompé  en  supposant 
que  Montaigne  y  avait  vu  représenté 
le  tableau  de  la  mort  de  l'amiral  de 
Coîigny.    Éloigné    d'un  pays  agité 
par  les   troubles,  et  encore  plus  de 
toute  idée  d'y  remplir  une  fonction 
municipale  aussi  importante  que  pé- 
nible ,  Montaigne  avait  voulu  s'en 
excuser  ;  mais  il  céda  au  comman- 
dement du  roi ,  et  revint  à  Bordeaux 
exercer   la  charge  de  maire.   Elle 
lui  fut  continuée  par  une   seconde 
élection,  après  deux  années,  comme 
elle  l'avait  été  au  maréchal  de  Biron , 
auquel  il  succédait.  Ce  fut  surtout  à 
sa  modération ,  qui  maintint  la  ville 
en  paix  dans  un  temps  de  désor- 
dre, qu'il  dut  sa  réélection.  Il  ne  fit 


MON 

pas  grand  bruit  dans  sa  mairie.  Une 
humeur  paisible  ,  une  conduite  droi- 
te,  un   peu  de  vigueur  au  besoin, 
un  zèle  sincère,  entretenant  la  con- 
fiance,   faisaient    que,   sans    appa- 
reil ,  ceux  qui  étaient  sous  sa  main  , 
reposaient,  quand  le  magistrat  dor- 
mait.   De  retour   à   la   campagne  , 
il  raconte  qu'il  réussit  à  soustraire  à 
la  tempête  politique  et  à  la  violence 
sa  maison  et  sa  personne.  Il  avoue 
qu'il  dut,  dans  une  circonstance  ,  à 
un  accueil  franc  et  ouvert ,  sa  sûreté 
domestique;  et  dans  une  autre,  sa 
délivrance  personnelle,  à  son  assu- 
rance et  à  la  fermeté  de  ses  paroles. 
Jusqu'alors  son  château  ,  accessible 
aux  ennemis  mêmes  du  parti  catholi- 
que ,  et  respecté  par  tous ,  s'était  con- 
servé vierge  de  sang  et  de  sac  au  mi- 
lieu des  guerres  civiles  dont  la  Guien- 
ne  était  le  foyer  ;  mais  à  l'époque  des 
divisions  de  la  Ligue,  en  i585,  les 
factieux  ,  excités  par  leur  chef  (  V. 
Guise),  contre  le  Navarrois  ,  donl 
le  monarque  cherchait  à  se  rappro- 
cher, et  contre  le  roi  lui-même  livn 
à  ses  favoris ,  en  voulurent  à  -  la 
fois  aux  royalistes  sincères  et  ans 
catholiques  modérés.  Noire  gentil- 
homme alors  devint,  par  sa  tolé- 
rance et  sa  fidéiité,  la  proie  des  amis 
aussi  bien  que  des   ennemis.  «   Je 
»  fus  ,  dit    Montaigne  ,    pelaudé 
»  toutes    mains  :  au   Gibelin  ,    j' 
»  tois  Guelfe:  au  Guelfe,  Gibelin. 
Pour  surcroît  de  maux,  une  fièvre 
pestilentielle  vint    infester  sa    de- 
meure. Ce  fut  en  i586,  suivaut  la 
Chronique  Bordeluise ,  que  ce  fléau 
ravagea  la  Guiennc.  Montaigne  erra 
pendant  six  mois ,  loin  de  sa  maison 
laissée  à  l'abandon,  cherchant  pour 
sa  famille,  et  trouvant  difficilement 
un  asile  chez  ceux  auxquels  il  avait 
accordé  l'hospitalité.  Il  donne  plus 
particulièrement  des  détails  sur  l#a 


MON 

aits  qu'on  vient  d'indiquer,  et  qui 
sont  relatifs  à  sa  conduite  privée. 
Quant  à  sa  conduite  publique,  il 
parle  seulement  en  gênerai  de  sa 
manière  libre  et  impartiale  de  se 
comporter  avec  les  chefs  des  diffé- 
rents partis.  C'est  par  l'historien  De 
Thou  (i)  qu'on  apprend  que  Mon- 
taigne, dans  ses  négociations  auprès 
du  duc  de  Guise  (Henri  de  Lorraine) 
et  du  roi  de  Na\  epuis,  Hen- 

ri IV),  avait  cherché  à  les  conci- 
lier. Lors  de  son"  retour  de  Paris, 
où  il  avait  complète  l'impression  de 
ses  Essais,  en  i588,  il  se  trouvait 
avec  de  Thou  à  Blois ,  quand  le  duc 
de  Guise  y  fut  assassiné.  11  avait 
prévu  que  les  troubles  de  l'État  ne 
pouvaient  finir  que  par  la  mort  de 
l'un  des  chefs  -?  et  il  avait  si  bien 
démêlé  les  dispositions  des  deux 
princes,  qu'il  disait  à  de  Thou  ,  que 
le  roi  de  Navarre  était  tout  près 
de  revenir  à  la  religion  de  ses  pères, 
s'il  ne  craignait  pas  d'être  aban- 
donné de  son  parti.  Montaigne  se 
tait,  dans  son  troisième  livre,  sur 
l'amie ,  bien  digne  de  ce  nom  ,  qui 
vint  consoler,  à  Paris  ,  le  philoso- 
phe souffrant  des  maux  publics  et 
des  siens  ;  mais  il  en  fait  l'objet 
d'une  addition  au  chapitre  xvn  du 
deuxième  livre,  où,  dans  rénumé- 
ration qu'il  donne  des  personnages 
de  son  temps  d'une  grandeur  peu 
commune  ,  il  distingue  ,  outi 
Boétie,  Marie  de  Gournay,  SBiJille 
d'alliance  ou  d'adoption,  ain 
lui  plus  que  paternellement.  D'après 
l'estime  que  cejtte  honnête  demoi- 
selle avait  conçue  pour  l'auteur, 
par  la  lecture  ci  le  jugement  qu'elle 
porta,  quoique  fort  jeuc 
premi  - ,  elle  vii.-t  avec  sa 

mère  loul  i  ■  I  -  ■  oimaître, 

(i)  De  vitù  tuâ,  1  b 


MON  437 

pendant  le  séjour  qu'il  fit  a  Paris  , 
en  1 588.  Ces  dames  le  visitèrent 
dans  sa  solitude  champêtre;  et  elles 
l'emmenèrent  à  leur  tour  en  leur 
maison  de  Gournay,  où  il  séjourna 
quelque  temps.  Une' autre  adoption  , 
bien  sensible  pour  l'amour- propre 
paternel ,  fut  celle  de  sa  philoso- 
phie ,  par  Charron  ,  qui  le  connut  à 
Bordeaux,  en  i58ç),  et  auquel  il 
voua  dès-lors,  selon  Bayle,  une  ami- 
tié toute  particulière.  Le  théologien 
se  rendit  l'élève  du  philosophe.  Son 
traité  de  la  Sagesse  ne  fait  le  plus 
soin  eut  que  développer  les  maximes 
et  les  leçons  du  maître  (i);  et  quoi- 
qu'il semble  justifier  le  titre  de  Bré- 
viaire des  honnêtes  gens,  donné  au 
livre  des  Essais  par  le  cardinal  du 
Perron ,  il  fut  bien  moins  lu  que  le 
livre  du  philosophe  (-.*),  dont  la  vogue 
devint  telle  par  la  suite  ,  qu'à  peine 
pouvait-on  trouver  un  gentilhomme 
studieux,  qui  n'eût  un  Montaigne 
sur  sa  cheminée.  Mais  ,  malgré  tous 
ces  témoignages  d'amitié  et  d'estime, 
qui  semblaient  rattacher  à  la  vie 
notre  philosophe  sensible,  les  at- 
teintes d'un  mal  qui  lui  faisait  dire 
que  la  mort  le  pinçait  continuelle- 
ment à  la  gorge  ou  aux  reins,  ne 
lui  permettaient  pas  de  former  dé- 
sormais de  longues  espérances,  et 
de  jouir  long-temps  de  ses  nouvelles 
affections.  Incertain  où  l'attendait  la 
mort ,  il  l'attendait  partout,  et  s'y 
préparait  en  philosophant  sagement, 
comme  il  l'avait  conseillé.  S'il  sem- 
bla s'y  précipitez  en  la  i  ravantdans 
les  troubles  civils,  les  circonsl 

(x)  [,,  -  ai  letitre  il ■■  P 

valions  ytout  j .  •  -  -  t  -  ■  ■  •  *  '  '  '  "  " 

,.,S-. 

[■?.)  Traduit    ' 


MOY 

l'arrachaicnt  alors  aux  objets  de 
ses  affections  plutôt  qu'elles  ne  l'en 
détachaient.  Les  exemples  qu'il  avait 
eus  sous  les  yeux ,  à  une  époque  où 
il  avait  failli  être  égorge  dans  sa 
maison,  avaient  bien  pu  lui  faire 
exprimer  le  vœu  d'être  délivre  de  la 
vue  des  angoisses  de  sa  famille,  en 
se  plongeant  stupidement  dans  la 
mort,  sans  qu'on  dut  en  conclure  (  i  ), 
avec  un  rigorisme  au  moins  égal  à 
celui  des  auteurs  de  Y  Art  de  penser, 
que  tout  sentiment  moral  était  éteint 
en  lui ,  de  même  que  INaigeon  infé- 
rait d'une  question  élevée  par  notre 
philosophe,  d'après  un  doute  d'Eu- 
ripide, sur  l'éclair  de  la  vie  humaine 
brillant  dans  la  nuit  éternelle ,  que 
Montaigne  ne  croyait  pas  à  l'immor- 
talité de  l'ame  (a-).  Au  contraire, 
les  leçons  de  philosophie  chrétienne 
qu'il  professe  la-même  et  ailleurs ,  et 
celles  que  lui  avait  données  La  Boé- 
tie,  sou  ami ,  qu'il  avait  assisté  à  ses 
derniers  moments ,  étaient  bien  loin 
d'être  oubliées.  Montaigne  nous  ap- 
prend qu'étant  malade ,  son  pre- 
mier soin  était  d'appeler ,  non  le 
médecin ,  mais  son  desservant ,  et 
de  s'acquitter  de  ses  devoirs  reli- 
gieux. Ce  ne  fut  point  au  château  de 
Gournay,  comme  l'a  cru  Ladvocat, 
mais  en  sa  maison,  que  Montaigne 
fut  attaqué  d'une  esquinancie  mor- 
telle qui  lui  tomba  sur  la  langue.  Il 
demeura  ainsi,  dit  Pasquier  (3),  trois 
jours  entiers,  plein  d'entendement, 
sans  pouvoir  parler.  Comme  il  sen- 
tait sa  fin  approcher,  il  pria,  par  un 
bulletin,  sa  femme  d'avertir  quel- 
ques   gentilshommes,    ses   voisins, 


(0  Discours  qui  a  obtenu  une  mention  ,  etc. 

(2)  La  Logique  ou  l'Art  dépenser,  3e.  partie, 
ebap.  20.  —  Avertissement  de  Naigeon,  en  îèto  de 
quelques  exemplaires  de  l'édit.  stéréotype  tics  Essais, 
Paris,  Didot,  180?.  ,  !\  vol.  in  r.'.. 

(3)  Lettre  1*1.,  liv.  18,  à  M.  Pc1g';,  maître  dts 
•omptef. 


afin  de  prendre  congé  d'eux.  Quand 
ils  furent  arrivés,  il  lit  dire  la  m 
dans  sa  chambre;  et  au  moment  de 
l'élévation  ,  ce  pauvre  gentilhomme 
s'étant  soulevé  comme  il  put  sur  son 
lit ,  les  mains  jointes  ,  il  expira  dans 
cet  acte  de  piété  ,  le  1 3  septembre 
1 5.9a  ;  ce  qui  fut ,  ajoute  Pasquier  , 
un  beau  miroir  de  l'intérieur  de  son 
a  me.  Le  corps  de  Montaigne  fut 
transporté  à  Bordeaux ,  dans  l'église 
des  Feuillants  ,  où  Françoise  de  la 
Chassaigne ,  son  épouse  ,  lui  fit  éri- 
ger un  monument,  avec  une  inscrip- 
tion en  prose  latine,  qui  oifre  un  té- 
moignage moins  emphatique  des 
sentiments  de  sa  famille  et  des  siens 
que  l'épilaphe  grecque  en  vers  a  la 
suite,  et  sa  traduction  latine  par  la 
Monnoie ,  dont  on  cite  ces  deux  vers 
pour  la  justification  de  sa  devise  : 

Solius  addictus  jurare  in  dogmala  Chrsti  , 
Cceteia  Pyn  noms  peuderc  lance  sciens. 

Montaigne  ,  n'ayant  point  d'enfants 
mâles,  avait  laissé,  par  son  testa- 
ment, à  Charron,  les  armes  pleint 
de  sa  famille,  à  laquelle,  celui-ci,  a 
son  tour,  marqua  sa  reconnaissance 
par  le  legs  universel  de  ses  propres 
biens.  D'un  autre  côté,  la  fille  d'al- 
liance de  Montaigne  ,  la  demoiselle 
de  Gournay  et  sa  mère,  averties  par 
la  famille,  s'empressèrent  de  traver- 
ser la  France  presque  entière,  alors 
toute  en  armes ,  et  arrivèrent  poui 
mêler  leurs  pleurs  et  leurs  regrets 
à  ceux  de  la  veuve  et  de  sa  fille  Léo- 
nor;  exemple  non  moins  remarquable 
d'attachement  à  la  mémoire  de  Mon- 
taigne. M,ic.  de  Gournay  conserva 
toute  la  vie  le  litre  de  sa  fille  d'al- 
liance, et  le  prit  à  la  tête  des  éditions 
qu'elle  donna  des  Essais,  dont  les 
principales   furent  (1)  l'édition  au- 


Essais   de  Montaigne,  Paris ,  Langelii 
io-fol.  —  l'aris  ,  Cainusat,  it)35  ,  in-iid. 


thentique  publiée  en  i5g5,  d'après 
un  manuscrit  revu  par  Montaigne  , 
et  remis  à  elle  par  la  veuve  (  i  )  )  et , 
en  1.635  ,  celle  qu'elle  dédia  au  car- 
dinal de  Richelieu,  avec  une  préface 
apologétique  où  elle  défend  les  écrits 
et  la  doctrine  de  celui  qu'elle  nomme 
son  père  (2).  Le  soin  que  nous  avons 
pris  de  rassembler  ,  dans  une  notice 
impartiale  et  purement  biographi- 
que, les  différents  traits  qui  nous  ont 
paru  propres  à  caractériser  l'esprit , 
le  sentiment ,  la  conduite  de  Montai- 
gne, peut  mettre  les  lecteurs  à  même 
d'apprécier  ces  qualités,  compara- 
tivement avec  l'idée  générale  qu'on 
s'en  est  formée,  et  avec  les  jugements 
qu'où  en  a  portés  dans  chaque  siècle. 
J /influence  de  ses  écrits,  de  ses  pen- 
sées, de  son  style,  l'a  fait  juger,  dans 
l'opinion  commune  la  plus  raison- 
nable ,  philosophe  sceptique  ,  dis- 
posé à  induire,  de  l'observation  des 
vicissitudes  et  des  variations  de  la 
raison  hum  aine  chez  lui-même  et  les 
autres  ,  l'incertitude  de  nos  connais- 
sances ;  homme  naturellement  bon 
et  sensible,  de  mœurs  douces  et  fa- 
ciles ;  gentilhomme  vain  à-la-fois  et 
simple,  parlant  de  soi  humblement 
et  avec  estime  ;  citoyen  honnête  , 
modéré,  attaché  par  raison  comme 
par  devoir  à  son  prince  et  à  la  reli- 
gion de  ses  pères  ;  ennemi  des  nou- 
veautés tendant  à  subverlir  l'ordre 
moral  et  civil;  écrivain  éloquem- 
ment  énergique,  et  naif,  mais  offrant 
parfois  une  liberté  ou  une  familiarité 

meut  de 
tntiquités  bordelaises  [  «J'i;, 
in-tt".  ), 
Journal  en  1789  ,  un  au 

■  i  il  ,  aux  Feuillants  le 

1.1   manuscrit  a 

|ue  de  Bordeaux 

«•H  même  1   mp  !„■  qUi  y 

ont  ete 

làprobal  thèqtte  sur 

lequel   1  ■  I 

iions.  le     I 


M' 

d'expression  qui  moutre  l'homme 
presque  à  nu  dans  h*  moraliste  aussi 
bien  que  dans  le  philosophe.  Mais 
ses  apologistes  ou  ses  critiques  ,  sui- 
vant leur  esprit  et  leurs  opinions 
particulières  ,  l'ont  jugé  chacun  di- 
versement ,  en  s'attachaut  à  quel- 
ques traits  ,  exagérés  ou  isolés  ,  pour 
le  louer  ou  le  blâmer  ,  au  préjudice 
de  l'exactitude  ou  même  de  la  bonne- 
foi.  Dans  ce  siècle  où  l'on  se  pique 
de  philosophie  ,  INaigeon,  éditeur  et 
annotateur  de  Montaigne,  oublie  la 
franchise  libre  de  l'écrivain,  et  en 
fait  un  pur  déiste  (  i  ) ,  en  attribuant 
à  des  considérations  politiques  ce 
que  rauteur  dit  ouvertement  de 
plus  favorable  au  christianisme,  et 
en  IuL  prêtant  des  sentiments  con- 
traires dans  des  passages  équivoques, 
détournés  de  leur  véritable  sens  ,  et 
séparés  de  ce  qui  les  entoure.  D'un 
autre  côté,  l'auteur  du  Christianisme 
de  Montaigne  (  'i  ) ,  en  réunissant 
les  passages  relatifs  à  la  religion,  ou 
même  traduits  de  la  Théologie  de 
Sebondc,  et  en  exhumant,  du  jour- 
nal du  gentilhomme-voyageur,  quel- 
ques actes  d'une  piété  non  exemple 
de  superstition  ,  sans  considérer  ses 
écarts,  la  liberté  de  ses  propos  , 
et  les  traits  de  vanité  qui  accom- 
pagnaient ces  mêmes  actes,  en  a 
fait  presque,  un  chrétien  religi. 
dévot.  Un  autre  écrivain  déjà  cité 
(3),  ne  se  rappelanl  pas  les  derniers 
moments  du  bon  gentilhomme  qui 
loin  de  s'isoler  de  ses  proches 
entouré  de  ses  amis  voisins,  lui  refuse 
la  sensibilité  morale  ,  et  le  reconnaît 
toutefois    capable  du  sentiment  de 


(1)  At  ,  tâte  de  l'e'dil 

inséré,  sauf  qudqu  ssuppressi 
din*  l'édition 

/j\  /;■ .  .     .      :.  ..    :.   ..    nthtlon  ,  Pai  i>  , 


44o  MON 

l'amitié.  Un  autre  orateur  (  i  )  lui 
accorde,  avec  raison,  la  croyance  en 
Dieu  et  à  la  vertu;  mais  on  peut 
croire  qu'il  entend  purement  ici  la 
vertu  d'Épicure ,  lorsqu'il  omet  de 
parler  de  l'acte  dernier  de  sa  vie  , 
qui  rattache  en  définitive  cette  vertu 
à  la  foi  chrétienne.  Dans  le  grand 
siècle ,  Pascal  (a)  applaudit  à  Mon- 
taigne soumettant  la  raison  superbe 
à  l'autorité  de  la  foi  j  mais,  en  recon- 
naissant qu'il  professe  la  religion  ca- 
tholique, il  l'oppose  à  Épictète  ,  en 
fait  un  Épicurien  dans  sa  conduite 
comme  dans  ses  écrits  ,  et  perd  trop 
de  vue ,  le  magistrat ,  le  citoyen  , 
l'homme  de  bien.  Balzac  (3)  loue 
Montaigne  que  Malebranche  (  4  ) 
blâme  au  contraire  d'avoir  peint  ses 
mœurs  domestiques.  Malebranche 
voit  surtout  dans  l'écrivain  la  har- 
diesse de  l'esprit  et  de  l'imagination; 
et  Balzac  ,  des  pensées  hasardées  et 
de  faux  jugements.  La  Bruyère  leur 
répond  à  tous  deux,  en  observant 
que  Balzac  ne  pensait  pas  assez  j>our 
goûter  un  auteur  qui  pense  beaucoup, 
et  que  Malebranche  pensait  trop  sub- 
tilement pour  s'accommoder  de  pen- 
sées si  naturelles.  Et  certes,  celui  que 
Locke  et  J.-J.  Rousseau  ont  mis  à 
contribution  dans  ce  qu'ils  ont  écrit 
de  plus  raisonnable  sur  Y  Education 
des  enf 'anis  ,  n'est  pas  simplement 
v,n  auteur  doué  d'esprit  et  d'imagina- 
tion :  l'écrivain  qui  observe  et  analyse 
si  bien  en  lui  l'homme  dont  il  est  l'h  is- 
torien,  ne  peut  être  taxé  de  donner 
carrière  à  son  imagination  ,  parce 
qu'en  peignant  l'homme  moral  ,  il 
anime,  crée  et  figure  ses  expressions, 

(1)    Discours   couronné   par  l'Institut  ,   Paria  , 

ï8i9.  ,  :. 

(2J   Pensées  ,  V«.  partie,  art.  Il  d'Éfjiclète   ri  île 
Mon! 

(3)  Dissertation  crit-  ;n,   ,  I()-2Ï. 

(4)  Recherche  de  la  vérité,  livre  a  ,  partie  3  . 

tlii.p.  5. 


MON 

comme  l'a  fait ,  à  son  imitation  ,  le 
célèbre  peintre  de  portraits  ,  La 
Bruyère.  De  même  ,  celui  qui  a  si 
bien  connu  et  jugé  les  anciens  qu'il 
avait  tant  cultivés,  Lucrèce  et  Vir- 
gile, Sallusteet  Tacite,  Plutarque  et 
Sénèque,  Cicéron  et  Pline,  ne  saurait 
être  traité  de  mauvais  juge,  pour 
avoir  mis  le  5e.  livre  de  l'Enéide,  où 
il  était  si  difficile  d'être  poète,  au- 
dessus  des  onze  autres  livres ,  juge 
ment  partagé  jusqu'à  un  certai 
point  par  Mme.  Dacier  et  Jacques 
Delilie  ;  pour  avoir  aussi  jugé  plus 
sévèrement  qu'il  ne  convenait  à  un 
censeur  gentilhomme ,  la  philoso- 
phie de  Cicéron  et  de  Pline ,  qu'il  qua 
Jifie  d'ostentatrice  et  de  parlière  ; 
pour  avoir  encore ,  dans  son  juge- 
ment sur  les  poètes  français,  cru 
voir  (  avec  tout  son  siècle  )  revivre 
en  quelque  sorte  Lucain  et  sa  verve 
poétique,  dans  Ronsard ,  avant  que 
Malherbe  eût  dégascomiéla.  langue, 
et  qu'elle  eût  commencé  à  prendre 
une  forme  régulièrement  polie,  quoi- 
que peut-être  aux  dépens  de  son 
énergie.  Dans  le  siècle  de  Mon- 
taigne enfin  ,  De  Thou  ,  et  surtout 
Pasquier  (  i  )  ,  ses  contemporains  , 
qui  ont  vécu  avec  lui  et  qui  ont  connu 
l'homme,  le  citoyen  ,  le  philosophe  , 
paraissent  l'avoir  mieux  apprécié 
sous  ces  divers  rapports  -y  ils  s'ac- 
cordent du  moins  sur  sa  bonne-foi  , 
la  base  nécessaire  des  jugements  que 
porte  Pasquier,  qui  le  critique  et  le 
censure  ,  mais  qui  l'estime  et  l'ho- 
nore :  elle  n'est  problématique  que 
pour  un  siècle  où  les  aveux  de  l'a- 
mour propre  passent  pour  un  rafine- 
ment  de  vanité,  a  On  remarquait  en 
lui,  dit  De  Thou  ,  beaucoup  de  sin- 
cérité et  de  franchise,  comme  ses 
Essais  ,  l'immortel   monument  de 

(i)  Vov.  ffisl.  Thuana  ,  et  Lettre  de  Pas 

icitee  p.  438  ,  not.  3  ,  ci-.Icasus. 


MON 

son  esprit,  le  témoigneront  à  la  pos-. 
térité.  »  Et  en  effet,  la  postérité  l'a 
reconnu  ainsi.  Ce  sentiment  de  con- 
temporains honnêtes  et  instruits,  con- 
firmé par  elle ,  doit  servir  à  fixer  l'o- 
pinion sur  notre  philosophe,  d'après 
les  faits  que  nous  fournit  l'écrivain. 
Et  lorsque  Pasquier  ajoute  que  la  vie 
de  Montaigne  n'a  guère  été  autre  que 
le  général  de  ses  écrits  ,  quoiqu'elle 
ait  été  plus  réglée  selon  leur  auteur, 
i]  donne  par-là  même  à  entendre  que, 
si  sa  vie  ne  fut  pas  constamment 
des  plus  régulières,  il  fut  véritable- 
ment l'homme  de  son  livre,  un  hom- 
me de  bonne-foi.        .        G — ce. 

MONT  AIGU  (Pierre  Guerin  de), 
gentilhomme  auvergnat,  d'une  unis- 
sauce  illustre,  maréchal  des  Hospi- 
taliers de  Saint-Jean  de  Jérusalem  , 
fut  élu  xiiic.  grand-maître,  en  1208  : 
peu  de  temps  après  ,  il  rendit  un  ser- 
vice important  aux  Chrétiens  d'Ar- 
ménie ,  et  contribua  puissamment 
à  la  victoire  qu'ils  remportèrent 
sur  Soliman,  sultan  d'Iconium  ,  qui 
les  avait  attaqués.  En  reconnaissance 
d'un  tel  service,  le  roi  d'Arménie 
concéda  à  l'ordre  la  ville  d'Alcph  , 
avec  les  forteresses  de  CUateauneuf , 
et  de  Comard.  Montaigu  ne  contri- 
bua pas  moins  efficacement  à  re- 
pousser Coradib ,  sulthan  de  Damas, 
qtii  Tenait  assiéger  Saint-Jean  d'Acre. 
Quelque  temps  après ,  il  rétablit  le 
château  de  Gésaree  qui  était  ruiné. 
Pendant  le  siège  de  Damiette,  et  à  la 
pi  ise  de  celte  \  die,  il  lit  des  prodi- 
ges de  valeur.  En  i'V>3,  il  assista  à 
mblée  de  Ferentino,  qui  avait 
mi  oquée  pour  les  affaires  de  la 
Terre-Sainte.  Il  parcourut  ensuite  la 
plupart  îles  états  de  l'Europe,  pour 
solliciter  des  serour  |  sollici- 

tations ne  furent  .s.  a 

son  retour  en  Asie .  d  trouva  la  Pa- 
lestine livrée  à  l'anarchie    l>    II, 


MON  44 1 

pitalicrs  et  les  Templiers  plus  di 
que  jamais  ;  le  comte  de  Tripoli  s'é- 
tait emparé  d'un  Manoir  de  la  Reli- 
gion :  il  avait  fait  écorcher  tout  vif 
un  chevalier,  et  poignarder  un  autre. 
Montaigu,  à  la  tête  de  ses  braves 
guerriers,  entre  dans  les  états  de  ce 
prince,  et  en  obtient  une  réparation 
convenable.  En  1*228,  il  engage  le 
pape  à  rompre  la  trêve  conclue  entre 
les  Musulmans  et  les  Croisés.  Ce  n'est 
pas  le  plus  beau  trait  de  son  histoi- 
re. La  même  année,  il  refusa  de  se 
rendre  à  l'armée  des  Latins,  tant 
qu'elle  serait  commandée  par  l'em- 
pereur Frédéric  II  ,  que  le  pape 
avait  excommunié.  Cette  conduite 
du  grand-maître  attira  sur  l'ordre,  de 
la  part  de  l'empereur ,  de  violentes 
persécutions  ,  et  qui  auraient  etc 
portées  plus  loin,  sans  l'interven- 
tion dupape  lui-même.  Pierre-Guérin 
de  Montaigu  mourut  dans  la  Pales- 
tine ,   en  \'i3o.  L — b — e. 

MONTAIGU  (  Gilles  -Aycelin 
de  ) ,  l'un  des  plus  illustres  prélats 
du  treizième  siècle  ,  était  né  en  Au- 
vergne, d'une  ancienne  et  noble  fa- 
mille. Pourvu  d'un  eanonicat  à  Nar- 
bonne ,  il  fut  élu  archevêque  de 
cette  ville,  en  1290,  avant  d'avoir 
été  élevé  au  sacerdoce.  11  se  lit  or- 
donner par  l'archevêque  de  Bour- 
ges, Simon  de  Beaulieu;  et  ayant 
établi  un  vicaire-général  pour  l  ad- 
ministration de  son  diocèse  ,  il  se 
rendit  à  Rome,  où  il  fut  sacre',  kson 
retour,  il  s'occupa  de  la  restaura- 
tion de  sa  Cathédrale,  et  sut  intéres- 
ser, à  ce  pieux  dessein,  le  pape, 
dont  il  obtint  de  grands  secours.  Il 
roqua  ,  en  1299,  à  Béziers  .  un 
<  oneilc   proi  incial  ,  dont  les  actes 

ont  été  publiés  par  Marlène  ,  dans  le 
tome  iv  du  Thés.  nw.  anecdotor. 
Après  y  avoir  cité  Lraali  ; 
arbonne,  qui  avait  ch< 


4»2 


MON 


soustraire  à  sa  suzeraineté,  il  l'obligea 
de  lui  faire  hommage  pour  les  do- 
maines qu'il  tenait  de  l'Eglise.  Il  se 
prononça  pour  Philippo-le-Bcl ,  dans 
les  démêlés  que  ce  prince  eut  à  sou- 
tenir contre  Boniface  VIII ,  déclara 
que  ce  pontife  était  déchu ,  et  inter- 
jeta appel  de  ses  sentences  au  futur 
concile.  Il  fut  l'un  des  commissaires 
nommés  pour  examiner  la  conduite 
des  Templiers  -?  et  l'histoire  lui 
reproche  d'avoir  ouvert  l'avis  que 
ces  malheureux,  ne  fussent  point  en- 
tendus dans  leur  défense  (  F.  J.  Mo- 
hAi  ).  Le  zèle  qu'il  montra  dans 
cette  occasion,  fut  récompensé  par 
la  place  de  chancelier,  qu'il  occupait 
en  1 3og.  II  passa  ,  deux  ans  après, 
du  siège  de  Narbonne  sur  celui  de 
Rouen,  et  mourut  le  ii3  février  1 3 1 8. 
Ses  restes  furent  transportés  à  Bil- 
lom  ,  et  inhumés  dans  la  collégiale 
de  cette  ville.  11  avait  fondé,  en  i3i4, 
le  collège  de  son  nom  à  Paris,  et  il 
lui  légua  une  partie  de  ses  biens.  Z. 
MONTAIGU  (  Gilles  Aycelin 
de  ) ,  cardinal,  et  arrière-petit-neveu 
du  précédent  ,  florissait  dans  le  qua- 
torzième siècle.  Son  habileté  lui 
mérita  la  bienveillance  du  roi  Jean , 
qui  appuya  son  élection  à  l'évêché  de 
Térouaune.  Il  assista,  en  1 356,  à  la 
funeste  bataille  de  Poitiers ,  et  y  com- 
battit sous  les  yeux  de  son  souve- 
rain. Jean  ,  trahi  par  la  fortune , 
fut  mené  prisonnier  en  Angleterre  , 
où  Aycelin  le  suivit  avec  le  titre  de 
son  chancelier.  Ayant  entamé  des 
négociations  pour  la  paix,  qui  n'eu- 
rent pas  le  résultat  qu'il  espérait ,  il 
remit  les  sceaux  ,  et  se  retira  dans 
ses  terres  en  Auvergne.  Le  roi,  de 
retour  dans  ses  états  ,  se  hâta  de 
rappeler  un  serviteur  dont  il  avait 
éprouvé  la  fidélité  ,  et  sollicita  pour 
lui ,  du  pape  Innocent  VI ,  le  cha- 
peau de  cardinal.  Aycelin  eut  part  à 


MON 

l'élection  d'Urbain  V.  qui  le  nomma 
évêque  de  ïusculura  ,  et  le  désigna 
l'un  des  commissaires  chargés  de  ré- 
former l'université  de  Paris  :  il  fut 
ensuite  envoyé  en  Espagne,  pour  tra- 
vailler à  réconcilier  le  roi  d'Aragon 
avec  le  duc  d'Anjou,  Sur  ia  fin  de  sa 
vie ,  il  se  relira  à  Avignon ,  où  il 
mourut  paralytique,  le  5  décembre 
ï 3^ 8.  Froi::sart  qui  nomme  mal  ce 
prélat ,  Guillaume ,  dit  qu'il  était 
moult  sage  homme  et  vaillant  ,  et 
avait  le  conseil  bon  et  loyal.  — 
Monïaigu  (  Pierre  -  Aycelin  de  )  , 
frère  du  précédent  ,  connu  sous  le 
nom  de  cardinal  de  Laon  ,  entra 
jeune  dans  l'ordre  de  Saint  -  Be- 
noit ,  et  devint  ,  dans  la  suite , 
prieur  de  Saint-Martin-des-Champs , 
et  proviseur  de  Sorbounc.  Il  était , 
en  i3o7,  chancelier  du  comte  de 
Poitiers ,  depuis  duc  de  Berri ,  et 
remplit  cette  place  pendant  trois 
ans.  Elu ,  en  1 3*^  i  ,  évêque  de  Laon , 
il  fut  envoyé  ,  l'année  suivante  ,  au 
devant  des  légats  chargés  de  tra- 
vailler au  rétablissement  de  la  paix 
entre  la  France  et  l'Angleterre  ;  puis 
à  la  cour  du  duc  de  Bretagne, 
menaçait  de  se  révolter.  Il  assista 
en  1.373,  à  la  séance  du  parlement 
où  fut  décidée  la  question  de  l'agi 
de  la  majorité  des  rois:  il  fut  décoré 
de  la  pourpre  ,  en  1 38-4  ,  et  se  démit 
quelque  temps  après  de  son  évêché. 
Il  ne  craignit  point  de  s'exposer  au 
ressentiment  du  duc  de  Bourgogne  , 
eu  s'opposant  fortement  à  toutes  ses 
entreprises  contre  l'autorité  royale  , 
et  mourut  à  Reims  ,  le  8  novembre 
1 388  ,  non  sans  soupçon  qu'il  avait 
éié  empoisonné.  Son  corps,  rapporté 
à  Paris,  fut  inhumé  dans  l'église  dt 
Saint-Martin-des-Champs.  Il  laissé 
une  grande  partie  de  ses  biens  ai 
collège  de  Montaigu  ,  fondé  par  son 
o  .c)e"(  V.  l'art,  précédent  ).  W — s. 


MON 

MONTAIGU  ou  MOUNTAGU 
(  Richard  de  ) ,  savant  théologien 
anglican,  né  en  1578,  à  Dorncy , 
dans  le  Buckinghamshire  ,  était  fils 
(lu  pasteur  de  cette  ville.  Il  fit  ses 
études  avec  la  plus  grande  distinc- 
tion ,  et  oLtint ,  par  le  crédit  de  ses 
protecteurs,  d'honorables  emplois. 
Ses  sentiments  se  rapprochaient  de 
ceux  de  la  foi  catholique  ,  sur  la 
plus  grande  partie  des  points  contro- 
\  erses;  et  comme  il  ne  les  dissimulait 
pas,  il  s'attira  la  haine  des  théolo- 
giens de  son  église.  Il  fut  accusé  d'ai- 
wiinianisme  ,  cité  à  la  chambre  des 
communes  pour  y  rendre  compte  de 
sa  doctrine  ,  et  obligé  de  fournir  un 
cautionnement  de  2000  liv.  sterling, 
pour  garantie  qu'il  se  représenterait 
à  une  époque  déterminée  ;  mais  la 
chambre ,  honteuse  du  rôle  qu'on 
lui  avait  fait  jouer  ,  abandonna  la 
suite  de  cette  affaire  (1).  Montaigu, 
nommé  en  1628,  évêque  de  Cni- 
chester ,  passa  dix  ans  après  au 
siège  de  Norwich.  On  assure  que  ce 
prélat  avait  résolu  de  se  démettre  de 
son  évêché,  et  de  se  retirer  en  Flan- 
dre, pour  y  faire  une  profession  pu- 
blique du  catholicisme  ;  mais  avant 
d'avoir  pu  exécuter  ce  pieux,  dessein, 
il  mourut  a  Norwich  ,  le  l3  avril 
l64  1  ,  et  fut  inhumé  dans  le  < 
de  la  cathédrale.  Richard  de  Mon- 
taigu   était    très  -  savant 

es  anciennes  et  dans  l'histoire 
ecclésiastique.  Outre  quelques  ou- 
de  controverse,  et  la  réfuta- 
lion  ,  eu  anglais,  du  traite',  De 
decimis,  de  Selden,  qu'il  accuse  de 
plagiat  (  /'.  .1.  §  ,  on  cite  de 

ce   prélat   :    1.   Andlecta  exercita- 
tionumet  <  ,  Lon- 

dres ,  16  v>  ,  in-i'ol.    11  compoi 


MON 


4  i3 


ouvrage  à  la  prière  du  roi  Ja« 

qui  l'avait  engagé  à  purger  l'his- 
toire ecclésiastique ,  des  fables  dont 
en  accusait  Baronius  et  quelques  au- 
tres écrivains  de  l'avoir  surchargée. 
Is.  Gâsaubon  reprocha  à  Montaigu  de 
lui  avoir  pris  l'idée  et  le  plan  d< 
ouvrage  ;  mais  des  critiques  judi- 
cieux prétendent  qu'il  n'y  a  aucun 
rapport  entre  le  travail  de  ces  deux 
écrivains.  II.  Aniidiàtribœadprio- 
rem  partem  diatribarwn  J.  Ces. 
jb'ulenqeri  adversùs  exercitationes 
Is.  Qasauboni ,  ibfcL  ,  iO'.if>  ,  in- 
fol.  C'est ,  comme  on  voit,  une  dé- 
fense de  Gâsaubon  ;  ce  qui  prouve 
que  la  mésintelligence  qui  existait 
entre  eux,  n'avait  pas  été  de  longue 
durée.  VII.  Apparat  us  ad  Origines 
ecclesiasticas  ,  Oxford,  i635  ,  in- 
fol.  —  Origines  ecclesiasticœ ,  Lon- 
dres ,  1 636-4 0  >  2  vo'-  in-fol.  ^  y  a 
du  savoir  et  de  l'érudition  dans  ce 
giand  ouvrage;  mais  il  n'est  plus 
guère  consulté.  On  doit  encore  à 
Rich.  de  Montaigu  une  édition  des 
deux  Discours  de  saint  Grégoire  de 
Nazianze  ,  contre  l'empereur  Julien, 
avec  des  scholies  greeques  ,  tirées  de 
la  biblioth.  d'Henri  Sa  vile,  Éton  , 
1610,  in-4°. ,  rare  et  recherchée  (  1  )) 
—  des  Notes  sur  la  Démonstration 
ëvangéUque  d'Eusèbe  ,  dans  l'édit. 
de  Palis,  1628,  in-fol.  ;  et  la  Tra- 
duction latine  des  Lettres  de  Pho- 
tius  ,  avec  des  notes  ,  Londres  , 
i63i ,  in-fol.  :  cette  version  est  es- 

.  On   conjecture ,  avec  I 
coup  de  vraisemblance ,  que 

a  eu  part  à  l'édition  grecque 

tome,  donnée  par    Sis  de,   Klon  , 
16 r»,  8  vol.  in  fol.;  et  l'on  ,1 
qu'il  a  laisse  en  manuscrit  la  t, 


(l)Oiii.eul  .  ..,.,. »l  .l'..ul 

l'article   MO»  I'  ue    *  UOUVI    : 


444  mon 

tion  latine  de  214   Lettres  de  S. 
Basile.  W— s. 

MONT  AIGU  V.  Montague. 

MONTAI.  AMBERT  (Adrien  de). 

V.  MoiNTALF.MBF.RT. 

MONTALBANI  (  Le  comte  Jean- 
Baptiste  )  e'tait  ne  en  i5()6,  à  Bo- 
logne, d'une  ancienne  et  illustre  fa- 
mille, qui  a  produit  un  grand  nom- 
bre de  capitaines  et  de  savants.  Il 
s'appliqua  à  l'étude  avec  beaucoup 
d'ardeur,  et  reçut  ,  le  même  jour  , 
le  laurier  doctoral  dans  les  deux  fa- 
cultés de  droit  et  de  philosophie.  Il 
visita  ensuite  la  France,  l'Allemagne 
et  la  Pologne ,  pour  acquérir  de 
nouvelles  connaissances ,  et  se  ren- 
dit à  Constantinople,  où  il  prolon- 
gea son  séjour  pendant  une  année. 
Il  profita  du  départ  d'une  cara- 
vane, pour  aller  en  Perse,  et  par- 
courut toute  la  Haute- Asie,  observant 
les  mœurs  des  indigènes  et  les  pro- 
ductions du  pays.  Il  apprit  en  même 
temps  les  langues  dérivées  de  l'ara- 
be; et,  si  l'on  en  croit  Orlandi,  il  en 
pariait  treize  avec  une  égale  facilite. 
De  retour  à  Bologne,  après  avoir  cou- 
ru beaucoup  de  hasards ,  et  échappé 
aux  plus  grands  dangers,  il  passa  en 
France,  pour  y  demander  du  service. 
L'espoir  d'un  avancement  plus  ra- 
pide le  détermina  à  se  rendre  à  la 
cour  du  duc  de  Savoie,  qui  lui  con- 
féra le  grade  de  sergent-major-géné- 
ral de  bataille.  Fait  prisonnier  par 
les  Espagnols  ,  il  fut  traité  avec 
une  extrême  rigueur  j  ayant  recou- 
vré sa  liberté,  il  se  relira  a  Venise  , 
où  il  avait  été  précédé  par  sa  répu- 
tation :  il  ne  tarda  pas  d'y  avoir  de 
l'emploi,  et  fut  envoyé  avec  un  com- 
mandement supérieur,  à  l'ile  de  Can- 
die. Il  y  mourut,  en  1646,  dans  la 
forteresse  de  Suda  ,  à  l'âge  de  cin- 
quante ans.  On  a  de  lui  :  De  moribus 
Turcarum  commentant ,  Rome  , 


MON 

i6^5;  ibid.  ,  i636,  in-12;  Ley- 
de,  i643,  même  form.  Il  a  laisse  , 
en  manuscrit ,  des  Annales  de  son 
temps ,  en  latin;  les  Maximes  de 
Tacite,  son  auteur  favori ,  prouvées 
par  des  exemples  modernes  ;   une 
Grammaire    turque  ,    et  quelques 
Traités  de  mathématiques  et  d'as- 
tronomie, dont  on  trouvera  les  ti- 
tres dans  les  Scritiori  Bolognesi 
d'Orlandi,  p.  i58. — Montalbain 
(  Le  marquis  Marc-Antoine  ),  fils  di 
précédent,  était  né  en  i()3o.  11  s'at 
tacha  particulièrement  à  l'étude  de  1 
minéralogie,  et  parcourut,  en  natura 
liste,  les  pays  du  nord  de  l'Europe 
Le  roi  de  Pologne,  Jean  Casimir,  l'ac- 
cueillit avec  bonté  à  sa  cour,  et  le 


cueunt  avec  nome  a  sa  cour,  aie 
décora  du  titre  de  marquis.  Marc  ren- 
tra en  Italie,  riche  de  beaucoup  de 

;s 

5. 


connaissances  nouvelles;  et,  après 
avoir  exploité  les  côtes  de  l'Adria- 
tique ,  il  revint  à  Bologne  dispose! 
ses  matériaux,  et  mettre  en  ordre 
les  collections  qu'il  avait  formées 
Il  y  mourut,  en  i6çp  ,  à  Page  de 
soixante-cinq  ans.  On  a  de  lui  :  I. 
Catascopia  minérale  ,  evero  espla- 
nazione  e  modo  ai  farsaggio  d'o- 
gni  minier  a  metallica  ,  Bologne  , 
1676,  in-4°.  IL  Pratica  minérale, 
ibid.,  1678,  in-4°.  III-  Belazione 
delV  acaue  minérale  del  regno 
d'Ungaria,  Venise,  1687  ,  in-4°. 
Orlandi  lui  attribue  encore:  Lavita 
di  Ferdinando.  —  Montalbani  (  Le 
marquis  Castor),  fils  de  Marc,  né 
en  1670,  cultiva  les  sciences  et  les 
lettres,  à  l'exemple  de  son  père  et 
de  son  aïeul.  Il  suivit  cependant  la 
carrière  des  armes.  Nommé  capi- 
taine des  gardes  à  cheval  du  car- 
dinal de  Gonzague,  il  passa  ensuite 
au  service  des  Vénitiens,  qui  lui  con- 
fièrent le  gouvernement  de  Carrare. 
Rappelé  à  Bologne,  en  1723  ,  pour 
y  remplir  la   chaire  d'architecture 


MON 

militaire,  il  y  mourut;,  en  1732, 
à  Fâge  de  soixante-deux  ans ,  sans 
avoir  été  marié.  En  lui  s'éteignit  l'il- 
lustre famille  des  Montalbani  de  Bo- 
logne. Castor  publia,  de  1707  à 
17  i4,  sous  le  nom  anagrammatisé 
de  Brancaleone  Masotti,  des  Jl- 
manachs ,  contenant  des  prédictions 
et  des  horoscopes.  On  a  encore  de 
lui ,  des  Discours,  des  Poèmes,  des 
Dissertations,  dont  Orlandi  rappor- 
te les  titres.  Il  était  membre  de  l'a- 
cadémie des  Arcadi  et  de  celle  des 
Gelali.  W— s. 

MONTALBANI  (  Ovidio  ) ,  l'un 
des  plus  féconds  écrivains  de  son 
temps,  en  aurait  été  l'un  des  plus  es- 
timables ,  si,  à  une  érudition  abon- 
dante, il  eût  réuni  la  critique  et  l'exac- 
titude. Frère  puîné  de  Jean- Baptiste 
Montalbani  (  V.  l'article  précédent  ), 
il  suivit  son  exemple  en  s'appliquant 
à  l'étude  avec  beaucoup  d'ardeur; 
et  il  termina  ses  cours  en  prenant  ses 
degrés  dans  les  facultés  de  médecine , 
de  droit  et  de  philosophie.  Nommé, 
en  iG.'j  j,  professeur  de  logique  à  l'u- 
niversité de  Bologne,  il  remplit  suc- 
cessivement dans  cette  école  les  chai- 
res de  physique,  de  mathématiques 
et  de  morale,  avec  une  réputation 
qui  attirail  à  ses  leçons  une  foule 
d'étrangers.  Il  succéda  ,  <  a  165.7  »  ^ 
Ambrosini,  dans  la  pla<  e  de  conser- 
vateur du  cabinet  d'histoire  natu- 
relle,, légué  par  Aldrovande 
patrie:  La  même  année,  le  sénat 
de  Bologne  l'honora  du  titre  de  son 
astronome;  et,  peu  après,  il  fut  dé- 
signé pour  la  chaire  de  médecine 
théorique  à  l'uni  i'aut  d'em- 

plois divers  n'etaichi  pas  suffisants 
pour  occuper  ti  nts  ;  et 

chaque  ani 

nouvelles  |  écri- 

vain laborieux,  il  avaU  été  Pua  des 
fondai  demie  d«- 


MON 


445 


jierlini,  qui  tint  ses  premières  assem- 
blées dans  sa  maison:  toutes  les  au- 

académies  de  Bologne,  qui, 
comme  l'on  sait,  étaient  fort  nom- 
breuses ,  s'empressèrent  de  se  l'asso- 
cier ;  et  il  y  payait  régulièrement  son 
tribut  par  la  lecture  de  quelques 
pièces  de  vers  ,  ou  de  quelques  dis- 
sertations. Il  mourut  septuagénaire, 
à  Bologne,  le  120  septembre  167 1. 
On  trouvera  la  liste  de  ses  ouvrages 
dans  les  Scrittori  Bolognesi ,  d'Or- 
landi,  et  dans  les  Mémoires  de  Ni- 
ceron,  tome  xxxvn.  Niccron  n'en 
compte  pas  moins  de  quarante-cinq- 
et,  cependant,  il  ne  les  a  pas  tous 
connus.  Outre  des  discours  astrolo- 
giques (  Discorsi  astrologici) ,  dont 
il  publia  trente  volumes  (  de  i(333 
à  1 67  1  ),  et  qui ,  parmi  beaucoup  de 
principes  erronés  ,  contiennent  quel- 
ques observations  utiles  ,  on  citera 
de  lui  :  I.  Index  omnium  plant  arum 
exsiccatarum  et  cartis  aggiutinata- 
rum ,  quœ  in  proprio  musœo  cons- 
piciuntur,  Bologne,  1624,  i"-4°« 
('/est  le  catalogue  de  l'herbier  qu'il 
avait  formé  lui  même,  en  quatre  gros 
volumes  in-fol.  II.  De  illuminabili 
lapide  Bononiensi  epistola,  ibid. , 
i634  ,in~4°.  C'est  la  pierre  du  mont 
Paterno,  qui  acquiert,  par  la  ealei- 
na!iou,!a  propriété  pho&phoriquej 
III.  Epistolœ  varice  ad  eruditosvi- 
ms  de  rébus  in  Bononiensi  tractu 
indigents  ,  ut  est  lapis  illuminabilis 
et  lapis  speculariSj  etc.,  ibid.,  1634, 
iu -','».   IV.    Clarorum  aliquot  doc- 

n  Bononiensium  el" 

•  'lia,  ibid.,    1640,  in  4°.   V. 

ivalia  Bonon.  ewium  anade- 
niata  seu  bibliotheca  Bononù 
ibid.,  l64l  ,  ini(i.  Ce  petit  o.;\ 

t  plein  de  recherche?  curieu- 
ses,   a  été'   refondu    par  Orlandi, 

ses   Serin 
Orlandi  ).  Ovidio  l'a  publié  sous 


4 'èo  Mû 

le  nom  anagrammalique  de  G, 
Bumaldi,  qu'il  a  conservé  à  la  tête 
des  ouvrages  suivants  ,  quoique  per- 
sonne n'ignorât  qu'il  en  fût  le  véri- 
table auteur.  VI.  Formidario  eco- 
notriico  cihaio  e  médicinale  di  ma- 
terie  più  facili ,  e  di  minor  cosio  , 
altrelanto  buone  e  valevoli  quarto 
le  più  pretiose,  etc. ,  ibid. ,  i654,  in- 
4°.  VII.  Bibliotheca  botanlca  seu 
herbaristarum  scriptorum  promota 
synedia,  ibid.  ,  16.57  ,  in-24.  ;  petit 
ouvrage  rare,  que  Séguièr  a  réim- 
primé à  la  suite  de  sa  Bibliolh.  bota- 
nica  ,  en  y  ajoutant  une  table  qui 
facilite  les  reenerencs  (  V.  ,1.-F.  Sil- 
guieu).  Les  botanistes  v  sont  ranges 
dans  l'ordre  chronologique .  V1TT. 
Vocalolista  Bologne  se ;  nel  quale  , 
con  fécondité  historié  e  curiose  eni- 
diiioni ,  si  dimôstfa  il  parldrè  rià 
antico  délia  madré  de  studj  corne 
madré lingua  d'Italia,  ibid.,  1660, 
in- n,  de  '27 2  £ag.:  rare  et  curieux. 
Montalbani  y  a  refondu  plusieurs 
ouvrages  qu'il  avait  déjà  publiés  sur 
l'origine  du  dialecte  particulier  aux 
habitants  de  Bologne,  et  des  pro- 
verbes qui  v  sont  en  usage.  C'est 
Montalbani  qui  a  rédige  la  Dendro- 
logie,  ou  Histoire  naturelle  des  ar- 
bres, pour  faire  suite  aux  différente 
traites  publies  par  Aldrovande  ou 
ses  continuateurs.  Ce  volume,  qui 
est  le  treizième  de  la  collection,  fut 
publie  à  Bologne,  en  1668 ,  et  réim- 
primé à  Francfort,  en  1690.  (  V. 
Aldrovande.  )  Tiiunberg  a  consa- 
cré à  l'honneur  de  ce  botaniste , 
sous  le  nom  de  Bwiialdia  ,  un  des 
nouveaux  genres  qu'il  a  établis  dans 
sa  Flore  du  Japon  :  il  l'aurait,  sans 
doute,  appelé  Montalbana,  s'il  eut 
su  que  le  mot  Bumaldus  n'était 
qu'un  pseudonyme.  W — s. 

MONTALEMBERT  (  André  de  ). 
F.  Esse. 


MONTALEIVIBERT  ou  MONTA 
LAMBERT  (  Adrikn  de  ),  que  ! 
auteurs  du  Dictionnaire  universel  0 
confondu  avec  le  brave  d'Esse  ,  était 
aumônier  et  prédicateur  de  François 
Ier.  li  publia  ,  en   i5ti8  ,   un  émit 
singulier,  intitulé  :  La  Merveilleuse 
histoire  de  l'Esprit  qui  depuis  na- 
guère  s'est  apparu  au  monastère 
des  religieuses  de  Saint- Pierre  de 
Lyon.  C'est  l'histoire  d'une  religieuse 
nommée  Alis  de  Tesieux  ,  qui ,  après 
avoir  mené  une  vie  scandaleuse,  eut 
le  bonheur  de  commencer  sa  péni- 
tence dans  ce  inonde  ,  et  de  l'achever 
deux,  ans  après  sa  mort.  L'esprit  de 
sœur  Alis  s'était  attaché  miraculeu- 
sement ,  disait-of] ,  à  une  jeune  per- 
sonne du  même  monastère.  L'évéquo 
exorcisa  celle-ci  en  présence  d'une 
assemblée  nombreuse,  et  procéda  en- 
suite à  la  délivrance  de  sœur  Alis  : 
a  près  cette  cérémonie ,  son  esprit  dé- 
clara qu'elle  était  sortie  du  pùrgs 
toire  ,  où  elle  aurait  dû  passer  trente 
trois  ans  ,  si  les  prières  qu'on  vem 
de  faire  n'avaient  abrégé  sa  pén 
tence.  Adrien  de  Montalembert ,  t< 
moin  oculaire,  et  l'un  des  principau 
acteurs  de  la  procédure,  en  rédii 
la  relation  ,  qu'il  adressa  au  roi  nu 
me,  pour ,  dit-il ,  récréer  sa  Majes! 
et  lui  donner  passe-temps.  Son  pi  h 
cipalbut  était  sans  doute  de  fourni 
une  réponse  décisive  aux  argument 
des  Luthériens  contre  ie  purgatoire 
mais   son  livre    produisit   un   efTc 
tout  contraire.  Le  fameux  Corneill 
Agrippa  nomme  Montalembert  un 
méchant  homme  et  un   imposteur 
(  Homo  nequam  et  impostor).  Cet 
homme  n'était  que  créduic  et  super- 
stitieux. La  Merveilleuse  histoire  fi 
imprimée  ,  pour  la  première  fois. 
Paris ,  1 5^8 ,  in-4 °. ;  à  Rouen ,  1  5 '.kj 
même  format  ;   et  depuis  à  P 
i58o,  in-12.  Maigre  ce:,  Iroi 


ions  ,  l'ouvrage  était  devenu  très- 
rare.  L'abbé  Lenglet  l'a  repri 
dans  le  Recueil  des  Dissertations  sur 
les  apparitions,  tome  ior.  ,  r-90  ; 
et  l'abbé  d'Artigny,  dans  ses  Nou- 
veaux Mémoires,  tome  vu,  1 83- 
256.  W— s. 

MONTALEMBERT  (  Marc- 
.  marquis  de),  gênerai  fran- 
çais, e't.'àt  né  à  Angouîême,  le  16 
juillet  1 7  1  4  ,  d'une  noble  et  ancienne 
famille  ,  qui  a  produit  pi 
pitaines  célèbres  ,  eut  e  autres  le  ma- 
réchal d'Esse  (  V.  ce  nom  ).  Il  reçut 
une  éducation  conforme  à  sa  nais- 
sance, et  fît  des  progrès  également 
rapides  dans  la  littérature  <  t  dans 
les  études  les  plus  sérieuse-.  Entré 
au  service,  à  l'âge  de  dix-huit  ans, 
il  assista  au  siège  de  Kehl  en  i^33  , 
ei  se  signala,  l'année  suivante,  de- 
vant Philisbourg.  La  guérie  de  Bo- 
attifena  pour  lui  d'antres  occa- 
sions de  montrer  sa  bravoure.  Plus 
t  ird  ,  il  consacra  aux  sciences  les  loi- 
sirs que  lui  bissait  la  paix.  Admis, 
en  1747?  à  l'académie  .  il  y  donna 
plusieurs  Mémoires ,  qui  ont  été  pu- 
bliés dans  le  Recueil  de  cette  com- 
pagnie. Eh  lisant  le  traité  de  V Atta- 
que des  Places  ,  par  Vauban  ,  il  crut 
remarquer  des  imperfections  d  jus  le 

liiea  lopïé  parCegrand  h< 
et  tourna  dès-loi  ;ur  l'étude 

de  la  fortification.    Vers   le   n 
temps  ,   il  faisait  construire  ,  dans 
l'Angoumois  et  le  Pé  foi  - 

ges  importantes,  qui  foumircnl  I 
tôt  à  notre  marine  des  canons  •  | 
;  rojectilcs  dont  elle  n'était  pas 

1  ne.   Il  fut  attaché  ,  pendant  la 
guerre  1  l'état-majôr 

dr-s  ai  ; 

eut   pari  . 
conèertés  par  le 
rendit  compte 
de  toutes  I 


puLlia  ,  en  17G1  ,  le  Pro'specti 
l'ouvrage  qu'il  méditait  di 
temps  sur  la  fortification  ;  mais  le 
duc  de  Choiséul  ,  ci.  ne  les 

étrangers  ne  profitassent  des  idées 
de  Montalembèrt,  lui  demand  1 
iscrit,  et  en  retarda  la    : 
cation,  qui  n'eut  lieu  qu'en  1776. 
Quelques  expressions  peu  mesurées  , 
que  l'auteur  s'élait  permises,  dans 
sa   préface,  à  regard   de 
et  des  principes  qui  parurent  ha- 
sardés   parce    qu'ils    étaient    nou- 
veaux ,  fermèrent  les  yeux  des  gens 
de  l'art  sur  les  idées  utiles  que  ren- 
fermait l'ouvrage.  Le  corps  entier  du 
nça  tout  d'une  v.oix 
contre  Montalenïhert  et  son  ! 
de  là  des  querelles  littéraires  où  !a 
passion  remplaça  l'amour  de  l'art, 
et  où  les  lois  de  l'urbanité   f 
souvent  violées.    Montalembèrt  fut 
chargé,  en  1 779  ,  de  la  cousin 
d'un  fort,t>our  garantir  l'île  d'Aix 
des  attaques  d'- 
exécuté tout  en  bois  ,  ne  conta  que 
huit  cent  mille  francs,  au  lieu   de 
plusieurs  millions  que  portait  le  de- 
vis des  ingénieurs,  et  n'éprouva  pas 
1  e  moindre  dérangement  par  l'effet 
de  la  détonation  simultanée  de  tou- 
tes  les  batteries  ,  quoique  tous   les 
officiers  eussent  annoncé  qu'il   s'é- 
croulerait ,  si  l'on  voulait  faire 
des  pièces  dont  il   était  armé.    11 

épousé  ,  en  1770  ,  IVî11' . 
rie  de  Comarïeû ,  f<  si  ai- 

mable que  spirituelle  (1  )  et    ; 
d'un  i,  -  remarquable  pour 

jouer    la    comédie.    Ifîontalen 
composa  ,  pour  son  théâtre,  quel- 
ques  petites   pièces,  blii  furent  re- 
présentées aveî  Cependant 
la  révolution  approchait  ; 


■  ii. 


448 


MON 


avait  beaucoup  souffert  des  dépenses 
qu'il  avait  laites  pour  l'impression 
de  ses  ouvrages,  et  pour  des  expé- 
riences tentées  dans  des  vues  d'uti- 
lité publique  :  il  n'en  abandonna  pas 
moins  ,  pour  les  besoins  de  l'état  , 
une  pension  qui  lui  avait  été  accor- 
dée pour  la  perte  d'un  œil.  il  lui  était 
dû  six  millions  pour  ses  forges  du 
:  ;ord,  cédées  à  l'administration 
de  la  marine  ;  il  en  réclama  le  paie- 
ment en  1790,  mais  sans  pouvoir 
l'obtenir.  11  se  rendit  vers  le  même 
temps  en  Angleterre  avec  sa  fem- 
me, qu'il  laissa  à  Londres,  au  bout 
de  quelques  mois ,  pour  revenir  à 
Paris  ,  où  il  parut  se  réunir  au  parti 
révolutionnaire  :  il  en  adopta  même 
les  principes  jusqu'à  recourir  au  di- 
vorce pour  épouser  la  fille  d'un  apo- 
thicaire. Cette  conduite  lui  fit  ob- 
tenir la  levée  du  séquestre  apposé 
sur  ses  biens  ;  et  il  vendit,  pour  payer 
ses  créanciers,  sa  belle  terre  de  Mau- 
mont ,  contre  des  assignats  dont  il 
ne  retira  presque  rien.  Malgré  la 
pénurie  où  il  se  trouvait ,  il  conti- 
nuait d'entretenir  un  dessinateur  et 
un  mécanicien,  pour  exécuter  ses 
modèles  en  relief  de  fortifications  , 
collection  précieuse  (1)  qu'il  offrit 
au  comité  de  salut  public.  Carnot , 
qui  était  chargé  spécialement ,  dans 
ce  comité  y  des  opérations  mili- 
taires ,  l'appela  ainsi  que  Darçon 
et  Marescot  ,  pour  s'environner  de 
leurs  lumières.  Montalembert  mou- 
rut d'hydropisie,  le  29  mars  1800  , 
à  l'âge  de  quatre  -  vingt  -  six  ans. 
11  avait  acheté,  en  1778,  et  il  ha- 
bitait la  maison  qu'avaient  occupée 
précédemment  le   comte   de   Gler- 


fl)  Ces  reliefs ,  an  nombre  de  93 ,  formaient  un 
cours  complet  de  forlificatioii  et  d'artilleri*.  Le  Cata- 
logne raisonné  en  a  été  publié  sous  le  tilr»  <\'/.<\if 
des  plans  en  relief  qui  composent  le  cabinet  dejor- 
1  pij  de  M.  le  marquis  de  Monluleiubei l ,  P.t- 
m ,  1783  ,  in-80.  de  17  paç. 


MON 

mont ,  et  ensuite  le  célèbre  Réau- 
mnr.  Montalembert  était  le  doyen 
des  généraux  français  ,  et  de  l'aca- 
démie des  sciences  :  il  fut  proposé 
pour  une  place  à  l'Institut  dans 
section  de  mécanique  ;  mais  il  se 
retira  en  apprenant  qu'il  avait  pour 
concurrent  Buonaparte.  Outre  des 
Mémoires ,  insérés  dans  le  recueil 
de  l'académie,  on  a  de  lui  :  I.  La 
Fortification  perpendiculaire  ,  ou 
V Art  défensif  supérieur  à  l'offen- 
sif ,  Paris  ,  1776  -  96  ,  11  vol. 
in-4°.  ,  avec  un  grand  nombre  de 
planches.  On  trouve  rarement  cet 
ouvrage  complet.  Les  premiers  vo- 
lumes ont  été  traduits  en  allemand, 
par  le  major  du  génie  Lindenau. 
L'auteur  s'attache  à  faire  voir  le 
défaut  du  système  des  forts  bastion- 
nés  ,  et  y  substitue  celui  des  forte 
resses  angulaires ,  avec  des  casema 
tes  ,  ayant  pour  principe  constant 
que  les  casemates  sont  le  seul  moye 
de  mettre  un  petit  nombre  d'hom 
mes  en  état  de  soutenir  long-temps 
les  attaques  d'un  plus  grand  nombre. 
On  peut  voir  le  précis  des  diverses 
applications  de  cette  idée  princi- 
pale, dans  Y  Architecture  des  for- 
teresses, par  G. -F.  Mandar,  qui  re- 
connaît (  tome  1 ,  p.  600  )  qu'aucun 
auteur  de  fortification  ,  aucun  ingé- 
nieur ,  n'a  montré  plus  de  génie  que 
Montalembert  ne  l'a  fait  dans  les 
combinaisons  aussi  variées  que  nom- 
breuses du  système  à  tenailles  case- 
matées.  Son  ouvrage  offre  des  dé- 
tails complets  sur  toutes  les  parties 
de  l'art  militaire:  l'histoire  des  sièges 
les  plus  fameux  ;  la  description  de 
plusieurs  machines  intéressantes;  un 
nouveau  fusil  et  un  nouvel  affût,  exé- 
cutés d'après  ses  données  ;  les  plans 
des  principales  villes  et  des  ports  , 
avec  des  observations  sur  leurs  for- 
tifications naturelles  et  les  moyens 


"- 


MON 

de  les  améliorer.  Les  deux  derniers 
volumes  ne  contiennent  une  les  ré- 
ponses de  Montalembert  à  ses  cri- 
tiques, et  des  opuscules  qui  n'avaient 
pu  être  publiés  séparément.  II.  Cor- 
respondance pendant  la  guerre  de 
i^St,  Londres  (  Neuchalel  ),  1777  , 
3  vol.  gr.  in-8°.  ;  trad.cn  allem., 
par  M.  de  Rohr,  Breslau  ,  1  780-81  , 
3  vol.  Cette  correspondance  est  in- 
téressante pour  l'histoire  de  la  guerre 
de  Sept- Ans;  et  on  y  voit  L'impor- 
tance des  services  qie  Montalcm- 
bert  a  rendus  à  la  France.  III.  Ré- 
ponse au  colonel  D' Arçon  sur  son 
Apologie  des  principes  observés  dans 
le  corps  du  génie  ,  1 790 ,  in  -  4'*. 
IV.  L'ami  de  fart  défensif,  ou 
Observations  sur  le  Journal  de  l'é- 
cole polytechnique  ,  an  îv  f  1796  ), 
6  nos.  in-4°.  V.  Mémoire  historique 
sur  la  fonte  des  canons,  1 7  58  , 
in-4°.  VI.  Cheminée -poêle,  ou  poêle 
français,  1766,  in-  4°.  VIL  Rela- 
tion du  siège  de  Saint- Jean  d' 
1798,  in  8\  VIII.  La  Statue  et  la 
Bergère  de  qualité  {  musique  de  Cam- 
bini  ),  et  la  Bohémienne  supposée  , 
(  musique  de  Thomeoni  ) ,  trois  pièces 
imprimées  en  1  "8(5  ,  sans  doute  à  un 
petit  nombre  d'exemplaires  pour  des 
présents.  IX.  Des  Poésies  inédites. 
«  J'ai  de  Montalembert  »  ,  dit  La- 
lande,  «  un  grand  nombre  de  contes 
»  en  vers  et  de  chansons,  que  je  vou- 
»  drais  publier,  parce  qu'on  y  trouve 
»  de  la  grâce ,  de  l'élégance  et  de 
»  l'imagination.  »  On  peut  consul- 
ter ,  pour  plus  de  détails,  sa  Notice 
sur  Montalembert  ,  dans  le  Maga- 
sin encyclopédique  ,  vie.  ann.  ,  to- 
me Ier.  ,  |».  123 -ag;  —  une  autre 
Notice,  lue  par  M.  Desaudray  au 
des  arts,br.  in-8°.de  i5  pag.; 
et  son  Éloge  historique,  parDelisIe 
de  Sales  rt  le  comte  de  la  Pl.itière  , 
Paris,  180 1 ,  in  pag.,  avec 

xxix. 


MON  44g 

le  portrait  de  Montalembert,  gravé 
par  Saint-Aubin,  Son  buste  a  été 
exécuté  par  le  sculpteur  Bou\ 

VV— s. 

MONTALTE.  V.  Danedi. 

MON  iALTO     Li  doge 

de  Gènes  ,  appartenait  a  une  famille 
illustre  de  l'or  .re  populaire.  C  était 
un  habile  jurisconsulte,  ami  de  Si- 
mon Boccanegra ,  premier  do^e  de 
Gènes.  Après  la  mort  de  ce  dernier, 
il  demeura,  en  i363,  chef  du  parti 
gibelin.  Peu  ant  vingt  ans,  Montal- 
to  combattit  pour  la  première  place, 
avec  les  chefs  de  trois  autres  familles 
également  plébéiennes  et  également 
puissantes,  les  Aiorni,  les  Fregosi 
et  les  Guarci.  Il  l'emporta  enfin  :  le 
6  avril  i383,  il  fut  nommé  doge 
de  Gènes;  mais,  moins  d'une  année 
après,  une  maladie  le  mit  au  tom- 
beau. —  Antoine  de  Mo^talto  prit 
ensuite  la  direction  du  parti  qui  s'é- 
tait attaché  à  sa  famille;  il  n'avait 
encore  que  vingt-trois  ans,  lorsqu'en 
1393,  il  fut  placé  une  première  fois 
sur  le  trône  ducal.  Il  joignait  à  une 
bravoure  brillante,  une  modération 
et  une  clémence  rares  chez  un  chef 
de  parti;  mais  il  avait  à  lutter  contre 
plusieurs  rivaux  redoutables,  parmi 
lesquels  Antoniotto  Adorno  était  le 
pins  distingué.  Il  put  à  peine  garder 
son  poste  une  année  ;  il  le  recouvra 
en  i3q{,  mais  pour  moins  de  temps 
encore.  Gènes  ayant  ensuite  été  livrée 
par  Adorno  au  roi  de  France  Char* 
les  VI,  Montalto  lit  de  vains  efforts 
pour  lui  rendre  la  libelle.  La  répu- 
blique s'affranchit  ensuite,  en  1 4  *  r» 
sans  son  entremise;  et  elle  ne  rendit 
point  à  MontaltÔ  la  dignité  dont  il 
avait  été  revêtu.  S.  S 

montalvo.  t.galvlz,  xvr, 
397. 

MONTAN,    hérésiarque    du 

deuxième  siècle,  était  ne  a  Wdaban, 

*9 


Vio  MOU 

bourg  de  la  Mysie.  Il  embrassa  lé 
christianisme,  croyant  pouvoir  par- 
venir aux  premières  dignités  école-1 
siastiques;  mais,  trompé  dans  cette 
attente  ,  et  dévoré  d'une  ambition 
excessive,  il  résolut  de  se  faire  pas- 
ser pour  prophète.  Ayant  attiré  à 
son  parti  deux  dames  de  Phrygie  , 
nommées  Priscillc  et  Maximille,  qui 
abandonnèrent  leurs  maris  pour  le 
suivre ,  il  débuta  par  annoncer  qu'il 
était  le  prophète  que  le  Saint-Esprit 
avait  choisi  pour  révéler  aux  hom- 
mes les  vérités  fortes  qu'ils  n'étaient 
pas  en  état  d'entendre  au  temps  des 
apôtres.  La  sévérité  de  sa  morale  et 
l'amour  du  merveilleux  lui  firent  un 
grand  nombre  de  partisans,  qui  l'ap- 
pelaient le  Paraclet.  L'Église  d'O- 
rient condamna,  vers   17 2,  les  er- 
reurs de  Montan;    et  l'orgueilleux 
sectaire,  loin  d'être  touché  des  cha- 
ritables avertissements  des  pasteurs 
légitimes ,  persista  dans  son  schis- 
me ,  et  y  entraîna  ses  disciples.-  Les 
premiers  Montanistes  n'avaient  rien 
changé  aux  articles  du  Symbole; 
mais  ,  séduits  par  l'idée  d'une  plus 
grande  perfection,  ils  avaient  ajouté 
a  la  rigueur  des  pénitences  prescrites 
par  les  canons.  Ils  refusaient  d'ad- 
mettre à  la  communion   ceux  qui 
étaient  coupables  de  quelque  crime, 
soutenant  que  nul  n'a\ait  le  droit  de 
les  absoudre  ;  ils  condamnaient  les  se- 
condes noces  comme  des  adultères  • 
ils  avaient  établi  jusqu'à  trois  carê- 
mes fort  rigoureux,  et  des  jeûnes  ex- 
traordinaires; enfin  ils  enseignaient 
qu'on  ne  doit  point  fuir  les  persécu- 
tions, mais  au  contraire  les  recher- 
cher ,  et  braver  les  fers  et  la  mort. 
Montan  vécut,  dit-on,  jusqu'en  212, 
sous  le  règne  de  Garacalla;  et  plu- 
sieurs écrivains  prétendent  qu'il  mit 
Jin  à  son  existence,  en  se  pendant, 
iiiiisi  que  Maximille.  Ses  disciples,  qui 


MON 

ont  subsisté  plus  d'un  siècle  en  Asie, 
et  particulièrement  dans  la  Phrygie, 
avaient  pénétré  jusqu'en    Afrique, 
puisqu'ils  séduisirent  Tertullien  (1  ) , 
qui  se  sépara  d'eux  à  la  fin,  niais ,  «à 
ce  qu'il  paraît,  sans  condamner  leurs 
erreurs  (F.  Tertullien).  Us  se  di- 
visèrent en  deux    sectes  ;    les    uns 
suivirent  les  opinions  de  Proclus,  et 
les  autres  adoptèrent  les  erreurs  du 
sabcllianisme.  Montan   avait   laissé 
un  livre  de  Prophéties ,  qui  ne  nous 
est  point  parvenu.  Miltiadcs  et  Apol- 
lonius ont  écrit  contre  les  Monta- 
nistes; mais  il  ne  nous  reste  de  leurs 
ouvrages  que  les  fragments  conser- 
vés par  Eusèbe,  dans  son  Histoire 
(liv.  v,ch.  18).  On  peut  consulter, 
pour  plus  de  détails  ,  les  auteurs  ec- 
clésiastiaues  et  le  Dictionnaire  de 
l'abbé  Pluquet.  W— s. 

MONTANARI  (Gemïniano)  ,  as- 
tronome ,  naquit  à  Modène,  en  1 632. 
Il  fit  ses  études  de  philosophie  et  de 
jurisprudence  à  Florence,  voyagea 
en  Allemagne,  y  fut  reçu  docteur  en 
droit ,  et  étudia  les  mathématiques 
sous  le  Florentin  Louis  deBono  :  de 
retour  à  Florence,  il  y  exerça  la  pro- 
fession d'avocat,  devint  astronome 
des  Médicis ,  puis  philosophe  et 
mathématicien  du  duc  de  Modène , 
Alphonse  IV.  Après  la  mort  de  ce 
prince,  il  travailla  aux  Éphémérides 
de  Malvasia,  fut  nommé  professeur 
de  mathématiques  à  Bologne,  et  rem- 
plit celte  place  jusqu'en  1674 :  de  là, 
il  fut  transféré  à  Padoue  ,  pour  y 
professer  l'astronomie  et  la  météo - 


proptietesse  monta 
rant  TeHullirn   clan 


(1} Les prestiges, prédictions,  guérisods  et  indica- 
tion* de  remèdes  opérés  ,  par   la  proptietesse  i 
ni.sto,   et  qui   entraînèrent  le 
«elle  secte  ,  paraissent  avoir  assez  de  rapporl 
qu'on   raconte  des   phénomènes  du  s  imuambnlisnie 
magnétique.  (  y.  la Notice  sur  la  rhum  de  Tertul- 
lien, causée  par  des  révélations   somnanibul 
par  J.  B.  de  Joannis,  maire  de  Turtjuaut,  pri 
mur,    dans   les    Annales   du    magnétisme   animal 
u°.  jo,  U>ju.  Il,  p.  iDi-ibi,  i8i4,  in-80.  )     G-ct:* 


MON 

rologie;  et  il  y  mourut  subitement, 
en  sortant  de  table,  à  l'âge  de  cin- 
qiiante-cinq  ans,  le  i3  octobre  1687. 
On  a  de  lui  les  ouvrages  suivants  : 
I.  Comètes  Bononice  observât  us , 
anno  \66.\et  1 665  :  astronomico- 
physjca  dissertatio.  II.  Copia  ai  due 
lettere  scrltte  alV  illustr.  sign.  An- 
tonio Jlagliabecchi  ,  sopra  i  moti 
e  le  apparenze  délie  due  comète 
ullimamente  apparse  sul  fine  di 
novembre  1680.  III.  Celebeirimo 
viro  Carolo  Patina ,  de  cometd 
anni  r68i.  IV.  Copia  di  lettera 
scritta  al  Magliabecclii ,  intorno  la 
cometa  apparsa  Vanno  168:2.  Ces 
quatre  dissertations  ont  été  réunies 
par  le  P.  Gaudence-Robert  de  Parme, 
carme,  dans  le  recueil  intitulé  :  Mis* 
cellanea  italica  phjsico -mathema- 
tica,  Bologne,  1692,  in4°.  La  théo- 
rie de  l'auteur  n'offre  rien  de  re- 
marquable; elle  est  un  composé  des 

d'Aristote  et  de  Descarfc 
des  méthodes  de  Gassini  :  le  micro- 
mètre dont  il  se  sert  pour  ses  obser- 
vations, a  la  plus  grande  ressem- 
blance avec  celui  d'Auzout,  dont  il 
ne  diffère  que  par  le  nombre  des 
iiis  d'argent,  qui  divisent  en  plu- 
sieurs espaces  carrés  le  champ  de 
la  lunette.  Ces  ouvrages  sont  aujour- 
d'hui confondus  avec  cette  foule  de 
dissertations  du  même  genre,  qui 
ont   paru  aux  nieai.  i  dans 

toutes  les  parties  de  l'Kurope.  Ce 
qui  pourra  faire  vivre  le  nom  de 
Montanari ,  ce  sont  les  Lettres 
lui  ont  été  adressées  par  D.  Cassini  , 
au  sujet  des  réfractions.  Ces  let- 
tres mêmes ,  devenues  très-rares  , 
le-  nous  apprennent  des  méthodes 
qui  se  lit  dans 

autres   oui  ■   sont    (\v* 

idées  saim  nement  va- 

:  ce  qu'on   y  trouve  de  plus 

curieux,  c'est  que  le  théorème  toa- 


MON 


*5î 


damental  a  été'  tiré  ,  par  Descartes, 
des  expériences  de  SneUiùs  ;  que  ce 
théorème  avait  été  publié  par 
senne  et  plusieurs  autres,  et  que  Cas- 
sini n'a  fait  que  le  confirmer  par 
de  nouvelles  expériences  ;  au  lieu 
que,  dans  ses  ouvrages  subséquents, 
il  a  l'air  de  s'en  déclarer  le  pre- 
mier auteur.  Le  nom  de  Montanarî 
est  encore  cité  quelquefois  par  les 
astronomes ,  à  cause  des  change- 
ments qu'il  a  remarqués  dans  plus 
de  cent  étoiles,  et  qu'il  a  consignés 
dans  l'écrit  intitulé  :  V.  Discorso 
academico  sopra  la  sparizione  d'al- 
cune  slelle7  ed  alire  novita  scoperta 
nel  cielo ,  Bologne,  1672,  in- 4°. 
VI.  Ephemeris  Lansbergiana  ad 
annum  1 666  ,  item  de  salis  hypo- 
thesibus  et  refractionibus  siderum. 
VIT.  Il  Mare  Adriatico  e  suo  cor~ 
rente  esaminato  ,  e  la,  naturalezzct 
de'fiumi  scoperta  e  con  nuove forma 
di  ripari  corretta ,  ouvrage  impor- 
tant et  fort  estimé  :  on  Y  à  inséré  dans 
la  collection  des  Scrittori  delV  ac- 
que,  imprimée  à  Parme,  tome  t. 
VIII.  V astrologia  coiwïnla  difal- 
so ,  etc. ,  Venise,  i685.  On  y  trouve, 
page  4°  >  une  curieuse  notice ,  en 
forme  d'annales  ,  des  principaux: 
événements  de  la  vie  de  l'auteur  : 
on  l'a  reproduite  en  entier  dans  le 
Dictionnaire  historique  imprimé  à 
Bassano.  Fabroni  (Pitœ  Italor.  )  et 
Tiraboschi  (  Bibl.  Modenese  )  ont 
donné  de  grands  détails  sur  cet  as- 
tronome. D L E. 

MONTANCLOS  (  Marie-Emilie 
Mayon  de),  connue  par  t\c^  poésies 
faciles ,  mais  négligées ,  naquit  à  Aix 
en  i-j'tti.  Elle  eut  pour  premier  ma- 
ri François-René,  baron  de  Pi  in 
e!  contracta  une 

Charlemagne  Cuvelier  Grandis  de 
Montanclos.  Demeurée  veuve  de  ce 
dernier,  elle  consacra  ses  jouis  au\ 


452 


MON 


lettres  et  à  Famitié ,  jusqu'à  sa  mort , 
arrivée  le  29  août  1812.  C'était  une 
femme  d'une  sensibilité  douce  et  d'un 
esprit  orné  :  une  aimable  simplicité 
caractérisait  son  talent.  Ses  produc- 
tions consistent  en  un  grand  nombre 
de  poésies  fugitives ,  et  en  plusieurs 
pièces  de  théâtre  ,  parmi  lesquelles 
on  distingue  l' opéra-comique  de  Ro- 
bertle-Bossu.  Ses  œuvres  diverses  , 
publiées  à  Paris ,  1790,  1  vol.  in- 
12,  ne  comprennent  guère  que  la 
moitié  de  ses  compositions  poéti- 
ques ;  une  partie  de  celles  qui  sorti- 
rent de  sa  plume  postérieurement 
à  ce  recueil ,  sont  disséminées  dans 
YAlmanach  des  Muses.      F — t. 

MONTANO    (  Jean  -  Baptiste 
MONTI,  plus  connu  sous  le  nom 
de),  en  latin  Mont  anus  7  l'un  des 
plus  célèbres  médecins  de  son  temps, 
naquit  à  la  (in  du  quinzième  siècle , 
à  Vérone,  d'une  noble  et  ancienne 
famille.  Envoyé  à  Padoue  pour  y 
faire  son  droit,  il  négligea  cette  étude 
pour  s'appliquer  à   l'histoire  natu- 
relle et  à  la   médecine.  Son  père, 
après  avoir  tenté  inutilement  de  le 
ramener  à  ses  vues,  cessa  de  payer  sa 
pension;  de  sorte  que  le  fils  fut  obligé, 
pour  subsister,  de  vendre  jusqu'à  ses 
livres  :  mais  cette  rigueur,  peut-être 
injuste ,  ne  put  lui  faire  abandonner 
sa  résolution;  et,  à  la  fin  de  ses 
cours  ,  il  reçut  le  laurier  doctoral  au 
milieu  des  félicitations  de  ses  maî- 
tres et  de  ses  condisciples.  Il  espé- 
rait que  ce  premier  succès  le  justifie- 
rait  aux  yeux  de  son  père  ;  mais 
l'ayant  trouvé  inflexible,  il  quitta 
brusquement  Vérone,  et  s'établit  à 
Brescia ,  où  il  pratiqua  son  art  avec 
beaucoup  de  succès.  A  des  connais- 
sances étendues  dans  les  différentes 
branches  de  la  médecine  ,  Monta  no 
joignait  de  l'imagination,  et  un  es- 
prit orné  par  la  lecture  des  meilleurs 


MON 

ouvrages  :  il    composait  des  vers 
agréables  ,  et  parlait  avec  une  cor- 
rection et  une  élégance  peu  commu- 
nes. Lassé  du  séjour  de  Brescia  ,  iî 
se  rendit  à  Na pics  ,  et  y  donna  des 
leçons  surPindare,  dans  lesquelles 
il  développa  tant  d'érudition  et  de 
goût,  que  Pontanus,  Sannazar   et 
d'autres  littérateurs  distingués,  après 
l'avoir  entendu,  lui   offrirent  leur 
amitié.  Il  visita  ensuite  Rome  et  Ve- 
nise ,  et  partout  il  se  vit  recherché 
des    grands  et  comblé  de  faveurs  : 
mais  il  préférait  une  vie  tranquille 
à  tout  l'éclat  de  la  fortune:  et  il  re- 
vint ,  en  i53G,  à  Padoue  ,  résolu  d'y 
jouir, dans  unedouceretraite,  du  fruit 
de  ses  économies.  Obligé  de  céder 
aux  instances  qu'on  lui  fit  d'accepter 
une  chaire  de  médecine  dans  cette 
même  école  où  il  avait  étudié  ,  il  la 
remplit,  pendant  onze  années,  avec 
un  succès  toujours  croissant,  et  qui 
attira  une  foule  d'auditeurs  de  toutes 
les    parties   de   l'Europe.    11    reçut 
d'honorables  propositions  de  l'em- 
pereur  Charles  -  Quint ,   de    Fran- 
çois Ier. ,  et  du  grand-duc  de  Tos- 
cane,   qui  desiraient   se   l'attacher 
comme  médecin;  mais  rien  ne  put  le 
déterminer  à  quitter  Padoue.  Forcé  , 
par   des    douleurs   qu'il    ressentait 
depuis  quelque  temps  dans  la  vessie, 
de  suspendre   ses  leçons,  il    se  fit 
transporter  àTerrazo,  dans  l'espoir 
que  l'air  natal  lui  rendrait  la  santé; 
mais  il  fut  trompé  dans  cette  at- 
tente, et  mourut  le  6  mai  i55i  (1). 


(i)  On  est  bien  d'accord  sur  la  date  de  la  mort  de 
Montano  ;  ma  s  on  ne  l'est  pas  sur  sun  âge.  Quelques 
biographe*  disent  qu'il  mourul  à  53  ans;  d'autre*  lui 


donnent  deux  ans  de  ('lus;  enlin  ,  il  en  est   quelque»- 

aphe,  prétende 
parvint  à  nue  grande  vieillesse   La  Parque  qui  redou- 


iiusqui,  se  fondant  sur  son  épitaphe,  prétendent  qu'il 


tait  les   talents   de  Montano  ,  a  trauche   le   fil  de  sea 
jours  ;  voilà  ce  que  porte  en  substance  cette  pièce  : 

Et  secuit  vitœ  grandta  jila  tuœ. 

11  en  faut  conclure  que  Montano  mourut  jeune;  fou{ 
autre  seus  est  inadmissible.  H  f  st  bien  etounaut  que  1* 


MON 

Les  restes  de  ce  grand  médecin  fu- 
rent conduits  à  Vérone,  et  déposes 
dans  l'église  Sainte-Marie.  Nicolas 
Cliiocco  prononça  son  oraison  fu- 
nèbre ;  et  Fracastor  composa  son 
epitaphe  ,  rapportée  par  Ghilini  , 
Éloy,  M.  Portai,  etc.  Montano  a 
laisse  un  grand  nombre  d'ouvrages , 
qui  ont  été  presque  tous  publiés  par 
ses  élèves ,  Jérôme  Donzellini ,  Jean 
Craton,  Vinc.  Gasali,  Martin  Wein- 
drich  ,  Valent.  Lublin,  etc.;  on  en 
trouvera  les  titres  dans  Ghilini  (  Tea- 
trod'uom.  letterati),  Tessier  {Elog. 
des  hommes  savants),  Éloy  (Dict. 
de  médecine),. aie.  Les  nombreuses 
éditions  qui  en  ont  été  faites  au  sei- 
zième siècle  ,  en  Italie,  en  France  et 
en  Allemagne  ,  prouvent  assez  toute 
l'estime  dont  ils  jouissaient;  mais 
depuis  que  les  progrès  de  l'art  et  de 
nouvelles  expériences  les  ont  rendus 
presque  inutiles ,  ils  ont  dû  la  plu- 
part tomber  dans  l'oubli.  Montano 
a  donné  la  traduction  latine  d'une 
partie  des  OEuvres  médicales  d' A é- 
tius.  Gornarius  avait  déjà  traduit 
quelques  traités  du  même  auteur  :  les 
versions  de  l'un  et  de  l'autre  ont  été 
réunies  à  Venise,  i  534  ,  3  vol.  in- 
fol.  Parmi  les  autres  productions  de 
Montano,  on  se  contentera  de  citer: 
I.  OfAiscida  varia  et  prœclara , 
Baie,  i5)8,in-8*.  M.  Portai  dit  que 
ce  recueil  est  encore  bon  à  consulte! 
pour  les  détails  anatoniiqucs  (  Hist. 
de  Vanalom.  /,  53g  ).  IL  Consul- 
taiionum  a  pas  de  rariorum  mor- 
borum  cura&iombus ,  Baie,  1 5 S 7  , 
.;  i583;  Francfort,  i587,  in- 
fol.  On  trouvera  des  observation» 
intéressantes  dans  cette  compilation, 
dont  J.  Graton  ,  qui  eu  est  l'éditeur, 
peut    réclamer  une    grande    partie. 

douh|,>  "  '  &U  ail  trompé  tel  édi- 

teur» du  Moi  -  * 


MON  453 

III.  Medicina  unwersa  exlectioni- 
bus  Montani ,  cœterisque  opuscu- 
lis  collecta  ,  Francfort ,  1 587  ,  2 
tom.  in -fol.  Ce  recueil,  publié  par 
Mart.  Weindrich  ,  contient  la  plus 
grande  partie  des  ouvrages  de  sou 
maître. Outre  les  écrivains  déjà  cités, 
on  peut  consulter  le  traité  d'Astruc 
de  Morbis  venereis ,  où  Montano  a 
une  notice  intéressante.      W — s. 

MONTANSIER  (  M^e.  )  a  donné 
son  nom  à  l'un  des  théâtres  de  Pa- 
ris :  elle  avait  épousé  un  comédien 
nommé  Bourdon-Neuville;  mais  on 
continua  de  l'appeler  de  son  premier 
nom.  Après  avoir  eu  la  direction  des 
théâtres  du  Havre  et  de  Rouen,  Mllc. 
Montansier  était ,  au  moment  de  la 
révolution  ,  à  la  tête  d'un  grand  éta- 
blissement dramatique  à  Versailles. 
Prévoyant  bien  que  le  déplacement 
de  la  cour  lui  serait  très-préjudicia- 
ble, elle  acheta,  dès  1789,  au  Pa- 
lais-Royal, la  salle  auparavant  occu- 
pée par  les  Beaujolais.  Malgré  ses 
démarches  et  ses  protections  ,  ce  ne 
fut  qu'après  Pâques,  1790,  qu'elle 
put  y  faire  l'ouverture  de  son  spec- 
tacle. Il  fut  très  -  suivi ,  et  la  salle 
agrandie  pendant  la  clôture  pascale 
de  1  791 .  On  y  jouait  l'opéra ,  la  tra- 

fédie  et  la  comédie.  Ce  fut  là  qu'on 
onna  pour  la  première  fois  le  Déses- 
poir de  Jocrisse,  farce  célèbre,  dans 
laquelle  Baptiste  cadet  remplissait  le 
principal  rôle.  M11''.  Montansier  était 
douée  d'une  grande  activité;  et  elle 
ne  négligea  pas  de  travailler  ses  suc- 
111  besoin  même  elle  comman- 
dait les  applaudissements  par  les 
coups  de  poing  de  gens  soudoyés. 
lit  par  tolérance,  ou  par  faveur, 
qu'elle  avait  obtenu  l'ouverture  de 
son  théâtre,  en  i7<)(>.  Elle  fut  la. 
première  à  profiter  de  la  loi  du  i3 
janvier  1791  ,  qui  laissait  à  tout  ci- 
toyen la  liberté  d'établir  une  salle  de 


4^4 


MON 


spectacle.  Elle  imagina  d'en  faire 
construire  une ,  rue  de  Richelieu ,  en 
lace  de  la  Bibliothèque  du  roi  :  elle 
l'aurait  appelée  la  Réuniondes  arts , 
en  la  consacrant  à  tons  les  genres.  Le 
prospectus  qu'elle  répandit, la  même 
année,  en  portait  la  dépense  à  neuf 
millions;  ce  qui  fit  dès  l'instant  de- 
signer cette  salle  sous  le  titre  de 
Théâtre  de  neuf  millions.  Pendant 
sa  construction  ,  en  1793  ,  M1Ie. 
Montansier  fut  accusée  d'avoir  dis- 
tribue des  médailles  royalistes  :  le 
théâtre  qu'elle  dirigeait  toujours  au 
Palais-Royal  fut  fermé;  et  lorsqu'on 
3e  rouvrit  peu  après ,  il  prit  le  nom 
de  Théâtre  de  la  Montagne.  Mlle. 
Montansier  échappa  au  règne  de  la 
terreur.  Elle  avait  même  fait  l'ouver- 
ture de  sa  nouvelle  salle  sous  le  titre 
de  Théâtre  des  Arts,  qu'on  y  lit  en- 
core; mais  le  gouvernement  s'en  étant 
emparé  y  établit  l'opéra,  le  20  ther- 
midor an  2  (  7  août  1 794  )  (  1  )•  Mlle. 
Montansier  réclama ,  souvent  et  long- 
temps ,  des  indemnités  pour  cette 
salle ,  sous  tous  les  régimes  qui  se 
sont  succédé  en  France ,  depuis 
1791;  et  elle  n'obtint  pas  grand' 
chose.  Elle  avait  vendu  ou  abandon- 
né ses  droits  et  intérêts  dans  la  di- 
rection du  théâtre  resté  au  Palais- 
Royal,  et  qui  continua  cependant 
d'être  connu  par  le  nom  de  sa  pre- 
mière directrice.  Lorsque  plus  tard 
(  24  juin  1807  ),  la  troupe  se  trans- 
porta dans  une  nouvelle  salle  au  pas- 
sage des  Panoramas,  ce  fut  encore 
sous  le  nom  de  Montansier  que  l'on 
continua  de  désigner  ce  théâtre. 
Mlle.  Montansier  avait  beaucoup  de 
dettes  et  de  procès ,  et  elle  aimait 
les  uns  et  les  autres  :  elle  lisait  elle- 
même  en  entier  les  nombreux  ex- 

(1)  Le  i3  février  i8ao  ,  le  duc  de  Berri  ayant  été 
assassiné  comme  il  hurlait  <lc  ce  spectacle,  on  a  arrêté 

<|un  la  salle  serait  dciajjie  ;  et  déjà  il  u'eu  ixsle 
plus  que  les  mur» 


MON 

ploits  qu'elle  recevait,  et  y  faisait 
de  sa  main  des  notes  marginales. 
Elle  est  morte  le  i3  juillet  1820, 
âgée  de  90  ans.  A.  B — t. 

MON  TAN  US.     F.    Arias    et 
Bergue. 

MONTARGON  (  Robert-Fran- 
çois de),  religieux  augustin  du  cou- 
vent de  la  place  des  Victoires  à  Paris, 
né  dans  cette  ville  en  170.5,  por- 
tait dans  son  ordre  le  nom  d'Hya- 
cinthe de  l'Assomption.  Il  se  livra  au 
ministère  de  la  chaire ,  et  prêcha  de- 
vant Louis  XV,  et  devant  le  roi  de 
Pologne  ,  Stanislas  ,  qui  lui  donna 
le  litre  de  son  aumônier.  Il  périt 
malheureusement  à  Plombières,  dans 
un  débordement  des  eaux  que  cette 
ville  essuya  le  j>5  juillet  1770.  Ses 
ouvrages  sont  :  I.  Le  Dictionnaire 
apostolique ,  1752  et  années  suiv.  , 
i3  vol.  in-8°.  (ou  12  vol.  in-  12  ); 
traduit  en  italien,  Venise,  17.55. 
«  C'est  un  répertoire  utile,  dit  Fel- 
lcr ,  et  il  le  serait  davantage  si  l'au- 
teur avait  eu  plus  de  goût ,  et  un  style 
plus  correct.  »  II.  Histoire  de  l'ins- 
titution de  la  fête  du  Saint-Sacre- 
ment ,  1753,  in- ia.  III.  Recueil 
d'éloquence  sainte ,  ou  Bibliothèque 
des  patriarches  et  des  fondateurs 
d'ordres  ,  1759,  5  vol.  in-8°. 

P — c — t. 

MONTARGUE  (Pierre  de  ), 
major-général  et  chef  des  ingénieurs 
des  armées  prussiennes  ,  était  né  a 
Uzès  ,  de  parents  protestants  ,  en 
1660.  De  Genève,  où  il  avait  été  en- 
vové  pour  ses  études  ,  il  passa  dans 
le  Brandebourg  ,  à  la  révocation  de 
redit  de  Nantes.  Il  s'y  distingua  par 
son  courage  et  par  son  habileté,  et 
obtint  un  rapide  avancement.  Le 
prince  royal  de  Prusse  l'envoya  por- 
ter au  roi  son  père  ,  la  nouvelle  de  la 
victoire  de  Malplaquet.  H  fut  charge,' 
par  le  roi,  quelques  années  api  es  x 


MON 

d'aller  complimenter  Charles  XII 
sur  son  retour,  et  de  négocier  avec 
lui.  Apres  la  mort  de  Charles,  la 
guerre  s'étant allumée  entre  la  Prusse 
et  la  Suède  ,  Montaigne  dirigea  le 
siège  de  Stralsund,  sous  les  yeux 
de  son  maître  et  sous  ceux  du  rui  de 
Danemark.  Ce  prince  demanda  cet 
officier  pour  faire  le  siège  de  Wis- 
mar,  et  voulut  le  récompenser  par 
l'ordre  de  Dancbrog;  mais  le  rui  de 
Prusse  ne  lui  permit  pas  de  l'accep- 
ter; et  il  l'en  dédommagea,  en  lui 
donnant  l'ordre  de  la  Générosité. 
Idonîargue  a  levé  un  grand  nombre 
de  caries  et  de  plans.  11  mourut  à 
Maéstricht,  en  17^3.     V.  S.  L. 

MONTAUBAN  (Jacques  Pous- 
set  de  ),  avocat  et  écbevin  à  Paris  , 
mort  eu  1 680  ,  sut  concilier  son  goût 
pour  les  lettres  avec  les  occupatious 
du  barreau.  Il  se  lit  une  réputation 
dans  cette  dernière  carrière  ,  et  n'en 
laissa  aucune  comme  écrivain.  C'était 
un  homme  de  plaisir,  d'une  société 
agréable,  lie  avec  Boileau  ,  Chapelle 
et  Racine.  Il  n'avait  pu  consulter  ce 
dernier,  lorsqu'il  fit  imprimer  ,  en 
l65  î  ,  la  collection  de  ses  OEuvres 
dramatiques,  composée  de  Seleucus, 
à'Indégonde  ,  de  Zéndbie  ,  et  du 
Comte  d'Hollande ,  tragédies ,  et  des 
comédies  de  Félicie  et  de  Panurge. 
Leur  titre  est  tout  ce  qu'on  en  con- 
naît aujourd'hui.  Ses  productions 
oratoires  ,  quoique  défigurées  par  les 
défauts  de  son  siècle,  eussent  mieux 
mérité  que  ses  poésies,  qu'il  prit  la 
peine  de  les  rassembler.  Ga\ 
Pitaval  a  donné,  dans  sa  compilai 
lion.  ,  plaidoyer  de  cet 

avocat  dans  L'affaire  du  gueux  de 
Vernon  ,  et  de  relui  qu'il  prononça 
dans  la  cai 

Gcran.  Son  style  a  du  mouvement , 
de  I1. 

ÎS  contemporains,  consister 


MON 


455 


l'éloquence  dans  une  profusion  d« 
traits  historiques,  dans  la  symétrie 
des  antithèses,  dans  un  travail  d'es- 
prit qui  tend  à  la  subtilité,  dans 
l'abus  des  figures  et  le  ton  outré  de 
la  diction.  Si,  comme  on  l'assure, 
il  eut  part  à  la  conception  des  Plai- 
deurs, on  doit  s'étonner  qu'il  n'ait 
pas  été  corrigé  par  les  plaisanteries 
de  Racine,  qui  se  portait  pour  ven- 
geur du  bon  goût.  F — t. 

MONTAUBAND,   célèbre  flibus- 
tier ,  courut  pendant  plus  de  vingt 
ans  les  cotes  delà  Nouvelle-Espagne, 
de  Carthagène ,  de  la  Floride ,  de 
toute  l'Amérique   du   nord  jusqu'à 
Terre-Neuve,  des  Canaries  et  du  Cap- 
Vert.  11  avait  commencé  à  naviguer 
à  seize  ans.  En  1G91 ,  il  fit  une  cam- 
pagne mémorable  sur  la  cote  de  Gui- 
née, et  prit  le  fort  de  Sierra-Leone, 
qu'il  détruisit  de  crainte  que  les  An- 
glais ne  vinssent  s'y  établir,    i 
ans    après ,    il   convoya  ,   jusqu'en 
France,  plusieurs  prises  qu'il  avait 
faites  dans  les  mers  d'Amérique  ,  et 
s'empara  ,  sur  sa  route,  de  plusieurs, 
vaisseaux  de  guerre.   Les  extrava- 
gances  que  commettaient,   à   Bor- 
deaux, les  hommes  de  son  équipage, 
enivrés  des  richesses  que  la  c< 
leur  avait  procurées  ,  le  déterminè- 
rent à  quitter  cette  ville  au  mois  do 
janvier  1695.  Il  alla  croise!-  sur  la 
cote  de  Guinée,  avec  son  vaisseau 
qui  portait  3 \  pièces  de  canon.  Dans 
le  golfe  de  Guinée ,  il   captura  un 
grand  nombre  de  bâtiments  hollan- 
dais et  anglais;  il  finit  par  aborder 
un  de  ces  derniers,  qui  venait  de 
se  rendre,  lorsque  le  feu  qui  prit  à 
.ses  poudres,  fit  sauter  les  deUX  \ais- 

seaux.  M ©ntauband,  échappé  mira- 
culeusement a  «ne  mort   ccrl 
le  retrouva  an  milieu  de  la  m<  : 
touré  des  débi  i 
vaisseau.  Il   recueillit   seize  de  stt 


456  MON 

nommes,  tous  fort  maltraites  comme 
lui ,  les  embarqua  sur  nue  chaloupe  , 
resta  trois  jours  en  mer  sans  vivres  , 
et  enfin  attéril  près  du  eap  Corse, 
sur  un  point  inhabile  de  la  cote. 
Ce  ne  fut  que  deux  jours  après,  qu'il 
rencontra  au  cap  Lopez  des  nègres 
qu'il  avait  vus  dans  ses  précédents 
voyages ,  et  qui  eurent  bien  de  la 
peine  à  le  reconnaître  ;  ii  en  fut  de 
même  du  fils  de  leur  roi.  Ce  chef  le 
combla  ensuite  de  bons  traitements  , 
le  mena  dans  l'intérieur  du  pays,  et 
l'y  retint  jusqu'à  l'arrivée  d'un  na- 
vire portugais  ,  sur  lequel  Montau- 
band s'embarqua  et  gagna  l'île  San* 
Thomé.  Un  navire  anglais  y  ayant 
pris  terre,  Montauband  en  profila 
pour  aller  aux  Antilles,  et  revint  àBor- 
deaux.  Il  mourut  en  1700.  On  a  de 
lui  :  Relation  du  Voyage  du  sieur 
de  Montauband ,  capitaine  des  Fli- 
bustiers ,en  Guinée,  en  Vannée  1695, 
avec  une  description  du  royaume  du 
Cap-de-Lopez  ,  des  mœurs .  des  cou- 
tumes et  de  la  religion  du  pays. 
Cette  relation  se  trouve  à  la  suite  de 
la  traduction  de  Las-Casas ,  impri- 
mée à  Amsterdam ,  en  1698,  1  vol. 
in- 12.  Elle  offre  plus  de  détails  con 
cernant  les  aventures  de  l'auteur, 
que  de  renseignements  géographi- 
ques. E — s. 

MONTAULT.  V.  Navailles. 

MONTAUSIER  (Charles  de 
Sainte-Maure  ,  duc  de)  ,  pair  de 
France ,  né  en  16 1  o ,  d'une  très-an- 
cienne famille  deTouraine,  annonça 
de  bonne  heure  ce  qu'il  devait  être 
un  jour.  Entré  au  service ,  en  i63o, . 
il  se  distingua  en  Italie,  et  surtout 
à  la  défense  de  Casai:  il  passa  ensuite 
en  Lorraine,  et  obtint,  à  l'âge  de 
vingt-huit  ans, le  grade  de  maréchal- 
de-camp.  Ayant  été  appelé,  vers  la 
même  époque,  au  gouvernement  de 
l'Alsace  7  province  à  moitié  soumise, 


MON 

issait  autant  de  conquérii 
que  d'administrer,  il  sut  en  assurer 
provisoirement  la  possession  à   la 
France.  Il  montra  la  plus  grande  va- 
leur au  siège  deBrisac  (  i636).  Mon- 
tausier  resta  attaché  au  maréchal  de 
Guébriant,  jusqu'à  la  mort  de  ce  gé- 
néral, qui  avait  pour  lui  beaucoup 
d'estime.  Peu  de  temps  après  ,  il  fut 
fait  prisonnier  à  la  déroute  de  Dil- 
lingen,  paya,  au  bout  de  dix  mois,  sa 
rançon  et  celle  de  plusieurs  officiers 
qui  avaient  été  retenus  avec  lui,  et 
rentra  en  France.  Ce  fut  alors  qu'il 
abjura  le  calvinisme,  dans  lequel  il 
avait  cte  élevé.  Il  épousa  ,  presque 
aussitôt  après  (  164  5  ) ,  Julie  d'An- 
gennes  de  Rambouillet  (  V.  l'article 
suivant  ).  Nommé  lieutenant-géné- 
ral ,  il  retourna  en  Allemagne  ,  où  il 
se  signala  de  nouveau  •  et  il  ne  tarda 
pas  à  être  chargé  du  gouvernement 
de  la  Saintonge  et  de  PAngoumois. 
Lorque  la  guerre  de  la  Fronde  éclata, 
il  fut  du  petit  nombre  des  seigneurs 
qui  demeurèrent  fidèles  au  roi ,  et 
il  maintint  dans  l'obéissance  les  pro- 
vinces qui  lui  avaient  été  confiées.  Il 
prit  part   avec  ardeur  à  plusieurs 
combats  de  cette  guerre  civile  ,  dans 
l'un  desquels  il  reçut  des  blessures  si 
graves,  qu'elles  firent  long  -  temps 
craindre  pour  sa  vie,  et  le  forcèrent 
de  quitter  le  service  militaire.  Admis 
parmi  les  chevaliers  des  ordres  du 
roi ,  en  1662,  il  fut  investi ,  l'année 
suivante,  du  commandement  de  la 
Normandie,  à  la  mort  du  duc  de 
Longueville.  La  peste  s'étant  décla- 
rée dans  ce  pays.  Montausier  s'y  ren- 
dit aussitôt,  malgré  les  vives  instan- 
ces de  sa  famille,  en  répondant  aux 
inquiétudes    qu'on    lui   .témoignait , 
«  qu'un  gouverneur  était  tenu  à  ré~ 
»  sidence  ;  mais  qu'il  y  avait  pour  lui 
»  obligation  absolue  dans  les   1110- 
»  ments  àe  calamité    publique,   « 


MON 

Louis  XIV  désira  le  voir,  aussitôt 
après  son  retour,  pour  lui  témoigner 
combien  il  était  satisfait  de  sa  con- 
duite.   Ce   monarque   l'envoya ,   en 
i(364,  au-devaut  du  légat  du  pape, 
qui  avait  mission  de  reparer  l'injure 
faite  à  L'ambassadeur  de  France  à 
Rome  (  y.  Créqui  ).  Montausier, 
déjà    récompensé    personnellement 
par  le  succès  de  sa  négociation,  le 
fut  plus   particulièrement  au    mois 
d'août  i6(54,  par  le  titre  de  duc  et 
pair ,  que  lui  donna  le  roi.  Un  fils 
était  né  à  Louis  XIV,  en  1 66 1 .  Quand 
il  fut  arrivé  à  l'âge  de  sortir  des  mains 
des  femmes,  son  auguste  père  recon- 
nut dans  Montausier  toutes  les  qua- 
lités nécessaires  pour  bien  diriger 
l'éducation  de  l'héritier  de  la  cou- 
ronne, et  le  nomma,  en  1668,  gou- 
verneur du  Dauphin.  La  première 
enfance  de  ce  prince  avait  élé  confiée 
aux  soins  de  la  duchesse  de  Mon- 
"  tausier.  Celui  qui  était  l'objet  d'un 
choix    universellement    approuvé  , 
s'était  fait,  dès    sa   jeunesse,   des 
principes  dont  il  ne  s'écarta  jamais. 
Placé  sur  le  théâtre  brillant  et  péril- 
leux de  la  cour,  il  prit  avec  lui-nie- 
me  ,    et  remplit   jusqu'au    dernier 
moment ,  l'engagement  d'y  dire  tou- 
jours la  vérité.  Mais  ,  par  celte  re- 
doutable   franchise,  il  ne   pouvait 
manquer  de  s'attirer  beaucoup  d'en- 
nemis. Ou  alla  jusqu'à  lui  deman- 
der de  quel  droit  il  s'érigeait  en  cen- 
seur du  prince,  et  de  ceux  qui  l'en- 
touraient de  plus  près.  Il  répondit  : 
a  Mes  pères  ont  toujours  été  fidèles 
»  serviteurs  des  rois  ,  leurs  maîtres  , 
«  et  jamais  leurs  flatteurs.  Cette  h  on- 
»  néte  liberté  dont  je  fais  profession, 
»  est  un  droit  acquis,  une  possession 
»  de  ma  famille:  el  1  1  veillées!  ve- 
v  nue  à  moi  <!  iils  connue: 

»  une  portion    de   mon   hélit 
Louis  XIV;  Il  ii  jour  qu'il 


MON  457 

venait  d'abandonner  à  la  justice  un 
assassin,  auquel  il  avait  fait  grâce 
après  son  premier  crime,  et  qui  avait 
tué  vingt  hommes  :  «  Sire,  répondit 
»  Montausier,  il  n'en  a  tué  qu'un  ;  et 
»  votre  Majesté  en  a  tué  dix-neuf.  » 
Le  roi  ne  fut  point  blessé  de  cette 
réponse  -y  et  elle  ne  changea  nulle- 
ment ses  dispositions  pour  un  per- 
sonnage dont  il  ne  reçut  jamais  des 
éloges  avec  indifférence.  Quelquefois 
Montausier  osait   résister  aux  vo- 
lontés du  monarque  :  celui-ci,  dans 
une  circonstance  où  la  franchise  du 
gouverneur  de  son  fds  avait  été  des 
plus  hardies  ,  s'exprima  ,  vis-à-vis 
de  lui,  en  ces  termes  :  «  Je  trouve 
«très -bon  ce  que  vous  me  dites; 
»  car  je  sais   quel  cœur  vous  ave/. 
»  pour  moi.   »   Mme.   de  Sévigné , 
qui  rapporte  ces  mots  ,  s'explique 
ainsi  sur  Montausier,  dans  une  let- 
tre du  5  août  1677  :   (l  Vous  savez 
»  à    quel  point  il   me    paraît  orné 
»  de  toutes  sortes  de  vertus....  C'est 
»  une  sincérité  et  une  honnêteté  de 
»  l'ancienne  chevalerie.  »  On  lui  re- 
connaissait si  généralement  ce   ca- 
ractère,  que  le  peuple,   en  voyant 
passer  la  cour,  demandait  souvent: 
«  Où  est  cet  homme  vertueux  qui, 
«  dit  toujours  la  vérité  (1)?  »  Mon- 
tausier justifia   pleinement  la  con- 
fiance du  roi  par  les  soins  de  toute 
espèce  qu'il  donna  au  Dauphin.  En 
même  temps  qu'il  cultivait  le  germe 
des   bonnes  qualités  à   peine  déve- 
loppe'dans  son  élève,  il  éloignait  de 
lui  tout  ce  qui  pouvait  le  corrompre, 
en  flattant  ses  passions,  et  il  ne  met 
tait  sous  ses  yeux  que  des  exemples 
de  Vertu.  Riche  lui-même  de 
naissances  étendues  ,   il   rassembla 
près  de  Monseigneur  tout  ce  que  la 


fx)Mnnt«-l<l«iéu«dit:«  I 
M  Ut  tel  tVÀ»  Jt  1«U1    :  - 


|>UiJj»«JjUï»;    et 


458  MON 

Fiance  comptait  de  plus  illustre  dans 
les  sciences  et  clans  les  lettres.  A 
peine  devenu  gouverneur,  il  avait 
présenté  à  la  nomination  de  Louis 
XIV,  Bossucl  pour  précepteur,  et 
Iluel  pour  sous-précepteur.  Il  s'en- 
tendit avec  deux  collaborateurs  si 
clignes  de  lui ,  pour  faire  exécuter  à 
l'usage  du  dauphin  ces  belles  éditions 
des  auteurs  classiques  accompagnées 
de  commentaires  et  de  notes  ,  qui 
sont  connues  sous  le  nom  d'éditions 
ad  usum  Delpliijii  (  V.  Ht;i:t  ,  XXI, 
i  7  ).  Si  ia  nature  ne  permit  pas  qu'en 
sortant  des  mains  d'un  tel  institu- 
teur ,  le  fils  de  Louis  XIV  fût  un 
grand  prince  ,  Montausier  en  fit  au 
moins  un  prince  bon  ,  juste  et  hu- 
main. Le  grand- dauphin  montrait 
dans  son  enfance  un  esprit  {• 
susceptible  ,  et  s'emportait  facile- 
ment s'il  se  croyait  oiFensé.  S'ima- 
gihant  avoir  été  frappe  par  son  gou- 
verneur, dans  une  discussion  assez 
vive  qu'ils  avaient  eue  ensemble  ,  il 
demanda  ses  pistolets  avec  une  ex- 
trême vivacité  :  «  Apportez -les  à 
»  Monseigneur  »  ,  répondit  froide- 
ment Montausier;  et  les  remettant 
lui-même  avec  calme  à  son  élève  ,  il 
lui  dit  :  «  Voyez  ce  que  vous  en  vou- 
»  lez  faire.  »  A  ces  mots  le  dauphin 
est  prêt  à  se  jeter  aux  genoux  de 
son  digne  Mentor,  dans  les  bras  du- 
quel il  expie  cet  instant  d'oubli.  Un 
jour  le  prince,  en  tirant  .;u  blanc, 
.s'était  beaucoup  écarté  du  but  :  un 
jeune  seigneur  ,  compagnon  de  ses 
exercices,  et  qu'on  savait  être  fort 
adroit ,  tira  ensuite  ,  mais  encore 
plus  loin  que  lui  :  «  Ah  I  petit  cor- 
»  rompu  ,  s'écria  Montausier  ,  il 
»  faudrait  vous  étrangler.  »  S'c'tan.t 
aperçu  quelquefois  que  son  élève  li- 
avec  trop  de  plaisir  les  épîtres 
dédicatoires  qui  lui  étaient  adre: 
il  saisit  une  occasion  de  le  dé{j 


MON 

de  ces  fades  adulations,  en  lu  i  pou- 
vant qu'on  louait  en  lui  précisément 
les  qualités  qu'il  n'avait  pas.  Dans 
les  promenades  qu'ils  faisaient  en- 
semble, ils  étaient  arrivés  à  la  porte 
d'une  chaumière;  le  sage  gouver- 
neur du  dauphin  lui  dit  :  «  Sous  ce 
»  chaume  ,  dans  cette  misérable  re- 
»  traite,  logent  le  père  ,  la  mère  et  i 
»  les  enfants  ,  qui  travaillent  tout  le 
»  long  du  jour,  pour  payer  l'or  dont 
»  vos  palais  sont  ornés  ■  et  qui  sv>i~ 
»  portent  la  faim  pour  subvenir  aux 
»  frais.de  votre  table somptueuse.»  Il 
crut  devoir  cesser  ses  fonctions  de 
gouverneur,  en  i68o,au  moment 
du  mariage  du  fils  de  Louis-le-Grand  • 
mais  le  roi  voulut  qu'il  conservât  au- 
près de  Monseigneur  la  même  auto- 
rité, avec  le  litre  de  premier  gentil- 
homme de  la  chambre  de  ce  prince. 
Montausier  ,  aspirant  à  ne  plus  vivre 
que  pour  lui-même,  ne  parut  à  la 
cour  que  lorsqu'il  jugea  pouvoir  èire 
utile  à  son  élève  par  ses  conseils. 
Il  obtint,  en  i68'2,  la  permission 
de  se  retirer  tout  -  à  -  fait,  et  dit  au 
dauphin  :  «  Monseigneur,  si  vous 
»  êtes  honnête  homme,  vous  m'ai- 
»  nierez;  si  vous  ne  Fêtes  pas,  vous 
»  me  ha'irez ,  et  je  m'en  consolerai.  » 
En  iG88,  il  lui  écrivit:  «  Je  ne  vous 
»  fais  point  de  compliments  sur  la 
»  prise  de  Philisbourg  ;  vous  aviez 
•»  une  bonne  armée,  des  bombes,  du 
»  canon  et  Yauban.  Je  ne  vous  en 
v  fais  point  aussi  sur  ce  que  vous 
»  êtes  brave  :  c'est  une  vertu  hérédi- 
»  taire  dans  votre  maison  ;  mais  je 
»  me  réjouis  avec  vous  de  ce  que 
»  vous  êtes  bon  ,  libéral ,  faisant  va- 
»  loir  les  services  de  ceux  qui  fout 
»  bien  :  c'est  sur  quoi  je  vous  fais 
»  mon  compliment.  »  Le  duc  de 
Montausier  termina, le  17  mai  1690, 
à  l'âge  de  quatre-vingts  ans,  une  car- 
rière illustrée  par  des  vertus  çnien'ol  s  • 


MON 
çurcit  jamais  aucune  faiblesse.  Mas- 
sillon  ,   dans  l'oraison   funèbre 
Dauphin,  a  dit  du  gouverneur  de  ce 
prince:  «Homme  d'une  vertu  haute 
»  et  austère ,  d'une  probile  au-dessus 
»  de  nos  mœurs,  d'une  vérité  à  l'é- 
»  preuve  de  la  cour;  philosophe  sans 
»  ostentation,  chrétien  sans  faibies- 
»  se,  courtisan  sans  passion ;  l'arbi- 
v  tre  du  bon  goût  et  de  la  rigidité 
.  »  des  bienséances,  l'ennemi  du  taux, 
»  l'ami  et  le  protecteur  du  mérite  , 
v  le  zélateur  de  la  gloire  de  la  nation, 
•»  le  censeur  de  la  licence  publique  ; 
»  enfin,  un  de  ces  hommes  qui  sem- 
»  blent  être  comme  les  restes  des  an- 
»  ciennes  mœurs,  et  qui  seuls  ne  sont 
»  pas  de  notre  siècle.  »  La  réputation 
si  bien  m  e'ritëe  de  Monta  usie  r  ne  l'em- 
pêcha pas  d'avoir  des  détracteurs. 
Lorsque   de  sérieuses  réflexions  le 
déterminèrent  à  entrer  dans  le  sein 
de  l'Église  catholique,  on  lui  lit  l'in- 
jure de  soupçonner  que  des  vues  am- 
ut  influé  sur  sa 
on.  On  lui  a  reproché,  avec 
de  fondement,  d'avoir  manqué 
le  but  de  l'éducation  du  Dauphin, 
en  employant  dans  l'exercice  de  ses 
fonctions  une  excessive  sévérité;  elle 
rebutait  le  prince,  dont  le  caractère 
timide  et  l'esprit  paresseux  deman- 

ut  de  la  douceur  et  des  mi 
ments.  Quand  le  chef-  d 
JMisantrope  fut    représenté  sur   la 
•  française,  on  crut  blesser  Mon- 
i  d  lui  faisant  entend] 
l'auteur  comique  avait  eu  l'intention 
lie   le    peindre  dans  le  personnage 
<l\ Ha. sic.   Il   alla  voir  la   pièce;  et 
l'on  assure  qu'il  dit:  «  Je  n'ai  garde 
»  de  me  plaindre;  L'originl 
»  bon  ,  puisque  la  copie  est  si  belle; 
»  je  souhaiterais  en  \< 
»  blcr  au  Misantro] 
fontausier 
/tmait  pas  non  plus  la 


MON 

quoiqu'il  se  fût  lui-même  ,  étant  fort 
jeune  ,  essayé  dans  ce  genre, et ,  qui 

une  manière  vive  et  âoxej 
s'il  faut  en  croire  Ménage.  Il  s'( 
surtout  prononcé  contre  la  satire  in- 

i  avait-il  pris  en  aversion 
. .  qui  attaquait  sou- 
vent des  hommes  auxquels  il  devait 
des  égards;  et  la  disposition  où  était 
Monlausier  ,  de  juger  le  satirique 
sans- la  moindre  indulgence,  allait 
quelquefois  jusqu'à  une  sorte  de  dé- 
chaînement. Comme  il  avait  beau<- 
coup  d'estime  pour  Chapelain ,  mau- 
vais poète  à  la  vérité  ,  mais  homme 
de  goût,  éclairé,  et  recommandable 
sous  plusieurs  rapports  ,  il  savait 
mauvais  gré  à  l'auteur  de  X Art  pt  r- 
tique  d'avoir  couvert  de  ridicule  cet 
écrivain ,  ainsi  que  Cottin,  dont  lui , 
Monlausier,  déclarait  p:  frliqui  . 
être  l'ami  particulier.  Boi'.eau  entre- 
prit de  le  ramener  sur  son  compte. 
On  prétend  que  deux  vers  de  son 
épître  à  Racine ,  contribuèrent  à  pro  - 
duire  l'effet  désiré  : 

«  El  plut  au  ciel  encor  .  •  otir  eouromii  rl'ov 
»  Que  Moutausier  voulût  lui  donner  sou  soti 

L'homme  de  cour  commença  dès- 
lors  à  s'adoucir  en  faveur  du  poète, 
qu'il  aborda  quelque  temps  apri 

l<  rie  de  \  ersaiiie.^.  Celui-ci  ve- 
nait de  perdre  son  frère,  don; 
tausier  |  ;;!.  i:  comme  d'un  ho 
ryait  aimébeaucoup  :  «  Je 
ait  Despréaux,  a  aue 
»  faisait  grand  amitié  dont 

»  vous  l'ave/,  honoré;  mais  il  en  fai- 
»  sait  encore  plus  de  votre  vertu,  et 
»  il  m'a  dil  s  fois  qu'il  était 

»  très-fâché  que  j£  n'eusse  pas  pour 
»  ami  le  plus  honnête  homme  de  la 
»  cour.  »  Ce  fui-la  le  moment  de  la 

sier  < 

pu  refuser  au  caractère  de  B  i 


46o  MON 

en  une  amitié  qui  dura  autant  que  sa 
vie.  On  connaît  de  ce  vertueux  per- 
sonnage deux    Mémoires.   Dans    le 
pretnier ,   il  trace  au   Dauphin    un 
plan  de  vie,  et  lé  termine  par  des 
maximes  courtes  et  simples  ,  sur  Ja 
condition  et  les  devoirs    d'un  roi. 
C'est  une  espèce  de  cours  abrège  de 
morale  et  de  politique ,  dont  il  ne 
nous  reste  que  des  fragments.  Le  se- 
cond Mémoire  fut  présente'  à  Louis 
XIV,  dans  une  circonstance  où  des 
plaintes  lui  avaient  été  portées  par 
toute  la  cour  et  par  la  reine  elle- 
même  ,  dont  on  avait  alarme  la  ten- 
dresse maternelle,  sur  Ja  sévérité  de 
Montausier  et  sur  le  travail  excessif 
dont  Télèvc  de  celui-ci  était ,  disait- 
on,  accablé.  On  avait  présenté  son 
plan  comme  plus  propre  à  faire  un 
.savant  qu'à  former  un  roi.  Il  justifia 
sa  conduite  comme  gouverneur  ,  en 
exposant  avec  les  plus  grands  détails 
ses  principes  et  les  directions  qu'il 
avait  constamment  suivies  dans  cette 
importante  éducation.  Le  monarque 
reçut  favorablement  le  mémoire  ,  et 
commanda  le  silence  en  prenant  la 
défense  de  celui  qu'on  accusait.  Qua- 
tre enfants  naquirent  de  l'union  du 
duc  et  de  la  duchesse  de  Montausier. 
Leur  fille  seule  vécut  ,  et  devint  du- 
chesse de  Crussol-d'Uzès.  Fléchier , 
éveque  de  Nîmes ,   et  ami  des  deux' 
époux  ,     qui    avait    prononcé  ,   en 
1071  ,    l'oraison  funèbre  de  la  du- 
chesse de  Montausier ,  fit  encore  celle 
du  duc  ,  le  1  1  août  1690  .  aux  car- 
mélites  de  la  rue  Saint-Jacques  ,  à 
Paris.  Ce  genre  de  discours  est  trop 
souvent  le    panégyrique   outré  d'un 
personnage  mort  récemment  j  mais 
î'oraison  funèbre  dont  il  s'agit  a  cela 
de  remarquable  ,  suivant  le  jugement 
de  Laharpe ,  «  qu'elle  paraît  exempte 
v  de  toute  exagération  ,  et  que  tout 
»  ce  que  dit  le  panégyriste  est  con- 


MON 

»  firme  par  les  traditions  qui  nous 
»  restent  ,  et  conforme  à  l'opinion 

»  générale Il  semble  que  l'oru- 

»  leur  ait  emprunté  quelque  chose  du 
»  caractère  de  Montausier.  »  C'est 
dans  l'exorde,  qu'on  trouve  la  belle 
prosopopée  si  souvent  imitée  depuis 
Fléchier  :  «  Oserais-je  ,  dans  ce  dis- 
»  cours  où  la  franchise  et  la  candeur 
»  sont  le  sujet  de  nos  éloges,  em- 
»  ployer  la  fiction  et  le  mensonge  ? 
»  Ce  tombeau  s'ouvrirait  ;  ces  osse- 
»  ments  se  rejoindraient,  et  se  ra- 
»  mineraient  pour  me  dire  :  Pour- 
»  quoi  viens-tu  mentir  pour  moi  , 
»  qui  ne  mentis  jamais  pour  per- 
»  sonne  ?  »  11  y  eut  encore  d'autres 
oraisons  funèbres  de  Montausier  , 
composées  par  l'abbé  Anselme  ,  le 
jacobin  Courand  ,  l'abbé  du  Jarry  , 
et  un  Eloge  en  latin  par  Pierre  Da- 
net.  Sa  Fie  a  été  écrite  par  Nicolas 
Petit  ,  jésuite  (  Paris  ,  1729  ,  deux 
petits  volumes  in-12),  d'après  les 
mémoires  que  la  duchesse  d'Uzès  lui 
avait  fournis.  On  n'y  trouve  que  d 
louanges  ;  c'est  une  réfutation  in< 
recte  de  tout  ce  que  la  malignit 
avait  fait  débiter  contre  le  veriuei 
instituteur  du  grand-dauphin.  Pu< 
de  Saint-Pierre  a  aussi  donné  Y  Hit 
toire  du  duc  de  Montausier.  (  Ge- 
nève et  Paris  ,  1784,  in  -  4°-  )  En 
1 78 1 ,  l'académie  française  couronna 
un  éloge  de  ce  personnage ,  fait  par 
M.  Garât,  qui  avait  eu  pour  concur- 
rent M.  Lacretelle  aîné.  L — P — e. 
MONTAUSIER  (  Julie-  Lucine 
(i)  d'Angennes  de  Rambouillet  , 
duchesse  de  ),  femme  du  précédent, 
naquit, en  1607,  du  marquis  de  Ram- 
bouillet et  de  Catherine  de  Vivonne. 


(i)  Une  tradition  donne  ce  nom  de  Lucine  à 
saiule  de  la  maison    Savelli  ,   à  laquelle  apparten 
l'aieutc-  de  la  duchesse  de   Montausier.  On  l'ajouta 
toujours  aux  mius  querecevaieut.au  baptême  les  EU 
issues  de  telle  ai.cicnue  famille  de  Rome 


MON 

Parla  mort  de  ses  deux  frères,  et 
le  parti  que  prirent  ses  trois  sœurs 
d'embrasser  la  profession  religieuse, 
elle  se  trouva  unique  héritière  des 
maisons  d'Antennes  et  de  Vivoune. 
MIltJ.  de  Rambouillet  joignait  à  la 
beauté  la  plus  régulière  les  dons  de 
l'esprit  et  les  qualités  du  cœur.  La 
maison  de  sa  mère  était  devenue  le 
rendez -vous  ordinaire  de  la  plus 
brillante  compagnie  de  la  cour  et 
de  la  ville  :  on  y  voyait  réunis,  le 
prince  de  Coudé ,  les  cardinaux  de 
Richelieu,  de  la  Valette;  et,  à  côté 
des  ministres ,  des  généraux  et  des 
magistrats  les  plus  célèbres ,  se  mon- 
trait tout  ce  qu'il  y  avait  alors  d'hom- 
mes en  réputation  d'esprit  et  de  sa- 
voir. Elle  forma  de  bonne  heure  son 
goût  dans  leurs  entretiens  ;  et  «  ce 
»  fut  là  ,  comme  dit  Réchier,  que, 
»  tout  enfant  qu'elle  était,  Yincompa- 
»  rable  Arténice  (i)  se  fit  admirer 
»  de  ceux  qui  étaient  eux-mêmes 
»  l'ornement  et  l'admiration  de  leur 
»  siècle.  »  Cependant  le  nom  seul 
de  l'hôtel  de  Rambouillet  rappelle 
moins  les  succès  des  véritables  ta- 
lents de  cette  époque,  que  ceux  d'une 
fausse  délicatesse,  et  les  vaines  pré- 
tentions ,  dont  heureusement  Boi- 
leau  et  Molière  firent  bientôt  jus- 
tice. Quand  le  vidame  du  Mans,  le 
cadet  des  frères  de  Mmc.  de  Mon- 
tausier ,  fut  frappe  de  la  peste  qui 
avait  pénétré  jusque  dans  la  capitale 
i63l),  et  même  jusqu'au  Louvre, 
elle  s'enferma  dans  la  chambre  où 
il  était  malade.  Là  ,  pendant  les 
neuf  jours  qu'il  vécut  encore,  elle 
lui  prodigua  constamment  tous  ses 
soins.  Le  désir  de  connaître  une 
personne  si  accomplie  excita  le  mar- 
quis de  Salles,  qui  ne  fut  que  plus 


•  tues  de 
1  'bétel  <!<-■  lUuiLuuillet. 


MON  4^1 

vtard  duc  de  Montausier,  à  se  faire 
nter  chez  la  mère  de  Mllc.  de 
Rambouillet  :  il  soliieiîa  la  main  de 
celle-ci ,  mais  ne  l'obtint  que  douze 
ans  après,  en  juillet  1G4  >.  Lorsque 
la  grossesse  de  la  reine,  Marie-Thé- 
rèse d'Autriche,  combla  les  vœux  de 
LouisXIV,en  même  temps  que  ceux 
de  tout  son  peuple  ,  Mm0.  de  Mon- 
tausier fut  choisie  par  le  monarque 
pour  être  gouvernante  des  enfants 
de  France.  Elle  entra  en  fonctions 
le  Ier.  novembre  1GG1.  Ce  ne  fut 
pas  sans  peine  qu'elle  accepta  la 
charge  de  dame  -  d'honneur  de  la 
reine,  dont  la  duchesse  de  Navailles 
avait  été  obligée,  par  des  intrigues 
de  cour ,  de  se  démettre.  M,ue.  de 
Montausier,  ne  pouvant  remplir  tous 
les  devoirs  que  lui  imposaient  ers 
deux  places,  quitta  celle  de  gouver- 
nante du  Dauphin,  en  1GG.4,  et  pn- 
féra  le  service  qui  l'attachait  a  la 
douce  et  pieuse  Marie-Thérèse.  Ché- 
rie de  cette  princesse,  constamment 
honorée  du  roi,  et  respectée  de  toute 
la  cour,  elle  se  vit  forcée,  par  sa 
sauté,  delà  quitter,  vers  1669.  Elle 
mourut  le  i5  no  vendue  1G71.  Plu- 
sieurs années  avant  son  mariage,  les 
beaux-esprits  du  temps  avaient  tra- 
vaillé de  concert  avec  le  peintre 
Robert  a  une  offrande  poétique  ,  exé- 
ponr  elle  ,  et  qui  portait  le  titre 
de  Guirlande  de  Julie  (  V.  Jaruy, 
.  j  1  >.  ).  Montausier  en  fil  liom- 
1  M11  ".  de  Rambouillet  :  tout  le 
monde  admira  cette  galanterie ,  et 
l'on  ne  parla  que  de  cette  Guirlande* 
Néanmoins  les  peintures  étaient  mé- 
diocres,  et  les  vers  encore  d 

On  n'a  retenu  avec  plaisir  que 
I  qui  avaient  été  écrits  au  I 
la  violette  par  Desmarets  de  Saint- 
Sorlin,  La  duel 

garda  précieus  mort 

cegaged'amou.  ut  lui- 


même  auteur  de  seize  des  madrigaux 
qui  forment  la  collection,  cl  ce  ne 
sont  pas  les  meilleurs.  Quand  Julie 
mourut,  en  1 67  i ,  sa  Guirlande  resta 
entre  les  mains  du  duc  de  Montau- 
sier*  et  il  aimait  à  montrer  à 
amis  le  monument  littéraire  qu'il 
avait  élevé,  avant  son  mariage ,  ta 
celle  qu'il  venait  de  perdre.  Elle 
passa  après  lui  à  la  duchesse  de 
Crussol-d'Czès  ,  et  ensuite  aux  hé- 
ritiers de  cette  dame.  À  la  vente  de 
la  bibliothèque  la  Vallicre,  elle  fut 
portée  en  Angleterre,  d'où  la  fille  du 
duc  de  la  Vallière  l'a  fait  reve- 
nir (1),  et  sa  famille  la  possède 
encore.  Une  copie  de  ce  précieux 
manuscrit,  imprimée  par  Didot 
jeune,  en  1784,  in-8°. ,  pap.  vél.  1 
(tirée  non  à  90,  mais  au  moins  à 
25o  exemplaires  ),  a  été  réimprimée 
en   1818,  avec  figures  coloriées,  1 

vol.  in- 18.  I P— e. 

MOJNTAZET  (-Antoine  Malvin 
de  ) ,  archevêque  de  Lyon,  était  né 
au  diocèse  d'Agen,  en  17  12.  S' étant 
destiné  à  l'état  ecclésiastique,  il  sui- 
vit, à  Paris  ,  le  cours  ordinaire  des 
études  ,  et  s'attacha  à  M.  de  Fitz- 
James  ,  évêque  de  Soissons ,  et  pre- 
mier aumônier  du  roi ,  qui  le  fit  cha- 
noine et  grand-vicaire  ,  et  lui  pro- 
cura une  place  d'aumônier  de  quar- 
tier dans  la  chapelle  royale.  Ce  der- 
nier titre  conduisait  presque  toujours 
à  l'épiscopat.  M.  de  Montazet  fut 
nommé  à  l'éveché  d' Autun ,  en  17  \S. 
Il  parut  avec  honneur  dans  plusieurs 
assemblées  du  clergé  :  ce  fut  lui  qui 
prononça  le  discours  d'ouverture  à 
celle  de  1750  ;  et  il  s'y  éleva  contre 
l'incrédulité  naissante,  dont  il  signala 


(l)  C'est  ]>;ir  prrenr  que  dnns  l'article  JARRY  ,  on 

a  porté  le  prix  d'adjudication  ;i  l^5o-x  liv.,  au   lieu 

.  liv.  ;  ii  aurait  fallu  y   mentionner    nue    ?>°. 

1  ■  par  Jarry  ,  in-',0  ,  ijui  a  ^ussé  duus 

la  maison  Didot. 


LOT 

les  causes.  Dans  cette  même  assem- 
blée, et  dans  celle  de  1705,  il  se 
réunit  à  ses  collègues,  et  réclama 
soit  pour  les  immunités  du  clei 
soit  contre  les  entreprises  du  parle- 
ment.   C'était  le  temps  de  la  pins 
grande  chaleur  des  contestations  en- 
tre les  évêques  et  la  magistrature;  et 
la  cour,  faible  et  incertaine  dans  sa 
marche,  favorisait  tour-à-tour  l'un 
et  l'autre  parti.   Une  dispute  pour 
l'élection  d'une  supérieure  dans  un 
couvent  de  religieuses  établi  à  Paris 
rue  Mouffetard,  était  devenue  une 
affaire  d'état.  L'archevêque  de  Paris , 
M.  de  Beaumont ,  s'opposait  à  l'élec- 
tion ;  le  parlement  la  protégeait  :  la 
cour  agit  dans  le  même  sens,  et  vou- 
ut  obliger  l'archevêque  à  revenir  sur 
ses  démarches.  Le  cardinal  de  Ten- 
cin,  archevêque  de  Lyon,  étant  mort 
sur  ces  entrefaites  (  2  mars   1 768  ) , 
M.  de  Montazet  fut  nommé  à  sa  place: 
on  prétendit  que  ce  fut  à  conditioi 
qu'il  casserait,  comme  primat,  Foi 
donnance  de  l'archevêque  de  Paris 
ce  qu'il  fit ,  en  effet ,  le  8  avril ,  avant 
même  d'avoir  reçu  ses  bulles  poui 
Lyon  7  et  en  se  prévalant  de  la  qua- 
lité d'administrateur  du    siège    de 
Lyon  ,   pendant   la  vacance,   titre 
que  prenaient  les  évêques  d'Autun. 
Cette  démarche  de  M.  de  Montazet 
parut  aussi  précipitée  que  peu  con- 
forme aux  égards  qu'il  devait  à  un 
collègue ,  son  ancien  dans  l'épisco- 
pat,  et  qui  était  alors  dans  la  dis- 
grâce :  elle  fut  blâmée  surtout  dans 
le  clergé  ;  et  les  assemblées  des  pro- 
vinces ne  réclamèrent  pas  moins  for- 
tement que  M.  de  Beaumont.  Mais 
la  cour  empêcha   qu'on  ne  donnât 
suite  à  ces  plaintes.  L'archevêque  de 
Lyon  se  trouva  ainsi  engagé  dans 
une  route  nouvelle  :  appuyé  par  ta 
parlement ,  applaudi  par  un  parti 
d'opposition7  il  suivit  la  même  ligue 


IffOBT 

«me  M.  de  Fitz-Jaraes  et  une  très-peti- 
te minorité  d'évêques,  reconnaissant 
l'autorité   des    constitutions   reçues 
dans  l'Église  ,  et  soutenant  cepen- 
dant ceux  qui  les  combattaient.  Il 
était  fort  lie  avec  l'abbé  Mey,  et  il 
s'entoura  ,  dans  sou  diocèse,  de  théo- 
logiens de  cette  école-  c'étaient  eux. 
qui  avaient  sa  confiance,  et  qui  l'ai- 
daient dans  la  composition  de  ses  ou- 
vrages. Il  forma  deux  nouveaux  sémi- 
naires,  l'un  dans  la  maison  des  Pères 
de  l'Oratoire  ,  auxquels  il  avait  déjà 
fait  donner  le  collège  de  la  ville  ;  l'au- 
tre dans  celle  des  prêtres  de  la  con- 
grégation de  Saint-J  oseph  :  et  il  exigea 
que  les  élèves  qui  auraient  étudié  à 
Saint-Sulpice  ,  allassent  passer  quel-  ■ 
que  temps  dans  H' une  de  ces  maisons, 
avant  de  prendre  les  ordres.  Il  eut 
de  longs  démêlés  avec  son  chapitre 
pour   des   usages  et  des  privilèges 
qu'il  parvint  à  faire  abolir.  Il  sup- 
prima la  signature  du  formulaire, 
changea  tous  les   livres  liturgiques 
du  diocèse  ,  et  se  mit  en  opposition 
avec  la  majorité  de  son  clergé.  La 
fin  de  son  épiscopat  fut  troublée  par 
les  excès   de  quelques  fanatiques  à 
Lyon  et  à  Fareins.  Ces  scènes  et  des 
chagrins  domestiques  attristèrent  ses 
derniers  jours  •  il  mourut  à  Lyon  le 
3   mai    1788.    Ce  prélat   avait  été 
reçu  à  l'académie  française,  eu  1  757$ 
et  il  y  fut  remplacé  par  le  chevalier 
de  Bouillers.  Il  possédai! 
deMonslierenArgonne,  et  de  Saint- 
Victor  de  Paris.  11  avait  des  qualités 
estimables  et  un  caractère  généreux  : 
homme  d'esprit  et  de  talent,  il  écri- 
vait a  tice  et  facilité  ;  mais 
il  est  diffi  »ner  bi  in  « 
ment  la  part  qui  lui  revient  dans  les 
ouvrages  pubh  ion  nom  ,  et 
dont  nous  alloi  princi- 
paux :  I.  Letii 
de  Lyon  ?  prime', 


mon  463 

M.  l 'archevêque  de  Paris ,  Lyon  , 
1760,  in-4°.  ;  elle  roulait  sur  l'af- 
faire des  religieuses  dont  nous  avons 
parlé.  L'abbé  Mey  en  avait  fourni 
les  matériaux  ;  on  assure  que  la 
rédaction  est  de  l'archevêque  lui- 
même.  II.  Lettre  pastorale ,  du  3<j 
juin  1763  ,in-4°.  ,  relativement  à  ses 
différends  avec  les  oiticiers  de  la  ville 
de  Lyon  ,  sur  le  choix  des  maîtres 
qui  devaient  remplacer  les  Jésuites. 

III.  Mandement  et  Instruction  pas* 
torale  contre  V Histoire  du  peuple 
de  Dieu ,  de  Berruycr ,  t  762  ,  in- 1 1. 

IV.  Mandement  et  Instruction  pas- 
torale pour  la  défense  de  son  caté- 
chisme, 1772  ,  in-4°.  et  in-12  ;  cet 
écrit,  dont  l'appelant  Gourlin  avait 
fourni  les  matériaux  ,  était  une  ré- 
ponse à  une  Critique  en  forme  de 
dialogue ,  que  l'on  attribue  à  un  an- 
cien jésuite  nommé  Arnaud.  V.  Ins- 
truction pastorale  sur  les  sources 
de  l'incrédulité  ,  et  les  fondements 
de   la  Religion,   177^,  in-4°.;  le 
fonds  en  était  du  père  Lambert.  Nous 
ne  eiterons  point  des  mandements  , 
soit  pour  des  jubilés ,  soit  pour  le  ca- 
rême ,    ni  des  rapports    faits   aux 
assemblées  du  clergé  de  1755  et  de 
1772.  Le  catéchisme,  le  bréviaire 
et  le  rituel  que  M.  de  Montazet  pu- 
blia ,  ne  sont  pas  proprement  son  ou- 
vrage; il  les  lit  rédiger,  et  y  mit  seu- 
lement le  sceau  de  son  autorité.  Il  en 
est  de  même  de  la  philosophie  et  de 
la  théologie  ,  dites  de  Lyon;  celle-ci 
est  du  P.  Joseph  Valla,dc  l'Ora- 
toire ,  que  l'archevêque  avait  chargé 

•  travail.  Les  Institutions  tke'o- 
logiques  parurent  en  latin,  Lyon, 

,  G  vol.  in-12  ;  elles  ne  : 
point  encore  adoptées  alors   pour 
renseignement.  On  •  \s  pro- 

fesseurs â  présenter  leurs  rem  11 
mais  on  n'eut   point  celles 

qui  étaient  les  plus  essentielh 


4<H  MON 

le  livre  fut  définitivement  publie,  en 
1784  ,  et  prescrit  dans  les  écoles  du 
dioeèse.  On  y  évite  de  s'expliquer 
sur  des  questions  importantes,  l'ar- 
chevêque ayant  recommandé  au  P. 
Valla  de  ne  point  laisser  paraître 
ses  opinions  sur  les  dernières  contes- 
tations de  l'Église.  La  théologie  nou- 
velle fut  attaquée  dans  des  Observa- 
tions de  l'abbé  Pey,  et  dans  deux 
Lettres  du  même,  1786  et  1787, 
in-12;  ainsi  que  par  Feller,  dans  son 
journal,  et  dans  des  Lettre*  du  curé 
de  Saint-Jacques  de  Lyon  au  curé 
de  Saint- Jean  de  Saijit-  Orner  :  d'un 
autre  coté ,  Valla  publia  une  Dé- 
fense de  la  théologie  de  Lyon ,  1 7  88, 
in-12.  P — T. 

MONTBARREY  (  Alexandre- 
Marie  -  Léonor  de  Saint  -  Mau- 
rice ,  prince  de  ) ,  ministre  de  la 
guerre  sous  Louis  XVI ,  était  ne'  à 
Besançon,  le  20  avril  l'jS'i,  d'une 
famille  illustre  par  son  ancienneté  et 
par  les  hommes  distingués  qu'elle  a 
produits  {F.  Saint-Maurice  ).  Son 
père  était  lieutenant-général  des  ar- 
mées du  roi  ;  sa  mère  ,  petite-fille  du 
maréchal  du  Bourg,  mourut  en  cou- 
ches ,  du  poison  que  lui  avait  donné 
sa  garde ,  pressée  de  s'approprier  sa 
dépouille,  qui  lui  était  dévolue  par 
mi  usage  que  ce  crime  fit  abolir.Mont- 
barrey  ,  destiné  par  sa  naissance  au 
métier  des  armes  ,  obtint,  à  l'âge  de 
douze  ans, une  compagnie  dans  ie  ré- 
giment de  Lorraine,  et  fit,  avec  ce 
corps  ,  plusieurs  campagnes  en  Alle- 
magne :  dans  celle  de  1747?  il  fut 
blessé  devant  Fribourg  ;  et  une  se- 
conde fois ,  à  la  bataille  de  Laufeld. 
.11  reçut,  en  1749?  le  brevet  de  co- 
lonel; mais  cène  fut  qu'en  1758, 
qu'il  commanda  le  régiment  de  la 
Couronne.  11  se  signala ,  la  même  an- 
née, au  combat  de  Crevelt,  où  une 
nouvelle  blessure  vint  l'atteindre.  Sa 


MON 

belle  conduite  lui  mérita  le  grade  de 
brigadier.  Il  fit  des  prodiges  de  va- 
leur à  la  bataille  de  Lutzelbeig  ,  où 
les  Hessois  et  les  Hanovriens  furent 
défaits  par  le  prince  de  Soubise.  Il 
ne  se  montra  pas  avec  moins  d'avan- 
tage à  celle  de  Gorback  :  en  1 762 ,  il 
enleva  au  prince  de  Brunswick,  six 
pièces  d'artillerie,  dont  le  roi  lui  fit 
présent,  et  qui  ont  décoré  l'avenue 
de  son  château  de  Rufïéy,  jusqu'à 
l'époque  de  la  révolmion  qu'elles  fu- 
rent amenées  à  l'arsenal  de  Besan- 
çon. La    paix  de    1763   lui  ayant 
permis  de  venir  à  Paris ,  où  sa  répu- 
tation de  bravoure  l'avait  précédé, 
il  fut  accueilli  à  la  cour  de  la  ma- 
nière la  plus  honorable.il  fut  appelé' 
à  la  place  de  capitaine  des  Cent-Suis- 
ses  ,  lorsque  l'on  composa  la  maison 
de  Monsieur ,    aujourd'hui    Louis 
XVIII.  On  fut  étonné  qu'un  homme 
qui  avait  passé  sa  vie  dans  les  camps, 
parlât  avec  facilité  sur  des  matières 
qu'il  devait  n'avoir  eu  qu'à  peine  le 
loisir  d'étudier.  Des  mémoires ,  qu'il 
rédigea  quelque  temps  après  sur  dif- 
férentes parties  de  l'état  militaire, 
fixèrent  plus  particulièrement  sur  lui 
l'attention  du  conseil  de  la  guerre , 
où  il  fut  admis  ,  en  1776  :  au  bout 
de  quelques  mois  ,  il  fut  nommé  ad- 
joint du   ministre   Saint-Germain , 
son  compatriote,  dont  les  projets  de 
réforme  et  les  innovations  dans  la 
discipline  avaient  excité  beaucoup 
de  mécontentement.  Il  lui  succéda 
dans  le  département  de  la  guerre  ,  le 
27  septembre  1777,  et  se  contenta 
de  modifier  les  mesures ,  sans  aban- 
donner tout  -  à  -  fait  le  système  de 
son  prédécesseur  (  V.  Saint  -  Ger- 
main). Il  avait  des  formes  agréables, 
écoutait  tout  le  monde  avec  l'appa- 
rence de  l'intérêt,  promettait  facile- 
ment, et  même  peut-être  plus  qu'il 
ne   pouvait  tenir.  Les    espérances 


MON 

trompées  amenèrent  de  l'humeur  et 
des  plaintes.  La  lenteur  qu'il  met- 
tait dans  ses  opérations,  fut  jugée 
peu  propre  à  calmer  les  débats  sur 
la  discipline;  sa  prudence  passa  pour 
de  l'irrésolution  ,  et  sa  douceur  pour 
de  la  faiblesse.  Enfin  l'on  prétendit 
trouver  son  administration  en  dé- 
faut pendant  la  guerre  d'Amérique. 
Contrarié  dans  toutes  ses  vues 
par  Ncckcr,  entre  autres  ,  il  remit  le 
portefeuille  au  ma  repus  de  Se'gur,  à 
la  fin  de  décembre  1780.  Pendant 
son  exercice,  il  avait  été  comblé  dvs 
faveurs  de  Louis  Ml;  et  en  quit- 
tant le  ministère,  il  resta  attache  au 
monarque,  dont  il  avait  su  apprécier 
le  noble  caractère  et  les  excellentes 
intentions.  Il  habitait,  à  Paris,  l'hô- 
tel de  l'Arsenal ,  lors  de  l'insurrec- 
tion du  14  juillet  1789.  Sur  un  faux 
avis  ,  que  le  peuple  ,  maître  de  la 
Bastille  ,  avait  le  projet  de  mettre  le 
feu  aux  poudres  ^pii  se  trouvaient 
dans  cette  forteresse,  il  sortit  de 
chez  lui,  à  pied,  avec  sa  femme 
Mail ly  de Nesle), pour  chercher 
un  asile  dans  un  autre  quartier  de 
Paris  ;  mais  arrivé  sur  le  quai  Saint- 
Paul,  il  fut  arrêté  par  des  insurgés 
qui,  le  prenant  pour  le  gouverneur 

iîastille,  le  conduisirent  à  la 
place  de  Grève.  11  y  aurait  été  égorgé 
sans  le  courage  de  M.  de  La  Salle  , 
commandant  de  la  garde  nationale, 
qui  l'arracha  des  mains  îles  furieux  , 

i'li  1  dans  un  réduit  de  ('hôtel- 
llle,  d'où  il  ne  sortit  qu'au  mi- 

•  la  nuit.  Quelques  jours  a] 

incbe-Comté ,  où  ses 

rvices  l'a  - 

ir  de  toutes  les  clas- 

défen- 

seurs  dans  les  habitants  de  tous  les 

village  ne  fut  qu'avec 

:  lit  le  parti 

d'abandonner  ! 

w 


MON  465 

mais  la  marche  des  événements  l'o- 
bligea enfin  à  se  réfugier  a  Besançon. 
ïl  ne  s'elo  gna  de  cette  ville  qu'au 
mois  de  juin  1791 ,  pour  ail 
Suisse;  et  après  avoir  erré  dan 
férentes  communes,  il  s'établil 
sa  famille  à  Constance,  où  il  mou- 
rut, le  5  mai  1796.  M.  de  IVÏonibat- 
rey  joignait  à  une  mémoire  prodi- 
gieuse, des  connaissances  dans 
que  tous  les  genres;  il  avait  le  travail 
extrêmement  facile,  et,  comme  Ga- 
lonné, il  savait  allier  aux  affaires  le 
goût  des  plaisirs.  11  avait  rédigé  des 
Mémoires  de  sa  vie  ;  et  l'on  doit  re- 
gretter que  cet  ouvrage,  qu'il  avait  lu 
à  plusieurs  de  ses  amis  ,  ne  se  soit 
pas  retrouvé  dans  ses  papiers.  —  Le 
prince  de  S AirfT- Maurice,  soi 
(1),  colonel  du  régiment  de  Mon- 
sieur, fut  du  nombre  des  gentils- 
hommes francs  comtois  qui  se  pro- 
noncèrent, en  1  788,  aux  états  de  la 
province  ,  pour  la  suppression  des 
privilèges  de  la  noblesse.  Forcé, 
quelque  temps  après,  par  les  événe- 
ments, de  chercher  un  asile  dans  les 
pays  étrangers  ,  il  se  rendit  à  Co- 
blentz,  pour  y  offrir  ses  services  aux 
princes  français.  Le  mauvais  accueil 
qu'il  reçut  de  quelques-uns  de  ses 
compagnons  d'infortune,  le  détermi- 
na de  rentrer  en  France,  au  risque 
de  tous  les  dangers  qui  devaient  l'y 
environner.  11  habitait  Paris,  où  il 
avait  l'espoir  de  rester  ignoré;  mais 
toutes  les  précautions  qu'il  avait  pri- 
ses ne  purent  le  garantir.  Yrrètc,  en 
179  i .  connue  complice  d'une  cons- 
piration contre  Roberspierre ,  il  fut 
le  jeune  de 
Sartine,  et  toute  la  famille  Sainte-* 
Ainariiite.  Si  veuve,  qui  avait  eié 
enfei  me'e  avec  lui,  a  épousé  M.  le 
prince  Louis  de  la  Trcmoille.  V 

(ille  do  prince  <le   Moutbtrrey  #pou*a  l< 

piii)C«  de  .'« ..»;«. 


466  MON 

MONTBARS  ,  surnommé  l'exter- 
minateur, à  cause  de  l'acharnement 
equel  il  combattait  les  Espa- 
gnols, fut  un  des  plus  fameux  chefs 
de  flibustiers.  Il  était  ne  en  Lan- 
guedoc, d'une  bonne  famille.  Le  ha- 
sard ayant  mis  entre  ses"  mains  , 
dès  sa  plus  tendre  jeunesse ,  les  re- 
lations des  cruautés  exercées  par  les 
Espagnols  contre  les  habitants  du 
Nouveau-Monde  ,  il  en  conçut ,  con- 
tre les  premiers ,  une  haine  si  impla- 
cable ,  qu'elle  paraissait  quelquefois 
dégénérer  en  véritable  fureur.  Un 
jour,  au  collège,  jouant  dans  une 
pièce  de  théâtre  le  rôle  d'un  Fran- 
çais ,  il  s'enflamma  tellement  contre 
un  de  ses  camarades  qui  représentait 
un  Espagnol ,  que ,  si  on  ne  les  eût 
séparés ,  il  l'eût  infailliblement  tué. 
Dès  que  la  guerre  fut  déclarée ,  en 
1667 ,  il  quitta  la  maison  paternelle , 
et  alla  rejoindre ,  au  Havre,  un  de  ses 
oncles,  qui  commandait  un  vaisseau 
du  roi.  Arrivé  il  ans  les  mers  des 
Antilles  ,  il  se  signala  par  des  faits- 
d'armes  extraordinaires.  La  mort  de 
son  oncle,  dont  le  bâtiment  fut  en- 
glouti en  même  temps  que  deux  vais- 
seaux ennemis  qu'il  combattait,  lui 
rendit  plus  que  jamais  les  Espagnols 
odieux.  11  alla  les  chercher  sur  les 
cotes  de  Honduras  et  ailleurs  ,  et  en 
fit  un  carnage  adieux.  11  les  combat- 
tait tantôt  sur  terre ,  à  la  tête  des 
boucaniers,  tantôt  sur  mer,  comme 
chef  de  flibustiers  ;  «  mais ,  ajoute 
Charlevoix ,  on  lui  rend  celte  jus- 
tice, qu'il  n'a  jamais  tué  un  homme 
désarmé  ,  et  on  ne  lui  a  point  re- 
proché ,  que  je  sache ,  ces  brigan- 
dages ni  ces  dissolutions  qui  ont 
rendu  un  si  grand  nombre  d'aven- 
turiers abominables  devant  Dieu  et 
devant  les  hommes.  »  Oexmelin  , 
historien  des  Flibustiers  ,  dépeint 
Montbars  comme  un  homme  vif , 


MON 

alerte  et  plein  de  feu.  Il  avait  la  taille 
haute  ,  droite  et  ferme >  l'air  grand, 
noble  et  martial  ,  le  teint  basané  , 
les  sourcils  noirs  ,  épais  ,  et  se  joi- 
gnant. Aussi  disait-on  que,  dans  le 
combat,  il  commençait  à  vaincre 
par  la  terreur  de  ses  regards  ,  et 
qu'il  achevait  par  la  force  de  son 
bras.  Montbars  est  le  héros  d'un 
mélodrame  joué  sur  un  des  petits 
théâtres  de  Paris,  et  d'un  roman  de 
M.  Picquenard.  E — s. 

MONTBEILLARD   (  Philibert 

GuEISEAU  DE   ).      V.    GUENEAU. 

MONTBÉLIARD  (Léopold- 
Eberhard  ,  prince  de  ),  né  en  1670, 
étonna  l'Europe  des  scandales  mul- 
tipliés de  sa  vie  privée.  La  princi- 
pauté de  Montbéliard,  possédée  de 
puis  le  commencement  du  xve.  siècle 
par  la  maison  de  Wurtemberg,  était/ 
par  sa  situation  ,  continuellement 
compromise  dans  les  guerres  entre 
la  France  et  l'Allemagne.  George, 
père  de  Léopold-Eberhard,  s'écarlant 
de  l'exemple  de  son  prédécesseur, 
se  déclara  contre  la  première  de  ces 
puissances  ,  et,  victime  de  sa  fausse 
politique,  fut  dépouillé  de  ses  états 
par  Louis  XIV,  qui  le  contraignit  à 
chercher  un  asile  en  Silésie.  Il  y  em- 
mena son  fils;  et  celui-ci  eut  à  peine 
atteint  sa  onzième  année,  qu'il  lui 
enjoignit  de  retourner  à  Montbéliard. 
Léopold-Eberhard,  en  traversant  le 
duché  de  Wurtemberg,  fut  arrêté  à 
Stuttgard  par  le  prince  régent  de 
Wurtemberg,  son  parent,  et  ne  dut 
sa  liberté  qu'à  trois  sommations  suc- 
cessives de  l'empereur,  dont  la  der- 
nière devait  être  suivie,  en  cas  de 
désobéissance,  de  la  mise  de  l'oppo- 
sant au  ban  de  l'empire.  Léopold- 
Eberhard  prouva  sa  reconnaissance 
à  son  libérateur,  en  prenant  du  ser- 
vice dans  ses  armées.  Il  fit  plusieurs 
campagnes  en  Hongrie,  et  comman- 


MON 

dait  la  place  do  Tokay,  lorsque  les 
Turcs  eu  entreprirent  le  blocus.  La 
bravoure  du  jeune  oliieier  les  força 
de  repasser  la  Save,  et  les  cl 
de  toute  la  contrée.  Le'opold  -  Eber- 
hard  ne  soutint  pas  ce  brillant  coup- 
d'essai:  il  s'oublia  dans  les  bras  des 
femmes  ;  et  quoiqu'il  fût  un  des  plus 
beaux  hommes  de  son  siècle .  il 
descendit  souvent  à  des  moyens  hon- 
teux pour  réussir  dans  ses  vulgaires 
intrigues.  Il  succéda,  en  1699,  a  son 
père,  réintègre  dans  sa  principauté 
par  le  traite  de  Hyswick  ,  et  hérita 
en  même  temps  de  neuf  seigneuries 
assez   considérables  .   possédées   en 

e  par  sa  mère,  fiiie  du  maréchal 
de  Ghàtillon-Coligni.  De  ce  moment 
il  ne  craignit  pas  d'aiïiehcr  trois  de 
ses  concubines,  et  d'arracher  pour 
elles,  à  la  condescendance  de  l'em- 
pereur, des  titres  honorifiques.  La 
plus  ancienne  de  ses  favorites ,  Anne 
Sabine  Hedwiger  ,  fille  d'un   confia 

tla  cour  de  Wurtemberg 
fut  élevée,  par  un  diplôme  de  noi  , 
au  rang  de  comtesse  du  Saint-Empire, 
sous  le  nom  de  Sponeck  :  son  frète 
reçut  la  même  faveur.  L'année  pré- 
cédente ,  le  prince  de  Montbeliard 
avait  fait  créer  baronnes  du  Saint- 
Empire,  Henrietie-i ;  Klisa- 
Leth-Ciiarlotte  de  {'Espérance 
appelées  du  nom  de  guerre  de  leur 
père,  Richard  Curie*,  qui,  Gis  d'un 
valet-de-ville,  exécuteur  d 
œuvres  à  Montbeliard,  était  tailleur 
de  son  métier,  et  a:  dans 
les  troupes  de  France  el  de  Lorraine, 
une  existence  vagabi  :  7  1  5, 
Léopold-KUuliaid  voulut  fi\< 

1  a  nt  s: 
il  de'< 

leur  incai  céder,  dans 

un  Irai  Ibaden,  avec 

son  cousin  et  li  r,ù{\  le 

duc  Eberhard 


MON  467 

berg.  Il  fit  jurer  à  tous  ses  conseillers 
uter  ce  pacte  ,  auquel  accé- 
dèrent  Anne-Sabine  et  son  fils  aîné, 
et  Elisabeth -Charlotte  de  l'Espé- 
rance,  quiavait  survécu  à  sa  sœur. 
Le  prince  d  iitpas 

moins,  ci!  17  iO,  un  1 
où  il  obtint,  pour  s  ,  des 

lettres  dénaturalisé,  ;uivi- 

rent  des  lettres  de  légitimation,  eu 
1718.  Le  régent,  comme  on  devait 
s'y  attendre,  se  prêta  facilement  à 
des  sollicitations  qui  avaient  trouvé 
Louis  XIV  inflexible.  Leopolà-Eber- 
hard  fit  prendre  à  se  ses  les 

titres  de  duchesse  régnante,  de  du- 
chesse douairière,  el  à  leurs  enfants 
ceux  de princes  et  princessesde  \ 
tcmbcrg-Monlbéliard.  11  passa  outre 
à  une  défense  émanée  du  conseil  au- 
lique  de  Vienne  :  il  maria  ensemble 
les  enfants  d'Anne-Sabinc  et  d'Hen- 
riette -  fledvige  de  l'Espérance;  et, 
pour  déguiser  l'inceste  .  1!  ■ 
mari  qui  lui  a  va  il  s  ns   la 

possession  de  cette  d' 
neurs  d'une  païerni'é  qu'il  avait  re- 

pour  lui-même  1 
de  Wildbadcn.  11  supposa  en  ; 
temps  un  contrat  de  màHàgië  qui, 
a  Koyowitz.  en  Pologne',  entre 
lui  et  Anne  Sabine,  aurait  tiédissons 
par  un  acte  de  divorce  eu  1711  ;  ,>t 
en  17  i<S,  il  épousa  E  ilhar- 

li  tt'-  (ic  1'!'/ (pérance,  nonobstant  le 

1 

mort ,  anv. 
•.'9  mal  .  le  comte  I 

Sjn.r.  :e  bâtarde, 

pril  i  de  la    prrncip  Mite  de 

Montbeliard  ,  d'où  il  fui  expul 
main  armée  par  le  duedè  Wurtemr 
eil  aulique 
itimité  de  tous  les 
Léopold-Eberh,  débouta  de 

leurs    prêtent 
deuxième  and  »,  il  les  ré- 


468  MON 

duisit  à  une  pension  alimentaire. 
Celle  décision  n'était  exécutable  que 
sur  les  terres  germaniques;  et  l'on 

Îdaida  au  parlement  de  Paris  pour 
es  biens  situes  en  France.  Le  due  de 
Wiutemberg  s'isola  de  ces  débats, 
et  laissa  les  Sponcck  et  les  L'Espé- 
rance, divisés  entre  eux,  se  renvoyer 
les  reproches  d'infamie  et  mettre  à 
nu  leurs  turpitudes  respectives.  La 
pitié  publique  s'était  attachée  d'a- 
bord au  récit  de  malheurs  qui  pré- 
sentaient l'intérêt  du  roman;  mais 
quand  les  faits  parurent  dans  leur 
odieuse  simplicité  ,  ils  révoltèrent 
tous  les  esprits.  Le  monde  s'indigna, 
dit  Saint-Simon,  qu'une  prétention 
si  monstrueuse  fut  soufferte  :  les  dé- 
vots eurent  honte  à  leur  tour  de  l'a- 
voir tant  protégée,  tellement  qu'il 
intervint  enfin  un  arrêt  contradic- 
toire en  la  grand'-chambre ,  qui  re- 
plongea cette  canaille  infâme  dans  le 
néant.  Le  duc  de  Wurtemberg,  res- 
saisi des  neuf  seigneuries  situées  en 
France,  en  abandonna  les  revenus 
au  roi,  à  la  charge  de  pourvoir  à  la 
subsistance  de  la  postérité  de  Léo- 
pold-Eberhard.  L'empereur  d'Alle- 
magne contera  le  titre  de  comte 
d'Hornebourg  à  ce  qui  restait  de  ces 
bâtards  :  plusieurs  moururent  ayant 
l'esprit  aliéné.  F — t. 

MONTBRUN  (Charles  Dupuy, 
dit  le  brave)  1  l'un  des  plus  vaillants 
capitaines  de  son  temps ,  naquit,  vers 
l'an  i53o,  au  château  de  Montbrun, 
dans  le  diocèse  de  Gap ,  en  Dauphiné, 
d'une  ancienne  et  illustre  famille.  Il 
fit  ses  premières  armes  en  Italie, 
sous  les  yeux  de  son  père,  et  servit 
ensuite ,  avec  beaucoup  de  distinc- 
tion ,  dans  les  guerres  de  Flandre  et 
de  Lorraine.  De  retour  dans  sa  fa- 
mille ,  il  apprit  qu'une  de  ses  sœurs, 
s'était  retirée  à  Genève  pour  y  em- 
brasser la  reforme;  et  il  se  mit  à  sa 


MON 

poursuite,  décidé  à  la  tuer  si  elle 
persistait  dans  sa  résolution.  Cette 
sœur ,  connaissant  le  caractère  em- 
porté de  Montbrun  ,  se  tint  cachée  , 
et  pria  Théod.  de  Eèze  d'employer 
auprès  de  lui,  tous  les  moyens  qui 
étaient  en  son  pouvoir  pour  l'ap- 
paiser.  Bèze  vit,  en  effet,  cet  homme 
opiniâtre,  et  s'acquitta  si  bien  de  sa 
commission  ,  qu'il  finit  par  l'amener 
à  imiter  l'exemple  de  sa  sœur.  D'ar- 
dent catholique,  devenu  protestant 
non  moins  zélé,  Montbrun  se  mit  eu 
tète  de  faire  changer  de  religion  a 
tous  ses  vassaux;  et  les  viol 
qu'il  employa  pour  les  y  contraindre, 
excitèrent  de  grandes  plaintes.  Le 
parlement  de  Grenoble  instruisit 
contre  lui;  et  Matin  Bouvier,  prévôt 
des  maréchaux  ,  reçut  l'ordre  de 
l'arrêter.  Informé  de  son  arrivée  T 
Montbrun  inarche  à  sa  rencontre  , 
le  fait  prisonnier  ,  et  l'enferme  dans 
le  souterrain  de  son  château.  Jugeant 
bien  qu'un  pareil  attentat  ne  pouvait 
rester  impuni,  il  leva  quelques  sol- 
dats ,  et  pénétra  dans  le  comtat  \<  - 
naissin,où  Alexandre  Giùliotin  (et 
non  Guyotin),  avocat  de  Vairéas, 
lui  offrait,  au  nom  des  Calvinistes 
de  Vaison  et  des  environs  ,  l'assu- 
rance d'un  renfort  considérable,  il 
s'empare  de  plusieurs  villes. 
fane  et  pille  les  églises,  établit  les 
prêches,  et  lève  des  contributions. 
Le  pape  ,  n'ayant  aucun  mo>cn  de 
s'opposer  aux  progrès  de  ce  redou- 
table aventurier,  lui  fait  demander  la 
paix  ;  et  Montbrun  revient  dans  son 
château  ,  avec  la  promesse  de  n'être 
jamais  inquiété  pour  tout  ce  qui  s'é- 
tait passé.  Il  reporte  alors  le  théâtre 
delà  guerre  en  Dauphiné  ,  égorgeant 
les  prêtres  par-tout  où  il  éprouve 
quelque  résistance.  Informé  que  La- 
mothe  -  Gondrin  ,  lieutenant  du  rci 
dans  le  Dauphiné,  venait  l'attaquer 


MON 

avec  deux  cents  chevaux ,  il  ras- 
semble à  la  h dtc  quatre  cents  fan- 
tassins qui  lui  servaient  d'escorte  , 
et  vient  attendre  Gondrin  dans  un 
défile,  tombe  à  l'improviste  sur  sa 
troupe ,  et  la  taille  en  pièces.  Maigre 
ce  succès  ,  il  crut  que  la  prudence  lui 
commandait  de  se  retirer  à  Genève 
avec  sa  Camille;  et,  pendant  son  ab- 
sence, son  château  fut  rase.  Il  revint, 
en  i56ii,  offrir  ses  services  à  Des 
Adrets,  chef  des  protestants  duDau- 
phiné  ;  et  il  contribua  à  la  réduction 
de  plusieurs  villes  de  Bourgogne  et 
de  Provence.  Des  Adrets  ayant  aban- 
donné la  cause  des  protestants  (  V. 
I)  s  Adrets,  tome  ier.  ) ,  il  lui  suc* 
céda  dans  le  commandement ,  et  re- 
prit les  armes,  en  1 56^  ,  lors  de  la 
rupture  de  la  paix.  Il  assista  aux  ba- 
tailles de  Jarnac  et  de  Moncontour  , 
où  il  fît  «les  prodiges  de  valeur,  rentra 
dans  le  Dauphiué ,  en  1^70,  accom- 
pagna l'amiral  de  Goligni  au  Yiva 
rais  ,  défit  l'armée  catholique,  com- 
mandée par  le  marquis  de  Gordes, 
qu'il  blessa  de  sa  propre  main,  et  tra- 
versa le  Rhône  à  la  nage  avec  sa  cava- 
lerie ,  pour  .se  porter  en  Provence. 
Après  la  journée  delà  Saint-Barthé- 
lemi,  voyant  que  les  protestants  ne 
pouvait  nt  avoir  nulle  confiance  dans 
les  promesses  de  la  cour,  il  leva  de 
nouvelles  troupes, et  soumit  plusieurs 
villes  à  son  parti.  l'ai  1  '>  j  .  il  pilla 
les  bagages  de  Henri  III  ,  qui  \ 
\  ige  de  Livron  ;  le  roi  indigné  de 
cet  excès  d'audace,  donna  l'ordre  au 
marquis  de  Gordes.  de  marcher 'con- 
tre Montbrun,  et  de  le  saisir  mort 
ou  vif  ■.  Catherine  de  Médicis  lui 
écrivil  «le  se  rendre  ,  afin  d'à] 
Henri  par  cette  soumission,  et  d'ob- 
tenir :  de  sa  faute  ;  mais  il 
répondit  qu'il  prochait  rien 
à  l'égard  du  roi  .  vu  que  les  ai 
et  le  jeu 


MON 

Sans  s'effrayer  du  nombre  de  ses 
ennemis  ,  il  ne  songea  qu'a  se  dé- 
fendre. Ayant  soutenu,  dans  un  jour, 
jusqu'à  trois  combats  ,  il  s'aperçut 
que  ses  troupes  ,  exténuées  de  fati- 
gues ,  commençaient  à  se  débander  : 
après  avoir  tenté  d'inutiles  efforts 
pour  les  rallier  ,  comme  il  se  voyait 
en  danger  d'être  pris ,  il  voulut  sau- 
ter le  canal  d'un  moulin  près  de  Die  ; 
mais  il  tomba  et  se  cassa  une  cuisse. 
Il  fut  arrêté  et  conduit  à  Grenoble  : 
on  lui  fit  son  procès ,  et  on  le  con- 
damna à  avoir  la  tête  tranchée.  Il 
fallut ,  à  cause  de  sa  blessure,  le  por- 
ter au  lieu  du  supplice,  qu'il  souffrit 
avec  beaucoup  de  constance  ,  le  \'x 
août  iS^S.  Le  roi  se  repentit  d'avoir 
pressé  le  jugement  de  Montbrun;  et 
sa  grâce  arriva  deux  heures  après 
son  exécution.  Le  traité  de  paix  de 
1 5 76  réhabilita  sa  mémoire  par  un 
article  spécial;  et,  dans  la  suite, 
toutes  les  pièces  de  la  procédure 
furent  détruites.  Gui  Allait!  a  écrit 
la  Vie  du  brave  Montbrun  ,  Gre- 
noble, 1675,  in- 12.  J.  C!.  Martin 
en  a  ,  de  nos  jours  ,  donné  une  plus 
étendue  ,  et  enrichie  de  pièces  justi- 
ficatives ,  dont  la  deuxième  édition 
a  paru  sous  le  titre  à' Histoire  de 
Charles  Dupuy ,  surnommé  le  brave, 
seigneur  de  Montbrun ,  Paris ,  1 8 1 0, 
in-8". ,  de  172  pages.  Lesdiguières , 
qui  avait  fait  ses  premières  armes 
sous  Montbrun  ,  lui  succéda  dans  le 
commandement  de  l'armée  des  pro- 
testants (  V.  Lesdiguières,  XXIV, 
299);  mais  fidèle  ensuite  à  son  roi 
ei  ,1  sa  patrie,  il  fut  honore  de  la 
dignité  de  connétable.        W  — s. 

MONTCALM  de  Saiht  -  \  chah 
(Louis-Joseph  ,  marquis  ùt)t  lieu- 
tenant-général, naquit  au  château  de 
Candiac,  près  :  en  171  a. 

mille,  originaire  du  Rouergue, 
joint  ordinairement  à  son  nom 


47° 


MON 


lui  de  Gozon,  sous  lequel  s'illustra, 
au  quatorzième  siècle,  le  grand- m  aî- 
ire  de  l'ordre  de  Saint- Jean  de  Jéru- 
salem (  Voy.  Gozon  )  ,  qui  obtint 
cette  dignité,  pour  avoir,  dit-on, 
délivre  l'île  de  Rhodes  d'un  dra- 
gon qui  la  ravageait  (i).  L'éduca- 
tion du  marquis  de  Saint- Vèran  fut 
confiée,  ainsi  que  celle  de  son  frère 
aîné,  enfant  célèbre  (  V.  Candi ac), 
aux  soins  de  Dumas  {V .  ce  nom), 
l'inventeur  du  bureau  typographi- 
que. Quoiqu'il  fût  sorti  à  l'âge  de 
quatorze  ans  des  mains  de  cet  habile 
instituteur,  pour  entrer  dans  la  car- 
rière militaire,  il  avait  si  bien  pro- 
fité de  ses  leçons,  qu'il  conserva  le 
goût  de  l'étude,  jusque  dans  le  tu- 
multe des  camps  ;  et  l'étendue  de  ses 
connaissances  justifia  son  ambition 
et  son  espérance  d'être  admis  à  l'aca- 
démie royale  des  inscriptions  et  bel- 
les-lettres de  Paris.  Il  ne  vécut  pas 
assez  pour  jouir  de  cet  honneur  Sa 
vie  militaire  a  jeté  un  grand  éclat. 
Il  se  distingua  dès  les  premiers  pas 
dans  la  carrière  ,  reçut  trois  bles- 
sures à  la  bataille  de  Plaisance  ,  et 
deux  au  funeste  combat  d'Exilés  (ou 
de  l'Assiette).  Il  était  alors  colonel 
d'infanterie.  Devenu  brigadier ,  il 
passa  dans  la  cavalerie,  et  fut  fait 
mestre-de-camp  d'un  régiment  de  son 
nom.  Maréchal-de-camp,  en  1756, 
il  alla  commander  en  chef  les  trou- 
pes chargées  de  la  défense  des  colo- 
nies françaises  dans  l'Amérique  sep- 
tentrionale. Malgré  l'abandon  où  le 
laissa  la  métropole,  malgré  la  fai- 
blesse de  son  armée,  la  rigueur  du 
climat,  un  dénuement  presque  abso- 


(1)  Les  grands  bots  de  la  t' rre  de  Goxon.  vendue 
domauialeinent ,  portent  encore  le  nom  ne  Dragnn- 
nièios  :  d'aptes  la  tradition  ,  c'eal  1  i  que  i«  <  ii  valier 
Dieu-Donne  exerçait  ses  chiens  à  la  poursuite  «l'un 
dragoii  artificiel ,  avant  d'attaquer  celui  qui 
l'île  de  Gozo.  Lu  mène  traditiun  de  i.i  famille  Mon! 
çaltn  a  conservé  le  nom  du  fidèle  domestique  qui  ar- 
«pinpïifma  ce  liéro.i  :  il  se  nommait  lii'itïlan.  D.  L.  M. 


MON 

lu ,  et  la  supériorité  de  l'ennemi,  tant 
sur  terre  que  sur  mer,  il  obtint  de 
fréquents  avantages  sur  lord  Loudon, 
pendant  sa  première  campagne*  et, 
dans  le  cours  delà  seconde,  il  rem- 
porta une  victoire  complète  sur  le 
général  Abcrcromby.  Mais  forcé  plus 
tard  à  un  combat  inégal,  sous  les 
murs  de  Québec,  il  reçut,  dès  le  com- 
mencement de  l'action,  une  blessure 
mortelle,  et,  deux  jours  après,  ter- 
mina sa  glorieuse  carrière  le  1 4  sep- 
tembre 1 7J9.  Ses  restes  furent  dépo- 
sés dans  le  trou  qu'avait  fait  une 
bombe  ;  tombeau  cligne  d'un  guer- 
rier mort  au  champ  d'honneur.  Le 
général  ennemi ,  Wolf ,  fut  tué  dans 
la  même  affaire  ;  mais  il  eut  la 
consolation,  avant  d'expirer,  d'ap- 
prendre que  son  armée  était  victo- 
rieuse. Une  très-belle  estampe  de 
Woollett  le  représente  à  ses  der- 
niers moments.  On  a  de  même  gravé 
en  France,  la  mort  deMontcalm; 
l'estampe  anglaise  est  plus  recher- 
chée, La  mémoire  de  Montcalm  a 
été  plus  dignement  honorée  par  la 
lettre  que  Bougainville  publia  sur 
sa  mort,  et  par  l'inscription  qu'il  lit 
graver  sur  sa  tombe,  et  qui  était 
l'ouvrage  de  l'académie  des  inscrip- 
tions et  beiles-iettres.      V.  S.  L. 

MOINTCALM  (  Paijl-François- 
Josepii  de),  chef  de  la  branche  aî- 
née de  celle  famille,  naquit  en  1  706, 
dans  le  Rouergue,  berceau  de  cette 
maison.  Entré  dans  la  marine  à  l'âge 
de  14  ans,  il  parcourut  rapidement 
les  grades  inférieurs,  et  fut  nommé  , 
très-jeune  ,  capitaine  de  vaisseau;  il 
servit  dans  la  guerre  de  l'indépen- 
dance, sous  d'Eslaing  et  Sui'iren,  et 
prit  part  aux  plus  brillantes  actions 
qui  honorèrent  alors  la  marine  fran- 
çaise. Eu  Amérique,  il  prit  part  à 
cinq  combats,  et  se  distingua  parti- 
culièrement à  celui  de  la  Grenade  : 


MON 

pendant  cinq  ans  de  suite,  il  fut  em- 
ployé clans  le  levant,  et  commanda 
un  vaisseau  de  ligne  au  siège  de  Gi- 
braltar. En  1789,  à  l'âge  de  33  ans, 
il  fut  nommé  député  aux  étâts-géné- 
raux  par  la  noblesse  de  Ville-Fran- 
che en  Rouergue ,  et  se  réunit  à  la 
majorité,  en  signant  la  protestation 
contre  la  double  représentation  du 
tiers-élat.  Depuis,  ayant  r<  çude  nou- 
-  instructions  ,  il  observa  son 
second  mandat,  comme  il  avait  fait 
le  premier,  et  entra  franchement 
dans  le  parti  constitutionnel  :  il  ap- 
puya l'abolition  des  droits  féodaux. 
Il  fit  la  motion  de  supprimer  les  pen- 
sions; motion  q m i  fut  adoptée,  et 
à  laquelle  L'Assemblée  constituante 
ajouta  seulement  l'honorable  excep- 
tion tics  familles  de  Montcalm  et 
d'Assas.  11  est  inutile  de  dire  qu'il  ne 
l'avait  pas  sollicitée;  car  il  refusa 
constamment  cette  faveur,  qu'il  eût 
regardée  comme  un  outrage.  Le  mar- 
quis de  Montcalm  prononça  aussi  à 
la  tribune  ,  un  discours  sur  la  répar- 
tition de  l'impôt,  qui  lui  fit  beaucoup 
d'honneur.  Il  quitta  l'assemblée  vers 
la  fin  de  1790,  et  se  réfugia  en  Es- 
pagne. Marié  à  une  fille  du  marquis 
de  La  Jonquière,  lieutenant-général 
désarmées  navales  ,  il  eut  une  famille 
très-nombreuse,  La  guerre,  tombeau 
ordinaire  des  Montcalm,  lui  enleva 
deux  de  ses  enfants  :  cinq  aunes 
succombèrent  aux  privations  et  aux 
malheurs  de  l'exil.  Il  se  fixa  ensuite 
en  Piémont;  et  ce  brave  officier, 
qui  avait  échappé  à  la  révolution, 
que  la  mort  avait  épargné  dans 
tant  de  combats,  se  cassa  la  cuisse 
en  descendant  un  escalier,  et  mou- 
rut, en  1812,  des  suites  de  cette 
chute,  à  l'âge  de  cinquante-six  ans. 
I).  L.  M. 
MONTCHA1  ,  ar- 

chevêque de  T  1  l'un  des 


MON 


47i 


plus  savants  prélats  qui  aient  occupé 
ce  siège.  Né,  en  1089,  à  Annoiiai, 
d'un  apothicaire  de  cette  ville,  il  ob- 
tint une  bourse  à  Paris  ,  au  collège 
d'Autun  ,  dont  ii  de>  int  dans  la  suite 
le  principal,  et  y  lit  ses  études  avec 
une  rare  distinction.  Ayant  embrassé 
l'état  ecclésiastique,  il  fut  pourvu 
d'un  canonicat  du  chapitre  d'An- 
goulèmc,  et  succéda,  en  1628,  sur 
le  siège  de  Toulouse,  au  cardinal  de 
La  \  .dette,  qui  donna  sa  démission 
en  faveur  de  son  ancien  maître.  Il 
s'appliqua  avec  zèle  a  l'administra- 
tion de  son  diocèse,  plaça  des  pas- 
teurs instruits  à  la  tête  des  paroisses, 
et  distribua  souvent  lui-même  au 
peuple  le  pain  de  la  parole.  Député 
aux  assemblées  générales  du  clergé  f 
il  fut  exclus,  en  1O4  ï  ,  de  celle  de 
Mantes  ,  pour  s'être  opposé  aux  vo- 
lontes  du  cardinal  de  Richelieu:  celle 
disgrâce  lui  mérita  l'honneur  d'être 
élu  président  de  l'assemblée  de 
l645,  où  il  prit  encercla  défense 
des  immunités  ecclésiastiques.  II 
fonda,  dans  sa  ville  épiscopale,  un 
séminaire  pour  les  jeunes  clercs,  et 
une  maison  de  secours  pour  les 
pauvres  valides,  et  contribua  à  for- 
mer divers  autres  établissements 
pieux.  Ce  prélat  avait  la  réputation 
d'un  des  bons  hellénistes  de  son 
temps  :  ii  s'était  attaché  particuliè- 
rement à  1  historiens  ec- 

istiques;  et  .ses  confrères  l'avaient 

:per  d'une   nouvelle 

édition  de  VHisi  ,  dont 

il  avait  rétabli  ■  corrigé  la 

1  ai     latine    dans    une    i;  linitilé 
d'endroits.    Il  possédait    une   riche 
bibliothèque,  remarquable   surtout 
parle  nombre  des  marne.   , 
arabes   et   hébreux,    qu'il 
cueillis    a    grands    frais  dans    toute 

l'Europe  :  ri  se  lai  ait  an  plaisir  de 
les  communique]  dont  il 


■V 


MON 


était  l'un  des  plus  zélés  protecteurs  ; 
et  ii  y  eu  eut  quelques-uns  de  publiés 


Îiar  ses  soins.  Rigault  ,  Sirmond, 
ïoïstenîus,  Allatius,  Caseneuve,  etc., 
ou  lui  ont  dédié  leurs  ouvrages,  ou 
lui  ont  donne  des  témoignages  pu- 
blics de  leur  reconnaissance  poul- 
ies services  qu'ils  en  avaient  reçus. 
Montchal,s'élantrenduàCarcassone 
pour  assisterais  e'tatsde  Languedoc, 
j  mourut ,  le  11  août  i65i  ,  dans  de 
grands  sentiments  de  piété.  Son 
corps  fut  transporté  à  Toulouse,  et 
inhumé  dans  le  chœur  de  la  cathé- 
drale, où  l'on  voyait  son  épitaphe, 
rapportée  dans  le  Gallia  christiana, 
tome  xin ,  page  64-  On  a  quelques 
Lettres  de  ce  prélat  dans  le  tome  ier. 
del*édition  de  Saint-Jean  Damascène, 
donnée  par  le  P.  Lequien.  On  a  publié 
de  lui  :  Mémoires  contenant  des 
particularités  de  Ici  vie  et  du  mi- 
nistère du  card.  de  Richelieu,  Rot- 
terdam,  1718,  iu-12,  1  vol.  Ou  y 
trouve  de  curieux  détails  sur  l'as- 
semblée de  Mantes,  et  sur  les  affai- 
res du  clergé;  dont  le  premier  mi- 
nistre regardait  les  revenus  comme 
une  ressource  de  l'état  dans  des  cir- 
constances difficiles.  Cet  ouvrage  a 
été  imprimé  sur  un  manuscrit  dé- 
fectueux ;  mais  Le  Courayer  ,  en 
ayant  découvert  un  plus  complet ,  a 
inséré  dans  Y  Europe  savante  (  no- 
vembre 1 7  18),  des  corrections  et  ad- 
ditions, qu'il  a  fait  suivre  d'une  Dis- 
sertaiion,  attribuée  au  même  prélat, 
pour  prouver  que  les  puissances  sé- 
culières ne  peuvent  imposer  aucunes 
tailles ,  taxes ,  subsides  et  autres 
droits  sur  les  biens  de  l'Église,  sans 
son  consentement.  Le  portrait  de 
Montrhal  a  été  gravé  plusieurs  fois; 
le  meilleur  est  celui  de  Daret ,  in- 
fol.  et  in-4°.  W — s. 

MONTCHKESTIEN  (  Antoine  ), 
fils   d'un  apothicaire    de    Falaise  , 


MON 

nommé  Mauchrcstien  ,  perdit   son 
père  ,  étant  encore  très-jeune  ,  et,  à 
défaut  de  parents,  eut  pour  tuteur  un 
nommé  Saint-André  Dernier,  qui,  en 
qualité  de  proche  voisin  ,  fut  con- 
damné par  justice  à  s'en  charger. 
Mis  au  service  de  deux  frères  appe- 
lés Touruebu  et  Désessarts  ,  il  les 
suivit  au  collège,  et  profita  de  l'occa- 
sion pour  faire  quelques  études  :   à 
l'âge  de  vingt  ans,  il  apprit  l'escrime 
avec  ses  maîtres,  et  montra  son  hu- 
meur querelleuse.  Ayant  eu  une  dis- 
pute avec  le  baron  de  Gourviîle  ou 
Gouville,  qui  était  accompagné  d'un 
de  ses  frères  et  d'un  soldat ,  il  ne 
laissa  pas  de  leur  tenir  tête  à  tous 
trois  :  mais  il  devait  succomber  dans 
un  combat  aussi  inégal ,  et  fut  laissé 
pour  mort.  11  en  réchappa  toutefois  ; 
et  ayant  porté  plainte  contre  ses  ad- 
versaires, il  obtint  douze  miliefrancs 
de  dommagcs-intéiêls.  Cette  somme 
lui  donna  les  moyens  de  faire  quel- 
que figure  dans  le  monde  ;  et  ce  fut 
alors  qu'il  prit  le  nom  de  Vattevilie. 
Lorsque  les  douze  mille  francs  furent 
dépensés ,  il  attaqua  son  tuteur  en  rè- 
glement de  compte,  et  en  arracha 
mille  francs.  Il  eut  d'autres  affaires 
peu  honorables ,  et  s'enfuit  en  Angle- 
terre, pour  se  dérober  aux  poursui- 
tes qu'on  dirigeait  contre  lui, en  rai- 
son d'un  homicide  qu'il  était  accusé 
d'avoir  commis  en  trahison.  Il  avait , 
en  i5q6,  fait  imprimer  à  Caen  une 
tragédie  intitulée  Sophonisbe.  Pour 
se  faire  bien  venir  du  roi  Jacques  7 
il  imagina  de  composer  et  de  lui  dé- 
dier une  tragédie  sur  la  mort  de  sa 
mère  (Marie  Stuart),  qu'il  intitula 
Y  Écossaise  ou  le  désastre.  Jacques, 
par  reconnaissance,  demanda  à  Henri 
IV  la  grâce  du  poète,  qui  se  retira 
vers  la  foret  d'Orléans ,  et  ensuite  à 
Châtillon -sur- Loire.  Monlchrestien 
y  travaillait  l'acier,  et  venait  ven- 


MON 

dre  ses  instruments  à  Paris.  On  croit 
qu'en  même  temps  il  fabriquait  de  la 
fausse  monnaie.  Sous  le  règne  de 
Louis  XIII,  il  prit  parti  pour  les  ré- 
formes ,  et  il  levait  des  troupes  pour 
eux ,  charge  de  délivrer  des  com- 
missions d'olïïcier  •  il  fut  découvert 
le  7  octobre  1621  ,  dans  le  bourg  de 
Tourailles:  attaqué  pendant  la  nuit , 
il  se  défendit  vaillamment  ,  et  fut 
tué  de  plusieurs  coups  de  pistolet. 
Son  cadavre,  transporté  à  Domfront, 
fut  traîné  sur  la  claie,  rompu,  et 
brûlé.  On  a  de  lui  :  I.  Tragédies  et 
autres  œuvres  ,  Jean  Petit  ,  iCioo  , 
iu-8°.  •  Rouen  ,  1627  ,»in-8a.  ,  con- 
tenant cinq  tragédies  :  V Ecossaise 
©u  le  désastre  ;  les  Carthaginoises 
ou  la  liberté  (  c'est  la  Sophonisbe)  ; 
les  Lacenes  ou  la  constance  (  avec 
des  chœurs  )  ;  David  ou  VaduUere 
(•idem  )  ;  Aman  ou  la  vanité;  Su- 
sanne  ou  la  chasteté,  poème,  et  une 
Bergerieyen  prose  et  à  vingt-un  per- 
sonnages (  la  Bergerie  avait  été  im- 
primée a  part,  in-8°.,  sans  date  ,  de 
8(3  pages  )  :  les  éditions  intitulées, 
Tragédies  d'Antoine  de Monlchres- 
tien,  Rouen,  1604,  ou  Niort,  1606, 
in-12  ,  contiennent  de  plus  une  tra- 
gédie intitulée  Hector;  mais  on  n'y 
a  pas  compris  la  Tergerie.M.  Traité 
de  l'économie  politique  ,  dédié  au 
roi,  et  à  lareine-mè  e,  in  \\ 
date  ,  et  Rouen  ,  1O1  ">  ,  in  -  4".  :  le 
premier  livre  traite  des  manufactu- 
le  second  ,  du  commerce  ;  ie 
ième,  de  la  navigation  (  el 
ion,  des  voyages  aux  Indes  )  *  le 
qualriè  ie  et  dernier  ,  de  l'exemple 
princes.  Mont  chres- 
tien  avait  traduit  m  vers  français  les 
Psaui  !  amenée 

une  lli  noire  de  ;  mais 

rien  n'en  a  été  impi  i""  .    \.  B — x 
MONTDORG 

M1I1.K  dl  ),  né  à    I 


Ml 

dix-septième  siècle  (  et  non  en  1727 , 
comme  le  dit  le  NécroUœe  de  1770, 
qui  a  pris  pour  date  de  la  naissance 

de  l'auteur  ,  celle  de  son  premier  ou- 
vrage ) ,  y  fut  maître  de  la  chambre 
aux  deniers  du  roi.  L'académie  de 
cette  ville  l'avait  admis  dans  son  sein, 
à  cause  de  son  £oût  pour  les  lettres. 
Mais  il  ne  se  bornait  pas  à  les  aimer; 
et  sa  grande  fortune  ne  l'empêcha 
pas  de  les  cultiver.  Plus  d'une  fois  il 
donna  des  encouragements  aux  arts  , 
par  l'usage  qu'il  lit  de  sa  richesse. 
Montdorge  mourut  à  Paris,  le  24 
octobre  1768.  On  a  de  lui  :  I.  Vile 
de  Paphos ,  1727,  in- 12.  II.  Les 
Fêles  dJHébé  ,  ou  les  talents  ly- 
riques ,  opéra-ballet  en  trois  actes 
(  musique  de  Rameau  )  ,  joué  en 
1739,  repris  en  1747  et  1736,  et 
imprime  in- 4°.  III.  Réjlexions  d'un 
peint;  e  sur  l  opéra  ,    1741,  in-12. 

IV.  Art  d'imprimer  les  tableaux  en 
trois  couleurs ,  1766,  in-8°.  (  F. 
Gautier-d'Agoty  ,  xvi ,  Goo-601.  ) 

V.  L' Opéra  de  société  ,  en  un  acte  ; 
la  musique  est  de  Giraud.  :  l'ouvrage , 
joué  en  1762,  a  été  imprimé.  VI. 
Quelques  Lettres  écrites  ,  en  174$ 
et  1  "j 4 4  >  Var  une  jeune  veuve  ,  au 
chevalier  de  Luzeincour  ,  1 76 1  , 
pelil  in-8°.  Ces  lettres  sont  au  nom- 
bre de  vingt-sept  ;  douze  avaient  paru 
dans  le  Mercure  de  1  7  H).  Ce  petit 
roman,  que  l'auteur  ne  manque  \ 
donner  pour  une  histoire,  contient 
quelques  détails  ingénieux;  mais  il 
est  sans  intérêt.  L'édition  de  1769, 
qui  n'est  peut-être  que  celte  de  17G1 , 
avec  un  nouveau  frontisjrice 
intitulée  :  Lettres  un  chevalier  de 
Luzeincour  y  par  une  jeune  r 

M.  Barbier  attribue  à  Montd 

1°.   Brochure   nouvelle  , 

8°.  ;  c'est  un  ci  flte  de  1res  que  le 

de  la  !  il  : 
(Belles-lettres) donneà  un  M 


474  MON 

—  '2°.  Nadir,  histoire  orientale,  ro- 
man moral  et  politique,  i  7G9  ,  in- 
12  ,  qui  alors  un  ouvrage  pos- 

thume. A.  B — t. 

MONTE.  V.  Guid'Ubaldo. 

MONTEBELLO  (J,ean  Lames, 
duc  de  ) .  ne  à  Lectoure  ,  ie  1 1  avril 
1769,  d'une  famille  pauvre  et  obs- 
cure, commença  par  exercer  dans 
cette  ville  lu  profession  de  teinturier  , 
qu'il  quitta  en  1 792  ,  pour  s'enrôler 
dans   un  bataillon   de   volontaires. 
Nommé  sergent- major  ,  il  fit,   en 
cette  qualité  ,  sa  première  campagne 
à  l'armée  des  Pyrénées  orientales  , 
où  il  obtint  un  avancement  rapide. 
Il  était  colonel  en  1 795  ;  mais  i!  per- 
dit son  emploi  après  le  9  thermidor  , 
et  vint  à  Paris,  où  il  ne  tarda  pas  à 
se  lier  avec  le  gênerai  Bnonaparte  , 
destitue  comme  lui,  et  probablement 
parles  mêmes  motifs  (  1).  Les  servi- 
ces que  l'un  et  l'autre  rendirent  à  la 
Convention  nationale  ,dans  la  jour- 
née du    1 3    vendémiaire   (  octobre 
1795),  les  remirent  en  faveur;  et 
lorsque  Buonaparte  fut  nomme  gé- 
néral en  chef  de  l'armée  d'Italie  , 
Lannes  s'empressa  de  le  suivre.  Place 
à  la  tête  d'un  régiment ,  il  se  distin- 
gua aux  batailles  de  Millesirno  ,  de 
Lodi  et  d'Arcoîe.  Il  avait  été  fait  gé- 
néral de  brigade  à  la  prise  de  Pavie  , 
où  il  s'était  emparé  de  deux  dra- 
peaux ennemis  ;  et  ce  fut  en  celte 
qualité    qu'on   l'envoya    contre    les 
troupes  du  pape,  qu'il  vainquit  ai- 
sément à  Imoîa.  Revenu  à  Paris  , 
en  1798  ,  après  le  traité  de  Campo- 
Formio ,    il    suivit    Buonaparte    en 
Egypte  ,  fut,  par  lui  ,  nommé  gé- 
néral de  division,  en  mai  1799,  et 
continua  d'être  employé  dans  le  com- 

(1)  Lannes  ,   Buonaparte,  Masséna  et  Murât  ,   fu- 
reut— destitués  à  cette  époque  par  Aubry,,  directeur 

.!e  la  pai  le  rnililaire  au  cotoité  de  saint,  public  ,  ci>m- 
igi  reifti  par  !i  ur  dévoûinent  ans  JaCol 

litirs  alors  anai  chislcs. 


MON 

mandement  de  l'avant  -  garde,   s'y 
montrant  toujours  de  manière  à  être 
remarqué.  Ce  fut  surtout  au  combat 
d'Àboukir  qu'H  se  signala  ,  par  le 
courage  impétueux  qui  n'a  cessé  de 
le   distinguer.  Lorsque   Buonaparte 
revint  en  Fiance  ,  Lannes  fut  du  pe- 
tit nombre  des  officiers  qui  durent 
encore  l'accompagner ,  et  il  fut  aussi 
un  de  ceux  qui  le  servirent  le  plus 
utilement  dans  la  journée  du  18  bru- 
maire (9  novembre  1799  ).  Il  com- 
manda de  nouveau  l'année  suivante  , 
une   division   en    Italie,   contribua 
beaucoup  au  succès  de  la  campagne 
que  termina  la  victoire  de  Marengo  , 
et  se  distingua  encore  en  1801  ,  au 
combat  de  Montehcllo.  Son  courage 
indomptable  devait  le  faire  triom- 
pher partout  où  il  aurait  à  conduire 
des   troupes    françaises  ;  mais  rien 
n'annonçait  qu'il  put  se  faire  honneur 
dans  des  missions  diplomaliques  :  ce- 
pendant Buonaparte  l'envoya  à  Lis- 
bonne ,  dans  le  mois  de  novembre 
1801 ,  en  qualité  de  ministre  pléni- 
potentiaire. Ses  formes  brusques  et 
violentes  amenèrent  bientôt  des  dif- 
ficultés :_  se  croyant  dans   un  pays 
conquis  ,  il  introduisit  de  vive  force 
beaucoup  de  marchandises  dont  il 
refusa  de  payer  les  droits.  La  régence 
de  Portugal    se   plaignit  auprès  du 
gouvernement  français  ;  e;    Lannes 
fut  rappelé  a  Paris  ,  où  le. nouvel  em- 
pereur le  créa  maréchal-d'empire , 
le  19  mai  1804,  d,  peu  de  temps 
après,  duc  de  Moniebeîlo.  Il  com- 
manda l'aile  gauche  de  l'armée  fran- 
çaise contre  l'Autriche,  en  i8o5;  et 
on  lui  dut  en  grande  partie  les  bril- 
lants résultats  de  cette  campagne  , 
couronnée  par  la  victoire  d'Ans !cr- 
litz  ,  où  deux  de  ses  aides-de-camp 
furent  tues  à  ses  côtés.   Il  ne  com- 
battit pas  avec  moins  de  valeur  ,  en 
itioG  et  1807  ,  dans  les  campagnes 


MON 

de  Prusse  et  de  Pologne,  qui  furent 
terminées  par  le  traite  de   Tilsitt  ; 
et  il  l'ut  nomme'  colonel-général  des 
Suisses,  le  i3  septembre  1807.  Il 
suivil    Buonaparte  en   Espagne,   en 
1808,  commanda  le  siège  de  Sara- 
goce  en  1809;  et  ce  ne  tut  qu'après 
les  attaques  les  plus  multipliées  et  les 
plus  sanglantes  ,  qu'il  parvint  à  ré- 
duire les  habitants  de  celte  malheu- 
reuse cité  ,  poussés  au  plus  alFreux 
désespoir  (  1  ).  La  dernière  campagne 
du  maréchal  Lannes  ne  fut  pas  la 
moins  glorieuse  de  sa  carrière  mi- 
litaire ;  c'est  celle  de  180g  contre 
l'Autriche  ,   où  il  concourut  si  ef- 
ficacement, ainsi  que  Masséna ,    à 
sauver  l'armée   française   du  péril 
le  plus  imminent  où  l'imprudence 
de  son  chef  eût  pu  L'entraîner.  Ce  fut 
à  Essling  (  'ri  mai  1809  )  qu'un  bou- 
let l'atteignit  au  moment  où  il  don- 
nait   aux  troupes  l'exemple  d'une 
fermeté  que  rendait  si  nécessaire  la 
position  difficile   où  elles  se  trou- 
vaient engagées.  Il  n'expira  pas  sur- 
le-champ  ,  et  subit  encore  la 
loureuse  amputation  des  deux  jam- 
0;i    dit    qu'avant    de    mourir 
il  eut  une  longue  conversation  avec 
Buonaparte  ,  qu'il  lui  donna  de  sages 
avis  ,  et  que  même  il  lui  (it  <! 
proches  amers  sur  les  résultats  de 
.son  ambition.  Ce  qu'il   y  a  de   plus 
certain  ,    c'est  que  celui-ci  pai 
gretter  vivement  Lannes ,  <  i  qu 
fait  transporter  son  corps  a  Paris, 
il  lui  fit  rendre  de  très-grands  hon- 
neurs. Le  ftontebello 

ation  ,  une 


: 
. 
1 
I 

»  m, .is  je  nuis 
wl  «tient bien.») 


MON  4;  5 

demoiselle  Méric  :  mais  plus  lard  il 
fit  annuler  ce  mariage  par  le  divorce; 
et  devenu  maréchal ,  il  épousa  Mlle. 
de  Guéhéneuc,  fille  d'un  ancien  com- 
missaire des  guerres.  Après  sa  mort , 
un  fils  de  sa  première  femme  ,  qui 
réclamait  une  part  dans  sa  succes- 
sion ,  fut  déclaré  adultérin  par  les 
tribunaux.  Ce  procès  excita  vivement 
l'attention  publique  ,  par  le  nom  du 
maréchal  ,  et  par  l'importance  de  la 
succession  ,  l'une  des  plus  considé- 
rables qu'il  y  eût  alors  en  France.  Le 
fils  aîné  du  second  mariage  ,  qui 
porte  le  titre  de  duc  de  Montebcllo  , 
a  été  créé  pair  de  France  par  le  roi , 
en  181 5.  M.  René  Perin  a  publié 
une  Vie  militaire  de  J.  Lannes ,  etc.  ; 
Paris  ,  1810,  iu-8°.  M — d  j. 

MONTECORVINO  (Jean  de), 
religieux  de  l'ordre  des  Frères-Mi- 
neurs ,  et  missionnaire  catholique 
en  Tartarie  ,  dans  le  moyen  âge  , 
était  né  vers   1247,  et  fut  envoyé 
prêcher  la  foi  dans  l'Orient,   par 
le  pape  Nicolas  IV,  en  1288.  lise 
rendit  d'abord  en  Perse,  pour  re- 
mettre au  roi  Argoun  une  lettre  du 
souverain  pontife;  i!  s'arrêta  quelque 
temps  à  Tamis  ,  et  partit  de  cette 
ville,  eu    1291,  pour  passer   dans 
l'Inde.  11  y  séjourna  pendant  treize 
mois  ,  dans  la  compagnie  d'un  mar- 
chand, nommé  Pierre  de  Lucal 
cl  de  Nicolas  de  Pistoie,  de  l'ordre 
Frères-Prêcheurs  :  ce  dernier  y 
mourut,  et  fut  enterré  dans  une  égli- 
se de  Saint-Thomas.  Jean  de  Monte- 
no  baptisa  dans  cet  endroit  une 
centaine  de  personnes;  puis  s'a  vançanl 
plus  a  l'orient ,  avec  le  comj 

tait,  il  vint  dans  le  Ratai  ou 

l'emp  ind  khan,  c'est-à-dire, 

dans  la  Chine  septenl  11  remit 

au  souverain  des  Tartares  une  lettre 

ipe,  qui  l'engageait 

le  Christian, 


476 


MON 


était  trop  attaché  à  l'idolâtrie  pour 
suivre  ce  conseil.  Il  ne  laissait  pas 
d'accorder  beaucoup  de  grâces  âiit 
Chrétiens,  particulièrement  aux  Nés*- 
toriens  ,  qui  avaient  fait  de  tels  pro- 
grès dans  ces  contrées ,  qu'ils  s'op- 
posaient à  ce  que  ceux  d'un  autre 
rite  eussent  le  moindre  oratoire  et 
prêchassent  une  autre  doctrine  que 
la  leur.  Le  religieux  italien  eut  beau- 
coup à  souffrir  de  leurs  persécutions. 
Plusieurs  fois  il  fut  en  butte  à  des 
accusations  sous  le  poids  desquelles 
il  eût  succombé,  si  le  hasard  n'en 
eût  fait  connaître  la  fausseté  a  l'em- 
pereur. Il  demeura  privé  du  secours 
de  ses  confrères  pendant  onze  ans , 
après  lesquels  un  Franciscain  de  Co- 
logne, nommé  Arnold,  vint  le  re- 
joindre. Jean  avait  mis  six  années  à 
bâtir  une  église  dans  la  ville  de  Khart- 
Balikh ,  c'est-à-dire,  dans  la  ville 
royale,  ou  la  capitale  de  l'empire  des 
Tartares.  Il  y  avait  même  construit 
un  clocher,  où  furent  placées  trois 
cloches  que  l'on  sonnait  à  toutes  les 
heures,  pour  appeler  les  jeunes  néo- 
phytes aux  offices.  11  avait  baptise 
environ  six  mille  personnes  ;  et  il 
en  eût  baptisé  plus  de  trente  mille  , 
sans  les  tracasseries  qu'il  éprouva.  11 
avait  en  outre  acheté  cent  cinquante 
jeunes  garçons  de  l'âge  de  onze  ans 
et  au-dessous,  enfants  de  païens, 
< 1  n'ayant  encore  aucune  religion  : 
il  les  instruisit  dans  h  foi  chré- 
1  icône,  leur  apprit  les  lettres  grec- 
ques et  latines,  et  composa  en  leur 
r  ,  des  psautiers  ,  des  hym- 
naires  et  deux  bréviaires  ;  de  sorte 
que  < es  enfants  chantaient  les  ofli- 
ces ,  comme  cela  se  pratiquait  dans 
les  couvents.  Jean  tira  encore,  pour 
la  religion  ,  plus  d'avantages  rie 
la  conversion  d'un  prince  mongol 
de  la  liibu  des  Keraïtes,  qu'il  nom- 
mait George,  et  qui  descendait ,  sui- 


MON 

vaut  lui ,  de  cet  Onng-Khan  ,  à  qi 
les  relations  du  moyen  âge  ont  a} 
pliqué  la  dénomination  de  Prêtre- 
Jean.  Une  grande  partie  des  vassaux 
de  ee  prince,  atlachés  jusque-là  au 
nestorianisme,  suivirent  son  exem- 
ple j  et  ayant  embrassé  la  foi  catho- 
lique ,  ils  y  persévérèrent  jusqu'à  la 
mort  de  George,  qui  eut  lieu  vers 
1299.  Mais  à  cette  époque,  ils  cé- 
dèrent, pour  la  plupait,  aux  séduc- 
tions de  ceux  de  leurs  compatriotes 
qui  étaient  restés  Nestoriensj  et  Jean, 
retenu  près  du  grand  khan,  ne  put 
ni  les  rejoindre,  ni  leur  envoyer  per- 
sonne pour  s'opposer  à  leur  défec- 
tion. C'était  pour  lui  un  grand  su- 
jet d'affliction  de  n'être  aidé  par  au- 
cun compagnon  dans  ses  travaux 
apostoliques,  et  de  n'avoir  même,  de- 
puis douze  ans,  aucune  nouvelle  po- 
sitive de  la  cour  de  Rome,  au  sujet  de 
laquelle  un  chirurgien  lombard,  ve- 
nu en  Tartane,  vers  if2o3,  avait 
fait  courir  les  bruits  les  plus  étran- 
ges. Ce  délaissement  obligea  Jean  de 
Monlecorvino  à  écrire,  en  i3o5  (8 
janvier),  une  lettre  datée  de  Khan- 
Balikh,  et  adressée  aux  religieux  de 
son  ordre,  pour  les  prier  de  lui  en- 
voyer, entre  autres  secours  dont  il 
avait  le  plus  grand  besoin ,  un  anli- 
phonairc,  la  légende  des  saints,  un 
graduel  et  un  psautier.  Dans  celte 
lettre,  qui  nous  a  été  conservée  par 
Wadding  {Annal.  Minor.,  tome  m, 
p.  69  ),  et  d'où  sont  tires  les  détails 
qu'on  vient  de  lire,  Jean  de  Monte- 
corvino  annonce  qu'il  avait  appris 
suffisamment  la  langue  usuelle  des 
Tartares,  c'est-à-dire,  le  mongol,  et 
qu'il  avait  traduit  en  cette  langue  le 
Nouveau-Testament  et  les  Psaumes, 
ïi  les  avait  fait  écrire  avec  le  plus 
grand  soin  dans  les  caractères  pro- 
pres à  cet  idiome  :  il  lisait,  écrivait 
et  prêchait  en  mongol  •  et  si  le  roi 


George  eût  vécu  plus  long-temps,  il 
eût  complote  la  traduction  de  l'oiSce 
latin  pour  le  répandre  dans  toutes 
les  terres  de  la  domination  du  grand 
khan.  Dans  une  autre  lettre  ,  écrite 
l'année  suivante,  Jean  de  IVIonte- 
corvino  parle  de  la  honte"  que  le 
grand  khan  lui  marquait,  des  hon- 
neurs qu'il  lui  faisait  rendre  comme 
à  renvoyé  du  Saint-Siège,  et  de  la 
nouvelle  faveur  (pi "il  lui  avait  accor- 
dée, en  lui  permettant  de  construire 
*me  seconde  église,  à  un  jet  de 
pierre  de  la  porte  du  palais  impé- 
rial ,  et  si  près  de  la  chambre  même 
du  khan,  que  ce  prince  pouvait  en- 
tendre les  chauts  de  ceux  qui  célé- 
braient les  offices.  On  serait  peut- 
être  tenté  d'élever  quelque  doute 
sur  une  grâce  si  singulière,  si  l'on 
ne  savait,  par  les  historiens  chinois, 
avec  quel  empressement  les  empe- 
reurs mongols  accueillaient  les  prê- 
tres de  toutes  les  sectes,  les  religieux 
occidentaux  de  toute  espèce,  les 
accus  de  l'Inde,  et  les  Lamas 
du  Tibet,  avec  lesquels  les  Nesto- 
riens  et  vraisemblablement  aussi  les 
Catholiques  paraissent!  avoir  été  fré- 
quemment cou!. 

(du  récit  de  Jean  de  IMontecorvino , 
celui  qui  est  relatif  à  la  conversion 
du  prince  des  kcra'itesct  d'unie  partie 
3  sujets,  semblerait  .. 
in  de  confirmation  :  mais  il  est 
tout-à-fait  d'accord  ave;:  les  relations 

Musulmans.,  qui  nous  appfeu? 

lit  eu  eli'rl 
rétiens  chez,  les  keraïtes,  et  qui 
'.  celte 

nation  coin  m  ç  avant  professe  hau- 

ilirist. 

la  récojrip 


477 

ses  longs  travaux,  iài  i  3o3  ,  le  pape 
Clément  V  érigea  pour  lui  le 
archiépiscopal  de  khan-Balikh,  et 
envoya  ,  pour  l'aider  ,  André  de 
Pérouse ,  et  quelques  autres  ,  qu'il 
erra  sullragants  tic  l'archevêché  de 
Khan  -iialikh.  Quant  à  ce  siège, 
de  grandes  prérogatives  y  furent 
allât  liées  ,  soit  en  vue  de  l'impor- 
tance dont  il  pouvait  être  pour  les 
progrès  du  christianisme  aux  ex- 
trémités de  l'Orient,  soit  en  faveur 
de  celui  qe.i  en  était  le  premier  titu- 
laire. Jean  de  Montecorvino  eut , 
pour  lui  et  pour  ses  successeurs  ,  le 
droit  d'ériger  des  sièges,  de  sacrer 
desévêques,  des  prêtres  et  des  clercs, 
et  de  régir  toutes  les  égiises  de  Tar- 
laric,  sous  la  seule  condition  de  se 
reconnaître  soumis  aux  papes,  cl  de 
recevoir  d'eux  le  pailiurn.  Le  décret 
pontifical  qui  contient  ces  disposi- 
tions, et  dont  une  partie  nous  a  été 
conservée  par  Oderic  île  Frioul ,  ren- 
ferme tle  plus  une  recommandation 
adressée  à  Jean  de  iHonteeon  i;io  , 
de  faire  peindre, dans  les  églises  nou- 
vellement construites  ,  les  mystères 
de  l'Ancien  el  du  Non  veau  Testament, 
pour  que  les  peuples  barbares  soient 
attirés  par  celte  vue  au  culte  du  Mai 
Dieu.  Cette  invitation  se  rapporte  à 

droit  île  ia  a?,  lettre  de    Jean 

outocorvino  ,  où  il  di 
f  tit  faire,  pour  l'instruction  de- 

des  peintures  de  l'Ancien  et  du 
Ment,  il  y  a  fait  gra- 

s  Inscriptions  expiée 
ractères  latins,  larsi(jut's  et  pei 
afin  que  tout  le  monde  put  les  lire.  On 
sait   que    le   lettres    tarsiquc^ 

donnent  le 
nom  de  Tarse  { ii.i\ .' 
d'un  mot  tartare  qui 
et  qui  par 


478  MON 

sectateurs    de    Zoroastre  ,    et    aux 
Chrétiens  nés  to  rien  s.  Jean  de  Montc- 
eorviuo  mourut  vers   i33o,  et  eut 
pour  successeur  dans  l'archevêché 
de  Khan-Balikh  un  franciscain  nom- 
me Nicolas,  qui  dut  éprouver  quel- 
que accident    en   route ,  puisqu'en 
i338,  les  Chrétiens  de  Tartarie  se 
plaignaient  de  ne  l'avoir  pas  encore 
vu  arriver,  et  d'être,  depuis  huit  an- 
nées, privés  de  pasteur.  Le  siège  ar- 
chiépiscopal, érigé  par  Clément  V  , 
ne  tarda  pas  d'être  entièrement  ou- 
blié. On  a   autrefois  disputé  pour 
savoir  à  quelle  ville  moderne  répon- 
dait Khan-Balikh  ouCambalu.  And. 
Mulier  et  quelques  autres  ont  com- 
paré les  positions,   rapproche  les 
dénominations  anciennes  et  récentes, 
proposé  desétymologies.  Ces  savants 
s'y  prenaient  mal.  Il  suffirait  d'ob- 
server que  le  nom  de  Khan-Balikh  , 
signifie  en  mogol  résidence  royale  , 
et  que  les  empereurs  Khoubilaï  et 
Temour,  contemporains  de  Jean  de 
Montecorvino,  résidaient  a  Yan-Kiug 
maintenant  Chun-thian-lou ,  ou  Pe- 
King.  A.  R — t. 

MONTECUCCULI,  ou  plus 
exactement  Montecuccoli  (  Sebas- 
tien de  ) ,  gentilhomme  de  Ferrare  , 
fournit  un  exemple  mémorable  de 
l'incertitude  des  jugements  humains. 
Dans  sa  première  jeunesse,  il  avait  été 
employé  au  service  de  l'empereur 
Charles-Quint  :  il  vint  en  France  à  la 
suite  de  Catherine  de  Médicis,  et  tut  at- 
taché au  dauphin,  en  qualité  d'éehan- 
son.  11  accompagnait  ce  prince  dans 
un  voyage  qu'il  fit  sur  le  Rhône  ,  au 
milieu  de  l'été  1 536.  Arrivé  à  Tour- 
non ,  le  dauphin  ,  s'étant  échauffé  en 
jouant  à  la  paume  ,  demanda  de 
l'eau  fraîche ,  que  Montecucculi  lui 
présenta  dans  une  tasse  de  terre 
rouge  :  il  en  bujt  avec  beaucoup  d'a- 
vidité, tomba  malade  y  et  mourut  au 


MON 

bout  de   quatre  jours    (   V.  Frai* 
cois  Ier. ,  xv,  476  ).  On  ne  voulut 
pas  voir  un  événement  naturel  dans 
la  mort  prématurée  d'un  prince  ,  que 
ses  belles  qualités  rendaient  déjà  l'i- 
dole de  la  France  ;  et  Montecucculi 
fut  soupçonné  de  lui  avoir  donné  du 
poison.  Quelques  connaissances  qu'il 
avait  en  médecine,  et  un  Traité  des 
poisons  qu'on  trouva  dans  ses  pa-   | 
piers ,  parurent  des  preuves  suffisan- 
tes. Conduit  à  Lyon  pour  y  être  jugé 
par  des  commissaires  ,  il  fut  appli-   1 
que  a  la  question,  et  fit,  au  milieu 
des  tortures ,  les  plus  étranges  aveux. 
Il  déclara  qu'en  effet  il  avait  cm  pot 
sonné  le  dauphin ,   mais  qu'il  avait 
été  poussé  à  ce  crime  par  Ant.  de 
Lève  et  Ferdinand   de   Gonzague , 
deux  des  plus  habiles  généraux  de 
Charles-Quint;  qu'avant  été  présenté 
à  l'empereur,  il  lui  avait  annoncé  le  j 
projet  défaire  périr  également  Fran- 
çois Ier.  et  ses  deux  autres  fils  ,  que 
le  prince  y  avait  consenti ,  et  enfin 
qu'il  avait  fait  part  de  ce  projet  au 
chevalier  Guill.  Dinteville,  à  deux 
diverses  reprises  ,  à  Turin  et  à  Snze. 
Dinteville,  compromis  par  cette  dé- 
claration 7  n'eut  pas  de  peine  à  dé- 
montrer qu'elle  était  fausse   en  ce 
qui  le  concernait.  Après  une  instruc- 
tion solennelle  ,  qui  eut  lieu  en  pré- 
sence du  roi  ,  des  princes  ,  des  car- 
dinaux et  des  ambassadeurs  é( ran- 
gers ,  invités  d'y  assister ,   Monte- 
cucculi fut  condamné  à  être  traîné 
sur  la  claie  ,  puis  éeartelé.  Cet  arrêt 
fut  exécuté  à   Lyon,  le    7   octobre 
i536.  Le  peuple  exerça  ,  sur  le  ca- 
davre déchiré,  les  plus  grandes  hor- 
reurs ,  et  en  jeta  les  lambeaux  dans 
le  Rhône.  L'histoire  a  absous  Char- 
les Quint  d'un   crime    aussi  odieux 
qu'inutile1  (Voy.  Yflist.  de  ce  prin- 
ce, par  Roberîson  ).  Les  impériaux 
avaient  cherché  à  le  rejeter  sur  Ca- 


MON 

tlicrine  de  Médicis  ,  qui,  en  faisant 
périr  le  dauphin  ,  rapprochait  du 
trône  son  mari  Henri  II;  mais,  mai- 
gre toutes  les  présomptions  que  peut 
justifier  le  caractère  de  cette  prin- 
cesse, elle  a  été  reconnue  également 
innocente  à  cet  égard.  En  effet ,  les 
historiens  les  plus  sages  ,  les  plus 
impartiaux,  déclarent  que  le  dau- 
phin mourut  d'une  pleurésie  ,  déter- 
minée par  la  quantité  d'eau  fraîche 
qu'il  avait  bue.  L'arrêt  rendu  contre 
Montccucculi  a  été  inséré  dans  le 
tome  iv  des  Mémoires  d'état ,  à  la 
suite  de  ceux  de  Villcroy  ,  et  dans 
les  pièces  justificatives  des  Mémoires 
de  Du  Bellay ,  édit.  de  l'abbé  Lam- 
bert, tome  vi,  p.  'iog ,  avec  des 
complaintes  et  pièces  de  vers  en 
l'honneur  du  dauphin.       W — s. 

MONTEGUGCULI  (  Raimond, 
comte  de  ),  l'un  des  plus  grands  capi- 
taines des  temps  modernes,  né  dans 
la  Modenèse  ,  en  1  Go8  ,  d'une  famille 
illustre,  embrassa  jeune  la  profession 
des  armes ,  et  servit  d'abord  comme 
volontaire,  sous  les  ordres  d'un  de 
ses  oncles ,  général  d'artillerie  dans 
l'armée  impériale.  Après  avoir  pas- 
sé par  tous  les  grades,  il  obtint  le 
commandement  de  *20oo  chevaux, 
et  fut  chargé  d'attaquer  les  Su< 
occupés  au  . .  dans 

la  Silésie;  il  les  surprit  par  une 
che  précipitée  ,  les  mit  en  déroule, 
et  s'empara  de  leurs  canons  et  de 
leurs  bagages.  Le  général  Banier  ven- 
gea peu  après  la  défaite  des  Suédois; 
il  le  battit  à  Ilofkirch ,  en  1 63g ,  et  le 
fit  prisonnier.  Ladélentionde  Monte- 
cucculi  dui  s  f  qu'il  sut 

employer  à  lire  les  meilleurs  01 
ges  relatifs  à  l'art  de  la  guerre.  Il 
rentra  ,  en  i()  •  lésie;  et 

ayant  opéré  sa  joncl 
de  Jean  de  Werth,  il  reprit  au 
l'offensive,  et  chassant  toujouj  i 


MON 


470 


Suédois  devant  lui ,  les  obligea,  pres- 
que sans  combattre ,  à  évacuer  entiè- 
rement la  Bohème.  La  paix  de  West- 
phalie  lui  laissa  des  loisirs  qu'il  mit 
à  profit  pour  son  instruction  :  il  vi- 
sita la  Suède,  où  sa  réputation  lui  mé*- 
rita  l'accueil  le  plus  distingué;  et  il 
fit  ensuite  un  voyage  à  Modene ,  pour 
voir  ses  parents.  Son  séjour  en  cette 
ville  fut  marqué  par  un  événement 
déplorable:  dans  un  carrousel,  qui 
eut  lieu  pour  les  noces  du  duc,  il  tua 
le  comte  Manzani ,  son  ami,  d'un 
coup  de  lance.  Le  chagrin  qu'il  en 
ressentit,  hâta  son  retour  en  Allema. 
gne.  Il  fut  élevé,  en  iOjh,  au  grade 
de  maréchal-de-camp  ,  et  envoyé  au 
secours  de  Jean-Casimir,  roi  de  Po- 
logne ,  que  le  prince  Ragotzky  et  les 
Suédois  venaient  de  chasser  de  sa 
capitale.  Il  reprit  sur-le-champ  Cra- 
covie;  et  favorisé  par  une  divei 
que  le  roi  de  Danemark  opéra  en 
déclarant  la  guerre  aux  Suédois,  il 
les  obligea  d'abandonner  sûccessive- 
menttoutes  les  villes  dontils  s'étaient 
emparés.  11  vole  ensuite  à  la  défense 
du  roi  de  Danemark ,  assiégé  dans 
Copenhague,  chasse  les  Suédois  du 
Jutland,  et  leur  enlève  i'ile  de  Fio- 
nie.  La  mort  de  Charles-GiiS1 
roi  de  Suède,  ayant  rétabli  la  paix 
dans  le  Nord,  Montccucculi  fut  en- 
voyé en  Hongrie,  en  1661,  pour 
s'opposer  aux  progrès  des  Turcs , 
qui  avaient  dé< 

gotzky  :  avec  des   forces   très-infé- 
rieures, il  obtinl 

déjoua  ,  par  l'habileté  de  ses  mouve- 
ment ■  projets  du  grand  vé- 
zir;  et  ai  le' des  bYài  i 
ta  une               iignàlcc  sur  les  1 
a  Saint-Gothard,  le  1664. 
Cette  victoire  amena  la  paix  ;  el 
pereur  récompensa  Montccucculi  de 

v    pIllS 

hautes  dignités  militaires.  11   reçut 


I 


Mffl 

en  1O7.3,  l'ordre  de  conduire  des  se- 
cours aux.  Hollandais  ,  attaques  par 
la   France;  et  malgré  les   savantes 
manœuvres  de  Turenne  ,  qui  passa 
le  Rhin  ,  pour  l'arrêter  dans  sa  mar- 
che ,  il  parvint  à  opérer  sa  jonction 
avec  le  prince  d'Orange ,  sans  avoir 
été  obligé  de  livrer  bataille.  L'élec- 
teur de  Brandebourg  ayant  été  nom- 
mé général  en  chef  de  l'armée  impé- 
riale, Montecuccuii  se  retira;  mais 
il  fut  rappelé,  en   1G75,  comme  le 
seul  capitaine  digue  d'être  opposé  à 
Turenne.  Tous  deux,  dit  Voltaire 
(  Siècle  de  Louis  XIV  ) ,  avaient  ré- 
duit la  guerre  en  art  :  ils  passèrent 
quatre  mois  a  se  suivre  et  à  s'obser- 
ver dans  des  marches  et  dans  des 
campements,  plus  estimés  que  des 
victoires  par  les  officiers  allemands 
et  français.  L'un  et  l'autre  jugeaient 
de  ce  que  son  adversaire  allait  tenter 
parles  marches  que  lui-même  eût 
voulu  faire  à  sa  place ,  et  ils  ne  se 
trompèrent  jamais.   Ils   opposaient 
l'un  à  l'autre  la  patience  ,  la  ruse  et 
l'activité.  Les  deux  armées  étaient 
en  présence  dans  un  pays  épuisé  de 
vivres  et  de  fourrages;  et  une  ba- 
taille allait  décider  entre  Turenne  et 
Montecuccuii,  lorsqu'un  boulet  de 
canon  priva  la  France  d'un  de  ses 
plus  illustres  défenseurs  (  V ' .   Tu- 
renne ).  En  apprenant  la  mort  de  ce 
grand  homme,  Montecuccuii  oublia 
qu'il  élaitson  ennemi.  «  Je  ne  puis  as- 
sez regretter  $  répétait-il,  un  homme 
au-dessus  de  l'homme,  un  homme 
qui  faisait  honneur  à  la  nature  hu- 
maine. »  Cependant,  l'armée  françai- 
se ,  privée  de  son  chef,  repassa  le 
Rhin  ;  et  Montecuccuii   la  suivit  en 
Alsace,  où  il  fit  investir  flaguenau 
et  Saverne.  Coudé,  envoyé  sur  le 
llhin ,  le  força  de  lever  le  siège  d'Ha- 
guenau;  et  Montecuccuii  reçut  l'or- 
dre de  quitter  l'Alsace,  puur  aller  as- 


MON 

siéger  Phili.sbourg.  Cette  campagne 
fut  la  dernière  de  Montecuccuii  ;  et 
il  la  regardait  comme  la  plus  glo- 
e  de  sa  vie,  non  qu'il  eût  été 
vainqueur  ,  mais  parce  qu'il  n'avait 
pas  été  vaincu,  ayant  eu  a  combattre 
Turenne  et  Condé.  Comblé  d'hon- 
neurs, il  passa  sa  vieillesse  dans  un 
repos  honorable,  et  mourut  à  Lintz, 
le  16  octobre  1681  ,  âgé  de  soixante- 
douze  ans.  11  aimait  les  lettres  et  les 
arts,  favorisait  les  savants,  et  il  con- 
tribua à  l'établissement  dtTacadémic 
des  Curieux  de  la  nature  (1).  On  lui 
a  reproché  de  n'être  pas  assez  entre- 
prenant; mais  ,  loin  de  chercher  à  se 
justifier  de  ce  défaut ,  il  se  glorifiait 
d'avoir  pris  Fabius  pour  modèle  ,  et 
souhaitait  de  mériter  comme  lui  dans 
la  postérité  le  surnom  de  Cunclator. 
11  sentait  la  nécessité,  pour  un  géné- 
ral, d'avoir  carte  blanche  :  il  fit  toute     . 
une  campagne  sans  lire  les  rescripts 
du  conseil  de  guerre.  Il  les  rendait  à 
l'empereur  en  revenant  à  Vienne  ; 
et  lorsque  ce  prince  lui  demandait 
pourquoi   il   avait   négligé   les   or- 
dres  qui  lui  étaient   donnés  de  sa 
part  ;  il  lui  disait  :  «  Sire,  je  les  ai 
?  mis  dans  ma  cassette ,  et  je  vous 
»  les  rapporte  (1).  »  Il  a  laissé  des 
Mémoires  sur  la  guerre ,  qui  ont  été 
publiés  en  latin  (  Commentant  bel- 
liai  ) ,  Vienne,    1 7  18  ,  in-fol. ,  fig.  ; 
Henri   de    Huysen    avait    publié    à 
Cologne,  en  1704,  in- 12  ,  les  Mé- 
moires de  Montecuccoli ,  en  italien  ; 
c'est  sur  un  manuscrit  que  le  prince 
de  Gonti  rapporta  de  Hongrie ,  qu'i's 
ont  été  traduits  en  français  par  Jac- 
ques Adam  ,  de  l'académie  française. 


(1)  Montecuccuii  élait  membre  de  l'académie  tir' 
Cresctnli  ,  établie  à  Vienne  ,  pour  l'encouragement 
de  la  littérature  italienne  {  et  l'on  trouve  <le  lai  fies 
rime  ,  dans  le  recueil   de -celte  société,  Bruxelles, 

(<x)  Voy.  les  OEinres  du  prince  de  Ligna,  t.  a  ,  p« 

jC,  î-ditio!)  in- 12. 


MON 

traduction  qui  a  été  souvent 
réimprimée ,  est  divisée  en  trois  li- 
vres :  de  l'Art  militaire  en  gênerai  • 
de  la  guerre  contre  les  Turcs  ;  et  Ke- 
lation  de  la  campagne  de  1664.  Tur- 
piu  de  Crisse,  qui  a  donné  un  excellent 
commentaire  sur  les  Mémoires  de 
Montecueculi,  Paris,  17G9,  3  vol. 
in-4%  l'a  surnomme  le  fêgèce  mo- 
derne (  V.  Turpin  de  Crisse  ).  Pour 
son  Traité  de  l'art  <l< 
connu  que  ses  Mémoires  militaires , 
voyez  le  Journal  de  Verdun  de  mai 
170") ,  p.  1 90.  Les  OEiwres  de  Mon- 
tecuccoli  ont  été  publiées  en  italien, 
des  notes  d'Ugo  Foseolo,  Milan, 
1807-8,  1  vol.  gr.  in-fol.  Cette  édi- 
tion n'a  été  tirée,  dit-on,  qu'à  170 
eïempî.  ;  elle  doit  être  ,  par  consé- 
quent,  très-rare  en  France.  Voyez 
le  Mémoire  de  M.  G.  Grassi,  sur 
un  ouvrage  inédit  de  Montecuccoli , 
dans  le  Recueil  de  l'académie  des 
sciences  de  Turin,  tom.  xxiv,  18*0, 
in- 4°.,  se.  moral,  et  l)ist.,n°.  1. 
On  peut  consulter  pour  les  détails  , 
V Eloge  de  ce  grand  capitaine  ,  par 
le  comte  Aug.  Paradisi.  Tiraboschi 
en  a  inséré  un  curieux  extrait  dans 
sa   Biblint.  Mode71e.se  ,   tome   111 , 

>,86-o4-  —  Charles  comte  de 
Montecuccoli  a  traduit  du  grec  en 
latin,  et  le  comte  François  son  frère, 
du  latin  en  italien,  le  traité  delà 
Physionomie  de  Polémon,  Venise, 
i65a,in-8°.  W— s. 

MONTEFELTRO (  Bonconte  et 
Taddeo,  comtes  de  ),  sont  la  souche 
de  l'illustre  famille  de  ce  nom  ,  d'où 
sont  sortisle3  comtes  devenus  ensuite 

d'Urbin.  La  maison  de  Monte- 
feltro,quia  gouvernependant quatre 

tre  lai  te  et  laMar- 

ched'Ancone.  tirail  ine  des 
comtes  de Carpi 

l'Empir  dant  le 


m  481 

x  il*,  siècle, se  divisèrent  en  trois  bran- 
ches: les  seigneurs  de  Garpegna,  de 
Pietra  Rubbia,etdeMonteCappiofo; 

les  derniers  ayant  acquis  le  château 
de  Saint-Léo,  ou  de  Montefeltro 
m  eux  par  le  siège  que  Berenger  II  y 
soutint  an  dixième  siècle  ,  ils  en  pri- 
rent le  nom.  Bonconte  et  Taddeo  dr 
Montefeltro  se  firent  agréger  ,  en 
1228,  à  la  bourgeoisie  de  Bimini; 
et  se  mirent  sous  la  protection  de 
république,  alors  puissante, 
avec  tous  les  châteaux  que  possédait 
leur  famille.  Le  premier ,  ainsi  qu'Hu- 
golin  son  parent,  évêque  de  Bimini , 
avait  embrassé  le  parti  gibelin  •  le 
second  s'attacha  au  parti  guelfe.  Bon- 
conte,  excommunié,  en  Ki47  >  par  le 
pape  Innocent  IV,  transmit  ses  sen- 
timents à  ses  descendants.  La  famille 
de  Montefeltro  fut ,  dès-lors ,  à  la  tête 
du  parti  gibelin,  dans  la  Marche,  la 
Rornagne  et  la  Toscane.      S.  S — 1- 

MONTEFELTRO  (  Guido  ,  com- 
te de  ),  seigneur  de  Pise  et  d'Urbin  , 
fut  un  des  plus  illustres  généraux 
du  treizième  siècle.  La  guerre  qui 
éclata  en    127*2,  à  Bologne,  entre 
les  deux  factions  des  Lambcrï;:. 
des  Gieremci,  embrasa  bientôt  toute 
la  Rornagne,  où  les  partisans  de  l'em- 
pereur et  ceux  du  pape  prirent,  les 
armes  pour  se  combattre  avec  un  ex- 
trême acharnement.  Ce  fut  en  cette 
ion   que   le   comte   Guido    de 
Montefeltro  déploya  les  grands  ta 
dont  il  était  doué. 
Tout  le  parti  gibelin,  ou  des  Lan, 
1»  îîa'./i ,  h-  choisit  pour  chef ,  dan.> 
le  pays  situé    entre  Aucune  et 
Bologne.  Guido  attaqua  les  Gu 
iu  pont  Sari-Paro 
le  ià  juin  1  ■•7") ,  ei  il  rempon 
eux  une  éclatante  victoire  :  les  Bolo- 
nais seuls  \  perd 
ei  leur  alliés  au  moins  autant,  < l 
mille  Guelfes  1 


48a 


\I( 


niers.  Guido  s'empara,  l'année  sui- 
vante ,  de  Bagna  -  Gavallo  ,  et  re- 
poussa les  attaques  des  Bolonais  et 
des  Florentins.  Le  pape  Martin  IV  , 
et  Charles  Ier.  d'Anjou,  voyaient  avec 
inquiétude  les  Gibelins  de  Romagne 
se  réunir  autour  d'un  chef  aussi  ha- 
bile :  ils  les  attaquèrent  avec  toutes 
leurs  forces  ,  et  rejetèrent,  en  1281 , 
toutes  leurs  ouvertures  de  négocia- 
tion. Guido  de  Montefellro  ,  obligé 
de  nouveau  de  recourir  aux  armes , 
battit  les  Guelfes  sous  les  portes  de 
Faenza  et  sous  celles  de  Ravenne  :  il 
s'enferma  ensuite  dans  Forli  que  l'ar- 
mée du  roi  de  Naples  et  du  pape  vou- 
lait assiéger.  Déjà  le  comte  d'Eppa , 
qui  commandait,  se  croyait  maître 
de  cette  ville ,  lorsqu'entouré  et  sur- 
pris ,  le  Ier.  mai  1282  ,  par  Guido 
de  Montefeltro  ,  il  perdit  toute  son 
armée  ,  et  ne  put  qu'avec  peine  s'en- 
fuir lui  vingtième  à  Faenza.  Mais  le 
roi  de  Naples  et  le  pape  ayant  ras- 
semblé une  nouvelle  armée,  avec  l'ai- 
de de  tous  les  Guelfes  d'Italie,  le  peu- 
ple de  Forli,  qui  était  hors  d'état  de 
se  défendre  davantage ,  se  soumit  à 
l'Église.  Guido  de  Montefeltro  fut  re- 
légué dans  la  ville  d'Asti  en  Piémont: 
les  murs  de  Forli  furent  abattus ,  et 
tous  les  Gibelins  furent  dispersés. 
Guido  demeura  dans  ce  lieu  d'exil,  de 
1 283  à  1 290.  A  cette  époque ,  les 
Pisans ,  accablés  par  les  forces  supé- 
rieures des  Florentins ,  des  Lucquois 
et  des  Génois ,  invitèrent  Guido  à 
venir  se  mettre  à  leur  tête:  ils  le  dé- 
clarèrent seigneur  de  leur  ville  ;  et , 
sous  ses  ordres ,  ils  reprirent  en  peu 
de  temps  les  châteaux-forts  queleurs 
ennemis  leur  avaient  enlevés.  Guido 
commanda  dans  Pise  jusqu'en  I2g3 
que  ses  exploits  obtinrent  aux  Pisans 
une  paix  honorable.  De  retour  dans 
le  Montefellro,  il  s'empara  delà  ville 
d'LJrbin,  qui  devait  ensuite  être  la  ca- 


MON 

pitale  des  états  de  sa  famille.  Le  pape 
Boniface  VIII,  estimant  son  courage 
et  sa  capacité ,  lui  rendit  tous  les 
biens  qu'il  avait  possédés  à  Forli,  en 
le  réconciliant  avec  l'église.  Mais  Gui- 
do deMoutefeltro , fatigué  du  monde, 
de  ses  combats ,  et  même  de  sa  gloire  , 
lorsqu'il  n'eut  plus  d'ennemis  à  com- 
battre ,  et  plus  de  dangers  à  courir  ? 
revêtit  à  Ancone ,  en  1 296 ,  l'habit 
religieux  dans  l'ordre  de  Saint-Fran- 
çois. Trois  ans  plus  tard  ,  le  pape 
Boniface  fit  venir  Guido,  devenu 
moine,  au  siège  de  Palestrina ,  et  lui 
demanda  quels  moyens  il  connaissait 
pour  réduire  uneplace  aussi  forte.  La 
réponsede  Guido  fut,  dit-on,  qucpour 
s'emparer  d'une  telle  forteresse ,  il  ne 
connaissaitd'autre  stratagème  que  de 
promettre  beaucoup,  et  de  peu  tenir. 
Il  mourut  plusieurs  années  après,  sous 
l'habit  de  l'ordre  qu'il  avait  embras- 
sé. —  Son  fils  aîné  (  Frédéric  Ier.  de 
Montefeltro  ) ,  qui ,  à  son  entrée 
en  religion ,  lui  avait  succédé  dans 
la  seigneurie  de  ses  fiefs  ,  continua 
d'avoir  la  direction  du  parti  gibelin 
dans  la  Marche  et  la  Romagne.  De 
concert  avec  Uguccione  et  Faggiuola, 
chef  des  Gibelins  toscans  ,  il  attaqua 
Césène ,  en  1 3o2 ,  et  ravagea  son  ter- 
ritoire. Les  villes  de  Iesi  etd'Osimo, 
dans  la  Marche  d' Ancone,  se  soumi- 
rent à  lui  :  à  la  tête  de  leurs  milices  , 
il  remporta,  en  i3o(),  une  grande  vic- 
toire sur  les  Guelfes  d' Ancone ,  dans 
laquelle  il  leur  tua  plus  de  cinq  mille 
hommes  :  il  joignit  encore ,  en  1 3 1 9 , 
Recanati  et  Spolète  à  ses  états ,  et ,  en 
1 3f20,  Assise,  Fano  et  Urbin.  Sa  sou- 
veraineté était  dès -lors  plus  étendue 
que  ne  le  fut  jamais  celle  d'aucun  des 
ducs  d'Urbin  ses  successeurs  j  mais 
son  pouvoir  n'était  fondé  que  sur  la 
violence  des  factions.  Le  pape  avait 
excommunié  Frédéric,  et  l'avait  dé- 
claré hérétique  et  idolâtre  ;  tous  les 


MON 

Guelfes  de  ses  états  étaient  ses  enne- 
mis :  ceux-ci  ayant  soulevé  le  peuple 
d'Urbin,  le  2'J  avril  i3'2'i,  à  l'occa- 
sion de  quelque  imposition  nouvelle 
établie  par  le  comte,  les  rebelles  le 
poursuivirent  dans  une  tour  où  il 
s'était  réfugié.  En  vain  Frédéric  se 
présenta  la  corde  au  cou  à  ses  su- 
jets, leur  demandant  miséricorde;  il 
fut  mis  en  pièces  avec  son  (ils  ,  et 
leurs  corps  furent  jetés  à  la  voirie: 
deux  autres  de  ses  fils  furent  arrêtés 
à  Gubbio.  —  Speranza  de  Mon- 
tefeltro ,  son  cousin  ,  s'enfuit  à 
Saint-Marin  ;  cette  petite  république 
lui  accorda  sa  protection.  Recanati, 
Fano  et  Osimo  ,  à  la  nouvelle  de 
celte  sédition  ,  chassèrent  aussi  les 
officiers  de  la  maison  de  Montefel- 
tro,  et  se  rendirent  au  pape  :  toutefois, 
dès  le  mois  d'août  suivant,  les  villes 
d'Osimo,  de  Fermo  et  de  Fabbriano 
se  déclarèrent  de  nouveau  pour  le 
parti  gibelin ,  et  se  rangèrent  sous 
l'obéissance  de  Speranza,  seul  héri- 
tier de  la  maison  de  Montefeltro  qui 
eût  conservé  sa  liberté.  Nolfo ,  fils 
de  Frédéric,  ayant  été  ensuite  délivré 
de  sa  captivité ,  fut  rétabli  dans  la 
seigneurie  d'Urbin  ,  au  mois  de  juil- 
let i  r2i±,  de  moitié  avec  Speranza  : 
ces  deux  seigneurs  poursuivirent  les 
meurtriers  de  Frédéric,  qui  s'étaient 
réfugiés  dans  les  châteaux  des  INIala- 
testi ,  et  ils  tirèrent  d'eux  une  ven- 
geance  cruelle  :  mais  la  jalousie  du 
pouvoirdivisa.  en  1 335,  les  deux  sei- 
gneurs de  [Montefeltro;  et  Nûjfo , 
comme  représentant  de  Frédéric  son 
père,  s'empara  sans  partage,  delà 
souveraineté. — Nolfo  de  Montefel- 
tro montra  bientôt  qu'il  n'avait  point 
dégénéré  de  ses  v  illl  mta  ancêtres.  Il 
soutint  de   Ion.  eu   Ro- 

magne,  où  il  avait  entrepris  de  pro- 
téger Ferrantino  M  ilatesti  contre 
Galeolto  et  Malatesta  ,  seigneurs  de 


MON 

Rimini.  Cependant  il  s'engagea  quel- 
quefois aussi  avec  la  petite  armée 
qu'il  avait  formée ,  au  service  de  puis- 
sances étrangères.  Il  commanda  les 
Pisans,en  i3/p,  dans  la  camp, 
où  ils  remportèrent  les  plus  grands 
avantages  sur  les  Florentins,  au  siège 
deLucques.Plustardles  grandes  com- 
pagnies formées  par  des  aventuriers 
allemands  ,  désolèrent  les  comtés 
d'Urbin  et  de  Montefeltro  :  aussi  ces 
comtés  se  trouvèrent-ils  hors  d'état 
de  résister  au  cardinal  Egidio  Albor- 
noz,  lorsque  celui-ci  fut  envoyé  en 
Italie  par  le  pape,  pour  recouvrer  le 
patrimoine  de  l'Eglise.  Albornoz 
s'empara  successivement  d'Urbin  et 
de  tous  les  lieux-forts  de  la  maison 
de  Montefeltro.  Cette  maison,  eu 
1 366  ,  était  entièrement  disju  ; 
Nolfo  était  probablement  mort  à 
cette  époque,  et  ses  fils  Galas  et 
Branca  étaient  exilés  loin  de  leurs 
états.  S.  S— i. 

MONTEFELTRO  (Antoine,  com- 
te de  ) ,  seigneur  d'Urbin  ,  recouvra, 
en  i3^5,  l'héritage  de  Nolfo,  son 
aïeul ,  après  neuf  ans  d'exil  :  profitant 
de  la  guerre  que  les  Florentins  fai- 
saient à  Grégoire  XI,  il  arriva,  le 
21  décembre,  àUrbin,  avec  quatre 
cents  cavaliers  florentins;  et  il  fut 
immédiatement  installé  dans  la  sou- 
veraineté par  le  peuple  attaché  dès- 
long-temps  à  ses  ancêtres.  Bientôt 
après,  il  s'empara  de  Cagli ,  et  de 
toutes  lei  places  qui  formaient  son 
héritage.  Antoine  de  Montefeltro, 
toujours  attaché  au  parti  gibelin  ,  eut 
quelques  guerres  à  soutenir  pour  cette 
cause,  surtout  en  «3<ji,  avec  les 
Malatesti ,  chefs  du  pai 
Après  y  avoir  montré  beaucoup  de 
valeur,  il  signa  la  p  [i  >  ci  ua 

ses  peuples  a\  ,  jusqu'au 

mois  d'avril  i  i<»i ,  qu'il  mourut.  Il 
avait  ajoute  Gubbio  à 

3i. 


MON 


(ils,  Guid' Antonio  de  Montefeltro, 
lai  succéda.  II  suivit  le  métier  des  ar- 
mes, comme  avaient  ("ait  tous  ses  an- 
cêtres, même  au  temps   où  l'Italie 
était  le  plus  efféminée.  En  14.19,  il 
se  mit  au  service  du  pape  Martin  V, 
pour  attaquer  Braccio  de  Montone  , 
et  il  enleva  la  ville  d'Assise  à  ce 
grand  capitaine  :  celui-ci  cependant 
demeura  maître  du  château,  par  où 
il  rentra  ensuite  dans  la  ville  ,  et  y 
fit  un  grand  massacre  des  soldats  de 
Montefeltro.  Martin  Y    ayant ,    en 
i43o,  partagé  l'héritage  des  Mala- 
testi,  accorda  plusieurs  châteaux  du 
territoire   de  Kiinini   à  Guid' Anto- 
nio ,  en  récompense  de  ce  qu'il  l'a- 
vait secondé  dans  cette  expédition. 
La  même  année ,  ce  seigneur  passa 
au  service  des  Florentins,   et    les 
commanda  dans  leur  guerre  contre 
Lucques  ;  mais  opposé  à  un  capitai- 
ne plus  habile  que  lui ,  et  obligé,  par 
les  ordres  de  Florence ,  à  livrer  ba- 
taille contre  son  propre  avis ,  il  fut 
entièrement  défait ,  le  1  décembre , 
par  Piccinino.  Il  mourut  en   1 44^- 
—   Batista   di    Montefeltro  ,  sa 
sœur  ,  se  rendit  célèbre  autant  par 
son  esprit  que  par  sa  piété  :  son  ma- 
ri, Galeaz  Malatesti,  ayant  vendu  à 
son  gendre  Sforza  la  souveraineté  de 
Pesaro  ,  elle  quitta  le  monde,  et  prit 
le  voile  chez  les  claristes  de  Foligno, 
où  elle  mourut  en  réputation  de  sain- 
teté, le  3  juillet  i44#  (  Z7".  Mala- 
testa  ,  XXVI ,  3-25  ).  —  Oddo-An- 
tonio  de  Montefeltro  ,  fils  et  suc- 
cesseur de  Guid' Antonio,  s'était  dé- 
jà, du  vivant  de  son  père,  abandonné 
à  une  débauche  effrénée  :  lorsqu'il  fut 
souverain,  il  crut  n'avoir  plus  au- 
cune retenue  à  garder.  11  fit  enlever, 
dans  Urbin  ,  des  femmes  à  leurs  ma- 
ris ,  et  il  punit  la  résistance  de  ceux- 
ci  par  de  cruels  supplices  :  les  habi- 
tants d'Urbin  ne  supportèrent  pas 


MON 

long-temps  sa  tyrannie*  des  conjures 
entrèrent  dans  sa  chambre,  la  nuit 
du  '2 2  juillet  1 444 ^  et  -c  massacrè- 
rent avec  deux  des  ministres  de  ses 
débauches  et  de  ses  cruautés.  Son 
frère,  Frédéric,  fut  son  successeur. 
Il  paraît  que  le  pape  Eugène  IY  avait 
donné  à  Oddo-Antonio  le  titre  de 
duc,  au  mois  d'avril  i44'2  :  cepen- 
dant, son  frère  et  son  successeur, 
Frédéric,  ne  s'intitula  duc  d'Urbin, 
en  i47'5,  que  d'après  un  nouveau 
diplôme,  qui  ne  rappelait  point  la 
concession  faite  à  Oddo-Antonio. 
S.  S— 1. 
MONTEFELTRO  (Frédéric  11  ;, 
comte  et  premier  duc  d'Urbin  ,  re- 
cueillit ,  en  i444  •  lfl  succession  de 
son  frère,  Oddo-Antonio.  II  passait 
généralement  pour  n'être  point  fils 
de  Guid' Antonio  ,  mais  de  Bérardino 
de  la  Corda,  général  célèbre,  de  la  fa- 
mille Ubaldini.  Frédéric  se  montra 
bientôt ,  par  sa  valeur,  digne  de  ces 
deux  célèbres  maisons;  mais  il  re- 
haussa surtout  le  lustre  des  Monte- 
feltro, par  la  faveur  qu'il  accorda 
aux  lettres.  Envoyé  à  Mantoue,  dans 
sa  jeunesse,  pour  le  mettre  à  l'abri 
de  la  peste,  il  y  avait  été  instruit  par 
Victorin  de  Feltre,  fameux  gram- 
mairien; et  les  progrès  qu'il  fit  dans 
ses  éludes,  lui  assignèrent  un  rang 
parmi  les  princes  les  plus  instruits 
et  les  plus  spirituels  ,  comme  il  fut 
un  des  plus  magnifiques ,  du  quin- 
zième siècle.  Frédéric,  en  ornant 
Urbin  de  superbes  édifices,  excita 
l'émulation  des  artistes ,  et  leur  don- 
na occasion  de  déployer  leurs  talents  : 
il  rassembla  une  bibliothèque,  la  plus 
riche  que  possédât  l'Italie ,  à  cette 
époque.  La  taille  majestueuse  et  im- 
posante de  Frédéric ,  et  la  noblesse 
de  sa  figure  et  de  ses  manières  ,  ajou- 
taient encore  à  l'impression  qu'il 
faisait  par  son  éloquence  sur  tous 


MON 

ceux  qui  l'approchaient.  Il  se  dis- 
tingua de  buiine  heure  à  la  guerre 
comme  dans  les  lettres  ;  il  s'était  al- 
lié étroitement  avec  François  Sfor- 
za ,  sous  lequel  il  avait  appris  le  mé- 
tier des  armes ,  et  dont  il  défendit  les 
e'tats  en  1 44^-  ï*  V1^e  de  Fossom- 
brone,  qu'il  avait  achetée,  lui  fut  en- 
levée, le  icr.  septembre  i447?  Par 
Sigismond  Malalesti  ;  il  la  reprit 
deux  jours  après  ;  et  ce  premier 
combat  fui  l'origine  d'une  longue 
inimitié'  entre  ces  deux  princes  voi- 
sins. Le  comte  d'Urbiu,  s'étant  mis  à 
la  solde  du  roi  Alfonse  de  Naplcs , 
conduisit,  en  1 4^7  ?  l'armée  napo- 
litaine contre  Malatesti ,  auquel  il  en- 
leva cinquante-sept  de  ses  meilleurs 
châteaux.  Défait  par  Jacob  Piccini- 
no,  à  San-Fabiano  ,  dans  i'Abruzze, 
le  27  juillet  1460,  il  eut  le  talent  et 
la  hardiesse  de  protéger  Rome  contre 
ce  général  victorieux  :  il  tourna  en 
suite  de  nouveau  ses  armes  contre 
Sigismond  Malatesti;  lui  prit,  en 
1  463  ,  Fano  ,  Sinigaglia  et  Gradera, 
et  le  réduisit  à  une  paix  honteuse. 
Les  Florentins ,  qui  étaient  en  guerre 
avec  la  république  de  Venise,  con- 
fèrent ,  en  14G7,  le  commandement 
de  leurs  troupes  à  Frédéric  de  Mon- 
tefeltro ,  pour  l'opposer  à  Barthé- 
Jemi  Colleone.  Le  a5  juillet ,  Frétlé 
rie  livra ,  près  de  la  Molinella  ,  un 
combat  à  ce  général  célèbre;  mais 
l'action  se  termina  sans  avant  i 
part  ni  d'autre.  Eu  1469,  il  maria 
sa  fille  à  Robert  Malatesti,  qui  avait 
succédé  à  Sigismond  ,  son  père  ;  et , 
en  1  \"t-\  ,  nommé  de  nouveau  géné- 
ral des  Florentins,  il  leur  soumit 
Volterra  ,  qui  s'était  révoltée  contre 
eux.  Sansovino  1  1  rapporte  que,  de 
tout  le  butin  fait  par  son  armée  au 


(1)  Origine  dtllr  -      p,| 

Venise ,  1009, 


MON  483 

sac  de  cette  ville  ,  Montefeltro  ne 
prit  pour  sa  part  qu'une  magnifique 
bible  hébraïque ,  dont  il  enrichit  sa 
bibliothèque.  Frédéric,  en  i»7>, 
maria  Jeanne,  la  seconde  de  ses 
filles,  à  Jean  de  La  Rovère,  neveu  du 
pape  Sixte  IV  ,  et  frère  du  cardinal 
Julien ,  qui  fut  ensuite  Jules  II.  A 
cette  occasion,  La  Rovère  obtint  en 
fief  du  Saint-Siège,  Sinigaglia  et 
Mondovi  ;  et  le  comte  Frédéric  fut 
élevé  à  la  dignité  de  duc  d'Urbin. 
Dès-lors  ,  il  entra  dans  tous  les  pro- 
jets du  pontife,  et  il  accepta  le  com- 
mandement de  l'armée  que  celui-ci 
envoya  en  Toscane,  en  1478,  pour 
chasser  de  Florence  Laurent  de  Mé- 
dias. Enfin,  en  1 4 8*2 ,  il  fut  choisi 
pour  général  d'une  ligue  formée  par 
le  roi  de  Naples ,  le  duc  de  Milan  et 
les  Florentins  ,  afin  de  défendre  le 
duc  de  Ferrare  contre  les  attaques 
des  Vénitiens  :  mais  sa  mort ,  sur- 
venue le  10  septembre  1482,  l'em- 
pèeha  de  commander  long  -  temps 
l'armée  des  alliés.  Son  fils ,  Guid'- 
Ubaldo  ,  lui  succéda.     S — S — 1. 

MOiNTEFELTRO(Guid'Ubaldo), 
le  dernier  des  ducs  d'Urbin  de  la 
maison  de  Montefeltro,  fut  inférieur 
à  son  père  et  à  ses  a'ieux,  quant  à  la 
gloire  militaire  ;  mais  il  l'emporta 
sur  eux  tous  par  son  amour  pour  les 
lettres  et  les  arts,  sa  munificence  et 
la  douceur  de  son  gouvernement  : 
aussi  aucun  prince  d'Italie  ne  fut-il 
plus  que  lui  chéri  de  ses  sujets.  Les 
historiens  assurent  qu'il  était  doue' 
d'une  merveilleuse  éloquence  ,  qu'il 
lit  le  latin  avec  autant  d'élégance 
et  de  facilité  que  l'italien,  et  qu'il  sa- 
vait le  grec  comme  les  savants  seuls 
Bavent  le  latin:  il  était  doue'  île   la 

mémoire  la  |>lus  heureuse,  et  il  con- 
naissait à  fond  la  géographie  et  l'his- 
toire de  chaque  pays  el  de  chaque 
peuple.   Sa   femme ,    Elisabeth   de 


486 


MON 


Gonzague ,  n'était  pas  moins  enn- 
chie  des  plus  beaux  dons  de  l'esprit  : 
aussi,  pendant  leur  règne,  la  cour 
d'Urbin  fut-elle,  en  Italie  ,  le  siège 
favori  de  l'élégance,  delà  littérature 
et  du  bon  goût.  Les  poètes  les  plus 
célèbres  ,  les  savants ,  les  philoso- 
phes et  les  artistes  de  ce  siècle ,  qui  a 
produit  tant  de  grands  hommes , 
vivaient  avec  le  duc  et  la  duchesse 
d'Urbin  dans  une  intime  familiarité. 
Quoique  Guid'Ubaldo  eût  moins  de 
talent  pour  la  guerre  que  pour  les 
lettres,  il  la  lit  aussi,  non-seulement 
pour  lui-même,  mais  encore  comme 
condottiere  au  service  des  autres 
princes.  C'est  ainsi  qu'il  fut  générai 
du  pape  Alexandre  VI,  dans  la  guerre 
que  celui-ci  soutint  contre  les  barons 
romains;  mais  défait  près  de  Soriano, 
le  24  janvier  1 497  ,  il  demeura  pri- 
sonnier de  Barlhélemi  d'Alviauo  , 
tandis  que  le  duc  de  Gandie  ,  fils  du 
pape,  auquel  i!  était  associé,  fut  légè- 
rement blessé.  L'année  suivante,  Guid' 
Ubaldo  fut  chargé  de  commander  , 
de  concert  avec  ce  même  Barthélemi 
d'Alviano ,  l'armée  que  les  Vénitiens 
envoyaient  en  Toscane  au  secours 
desPisans.CésarBorgia,fîls  d'Alexan- 
dre VI  ,  ayant  annoncé,  en  i5oa  , 
qu'il  voulait  attaquer  l'état  de  Came- 
rino,  lit  demander  au  duc  d'Urbin, 
comme  vassal  de  l'Église ,  de  lui  four- 
nir de  l'artillerie  et  des  troupes.  Guid' 
Ubaldo  les  lui  envoya  aussitôt  ;  et 
Borgia  profita  de  ce  que  le  duc  s'était 
ofétout  moyen  de  défense,  pour  mar- 
cher sur  Urbin  et  s'en  emparer.  Guid' 
Ubaldo  n'essaya  pas  même  de  résis- 
ter :  il  s'enfuit  à  Mantoue  auprès  de 
François  II  de  Gonzague,  son  beau- 
frère  ,  avec  Isabelle  sa  femme  ,  et 
François-Marie  de  La  Rovère ,  son 
neveu.  A  la  fin  de  la  même  année ,  les 
condottieri  qui  avaient  long-temps 
.servi  César  Borgia,  et  qui  se  voyaient 


MON 

sans  cesse  trompés  par  lui, conspirè- 
rent contre  lui ,  et  invitèrent  Guid' 
Ubaldo  à  rentrer  dans  ses  états  :  il 
y  fut  reçu  avec  transport  par  ses  su- 
jets. Mais  tous  les  généraux  de  Bor- 
gia ,  attirés,  par  ses  tromperies  ,  à 
Sinigaglia ,  y  furent  massacrés ,  le 
?ï  décembre  i5o'2.  Le  duc  d'Urbin, 
effrayé  de  cette  catastrophe, repartit 
immédiatement  pour  Mantoue  sans 
attendre  d'être  chassé.  L'année  sui- 
vante, la  mort  du  pape  et  la  maladie 
de  César  Borgia  permirent  à  Guid' 
Ubaldo  de  rentrer  avec  plus  de  sécu- 
rité dans  son  duché  :  le  pape  Jules  II, 
son  beau-frère,  lui  en  confirma  la  pos- 
session ;  et  Guid'Ubaldo,  qui  n'avait 
point  d'enfants  ,  adopta  François- 
Marie  de  La  Rovère,  fils  de  sa  sœur 
et  du  frère  du  pape  ,  qui  fut  dès-lors 
désigné  comme  successeur  au  duché 
d'Urbin. Cefief  fut,  à  cette  occasion, 
reconnu  pour  féminin  ;  et  cependant 
la  dernière  héritière  de  la  famille  de 
La  Rovère  ne  put  en  porter  l'héri- 
tage dans  la  maison  de Médicis.  Guid' 
Ubaldo  mourut  au  mois  de  juille 
i5o8;  et  son  neveu,  François -Ma- 
rie, recueillit  paisiblement  la  suc- 
cession du  duché  d'Urbin  et  du  comté 
de  Montefeltro  ,  qui  est  demeurée 
dans  la  maison  de  La  Rovère  ,  jus- 
qu'à l'année  i63i  (  V.  Rovère  ).  La 
vie  du  duc  Guid'Ubaldo  a  été  écrite 
en  latin  par  Balthasar  Castiglione  , 
dans  une  Lettre  à  Henri  VIII ,  pu- 
bliée à  Fossombrone ,  1 5 1 3 ,  in-4°. , 
et  réimprimée  dans  l'édition  des  Let- 
tres de  ce  gentilhomme  ,  donnée  par 
Serassi,  en  177  1  ,  tome  2,  p.  348. 
S.  vS— 1. 
MONTÈGRE  (  Antoine  -  Fran- 
çois Jenin  de  ) ,  médecin  français  , 
naquit  à  Bellei,  le  6  mai  1779.  Pen- 
dant ses  études  ,  il  se  délassait  en 
composant  des  vers,  et  il  a  laissé 
quelques  pièces  de  théâtre  ,  dont  ses 


MON 

plus  intimes  amis  seuls  ont  eu  con 
naissance.  Après  être  sorti  du  col- 
lège ,  il  porta  les  armes  ;  et  au  bout 
de  quatre  ou  cinq  ans,  il  vint  à  Paris 
étudier  la  médecine,  et  prit  ses  gra- 
des avec  distinction.  Il  était  fort 
jeune ,  et  n'avait  point  encore  de 
clientelle  :  on  lui  offrit  une  place  d'in- 
génieur du  cadastre ,  qu'il  exerça 
pendant  quelque  temps  ;  puis  il  se 
maria,  et  revint  à  Paris,  afin  de  s'y 
consacrer  à  l'étude  aprofondie  de 
l'art  de  guérir ,  qu'il  pratiqua  bien- 
tôt avec  succès.  En  1810  ,  il  devint 
rédacteur  de  la  Gazette  de  Santé  ; 
et  ce  journal ,  qui ,  depuis  plusieurs 
années,  n'était  qu'un  dépôt  de  char- 
latanisme, fut  bientôt,  sous  sa  plu- 
me, l'un  des  plus  intéressants  de  la 
capitale.  Montègre  était  un  excellent 
physiologiste  :  il  en  donna  la  preuve 
dans  plusieurs  Mémoires  lus  à  l'aca- 
démie des  sciences,  et  approuvés 
par  cette  compagnie,  sur  la  Diges- 
ti  n  et  le  Vomissement,  dont  les 
expériences  avaient  été  faites  sur  lui- 
même.  Il  lut  à  la  même  académie  un 
Mémoire  sur  les  habitudes  des  Lom- 
brics ou  Fers  de  terre.  On  connaît 
encore  de  lui  des  recherches  sur 
l'Art  du  Ventriloque  (1).  Il  publia, 
contre  le  magnétisme  animal,  diver- 
ses brochures,  dans  lesquelles  il  s'at- 
tacha, surtout,  à  dévoiler  le  charla- 
tanisme ou  l'ignorance  de  certains 
magnétiseurs.  Ce  sujet  l'avait  fort 
occupé;  il  avait,  lui-même,  magné- 
tisé pour  s'éclairer,  et  il  magnétisait 
fort  bien.  U  ne  s'offrait  jamais  pour 
remplir  ce  ministère;  mais  lorsqu'il 
en  était  requis,  par  ses  amis,  il  s'y 
prêtait  de  bonne  grâce,  et  obtenait 
souvent  d'heureux  résultats.  L'au- 
teur de  cet  article,  qui  s'honore  d'a- 
voir été  son  ami ,  a  souvent  été  sou- 

foy,  1«  M<t$as.  t  1  ,65. 


MON 


4*7 


lagé  lorsque  ce  docteur  incrédule 
opérait  sur  lui.  Montègre  a  fourni 
de  nombreux  articles  au  Dictionnaire 
des  Sciences  médicales;  et  tous  font 
preuve  d'instruction  et  de  goût.  Le 
plus  important  est  l'article  Hémor- 
roïdes. Il  s'était  proposé  de  le  pu- 
blier sous  la  forme  de  monographie; 
et  sa  veuve  a  exécuté  ce  projet.  L'ou- 
vrage a  paru  sous  ce  titre  :  Des  Hé- 
morroïdes ,  ou  Traité  analytique 
de  toutes  les  affections  hémorroï- 
dales,  in-8°.  ,  Paris,  1819.  Nous 
citerons  encore  de  lui  :  I.  Vu  Ma- 
gnétisme animal  et  de  ses  parti- 
sans ,  ou  Becueil  de  pièces  impor- 
tantes sur  cet  objet,  précédé  des 
Observations  récemment  publiées  , 
181 2,  in-8°.  II.  Expéiiences  sur  la 
digestion  dans  l'homme,  présentées 
a  la  première  classe  de  l'Institut  de 
France ,  le  8  septembre  1812  ,  Pa- 
ris ,  1814  ,  in-8°.  III.  Examen  ra- 
pide du  gouvernement  des  Bourbons 
en  France  ,  depuis  le  mois  d'avril 
1 8 1 4  jusqu'au  mois  de  mars  1 8 1 5, 
Paris,  »  8 1 5  ,  in-8°.  Cette  brochure 
fut  promptement  épuisée  ,  et  eut  sur- 
le-champ  une  seconde  édition.  Mon- 
tègre fut,  en  181 4  ,  un  des  fonda- 
teurs de  la  société  pour  renseigne- 
ment élémentaire;  ily  jouissait  d'une 
considération  méritée  par  son  zèle  et 
par  ses  talents.  C'est  là  qu'il  conçut 
ce  désir  si  noble  et  en  même  temps 
si  téméraire  d'aller  porter  les  lu- 
mières de  l'Europe  chez  les  habitants 
delà  république  d'Haïti.  Son  dessein 
était  aussi  d'étudier  dans  ces  con- 
trées  ,  où  la  fièvre  jaune  est  endémi- 
que ,  les  véritables  caractères  de 
cette  redoutable  maladie,  et  d'ensei- 
gner aux  habitants  les  moyens  de 
combattre  ce  fléau  dévastateur.  Les 
représentations  instantes  de  ses  amis 

ne  purent  l<-  détourner  de  ce  proj<  1 
dangereux  pour  un   homme 


/8S 


MON 


titution.  Il  partit  pendant  l'été 

rie  1818,  et  toucha  au  port  de  Jac- 
rs  le  milieu  d'août.  Lepré- 
1!  delà  république  d'Haïti ,  qui 
se  trouvait  dans  cette  ville  ,  le  reçut 
avec  une  grande  distinction  :  il  ac- 
cueillit ses  projets  ,  et  le  pria  de  se 
Ire  au  Port-au-Prince,  où  lui- 
même  devait  bientôt  retourner. 
Pendant  la  route,  au  passage  d'une 
rivière,  une  femme,  entraînée  par  le 
courant,  allait  périr  ;  le  généreux 
Moutègi'c  ,  tuut  baigné  de  sueur  ,  se 
précipite  à  l'eau  et  sauve  cette  femme. 
Cet  accident  a  suffi,  dans  ce  climat 
meurtrier ,  pour  développer  la  fièvre 
jaune;  et,  quatre  jours  après,  le  4 
septembre  1818,  Montègre  n'était 
plus.  Cent  qui  savent  de  quelle  féli- 
cite il  jouissait  à  Paris,  s'étonnaient 
de  le  voir  quitter  la  capitale  où  il 
laissait  sa  femme  ,  trois  enfants  ché- 
ris en  bas  âge,  et  de  nombreux  amis. 
Il  fallait  être  dans  le  secret  de  ses 
pensées  pour  comprendre  comment 
il  pouvait  se  décider  à  tout  quitter 
et  à  s'exposer  aussi  gratuitement  ; 
car  il  avait  une  fortune  indépen- 
dante, qu'augmentaient  le  produit  de 
sa  clicnteile  et  celui  de  ses  travaux 
littéraires.  Il  était  recherché  par  les 
gens  du  monde ,  et  surtout  par  les  sa- 
vants et  par  les  artistes.  Son  Éloge 
a  été  écrit  au  Port-au-Prince,  en 
181 8,  par  M.  Golombel,  et  publié 
dans  l'Abeille  d'Haïti;  et  à  Paris,  par 
MM.  Jomard,  rie  Villeneuve,  Ch.  No- 
dier ,  Virey  ,  Maupas  et  de  Jussieu. 
Le  président  d'Haïti  a  fait  élever  un 
mausolée  sur  sa  tombe.       F — r. 

MONTEGUT  (  Jea*  -  François 
de  ) ,  naquit  à  Toulouse  ,  en  i^âo  , 
de  Bernard  de  Montcgut ,  président 
des  trésoriers  de  France  ,  et  de  Jeanne 
de  Segla.  Il  fit  son  droit  à  Toulouse  , 
après  avoir  reçu  sa  première  éduca- 
tion sous  les  yeux  d'une  mère  cclai- 


MON 

rée  ,  qui  lui  enseigna,  elle-même, 
le  latin  et  l'anglais,  et  qui  crut  ne 
pouvoir  mieux  employer  ses  con- 
naissances et  ses  talents  aimables  , 
qu'à  instruire  un  fils  chéri,  trop  né- 
gligé par  son  père  :  elle  se  sépara  de 
i  1  pour  l'envoyer  ,  à  l'âge  de  seize 
ans,  se  perfectionner  à  Paris  dans 
l'étude 'des  belles-lettres.  Elle  entre- 
tint, avec  lui ,  un  commerce  épisto- 
laire,  qu'on  lit  encore  aujourd'hui 
avec  intérêt.  Montégutse  lia  avec  les 
littérateurs  les  plus  distingués  de  ce 
temps  :  Marmontel  ,  surtout  ,  con- 
serva, avec  lui ,  des  liaisons  d'amitié 
et  d'estime  ,  qui  les  honorent  éga- 
lement tous  deux.  Voltaire  lui  fit 
don  d'un  exemplaire  de  la  Henriade, 
accompagné  d'une  lettre  flatteuse. 
Montégut  revenu  à  Toulouse ,  et 
pourvu  d'une  charge  de  conseiller 
au  parlement  de  cette  ville,  perdit 
(le  4  juin  175*2)  sa  mère,  âgée  de  qua- 
rante-trois ans;  dès-lors  il  s'empressa 
de  lui  élever  un  monument  durable  , 
en  faisant  imprimer  les  ouvrages  de 
cette  dame  estimable.  Il  y  joignit 
quelques-uns  des  siens,  comme  il  l'an- 
nonce dans  la  préface;  tels  que  plu- 
sieurs odes  d'Horace,  et  les  Idylles 
de  Théocrite ,  traduites  en  vers  fran- 
çais ,  etc.  Les  graves  et  importantes 
occupations  de  sa  charge  ne  le  dé- 
tournèrent en  rien  de  ses  goûts  fa- 
voris, la  littérature,  et  l'étude  de 
l'antiquité.  Les  titres  littéraires  de 
sa  mère  (1)  lui  ouvraient  l'entrée 
des  jeux  floraux ,  dans  un  âge  où  il 
n'eût  pas  dû  espérer  d'y  être  ad- 
mis :  il  n'avait  que  dix-huit  ans. 
Il  y  prononça   l'éloge  de  Clémence 

,'  1  Llle  avait  le  titre  de  maîtresse  des  jeux  floraux  , 
ayant  été  couronnée  irois  fois  par  cette  académie.  Ou 
-trouve  une  grande  analogie  entre  sou  talent  poétique 
et  celui  de  M»»«.  Deshoulières.  C'est  presque  tou- 
jours cette  tristesse  tendre,  cette  mélancolie  dou-e 
et  philosophique  ,  qui  attache  et  qui  pénètre  ,  qui  , 
sans  rejetir  les  images,  se  nourrit  avec  plus  dp  com- 
pilante de  uflexions  et  de  sentiments.  ï — D. 


MON 

Isaure,  en  vers  ,  le  3  mai  17.55.  IL 
est  aussi  l'auteur  d'une  Ode  sur  l'a- 
mour ,  insérée  dans  le  Recueil  de  la 
même  académie,  en  1709.  Il  avait 
composé  plusieurs  pièces  de  théâtre  ; 
mais  son  intention  n'était  point  que 
ses  ouvrages  vissent  jamais  le  jour. 
Il  cultiva  aussi  la  science  des  mé- 
dailles ,  et  l'étude  des  monuments 
qui  pouvaient  éclaircir  l'histoire  de 
Toulouse.  Il  écrivit,  sur  ce  sujet, 
plusieurs  Mémoires  ,  dont  il  en- 
richit le  Recueil  de  l'académie  des 
sciences  de  celte  viile.  Lors  de  la 
tourmente  révolutionnaire  ,  il  fut 
d'abord  exilé  avec  le  parlement  : 
bientôt  après  il  abandonna  sa  patrie, 
et  se  retira  en  Espagne  dans  la  ville 
de  Vittoria.  Là  ce  digne  magistrat 
cl)  ère  hait  à  oublier  ses  malheurs  ,  au 
sein  des  lettres  ;  il  fut  reçu  de  l'aca- 
démie de  cette  ville  :  il  y  composa 
des  Mémoires  sur  les  antiquités  du 
lieu  '  heureux  s'il  eût  continué  de 
jouir,  dans  cette  retraite,  d'une  tran- 
quillité que  la  France  ne  présentait 
plus  !  Conseillé  par  de  faux  amis,  le 
président  de  Montegut  revint  dans  sa 
cité  natale  ,  se  livrer  à  la  fureur  des 
assassins.  On  ne  tarda  pas  à  l'arrêter: 
dans  sa  prison  il  s'occupa  de  traduite 
les  Psaumes  de  David.  Conduit  à 
Paris,  il  tomba  sous  la  hache révo- 
lutiijnnaiïe,le'.ii  avril  1  7 < ) i  ,  accusé 
d'avoir  pris  part  aux  proies! 
(U'<,  parlements.  Son  fils  périt  de  la 
mort,  le  mois  de  juin  Suivant, 
X  ans.  Z. 

"  MONTEIL  (  Adiiemar  de  ).   V, 

A  nur 

MONÏELATIC1  (Ubaldo)  cha- 
noine de  la  congrégation  de  Latran  , 
naquit  a  Floren  .  et  se 

ingua  par  I'  rariété 

de  ses  connais-  mis  les 

sciem  I  les  pro- 

fessa   pendant 


Pistoie,  à  Fiesoli,  à  Brescia  et  à 
Milan ,  avec  tant  de  succès ,  qu'en 
1747  ,  il  fut  décoré  du  titre  à'db  é 
privilégié,  et  qu'il  obtint  l'abbaye 
de  Saint- Pierre,  iii  casa  nuova  , 
près  de  Laterina.  Ce  fut  là  qu'il  prit 
le  goût  de  l'agriculture,  et  qu'il  en 
fit  une  étude  particulière.  Obligé  , 
en  1731  ,  de  retourner  à  Florence, 
pour  des  raisons  de  santé,  il  conçut 
l'idée  d'y  établir  une  académie , 
dont  l'objet  serait  de  s'occuper  d'é- 
conomie rurale  :  il  parvint  à  réaliser 
ce  projet  par  le  crédit  du  comte 
Kmanuel  de  Richecourt,  alors  pre- 
mier ministre.  L'empereur  Léopold 
II  en  favorisa  l'érection ,  lorsqu'il 
devint  grand-duc  de  Toscane.  11  fit 
prendre  à  cette  académie  le  nom 
de  Société  royale  économique  des 
Géorqophiles  de  Florence.  L'abbé 
Montelatici  entreprit ,  en  1 768  ,  un 
voyage  en  Allemagne.  Son  but  était 
d'y  visiter  les  établissements  d'agri- 
culture ,  d'en  observer  les  méthodes 
et  les  diverses  pratiques,  d'examiner 
les  machines  employées  à  la  culture , 
de  les  faire  dessiner  ,  et  enfin  de  pu- 
blier un  Dictionnaire  raisonné  de 
cette  science  y  qu'il  avait  composé 
avec  le  docteur  Saverio  Manetti.  Il 
eut,  à  Vienne  ,  l'honneur  d'être  pré- 
senté à  l'impératrice  -  reine,  dont  il 
reçut  un  accueil  plein  de  bienveil- 
e.  Elle  le  chargea  de  parcourir 
les  divers  terrains  de  la  Styric  et  de 
rinthie ,  pour  y  voir  des  planta- 
tions de  mûriers,  qu'on  avait  foi  - 
paï  les  ordres  de  S.  M.  Il  s'ac- 
quitta de  cette  commission  ,  à  la 
satisfaction  de  l'impératrice  ,  qui  lui 
fournit  les  moyens  de  continuer  ses 
.  es,  et  de  remplir  utilement  les 
vues  qui  les  lui  .iv. n'eut  î'n't  entre- 
Ire",  Il  ne  revint  a  F; 
i,i  fin  de  1764  ,  muni  de  bons 
mémoires  et  de  noie 


4go  MON  . 

et  il  continua  ses  travaux  ,  maigre 
les  incommodités  qui  altérèrent  sa 
santé  ,  et  affaiblirent  sa  mémoire. 
Une  attaque  d'apoplexie  mit  fin  à 
ses  jours  ,  en  septembre  1770.  Il  a 
publie':  Bagionamento  sopraimezzi 
put  necessarj  pevj'ar  rifiorire  ïagri- 
coït  ara  ,  colla  relazione  delV  erba 
orobanche  (  V.  Miciieli,  XX VIII , 
5g3  ).  On  trouve  un  bon  extrait  de 
cet  ouvrage  dans  la  Storia  letteraria 
d'Italia,  vol.  v,  p.  207,  et  un  éloge 
de  l'abbé  Montelatici  dans  les  Mé- 
moires de  la  société  royale  écono- 
mique de  Florence ,  par  le  docteur 
Saverio  Manetti.  L — y. 

MONTELONGO  (Grégoire  de), 
cardinal  -  légat  en  Lombardie  au 
treizième  siècle,  fut  le  principal  ad- 
versaire de  l'empereur  Frédéric  II , 
et  des  Gibelins.  A  l'époque  où  le  pape 
Grégoire  IX  mettait  tout  en  œuvre 
pour  renverser  la  puissance  de  Fré- 
déric II ,  il  envoya  en  Lombardie  le 
cardinal  Grégoire  de  Montelongo  , 
l'homme  du  sacré  collège  le  plus  ac- 
tif, le  plus  entreprenant ,  et  le  plus 
7.clé  pour  les  libertés  de  l'Églisc.Mon- 
telongo,  arrivé  à  Milan  en  i23g, 
acquit  une  grande  influence  sur  les 
ronseils  de  cette  république  ;  et  il 
les  détermina  toujours  aux  partis 
les  plus  vigoureux.  Il  mêla  dans  les 
rangs  de  l'armée  lombarde  des  prê- 
tres et  des  moines  ,  afin  de  commu- 
niquer aux  soldats  l'enthousiasme 
d'une  guerre  sacrée  :  il  conduisit, 
en  1240  ,  l'armée  guelfe  contre  Fer- 
rare  ,  et  réduisit  Salinguerra  ,  qui 
défendait  cette  place  ,  à  la  rendre  , 
moyennant  une  capitulation,  qu'il 
n'observa  point.  Ce  fut  encore  lui 
qui  conduisit  l'armée  de  Milan  et  de 
Plaisance  à  la  délivrance  de  Parme  , 
lorsque  cette  ville  fut  assiégée,  en 
1247,  Par  l'empereur  ;  et  le  parti 
guelfe  lui  dut  la  victoire  qu'il  rem- 


MON 

porta,  le  18  février  1248,  sur  l'ar- 
mée de  Frédéric  II.  Grégoire  de 
Montelongo  fut  élevé  ,  par  Innocent 
IV,  au  patriarcat  d'Aquilée,  au  mois 
de  janvier  i(i5'2.  11  mourut  peu  de 
temps  après.  8.  S — I. 

MONTEMAYOR  (  George  de  ), 
poète  célèbre,  regardé  comme  l'in- 
venteur du  genre  pastoral  en  Espa- 
gne, était  né  vers  i520,  à  Montemor, 
petite  ville  de  Portugal ,  au  voisinage 
de  Goimbre ,  d'une  famille  obscure. 
Il  s'enrôla  jeune  dans  un  bataillon 
de  milice,  et  prit  alors  le  nom  de  sa 
ville  natale,  le  seul  sous  lequel  il  soit 
connu.  Il  n'avait  reçu  aucune  édu- 
cation ;  mais  son  goût  naturel  le 
portait  vers  les  arts.  Il  cultiva  la 
musique;  et  la  beauté  de  sa  voix  lui 
fit  bientôt  une  réputation.  Informé 
qu'on  cherchait  des  musiciens  en  Es- 
pagne, pour  former  la  chapelle  de 
l'infant,  depuis  Philippe  II  ,  il  par- 
vint à  s'y  faire  attacher,  et  suivit  le 
prince  dans  ses  voyages  en  Italie,  en 
Allemagne  et  dans  îes  Pays-Bas.  Son 
nouvel  emploi  lui  fournit  l'occasion 
d'acquérir  la  connaissance  du  mon- 
de ,  et  agrandit  la  sphère  de  ses  idées. 
Il  se  familiarisa  promptement  avec 
l'idiome  castillan,  et  l'adopta  de  pré- 
férence au  portugais.  Une  passion 
violente,  qu'il  conçut  pour  une  belle 
Espagnole,  développa  en  lui  le  talent 
de  la  poésie;  il  célébra  l'objet  de  son 
amour,  sous  le  nom  de  Marfida , 
dans  des  vers  pleins  de  naturel ,  qui 
contribuèrent  beaucoup  à  corriger 
ses  contemporains  de  l'enflure  et  de 
l'exagération  qu'on  leur  reprochait 
justement.  De  retour  en  Espagne 
après  une  longue  absence,  il  trouva 
sa  maîtresse  mariée,  et  chercha  une 
distraction  à  sa  douleur,  en  compo- 
sant le  fameux  roman  pastoral  de 
la  Diane  ,où  il  a  exprimé,  avec  toute  la 
chaleur  ettout  l'intérêt  delà  passion, 


MON 

les  divers  sentiments  dont  il  était  agi- 
té. Le  succès  de  cet  ouvrage,  qu'il  n'a 
conduit  que  jusqu'au  septième  livre, 
étendit  sa  renommée  dans  toute  l'Eu- 
rope. La  reine  de  Portugal  se  hâta  de 
le  rappeler  à  sa  cour,  et  l'y  fixa  par  un 
emploi  honorable.  On  peut  conjec- 
turer, d'un  j>assage  de  la  Diane,  que 
Montemayor  guérit  de  sa  passion. 
Il  mourut  le  26  février  1 56-i ,  a  l'â- 
ge de  quarante-un  ans.  Les  biogra- 
phes différent  sur  les  circonstances 
de  sa  mort.  Les  uns  le  font  mourir 
en  Portugal;  d'autres  prétendent  qu'il 
péri!  d'une  manière  tragique ,  en  Ita- 
lie. La  Diane  a  été  imprimée  un 
grand  nombre  de  fois.  L'édition  la 
plus  récente  est  celle  de  Madrid, 
1795,  in -8°.  Alonso  Perez  et  Gil 
Polo  ont  entrepris  de  continuer  cet 
ouvrage,  qui  fut  traduit  en  latin  (Ha- 
nau,  162S  ),  en  allemand  (  16/J6), 
en  hollandais  (  1652  ),  etc.  11  l'a  été 
en  français,  par  Nicole  Colin,  Gabr. 
Chapuis,  Pavillon,  Abr.  Rcmy,  Ant. 
Vitray,  Lcvoyer  de  Marsilly,  etc. 
Ces  traductions  multipliées  prouvent 
assez  tout  le  succès  ,  toute  la  vogue 
que  la  Diane  obtint  en  France ,  où 
elle  est  maintenant  presque  oubliée. 
Certes  le  roman  de  Montemayor  ne 
peut  point  être  assimilé  à  un  ou- 
vrage classique;  mais,  malgré  ses  dé- 
fauts,  qni  appartiennent  à  l'enfance 
de  l'art ,  et  à  l'ignorance  presque  ab- 
solue des  premières  règles  de  toute 
composition  littéraire,  il  mériti 
lime  des  connaisseurs,  par  le  talent 
que  le  poète  a  eu  d'intéresser 
passion  ,  et  de  faire  partager  au  lec- 
teur les  sentiments  dont  il  était  ani- 
me'. (In  style  pur,  beaucoup  d'es- 
prit, de  la  douceur,  du  sentiment, 
une  poésie  souvent  enchanteresse,  et 
la  naïveté  touchante  qui  règne  sur- 
tout dans  la  Nouvelle  du  maure  Abin- 
danaès,  rachètent  le  fond  d'invrai- 


MON 


49  ! 


seinblance,  les  histoires  de  magie  et 
le  manque  d'action.  On  trouvera  l'a- 
nalyse de  la  Diane  dans  Y  Histoire 
de  la  littérat.  espagnole,  par  M. 
Bouter  week,  tome  ier. ,  p.  286  et 
suiv  ;  dans  la  Littérat.  du  midi  de 
V Europe,  par  M.  Sismondi,  m,  3oi- 
14. ,  et  dans  la  Bibliothèque  des  ro- 
mans. Un  des  grands  mérites  de  Mon- 
temayor, dit  Boulerwcek,  c'est  de 
parler  toujours  de  tendresse,  sans 
tomber  jamais  dans  la  monotonie:  il 
est  inépuisable  en  tournures  et  en 
images  nouvelles  pour  varier  l'ex- 
pression de  l'amour.  La  versification 
de  quelques  morceaux  n'est  pas  tou- 
jours harmonieuse  et  correcte;  mais, 
dans  d'autres,  la  douceur  du  langage 
est  heureusement  unie  à  l'enchaî- 
nement d'idées  le  plus  naturel.  Sa 
prose  a  servi  de  modèle  à  tous  les  au- 
teurs de  romans  du  même  genre.  11 
s'est  attaché  à  donner  de  la  noblesse 
à  chaque  terme,  et  de  l'harmonie  à 
chaque  phrase,  sans  que  pour  cela 
son  style  ait  rien  de  pénible  ni  de  re- 
cherché. Les  autres  ouvrages  de  Mon- 
temayor ont  été  recueillis  sous  le  ti- 
tre de  Cancionero ,  Saragoce ,  1 56 1 , 
et  souvent  réimprimés.  On  trouve,  à 
la  suite  de  quelques  éditions  de  la 
Diane,  plusieurs  Elégies,  Alcide  et 
Sylvain,  poème  divisé  par  octaves  , 
et  Prrame  et  Thisbé ,  autre  poème 
que  Montemayor  n'a  pas  pu  imiter  du 
cavalier  Marini,  comme  on  le  dit 
dans  le  Diction/i.  universel,  puisque 
Marini  lui  est  postérieur.  V\ — s. 
MOJSTEMERLO  (  Jiun-Étien. 

lillerateur  et  poète  estimable, 
était  né  en  1 5 1  ^> ,  à  Tortone,  d'une 
famille  noble.  Il  s'appliqua  entière- 
ment à  l'étude,  et  employa  vingt  an- 
nées à  recueillir  tous  les  mots  de  la 
langue  italienne,  el  k  en  déterminer 

LCCeptlOnS  ,    par  <l(  s 

oies    tires    des    bons    aut 


49"*- 


MON 


L'ouvrage  qui  en  résulta,  fut  impri- 
me à  Venise,  i566,  in-fol.,  sous  ce 
litre  :  Délie  j'rasi  toscane  libri  xn  ; 
ii  reparut  en  1 594,  dans  la  même 
Aille,  avec  un  litre  beaucoup  plus 
étendu  :  Tesoro  délia  lingua  los- 
catia,  nel  quale ,  con  autorità  de' 
pià  approvali  scritteri  ,  copiosa- 
rjienle  s'insegnano  le  pià  eleganti 
manière  di  esprimer  ogîd  concelto  , 
e  sono  conj'rontate  per  le  pià  con  le 
j'rasi  latine.  Qui  ne  croirait  qu'il 
s'agit  là  d'une  nouvelle  édition  ,  re- 
vue et  augmentée  ?  C'est  cependant 
celle  de  1 5GG ,  avec  un  nouveau  fron- 
tispice et  une  épître  dédicatoire. 
Apostolo  Zeno,  qui  a  signale  le  pre- 
mier cette  ruse  du  libraire  ,  pour 
débiter  un  ouvrage  dont  les  exem- 
plaires s'écoulaient  trop  lentement  à 
son  gré,  avait  fait  un  recueil  ,  De 
j'raudibus  biblio.mlarum ,  qu'il  se 
proposait  de  publier!,  et  qui  n'aurait 
pas  été  sans  uliiite'(  V.  Apost.  Zeno). 
Monteinerlo  mourut  le  29  septembre 
)  57a'.  11  a  laissé  ,  en  manuscrit ,  un 
poème  :  De  gestis  apostolorum.  — 
Nicolas  Mojntemerlo  ,  son  fils ,  est 
«uteur  d'une  histoire  de  la  ville  de 
Tortone ,  intitulée  :  Baccoglimen- 
t'o  di  nuova  historia  délia  città  di 
Tortona,  etc.,  16 18,  in-40.  Elle 
comprend  la  suite  des  événements  , 
depuis  le  sac  de  cette  ville  par  Frédé- 
ric Barberousse  ,  en  1 1 55  ,  jusqu'au 
icnips  où  écrivait  l'auteur.  W — s. 
MONTENAULT  ou  plutôt  Mon- 

TUENAULT.    V.  EgLY. 

MONTERCflI  (  Joseph  )  ,  anti- 
quaire et  garde  du  cabinet  des  mé- 
dailles du  cardinal  Carpegna  ,  en  a 
publié  un  choix  ,  sous  le  titre  de 
Sceltade  medaglioni  pià  rari,  etc. , 
Pvome  ,  1679,  in -4°.  Ce  volume 
contient  vingt-trois  médailles,  dont 
uue  d'Antinous  ,  et  les  autres  de  dif- 
férents empereurs  7  depuis  Antouin 


MON 

Pie  jusqu'à  Constantin  ;  il  a  été  in- 
séré presque  en  entier,  avec  les  gra- 
vures, dans  le  Giornale  de'  letlerati 
di  Borna ,  même  année.  On  attribue 
assez  généralement  les  explications 
à  J.  P.  Bellori,  par  la  raison  que 
l'auteur  parle,  dans  la  neuvième,  de 
sa  description  de  la  Colonne  Anto- 
nine  (  V '.  Bellori  ,  IV,  1  24  )  :  mais 
rien  ne  devait  l'empêcher  de  mettre 
son  nom  à  la  tête  de  cet  ouvrage  , 
s'il  en  eût  été  le  véritable  auteur;  et 
il  est  probable  qu'il  n'y  a  fourni  que 
l'article  qui  a  donné  lieu  aux  conjec- 
tures des  bibliographes. lien  a  paru 
une  traduction  latine  ,  avec  le  nom 
de  Monterchi,  Amsterdam,  i685, 
in- 12;  elle  est  moins  rare  que  l'ori- 
ginal italien.  Monterchi,  ou  Bellori , 
n'est  pas  le  seul  antiquaire  qui  se  soit 
occupé  de  faire  connaître  les  raretés 
du  musée  du  cardinal  Carpegna  (  V. 
Phil.  Buo>arotti  ,  VI,  274  ).  W-s. 
MOINTEREAU   (  Pierre   de  )  , 
célèbre  architecte,  florissait  sous  le 
règne  de  saint  Louis,  qui  l'honora 
de  sa  confiance  ;  mais  ceux  qui  ont 
prétendu  qu'il  suivit  ce  prince  dans 
son  expédition  de  Syrie,  l'ont  con- 
fondu avec  Eudes  de  Montrcuil  ,  fa- 
meux architecte  contemporain.  (  V . 
Eudes.  )  C'est  Pierre  de  Montereau 
qui  a  construit  la  chapelle  de  Vin- 
cennes,  le  réfectoire  de  Saint-Martin- 
des  -  Champs  ,  le  dortoir,  la  salle 
capitulaire    et    la    chapelle   Notre- 
Dame  de  l'abbaye  de  Saint-Germain- 
des-Prés;  tous  ces  ouvrages,  dans  le 
style   gothique,    étaient    également 
remarquables  par  la  beauté  des  pro- 
portions et  par  la  délicatesse  des  dé- 
tails :  mais  son  chef-d'œuvre  était 
sans  contredit  la  Sainte-Chapelle  de 
Paris  ,  fondée  par  saint  Louis,  pour 
y  placer  les  précieuses  reliques  qu'il 
avait  rapportées  de  la  Palestine  ou 
rachetées  des  Vénitiens  :  elle  fut  com- 


MON 

mcncée  en   i  *2  j  > ,  et  achevée  dans 
l'espace  de  trois  années.  L'élévation 
et  la  légèreté  hardie  de  l'édifice,  ses 
voûtes  n'étant  soutenues  d'aucun  pi- 
lier dans  œuvre  ,  quoiqu'il  y   eût 
deux  églises  l'une  sur  l'autre,  font 
désirer  que  l'ons'occupe  delà  restau- 
ration d'un  des  plus  beaux  ouvrages 
gothiques,  qu'on  peut  craindre  de  voir 
tomber  en  ruines.  Ce  monument  de 
la   piété  d'un  de  nos    plus  grands 
princes  a  été  délabré  pendant  la  ré- 
volution, ainsi  que  les  autres  ouvra- 
ges de  Montereau.  M.  Lenoir  avait 
formé  de  débris  de  l'intérieur  de  la 
Sainte-Chapelle  la  porte  d'entrée  de 
la  salle  des  monuments  du  quatorziè- 
me siècle,  au  musée  des  Petits-Au- 
gustins  (  V.  le  Musée  des  monum. 
franc. ,  tome  n ,  p.  39,  et  la  pi.  63  ). 
Pierre  de  Montereau  joignait  à  de 
grands  talents,  une  probité  plus  rare 
encore.  Il  mourut  en  1266,  et  fut 
inhumé  le  17  mars  ,  dans  le  chœur 
de  la  chapelle  qu'il  avait  construite  à 
l'abbaye  de  Saint-Germain  :  il  était 
représenté  sur  sa  tombe  en  pierre 
de  liais,  tenant  à  la  main  une  règle 
et  un  compas.  On  trouve  son  épi- 
taphe  dans  V Histoire  de  la  Sainte- 
Chapelle,  par  Morand,  p.  3o  ,  et 
dans  la  description  du  Musée,  déjà 
citée,  tom.  Ier.,  p.  36.  Son  épouse, 
■  qui  se  nommait  Agnès,  lui  survécut 
peu  de  temps,  et  fut  placée  dans  le 
même  tombeau.  W — s. 

MONTESPAN  (Françoise- Athe'- 
k  Vis  de  Hoche  chou  art  de  M 
mari'  ,  marquise  de  ),  née  en  i(>4  1  , 
«lait  la  seconde  fille  de  Gabriel  «le 
Rochechouart,  premier  duc  deMor- 
lemart.  Cpnmie d'abord  sous  le  nom 
"  i  '  .  de  Tonn  \y  -  Charente,  elle 
épousa  ,  en   [6  ;  -  Louis  de 

Pardaillan  de  Gondrin,  marquis  de 
Montespan,  d'une  illustre  famille  de 
Gascogne;  et  il  obtint  pour  eîl 


MON 


i^ 


le  crédit  de  Monsieur,  auquel  il  était 
attaché,  une  place  de  dame  du  palais 
de  la  reine.  La  marquise  de  Montes- 
pan  parut  à  la  cour  avec  tout  ce  qu'il 
faut  pour  s'y  faire  remarquer  el  pour 
plaire.  A  la  plus  surprenante  beauté 
(  1)  elle  joignait  l'esprit  le  plus  vif, 
le  plus  fin  ,  le  mieux  cultivé  ,  cet  es- 
prit (2),  héréditaire  comme  les  agré- 
ments du  corps,  dans  sa  famille ,  et 
qui  donna  naissance  à  ce  dicton  :  Ves- 
prit  ,  le  langage  des   Mortemart. 
Louis  XIV,  occupé  tout  entier  de  son 
amour  pour  la  duchesse  de  La  Val- 
lière  ,  ne  fit  pas  d'abord  attention  à 
Mme.  de  Montespan  :  mais  lorsque 
celle-ci  se  fût  liée  avec  la  duchesse  , 
le  roi ,  la  rencontrant  souvent  chez 
sa  maîtresse  et  chez  la  reine,  remar- 
qua sa  conversation  piquante  ,  natu- 
relle ,  enjouée  ;  insensiblement  il  se 
laissa  charmer  par  la  belle  marqui- 
se ,  mordante  sans  méchanceté 
agréable  conteuse,  et  qui  contrefai- 
sait plaisamment  ceux  aux  dépens  de 
qui  elle  voulait  amuser  le  monarque. 
Louis  était  d'ailleurs  entouré  dé  cour- 
tisans ennemis  de  Mmc.  de  La  Val- 
lière,  et  qui  s'empressaient  de  faire 
valoir  les  grâces  et  la  beauté  de  Mme. 
de  Montespan.  On  doit  croire  que 
cette  dernière  n'avait  point  alors  for- 
mé le  projet  de  supplanter  son  amie. 
Ses  sentiments  religieux  et  sa  vertu 
étaient  connus:  ils  lui  avaient  mérité 
l'estime  et  la  confiance  de  la  pieuse 


(1)  Lettres  de  M»"-,  de  Se 

(a)  Il  1e  fàisaîl  surtout  remarquer  \y\r  un  tour  sin- 
gulier de  conversation ,  mêlé  de  plaisauterie,  de  uai 
veté  cl  <lc  lin  ne.  <  >n  le  retrouvai!  dans  son  i 
duc  de  Vivonne  (/'.  ce  nom  >,  el  'I  ins  -••s  d<  ni 
Gabrielle,qui  épouya  en  i65.ï  |,-  marquis  d< 
Madelèno     Gahrielle  ,    abl 

I   mil. 

■ail  br  lucoup  d 

mi  i  mi    1. 1-  toujotu  i 
.  ourtisnns  I 

1111  m'!  I 


494  M0N 

Marie-Thérèse  ;  et  l'on  avait  retenu 
d'elle  ce  mot  sur  la  maîtresse  actuel- 
le :  Si  j'étais  assez  malheureuse  pour 
que  pareille  chose  in  arrivât ,  je  me 
cacherais  pour  le  reste  de  ma  vie. 
Lorsque  la  marquise  s'aperçut  que 
l'ascendant  qu'elle  n'avait  désire  d'a- 
bord (  i)  prendre  que  sur  l'esprit  de 
Louis  XIV,  s'étendait  insensiblement 
jusqu'à  son   cœur,  elle  fit,  ou  du 
moins  on  lui  attribue  une  démarche 
{'i)  qui  contredit  le  dessein  qu'elle 
aurait  pu  avoir  d'inspirer  à  ce  prin- 
ce une  passion  coupable.  Elle  avertit 
de  l'amour  du  roi  ,  son  mari ,  lui 
demandant  avec  instance  de  l'emme- 
ner dans  ses  terres ,  pour  laisser  à 
ce  feu  naissant  et  faible  encore,  le 
temps  de  s'apaiser.  Ceux  qui  passent 
sous  silence  ce  dernier  fait,  recon- 
naissent que  le  marquis  de  Montes- 
pan  pouvait  éloigner  sa  femme  sans 
que  le  roi  s'y  opposât ,  mais  qu'il 
espéra  tirer  de  cette  faveur  des  avan- 
tages qui  lui  échappèrent  et  qui  occa- 
sionnèrent son  dépit  et  ses  éclats.  Il 
se  porta  ensuite  publiquement  à  des 
excès  tellement  scandaleux,  à  l'égard 
de  Mme.  de  Montespan ,  qu'il  s'attira 
l'ordre  d'aller  vivre  dans  ses  terres , 
d'où  il  ne  sortit  plus  jusqu'à  sa  mort. 
A   l'époque  où    il    maltraitait   son 
épouse  avec  tant  d'imprudence ,  elle 
était  encore  vertueuse;  et  cette  con- 
duite grossière  contribua  sans  doute 
à  la  perdre.  On  s'aperçut  bientôt  de 
la  liaison  devenue  intime  ,  qui  exis- 
tait entre  elle  et  le  roi.  Elle  eut  un 
appartement  à  peu  de  distance  de 
celui  du  prince  ;  et  les   courtisans 
clair-voyants  n'eurent  pas  de  peine 
à  expliquer  pourquoi  l'un  et  l'autre 
se   dérobaient  en  même  temps  au 
cercle  de  la  reine  (  1668).  La  sen- 


(1)  Souvenirs  de  Mme.  de  Caylu». 

(2)  Mémoires  de  Saint-Simon. 


MON 

sible  La  Vallière  ne  fut  pas  la  der- 
nière à  s'apercevoir  qu'elle  n'occu- 
pait plus  seule  le  cœur  de  Louis  : 
il  n'y  eut  que  la  reine  qui  ne  voulut 
pas  s'en  douter.  Mme.  de  Montespan 
avait  su  la  persuader  de  sa  vertu;  et 
la  princesse  remit  au  roi ,  avec  la 
plus  grande  confiance  ,  une   lettre 
qui  lui  découvrait  l'infidélité  de  son 
époux  et  le  nom  de  la  complice.  Ce 
fut  en  1670,  lorsque  la  cour  con- 
duisit jusqu'aux  frontières  Madame , 
chargée  de  négociations  auprès  de 
son  frère ,  Charles  II ,  qu'éclata  la 
faveur  de  Mme.  de  Montespan.  Elle 
fit  une  partie  du  voyage  dans  la  voi- 
ture du  roi  et  de  la  reine;  et  lors- 
qu'elle montait  dans  la  sienne  ,  qua- 
tre gardes-du-corps  entouraient  les 
portières.  L'année  suivante,  1671  , 
le  comte  de  Lauzun  fut  mis  à  Pi- 
gnerol,  pour  avoir  eu  l'audace  de  se 
cacher  sous  le  lit  de  Mme.  de  Mon- 
tespan ,  pendant  que  le  roi  s'y  trou- 
vait. Il  voulait  savoir  si  la  maîtresse 
ne  le   trahissait  pas   auprès  de   ce 
prince  ,  au  lieu  de  le  servir ,  comme 
elle  le  lui   avait  promis.  Mme.  de 
Montespan  n'eut  pas  besoin  d'exci- 
ter Louis  XIV  à  punir  le  courtisan 
comme  on  le  lui  a  reproché  :  le  roi 
ne  pardonnait  pas  des  actions  de  ce 
genre;  et  si  la  punition  de  Lauzun 
fut  sévère,  elle  est  presque  justifiée 
par  la  gravité  de  l'offense.  Deux  ans 
après,  les  filles  d'honneur  de  la  reine 
furent  supprimées  :  on  crut  que  cette 
mesure  était  l'effet  des  craintes  de 
Mme.  de  Montespan.  Quelque  puis- 
sants que  fussent  ses  charmes ,  elle 
redoutait  dans  son  amant  le  goût  de 
la  nouveauté;  elle  pouvait  trouver 
plus  d'une  rivale  parmi  des  jeunes 
personnes  qui  se  succédaient  rapide- 
ment ,  et  que   corrompait  l'air  de 
la  cour  ou  que  séduisaient  les  écla- 
tants succès  de  la  faiblesse  :  mais  on 


MOU 

ne  doit  pas  attribuer  uniquement  la 
reforme  des  filles  -  d'honneur  à  la 
jalousie  de  Mme.  de  Montespan.  Un 
événement  malheureux  arrive  à  l'une 
d'elles  en  fut  le  principal  motif  (i  ). 
La  passion  du  roi  pour  la  marquise 
était  depuis  long-temps  satisfaite;  et 
plusieurs  enfants  étaient  nés  du  com- 
merce des  deux  amants.  L'aîné  mou- 
rut à  l'âge  de  trois  ans  (  1672  );  le 
second  fut  le  duc  du  Maine.  Louis 
XIV  et  sa  maîtresse  sentaient  le  scan- 
dale de  la  naissance  de  ces  enfants , 
fruits  d'un  double  adultère,  scandale 
accru  encore  par  la  présence  de  la 
première  amante  délaissée  du  roi. 
Aussi  voulurent-ils  que  ces  naissan- 
ces et  l'éducation  des  princes  fussent 
soigneusement  cachées.  Mme.  Scar- 
ron ,  connue  depuis  long-temps  de 
Mme.  de  Montespan,  et  qui  lui  avait 
des  obligations ,  fut  chargée  du  se- 
cret ;  et  dès-lors  commença  sa  pro- 
digieuse fortune  (  V.  Maintenon  ). 
Mais ,  avec  le  temps  ,  la  marquise  , 
fatiguée  de  cette  gênante  pudeur , 
s'en  débarrassa  tout- a -fait,  et  ne 
prit  plus  la  peine  de  dérober  au 
public  les  fruits  nombreux  de  ses 
amours.  Louis  XIV ,  de  son  côté , 
renouvela  ,  pour  ces  enfants  ,  ce 
qu'il  avait  fait  en  faveur  de  ceux  de 
Mme.  de  La  Vallière.  L'aîné ,  duc  du 
Maine  ,  fut  légitimé  ,  en  1673,  par 
un  acte  passé  devant  le  parlement , 
et  dans  lequel  il  n'y  eut  aucune  men- 
tion de  la  mère  de  l'enfant  (  1  ). 
Les  autres  le  furent  successivement. 
Plus  tard  ces  mêmes  enfants  obtin- 
rent de  grands  Liens.  M11'',  de  Mont- 
pensier  n'ayant  point  d'héritier  ,  le 
roi  et  Mme.  de  Montespan  désirèrent 
faire  passer  sa  riche  on  aux. 


(4)  V.  Hf.snaci.t  ,  1 

(a)  C'était  bien  1 1  u  ugu  h 

picujitic  ;/•'.  LoNCLt\  OJJ  . 


MON 


495 


princes  légitimés.  Il  fallait  pour  cela 
gagner  Mademoiselle,  mécontente  de 
la  cour,  à  l'occasion  de  son  mai  : 
avec  Lauzun  (  V.  Montpensier.  ) 
Egards,  prévenances,  flatteries,  pro- 
messes, tout  enfin  fut  mis  en  œuvre; 
et  la  princesse  séduite,  céda  au  duc 
du  Maine  une  partie  de  son  immense 
patrimoine.  Dans  le  don  fait  par  Ma- 
demoiselle étaient  compris  le  comté 
d'Eu  et  le  duché  d'Aumale,  qu'elle 
avait  précédemment  assurés  à  Lau- 
zun. Le  désistement  de  ce  dernier 
était  nécessaire;  et  ce  fut  la  cause 
de  deux  voyages  de  Mme.  de  Mon- 
tespan à  Bourbon,  en  1679  et  1680. 
On  y  amenait  Lauzun,  toujours  re- 
tenu prisonnier;  il  consentit  «atout 
pour  recouvrer  sa  liberté.  Après  que 
la  négociation  eut  été  terminée,  on 
eut  assez  peu  de  délicatesse  pour  ne 
pas  accomplir  toutes  les  promesses 
faites  à  Mademoiselle.  A  l'époque 
delà  donation  ,  Mme.  de  Montespan 
était  depuis  long-temps  seule  en  pos- 
session du  titre  de  maîtresse.  Quoi- 
que la  duchesse  de  La  Vallière  se 
fût  convaincue  que  le  roi  ne  tenait 
plus  à  elle  que  par  l'habitude  et  par 
le  lien  de  leurs  enfants  ,  son  tendre 
amour  pour  Louis  l'avait  empêchée, 
pendant  plusieurs  années,  de  se  re- 
tirer, et  d'éviter  ainsi  le  chagrin  et 
l'humiliation  que  lui  causait  le  triom- 
phe, parfois  insolent,  d'une  rivale. 
Enfin  elle  quitta  la  cour  ,  en  avril 
i(>7  î,  laissant  le  champ  libre  à  Aï"" , 
de  Montespan,  qui ,  n'en  ayant  plus 
rien  à  craindre,  lui  témoigna  la  plus 
grande  afïcction.  L'empire  que  l  or- 
gueilleuse maîtresse  exerçait  sur  le 
cœur  du  roi,  la  lit  bientôt  prétendre 
à  obtenir  du  crédit  ,  et  de  l'autorité 
dans  les  affaires.  Celle  à  qui  elle  sut 
cédait ,  avait  eu  1 1 
pas  désirer;  mail  la  différend 
grande  eni  ictère  cl  1 


496  MON 

sion  des  deux  maîtresses.  L'ambi- 
tion de  Mme.  de  Montespan  fut  sa- 
tisfaite :  elle  avait  tant  de  moyens 
d'influer  sur  L'esprit  du  prince  ,  que 
les  ministres  et  les  courtisans  se  sou- 
mirent à  elle  à  l'envi.  Louis  XIV  lui- 
même  ,  abuse  par  la  vivacité  et  l'ap- 
parente étourderie  de  la  marquise ,  la 
montrait  aux  ministres  comme  un 
enfant;  et  cet  enfant  sut  tous  les  se- 
crets de  l'état.  On  demanda  même, 
et  l'on  suivit  plus  d'une'  fois  ses  con- 
seils. Ce  qui  flatta  beaucoup  encore 
Mme.  de  Montespan,  dans  son  nouvel 
état,  ce  fut  la  facilité  qu'elle  eut  de 
satisfaire  son  goût  ardent  pour  la 
magnificence.  Tels  furent  les  liens 
étroits  qui  l'attachèrent  au  vice  ,  et 
qui  lui  préparèrent  tant  de  peines 
pour  le   temps   où  la  nécessité  la 
força  de  les  rompre.  Pendant  plu- 
sieurs années,  le  cœur  de  Louis  XIV 
appartint  tout  entier  à  la  marquise  ; 
les  amours  passagères  du  roi  ne  l'em- 
pêchaient point  de  revenir  bientôt  à 
sa  séduisante  maîtresse.  Mais  avec  le 
temps  s'amortit  la  vivacité  de  cette 
passion.  L'âge  du  roi ,  et  le  calme 
d'une  longue  possession  ,  permirent 
aux  réflexions  de  se  présenter  à  son 
esprit;  Mme.  de  Montespan  sentit 
aussi  des  remords.  Dès  l'année  1675, 
commencèrent  ces  projets  de  réfor- 
me cent  fois  abandonnés  et  repris 
cent  fois  (  1  ) ,  qui  firent  si  souvent  un 
Supplice  d'une  liaison  qui  dura  en- 
core plusieurs  années.  Le  repentir  7 
les  scrupules  ,  dans  l'ame  de  Louis 
XIV,  succédaient  rapidement  à  l'a- 
mour; et  pour  ne  pas  lui  déplaire  , 


MON 

Mme.  de  Montespan  se  vit  obligée  de 
cacher  la  naissance  de  ses  deux  der- 
niers enfants ,  avec  autant  de  soin 
qu'elle  en  avait  pris  pour  dérober  à 
la  cour  l'existence  des  premiers  (1  ). 
Sun  humeur  impérieuse,  trop  accou- 
tumée à  braver  l'opinion ,  souffrit 
de  cette  gêne  ;  elle  la  montra  par  de 
vifs  démêlés  avec  son  amant ,  qu'elle 
ne  faisait  ainsi  que  refroidir  et  éloi- 
gner. Une  autre  personne  entretenait 
le  roi  dans  le  dessein  de  mener  une 
vie  plus  régulière.  Mmc.  Scarron , 
devenue  Mme.  de  Mainlenon ,  d'abord 
gouvernante  des  enfants  de  Mme.  de 
Montespan,  puis  son  amie,  et  enfin 
son  heureuse  rivale  dans  la  confiance 
de  Louis  XIV,  se  sentant  forte  d'une 
réputation  sans  tache,  empruntait  la 
voix  de  la  religion  et  de  la  morale 
pour  ramener  Louis  de  ses  erreurs. 
Les  exhortations  de  Mme.  de  Main- 
tenon  ,  sévères  ,  et  cependant  tou- 
jours mesurées ,  appuyées  de  celles 
d'autres  personnes  qui  s'entendaient 
avec  l'adroite  favorite,  frappaient  le 
monarque  par  leur  justesse;  mais 
habitué  depuis  long  -  temps  à  céder 
à  l'attrait  du  plaisir  ,  il  s'y  laissait 
entraîner  avec  Mme.  de  Montespan , 
pour    revenir    ensuite   déplorer   sa 
fragilité  auprès  de  Mme.  de  Main- 
tenon.  Telle  fut  la  cause  de  la  jalou- 
sie réciproque  de  la  maîtresse  et  de 
la  favorite.  Le  roi   lui-même  était 
obligé  d'intervenir  dans  leurs  que- 
relles, et  de  les  racommoder  pour 
les  voir  de  nouveau  se  brouiller  le 
lendemain.  Un  incident  suspendit  ces 
altercations;  et  le  prince,  que  se 


(1)  Cette  conduite  de  Mme.  de  Montespan  n'était 
qu'une  alternative  d'amour  et  de  dévotion.  ï\lle  ue 
lui  fut  point  inspirée  ,  comme  on  dit  ,  par  Mmc.  de 
M  tintenon  :  la  marquise  jalouse  de  conserver  le  cœur 
du  roi  ,  suivait  les  variations  de  ce  prince  ;  et  Mme. 
de  Maintenou  n'influa  sur  M'ne.  de  Montespan  ,  que 
par  ses  conseils  pour  le  décider  il  renoncer  n  un  eoiu- 
werce  criminel. 


(i)  L'aînée,  depuis  duchesse  de-  Chartres,  ava;t 
été  le  gage  du  raccommodement  des  deux  amants 
après  la  première  séparation  de  itijS,  ù  l'occasion 
d'un  jubilé.  C'est  ce  qui  a  fait  dire  à  Mnie.  de  Cay- 
lus  ,  qu'il  lui  semblait  que  cette  princesse  avait  dont 
son  caractère  ,  sajigure  ,  et  toute  sa  personne  ,  dei 
traces  de  ce  combat  de  l'amour  et  dit  jubilé.  11  faut 
voir  encore  dans  Mme.  de  Caylus  comment  Se  lit  le 
raccommodement. 


MON 

disputaient  deux  femmes,  se  donna 
lout  entier  à  une  troisième  {V.  Fon- 
tanges  }.  Le  règne  de  cette  dernière 
fut  court;  elle  mourut  (en  1681  ): 
mais  cet  événement  ne  ramena  pas 
Louis  à  ses  anciennes  liaisons;  il  fut , 
au  contraire,  pour  lui  la  source  de 
nouvelles  réflexions.  M,ne.  de  Mon- 
tespan  était  délivrée  d'une  rivale  ; 
mais  il  lui  en  restait  une  encore 
plus  dangereuse.  La  passion  du  roi 
pour  la  duchesse  de  Fontanges  avait 
été  moins  nuisible  à  Mme.  de  Main- 
tenon  ,  qu'à  Mmc.  de  Montespan. 
La  première  ne  voulait  de  Louis 
(pie  sa  confiance;  et  il  n'avait  pu 
l'accorder  à  une  maîtresse  dont  Pu- 
nique mérite  était  la  beauté.  Au  pre- 
mier tort  d'avoir  montré  une  joie 
indécente  de  la  mort  de  Mme.  de 
Fontanges,  Mme.  de  Montespan  joi- 
gnit celui  de  se  mêler  dans  des  intri- 
gues qui  devaient  faire  perdre  a  Mrac. 
de  Maintenon  l'estime  du  roi  :  elles 
n'eurent  pas  de  succès.  Mme.  de 
Maintenon  se  justifia;  et  sa  liaison 
avec  Louis  XIV  ,  devenant  plus  in- 
time, celle  de  Mme.  de  Montespan  se 
rompit  pour  toujours:  il  n'y  eut  plus 
entre  eux  que  quelques  apparences 
d'amitié  ,  et  des  égards.  Il  ne  restait 
à  Mme.  de  Montespan  qu'un  parti 
à  prendre,  celui  de  la  retraite;  elle 
ne  put  s'y  décider.  Nourrissant  l'es- 
poir trompeurde  recouvrer  sa  faveur 
passée,  elle  renouvela  le  spectacle 
qu'avait  donné  la  malheureuse  du- 
chesse de  La  Vallière;  et  ce  que  celle- 
ci  avait  enduré  par  tendresse,  elle  le 
souffrit  par  ambition.  C'était  cepen- 
dant I'  mi  utile  de 
ce  que  lui  avait  dit  M""-,  de  La  Val- 
lière, lorsque  plus  d'une  foiselleétait 
allée  chercher  a  »s  con- 
solations. I  man- 
dant vai  jour  si  1  ai  c 
fpi'on  le  d; 

XXIX. 


MON  497 

répondit  la  carmélite  ,  mais  je  suis 
contente  (  1  ).  Il  en  fut  ainsi  jusqu'en 
1686  ,  que  Louis  XIV,  choqué  de 
voir  que  Mmc.  de  Montespan  espé- 
rait encore  le  ramener  ,  lui  fit  signi- 
fier qu'il  n'aurait  plus  de  liaisons 
d'aucun  genre  avec  elle  ,  et  qu'il  la 
reléguerait  à  Paris  ,  si  elle  conti- 
nuait à  l'importuner  de  ses  préten- 
tions. Mmc.  de  Maintenon  fut  char- 
gée de  cette  mission  ;  et  ce  choix  ne 
pouvait  que  rendre  le  coup  plus  sen- 
sible. A  cette  époque  rien  ne  retenait 
plus  Mme.  de  Montespan  à  la  cour  : 
la  reine  était  morte  depuis  plusieurs 
années  ;  et  la  charge  de  surinten- 
dante de  sa  maison  (2)  qu'avait  oc- 
cupée près  d'elle  la  marquise,  n'exis- 
tait plus.  Elle  resta  encore  quelque 
temps  ;  mais  rien  ne  soutenant  ses 
espérances,  elle  sentit  enfin  qu'elle 
n'avait  plus  qu'à  se  retirer  (  3  ). 
D'ailleurs  cette  résolution  devenait 
nécessaire;  et  l'on  avait  eu  la  du- 
reté de  la  lui  faire  suggérer  par  le 
duc  du  Maine.  Mmc.  de  Montespan 
fut  quelque  temps  à  s'habituera  l'es- 
pèce de  vide  où  elle  se  trouvait  au 
sortir  d'une  cour  brillante,  sur  la- 
quelle elle  avait  régné  pendant  tant 
d'années.  Elle  promena  son  ennui 
en  différents  lieux,  dans  ses  terres, 
aux  (aux  de  Bourbon  et  ailleurs. 
Enfin  la  religion  lui  offrit  un  refuge, 
et  elle  s'y  jeta  tout  entière.  Jamais 
au  milieu  de  ses  désordres  elle  n'a- 
vait cessé  de  remplir  extérieurement 
ses  devoirs  de  piété;  et  comme  quel- 


,  avril  i(i;(i. 
(a)  Elle  L'avnil  nchel 
m.-  de  déni  c«ul  mil!,   i 

quittet    la    i 
l'affaire  «1rs  poisons 

■  In  voit  .  par  !«■  journal 
pu  •-  le  mai  i  >g«  d<    M 
de  tfoDtespaii  v'"'  '•"'  1 

CpVc  •    i<H|r  ,  qa'«  Ile  la  <|ui*lu  ! 

id  moitié  (U    1 

3* 


4g8 


MON 


qucs  personnes  s'en  étonnaient ,  elle 
dit  :  Parce  quon  fait  mal  en  une 
chose ,  faut-il  le  faire  en  toutes? 
Elle  se  retira  dans  la  communauté 
des  filles  de  Saint- Joseph ,  qu'elle 
avait  augmentée  et  enrichie.  Par 
son  premier  acte  de  repentir,  elle 
montra  que,  si  elle  avait  commis 
des  fautes  graves  et  nombreuses,  la 
plus  austère  pe'nitence  pouvait  l'ai- 
der à  les  expier.  Le  père  La  Tour, 
de  l'Oratoire,  célèbre  directeur  de 
ce  temps  ,  lui  donna  le  conseil  d'é- 
crire  au  marquis  de  Montespan  dans 
les  termes  les  plus  soumis,  lui  of- 
frant de  se  remettre  entre  ses  mains, 
ou  de  se  rendre  dans  le  lieu  qu'il 
voudrait  lui  indiquer.  11  n'y  avait 
que  la  religion  qui  pût  porter  Mme. 
de  Montespan  à  cette  démarche;  car 
un  arrêt  du  Châtelet  de  Paris  avait 
prononcé  sa  séparation  d'avec  son 
mari,  au  mois  de  juillet  1676  (  1  ). 
L'époux ,  trop  long-temps  outragé  , 
répondit  qu'il  ne  voulait  ni  la  rece- 
voir, ni  lui  rien  prescrire,  ni  jamais 
entendre  parler  d'elle;  et  il  mourut 
sans  lui  avoir  pardonné.  Mme.  de 
Montespan  avait  toujours  aimé  à 
soulager  l'indigence  :  ce  penchant  si 
louable  ne  fit  que  s'accroître  ;  et  dans 
les  dernières  années  de  sa  vie ,  cette 
femme  jadis  si  sensuelle ,  que  l'a- 
mour du  luxe  avait  si  fort  contribué 
à  jeter  dans  le  désordre  ,  ne  connut 
plus  que  les  privations  de  tout  genre. 
Elle  employait  tous  ses  moments  à 
travailler,  et  à  faire  travailler  pour 
les  pauvres  les  personnes  qui  l'en- 
touraient, payait  de  nombreuses  pen- 
sions à  des  nobles  sans  fortune , 
dotait  des  orphelines  ,  et  s'imposait 
pour  satisfaire  à  tant  de  largesses  , 
de»  sacrifices  continuels.  Enfin  Mmc. 


(  1  )  Lett.  de  M1»»,  de  Maiuteuoa  à  l'abbé  Go- 
beii*. 


MON 

de  Montespan  crut  encore  réparer  ses 
fautes  en  se  soumettant  à  des  jeunes 
fréquents,  à  de  cruelles  macérations; 
et  ce  zèle  ,  qu'on  pourrait  appeler 
outré,  se  soutint  jusqu'à  la  fin  de  sa 
vie.  Mais  les  austérités  de  la  péni- 
tence ne  la  détournèrent  point  de 
son  goût  pour  les  voyages;  elle  es- 
sayait de  calmer  ainsi  son  inquiétude 
naturelle,  et  d'éteindre  rattachement 
qu'elle  conserva  long-temps  pour  la 
cour.  «  On  aurait  pu  croire,  dit  Saint- 
»  Simon,  qu'elle  espérait  tromper 
»  la  mort  en  changeant  de  lieu  si 
»  souvent.  »  Elle  se  disait  toujours 
malade,  sans  l'être  véritablement; 
et  elle  montrait  constamment  la 
crainte  la  plus  vive  de  mourir.  Son 
appartement  restait  éclairé  pendant 
la  nuit;  et  l'on  veillait  assidûment 
pour  qu'elle  ne  se  trouvât  pas  seule 
en  cas  que  son  sommeil  vîut  à  s'in- 
terrompre. Voilà  comment  Mmc.  de 
Montespan  passa  ses  dernières  an- 
nées. Appliquée  continuellement  à 
expier  ses  torts  passés ,  elle  retrouva 
les  sentiments  d'une  bonne  mère 
pour  le  duc  d'Antin  ,  seul  enfant 
qu'elle  eût  eu  du  marquis  de  Montes- 
pan, et  pour  qui  elle  avait  témoigné 
long-temps  une  grande  indifférence. 
Elle  aimait  beaucoup  ses  autres  en- 
fants ,  et  chérissait  surtout  le  comte 
de  Toulouse,  prince  doué  des  meil- 
leures qualités  ,  qui  sut  mériter  l'es- 
time de  son  père,  et  fut  toujours 
pour  sa  mère  filsv  tendre  et  respec- 
tueux. Au  commencement  de  l'année 
1707  ,  Mmc.  de  Montespan  se  ren- 
dit à  Bourbon-l'Archambault.  Quoi- 
que sa  santé  ne  parût  nullement  eu 
danger,  un  pressentiment  qu'elle  ne 
cacha  pas,  l'engagea  cependant  à 
payer  d'avance  ,  et  pour  deux  ans , 
les  pensions  qu'elle  faisait  à  beaucoup 
de  personnes.  L'événement  justifia 
sa  généreuse  prévoyance  :  à  la  Cm 


MON 

<!u  mois  de  mai,  elle  fut  attaquc'e  de 
la  maladie  qui  la  conduisit  au  tain 
beau.  S'étant  fait  saigner  mal-à-pro- 
pos ,  elle  eut  uu  transport  au  cerveau, 
et  ne  survécut  que  peu  de  jours. 
Quoique  âgée  alors  de  soixante-six 
ans  ,  elle  avait  conservé  presque 
toute  sa  beauté.  Ainsi  finit  cette 
femme  remarquable  par  ses  charmes, 
son  esprit ,  et  le  rôle  qu'elle  joua 
pendant  une  partie  du  règne  le  plus 
brillant  de  la  monarchie.  Une  maî- 
tresse ,  dans  l'ancien  ordre  des  cho- 
ses ,  était  un  personnage  de  la  plus 
haute  importance;  elle  exerçait  sou- 
vent un  empire  absolu  sur  un  prince 
presque  absolu  lui-même  dans  son 
royaume.  Le  caractère  et  jusqu'aux 
capricesd'une  femme  méritent  d'être 
observés  ,  lorsque  leur  influence  s'é- 
tend sur  les  destinées  d'un  empire. 
Sous  ce  rapport  Mme.  de  Montespan 
est  digne  de  fixer  l'attention.  Il  est 
permis  de  croire  qu'elle  a  contribué 
à  développer  chez  Louis  XIV,  ce 
goût  des  grandes  choses,  et  de  la 
magnificence,  dont  le  germe  existait 
dans  l'arne  élevée  de  ce  prince.  Mme. 
de  Montespan  était  passionnée  poul- 
ie luxe,  qui  durant  sa  faveur  s'empara 
de  la  cour,  s'étendit  partout ,  polit 
les  mœurs  ,  en  les  corrompant  peut- 
être,  imprima  tant  d'activité  au  com- 
merce ?  aux  manufactures,  et  donna 
uu  si  grand  ressort  au  génie  des 
beaux-arts.  Mais  à  coté  du  bien  es!  le 
mal  :  c«'t  amour  de  M""',  de  Montes- 
pan  pour  le  faste,  partage',  favorisé 
par  son  royal  amant,  entraîna  une 
prodigalité  dont  on  se  fit  si  long- 
temps une  habit  dont  plus 

on  devait  sentir  les  triste 
sullals.   Dans  la  d'tttte   per- 

sonne éminemment  spirituelle,  douée 

du    goût  le    plus    sur  .    le    pli: 

lirai  ,    et     mèiii  mees 

•Rendues  pour  sou   se.\ 


MON 


499 


dont  l'éducation  avait  été  négligée, 
mais  qui  était  né  avec  un  tact  si 
pariait,  connut  le  prix  du  savoir  et 
de  l'esprit,  et  se  confirma  dans  la 
noble  résolution  de  les  protéger. 
Mml'.  de  Montespan  eut  la  gloire 
de  l'imiter;  elle  favorisa  La  Fontai- 
ne, Molière  ,  Quinault.  C'est  elle  qui 
donna  au  roi  l'idée  de  faire  écrire 
son  histoire  par  Racine  et  par  Boi- 
leau;  le  choix  n'était  pas  heureux  : 
il  prouve  seulement  l'estime  qu'elle 
avait  pour  le  véritable  talent;  et  si 
c'était  une  flatterie,  on  conviendra 
qu'elle  ne  venait  pas  d'une  femme 
commune,  d'une  maîtresse  ordinaire. 
M,nc.  de  Montespan  eut  une  gloire 
encore  plus  solide.  On  la  vit  souvent 
donner  sou  appui  à  la  vertu;  lorsqu'il 
fut  question  de  nommer  un  gouver- 
neur pour  le  dauphin  (  1668),  la 
marquise,  dont  la  faveur  naissante 
était  déjà  si  bien  assurée,  confirma 
le  monarque  dans  le  choix  qu'il 
avait  fait  du  sage  Montausier.  Quel- 
que bien  qu'on  puisse  lui  attribuer, 
elle  n'en  a  pas  moins  été  généra < 
lement  jugée  avec  la  plus  grande  se" 
vérité.  Rien  de  moins  étonnant  : 
elle  ravit  le  cœur  du  roi  à  Mme.  de 
La  Vallièrc,  et,  d'un  commerce  cri- 
minel, le  jeta  dans  Un  autre  plus 
criminel  encore. Ce  qui  cause  surtout 

ce  d'aversion  qu'elle  inspire, 
c'est  qu'en  admettant  qu'elle  eut  une 
véritable  tendresse  pour  Louis  XIV, 
ce  n'était  plus  cet  amour  si  vif  et  si 

téressé  de  la  presque-vertueuse 
La  Vallière.  Celle-ci  n'aimait  (pie 
Louis ,  tandis  que  c'était  plutôl  le 
roi  qu'aimait  M11"',  de  Montespan. 
I  i  marquise  a  été' sacrifie'e  également 
par  les  nombreux  partisans  de  iM,m". 
de  La  Vallièiv,  et  pu-  les  par 
: de  M.iint.  i 

qui  ne  voient  d  induite  (!<■ 

lernière,  que  l'effet  de  l'amour 
3a„ 


5oo  MON 

le  plus  pur  de  la  religion ,  des  mœurs 
et  du  roi;  qui  la  regardent,  ainsi 
qu'elle  le  croyait  elle-même  (F. 
Maintenon),  comme  ayant  e'té  sus- 
citée pour  arracher  Louis  XIV  à 
l'erreur  ,  el  le  mettre  dans  la  voie  de 
la  vertu  :  ceux-là  certes  ne  sont  pas 
portés  à  traiter  favorablement  la  maî- 
tresse qui  s'opposa  si  longtemps  à  la 
prétendue  mission  de  sa  rivale ,  celle 
qui  lui  fit  sentir,  avec  la  hauteur  na- 
turelle de  son  caractère,  d'abord  son 
empire,  puis  sa  jalousie,  enfin  celle 
qui  lui  voua  la  haine  la  plus  décidée, 
Remarquons  cependant  ici  que  ces 
deux  femmes,  qui  furent,  pour  ainsi 
dire,  presque  toujours  en  guerre  dé- 
clarée, semblaient  faites  pour  s'ap- 
précier réciproquement,  et  pour  s'ai- 
mer: elles  le  sentaient  elles-mêmes; 
Mme.  de  Maintenon  nous  le  dit,  et 
tout  le  monde  connaît  l'anecdote  du 
carrosse,  dans  lequel,  pendant  un 
voyage  de  la  cour,  ces  deux  dames  se 
trouvèrent  placées  ensemble  :  «  Ne 
»  soyons  pas  dupes  de  cette  affaire- 
»  ci,  dit  la  marquise,  causons  comme 
»  si  nous  n'avions  rien  à  démêler; 
»  bien  entendu  que  nous  ne  nous  en 
5)  aimerons  pas  davantage,  et  que 
i>  nous  reprendrons  nos  démêlés  au 
»  retour  (  i  ).  »  Si  l'on  veut  juger  im- 
partialement Mme.  de  Montes  pan,  on 
reconnaîtra  que  ,  née  pour  la  vertu  , 
et  longtemps  éloignée  de  la  galan- 
terie ,  elle  fut  entraînée  dans  le  vice 
par  un  fatal  concours  de  circons- 
tances. Aimée  du  prince  le  plus  sé- 
duisant, maltraitée  par  son  époux, 
l'amour,  le  ressentiment,  l'écartèrent 
d'abord  de  son  devoir;  enfin  l'ambi- 
tion, suite  naturelle  de  son  caractère, 
ambition  soutenue  par  tout  ce  que 
peut  avoir  de  charmes  la  femme  la 
plus  accomplie  :  voilà  ce  qui  amena 

(i)  SouTcnlrs  de  Cajlu». 


MON 

par  degrés  le  sacrifice  entier  de  sa 
vertu.  Mme.  de  Montespan  avait  le 
cœur  bon;  les  larmes  qui  remplis- 
saient ses  beaux  yeux,  lorsqu'on  par- 
lait d'un  infortuné,  avaient  donné 
naissance  à  la  passion  de  Louis  XIV: 
elle  marqua  sa  longue  faveur  par  de 
nombreux  bienfaits;  et  ce  noble  pen- 
chant, survivant  à  sa  fortune,  fut 
la  consolation  et  l'espoir  de  ses  der- 
niers jours.  L'inégalité  de  son  hu- 
meur ,  dont  quelques  personnes  souf- 
frirent autour  d'elle  ,  ne  doit  pas 
faire  douter  de  sa  bonté.  On  a  pu 
lui  reprocher  avec  raison  une  sorte 
d'insensibilité  pour  ses  enfants  ;  mais 
si  les  intrigues  qui  remplirent  sa  vie 
si  agitée,  affaiblirent  en  elle  pour 
un  temps,  les  sentiments  de  la  na- 
ture, ils  reprirent  toute  leur  force  , 
lorsqu'elle  fut ,  pour  ainsi  dire,  ren- 
due à  elle-même.  Enfin,  de  l'aveu 
même  de  personnes  qui  eurent  à  se 
plaindre  d'elle  ,  cette  femme  célèbre 
eut  des  défauts  ,  mais  aussi  de  gran- 
des qualités.  Une  haute  ambition, 
d'abord  satisfaite,  et  plus  tard  trom- 
pée, altéra  son  caractère;  mais  on 
put  toujours  retrouver  en  elle,  dans 
la  faveur  et  surtout  dans  la  disgrâce, 
une  ame  grande,  un  cœur  compa- 
tissant,  un  esprit  élevé  et  sensible 
à  la  bonne  gloire  (i).  Si  Mnic.  de 
Montespan  est  généralement  traitée 
sans  indulgence,  c'est  qu'on  la  con- 
naît peu,  et  que,  depuis  plus  d'un 
siècle ,  on  a  toujours  adopté  sur 
parole  les  jugements  de  ces  mêmes 
courtisans,  qui ,  après  en  avoir  fait 
leur  idole,  en  firent  par  intérêt  l'ob- 
jet de  leurs  détractions.  Voltaire  rap- 
porte (a)  qu'elle  convint  avec  Mm e. 
de  Maintenon,  lorsque  leur  bonne 
intelligence  durait  encore,  d'écrire, 


(i)  Lrttrcs  dr-  irLiii'lcnoii.    Souvenirs  de  Csylvs, 
(a)  Siètlo  de  Loirs  XIV,  cliap.  i~. 


MON 

chacune  de  son  côte,  des  Mémoires 
sur  ce  qui  se  passait  à  la  cour.  L'ou- 
vrage ne  fut  pas  continué  long-temps 
Vl™  .  de  Montespan,  qui ,  dans 
ses  dernières  années,  se  plaii 
en  lire  des  fragments  à  ses  amis.  On 
a  cité  d'elle  quelques  vers,  entre  au- 
tres une  épigramme  (  i)  contre  M'n  . 
de  La  Vallière;  il  est  douteux  qu'elle 
en  soit  l'auteur.  Outre  le  fils,  très- 
connu  sous  le  nom  de  duc  d'Antin, 
dont  M.  de  Montespan  était  le  père, 
sa  femme  eut  de  Louis  XI Y  huit 
enfants  :  le  duc  du  Maine  {F.  ce 
nom);  le  comte  de  Vexin,  mort  en 
i683;  M1Ie.  de  Nantes,  mariée  au 
duc  de  Bourbon,  petit  fils  du  grand 
Coudé;  Mlle.  de  Tours,  morte  en 
1681;  i\Ille.  de  Blois  ,  mariée  au  duc 
d'Orléans,  régent;  le  comte  de  Tou- 
louse; et  deux  autres  fils  morts  jeu- 
nes. D— is. 

MONTESQUIEU  (  Charles  de 
Secondât,  baron  de  la  Brède,  et 
de  ) ,  naquit  près  de  Bordeaux  ,  le 
18  janvier  1G89  •>  ^ans  *e  château  de 
la  Brède  Qa),  où  il  passa  son  en- 
lance,  et  composa  des  ouvrages  qui 
lui  ont  acquis  une  gloire  qui  ne  pé- 
rira jamais.  La  terre  de  Montesquieu 
était  depuis  long-temps  dans  sa  fa- 
mille :  elle  avait  été  achetée,  en 
ï56i  ,  par  son  trisaïeul,  Jean  de 
Secondât ,  sieur  de  Roques  ,  maître- 
d'hôtel  de  Henri  II,  roi  de  N 
re.  Cette  terre  fut  érigée  en  bai 
par  Henri  III  ,  roi  de  Navarre  (  de- 
puis roi  de  France,  sous  le  nom  de 
Henri  IV  ) ,  en  faveur  de  Jacoh  de 
ndat ,  (ils  de  Jean,  «  pour  re- 
»  connaitre,  disait  le  roi,  les  bons, 


(  1  )   Elle  e»|   i  onnue 

S<>  V  r 
(>)  <■•■■ 
depuis  peu  pur  la  maison   d 

«U  LUle.  (Voj.VarU 


MON  Soi 

»  fidèles  et  signales  services  qui  nous 
»  ont  été  faits  par  lui  et  les  siens.  » 
Jean -Gaston  de  Secondât,  second 
fils  de  Jacob,  ayant  épousé  la  fille 
du  premier  président  du  parlement 
de  Bordeaux ,  acquit,  dans  cette  com- 
pagnie une  charge  de  président  à 
mortier.  11  eut  plusieurs  enfants , 
dont  un  entra  dans  le  service,  s'y 
distingua  ,  et  le  quitta  de  benne  heu- 
re :  ce  fut  le'père  de  Charles  de  Se 
coudât,  auteur  de  ['Esprit  des  lois. 
Ces  détails  de  généalogie  et  de  famil- 
le ,  qu'on  s'épargne  ordinairement 
quand  on  écrit  la  vie  des  grands 
hommes,  ne  pouvaient  être  passés 
sous  silence  dans  celle  de  Montes- 
quieu, dont  les  ouvrages  et  la  con- 
duite, ont  fait  voir  souvent  qu'il 
n'était  pas  indifférent  aux  prérogati- 
ves de  sa  naissance,  et  aux  privilèges 
attachés  à  ses  possessions  seigneuria- 
les. Dès  son  enfance,  il  annonça  une 
vivacité  d'esprit  qui  aurait  pu  faire 
présager  ce  qu'il  devait  être  un  jour. 
Son  père  mit  tous  ses  soins  à  culti- 
ver les  heureuses  dispositions  d'un 
fils ,  objet  de  son  espérance  et  de  sa 
tendresse.  Il  le  destina  à  la  magis- 
trature ;  et,  dès  sa  plus  tendre  jeu- 
nesse, Montesquieu  employa  l'acti- 
vité de  son  esprit  à  étudier  L'immen- 
se recueil   des  différents 

aotifs  et  à  demèier  les  rap- 
ports   compliqués   de  tant  de  bus 
obscures    ou    contradictoires;    Son 
goût  pour  l'étude  était  insatiabl 
s'il  fut  la  source  de  sa  gloire,  il  fut 
aussi  celle  de  son  bonheur.  Il  a  avoué 
qu'il  n'avait  jamais  eu  de  1  ! 
qu'une  heure  de  lecture  n'<  Û1  di 
11  se  délassait,  avec  les  livres  d'his- 
toire et  de  voya  es  travaux 
les  plus  arides  .sur  la  junsprin: 
mais  surtoill  ,  il  déli- 
ces Les  productions  d< 
nues  de  la  Grèce  et  de  Rome,  1  I 


5o2 


MON 


»  antiquité  m'enchante,  dit-il ,  et  je 
y>  suis  toujours  prêt  à  dire  avec  Pli- 
»  ne  :  C'est  à  Athènes  que  vous  al- 
v  lez;  respectez  les  dieux.  »  Ce  fut 
en  quelque  sorte  la  reconnaissance 
qu'il  avait  pour  les  anciens,  qui  le 
porta,  dès  l'âge  de  vingt  ans,  à  entre- 
prendre son  premier  ouvrage  :  il  l'a- 
vait compose  en  forme  de  lettres  ,  et 
il  cherchait  à  prouver  que  l'idolâtrie 
de  la  plupart  des  payens  ne  semblait 
pas  mériter  une  damnation  éternelle, 
Montesquieu  ne  fit  point  paraître  cet 
écrit.  Déjà  le  jugement  dominait  en 
lui  le  talent,  et  lui  apprenait  que  ce 
qu'il  produisait  alors  n'était  pas  di- 
gne de  se  placer  à  cote  de  ce  qu'il 
pourrait  produire  un  jour.  Il  fut  reçu 
conseiller  au  parlement  de  Bordeaux, 
le  24  février  1714*  Un  oncle  pater- 
nel ,  président  a  mortier  dans  ce  par- 
lement, ayant  perdu  un  fils  unique, 
et  voulant  conserver  dans  son  corps 
l'esprit  de  dignité  qu'il  avait  tâché 
d'y  répandre,  laissa  ses  biens  et  sa 
charge  à  Montesquieu,  qui  fut  nom  me 
président  à   Mortier,  le    i3  juillet 
17 16.    Quelques  années  après,    en 
11722  ,  il  fut  chargé  de  présenter  des 
remontrances  que  le  parlement  de 
Bordeaux  crut  devoir  faire  relative- 
ment à  un  impôt  sur  les  vins  :  il  ex- 
posa avec  force  !a  misère  du  peuple, 
et  obtint  la  justice  qu'il  demandait; 
anais  cette  concession  fut  de  courte 
durée  ,  et  l'impôt  supprimé  reparut 
sous  une  autre  forme.  Il  n'était  pas 
moins  zélé   pour  la    gloire  de  ses 
compatriotes  que  pour  leurs  intérêts. 
Une  société  d'hommes  unis  par  leur 
goût  pour  la  musique  et  les  ouvra- 
ges de  pur  agrément,  fonda  une  aca- 
démie à  Bordeaux,  en  1716.  Mon- 
tesquieu, qu'elle  ad  mit  dans  son  sein, 
entreprit   de   faire  de  cette  coterie 
de  beaux-esprits  une  société  savante. 
|i6  çluc  de  La   Force  y  protecteur 


MON 

de  cette  académie,  le  seconda  dans 
ses  vues.  On  jugea  ,  dit  d'Àlem- 
bert ,  qu'une  expérience  bien  faite 
serait  préférable  à  un  discours  faible 
ou  ta  un  mauvais  poème,  et  Bordeaux 
eut  une  académie  des  sciences.  Mon- 
tesquieu paya  son  tribut,  comme 
membre  de  cette  nouvelle  compa- 
gnie, en  y  lisant  quelques  écrits  sur 
l'histoire  naturelle.  Il  avait  un  goût 
particulier  pour  ce  genre  d'étude; 
mais  sa  constitution  physique  lui 
refusait  les  moyens  d'observation 
qui  en  sont  la  base.  Non-seulement  sa 
vue  était  courte  ,  mais  il  l'avait  fai- 
ble; et  cette  infirmité  augmenta  tel- 


lement en  lui  avec  les  années 


que 


vers  la  fin  de  sa  vie  ,  il  devint  pres- 
que aveugle.  Remarquons  aussi  qu'à 
l'époque  où  Montesquieu  s'appliqua 
à  l'histoire  naturelle ,  les  princi- 
pes fondamentaux  de  cette  science 
n'étaient  pas  encore  posés.  Il  y  fit 
peu  de  progrès,  et  peut-être  eût-il 
mieux  valu  qu'il  n'eût  pas  tenté  de 
la  connaître  ;  car  il  en  a  fait  une  fois 
dans  son  immortel  ouvrage  une  ap- 
plication fausse  et  presque  puérile. 
Cependant  son  génie  lui  faisait  pres- 
sentir les  rapports  de  cette  science 
avec  la  richesse  des  nations ,  les  ré- 
volutions des  empires,  les  besoins  et 
les  jouissances  de  l'homme  en  socié- 
té. 11  aurait  voulu  remplir  une  lacune 
dans  les  connaissances  humaines  , 
dont  il  appréciait  toute  l'étendue. 
C'est  ce  que  prouve  le  projet  d'une 
Histoire  physique  de  la  terre  an- 
cienne et  moderne ,  qu'il  fit  impri- 
mer en  17  19,  et  qu'il  répandit  par 
la  voie  des  journaux,  en  invitant  tous 
les  savants  de  l'Europe  à  lui  com- 
muniquer leurs  mémoires  et  leurs 
observations  sur  ce  sujet:  mais  bien- 
tôt il  sentit  que  si  l'esprit  de  l'hom- 
me ne  connaît  ni  obstacles  ni  limites , 
sa  vie  est  bornée  à  un  petit  nombre 


MON 

d'années ,  et  qu'il  est  contraint  de  se 
renfermer  dans  le  cercle  que  le 
temps  trace  autour  de  lui.  Montes- 
quieu, abandonnant  ses  recherches 
en  histoire  naturelle,  s'adonna  donc 
exclusivement  aux  sciences  morales 
et  historiques,  vers  lesquelles  {'en- 
traînaient la  pente  de  son  génie,  ses 
premières  études,  et  ses  fonctions 
comme  magistrat.  Il  lut  successi- 
vement ,  à  son  académie  de  Bor- 
deaux, une  dissertation  sur  la  Po- 
/  t  (/  ic  des  Romains  dans  la  reli- 
gion, prélude  de  l'ouvrage  qu'il  de- 
vait publier  un  jour  sur  le  peuple  le 
plus  étonnant  de  l'histoire;  un  Elo- 
ge du  duc  de  La  Force ,  et  une  Vie 
du  maréchal  de  Berwick  :  ce  der- 
nier morceau  rappelle  la  manière  de 
Tacite;  mais  nous  dirons  à  la  fin  de 
cet  article  tout  ce  qui  lui  manque  pour 
pouvoir  être  comparé  à  un  chef- 
d'œuvre  du  même  genre  de  ce  grand 
historien.  Ces  divers  essais  de  Mon- 
tesquieu ,  historiques ,  moraux  ou 
scientifiques ,  n'annonçaient  nulle- 
ment l'ouvrage  par  lequel,  à  l'âge  de 
trente-deux  ans,  il  signala  sou  entrée 
(tans  la  carrière  littéraire ,  les  Lettres 
persanes;  elles  parurent  en  1321, 
Il  est  bien  certain  que  le  cadre  ou 
l'idée  première  de  ce  livre  est  em- 
prunté du  Siamois  des  Amusements 
sérieux  et  comiques  de  Dufresny; 
mais  dans  les  ouvrages  d'esprit,  l'i- 
dée première  est  peu  de  chose  en 
comparaison  de  l'exécution.  Pour 
expliquer  le  prodigieux  succès  qu'eu- 
rent les  Lettres  persanes,  et  l'in- 

e  qu'elles  exercèrent,  il  ne  suf- 
fit pas  de  remarquer  qu'on  y  trouvait, 
•  ;  me  plus  appropriée  à 
lecteurs,  les  divers  genres 
de  talent  que  l'auteur  a  de'veloppe's 
•>  plus  utiles  et  plus 

\  ;  W  faut  rappeler  à 

quelle  époque  ce   livre  parut.  Dca 


MON 


5o3 


guerres  désastreuses  ,  des  persécu- 
tions cruelles  ,  des  hivers  rigou- 
reux, la  famine,  et  la  misère  des 
peuples  qui  est  la  suite  de  tous  ces 
fléaux,  avaient  attristé  la  fïndu  règne 
de  Louis  XIV.  Durant  les  brillantes 
années  de  ce  règne ,  le  peuple  fran- 
çais ,  soumis  et  reconnaissant  envers 
un  roi  qui  l'avait  élevé  au  premier 
rang  parmi  les  nations,  enivré  de 
ses  succès  et  de  sa  gloire,  était  resté 
comme  en  contemplation  devant  sa 
propre  grandeur.  Lorsqu'cnsuitc  les 
malheurs  publics  eurent  excité  les 
mécontentements;  l'habitude  de  l'o- 
béissance ,  et  la  crainte  qu'inspirait 
un  monarque  dont  l'âge  ni  les  re- 
vers ne  faisaient  point  fléchir  la  vo- 
lonté, maintinrent  tout,  autour  de 
lui ,  dans  un  respectueux  silence  : 
mais  quand  il  fut  descendu  dans  la 
tombe ,  la  nation  sembla  se  dédom- 
mager de  la  contrainte  qu'on  avait 
exercée  sur  elle,  et  ne  fut  que  trop 
puissamment  secondée  par  le  régent 
qui  avait  pris  les  rênes  du  gouverne- 
ment :  le  libertinagesuccéda  à  la  dévo- 
tion, Pefirdnterie  à  l'hypocrisie,  la 
familiarité  au  respect,  l'audace  à  la 
soumission.  La  liberté  de  tout  dire 
et  de  tout  écrire  avec  impunité,  por- 
tait à  examiner  ou  à  combattre  tout 
ce  qui  avait  été  consenti  sans  oppo- 
sition ou  approuvé  avec  enthou- 
siasme. C'est  au  milieu  de  cette  ef- 
fervescence des  esprits  que  parut  le 
livre  des  Lettres  Persanes  :  il  avait 
par  sa  forme  tout  l'attrait  d'un 
roman;  ou  y  trouvait  des  détails 
voluptueux,  et  des  sarcasmes  irré- 

1  s  ,  qui  flattaient  le  goût  du  m'  - 
de  pour  les  plaisirs,  et  son   pen- 
chant à  l'incrédulité';  <>n  y  lisait  dea 
< uts  pleins  de    hauteur  1 

,,i   sur   Louis    XIV,  • 
règne  qu'on  cherchait  dès-l^ 
déprécier  :  mais  <m  ne  pouvait  me- 


5o4 


MON 


connaître  non  plus  clans  ce  livre  un 
ardent  amour  pour  le  bonheur  de 
l'humanité;  un  zèle  courageux  pour 
le  triomphe  de  la  raison  et  de  la 
vertu  ;  des  aperçus  lumineux  sur 
le  commerce ,  le  droit  public ,  les 
lois  criminelles,  et  sur  les  plus  chers 
intérêts  des  nations  ;  un  coup-d'œil 
pénétrant  sur  les  vices  das  sociétés  et 
sur  ceux  des  gouvernements  :  il  an- 
nonçait enfin  un  penseur  profond , 
qui  surprenait  d'autant  plus  ,  que 
loin  de  se  complaire  dans  sa  force, 
il  ne  semblait  occupe  qu'à  la  déguiser 
sans  cesse ,  en  se  couvrant  du  mas- 
que de  la  frivolité.  Ce  qui  surtout 
dans  ce  livre  se  trouvait  à  la  portée 
de  tout  le  monde ,  et  enlevait  tous 
les  suffrages,  c'était  celte  satire,  si 
animée ,  si  fine ,  si  gaie,  si  spirituelle, 
de  nos  mœurs  et  de  nos  travers  ; 
c'était  ce  style  toujours  vif,  brillant , 
plein  d'heureuses  réticences,  de  con- 
trastes inattendus ,  et  dont  la  pi- 
quante ironie  s'élevait  quelquefois 
jusqu'à  la  plus  énergique  éloquence. 
Le  voile  de  l'anonyme,  dont  l'au- 
teur de  cette  production  sut  pendant 
quelque  temps  se  couvrir ,  contri- 
bua encore  à  irriter  la  curiosité  pu- 
blique. Quand  on  sut  que  c'était  l'un 
des  présidents  d'une  des  principa- 
les cours  souveraines  du  royaume  , 
l'opposition  qui  existait  entre  cet 
écrit  et  la  profession  grave  de  l'é- 
crivain ,  dans  ce  siècle  avide  de  scan- 
dale, contribua  encore  à  son  succès  : 
il  fut  prodigieux  ;  et  Montesquieu 
lui-même  se  vante  malignement  qu'à 
cette  les  libraires  allaient 

tirer  paria  manche  tous  ceux  qu'ils 
rencontraient  en  leur  disant  :  «  Mou- 
»  sic,  tous  des  Leltiesper- 

»  sanes;  r,  i  i  rien  n'avait  été 

plus  facile  que  de  faire  des  Lettres 
persanes.  Il  est  curieux  et  peut-être 
utile  de  remarquer  que  l'auteur  de  ces 


MON 

lettres  a  cependant  manqué  du  talent 
épistolaire  proprement  dit  :  il  ne  faut 
pas  croire  qu'il  le  dédaignât  ;  dans 
une  de  ses  lettres  au  président  Hé- 
nault,  il  témoigne  au  contraire  le  re- 
gret de  ne  pas  le  posséder.  Le  recueil 
des  Lettres  de  Montesquieu,  que  l'ab- 
bé de  Guasco  publia  eu  17^7  ,  n'en 
offre  aucune  qui  soit  remarquable  : 
presque  toutes  sont  fort  courtes; 
la  plupart  ne  sont  que  de  simples 
billets.  Elles  n'intéressent  que  par- 
ce qu'on  y  trouve  quelques  détails 
qui  nous  font  davantage  connaître 
l'homme  illustre  qui  les  a  écrites. 
On  peut  donner  plusieurs  raisons  de 
cette  singularité  :  d'abord  la  forte 
préoccupation,  sous  l'influence  de  la  • 
quelle  Montesquieu  était  presque  tou- 
jours pour  la  composition  de  ses  ou- 
vrages; son  extrême  vivacité ,  qui  ne 
lui  permettait  pas  de  s'étendre  dans 
une  lettre  au-delà  de  ce  qui  était 
nécessaire;  la  faiblesse  de  sa  vue,  qui 
le  condamnait  à  écrire  peu  de  mots 
à-la-fois,  ou  à  se  servir  d'une  main 
étrangère;  enfin  son  peu  de  faci- 
lité dans  la  rédaction,  que  démontre 
l'aspect  de  ses  manuscrits  chargés 
de  ratures  :  toutes  ces  causes  réunies 
le  rendaient  peu  propre  à  un  genre 
qui  exige  surtout  de  la  facilité,  de 
l'abandon  et  de  la  souplesse  ,  le  ta- 
lent d'improviser  ses  pensées  et  l'ha- 
bitude de  s'abandonner  aux  inspira- 
tions du  moment.  Quatre  ans  après 
avoir  publié  les  Lettres  persanes  , 
Montesquieu  fit,  en  i7')f>,  imprimer 
séparément  le  Temple  de  Gnide  (  1  ), 
bagatelle  ingénieuse,  mais  froide  et 
sans  intérêt,  où  l'esprit  est  prodigué, 
la  grâce  étudiée,  et  que  Mme.  du  Déf- 
iant avait  surnommé  1' 'Apocalypse 


(1)   Ln  première  édition  dq  Temple  de  Gn 
in-i*  1  <!<■  6a  pag.*  chea  Si  mari  ,  libraire  ;   l'a] 
tioti  est  <Jo|.  e  du  29   janvier  172")  :  la  petit*  pîtee  de 
C'éf>lii>c  et  L'Amour  se  douve  à  la  fuite. 


MON 

de  la  galanterie.  Au  reste  nous 
voyons,  par  une  lettre  écrite  à  Mon- 
crif,  en  17  38,  que  Montesquieu, 
long -temps  après  la  publication  du 
Temple  de  Guide,  ne  voulait  point 
consentir  à  avouer  cette  légère  pro- 
duction ,  qu'il  composa  pour  l'amu- 
sement de  la  société  de  MIIc.  de  Cier- 
mont.  11  dit,  dans  celte  lettre,  que 
le  libraire- éditeur  le  désobligerait 
beaucoup  s'il  allait  mettre  quelque 
chose  dans  sou  ment,  qui , 

directement  ou  indirectement,  pût 
faire  penser  qu'il  en  fût  l'auteur. 
u  Je  suis,  ajoutait-il t  à  l'égard  des 
»  ouvrages  qu'on  m'attribue,  comme 
»  Mme.  Fontaine -Martel  était  pour 
»  les  ridicules  ;  on  me  les  donne  , 
»  mais  je  ne  les  prends  pas.  »  Ce- 
pendant, même  dans  ce  médiocre 
ouvrage ,  on  remarque  quelques 
traits  qui  décèlent  Montesquieu  ; 
et ,  à  ce  sujet,  Laharpe  le  compare  a 
un  aigle  qui  voltige  dans  des  bocages, 
et  resserre  avec  peine  un  vol  fait 
pour  les  hauteurs  des  montagnes  et 
l'immensité  des  cieux.  Cette  même 
année,  Montesquieu,  à  l'ouverture  du 
parlement  de  Bordeaux,  prono:: 
discours  sur  les  devoirs  des  magis- 
trats, des  avocats,  des  procureurs,  et 
de  tous  ceux  qui  suivent  la  carrière 
du  barreau.  Ce  discours,  qui  a  été 
trop  peu  remai  écrit  d'un 

style  abondant ,  pîefi  m  ,  et 

s'éloigne  de  la   manière 
de  Montesquieu  ;   il   est  d 
d'éloquence  qui  s'adresse  encore  plus 
à  Pâme  qu'à  la  raison.  Cependant 
celui  qui  n  bien  les  d 

du  magistrat,  et,cn  semblait  si  pé- 
nétré, se  retira  presque  aussitôt, 
et   peut-être  p  is-m    mê- 

me ,    de  !  m  tes- 

quieu  vend 

i  sÎT  d'acqu  <  t  de 

se  livrer  entièrement  k  li  philoso» 


MON  5o5 

pbie  et  aux  lettre»,  fut  sans 
un  de  ses  motifs  ;  mais  i.t  principale 
cause  de  celte  détermination  bit 
qu'il  se  trouvait  et  qu'il  était 
rieur  à  ce  qu'il  devait  être  dans  son 
emploi.  Cette  continuelle  présence 
d'esprit ,  ce  jugement  prompt  et  fa- 
cile, cette  patience  attentive  qui  suit 
dans  tous  ses  détails  les  détours  de 
l'intérêt  privé-  cette  facilité d'éiocu- 
tion  qui  fait  ressortir  aux  yeux  des 
autres  la  vérité  et  la  justice,  qu'on  n'a 
qu'un  instant  pour  discerner,  qu'un 
instant  pour  faire  triompher  ;  toutes 
ces  qualités,  indispensables  dans  un 
juge,  manquaient  entièrement  à  Mon- 
tesquieu. Pour  s'en  convaincre  ,  il 
suffit  de  ses  propres  aveux  :  il  nous 
dit  que  tout  son  mérite,  dans  son 
tier  de  président,  se  réduisait  à  avoir 
le  cœur  droit,  et  à  entendre  assez  bien 
les  questions  en  elles-mêmes;  mais 
qu'il  n'avait  jamais  rien  compris  à  la 
procédure  ,  quoiqu'il  s'y  fut  appli- 
qué. Son  accent  gascon,  dont  il  pa- 
raît avoir  dédaigné  de  se  corriger  , 
sa  voix  claire  et  même  un  peu  criar- 
de, auraient  nui  aux  meilleurs  dis- 
cours, s'il  avait  pu  en  prononcer 
sans  préparation;  mais  il  ne  le  pou- 
vait pas.  «  Ma  machine ,  dit-il ,  est 
»  tellement  coi,  |  le  j'ai  be- 

»  soin  de  me  recueillir  dans  toutes 
»  les   matières  un    peu  abstj 

>  cela  me;  onfondent; 

s  écouté,  il 
»  me  semble  que  toute  la  (pu 

...nouit  devant  moi.  Plus 
»  traci  eillent  à-la-fois;  c!  i! 

ulte  de  là  q 

lité  ,    dit  il    eu- 
»  eore,  a  été  le  fléau  de  tout* 
»  Mi-;  elle  semblait  ol 
•>■>  mes 
»  tre  un  nu 
»  ranger  m 
telles  dispo  t  aspirer, 


5oG  MON 

du  fond  de  sa  retraite,  à  remuer  le 
monde  eu  composant    des  livres  ; 
s  iî  faut  renoncera  ces  fonctions 
publiques  qui  exigent  qu'on  exerce 
par  la  parole  une  influence  journa- 
lière sur  les  hommes.  Montesquieu  , 
libre  désormais  de  s'adonner  tout 
entier  à  la  philosophie  et  aux  lettres, 
se  présenta  comme  candidat  pour  la 
place  vacante  à  l'académie  française 
par  la  mort  de  M.  de  Sacy  ;  mais  le 
cardinal  de  Fleury  écrivit  à  l'acadé- 
mie, que  le  roi  avait  déclaré  qu'il 
ne  donnerait  point  son  approbation 
à  la  nomination  de  l'auteur  d'un  ou- 
vrage dans  lequel  se  trouvaient  des 
sarcasmes  impies.  «  Alors,  dit  Vol- 
»  taire,  Montesquieu  prit  un   tour 
»  fort  adroit  pour  mettre  le  ministre 
»  dans  ses  intérêts  :  il  fit  faire  en 
»  peu  de  jours  une  nouvelle  édition 
»  de  son  livre  dans  lequel  on  rctran- 
»  cha  ou  on  adoucit  tout  ce  qui  pou- 
:>  vait  être  condamné  par  un  cardi- 
»  nal  ou  par    un  ministre.   M.   de 
»  Montesquieu  porta  lui-même  l'ou- 
»  vrage   an  cardinal,  qui   ne  lisait 
»  guère,  et  qui  en  lut  une  partie  :  cet 
»  air  de  confiance ,  soutenu  par  l'em- 
»  pressentent  de  quelques  personnes 
»  en  crédit ,  ramena  le  cardinal,  et 
»  Montesquieu  entra  à  l'académie.  » 
Cette  anecdote,  insérée  dans  un  ou- 
vrage sérieux,  le   Siècle  de  Louis 
XIV,  et  attestée  par  le  plus  célèbre 
des  contemporains  de  Montesquieu, 
à  une  époque  où  la  plupart  des  amis 
de  cet  homme  illustre  vivaient  en- 
core, et  qu'aucun  d'eux  n'a  contre- 
dite^ été  rejetée  parles  biographes 
modernes ,  comme  tout-à-fait  invrai- 
semblable. Ils  assurent  au  contraire, 
que  Montesquieu  n'usa   point   d'un 
détour,  selon  eux,  peu  digne  de  lui; 
qu'il  ne  voulut  rien  désavouer  dans 
ses   Lettres  persanes,  et  qu'il  fut 
'hic  de  son  admission  aux  iiis- 


MON 

tances  du  maréchal  d'Eslrées ,  son 
ami.  Ceci  n'est  point  exact.  Montes- 
quieu tenait  au  moins  autant  à  la 
considération  due  à  sa  naissance ,  a 
son  rang  dans  le  monde,  qu'à  sa  re- 
nommée littéraire;  il  fut  à -la-fois 
consterné  et  offensé  du  refus  du  roi 
et  de  son  ministre,  et  surtout  des 
motifs  de  ce  refus ,  qui  était  une  sorte 
de  réprobation  de  l'autorité  royale  , 
relativement  à  lui  et  sa  famille.  «  Il 
•»  déclara  au  gouvernement,  ditd'A- 
»  lembert,  qu'après  l'espèced'oulra- 
»  ge  qu'on  allait  lui  faire,  il  irait  cher- 
»  cher  chez  les  étrangers,  qui  lui  ten- 
»  daicntlcsbras,  la  sûreté,  le  repos,  et 
»  peut-être  les  récompenses  qu'il  au- 
«  rait  du  espérer  dans  son  pays.  » 
Mais  en  ressentant  d'une  manière  no- 
ble et  ferme  l'affront  dont  il  était  me- 
nacé, Montesquieu  n'en  reconnaissait 
pas  moins  ses  torts;  et  il  est  certain 
qu'il  désavoua  d'une  manière  quel- 
conque les  lettres  de  son  ouvrage  qui 
fournissaient  un  motif  légitime  pour 
l'écarter  d'une  compagnie,  dont,  par 
son  institution,  le  roi  était  protec- 
teur. Montesquieu  ne  fit  rien  en  cela, 
quoi  qu'on  en  ait  dit,  qui  fût  indigne 
de  la  franchise  de  son  caractère.  Ja- 
mais il  ne  s'était  formellement  dé- 
claré l'auteur  des  Lettres  persanes. 
Quand  il  fut  pressé  de  les  désavouer, 
il  put,  en  se  refusant  à  cette  démar- 
che ,  désavouer  cependant  celles  de 
ces  lettres  qui  n'étaient  plus  confor- 
mes à  ce  qu'il  aurait  pensé  et  écrit, 
lorsqu'on  l'interpella  sur  ce  sujet.  La 
preuve  que  tel  était  son  sentiment,  se 
trouve  dans  les  ouvrages  qu'il  a  pu- 
bliés depuis ,  qui  contiennent  des  élo- 
ges sincères  de  la  religion  chrétienne, 
et  dans  les  démarches  qu'il  fit  au- 
près des  libraires  qui  réimprimaient 
ses  Lettres  persanes,  pour  qu'ils  en 
fissent  disparaître  ce  qu'il  appelait 
ses  Jweniiia,  D'A  lembert,  daus 


\ 


MON 

loge  de  Montesquieu,  qu'il  a  mis  en 
tête  d'un  des  volumes  de  l'Encyclo- 
pédie, dit  formellement  que,  dans  la 
première  édition  des  Lettres  persa- 
nes ,  L'imprimeur  étranger  en  avait 
inséré  qui  n'étaient  pas  de  l'auteur  ; 
cependant  d'Alembert  n'ignorait  pas 
que  ce  fait  était  inexact,  et  que 
cette  première  édition  était  bien  réel- 
lement conforme  au  manuscrit  au- 
tographe. Si  donc  d'Alembert  im- 
primait cela,  même  après  la  mort 
de  Montesquieu,  c'est  que, dans  l'in- 
térêt de  la  mémoire  de  cet  homme 
illustre,  dans  celui  de  sa  famille,  dans 
celui  de  l'académie  qui  l'avait  reçu, 
dans  l'intérêt  même  du  parti  philo- 
sophique, dont  d'Alembert  était  un 
des  organes,  et  qui  avait  quelque 
ménagement  à  garder  _,  on  trouvait 
nécessaire  de  considérer  celles  des 
Lettres  persanes  qui  avaient  été  dés- 
avouées par  Montesquieu,  comme 
n'ayant  pas  même  été  écrites  par  lui. 
Le  rapprochement  de  ces  diverses 
circonstances  démontre  qu'il  y  a  au 
moins  un  fonds  de  vérité  dans  ce  qu'a 
dit  Voltaire ,  auteur  mieux  instruit 
sur  l'histoire  de  son  temps  qu'on  ne 
le  pense  communément,  et  que,  sur 
sa  réputation  de  légèreté,  on  se  croit 
à  tort  autorisé  à  contredire  lé 
ment.  Montesquieu  prononça,  le  24 
janvier  1728,  son  discours  de  ré- 
ception à  l'académie  fiançai 
celte  époque,  l'éloge  du  cardinal  de 
Richelieu  était,  dans  ces  sortes  de 
discours,  une  obligation  à  laquelle 
on  ne  pouvait  se  soustraire.  Montes- 
quieu a  rempli  celte  obligation  par 
une  seule  phrase  nui  n'a  que  huit  li- 
gnes- et  ces  huit  lignes  sont  l'éloge 
le  plus  complet  quel' on  ;iii  fait  1 

i  ministre,  et  le  seul  qu'on  .ni 
'  nsuite 

ll.s   |('S 

pays  de  l'Europe.  .Sa  réputation  le 


MON  5o7 

fit  partout  accueillir  avec  empresse- 
ment. 11  alla  d'abord  à  Vienne,  où  il 
vit  souvent  le  prince  Eugène:  de  là 
il  passa  en  Hongrie,  et  ensuite  en  Ita- 
lie; il  connut  à  Venise  l'écossais  Law, 
qui,  du  sein  des  grandeurs,  de  la  cé- 
lébrité et  des  richesses  ,  était  tombé 
dans  l'obscurité,  l'oubli  et  la  pauvre- 
té' ,  et  qui  cependant  s'occupait  tou- 
jours à  combiner  son  fameux  systè- 
me :  il  y  entretint  aussi  le  comte  de 
Bonneval,  qui  n'avait  encore  par- 
couru qu'une  partie  du  cercle  de  ses 
aventures  romanesques.  De  Venise, 
Montesquieu  se  rendit  à  Rome,  où 
il  contracta  des  liaisons  avec  le  car- 
dinal Corsini,  depuis  pape,  sous  le 
nom  de  Clément  XII ,  et  avec  le  car- 
dinal de  Polignac,  auteur  de  Y  Anti- 
Lucrèce. On  prétend  que  Montes- 
quieu, avant  de  partir  de  Rome,  alla 
faire  ses  adieux  au  pape  Benoît 
XIV,  et  que  celui-ci  lui  fil  alors  ca- 
deau de  bulles  de  dispense;  mais 
que,  lorsqu'on  présenta  à  Montes- 
quieu la  note  des  frais  d'expédition 
de  ces  bulles ,  il  refusa  d'en  payer 
le  montant,  disant  qu'il  aimait  mieux 
s'en  rapporter  à  la  parole  du  saint- 
père.  De  Rome  ,  Montesquieu  se  ren- 
dit à  Gènes;  et  comme  il  ne  trou- 
va pas  dans  cette  ville  l'accueil  et 
les  plaisirs  qu'il  avait  partout  ren- 
contrés, il  exhala  son  humeur  dans 
des  stances  cyniques,  qu'il  n'avait 
pas  destinées  à  l'impression.  Quoi- 
qu'il eût  le  travers  ,  ainsi  que  plu- 
sieurs prpsateur5  du  dernier  siècle, 
«le  faire  peu  de  cas  de  la  poésie,  il 
a  cependant  compose'  en  vers  quel- 
ques bagatelles  ingénieuses,  où  Ton 

rque  «le  l'esprit  el  de 
:         :  une  des  meilleures  est  le  pol- 
irait «le  Wme.  ! 

pourainu- 
ser  le  1  <  i  de  Pologne.  Montesquieu 
paraît    UC  ilic    aveu 


5o8 


MON 


assez  de  facilite.  On  rapporte  que  se 
promena  ni  un  jour  dans  le  jardin 
de  Boileau  à  Auteuil,dont  le  médecin 
Gendron,  son  ami,  était  devenu  pro- 
priétaire, il  improvisa  ces  deux  vers: 


Apollo.i  ,  dan*  ces  lieux  ,   prît  ù  nous  «econrir) 
Quitté  l'art  do  rimer  pour  celui  de  guérir. 


De  l'Italie,  Montesquieu  alla  en  Suis- 
se; il  parcourut  les  pays  arrosés  par 
3e  Rhin ,  et  s'arrêta  quelque  temps 
en  Hollande.  À  la  Haye,  il  retrouva 
mi  lord  Chesterfield  ,  avec  lequel  il 
s'était  lie',  à  Venise,  d'une  amitié 
toute  particulière.  Celui-ci  lui  pro- 
posa  une   place   dans    son   yacht , 
pour  passer  en  Angleterre  ;  il  ac- 
cepta, et  s'embarqua  le  3i   octobre 
1759.  Montesquieu  résida  deux  ans 
en  Angleterre,  et  fut  recherché  avec 
empressement  par  tout   ce   qu'il  y 
avait  de  plus  distingué  dans  ce  pays. 
La  société  royale  de  Londres  i 'ad- 
mit au  nombre  de  ses  membres;  la 
reine    d'Angleterre    l'honora   d'une 
bienveillance  particulière  :  il  lui  adres- 
sa un  jour  une  louange  aussi  fine  que 
délicate  ,  et  faite  pour  flatter  son 
amour -propre  et  comme  femme  et 
comme  reine.  Voici  comment  il  alui- 
meme  raconté  celte  anecdote.  «  Je 
»  dînais  chez  le  duc  de  Pvichmond  ; 
»  le  gentilhomme  ordinaire  De  La 
»  Boinc ,  qui  était  un  fat ,  quoique 
»  envoyé  de  France  en  Angleterre , 
»  soutint  que  l'Angleterre  n'était  pas 
»  p'us  grande   que  la  Guienne  :  je 
»  tançai  mon  envoyé.  Le  soir  la  reine 
»  me  dit  :  Je  sais  que  vous  nous  avez 
»  défendus    contre   votre   Monsieur 
i)  de  La  Boine.  —  Madame,  je  n'ai 
»  pu  m'imaginer  qu'un  pays  où  vous 
»  régnez  ne  fût  pas  un  grand  pays.  » 
Montesquieu   était  trop  distrait  en 
société  pour  v  briller  beaucoup;  il 
avait  rarement  de  ces  réparties  heu- 
reuses du  genre  de  celle  que  nous 


MOxN 

venons  de  rapporter  :  on  en  raconte 
cependant  encore  une  autre  fort  gaie 
quoique  impolie,  que  lui  arracha  un 
moment  d'impatience  qu'il  eut  con- 
tre quelqu'un  qui  s'efforçait  de  lui 
persuader  une  chosedillicilcà  croire. 
«  iSi  ce  n'est  pas  vrai ,  lui  disait  avec 
»  force  cet  importun ,  je  vous  donne 
»  ma  tête.  —  Je  l'accepte,  répondit 
»  aussitôt  Montesquieu  ;  les  petits 
»  présents  entretiennent  l'amitié.  » 
Montesquieu,  était  dans  le  commerce 
habituel,  d'une  gaîté  douce ,  et  d'une 
vivacité  toujours  égale,   simple  et 
sans  prétentions.  «  J'aime,  disait-il, 
»  les  maisons  où  je  puis  me  tirer 
»  d'affaire  avec  mon  esprit  de  tous 
»  les  jours.  »  Cependant  il  lui  échap- 
pait quelquefois  des  saillies   de  ré- 
flexion qui  décelaient  la  profondeur 
de  son  esprit;  et  quand  il  était  ani- 
mé, il  racontait  avec  brièveté,  mais 
avec  feu,  et  même  avec  grâce.  Ses 
voyages  luiavaientappris  à  se  ployer 
à  tous  les  goûts  ,  à  s'accommoder  de 
tous    les    caractères.     «    Quand    je 
»  suis  en  France,  dit-il,  je  fais  amitié' 
»  à  tout  le  monde;  en  Angleterre,  je 
»  n'en  fais  à  personne;  en  Italie,  je 
»  fais   des  compliments  à  tout   le 
»  monde  ;   en  Allemagne,  je   bois 
»  avec  tout  le  monde.  »  De  retour 
dans  sa  patrie,  Montesquieu  se  re- 
tira dans  son  château  de  la  Brède. 
Il  avait,  soit  avant,  soit  pendant 
ses  voyages  ,  fait  imprimer  en  Hol- 
lande   un   opuscule    intitulé    :   B.é- 
jlexions  sur  la  Monarchie  univer- 
selle en  Europe  ,  dont  il  nous  a  été 
remis  un  exemplaire  :  cet  opuscule 
a  été  inconnu  jusqu'ici  à  tous  ceux 
qui  ont  eu  occasion  de  parler  de  Mon- 
tesquieu ou  de  ses  ouvrages.  Lui-mê- 
me néanmoins  en  fait  mention  dans 
un  passage  de  Y  Esprit  des  lois  (1). 

(1)  Dans  une  note  du  liv.  XXI ,  ciiap.  XXII  ,  ton*. 
»,  p.  2'74>  édit.  <leL«<iuieu;  «*Ue  note  est  mus» 


MON 

Il  paraît,  d'après  une  note  de  sa 
main,  qui  se  trouve  eu  lèle  du  seul 
exemplaire  de  cet  opuscule  que  nous 
ayons  vu ,  que  Montesquieu  craignit 
que  quelques  passages  de  cette  bro- 
chure ne  fussent  mal  interprètes  , 
qu'il  la  corrigea  dans  le  dessein  de 
la  faire  imprimer  ainsi ,  et  qu'ensuite 
il  ne  jugea  pas  à  propos  de  la  livrer 
au  public.  Cet  écrit  tendait  à  prou- 
ver que  dans  l'état  des  nations  mo- 
dernes de  l'Europe,  il  était  impos- 
sible, même  au  plus  habile  et  au 
plus  ambitieux  des  souverains ,  de 
fonder  une  monarchie  universelle. 
Dans  le  même  temps  que  Montes- 
quieu recherchait  les  obstacles  qui 
s'opposaient,  dans  l'Europe  moder- 
ne ,  à  ce  qu'un  peuple  pût  établir  sa 
domination  sur  tous  les  autres  ,  il 
examinait,  par  la  liaison  nécessaire 
de  ces  mêmes  idées  ,  quelles  étaient 
les  causes  de  la  prospérité  et  de  la 
chute  du  peuple  célèbre  qui  soumit 
à  son  orgueilleuse  domination  tous 
les  états  du  monde  civilisé  et  qui 
fit  de  la  Méditerranée  un  lac  de  son 
vaste  empire.  Après  deux  ans  de 
séjour  dans  sa  retraite  de  la  Brède, 
Montesquieu  publia ,  en  1734,  ses 


<  Ceci  -i  para  ,  il  v  n  M  ,  dans 

»  un  petit   ouvrage  manuscrit  il«-  l'auteur ,  qui  n   iti 

guliere,  et  aemb  :  n-.ait  fait  tirer 

quelques  txemp  ;iires  de 

îles  ain  s.   L'Esprit  detloii  parut  en 

mots  t  il  r  «  plus  <lti  vingt  ans  ,  -oui  i 

1  .a  un  moins  de  17*7,  at  pourrait  être  plut 

ancien.  1  l'exemplair  i  qi  13  ■•nt , 

n  uni  appaii  Laine,  minuta  .  •  1   membre 

■  ontii  ut  beaucoup  Ac. 

le  la  tufiiu  même  d     Montet- 

.  •  te  iin- 

»  primé  sur  uni  le  Pais  réimpri- 

»  mer  fi  ,,11     j'»i 

.  Ile,  il  .1  mis  >  n- 

core  :  ■■ 

>.  qu'on  en   inipi 

»  plain  ii  ' 

»  mal  qnelqu  ,    m, ni  au 

bas  .les  tOUt  iiwli 

ri.    lieu  ,  ni  UOU1  d  illip  ■   ', ',  lia», 

anii ,  et  ie  1  "  ■  1  bée*. 


MON  5o$ 

Considérations  sur  les  causes   de 
la  grandeur  et  de  la  décadence  des 
Romains  ,    ouvrage    remarquable  , 
qui  n'est  pas  le  plus  étonnant,  mais 
qui  est  le  plus  parfait  de  tous  ceux 
qui  sont  sortis  de  sa  plume,  et  dans 
lequel  son  génie  eut  à  lutter  contre 
plusieurs  hommes  supérieurs,  chez 
les  anciens  et  chez    les  modernes  , 
qui  avaient    traité   le   même  sujet, 
principalement  Polybe ,  Machiavel  , 
Saint-Evrêmondet  Bossuet.  MaisPo- 
lybe,  savant  géographe,  habile  guer- 
rier ,  négociateur  adroit  ,  penseur 
profond  ,  est  un  historien  prolixe  et 
un    écrivain    médiocre.    Machiavel 
avait  choisi  quelques  faits  de  l'his- 
toire romaine ,  plutôt  comme  motifs 
que  comme  sujet  principal  de  ses  ré- 
flexions sur  la  politique.  Saint-Évrc- 
mond  ,  plein  d'aperçus  ingénieux  , 
mais  léger   d'instruction  ,    ne  con- 
naissant que  médiocrement  les  faits, 
n'a  pu  les  juger  et  les  analyser  que 
d'une  manière  incomplète.  Bossuet  t 
qui  ne  devait   considérer  l'histoire 
des  Romains  que  comme  une  por- 
tion de  celle  du  Monde,  en  a  saisi 
les  principaux  traits.  Montesquieu 
est  le  seul  qui  ait  embrassé  ce  grand 
sujet  dans  tous  ses  détails  ,  le  seul 
qui  ait  comparé  tous  les  faits  avec 
une  laborieuse  sagacité.  11  n'en  ou- 
blie aucun  qui  puisse  donner  matière 
à  une  pensée,  et  offrir  un  résultat; 
et  cependant  il  a  su  tout  resserrer 
dans  un  seul  volume  d'une  grosseur 
.  civ.  Le  Dialogue  de  Sj  lia  1 1 
d' II. .craie,  qui  se  trouve  a  la  suiîo 
i  !   Ouvrage  ,   et  I  n  i'iil   en  qurl- 
Orte   partit" ,    est   un   des  mor- 
ceaux, où  .'Mon; 

plus  d'éloquence.  Cette  éloquence, dit 
un  de  ses  panégyrisl 
pour  ainsi  dire,  dans  les  .mus.  I.i  ter- 
reur  qu'éprouvèrent  I  ins  de- 

leur  impitoyaj  .  ir.  I  u 


5io  MON 

autre  morceau  du  même  genre,  plus 
court  encore ,  mais  non  moins  re- 
marquable, est  celui  de  Lysimaque: 
Montesquieu,  dans  cet  e'erit,  a  peint, 
d'une  manière  sublime  ,  cette  philo- 
sophie desStoïcicns, qui  élevait  l'hom- 
me au-dessus  des  faiblesses  de  sa  na- 
ture ,  et  qui  lui  faisait  braver  a  vec  j  oie, 
et  même  avec  orgueil ,  les  cruautés 
des  tyrans  et  les  injustices  du  sort.  Ce 
morceau  fut  envoyé,  en  17^1  ,  au 
roi  Stanislas,  qui  avait  écrit  à  Mon- 
tesquieu une  lettre  flatteuse  au  sujet 
•  le  sa  nomination  à  l'académie  de 
Nanci.  Les  Considérations  sur  la 
grandeur  et  la  décadence  des  Ro- 
mains ne  faisaient  connaître  qu'un 
seul  peuple  ;  et  Montesquieu  s'était , 
depuis  long- temps,  attaché  à  les 
étudier  tous  ,  à  découvrir  les  causes 
des  révolutions  qui  avaient  successi- 
vement changé  la  face  du  monde, 
et  à  rechercher  l'explication  des  lois 
et  des  coutumes  qui  avaient  contri- 
bué à  la  prospérité  des  nations  ,  ou 
causé  leur  décadence.  Le  succès  du 
traité  sur  le  peuple  romain,  qui  n'é- 
tait ,  en  quelque  sorte ,  qu'une  por- 
tion détachée  du  vaste  plan  qu'il 
avait  conçu  ,  ne  fit  qu'accroître  son 
ardeur  pour  l'exécution  d'une  si 
haute  entreprise.  Il  y  travailla  encore 
quatorze  ans.  Tantôt  il  lui  semblait 
qu'il  avançait  à  pas  de  géant,  tantôt 
qu'il  reculait,  à  cause  de  l'immensité 
de  la  carrière  qui  lui  restait  à  par- 
courir :  «  Enfin,  dit-il ,  dans  le  cours 
de  vingt  années ,  je  vis  mon  ouvrage 
commencer  ,  croître  ,  s'avancer  et 
finir.  »  Avant  délivrer  à  l'impression 
cette  production,  qu'il  intitula,  De 
V Esprit  des  Lois ,  Montesquieu  crut 
devoir  consulter  un  de. ses  amis  in- 
times ,  dont  il  estimait  le  talent  et  les 
lumières  ,  et  il  lui  envoya  son  manus- 
crit. Cet  ami  était  Helvétius  ,  qui 
après  en  avoir  pris  lecture,  fut  pro- 


MOtf 


digieusement  alarmé  des  dangers 
que  courait  la  réputation  de  Montes- 
quieu ?  s'il  mettait  au  jour  une  pro- 
duction aussi  défectueuse.  Helvétius 
en  fut  si  peu  satisfait ,  qu'il  n'osa  pas 
d'abord  écrire  à  Montesquieu  ce 
qu'il  en  pensait;  et  il  le  pria  de  vou- 
loir lui  permettre  de  communiquer 
le  manuscrit  qu'il  lui  avait,  envoyé , 
à  un  ami  commun  :  c'était  Saurin, 
auteur  de  Spartacus.  Celui-ci  porta 
sur  Y  Esprit  des  Lois  le  même  juge- 
ment qu'Helvétius.  Suivant  eux,  en 
faisant  paraître  ce  livre ,  le  célèbre 
auteur  des  Lettres  persanes,  dé- 
pouillé désormais  de  son  titre  de 
sage  et  de  législateur  ,  ne  devait  plus 
paraître  aux  yeux  du  public  éclairé 
qu'un  homme  de  robe,  un  gentil- 
homme et  un  bel-esprit  :  «  Voilà  , 
»  écrivait  Helvétius,  ce  qui  m'afflige 
»  pour  lui  et  pour  l'humanité  qu'il 
»  aurait  pu  mieux  servir.  »  Il  fut 
convenu  entre  les  deux  amis  qu'Hel- 
vétius écrirait  à  Montesquieu  ,  pour 
lui  .rendre  compte  de  ce  qu'ils 
avaient  éprouvé  à  la  lecture  de  son 
manuscrit,  pour  l'engager  aie  re- 
voir et  à  ne  pas  le  publier  dans  l'état 
informe  où  il  se  trouvait.  Saurin  crai- 
gnit que  Montesquieu  ne  fut  offensé  ; 
mais  Helvétius  s'empressa  de  rassu- 
rer Saurin  en  ces  termes  :  «  Soyez 
»  tranquille  ,  nos  avis  ne  l'ont  point 
»  blessé  ;  il  aime  dans  ses  amis  la 
»  franchise  qu'il  met  avec  eux.  H 
»  souffre  volontiers  les  discussions  ; 
»  il  répond  pardes  saillies,  et  change 
»  rarement  d'opinions;  je  n'ai  pas 
»  cru,  en  lui  exposant  les  nôtres, 
»  qu'elles  modifieraient  les  siennes  ; 
»  mais  ,  quoi  qu'il  en  coûte,  il  faut 
»  être  sincère  avec  ses  amis.  Quand 
»  le  jour  de  la  vérité  luit  et  détrompe 
»  l'amour  -  propre ,  il  ne  faut  pas 
»  qu'ils  puissent  nous  reprocher 
»  d'avoir  été  moins  sévères  que  lô 


MO* 

»  public.  »  En  effet ,  les  conseils  des 
deux  amis  de  Montesquieu  eurent 
sur  lui  si  peu  d'influence,  qu'il  en- 
voya son  manuscrit  à  l'impression 
sans  y  rien  changer  ;  il  y  mit  cette 
épigi  a  phe  :  Prulcm  sine  mettre 
tain  (  Postérité  sans  mère)  (t),  indi- 
quant ainsi  avec  raison  que  son  ou- 
vrage n'avait  point  de  modèle;  et  il 
se  félicita  ,  dans  sa  préface ,  de  n'a- 
voir pas  totalement  manqué  de  gé- 
nie. Le  succès  ne  trompa  point  la 
confiance  qu'il  avait  en  lui  -  même  ; 
ce  succès  fut  tel  ,  qu'avant  appris 
que  son  livre  venait  d'être  défendu 
en  Autriche  ,  il  put  écrire,  sans  exa- 
gérer la  vérité,  au  marquis  de  Stain- 
ville,  ministre  de  l'empereur  d'Alle- 
magne à  Paris  {'.\)  :  «  Peut-être  votre 
Excellence  pensera-t-elle  qu'un  ou- 
vrage, dont  on  a  lait  dans  un  an  et 
demi  vingt-deux  éditions  ,  qui  est 
traduit  dans  presque  toutes  les  lan- 
gues ,  et  qui  d'ailleurs  contient  des 
choses  utiles  ,  ne  mérite  pas  d'être 
proscrit  par  le  gouvernement.  »  Cette 
lettre  est  datée  du  27  mai  17J0;  et 
en  effet ,  V Esprit  des  lois  n'avait 
paru  que  vers  le  milieu  de  Tannée 
1748.  S'il  fut  beaucoup  lu,  beau- 
coup admiré,  beaucoup  loué,  cet  ou- 
vrage ,  comme  tous  ceux  qui  font 
une  grande  sensation  ,  fut  aussi  beau- 
coup critique*.  M'1"".  Du  DêfFant  dit 
que  ce  n'était  pas  l'esprit  des  lois  , 


'  1  <  1 

r   ,  I  I  l.j 

ïïadam* 

1114-11    .'Il 

»  Libei  I 
petit  cout« 

(■x)  La  . 
ap|)i'iid  que  l'oi 

■ 
de  Siai, 

â't'iupw  . 


MON  5n 

!c  l'esprit  sur  les  lois.  C 
fit  fortiffie  :  il  avait  justement  le  dé- 
gré  de  vérité  ,  dont  on  se  contente 
dans  une  épigramme.  Geui 
avaient  aprofondi  les  questions  obs- 
cures de  notre  ancien  droit  public  , 
s'aperçurent  que,  quoique  l'auteur  de 
'S  lois  eut  refuté  quelques 
paradoxes  de  l'abbé  Dubos  ,  il  était 
tombé  lui-même  dans  des  erreurs 
!S.  Us  virent  que,  n'ayant  pas 
creusé  à  une  assez  grande  profon- 
deur ,  pour  éclairer  suffisamment  les 
bases  du  gouvernement  féodal,  il  avait 
conçu  pour  ce  genre  de  gouverne- 
ment des  préjugés  trop  favorables. 
On  trouva  que  pour  établir  certains 
principes,  il  tirait  ses  exemples  de 

■urs  suspects  ou  d'auteurs  dis- 
crédités; qu'il  concluait  trop  souvent 
du  particulier  au    général;  qu'il  y 
avait  du  néologisme  et  de  Vobn 
dans  ses  définitions,  et  un  em 
trop  détourné  des  mots  communs  de 
la  langue  clans  renonciation  des  prin- 
cipes fondamentaux  de  sa  théorie.  Q» 
lui  reprocha  encore  d'avoir  attribué 
ta  rinilaenec  du  climat ,  et  aux  causes 
physiques,  des  effets  dus  à  des  c ... 
purement  morales;  d'avoir  morcelé 
un  même  sujet ,  en  petits  chapi; 
qui  ont  souvent  des  titres  iasi 
liants  ou  indéterminés  ;  d'en  avoir 
rapproché  d'autres  qui  sont  trop  peu 
liés  avec,  ceux  qui   les  précèdent  et 
ceux  (fui  les  suivent;  d'avoir  soi: 
manqué  d'ordre ,  et  fait  un  te:,, 
régulier,  avec  les  plus  belles  parties  \ 
de  sorte   que  ce  livre,    si    vaste  par 
sot  plan  ,  et  ta  multitude  d 
qu'il  embrasse,  ;  .1  ici- 

que  sorte  nu 

,    qui   attendent   (pie    l'auteur 
V    mette    i  1 

fasse  un  01,  Ou  lui  re- 

produit enfin   q 
fuses ,  1  fa#> 


5 12  MON 

ces ,  un  style  quelquefois  tendu  et 
.souvent  recherché.  Toutes  ces  criti- 
ques étaient  fondées  ;  et  la  preuve  que 
ce  n'était  pas  l'envie  seule  qui  les 
suscitait,  c'est  qu'on  n'en  avait  pas 
fait  de  semblables  du  livre  des  Consi- 
dérations sur  la  grandeur  et  la  dé- 
cadence des  Romains,  Cependant  la 
renommée  de  Montesquieu  s'accrut 
beaucoup  par  la  publication  de  Y  Es- 
prit des  lois  ;  et  l'on  peut  dire  avec 
vérité  que  seul,  cet  ouvrage  eûtsufïi  à 
sa  gloire,  et  que  seul  il  a  donné  la 
mesure  de  la  force  et  de  la  grandeur 
de  son  génie.  C'est  que  le  mérite  d'un 
ouvrage  consiste  surtout  dans  les 
beautés  qui  s'y  trouvent,  dans  les 
qualités  qui  le  distinguent  de  tous 
les  autres,  et  non  pas  seulement  dans 
l'absence  des  fautes  qu'on  a  su  évi- 
ter, ou  des  défauts  dont  on  a  su  se 
garantir.  C'est,  qu'il  est  des  sujets 
tellement  vastes,  que  la  plus  forte 
tête  ,  aidée  de  la  plus  longue  vie, 
peut  àpeineen  concevoir  l'ensemble, 
même  imparfaitement  :  Y  Esprit  des 
lois  était  de  ce  genre.  L'auteur  s'était 
proposé  d'examiner,  dans  ce  livre, 
l'histoire  de  tous  les  temps  et  de 
tous  les  lieux  ,  et  de  considérer  les 
habitants  de  la  terre  et  les,  sociétés 
qu'ils  ont  formées  ,  dans  tous  les 
rapports  qu'ils  peuvent  avoir  entre 
eux.  On  s'étonne  beaucoup  moins 
des  moments  de  faiblesse  qui  trahis- 
sent quelquefois  ses  efforts  dans  une 
si  rude  entreprise,  que  de  la  vigueur 
prodigieuse  avec  laquelle  il  en  pour- 
suit l'exécution.  On  admire  la  fer- 
meté qu'il  met  à  tracer  les  immen- 
ses contours  de  ce  grand  labyrinthe, 
et  la  sagacité  qu'il  déploie  pour 
en  démêler  les  détours  multipliés, 
et  en  découvrir  les  réduits  les  plus 
cachés.  Notre  siècle,  et  peut-être 
le  siècle  précédent,  n'ont  point  pro- 
.duit  d'ouvrage  où  il  y  ait  plus  de 


MON 

vues  profondes  et  de  pensées  neuves, 
où  l'on  trouve  un  plus  grand  nombre 
de  faits  convertis  en  principes  lumi- 
neux ;  où  autant  de  vérités  utiles  , 
établies  par  le  raisonnement ,  soient 
e'claircies  par  une  érudition  mieux 
choisie,  plus  abondante  et  plus  va- 
riée ;  dont  le  style  enfin  soit  plus 
précis ,  plus  nerveux ,  et  élincèle  da- 
vantage de  ces  saillies  d'esprit  et  de 
génie ,  qui  entraînent ,  persuadent , 
et  se  gravent  à  jamais  dans  la  mé- 
moire: enfin  ,  ce  qui  est  au  -dessus 
de  tous  ces  éloges,  aucun  ouvrage 
ne  décèle  dans  son  auteur ,  un  cœur 
plus  plein  de  cette  bienveillance  gé- 
nérale qui  s'attendrit  sur  les  maux 
de  l'humanité;  une  ame  plus  droite, 
plus  élevée,  plus  animée  du  désir 
de  se  mettre  au-dessus  des  préju- 
gés et  de  l'intérêt  du  moment  ;  une 
vue  plus  nette,  plus  étendue  ,  pour 
démêler  les  causes  des  révolutions 
qui  ont  agité  le  monde,  pour  discer- 
ner les  caractères  particuliers  des 
hommes  qui  ont  apparu  sur  cette 
vaste  scène,  pour  scruter  enfin  les 
motifs  si  divers,  les  circonstances  si 
multipliées  de  tant  d'institutions,  de 
lois  et  de  coutumes  que  les  siècles 
ont  fait  naître  et  que  les  siècles  ont 
fait  disparaître.  Avare  du  temps  et  de 
l'espace,  Montesquieu  ne  songe  qu'à 
construire  la  série  de  ses  idées  ,  sans 
s'occuper  des  objections  :  de  là  le 
grand  nombre  de  critiques  superfi- 
cielles et  spécieuses  qu'on  a  faites  de 
son  ouvrage.  Montesquieu  a  souvent 
dans  l'expression ,  la  clarté,  la  sim- 
plicité majestueuse  et  le  ton  d'auto- 
rité des  lois  dont  il  est  l'interprète. 
11  ne  se  passionne  pas;  il  ne  semble 
pas  même  chercher  à  persuader  son 
lecteur  :  il  prononce  et  juge.  11  a  dans 
son  éloquence  ce  ton  ferme  et  im- 
posant qui  donne  à  la  raison  une  as- 
cendant irrésistible.  Quand  il  châtie 


MON 

la  folie  humaine,  c'est  par  une  iro- 
nie fine  et  détournée,  ou  par  le  sar- 
casme amer  d'une  indignation  qui  se 
contient  :  c'est  alors  surtout  que,  tou- 
jours attentif  à  reprimer  la  multi- 
plicité des  paroles  qu'entraînerait 
l'exubérance  de  ses  pensées  et  de  ses 
sentiments,  on  s'aperçoit  qu'il  voit 
au-delà  de  ce  qu'il  exprime;  et  c'est, 
dit  un  habile  critique,  un  exercice 
utile  pour  le  lecteur,  que  de  cher- 
cher dans  la  phrase  de  Montesquieu 
toute  sa  pensée.  Auteur  vraiment  ad- 
mirable, qui  a  connu  l'art  d'être  uti- 
le ,  non-seulement  par  les   vérités 
qu'il  expose,  mais  encore  par  celles 
qu'il  fait  entrevoir;  non-seulement 
par  les  réflexions  qu'il  nous  présen- 
te, mais  encore  par  celles  qu'il  nous 
suscite,  et  qui  sait  enfin  faire  partici- 
per les  esprits  ordinaires  à  l'énergie  et 
à  l'étend ne  de  son  génie  I  {Montesquieu 
avait  résolu  de  ne  répondre  à  aucu- 
ne des  critiques  qui  seraient  faites  de 
Y  Esprit  des  lois;  mais  il  ne  put  se 
résoudre  à  passer  sous  silence  les  at- 
taques d'un  auteur  anonyme  ,  qui  , 
dans  un  journal  intitulé  ,  Nouvelles 
ecclésiastiques ,  l'avait  déchiré  avec 
fureur,  et   le    peignait   comme  un 
atiiée.  Il  avait  ,   dans  les   Lettres 
persanes,   traité  la  religion    chré- 
tienne avec  beaucoup  de  légèreté  ; 
mais  ensuite,  mûri  par  l 'âge ,  par 
l'élude  et  la  réflexion,  il  en  avait  fait, 
dans  Y  Esprit  des  lois  ,  un  éîoge  sin- 
cère :  il  la  recorn ji: 
expressifs,  non-seulement  comme  le 
plus  parfait  des  systèmes  religieux  , 
mais  comme  le  plus  puissant  soutien 
de  tout  système  social.  Il  lui  impor- 
tait donc  de  repousser  les  insinua- 
tions calomnieuses  du  gazetier  ecclé- 
siastique. Il  voul.ii!  •  temps 
réfuter  d'à                             msdela 
ion  ne,  qui,  peu  le  quel- 
ques passages  de  1 

XXII. 


MON  5i3 

allaient  procéder  à  une  censure  de 
cet  ouvrage.  C'est  dans  ce  double 
but  qu'il  écrivit  sa  Défense ,  mo- 
dèle de  discussion  solide  et  de  plai- 
santerie légère.  Ii  se  félicitait  beau- 
coup de  la  modération  maligne  qu'il 
avait  mise  dans  cet  écrit.  «  Ce  qui  me 
»  plaît  dans  ma  Défense,  disait-il,  ce 
»  n'est  pas  de  voiries  vénérables  théo- 
»  logiens  mis  à  terre ,  c'est  de  les  y 
»  voir  couler  tout  doucement.  «  Quel- 
ques personnes   qui    s'assemblaient 
chez  le  fermier-général  Dupin,  entre- 
prirent une  critique  détaillée  de  l'Es- 
prit des  lois  ,  et  composèrent  trois 
gros  volumes  in-8°.  d'Observations , 
qu'on    dit   avoir   été   imprimés    eu 
17.57  et  en  17-58,  mais  qui  le  furent 
probablement  quelques  années  plus 
tôt.  Mme.  Dupin,  qui  eut  long-temps 
J.-J.  Rousseau  pour  secrétaire,  sans 
se  douter  qu'il  fût  bon  à  autre  chose 
qu'au  métier  de  copiste,  composa  , 
dit-on,  la  préface  de  ces  Observa- 
tions. Les  pères  PI  esse  et  Berthier 
coopérèrent  à  la  rédaction  ;  et  Dupin, 
sous  le  nom  duquel  on  dev.ùt  publier 
l'ouvrage ,  fournit  les  faits  relatifs 
aux  finances  et  à  l'administration. 
Montesquieu  ,  que  cette  espèce   de 
cabale  contre  son  ouvrage  et  contre 
lui  affligeait ,  employa  ,  dit  -  on  ,  le 
crédit  de  Mmc.  de  Pompadour,  pour 
engager  Dupin  à  supprimer  son  li- 
vre. Celui-ci  le  fit  avec  un  tel  soin  , 
qu'il  est  échappé  au  plus  une  tren- 
taine d'exemplaires  à  la  destruction; 
ce  qui  a  procuré  à  ce  livre  un  motif 
d'estime  qu'il  n'aurait  probablement 
jamais  acquis,  s'il  avait  été  publié, 
savoir  la  rareté.  Du  reste ,  M 
quicu  gai-da  le  silence  sur  une  foule  de 
brochures  pleines  d'ineptes  critiques 
ou  d'injmcs  grossières,  qui  pai 
conti  it  que 

par  le  n  -  - ,  par 


5i4  MiDN 

rindignation.  L'apparition  d'un  li- 
vre du  genre  et  du  mérite  de  Y  Esprit 
des  lois  est  un  événement  dans  l'his- 
toire politique  et  littéraire ,  dont  on 
doit  retracer  les  effets.  A  l'époque  où 
il  fut  publié,  les  progrès  de  l'indus- 
trie et  l'accroissement  de  la  popula- 
tion en  Europe,  le  développement  ra- 
pide du  commerce  des  Européens  et 
descolonies  européennes  dans  les  deux 
mondes,  avaient  amené  dans  la  plu- 
part des  états  de  cette  partie  du 
globe  des  changements  successifs  , 
et  bouleversé  presque  entièrement 
les  rapports  qui  existaient  autrefois 
entre  les  divers  ordres  de  citoyens. 
J  a  puissance  n'était  plus  le  résultat 
immédiat  des  richesses  et  de  l'in- 
fluence ,  et  ne  pouvait  plus  s'appuyer 
que  sur  les  institutions  :  l'obéissance 
avait  cessé  d'être  la  conséquence  né- 
cessaire de  la  dépendance ,  et  de- 
vait être  exigée  au  nom  des  lois.  Ces 
institutions  et  ces  lois,  qui  n'étaient 
que  l'expression  d'un  ordre  de  choses 
que  !e  temps  avait  ou  altéré  ou  aboli , 
ne  se  trouvant  plus  en  harmonie  avec 
les  mœurs,  les  habitudes  et  les  inté- 
rêts de  la  société,  gênaient  également 
les  gouvernements  dont  elles  consti- 
tuaient les  seuls  moyens  de  pouvoir, 
et  les  peuples  dont  elles  étaient  les 
seules  garanties  contre  les  troubles 
et  les  désordres.  Tous  les  esprits  sen- 
taient la  nécessité  de  modifier  les 
constitutions  des  états;  et  l'on  conçoit 
avec  quelle  avidité  dut  être  lu,  à  une 
telle  époque,  un  livre  qui  présentait 
le  résumé,  de  l'expérience  des  siècles 
sur  la  science  de  la  législation  et  du 
gouvernement.  Mais  l'effet  de  ce 
livre  fut  différent  dans  les  différents 
pays,  selon  la  situation  ou  ils  se 
trouvaient.  C'est  en  Angleterre  que 
l'ouvrage  de  Montesquieu  eut  et  ob- 
tient encore  la  plus  forte  influence  ; 
et  c'est  en  France  que  cette  influence 


MON 

fut  et  est  encore  la  plus  faible.  Peut- 
être  les  Anglais  doivent-ils  en  partie 
à  Montesquieu,  et  à  l'impulsion  qu'il 
a  donnée  aux  sciences  politiques .  d'a- 
voir su  faire  habilement  manœuvrer 
le  vaisseau  de  l'état,  entre  les  deux 
grands  érueils  de  leur  constitution  , 
une  oligarchie  tyrannique  ,  et  une 
démocratie  turbulente.  Aussi  l' Esprit 
des  lois  fut  en  Angleterre,  dès  qu'il 
parut,  l'objet  d'une  admiration  qui 
ne  trouva  point  de  contradicteur  , 
et  qui  n'a  cessé  de  s'accroître.  Si 
cet  ouvrage  n'a  pas  produit  un  ef- 
fet aussi  heureux  et  aussi  puissant 
en  France,  ce  n'est  pas  seulement 
parce  que  les  esprits  n'étaient  point 
aussi  éclairés  sur  ces  matières;  mais,  il 
faut  le  dire ,  c'est  aussi  la  faute  de 
l'ouvrage  et  celle  de  l'auteur.  Mon- 
tesquieu n'avait  cherché  qu'à  éclair- 
cir  les  âges  obscurs  de  la  monarchie 
française;  et  rnêtne  le  succès  de  ses 
efforts  à  cet  égard  est  resté  douteux  , 
et  a  été  justement  contesté.  Il  s'est 
arrêté  à  l'époque  où  il  aurait  pu 
s'appuyer  sur  des  faits  certains ,  et 
commencer  à  présenter  des  résultats 
positifs,  et  des  remèdes  applicables 
aux  maux  qui  tourmentaient  alors 
l'état  social  en  France ,  et  dont  il 
n'avait  pas  pressenti  tout  le  dan- 
ger. Les  nobles  à  la  cause  des- 
quels l'auteur  de  Y  Esprit  des  lois  se 
montrait  favorable  ,  puisaient  dans 
son  livre  ce  qui  devait  exalter  leurs 
prétentions,  mais  non  pas  ce  qui 
devait  les  aider  à  conserver  leurs 
droits  réels,  et  à  se  procurer  une 
existence  solide.  Le  gouvernement 
de  France  y  aurait  en  vain  cherché 
des  indications  précises  pour  acqué- 
rir une  vigueur  nouvelle,  en  aban- 
donnant ces  formes  du  pouvoir  , 
que  le  temps  emportait,  et  en  saisis- 
sant les  moyens  de  puissance  que  Je 
temps  avait  créés.Une  autre  cause  qui 


MOV 

ne   semble  due  qu'au  hasard  de  la 
nature,  qui  cependant  a  nue  liaison 
secrète  avec  les  événements,  a  con- 
ribué  an  peu  d'influence  qu'a  obtenu 
en  France  le  livre  de  Y  Esprit  des  lois. 
Feu  après  la  publication  de  ce  livre, 
et  dans  un  assez  court  intervalle  de 
temps,  deux  écrivains  se  sont  ren- 
contrés ,  tous  deux  doués  d'une  ima- 
gination vive,  d'une  rare  éloquence, 
de  ce  talent  pour  la  dialectique,  qui 
donne  la  faculté  d'enchaîner  toutes 
les  conséquences  d'un  principe,  et 
toutes  les  parties  d'un  système;  mais 
aussi  tous  deux  également  dénués  de 
la    connaissance    pratique   des   af- 
faires, et  de  ce  discernement  particu- 
lier, qui  nous  fait  apprécier  ce  que 
réclament  les  hommes  et  les  choses, 
selon  les  différents  temps  et  les  di- 
verses circonstances.   L'un  ,   ayant 
vécu  à  une  époque  où  un  gouverne- 
ment débile  affectait  par  intervalles 
une  attitude  despotique ,  et  irritait 
sans  cesse  sans  jamais  comprimer,  a 
prétendu  fonder  la  théorie  sociale  sur 
le  dogme  de  la  souveraineté  du  peu- 
ple ,  qui  ne  peut  conduire  qu'à  l'a- 
narchie :  l'autre,  long-temps  témoin 
de  la  férocité  et  de  l'ineptie  popu- 
laires, s'est  précipité  dans  l'extrême 
opposé,  et  a  cru  asseoir  les  bases  de 
la  société  sur  la  doctrine  du  pouvoir 
paternel ,  et  sur  l'el.it  de  la  famille  ; 
il  a ,  sans  le  vouloir  ,  enfanté  une 
théorie  du  despotisme  .  aussi  fausse 
dans  son  principe  et  presque  aussi 
funeste  dans  .ses    conséquences    que 
•  elle    qu'il    cherchait    à    renverser. 
C'esl  es  deux  systèmes  que 

igés  en  France  les  écri; 
vains  politiques;  et  les  deux  écoles 
qu'ils  ont  foj .  ut  devenues 

tides  eu  si  ti  niions  ,  et 

en   ;;  il   plus  dan- 

flattem  Lès  deux 
plus  forts  penchants  de  l'hon 


MON 


5  »  ~» 


l'amour  du  pouvoir,  et  l'amour  de 
l'indépendance.  Lors  pie  l< 
amoncelés  par  ces  vaines  et  ambi- 
tieuses théories  seront  dissipé»  ,  les 
diverses  branches  des  sciences  poli- 
tiques, fondées  sur  les  faits  et  l'ex- 
périence ,  paraîtront  moins  fa<  i 
moins  accessibles  à  tous  les  esprits; 
mais  alors  aussi  on  appréciera  en 
France  tout  le  mérite  de  Y  Esprit  des 
lois;  et,  du  seul  développement  de 
quelques-uns  des  chapitres  si  courts 
de  cet  immortel  ouvrage,  on  verra 
sortir  des  traités  substantiels  sur  di- 
verses parties  delà  législation  ,  et  du 
gouvernement  des  états.   Si  le  livre 
de  Montesquieu  ne  fut  pas  aussi  utile 
à  sa  patrie  qu'il  l'avait  espéré,  la 
gloire  que  l'auteur  en  recueillit  de 
son  vivant  surpassa  celle  que  peuvent 
ambitionner  les  gens  de  lettres.  11  fut 
considéré,  dans  toute  l'Europe,  com- 
me le  législateur  des  nations  :  mais 
il  ne  fut  point  ébloui   de  sa  haute 
réputation;  il  continua  de  vivre  en 
.sage,  et  de  jouir  de  lui-même  et  de 
ses  amis.   11  partageait  son  temps 
entre  le  château  de  la  Brède  et  Paris, 
c'est-à-dire,  entre  l'étude  et  le  monde: 
dans  sa  terre  ,  aimant  à  s'occuper  de 
jardinage  et  d'améliorations  agrico- 
les; très-jaloux  de  ses  droits  se: 
ri  aux,  et  par-conséquen1  voisin  in- 
commode, mais  adoré  de  ses  pay- 
sans dont  il  recherchait  l'entretien  , 
parce  que  ,  disait-il ,  ils  ne  sont  pas 
savants  pour  raisonner  de  tra- 
vers: dans  la  capitale,  convive  aima- 
ble, trop  simple  et  trop  négligé  peut- 
être  dans  ses  habillements  ,  comme 
dans  ses  manières  et  dans 

ii.ll  était  toujours  dispose'à  ren- 
dre j:i 

léger  au  besoin.  Il  recul  un  jour  de 
QenriSull  oglais, 

(>t  l'un  de  ceui  qui  ont  le  plus  i 
bue  .i  perfectionner  l'hc 


5.i  G  MON 

France,  la  lettre  suivante  :  «  J'ai 
»  envie  de  me  pendre;  mais  je  crois 
)>  cependant  que  je  ne  me  pendrais 
•»  pas  si  j'avais  cent  ecus.  »  Montes- 
quieu lui  répondit  :  «  Je  vous  en- 
»  voie  cent  ecus,  mon  cher  Sully,  ne 
»  vous  pendez  pas  et  venez  me  voir.» 
Montesquieu  était  directeur  de  l'aca- 
démie française,  lorsque  Piron  se 
présenta  pour  y  être  admis  :  quand 
on  sut  à  fa  cour  que  ce  poète  était 
sur  le  point  d'être  élu,  Montesquieu 
fut  mande  à  Versailles  ,  et  le  roi  lui 
déclara  qu'il  ne  voulait  pas  que  Piron 
fût  nommé.  Montesquieu  fit  des  dé- 
marches auprès  de  M1"0,  de  Pompa- 
dour,  et  obtint  en  dédommagement, 
pour  l'auteur  de  la  Métromanie ,  une 
pension  de  mille  francs.  La  munifi- 
cence de  Montesquieu  ne  s'exerçait 
pas  seulement,  sur  les  hommes  à 
talents,  mais  encore  sur  ceux  qui 
n'avaient  d'autres  titres  à  ses  yeux 
que  le  malheur  :  au  reste  il  cachait 
avec  un  soin  extrême  le  bien  qu'il 
faisait,  par  la  crainte  qu'on  ne  lui 
prêtât  des  motifs  différents  de  celui 
qui  le  faisait  agir  ;  sentiment  trop 
commun  chez  les  ames  délicates, 
et  cependant  funeste  à  la  société, 
puisque  la  vertu  dérobe  ainsi  à 
elle-même  ,  par  pudeur ,  un  de  ses 
plus  grands  bienfaits,  l'ascendant  de 
sou  exemple.  Un  hasard  heureux  a 
fait  découvrir  un  des  traits  les  plus 
touchants  de  la  bienfaisance  de  Mon- 
tesquieu. Il  allait  souvent  à  Marseil- 
le, visiter  sa  sœur,Mme.d'Héricourt. 
Se  promenant  un  jour  sur  le  port , 
pour  prendre  le  fiais,  il  est  invité 
par  un  jeune  matelot  de  bonne  mine 
de  préférence  son  bateau, 
pour  ■     un  tour  en  mer.  Dès 

qu'il  [eau,  Mon- 

•  à  la  ma- 
e  rainait, 
^'exerçait  pas  ce  métier  depuis 


MON 

long-temps;  il  le  questionne,  et.  I!  ap- 
prend qu'il  est  joaillier  de  profession, 
qu'il  se  fait  batelier  les  fêtes  et  les  di- 
manches pour  gagner  quelque  argent 
et  seconder  les  efforts  de  sa  mère  et  de 
ses  sœurs  \  que  tous  quatre  travail- 
lent et  économisent  pour  amasser 
deux  mille  écus,  et  racheter  leur  pè- 
re ,  esclave  à  Tetouan.  Montesquieu, 
touché  du  récit  de  ce  jeune  homme 
et  de  l'état  de  cette  famille  intéres- 
sante, s'informe  du  nom  du  père,  du 
nom  du  maître  auquel  il  appartient. 
II  se  fait  conduire  à  terre ,  donne  à 
son  batelier  sa  bourse,  qui  contenait 
seize  louis  d'or  et  quelques  ecus  ,  et 
s'échappe.  Six  semaines  après  ,  le 
père  revient  dans  sa  maison.  Il  juge 
bientôt  à  L'étonnement  des  siens,  qu'il 
ne  leur  doit  pas  sa  liberté,  comme  il 
l'avait  cru  d'abord  ;  et  il  leur  ap- 
prend que ,  non-seulement  on  l'a  ra 
cheté,  mais  qu'encore,  après  avoir 
pourvu  aux  frais  de  son  habillement 
et  de  son  passage,  on  lui  a  remis 
une  somme  de  cinquante  louis.  Le 
jeune  homme  alors  soupçonne  m» 
nouveau  bienfait  de  l'inconnu  ,  et  se 
met  en  devoir  de  le  chercher.  Après 
deux  ans  d'inutiles  démarches  ,  il  le 
rencontre  par  hasard  dans  la  rue,  se 
précipite  à  ses  genoux,  le  conjure  , 
les  larmes  aux  yeux,  de  venir  parta- 
ger la  joie  d'une  famille  au  bon- 
heur de  laquelle  il  ne  manque 
de  pouvoir  jouir  de  la  présence 
de  son  bienfaiteur,  et  de  lui  expri- 
mer toute  sa  reconnaissance.  Mon- 
tesquieu reste  impassible,  ne  veut 
convenir  de  rien  et  s'éloigne,  à  la  fa- 
veur de  la  foule  qui  l'entourait.  Celte 
Lelle  action  serait  toujours  restée 
ignorée,  si  les  gens  d'affaires  de  Mon- 
tesquieu n'eussent  trouvé,  après  sa 
mort ,  une  note  écrite  de  sa  main,  in- 
diquant qu'une  somme  de  7^00  fr« 
avait  été  envoyée  par  lui  à  M.  Main  y 


MON 

banquier  anglais,  à  Cadix;  ils  deman- 
dèrent à  ce  dernier  des  éclaircisse- 
ments :  M.  Main  repondit  qu'il  avait 
employé  cette  somme  pour  délivrer 
un  '.Marseillais  nomme  Robert ,  es- 
clave à  Tetouau,  conformément  aux 
ordres  de  M,  le  président  de  Mon- 
tesquieu. La  famille  de  Robert  a  ra- 
conte le  reste  ;  et  ce  récit  a  fourni  à 
la  scène  le  sujet  de  plusieurs  compo- 
sitions dramatiques  (i).  Ce  trait  seul 
qui  en  suppose  d'autres  de  même 
nature,  sultit  pour  absoudre  Mon- 
tesquieu de  l'accusation  d'avarice , 
qu'on  lui  a  injustement  intentée,  il 
avait  épouse',  le  3  avril  17  i5  ,  MIle. 
Jeanne  de  Lartigues,  iille  de  Pierre 
de  Lartigues,  lieutenant-colonel  au 
régiment  de  Maulevrier;  et  il  avait 
eu  de  ce  mariage  un  fils  et  deux 
iillcs.  Comme  père  de  famille,  il 
regardait   avec    raison    l'économie 

ae  un  devoir;  et  il  tint  à  hon- 
neur de  laisser  à  ses  enfants  la  for- 
tune qu'il  avait  reçue  de  ses  pa- 
rents ,  sans  l'augmenter  ni  la  di- 
minuer. H  aimait  la  gloire  ;  mais 

!  tignait  les  futiles  jouissances 
de  ia  vanité.  Il  refusa  pendant  long- 
temps, par  modestie,  aux  plus  ha- 
istes  Ifl  faveur  de  faire  son 
portrait.  Mais  Dassier ,  fameux  gra- 
l  !a  monnaie  de  Lon- 
dres, qui  avait  déjà  fait  les  médail- 
les de  plu-!  •  Is  hommes  du 

■ ,  vint  exprès  a  Paris  pour  exé- 
cuter celle  de  Montesquieu,  aui  d'a- 
hordu'y  voulut  point  consentir.  Das- 
sier  lui  ayant  donné  à  entendre  qu'iui 

ibué  à 

i'org  lit  à  la 

>n  de  l'artiste.  Cette  mc'daille 

.    rvollllioit 


MON 


5i7 


de  Dassierest  le  type  primitif  de  tous 
les  portraits  de  Montesquieu  ,  qu'on  a 
gravés.  L'abbé  de  Guasco  ,  cepen- 
dant ,  en  possédait  un  autre ,  peint 
par  un  artiste  qui  passait  par  Bor- 
deaux ,  en  revenant  d'Espagne  (1). 
L'envie,  dont  le  génie,  la  gloire  et 
les  succès  n'affranchissent  pas  tou- 
jours l'ame,  n'approcha  jamais   de 
celle  de  Montesquieu;  il  se  plaisait 
au  contraire  à  la  poursuivre  et  à  la 
punir  dans  ceux  qui  en  étaient  at- 
teints. «  Je  loue  toujours,  disait-il, 
»  devant  un  envieux  ceux  qui  le  font 
»  pâlir.  »  Quoiqu'il  tînt  par  quel- 
ques-uues  de  ses  opinions  à  la  secte 
philosophique ,  de  même  que  BufFon, 
Duclos  et  presque  tous  les  bous  es- 
prits ,  il  s'écartait  des  philosophes  , 
et  n'aimait  pas  le  prosélytisme  «Jc 
l'impiété ,  ni  les  excès  de  l'esprit  de 
cabale.  Ce  ne  fut  cependant  pas  là 
l'unique  motif  de  son  éloiguement 
pour  Voltaire.  On  voit,  dans  plu- 
sieurs de  ses  pensées  détachées ,  que , 
peu  sensible  au  charme  des  vers  ,  il 
croyait  la  réputation  de  cet  homme 
célèbre  en  partie  usurpée ,  et  qu'il 
ne  lui  rendait  pas  justice.  Voltaire, 
de  Sun  côté,  n'épargnait  à  Montes- 
quieu ni  les  réflexions  malignes  ,  ni 
lès  critiques  piquantes.  Ce  qu'il  y  a 
de  remarquable,  c'est  que  ces  deux 
grands   hommes    s'accusaient    mu- 
tuellement d'avoir  trop  d'esprit  ,  et 
d'en  faire  souvent  abus  dans   leurs 
ouvrages  :  et  tous  deux  avaient  rai- 
son. Mais  Voltaire  avait  un  senti- 
ment exquis  en  littérature,  qui  triom- 
phait eu  lui  de  ses  plus  furies  anti- 
pathies. Plusiï ■:.■  ■  miné  par 

(1)   Il   est  |>ro!  khlfi  que  «  ■ 

;,  u  ,  pur   (Îmi  i 

I 

imiii  m: 


MON 


sa  conscience,  il  a   rendu  justice  à 
tir  de  Y  Esprit  des  lois  ;  et  c'est 
hù  qui  disait  :  «  Le  genre  humain 
»  avait  perdu  ses  titres;  M.  de  Mon - 
»  tesqtiieu  les  a  retrouvés  ,  et  les  lui 
»  a  rendus.  »  Éloge  magnifique,  qui 
rachète  et  efface  bien  des  épigram- 
mes.  Au  reste,  c'était  seulement  dans 
la  conversation  ou   dans  l'intimité 
d'un  commerce  familier,  que  Mon- 
tesquieu laissait  é  happer  le  secret 
de  ses  pensées  sur  Voltaire  et  sur  les 
hommes  de  lettres  de  son  temps.  Ja- 
mais il  n'écrivit  contre  aucun  d'eux; 
la  dignité  et  la  sagesse  de  sa  conduite 
étaient  l'effet  de  la  modération  de  ses 
passions,  aussi  bien  qu'un  des  résul- 
tats de  la  réflexion.  «  Ma  machine, 
»  dit-  il,  est  si  heureusement  cons- 
»  truite ,  que  je  suis  frappé  de  tous 
»  les  objets  assez  vivement  ,  pour 
•»  qu'ils  puissent  me  donner  du  plai- 
»  sir ,  pas  assez  pour  qu'ils  puissent 
»  me  donner  de  la  peine.  J'ai  été 
»  dans  ma  jeunesse,  dit  -  il  encore  , 
»  assez  heureux  pour  m'altacher  à 
»  des  femmes  que  j'ai  cru  qui  m'ai- 
»  maient  ;  et  dès  que  j'ai  cessé  de 
»  le  croire,  je  me  suis  détaché  sou- 
»  dain.  »  Ailleurs  il  s'étonne  d'avoir 
encore  pu  éprouver  de  l'amour  à 
trente-cinq  ans.  Avec  des  sens  si  tem- 
pérés, tant  de  calme  dans  le  carac- 
tère ,  tant  de  vertus ,  de  génie  et  de 
lumières,  un  rang  honorable,  une 
belle  fortune ,  une  réputation  écla- 
tante et  incontestée ,  et  sans  aucune 
peine  domestique  ,  Montesquieu  dut 
cire  heureux  :  aussi  le  fut  -  il.  «  Je 
v  n'ai ,  dit  -  il ,  presque  jamais  eu 
v  de  chagrin,  encore  moins  d'ennui. 
v  Je  m'éveille  le  matin  avec  une  joie 
v  secrète   de   voir   la    lumière  ;   je 
»  vois  la  lumière  avec   une  espèce 
»  de  ravissement ,  et  tout   le  reste 
»  du  jour  je  suis  content  :  je  pas.se 
»  la  nuit  sans  m'éveiller*  et  le  soir, 


MON 

»  quand  je  suis  au  lit,  une  espèce  d'en- 
»  gourdissement  m'empêche  de  faire 
»  des  réflexions.  »  Ainsi  que  nous  l'a- 
vons remarqué,    ce  bonheur  dont 
Montesquieu  a  joui,  il  le  dut  en  par- 
tie à  son  goût  pour  le  travail ,  qui 
sembla  s'accroître  en  lui ,  après  qu'il 
eut  publié  Y  Esprit  des  fois.  Son  se- 
crétaire ne  pouvant  seul  suffire  à  sou 
lager  ses  yeux  affaiblis,  il  se  faisait 
lire   par  une  de  ses    filles  ;  c'était 
celle  qu'il  maria  depuis  à  M.  de  Se- 
condât ,  d'Agen,  d'une  autre  bran- 
che de  sa  maison  ,  afin  que  ses  biens 
restassent  dans  sa  famille,  en  cas 
que   son  fils  ,  qui  était    marié  de- 
puis plusieurs   années  ,  continuât  à 
n'avoir  point  d'enfants.  Mademoi- 
selle de  Montesquieu  avait,  comme 
son  père ,  un  esprit  vif  et  enjoué  ;  et 
elle  égayait  les    savantes    mais  en- 
nuyeuses lectures,  qu'elle  était  obligée 
de  faire,  par  des  mots  plaisants  et 
sur  les  hommes  et  sur  les  choses. 
Montesquieu,  sollicité  pard' Alembert 
et  par  le  chevalier  de  Jaucourt ,  con- 
sentit,  après  avoir  terminé  V Esprit 
des  lois  ,  à  travailler  à  l'Encyclopé- 
die ;  et  c'est  pour  ce  vaste  monument 
littéraire,  qu'il  composa  Y  Essai  sur 
le  Goût.  Ce  petit  ouvrage,  laissé  im- 
parfait, et  qui  ne  fut  imprimé  qu'a- 
près sa  mort ,  prouve  que  sa  tête 
méditative  était  aussi  propre  à  dé- 
couvrir les  principes  des  beaux- arts 
et  de  la  littérature  que  ceux  des  lois 
et  des  gouvernements  ;  mais  s'il  avait 
vécu,  il  aurait  fait  disparaître  l'obs- 
curité de  plusieurs  passages  de  ce 
petit   écrit  ,   les    répétitions  et  les 
phrases  incorrectes  ou  embarrassées 
qui  le  déparent.  Nous  avons  publié  , 
daus  les    Archives  littéraires  (  n  , 
3o  i  ) ,  quatre  chapitres  inédits   de 
cet  essai,  d'après  un  manuscrit  au- 
tographe.  On  a  depuis   inséré   ces 
charuîrcs   dans   toutes  les  éditions 


MON 

qu'on  a  faites  de  Montesquieu  ,  mais 
non  dans  la  place  qu'ils  auraient  dû 
y  occuper.  Ce  l'ut  aussi,  long-temps 
après  la  mort  de  Montesquieu,  et 
en  1 783 ,  que  son  fils  publia  un 
roman  de  son  illustre  père,  intitule  : 
Ar s  ace  et  Isménie.  On  ne  sait  trop 
a  quelle  époque  Montesquieu  a  com- 
eet  ouvrage.  Grimm  présume, 
que  dans  l'origine  ,  il  était  destine  à 
augmenter  le  nombre  des  épiso- 
des des  Lettres  persanes  ,  mais  que 
l'auteur  le  trouva  trop  long:  il  est  plus 
probable  qu'il  écrivit  ce  roman  vers 
les  derniers  temps  de  sa  vie  ;  car  il 
eu  parle  dans  une  lettre  en  date  du 
i5  décembre  i;54,  comme  d'une 
production  récente  ,  et  qu'il  hésite  à 
livrer  a  l'impression.  Il  s'était  pro- 
posé, dans  celte  fiction,  de  peindre 
le  triomphe  de  L'amour  conjugal  en 
Orient,  et  le  despotisme  légitimé  par 
la  vertu  qui  se  consacre  au  bonheur 
du  genre  humain;  mais  quoiqu'on  re- 
connaisse encore  souvent ,  dans  cette 
production  ,  sa  plume  ingénieuse  et 
énergique ,  il  n'a  pas  su  déguiser  l'in- 
vraisemblance de  son  récit ,  ni  y  ré- 
pandre l'intérêt  dont  il  était  suscepti- 
ble. Nous  eu  indiquerons  bientôt  la 
raison.  Il  paraît  qu'après  la  publica- 
tion de  l'Esprit  des  Lois  ,  les  forces 
physiques  de  Montesquieu  diminuè- 
rent rapidement,  et  ne  répondaient 
plus  à  son  ardeur  pour  le  travail  : 
«  J'avais,  dit-il  dans  son  journal  , 
»  concilie  dessein  de  donner  plus  d'é- 
»  tendue  et  de  profondeur  a  quelques 
»  endroits  de  mon  Esprit  des  lois  ; 
•»  j'en  suis  devenu  incapable.  Mes 
»  lectures  m'ont  affaibli  les  yeui  ;  et 
»  il  me  semble  nue  ce  qu'il  me 
»  encore  de  lumière,  n'est  que  l'au- 
»  rore  du  jour  où  ils  se  fermeront 
»  pour  jamais  1,   effet,  il 

mourut  peu  di  .  !<•   i(> 

février  17  autc  «  1 


MON 


5iq 


six  ans  ,  c'est-à-dire ,  seulement  sept 
ans  après  la  publication  de  son  grand 
ouvrage.  Il  fut  attaqué  avec  violence 
par  une  lièvre  inflammatoire,  qui 
L'emporta  au  bout  de  treize  jours.  Il 
était  alors  à  Paris.  Les  soins  les  plus 
tendres  lui  furent  prodigués  par  la 
duchesse  d'Aiguillon  ,  son  ancienne 
amie  ,  le  duc  de  Nivernois  ,  le  che- 
valier de  Jaucourt ,  M.  et  Mmc.  Du- 
pré  de  Saint-Maur.  La  douceur  de 
son  caractère  se  soutint  jusqu'au  der- 
nier soupir  ;  il  ne  lui  échappa  ,  dit- 
on  ,  ni  une  plainte ,  ni  la  moindre 
impatience.  Il  connut,  des  les  pre- 
miers instants  ,  qu'il  était  en  dan- 
ger; et  pour  interroger  les  médecins 
sur  son  état  ,  il  leur  disait  :  «  Gom- 
»  ment  va  l'espérance  à  la  crainte?  » 
Les  Jésuites  cherchèrent  ta  le  gagner 
dans  ses  derniers  moments  ,  et  ils  lui 
envoyèrent  le  P.  Routh  et  le  P.  Cas- 
lel ,  qui  furent  accusés  d'avoir  mis 
dans  l'exercice  de  leur  ministère 
une  obsession  blâmable.  Montesquieu 
leur  disait  :  «  J'ai  toujours  respecté 
»  la  religion  (  cela  était  vrai  pour 
»  les  ouvrages  qu'il  a  avoués  )•  la 
»  morale  de  l'Évangile  est  le  plus 
»  beau  présent  que  Dieu  ait  pu  faire 
»  aux  hommes.  »  On  n'en  put  tirer 
aucun  autre  aveu  {F.  Roimi.)  Com- 
me les  Jésuites  le  pressaient  de  lui 
remettre  les  corrections  qu'il  avait 
faites  aux  Lettres  persanes,  «lui  .l'en 
religieux,  il  s'y 
refusa;  puis  il  remit  ce  manuscrit 
a  Mme,  la  duchesse  d'Aiguillon  et  \ 
.  Dupréde  Saint-Maur,  en  leur 
disant  :  «  a*-  yeux  tout  sacrifie:'  à  la 
»  religion  ,  mais  rien  aux  Jésuites  ; 
»  consulte/,  avec  mes  ami 
»  dez  si  ceci  doil  paraître.  »  Il 

viatique    d 
du  curé  :  celui  -ci   lui  ayant   dit  : 
«  Monsieur,  \<>un  c< 
»  bu  ind.  »  —  «  Oui , 


5-20  MON 

»  reprit-il,  et  combien  les  hommes 
»  sont  petits.  »  Montesquieu  a  laissé 
un  grand  nombre  de  manuscrits.  On 
nous  a  parlé  de  la  Relation  de  ses 
voyages,  que  nous  n'avons  point  vue: 
si  elle  existe,  elie  doit  être  dans  un 
état  très-iinparlait  ;  car  nous  savons 
par  une  lettre  qu'il  a  écrite  le  i5  dé- 
cembre 1754,  c'est-à-dire,  moins  de 
deux  mois  avant  sa  mort,  qu'alors 
celte  relation  n'était  pas  encore  ré- 
digée ,  et  qu'il  hésitait  même  sur  la 
forme  qu'il  devait  lui  donner.  Nous 
ignorons  si  les  Notes  sur  l'Angle- 
terre, qu'on  a  insérées  dans  quelques- 
unes  des  dernières  éditions  de  ses 
OEuvres  ,  sont  extraites  des  maté- 
riaux qui  avaient  été  préparés  pour 
celte  relation.  Il  y  a  quelques  années 
que  la  principale  portion  des  manus- 
crits de  Montesquieu  fut  apportée  à 
Paris,  du  consentement  des  héritiers 
de  ce  grand  homme  ;  nous  eûmes 
alors  occasion  de  les  examiner  pen- 
dant quelques  heures  seulement  :  ils 
consistaient;  i°.  en  un  petit  roman 
intitulé  le  Mètempsycosiste ,   com- 
posé de  six  cahiers  tort  minces  ,  co- 
piés au  net,  et  qui  ne  sont  pas  de  la 
main  de  Montesquieu  ;  si  nous  ju- 
gions de  tout  l'ouvrage  par  le  pre- 
mier cahier,  le  seul  que  nous  ayons 
lu,  il  serait  peu  digne  de  l'auteur  des 
Lettres  persanes;  —  2°.  en  plusieurs 
cahiers  écrits  de  la  main  même  de 
Montesquieu  ,  intitulés  :   Morceau x 
qui  n'ont  pu  entrer  dans  V Esprit  des 
Lois  ,   et  qui  peuvent  former  des 
dissertations  particulières.  Nous  en 
avons  remarqué  un  sur  la  Puissance 
paternelle  y  un  autre  sur  les  Obliga- 
tions sur  parole  ,  un  troisième  sur 
les  Successions ,  dans  lequel  Mon- 
tesquieu propose  d'établir  l'égalité 
des  partages  ,  de  conserver  (dans  la 
classe  noble  seulement  )  les  droits 
d'aînesse  ,    et  de  transmettre  dans 


MON 

cette  classe  tout  l'héritage  à  l'aîné 
des  mâles  à  l'exclusion  des  autres  en- 
fants ;  —  3°.  en  trois  gros  vol.  in-4°. , 
reliés  ,  de  Goo  à  700  pag.  chacun  : 
ce  sont  des  extraits  que  Montesquieu 
faisait  de  ses  lectures  ,  et  à  la  suite 
desquels    il  écrivait  ses  réflexions. 
En  les  parcourant,  nous  fûmes  éton- 
nés de  voir  que  les  pensées  les  plus 
remarquables  et  les  plus  profondes 
lui  étaient  presque  toujours  suggérées 
par  des  ouvrages  frivoles  ;   et  il  eu 
lisait  beaucoup  de  ce  genre.  Dans  le 
grand  nombre  de  réflexions  que  nous 
avons  lues  ,  nous  avons  retenu  celle- 
ci  :  «  Un  flatteur  est  un  esclave  qui 
»  n'est  bon  pour  aucun  maître.  »  Il 
y  a  dans  ces  trois  volumes  quelques 
morceaux  d'une  assez  grande  éten- 
due.   Nous  avons  sur-tout  lu  avec 
admiration  une  sorte  d'introduction 
à  l'histoire  de  Louis  XI ,  qui  égale  ce 
que  Montesquieu  a  écrit  de  mieux. 
Il  commence ,  dans  ce  morceau ,  par 
tracer  le  tableau  de  la  situation  poli- 
tique de  l'Europe  ,  lorsque  Louis  XI 
monta  sur  le  trône.  Il  l'ait  voir  en- 
suite   combien  elle  était   favorable 
à  ce  roi ,  et  que  ce  qu'on  attribue  a 
son  habileté  ne  fut  que  le  résultat 
nécessaire  des  circonstances  où  il  se 
trouvait  :  il  indique  ensuite  tout  ce 
qu'il  aurait  pu  faire  de  grand  ,  et 
qu'il  ne  fit  pas  j  puis  il  ajoute  :  «  Il 
w  ne  vit  dans  le  commencement  de 
»  son  règne  ,  que  le  commencement 
»  de  sa  vengeance.  »  Il  déerit  les  hor- 
ribles cruautés  qui  accompagnèrent 
les  dernières  années  du  règne  de  Ce 
tyran,  et  termine  son  récit  par  cette 
réflexion  :  «  Il  lui  semblait  que  pour 
»  qu'il  vécût,  il  fallait  qu'il  fit  vio- 
»  lciice  à  tous  les  gens  de  Lien.  »  11 
établit  un  parallèle  entre  Louis  XI  et 
Richelieu,  qui  est  tout  à  l'avantage 
de  ce  dernier ,  et  finit  ainsi  le  pb  rirait 
qu'il  a  tracé  de  ce  grand  ministre  : 


MON 

«  II  fit  jouer  à  son  monarque  le  se- 
»  cond  rang  ilans  la  monarchie,  et  le 
«  premier  dans  l'Europe; il  avilit  le 
»  roi,  mais  il  illustra  le  règne.  »  Ce 
que  nous  venons  dédire,  ajoutera 
peut-être  encore  de  nouveaux  regrets 
a  ceux  qu'on  a  déjà  manifestes  rela- 
tivement à  cette  histoire  de  Louis  XI, 
écrite  ,  dit-on,  en  entier  par  Montes- 
quieu ,  et  dont  son  secrétaire  brûla 
par  megarde  la  copte  au  net,  tandis 
que  lui-même  jeta  au  feu  le  brouillon , 
croyant  que  cette  copie  existait  en- 
core. Mais  ceux  qui  ont  le  plus  de 
droit  de  se  dire  bien  instruits  de  ce 
qui  concerne  Montesquieu  ,  nous  ont 
assure  qne  cette  anecdote  était  apo- 
cryphe. Le  soin  qu'a  eu  Montesquieu 
de  conserver  tous  ses  brouillons  ,  et 
les  maîc'riaux  mêmes  de  ses  œuvres, 
le  peu  de  vraisemblance  que  le  se- 
crétaire d'un  auteur  livre  au  feu  la 
copie  au  net  4'un  ouvrage  non  en- 
core imprime  ,  ajoutent  à  la  proba- 
bilité de  ce  qu'on  nous  a  dit  ;  mais 
ne  devons  pas  omettre  de  rap- 
porter les  faits  qui  tendent  à  prou- 
ver le  contraire.  Eu  17  ^7  ,  l'acadé- 
mie des  inscriptions  avait  proposé 
pour  sujet  du  concours  de  tracer  l'é- 
tat des  lettres  sous  le  règne  de  Louis 
VI.  L'abbé  de  Guasco  voulait  con- 
courir  ;  et  Montesquieu  lui  écrivait 
alors  :  «  Si  les  Mémoires  sur  le 
»  je  travaillai  l'histo; 
»  n'avaient  point  été  brûlés  ,  j'au- 
-,)  rais  pu  vous  fournir  quelque  chose 
»  sur  ce  sujet.  »  C'est  dans  un 
explicative  de  ce  passage,  que  l'abbé 
1  rapporte  l'anecdote  de  la 
destruction  du  manuscrit  de  l'his- 
toire de  Louis  \1  ;  m. is  cette  anec- 
dote  avail  ird'au- 

•!  surtout  parFréron,  que  ! 

.  contredil  mt  que 

dtru'ùrc  maladie  «.'. 


MON 

mais  en  1739,  ou  en  1740,  et  qu'il 
conta  cet  accident  à  un  de  ses  amis, 
a  l'occasion  de  l'Histoire  de  Louis 
XI,  par  Duclos,  qui  venait  de  pa- 
raître. Au  milieu  de  ces  récils  con- 
tradictoires, s'il  nous  était  permis  de 
former  une  conjecture,  nous  dirions 
qu'il  est  probable  que  Montesquieu 
conçut  l'idée  de  composer  l'histoire 
de  Louis  XI ,  mais  qu'il  y  renonça  ; 
qu'alors  il  condamna  aux  flammes 
ce  qu'il  avait  écrit  sur  ce  sujet,  et 
que  peut-être  une  portion  de  ce  tra- 
vail qu'il  voulait  réserver  fut  jetée  au 
feu  par  mégarde,  ce  qui  a  donné  lieu 
à  la  diversité  des  récils  qu'on  a  faits 
à  cette  occasion.  Nous  pensons  que 
Montesquieu    n'a   pas  achevé  colle 
histoire  ,   non    plus    que    celle   de 
Théodoric  ,    roi  des    Ûstrogoths  , 
qu'il   avait  ,   dit  -  on  ,  commencée. 
Nous   ajouterons  encore  que ,    sui- 
vant nous  ,  on  doit  se  féliciter  qu'il 
ait  abandonné  ces  entreprises  pour 
s'attacher  exclusivement  à  Y  Esprit 
des  lois  ;  et  nous  fon  Ions  cette  as- 
n,  non-seulement  sur  l'excel- 
lence ei  l'utilité  de  cet  ouvrage,  mais 
encore  sur  îles  motifs  qui  s'eloij 

pinion  commune ,  et 
que  nous  oserons  cependant  exposer. 
Montesquieu,  si  admirable  quand  il 
présente  les  résultats  de  l'histoire  , 
nfontesquic  1,  d 

le  manuel  de  tous  ceux  qui  vou- 
dront écrire  i'histoiri  pas, 
suivant  nous,  le  .il  pro- 
pre à  former  uu  historien  du  pre- 
ordre.  Boiîeau  louait  un  jour  lo 
livre  des  Caractères  de  La  1):  ■ 
et  insistait  sur  le  mérite  di 
mais  il  remarquait  judi 

l'auteur,  par  la  forme   1 
de  son   ouvrage ,    s'étail   affranchi 
d'une  des  plus  iltés  do 

l'arl  d 
partie  de  l' 


5ii  MON 

à    l'historien  qui ,    dans  clos  récifs 
d'événements  compliqués  et  divers , 
doit  conserver  l'unité  d'intérêt,  nuan- 
cer habilement  tous   les   détails ,  et 
faire  ressortir,  sans  les  isoler,  les 
groupes  principaux  des  vastes  ta- 
bleaux qu'il  nous  présente.  l'Esprit 
des  lois ,  les  Considérations  sur  les 
causes  de  la  grandeur  et  de  la  dé- 
cadence des  Romains,  sont  compo- 
sés de  chapitres  fort  courts,  qui  sou- 
vent forment  chacun  un  tout  à  part , 
et  qui  ne  sont  liés  entre  eux  que  par 
la  similitude  des  sujets,  relativement 
au  but  principal  des  ouvrages  dont 
ils  font  partie.  Les  Lettres  persanes 
ont  aussi  très-peu  d'étendue  :  les  plus 
longues  n'ont  que  trois  à  quatre  pa- 
ges j  et  elles  traitent  toutes  de  sujets 
divers ,  et  qui  n'ont  entre  eux  que 
peu  ou  point  de  connexité.  L'histoire 
aApheridon  et  d' Aslarté ,  et  le  su- 
blime apologue  des  Troglodites  9  qui 
s'y  trouvent,  n'excèdent  pas  dix  pa- 
ges ,  et  sont ,  pour  les  faits ,  d'une 
extrême  simplicité.  Ainsi ,  Montes- 
quieu dans  tous  les  ouvrages  auxquels 
il  a  dti  sa  réputation,  s'est,  comme 
La  Bruyère ,  affranchi  de  la  nécessité 
des  transitions.  Quand  il  a  entrepris 
de  faire  un  récit  d'une  certaine  lon- 
gueur ,  on  s'est  aperçu  aussitôt  de  ce 
qui  lui  a  manqué  à  cet  égard  :  pour 
s'en  convaincre ,  il  suffit  de  lire  la 
vie  du  maréchal  de  Bcrwick,  le  ro- 
man d' Arsace  et  cl'Isménie ,  et  même 
le  temple  de  Gnide.  Les  diverses  par- 
ties  de  ces    opuscules   ne  sont  pas 
bien  disposées  entre  elles ,  et  ne  se 
succèdent  pas  naturellement. Les  pen- 
sées les  plus  ingénieuses ,  et  les  ré- 
flexions les  plus  profondes  ,  nuisent 
à   l'intérêt  du    récit  ,   faute    d'être 
préparées  par  des  phrases  intermé- 
diaires ,  nécessaires  à  l'enchaînement 
des  idées ,  ou   faute  d'être  placées 
convenablement.  Le  style  est  heurté, 


MON 

contraint,  sans  variété,  et  tout  Top- 
posé  de  cette  souplesse ,  de  cette  liai- 
son ,  de  cette  harmonie,  indispensa- 
bles à  l'historien,  qui  doit  soutenir, 
sans  la  fatiguer,  l'attention  des  lec- 
teurs pendant  une  longue  narration. 
Montesquieu  a   dit  de  Tacite,   qu'il 
abrégeait  tout ,  parce  qu'il   voyait 
tout.  Ce  bel  éloge  a  été  avec  raison 
appliqué  a   Montesquieu  lui-même; 
et  l'on  a  souvent  comparé  entre  eux 
ces  deux  grands  hommes.  Des  génies 
de  cet  ordre  ont  un  caractère  parti- 
culier d'originalité,  qui  rend  fausses 
toutes  les  similitudes  qu'on  veut  éta- 
blir. S'il  fallait  déterminer  les  dé- 
grés de  prééminence  qui  distinguent 
Tacite  et  Montesquieu,  nous  dirions 
que  l'auteur  français  surpasse  l'au- 
teur latin  par  la  variété  et  l'étendue 
de  ses  connaissances,  par  la   gran- 
deur de  ses  conceptions  et  l'abon- 
dance de  ses  pensées,  mais  qu'il  lui 
cède  sous  le  rapport  du  talent  et  de 
l'éloquence  ;   qu'enfin ,    il    est    plu 
grand   comme    philosophe  ,    mai 
moins  grand  comme  écrivain.  Tacii 
maintient  toujours  la  dignité  de  s 
expressions  à  la  hauteur  de  son  s 
jet  :  il  n'altère  point  par  d'ingéniei 
ses  antithèses  la  gravité  de  son  style 
et  les  grâces  du  bel-esprit  n'énervei 
pas  sa  phrase  énergique  ,  et  ne  n 
froidissent  jamais  la  chaleur  de  ses 
récits.   Si  nous   voulions   chercher 
dans  les  anciens  des  exemples  pour 
donner  une  idée  de  la   manière  de 
Montesquieu  ,  comme  écrivain,  nc\;s 
dirions  encore  qu'elle  se  compose  de 
plusieurs  des  belles  qualités  de  Ta- 
cite ,  et  de  quelques-uns  des  brillants 
défauts  de  Sénèque  (i).  V.  Mal- 

REPAS,  XXVII,   545.  W— R. 


(1)  Les  deux  meilleures  édifions  des  œuvres   de 

Montesquieu  ,  sont  celle  qui  a  été  donnée  par  M.  Alt- 

ger  ,  en  6  vol.  io-8°.,  précédée  d'une  vie  de  )  auteur, 

vie,  1816,  et  celle  de  M.  Lequùu 


MON 

MONTESQUIOU.  F.  Conde', 
IX,  389. 

MOlNTESQUIOU    d'Arta- 

GNAN   (  PlLRRE    DE  )  ,     maréchal    de 

France  ,  descendait  d'une  ancienne 
et  illustre  famille  du  comte  d'Ar- 
magnac ,  qui  subsiste  encore.  N 
i645,  il  tut  admis  à  l'âge  de  quinze 
ans  clans  les  pages  ,  et  entra  ,  quel- 
que temps  après,  dans  la  première 
compagnie  de  mousquetaires ,  qu'il 
rejoignit  à  Pignerol:  il  fit  la  campa- 
gne de  1666,  contre  l'évêque  de 
Munster ,  assista  aux  sièges  de  Tour- 
nai ,  de  Lille,  de  Besançon,  où  il 
se  signala  par  beaucoup  de  valeur  ; 
et  il  passa,  en  1668  ,  dans  les  gardes. 
11  s'éleva  successivement  du  grade 
d'enseigne  à,  celui  de  major  ,  et  fut 
charge,  en  1681,  d'établir  l'unifor- 
mité de  lexercice  dans  L'infanterie. 
Ayant  èiè  créé  brigadier  des  armées, 
en  1688,  il  fut  envoyé',  l'année  sui- 
vante, à  Cherbourg  qui  était  me- 
nacé par  le  prince  d'Orange;  et  il 
se  montra  avec  avantage  a  la  bataille 
de  Fleuras  :  il  se  distingua  encore 
dans  les  guerres  de  la  succession,  se 
trouvant  à  presque  tous  1 
et  a  un  grand  nombre  de  batailles  : 
on  le  récompensa  par  le  grade  de 
lieutenant  -  général.  Il  commandait 
l'aile  droite  à  Malplaquet ,  en  1707  ; 
et  sa  belle  conduite,  dans  cette  jour- 
née, lui  mérita  le  bâton  de  maréchal. 
Il  continua  cependai. 
bs  ordres  <!<■  \  illars.  N<  mm< 
mandant  en  Bretagne,  en  17165  en 
1720  ,  membre  du  conseil  d< 
genre;  il  mourut,  l«  1 
au  Plessis- Piquet,  près  Paris.   \\  -s. 

Vol.  iu8".  ,  Paru,  j8l(;    Oui  (le  CeUc 

(I.  1  iip  1  ■ 

ouyrogi 

!>•  11  m 

I 


MON 

MOINTESQUIOU-MOMLLC.  V. 
Mohtluc  et  Cramail. 

MONTESQUIOU  - FEZENSAC 

(  A:\ne-Pierre,  marquis  de  ),  lieu- 
tenant-général ,  né  à  Paris ,  eu  1741  , 
de  la  même  famille  que  le  précé- 
dais d'une  autre  branche, 
fut  élevé  à  la  cour  ,  et  attache  com- 
me menin  aux  enfants  de  France.  Il 
joignait  à  un  esprit  facile  et  aimable, 
aux  manières  qui  n'appartiennent 
qu'aux  plus  hautes  classes  de  la  so- 
ciété, une  instruction  solide  et  variée. 
Son  goût  pour  les  lettres  lui  mérita 
la  bienveillance  particulière  de  Mon- 
sieur (  Louis  XVIII  ),  dont  il  fut 
nommé,  en  1771  ,  premier  écuyer, 
el  qui  ne  cessa,  jusqu'au  moment 
de  la  révolution  ,  de  le  combler 
de  laveurs.  Montesquieu  ,  entré  jeu- 
ne au  service,  fut  élevé  au  grade 
de  maréchal-de-camp,  en  1780,  et 
décoré  des  ordres  du  roi  ,  en  1783. 
A  la  mort  de  M.  de  Coetlosquet ,  éve- 
que  de  Limoges  (  V.  Coetloso: 
il  fut  élu  son  successeur  à  l'acad 
française,  en  1784;  et,  malgré  les 
épigrammes  qui  coururent  alors , 
oit  convenir  qu'il  avait  d'autres 
titres  à  cet  honneur  que  sa  généalo- 
gie (*;.)•  La  séance  consacrée  à  sa 
réception,  fut  honorée  de  la  pré- 
sence du  roi  de  Suède,  Gustave  III, 
qui  voyageait  alors  sous  le  nom  de 
■  de  Haga.  Suard  lui  répondit 
alité  de  directeur  de  l'académie, 
ppcla  tous  les  droits  du  réci- 
piendaire. «  Votre  talent  »  ,  lui  dit- 
il  ,  «    ne  s'est  pas  borné  à  de  petits 


1ère,  il  <  bùl  an  iere  |»  tit-fiJl  '!•■  M»"-'. 
tide  )■ 

il    porler    le  nom  el  '• 

,,1  ,  ...1,11  Hnofl 


MON 


54 

v  ouvrages  de  société  ;  il  s'est  elcve 
»  à  an  genre  plus  digne  encore  des 
»  regards  du  public;  vous  avez  fait 
»  des  comédies  ,  où  vous  avez  peint 
»  les  mœurs  de  la  société  avec  le 
»  coup-d'œil  (in  de  l'observateur,  et 
»  avec  l'art  du  poète  (i).  »  Députe, 
en  1789,  parla  noblesse  de  Paris, 
aux  étals -généraux,  il  fut  l'un  des 
premiers  membres  de  cet  ordre  qui 
se  réunirent  au  tiers-état.  Pendant  la 
session ,  il  s'occupa  plus  particuliè- 
rement des  questions  de  finances,  et 
développa  des  connaissances  .qu'on 
était  loin  de  lui  soupçonner.  Quoi- 
qu'il ne  partageât  pas  entièrement  les 
vues  de  ISecker  ,  il  appuya  diverses 
propositions  de  ce  ministre,  et  con- 
tribua beaucoup  à  les  faire  adopter. 
Nommé  rapporteur  de  la  commis- 
sion qui  était  chargée  de  déterminer 
le;  mode  de  fabrication  des  assignats, 
il  parla  plusieurs  fois  sur  la  néces- 
site d'en  régler  l'émission,  pour  en 
prévenir  le  discrédit ,  et  d'adopter 
de.',  mesures  pour  en  soutenir  la 
valeur.  Apres  l'arrestation  du  roi 
Louis  XVI  à  Varcnnes,  Monsieur  fit 
demander  à  Montesquiou  sa  démis- 
sion de  la  charge  de  son  premier 
ecuyer.  Celui-ci  en  accompagna  l'en- 
voi d'une  lettre  dans  laquelle  il  cher- 
chait à  justifier ,  auprès  de  ce  prince, 
la  conduite  qu'il  avait  tenue  depuis  le 
commencement  de  la  révolution.  À 
la  fin  de  la  session,  il  fut  appelé  au 
commandement  de  l'armée  du  midi; 
il  se  rendit  à  Avignon,  peu  apiès  les 

blés  qui  avaient  ensanglanté  cette 
malheureuse  viilc,  et  prit ,  pour  en 
prévenir  le  retour,  les  mesures  qu'il 

lit  les  plus  elïicaces  :  il  se  vit 
bientôt  exposé  à  de  violentes  dénon- 

(1)  En  mars  1777,  <)"  joaa  cb<  1    M 
son ,  le  Mimttit  11  .■■  ,  comédie  riu  marquis  de 
.  qui  u'u'ntiiit  que  p>*u  de  succès  ,  ilil   G 

tails  bci- 


MON 


ciations  ;  mais  il  les  méprisa  ,  et  ng 
s'occupa  que  des  moyens  de  pré- 
server les  frontières  d'une  invasion. 
Il  entra  lui-même  dans  la  Savoie , 
le  22  septembre  1792,  et  acheva  la 
conquête  de  ce  pays  ,  sans  avoir  eu 
à  répandre  une  goutte  de  sang.  Les 
révolutionnaires,  qui  ne  pouvaient  lui 
pardonner  les  démarches  qu'il  avait 
faites,  aux  approches  du  10  août, 
pour  ramener  les  Girondins  à  la  cause 
du  tronc ,  avaient  juré  sa  perte.  La 
nouvelle  du  succès  qu'il  venait  d'ob- 
tenir ,  fit  suspendre  l'exécution  du 
décret  qui  prononçait  sa  destitution  : 
ce  décret  fut  définitivement  rap- 
porté ,  sur  la  demande  des  commis- 
saires de  la  Convention  à  l'armée  des 
Alpes.  Mais  un  mois  après  (  9  nov. 
1 792  ) ,  Monstequiou  fut  décrété  d'ac- 
cusation j  sous  le  ridicule  prétexte 
qu'il  avait  compromis  la  dignité  na- 
tionale dans  la  négociation  dont  il 
avait  été  chargé  avec  Genève,  pour 
l'éloigncmcnt  des  troupes  suisses.  Il 
crut  devoir  se  soustraire  à  l'exéci 
tion  de  ce  décret ,  et  partit  de 
nève  avec  quelques  louis  qu'il  ci 
prunta  d'un  négociant ,  auquel 
avait  osé  se  confier  :  il  se  retira 
Suisse,  où  il  tâcha  de  se  faire  oubli 
(1).  Le  retour  aux  idées  de  mor 
et  de  justice  lui  lit  concevoir  l'espc 
rance  de  rentrer  dans  sa  patrie;  et 
adressa,  en  1 793,  à  la  Convention  , 
un  mémoire  justificatif  de  sa  con- 
duite ,  demandant ,  au  besoin ,  des 
juges,  et  un  sauf-conduit,  afin  de- 
pouvoir  se  présenter  devant  eux. 
Son  nom  fut  alors  rayé  de  la  liste 
des  émigrés;  et  il  revint  à  Paris  ,  où 
ii  mourut,  le  3o  décembre  1798,  à 
l'âge  de  cinquante-  sept  ans  ,  après 

elle  particularité,  coq  ignée  dans  le  Monite 
a  l'époque  même  clc  l'accusation  de  Montesquiou 
moulre  ia  fausseté  de*  anecdotes  rapporté» 
,  d'où   ;l!:s  passi  ronl   sa 

:    ititHIS   du   Ul'-i.':' 


MON 

avoir  figure  dans  un  nouveau  cîuî> 
formé  à  Paris  ,  sous  le  titre  de  Cer- 
cle constitutionnel  ,  et  avoir  fait  de 
vains  efforts  pour  se  faire  nom- 
mer députe.  Ou  a  de  Montesquiou 
plusieurs  Pièces  de  vers  agréables  ; 
Laharpe  et  Grimm  en  ont  inséré 
quelques-unes  dans  leurs  Correspon- 
dances :  —  Discours  de  réception 
à  V académie  française  ;  Grimm 
trouve  qu'il  y  règne  une  grande  pu- 
reté de  goût  ;  et  il  en  a  donné  une 
analyse  intéressante  (juin  1 784);  — 
Emilie  ou  les  joueurs,  comédie,  Pa- 
ris, 1787,  in- 18;  tiré  à  cinquante 
exemplaires  ,  pour  des  présents  : 
c'est,  dit  Laharpe,  un  ouvrage  es- 
timable, et  qui,  avec  quelques  lé- 
gers changements,  pourrait  avoir 
du  succès  au  théâtre; —  Corres- 
pondance ,  in-8°  ;  —  Mémoire  jus - 
tificatif,  1 79^ ,  in- 4°.  (  1);  —  Des 
Èapports  et  des  Mémoires  sur  les 
finances  du  royaume; — Du  gou- 
vernement des  finances  de  France, 
d'après  les  lois  constitutionnelles , 
d'après  les  principes  d'un  gauver- 
nement libre  et  représentatifs  1  797, 
in-8°.;  il  y  trace  avec  une  clarté 
parfaite  les  principes  généraux  de 
la  législation  financière  sous  une  ré- 
publique ,  assigne  chaque  goure  de 
revenu  à  chaque  espèce  de  dépense  , 
et  présente  les  moyens  d'éteindre, 
ave*;  succès,  la  dclle  publique;  — 
Couj>-d'a.'il  sur  la  révolution 
cuise  ;  —  Plusieurs  articles  dans  le 
Journal  de  Paris. On  "lier, 

pour  plus  de  détails,  la  France  lit- 
téraire de  Ersch,  et  ses  suppléments. 
W— s. 

MONTESSf  lAULOTTE- 

ÏSàWW  .il     DE 

Riou ,  marquise   di  ît,  en 

]>.>r  l.i  t 
général  Moni 


MON  5*5 

T737,  d'une  famiile  distinguée  de 
Bretagne.  Sa  figure  était  charmante 

sans  offrir  rien  de  parfaitement  ré- 
gulier :  elle  n'avait  que  seize  ou  dix- 
sept  ans,  lorsque  le  marquis  de  Mon- 
tesson,  lieutenant-général  des  armées 
du  roi ,  riche  gentilhomme  de  la  pro- 
vince du  Maine,  mais  déjà  avancé 
en  âge,  lui  fut  donné  pour  époux. 
Sa  fortune  s'accrut  beaucoup  par  hi 
mort  de  son  frère  unique,  le  marquis 
de  la  Haie  de  Riou,  gentilhomme  de 
la  manche  du  duc  de  Bourgogne,  et 
officier  supérieur  de  gendarmerie, 
qui  fut  tué  à  la  bataille  de  Minden. 
Mme.  de  Montesson  resta  veuve  en 
1 7G9  ;  son  excellente  réputation  ,  ses 
talents,  son  amabilité  et  la  bonté  de 
son  caractère,  la  firent  rechercher 
dans  le  monde.  Collé  suppose  que 
ce  fut  dès  Tannée  1766,  que  le  duc 
d'Orléans  ,  petit  -  fils  du  régent  , 
commença  à  éprouver  pour  elle  un 
vif  attachement.  Rendue  à  la  liberté 
de  ses  affections  ,  elle  opposa  encore 
une  longue  résistance  au  sentiment 
que  ce  prince,  jusqu'alors  fort  in- 
constant, desirait  lui  faire  partager. 
Il  se  détermina ,  vers  la  fin  de-  1 
à  lui  offrir  sa  main  ;  et  le  2$  avril 
1773,  la  bénédiction  nuptiale  fut 
donnée  dans  la  chapelle  de  M1 
Montesson,  par  le  curé  de  Sainl 

,  dont  elle  était  paroissienne. 
Il  y  avait  été  autorisé  par  l'ai ,  : 
que  de  Paris,  sur  le  consente] 

1  (  1  ) ,  Sa  Majesté  voulant  que, 
le  mariage  restât  secret,  autant 
que  faire  se  pourrait  ;  c'est-à  -1  !  i  rr  , 
aussi  long  -  temps  qu'aucun  enfant 
n'en  sciait  le  fruit.  A  la  connaissance 


(1)  !•■  i  nuis    Mil  .   il  esl  d 

tons  |i ■•.  | 

u  Moniteur  l'at 

>,  dira  dr  mu  pari  m   ■ 

»  el  VOU 

de  GriniBi,  "  pwt.,i 


5*6 


MON 


MON 


près  des  circonstances  qui  ne  du- 
rent pas  être  rendues  publiques  ,  on 
peut  dire  que  ce  mariage  ne  fut  ignoré 
ni  à  la  cour  ni  à  la  ville;  et  l'on 
pensa  généralement  que  Mme.  de 
Montesson  ,  devenue  l'épouse  du . 
premier  prince  du  sang,  sans  avoir 
le  litre  et  le  rang  de  princesse ,  se 
trouvait  dans  une  position  intermé- 
diaire fort  difficile,  puisqu'elle  avait 
presque  également  à  redouter  l'envie 
et  le  ridicule.  Elle  parvint  à  désar- 
mer l'une,  et  évita  l'autre  par  une 
conduite  habile  et  soutenue.  Douée 
de  beaucoup  de  justesse  d'esprit,  de 
patience  et  de  raison,  elle  établit 
adroitement  des  nuances  dans  son 
langage  et  dans  ses  manières ,  sui- 
vant ses  différents  rapports  de  so- 
ciété. Elle  était  respectueuse  envers 
les  princes ,  en  conservant  ce  qu'il 
fallait  de  dignité  pour  que  sa  qualité 
ne  fût  jamais  oubliée.  Elle  gai  dut 
aussi  une  juste  mesure  avec  les  per- 
sonnes considérables  qui  lui  ren- 
daient des  soins  assidus, et  qui,  sans 
qu'elle  parut  l'exiger,  avaient  pour 
elle  les  mêmes  formes  de  déférence 
qu'elles  auraient  employées  avec  les 
princesses  du  sang;  elle  se  montrait 
enfin  affable  avec  les  inférieurs  , 
gracieuse  et  obligeante  pour  tous. 
Ce  fut  ainsi  qu'elle  réunit  à  nue 
considération  méritée ,  la  bienveil- 
lance presque  universelle.  Son  état 
dans  le  monde  rappelait  ce'.ui  de 
M,lie.  de  Mainteuon  k  la  cour  ;  mais 
il  faut  convenir  que  Louis  XIV  ,  de- 
venu vieux  ,  était  plus  difficile  à 
amuser  que  le  duc  d'Orléans  :  ce 
prince  avait  un  besoin  continuel  de 
varier  ses  plaisirs  ;  et  Mme.  de  Mon- 
tesson était  ingénieuse  dans  le  clioix 
des  amusements  de  société  qu'elle 
lui  ménageait  chaque  jour.  Leur  ma- 
riage fut  indiqué  long-temps  dans 
le  calendrier  romain;  mais  comme 


r-ti 


iî  n'était  pas  ostensiblment  avoué  es 
France,  Louis  XVI,  par  des  lettres 
patentes  du  26  août  1781,  enregis- 
trées deux  jours  après  au  parlement, 
autorisa  Mme.  de  Montesson  à  procé- 
der, tant  dans  les  tribunaux  que  dans 
les  actes  et  contrats  volontaires,  sous 
ses  seuls  noms  de  famille.  Sa  mai- 
son présentait  une  magnificence  sans 
faste  ,  et  cette  élégance  qui  réconci- 
lie tout  le  monde  avec  le  luxe.  C'était 
une  véritable  école  de  bon  goût  et  de 
politesse.  Nous  avons  indiqué  que  la 
fortune  personnelle  deMme.  de  Mon- 
tesson était   considérable.    Le    duc 
d'Orléans  la  consultait  souvent  sur 
l'emploi  de  la  partie  de  ses  immenses 
revenus  qu'il  desirait  consacrer,  soit 
à  l'agrément  commun  de  leur  vie  in- 
térieure ,  soit  à  des  actes  de  bienfai- 
sance. Elle  l'engageait  k  contribuer, 
et  contribuait-elle  même,  à  l'encou- 
ragement, au  perfectionnement  des 
sciences  ,  des  arts  utiles  ,  et  des  arts 
d'agrément.  Devenue  veuve  une  se- 
conde   fois,    en     178.5,    elle    fut 
payée,  après  quelques  discussions, 
du  douaire  qui  avait  été  stipulé  par 
son  contrat  de  mariage.  Une  nouvel 
contestation   s'étant   élevée  ,   Loi 
XVI  signa  ,  au  mois  de  juillet  1 79 
un  acte  par  lequel  il  reconnaissait  les 
droits  qu'elle  avait  à  ce  douaire  , 
comme    épouse  du  duc   d'Orléans. 
La   réserve  qu'elle   garda    pendant 
toute  la  durée  de   sa  vie ,  où  elle 
compta  de  véritables  amis  sans  s'ex- 
poser jamais  à  exciter  la  moindre 
inimitié;  la  douceur  et  l'affabilité  qui 
lui  étaient  naturelles,  peut-être  aussi 
le  souvenir  des  bienfaits  répandus 
par  elle  autrefois  dans  la  classe  in- 
digente du  peuple  ;  tout  concourut 
à  la  sauver  des  plus  grands  dangers 
de  la  révolution.  On  n'avait  pas  pu 
oublier  entièrement  que  dans  l'hiver 
excessivement  froid  de  1 788  à  1 789, 


par 

S 


MO 

elle  avait  fait  ôter  les  arbres  de  son 
orangerie  et  les  plantes  qui  ornaient 
les  serres  de  ses  jardins,  pour  que 
ces  bâtiments  devinssent  des  salles 
de  travail,  ouvertes  aux  pauvres,  lis 
y  recevaient  la  nourriture  ,  et  des  se- 
cours de  toute  espèce,  en  même- 
temps  qu'ils  y  trouvaient  un  abri 
contre  les  rigueurs  de  la  saison.  A 
une  époque  récente, une  circonstance 
remarquable  lui  attira  ,  de  ia 
part  de  Buonaparte  ,  la  plus  grande 
considération.  Elle  avait  autrefois 
connu  M1110,  de  Beauharnais,  avec 
laquelle  sa  liaison  s'était  renouée 
pendant  l'expédition  d'Egypte ,  et 
dans  un  voyage  aux  eaux  de  Plom- 
bières. A  son  retour ,  le  général , 
parcourant  des  papiers  de  sa  femme  , 
distingua  plusieurs  lettres  de  Mme. 
de  Montesson.  Au  milieu  de  toutes 
les  exagérations  de  sentiment,  si  fort 
à  la  mode  dans  le  dernier  siècle,  se 
trouvaient  de  sages  et  utiles  conseils. 
Il  fut  surtout  frappé  de  cette  phrase  : 
Vous  ne  devez  jamais  oublier  que 
vous  êtes  la  femme  d'un  grand 
homme;  et  dès -lors  l'a  Section  du 
premier  consul ,  devenu  ensuite  em- 
pereur, fut  acquise  à  la  personne  qui 
te  jugeait  aussi  favorablement;  il  fit 
payer  son  douaire,  qui  fut  assis  sur 
les  canaux  d'Orléans  et  du  Loing. 
Mmc.  De  Montesson  avait  mieux 
aimé  risquer  d'en  perdre  la  valeur 
entière),  que  de  le  l'air*;  liquider 
comme  ses  auti  ir  l'é- 

tat. Les  égards  que  lui  témoignait 
Buonaparte,  la  mirent  en  mesure  de 
satisfaire  des  sentiments  bien  chers 
à  son  cœur .  fen  obtenant  du  chef 
dû  gouvernement  une  augmentation 
considérable  au  tiuelles 

que  Louchaient  un  de 

princes  du  s 
princesses ,    dépouillées   et   i  i 
avec  lui.  Elle  mouiut  a  Paris,  le  G 


MON  5-».7 

lévrier  1806(1).  Son  corps  fut  : 
porté  dans  une  chapelle  de  la 
de  Saint-Port,  qui  est  la  parois 
château  de  Sainte- Assise,   près  de 

Melun  ,  où  le  duc  d'Orléans  était 
mort.  Ce  prince  avait  ordonné,  par 
son  testament,  que  son  cœur  et  ses 
entrailles  seraient  apportes  dans  cette 
église ,  a  espérant  (  disait-il  )  que  la 
»  dame  du  lieu  y  serait  inhumée  à 
»  ses  côtés,  et  voulant  qu'ils  fussent 
»  aussi  unis  après  leur  mort,  qu'ils 
»  l'avaient  été  pendant  leur  vie.  »  Les 
obsèques  de  Mme.  de  Montesson  fu- 
rent célébrées  avec  beaucoup  de 
pompe.  Le  corps  resta  dans  une  cha- 
pelle ardente  à  l'église  de  Saint-Rocb, 
pendant  trois  jours,  qui  furent  néecs- 
saires  pour  les  préparatifs  de  la  trans- 
lation. Mmc.  de  Montesson,  remar- 
quable par  son  caractère,  par  son 
esprit  et  parla  singularité  de  sa  situa- 
tion dans  le  grand-monde,  se  distin- 
guait encore  par  des  talents  d'agré- 
ment, peu  communs.  Élève  de  \  an 
Spaendohck,  elle  a  laissé  plusieurs 
tableaux  de  fleurs  dignes  de  l'école  de 
ce  grand  maître.  Elle  jouait  bien  de 
la  harpe,  chantait  de  manière  «à  faire 
le  plus  grand  plaisir,  et  passait  pour 
une  excellente  actrice  de;  société  (*.*)• 
Tels  étaient  enfin  l'assiduité  de  son 
a  pplication ,  son  ordre  et  sa  méthode 
dans  la  distribution  de  son  temps  , 
qu'elle  a  pu  encore  recevoir 
suite  des  leçons  de  physique  et  de 
chimie  de  MM.  Berthollet  et  La- 
place,  admis  jusqu'à  sa  mort  dans 
son    intimité',    et    composer,    entre 

. 

/       .  Philippe  d'Orléans. 
{■*)  Un  grand  uninbi 

tomme  auteur    dn tique  en    nu  m 

I 

-    ,  elle  joua  . 

1 1.-. 


5>S 


MON 


•Mitres  ouvrages,  seize  pièces  de  théâ- 
tre, etc.,  etc.  On  assure  qu'il  reste 
d'elle  deux  tragédies   manuscrites  , 
JLlfrède  et  la  Prise  de  Grenade,  et 
deux  comédies.  Au  surplus,  quoique 
aimant  beaucoup  les  belles-lettres, 
et  les  cultivant  avec  succès  ,  elle  n'a- 
vait point  la  manie  du  bel-esprit,  et 
ne  montrait  aucune  des  prétentions 
ambitieuses  qui  sont  trop  communes 
parmi  les  auteurs.   Grimm  revient 
souvent,  dans  sa    Correspondance , 
sur  les  spectacles  de  Mme.  de  Mon- 
tesson.  On  y  représentait  assez  habi- 
tuellement des  pièces  composées  par 
elle.  En  1777  ,  elle  donna  deux  dra- 
mes :  Robert  Sciarts,  en  5  actes  et 
m  prose ,  et  Y  Heureux  échange.  Le 
sujet  du  premier  était  un  trait  de  bien- 
faisance de  Montesquieu  (  V.  son  ar- 
ticle ,  pag.  5 1 7  ci-dessus  )  ;  le  person- 
nage principal  fut  rempli  par  le  duc 
d'Orléans.  Elle  mit  encore  a  la  scène, 
en  1778,  la  Femme  sincère  et  Y  A- 
viant  romanesque.  Voltaire  désira 
se  trouver  à  une  de  ces  représen- 
tations ,   pendant  laquelle   il   battit 
continuellement  des  mains.  Le  prin- 
ce ,  époux  de  Mme.  de  Montesson , 
qui   était  éminemment  bon   et  af- 
fable, se  réunit  à  elle  pour  accabler 
de  compliments,  et  même  de  cares- 
ses, le  plus  célèbre  et  le  plus  adulé 
des  écrivains  du  dix-huitième  siècle. 
En  la  voyant  venir  vers  sa   loge,  il 
se  mit  à  genoux ,  et  ce  fut  ainsi  qu'il 
reçut  cette  espèce  d'hommage.  Dans 
l'hiver  de  1781 ,  les  spectacles  dont 
il  s'agit,  ne  furent  pas  moins  suivis 
et  moins  agréablement  variés  c\v.e  les 
années  précédentes.  Ils  étaient  rc- 
jnarquaLles  tout  à-la-fois  par  le  rang 
des  acteurs,  par  l'éclat  de  l'assem- 
blée ,  par  le  choix  des  pièces  et  par 
l'exécution  théâtrale.  On  y  vit.  pa- 
raître ,  entre  autres,  deux  pièces  de 
]a  même  dame,,  qui  étaient  ses  pre- 


MON 

miers  essais  en  vers  :  Y  Homme  im- 
passible, et  la  Fausse  vertu.  Mme. 
de  Montesson  donna  encore  chez  e'.Ic 
Marianne ,  sujet  tiré  du  roman  de 
Marivaux.  Elle  eut  à  se  reprocher 
d'avoir  cédé  aux  instances  de  Mole 
et  au  vœu  des  comédiens ,  en  laissant 
lire  au  Théâtre-Français,  une  de  ses 
pièces ,  la  Comtesse  de  Chazelles ,  en 


5  actes  et  en  vers.  Cette  comédie, 


pré- 


sentée sans  nom  d'auteur,  et  jouée  le 
6  mai  1 78.5,  ne  fut  pas  bien  reçue  du 
public.  On  prononça  assez  générale- 
ment qu'elle  n'était  pas  bonne;  et  quel- 
ques personnes  l'attaquèrent  comme 
immorale.  Alors  Mme.  de  Montesson 
retira  sa  pièce  ,  en  déclarant  qu'elle 
était  son  ouvrage,  et  la  fit  imprimer 
à  un  petit  nombre  d'exemplaires  , 
pour  que  ses  amis  pussent  mieux  la 
juger.  Les  Liaisons  dangereuses  et 
Clarisse  en  avaient  fourni  le  cane- 
vas. Ce  fut  sous  le  titre  à' Œuvres 
anonymes  qu'elle  livra  à  Fimpres 
sion  le  recueil  de  ses  vers ,  de  s( 
compositions  en  prose ,  et  de  s< 
théâtre  (  178-*,  Didot,  8  vol.,  granc 
in-8°.  )  Il  n'en  fut  tiré  qu'un  tri 
petit    nombre    d'exemplaires    pou 
être  distribués  dans  le  cercle  le  pi 
intime  de  l'auteur;  et  aucun  ne  IV 
alors  vendu.  Cette  collection,  ôeYc 
nue  très -rare,  est  rangée  mainte- 
nant parmi  les  livres  précieux  :  elle 
a  même  été   payée  fort   cher  pj 
des  amateurs.  îl  y  a  un  volume 
Méla?iges, àésiçnccommelome  1  "\ 
et  qui  n'est  suivi  d'aucun  autre.  Oi 
y  trouve  d'abord  un  roman  en  prose  : 
Pauline.  Tout  le  reste  est  en  vers  ; 
Bosamonde ,  poème  en  cinq  chants; 
un  Conte  allégorique  ;  les  Dix-lad 
portes,  anecdote  tirée  des  Fabliau: 
enfin,  une  Lettre  de  Saint-Preux 
mi  lord  Edouard.  Ces  mélanges  , 
l'exception  du  roman  en  prose,  01 
été  imprimés  (  1782  )  en  un  vol. 


;.>\T 

semblable  à  la  collection  d'Ar- 
tois. Les  sept  autres  volumes  in-8°. , 
contiennent  quatorze  pièces, drames, 
comédies,  et  deux  tragédies  ;  L'une, 
intitulée  la  Comtesse  de  Bar,  a  de 
l'affinité  avec  Phèdre  :  Mme.  de 
Montesson ,  qui  en  avait  puisé  Je 
fonds  dans  les  Anecdotes  de  la  cour 
de  Bourgogne,  y  fait  souvent  fuisse 
route,  en  s'eiforçant  d'éviter  une 
dangereuse  ressemblance  avec  Ra- 
pine; l'autre,  Agnès  de  Méranie, 
tragédie,  est  encore  le  développe- 
ment d'un  épisode  du  roman  de 
M11'',  de  Lussan  sur  la  cour  de  Phi- 
lippe -  Auguste.  Ces  deux  pièces 
furent  représentées  avec  de  grands 
applaudissements  ,  par  les  comé- 
diens français  ,  sur  le  théâtre  de 
Mme.  de  Montesson.  M.  Barbier  lui 
attribue ,  dans  son  Dictionnaire  des 
anonymes,  une  traduction  du  Mi- 
nistre de  TVakefield ,  Londres  et 
Paris,  Pissot,  1 7O7,  in-12.  L-p-e. 
MONTET  (  Jacques  ) ,  chimiste 
languedocien,  naquit  en  172a 
hameau  de  Beaulieu ,  près  du  Vigan. 
Avant  qu'il  eut  songé  à  faire  choix 
d'un  état,  une  sorte  d'instinct  l'avait 
porté  à  acheter ,  à  force  d'économie 
et  de  privations  ,   la  collection  des 

■lires  de  l'académie  des  sciences 
de  Paris,  ce  recueil  dans  lequel  ses 
travaux  devaient  un  jour  trouver 
place.  C'est  là  sans  doute  qu'il  puisa 
ce  goût  pour  la  chimie  ,  qui ,  à  l'âge 
de  vingt  ans,  décida  de  sa  vocation. 

anglais  éclairé  ,  qui  app 
son  mérité,  l'engagea  .1  L'accompa- 
gner dans  ses  courses  en  Suisse , 
et  le  mit  à  portée  de  suivre,  à  Paris  , 
1rs  leçons  du  célèbre  Rouelle.  Au  re- 
tour de  Montel  a  Montpellier ,  quel- 
ques Mémoires  qu'O  présenta  à  la 
société  royale  d  ,  firent 

admettre,  à  vingt-six  ans ,  en  qua- 
lité d'adjoint  ,d  I  ■  1  hi- 


MON 


*9 


mie;  il  fut,  quelque  temps  après, 
élevé  au  rang  d'associé  ordinaire. 
Dès-lors  sa  vie  devint  toute  a< 
inique.  Il  n'en  faut  plus  chercher 
de  traces  que  dans  les  fastes  de  cette 
société,  et  dans  ceux  tic  l'académie 
des  sciences  de  Paris.  Les  princi- 
pales recherches  de  Montet  ont  eu 
pour  objet  la  fabrication  du  vert- 
de  gris  ,  dont  il  a  traité  dans  trois 
Mémoires  estimés  ;  la  teinture  de 
tournesol  ;  les  cendres  du  tamarisc 
dans  lequel  il  découvrit ,  le  premier , 
un  sel  neutre  entièrement  semblable 
à  celui  de  Glaubcr  (  le  sulfate  de 
soude  )j  Y  Iris  nostras,  auquel  il  re- 
connut les  mêmes  propriétés  qu'à 
l'iris  de  Florence  ;  un  voleau  éteint , 
dont  il  retrouva  les  traces  à  Mbnt- 
ferrier;  ceux  des  diocèses  d'Agde  et 
deBeziers  ;  les  salines  dePéeais,  dont 
on  lui  doit  une  exacte  et  intéressante 
description.;  la  physique  ,  l'histoire 
naturelle  et  l'agriculture  de  la  partie 
desCévennes  qui  s'étend  de  l'Hérault 
à  la  montagne  de  I'Esperou  ;  la  mor- 
sure des  vipères  ;  les  causes  des  em- 
brasements spontanés  ;  l'art  de  cris- 
talliser  l'alcali  fixe  de  tartre,  et  d'eu 
conserver  en  tous  les  temps  les  cris- 
taux ;  l'analyse  des  eaux  de  Pomaret. 
et  de  la  Koubine.  Le  résultat  de  pres- 
que toutes  ses  méditations  et  de  ses 
expériences  est  consigné  dans  un 
grand  nombre  d'articles  qu'il  a  four- 
nis à  l'Encyclopédie.  Démonstrateur 
des  cours  de  chimie  qu'il  faisait  avec 
Vend  ,  il  n'a  pas  moins  contribué 
que  ce  Savant  professeur  à  répandre 
le  goût  de  cette  science.  La  société 
royale  de  Montpellier  tenait  à  l'aca- 
démie des  sciences  de  Paris  par  les 
liens  d'une  association  intime  qui  fai- 
sait, en  quelque  sorte, des  deux  com- 
pagnies un  seul  et  même  corps,  par 
la  loi  de  leur  union,  la  société  royale 
était  tenue  de  fournir  un  mémoire  au 

3-i 


53o 


MON 


recueil  atinuel  de  ceux  de  l'académie. 
J^es  écrits  de  Montet  furent  long- 
temps choisis  pour  acquitter  ce  tri- 
but ;  et  il  attachait  une  telle  impor- 
tance à  l'accomplissement  de  ce  de- 
voir,  qu'il  fonda  un  prix  destine  à  ré- 
compenser, chaque  année,  celui  de  ses 
confi  èresdontletravail  serait  préfère' 
pourcet  objet.  Montel  mourut  àMont- 
pellier,  le  1 3  novembre  1782.  V.S.L. 
MONTEZUMA  Ier.,  surnomme 
Jluéhué  (  le  Vieux  ) ,  neveu  du  géné- 
ral ïlacaalec,  et  cinquième  roi  des 
Mexicains ,  succéda  à  Izicootl ,  en 
i455.  Le  génie  bizarre  et  sauvage 
de  ce  prince  se  montra  le  jour  même 
de  son  couronnement.  On  prétend 
qu'au  moment  où  ses  sujets  lui  fai- 
saient le  serment  de  fidélité,  il  prit 
un  os  de  tigre ,  s'ouvrit  les  veines  des 
bras  et  des  jambes,  et  arrosa  l'autel 
de  son  sang  pour  exprimer  qu'il 
était  prêt  à  sacrifier  sa  vie  pour  sa 
patrie.  Son  premier  exploit  fut  la 
conquête  de  Chalci,  république  guer- 
rière des  bords  de  la  mer  du  Sud. 
Les  Ghalciens  étaient  braves  :  ils  fu- 
rent plusieurs  fois  défaits  sans  être 
conquis;  et,  dans  un  des  nombreux 
combats  qu'il  fallut  leur  livrer , 
Montezuma  perdit  son  frère.  Poul- 
ie venger,  il  fit  égorger,  aux  pieds 
de  la  statue  du  dieu  de  la  guerre , 
particulièrement  adoré  chez  les  Mexi- 
cains, tous  les  prisonniers  faits  dans 
la  bataille.  Cette  coutume  barbare 
prévalut  depuis;  et  les  autels  mexi- 
cains furent  inondés  du  sang  des 
malheurenx  captifs.  Les  exploits  de 
Montezuma  ayant  répandu  la  terreur 
de  son  nom  chez  toutes  les  nations 
voisines ,  il  s'occupa  de  l'adminis- 
tration de  son  empire  :  il  fit  de  nou- 
velles lois ,  devenues  nécessaires  par 
l'agrandissement  de  ses  états  ;  il  insti- 
tua des  tribunaux  dans  toutes  les 
provinces  ?  et  nomma  des  censeurs 


MON 

pour  maintenir  les  bonnes  mœurs 
parmi  ses  sujets.  Le  fameux  temple 
du  dieu  Vitzilipatizy ,  le  Mars  des 
Mexicains ,  fut  bâli  par  ce  prince , 
qui  mourut  en  1 483  ,  après  un  rè- 
gne de  vingt-huit  ans.  B — p. 

MONTEZUMA  II ,  roi  du  Mexi- 
que ,  dont  le  vrai  nom  mexicain  était 
MoTEticzoMA,  fut  surnommé  Xoco-< 
JOTzm  (  le  Jeune)  pour  le  distinguer 
de  Moteuczoma  Huehué  (  le  Vieux  ), 
Après  la  mort  de  son  grand- père 
Ahuitzotl,  en  i5o2,  il  fut  élu  roi 
d' Anahuac ,  de  préférence  à  ses  frères. 
Il  était  alors  âgé  d'environ  vingt-six 
ans.  Sa  bravoure  dans  les  combats, 
sa  prudence  dans  les  conseils  ,  sa 
piété ,  le  respect  qu'inspirait  son  ca- 
ractère de  prêtre  ,  fixèrent  sur  lui  le 
choix  des  grands.  On  dit  qu'en  ap- 
prenant la  nouvelle  de  son  élection  , 
il  se  retira  dans  le  temple  pour  se 
dérober  aux  honneurs  qui  l'atten- 
daient ,  et  qu'on  le  trouva  balayant 
le  pavé  du  sanctuaire./ A  son  instal- 
lation sur  le  trône ,  le  prince  qui  le 
haranguait,  le  félicita  d'y  arriver  à 
l'époque  où  l'empire  était  parvenu  au 
plus  haut  degré  de  splendeur.  La  cé- 
rémonie du  couronnement  surpassa 
en  pompe  et  en  éclat  tout  ce  qu'on 
avait  vu  jusqu'alors  :  le  nombre  des 
victimes  humaines  sacrifiées  à  cette 
occasion  fut  immense;  elles  furent 
fournies  p.r  les  prisonniers  fait» 
sur  les  Atlixtchès  ?  qui  s'étaient  ré- 
voltés. Tant  de  grandeur  devait 
bientôt  s'évanouir.  A  peine  en  pos- 
session du  pouvoir ,  Montezuma 
l'exerça  de  manière  à  s'aliéner  l'af- 
fection d'une  partie  de  ses  sujets. 
Ses  ancêtres  accordaient  les  emplois 
à  tous  ceux  qui  s'en  rendaient  di- 
gnes :  Montezuma  ne  les  conféra 
qu'aux  hommes  distingués  par  leur 
naissance.  Les  représentations  qui  lui 
furent  adressées  ,  à  cette  occasion  , 


MON 

jpar  un  vieillard  autrefois  charge  de 
son  éducation  ,  échouèrent  contre  sa 
volonté  :  il  en  recueillit  plus  tard 
des  fruits  bien  amers.  Il  se  mon- 
trait dur  et  arrogant  envers  ses  vas- 
saux ,  et  très-rigoureux  dans  le  châ- 
timent des  crimes;  mais  en  revanche 
il  punissait  sans  acception  des  per- 
sonnes :  i!  était  ennemi  de  la  fainé- 
antise, et  ne  souffrait  pas  que  qui 
que  ce  fût  restât  oisif  dans  son  em- 
pire. Les  historiens  entrent  là-dessus 
dans  des  détails  singuliers.  Ils  ne  cau- 
sent pas  moins  d'étonnement  quand 
ils  parlent  de  la  magnificence  des 
anciens  rois  du  Mexique,  et  notam- 
ment de  Montezuma  ;  ces  récits  pa- 
raîtraient incroyables  ,  comme  l'ob- 
serve justement  Clavigero ,  si  ceux 
qui  ont  détruit  cette  magnificence 
n'avaient  eux-mêmes  pris  soin  de  la 
décrire.  Montezuma  était  généreux; 
il  fonda  un  hôpital  à  Colhucan  ,  des- 
tiné aux  fonctionnaires  publics  et 
aux  militaires  invalides  :  cette  hu- 
meur libérale  l'aurait  fait  aimer  du 
peuple  s'il  eût  été  moins  sévère.  Gé- 
néralement heureux  dans  ses  guerres 
contre  les  états  voisins  ,  il  en  soumit 
plusieurs.  Au  mois  de  février  i5o6, 
ses  troupes  ayant  remporté  une 
grande  victoire  sur  les  Atlixtchès, 
ce  fut  une  occasion  de  célébrer  avec 
plus  de  pompe  que  sous  Montezu- 
ma Ier.  en  i464,Ja  fête  du  renouvel- 
lement du  feu,  qui  revenait  tou 
cinquante-deux  ans  :  elle  fut  la  plus 
solennelle  et  la  dernière.  Ci  pendant 
[es  succès  de  son  règne  furent  b 
de  quelques  revers  :  le  (ils  aîné  de 
Montezuma  avait  été  tué  dans  une 
guerre  contre  le  !  ilteques,qui 
avaient  répoussé  les  Mexicains  ;  une 
famine  désola  l'empire  en  i5o4; 
enfin  une  expédition  malheui 
contre  Amatla  ,  et  surtout  l'appa- 
rition d'une   comète  f  vei 


MON 


53t 


répandirent  la  consternation  parmi 
les  princes d'Anahuae.  Montezuma, 
naturellement  superstitieux,  et  dont 
l'abus  des  voluptés  avait  énervé  le 
caractère ,  ne  put  voir  un  tel  phé- 
nomène avec  indifférence  :  il  con- 
sulta ses  astrologues,  qui ,  incapables 
de  le  satisfaire  ,  s'adressèrent  au  roi 
d'Acolhuacan.  Celui-ci ,  très  -  habile 
dans  l'art  de  la  divination ,  assura 
que  la  comète  annonçait  à  l'empire 
de  grands  désastres  causés  par  l'ar- 
rivée d'un  peuple  étranger.  Monte- 
zuma ne  voulut  pas  d'abord  ajouter 
foi  à  cette  interprétation  :  des  prodi- 
ges réitérés  le  forcèrent  enfin  d'y 
croire  ;  et  bientôt  des  bruits  confus 
l'avertirent  que  des  hommes  tout  dif- 
férents de  ceux  qui  peuplaient  sou 
pays  et  les  contrées  voisines,  avaient 
paru  sur  des  côtes  lointaines.  Ce- 
pendant il  fit  encore  la  guerre ,  et , 
par  ses  succès  ,  porta  ,  vers  i5i5  , 
l'empire  d'Anahuae  à  sa  plus  grande 
étendue  :  mais  à  mesure  que  l'état 
s'agrandissait ,  le  nombre  des  mécon- 
tents impatients  de  secouer  le  joug 
augmentait  ;  il  devenait  impossible  de 
conserver  l'union  nécessaire,  au  jour 
du  danger  qui  était  proche.  Bientôt 
les  bruits  vagues  se  confirment;  au 
mois  d'avril  i5iq,  les  gouverneurs 
des  provinces  de  la  côte  orientale  de 
l'empire  ,  mandent  à  Montezuma 
que  des  étrangers  viennent  d'entrer 
dans  ses  états  :  ce  qu'ils  lui  racontent 
des  Vaisseaux  ,  des  armes,  del'artil- 

des  chevaux  de  ce  peuple ,  lui 

cause  un  trouble  inexprimable.  «  Au 
»  lieu ,  dit  Kobertson,  de  prendre  la 
»  résolution  que  devaient  lui  inspirer 
»  le  sentiment  de  son  pouvoir  et  le 
«sou*-  nir  de  ses  premiers  exploits  , 
»  et  de  tomber  sur  les  i 
»  quand  ils  se  trouvaient  sur  une 
»  stérile  et  malSaine,  sans  avciuWlié 
»  dans  le  pays,  lans  place  de  retrlkc, 

3;.. 


53* 


MON 


»  sans  provisions  ;  il  met  dans  tontes 
y>  ses  délibérations  june  inquiétude  et 
»  une  indécision  qui  n'échappent  pas 
»  au  dernier  de  ses  courtisans.  »  Il 
tient  conseil  avec  ses  principaux 
ministres.  On  décide  ,  d'après  une 
opinion  généralement  répandue  par- 
mi les  Mexicains  ,  que  le  chef  des 
guerriers  qui  viennent  de  débarquer , 
ne  peut  être  que  le  dieu  Quetzaîcoatl , 
attendu  depuis  long-temps  :  Monte- 
zuma  charge  des  ambassadeurs  de 
féliciter  les  étrangers,  et  de  leur 
offrir  des  présents;  mais  en  même 
temps  il  donne  des  ordres  pour  que 
l'on  garde  soigneusement  la  côte,  et 
que  l'on  soit  attentif  à  observer  les 
mouvements  de  ces  étrangers.  Il  con- 
sulte les  oracles  ;  et  ceux-ci  répondent 
qu'il  ne  doit  pas  admettre  les  étran- 
gers en  sa  présence ,  malgré  leur 
demande.  Montezuma  embrasse  ce 
parti ,  envoie  des  présents  magnifi- 
ques à  Gortèz  leur  chef,  pour  lui 
et  pour  son  souverain,  lui  souhaite 
toutes  sortes  de  prospérités  ,  et  le 
prie  de  ne  pas  insister  pour  venir  à 
sa  cour.  Cependant  il  fait  défendre  à 
ses  sujets  de  porter  des  provisions 
aux  Espagnols  ,  et  leur  ordonne  de 
se  retirer  dans  l'intérieur  des  terres. 
11  prend  d'autres  mesures  propres  à 
inquiéter  les  Espagnols;  il  se  prépare 
même  à  envoyer  une  armée  contre 
eux,  quand  l'arrivée  de  deux  offi- 
ciers, arrêtés  par  les  Totomaques , 
et  mis  en  liberté  par  Gortèz ,  le  fait 
changer  de  sentiment  :  mais  il  est 
indigné  de  ce  que  ce  chef  a  conclu 
des  alliances  avec  différents  caciques 
et  peuples  révoltés  contre  l'autorité 
royale  ;  il  s'en  plaint ,  et  quatre  fois 
il  fait  porter  des  présents  à  Gortèz, 
qui  poursuit  sa  marche  victorieuse 
vers  la  capitale  de  l'empire.  Conster- 
né de  la  nouvelle  du  sac  de  la  ville 
de  Cholula  ;  qui  ,  à  son  instigation , 


MON 

avait  tendu  des  pièges  aux  E 
gnols  ,  il  se  retire  dans  un  de  .ses  pa- 
lais ,  destiné  pour  les  temps  de  dou- 
leur :  il  y  reste  huit  jours  à  jeûner, 
et  à  pratiquer  les  austérités  qu'il 
croit  propres  à  lui  obtenir  la  protec- 
tion des  dieux.  Ses  alarmes  sont 
augmentées  et  entretenues  par  ses 
visions  ,  par  les  discours  des  prêtres, 
par  les  réponses  des  oracles?  Il  fait 
encore  inviter  Gortèz  à  ne  pas  venir 
à  Mexico ,  et  offre  de  payer  un  tri- 
but annuel  au  roi  d'Espagne  ,  de 
donner  quatre  charges  d'or  an  géné- 
ral ,  et  une  à  chaque  capitaine  et 
soldat.  Voyant  l'inutilité  de  ses  dé- 
marches ,  il  se  détermine  enfin  à 
suivre  l'avis  du  roi  de  Tezcuco  ,  qui 
lui  conseille  de  recevoir  les  Espa- 
gnols, ajoutant  qu'il  est  assez  fort 
pour  les  écraser  quand  ils  seront  à 
sa  cour  ,  s'ils  entreprennent  quelque 
chose  contre  sa  personne  ou  contre 
l'état.  Corlèz  était  déjà  près  de  la 
ville.  Ce  fut  le  8  novembre  que  Mon- 
tezuma vint  le  trouver ,  entouré  d'un 
cortège  dont  la  magnificence  frap 
pa  les  Espagnols.  Cortèz  lui  fit  un 
profond  salut ,  à  la  manière  d 
Européens  :  le  monarque  le  lui  re: 
dit  à  la  manière  de  son  pays, 
touchant  la  terre  avec  sa  main  , 
la  baisant  ensuite.  Cette  cérémonie 
qui  était  au  Mexique  Fexpressio 
ordinaire  du  respect  des  inférieu 
envers  leurs  supérieurs,  parut  a 
Mexicains  une  condescendance 
étonnante  de  la  pari  d'un  monarqi; 
orgueilleux,  et  qui  daignait  à  peine 
croire  que  ses  sujets  fussent  de  la 
même  espèce  que  lui,  qu'ils  virent 
dès-lors  dans  ces  étrangers,  deva 
qui  leur  souverain  s'humiliait  ains 
des  êtres  d'une  nature  supérieur 
Montezuma  conduisit  Gortèz  et  s 
soldats  dans  les  quartiers  qu'il  leur 
avait  préparés  :  c'était  un  de  ses  par- 


un 

i 

lie 

i 

ne 
la 
nt 

ï 


MON 

lais ,  et  il  prit  congé  d'eux  avec  une 
politesse  digne  d'une  cour  européen- 
ne. «  Vous  êtes  maintenant,  »  leur 
dit-il,  «  parmi  vos  frères  et   chez 
»  vous;  reposez-vous  de  vos  fatigues, 
»  et  soyez  heureux,  jusqu'à  ce  que 
»  je  revienne  vous  voir.  »  Le  soir, 
il  visita  de  nouveau  ses  hôtes,  avec 
la  même  pompe  que  le  matin,  ap- 
porta des  présents  fort  riches ,  et  eut 
avec  Cortèz  un  long  entretien,  dans 
lequel  il  lui  apprit  que  ,  d'après  une 
tradition  ancienne,  les  Mexicains  le 
regardaient  comme  le  chef  de  guer- 
riers descendus  des   fondateurs   de 
l'empire  du  Mexique,  et  annoncés 
pour  devoir  venir  reprendre  posses- 
sion du  pays.  Pendant  huit  jours  , 
Cortèz  se  conduisit  avec  respect  en- 
vers Montezuma,  qui  prenait  plai- 
sir à  lui  montrer  ce  que  sa  capi- 
tale offrait  de  remarquable.  Dans  la 
visite  des  temples ,  ce  général  témoi- 
gna un  zè!e  indiscret  contre  la  re- 
ligion  du    pays.   Montezuma,   non 
nu »ins  fervent  dans  sa  croyance,  la 
défendit  avec  feu  :  cependant ,  ému 
par  les  discours  de  Cortèz,  il  ordon- 
na de  cesser  les  sacrifices  humains. 
Cette  victoire  du  guerrier  castillan 
n'est  certainement  pas  la  moins  bel- 
le   de  celles  qu'il  remporta  ;   mais 
elle  ne  suffisait  pas  à  son  ambition. 
Au  bout  de  huit  jours,  le  soin  de 
sa   sûreté  le    porte   à    l'étrange  et 
audacieux   dessein  d'aller  se 
de  Montezuma  ,  dan>  son  palais  , 
pour  l'amener  au  quartier  i!< 
pagnols.  Confondu  par  le  discours 
de  Cortèz,  qui  lui  reproche  d'avoir 
donne  a  ses  officiers  l'ordre  de  tuer 
les  Espagnols  restes  à  Vera-Cruz ,  le 
monarque  veut  qu'on  arrête  sur-le- 
i|>  les  coupables j  mais  à  lu  pro- 
position   de   suivi»-   Cortex 
quartiers,  il  reste  muet.  L'indigna- 
tion le  ranime;  il  répond  avec  hau- 


MON 


53* 


teur  :  la  dispute  devient  vive  ;  elle 
dure  trois  heures.  Enfin  Montezuma, 
que  le  geste  menaçant  d'un  Espagnol 
avait  frappé  de  terreur,  céda  aux  avis 
de  Marina  ,  et  se  remit  à  la  bonne- 
foi  de  Cortèz.  «  Je  me  lie  à  vous,  » 
lui  dit-il;  a  allons,  allons  ;  les  dieux 
»  le  veulent.  »  Il  se  fit  amener  sa  li- 
tière, et  sortit  de  son  palais,  pour  n'y 
plus  rentrer.  Calmant ,  sur  sa  route , 
la  multitude  qui  était  prête  à  venger 
son  outrage,  il  fut  reçu  par  les  Es- 
pagnols avec  des  marques  de  respect. 
Ses  principaux  officiers,  ses  domes- 
tiques ,  eurent  un  libre  accès  auprès 
de  sa  personne;  et  il  exerça  toutes  les 
fonctions  du  gouvernement,  com- 
me s'il  eût  été  en  parfaite  liberté. 
On  le  laissait  même  aller  à  la  chasse, 
qu'il  aimait  beaucoup  ;  mais  il  ne 
couchait    pas   hors   des   quartiers. 
Cortèz ,  qui  l'avait  déjà  forcé  à  lui 
livrer  ceux  qui  avaient  attaqué  les 
Espagnols  à  Vera-Cruz,  lui  fait  met- 
tre les  fers  aux  pieds  et  aux  mains, 
comme   un    général    qui  punit    un 
simple  soldat.  Pendant  qu'on  livre 
au  supplice  du  bûcher  les  Mexicains 
qui  ont  exécuté  les  ordres  de  leur 
maître  ,  Montezuma  ,  entouré  de  ses 
courtisans,  qui  s'efforçaient  d'alléger 
le  poids  de  ses  fers ,  exhalait  sa  dou- 
leur par  des  plaintes  et  des  gémisse- 
ments. Quand  Cortèz  ordonna  de  lui 
ôter  ses  fers,  il  passa  de  l'excès  du 
poir  aux.  transports  de  la  re- 
connaissance envers  ses  libérateurs. 
Enfin  ,  pressé  par  le  général  espa- 
gnol ,  il  se  déclara,  devant  les  grands 
de  l'empire ,  vassal  de  Charles-Quint, 
et  s'engagea  de  payer  un  tribut  an- 
nuel. Les  soupirs  et  les  larmes  in- 
terrompirent souvent  son  dise  ours  ; 
l'assemblée  fut  d'abord  frappée  d'un 
muet  étonnement  :  bientôt  un  mur- 
mure confus,  exprimant  à-la-fois  la 
douleur   et    l'iudiguatiou ,   semblait 


MON 

annoncer  que  les  Mexicains  allaient 
se  porler  à  quelque  violence;  Gortèz 
le  prévint  à  propos  :  l'acte  de  foi  et 
hommage  fut  prêté  avec  toutes  les 
solennités  qu'il  plut  aux  Espagnols 
de  prescrire;  et  Montezuma,  sur  la 
demande  du  général .  y  joignit  un 
présent  de  six  cent  mille  onces  d'or 
et  d'argent ,  et  non  de  six  cent  mille 
marcs  d'or  pur ,  comme  l'a  raconté 
l'exagéra teur  Solis,  trop  servilement 
copié  par  d'autres  écrivains.  Monte- 
zuma, qui  s'était  montré  facile  pour 
tout  ce  que  le  conquérant  avait  exigé 
de  lui ,  resta  inflexible  sur  l'article  de 
la  religion.  Les  Mexicains  repoussè- 
rent même  les  tentatives  des  Espa- 
gnols ,  qui  se  bornèrent  à  substituer 
tuie  image  de  la  vierge  à  une  idole. 
Alors  on  se  crut  obligé  de  venger  les 
divinités  insultées  ;  on  médita  les 
moyens  de  chasser  ou  d'exterminer 
ïes  Espagnols  :  les  prêtres  et  les  prin- 
cipaux Mexicains  eurent  de  fréquents 
entretiens  avec  Montezuma.  Ce  prin- 
ce, craignant  d'être  la  victime  d'une 
entreprise  violente  tentée  contre  les 
Jpspagnols?voulut  essayer  des  moyens 
plus  doux  ,  et  dit  à  Gortèz  qu'ayant 
rempli  l'objet  de  son  expédition  au 
Mexique,  ce  général  devait  céder  à 
la  volonté  des  dieux  et  au  désir  du 
peuple  en  quittant  le  pays.  Gortèz 
feignit  de  se  rendre  à  ce  vœu  ,  et  ne 
demanda  que  le  temps  nécessaire 
pour  faire  ses  préparatifs.  Bientôt 
après  ,  forcé  daller  combattre  Nar^ 
vacs,  qui  s'avançait  contre  lui  (  F% 
Narvaes),  il  laissa  Montezuma  sous 
la  garde  de  1 5o  Espagnols,  comman- 
dés par  Alvarado.  Celui-ci,  instruit 
que  les  Mexicains  tenaient  des  con- 
seils et  formaient  des  plans  contre 
leurs  oppresseurs ,  attendit  l'occasion 
d'une  de  leurs  fêtes  solennelles,  et, 
tenté  par  la  richesse  des  ornements 
dont  les  citoyen^  les  plus  distingués 


MON 

s'étaient  parés  ,  il  les  attaqua  ,  le  1 3 
mai  i5'2o  ,  et  en  massacra  un  grand 
nombre.  Les  Mexicains,  révoltés  de 
tant  de  perfidie  et  de  cruauté,  pri- 
rent les  armes  dans  la  capitale  et 
dans  tout  l'empire ,  détruisirent  deux 
biïgantinsque  Gortèz  avait  fait  cons- 
truire pour  s'assurer  des  lacs ,  atta- 
quèrent les    Espagnols    dans  leurs 
quartiers,  en  tuèrent  plusieurs,  en 
blessèrent  encore  davantage  ,  rédui- 
sirent leurs  magasins   en  cendres  , 
et  poussèrent  l'assaut  avec  tant  de 
furie,  qu' Alvarado  et  les  siens  étaient 
au  moment  de  succomber.  Monte- 
zuma ,  en  proie  aux  plus  vives  in- 
quiétudes ,  avait  informé  Corlèz  du 
danger   qui   menaçait  ses    troupes. 
Celui-ci  vole  à  Mexico ,  où  il  entre  , 
le  <il\  juin,  et  s'exprime  en  termes 
insultants  pour  le  malheureux  mo- 
narque et  pour  sa  nation.  Les  Mexi- 
cains indignés  courent  aux  armes  , 
forcent  un  corps  d'ennemis  à  se  re 
tirer;  et  malgré  le  ravage  que  l'artil- 
lerie fait  dans  leurs  rangs,  ils  s'a 
vancent  avec  intrépidité.  Gortèz  lent 
une  sortie  pendant  la  nuit;  le  leud 
main  il  est  contraint  de  reculer  :  un 
seconde  sortie  n'est  pas  plus  heu 
reuse.  Le  27  au  matin,  l'assaut  re 
commence;  Montezuma  paraît  a 
.  haut  des  murs ,  vêtu  de  ses  habi 
royaux  :  à  la  vue  de  leur  souverain 
les  Mexicains  laissent  tomber  leu 
armes ,  et   baissent  la  tête  en  si 
lence;  plusieurs  se  prosternent.  Ré 
duit  à  la  triste  nécessité  d'être  l'ins- 
trument de  sa  honte  et  de  l'esclavage 
de  sa  nation,  l'empereur  leur  adresse 
un  discours  pour  les  exhorter  à  ces- 
ser les   hostilités.  A  peine  a  -  t  -  il 
fini,  qu'un  murmure  de  méconten- 
tement se  fait  entendre;  il  est  suivi 
de  menaces  et  de  reproches  :  les  flè- 
ches et  les  pierres  recommencent  à 
voler  avec  tant  de  violence,  uu'av 


. 


MON 

que  les  Espagnols  puissent  couvrir 
Montezuma  de  leurs  boucliers ,  il  est 
Messe  de  deux,  ilèches,  et  atteint  à 
la  tempe  d'une  pierre  qui  le  ren- 
verse. Les  Mexicains  s'enfuient  épou- 
vantés.Les  Espagnols  portèrent  Mon- 
tezurna  à  son  appartement,  et  Cortèz 
s'empressa  de  le  consoler  ;  mais  ce 
prince,  reprenant  la  hauteur  d'ame 
qui  semblait  l'avoir  abandonné  de- 
puis si  long-temps,  dédaigna  de  pro- 
longer une  vie,  devenue  pour  lui  hon- 
teuse et  insupportable,  puisqu'il  se 
voyait  l'objet  du  mépris  et  de  la  hai- 
ne de  ses  sujets.  Transporté  de  rage, 
il  déchira  l'appareil  qu'on  avait  mis 
sur  ses  blessures ,  et  refusa  si  obsti- 
nément de  prendre  aucune  nourritu- 
re, qu'il  termina  bientôt  ainsi  ses 
jours  ,  rejetant  avec  dédain  toutes 
les  sollicitations  des  Espagnols  pour 
lui  faire  embrasser  la  foi  chrétienne. 
Il  expira  ,  le  3o  juin  i52o  ,  dans  la 
quarante -quatrième  année  de  son 
âge,  la  dix-huitième  de  son  règne, 
et  le  septième  mois  de  sa  prison.  On 
remarque  des  différences  et  des 
contradictions  dans  les  récits  de  sa 
mort ,  suivant  qu'ils  ont  été  écrits 
par  des  Espagnols  ou  par  des  Mexi- 
cains ;  ils  s'accusent  les  uns  les  au- 
tres. Bernard  Diaz  dit  que  Monte- 
zuma  fut  regretté  comme  un  père, 
par  Cortèz  et  ses  ollincis.  Des  Me- 
xicains out  prétendu  que  les  soldats 
de  Cortèz  attentèrent  aux  jouis  du 
malheureux  monarque.  11  laissa  plu- 
■l'iifants;  trois  de  ces  jeunes  prin- 
C  ;s  périrent  dans  la  fameuse  nuit  de 
1 1  défaite  des  Espagnols,  le  Ier.  juil- 
let. Un  autre  de  ses  (ils,  Tlacahue- 
p  m-Tohuolicahuat/.in,  reçut,  au  bap- 
tême, le  nom  de  Don  Pedro,  et  eut 
lin  fils,  Ihoitemotan ,  qui  épousa 
Dona  Praneisca  de  la  Cuera.  C'est 
<!e  lui  que  descendent  V,  eomtes  de 
Montezuma  et  de  Tula  ,  eu  Espa- 


MON  535 

pic.  Quant  aux  maisons  de  Cano- 
Montezuma ,  d'Andrade-Montezuma 
et  du  comte  de  Miravalla,  à  Mexico, 
elles  tirent  leur  origine  de  Temic- 
potzin,  sa  fille.  Cette  princesse,  bap- 
tisée sous  le  nom  d'Elisabeth  (Isa- 
bella  ),  survécut  à  cinq  maris,  parmi 
lesquels  on  compte  les  deux  derniers 
rois  Aztèques  du  Mexique  ,  Cuitla- 
huezin ,  frère  et  successeur  de  Mon- 
te/.iiiua,  et  Guatimozin,  son  neveu  , 
enfui  trois  militaires  espagnols.  Un 
des  descendants  du  dernier  empe- 
reur fut  vice-roi  de  la  Nouvelle  Es- 
pagne, vers  la  fin  du  dix-septième 
siècle.  L'empire  de  Montezuma  était 
beaucoup  moins  vaste  que  le  pays 
désigné  aujourd'hui  sous  le  nom  de 
Mexique  :  il  était  limité,  sur  les  cotes 
orientales  par  les  rivières  de  Qua- 
sacualco  et  de  Tuspan;  sur  les 
occidentales,  par  les  plaines  de  So- 
conusco  et  par  le  port  de  Zacatula^ 
il  n'embrassait  que  les  intendances 
actuelles  de  Vera-Cruz,  d'Oaxaca, 
de  la  Puebla,  de  Mexico  et  de  Val- 
ladolid  :  sa  surface  est  évaluée,  par 
M.  de  Humboldt ,  à -peu -près  à 
20,000  lieues  carrées  (  K,  CortÈz, 
Alvarado  ,  Marina  ).        E — s. 

MONTFAUCON(Thierri  II  de), 
archevêque  de  Besançon  ,  était  né 
dans  le  douzième  siècle  ,  d'une  dm 
familles  les  plus  anciennes  et  les  plus 
illustres  du  comté  de  Bourgogne.  It 
était  fils  de  Richard  de  Monll'aueou 
et  d'Agnès  de  Montbeliard.  Son  édu- 
cation i'wt  confiée  aux  maîtres  les 
plus  habiles  de  son  temps  ;  et  il  ré- 
pondit à  leurs  soins  par  ses  progrès 
dans  la  poésie.  ,  la  musique  et  les 
m  îences.  Destiné  à  l'étal  ecdéslasti- 
que  ,  il  fut  potin  u  d'i  n  canot 
du  chapitre  de  Saint-Éticnne,  et  éle- 
vé, en  i  180  ,  sur  le  siège  de  iî; 
«on.  Il  s'appliqua  à  faire  lleurir  les 
belles-lettres  dans  son  diocèse  ,  et 


530 


MON 


composa,  pour  la  letedesaiut  Vincent, 
une  Hjm/ie  qui  est  fort  estimée  (  V. 
le  Clergé  de  France ,  par  Dutems  ,  n , 
(36  ).  Il  se  signala  par  son  zèle  pour 
les  croisades  ;  et  ayant  désigné  Amé- 
dée  de  Tramelai  pour  gouverner  son 
église  pendant  son  absence  ,  il  revê- 
tit lui-même  le  casque  et  la  cuirasse , 
et  rejoignit  l'armée  des  Chrétiens  , 
en  1 190.  Il  assista  au  siège  dePtole- 
maïs ,  et  s'y  distingua  non-seulement 
par  son  courage,  mais  par  l'invention 
d'un  bélier  (1),  qui  aurait  hâté  la 
réduction  de  cette  ville,  si  les  assié- 
gés ne  fussent  parvenus  à  le  détruire 
par  le  feu  grégeois  :  notre  prélat, 
qu'un  auteur  contemporain  nomme 
Gemma  clericorum ,  mourut  de  la 
contagion  qui  désolait  Tannée  chré- 
tienne ,  au  mois  d'octobre  1 1  g  1  , 
emportant  les  regrets  des  chefs  et  des 
soldats.  W — s. 

MONTFAUGON  de  V1LLARS. 

V.  VlLLARS. 

MONTFAUGON  (Dom  Bernard 
de)  ,  l'un  des  savants  les  plus  dis- 
tingués qu'ait  produits  la  congréga- 
tion de  Saint-Maur  ,  était  né  ,  le  1 7 
janvier  i655,  au  château  de  Sou- 
lage en  Languedoc ,  d'une  noble  et 
ancienne  famille.  Envoyé,  à  l'âge 
de  sept  ans,  au  collège  de  Limoux, 
il  fut  bientôt  rebuté  des  grossières 
apostrophes  de  son  régent;  et  il  s'en 
retourna  ,  à  pied,  au  château  de  la 
lioquetaillade  qu'habitait  son  père. 
L'ingénuité  avec  laquelle  il  raconta 
les  motifs  de  sa  fuite ,  apaisa  ses  pa- 
rents ,  et  il  ne  fut  plus  question  de 
le  renvoyer  aux  écoles,  publiques. 
Le  Plulaîijiie  d'Amyot  fut  un  des 
premiers  livres  qui  lui    tombèrent 


(1)  L'anonyme  de  Florence  ,  évê<|ue  de  Pt"leni.us  , 
u  parlé  de  ce  belur  dans  no  chapitre  de  son  poème 
(  De  récupérât  A  Ptolematde  |,  intitulé:  De  uiicle 
Jérreo  covperlo  <juem  Bisuntiniti  Jîeri  JicU  ;  et  de 
'u"4  lîra,L'°  à  'Juo  combuitusjutt. 


MOJN 

entre  les  mains;  et  cet  ouvrage  lui 
inspira  le  goût  de  l'histoire.  Il  lut 
ou  plutôt  il  dévora  toutes  les   rela- 
tions de  voyages  qu'il   put  se  pro- 
curer ;  et  la  petite  bibliothèque  de 
son  père  s'étant  accrue  par  hasard 
de  quelques  ouvrages  italiens  et  es- 
pagnols, il  apprit  ces  deux  langues, 
à    l'aide    de   dictionnaires  ,    pour 
pouvoir  satisfaire   sa    curiosité.   A 
l'âge  de  dix-sept  ans,  il  avait  acquis 
des  connaissances  très-étendues  dans 
la  géographie  ,  l'histoire  et  les  usa- 
ges des  peuples  anciens  et  modernes. 
Cependant  les  récits  qu'il  avait  lus 
des  sièges  et  des  batailles  échauffè- 
rent sa  jeune  imagination  :  il  témoi- 
gna le  désir  d'embrasser  l'étal  mili- 
taire ;  et  il  fut  admis ,  en  167  2 ,  dans 
le  corps  des  Cadets  à  Perpignan.  Il 
entra  l'année  suivante,  comme  volon- 
taire, dans  le  régiment  de  Languedoc, 
dont  les  grenadiers  étaient  comman- 
dés par  le  marquis  d'Hautpoul ,  soit 
parent ,  et  il  fit  deux  campagnes  sous 
les  ordres  de  Turenne.  Épuisé  de  fa- 
tigues ,  il  tomba  malade,  et  fut  trans- 
porté à  l'hôpital  de  Saverne  :  peu  de 
jours  après  d'Hawtpoul,  ayant  été 
blessé  mortellement ,  à  la  tête  de  sa 
compagnie  ,  le    jeune    guerrier   fit 
un  effort   pour  aller  lui  offrir  ses 
soins,  et  il  reçut  de  son  chef  mou- 
rant des  avis  qui  lui  parurent  des 
ordres.  Il  avait  perdu  son  père  ;  et , 
quelques  mois  après  son  retour  au 
château  de  Roquetaillade,   la   mort 
de  sa  mère  le  laissa  dans  un  isole- 
ment complet.  Ce  fut  alors  qu'il  ré- 
solut de  renoncer  au  monde,  et  qu'il 
prit  l'habit  de  Saint  -  Eenoît  au  mo- 
nastère de  la  Daurade,  à  Toulouse 
(1670).  Ses  supérieurs  l'ayant  en- 
voyé à  l'abbaye  de  Sorèze,  il  con- 
sacra ses  loisirs  à  l'étude  du  grec  , 
et  y  fit  des  progrès  très-rapides.  Tan- 
dis qu'il  achevait  ses  cours  de  phi- 


MON 

losophie  et  de  théologie,  il  s'occupa 
de  corriger  les  versions  latines  des 
historiens  ecclésiastiques,  et  adressa 
une  partie  de  son  travail  à  D.  Claude 
Martin  (  F.  ce  nom):  celui-ci  en  porta 
un  jugement  1res- favorable ,  et  le  dé- 
signa comme  un  des   hommes  les 
plus  capables  de  coopérer  utilement 
aux  nouvelles  éditions  que  la  con- 
grégation   se   proposait  de  donner 
des   ouvrages  des   Pères  grecs.  D. 
Montfaucon,    appelé  à  Paris,    en 
1687,  se  lia   d'une  étroite   amitié 
avec  Ducange  et    Bigot,  et   te   fit 
un  devoir  de  suivre  les  conseils  de 
deux  critiques  si  judicieux.  La  tra- 
duction de  quelques  Opuscules  grecs 
encore  inédits ,  mais  surtout  sa  dis- 
sertation sur  VHistoire  de  Judith, 
le  firent  bientôt  connaître  de  la  m  t- 
nicrela  plus  avantageuse.  11  travailla 
ensuite  à  l'édition   des    OEuvres  de 
saint  Athanase  •   et ,  pendant  l'im- 
pression de    ce  grand  ouvrage  ,   il 
apprit  les  langues    orientales   avec 
une   facilité  qui    lient  du    prodige. 
Chargé  de  la  publication  des  œuvres 
de  saint  Chrysostome,  il  représenta 
à  ses  supérieurs  ,  que  les  manuscrits 
qui   devaient  servir  de   base  à   la 
nouvelle  édition,  étaient  insuffisants  , 
et   obtint   la   permission    de  visiter 
l'Italie,  où  il  espérait  l'aire  une  ré- 
colte abondante.  Use  rendit  à  Rome, 
au  mois  de  mai  1698,  et  \ 
l'accueil  le  plus   distingué  du    pape 
lnuoeent  XII,    qui  lui    facilita    les 
moyens  d'atteindre   le   but  1! 

ige.  La  faveur  dont  jouissait 
Montfaucon  inspira  de  la  jalousie  à 
Zacagni,  sous-bibliothécaire  du  Va- 
;  Cl  il  essaya  de  rabaisser  la 
haute  opinion  qu'on  avait  conçue 
des  taleuts  du 

mais  tous  les  pièges  qu'il  lui  tendit  , 
tournèrent  nfusion,  et 

ne  servirent  qu'a  h  ;  la  sa- 


MON 


537 


gacité  de   Montfaucon    (  Voy.    son 
Éloge  par  De  Boze  ).  Tandis  que 
Montfaucon   était  à  Rome,  il  prit 
la  défense  de  l'édition  des  œuvres 
de  saint  Augustin,  attaquée  par  dif- 
férents libelles  ;  et  il  eut  l'honneur 
de  présenter  au  souverain  pontife  un 
exemplaire  de  son  écrit ,  dont  les 
conclusions  furent  adoptées  par  les 
commissaires  chargés  de  l'examen 
de  l'édition  [V,  saint  Augustin  et  D. 
Thuilier).  Nommé  à  son  insu  pro- 
cureur-général de  la  congrégation  à 
Rome,  il  se  hâta  de  faire  agréer  sa 
démission  d'un  emploi  qui  l'aurait 
détourné  de  ses  études;  et,  après  avoir 
visité  les  principales  villes  d'Italie, 
où   il  s'arrêta  le   temps  nécessaire 
pour  bien  voir  ce  qu'elles  renferment 
déplus  curieux,  il  revint   à   Paris 
mettre  en  ordre  les   richesses  qu'il 
avait  amassées.  La  vie  de  Montfau- 
con n'est  plus  que  l'histoire  de  ses 
ouvrages,   presque    tous    également 
remarquables  par  leur  importance 
et  leur  étendue,  et  par  une  érudition 
aussi  solide  qu'abc- idante.  Sa  santé, 
affermie  par  une  vie  réglée,  le  ren- 
dait capable  de  soutenir  la  plus  lon- 
gue application  ,  sans  en  être  in- 
commode'. Il   parvint  ainsi  à  l'âge 
de  quatre-vingt  sept  ans,saus  infir- 
mités ,   et    mourut   presque  subite- 
ment ,   le   '21    décembre    1 74 T -    H 
fut  inhumé  avec  pompe  dans  l'église 
de  l'abbaye  Saint-Germain-dcs-Piés. 
Dans  le  cours  de  la  révolution,  ses 
restes  furent  déposés  dans   un  tom- 
beau ,au  Musée  Hes  monuments  fran- 
çais;   mais,   d'après    un  ordre  du 
ministre  de  l'intérieur  ,  on  les  a  en- 
suite transportes  dans  une  des  1 
de  Paris,  et  son  nom  a  et 
rime  îles  rues  ()mi  longent 
Saint-Germain  des-Prés.  D. 

n  «;..it  membre  de  l'académie 
des  inscriptions   depuis    1719,    et 


533  MON 

il  assistait  à  ses  séances  avec  beau- 
coup d'assiduité.  Son  éloge  par  De 
Boze  est  inséré  dans  le  tome  xvi  du 
Kecueil  de  cette  savante  compagnie. 
1).  Montfaucon,  dit  son  panégyriste, 
avait  l'esprit  juste,  pénétrant,  aisé, 
méthodique,  et  aussi  propre  à  con- 
cevoir de  grands  desseins  qu'à  les 
exécuter.  Il  composait  avec  tant 
d'ordre  et  de  facilité,  qu'en  com- 
mençant un  ouvrage  de  longue  ha- 
leine il  savait  à  point  nommé  quand 
il  devait  le  finir.  Sa  modestie  égalait 
son  savoir.  Il  aimait  les  jeunes  gens 
laborieux ,  leur  donnait  des  conseils, 
et  suivait  leurs  progrès  avec  la  plus 
tendre  sollicitude.  Il  était  en  corres- 
pondance avec  les  savants  de  toute 
l'Europe.  Le  pape ,  l'empereur ,  les 
princes  d^Allcmagne  et  d'Italie,  lui 
prodiguèrent ,  pendant  le  cours  de  sa 
longue  vie,  des  témoignages  d'estime 
et  de  bienveillance.  Outre  quelques 
Dissertations  dans  le  Recueil  de  l'a- 
cadémie, sur  le  papyrus,  le  papier 
d'Egypte,  celui  de  colon  et  de  chiffe; 
sur  les  monument  antiques  ;  sur  les 
mœurs  du  siècle  de  Théodose ,  etc.  , 
on  a  de  cet  infatigable  écrivain  :  I. 
D'excellentes  éditions  des  OEwres 
de  saint  Athanase  ,  des  Hexaples 
d'Origène ,  et  des  Œuvres  de  saint 
4ean  Ghrysostome  (  V.  Athanase, 
Chrysostome,  viii,  5o5,  et  Ori- 
gene  ).  II.  Anale  et  a  sive  varia 
apuscula  grœca,  Paris,  1688,  in- 
4°. ,  contenant  diverses  vies  de  sa  ints , 
les  fragments  de  la  Métrique  d'Hé- 
ron (  V*  tom.  xx,  p.  289  ),  etc.; 
quelques-unes  des  pièces  qui  compo- 
sent ce  recueil  ont  été  traduites  par 
P.  Ant.  Pouget.  La  traduction  de  la 
Logarique  d'Alexis  Gomnène,  qui 
est  de  Montfaucon  ,  lui  attira  des  in- 
jures de  Jacq.  Gronovius ,  dans  la 
préface  du  traité  de  Pecunid  vetc- 
tum*  Le  savant  religieux  se  contenta 


MON 

de  montrer  que  toutes  les  observa- 
tions de  son  critique  étaient  autant 
de  méprises  grossières.  III.  La  Vé- 
rité de  l'histoire  de  Judith ,  ibid.  , 
1690,  in- 12;  réimprimé  en  1692. 
Get  ouvrage  intéressant  est  divisé  en 
trois  parties  :  les   deux   premières 
contiennent  l'histoire  de  l'héroïne 
juive,  et  celle  des  Mèdes,  tirées  des 
auteurs  grecs  ;  et  la  troisième ,  les 
réponses  aux  objections  de  ceux  qui 
regardent  cette  histoire  comme  une 
fiction  ou  une  simple  parabole.  IV. 
Diarium  italicum ,  sive  rnonumen- 
iorum    veterum  ,   bibliothecarum  , 
etc. ,  Notitiœ  singulares  itinerario 
italico  collectœ,  ibid.,  1702,  in-4°. 
C'est  une  notice  de  tout  ce  que  l'au- 
teur avait  remarqué  de  plus  curieux 
dans  les  bibliothèques  d'Italie.  L'ou- 
vrage eut  beaucoup  de  succès,  et  fut 
traduit  en  anglais.  Cependant  le  sa- 
vant Ficoroni  en  a  publié  une  criti- 
que estimée  (  V.  Ficoroni  ,  xiv  , 
497  ).  V»  Collectio  nova  Patrum  et 
Hcriptorum  grœcorum ,  ibid.,  1 706 , 
2  vol.  in-fol.  Ce  recueil  se  joint  or- 
dinairement à  l'édition  de  saint  Atha- 
nase :  il  renferme  les  commentaires 
d'Eusèbe  sur  les  Psaumes;  des  opus- 
cules de  Saint- Athanase  ,  nouvelle- 
ment découverts  ;  la   Topographie 
chrétienne  de  Cosmas  d'Alexandrie 
(  V.  Cosmas,  x,  32  ),  et  les  com- 
mentaires d'Eusèbe  sur  ïsaïe.  VL 
Palœographia  grœca  sive  de  ortu  et 
progressu    litterarum   grœcarum , 
ibid. ,  1 7 08, in-fol. ,  fig.  Get  ouvrage, 
aussi  nécessaire  et  aussi  estimé  qut 
la  Diplomatique  du  P.  Mabillon  (  V. 
ce  nom  ),  a  pour  but  d'établir  l'âge 
des  manuscrits  grecs,  par  la  con- 
naissance des  caractères  de  ch  aque 
siècle.    L'auteur   a  compté  jusqu'à 
1  i63o  manuscrits  grecs  dans  les  di- 
verses bibliothèques  de  l'Europe.  Lè- 
se ptième  livre  contient  la  descrm- 


MON 

lion  du  mont  Athos,  et  de  ses  mo- 
nastères ,  poème  grec ,  de  Jean  Gom- 
nène,  médecin,  avec  la  version  en 
vers  latins.  Le  volume  est  terminé 
par  la    dissertation    du    président 
Bouhier  :  De  piiscis  Grœcorum  ac 
Latinorum  litteris.  VIL  Le  Livre  de 
Philon,  de  la  vie  contemplative  , 
traduit  du  grec,ibid.,  1 7 09 ,  in- 1  2. 
Cette  traduction  est  suivie  d'une  dis- 
sertation, dans  laquelle  Montfaucou 
cherche  à  établir,  contre  l'opinion 
de  plusieurs  savants,  que  les  Théra- 
peutes étaient  chrétiens  (  F.  Bou- 
hier ,  v,  3of>  ).  VIII.  Bibliotheca 
Coisliniana  olim  Segueriana ,  sive 
manuscriptorum  omnium  grœcorum 
quœined  continentur  accurata des- 
cription ibid.,  17  i5,  in  fol.  Ce  cata- 
logue est  très-recherché.  Le  rédac- 
teur y  a  inséré  quarante-deux  opus- 
cules grecs,  encore   inédits,    avec 
une  traduction  latine.  IX.  L' 'Anti- 
quité expliquée  et  représentée  en 
Jigures,  lat.  et  franc.,  Paris,  17  19- 
'24,  ï5  vol.  in-fol.  On  trouvera  une 
description  exacte  de  cet  important 
ouvrage,  dans  le  Manuel  du  librai- 
re ,  par  M.  Brunet.  L'auteur  avait 
mis  à  contribution  tous  les  cabinets 
de  l'Europe ,  et  en  avait  tiré  un  nom- 
bre prodigieux  de  monuments,  qu'il 
a  fait  graver,  et  dont  il  a  donné  des 
explications,  la  plupart  satisfaisan- 
tes. Malgré  les  imperfections  qu'il 
était  peut-être  impossible   d'éviter 
dans  ce  travail  immense  et  qui  suf- 
firait à  la  gloire  de  Montfaucou,  on 
ne  peut  nier  qu'il  n'ait  contribué  à  ré- 
pandre, surtout  en  France, le  gOÛtde 
l'archéologie,  et  qu'on  ne  lui  doive 
en  partie  les  progrès  qu'a  faits  cette 
.science  parmi  nous.  X.  Les  Monu- 
ments de  la  monarchie  française  , 
av^c  les  (1  laque  règne,  que 

l'injure  du  ten  ,  ibni., 

J7'2C]-3j,  5  Yol.  iu-i'ol,  (  Voy.  la 


MON  539 

description  détaillée  de  cet  ouvrage 
dans  le  Man.  du  libraire.  )  Ce  n'est 
que  la  première  partie  du  plan  im- 
mense qu'il  avait  conçu  pour  l'expli- 
cation des  antiquités  françaises  ;  elle 
contient  l'histoire  de  nos  rois  ,  par 
les  monuments  ,  jusqu'à  Henri  IV  ; 
il  se  proposait  de  traiter  ensuite  avec 
le  même  détail,  les  mœurs  et  les 
usages  de  la  vie  civile ,  l'état  mili- 
taire, etc.  XL  Bibliotheca  bibliothe- 
carum  manuscriptorum  nova , ibid. , 
1739,  2  vol.  in-fol.  C'est  la  liste  de 
tous  les  manuscrits  dont  il  avait  pu 
avoir  connaissance  pendant  quarante 
années  de  recherches  assidues  dans 
les  diverses  bibliothèques  de  l'Euro- 
pe, tant  de  celles  qu'il  avait  lui-mê- 
me visitées  que  de  celles  dont  il  put 
se  procurer  les  catalogues.  L'abbé 
Rive  a  relevé,  avec  son  amertume 
ordinaire  ,  quelques    inexactitudes  • 
échappées  à  Montfaucon  ;  et  Legrand 
d'Aussy,  avertit  qu'on  doit  être  eu 
garde  contre  les  renseignements  qu'il 
donne  dans  cet  ouvrage  (  Voy.  les 
Notices  des  Mss.  de  la  biblioth.  du 
roi,  v,  p.  5 1 5  ,  dans  la  note  ).  Mont- 
faucon  projetait  une  nouvelle  édition 
du  Dictionnaire  grec  d'yEinil.  Por- 
tus,  avec  des  additions  considéra- 
bles. Dom  Louis-Noël  Boyer,  sou 
confrère ,  a  publié  son  Epitaphe ,  en 
latin  (  Paris ,174*2,  in-8°.  ) ,  dans  la- 
quelle il  a  fait  entrer  la  nomenclatu- 
re des  ouvrages  de  ce  savant  homme. 
On  en  trouvera  la  liste  très-détaillée 
dans  V Histoire  littéraire  de  la  con- 
grégation de  Saint-Maur,   par  D. 
Tassiu,  j).  ;')()i-()i().   Le  portrait  'le 
Montfaucon  a  été  -rave  par  Audi-an, 
in-fol.,  et  il  fait  partie  de  la  Coliec- 

|ion  cYOdieuvi  W — s. 

MOiNTFKRRAT  âtraftAM», 
marquis  de  ) ,  est  recardé  comme  le 
fondateur  de  celte  illustre  la  mille, 
quia  disputé  lu  Oj 


54o  MON 

de  Savoie ,  la  souveraineté  du  Pié- 
mont ,  qui  a  envoyé  aux  croisades 
plus  de  héros  qu'aucune  autre  mai- 
son souveraine  d'Europe,  et  qui  a 
régné  en  même  temps  à  Casai ,  en 
ïliessalie ,  et  à  Jérusalem.  L'histoire 
des  marquis  de  Montferrat ,  pendant 
Le  dixième  et  le  onzième  siècle ,  est 
enveloppée  de  la  plus  grande  obs- 
curité.  Aldcrame  avait  obtenu  des 
chartes ,  de  Hugues  et  de  Lothaire , 
rois  d'Italie ,  dès  l'an  g38. 11  fut  fait 
marquis  de  Montferrat  par  Othon- 
le-Grand,  en  967.  On  croit  qu'il 
mourut  en  995.  On  lui  donne  pour 
successeurs,  ses  trois  fils,  qui  régnè- 
rent l'un  après  l'autre  :  Guillaume  Ier, 
Boniface  1er.,  et  Guillaume II.  Ce  der- 
nier épousa  Hélène ,  fille  du  duc  de 
Glocesler,  de  qui  naquit  Boniface  II. 
On  compte  ensuite  un  Guillaume  III, 
et  un  Renier ,  père  de  Guillaume  IV  , 
ou  le  Vieux  ,  qui  régnait  en  11 47. 
Mais  toute  cette  généalogie  ,  jusqu'à 
Guillauine-Ie-Vieux  est  fort  incer- 
taine; et  l'on  peut  révoquer  en  doute 
jusqu'à  l'existence  de  quelques-uns 
des  ces  marquis.  —  Guillaume  IV  , 
marquis  de  Montferrat  ,  avait  été 
surnommé  le  Vieux,  parce  que,  dès 
sa  jeunesse  ,  il  avait  les  traits  d'un 
vieillard  :  il  avait  épousé  une  sœur 
u'erinede  l'empereur  Conrad  III;  et, 
eu  1 1  47,  il  accompagna  ce  prince  à 
la  seconde  croisade.  A  cette  époque 
il  avait  déjà  cinq  {ils  également  vail- 
lants :  Guillaume,  Conradin,  Boni- 
face,  Frédéric  et  Renier ,  qui  tous  ac- 
quirent une  grande  réputation.  Guil- 
laume-le -Vieux  revint  couvert  de 
gloire  de  cette  croisade:  il  prit  part 
aux  guerres  de  Lombardie ,  dans  les- 
quelles, dès  l'an  1 1 54  ,  il  embrassa 
le  parti  de  l'empereur  Frédéric  Bar- 
tarousse,  contre  les  viiles  libres;  et 
il  lui  demeura  fidèle  jusqu'à  la  fin. 
La  prudeuee  et  Sa  valeur  de  Guil- 


,  MON 

laume-le-Vieux  lui  assignèrent  toit- 
jours  un  rang  distingué  parmi  les 
conseillers  de  l'empereur  7  tandis  que 
ses  fils,  qui  avaient  passé  en  Orient, 
brillaient  parmi  les  héros  de  la  3e. 
croisade.  Trois  de  ces  fils ,  Guillaume- 
Longue-Épée,  Conradin  ou  Conrad, 
et  Boniface  ,  auront  un  article  sépa- 
ré. Frédéric  était  entré  dans  les  or- 
dres ;  il  fut  ensuite  évêque  d'Albe. 
Renier ,  qui  avait  passé  en  Orient , 
épousa  Marie  ,  fille  de  Manuel  Com- 
nène,  empereur  de  Constantinoplc; 
elle  lui  apporta  pour  dot,  en  1 179, 
le  royaume  de  Thessalonique  :  Re- 
nier étant  mort,  en  1 183  ,  laissa  ce 
royaume  en  héritage  à  son  frère  Bo- 
niface III.  Guiliaume-le-Vieux  mou- 
rut à  la  même  époque  ;  et  le  troisiè- 
me de  ses  fils,  le  même  Boniface  III, 
lui  succéda  dans  le  marquisat  de 
Montferrat.  Quelques  historiens  des 
croisades  prolongent  la  vie  de  Guil- 
laume-le- Vieux,  jusqu'en  1188,  et 
prétendent  qu'ayant  été  fait  prison- 
nier a  la  bataille  de  Tibcri;;de  ,  il 
fut  conduit  devant  les  murs  de  Tyr, 
que  son  fils  Conrad  défendait ,  et  que 
celui-ci  ne  voulut  point  racheter 
la  vie  de  son  père  par  la  reddition 
de  la  dernière  forteresse  des  Chré- 
tiens. Mais  il  est  probable  que  celte 
anecdote  appartient  à  Boniface  III 
son  fils ,  et  non  à  Guillaume-le-Vieux. 
S.  S— 1. 
MONTFERRAT  (  Guillaume  V 
de)  ,  fils  aîné  du  précédent,  acquit , 
dans  les  guerres  de  Terre-Sainte ,  le 
surnom  de  Longue-Epéey  aucun  rem- 
part ne  paraissant  pouvoir  mettre 
ses  ennemis  hors  de  la  portée  de  son 
glaive.  Il  fut  le  soutien  du  royaume 
de  Jérusalem  dans  sa  décadence  pré- 
maturée. Baudouin-le-Lépreux,  pour 
s'assurer  à  jamais  les  secours  de  ce 
vaillant  prince,  le  maria  à  sa  sœur 
S.bylle,  et  lui  donna  pour  dot  le 


MON 

comte  de  Juppé.  Mais  Guillaume 
mourut   avant  son    beau-frère ,   en 
1  i85.  Il  laissait  un  fils,  encore  en- 
fant ,  qui  succéda  ,  l'année  suivante  , 
dans  le   royaume  de  Jérusalem  .  à 
Baudouin-le  Lépreux,  sous  le  nom  de 
Baudouin  V.  Ce  roi-enfant,  qui  fer- 
mait le  chemin  du  troue  à  Gui  de 
Lusignan  ,  amant  de  la  reine  Sibylle, 
ne  régna  pas  plus  de  sept  mois.  Sa 
mort  éveilla  d  odieux  soupçons  con- 
tre son  successeur. — Son  frère,  Con- 
rad de  Montflrrat,  fut  seigneur 
de  Tyr ,  de  i  187  à  i  icp ,  et  roi  de 
Jérusalem  ,  en  concurrence  avec  Gui 
de  Lusignan.  S'étant  illustré  dans  les 
guerres  d'Orient,  il  épousa,  en  pre- 
mières noces,  une  sœur  d'ïsaac  l'An- 
ge ,  empereur  de  Constantinople;  et, 
celle-ci  étant  morte,  il  épousa  ensuite 
Isabelle  ,   seconde  fille  d'Àmauri  , 
roi  de  Jérusalem  ,  qu'il  fit  divorcer 
d'avec  son  premier  mari,  Unfroi , 
de  Thoron.  Cette  princesse  ,  sœur 
de  Sibylle,   la  veuve  du  frère  de 
Conrad  et  l'épouse  de  Gui  de  Lusi- 
gnan ,   paraissait   donner  au  mar- 
quis de   Montferrat    des  droits  au 
royaume  de  Jérusalem  ;  Conrad  en 
avait  acquis  de  plus  grands  par  sa 
bravoure.    Arrivé    en    Orient  ,    en 
1 187,  peu  après  la  fatale  bataille  de 
Tibériade  et  la  conquête  de  Jéru- 
salem par  Saladin,  il  avait  relevé 
le  courage  des  habitants  de  Tyr,  qui 
lavaient  proclamé  leur   prince  :  il 
avait  repoussé  les  attaques  de   Sa- 
la lin  ,  ruiné  la  flotte  d'Egypte,  et 
refusé  découler  les  propositions  du 
sultan  ,  qui  lui  promettait  de  grandes 
richesses;  Saladin  avait  amené  avec 
lui  devant  les  murs  de  Tyr,  Boniface 
frère  de  Conrad  ,  tait  prisonnier  à 
la  bataille  de  i 

d'immoler  son  captif,  si  on  ne  lui 
ouvrait  les  portes  de  la  ville:  Conrad 
fut  sourd  aux  menaces  comme  aux 


MON 


54i 


prières  çîc  son  ennemi.  A  l'arrivée 
des  Latins,  tous  les  princes  de  l'Oc* 
crient,  remplis  d'estime  pour  loi ,  et 
frappés  d'admiration  pour  la  valeur 
qu'il  montra  au  long  siège  de  Saint- 
Jcan-d'AcTC,  reconnurent  ses  droits 
au    royaume   de   Jérusalem  ,    et  se 
félicitèrent   de   voir   un  héros    sur 
ce  trône  chancelant.  L'éloquence  de 
Conrad,  sa  générosité,  et  sa  con- 
naissance d'un  grand  nombre  de  lan- 
gues ,  ne  le  signalaient  guère  moins 
que  sa  bravoure  entre  tous  les  croi- 
sés. Le  seul  Richard  Cœur -de-Lion 
paraît  ressentir  une  basse  jalousie 
contre  un  prince  qui  lui  disputait  le 
prix  de  la  valeur.  Il  embrasse  avec 
chaleur  la  cause  de  Gui  de  Lusignan 
contre  Conrad  :  il  allume  la  discorde 
dans  tout  le  camp  des  chrétiens  ;  et, 
dans  le  plus  fort  de  leurs  démêlés, 
Conrad   est  assassiné  ,  le  24  avril 
1192,  par  deux  Sarrasins.  On  ré- 
pugne à  croire  coupable  le  vaillant 
Cœur-de-Lion  d'un  aussi  lâche  at- 
tentat :  d'autre  part,  une  lettre  du 
Vieux  de  la  Montagne,  qui  s'accusait 
lui-même  de  cet  assassinat ,  et  que 
le  roi  d'Angleterre  produisit  pour  sa 
défense,  semble  bien  peu  faite  pour 
inspirer  de  la  confiance.      S.  S — 1. 
MONTFERRAT   (  Boniface  111 
marquis  de)  ,  frère  des  précédents  , 
fut  roi  de  Thessaloni que ,  de   1  iS3 
à  1207,  comme  héritier  deson  frère 
Rénier,  qui  avait  acquis  cet  héritage 
par  son  mariage  avec  une  Comnènc. 
De  même  que  son  père  et  ses  frères, 
il  croyait  ne  régner  que  pour  em- 
ployer toutes  les  ressources 
état  s  à  défendre  la  Terre-Sainte.  Après 
avoir  visité  Thessalonique,  il  se  ren- 
dit à  Constautinople  aupri 
V  Vn';c,  auquel  il  donna  des  secours 
contre  And ronic.  El  passa  ensuite  en 
Syrie,  où  il  fut  fail  prisonnie 
fleur  de  ! . 


54<î  MON 

cli retienne,  dans  la  bataille  5e  Ti- 
bériade,  le  3  juiilet  1 187.  Son  frère 
Conrad  refusa  de  rendre  Tyr  au 
sultan  pour  racheter  la  liberté  de 
Boniface  ;  mais  il  la  lui  obtint  peu 
après ,  plus  glorieusement ,  par  un 
échange  de  prisonniers.  Boniface  111, 
revenu  en  Montferrat,  à  la  fin  de  l'an- 
née 1 19  t  ,  augmenta  ses  états  par  des 
concessions  de  l'empereur  Henri  IV. 
Il  fut  appelé,  comme  arbitre ,  en  Al- 
lemagne, en  1 199  ,  pour  rétablir  la 
paix  entre  Philippe  et  Othon  IV , 
tous  deux  désignés  comme  rois  des 
Romains.  Quoiqu'il  ne  pût  y  réussir, 
cette  négociation  même,  et  la  gloire 
de  Conrad  son  frère,  déterminèrent 
les  princes  croisés  à  choisir,  en  1 202, 
Boniface  pour  chef  de  la  cinquième 
croisade;  et  il  contribua ,  d'une  ma- 
nière brillante,  à  la  conquête  de  l'em- 
pire de  Constantinople  (1).  Quand 
cet  empire  eut  été  divisé  entre  les 
seigneurs  croisés  ,  Boniface  fut ,  en 
1204,  remis  en  possession  de  son 
royaume  de  Thessalonique  :  on  lui 
avait  aussi  donné  en  partage  l'île  de 
Crète  ;  mais  il  la  vendit  aux  Véni- 
tiens. Dans  l'année  i2o5,  Boniface 
prit  sur  les  Grecs  Napoli  de  Komanie 
et  Corintbe  ;  il  maria  ensuite  une  de 
ses  filles  à  Henri  de  Flandre,  empe- 
reur de  Constantinople.  Il  fut  tué  par 
une  flèche  empoisonnée,  en  1 207,  en 
combattant  les  Sarrasins  devant  Sa- 
talie.  Il  laissait  deux  fils,  Guillaume 
VI,  et  Démétrius,  dont  l'aîné  fut 


(i)  Ce  fut  Ma  suite  de  cette  expédition,  que  le 
rrforqnis  Boniface  et  ses  compagnons  d'urmes,  atten- 
tif» à  tout  ce  qui  pouvait  <  ontribner  n  J;l  prospérité 
de  leurs  possessions  d'Occident,  y  introduisirent  la 
culture  du  mais  ,  qu'ils  avaient  vu  pratiquer  avec 
succès  dans  l'Asie-Mineure.  Un  Montferrat  cette 
culture  se  répandit  bientôt  dans  le  reste  de  la  L»ra- 
bardie.  Le  pro.  ès-rei-bal  authentique  de  cette  intro- 
duction a  été  conservé,  et  il  est.  rapporté  par  plusieurs 
auteurs.  Voyex  la  Sloria  d'Incisa  ,  Asti,  1810,  tom. 
J,  p.  jgS  ;  \ Histoire  des  Croisades,  par  M.  Mi- 
chaud  ,  tom.  in  ,  pièces  justiGcat  ,  u<>.  XI  ;  et  la  Re- 
vue cncyclop. ,  \ui  ,  4<,"'- 


MOft 

marquis  de  Montferrat,  et  le  pîu* 
jeune ,  roi  de  Thcssalie.  —  Guil- 
laume VI  avait  été  chargé  ,  en 
i2o3,du  gouvernement  du  Mont- 
ferrat, par  son  père,  lorsque  celui-ci 
eut  passé  en  Orient.  Dès  qu'il  ap- 
prit la  mort  de  Boniface ,  il  accourut 
à  Thessalonique,  pour  affermir  sou 
frère  dans  la  possession  de  son  petit 
royaume  ;  et  il  ne  revint  en  Mont- 
ferrat qu'après  avoir  fait  obtenir  à 
Démétrius  l'investiture,  que  lui  don- 
na l'empereur  d'Orient.  Guillaume 
épousa ,  eu  121 1  ,  Berthe,  fille  du 
marquis  de  Cravesana;  il  en  eut  un 
fils ,  qui  lui  succéda ,  sous  le  nom  de 
Boniface  IV,  et  une  fille  qui  épousa 
le  dauphin  de  Viennois.  Cependant 
l'empire  latin  de  Constantinople 
était  déjà  menacé  d'une  chute  pro- 
chaine ;  et  les  GreCs  en  profitèrent 
pour  attaquer  aussi  le  royaume  de 
Thessalonique.  Théodore  Lascaris , 
après  une  guerre  acharnée,  en  fit  la 
conquête,  en  1219,  sur  Démétrius 
de  Montferrat.  Celui-ci  revint,  en 
Italie,  implorer  les  secours  de  son 
frère  :  Guillaume,  déterminé  à  le  ré- 
tablir dans  son  royaume,  engagea 
toutes  ses  terres  à  l'empereur  Frédé- 
ric II ,  pour  le  prix  de  neuf  mille 
marcs  ;  et  avec  cette  somme  il  leva 
une  armée  qu'il  conduisit  en  Grèce. 
Il  paraît  qu'en  1224  il se  rendit  maî- 
tre de  Thessalonique  ;  mais  il  y  fut 
empoisonné,  l'année  suivante,  par  les 
Grecs.  Démétrius  revint  en  Montfer- 
rat avec  son  neveu  Boniface  IV.  Il 
mourut,  en  1227,  laissant  par  tes- 
tament, à  l'empereur  Frédéric  II, 
tous  ses  droits  sur  le  royaume  de 
Thessalie.  —  Boniface  IV,  fils  et 
successeur  de  Guillaume  VI,  avait 
pris  part  à  l'expédition  de  Grèce,  en 
1224:  il  en  revint  l'année  suivante, 
après  la  mort  de  son  père,  et  ses 
sujets  le  remirent  en  possession  de 


MON 

tous  les  châteaux  du  Montferrat , 
malgré  le  contrat  d'hypothèque  sti- 
pulé par  sou  père  avec  l'empereur. 
Boniface  obtint  même,  en  i23o,  de 
Frédéric,  que  celui-ci  renonçât  à 
tous  les  droits  que  lui  avait  transrais 
Démétriuspar  son  testament.  Il  fut, 
en  retour,  un  des  plus  zélés  par- 
tisans de  l'empereur  ,  pendant  les 
longues  guerres  que  celui-ci  eut  à 
soutenir  contre  les  papes  en  Lom- 
bardie:  il  se  montra  également  atta- 
ché à  Conrad  IV,  qui  lui  accorda  de 
nouvelles  faveurs  en  1253.  Boniface 
IV,  dont  la  taille  était  presque  gigan- 
tesque, n'avait  pas  cependant  une 
valeur  si  brillante  que  ses  illustres 
ancêtres ,  et  il  a  laissé  bien  moins 
de  souvenirs  de  son  règne.  Ce  prince 
avait  épouse  Marguerite  de  Savoie, 
fille  du  comte  Amédée;  il  mourut 
eu  1254,  laissant  un  fils  et  une  fille. 
S.  S— 1. 
MONTFERRAT  (  Gui  ll  aume  VII, 
dit  le  Grand,  marquis  de)  ,  (ils  et 
successeur  de  Boniface  IV,  régna  de 
1*254  à  1292.  Il  parvint  au  trône  à 
une  époque  où  les  villes  libres  de 
Lombardie  ,  fatiguées  de  leurs  dis- 
cordes intérieures ,  commençaient  à 
se  dégoûter  de  leur  liberté  :  il  sut 
profiter  de  celte  disposition  pour 
soumettre  Verccil,Ivrée  et  plusieurs 
autres  villes  demeurées  jusqu'alors 
indépendantes.  11  avait  contracté  al- 
liance, en  1*164 >  avc'c  Charles  d'An- 
jou ,  auquel  il  ouvrit  l'entrée  de 
l'Italie;  mais  lorsque  ce  prince  am- 
bitieux, après  avoir  conquis  le  royau- 
me de  Naples,  entreprit  d'asservir 
aussi  la  Lombardie,  Guillaume  de 
Montferrat  mit  un  tenue  à  ses  usur- 
pations. De  concert  avec.  Les  répu- 
bliques de  Gènes  -  di  !' a\  ic  et  d'Asti, 
i!  attaqua  les  garnisons  que  le  roi  de 
Naples  avait  laissées  en  Piémont;  il 
les  chassa  d'Albe  ,  de  Ghicrasco,  de 


MON 

Mondovi  et  de  Coni  :  il  fon y. 
Alexandrins  et  le  marquis  de  Salaces 
à  renoncer  à  l'alliance  de  Charles; 
et  il  se  fit  lui-même  reconnaître  pour 
capitaine  et  seigneur  par  les  villes  de 
Pavie,  Nôvara,  Asti,  Turin,  Albc, 
Ivrée ,  Alexandrie  et  Tortonc,  qui. 
toutes  étaient  bien  plus  riches  et  bien, 
plus  peuplées  qu'elles  ne  le  sont  au- 
jourd'hui. A  une  époque  où  les  Ita- 
liens commençaient  à  négliger  la  car- 
rière militaire ,  Guillaume  de  Mont- 
ferrat avait  formé  une  armée  formi- 
dable: il  la  maintenait  en  activité,  en 
la  mettant  à  la  solde  des  princes  ses 
voisins,  lorsque  lui  -  même  n'avait 
point  de  guerre  ;  et  déjà  il  ne  se  mon- 
trait pas  plus  scrupuleux  dans  l'ob- 
servation de  ses  traités  que  ne  le 
furent  les  Condottieri  qui  firent  plus 
tard  le  même  métier.  Après  avoir 
trompé,  en  1279  ,  les  Délia  Torre? 
autrefois  seigneurs  de  Milan ,  il  leur 
répondit  pour  s'excuser  :  «  J'avais; 
»  promis,  il  est  vrai  j  mais  je  n'avais 
»  pas  promis  d'observer  ma  jpro- 
»  messe.»  Les  princes  avec  lesquels 
le  marquis  de  Montferrat  avait  des 
intérêts  à  démêler,  n'étaient  pas  plus 
scrupuleux  que  lui  :  en  1 28 1 ,  comme 
il  traversait  les  états  de  Thomas  111 
de  Savoie,  comte  de  Mauiïennc,  son 
beau-frère,  il  fut  arrête  par  son  ordre, 
et  il  ne  recouvra  la  liberté  que  par  la 
cession  de  Turin ,  Pianezza  etColegno, 
dont  il  s'était  emparé.  Marie'  sUi 
sivement,en  12.37,  à  Isabelle,  fille 
de  Richard ,  comte  de  Glocester,  <  ? 
en  1 2 7  1 ,  à  Béatrix,  fille  d'Alfonse  X, 
roi  de  Castille,  il  fut  nommé,  p  I 
princes  qui  tous  deux  se  pi 
datent  empereurs  élus,  vicaire  im- 
périal en  Italie.  11  s'était  fait  .1 
la  seigneurie  de  (aune  et 
par  le  peuple  de  cei  deux  vilfc 
il  avaii  préparé  des  intri 
obtenir  le  même  peuVoir  à  Milan, 


i  I 


MON 


où  il  avait  déjà  une  grande  influence 
comme  capitaine  des  gens  de  guerre  : 
mais  l'archevêque  Othon  Visconti, 
seigneur  de  Milan,  qui  l'avait  intro- 
duit dans  cette  ville,  et  qui  ne  le  cé- 
dait à  Guillaume  ni  en  habileté  ni  en 
dissimulation,  saisit  un  moment  où 
le  marquis  de  Montferrat  était  parti 
pour  Yerceil,  à  la  fin  de  l'année  i  'lS'2  ; 
et  prenant  les  armes  avec  tous  ses 
partisans,  il  chassa  des  palais  publies 
le  vicaire  de  Guillaume  ,  et  il  fit  dé- 
fendre à  celui-ci  de  jamais  reparaître 
dans  Milan.  En  1284,  Guillaume 
maria  sa  fille  Iolande  ,  à  qui  les 
Grecs  donnèrent  le  nom  d'Irène  , 
avec  Andronic  Paléologue,  empereur 
à  Constantinople  :  il  lui  donna  pour 
dot  tous  ses  droits  sur  le  royaume 
de  Thessalonique ,  où  il  paraît  qu'il 
avait  conservé  quelque  autorité.  Ce- 
pendant le  nombre  de  ses  ennemis 
allait  croissant  chaque  jour;  toutes 
les  villes  guelfes  étaient  conjurées 
contre  lui.  En  1290,  la  république 
d'Asti  voulut  lui  enlever  la  ville  d'A- 
lexandrie: le  marquis  de  Montferrat 
accourut  aussitôt  dans  cette  ville  pour 
en  réprimer  la  rébellion'  mais  il 
était  déjà  trop  tard  :  il  y  fut  fait  pri- 
sonnier, le  8  septembre,  et  enfermé 
dans  une  cage  de  fer,  où  il  mourut, 
après  dix- sept  mois  de  captivité,  le 
6  février  1292.  Les  Alexandrins  re- 
doutaient tellement  ses  stratagèmes, 
que  lorsqu'ils  le  virent  mourir,  ils 
se  persuadèrent  que  c'était  une  ruse 
pour  s'échapper  de  leurs  mains  ,  et 
ils  ne  se  crurent  assurés  de  sa  mort , 
qu'après  lui  avoir  versé  du  plomb 
fondu  sur  la  tête.  Ils  l'enterrèrent 
alors  honorablement  dans  l'abbaye 
de  Lucedio.  S.  S — 1. 

MONTFERRAT  (Jean  Ier.,  mar- 
quis de  ) ,  fils  et  successeur  de  Guil- 
laume VII ,  n'était  âgé  que  de  quinze 
ans,  lorsqu'il  succéda ,  en  i'2(j'.i ,  à 


MON 

son  père;  il  e'tatf  alors  à  la  cour  de 
Charles  II,  roi  de  Naples.  Matthieu 
Visconti,  seigneur  de  Milan,  profita 
de  son  absence  pour  envahir  ses 
états;  il  lui  enleva  en  peu  de  temps 
Trin,  Ponte -Stura,  Moncalvo,  et. 
la  ville  même  de  Casai.  Le  nouveau 
marquis  n'ayant  pas  de  forces  suffi- 
santes pour  repousser  cette  attaque, 
demanda  la  paix  à  Visconti;  il  con- 
sentit à  lui  laisser  pendant  cinq  ans 
le  gouvernement  de  tout  le  Montfer- 
rat ,  avec  le  litre  de  lieutenant  du 
marquis  ,  et  une  paye  de  trois  mille 
livres  milanaises.  Au  bout,  de  ces  cinq 
ans  ,  lorsque  Jean  voulut  rentrer  en 
possession  de  ses  états,  il  fut  obligé  de 
recommencer  la  guerre:  cependant  , 
il  s'était  fortifié  par  l'alliance  d'A- 
me III,  comte  de  Savoie,  dont  il 
avait  épousé  la  fille  Marguerite  ,  en 
1 296.  Albert  Scott,  seigneur  de  Plai- 
sance, avec  lequel  il  s'était  aussi  al 
lié,  le  délivra  de  la  crainte  des  Vis- 
conti, par  la  révolution  qu'il  excita, 
en  i3o2,  à  Milan  ,  d'où  le  seigneur 
de  cette  ville  fut  chassé.  Jean  Ier. 
mourut  au  mois  de  janvier  i3c5, 
âgé  de  vingt-huit  ans.  Comme  il  n'a- 
vait point  d'enfants,  en  lui  s'éteignit 
la  ligne  masculine  des  anciens  mar 
quis  de  Montferra  t ,  descendants  d' Al 
derame ,  après  avoir  régné  trois-cent 
trente-huit  ans  sur  cette  contrée 
Mais  la  sœur  du  marquis  Jean  ,  Io- 
lande ou  Irène,  impératrice  de  Cons- 
tantinople ,  ayant  succédé  aux  droits 
de  sa  maison,  les  transmit  à  Théo- 
dore, son  second  fils,  en  qui  la  mai- 
son de  Montferrat  fut  renouvelée. 
S.  S— 1. 
MONTFERR  AT-PALÉOLOGUE 
(  Théodore  ,  marquis  de  ),  neveu  et 
successeur  de  Jean  Ier,  régna  de  i3o5 
à  i338.  Le  marquis  Jean  Ier.  étant 
mort,  ses  sujets  envoyèrent  une  dé- 
putation  à  Iolande  sa  sœur,  qui  était 


à  Constantinople ,  pour  lui  rendre 
hommage  comme  à  leur  souveraine  , 
et  lui  demander  un  de  ses  fils  pour  ré- 
gner sur  le  Montferrat.  Tolande,  de 
concert  avec  Andronic  Paléologue  , 
son  mari ,  fit  choix  de  Théodore,  le 
second  de  ses  fils,  pour  l'envoyer  en 
Italie.  Ce  jeune  prince  aborda,  en 
i3o6,  à  Gènes  :  le  Montferrat  était 
alors  occupé  presque  en  entier  par 
Manfred ,  mai  quis  de  Saluées ,  et  par 
Charles  II,  roi  de  Naples  ;  mais  les 
peuples j  attaches  au  sang  de  leurs 
anciens  maîtres ,  accueillirent  avec 
joie  le  jeune  Paléologue,  en  qui  ils 
les  voyaient  revivre.  Celui-ci  sut  aussi 
se  faire  des  appuis  parmi  les  sei- 
gneurs italiens.  11  épousa  Argentine, 
tille  d'Obizzino  Spinola,  un  des  ca- 
pitaines de  Gènes,  et  belle-sœur  de 
Phiiippon  de  Langiusco  ,  seigneur 
de  Pavie  ;  aidé  par  eux  ,  il  combattit 
long-temps  avec  succès  Charles  II 
et  les  marquis  de  Céva  et  de  Saluées. 
Il  se  fit  reconnaître  par  Henri  VII, 
lorsque  cet  empereur  passa  en  Ita- 
lie ;  et  il  contracta  avec  lui  une  al- 
liance avantageuse  à  tous  deux.  Io- 
lande  ou  Irène  de  Montferrat ,  im- 
pératrice de  Constantinople,  étant 
morte  en  i3i(>,  Théodore  passa  en 
Grèce  j  et  il  y  demeura  deux  ans 
auprès  de  son  frère  Andronic  le 
jeune,  afin  de  l'aider  à  repousser  les 
attaques  des  Turcs.  Il  visita  de  nou- 
veau ses  états,  en  i3k),  pour  v  pa- 
cifier des  troubles  qui  avaient  éclaté: 
mais  il  retourna  bientôt  à  Constan- 
tinople; et  ce  ne  fut  qu'en  1 33o  qu'il 
revint  définitivement  dans  son  mar- 
quisat. Pendant  son  séjour  en  Orient, 
il  composa  en  grec,  vers  l'an  i3a6, 
un  traité  sur  la  discipline  militaire, 
qu'il  traduisit  ensuite  <-n  latin  ,  et  <pii 
n'est  p.is  sans  mérite.  Théodore  Pa- 
léologue, quoique  étrangère  l'Italie, 
tut  mériter  et  obtenir  l'amour  des 
xxix. 


MON  545 

peuples  qu'il  était  venu  gouverner. 
•  un  règne  de  trente-deux  ans , 
dans  lequel  il  se  distingua  autant  par 
sa  bonté  que  par  sa  justice,  il  mou- 
rut à  Trin  ,  le  '21  avril  i338,  lais- 
saut  un  seul  fils  ,  qui  lui  succéda. 
S.  S— 1. 
MONTFERRAT-PALÉOLOGUE 
; .1  r\\  II),  fils  de  Théodore  Ier.,  régna 
de  1 338  à  1  '>;'*.  En  recueillant  la 
succession  de  son  père  ,  il  résolut  de 
travailler  à  recouvrer  en  même  temps 
les  pays  qui  avaient  été  détachés  de 
l'héritage  de  la  première  maison  de 
Montferrat ,  par  les  princes  de  Sa- 
voie ,  le  roi  de  Naples  ,  ou  les  Guelfes 
de  Loinbardie.Dès  la  première  année 
de  son  règne  ,  il  réduisit  à  l'obéis- 
sance la  petite  province  du  Canavcz, 
entre  la  Dora  et  le  Pô  ,  que  le  prince 
d'Acha'ie,de  la  maison  de  Savoie,  lui 
avaitenlevée.  Le  '26  septembre  l33o, 
il  surprit  et  chassa  d'Asti  la  garnison 
que  le  roi  Robert  de  Naples  entre- 
tenait dans  cette  ville  :  il  céda  cepen- 
dant Asti  à  Luchino  Visconli,  pour 
s'assurer  l'alliance  de  ce  puissant 
seigneur.  Il  battit,  en  i344  ?  1°  sé- 
néchal de  Provence  ,  que  la  reine 
Jeanne  avait  envoyé  en  Piémont ,  afin 
de  maintenir  dans  l'obéissance  les 
villes  qui  avaient  appartenu  au  roi 
Robert.  Un  prince  Othou  de  Bruns- 
wick ,  cousin  du  marquas  de  Mont- 
ferrat, était  venu  s'établir  à  sa  cour, 
et  le  servait  avec  autant  de  valeur 
que  de  prudence.  I  ne  grande  p  i!  - 
lie  du  Piémont  fui  soumise  par  leurs 
armes  ,  malgré  la  victoire  que  les 
princes  de  Savoie  remportèrent,  au 
mois  de  juillet  1  >Ï7  ,  sur  le  marquis 
de  Montferrat.  Celui-ci  ayant  (ait. 
visite  l'année  suivai  d  allié 

Luchino  \  iseonti ,  l<'  perfide  seigneur 
de  Milan  résolut  d'arrêter  le  marquis 
poui  s'emparer  its.  .Iran  11 

en  fut  averti  à  temps  ,  et  il  échappa 


546 


MON 


par  une  prompte  fuite  :  la  mort  de 
Luchino  prévint  la  guerre  que  celte 
trahison  semblait  devoir  exciter.  Le 
marquis  de  Montferrat  accompagna , 
en  i355  ,  l'empereur  Charles  IV, 
dans  son  expédition  en  Toscane  et  à 
Rome  ;  et,  eu  récompense  des  services 
qu'il  lui  rendit ,  il  obtint  le  vicariat 
de  l'empire  en  Italie.  Les  prétentions 
fondées  sur  cette  nouvelle  dignité,  et 
l'accroissement  de  puissance  du  mar- 
quis de  Montferrat,  allumèrent  enfin  , 
en  i356  ,  la  guerre  entre  lui  et  la 
maison  Visconti.  Cette  guerre  fut  si- 
gnalée, pour  Jean  II,  par  de  nouvelles 
conquêtes  :  il  s'empara  des  provinces 
d'Albe  et  de  Novare  ;  il  fit  révolter 
Pavie  contre  les  Visconti ,  et  il  éten- 
dit souvent  ses   ravages   jusqu'aux 
portes  de  Milan.  Cependant  les  sol- 
dats   mercenaires   qu'il  était  forcé 
d'employer,  le  trahirent  à  plusieurs 
reprises.  Ils  l'abandonnèrent  tous  en 
1 35g ,  et  causèrent  ainsi  la  perte  de 
Pavie.  Le  marquis  alla  chercher, 
en  Provence  ,  une  nouvelle  armée 
mercenaire ,  la  compagnie  blanche , 
formée  des  troupes  licenciées  après 
la  paix  entre  la  France  et  l'Angle- 
terre. Cette  compagnie,  forte  d'envi- 
ron dix  mille  hommes  de  cavalerie, 
ramena  la  victoire  sous  les  étendards 
du  marquis  :  mais  elle  introduisit, 
en  i36i  ,  la  peste  en  Lombardie  ;  et 
elle  acheva   ainsi  de  désoler   cette 
belle  contrée,  jusqu'à  la  paix  négo- 
ciée ,  en    i364,   par  un  légat  du 
pape ,  entre  Galeaz  Visconti  et  Jean 
de  Montferrat.  L'ambition   de  ces 
deux  princes  rivaux  renouvela  les 
hostilités  au  bout  de  peu  d'années; 
dans  cette  seconde  guerre ,  le  mar- 
quis de  Montferrat  perdit ,  en  1370, 
Valence  et  Casai.  Le  chagrin  et  l'in- 
quiétude qu'il  éprouva  de  ces   re- 
vers ,  lui  causèrent  une  maladie  dont 
il  mourut  au  mois  de  mars  137a.  Il 


'    MON 

avait  épousé,  le  3  septembre  i358, 
Elisabeth  d'Aragon ,  sœur  de  Jac- 
ques ,  dernier  roi  de  Ma'iorque  :  par 
elle ,  ses  enfants  avaient  des  droits 
à  l'héritage  du  royaume  de  Ma'ior- 
que, qui  avait  déjà  été  envahi  par 
Pierre  IV,  roi  d'Aragon.  La  maison 
de  Montferrat  se  contenta  d'en  pren- 
dre les  armoiries.  Jean  II  laissait 
quatre  fils  encore  fort  jeunes  ,  sous 
latutèle  d'Othon,  duc  de  Brunswick. 
S.  S— T. 

MONTFERRAT-PALÉOLOGUE 

(  Secondotto  ) ,  fils  et  successeur 
de  Jean  II,  régna  de  \oyi  à  1378. 
Les  fils  du  marquis  de  Montferrat 
étaient  encore  ,  à  la  mort  de  Jean , 
trop  jeunes  pour  gouverner  ;  mais  ils 
trouvèrent  un  protecteur  et  un  ami 
fidèle  dans  Othon  de  Brunswick,  fils 
du  duc  Henri  ,  que  leur  père   leur 
avait  donné  pour  tuteur.  Brunswick- 
n'ayant  pu  obtenir  la  paix  de  Galeaz 
Visconti, s'assura  l'alliance  du  comte 
Amé  de  Savoie,  et  du  pape  Grégoire 
XI;  et  après  avoir  fait  sentir  par  ses 
victoires  au  seigneur  de  Milan,  que 
la  maison  de  Montferrat  n'avait  rien 
perdu  de  sa  puissance,  il  obtint  enfin 
une  paix  glorieuse,  en    1376.  La 
même  année ,  Othon  de  Brunswick 
épousa  la  reine  Jeanne  de  Naples. 
Son  pupille,  Secondotto,  né  en  1 3(3o, 
était  encore  loin  de  sa  majorité,  que 
son  père  avait  fixée  à  vingt-cinq  ans. 
Cependant  le  duc  de  Brunswick  le 
maria,  au  mois  de  novembre  1377  , 
avec  Violante  Visconti,  sœur  de  Jean 
Galeaz;  et  il  essaya  dès-lors  de  le 
charger    du   gouvernement    de   ses 
états.:  mais  Secondotto  était  d'un 
caractère  emporté  à  l'excès;  la  moin- 
dre contrariété  le  portait  à  des  ac- 
cès de  fureur,  dans  lesquels  il  avait 
tué  plusieurs  fois  des  hommes  et  des 
enfants.  Au  mois  de  décembre  1378, 
comme  il  s'était  arrêté  a  Langirano, 


MON 

près  de  Parme,  il  entra  en  fureur 
contre  un  de  ses  palefreniers,  qu'il 
poursuivit  dans  l'écurie  pour  le  tuer: 
un  autre  palefrenier  du  marquis 
prit  la  défense  de  son  compagnon, 
et  frappa  Secondotto  à  la  tête ,  d'un 
coup  si  violent,  que  celui-ci  eu  mou- 
rut le  quatrième  jour.  —  Aussitôt 
qu'Othon  de  Brunswick  apprit  la 
mort  de  Secondotto,  il  quitta  la  reine 
Jeanne  sa  femme  ,  pour  accourir 
dans  le  Montferrat,  et  prendre  la 
protection  de  Jean  III,  le  second 
de  ses  pupilles.  En  même  temps  il 
s'efforça  de  recouvrer  la  ville  d'Asti, 
qui  leur  avait  été  enlevée  par  JeanGa- 
leaz.  Mais,  sur  ces  entrefaites,  l'ex- 
pédition de  Charles  III  d'Anjou  dans 
le  royaumede  Naples,  et  le  danger  que 
courait  la  reine  Jeanne,  déjà  assiégée 
dans  le  château  de  l'OEuf ,  rappelè- 
rent Othon  de  Brunswick  dans  le 
royaume  de  Naples.  Il  conduisit  avec 
lui  Jean  III ,  son  pupille;  tous  deux 
livrèrent  bataille  à  Charles  III,  le 
'i 5  août  1 38 1  :  ils  furent  défaits; 
Othon,  grièvement  blessé,  demeura 
prisonnier,  et  Jean  III  fut  tué  en 
combattant  à  ses  cotés.  S.  S — i. 

MONTFERRAÏ-PALÉOLOGUE 
(Théodore  II),  troisième  fils  de  Jean 
II,  régna  de  i38i  à  ijJ  18.  Le  jeune 
marquis  Théodore  avait  été  élevé 
à  la  cour  de  Jean  Galeaz  Visconti, 
comme  compagnon  et  ami  di 
fils  Arco,  qui  mourut  en  i 
lors  Jean  Galeaz  avait  toujours  re- 
tenu auprès  de  lui  ce  jeune  prioce; 
et ,  tout  en  professant  pour  lui  une 
affection  paternelle  ,  il  le  gardait 
comme  un  otage  a  sa  cour.  Lorsque 
Théodore  fut  appelé  ,  par  la  mort 
de  ses  deux  frèri  i  la  succes- 

sion du    Monl  i  h  Galeaz 

n'eut  garde  de  permettre  au  nouveau 
souverain  de  quitter  Milan  ;  e!  il 
profita  de  la  captivité  où  il  le  t< 


MON  547 

pour  se  faire  céder  tous  les  droits  du 
marquis  sur  la  ville  d'Asti,  long- 
temps disputée  entre  eux.  Cependant 
il  ne  démentit  pas  complètement 
l'affection  qu'il  professait  pour  l'ami 
du  fils  qu'il  avait  perdu  ;  et  le  Mont- 
ferrat jouit  d'une  paix  profonde, 
jusque  vers  la  fin  du  siècle  :  il  Ja  dut 
surtout  au  séjour  de  vingt-huit  an.* 
que  fit  son  souverain  à  la  cour  de 
Milan.  Cependant  la  mort  de  Jean 
Galeaz  en  1402 ,  la  minorité  de  ses» 
fils,  et  les  désordres  de  la  régence, 
donnèrent  le  moyen  au  marquis 
Théodore  de  recouvrer  l'indépen- 
dance qu'il  avait  perdue.  Il  se  fit  res- 
tituer, en  i4°4>  Casai,  sa  capitale, 
que  Jean  Galeaz  avait  toujours  oc- 
cupée :  il  fit  ensuite  alliance  avec 
Amé  VII,  comte  de  Savoie;  et  il 
s'empara  de  plusieurs  villes  et  châ- 
teaux-forts qui  avaient  dépendu  au- 
paravant du  duc  de  Milan.  Eu  14  06, 
il  maria  sa  fiile  Sophie  à  Jean  Paléo- 
logue,  empereur  de  Constantinople; 
mais  cette  princesse,  ne  pouvant  s'ac- 
commoder aux  mœurs  de  la  Grèce  , 
revint  en  Occident,  et  finit  ses  jours 
dans  le  Montferrat.  L'année  sui  va  n!e, 
Théodore  fit  épouser  à  son  fils  Jeanne 
de  Savoie,  fille  d'Ame  VI,  dit  le 
comte  Verd,  et  sœur  d'Ame  VII, 
qui  régnait  alors.  Cependant  Théo- 
dore, qui  prétendait  être  zélé  parti- 
san dv<  Gibelins,  déclara  la  gu. 
en  ijott,  à  Jean  Marie  Visconti, 
duc  de  Milan,  sous  prétexte  de  Vou- 

hasser  les  Guelfes  de  ses  con- 
seils. 11  s'allia,  dans  ce  but,  avec 
Faclno  Cane,  qui  etail  né  son  sujet, 

qui  ('lait  devenu  seigneur  d'A- 
lexandrie; et  il  contraignit  le  duc 

Vlarie  à  recevoir,  en  i4"<),  l"i 
gouverneur  de  leur  choix  dajj 
lan.  La  même  année  il  aida  lei  I 
nois  a  chasser  de  leur  \  die  l.t  garni- 
aLonfra 


$48 


MON 


se  fit  élire,  en  récompense,  capitaine 
de  Gènes,  avec  les  émoluments  as- 
surés d'ordinaire  aux  doges  :  mais 
les  Génois  ne  pouvaient  supporter 
long-temps  un  joug  étranger;  ils  se 
révoltèrent  le   20    mars   1 4J3 ,   et 
chassèrent  ses    troupes.    Philippe- 
Marie  avait  succédé  à  son   frère  , 
dans  le  duché  de  Milan ,  et  Théo- 
dore avait  recommencé  la  guerre  con- 
tre lui;  mais  la  valeur  de  Carma- 
gnola   laissait   peu  d'espérance   de 
succès  aux  ennemis  du  duc  :  la  paix 
se  fit  enfin  entre  eux,  le  20  mars 
1 4*  7-  Théodore II  avait  été  reconnu, 
par  l'empereur  Sigismond ,  vicaire 
impérial  en  Italie,  le  20  septembre 
1  4ï  4  ?  et  cette  dignité  fut  confir- 
mée depuis  à  tous  ses  successeurs.  Il 
avait  épousé,  en  1394,  Jeanne,  fille 
aînée  de  Robert  duc  de  Bari ,  dont 
il   eut  un  fils  qui  lui  succéda.   Sa 
femme  étant  morte ,  en  1402  ,  il  se 
remaria, l'année  suivante,  à  Margue- 
rite, fille  de  Louis  prince  d'Acha'ie, 
dont  il  n'eut  point  d'enfans.  II  mou- 
rut en  1 4  ï  B :  sa  veuve  Marguerite  se 
relira  dans  un  couvent  d'Albe  ,  où 
elle  parvint  à  l'âge  le  plus  avancé; 
elle  termina  ses  jours  en  1 464 ,  dans 
une  grande  réputation  de  sainteté. 
S.  S— 1. 
MONTFERRAT-PALÉOLOGUE 
(Jean-Jacques),  fils  unique  et  suc- 
cesseur de  Théodore  II,  né  le  23 
mars     i3q5  ,    régna  de    i4*8    à 
i445.  J.  -  J.  de  Montferrat ,  fut  un 
des  princes  les  plus  malheureux  de 
cette   maison   illustre  :  placé   entre 
les  ducs  de  Milan  et  de  Savoie  ,  voi- 
sins ambitieux  ,  et  peut  -  être  plus 
habiles  que  lui,  il  fut  opprimé  par 
eux  pendant  tout  son  règne.  Il  était 
entré,  en  i^'à5?  dans  la  ligue  for- 
mée par  les   républicains  de  Flo- 
rence et  de  Venise  ,   pour  mettre 
un  terme  aux  usurpations  de  Phi- 


MON 

lippe  -  Marie,  duc  de  Milan  :  mais 
tandis  que  tous  ses  alliés  eurent  des 
succès  dans  cette  guerre,  le  Mont- 
ferrat fut  ravagé  par  Ladislas  Gui- 
nigi,  qui  était  à  la  solde  du  duc  de 
Milan.  Lorsque  la  guerre  se  renou- 
vela en  1 43 1  ,  le  marquis  fut  plus 
malheureux  encore  :  le  comte  Fran- 
çois Sforza  lui  prit,  l'une  après  l'au- 
tre, toutes  ses  villes  et  toutes  ses  for- 
teresses.  Il  ne  lui  restait  plus   que 
Casai  et  un  petit  nombre  de  châ- 
teaux ,  lorsque  le  duc  de  Savoie ,  son 
beau-frère,  qui  était  aussi  beau-père 
du  duc  de  Milan,   le  menaça  de  lui 
enlever  le  peu  qui  lui  restait ,  s'il  ne 
lui  remettait  pas  volontairement  ses 
forteresses  en  dépôt.  Jean-Jacques 
fut  contraint  de  s'y  soumettre;   et 
après  avoir   ouvert  Casai  aux  Sa- 
voyards ,  il  se  rendit  à  Venise ,  pour 
implorer  la  protection  de  ses  alliés. 
Ceux-ci,  par  le  traité  de  paix  de 
i433,   obligèrent  bien    le  duc   de 
Milan  à  rendre  ses  conquêtes  ;  mais 
il  fut  plus  difficile  d'amener  le  duc 
de  Savoie  à  restituer  le  dépôt  qu'il 
avait  reçu.   Ame  VII,  après  avoir 
demandé  à   traiter  avec  le  fils  du 
marquis ,  le  fit  arrêter  dès  que  ce  jeu- 
ne prince  se  fut  rendu  à  Turin  ;  et  il 
ne  le  rendit  à  son  père,  que  lorsque 
celui-ci  eut  consenti  à  faire  hom- 
mage du  Montferrat  à  la  maison  de 
Savoie.  Jean-Jacques  mourut  le  12 
mars  1  44$;  il  avait  eu  quatre  fils  et 
deux  filles,  de  sa  femme,  Jeanne  de 
Savoie.  L'aînée  de  celles-ci ,  Amée  , 
épousa  ,  en  1437 ,  Jean  de  Lusignan , 
roi  titulaire  de  Cypre  et  de  Jérusa- 
lem. —  Jean  IV  de  Montferrat, 
fils  et  successeur  de  Jean-Jacques , 
introduisit  le  premier  à  sa  cour  cette 
rigoureuse  étiquette  qui  n'admet  que 
les   nobles   auprès   des  souverains. 
Jusqu'à  lui,  tous  les  princes  qui  ra- 
yaient précédé ,  n'avaient  point  d&- 


MON 

daigne  de  rapprocher  les  bourgeois 
de  leur  personne  :  mais  Jean  IV, 
répétant  sans  cesse  que  les  nobles 
étaient  faits  pour  servir  les  princes, 
comme  les  roturiers  pour  servir  les 
nobles,  mécontenta  un  des  ordres  de 
la  nation  sans  se  rendre  agréable  à 
l'autre.  Pendant  la  guerre  occasionnée 
par  la  mort  du  dernier  \  isconti , 
Jean  IV  fit  quelques  conquêtes  sur 
le  Milanez  :  son  frère,  Guillaume, 
suivait  le  métier  des  armes;  il  s'était 
attaché  au  comte  François  Sforza  , 
et  en  récompense  il  obtint  de  lui  la 
seigneurie  d'Alexandrie,  le  Ier  jan- 
vier 1 449-  Mais  Peu  de  temps  après , 
le  nouveau  duc  de  Milan,  jaloux  de 
Guillaume  ou  feignant  de  l'être,  le 
fît  arrêter  à  Pavie,  sous  prétexte  qu'il 
faisait  la  cour  ta  Blanche  \  isconti 
sa  femme ,  et  ne  le  relâcha ,  au  mois 
de  mai  i45o,  qu'après  l'avoir  fait 
renoncer  à  la  seigneurie  d'Alexan- 
drie. Le  marquis  de  Montferrat  fut 
compris,  en  ï4^4  -.  dans  la  paix 
conclue  entre  le  duc  François  Sforza 
et  les  Vénitiens,  comme  allié  des 
derniers,  mais  sous  condition  qu'il 
rendrait  au  nouveau  duc,  tout  ce 
qu'il  avait  occupé  de  l'héritage  de 
Philippe-Marie  V isconti,  son  pré- 
décesseur. Jean  IV  avait  épousé 
Marguerite  de  Savoie  ,  le  3  juillet 
1 4^4?  ma^s  il  ncn  cut  point  d'en- 
fants :  il  mourut  au  château  de  Casai 
le  19  janvier  1 4^4-  —  Son  frère 
Guillaume  VIII,  qui  lui  snc< 
s'était  acquis  la  réputatiuu  d'un  bon 
capitaine,  dans  les  guerres  de  Lom- 
bardie  :  au  mois  d'octobre  1  •'>">,  il 
épousa  Marie,  fille  aînée  de  Gaston  , 
prince  de  Navarre,  comte  de  Foix 
et  de  Bigorre.  11  s'allia  ensuite  à  Ga- 
leaz  Sforza,  qui  avait  succédé  a 
François,  dans  le  tin.  h  •  de  Milan; 
et,  avec  son  aide,  il  s'affranchit  de 
l'hommage  et  de  la  dépendance  féo- 


MON  54ç> 

dale,  que  le  duc  de  Savoie  avait 
imposés  à  son  père.  Guillaume  de 
Montferrat  n'eut, de  son  mariage  avec 
Marie  de  Foix  ,  qu'une  fille,  Jeanne, 
qui  épousa  dans  la  suite  le  marquis 
de  Saluées.  Après  la  mort  de  sa  pre- 
mière femme,  Guillaume,  âgé  déjà 
de  soixante  -  cinq  ans ,  épousa  ,  en 
1  4<J9 ,  Elisabeth-Marie  Sforza,  sœur 
du  duc  de  Milan  ,  qui  n'avait  que 
treize  ans  ;  il  en  eut  aussi  une  fille  , 
nommée  Blanche  ,  qui  épousa  Char- 
les ,  duc  de  Savoie.  En  i474>  Guil- 
laume se  maria  une  troisième  fois 
avec  Bernarde  ,  fille  du  comte  de 
Penthièvre  ;  il  n'en  cut  pas  d'enfants. 
Jl  montrait ,  au  reste ,  beaucoup, 
de  vigueur  dans  sa  conduite  mili- 
taire ;  malgré  son  âge  avancé,  il  con- 
tinuait le  métier  de  condottiere  qu'il 
avait  exercé  avant  d'être  souverain  , 
et  il  fit  la  guerre  pour  le  duc  de 
Milan.  Cependant  il  ne  releva  point 
sa  maison  au  degré  d'importance 
qu'elle  avait  eu  anciennement;  et  il 
n'occupa,  entre  les  princes  d'Italie  , 
qu'un  rang  secondaire.  Il  mourut  le 
28  février  i/jB3,  sans  laisser  de  fils. 
S.  S— 1. 
MONTFERRAT  PALÉOLOGUE 
(  Boniface  V  )  ,  troisième  fils  de 
Jean-Jacques,  était  déjà  parvenu  ,i 
un  âge  avancé  lorsqu'il  recueillit  la 
succession  de  son  frère  Guillaume  ; 
et  comme  il  n'était  point  marié  ,  et 
que  son  dernier  frère  Théodore  elaif. 
les  ordres  ,  la  maison  deMont- 
lerr.1i  paraissait  sur  le  point  de  s'é- 
teindre. Guillaume  avait  déjà  voulu. 
.  -uccession  à  sa  fille  Jeanne 
son  gendre  Louis ,  marquis  de 
Saluées;  et  Boniface,  as  an!  de  moi. 
ter  sur  le  trône,  avait  donné  son  con- 
sentement ,  d'une  manière  authenti- 
que, a  cet  ordre  de  si  ;  mais 
de:,  qu'il  fui  souverain,  il  annula  le 
règlement  de   Bon  frère  ,  déclarant 


55o 


MON 


qu'il  disposerait  de  la  succession  par 
testament.  Cependant  il  épousa ,  le  1 3 
septembre  1 483  ,  Hélène  de  Pen- 
thièvre,  sœur  de  la  troisième  femme 
de  son  frère  ;  mais  cette  princesse 
mourut  peu  de  mois  après ,  dès  le 
commencement  de  sa  grossesse.  Le 
marquis  de  Saluées,  se  voyant  p^r-là 
d'autant  plus  près  de  la  succession  , 
fit  assassiner,  a  Casai,  et  presque  sous 
les  yeux  du  souverain ,  Scipion  de 
Montierrat  ,  abbé  de  Lucedio  ,  le 
seul  rejeton  légitime  de  la  famille 
Paléologue.  Le  marquis  Boniface 
n'osa  point  punir  Louis  de  Saluées, 
de  cet  attentat  ;  mais  il  protesta  par 
un  acte  secret  ,  qui  nous  a  été  con- 
servé, que,  malgré  sa  réconciliation 
apparente ,  il  ne  renonçait  ni  au  désir 
ni  au  droit  de  se  venger.  Cependant 
Boniface  se  maria  de  nouveau  ,  le  17 
octobre  1 485 ,  avec  Marie ,  fille  d'Ê- 
tienne,  despote  de  Servie ,  qui  attira 
à  la  cour  de  Casai  un  grand  nombre 
de  seigneurs  Grecs ,  Ser viens  et  Épi- 
rotes  ,  échappés  aux  conquêtes  des 
Turcs.  Dès  le  1 0  août  de  l'année  sui- 
vante ,  Marie  mit  au  jour  un  fds ,  qui 
régna  sous  le  nom  de  Guillaume  IX  ; 
et ,  le  '20  janvier  1 488,  un  second,  qui 
fut  nommé  Jean -George.  Boniface 
ajant  ainsi  ,  contre  toute  espérance, 
obtenu  des  successeurs  de  son  sang  , 
mourut  en  i4q3.  —  Guillaume  IX 
de  Montferrat  ,  n'était  âgé  que  de 
sept  ans  ,  lorsqu'il  succéda  à  son  père 
Boniface  ;  mais  quoique  l'époque  de 
saminoritéet  de  son  règne  soit  peut- 
être  celle  où  l'Italie  a  été  le  théâtre 
de  plus  de  guerres  ,  son  nom  se  voit 
à  peine  dans  les  historiens.  Son  pays 
demeura  ouvert  sans  résistance  aux 
armées  de  Charles  VIII  et  de  Louis 
XII ,  qui  le  traversèrent  5  et  il  ne  se 
trouva  mêlé  dans  aucun  des  grands 
événements  de  son  siècle.  Guillaume 
IX  avait  été  marié  ?  le  3 1  août  i5o8, 


MON 

avec  Anne,  fille  de  René,  duc  d'Alen- 
çon  :  il  en  eut  un  fils  ,  Boniface  VI , 
et  deux  filles  ,  Marguerite  et  Anne. 
La  première  femme  de  Guillaume 
étant  morte ,  il  épousa  en  secondes 
noces  Marie,  fillede  Gaston  IV,  comte 
de  Foix.  Il  mourut ,  en  1 5 1 8 ,  âgé 
de  trente  ans.  —  Boniface  VI  n'eut 
pas  plus  de  part  que  son  père  aux 
grandes  révolutions  de  l'Italie,  et  ne 
s'engagea  point  dans  les  guerres  en- 
tre François  Ier.  et  Charles -Quint. 
H  donnait  cependant  de  grandes  es- 
pérances à  ses  peuples  ,  et  il  en  était 
fort  aimé  ,  lorsque  poursuivant ,  en 
1 53 1  ,  un  sanglier  à  la  chasse  ,  il 
tomba  de  cheval  si  rudement  qu'il  se 
brisa  la  tête  et  mourut  sur  la  place. 
—  Son  oncle  paternel,  Jean-George, 
dernier  héritier  mâle  de  la  maison 
de  Montierrat ,  et  abbé  de  Bremida 
et  de  Lucedio  ,  déposa  l'habit  ecclé- 
siastique pour  recueillir  sa  succes- 
sion ,  et  fut  immédiatement  reconnu 
comme  marquis  deMontferrat,  à  la 
mort  de  son  neveu.  Pour  assurer  la 
succession  à  ses  étals  ,  d'une  part,  il 
maria  sa  nièce  Marguerite  ,  fille  de 
-Guillaume  IX  ,  à  Frédéric  II  deGon- 
zague,  marquis  deMantoue;  d'autre 
part,  il  épousa  ,  le  29  mars  i533, 
Julie,  fille  du  dernier  roi  de  Naples  , 
de  la  maison  d'Aragon.  Il  était  alors 
âgé  de  quarante-cinq  ans  seulement, 
et  il  pouvait  espérer  encore  une 
nombreuse  famille  •  mais  il  tomba 
mort  subitement  au  milieu  d'un  fes- 
tin ,,  le  3o  avril  de  la  même  année. 
On  accusa  de  cette  mort  inopinée 
Frédéric  II  de  Gonzague  ,  à  qui  elle 
assurait  l'héritage  du  Montfcrrat  , 
dont  il  avait  obtenu  l'investiture  de 
l'empereur  dès  l'année  précédente  j 
mais  la  santé  débile  de  Jean-George, 
un  changement  subit  dans  ses  habi- 
tudes ,  et  son  récent  mariage  ,  peu- 
vent expliquer  suffisamment  sa  mort, 


MON 

sans  qu'on  ait  besoin  de  supposer  un 
crime.  Avec  Jean-George  s'éteignit 
la  maison  de  Montferrat  Paléologue , 
après  avoir  régne  deux  cent  viugt- 
huit  ans  sur  cette  partie  de  l'Italie: 
l'ancienne  maison  de  Montferrat,  à  la- 
quelle elle  avait  succédé,  eu  avait 
régné  trois  cent  trente-huit.  Le  Mont- 
ferrat passa  ensuite  à  la  maison  de 
Gonzaguc  ,  qui  le  conserva  uni  au 
duché  de  Mantoue  ,  et  qui  s'éteignit , 
en  1 708  (  V.  Gonzague  ).  S.  S — 1. 

MONTFLEUUY  (  Zacuarie  Ja- 
cob ,  dit  )  naquit  d'une  famille  noble 
d'Anjou  ,à  la  lin  du  seizième  siècle ,  ou 
au  commencement  du  dix-septième. 
Après  avoir  achevé'  ses  études  et  ses 
exercices  militaires,  il  entra,  en  qua- 
lité de  page,  chez  le  duc  de  Guise  : 
mais,  en  fréquentant  le  théâtre ,  il  se 
sentit  du  goût  et  du  talent  pour  la 
profession  de  comédien;  et  il  se  lit 
recevoir  ,sous  le  nom  de  Montfleury, 
dans  une  troupe  de  province.  Celle 
de  l'hôtel  de  Bourgogne  ,  informée 
de  ses  succès ,  l'attira  à  Paris ,  où  il 
obtintbeaucoupd'applaudissements. 
Il  joua  d'original,  dans  le  Cid  et  dans 
les  Horaces,  et  donna  lui-même,  en 
1647,  -me  tragédie  à'Asdrubal,  que 
plusieurs  auteurs  ont  faussement  at- 
tribuée à  son  fils,  dans  les  œuvres 
duquel  elle  se  trouve.  Lorsqu'il  épou- 
sa la  veuve  d'un  comédien,  le  cardi- 
nal de  Richelieu  voulut  que  la  noce 
se  célébrât  dans  sa  maison  de  Kuel. 
Montfleury,  fier  de  son  art,  ne  prit 
au  contrat  que  la  qualité  de  comé- 
dien du  roi,  et  exigea  qu'on  y  ins- 
crivît son  nom  de  troupe,  joint  à 
celui  de  sa  famille.  11  était  devenu  si 
gros,  que,  pour  comprimer  et  sou- 
tenir son  venue  ,  il  le  fit  ceindre 
d'un   cen  ;  (  •   ferrailleur 

Cyrano  d<  |    ;iU.i  il 

avait  eu  querelle,  et  qui,  en  consé- 
quence, lui  avait,  de  son  autorité 


MON 


55t 


!,' 


privée,  interdit  le  théâtre  pour  un 
mois,  disait  de  lui  :  Il  fait  le  fier, 
-parce  qu'on  ne  peut  Je  bdtonner  tout 
entier  en  un  jour.  Il  mourut  au  mois 
de  décembre  1667,  dans  le  cours 
des  représentations  à'Andromaque. 
On  prétend  que ,  dans  les  fureurs 
d'Oreste,  une  de  ses  veines  s'était 
rompue,  ou  même  que  son  ventre 
s'était  ouvert;  mais  Mlic.  Desmares, 
célèbre  comédienne  ,  et  son  arrière- 
petite-fille  ,  démentit  depuis  cette 
anecdote.  Suivant  elle,  Montfleury, 
à  qui  certain  fou  avait  prédit  une  iin 
prochaine,  en  fut  frappé,  et  revint 
u  théâtre,  après  avoir  joué  Oreste, 
avec  une  grosse  lièvre,  qui  l'emporta 
en  peu  de  jours.  Il  avait  la  réputation 
d'un  grand  acteur,  dans  les  deux 
genres;  ce  qui  n'empêcha  point  Mo- 
lière de  se  moquer  de  sa  déclamation 
outrée,  dans  Y  Impromptu  de  Ver- 
sailles ,  joué  devant  Louis  XIV,  le 
14  octobre  1 663.  Peu  de  temps  après, 
Montfleury  présenta  une  requête  au 
roi,  où  il  accusait  notre  premier  au- 
teur comique  Ravoir  épousé  la  fille, 
et  d'avoir  autrefois  'vécu  avec  la 
mère  (1);  c'était  vingt  ou  vingt -un 
mois  après  la  mort  de  celui-ci.  Ra- 
cine, dans  une  lettre  de  cette  mê- 
me année  i663,  qui  est  adressée  à 
l'abbé  Levasseur,  dit  que  Montfleu- 
ry ne  fut  point  écouté  à  la  cour.  Il 
y  a  lieu  de  croire  qu'il  fut  le  premier 
et  le  principal  auteur  de  la  calomnie 
répandue  contre  Molière,  par  jalou- 
sie et  par  animosité  (  V.  Modkne  ). 
Montfleury  fut  le  maître  de  Baron , 
qui  le  surpassa.  L — P — e. 

MONTFLEURY  (  Antoine  Ja- 
COB,  dit),  fils  du  précédent,  né  eu 
l64o,  fut  destiné  par  son  père  a  la 


[i)  Tel  <■(  l(  ,!,,,,t   s,.,,  fila 

Louiîi  ••  qwlqui 

U.-  commentaire  d*  Luhmpc.) 


552 


MON 


profession  d'avocat;  mais  il  ne  l'exer- 
ça point,  aimant  mieux  travailler 
pour  le  théâtre  ,  auquel  il  donna  le 
Mariage  de  rien,  en  vers  de  huit  syl- 
labes j  le    Mari  sans  femme;  Tra- 
sybuU    tragi-comédie;  Y  Impromptu 
de   l  hôtel  de  Condé;  Y  Ecole  des 
filles  ;  !a  Femme  juge  et  patie; 
le    Procès   de  la   Femme  juge  et 
partie^  V  Ecole  fies  jaloux  ;  le  Gen- 
tilhomme de  Beauce  ;  la  Fille  ca~ 
pit  intr  ;  Y  Ambigu  comique,  tragi- 
comédie  j  le  Comédien  poète  ;  Tri- 
gandin  .;   la    Dame    médecin  ;    la 
J  upe  de  soi-même ,  et  Crispin  gen- 
tilh  mm     On  lui  attribue  les  Bêtes 
n  wnnables.  Toutes  ces  pièces,  ex- 
cepte la  dernière  ,  ont  été  réunies  en 
quatre  volu mes  in*- ia ,  Paris ,  1775; 
on  y  a  joint  la  tragédie  d'Asdrubal , 
qui  est  du  père  de  Montfleury.  La 
Femme  juge  et  partie  balança,  dans 
le  temps  ,  le  succès  du  Tartuffe , 
joué  à  Paris,  la  même  année,  1669, 
mais  sur  un  théâtre  différent,  L'in- 
trigue de  cette  comédie  est  fondée  sur 
l'aventure  d'un  marquis  deFresne, 
qui   était  accusé  d'avoir  vendu  sa 
femme  à  un  corsaire.  Lorsque  le  rôle 
de   Bernadiile  est   bien  joué,  cette 
pièce  fait  encore  rire  au  théâtre  (  1). 
"L'Impromptu  de  l  hôtel  de  Condé 
est  une  vengeance  que  l'auteur  tira 
de  Molière  qui,  dans  Y  Impromptu  de 
Vert  ailles,  avait  tourne  en  ridicule 
le  père  de  Montfleury,  avec  tous  les 
acteurs  du  théâtre  de  l'hôtel  de  Bour- 
gogne.   L'auteur  connaît  la  scène; 
il  a  des  intentions  comiques  et  de 
la  gaité  dans  le  style  ;  mais  il  est 


(1)  M.  Le  Roi  a  remit  en  trois  actes  la  Femme 
juge  et  partie,  c'est-à-dire,  qu'il  a  changé  le  pre- 
mier acte  de  Moutfleury ,  conservé  le  secoud  acte 
entier  ,  l  arrangé  la  un  du  troisième. 
.  ainsi  réduite ,  et  représentée  sur  Je 
Théâtre-français,  le  (i  mars  1S21 ,  a  obtenu  as 
succès,  quoiqu'elle  ail  beaucoup  perdu  de  sa  yaît'j , 
très-libre  à  la  vérité. 


MON 

incorrect,  et  tellement  licencieux,  que 
cette  seule  raison  suffirait  aujour- 
d'hui pour  le  bannir  du  théâtre.  La 
plupart  de  ses  sujets  sont  des  anec- 
dotes du  temps  ,  ou  des   emprunts 
faits  aux  auteurs  dramatiques  espa- 
gnols, dont  il  possédait  supérieure- 
ment la  langue.   Ayant  renoncé  à 
faire  des  comédies  ,  il  fut   chargé 
par  Colbert ,  d'une  mission  impor- 
tante dont  il  s'acquitta  bien.  Il  allait 
en  être  récompensé  par  une  place 
dans  les  fermes  ,  lorsqu'il  mourut  à 
Aix,  le  1 1  octobre  i(385.  L — P — e. 
MONTFLEURY  (Jean  Le  Petit 
de  ) ,  poète  français ,  né  à  Caen ,  en 
1 698 ,  était  issu  d'une  famille  distin- 
guée. Son  aïeul  s'était  fait  remarquer 
dans  les  armées  de  Louis  XIV  ;  et 
son  père  était  un  des  genfilhommes 
destinés  à  accompagner  le  roi  Jac- 
ques IL  Jean  de  Montfleury  est  l'au- 
teur d'un  grand  nombre  d'Odes,  qui 
lui  valurent  des  récompenses  hono- 
rables. Les  principales  sont  :  Au  car- 
dinal Fleury  ,  1 727  ;  Sur  le  zèle  , 
1 729 }  Les  grandeurs  de  la  Vierge , 
1 75 1  ;  Louis  Racine  lui  écrivit,  à 
l'occasion   de  cette  dernière  Ode , 
une  lettre  remplie  d'éloges  flatteurs  ; 
Y  Existence  de  Dieu  et  sa  provi- 
dence, 1 7G1.  Il  publia  aussi  un  poè^ 
me  sur  la  Prise  de  Bergopzoom; 
un  autre  ,  intitulé  ,  la  Mort  justi- 
fiée, plein  d'idées  fortes,  de  grandes 
leçons  et  de  bonne  philosophie,  dit 
Feller;  et  un  Essai,  en  vers,  sur 
l'instruction  morale ,  politique  et 
chrétienne,  Caen,  1755.  Il  mourut 
à  l'âge  de  soixante  -  dix  -  neuf  ans  , 
vétéran   de    l'académie   royale   des 
belles-lettres  de  Caen,  sa  patrie,  le 
7  avril    1777,  emportant  l'estime 
générale  qu'il  s'était  conciliée   par 
une  rare  vertu.  —  L'abbé  de  Mont- 
fleury, frère  du  précédent,  mort 
chanoine  de  Ba'ieux,  en  1758.  ^ 


MON 

l'auteur  d'une  brochure  imprimée  en 
1728,  sous  le  titre  de  Lettres  cu- 
rieuses et  instructives,  écrites  à  un 
prêtre  de  l'Oratoire  par  un  chanoine 
de  Baicux.  G — t — r. 

MONTFORT  (  Simon  ;  comte  de  ), 
quatrième  du  nom,  fameux  par  ses 
expéditions  contre  les  Albigeois  , 
était  issu  d'une  ancienne  et  illustre 
maison,  qui,  dès  le  dixième  siècle, 
allait  de  pair  avec  les  plus  grands  sei- 
gneurs du  royaume  (  1  )  :  il  naquit  dans 
la  deuxième  moitié  du  douzième  siè- 
cle ,  et  épousa  ,  en  1  Hjo  ,  Alix  de 
Montmorenci ,  tille  de  Bouchard  III. 
Il  faisait,  en  1199,  partie  d'un 
tournois  donné  en  Champagne,  lors- 
que Foulques  de  Neuilli ,  par  ordre 
d'Innocent  III ,  prêchait  la  croisade 
dans  cette  province.  Montfort  prit  la 
croix  avec  Thibaut  V  ,  comte  de 
Champagne  ,  tenant  du  tournois,  et 
plusieurs  autres  jeunes  seigneurs  qui 
y  assistaient.  Il  arriva  en  Palestine  , 
en  1  '2o3  ,  et  s'y  distingua  par  divers 
exploits.  A  son  retour  en  France, 
une  croisade  s'étant  formée  en  Lan- 
guedoc contre  les  Albigeois,  Simon, 
zélé  catholique,  s'y  engagea,  et  en  fut 
déclaré  chef  par  les  barons.  D'abord 
il  s'excusa  sur  son  insuffisance;  mais 
l'abbé  de  Cîteauxlui  ayant  ordonné, 
an  nom  du  pape  dont  il  était  légat, 
d'accepter  ,  il  obéit.  Le  3  septembre 
i2 13  ,  il  remporta  une  grande  vic- 
toire à  Muret,  contre  le  roi  d' Ai 
et  Raimond  VI ,  comte  de  Ton! 
qui  était  accusé  de  favoriser  Les  héré- 
tiques. Le  roi  d'Aragon  y  fut  tue'.  Le 
résultat  de  cette  bataille  fut  que  Rai- 
mond demeura  privé  de  ses  états  , 
qui   furent  adjugés  par  les  barons 


(i)  Le  conUmiatrai  |  d'autrei 

.  broniqueiirs  ,  font  d<  ,  «l'un  [\}t 

'.J.llllici         ! 

tloimé  la  ville  de  Montfort,  <l...,i  ■  ! 
prétend  tjuc  Robert  d 


MON  553 

au  comte  de  Montfort.  Innocent  III, 
et  le  quatrième  concile  de  Latran  , 
lui  en  confirmèrent  la  possession,  à  la 
charge  de  les  tenir  de  qui  ils  rele- 
vaient. Simon  en  rendit  foi  et  hom- 
mage à  Philippe-Auguste,  qui  lui  en 
donna  l'investiture.  Il  en  prit  pos- 
session ;  mais  une  révolution  qui 
éclata  en  Provence ,  en  1  a  1 7  ,  tandis 
que  Simon  était  occupé  à  faire  la 
guerre  dans  le  diocèse  de  Nîmes , 
vint  le  troubler  dans  sa  jouissance. 
Lefils  du  comte  de  Toulouse ,  nommé 
aussi  Raimond,  était  rentré  dans  cette 
ville,  et  s'y  était  fait  reconnaître.  Si- 
mon, en  ayant  été  instruit,  accourut 
en  toute  hâte  l'y  attaquer.  Il  com- 
mença le  siège  de  la  ville;  mais  il  ne 
put  le  pousser  vigoureusement  faute 
de  troupes.  Le  ^5  juin  12 18  ,  pen- 
dant qu'il  était  à  matines  et  qu'il  en- 
tendait la  messe,  on  vint  l'avertir  que 
les  assiégés  avaient  fait  une  sortie,  et 
qu'ils  étaient  aux  prises  avec  ceux 
de  ses  gens  qui  étaient  préposés  à  la 
garde  des  machines.  Il  ne  voulut  ni 
interrompre  ses  prières,  ni  quitter 
l'église  avant  la  consécration ,  quoi- 
que l'avis  fût  répété.  Ayant  alors 
couru  au  lieu  du  combat,  sa  présence 
rendit  le  courage  à  ses  troupes,  qui 
commençaient  à  plier;  mais  comme 
il  s'approchait  des  machines  pour  s'y 
mettre  à  l'abri  des  traits  qui  volaient 
de  toute  part,  une  grosse  pierre,  lan- 
cée par  un  mangonneau,  l'atteignit  à  là 
tête.  Se  sentant  blessé  à  mort,  il  se 
frappa  la  poitrine,  se  recommanda 
à  Dieu,  et  expira,  percé  en  outre  de 
cinq  coups  de  flèches.  Sou  (ils  aîné 
leva  Le  siège,  emportant  le  corps  de 
Simon  de  Montfort,  qu'il  fil  inhumer 
dans  le  monastère  de  Haute  -  L, 
rc,  ordre  deFonlevranld.  On  ne  peut 
refuser  à  cet  illustre  personnage,  ni 
un  grand  zèle  ]>»>;  ion  catho- 

lique et  pour  L  extinction  cU 


5:; 


MON 


ni  les  qualités  qui  l'ont  le  grand  capi- 
taine. 11  était  prudent ,  actif  ;  brave  , 
i  >ide  dans  le  danger,  persévérant 
dans  ses  entreprises.  Lue  vertu  sévère, 
:  moins  ses  apparences ,  don- 
naient de  lui  une  si  haute  idée,  qu'on 
lavait  surnommé  le  Macchabée  de 
son  siècle,  et  qu'il  était  généralement 
regardé  comme  le  principal  appui  et 
le  soutien  de  la  religion.  Malheureu- 
sement des  traits  de  perfidie  ,  des 
nés  de  foi ,  d'atroces  cruautés  , 
contre  les  infortunés  Albigeois  ,  des 
violences  inouies  ,  le  sac  et  l'incendie 
de  plusieurs  villes  ,  trop  d'acharne- 
ment contre  Raimond  ,  comte  de 
Toulouse  et  son  fils  ;  enfin  ,  tout  ce 
que  l'histoire  n'a  pu  déguiser  sur  Si- 
mon de  Montfort,  a  souillé  sa  gloire 
et  imprimé  à  sa  mémoire  des  taches 
que  le  temps  n'a  pas  effacées.  (  V. 
Raimond.)  11  parut  en  i  ^67  un  opus- 
cule intitulé  :  Les  jeux  de  Simon  de 
Montfort  ou  les  jardins  du  parle- 
ment de  Toulouse  ;  on  l'attribua  à 
Voltaire  ;  mais  il  ne  se  trouve  dans 
aucune  édition  de  ses  OEuvrcs. 

L— Y. 
MONTFORT  (Amauri, comte 
de  ) ,  fils  aîné  du  précédent,  et  d'Alix 
de  Montmorenci ,  prétendant  être 
aux  droits  de  son  père  pour  ses  con- 
quêtes ,  mit  son  premier  soin  à 
les  revendiquer ,  et  a  se  faire  recon- 
naître dans  ses  nouveaux  états  :  il 
continua  ensuite  la  guerre  contre  les 
Albigeois  ;  mais  la  mort  de  Simon 
avait  abattu  le  courage  des  croisés, 
et  relevé  d'autant  celui  des  parti- 
sans du  jeune  Raimond.  Ce  prince  , 
s'étant  présenté  dans  l'Agenois  , 
à  la  tête  d'un  corps  de  troupes, 
une  partie  du  pays  rentra  sous  son 
obéissance.  La  même  année ,  c'est- 
à-dire  en  1219,  le  prince  Louis,  fils 
de  Philippe- Auguste,  sollicité  par 
le  pape  Honore  111  .  vint  en  Languc- 


MON 

doc,  avec  une  armée  de  six  cents 
hommes  d'armes  et  dix  mille  hom- 
mes d'infanterie.  11  s'empara  de  Mar- 
mande,  dont  la  garnison  fut  obligée 
de  se  rendre  à  discrétion  ,  et  qu'il  fit 
prisonnière.  La  ville  ayant  été  li- 
vrée à  Montfort ,  cinq  mille  habitants 
furent  passés  au  fil  de  l'épee.  Cette 
cruauté  ne  disposa  pas  les  esprits  en 
sa  faveur.  Louis  ayant  été  rappelé 
par  son  père  ,  et  Amauri  se  trouvant 
livré  à  ses  propres  forces  ,  il  sentit 
qu'il  n'était  plus  capable  de  résister 
à  Raimond  ,  dont  les  succès  allaient 
chaque  jour  en  augmentant.  Lassé 
d'une  lutte  dans  laquelle  il  ne  pou- 
vait que  succomber  ,  il  prit  le  parti 
d'offrir  à  Philippe-Auguste  tous  ses 
droits  aux  états  qui  avaient  été  adju- 
gés à  son  père.  Le  monarque  n'ac- 
cepta point  cette  offre  ;  mais  Louis 
VIII  étant  monté  sur  le  trône,  la  ces- 
sion eut  lieu.  L'acte  portait  a  qu'A- 
it mauri,  seigneur  de  Monfort,  quit- 
»  tait  à  son  seigneur  Louis  ,  illustre 
»  roi  des  Français  ,  toutes  les  dona- 
»  tions  que  Rome  avait  faites  à  Simon , 
»  son  père.  »  En  i23i  ,  Amauri  re- 
çut de  saint  Louis  la  charge  de  con- 
nétable ,  vacante  par  la  mort  de  son 
beau-frère  Matthieu  II  de  Montmo- 
renci. En  1  235,  Amauri  prit  la  croix 
avec  Thibaut  VI,  roi  de  Navarre.  Ce 
prince  et  lui  passèrent  a  la  Terre- 
Sainte,  en  i23g.  Dans  une  expédi- 
tion qu' Amauri  et  quelques  autres 
croisés  firent  près  de  Gaza ,  en  1 240, 
il  fut  fait  prisonnier  et  conduit  au 
Caire.  Ayant  recouvré  sa  liberté  Tan- 
née suivante,  il  revenait  en  France, 
lorsqu'il  mourut  à  Otranle,  d'un  flux 
de  sang.  Il  fut  enterré  à  Saint-Pierre 
de  Rome ,  où  l'on  voit  son  épitaphe. 

L Y. 

MONTFORT   (  Simon  VI  de  ) , 

comte  de  Leiccster  ,  que  quelques 

lins  ont  surnommé  le  Caidina 


MON 

anglais,  était  frère  du  précédent  (  i  ). 
On  ignore  l'époque ,  et  le  lieu  de  sa 
naissance.  Suivant  Matthieu  Paris  , 
il  eut ,  en  1116 ,  daus  un  parlement 
tenu  à  Bourges  ,  une  vive  discussion 
avec  Raymond,  comte  de  Toulouse , 
au  sujet  des  (erres  que  le  pape  et  le 
roi  Philippe-Auguste  avaient  concé- 
dées à  son  père.  En  i'i3i  ,  (ou  sui- 
vant d'autres  ),  en  1236,  il  fut  obli- 
gé de  quitter  la  France  sa  patrie  , 
par  suite  d'une  de  ses  discussions 
avec  la   reine   Blanche  ,   mère    de 
Saint-Louis,  et  se  retira  en  Angle- 
terre. Henri  III  l'accueillit  très-gra- 
cieusement ;  et  le  comte  parvint  si 
bien  à  gagner  les  Louncs  -  grâces  de 
re  souverain,  qu'il  recouvra  le  titre 
de  comte  de  Leicester,  et  fut  remis 
en  possession  des  terres  considéra- 
bles  dont  son    père   ou   son  aïeul 
avaient  été  dépossédés   par   le  roi 
Jean ,  et  qui  provenaient  de  la  suc- 
cession d'Amicia  (2).  Henri  III  le 
nomma  en  même  temps  sénéchal  de 
Gascogne,  avec  l'autorisation  d'épou- 
ser Eléonor,  comtesse  douairière  de 
Pcmbroke,  sœur  de  Henri  (  1288), 
malgré  les  clameurs  du  comte  de 
Cornouailles  .  frère  du  roi  (3) ,  et  de 
tous  les  barons  anglais ,  irrités  de 


Suivant  les  chroniqueur*  anglais  cités  dans  le 

I 
•   seulement   deui  fit»   d'Amicia  ta  Femme, 

Amnlric  ou  Ain. an  i  «|u>  I  i  »n<  e  , 

BUJel  (!•'  cil  :n  !  (UppOM  , 

qu'Amaari  de  Montfurt  étaient  (ils  d'Alix  i 
1  .  il    qœ    Amici;i  ,    * 

■i -r  ,  n'était  que 
inelle. 
■  ;  1  mi  1  de  Hool  Foi  1  101  qui  pos- 

omaini  s  i  ons  déi  ibles  .  M  pou- 

T:mt  jui 

;m  ;iv,.it 

:   Amii  ia 

{'i)  Quelques   note  l'opposition   du 

premier  mai  i  •.  ut   fait 

<  1   1  lit int  du  p 

.  tmeuri  dùeut  qu'il  alla,  tcri  i 


MON 


555 


voir  un  sujet  et  un  étranger  devenir 
l'époux  de  cette  princesse.  Leic< 
n'eut  pas  plutôt  obtenu  tous  ce.-,  avan- 
tages, que,   par  son  adresse  et  ses 
manières  insinuantes  ,  il  acquit   un 
grand  crédit  parmi  les  Anglais,  et 
gagna  l'affection  des  individus   de 
toutes  les  classes.  Il  perdit  néan- 
moins l'amitié  de  Henri  111 ,  qui  lui 
reprocha  vivement  d'avoir  débauche 
sa  sœur  (1 239) ,  et  de  n'avoir  obtenu 
la  dispense  du  pape,  qu'en  promet- 
tant au   clergé  romain  $e  grandes 
sommes  d'argent  qu'il  n'avait  même 
pas  payées.  Il  l'appela  excommunié, 
et  le  traita  avec  tant  de  dureté ,  que 
Leicester ,   épouvanté  ,    s'enfuit  en 
France  ,  sur  uu  petit  bâtiment ,  avec 
sa  femme  et  sa  famille.  Il  revint  ce- 
pendant en  Angleterre,  en   i'ijo  , 
rentra  en  faveur  ,  et  fut  envoyé  de 
nouveau  en  Gascogne  avec  le  titre  de 
sénéchal,  en  if253.  Leicester,  dès 
sou  arrivée  ,   eut   a   réprimer   une 
révolte.  Gaston,  vicomte  de  Béarn, 
qui  était  à  la   tête  des   séditieux  , 
fut   vaincu   par    lui  ,   et   fait    pri- 
sonnier. Mais,   à  ses  talents   mili- 
taires ,    Monfort   ne  sut  pas  join- 
dre celui  de  se  faire  aimer  des  peu- 
ples   qu'il   était   chargé  d'adminis- 
trer. Il  gouverna  si  despoliquemenl, 
et  commit  tant  d'exactions,  que  les 
Gascons  députèrent,  vers  Henri III  , 
l'archevêque  de  Bordeaux  ,  avec  un 
grand  nombre  des  principaux  habi- 
tants, pour  se  plaindre  de  ses  vio- 
lences. Ou  alla  même  jusqu'à  l'accu- 
ser de  chercher  à  exciter  lui-même 
des  révoltes  ;  e1  on  protesta  que  l'on 
renoncerait   plutôt  à  l'obéissance  *lu 
roi,   que  de  plier  sous  le  joue  d'un 
si   cruel    persécuteur.   Rappel 
Angleterre,    l.eiccsl.  r  fut,   suivant 
quelques  auteurs,  traduit  devant  la 
chambre  des  p  ■  raitté,  Ma- 

thieu Paris  prétend  que  Henri  voulut 


>5ô 


MON 


le  faite  arrêter,  mais  que  tous  les 
grands  de  l'état  s'y  opposèrent.  Henri 
lui  redemanda  vainement  ses  provi- 
sions de  gouverneur  :  l'orgueilleux 
sujet  eut  l'audace  de  sommer  son 
souverain  d'exécuter  ce  qu'elles  por- 
taient, a  On  ne  doit  rien  aux  traî- 
»  très,  »  repondit  Henri  en  colère. 
—  «  Aux  traîtres ,  »  s'e'cria  Leicester, 
outre  de  fureur  !  «  Ah  !  roi  d'Angle- 
»  terre ,  c'est  véritablement  de  ce 
»  jour  que  vous  ne  portez  plus  en 
»  vain  le  §pm  de  roi ,  puisque  cette 
»  parole  ne  vous  coûte  pas  la  vie.  » 
On  parvint  cependant  à  les  récon- 
ciiier  ;  mais  cette  réconciliation  ne 
fut  qu'apparente.  Le  monarque ,  obli- 
gé de  dissimuler ,  le  renvoya  de  nou- 
veau en  Gascogne,  espérant  qu'il  y 
périrait.  Leicester  gagna  d'abord  une 
sanglante  bataille  contre  les  révoltés; 
mais  voyant  leur  nombre  se  grossir, 
et  désespérant  de  les  réduire ,  il  ren- 
dit ses  provisions ,  moyennant  une 
forte  somme  d'argent ,  et  se  retira 
auprès  des  princes  Alphonse  et  Char- 
les ,  frères  de  Saint-Louis ,  qui  l'ac- 
cueillirent avec  de  grands  honneurs. 
Il  paraît  que,  quelques  années  après , 
Leicester  rentra  dans  les  bonnes  grâ- 
ces de  Henri  ;  car  on  voit  que  ce 
prince  l'envoya  deux  fois  en  France, 
pour  réclamer  les  provinces  dont  les 
prédécesseurs  de  Louis  IX  s'étaient 
emparés  sur  les  Anglais,  et  pour  né- 
gocier ,  à  ce  sujet ,  un  traité ,  qu'il 
parvint  à  conclure  ,  à  la  satisfaction 
de  son  souverain  (  V '.  les  Actes  de 
Kymer,  et  l'article  Henri  III,  tome 
xx,  p.  1:3,1  ).  Le  mauvais  gouverne- 
ment de  Henri  III,  son  manque  de 
foi,  ses  exactions,  avaient  porté  au 
dernier  point ,  le  mécontentement  de 
toutes  les  classes  de  la  nation  ;  et  Lei- 
cester, qu'on  accuse  d'avoir  osé  as- 
pirer au  trône,  profita  des  fautes  du 
roi  pour  fomenter  ce  même  esprit 


MON 

de  mécontentement  :  il  chercha ,  et* 
affectant  une  grande  dévotion,  a  ga- 
gner l'attachement  du  clergé ,  et  celui 
du  public ,  par  le  zèle  qu'il  montrait 
pour  une  réforme.  Lié  d'amitié  avec 
les  principaux  barons,  son  animosité 
contre  les  favoris  du  roi  rendit  leurs 
intérêts  communs.  Une  querelle  ré- 
cente qu'il  avait  eue  avec  Henri  de 
Valence ,  frère  du  roi  et  son  princi- 
pal favori,  détermina  Leicester  à 
frapper  un  grand  coup.  11  réunit  secrè- 
tement lesprincipauxbarons;  et, après 
leur  avoir  rappelé,  avec  autant  d'élo- 
quence que  d'énergie,  la  conduite  de 
Henri,  ses  infractions  à  la  grande  char- 
te que  leurs  ancêtres  avaient  payée 
de  tant  de  sacrifices,  ses  serments  si 
souvent  violés,  il  concerta  avec  eux 
un  plan  pour  réformer  l'état.  L'occa- 
sion ne  tarda  pas  à  se  présenter.  En 
ia58,  Henri,  ayant  convoqué  un 
parlement  pour  obtenir  des  subsides 
afin  de  faire  la  conquête  de  la  Sicile, 
dont  le  pape  avait  donné  la  couronne 
à  son  fils  ,  les  barons  parurent  dans 
la  salle ,  complètement  armés  :  ils  re- 
prochèrent au  roi  ses  fautes  avec  hau- 
teur ,  et  demandèrent  que  le  gouver- 
nement fût  confié  à  ceux  qui  avaient 
les  moyens  et  la  volonté  de  le  réfor- 
mer; qu'à  ce  prix  ils  lui  accorde- 
raient les  subsides  dont  il  avait  be- 
soin. Henri ,  intimidé  ,  promit  tout  j 
un  nouveau  parlement  (1)  fut  con- 
voquéà  Oxford,  le  1 1  juin  de  la  même 
année  :  le  roi  jura  de  nouveau  l'exé- 
cution de  la  grande  charte,  et  con- 
sentit d'importantes  concessions  ,  ap- 
pelées Statuts  ou  provisions  d' Ox- 
ford ,  qui  mirent  pendant  quelque 
temps  toute  l'autorité  législative  et 
executive  entre  les  mains  de  vingt - 
quatre  barons,  ou  plutôt  entre  celles 

(1)  Les  royalistes  ,  et  même  la  nation  ,  le  noiniufe- 
rrnt  le  Parlement  insensé  {  Mad  parliament  )  ,  d'a- 
près le  résultat  des  mesures  qui  y  furent  prises. 


i 


MON 

de  Leicester,  place  à  la  tête  de  ce  con- 
seil suprême.  Mais  ce  chef  de  parti , 
vî.  ses  associés,  abusèrent  bientôt  de 
l'autorité  dont  ils  ne  s'étaient  empa- 
rés, disaient-ils,  (pie  pour  mettre  un 
terme  aux  usurpations  du  roi  et  aux 
souffrances  de  la  nation.  Ils  s'en  ser- 
virent pour  exercer  un  despotisme 
égrené,  et  pour  s'enrichir  au\ 
pens  des  particuliers,  sans  se  mettre 
en  peine  de  remplir  aucun  des  enga- 
gements qu'ils  avaient  d'abord  con- 
tractés. Aussi  virent-ils  bientôt  leur 
popularité  diminuer,  et  des  com- 
plots se  former  contre  la  prolonga- 
tion de  leur  autorité.  Le  roi  profila 
de  cet  état  des  choses  et  de  la  riva- 
lité des  comtes  de  Leicester  et  de 
Gloucestcr,  pour  chercher  à  recou- 
vrer son  autorité.  Mais  ses  tentatives 
ne  réussirent  pas.  La  confusion  la 
plus  grande  troubla  l'état  pendant 
plusieurs  années  ;  et  après  quelques 
trêves  ,  rompues  presqu'aussitôt  que 
conclues  ,  les  barons  n'ayant  pu  dé- 
terminer le  roi  à  confirmer  les  provi- 
sions d'Oxford,  prirent  les  armes  ;  et 
Leicester,  qui  résidait  presque  tou- 
jours en  France,  revint  en  Angleterre, 
fit  alliance  avecLlewelyn,  prince  de 
Galles  (  V.  ce  nom) ,  et ,  soutenu  par 
les  troupes  galloises,  mit  en  déroute 
l'armée  royale  ,  fit  prisonnier  le 
prince  Edouard,  et  força  Henri  à 
souscrire  un  traité  ignominieux  (  18 
juin  1 263).  Le  prince  Edouard,  ayant 
recouvré  sa  liberté  par  suite  de  ce 
traité  ,  fit  tous  ses  efforts  pour  défen- 
dre les  prérogatives  de  sa  famille: 
il  attira  dans  son  parti  plusieurs  des 
barons,  mécontent» dé  Leicester;  et 
les  hostilités  recommencèrent.  Mais 
Comme  les  tories  (Muent  à-peu-près 
égales,  la  clameur  universelle  obli- 
gea le  roi  et  les  barons  i  ouvrir  des 
négociations  pour  I  i  paix,  et  à  sou- 
mettre leurs  dilî'érends  à  l'arbitrage 


MON 


5.J7 


de  Louis  IX,  roi  de  France,  qui 
décida  en  faveur  de  Henri.  Les  ba- 
rons rejetèrent  la  sentence  •  et  la 
guerre  civile  s'ensuivit  immédiate- 
ment. En  mai  1264,  Leicester,  qui 
avait  été  contraint  de  lever  le  siège 
de  Rochester,  et  de  se  retirer  à  Lon- 
dres ,  partit  de  cette  capitale  avec 
un  renfort  considérable  ,  et  s'avança 
jusqu'à  Lcwes,  dans  leSussex,  où  ie 
roi  et  son  fils  Edouard  étaient  cam- 
pés. Il  y  eut  un  engagement  sanglant , 
dans  lequel  les  deux  partis  eurent 
successivement  l'avantage  ,  mais  qui 
se  termina  par  la  déroute  complète 
de  l'armée  royale  et  par  la  prise  du 
roi.D'ajirès  l'arrangement  qui  suivit 
cette  défaite,  et  qui  fut  appelé' Mise 
de  Lewes,  le  prince  Edouard ,  et  son 
cousin  Henri,  fils  du  roi  des  Romains, 
restèrent  comme  otages  entre  les 
mains  de  Leicester;  et  il  fut  stipulé 
que  le  roi  de  France  serait  prié  de 
nommer  des  arbitres  qui  auraient 
tout  pouvoir  pour  terminer  les  dif- 
férends qui  existaient  entre  Henri 
III  et  les  barons  anglais.  Leicester 
n'eut  pas  plutôt  obtenu  cet  impor- 
tant succès ,  et  mis  en  sûreté  ses  deux 
illustres  otages  dans  le  château  de 
Douvres  ,  qu'il  abusa  de  son  pouvoir 
pour  satisfaire  son  avarice  et  son 
ambition  immodérée.  Il  s'empara  des 
terres  de  dix-huit  barons  royalistes, 
s'appropria  la  plus  grande  partie  de 
la  rançon  des  prisonniers  laits  dans 
la  bataille  ,  et  réunit  toute  l'autorité 
royale  dans  ses  mains.  Il  employa 
des  évadions  de  tous  les  genres  pour 
accumuler  des  richesses;  et  sa  hau- 
teur augmenta  avec  sa  fortune, 
communié  par  le  pape  ,  avec 
autres  barons  opposés  au  roi ,  il  mé 

prisa  les  foudres  de  L'Eglise,  et  me- 
naça même  de  mort  le  cardinal  légat, 

s'il  osait   loucher  le  sol  de  l'Angle- 
terre pour  y  prononcer  la  sentence 


558 


MON 


d'excommunication.  Mais  convaincu 
de  la  Laine  que  lui  portait  la  plus 
grande  partie  de  la  noblesse  du  royau- 
me, et  craignant  une  coalition  entre 
les  royalistes  et  les  barons  mécon- 
tents ,  il  crut  devoir  chercher  un  ap- 
pui dans  la  classe  inférieure  de  la  na- 
tion ,  et  convoqua  ,  en  janvier  1 265 , 
un  parlement,  composé  sur  un  plan 
beaucoup  plus  démocratique  que 
ceux  qui  avaient  eu  lieu  précédem- 
ment. Il  y  fit  entrer  ,  outre  les  ba- 
rons de  son  parti  et  plusieurs  ecclé- 
siastiques qui  ne  dépendaient  pas 
immédiatement  de  la  couronne,  deux 
chevaliers  présentés  par  chaque  com- 
té ;  et ,  ce  qui  était  encore  plus  re- 
marquable ,  des  représentants  des 
bourgs  y  furent  admis  pour  la  pre- 
mière fois.  Quels  que  fussent  ses 
motifs  en  faisant  cette  innovation  , 
Ton  ne  peut  disconvenir  que  c'est 
à  lui  que  la  constitution  anglaise  doit 
ce  perfectionnement  qui  fut  l'origine 
de  la  chambre -des  Communes  (i). 
Leicester,  avec  une  apparence  de  mo- 
dération ,  présenta  une  ordonnance 
qui  prescrivait  la  mise  en  liberté  du 
prince  Edouard  ,  mais  qui  lui  enjoi- 
gnait de  rester  auprès  de  la  personne 
du  roi  ;  et  comme  le  souverain  se 
trouvait  sous  la  garde  des  barons , 
ils  étaient  ainsi ,  tous  deux ,  dans  les 
mains  de  leur  puissant  adversaire. 
La  crainte  qu'imprimait  son  pou- 
voir ,  et  son  ambition  effrénée  ,  dé- 
tachèrent de  son  parti  le  comte  de 
Gloucester ,  qui  se  retira  dans  ses  ter- 
res ,  et  mit  des  garnisons  dans  ses 


(i)  L'admission  Ugaledes  communes  dans  le  parle- 
ment n'eut  cependant  lieu  que  sous  Edouard  I«'. 
(i2p5)  ,  d'après  un  vrit  rendu  par  ce  monarque  ,  et 
fondé  sur  ce  principe  aussi  noble  que  libéral  «  qu'il 
»  était  juste  que  ce  qui  est  de  l'intérêt  de  tous,  soit 
»  approuvé  par  tous,  et  que  les  dangers  communs  à 
»  tous  soient  repousses  par  leurs  efforts  réunis.  » 
L'exemple  des  représentants  des  bourgs ,  appelés  au 
parlement  par  Leicester  ,  fut  considère  comme  un 
acte  d'usurpation  violente  ;  il  n'avait  plus  eu  lieu 
dans  les  parlements  suivants. 


MON 

châteaux.  Leicester  le  déclara  traî- 
tre ,  ainsi  que  ses  adhérents  ,  et  mar- 
cha contre  eux  avec  une  armée  , 
traînant  à  sa  suite  le  roi  et  son 
fils.  Par  un  heureux  stratagème,  le 
prince  Edouard  parvint  à  s'évader; 
il  leva  l'étendard  royal ,  que  Glou- 
cester ,  Mortimer  et  d'autres  barons 
s'empressèrent  de  joindre.  Leicester, 
alarmé ,  écrivit  à  Simon  l'un  de  ses 
fils,  de  lui  amener  en  toute  hâte  des 
secours  de  Londres  :  celui-ci  obéit  ; 
mais  il  fut  surpris  en  chemin  par  le 
prince  à  Kenilworth  ,  et  ses  troupes 
furent  taillées  en  pièces.  Alors  le 
prince  s'avança  vers  la  Saverne ,  et 
rencontra  Leicester  à  Evesham.  Ce 
général  prit  d'abord  un  corps  déta- 
ché de  l'armée  de  son  ennemi  pour 
le  renfort  qu'il  attendait  (i)  ;  mais 
lorsqu'il  reconnut  sa  méprise  et  qu'il 
vit  devant  lui  des  forces  infiniment 
supérieures  ,  il  s'écria  ,  en  voyant 
leur  bonne  disposition:  «  Par  le  bras 
»  de  saint  Jacques,  ils  ont  profité  de 
»  nos  leçons  ;  Dieu  ait  pitié  de  nos 
»  âmes ,  ajouta-t-il  ,  car  nos  corps 
»  sont  à  eux  !  »  Le  sort  de  la  ba- 
taille fut  bientôt  décidé  :  les  troupes 
de  Leicester,  affaiblies  par  des  mala- 
dies et  par  la  désertion ,  ne  purent 
soutenir  le  choc  des  troupes  royales , 
et  se  débandèrent  presque  sans  résis- 
tance. Lui-même,  après  avoir  en  vain 
demandé  grâce  de  la  vie ,  fut  tué  sur 
le  champ  de  bataille  avec  Henri  son 
fils  aîné,  et  un  grand  nombre  des  ba- 
rons de  son  parti  (  le  5  août  1^65  ). 
Un  autre  de  ses  fils  fut  fait  prison- 
nier; et  la  ruine  et  l'expulsion  de  sa 
famille  furent  le  résultat  de  cette 
défaite.  Le  corps  de  Leicester ,  après 
avoir  été  indignement  mutilé ,  fut 
coupé  par  morceaux;  et  sa  tête  fut 


.  (i)  La  méprise  de  Leicester  provenait  de  ce  que 
par  une  ruse  de  guerre,  le  prince  ^Edouard  avait  fait 
prendre  à  ce  corps  les  bannières  de  l'armée  de  Situa», 


MON 

envoyée  à  la  femme  de  Roger  Mor- 
timer,  son  implacable  ennemi.  Sui- 
vant Guillaume  de  Nangis  ,  les  moi- 
nes ,  que  Leicester  avait  toujours 
favorises,  ramassèrent  ses  membres 
épars  ,  et,  après  les  avoir  enterres 
honorablement,  publièrent  qu'il  se 
faisait  des  miracles  sur  son  tombeau, 
quoiqu'il  fût  mort  sous  une  senten- 
ce d'excommunication.  La  populace 
qui  l'aimait,  adopta  avidement  cette 
imposture-  elle  courut  en  foule  sur 
sa  tombe ,  et  crut  y  trouver  la  gué- 
rison  de  ses  maux  :  il  fallut  toute 
l'autorité  du  pape  pour  arrêter  cette 
superstition.  La  violence ,  la  tyran- 
nie ,  la  rapacité  et  les  antres  vices 
qui  déshonorèrent  la  carrière  de 
Leicester,  doivent  faire  regarder  sa 
mort  comme  un  des  événements  les 
plus  heureux  qui  pussent  arriver  à 
l'Angleterre  dans  l'état  critique  où 
elle  se  trouvait.  On  doit  reconnaî- 
tre néanmoins  qu'il  possédait  le 
grand  talent  de  gouverner  les  hom- 
mes ,  et  de  conduire  les  affaires ,  et 
qu'il  était  aussi  habile  général  ,  que 
politique  profond.  Son  ambition  , 
quoique  sans  bornes  puisqu'il  ne  crai- 
gnit pas  d'aspirer  au  trône  ,  suivant 
le  témoignage  des  auteurs  contempo- 
rains, n'était  au-dessus  ni  de  son  cou- 
rage J  ni  de  son  génie.  Dans  un  temps 
où  les  étrangers  étaient  abhorres  en 
Angleterre,  il  sut  obtenir,  quoique  ne 
en  France,  une  autorité  absolue  sur  le 
éel  sur  le  peuple  ,  et  vit  les  plus 
fiers  barons  seconder  ses  vu<  .  I  n 
princed'un  autre  Henri 

aurait  pu  faire  servir  les  talents  de 
cet  homme  extraordinaire  à  la  gloire 
de  son  pays  et  au  soutien  de  sa  cou- 
ronne ;  mais  l'administration  faible 
et  versatile  île-  ce  p  Si  tourner 

les  avantages  immenses  qu'il  avait 
accordés  .'. 
l'autorité  royale.  Toutefois  les  dé- 


m 

sordres  qui  furent  la  suite  de 
dissensions,  servirent  à  étendre  les 
libertés  nationales  et  à  perfection- 
ner la  constitution.        D — z — s. 

MONTFORT  (Jean  de  ) ,  duc  de 
Bretagne.  V.  Charles  de  Blois, 
VÏII,  137. 

MONTFORT  (  Le  P.  Rordey,  plus 
connu  sous  le  nom  de  P.  Gratien  de), 
religieux  capucin,  né  dans  le  xic.  siè- 
cle, à  Montloi  t ,  village  de  Franche- 
Comté,  fut  un  savant  théologien  et 
un  habile  prédicateur.  Il  exerça  dif- 
férents emplois  dans  son  ordre  avec 
beaucoup  de  zèle,  fut  élu  provincial 
en  16 18 ,  édifia  ses  confrères  par  ses 
exemples ,  et  mourut  à  Salins,  le  2  r 
novembre  i65o,  dans  un  âge  très- 
avancé.  On  a  de  lui  :  I.  La  Taren- 
tule du  Guenon  de  Genève  ,  ci- de- 
vant nommé  Le'andre  ,  et  à  présent 
Const once  G uenard ,  hérétique ,etc.^ 
contenant  une  entière  réponse  aux 
causes  impertinentes  de  sa  conver- 
sion au  calvinisme,  Saint-Mihiel  en 
Lorraine  ),  1620,  in -8°.  Dans  cet 
ouvrage ,  publié  sous  le  nom  de  Denis 
de  Fortmont,  anagramme  du  sien, 
Montfort  dénonce  au  parlement  de 
Dole  le  P.  Léandre ,  capucin,  qui 
s'était  enfui  à  Genève,  où  il  avait 
apostasie  (  F.  Ester* on  )  ;  mais  il 
faut  convenir  que  l'emportement 
Lequel  il  se  déchaîne  contre  ce 
malheureux,  était  peu  pro] 
mener.  11.  Axiomata  philosophie* 
<pi  e  passïm  ei  le  circiim- 

ferri    soient   illustrât  a  ,    An-. 

[II.  Axiornata  théo- 
logien ,  in -S".  ,  en  manuscrit 
bibliothèque  de  Besançon.    W — s. 

MONTFORT  (Loi 
gnion  de  ),  zélé  missionnaire,  était 
lu-rn  1673, dans  la  petite  ville 
nom  ,  au  diocèse  <!■•  S  tint  -  Mal». 
Api'.  sous 

les  Jésuites  ,  au  coll  .me^  , 


56o  MON 

il  vint  à  Paris  faire  son    cours  de 
théologie ,  fut  admis  au  petit  sémi- 
naire  de  Saint- Sulpice,   et  reçut, 
en  1700,  les  ordres  sacrés.  Ii  de- 
manda aussitôt  l'autorisation  de  pas- 
ser dans  le  Levant ,  pour  s'y  consa- 
crer à  la  prédication  de  l'Evangile; 
mais  ses  supérieurs  ne  jugèrent  point 
à  propos  de  lui  accorder  sa  deman- 
de ,  et  il  fut  employé  dans  les  mis- 
sions de  Nantes  et  de  Poitiers.  De 
retour  à  Paris  ,  le  cardinal  de  Noail- 
les  le  chargea  de  desservir  la  cha- 
pelle du  Mont  -  Valérien  ,  et  il  fut 
nommé  ensuite  aumônier  de  la  Saî- 
pêtrière  :  mais  la  singularité  de  ses 
manières ,  et  sa  trop  grande  sévé- 
rité ,  déplurent  aux  administrateurs , 
qui  le  congédièrent  au  bout  de  quel- 
ques mois.  Il  retourna,  en  1703  ,  à 
Poitiers ,  avec  le  désir  de  s'y  vouer 
entièrement  au  service  des  pauvres 
malades.  Les  raisons  qui  l'avaient 
éloigne  de  la   Salpêtrière  ,   l'ayant 
fait  exclure  de  l'hospice  de  Poitiers, 
il  recommença  à  prêcher  et  à  caté- 
chiser :  mais  ne  trouvant  pas  que  la 
France  offrît  à  son  zèle  un  champ 
assez  vaste,  il  partit  pour  Rome,  en 
1706,  à  pied,  vêtu  en  pèlerin,  et 
obtint  du  pape  Clément  XI  une  au- 
dience, dans  laquelle  il  lui  demanda 
avec  instance  d'être  employé  dans 
les  missions  étrangères.  Le  souverain 
pontife  l'accueillit  avec  bonté,  mais 
lui  ordonna  de  repasser  en  France  ; 
et  Montfort  ne  cessa  ,  depuis  ,  de 
parcourir  les  provinces  de  l'ouest , 
donnant  des  preuves  de  son  zèle  et 
de  son  ardente  charité.  Il  tomba  ma- 
lade de  fatigues  à  Saint-Laurent-sur- 
Sèvre,  diocèse  de  la  Rochelle,  et  y 
mourut  le  28  avril  17  16  ,  en  odeur 
de  sainteté.  11  avait  donné  naissance, 
dans  ce  lieu  même  ,  à  deux  associa- 
tions qui  subsistent  encore;  l'une  de 
missionnaires ;  dite  du  Saint-Esprit; 


MON 

et  l'autre  de  sœurs  hospitalières  dans 
le  même  esprit  que  les  sœurs  de  la 
charité  ,  et  qui  sont  connues  sous  le 
nom  de  sœurs  de  la  sagesse.  Gri- 
gnionfut  secondé  dans  cette  dernière 
œuvre  par  une  pieuse  fille  de  Poi- 
tiers ,  nommée  Mlle.  Trichet.  René 
Mulot ,  missionnaire  et  successeur 
de  Grignion  ,  mit  la  dernière  mam  à 
l'un  et  à  l'autre  établissement.  Le 
Recueil  de  cantiques  de  Grignion  de 
Montfort  a  été  souvent  réimprimé; 
sa  Vie  a  été  écrite  par  Jos.  Grandet , 
curé  de  Sainte-Croix  d'Angers ,  Nan 
tes  ,  1  724  ,  in- 12.  L'auteur  s'efforce 
d'y  justifier  son  héros  de  toutes  les 
singularités  qu'on  lui  a  reprochées. 
Le  Portrait  de  ce  pieux  missionnaire 
fait  partie  du  Recueil  de  Desrochers. 
W — s  et  P — c — t. 
MONTGAILLARD  (  Pierre  de 
Fauciieran  ,  sieur  de  ) ,  poète  mé- 
diocre ,  né ,  au  xvie.  siècle ,  à  Nyons  , 
petite  ville  du  Dauphiné ,  embrassa 
le  métier  des  armes,  et  fit  plusieurs 
campagnes  sur  terre  et  sur  mer ,  sans 
obtenir  les  récompenses  auxquelles 
il  pensait  avoir  des  droits.  Il  ai- 
mait les  lettres  ,  et  employait  ses 
loisirs  à  célébrer  les  charmes  d'une 
maîtresse  vraie  ou  supposée  ,  nom- 
mée Flamide ,  dont  il  n'éprouva  ja- 
mais que  les  rigueurs.  Il  était  liéavec 
Lingendes  ,  Davity  ,  Vital  d'Audi- 
guier,  et  quelques  autres rimeurs  con- 
temporains. Ses  OEuvres  poétiques 
furent  rassemblées  par  Vital,  Paris  , 
1 606 ,  in- 1 2 .  Montgaillard  était  mort 
vers  la  fin  de  l'année  précédente ,  dans 
un  âge  peu  avancé:  il  n'attachait  au- 
cun prix  à  ses  compositions  ;  et  si 
l'on  en  croit  son  éditeur.,  sans  l'at- 
tention de  ses  amis  à  garder  des  co- 
pies de  ses  vers,  le  public  en  aurait 
étéprivé.  «  Il  n'y  aurait  rien  perdu,  » 
dit  l'abbé  Goujet,  qui  en  rapporte  plu- 
sieurs fragments  dans  sa  Biblioth, 


MON 

française,  tome  xiv,  p.  56 -61. 
On  trouve,  dans  le  Recueil  de  notre 
poète,  des  stances  ,des  chansons,  des 
couplets  satiriques,  burlesques,  etc., 
que  d'Audiguier  nomme  les  Gaillar- 
dises du  sieur  de  Mont  gaillard ,  des 
cartels ,  des  vers  héroïques ,  funèbres , 
spirituels,  etc.;  et  enfin,  les  pièces 
que  Tauleur  avait  composées  en  es- 
pagnol, langue  qu'il  possédait  ainsi 
que  l'italien.  \\  — s. 

MONTGAILLARD  (  Berjtard  de 
Percïn  de  ),  fameux  ligueur,  connu 
sous  le  nom  de  Petit- Feuillant,  était 
né,  en  i563,  au  château  de  Mont- 
gaillard,  en  Gascogne,  d'une  noble 
et  ancienne  famille.  Ayant  achevé 
ses  études  d'une  manière  brillante, 
il  entra  ,  en  1^79,  dans  l'ordre  des 
•  Feuillants,  nouvellement  fondé,  et 
s'appliqua  au  ministère  de  la  prédi- 
cation avec  uu  tel  succès ,  que  le  roi 
Henri  III  témoigna  le  désir  de  l'en- 
tendre. Il  parut  dans  les  principales 
chaires  de  Paris ,  et  y  soutint  sa  répu- 
tation. Son  extérieur  mortifié  fion- 
nait  du  poids  à  ses  paroles;  et  ce 
qu'on  racontait  de  l'austérité  de  sa 
■vie,  contribuait  à  attirer  la  foule  à 
ses  sermons.  D.  Bernard  embrassa 
le  parti  de  la  Ligue,  et  se  signala 
dans  le  nombre  des  prédicateurs  fa- 
natiques qui  soulevèrent  les  Pari- 
siens contre  l'autorité  légitime.  Q  iel- 
ques  jours  après  le  meurtre  du  duc  de 
Guise,  il  inséra  dans  son  sermon  une 
apostrophe  a  ce  prince;  pui 
retournant  vers  IU"U'.  de  Nemours, 
placée  au  bas  de  la  chaire,  il  s'é- 
cria :  «  O  saint  et  glorieux  martyr  de 
Dieu,  béni  est  le  ventre  qui  t'a  por- 

el  les  mamelles  qui  t'ont  alaité!  » 
On  le  vit,  dit-  1  courir  les  rues , 
une  hache- d'à ]  a,  dans 

tecoutrement  ridicule,  décrit, 

'  -  être  ave*  par  Les 

duels  aute  . 

XXIX. 


MON 


56 1 


nippée.  Mais  il  est  plus  douteux  en- 
core que  D.  Bernard  soit  entré  dans 
un  complot  contre  la  vie  de  Henri 
IV:  Gayet  est  le  seul  écrivain  qui  lui 
ait  fait  ce  reproche;  et  son  témoi- 
gnage est  loin  d'être  suffisant,  dans 
une  accusation  aussi  grave.  Il  paraît 
au  contraire  que  D.  Bernard  se  re- 
pentit sincèrement  d'avoir  prêté  à 
la  Ligue  l'appui  de  son  nom  et  de 
ses  talents.  Après  la  réduction  de 
Paris,  il  s'était  réfugié  à  Rome ,  où  le 
pape  Clément  VIII  l'accueillit  et  le 
fit  passer  dans  l'ordre  de  Cîteaux , 
en  lui  ordonnant  de  se  retirer  en 
Flandre  :  ce  religieux  se  rendit  à  An- 
vers, où  il  prêcha  pendant  .six  airs  , 
avec  beaucoup  de  fruit.  L'archiduc 
Albert  l'appela  depuis  à  la  cour  de 
Bruxelles,  le  nomma  sou  prédica- 
teur, et  lui  offrit  successivement 
deux  évêchés  :  D.  Bernard  les  refu  a 
par  humilité;  il  n'accepta  les  ab- 
bayes de  Nivelles  et  d'Orval ,  que 
pour  y  introduire  la  réforme  la  plus 
austère.  Il  jouit  quelques  années  du 
succès  de  ses  pieux  efforts,  et  mou- 
rut d'hydropisie  ,  dans  son  abbaye 
d'Orval,  le  8  juin  jo.>.8.  Sa  dou- 
ceur ,  la  patience  avec  laquelle  il 
soutint  les  calomnies  dont  on  cher- 
chait à  noircir  sa  vie,  .-ont  au-des- 
sus de  tous  les  éloges,  i).  Bernard 
brûla  tous  ses  éci  its  dans  sa  dei 
maladie;  mais  il  reste  de  lui  :  l'6>- 
raison  funèbre  de  l  '  (Ibert, 

Bruxelles,  i()>,9.,  et  la  Réponse*  une 
lettre  <j  ;e  Lui  avait  écrite  Henri  de 
Valois,  vu  laquelle  il  lui  remontre 
chrétiennement  et  charitablement 
ses  fautes,  et  l'exhorte  à  la  péni- 
tence,   îfxSc),  in-S".  Cette  ré] 
est  des  plus  viol  ntes;  il  \  menace  le 
roi  de  l'abandon  ne  D 
jets ,  et  des  peines  de  L'enfer  (  /'.  la 
Biblioth.  hist.  de  France $  18$ 
André  Valladier  a  publié 

3U 


562 


MON 


riquc  de  D.  Bernard,  sous  ce  tilre: 
Les  saintes  montagnes  et  collines 
d' Orval  et  de  Clairvaux ,  vive  re- 
présentation de  la  vie  exemplaire  et 
du  religieux  trépas  de,  etc.,  Luxem- 
bourg, i6f29,in-4°.  Son  portrait  a 
e'té  grave  par  Bolswert,  in-4°.,  et 
par  Corn.  Galle,  in-8°.  (  V.  sur  ce 
portrait,  la  remarque  de  Baylc,  art. 

montgaillard.  )  w s. 

M01NTGAILLARD(Pierre-Jean- 

Fr ANC 01 S  DE  pERCIN  DE  ),  CVCque  de 

Saint -Pons,  ne  le  29  mars   i633, 
e'tait  ÛL:>  du  baron  de  Montgaillard, 
qui  fut  décapité  sous  Louis  XIII , 
pour  avoir  rendu  la  place  de  Brème 
dans  le  Milanais,  mais  dont  la  mé- 
moire fut  ensuite  réhabilitée.  Le  jeu- 
ne Montgaillard    entra    dans  l'état 
ecclésiastique,  devint  docteur  de  Sor- 
bonne  et  abbé  de  Saint-Marcel  ,  et 
fut  nommé  à  Tévêché  de  Saint-Pons , 
au  mois  d'avril  1664.  H  f11*  sacré 
le  12  juillet  de  Tannée  suivante,  et 
se  démit ,  peu  après ,  de  son  abbaye. 
Sa  conduite ,  dans  son  diocèse  ,  fut 
celle  d'un  prélat  modeste,  zélé  pour 
la  discipline,  et  charitable  pour  les 
pauvres.  Le  chancelier  Daguesseau  , 
dans  ses  Mémoires  sur  les  affaires 
de  V Eglise  de  France ,  depuis  1697 
jusquen   1 7 1  o  (  tome  xm  de   ses 
œuvres  ) ,  loue  la  régularité  et  la  vi- 
gilance de  M.  de  Montgaillard  ;  mais 
il  le  peint  en  même  temps  comme  un 
homme  un  peu  vif,  et  qui  ne  bais- 
sait pas  les  disputes.  La  vie  de  ce 
prélat  est  assez  conforme  à  ce  por- 
trait. 11  fut  un  de  ceux  qui  se  dé- 
clarèrent, en  1O67,  P°ur  'cs  quatre 
éveques  ,  dans  l'aflairc  du  formu- 
laire, et   il    signa  la  lettre  écrite 
en  leur  faveur,  au  pape  et  au  roi, 
par  dix-neuf  éveques  ;  lettre  qui  fut 
supprimée  par  arrêt  du  parlement 
de  Paris.  On  cite  avec  éloge  une  lettre 
lapine  qu'il  écrivit  à  Innocent  XI ? 


MON 

en  1677  ,  Four  *e  féliciter  de  son 
exaltation,  et  une  seconde  lettre  au 
même  pontife,   de  la  même  année. 
Montgaillard  prit  parti  pour  le  ri- 
tuel d'Alcth  ,  dans   la  controverse 
élevée  à  ce  sujet.  L'évêque  de  Tou- 
lon ayant  condamné  ce  rituel,  qui 
l'avait  déjà  été  à  Rome,   l'évêque 
de  Saint-Pons  lui  écrivit  trois  Let- 
tres,  en  1678  ,  pour  la  défense  du 
rituel;  et  un  anonyme  lui  ayant  ré- 
pondu ,  dans  des   Observations  im- 
primées,  le  prélat  fit  paraître  un 
Extrait  des  faussetés  de  son  adver- 
saire. Cette  querelle  n'était  pas  apai- 
sée ,  que  l'évêque  de   Saint  -  Pons 
s'engagea  dans  une  autre,  où  il  ne 
montra  pas   moins    de  vivacité.  Il 
avait  dressé  un  Directoire  des  offi- 
ces divins  pour   1O81,  où  il  avait 
fait  divers  changements  dans  les  of- 
fices et  dans  les  fêtes.  Ces  change- 
ments furent  blâmés  ;  et  l'archidia- 
cre de  Saint-Pons  en  appela,  comme 
d'abus,  au  parlement  de  Toulouse. 
L'évêque  publia  sur  cette  affaire  une 
Lettre  au  cardinal  Grimaldi,   trois 
Factums  pour  le  parlement  de  Tou- 
louse, une  Requête  au  roi  et  un  Traité 
du  Droit  et  du  pouvoir  des  Eveques 
de  régler  les  offices  divins  dans  leurs 
diocèses,  1686,  in-8°.  Une  partie 
de  ces  pièces  se  trouvent  avec  plu- 
sieurs autres  ,   dans  le   Becueil  de 
ce  qui  s'est  passé  entre  MM.  les  éve- 
ques de  Saint  -  Pons  et  de  Toulon, 
au  sujet  du  rituel  dJ Aleth ,  et  Suite 
du  même  Becueil,  in- 1 2 ,  sans  date. 
Vers  le  même  temps ,  le  prélat  eut 
encore  une  dispute  avec  les  Récol- 
lets de  Saint-Pons,  qu'il  accusait  de 
distribuer  des  écrits  contre  lui.  Il 
défendit  d'assister  aux  offices  dans 
leur    église,   et  publia,  dans  cette 
nouvelle  affaire,  plusieurs  écrits  dont 
il  donna  aussi  le  Recueil  :  on  trouve, 
à  la  fin,  la  satisfaction  publique  que 


MON 

les  Recollets  furent  obligés  de  lui  fai- 
re, le  9  février  1697.  Enfin  Mont- 
gaillard  entra,  en  1706,  dans  une 
nouvelle  controverse,  à  l'occasion  du 
cas  de  conscience.  Il  donna ,  le  3 1  oc- 
tobre de  cette  année,  un  mandement 
pomTacceptationde  la  bulle  Vineam 
Domini,  mandement  qui  ne  satisfit 
aucun  des  deux  partis;  car  si  d'un 
côté  il  acceptait  cette  bulle,  de  l'au- 
tre il  paraissait  approuver  ce  qu'on 
appelait  le  silence  respectueux ,  et 
il  prenait  la  défense  de  la  lettre  qu'il 
avait  souscrite  en  1667.  Son  mande- 
ment fut  suivi  de  trois  lettres  ,  qu'il 
adressa  successivement  à  Fénélon,  et 
où  il  prétendait  réfuter  la  doctrine 
de  ce  prélat  sur  l'infaillibilité  de 
l'Eglise  dans  le  jugement  des  faits 
dogmatiques.  Le  mandement  et  les 
lettres  furent  condamnés  a  Rome,  le 
18  janvier  1 7  1  o  ;  et  Fénélon  se  défen- 
dit par  deux  lettres  fort  modérées.  L'é- 
vêque  de  Saint-Pons  se  fit  plus  d'hon- 
neur par  divers  écrits  pour  l'utilité  de 
ses  diocésains,  entre  autres  par  une 
Instruction  sur  le  sacrifice  de  la  mes- 
se,pourles  nouveaux  convertis  de  son 
diocèse,  Paris,  1O87,  in-12.  Il  adres- 
sa, la  même  année,  une  lettre  au 
commandant  des  troupes  en  Langue- 
doc, pour  se  plaindre  des  commu- 
nions forcées  des  Protestants;  on  la 
trouve  dans  la  Pastorale  de  Juricu, 
du  Ier.  mai-.,  1688.  Montgaillard 
mourut  dans  son  diocèse,  le  1  5  mars 
17  i3  ,  ii  l'âge  de  quatre-vingts  ans  ; 
il  nomma  Les  pauvres  héritiers  de- 
tous  s  Ce  fut  certainement 
un  prélat  recommandable  par  ses 
vertus  et  par  ses  lumières.  Une  cir- 
constance connue  récemment,  ho- 
nore sa  mémoire  :  on  a  trouvé  aux 
archives  du  Vatican,  i<>rs  de  leur 
translation  à  P  11  le  titre  de 
Clément  XI,  F 
une  longue  lettre  écrite  à  ce  pofl- 


MON  563 

tife,  le  28  février  1713  ,  par  l'é- 
vêque  de  Saint-Pons ,  et  où  il  con- 
damne, dit-il,  le  silence  respectueux 
sur  le  fait  et  sur  le  droit,  ainsi  que 
tout  ce  qui  peut  être  condamné  par 
la  bulle  Vi^EJw  DOMINI ,  qu'il  a 
reçue  autrefois  ,  et  qu'il  reçoit  en- 
core de  bon  cœur.  —  Jean  -  Jacquçs 
de  Percin  de  Montgaillard  ,  domi- 
nicain ,  mort  à  Toulouse,  sa  patrie, 
le  21  mars  177 1  ,  âgé  de  soixante- 
dix-huit  ans,  était  de  la  même  fa- 
mille. Il  a  composé  Monument  a 
conventûs  Tolosani  ord.  FF.  Prœ- 
dicatorum  ,  ouvrage  qui  renferme 
des  anecdotes  curieuses  sur  l'inquisi- 
tion ,  l'université  et  les  principales 
familles  de  cette  ville.  On  croit  que 
celle  de  Percin  ,  originaire  d'Angle- 
terre ,  descend  des  comtes  de  Nor- 
thumberland,du  nom  de  Percy,  dont 
une  autre  branche,  connue  aujour- 
d'hui sous  le  nom  de  La  Valette ,  a 
produit  plusieurs  hommes  distin- 
gués. P — c — T. 

MONTGERON  (Louis-Basile 
Carre  de)  ,  conseiller  au  parlement 
de  Paris  ,  né  dans  cette  ville  en 
1686,  était  fils  d'un  maître  des  re- 
quêtes, qui  fut  successivement  inten- 
dant de  Bourges  et  de  Limoges  :  il 
déclare  lui-même,  dans  la  relation 
dont  nous  parlerons  ,  que  sa  jeunesse 
se  passa  dans  les  plus  grands  dérègle- 
ment ,  que  son  aine  était  naturel- 
lement basse  ,  son  orgueil  ridicule 
et  son  caractère  ingrat.  Tl  vivait, 
dit-il ,  dans  un  entier  oubli  de  la  re- 
ligion :  un  accident  lui  causa  tant  de 
peur,  en  1707,  qu'il  s'enfuit  à  la 
Trape;   mais  bien!  ssioofl 

reprirent  le 
qui  nous  l'apprend.  !■ 
mépriser  et  nâ'i  ,    lv  S  en- 

tretiens qu*il  cul 
des  lo 
démit  poiÉt   En   171 1 ,  il  acheta 


564 


MON 


une  charge  de  conseiller  an  parle- 
ment de  Paris  •  et  en  1 7 1 9 ,  une  aug- 
mentation considérable  de  fortune 
lui  permit  de  ,'se  livrer  plus  que  ja- 
mais à  son  attrait  pour  les  plaisirs. 
Telles  étaient  ses  dispositions,  lors- 
qu'ayant  entendu  parler  des  miracles 
opères,  disait-on,  au  tombeau  du 
diacre  Paris  ,  la  curiosité  le  porta  , 
le    7    septembre    173 1  ,    à    visiter 
le  cimetière  Saint-  Medard ,  théâ- 
tre   de  tant  de   merveilles.    L'effet 
de  ce  spectacle  fut  aussi  rapide  que 
décisif  sur  une  imagination  ardente  : 
cet  homme,  qui  ne  croyait  rien,  se 
prit  tout-à-coup  d'admiration  poul- 
ies miracles ,  et  d'enthousiasme  pour 
les  convulsions.   Il  avait  résisté  à 
toutes  les  preuves  ;  il  s'avoua  vaincu 
en  voyant   sauter  et  discourir  des 
filles  atteintes  de  manie  ou  payées 
pour  le  paraître.  Dès-lors  son  zèle 
ne  connut  plus  de  bornes ,  et  les  plus 
grandes  folies  trouvèrent  en  lui  un 
patron  intrépide.  Exilé  en  Auver- 
gne ,  l'année  suivante ,  à  l'occasion 
des  démêlés  du  parlement  avec  la 
cour,  la  solitude  ne  fit  qu'échauffer  son 
ardeur;  et  il  résolut  d'écrire  pour  dé- 
montrerla  vérité  des  miracles  du  dia- 
cre Paris.  De  retour  dansla  capitale^  il 
accueillit  publiquement deson  suffrage 
les  extravagances  d'une  convulsion- 
nairc.  Sa  maison  fut  l'asile  de  beau- 
coup de  fugitifs  ,  qui  exaltaient  son 
zèle  par  leurs  applaudissements.  Le 
29  juillet  1737  ,  il  se  rendit  à  Ver- 
sailles ,  et  présenta  au  roi  son  livre 
de  la  Vérité  des  miracles  du  diacre 
Paris  ,  in-4°. ,  avec  uo  pi.  Le  roi  le 
reçut  sans  savoir  ce  qu'il  contenait. 
L'auteur  alla  le  même  jour  en  porter 
des  exemplaires  au  duc  d'Orléans  y 
au  premier  président ,  au  procureur- 
général  :  le  volume  contenait  la  re- 
lation de  sa  conversion  ,  dont  nous 
4Vons  parlé  plus  haut }  les  détails  de 


MON 

neuf  miracles ,  et  les  conséquences 
qui ,  selon  lui,  en  résultaient.  Sa  dé- 
marche parut  aux  uns  un  trait  de 
folie  ,  et  aux  autres  un  acte  de  cou- 
rage héroïque  :  on  le  mit  au  -  dessus 
des  premiers  apologistes  du  chris- 
tianisme ;  on  l'appela  un  confesseur 
de  la  foi ,  on  le  présenta  comme  ins- 
piré de  Dieu,  et  ou  le  peignit  avec 
un  Saint-Esprit  sur  la  tête,  en  forme 
de  colombe.  D'un  autre  coté,  Louis 
XV  se  montra  très-blessé  de  sa  dé- 
marche. La  nuit  suivante  (  du  29 
au  3o  juillet),  le  conseiller  fut  mis  à 
la  Bastille  :  sa  compagnie  voulut  bien 
présenter  des  remontrances   en  sa 
faveur  ;  elles  n'eurent  pas  de  suite  7 
et  le  magistrat  fut  exilé  à  Villeneuve- 
lès- Avignon ,  et  peu  après  à  Viviers, 
et  enfin  à  Valence.  Son  zèle  ne  l'a- 
bandonna point  dans  ces  différents 
séjours  :  il  distribuait  des  livres  de 
son  parti ,  et  se  donnait  en  spectacle 
par  des  démarches  et  des  discours 
qui    annonçaient  assez    l'exaltation 
d'un  cerveau  malade.  En   174 ^  >  il 
publia  le  second  volume  de  son  ou- 
vrage ,  sous  le  titre  de  Continuation 
des  démonstrations  des  miracles  ? 
avec  des  observations  sur  les  con- 
vulsions ,  in-4°.  :  le  troisième  volume 
parut  en  1748.   Dans  l'un  et  dans 
l'autre, Montgeron  divinisait  les  con- 
vulsions ,  et  autorisait  un  fanatisme 
monstrueux  ,  qui  révolta  plusieurs 
de  ses  admirateurs  et  de  ses  amis.  Les 
évêques  appelants  le  désavouèrent;  et 
il  fut  réfuté  par  Poncct  et  d'autres 
de  ce  parti.  II  est  représenté,  dans 
leurs  écrits  ,  comme  un  enthousiate 
livré  à  de  déplorables  illusions  :  ce- 
pendant il  trouva  encore  des  défen- 
seurs ,  notamment  dans  les  Suffrages- 
en  faveur  de  M.  de  Montgeron , 
1 7  49 ,  in- 1 2.  Il  y  eut,  de  part  et  d'au- 
tre ,  un  assez  grand  nombre  d'écrits 
sur  cette  controverse,  qui  fut  vive  et 


MON 

animée.  Récemment  encore  il  a  paru 
nn  Abrégé  des  3  volumes  de  Mont- 
geron  sur  les  miracles  de  M.  de 
Paris,  1799,  3  vol.  in-ia;  on  croit 
que  l'ouvrage  a  été  imprime  à  Lyon, 
et  qu'il  a  pour  auteur  l'abbé  Jacque- 
mont  ,  ancien  curé  au  diocèse  de 
Lyon,  partisan  déclaré  des  miracles 
et  même  des  convulsions.  Cet  appe- 
lant a  cherché  à  fortifier  le  système 
de  Montgeron  par  de  nouvelles  con- 
sidérations ,  qui  ne  prouvent  autre 
chose  sinon  qu'il  se  trouve  encore 
des  hommes  assez  aveugles  pour 
persister  dans  ces  tristes  illusions. 
Montgeron  mourut  à  Valence,  le  12 
mai  1^54 ,  après  avoir,  aux  yeux 
même  de  la  plupart  des  siens,  perdu, 
par  la  publication  de  ses  derniers  vo- 
lumes ,  le  mérite  de  sa  démarche. 

P— C-^T. 

MONTGIAT(  François  dePaule 
j>e  Clermont  ,  marquis  de  ),  grand- 
maître  de  la  garde-robe,  et  maréchal- 
de-camp,  fut  fait  chevalier  des  ordres 
du  roi ,  à  la  promotion  de  1  (30 1  ,  et 
mourut  le  7  avril  1G75. 11  avait  été  le 
témoin  d'un  grand  nombre  d'événe- 
ments, n'avait  rien  oublié  d'impor- 
tant, et  se  plaisait  à  communiquer 
les  trésors  de  sa  mémoire;  ce  qui  l'a- 
vait fait  surnommer  Montglat  la  Bi- 
bliothèque. On  a  de  lui  des  Mémoires, 
Amsterdam,  1727,  4  "Vol.  in-i^ , 
dont  le  P.  Bouge  ait  a  été  l'éditeur. 
Ils  sont  remplis  défaits;  et,  à  comp- 
ter de  l'année  l635 ,  ils  font  bien 
connaître  les  événements  militaires 
du  règne  de  Louis  XIII ,  et  de  la 
minorité  de  Louis  XIV  ,  ainsi  que  ce 
qui  s'est  passé  de  plus  considérable 
à  la  cour.  Le  stvie  en  est  négligé, 
comme  celui  d'un  homme  qui  n'écrit 

que  pour  lui  et  pour  ICS  amis  ;  mais 

ils  sont  marqués  au  coin  d<-  la  fran- 
chise, et  l'historien  peut  les  suivre 

comme   uu  guide  sur.  L'auteur  de 


MON 


565 


V Esprit  de  la  Fronde  a  dit ,  avec 
vérité,  que  l'on  trouverait  difficile- 
ment un  recueil  plus  nourri ,  plus 
plein  de  choses  ,  plus  exact  et  plus 
fidèle.  Ces  Mémoires  sont  précédés 
d'un  discours  préliminaire,  qui  pré- 
sente le  tableau  rapide  des  vingt-cinq 
premières  années  du  règi.e  de  L  mis 
XI1L  Montglat  avait  épousé  ,  en 
i(545,  Cécile-Elisabeth  Hurault  de 
Cheverny  (  1  ) ,  petite-fille  du  chance- 
lier de  ce  nom,  trop  connue  par  ses 
liaisons  et  sa  rupture  avec  le  comte 
de  Bussy  -  Rabulin.  11  en  eut  un 
fils  nommé  Louis .  connu  sous  le  ti- 
tre de  comte  de  Cheverny  ,  qui 
épousa ,  en  1680 ,  Mlle.  de  Saumery, 
nièce  de  Mme.  Colbcrt,  et  parvint ,  à 
l'aide  de  cette  alliance,  à  rétablir  Les 
affairés  de  sa  maison,  qui  étaient  en 
fort  mauvais  état.  C'est  ce  qui  fait 
direàMme.  de  Sévigné,  dans  la  lettre 
qu'elle  écrit  à  sa  tille  le '2i  juin  1680  : 
«  Voyez  ce  petit  menin  de  Cheverny, 
»  avec  sa  petite  mine  chafouine,  et  son 
»  esprit  droit  et  froid  ;  il  a  trouvé  le 
»  moyen  dese  faire  aimer  de  Mme.  de 
»  Colbert  :  il  épouse  sa  nièce.  Soyez 
»  persuadée  que  vous  lui  reverrez 
»  bientôt  toutes  ses  belles  terres  dé- 
»  gagées ,  toutes  ses  dettes  payées  , 
»  etque  le  voilà  hors  de  l'hôpital,  ou 
»  il  était  assurément.  »  Le  comte  de 
Cheverny,  d'abord  menin  du  pre- 
mier Dauphin  ,  fut  successivement 
ambassadeur  en  Allemagne  et  eu 
Danemark,  gouverneur  du  duc  de 
Chartres  (  depuis  régent  de  France  ) , 
el  conseiller  d'état  d'épee.  Saint- 
Simon  raconte,  à  son  sujet ,  une 
anecdote  singulière  qui  lui  arri 
\  iciine  (  V.  le  tome  1 1 ,  pag,  1  1  ~>  de 

(1)  On  <li>ii  •  non  Chivernr, 

comme  I  usa    ■  icmble  nvoii    ori\  Au    Lu  ch 

,  ■insi  qu'on 
lui  i-  <>i  îkïii  '''•  M'"'  l"'~  '  •"'•"  l«"« 

! 
ll'S    01  1  1  • 


566  MON 

l'édition  de  1 791).  Il  mourut  à  Paris, 
le  6  mai  1722,  âge  de  soixante-dix- 
huit  ans,  sans  laisser  de  postérité. 
L'aïeule  maternelle  du  marquis  de 
Monlglat  fut  gouvernante  des  enfants 
de  Henri  IV.  Elle  avait  épousé,  en 
secondes  noces,  Robert  de  Harlay, 
luron  de  Montglat ,  premier  maître- 
d'hôtel  du  roi,  et  elle  en  eut  deux  fils 
qui  moururent  jeunes.  Jeanne  de 
Harlay ,  leur  fille ,  devenue  leur  seule 
héritière,  dame  d'honneur  de  Chris- 
tine et  de  Henriette  de  France ,  ap- 
porta la  baronie  de  Montglat  dans  la 
maison  de  Clermont ,  à  l'époque  du 
mariage  qu'elle  contracta,  en  i5ç)9, 
avec  Hardouin  de  Clermont ,  seigneur 
de  Saint  -  George ,  père  de  l'auteur 
des  Mémoires.  M — e. 

MONTGOLFIER  (  Joseph- 
Michel  ),  habile  mécanicien ,  et  l'un 
des  deux  frères  inventeurs  des  aéro- 
stats ,  naquit,  en  174°?  àVidalon- 
lès-Annonai.  Son  père  ,  qui  donnait 
l'exemple  des  mœurs  patriarcales  au 
milieu  d'une  famille  nombreuse, 
vouée  depuis  long  temps  à  la  prati- 
que des  arts  ,  dirigeait  avec  succès 
une  papeterie  importante.  Joseph 
Monlgolfier  ,  placé  avec  deux  de  ses 
frères  au  collège  de  ïournon ,  ne  put 
se  plier  à  un  mode  régulier  d'ensei- 
gnement, et  s'enfuit  à  l'âge  de  treize 
ans  ,  déterminé  à  gagner  les  bords  de 
la  Méditerranée ,  pour  y  vivre  de 
coquillages.  La  faim  l'arrêta  dans 
une  métairie  du  Bas-Languedoc  ;  il 
s'y  occupait  à  cueillir  de  la  feuille 
pour  les  vers-à-soie  ,  lorsque  ses  pa- 
rents le  découvrirent,  et  le  remirent 
rntre  les  mains  de  ses  professeurs. 
Le  dégoût  que  ses  études  lui  avaient 
inspiré  s'accrut  encore,  quand  il  fal- 
lut entamer  celle  de  la  théologie  :  un 
traité  d'arithmétique  tomba  sous  ses 
yeux  ,  et  fut  dévoré  avec  transport  ; 
mais  incapable  de  s'assujétir  aux  dé- 


MON 

ductions  méthodiques  qui  coordon- 
nent les  notions  du  calcul  ,  Mont- 
golfier  s'appliqua ,  par  des  tâtonne- 
ments intellectuels  qui  firent  toute  sa 
vie  ses  délices  ,  à  combiner  des  for- 
mules particulières  ,  à  l'aide  des- 
quelles il  résolut  quelquefois  jusqu'à 
des  problèmes  de  géométrie  trans- 
cendante. Entraîné  par  sa  passion 
pour  rindépendance ,  il  quitta  sa  ville 
natale,  et  alla  s'enfermer,  à  Sainl- 
Élienne  en  Forez  ,  dans  un  réduit 
obscur ,  où  il  vécut  du  produit  de  la 
pêche ,  se  livra  solitairement  à  des 
expériences  chimiques  ,  et  fabriqua 
du  bleu  de  Prusse  et  des  sels  utiles 
aux  arts ,  qu'il  colportait  lui-même 
dans  les  bourgs  du  Vi  va  rais.  Le  désir 
de  connaître  les  savants  le  conduisit 
à  Paris  -7  et  ce  fut  au  café  Procope 
qu'il  entra  en  communication  avec 
eux.  Son  père  le  rappela  pour  par- 
tager avec  lui  la  direction  de  sa  ma- 
nufacture. Montgolfier  voulut  y  met- 
tre à  l'essai  des  moyens  de  perfec- 
tionnement :  contrarié  dans  ses  vues 
par  l'attachement  exclusif  de  son 
père  pour  des  procédés  consacrés 
par  la  tradition  et  par  la  prospérité 
de  son  commerce ,  il  s'associa  un  de 
ses  frères ,  et  forma  deux  nouveaux 
établissements  à  Voiron  et  à  Reau- 
jeu.  Là  ,  son  esprit  inventif  put  s'exer- 
cer en  toute  liberté;  mais  des  spécu- 
lations hasardées ,  des  expériences 
ruineuses ,  et  son  insouciance  natu- 
relle ,  dérangèrent  notablement  sa 
fortune.  11  sortit  une  seule  fois  de 
son  caractère  pour  poursuivre  un  de 
ses  débiteurs  :  "celui-ci  eut  l'adresse 
de  surprendre  un  moment  la  religion 
des  juges ,  et  de  faire  emprisonner 
Montgolfier.  Cette  erreur  fut  enfin 
réparée  ;  et  Monlgolfier  se  releva  de 
celte  adversité  passagère  avec  une 
nouvelle  ardeur  pour  les  découvertes. 
Il  avait  simplifié  la  fabrication  du 


MON 

papier  ordinaire  ,  amélioré  celle  des 
papiers  peints  de  diverses  couleurs  , 
imaginé  une  machine  pneumatique  à 
l'effet  de  raréfier  l'air  dans  les  moules 
de  sa  fabrique  ,  et  préludé  à  l'inven- 
tion des  planches  stéréotypes  ,  lors- 
que ses  expériences  aérostatiques  ré- 
pandirent son  nom  dans  toute  l'Eu- 
rope. Les  faiseurs  d'anecdotes  ont  ra- 
conté de  diverses  manières  l'origine 
de  cette  découverte  :  suivant  les  uns , 
une  chemise  que  l'on  chauffait,  et 
qui  voltigeait  devant  le  feu,  donna 
la  première  idée  des  balons  à  Etienne 
Montgolfier,  qui,  tout  de  suite,  fit 
avec  une  espèce  de  cornet  de  papier, 
à  la  fumée  de  son  foyer  solitaire,  la 
première  expérience  des  aérostats. 
Selon  d'autres,  Joseph  se  trouvait  à 
Avignon  pendant  le  mémorable  siège 
de  Gibraltar.  Seul  au  coin  de  sa  che- 
minée, il  était  disposé  à  la  médita- 
tion :  une  estampe  qui  représentait  la 
ville  assiégée,  appelle  ses  rêveries. 
Serait-il  donc  impossible  que  les  airs 
offrissent  un  moyen  pour  pénétrer 
dans  la  place?  Ce  doute  est  un  trait 
de  lumière  :  des  vapeurs  telles  que  la 
fumée  qui  s'élève  sous  ses  yeux ,  em- 
magasinées en  quantité  suffisante  (ce 
sont  ses  expressions  ) ,  lui  paraissent 
le  principe  d'une  force  ascensionnelle 
assez  considérable.  Sur-le-champ  il 
construit  un  petit  parai  lélipipède  de 
taffetas  ,  contenant  environ  quarante 
pieds  cubes  d'air ,  en  échauffe  l'in- 
térieur avec  du  papier  ,  et  1< 
avec  satisfaction  s'élever  jusqu'au 
plafoi  eux  version 

lement  fausses.  Si  Joseph  sont; 
ballons  pour  (iibraltar,  c'était  afin 
d'appliquei  i  ti  constance  une 

idée  déjà   i  commune 

aux  deux   frèrei      /  .  l'article  sui- 
vant ).   h\  Jurés  ,   par 
de  nouveai                  de  la  jusl 
de  leurs  combinaisons,  ils  se 


'  MON  567 

dent  à  en  faire  part  au  public  ;  et  le 
5  juin  1 783,  en  présence  des  députés 
aux  étals  particuliers  du  \  ivarais , 
et  de  toute  la  ville  d'Annonai ,  ils  lan- 
cent un  appareil  sphérique  construit 
en  toile  doublée  de  papier  ,  de  cent- 
dix  pieds  de  circonférence ,  et  d'un 
poids  de  cinq  cents  livres.  La  ma- 
chine ,  dont  les  plis  annonçaient 
qu'elle  était  dégagée  d'air,  n'eut  pas 
plutôt  été  remplie  de  vapeurs,  qu'elle 
parvint,  en  dix  minutes,  à  mille 
toises  d'élévation.  Élienne  Montgol- 
fier se  rendit  à  Paris ,  pour  exposer 
leur  commune  découverte.  11  répéta 
devant  la  cour  ,  à  Versailles ,  le 
fio  septembre  suivant,  l'expérience 
d'Annonai  ,  avec  un  globe  cons- 
truit sur  le  même  modèle,  et  mu 
par  les  mêmes  procédés.  Dos  ani- 
maux placés  dans  un  panier  attaché 
a  l'appareil,  n'éprouvèrent  aucun 
mal  ;  et  l'on  fut  convaincu  que  des 
hommes  pourraient  prendre  posses- 
sion de  l'atmosphère,  sans  courir 
des  dangers  imminents.  Pilâtre  de 
Rozier ,  et  le  marquis  d'Arlandes , 
osèrent  les  premiers  partir,  à  bal- 
lon perdu,  du  château  de  la  Muette  , 
et  parcoururent ,  en  dix  sept  minu- 
tes ,  un  espace  de  quatre  mille  toi- 
ses. L'année  suivante  (  le  19  janvier 
1784),  Joseph  Montgolfier  exécuta , 
lui  septième,  à  Lyon,  dans  un  aé- 
rostat de  cent-deux  pieds  de  diamè- 
tre sur  eent-vingt-six  de  hauteur,  le 
ieme  voyage  aérien.  L'enthou- 
siasme de  ceux  (pii  voulaient  l'accom- 
pagner fut  tel ,  qu'il  s'en  fallut  peu 
qu'ils  ne  soutinssent  leurs  préten- 
tions par  les  armes  (1).  On  montait 
avec  séeuritédau^  cf  s  frêles  machines 


^i)  Four  1«?  <i 
itatiquei  ■  V"m  /  17/    I 

v.ili"  ,1  I  ,  ri  la 

Continuation  ftoïa  i8*. suite d$ la grt 
l'almanach  tout  verre 


;68 


MON 


appelées  Montgolfières,  du  nom  de 
leur  inventeur  ;  l'engoûmcnt,  et  une 
vaine  ostentation  de  courage,  étour- 
dissaient sur  des  dangers  qui  auraient 
frappe  des  esprits  plus  calmes.  Les 
frères  Montgolficr,  après  avoir  son- 
ge à  toutes  les  substances  aèriformes 
que  la  chimie  leur  indiquait  comme 
spécifiquement  plus  légères  que  l'air 
atmosphérique,  après  avoir  essaye 
l'eau  réduite  à  l'état  de  vapeurs,  le 
Iluide  électrique ,  et  même  le  gaz  hy- 
drogène ,  avaient  préféré  pour  gon- 
fler l'enveloppe  de  leurs  aérostats  , 
le  fluide  obtenu  par  la  combustion 
d'un  certain  nombre  de  livres  de 
paille  et  de  laine  hachée ,  comme 
plus  économique  ,  et  susceptible  de 
se  renouveler  avec  facilité.  Dans  leur 
manière  d'opérer,  l'air  atmosphéri- 
que était  dilate  par  la  chaleur  d'un 
fourneau  placé  sous  V orifice  inférieur 
de  l'aérostat.  De  là ,  deux  inconvé- 
nients capitaux  :  i°.  le  feu  qu'il  était 
nécessaire  d'entretenir  pouvait  atta- 
quer les  parois  de  la  galerie;  '2°.  il 
était  impossible  de  mesurer  exacte- 
ment l'augmentation  de  chaleur  né- 
cessaire pour  monter,  et  la  diminu- 
tion d'où  devait  résulter  l'abaisse- 
ment sans  secousses  de  la  machi- 
ne. M.  Charles,  qui  avait  cherché  des 
moyens  autres  que  ceux  de  Montgol- 
fîer,  lorsque  ceux-ci  n'étaient  pas 
encore  connus,  adopta  des  matières 
différentes  pour  ses  ballons,  qui  ont 
fini  par  prévaloir  sur  les  montgolfiè- 
res. Il  employa  le  gaz  hydrogène, 
dont  la  densité  n'est  qu'un  quinzième 
de  celle  de  l'air  commun,  et  qui 
procure  une  force  ascensionnelle  sou- 
tenue ,  et  indépendante  de  tout  tra- 
vail. Restait  a  trouver  une  enveloppe 
imperméable  :  il  choisit  le  taffetas 
"  gomme  élastique  dissou- 
te à  chaud  dans  l'huile  de  thérében- 
tine.  Un  ballon  de  vingt-six  pieds  de 


MON 
diamètre  disposé  ainsi ,  et  parti  des 
Tuileries,  le  porta  avec  le  mécani- 
cien Robert,  son  compagnon,  à  une 
distance  de  neuf  lieues  de  la  capitale  : 
ayant  pris  pied  à  terre,  il  remonta 
seul,  à  eue  hauteur  de  mille  sept- 
cent-cinquanle  toises.  Ce  mode  d'as- 
cension, plus  commode  et  plus  sur, 
a  été  généralement  adopté  pour  les 
voyages  aériens,  qui  dégénérèrent  en 
vains  spectacles,  lorsqu'on  u'entrevit 
point  la  possibilité  de  diriger  les  aé- 
rostats ,  et  que  les  baquets  de  Mes- 
mer s'emparèrent  de  l'enthousias- 
me public.  La  laveur  qui  avait  envi- 
ronné précédemment,  la  découverte 
de  Montgolficr,  avait  trouvé,  surtout 
en  France, d'injustes  contradicteurs. 
On  exhuma  des  ouvrages  dès-bjng- 
temps  oubliés,  où  l'on  prêterait  qu'il 
avait  puisé  l'idée  de  ses  machines 
aériennes;  on  cita  des  assertions  va- 
gues ,  et  jusqu'à  des  romans  de  phy- 
sique assez  semblables  aux  folles  ima- 
ginations de  Cyrano  de  Bergerac;  on 
rappela  Roger  Bacon  ,  le  P.  Lana  , 
Borelii ,  le  dominicain  Çalien ,  le 
portugais  Gusmao,  et  Cavallo  qui,  à 
Londres  ,  avait  fait  voltiger  des  bul- 
les d'eau  de  savon  imprégnée  d'air 
inflammable  (  V.  Lana  ).  L'acadé- 
mie des  sciences  se  prononça  contre 
ces  détracteurs  d'une  gloire  contenir 
pr.i  aine,  en  accueillant  1/lienne Mon t- 
goltier,  et  en  le  plaçant,  ainsi  que 
son  frère,  sur  la  liste  de  ses  cor- 
respondants. Une  gratification  de 
4o,ooo  fr.  fut  destinée  a  la  construc- 
tion d'un  aérostat  qui  devait  servir 
à  chercher  des  moyens  de  direction. 
Mais  l'impulsion  des  vents  parut  aux 
frères  avoir  trop  de  prise  sur  la  mas- 
se de  l'air,  pour  qu'ils  attendissent 
autre  chose  que  de  faibles  résultats. 
Cependant  ils  avaient  fait  des  c 
dans  de  petites  dimensions,  pour 
maîtriser  les  mouvements  d'un  ac- 


MO 

rostat  en  temps  calme;  et  ils  avaient 
construit  une  machine  de  deux  cent 
soixante-dix  pieds  de  diamètre,  d'une 
capacité  suffisante  pourenîever  1 200 
hommes  avec  armes  et  bagages.  11 
ne  faut  point  oublier  que  le  premier 
emploi  des  parachutes  se  rattache 
périences  aérostatiques  de  Jo- 
seph Montgolfîer.  Il  essaya  d'abord 
cet  appareil  à  Avignon;  et  il  l'ajouta 
,-mix.  gtobes  qu'il  fit  élever  à  Ànnonai. 
Pendant  les  troubles  de  la  révolution, 
Mongollicr  se  tint  à  l'écart,  pour- 
suivant en  paix  ses  méditations  ché- 
ries, que  sa  sollicitude  pour  sauver 
les  victimes  de  ces  temps  malheu- 
reux pouvait  seule  interrompre.  Les 
services  qu'avait  rendus  l'aérostat  à 
notre  armée  dans  les  champs  de 
Fleurus,  n'attirèrent  point  sur  lui 
les  regards  du  gouvernement.  Plus 
tard,  son  nom  frappa  Bu< 
lorsque,  premier  consul,  il  distribua 
des  croix  de  la  legion-d'houneur  aux 
citoyens  qui  avaient  contribue  aux 
progrès  de  l'industrie  nationale , 
Montgolfîer  reçut  la  décoration  ; 
mais  là  se  borna  l'intérêt  que  lui 
avait  témoigné  le  chef  de  l'état.  Plus 
tard  il  fut  nommé  administrateur  du 
conservatoire  des  arts  et  métiers,  et 
membre  du  bureau  consultatif  des 
arts  et  manufacl  s  le  minis- 

tère de  l'intérieur.   Il  pri 
l'Institut,  en    1807;  ce  fut  lui  qui, 
dans  une  promenade  a  la  camp 
avec,  quatre  de  ses  amis,  conçut   la 
ti  re  idée  de  la  société  d'encou- 
ment  dé  l'industrie.    1 
igolfier  ont  surtout  bien  1 

r  leur  Bélier  hydraulique, 
qui  ,  sans  piston  ,  SA1       I  nient, 

par  la  seule  impulsion  d'une  ' 
.  Imie  d'eau  ,  porte  l'eau  à  une  éléva- 
tion de  60   pi 
pour  ht  preniii  : 

besoins  de  sa  papeterie  d 


MON 


569 


le  perfectionna  depuis  à  Paris.  Il  a 
i  son  fils,  héritier  de  son  goût 
pour  la  mécanique,  les  conceptions 
auxquelles  il  s'était  livré  pour  substi- 
tuer aux  pompes  à  vapeur  un  appa- 
reil vingt  fois  plus  économique,  qu'il 
appelle  Pyrobèlier.  On  connaît  en- 
core  de  lui  un  procédé  fort  ingé- 
nieux, au  moyen  duquel  un  bateau 
peut  remonter  une  rivière  rapidi 
la  force  même  du  courant ,  en  pre- 
nant son  point  d'appui  au  fond  do 
l'eau.  Les  Annales  des  arts  et  manu- 
factures ,  contiennent  la  description 
de  son  calorimètre,  instrument  qu'il 
imagina  pour  déterminer  la  qualité' 
des  différentes  tourbes  du  Dauphiné. 
Revenant ,  à  son  insu ,  sur  les  traces 
de  Pascal,  il  exécuta  une  presse  hy- 
draulique; et  dans  un  séjour  en  An- 
gleterre, il  fit  part  de  cette  concep- 
tion à  Bramah,  qui ,  en  la  réalisant 
de  son  côté ,  reconnut  les  droits  de 
priorité  de  Montgolfîer.  «  Les  anna-* 
»  les  de  chimie,  dit  M.  Degérando, 
»  ont  donné,  en  1810,  la  descrip- 
»  tion  de  son  ventilateur  pour  distil- 
»  1er  à  froid,  par  le  contact  de  l'air 
»  en  mouvement,  comme  aussi  celle 
»  de  son  appareil  pour  la  dessicea- 
»  tion  en  grand  et  à  froid ,  des  fruits 
»  et  autres  objets  de  première  néees- 
»  site,  de  manière  à  ce  qu'ils  U 
»  conservés  sans  altération,  et  puis-. 
»  sent  être  rétablis  ensuite  dans  leur 
»  état  primitif  par  la  restitution  de 
)>  Peau.  11  voulait  dessécher  par  ce 
»  procédé  le  moût  de  raisin,  le  vin 
e  cidre  .  les  rendre,  après  qu'ils 
»  auraient   été  ainsi    rédut 
»  bielles  de  petit  volume,  tram 
»  tables  à  de  grandes  dist 
)>  économie.  »  Montgolfîer   ; 
dans  ses  habitudes 
naivë,  cette  apathie 
distractions  qui  rappellent  ion 
le  caraetirede  L  1  I  Frapj  c 


570 


MON 


MON 


d'une  apoplexie  sanguine  et  d'une 
hémiplégie,  qui  lui  otèrent  le  libre 
usage  de  la  parole,  il  s'était  rendu 
aux  eaux  de  Balaruc,  où  il  mourut, 
le  26  juin  181  o.  Il  communiquait 
libéralement,  dans  la  conversation, 
ses  différentes  vues  sur  les  arts; 
mais  il  éprouvait  une  extrême  ré- 
pugnance a  les  fixer  méthodique- 
ment sur  le  papier.  Outre  quelques 
feuilles  perdues  dans  différents  re- 
cueils, on  a  de  lui  :  I.  Discours  sur 
l'aérostat,  i783,in-8°.II.  Mémoire 
sur  la  machine  aérostatique ,  1 784, 
in-8°.  III.  Les  Voyageurs  aériens , 
1 784  ,  in-8'..MM.  Delambre  et  Dé- 
gérando  ont  composé  chacun  l'éloge 
de  Joseph  Mongolfier.  F — t. 

MONTGOLFIER  (Jacques- 
Etienne),  frère  du  précédent,  na- 
quit le  7  janvier  1745  ,  à  Vidalon- 
lès-Annonai.  Envoyé  fort  jeune  au 
collège  de  Sainte-Barbe ,  à  Paris ,  il 
s'y  distingua  dans  ses  études  de  latin 
et  de  mathématiques.  On  le  destinait 
à  l'architecture  ,  et  il  fut  élève  de 
vSouflot.  La  modique  pension  que  son 
père  lui  avait  assignée,  fut  entière- 
ment consacrée  à  acheter  des  livres , 
des  instruments  de  mathématiques  , 
et  à  faire  des  expériences.  Il  em- 
ployait encore  au  même  usage  le  prix 
des  plans  qu'il  était  chargé  de  lever, 
et  faisait  ainsi  servir  les  talents  déjà 
acquis  à  en  acquérir  de  nouveaux. 
Chargé  d'élever  la  petite  église  de 
Faremoutier  ,  détruite  depuis  dans 
la  révolution  ,  ce  fut  en  la  faisant 
bâtir  qu'il  connut  M.  Réveillon.  Ce- 
lui-ci, d'abord  son  protecteur  ,  bien- 
tôt son  ami ,  lui  confia  la  construc- 
tion de  la  manufacture  qu'il  com- 
mençait à  établir  dans  ce  même  vil- 
lage ,  et  plus  tard ,  dans  l'empresse- 
ment de  l'amitié  ,  sacrifia  ses  beaux 
jardins  du  faubourg  Saint- Antoine, 
pour  les  faire  servir  aux  premières 


expériences  des  ballons.  Montgolfier 
était  livré  tout  entier  à  ces  travaux  , 
lorsque  la  mort  de  l'aîné  de  ses  frères 
décida  son  père  à  le  rappeler ,  pour 
le  mettre  à  la  têle  de  sa  manufacture. 
Il  revint  dans  la  maison  paternelle, 
rapportant ,  sous  des  cheveux  blan- 
chis avant  trente  ans  ,  un  trésor 
d'idées  mûries  par  l'étude.  Trop  pro- 
fond mathématicien  pour  donner 
beaucoup  au  hasard  dans  ses  expé- 
riences ,  il  rendit  bientôt  ses  con- 
naissances fructueuses  et  son  éta- 
blissement florissant.  Plusieurs  ma- 
chines nouvelles,  plusieurs  procédés 
plus  simples  introduits  dans  la  fa- 
brication, des  améliorations  dans  les 
colles  ,  dans  les  séchoirs;  1  invention 
des  formes  pour  le  papier  grand- 
monde  ,  alors  inconnu  ;  le  secret  du 
papier  vélin  ;  plusieurs  méthodes  des 
ateliers  hollandais  et  anglais  ,  que  sa 
sagacité  devina  pour  en  faire  présent 
à  son  pays ,  commençaient  à  faire 
connaître  Etienne  ,  lorsque ,  revenant 
de  Montpellier,  où  il  avait  acheté  et 
lu  attentivement  l'ouvrage  de  Pries- 
tley  Sur  les  différentes  espèces  d'air  ; 
réfléchissant  profondément  sur  ce 
livre  ,  en  montant  la  côte  de  Ser- 
rières ,  il  fut  frappé  de  la  possibilité 
de  rendre  l'espace  navigable  en  s'ein- 
parant  d'un  gaz  plus  léger  que  l'air 
atmosphérique.  Il  aprofondit  cette 
idée,  en  médite  les  moyens,  les  ré- 
sultats ,  et  s'écrie  en  rentrant  chez 
lui  :  Nous  pouvons  maintenant  vo- 
guer dans  Vair  !  Celte  idée  ,  alors 
extravagante  pour  tout  autre  ,  com- 
muniquée à  sou  frère  Joseph,  que  des 
rapports  de  goûts ,  d'études ,  et  une 
vive  affection,  avaient  rendu  un  autre 
lui-même  ,  en  fut  reçue  avec  trans- 
port. Les  calculs  ,  les  expériences  , 
tout  se  fit  en  commun  ;  et  nous  nous 
garderons  bien  de  délier  ce  faisceau 
d'amitié  fraternelle ,  en   faisant    à 


MON 

chacun  sa  part  de  gloire,  lorsque 
tous   deux    se  sont  plu  à  la  con- 
fondre.  Après  l'essai  de  plusieurs 
combustibles  ,  du  gaz  inflammable, 
du  fluide  électrique  ;  après  plusieurs 
tentatives  particulières ,  d'abordavec 
des  globes  de  papier  à  Vidalon  ,  en- 
suite par  Joseph  à  Avignon,  avec  un 
ballon  de  tareras  ,  ils  firent,  aux  Cé- 
lestins,  près  d' Annonai,  le  premier 
essai  du  globe  de  1 10  pieds  de  cir- 
conférence avec  lequel  eut  lieu  ,  dans 
Annonai    même  ,   Fexpérience    pu- 
blique du  5  juin  1783  (  V.  l'article 
précédent  ).  Etienne  Montgolfier  fut 
alors  engagé  par  ses  amis  et  par  son 
frère  à  se  rendre  à  Paris,  pour  y  ex- 
poser une  découverte,  dont  la  gloire 
leur  était  commune  ,  et  qu'ils  vou- 
laient utiliser  en  l'employant  à  l'ex- 
ploitation des  beaux  bois  qui  cou- 
ronnent les  montagnes,  et  que  la  dif- 
ficulté des  transports  rend  inutiles. 
L'expérience  aérostatique  fut  répé- 
tée devant  la  cour,  à  Versailles  ,  et 
avec  plus  de  hardiesse  au  château  de 
La  Muette  (  V.  l'article  précédent  ). 
Une  médaille  de  18  ligues  ,  frappée 
au  moyen  d'une  souscription  sous  la 
direction  de  M.Faujas  de  Saint-Fond, 
et  portant  l'effigie  des  deux  livres  , 
et  une  autre  d'un  plus  grand  module 
(  'i'i  lignes  ),  rappellent  ces  di\ 
ascensions.  Les  deux  Montgolfier  fu- 
rent nommés  correspondants  de  l'a- 
cadémie des  sciences.  Etienne  ,  pré- 
senté à  la  cour,  fut  décoré  du  cor- 
don de  Saint-Michel  ;  et  cette  faveur 
ne  pouvant  se  partager,  il  obtint 
pour  Joseph  une  pension  de  mille 
francs,  et  accepta,  pour  son  vieux 
père,  des  lettres  de  noblesse,  qu'il 
avait  refusées  pour  lui-même.  Qua- 
rante mille  frai;  inés  à  des 
expériences    diri  s    un    but 
utile,  lui  furent   remis   pai    i 
XVI.  Les  matériaux  étaient  achetés. 


MON 


57i 


mis  en  œuvre  par  MM. Montgolfier, 
et  leurs  expériences  commençaient , 
lorsque  la  révolution  vint  tout  sus- 
pendre. Le  caractère  d'Etienne  était 
trop  simple  ,  trop  étranger  à  la  va- 
nité ,  pour  qu'il  fût  ébloui  de  l'en- 
thousiasme qui  l'accueillait  à  Y<  1  - 
sailles  et  à  Paris  ;  mais  il  fut  très- 
flatté  de  l'estime  ,  et  très-touche  des 
sentiments   que  lui  montrèrent  les 
savants  et  les  hommes  les  plus  dis- 
tingués, Malesherbes,  Lavoisicr,  La 
Rochefoucauld,  Boissy  d'Anglas,  etc. 
Rentré  dans  sa  manufacture  ,  et  con- 
tinuant à  s'en  occuper  dans  le  même 
esprit  d'amélioration,  Etienne  reprit 
ses   entretiens   et   ses  .études    avec 
Joseph  ;  tous  deux  travaillèrent  à 
l'invention  du  bélier    hydraulique  : 
plusieurs  changements  heureux  in- 
troduits dans  la  fabrication  du  pa- 
pier ,  sont  également  dus  à  l'associa- 
tion de  leurs  idées.  Dénoncé  plusieurs 
fois  pendant  la  terreur  ,  Etienne  ne 
fut  sauvé  d'une  arrestation  qui  équi- 
valait à  un  arrêt  de  mort ,  que  par 
l'affection  de  ses  nombreux  ouvriers. 
Mais  en  vain  la  chute  de  Robespierre 
leva  le  couteau  suspendu  sur  tant  de 
têtes  :  la  mort  de  ses  amis,  les  mal- 
heurs de  sa  patrie ,  avaient  rempli 
son  ame  d'un  chagrin  profond;  une 
maladie  au  cœur  commençait  à  se 
développer  :  il  se  rendit  à  Lyon  avec 
sa  famille  ;  mais  les  secours  Cic  la 
médecine  devenant  inutiles,  il  pics 
sentit  sa  fin  prochaine.  Voulant  épar- 
gner à  sa  femme  et  a  ses  enfants  le 
spectacle  de  sa  mort,  il  partit  seul 
pour  Annonai,  après  avoir  mis  or- 
dre à  ses  affaires;  et,  comme  il  l'avait 
prévu,  il  mourut  en  chemin  ,  à  der- 
rières ,  le  1  août  1 74  X. 

MONTGOMMERY(Jac( 
(1)  de  ),  seigneur  de  Lorges,  dans 

(1)  Quelque*  antaiM  i'apptlleat  François;  ftl»- 
réri  écrit  Monçomtri. 


572  MON 

l'Orléanais ,  fut  nn  des  plus  vaillants 
guerriers  du  seizième  siècle.  Il  était 
fils  de  Robert  de  Montgomracry,  ve- 
nu d'Ecosse  en  France,  au  commen- 
cement du  règne  de  François  Ier. ,  et 
qui  se  mit  au  service  de  ce  prince. 
Robert  était  lui-même  petit-fils  d'A- 
lexandre de  Montgommery,  descen- 
dant des  comtes  d'Égland  en  Ecosse; 
et  il  e'tait  parent,  par  les  femmes, 
du  roi  d'Ecosse,  Jacques  Ier.  La  fa- 
mille de  Montgommery,  établie  en 
Fiance,  prouvait  ainsi,  qu'elle  faisait 
partie  de  la  célèbre  maison  de  Mont- 
gommery d'Angleterre;  car  les  com- 
tes d'Égland  sortaient  d'un  puîné  de 
cette  famille  illustre.  Quoi  qu'il  en 
soit ,  Jacques  de  Montgommery,  plus 
connu  sous  le  nom  de  capitaine  de 
Lorges,  sedistingua  de  bonne  heure 
par  son  courage  à  la  cour  de  France, 
composée  de  tant  de  vaillants  che- 
valiers. On  l'a  toujours  regardé  com- 
me l'auteur  de  l'accident  arrivé  à 
François  Ier. ,  au  commencement  de 
l'an  1 5f2 1 .  La  cour  était  à  Romoran- 
tin  :  le  roi ,  accompagné  d'un  grand 
nombre  de  jeunes  seigneurs,  aussi 
étourdis  que  lui ,  s'avisa  d'aller  as- 
siéger le  comte  de  Saint-Pol ,  dans 
sa  maison.  Ce  dernier  avait  avec  lui 
^plusieurs  de  ses  amis ,  et  entre  autres 
le  capitaine  de  Lorges  :  ils  soutinrent 
l'assaut  en  se  défendant  avec  des  bou- 
les de  neige,  des  œufs  et  des  pommes 
cuites  ;  on  s'échauflfa  bientôt ,  et  à 
défaut  d'autres  armes,  l'imprudent 
Montgommery  saisit  un  tison  ar- 
dent, qu'il  lança  sur  les  assaillants: 
le  roi  fut  atteint,  et  dangereusement 
blessé  au  menton.  On  sait  que  ce  fut 
l'origine  de  la  coutume  qui  dura 
près  de  cent  ans  en  France,  de  por- 
ter les  barbes  longues  et  les  cheveux 
courts.  Dans  la  même  année,  \Sit7 
le  capitaine  de  Lorges  ravitailla  Mc- 
Zîères,  assiégé  par  l'armée  de  Char- 


MON 

les-Quint,  et  que  Bayard  n'eût  pu  dé- 
fendre long  -temps  sans  ce  secours-. 
Les  combats  singuliers  étaient  encore? 
fort  en  usage  dans  ce  temps  :  Lorges 
en  donna  un  nouvel  exemple  pen- 
dant ce  siège;  il  proposa  aux  Impé- 
riaux un  combat  à  pied  et  à  la  pique, 
qui  fut  accepté  et  soutenu  par  un 
chevalier  de  la  maison  de  Vaudriel  : 
aucun  des  deux  tenants  n'eut  un  avan- 
tage marqué  (  i  ).  Le  capitaine  de  Lor- 
ges, pour  soutenir  les  prétentions  de 
sa  naissance,  acheta,  en  i543,  le 
comté  de  Montgommery ,  en  Nor- 
mandie ,  qu'il  disait  avoir  appartenu 
à  ses  ancêtres.  En  1 545 ,  il  succéda  à 
Jean  Stuart ,  comte  d'Aubigny,  dans 
la  charge  de  capitaine  de  la  garde 
écossaise  du  roi  ;  il  avait  été  colonel 
de  l'infanterie  française  en  Piémont. 
Il  mourut  plus  qu'octogénaire  ,  vers 
i56o  ,  laissant  plusieurs  enfants  , 
tous  connus  par  leur  courage;  le  plus 
célèbre  fut  l'aîné ,  dont  l'article  suit, 
D— is. 
MONTGOMMERY  (Gabriel  de) 
hérita  de  la  valeur  de  son  père.  Dès 
l'année  1 545  ,  il  passa  en  Ecosse,  à 
la  tête  des  secours  que  François  Ier» 
envoyait  à  la  reine  Marie  de  Lorrai- 
ne, mère  de  Marie  Stuart,  et  régente 
pendant  la  minorité  de  sa  fille.  Ce 
fut  lui  que  Henri  II  chargea  d'exécu- 
ter ses  ordres ,  au  mois  de  juin  1 55g , 
lorsqu'il  fit  arrêter  dans  le  parlement 
quelques  conseillers  (2)  qui  avaient 
embrassé  les  nouvelles  doctrines  re- 
ligieuses. Mais  ce  qui  a  surtout  ren- 
du Montgommery  célèbre,  c'est  le 
malheur  qui  lui  arriva  peu  de  temps 
après;  malheur  qui  eut  des  suites 
terribles  pour  lui  et  pour  la  France. 
Henri  II  avait  conclu  les  mariages  de 


(l)  Ce    combat  ne  fut   pas  le   seul    donné  sous   le* 
liims  de  Me-/ ilrcs.  V.  Aune  DE  MOSTMOr.EKCI. 
(?.)  V.  Aune  DU30tRCT. 


MON 

sa  fille  et  de  sa  sœur:  ii  donna  des 
fêtes  magnifiques  à  cette  occasion, 
entre  autres  un  tournoi,  dont  la  rue 
Saint- Antoine  devait  être  Je  théâtre. 
Ce  tournoi  commença  ;  et  le  prince, 
jaloux  de  montrer  son  adresse  qui 
était  fort  remarquable  dans  les  exer- 
cices du  corps,  quoiqu'il  ne  lïit  plus 
Jeune,  se  mit  du  nombre  des  jou- 
teurs :  le  troisième  et  dernier  jour  du 
tournoi  (  3o  juin  ),  Henri  se  relirait 
avec  les  honneurs  du  combat  ,  quand 
il  voit  deux  lances  qui  restaient  sus- 
pendues sans  avoir  été  empîoye'es  ; 
il  en  prend  une,  et  ordonne  à  Mont- 
gommery  de  s'armer  de  l'autre  : 
celui  -  ci  résiste  d'abord  ,  soit  par 
crainte  de  choquer  l'amour  -  propre 
du  roi  ,  s'il  l'emportait  sur  lui ,  car 
il  e'tait  habile  dans  ces  sortes  de 
jeux ,  soit  que  le  souvenir  de  la  fu- 
neste aventure  arrivée  à  son  père, 
lui  inspirât  de  la  défiance  et  quel- 
que triste  pressentiment;  enfin  il  n'o- 
béit que  quand  il  vit  Henri  s'of- 
fenser de  sa  résistance.  Le  premier 
choc  des  deux  combattants  fut  terri- 
ble :  Montgommery  avait  rompu  sa 
lance ,  et  par  une  imprudence  qu'ex- 
plique la  chaleur  de  l'action  ,  il  ne 
jeta  pas  le  tronçon  brisé  qui  lui  res- 
tait clans  la  main  ;  le  roi  en  fut  trap- 
pe avec  tant  de  force,  que  la  visière 
de  son  casque  se  levant,  laissa  un 
passage  au  bois  de  la  lance,  qui  en- 
tra au-dessus  de  l'œil  droit ,  et  tra- 
versa la  tête.  Le  malheureux  prince 
tomba  en  perdant  la  connaissa 
qu'il  ne  retrouva  plus  jusqu 
mort  (  i  ).  H  fallut  un  événement  aussi 
trafique  pour  dégoûter  les  Français 

(t)  La  Ii  lli.i  '    (nu  ||,.  H,  ,,i  i  II 

Ï|  ODM    ileruir;  p,  ,,,1V(.     |  , 

tovetf  ii.->  or  Irei  qu'on  lu.  i 
s.-i  vi.timi  <ir  -mi  meurtri?!  >< 
d<-  tfuiitfominerj  1 1."' 
ty.r  lieu  .1  .me  une  poi.i 
le  prince  :iit  inonde  .1 
•ou  ri  |ae,  comme  tant 


WON  3;  3 

de  ces  dangereux  combats  (i) ,  qui 
avaient  fait  dire  à  un  sage  étranger, 
que  si  c'était  tout  de  bon,  ce  n  était 
pas  assez  ,  et  que  si  c'était  un  jeu , 
c'était  trop.  Montgommery  sentit 
qu'après  son  malheur,  il  était  dé- 
placé à  la  cour,  et  que ,  si  son  inno- 
cence le  mettait  à  l'abri  de  tout  dan- 
ger, elle  ne  le  garantirait  pas  de  la 
haine  d'une  reine  violente ,  blessée 
dans  ses  plus  chères  affections.  Il  se 
retira  dans  ses  terres  de  Normandie , 
et  en  partit  pour  voyager  en  Italie 
et  en  Angleterre.  L'année  1 56a  vit 
éclater  la  première  de  ces  guerres 
de  religion  qui  désolèrent  la  France 
pendant  trente  ans.  Montgommery  r 
zélé  sectateur  de  la  nouvelle  crovan- 
ce,  revint  dans  sa  patrie;  et  oubliant 
que  ,  chargé  d'un  régicide  involon- 
taire, il  ne  lui  restait  plus  qu'à  sacri- 
fier sa  vie  pour  la  veuve  cl  les 
fants  du  prince  auquel  il  l'avait  ôléc , 
ou  du  moins  à  se  condamner  à  l'obs- 
curité ,  il  se  fit  remarquer  parmi  les 
ennemis  du  gouvernement.  Renfermé 
dans  Rouen  qu'il  défendit  contre  l'ai- 
mée royale,  il  ne  put  en  empêcher 
la  prise,  et  eut  beaucoup  de  peine  à, 
se  sauver.  S'étant  jeté  dans  un  ba- 
teau sur  la  Seine  ,  ii  rencontra  une 
chaîne  de  fer  qui  barrait  la  rivière 
pour  empêcher  l'approche  des  se- 
cours de  l'Angleterre  :  à  force  de 
bras  et  de  rames,  il  passa  par-des- 
sus; se  relira  au  Havre,  et  se  jeta 
ensuite  sur  la  Basse-Normandie,  où 
il  ne  fit  rien  de  remarquable.  L'édit 
de  pacification  de  1 5G">  mit  lin 
expéditions.  lise  réunit  aux  protes- 
tants armés,  en  1 5 65. On  lesom 
commîtes  autres  cUvl's  des  réi 
de  mettre  L'as  les  armes,  ou  d 
clarer  qu'il  {>'•; 
bellion;  cet  acte  d<-  fermeté  amena 


Tram».  ^.Uks 


.tut  |>  i 
mil. 


574 


MON 


quelques  négociations  inutiles ,  sui- 
vies de  la  bataille  de  Saint-Denis. 
Pendant  la  troisième  guerre  civile  , 
Montgommery  devint  l'un  des  prin- 
cipaux chefs  des  Huguenots.  En  1 569, 
il  rassembla,  à  la  hâte ,  une  petite  ar- 
mée dans  le  Languedoc,  et  se  rendit 
dans  le  Béarn,  que  les  troupes  roya- 
les avaient  envahi  ;  il  les  attaqua  ,  les 
battit,  et  força  le  chef  qui  les  com- 
mandait à  se  renfermer  dans  Orthez. 
Bientôt  la  place  fut  emporte'e  d'as- 
saut ,  et  le  général  fait  prisonnier. 
Tout  le  Béarn  fut  reconquis  ;  et  cette 
expédition  ,  conduite  avec  autant  de 
sagesse  que  de  courage  et  d'activité, 
valut  ta  Montgommery  les  applau- 
dissements des  catholiques  comme 
des  protestants.  Vers  le  même  temps, 
il  fut  condamné  à  mort ,  de  même 
que  Coligni ,  par  le  parlement  de 
Paris  ;  la  sentence  fut  exécutée  en  ef- 
figie. La  paix  de  Saint-Germain,  con- 
clue l'année  suivante,  le  rendit  au 
repos.  11  était  à  Paris  ,  lorsqu'eut 
lieu  la  Saint-Barthélemi  (  1572  ). 
Demeurant  au  faubourg  Saint-Ger- 
main ,  il  est  averti  du  danger,  avant 
que  le  massacre  commence  dans  ce 
quartier  ;  il  monte  à  cheval  avec  quel- 
ques personnes  prévenues  comme 
lui  ou  par  lui,  et  se  sauve  au  grand 
galop.  L'importance  de  Montgom- 
mery dans  son  parti ,  avait  fait  don- 
ner des  ordres  particuliers  pour  l'en- 
velopper dans  la  proscription  :  aussi 
fut  -  il  poursuivi  avec  acharnement 
jusqu'au-de  là  de  Montfort-l'Amauri, 
à  dix  lieues  de  Paris  ;  et  il  n'échappa 
aux  assassins  que  par  la  vitesse 
d'une  jument  qu'il  montait,  et  sur 
laquelle,  dit  un  manuscrit  du  temps, 
il  fit  trente  lieues  tout  d'une  erre. 
Montgommery  se  réfugia  dans  l'île 
de  Jersey ,  et  de  là  en  Angleterre  , 
où  il  avait  marié  une  de  ses  filles 
a  un  amiral  anglais.  En  avril  i573, 


MON 

il  parut  devant  La  Rochelle  ,  assié- 
gée par  l'armée  royale;  il  comman- 
dait une  flotte  ramassée  en  Angle- 
terre, et  qu'Elisabeth ,  sur  les  plain- 
tes de  Charles  IX ,  désavoua  ,  et 
déclara  être  un  rassemblement  de 
pirates  :  celle  flotte  était  plus  fai- 
ble que  celle  de  France ,  contre  la- 
quelle Montgommery  ne  voulut  pas 
se  compromettre.  Un  seul  de  ses 
vaisseaux,  chargé  de  poudre,  entra 
dans  la  Rochelle;  il  remmena  les  au- 
tres, on  ne  sait  pas  précisément  par 
quelle  raison,  en  annonçant  d'autres 
secours  plus  considérables  aux  Ro- 
chellois.  Dans  sa  retraite,  il  exerça 
quelques  ravages  sur  les  côtes  de 
Bretagne,  et  rentra  en  Angleterre. 
Les  protestants  ne  restèrent  pas 
long-temps  tranquilles ,  parce  qu'on 
ne  tarda  pas  de  porter  atteinte  aux 
privilèges  qu'on  avait  été  contraint 
de  leur  accorder.  Montgommery  re- 
passa en  Normandie,  où  les  rebelles 
vinrent  en  grand  nombre  se  mettre 
sous  ses  ordres.  Après  avoir  pris 
quelques  villes ,  il  se  trouva  investi , 
dans  Saint-Lo ,  par  Matignon ,  qui 
commandait  dans  cette  province,  et 
qu'on  avait  mis  principalement  à  la 
poursuite  de  Montgommery.  Ce  der- 
nier soutint  Je  siège  pondant  cinq 
jours,  et  s'échappa,  accompagné  de 
quelques  cavaliers  ,  en  forçant  une 
des  gardes  ennemies ,  au  travers 
d'une  grêle  de  balles.  Il  se  retira  à 
Domfront ,  où  Matignon  l'atteignit , 
et  l'attaqua  avec  des  forces  supé- 
rieures; Monigommery,  qui  n'avait 
pas  deux  cents  hommes  ,  ne  tarda 
pas  à  quitter  la  ville  pour  se  renfer 
mer  dans  le  château  :  il  s'y  défendit 
quelques  jours  ,  en  s'exposant  lui- 
même  plus  qu'aucun  de  ses  soldats; 
enfin ,  après  avoir  soutenu  un  assaut 
des  plus  furieux ,  se  voyant  privé 
de  la  plupart  de  ses  compagnons 


MON 

par  le  feu  des  ennemis ,  et  par  la 
désertion,  il  se  rendit,  le  27  niai. 
Montgommery  avait  demandé  sa  vie 
sauve  par  la  capitulation  ;  mais  Ma- 
tignon, qui  connaissait  l'implacable 
Catherine  de  Médicis,  n'avait  promis 
a  son  prisonnier  que  la  vie  et  les 
plus  grands  égards,  tant  qu'il  serait 
entre  ses  mains.  Ce  fait,  atteste 
par  d'Aubigué  Lui-même,  démontre 
la  fausseté  de  l'assertion  de  plusieurs 
historiens  protestants,  qui  prétendent 
que  la  capitulation  de  Domfront  fut 
violée  par  le  jugement  et  la  mort  de 
Montgommery.  La  joie  de  la  reine- 
mère  fut  extrême,  quand  elle  apprit 
les  succès  de  son  armée  ;  elle  voulut, 
mais  en  vain  ,  la  faire  partager  à 
Charles  IX,  que  les  approches  d'une 
mort  triste  et  prématurée  rendaient 
insensible  à  tout  (1).  Le  prisonnier 
fut  amené  à  Paris ,  et  renfermé  dans 
une  des  tours  de  la  conciergerie  du 
Palais,  qui  a  retenu  son  nom.  Ca- 
therine de  Médicis,  régente  par  la 
mort  de  son  Cùs  ,  nomma  des  com- 
missaires pour  juger  Montgommery, 
qu'on  accusa  de  complicité  dans  la 
conspiration  de  l'amiral  de  Coligni; 
mais  l'arrêt  qui  le  condamna  à  per- 
dre la  tête,  fut  principalement  mo- 
tivé sur  le  crime  d'avoir  arboré  un 
pavillon  étranger,  quand  il  était 
venu  au  secours  des  Rocliellois.  Ses 
enfants  furent  dégradés  de  noblesse  . 
S'ils  n'ont  pas  la  vertu  des  nobles 
pour  s'en  relever  ,  dit  fièrement 
Montgommery  ,  lorsqu'il  entendit 
cette  disposition  de  l'arrêt,  je  con- 
sens à  la  dégradation.  Après  avoir 
subi  une  barbare  et  mutile  question, 
il  fut  amené' sur  la  place  de  Grève, 
vêtu  de  deuil,  monta  sur  l'échafaud 
avec  assurance  ,1  ,in  assez 


..-oiatue  de  toute  autre  c' 


MON  575 

long  discours  aux  spectateurs  placés 
du  coté  de  la  rivière,  discours  qu'il 
répéta  à  ceux  qui  étaient  placés  du 
coté  opposé  :  s'agenouillant  ensuite 
auprès  du  poteau,  il  dit  adieu  à  l'un 
de  ses  amis  qu'il  aperçut  dans  la 
foule;  et,  sans  avoir  souffert  qu'on 
lui  bandât  les  yeux,  il  reçut  le  coup 
mortel,  le  27  mai  1374.  Ainsi  pé- 
rit Montgommery ,  d'abord  malheu- 
reux ,  et  ensuite  coupable.  La  haine 
implacablede  Médicis  pour  l'innocent 
meurtrier  de  son  époux  ne  contribua 
pas  peu  à  le  jeter  dans  la  révolte , 
et  doit  diminuer  sa  faute.  C'était  un 
des  meilleurs  capitaines  de  son  temps, 
et  il  semblait  destiné  à  remplacer 
dans  son  parti  Condé  et  Coligni  :  ou 
admirait  son  courage  héroïque;  il 
entendait  l'attaque  des  places,  et 
donna  plus  d'une  preuve  de  son  ta- 
lent pour  les  défendre  :  le  malheur 
ne  l'abattit  jamais,  et  il  savait  tirer 
des  ressources  même  des  événements 
contraires.  Mais  ses  exploits  furent 
souillés  par  des  cruautés  que  l'his- 
toire nous  montre  inséparables  des 
guerres  de  religion.  Il  laissa  plusieurs 
enfants  d'Elisabeth  de  la  Touche, 
qu'il  avait  épousée,  en  1  :>',<).  Us  ne 
démentirent  point  la  noblesse  de  leur 
origine;  et  l'arrêt  porté  contre  leur 
père  et  contre  eux  n'entacha  jamais 
leur  réputation.  Gabriel,  l'aîiu 
fils,  n'eut  qu'une  fille,  épouse  de 
Jacques  de  Durfort  de  Duras  ,  au- 
quel elle  apporta  la  seigneurie  de 
Lorges,  qui  est  restée  dans  cette  fa- 
mille. Jacques,  le  second,  eut  plu- 
sieurs enfants.  D — is. 

MONTGOMMERY  (Richard), 
général  américain,  ne',  en    1 
dans  le  nord  de  l'Irlande ,  embrassa. 
jeune,  la  profession  des  arm< 
servil ,  en  icier 

dans  li  guerre  du  Canada 
calm   .  A  la  paix .  il  obtint  sa  démis- 


sion,  acheta  une  iVrmc  dans  la  pro- 
vince de  New-York,  et  épousa  la  fille 
d'un  juge  de  cette  ville.  Lors  de  la 
lutte  des  Américains  contre  les  An- 
glais ,  il  offrit  de   combattre  pour 
l'indépendance  des  colonies ,  et  fut 
nomme, avec  Sclîuyler, commandant 
d'une  petite  aimée  destinée  à  agir 
dans  le  Canada,  où  les  Anglais  n'a- 
vaient alors   que   peu  de  troupes. 
Schuyler  étant  tombé  malade  dans 
la  route  ,  la  conduite  de  l'expédition 
resta  à  Montgommery;  il  avait  sous 
ses  ordres  3ooo  hommes  de  milices, 
mal  vêtus  et  mal  disciplinés,  et  son 
parc    d'artillerie  se    composait    de 
quelques  pièces  du  plus  petit  calibre: 
encore  manquait-il  de  munitions.  Ce 
fut  avec  des  forces  si  peu  imposantes 
qu'il  osa  tenter  de  chasser  les  Anglais 
du  Canada.  Il  commença  par  gagner 
l'affection  des  habitants ,  qui  pou- 
vaient retarder  sa  marche,  et  qui 
lui  rendirent  au  contraire  beaucoup 
de  services.  Ayant  reçu  quelques  se- 
cours qu'il  avait  demandes  ,  il  s'em- 
para du  fort  Chambly,  où  il  trouva 
i  '28  barils  de  poudre ,  qui  lui  furent 
très-utiles  pour  reprendre  le  siège  du 
fort  Saint-Jean  ,quele  manque  de  mu- 
nitions l'avait  obligé  d'interrompre. 
1 1  reduisi  t  ensuite  la  ville  de  Montréal, 
où  il  s'arrêta  pour  faire  habiller  ses 
soldats  presque  nus  au  milieu  de  l'hi- 
ver, et  se  mit  en  marche  pour  join- 
dre le  colonel  Arnold  ,  qui  se  dispo- 
sait à  assiéger  Québec  (  F.B.  Arnold, 
II,  5r2o  ).  Malgré  les  mauvais  che- 
mins ,  rendus  presque  impraticables 
par  les  neiges ,  il  fit  tant  de  diligence, 
qu'il  arriva  devant  cette  ville,  le  5 
décembre  1 773.  Après  avoir  cherché 
vainement  à  intimider  le  gouverneur 
de  Québec,  en  exagérant  ses  forces  et 
ses  dispositions  militaires,  il  dressa 
une  batterie  de  six  pièces  à  700  toises 
des  murailles  j  mais  elle  ne  produisit 


>s 

! 


MON 

ar.cufi  effet.  Cependant,  les  troup 
souffraient  beaucoup  delà  rigueur  d 
froid;  et  il  paraissait  impossible  d 
les  maintenir  long-temps  dans  un 
position  aussi  critique  :  Montgom 
mery  se  décida  donc  à  tenter  l'esoa 
lade.  Il  concerta  toutes  ses  disposi 
tions  avec  Arnold  ;  et  le  3 1  deeem 
bre ,  à  cinq  heures  du  matin  ,  favo 
nsé  par  la  neige  qui  tombait  à  gros 
flocons  ,  il  s'avança  contre  la  bass 
ville  ,  à  la  tête  de  sa  division,  tar.d 
qu'Arnold  attaquait  la  ville  haute 
il  s'empara  de  la  première  barrière 
et  il  poussait  courageusement  vers  1 
seconde ,  quand  une  décharge  d'artil- 
lerie le  renversa  mort  avec  son  aide- 
de-camp  ,  et  plusieurs  personnes  ds 
sa  suite.  Le  corps  du  malheureux 
général  fut  apporté,  le  lendemain  ,  ù 
Québec,  et  enterré  avec  tous  les  ho 
ncurs  dus  à  son  rang.  Sa  mort  fi 
pleurée  par  les  Anglais  ,  comme  pi 
les  Américains.  En  Angleterre ,  h 
orateurs  les  plus  éloquents  de  l'oppc 
sition  le  comblèrent  à  l'envi  d'éloges 
et  le  ministère  même  rendit  un  juste 
hommage  à  ses  vertus.  Le  congrès 
lui  consacra  un  monument,  dont 
l'exécution  fut  confiée  à  J.  -  J.  Caf- 
fieri,  sculpteur  français  ;  ce  monu- 
ment est  placé  au-devant  de  la  prin- 
cipale église  de  New-York.  "W — s. 

MONTGON  (L'abbé  Charles-  ( 
Alexandre  de),  né  à  Versailles  eu  1 
1G90,  fut  élevé  à  la  cour,  où  il  se 
fit  remarquer ,  dans  sa  première  jeu- 
nesse ,  par  son  esprit  et  par  ses  dis 
positions  précoces.  On  le  destinai 
à  l'état  ecclésiastique;  il  fit  sa  thé 
logie  avec  beaucoup  de  succès, 
reçut  les  ordres  sacrés.  Il  vivait  re 
tiré,  depuis  quelques  mois,  chez  u 
de  ses  parents  en  Auvergne,  lor: 
qu'il  apprit  l'abdication  de  Phi 
lippe  Y ,  roi  d'Espagne  :  il  conçu 
aussitôt  le  désir   de  s'attacher-  a 


MON 

service  d'un  monarque  si  religieux  , 
et  en  fit  part  au  P.  Bermudez,  con- 
fesseur   du   roi  ,    qui    lui   répondit 
d'une  manière cont'onne  à  ses  vœux. 
Avant  son  départ,  il  revint  à  la  cour, 
et  annonça  au  duc  de  Bourbon   les 
motifs  de  son  voyage  à  Madrid.  Le 
duc ,  le  jugeant  propre  à  nue  i 
dation,  le  chargea  de  t: 
secret  à  aplanir   les  diilicul'- 
s'étaient  élevées  entre  les  deux  c 
On  sait  que  la  mort 
son  fils  Louis    obligea  Philippe   V 
à  reprendre  le  sceptre  quel 
après  l'avoir  quitte  (  /'.  Lotis  Ier.  ) 
L'abbé  de  Montgon,  qui  avait  compté 
vivre  dans  la  retraite,  se  trouva  ra- 
mené malgré  lui  à  la  cour.  11  gagna 
la  confiance  du  roi  Philippe,  qui  le 

gea  d'une  mission  en  Portugal; 
et  il  revint  bientôt  après  en  France, 
avec  une  commission  de  ce  prince 
pour  intriguer  sous  main  ,  afin  de  lui 
assurer  la  succession  a  la  couronne, 
dans  le  cas  où  Louis  XV  mourrait 
sans  héritier  (  Voy.  les  Mémoires  de 
Noailles,  v,  i39etsuiv.)  L'abbé  de 
Montgon  avait  l'ordre  de  ne  point 

1  entrevoir  au  cardinal  de  Fleu- 
ri ,  qu'il  lut  chargé  d'aucune  affaire. 
niant ,  dès  les  premiers  entre- 
tiens qu'il  eut  avec  le  vieux  ministre, 
tout  en  lui  laissant  apercevoir  beau- 
coup de  défiance,  il  lui  communiqua 
jusqu'à  l'instruction  qu'il  avait  reçue 
a  son  départ  de  Madrid.  Cet* 

ssé  le   perdit  tout -à  -fait  dans 

iritdu  cardinal,  qui  arrêta  faci- 
lement toutes  ses  intrigues ,  en  l'é- 
loignant  de  Versailles,  tue  lettre  de 
cachet  l'exila  en  i^3a,  a  Douai;  et 
a  peine  était-  il  arrivé  dans  cette 
\  i!le,  qu'on  s'empara  de  toi; 
papiers,  l'ai  vain  i!  tenta  de  Qéchir 
ie  cardinal  par  les  lettres  les  plus 
suppliantes:  le  ministre  u'j  répondit 
point .  e!  défendit  a  ceux  qu'il 
XXIX. 


MON  577 

çonnaitde  conserver  qiu-Iquealtache- 
ment  pour  cet  a],!  é,  de  jamais  lui  en 
parler.  Montgon  se  retira  a  Sarliève, 
dans  les  Pays-lias,  et  chercha  ui 
traction  à  son  chagrin,  en  rédigeant 
les  Mémoires  de  ses  différentes  négo- 
ciations, dans  les  cours  c?Es\ 
et  de  Portugal,  depuis  i  70.5 jusqu'à 
1731.  Il  ne  les  fit  imprimer  qu'a- 
près la  mort  du  cardinal  de  Fleury 
tant  il  craignait  d'augmenter  son  mé- 
contentement :  mais  par-là  même  il 
perdit  Punique  moyen  qu'il  avait 
d'intéresser,  en  piquant  la  curiosité. 
Quand  ses  Mémoires  parurent,  toute 
la  cour  était  renouvelée:  il  n'y  avait 
plus  personne  qui  se  souvi.it  encore 
de  l'abbé  de  Montgon.  Il  passa  le 
reste  de  sa  vie  dans  l'exil ,  et  mourut 
octogénaire,  et  tout-à-fait  oublié, 
en  1770.  Les  Mémoires  de  Mont- 
gon forment 8  vol.  in-12,  impj 
à  la  Haye,  a  (;  Lausanne, 

de  1745  à  17  V>:  ils  renfermn  > 
particularités  intéressantes;  mais  ils 
sont  écrits  avec  une  diffusion  qui  eu 
rend  la  lecture  peu  agréable,  ! 
teur   paraît  sincère,  et  a;: 
coup   d'impartialité  :  mais   il 
tant   eu  à   se  plaindre  de    FI 
qu'on  ne  peut  douter  qu'il  n'ai 
géré  les  reproches  dont  il  cbar| 
minis  pis  Feron  avait 

entrepris  une  traduction  italien] 
Mémoires  de  Montgon  j  le  pr< 
volume    a     par 

1753;  in  8°.    Voy.  li    Met  h.  pour 
étitd.  Vhist.  de  Lenglet-Dufresnoy 
tom,  xii,  3  (o.)Le  portrait  de  Mont- 
gon a  été  gravé  par  Tanjéj  d'après 
II iiber,  pour  être  placé  a  la  t« 
son  ouvra;  AN  ->. 

MONTH  \SSli; 
Ismael  Ai.  \  dixième  et  dernier  prin- 

(1    (  »n  avail  1 
dei   lettres   >i   mimoli 


ce  de  la  dynastie  des  Samanides, 
dans  la  Perse  Orientale,  fut  arrête  à 
Bokhara,  Tan  38g  de  l'hégire  (999 
de  J. -G.),  avec  ses  frères,  Maûsour, 
Abdel  mclek  et  les    antres  rejetons 
de  cette  illustre  famille,  par  ordre 
d'ïlek-Khan,  roi  du  Turkcstan,  qui 
les  fit  tous  renfermer  dans  des  pri- 
sons séparées  (  V.  âbdelmelek  ii, 
J,  56,  et  Mansour  h,  XXVI,  5ao> 
Monthasser ,  délivré  par  un  esclave 
dont  il  emprunta  les  habits,  se  sau- 
va dans  le  Kharizm.  ïl  y  leva  des 
troupes,  défit  celles  qu'Jlek  -  Klian 
avait  laissées  dans  leMawar-al-Nahr, 
et  rentra  dans  Bokhara  aux  accla- 
mations universelles;  mais  bientôt 
l'approche  du  roi  du  Turkeslan  l'o- 
bligea d'en  sortir,  et  de  repasser  le 
Djiltoun.  11  vint  dans  le  Khoraçan  , 
dont  Mahmoud  le  Ghaznevide  était 
resté  maître,  vainquit  le  gouverneur 
Naser,  frère  de  ce  sulthan,  et  s'em- 
para de  Wischabour.  Naser  étant  re- 
venu avec  de  nouvelles  forces ,  Mon- 
thasser abandonna  le  Khoraçan,  et 
se  retira  dans  le  Djordjan,  où  ré- 
gnait Cabous.  Ce  prince,  que  la  re- 
connaissance avait  attaché  aux  Sa- 
manides  (  V.  Cabous  ,  au  Suppl.  ) , 
reçut  Monthasser  avec  les  plus  grands 
honneurs,  lui  offrit,  ainsi  qu'à  tous 
ses  officiers,  de  très-riches  présents, 
et  lui  conseilla  d'attaquer  les  étals 
de  Réi,  déchirés  alors  par  les  fac- 
tions (  V.  Medjd-ed-Daulaii  )  ;  il 
lui  fournit  même  des  troupes  com- 
mandées par  ses  propres  fils ,  qui  de- 
vaient aider  ensuite  le  prince  sama- 
nide  à  remonter  sur  le  trône  de  ses 
ancêtres.  Monthasser  se  présenta  de- 
vant Iiéi;  mais,  quelques  jours  après, 
ses  généraux,  gagnés  par  le  gouver- 
neur de  la  place,  inspirèrent  à  leur 
maître  de  la  défiance  sur  les  inten- 
tions de  Cabous,  et  lui  persuadèrent 
de  lever  le  siège.  11  marcha  sur  Nis- 


chabour ,  que  la  fuite  de  Naser  lui 
soumit  encore;  et  il  s'y  rendit  odieux 
par  les  extorsions  que  la  nécessité 
l'obligea  de  commettre.  Vaincu  pai 
les  troupes  ghaznevides ,  il  voulut 
gagner  le  Djordjan;  mais  Cabous  i 
dont  il  n'avait  pas  su  ménager  l'a- 
mitié ,  lui  en  ferma  tous  les  passa- 
ges. Monthasser  ayant  puni  de  mort, 
le  général  dont  les  conseils  perfides 
l'avaient  privé  d'un  si  utile  aiiié  ;  cet- 
te exécution,  quoique  juste,  lui  aliéna 
une  partie  de  ses  troupes.  Quelques 
secours,  qu'il,  reçut  à  Scrakhs,  ne 
l'empêchèrent  pas  d'être  battu  com- 
plèlemenl  par  Naser.  Il  s'enfuit  dans 
le  désert ,  où  il  enrôla  sous  ses  dra- 
peaux les  Turkomans  Ghoz/.cs   ou 
Ghazis ,  rentra   dans  le  Mawar-ab 
Nahr ,  et  remporta  une  victoire  sur 
Ïlek-Khan;  mais  ayant  conçu  de  jus- 
tes soupçons  sur  la  fidélité  de  ses  au- 
xiliaires, il  les  abandonna,  çt  repas- 
sa le  Djihoun;sur  la  glace,  avec  sept 
cents  hommes.  Les  armes  de  Mah- 
moud ,  dont  il  avait  imploré  la  pro- 
tection ,  l'aidèrent  à  livrer  au  prince 
deK  harizm,  su  ries  frontières  du  Kho- 
raçan ,  un  combat  que  la  saison  et  la 
nuit  rendirent  horrible.   Au  mai-i, 
Monthasser,  effrayé  de  sa  perle,  dé 
campa, erra  quelque-temps, puis  ayant 
rassemblé  les  débris  de  sa  petite  ar- 
mée, il  traversa  le  Djihoun.  Baîfu 
par  le  gouverneur  de  Bokhara ,  il  re- 
vint aussitôt,  et  le  défit  entièrement. 
Ce  succès  releva  les  affaires  du  prin- 
ce samanide.  Les  habitants  deSamai- 
kande  lui  envoyèrent  des  secours  de 
toute  espèce;  les  Turkomans  Gha- 
zis vinrent  de  nouveau  se  ranger 
sous  ses  étendards  :  il  fut  alors  en 
état  de  gagner  une  seconde  bataille, 
dans  les  plaines  de  Samarkande,  sur 
Ilek-Khan,  qui  trouva  promptement 
les  moyens  de  réparer  cet  échec. 
Monthasser?  affaibli  par  ledépartdes 


MON 

Turkomans,  qui  s'étaient  retirés  avec 
leur  butin,  et  par  la  trahison  d'un  de 
ses  généraux  ,   qui  lui   enleva  cinq 
nulle  hommes,  se  vit  forcé  de  céder 
au  nombre.  Tandis  qu'Ilek  -  Khan 
signalait  ses  vengeances  dans  le  Ma- 
war-al-Nahr,  sur  les  partisans   du 
prince  fugitif,  celui-ci  luttait  en  Vain 
contre  sa  fatale  destinée.  Réduit  dé- 
sormais au  rôle  de  partisan;  pour- 
suivi par  les  meilleurs  capitaines  de 
Mahmoud,  qui  voulait  l'éloigner  du 
Khoraçan  ;  repoussé  une  autre  fois 
parCabous  ,  des  frontières  du  Djor- 
djan;  errant  à  l'aventure  et  dans  l'om- 
bre de  la  nuit,  pour  cacher  sa  mar- 
che aux  ennemis  qui  le  harcelaient 
de  toutes  paris;  il  se  dirige  encore 
vcrsBokhara,  sur  la  foi  des  promes- 
ses d'un  prince  de  sa  famille,  vendu 
à  llck-Kau  :  mais  ses  soldats,  las  de 
tant  de  fatigues  et  de  misère,  complo- 
tent de  le  livrer  au  roi  du  Turkcs- 
tan.  Cerné  dans  sa  lente,  il  se  sauve 
avec  quelques  braves,  dans  le  camp 
d'une  tribu  arabe ,  dont  le  chef  le 
fait  égorger  pendant  son  sommeil, 
en  raby  icr.  3çp  (décembre  1004). 
Telle  fut  la  fin  déplorable  d'i 
Monthasser,  prince  digne  de  ses  ;i!i- 
cêlres,  et  dont  le  courage,  l'acti- 
vité, la   constance  <: 
semblaient  mériter  un  meilleur  sort. 
Son  règne,  ou  pi. îlot  la  chaîne  de 
ses   malheurs  i  Mues  , 

sans  exemple  peut  ètn  dans  l'his- 
toire, avait  dur»  I  i  faut  dire, 
a  la  gloire  de  Mahmoud,  qu'ennemi 
généreux  ,  il  \<  ngea  la  mort  de 
thasser,  en  Taisant  expirer  dans  les 
supplices  l'infâme  Mili-lvouy  ,  son 
assassin  .  persant  la  tribu 
de  ce  peu'  »UD,XXA  I, 
1G8).  .   -t. 

MONTnASSLli-l'dU. 
Djafar  M  tomme 

Al),»'*,  khal]  LedçBagfc. 


MON  579 

clad,  fut  installé  à  Djàfariah  ,  ville 
fondée  par  son  père  Motawakkel,  la 
nuit  même  où  celui-ci  avait  1 
sine  parles  chefs  de  sa  garde  turke, 
le  5  dzoulkadah  2  fa  (janvier  862  ). 
Il  porta  sur  le  trône  les  remords  d'un 
crime  auquel  il  n'était 
et  le  chagrin  de  se  voir  dominé  par 
ses  complices.  Ce  fut  alors  en  effet 
que  les  milices  turkes  commencè- 
rent a  jouer  dans  l'empire  musulman 
le  même  rôle  qu'autrefois  à  Rome 
les  gardes  prétoriennes.  Le  premier 
sacrifice  qu'elles  exigèrent  de  Mon- 
thasser fut  d'exclure  de  leurs  droits 
au  khalyiat  ses  frères  Motazct  Mo- 
waied,  qui  avaient  manifesté  l'inten- 
tion de  venger  un  jour  la  mort  de  leur 
père:  mais,  en  !  .ition 

pardon  de  l'injustice  qu'il  était  force 
de  commettre  à  leur  égard  en  leur 
substituant  son  propre  fils  ;  il  1; 
sura  que  ni  lui  ,  ni  cet  enfanl ,  n'en 
recueilleraient  le  finit  ,  et  leur  mon 
Ira  les  factieux  qui  le  réduisaient  à 
une  démarche  si  pénible  et  si  humi- 
liante. Un  (ies  premiers  soins  de  ce 
khalyfe  fut  de  relever  les  tombeaux 
(F  Viy  et  de  HouceÙJ ,  d'en  permettre 
le  pèlerinage,  de  supprimer  les  ana- 
themes fulminés  contre  eux  dans  tou- 
tes les  mosquées  de  l'empire,  de  té- 
moigner les  plus  giands  éj 

:  ejetons  de  celte  famille .  et  de 
i',1'11  e  p<  ts( 'Vulions   1 

leurs  partisans.  La  sagesse  de 
thasser,  imitée  par  seurs, 

répara  Les  maux  qu'avail  faitsà  l'isla- 
misme L'intolérance  fanatique  de  son 
père.  Il  aimait  d'ailleurs  la  pi 
H  était  brave  ,  généreux^  il  cultivait 

et  surtout  la  poésie 
succès;  et  il  eui  bonoré  Le  u  dm 
n'y  fût  pas  munie  par  un  parricide. 

On  rapporte  <|ii ",i\  ,int  Irons  e  dans  le 
palais  de  Djàl'auaU  un  tapis  qui  rc 


58o  MO! 

présentait  le  roi  de  Perse,  Cobad 
Schiroiùeh  ,  assassin  de  son  père 
Khosrou  II ,  et  dont  le  règne  n'avait 
duré  que  six  mois,  il  se  persuada  que 
le  sien  ne  passerait  pas  ce  terme;  et 
Ton  ajoute  qu'ayant  fait  démolir  ce 
palais  ,  où  tout  lui  rappelait  son  cri- 
me, il  transféra  sa  résidence  à  Ser- 
menraï.  Frappé  de  ce  prétendu  ho- 
roscope ,  et  croyant  voir  sans  cesse 
le  spectre  de  son  père,  il  errait  la 
nuit  sous  les  voûtes  de  son  palais, 
qu'il  faisait  retentir  de  ses  sanglots. 
Il  essaya  ,  pendant  quelque  temps, 
de  bannir  ses  sombres  terreurs,  en 
se  livrant  aux  plaisirs  et  même  à 
la  débauche  ;  mais  rien  ne  put  dis- 
siper la  noire  mélancolie  qui  le  con- 
duisit au  tombeau ,  le  5  ou  6  raby 
2e.  ri48  (  7  ou  8  juin  862  ),  dans  la 
vingt  -  sixième  année  de  son  âge  , 
après  avoir  occupe  le  troue  cinq 
mois.  Quelques  auteurs  disent  que 
Monthasser  mourut  d'une  esquinan- 
cie  ;  d'autres  que  ses  jours  furent  avan- 
cés parle  poison.  Ce  qu'il  y  a  de  cer- 
tain, c\s1  que  son  (ils  Abdel- Wahab, 
reconnu  pour  son  héritier,  ne  lui 
succéda  point.  La  faction  qui  com- 
mençait alors  à  disposer  dukhalyfat, 
y  appela  son  cousin  iUostaïn-Billah. 
A — T. 
MONTHOLON  (Jean  de),  cha- 
noine régulier  de  Saint-Victor,  mou- 
rut, en  i5*j8  ,  avant  d'avoir  pu 
jouir  des  honneurs  du  cardinalat, 
auquel  il  venait  d'être  promu.  Il  était 
docteur  en  droit,  et  avait  publié, 
sur  cette  partie ,  une  espèce  de  dic- 
tionnaire intitulé  :  Promptuarium  , 
ou  Breviarium  juris  divini  et  utrius- 
que  humani  ,  Paris,  i5'2o,  2  vol. 
in-fol.  Il  avait  aussi  fait  imprimer, 
trois  ans  auparavant,  le  traité  latin 
d'Etienne  d'Autan,  sur  le  Sacre- 
ment de  V autel.  — Son  frère  Fran- 
çois de  Montholon,  fils  de  Nicolas 


de  Montholon,  lieutenant-général  au 
bailliage  d'Autun,  sa  patrie,  puis 
avocat  du  roi  au  parlement  de  Dijon, 
s'attacha  au  barreau  de  Paris,  par 
les  conseils  de  Germain  de  Ganay , 
évêque  d'Orléans ,  son  oncle.  La  ré- 
putation qu'il  s'y  acquit,  lui  fit  con- 
fier, eu  i522,  la  célèbre  cause  du 
connétable  de  Bourbon  contre  la 
reine ,  mère  de  François  Ier. ,  et  con- 
tre le  roi  lui-même,  pour  la  succes- 
sion de  la  maison  de  Bourbon.  Le 
monarque,  qui  se  rendait  incognito 
aux  plaidoiries,  fut  si  content  de  la 
manière  dont  l'avocat  de  sa  partie 
adverse  parlait  c'ans  cette  affaire 
épineuse,  qu'il  lui  destina  dès-lors  la 
charge  d'avocat-général.  Lorsqu'elle 
fut  sur  le  point  de  vaquer  ,  le  conné- 


table de  Montmoi 


qui  ne  con- 


naissait pas  les  dispositions  du  roi,  lui 
dit  qu'il  s'ét.at  informé  quels  étaient 
les  hommes  les  plus  dignes  de  rem- 
plir cette  place ,  et  que  la  voix  publi- 
que lui  avait  désigné  Montholon» 
«  Je  ne  le  connais  pas ,  ajouta  Mont- 
morcnci;/<?  ne  l'ai  jamais  vu  :  mais 
si  Von  vous  en  dit  autant  de  bien 
qu'à  moi ,  je  pense,  Sire,  qu'au  lieu 
que  pourriez  être  importuné  de  bail- 
ler cet  office  a  autre ,  vous  aurez 
envie  de  prier  icelui  Montholon  de 
le  prendre.  »  11  en  fut  effectivement 


pourvu 


i3'2  ,  fait   président  à 


mortier  deux  ans  après,  garde-des- 
sceaux,  en  1.542,  en  remplacement 
du  chancelier  Poyet;  et  il  mourut,  le 
12  juin  i543,  à  Villers-Cotterets. 
C'était,  dit  Mézerai,  un  personnage 
d'une  probité  rare  et  qui  a  toujours 
été  héréditaire  dans  sa  famille. 
François  Ier.,  pour  le  récompenser 
de  ses  services,  lui  fitdon  de  200,000 
liv.,  somme  à  laquelle  ce  prince  avait 
taxé  les  habitants  de  La  Rochelle,  en 
punition  de  leur  rébellion  au  sujet  de 
la  gabelle.   Ce  généreux  magistrat 


MON 

employa  celte  amende  tout  entière 
à  la  fondation  et  à  la  construction 
d'un  hôpital  dans  cette  ville.  —  Son 
fils,  François  II  de  Montholon,  était 
un  catholique  zèle',  et  fort  estime 
des  ligueurs  comme  avocat.  Pour 
leur  complaire,  Henri  III  lui  remit 
les  sceaux  ,  en  i588.  Lorsqu'il  vint 
présenter  ses  lettres  au  parlement , 
le  procureur  -  général  Séguier  lui 
«lit  que  ,  «  c'était  une  déclaration 
»  publique  que  le  roi  faisait  à  tous 
»  ses  sujets  ,  de  vouloir  honorer 
.  »  les  charges  par  les  hommes,  et 
»  non  les  hommes  par  les  charges  ; 
»  que  la  cour,  quand  il  avait  plaidé 
»  en  qualité  d'avocat ,  n'avait  jamais 
»  désiré  autres  assurances  de  ses 
»  plaidoyers  que  ce  qu'il  avait  mis 
»  en  avant  par  sa  bouche,  sans  re- 
»  courir  aux  pièces.  »  Enfin  il  l'ap- 
pela Y  Aristide  français.  Après  la 
mort  de  Henri  III,  Montholon  ren- 
dit les  sceaux  à  Henri  IV  ,  quoique 
ce  monarque  lui  eût  écrit  de  les  gar- 
der. On  a  dit  que  c'était  dans  la 
crainte  d'être  forcé  à  signer  quelque 
édit  favorable  aux  huguenots.  Il 
mourut  à  Tours  en  i5go.  T — d. 

MONTHOLON  (Jacques  de), cé- 
lèbre avocat  au  parlement  de  Paris, 
était  né  en  cette  ville  ,  vers  i56o. 
Son  aieul  et  son  père,  dont  les  articles 
précèdent ,  avaient  été  revêtus  tous 
les  deux  de  la  dignité  de  garde-des- 
sceaux.  Jacques  est  connu  surtout 
par  le  Plaidoyer  qu'il  prononça  en 
i  fi  i  i ,  pour  les  Jésuites  ,  attaqués  par 
quelques  membres  de  l'université  de 
Paris  ;  il  le  fit  imprimer  ,  après  l'a- 
voir retouché,  ci  y  ajouta  les  piè- 
ces justificatives.  Montholon  mourut 
en  \ (')•>.■>..  Il  avait  public  la  même 
année  :  Arrêts  de  ht.  cour  du  parle- 
ment ,  prononcés  en  robe 
puis  i58o  ,  in- 1".  Ce  Recueil . 
primé  plusieurs  l'ois,  dans   le 


MON 

septième  siècle,  est  depuis  long  temps 
tombé  dans  l'oubli.  W — s. 

MONTI  (Philippe-Marie  ),  car- 
dinal, né  en  1675  ,  à  Bologne,  d'une 
illustre  famille  qui  a  produit  plusieurs 
hommes  d'un  rare  mérite; ,  embrassa 
l'état  ecclésiastique  après  avoir  ache- 
vé ses  études  avec  le  plus  grand  suc- 
cès, et  se  rendit  à  Rome,  où  ses 
talents  le  firent  bientôt  connaître. 
Elevé  successivement  à  plusieurs  em- 
plois honorables  ,  qu'il  remplit  avec 
distinction  ,  il  fut  décoré  de  la  pour- 
pre romaine,  en  1743,  par  Benoit 
XIV.  Ce  prélat  aimait  les  lettres  ,  et 
donnait  fréquemment  aux  savants 
des  marques  de  sa  bienveillance.  Il 
avait  été  admis  jeune  aux  princi- 
pales académies  de  Rome;  il  pro- 
nonça, en  17  10,  dans  une  assem- 
blée publique  de  celle  de  Saint-Luc  , 
un  discours  intitulé  :  Rotna  tutrice 
délie  belle  arti,  scultura  ed  archi- 
tettura  ;  celte  pièce  ,  imprimée  sé- 
parément ,  a  été  insérée  depuis  dans 
le  tome  III  des  Prose  degli  Arcadi.  Il 
mourut  à  Rome,  le  17  janvier  1754, 
léguant  à  l'institut  de  Bologne  ,  sa 
riche  bibliothèque,  et  une  collection 
de  portraits  des  savants  italiens  et 
étrangers,  qu'il  avait  formée  à  grands 
frais.  Outre  quelques  ouvrages  ma- 
nuscrits, conservés  à  Bologne,  on 
Gite  de  ce  prélat  :  Elogia  cavdina- 
lium  pietate  ,  doctrind  ac  rébus 
pro  Ecclesid  gestis  illustrium  à  pon- 
tificatu  Alexandri  m  ad  Benedic- 
tum  xm,  Rome,  17  5i  ,  in  -  4°«  — 
Monti  (  Jules  ) ,  littérateur ,  né  à  Bo- 
logne en  1687,  parent  du  cardinal , 
embrassa  l'état  ecclésiastique,  fut 
pourvu  d'un  canonieat  .  et  devint  Sé- 
crétai r<  linal  \ldrovandi.  11 
sc  delà  omposant  de  petites 
1  -us  le  dialecte  bolo- 
et  il  a  réussi  p 
dans  «elles  qui  ont  pour 


58s 


MON 


.scènes  familières.  Il  a  aussi  traduit 
en  italien  le  roman  de  Gilblas ,  de 
Lcsage  ;  et  cette  version  ,  imprimée 
à  Venise  en  1746,  a  eu,  en  1750, 
les  honneurs  d'une  seconde  édition. 
Le  chanoine  Monti  mourut  à  Bolo- 
gne, le  10  décembre  1747*  On  a 
insère  quelques-uns  de  ses  vers  dans 
les  Poésies  de  Jos,  Pozzi,  Bologne, 
i764,in-8°.  W— s. 

MONTI  (  Joseph  )  ,  professeur 
d'histoire  naturelle  à  l'université'  de 
Bologne,  naquit  dans  celte  ville,  en 
16812.  Accoutume,  dès  sa  plus  ten- 
dre jeunesse,  à  la  culture  des  plantes 
médicinales,  il  voulut  connaître  avec 
exactitude  toutes  celles  qu'il  voyait 
mentionnées  par  les  auteurs.  Ses  lec- 
tures, le  soin  qu'il  prit  de  rassembler 
un  grand  nombre  de  plantes  dans  un 
jardin  qui  lui  appartenait,  ses  excur- 
sions sur  tous  les  points  du  territoi- 
re bolonais  et  sur  la  chaîne  voisine 
des  Alpes,  le  rendirent  tellement  ha- 
bile ,  que  plusieurs  professeurs  dis- 
tingués d'Italie  et  des  pays  étrangers 
curent  plus  d'une  fois  recours  à  ses 
lumières.  Il  menait  de  front  avec  la 
botanique  l'étude  des  autres  branches 
de  l'histoire  naturelle  ;  et  il  avait 
formé  une  collection  de  minéraux, 
de  pierres  et  de  coquillages,  qu'il  ne 
cessa  d'enrichir  qu'au  moment  où 
il  fut  chargé  de  la  direction  du  mu- 
sée de  l'institut  de  Bologne.  Il  rem- 
plit, en  1 720 ,  une  chaire  d'histoire 
naturelle,  et  une  autre  de  matière 
médicale, en  1 736.Marsigliayantfait 
don  a  en  17*27,  de  quatorze 

caisses  qu  il  avait  rapportées  de  la 
Hollande  ,  et  qui  contenaient  des  ob- 
jets précieux  pour  la  zoologie  et  la 
botanique,  Monti  en  (itle  classement 
avec  son  fils ,  Gaétan  ,  qui  lui  fut  ad- 
joint à  dix-sept  ans,  et  qui,  à  cet  âge  , 
s'était  déjà  fait  connaître  avantageu- 
sement des  savants.  Monti  coula  des 


MON 

jours  heureux  au  milieu  d'un  jardin 
botanique,  confié  à  ses  soins;  et  il  ter- 
mina sa  laborieuse  carrière  le  4  mars 
1 760.  On  a  de  lui  :  I.  De  monumen- 
to  diluviano  super  agro  Bononiensi 
detecto  Dissert atio,  Bologne,  1719, 
in-4°. ,  lig.  L'autem  ,  dans  les  deux 
premiers  chapitres,  expose  l'état  du 
globe,  avant  et  après  le  déluge,  et 
reproduit  fort  succinctement  quel- 
ques-unes des  idées  de  Burnet,  Wood- 
ward,  J.  J.  Scheuchzer  et  autres. 
Dans  le  troisième  chapitre,  après 
avoir  cité ,  comme  une  des  preuves 
du  déluge,  la  présence,  dans  les 
montagnes,  d'une  grande  quantité  de 
corps  marins  et  autres  ,  pétrifiés  ,  il 
décrit  le  monument  qui  lui  a  donné 
1  idée  de  sa  Dissertation.  Ce  monu- 
ment ,  également  pétrifié,  et  don!  il 
donne  le  dessin,  est  mie  portion  d'une 
tête  de  morse ,  ou  vache  marine  , 
trouvée  par  un  paysan.  Iï.  Catalo- 
gi  stirpium  agri  Bononiensis  Pro- 
dromus  gramina  ac  hujus  modi  af* 
finia  complectens  ,  etc.  ,  Bologne  , 
17  19,  in-4°. ,  fig.  Ce  très-petit  ou- 
vrage est  divisé  en  plantes  grami^ 
nifoliées,  qui  sont  les  céréales,  les 
cypéracées ,  le  jonc,  la  massclte  ;  et 
en  graminées ,  proprement  dites  , 
telles  que  Y  ivraie ,  \v.phalaiis,  \epa~ 
nie ,  V avoine,  etc.  On  n'y  trouve  ni 
méthode  ,  ni  tableaux;  et  il  ne  peut 
être  utile  que  comme  offrant  des  ma- 
tériaux pour  cette  portion  de  la  flore 
du  pays.  Ce  travail  est  donc  loin 
d'offrir  les  avantages  des  graminées 
de  Rai  et  de  ïournefort.  JJAgrosto- 
graphie  de  J.-J.  Scheuchzer  parut  la 
même  année  ,  mais  plus  tard.  Mor*tt 
ne  cite  que  le  prodrome  de  cet  auteur. 
III.  Plantarum  varii  indices  ad 
usum  demonstralionum  qurn  in  Bo- 
noniensis archigrmnasii  publico  hor' 
to  quotannis  haberdur,  ibid.,  1 724, 
iu-4°.  Sous  ce  titre  l'on  trouve  ré" 


MON 
r»is ,  i°.  une  histoire  fort  succincte 
de  la  botanique  ,  dans  laquelle  l'au- 
teur mentionne  plus  particulière- 
ment les  Italiens  et  les  directeurs 
du  jardin  des  plantes  de  Bologne ,  et 
qui  contient  quelques  détails  intéres- 
sants; —  ').°\tJlantar uni  gênera  à  Bo- 
tanicis  instituta  juxta  Tourn  fortis 
methodum  ad  proprias  classes  re- 
lata; —  3°.  Index  plant  arum  quœ  in 
medicum  usum  recipi  soient  ;  —  4l,« 
Piantarum  elenchiin  classes  dispar- 
tiù  ,  juxta  facilitâtes ,  auibus  in  re 
medicd  pollent.  Ce  sont  de  simples 
catalogues  sans  phrases.  IV.  Exo- 
ticorum  simplioium  medicamento- 
rum  varii indices ,  etc.,  iud.,  inn  j , 
in -4°.  (i)  V.  Une  douzaine  de  Mé- 
moires ,  dans  le  recueil  de  l'institut 
de  Bologne.  Michcli  a  donne  le  nom 
de  Montia  à  un  genre  de  la  famille 
des  portulacees.     D — u  et  F — r. 

MONÏIGNOT,  chanoine  de  Ton), 
de  la  société'  royale  des  scien- 
belles-lettres  de  Nanci,  a  publie  des 
Remarques  théologiques  et  critiques 
sur  V Histoire  du  peuple  de  Dieu  , 
par  le  P.  Berruyer,  1755,  in-ia; 
mais  il  est  plus  connu  par  son  Etat 
des  étoiles  fixes  ,  au  second  siècle  , 
par  Claude  Ptolémée  ,  comparé  à 
la  position  des  mêmes  étoiles ,  en 
1786,  avec  le  texte  grec  et  la 
traduction  française  ,  Strasbourg, 
1787  ,  in-4°.  de  200  pages  environ. 
Outre  le  catalogue  d  étoiles,  cette 
édiîion  offre  encore  !  !  1  tra- 

duction du  livre  vu  de  \&  Syntaxe 
mathématique  (ou  \imageste  )  de 
Ptolémée,ivec uue  carte  des  constel- 
lations ,  d'après  cet  astronome.  Quel- 


itluils  avec  dei 
ur  ,  Pé- 
trone et  G  Uanici  et 

•  ;•'.  (  >n  doit  eu- 
11  lnliii  de  l'Iiis 

i~  \>  ,  ml  -!.,  avec  iSJ  pi 


MON  581 

ques  fautes,  faciles  à  corriger,  ont 
fait  à  celte  édition  un  peu  de  tort 
dans  l'esprit  des  astronomes.  I 
qui  n'auront  pas  l'édition  originale, 
pourront,  avec  plus  de  fr  iil  encore, 
consulter  le  Ptolémée  iuia, 

ou  Y  Histoire  de  l'astronomie  an- 
cienne ,  où  ils  trouveront,  tome  11, 
le  catalogue  de  Ptolcmcc  compare 
en  entier  avec  ceux  de  Flamsteed  et 
de Halley,  et  suivi  dénotes  où  l'on  a 
discuté  ces  anciennes  positions  des 
étoiles,  et  le  parti  qu'on  en  peut  ti- 
rer aujourd'hui  pour  la  précession 
des  équinoxes.  Montignot  n'avait 
pas  manqué  de  discuter  ce  dernier 
point;  et  par  2  \  des  principales  étoi- 
les, il  avait  trouvé  une  précession 
de  5o  secondes  et  un  quart  par  an  -y 
ce  qui  en  effet  approche  beaucoup 
de  la  vérité.  D — l — e. 

MONTIGNY  (Galon  de  )  est  le 
digne  chevalier ,  qui  portait ,  à  la 
journée  de  Douvines  (i»i4),  l'éten- 
dard de  France.  Dans  cette  bataille, 
où  Philippe -Auguste,  renversé  de 
cheval  ,  allait  être  foulé  aux  pieds 
des  chevaux  ,  Montigny  haussait  et 
baissait  la  bannière  royale  ,  pour 
donnera  toute  l'armée  le  signal  du 
péril  où  se  trouvait  le  monarque.  Ce 
vaillant  homme,  (pioiqu'emliarrassc 
de  son  étendard ,  fit  au  roi  un  rempart 
de  son  corps,  renversai)!  à  grands 
eoupsde  sabre  toul  ce  qui  se  pi 
taii  pour  l'assaillir.  Montigny  demeu- 
ra pauvre  ,  mais  couvert  d'une  gloire 
immortelle,  quoique  l'histoire  ne 
l'ail  nommé  qu'une  fois.  T — n. 
M  ON  TIC  \  Y   le   Boi  ;  ra 

.h  an  m;  ) ,  était  fils  de  Raoul  de 
Montigny  le  Boulanger,  grand  panè- 
tier  du  roi ,  «'t  capitaine 
du  d 
avaii  été  originaireinem  connue 

Je   seul    u,.  .    I)  uis  un 

Lc:i: ;  LU,    un   Au   aieilX  do 


584  MON 

Raoul  employa  unis  partie  de  sa  for- 
tune à  nourrir  les  pauvres  de  Paris  , 
el  les  historiens  rapportent  que  trente 
î;ùile  personnes  durent  îa  vie  à  ses 
bienfaits  :  le  peuple  ,  dans  sa  recon- 
naissance ,  le  surnomma  le  Boulan- 
ger; et  cette  honorable  qualification 
devint  l'héritage  de  ses  descendants. 
Jean  Le  Boulanger  rendit  à  Louis 
XI  des  services  importants  dans  la 
re  du  bien  public  (  F.  Louis  XI  )  ; 
et  ce  prince  l'éleva  ,  en  1 47  i  ,  à  la 
dignité  de  premier  président  au  par- 
lement de  Paris.  Ce  fut  lui  qui  ins- 
truisit le  procès  du  cardinal  Balue  : 
il  présida  encore,  en  1 47^  ,  au 
procès  du  connétable  de  Saint-Pol  , 
beau-frère  du  roi ,  et  deux  ans  après, 
à  celui  du  duc  de  Nemours.  Une  ma- 
ladie contagieuse  enleva  ,  le  ^4  fé- 
vrier 1481  ,  Jean  le  Boulanger  à  sa 
compagnie.  Il  joignait  à  une  élo- 
quence remarquable  ,  et  à  une  sévère 
probité ,  toutes  les  vertus  domesti- 
ques. On  le  vit,  à  la  mort  d'une 
épouse  chérie,  renoncer,  en  signe 
d'affliction  ,  à  porter  les  ornements 
de  sa  dignité.  A  cette  occasion ,  la 
cour  ordonna,  a  que  son  premier  pré- 
»  sident,  lorsqu'il  tiendrait  séance, 
»  porterait  le  chaperon  et  le  manteau 
»  fourrés ,  même  s'il  était  en  deuil 
»  de  sa  femme.  »  Les  descendants 
de  Jean  le  Boulanger  ont  suivi  , 
dans  la  carrière  de  la  magistrature  , 
les  honorables  traces  qu'il  y  avait 
laissées.  Un  des  derniers,  Jacques 
Louis  le  Boulanger,  président  à  la 
chambre  des  comptes  avant  la  révo- 
lution ;  mourut  en  1808.      F — z 

MONTIGNY  (  François  de  la 
Grange  ,  sieur  de  ) ,  maréchal  de 
France  ,  descendait  dune  famille 
noble  du  Bcrri  (  V.  Lagrange  d'Ar- 
quien,XXîII,  175).  Né  en  i554, 
il  fut  élevé  à  la  cour  de  Henri  III , 
devint  l'un  de  ses  favoris,  et  fut 


MON 

revêtu  successivement  de  plusieurs 
charges  honorables.  Doué  de  qua- 
lités agréables,  il  se  montra  trop  sen- 
sible aux  plaisirs  de  l'amour,  et  fut 
le  héros  de  différentes  aventures  ga- 
lantes qui  eurent  un  éclat  fâcheux 
mais  sans  diminuer  1»  considératior 
due  à  sa  bravoure  et  à  ses  talent 
11  se  signala  à  la  bataille  de  Contras , 
en  1 587 ,  et  fut  fait  prisonnier  par 
le  roi  de  Navarre ,  qui  le  renvoya 
sans  rançon  ,  par  estime  pour  sa 
valeur.  Après  la  mort  de  Henri  III  , 
il  se  déclara  contre  les  ligueurs  ,  et 
força  la  Châtre  de  lever  le  siège  d'Au- 
bigni ,  petite  ville  du  Berri ,  dont  il 
était  gouverneur.  Il  se  trouvait  dans 
le  cabinet  de  Henri  IV,  lorsque  Jean 
Châtel  blessa  ce  prince  d'un  coup  de 
couteau  à  la  lèvre ,  et  il  contribua  à 
arrêter  l'assassin  (  F.  Chatel  ).  Il  se 
distingua  au  siège  de  Rouen  et  au 
combat  de  Fontaine- Française,  eu 
i5g5  ;  et  il  commandait  la  cavalerie 
légère  à  l'attaque  d'Amiens ,  en  1 597. 
Nommé  gouverneur  de  Paris  ,  en 
1601  ,  de  Metz  ,  en  i6o3  ,  des  Trois 
évêchés  ,  en  1609  ,  il  obtint  le  bâton 
de  maréchal ,  en  1 6 1 5  ,  et  fut  chargé 
de  réprimer  les  troubles  qui  avaient 
éclaté  dans  le  Nivernais.  Il  mourut 
le  9  septembre  16 17.  Ses  restes  fu- 
rent transportés  à  Bourges,  et  déposés 
dans  l'église  Saint-Etienne  de  cette 
ville.  Jacques  de  Neuchaises,  depuis 
évêque  de  Châlons ,  prononça  son 
Oraison  funèbre;  elle  a  été  imprimée 
à  Bourges,  en  1618,  in-4°.  W-s. 
MONTIGNY  (  Jean  de  ) ,  né  en 
1637  ,  en  Bretagne  ,  d'une  famille  de 
robe  (1),  annonça  dans  sa  jeunesse 
des  dispositions  assez  remarquables 
pour  les  lettres.  C'était ,  dit  Saint- 
Marc  ,  un  très-bel  esprit ,  aimant  i'é- 


(1)  IJ  était  fils  et  frère  d'avocats  généraux  an  par- 
ktneut  de  Bretagne, 


MO 

tnde ,  ayant  du  goût. ,  ci  capable  d'é- 
crire aussi  bien  en  prose  qu'en  vers. 
Ji  {'ut  nommé  e'vêquede  Léon  (i),  et 
mourut  à  la  fleur  de  sur.  < 
sept.  167  i  ,  aux  états  de  Vitré  (2). 
Outre  une  Lettre  à  Eraste  pour  ié- 
ponse  à  son  libelle  contre  la  Pue  elle 
hapelain (Paris ,  1  G:*>G^  in 
.11  Oraison  funèbre  d'Anne 
d'Autriche  (Rennes,  1666,  in-4°.), 
on  trouve  de  lui  qui  '  es  de 

vers  dans  les  Recueils  du  temps;  la 
plus  remarquable  est  un  poème  d'en- 
vi l'on  deux  cents  vers  ,  intitulé  ,  le 
Palais  des  Plaisirs ,  qu'il  composa 
en  réponse  au  Séjour  des  Ennuis , 
badinage  du  marquis  de  Montplai- 
sir,  son  corapatiiote  et  sou  ami. 
Saint-  Marc  annonçait  le  projet  de 
rassembler  les  poésies  de  l'abbé  de 
Montigny,  et  de  les  publier  avec  des 
notes  ;  mais  ce  projet  est  resté  sans 
exécution  (  V.  son  édit.  des  Opuvres 
de  Montplaisir ,  p.  1 4  *  )•  L'abbé  de 
Montigny  fut  reçu  à  l'académie  fran- 
çaise ,  en  1 G7  1  ,  à  la  place  de  Gilles 
Boileau;  et  son  discours  de  réception, 
à  côté  de  quelques  jeux  de  mots  ins- 
pirés par  l'esprit  du  temps ,  offre  un 
assez  grand  nombre  de  pensées  pro- 
fondes, et  d'observations  judicieuses, 
exprir 

une  diction  brillante  et  facile.  M. 
Boissy  d'Anglas  eu 
ceaux  les  plus  remarquables  dans 
soi?  Essai  sur  Maie sherbes .  tom,  11 , 
160.  L'éyêque  de  Léon  1 
même  année,  remplacé  à  Paca  !é»nie 
par  Gbarles  Perrault.  \V 

■  ,  oonanoe  le  dil ,  pai  i 

(■x)  M" 

■ 

disent 
nos  amis  (  Port-  H 
philosophie.  —  Il  i 
la  meme  dame  ;  inaii  da 

-  DJM  .     il 
■lier  dans  celte  | 


585 


MONTIG^ 
.  de  l'académie  des  scient  1 

né  à  Paris  ,  le  i5  décembre  1714. 
annonça  ,  dès  l'enfance  ,  un  goût 
marqué  pour  la  géométrie  et  ! 
canique.  Le  P.  Tournemine  < 
de  l'attirer  chez  les  Jésuites  :  mais  sa 
famille  n'y  voulut  jamais  consentir. 
Au  retour  d'un  voyage  qu'il  fit  en 
Italie,  avec  l'abbé  de  Vcntadour,  il 
donna  ,  en  1741  ,  le  seul  Mémoire 
de  mathématiques  qu'il  ait  imprimé. 
Ce -Mémoire  a  pour  objet  de  déter- 
miner le  mouvement  d'une  verge  in- 

le  chargée  d'un  nombre  quel- 
conque de  masses  animées  de  vi- 
tesses aussi  quelconques.  Il  résolut  ce 
problème  avec  beaucoup  d'é!< . 

simplicité,  par  une  méthode 
qui  lui  appartenait.  Trudaine  le  père 
l'associa  à  ses  travaux  en  lui  faisant 
accorder  la  place  de  commissaire  du 
conseil  au  département  des  tailles  , 
des  ponts-et  chaussées,  du  commerce 
et  du  pavé  de  Paris.  Montigny  con- 
tribua en  cette  qualité  à  rétablisse- 
ment des  manufactures  de  dr 
de  velours  de  coton ,  à  l'introduction 
de  l'usage  des  cylindres  pour  calan- 
drer  les  étoffes,  à  la  perfection  de 
nos  quincailleries  et  de  nos  fabriques 
de  gaze.  Il  mit  £ 

ncr  les  teintures  en  lil  et  en  coton, 
à  rétablir  les  manufactures  de  Beau- 
■  !  d'Aubusson.  En  1  "160  ,  il  fut 
envoyé  en  Franche-Comté  pour  dis- 
siper les  préjugés  populaires  contre 
le  sel  de  Montmorot  :  il  y  réussit 

;  à  ce  sujet  se  trouve  dai 
Mémoires  de  l'académie,  1 

ipade  diversautres  obj«  ;   1 

minisl 

dération  ,  son  1 
i'cspri  phique  qui 

;!.  Montigny  mourut  le  (. 

...  ,;.:    f     ..'      |   .. 


586 


MON 


ment  un  prix  dans  l'académie  des 
sciences  pour  une  question  de  chi- 
mie ,  immédiatement  applicable  à  la 
pratique  des  arts.  Il  a  traduit  en 
français  l'exposition  faite  par  La 
Bélye ,  des  méthodes  qu'il  a  em- 
ployées pour  fonderies  piles  du  pont 
de  Westminster.  Outre  les  Mémoi- 
res qu'il  a  fournis  à  la  collection 
de  l'académie  des  sciences  ,  on  cite 
tic  lui  des  Instructions  et  avis  aux 
habitants  des  provinces  méridiona- 
les de  la  France  ,  sur  la  maladie 
putride  et  pestilentielle  nui  détrait 
le  bétail ,  1773  ,  in- 8°.  ,  et  une  Méz 
tiiode  d'apprêter  les  cuirs  et  les 
peaux ,  telle  quon  la  pratique  à  la 
Louisiane.  Ce  dernier  Mémoire  a  été 
traduit  en  allemand  ,  dans  le  Ham- 
burg.  Magas. ,  xxm  ,  649.  Voyez 
son  Ëloge ,  par  Vicq-d' Azyr ,  dans  le 
recueil  de  la  soc.  de  Médecine,  178c, 
H.  p.  85  ;  on  en  trouve  un  autre  dans 
la  collection  de  l'acad.  des  sciences, 
1 782  ,  H.  p.  1 08 ,  et  dans  le  Journal 
des  savants  ,  de  mai  1785  ,  p.  345. 
T— D. 
MONTIGNY  (  François  -Ema- 
wuel  Dehaies  de  ) ,  gouverneur  des 
établissements  français  au  Bengale  , 
né  à  Versailles,  le  7  août  1 74^  ,  est 
mort  à  Paris,  le  27  juin  18 19.  Sous- 
ïieutenant  au  régiment  de  Medoc  en 
1768,  lieutenant  en  1770;  capitai- 
ne, en  1772,  à  la  légion  de  Lor- 
raine ,  il  fit  dans  ces  différents  grades 
la  guerre  en  Corse ,  et  fut  employé 
aux  reconnaissances  des  frontières 
des  Alpes ,  de  Flandre  et  d'Artois  :  il 
passa,  en  177O,  major  au  service 
de  la  marine.  Ici  une  nouvelle  et 
brillante  carrière  s'ouvre  devant  lui. 
Parti  de  Paris  ,  chargé  de  missions 
importantes  ,  il  se  rend  à  Vienne  , 
à  Gonst&ntinople  ,  en  Egypte ,  et  aux 
jndes  par  la  mer  Rouge ,  n'échap- 
pant à  mille  dangers  7  aux  pirates  de 


MON 

Zafrcvad,  qui  le  prirent,  et  aux  partis 
anglais ,  qu'a  force  d'adresse ,  de  pré- 
sence d'esprit,  et  en  parlant  les  diffé- 
rentes langues  de  ces  pays ,  dont  il 
portait  alternativement  les  costumes. 
De  Goa  ,  il  passe  à  Delhy  ,  et  à  Pou- 
nah.  Ayant  terminé  près  de  ces  deux 
cours  les  missions  importantes  qui 
faisaient  le  but  principal  de  ses  voya- 
ges ,  il  se  rembarque  à  Goa  pour  Lis- 
bonne ,  d'où  il  rentra  en  France  par 
l'Espagne  ,  en  1779.  Louis  XVI  , 
qui  l'avait  déjà  nommé  colonel  et 
chevalier  de  Saint  -  Louis  en  1778, 
le  renvoya  dans  l'Inde,  en  1781  , 
avec  de  nouveaux  pouvoirs,  et  des 
missions  plus  particulières  pour  la 
cour  des  Marates.  C'est  là  qu'il  put 
se  reposer  des  fatigues  inouïes  de 
ses  voyages  précédents  :  la  cour  de 
Pou  nah  F  y  combla  ,  pendant  sept 
ans ,  d'honneurs  et  de  distinctions  ;  il 
y  reçut  du  grand  Mogol  le  diplôme 
de  nabab.  Il  fut  chargé  ,  en  1 788  , 
de  missions  près  le  soubab  du  Decan; 
et,  ayant  été  nommé  ensuite  gouver- 
neur de  Chandernagor  ,  il  se  signala 
encore  dans  ce  poste  par  son  zèle  et 
son  désintéressement  ;  fit  reconnaitre 
le  produit  de  l'opium ,  dont  le  gou- 
vernement français  jouit  encore  ,  et 
dont  ses  prédécesseurs  ne  rendaient 
aucun  compte.  La  confiance  que  son 
nom  seul  inspirait ,  lui  fit  trouver  , 
sous  sa  seule  garantie ,  des  ressources 
de  toute  espèce  ,  qui  sauvèrent  nos 
établissements  dans  .l'Inde.  Lorsque 
la  révolution  étendit  son  influence 
dans  l'Inde,  Montigny  devait  en  être 
la  première  victime  :  mis  en  prison  et 
embarqué  par  ceux  dont  il  avait  re- 
primé les  abus ,  il  fut  délivré,  et  con- 
duit à  Calcutta  parles  ordres  de  lord 
Cornwallîs  ,  gouverneur  anglais.  Il 
eu  repartit  pour  venir  en  France  y 
fit  naufrage  sur  la  côte  de  l'est  de 
l'Afrique  .  dans  la  baie  de  Saint-Sé- 


MON 

bastien  ,  se  rendit  par  terre  au  cap 
de  Bonne-Espérance,  s'y  embarqua 
pour  la  Hollande,  et  revint  a  Paris, 
a  la  fin  de  1791  ,  a  travers  nulle  pé- 
rils. Fait  général  de  brigade,  en  1 800, 
Montigny  repartit,  en  i8o3,  pour 
son  ancien  gouvernement  de  Ghan- 
dernagor.  Mais  forcé  de  se  replier 
sur  les  îles  de  France  et  de  Bourbon  , 
par  l'effet  de  la  guerre  .  il  y  resta  jus- 
qu'au moment  de  la  prise  de  ces  co- 
lonies ,  en  1810,  époque  à  laquelle 
il  rentra  en  France.  Il  reçut  ,  en 
181 7,  le  grade  de  lieutenant-général. 
Affaibli  par  ses  blessures  ,  privé  de 
la  vue,  et  de  l'usage  de  la  main  gau- 
che ,  il  éprouvait  encore  le  chagrin 
d'avoir  perdu ,  à  plusieurs  reprises , 
ses  effets  ,  ses  livres  ,  ses  cartes ,  etc. 
Ces  pertes  sont  cause  qu'il  n'a  laissé 
que  des  fragments  manuscrits  :  l'his- 
toire de  ses  longs  et  périlleux  voya- 
ges eût  été  d'un  grand  intérêt.     Z. 

MONTJOIE  (Félix-Christophe 
Galart  de  ),  l'un  des  plus  zélés  dé- 
fenseurs de  la  cause  royale,  était  né 
à  àix  en  Provence,  d'une  famille 
noble.  Il  se  fit  recevoir  avocat ,  et 
vint  à  Paris  ,  où  il  fréquenta  quel- 
que temps  le  barreau.  11  travailla, 
en  1 790 ,  avec  Gcoffroi  et  Royou, 
à  Vannée  littéraire ,  et  devint  en- 
suite l'un  des  rédacteurs  de  Y  Ami  du 
roi,  journal  uuiquement  desl 
combattre  les  principes  de  la  révo- 
lution, et  qui  ne  (  <  traître 
qu'après  la  fatale  journée  du  1  o  août 

k.  11  mi  !<•  cour ...  ■  :.■  prendre  la 

ise  'le  Louis  \\  i 
écrits  qui  produi 

sa  lion.  Echappé  aux  proscriptions 
sanglantes  qui  suivirent  la  mort  de 
prince  ,  il  se  liiii  ca- 
ché dans  les  environ 
qu'au 9  thermidor.  Il  reprit  ai  1 
plume,  et  plaid  1 

de  l'anarchie,  d  11 


MOX  5S7 

et  danl  plusieurs  brochures  ass< 

ondamné  a 
portation,en  1797,  avec  plu- 
sieurs autres  journalistes,  il  se  retira 
en  Suisse,  et  y  publia  divers  OUI  l 
historiques ,  qui  furent  d'autant  plus 
recherchés,  qu'on  les  défendait  plus 
sévèrement.  De  retour  à  Pa  ris,  il  sem  - 
bla  renoncer  à  la  politique,  pour  ne 
s'occuper  que  de  littérature  :  il  publia 
des  romans,  et  fournit  des"  articles 
au  Journal  général  de  France  et  au 
Journal  des  Débats.  Après  la  secon- 
de restauration,  le  roi  récompensa 
le  zèle  de  Mont  joie,  en  lui  accordant 
une  pension  de  trois  mille  francs  ,  et 
l'une  des  places  de  conservateur  de  la 
bibliothèque  Mazarine.  Il  ne  jouitpas 
long-temps  des  bienfaits  de  ce  prince; 
il  mourut  d'une  attaque  d'apopl 
le  4  avril  18 16.  Le  respect  qu'on 
doit  à  la  vérité  oblige  de  convenir  quo 
Montjoie  n'était  qu'un  écrivain  mé- 
diocre; son  style  est  incorrect  et  dé- 
clamatoire, et  ses  ouvrages  histori- 
ques ne  doivent  être  lus  qu'avec  une 
extrême  défiance.  On  a  de  lui  :  I.  Di- 
vertissement national,  à  l'occasion 

naissance  de  Mgr.  le  dauphin, 
1781  ,  in-8'.  II.  Lettre  sur  le  ma- 
gnétisme animal,  178^,  in-8*.  III. 
Desprincip  is  de  la  monarchie  fran- 
çaise, 1789.  '.i  vol.  in-8°.  (l'est  une 
histoire  de  notre  ancien  droit  pu- 

i  auteur  aller  quel- 

quefois a  cette  amertume  de  lai 

eur  de  l'époque  où  ii  é<  ri 
il  s'étend  beaucoup  sur  la  lutl 
parlement  avec  Je  ministère  ,  et  sur 
arche  des   mini"  Louis 

jusqu'à    !.. 

des  notables   1\  .  1/  inù  , 
Français,  de  /'././/'.'.  ri  surtout  de 
la  vérité^  ou  Histoii  rolu- 

liou  d  el  île  l'Assemblée 

p  ut.  ,   in 
(    i's|  i:.;.    BUÏte  et  un  | 


MON 


Journal  de  l'abbé  Royou.  V.  Bé- 
ponse  aux  réflexions  de  M.  Ne.cker  , 
.sur  le  j>rocès  intenté  à  Louis  xvr, 
1 79'j ,  in  -  8°.  (  V.  Necker.  )  VI. 
Avis  à  la  Convention,  sur  le  pro- 
cès de  Louis  xvi,  1792,  in-8(>.  Il 
y  démontre  avec  beaucoup  de  force 
qu'elle  n'a  pas  le  droit  d'examiner 
les  actes  du  gouvernement  de  ce  prin- 
ce ,  et  qu'il  ne  peut  pas  en  être  res- 
ponsable. VII.  L'Almanach  des  hon- 
nêtes gens,  1792-93,  2  vol.  in- 18; 
—  des  gens  de  bien,  1 795-97 ,  3  vol. 
C'est  un  recueil  d'anecdotes  et  de  piè- 
ces littéraires;  il  yen  a  quelques-unes 
de  fort  piquantes.  VIII.  L1 Histoire 
de  la  conjuration  de  Robespierre , 
1 794,  in-8°.,  trad.  en  angl.  IX.  His- 
toire de  la  conjuration  de  D'  Or- 
léans ,  1796,  3  vol.  in-8°.  L'auteur 
n'avait  pas  eu  de  bons  matériaux,  et 
il  rapporte  bien  des  faits  apocryphes. 
X.  Eloge  historique  de  Louis  XVÏ, 
Neufchatel,  1797,  in-8°.  XL  Eloge 
historique  de  Marie- Antoinette,  rei- 
ne de  France,  1 797 ,  in  8°. ,  trad.  en 
allemand  et  en  hollandais.  L'auteur 
a  refondu  cet  ouvrage,  en  1814,  sous 
le  litre  à' Histoire  de  Marie- Antoi- 
nette, 2  vol.,  in -8°.  fig.  Cette  nou- 
yelle  édition  est  enrichie  d'une  lettre 
de  Mme.  la  princesse  de  Cliimay ,  qui 
est  pleine  de  détails  intéressants. 
On  doit  regretter  qu'il  n'ait  pas  pu 
consulter  des  personnes  assez  ins- 
truites de  tout  ce  qui  concernait  la 
reine,  avant  de  mettre  la  dernière 
main  à  son  ouvrage,  défiguré  par 
une  foule  d'inexactitudes.  Il  s'y  est 
d'ailleurs  permis  une  attaque  peu  dé- 
licate contre  M.  de  Bertrand-Molle- 
ville,  qui  lui  répondit  par  une  lettre 
insérée  dans  la  Quotidienne  du  1 1  dé- 
cembre 1 8 1 4  (  V.  Bertrand,  au  Sup- 
plément ).  XII.  Histoire  de  la  révo- 
lution de  France,  depuis  la  présenta- 
tion au  parlement  de  l'impôt  terri- 


MON 

torial  ,  jusqu'à  la  conversion  des 
états-généraux  en  assemblée  natio- 
nale, 1797,2  vol.  in-8°.  XIII.  His- 
toire des  quatre  Espagnols ,  1801, 
4  vol.  in- 1  2  ;  3e.  éd. ,  1 8o5  ,  6  vol. 
in-12.  XIV.  Inès,  de  Léon,  ou  His- 
toire d'un  manuscrit  trouvé  sur  le 
mont  Pausilippe ,  1802 ,  5  vol.  in- 
1*2.  Ce  roman  ne  vaut  pas  le  précé- 
dent, dont  il  n'est  d'ailleurs  qu'une 
imitation.  Tous  deux  ont  ce  carac- 
tère d'intérêt  qui  tient  à  la  curiosité 
et  à  la  physionomie  bien  tracée  de 
plusieurs  personnages;  mais  ils  sont 
trop  chargés  d'incidents,  et  fatiguent 
par  une  diction  traînante. XV.  Eloge 
hi' torique  de  Bochart  de  Saron 
1800 ,  in-8°.  (  V.  Bociiart,  iv, 
628.  )  XVI.  Le,  Bourbons ,  ou  Pré- 
cis historique  sur  les  aïeux  du  roi  et 
sur  sa  Majesté,  etc.  181 5  ,  in-8°. , 
avec  20  portraits.  On  trouve  dans  le 
Journal  de  la  librairie  (  1816,  pag. 
2i5  ),  une  notice  sur  Montjoie  ,  sui- 
vant laquelle  il  paraît  que  ses  vrais 
noms  étaient  Ch  arles  -  Félix  -  Louis 
Feîstre  de  la  Touloubhe.  W — s. 
MONTJOSIEU  (Louis  de.)  ,  en 
latin  Demontiosius ,  savant  anti- 
quaire ,  était  né  au  seizième  siècle  , 
dans  le  Rouergue ,  d'une  famille  no- 
ble. Il  s'appliqua  d'abord  à  l'étude 
des  mathématiques  avec  beaucoup 
d'ardeur;  et  étant  venu  à  Paris,  il  fut 
chargéd'en  donner  des  leçons  au  duc 
de  Joyeuse.  Il  accompagna  ce  prin- 
ce à  Rome,  en  i583  ,  et  profita  de 
son  séjour  en  cette  ville,  pour  se  li- 
vrer à  la  recherche  des  antiquités. 
Son  érudition  et  sa  politesse  lui  mé- 
ritèrent l'affection  des  savants  et  la 
bienveillance  du  pape  Sixte  -  Quint. 
A  son  retour  en  France,  il  se  char- 
gea de  purger  la  ville  de  Paris  des 
boues  dont  elle  était  remplie  ;  et  cet- . 
te  entreprise  ruineuse  dérangea  beau- 
coup ses  affaires  :  il  se  maria  pour 


MON 

les  reparer.  Mais,  dit  Je  Thon  ,1'in 
digne  femme  qu'il  prit ,  fut  cause  lie 
la  mort  de  ce  savant  homme  ,  <]ui 
méritait  de  vivre  plus  long-te 
De  Thon  nous  apprend  que  Montjo- 
sieu  avait  écrit  sur  la  mécanique.  De 
tous  ses  ouvrages,  le  plus  connu  et 
le  seul  qui  soit  recherché  des  cu- 
rieux, est  celui  qu'il  publia  a  Home, 
en  f585,  in-4°. ,  sous  ce  titre:  Gal- 
lus  Homœ  hospes ,  ubi  multa  anti- 
quorum monumenta  erjflicantur  ; 
il  est  divisé  en  cinq  livres.  Le  troi- 
sième :  De  sculpturd,  cœlaturd, 
gemmarum  scalpturd;  et  le  quatriè- 
me :  De  picturd  antiquorum,  ont  été 
insérés*,  par  Laët,  clans  son  édit.  de 
Pitmve,  Amsterd. ,  1649;  et  par 
Grouovius ,  dans  le  Thesaur.  antiq. 
greecar.  ,  tome  i\  :  mais  l'ouvrage 
n'a  point  été  réimprimé  en  entier, 
comme  l'ont  avancé  quelques  biblio- 
graphes-aussi  est-il  de  la  plus  grande 
rareté.  On  en  trouvera  la  description 
dans  la  Bibliot.  curieus.  de  Dav,  Clé- 
ment ,  au  mol  De  MONTIOSWS.  1 1  est 
assez  singulier  que  Junius  n'ait  point 
connu  le  livre  deMontjosieu ,  Depic- 
turd  veterum ;  il  ne  le  cite  point  dans 
la  liste  des  auteurs  qu'il  a  consultés 
pour  rédiger  son  Traite'  sur  le  même 
sujet.  Nos  anciens  bibliothécaires  , 
Lacroix  du  Maine  et  Duverdier,  don- 
nent les  titres  de  plusieurs 
de  Montjosieu,  tout-  onnus 

aujourd'hui  :  Le 
niel  et  les  jours  d 'Ezechiel . 
chant   le  temps   et  le  nom!)! 
années  que  Jésus-Chrisl .  le  M 
devait  être  en  ce  mon 
—  Traité  de  la  nouvelle  cosmogra- 
phie, auquel  sont  montrées  le 

des  astroi.  Hit  aux  tri- 

plicit<  -  Deu  v  livres  de 

la  doctrin  \  •  l'ex- 

plication des  nombres  p| 
œuvre  excellent ,  dit  Duverdier ,  et 


de  grande  érudition.  —  De  re  nu- 
m aria  et  ponderibus. —  Les  précep- 
tes de  rhétorique  mis  ex  a 
table  ,  par  une  singulière  met 

W— s. 
MONTLINOT(Çharleé 
Leglerc  dl  ) ,  né  à  Crespi  en  Valois , 
en  i^3a  ,  était  ecclésiastique  et  cha- 
noine de  la  collégiale  de  Saint-Pierre 
à  Lille  ;  plusieurs  académies  lui  ou- 
vrirent leurs  portes  :  au  bonnet  de 
docteureo  théologie,  il  joignait  celui 
de  docteur  en  médecine;  et  son  exis- 
tence pouvait  être  à  -la  -fois  a 
ble  et  honorable  :  elle  n'en  fut  pas 
plus  tranquille.  A  la  suite  d'une  que- 
relle littéraire  (  V .   ci-après  ,    n°. 
IV  ) ,  il  fut  obligé  de  quitter  Lille  , 
en  17O5,  et  même  de  résigner  son 
bénéfice.  11  vint  à  Paris  ,  et  y  fut 
libraire  pendant  quelque  temps;  mais 
le  commandant  dé  la  Flandre  fran- 
çaise le  lit  reléguer  à  Soissons,  en 
vertu  d'une  lettre  de  cachet  :  il  y  fut 
bien    accueilli   par   l'intendant ,    et 
placé  a  la  tête  An  dépôt  de  mendicité 
de  cette  ville.  La  révolution  le  trouva 
favorable  à  ses  principes;  et  il   fut 
l'un  des  auteurs  de  la  Clef  du  cabinet 
des  souverains  (  avec  MAL  Pomme- 
rcul ,  Peuchet,  etc.  j  11  est   mort  a 
Paris,  en    1801.  On  a  de  lui  quel- 
ques ouvrages,  la  plupart  anonymes  : 
I.  Préjugés  légitimes  contre 
du  sieur  Chaumeix ,  1  7  "><)  ,  in 
une  réponse  à  un  ouvrag* 
dernier  (  /  .  Cb  w  m  ix,  vin, 
où  par  erreur  Montlinot  est  appelé 
Mohnet  ).  Cet  1  attribué  à 

Diderot,  et  insère  par  méprise  dans 
une  édition  de  ses  œui  reS      1  77  3 , 
5  vol.    in-H".  )  ,  avait  reparu  ,    en 
i-(io  ,  sous  le  titre  deTi 
de  plusieurs  articles  de 

,  ou  Préjugé 
IL  l 
Rotice  air. 


5qo 


WON 


Tes,  aveclsurprix,  1 760,111-24,  de  7 1 
pag'S,  dont  les  20  premières  con- 
tiennent les  titres  ei  fau  ;  titres  ,  et 
1111  calendrier  ;  dans  Le  reste  dû  vo- 
)     :c  il  est  question  de  44  ouvrages 
rangés  par  ordre  alphabétique  ,  soit 
des  titres  ,  soit  des  auteurs  ;  c'est  un 
livre   insignifiant  :   l'auteur   annon- 
çait le  projet  d'y  joindre  plusieurs 
suppléments;  il  n'en  a  paru  aucun. 
III.  Esprit  de  LaMothe  LeVayer , 
1^63,  in-12.  IV.    Histoire  de  la 
nulle  de  Lille,  depuis  sa  fondation 
jusqu'en  1 43 4 ^  Paris,  1  764  »  in-ia. 
Un  moine  deGisoing  ,  nommé  War- 
iel,  prévôt  de  Hertsbeighe  ,  est  l'au- 
teur de  la  brochure   anonyme  inti- 
tulée Observations  sur  V Histoire  de 
Lille,  17G5,  in- ta;  et  ce  futl'acreté 
du  style  de  ses  observations  qui  força 
Montlinotd'abandonner  sa  prébende, 
et  l'empêcha  de  publier  le  deuxième 
volume  qui  était  terminé.   V.  Dis- 
cours qui  a  remporté  le  prix  de  la 
société  d'agriculture  de  Soissons, 
en    1779,    Lille,    1780,  in -8°.; 
la  question   était   :   Quels  sont    les 
moyens  de  détruire  la  mendicité  et 
d'occuper  utilement  les  pauvres?  V I. 
JEiat  actuel  du  dépôt  de  Soissons  , 
précédé  d'un  Essai  sur  la  mendicité , 
1789  ,  in- 4°.  ;  Y  Essai  ,  etc.  ,  a  été 
imprimé  à  part,  iu-8°.  Montlinot 
avait  publié  antérieurement  quatre 
comptes   rendus  de  l'établissement 
de  Soissons,  à  la  tête  duquel  l'avait 
préposé  le  gouvernement.  Ces  diiïé- 
rents  rapports  furent  assez  bien  re- 
çus  du  public;   et    l'expérience  de 
Fauteur ,  dans  cette  branche  d'admi- 
nistration ,  le  fit  associer  aux  tra- 
vaux du   comité  de    mendicité  de 
l'assemblée  constituante.  VII.  Ob- 
servations  sur  les  enfant  s -trouvé s 
de  la  généralité  de  Soissons ,  1790, 
in-8\  Cette  courte  brochure,  fruit 
d  •  recherches  commandées  par  le 


MON 

ministre  des  finances,   indique  les 
causes  de  la  progression  du  nombre 
des  enfants  abandonnés,  dans  cette 
iiié  ,    et    renferme    quelques 
idées  d'amélioration  sur  la  législa- 
tion des  enfants  naturels.  VIII.  Es- 
sai  sur  la  transport ation  comme  ré- 
compense ,  et  la  déportation  comme 
peine  ,  1797  ,  in -8°.  Montlinot  est 
auteur  de  la  préface  de  l'édition  du 
Robinson  Çrusoé,  publiée  en  3  vol. 
in -8°.  CF.  Foe,  XV,  119.  ) 
A.  B— t. 
MONTLUC  (  Blaise  de  Lasse- 
rAn-Massencome,  seigneur  de),  ma- 
réchal de  France,  naquit  au  château 
de  Montluc,  vers  i5o^.  La  maison 
à  laquelle  il  appartenait,  était  une 
branche  de  celle  d'Ârtagnan-Montes- 
quiou,  l'une  des  plus  illustres  de  la 
Guienne.  11  était  l'aîné  de  six  enfants, 
qui  n'avaient  en  perspective  que  le 
partage  d'un  patrimoine  montant  à 
peine  à  mille  francs  de  revenu.  Cet- 
te situation  lui  commandait  de  re- 
chercher le   patronage  de  quelque 
grande  maison.  Tandis  qu'on  prépa- 
rait deux  de  ses  frères  à  l'état  ecclé- 
siastique, on  le  plaça  ,  en  qualité  de 
page,  auprès  d'Antoine,  duc  de  Lor- 
raine ,  fils  de  ce  René   qui  abattit 
l'orgueil  de  Charles -le -Téméraire. 
Montluc,  après  le  premier  appren- 
tissage des  exercices  de  gentilhom- 
me, lit  partie  de  la  compagnie  d'ar- 
chers du  duc;  Bayardla  commandait 
alors:  mais,  frappé  du  bruit  des  faits 
d'armes  de  ses  compatriotes  en  Ita- 
lie, Montluc  n'hésita  point  à  s'éloi- 
gner de  ce  chef  renommé,  pour  sui- 
vre une  carrière  de  gloire  plus  brillan- 
te et  plus  rapide.  A  peine  âgé  de  dix- 
sept  ans,  il  prend  congé  de  son  père, 
dont  il  a  reçu  un  chevalet  vingt  pisto- 
les,  et  va  rejoindre  le  maréchal  de 
Laulrec ,  qui  affectionnait  sa  famille , 
et  auprès  duquel  deux  de  ses  oncles 


MON 
servaient  à  cet  le  époque.  Il  se  fait  re- 
marquer au  combat  de  La  Bicoque  , 
en  1 523  y  et  lorsque  les  Français  sont 
forcés  d'évacuer  le  Milancz ,  il  suit 
Lautrec  dans  le  Béarn  ,  où  l'on  crai- 
gnait une  invasion  des  Espagnols. 
Là  ,  il  prend  sur  lui  de  conduire  ses 
soldats  à  l'ennemi,  contre  l'avis  de  ses 
chefs;  et,  après  une  action  très-vive, 
exécute  une  retraite  difficile ,  dont  il 
remporte  tout  l'honneur.  Mis  à  la 
îête d'une  compagnie d'hommesd'ar- 
mes,  il  fut  presque  aussitôt  compris 
dans  les  réformes  que  François  Ier. 
ne  put  se  dispenser  d'opérer  dans  son 
armée,  après  la  prise  de  Fcntarabie 
et  la  défection  du  connétable  de  Bour- 
bon. Montluc  combattit  a  la  journée 
de  Pavie  :  il  y  fut  fait  prisonnier  ; 
mais  on  le  renvoya  sans  rançon,  dès 
qu'il  eut  fait  connaître  qu'il  n'était 
qu'un  soldat  de  fortune.  On  le  revit 
sous  les  drapeaux  de  Lautrec  ,  dans 
l'expédition  de  Naplcs.  Il  fut  dan- 
gereusement blessé  au  siège  d'As- 
coli.  Le  fameux  Pierre  de  Navarre, 
qui  avait  débuté  comme  lui  en  qua- 
lité de  simple  soldat ,  lui  accorda 
son  amitié  ,  et  obtint  pour  lui  la 
confiscation  d'une  baronie  de  douze 
cents  ducats  de  revenu ,  appelée  la 
Tour  de  V slnnonciade .  Montluc  ne 
U  posséda  que  pendant  le  court 
intervalle  où  les  Français  se  main- 
tinrent dans  l'état  de  Naples.  Il  vint 
offrir  ses  services  a  Marseille,  as- 
siégée par  Charles  -  Quint.  Il  im- 
portait de  détruire  le  moulin  d'Àu- 
riole,  situé  à  cinq  limes  de  la  ville  , 
et  qui  assurait  des  subsistances  à  l'ar- 
mée impériale;  mais  l'entreprise  pa- 

ait  impraticable  :  plusieui 
piiaines  avaient  refusé  de  s'en  char- 

Vlontluc,  dont  la  'vivacité  gas- 
conne affrontait  1<-  péril  comme  on 
court  a  une  fête  i  brûle 

!«:  moulin  à  la  vue  de  l'ennemi.  Cho- 


MON  5g  i 

que  de  ce  que  son  nom  avait  été  ou- 
blié dans  le  rapport  qui  fut  fait  de 
cette  action  au  roi,  il  se  retira  dans 
ses  terres.  Un  brevet  de  capitaine  de 
gens  de  pied  le  consola  de  cette  in- 
justice; et  en  i538,  il  se  rendit  dans 
le  Piémont ,  où  Brissac  lui  confia  le 
soin  de  réduire  les  petites  places  qui 
environnaient  Turin.  Peu  s'en  fallut 
qu'un  coup  de  main  de  Montluc  ne 
terminât  la  guerre  ;  il  ne  manqua 
que  d'un  quart-d'heure  le  duc  de  Sa- 
voie, qui,  protégé  par  une  faible 
escorte,  entendait  la  messe  dans  un 
village  voisin.  Le  comte  d'Enghien 
ayant  obtenu  le  commandement  de 
l'armée ,  Montluc  fut  envoyé  à  la 
cour  pour  solliciter  l'autorisation  de 
livrer  bataille.  On  lui  permit  c!e  pren- 
dre part  à  la  discussion  qui  s'ouvrit 
à  ce  sujet  dans  le  conseil;  il  y  parla 
de  l'impatiente  valeur  de  l'année 
avec  une  telle  chaleur,  il  parut  telle- 
ment assuré  de  la  victoire  ,  qu'il  en- 
traîna le  roi ,  malgré  l'opposition  du 
connétable  de  Montmorenci.  La  ba- 
taille fut  livrée  à  Cérisoles;  Montluc 
y  combattit  à  la  tête  des  arquebusiers, 
et  s'y  couvrit  de  gloire.  Le  comte 
d'Enghien  voulut  l'armer  chevalier 
de  sa  main;  mais  Montluc  murmura 
hautement  de  ce  qu'on  lui  eût  préfé- 
ré ,  pour  porter  à  la  cour  la  nouvelle 
de  la  victoire,  un  gentilhomme  en- 
crédit,  le  comte  des  Gars  ,  préféren- 
ce qui  lui  enlevait  la  meilleure  occa- 
sion d'agrandir  sa  fortune.  Le  dur 
de  Guise,  qui  protégeait,  dans  Mont- 
luc, un  homme  dévoue',  dis  ses  plus 
jeunes  années,  à  la  maison  de 
raine,   lui    fit  conférer   1< 

mestre-de-camp  et  le  commandement 

de  douze  cents  hommes ,  qu'il  s1 
sait  de  lever- dans  la  (iuii  : 
lue  ,  après  une  courte  campa:- 
Picardie  ,  et  une  autre  en  Piémont, 
retourna  dans  cette  dernière  contrée, 


5q:ï  MON 

en  i5ao ,  sous  les  ordres  de  Brissac. 
Il  fut  grièvement  blesse  au  siège  de 
Quiers.  On  désespérait  de  forcer  le 
château  de  Lanzô ,  parce  qu'on  re- 
gardait comme  impossible  de  l'at- 
taquer avec  de  l'artillerie  ,  à  cause 
de  sa  position  :  Montluc  s'opiniâtra 
contre  l'avis  de  tous  ses  chefs;  il 
réalisa  le  transport  de  canons ,  qui 
paraissait  impraticable,  et  les  as- 
siégés demandèrent  à  capituler.  La 
délivrance  de  San  -  Damian,  la  dé- 
fense de  Bène,  la  prise  de  Cortemi- 
glia  et  de  Géva ,  confirmèrent  en- 
core sa  brillante  réputation  ;  et  le 
roi  lui  confia  le  gouvernement  d'Al- 
be.  Les  Siennois  s'étant  déclarés  in- 
dépendants ,  sous  la  protection  de 
la  France,  Montluc  fut  envoyé  pour 
les  soutenir.  L'armée  du  maréchal 
de  Strozzi  ,  qui  couvrait  Sienne , 
menacée  par  le  marquis  de  Mari- 
gnan  (  V.  ce  nom  )  ,  venait  d'être 
complètement  battue.  Montluc  ,  ren- 
fermé dans  la  place,  insphe  aux 
assiégés  une  constance  héroïque.  Af- 
faibli par  la  maladie  ,  il  ordonne , 
de  son  lit,  des  mesures  vigoureuses. 
Dans  notre  métier,  disait  il ,  il  faut 
être  cruel ,  et  Dieu  nous  doit  misé- 
ricordepour  avoir j'ait  tant  de  maux. 
Cependant  il  repousse  le  conseil  de 
Strozzi ,  qui  voulait  le  massacre  des 
habitants  non  dévoués  à  la  France. 
Les  femmes ,  électrisées  par  sa  voix, 
partagent  les  travaux  de  la  défense 
commune.  Il  apprend  que  la  crainte 
de  le  perdre  répand  l'abattement  par- 
mi les  Siennois.  Aussitôt  il  vide  quel- 
ques flacons  de  vin  grec,  pour  rani- 
mer son  teint,  revêt  des  chausses  de 
velours  cramoisi,  quil  portait  au- 
trefois pour  l'honneur  d'une  dame 
dont  il  était  amoureux,  quand  il  en 
avait  le  loisir,  et,  dans  un  équipage 
magnifique  ,  se  transporte  au  sénat. 
«  Éh  quoi!  s'écrie-t-il,  pensez-vous 


MON 

»  que  je  sois  ce  Montluc  qui  s'ei 
»  lait  mourant  parles  rues  ?  JV 
»  celui-là  est  mort,  et  je  suis  un  au- 
»  tre  Montluc.  »  Le  sénat  lui  dé- 
cerne la  dictature  ;  et  son  premier 
acte  est  de  jeter  hors  de  la  ville  tou- 
tes les  bouches  inutiles.  Le  marquis 
de  Marignan ,  qui  voulait  mettre  un 
terme  à  cette  résistance  désespérée, 
lui  offrit  les  conditions  les  plus  avan- 
tageuses ,  s'il  consentait  à  capituler. 
Montluc  répondit  avec  hauteur  que 
jamais  on  ne  verrait  son  nom  en  pa- 
reille écriture  :  seulement  il  permit 
aux  Siennois  de  traiter  pour  eux  et 
pour  les  troupes  françaises  ,  et  sortit 
de  ia  place  avec  tous  les  honneurs  de 
la  guerre  ,  le  11  avril  i555.  Henri  II 
lui  donna  en  récompense  le  cordon 
de  Saint-Michel  et  une  compagnie 
d'hommes  d'armes  ,  et  mit  à  sa  dis- 
position deux  charges  de  conseillers 
au  parlement  de  Toulouse  Montluc 
fut  renvoyé  en  Italie ,  pour  défendre 
ce  qui  restait  de  territoire  aux  Sien- 
nois. Le  pape  Paul  IV,  en  guerre 
avec  Charles-Quint ,  arrêta  ,  par  ses 
secours  les  progrès  du  duc  d'Aibe  , 
et  recouvra  Oslie  et  Civita-Vecchia. 
Le  désastre  de  Saint-Quentin  fit  rap- 
peler Montluc  en  France  ;  il  se  si- 
gnala ,  sous  le  duc  de  Guise  ,  aux 
sièges  de  Calais  et  de  Thionviiie  ,  et 
remplit  les  fonctions  de  colonel -gé- 
néral de  l'infanterie  française,  après 
la  'destitution  de  d'Andelot.  Il  séjour- 
na quelque  temps  à  la  cour  ,  et  vou- 
lut une  fois  se  donner  de  l'impor- 
tance au  milieu  des  intrigues  qui  la 
divisaient  ;  mais  le  duc  de  Guise  lui 
ayant  rappelé  assez  durement  qu'il 
n'était  qu'un  soldat ,  il  se  contenta 
du  rôle  de  serviteur  aveugle  de  ce 
chef  de  parti.  Aussi ,  dans  ses  Mé- 
moires ,  glisse-t-il  entièrement  sur  un 
règne  dont  son  orgueil  avait  souffert. 
Après  la  mort  de  François  II ,  Mont- 


MON 

lue  changea  le  titre  de  guerrier  illus- 
tre contre  celui  de  Boucher  royalis- 
te,  que  lui  méritèrent  ses  cruautés. 
11  s'établit  une  affreuse  rivalité  entre 
lui  cl  le  baron  des  Adrets  ,  l'un 
chefs  des  protestants.  Nommé,  en 
1 504,  lieutenant-général  au  gouver- 
nement de  Guienne ,  Moutluc  mul- 
tiplia les  exécutions  contre  les  pro- 
Qts  ,  avec  une  joie  féroce.  L'in- 
dignation s'allume  ,  quand  on  en  lit 
les  détails  tracés  dans  ses  Mémoires, 
avec  la  plus  odieuse  gaîté.  Il  avait 
demandé  d'abord  deux  maîtres  des 
requêtes  pour  donner  une  appan  nce 
légale  à  ses  fureurs  :  bientôt  il  s'en 
débarrassa  ,  en  les  accablant  de  dé- 
goûts. L'un  des  premiers  généraux 
de  la  France  parcourait,  accompa- 
gné de  deux  bourreaux  ,  la  province 
confiée  à  son  autorité;  et  ses  mains 
usurpèrent  souvent  les  fonctions  de 
ces  misérables.  Lui-même  est  le  plus 
véhément  de  ses  accusateurs  :  «  On 
»  pouvait  connaître,  dit-il  ,  par  où 
»  j'avais  passé;  car  par  les  arbres  sur 
»  les  chemins  on  trouvait  les  ciwi- 
»  gnes.  »  Ces  enseignes  étaient  les 
cadavres  de  ses  victimes.  Le  capi- 
taine lléraud  ,  qui  avait  long-temps 
combattu  à  ses  cotés  ,  et  dont  il 
estimait  la  valeur,  fut  du  nombre  de 
ces  infortunés;  les  officiers  catholi- 
ques demandée  i 

ce:  le  monstre  resta  inflexible.    La 
reine  de  Navarre  ,  que 
Mcntluc  ,  ne  réussit  pas    mie 
modérer  son  fanatisme.  En   ; 

il  reçut  ,  à  l'assaut  de  il  ibasteins  , 
un  coup  d'arquebusade  qui  lui  perça 
les  deux  joues,  lui  enleva  une  partie 
du  nez  ,  cl  le  «  it  de  se  cou- 

vrir d'un  masque  le  reste  de  sa  vie  :  il 
se  vengea,  en  passant  au  lil  dePé]  ée 
tous  les  habitants.  <  I  ,  d'in- 

telligence avec  l'ennemi,  d'avoir  ran- 
çonné le  peuple  ,  et  pillé  les  linau- 
XXIX. 


MON  5<j3 

ces  du  roi  ,  dans  la  guerre  contre 
i  otestants  de  Guienne  ;  mais 
son  zèle  effréné  lui  faisait  ti 
défenseurs  à  la  cour.  On  lui  di 
enfin  pour  successeur  le  marquis  de 
Villars.  ùiontiuc  assista  encore  au 
siège  de  la  Rochelle,  en  1573»;  ce 
fut  le  dernier  acte  de  sa  vie  militaire. 
L'année  suivante,  Henri  Tlï  lui  ac- 
corda le  bâton  de  maréchal  de  Fran- 
ce. 11  avait  pensé  à  finir  ses  jours 
dans  un  ermitage  ,  sur  les  Pyrénées; 
mais  il  se  ravisa  ,  et  retiré  dans 
sa  terre  d'Estillac  ,  près  d'Agen  ,  il 
y  mourut,  en  1077.  C'est  là  qu'il 
rédigea  en  sept  livres  ses  Commen- 
taires ,  ou  Mémoires  de  sa  vie  mili- 
taire. Les  quatre  premiers  livres  s'é- 
tendent depuis  1 5 1 9 ,  époque  de  son 
entrée  au  service,  jusqu'à  la  paix  de 
Càleau-Cambresis ,  en  1  j.jf);  les  trois 
antres  embrassent  le  règne  de  Char- 
les IX.  On  y  retrouve  sa  vivacité 
originale,  sa  brusquerie,  sa  jactance, 
et  l'audace  d\\n  homme  qui  avait 
plis  pour  devise  :  Deo  duce  et  ferra 
comité.  La  narration  de  Moutluc  est 
entremêlée  d'exhortations  à  l'usage 
des  officiers  auxquels  il  se  propose 
pour  exemple.  Les  excellentes  leçons 
militaires  consignées  dans  ce  livre  , 
l'ont  fait  comparer  aux  Mémoires 
de  Lanoue  ;  et  Henri  l\r  l'appelait  la 
Bible  des  soldats..  Moutluc  tronque 
souvent  les  noms;  sa  mémoire  est  in- 
fidèle sur  les  dates  :  mais  sa  véracité 
n'est  point  suspecte.  Aussi  de  Thou 
le  prend-il  habituellement  pour  gui- 
de. Boyvin  du  Villars,  il  est  vrai,  se 
trouve  df  temps  en  temps  en  contra- 
diction avec  lui  ;  mais  cette  con- 
tradictiou  s'explique  par  la  partia- 
lité de  !;<;\  vin  pour  liai  de 
:  îitluc 
ont  eu  sept  édition!  d'être 
compris  dans  le  recueil  général  des 
.   relatifs  à  l 'histoire  de 


5f)i  MON 

France.  La  première  édition  est 
celle  de  Bordeaux,  Millanges,  1592, 
in-fol.;  elle  fut  publiée  par  les  soins 
de  Florimond  de  Raimonl,  conseil- 
le? au  parlement  de  Toulouse.  On  a 
cherche  plus  ou  moins,  dans  les 
éditions  subséquentes ,  jusqu'à  la 
septième  de  1760,  à  rajeunir  les 
expressions.  Ces  Mémoires  ont  été 
traduits  en  anglais  ;  et  l'on  en  con- 
naît deux  traductions  italiennes.  — 
Monïluc  (  Pierre  de  ),  dit  le  ca- 
pitaine Peyrot ,  fils  du  maréchal, 
équipa  trois  vaisseaux  ,  et  partit  de 
Bordeaux ,  en  1 568 ,  pour  visiter  les 
côtes  d'Afrique ,  résolu  d'y  assurer,  à 
quelque  prix  que  ce  fût ,  des  retraites 
à  nos  marchands  ,  en  y  bâtissant  des 
forts.  Une  tempête  le  porta  dans  un 
des  ports  de  Madère-  et  comme  on 
était  en  paix  ai-ec  les  Portugais  ,  il 
croyait  n'avoir  rien  à  craindre  d'une 
dation  amie  :  mais  on  fit  feu  sur  lui  ; 
il  eut  même,  dans  la  surprise,  quel- 
ques gens  blessés.  Irrité  de  cette 
perfidie  ,  il  descendit  à  terre,  prit  la 
"place,  la  saccagea  ;  et  il  eût  poussé 
plus  loin  sa  conquête,  s'il  n'eût  été 
Blessé  à  mort.  La  perte  du  chef  porta 
le  découragement  dans  sa  troupe  : 
ils  revinrent  promptement  en  Fran- 
ce. La  cour  d'Espagne  fit  porter  des 
plaintes  par  son  ambassadeur  :  mais 
l'amiral  de  Gliâtillon  prouva  dans  le 
conseil  que  les  Portugais  avaient  été 
les  agresseurs  ,  et  l'affaire  n'eut  pas 
d'autre  suite.  Montluc  eut  quatre  au- 
tres lîls  héritiers  de  sa  bravoure  et 
de  sa  haine  farouche  contre  les  pro- 
testants ;  l'aîné ,  "dit  Brantôme  ,  ne 
s'épargna  pas  à  la  journée  de  la  St.- 
jBarthélemi.  F — t. 

MONTLUG  (Jean  de),  aussi 
liabiie  négociateur  que  le  maréchal 
son  frère  était  grand  capitaine,  ca- 
chait ses  talents  sous  l'habit  de  do- 
xiùuicaiu,  lorsque  la  reine  de  Na.- 


MON 

yarre,  sœur  de  François  Ier.,  char- 
mée de  son  esprit  délié,  et  de  son 
penchant  pour  les  opinions  nouvel* 
leé ,  le  tira  de  son  couvent  pour 
l'amener  à  la  cour.  Il  sut  bientôt 
s'insinuer  dans  l'esprit  de  François 
Ier.,  et  s'éleva  encore  à  une  plus 
haute  faveur  sous  Henri  IL  La  car- 
rière diplomatique  s'ouvrit  devant 
lui,  et  devint  le  principe  de  sa  for- 
tune. L'Irlande,  la  Pologne,  l'Ita- 
lie, l'Angleterre,  l'Lcosse ,  l'Alle- 
magne, et  même  Gonstantinople,  le 
virent  successivement  stipuler  les 
intérêts  de  la  France.  Il  remplit  jus- 
qu'à seize  ambassades.  La  première  , 
dont  on  ne  recueillit  pas  tout  le  fruit 
qu'on  s'en  était  promis  ,  était  extrê- 
mement délicate  :  il  s'agissait  d'en- 
gager les  Irlandais  à  se  jeter  clans 
les  bras  du  roi  de  France.  Montluc, 
au  retour  de  son  ambassade  à  Cons- 
lantinople,  remplit  à  Rome  les  fonc- 
tions de  protonotaire  :  il  se  concilia 
la  confiance  des  ministres  qui  y  re- 
présentaient la  France  •  il  sut  se  ren- 
dre nécessaire,  et  bientôt  tous  leurs 
secrets  diplomatiques  passèrent  par 
ses  mains.  L'évêque  de  Limoges , 
nommé  à  l'ambassade  de  Rome,  fut 
offusqué  de  l'ascendant  qu'y  prenait 
Montluc  ;  mais  celui-ci  eut  le  crédit 
de  faire  rappeler  le  prélat.  Montluc 
ne  fut  pas  moins  heureux  en  Polo- 
gne. La  diète,  assemblée  pour  donner 
un  chef  à  la  nation ,  se  laissa  sédui- 
re par  son  éloquence  appuyée  d'a- 
droites largesses,  et  fît  tomber  ses 
suffrages  sur  Henri  de  Valois  ,  qui 
régna  depuis  en  Fiance  sous  le  nom 
d'Henri  III.  Montluc  avait  aupara- 
vant (  en  i5Go  )  conclu,  à  Edim- 
bourg ,  un  traiié  qui  rendait  le 
calme  à  FLcosse  en  paraissant  la 
soustraire  à  l'influence  rivale  de  la 
France  et  de  l'Angleterre.  Ses  ser- 
vices furent  récompensés,  dès  a  ■ 


MON 

par  l'évêche'  de  Valence  et  de  Die. 
Le  nouveau  prélat  avait  adopté  les 
principes  de  tolérance  de  L'Hôpi- 
tal; et  le  langage  qu'il  tint ,  de  con- 
cert avec  Marillacspn  émule ,  à  l'as- 
semblée des  notables  qui  eut  lieu 
à  Fontainebleau  sous  François  II  , 
fortifia  les  soupçons  qu'on  avait  con- 
çus sur  sa  croyance.  Il  n'avait  fait 
cependant  qu'insister  fortement  sur 
la  nécessité  d'une  réforme  ecclésiasti- 
que et  sur  la  prochaine  convocation 
d'un  concile  national.  Au  reste,  il 
mesurait  sa  politique  sur  celle  de  Ca- 
therine de  Médicis  ,  à  laquelle  il  de- 
meura constamment  attaché.  IL  ne 
laissait  percer  d'hérésie  dans  sa  con- 
duite ,  dit  M.  Lacretebe  ,  qu'autant 
qu'il  convenait  à  la  reine.  11  prêchait 
à  la  cour  une  doctrine  versatile , 
faite  pour  essayer  les  dispositions  des 
courtisans.  I.a  reine  goûtait  fort  cette 
sorte  de  prédication;  et  elle  y  condui- 
sait assidûment  Je  roi ,  laissant  gron- 
der le  connétable  de  Montmoi  • 
qui  se  plaignait  qu'on  pervertit  le 
prince.  Ce  vieux  guerrier  ne  se  con- 
traignait pas  de  son  côté  dans  sa  ma- 
nière d'exprimer  son  improbation 
sur  les  innovations  qu'on  essayait 
sous  ses  yeux.  Un  jour  que  \\  ■ 
de  Valence  pariait  en  ehain 
chapeau  et  en  manteau  ,  ce  costume 
inusité  révolta  tellement  le  connéta- 
ble ,  que  ,  se  levant  l'œil  en  feu  ,  il 
donna  l'ordre  a  ses  gens  d'aller 
ser  cet  évèque  travesti  en  mi- 
nistre. L'orateur  ,  déconcerté  par 
celte  brusque  apostro  -'don- 

ûssi-bien  n'eût-il  pas 
été  sage  <f  la  colère  di 

vere    Mont  moi-  connaît  le 

plaisir  qu'avai'  ,ble  à  trou- 

bler les  pi  et  son 

goût  pour  les  e 
qui   lui  faisai  ml  s< 
pre  ses  patcuôt. 


MON  5cp 

vit  de  l'évêque  de  Valence  pour  ten- 
rapprocher  les  chefs  du  parti 
catholique  et  ceux  du  parti  protes- 
tant. On  dit  que  le  négociateur  ré- 
digeait en  même  temps  les  lettres 
de  la  reine  et  celles  du  prince  de 
Coudé.  Il  ne  voulait  sans  doute 
présenter  aux  contendants  qu'un 
leurre  politique,  puisqu'il  leur  ht  la 
singulière  proposition  de  se  sacrifier, 
par  un  exil  volontaire,  au  repos  de 
leur  pays.  Peut-être  que  toutes  les 
secrètes  affections  de  Mont  lue  se  bor- 
naient à  l'établisscmentde  la  réforme 
telle  qu'elle  existe  eu  Angleterre,  où 
l'épiscopat  est  conservé.  Dans  son 
diocèse,  il  s'enveloppait  sous  de  pru- 
dents dehors  ,  comme  l'attestent  ses 
instructions  au  clergé  et  au  peu- 
ple de  Valence  ,  imprimées  en 
i;>">7  ,  et  ses  ordonnances  synodales 
publiées  l'année  suivante.  Il  déroba 
longtemps  au  public  la  connaissance 
de  son  mariage  clandestin  avec  une 
demoiselle  ,  nommée  Anne  Martin  , 

il  eut  un  fils  naturel  (  i 
l'article   suivant  ).    L'ambiguïté  de- 
là conduite  de  Montluc  fut  enfin  dé- 
noncée à  la  cour  de  Rome  ;  et  Pie 
IV  le  condamna  comme  hérétique. 
Mais  comme  l'accusateur  du  prêtât , 
j  en  de  Valence,  n'avait  pu  éta- 
blir les  faits  à  charge,  d'une  manière 
authentique ,  et  qu'il  n'avait  point  été 
donné  de  juges  in  parlibus  à  Mont- 
luc, celui  ci  traduisit  son  adversaire 
par-devant  le  parlement  de  Pa; . 
obtint  des  dommages-intérêts,   par 
du  14  octobre  i5(io.  11  parut, 
sur  la  iii.de  sa  vie,  rentrer  toul 
dans  h'  communion 
mourut  à  Toulouse,  «f 
e,  le  i3  avril 
auparavant,  il 

une  ai  Barthelemi. 

Ses  Servions,  ii 

>.  volume-  ut rv- 


596 


MON 


marquantes  par  leur  hardiesse  et  par 
l'artifice  qui  déguise  la  pensée  secrète 
de  l'orateur.  Biaise  de  Montluc,  dans 
ses  Mémoires,  semble  éviter  de  par- 
ler de  son  frère ,  dont  les  opinions 
et  la  politique  tranchaient  entière- 
ment avec  sa  rude  franchise  et  son 
fanatisme  déclaré.  Le  jésuite  Colombi 
a  entrepris  une  apologie  des  senti- 
ments religieux  de  Févêque  de  Va- 
lence. «  Je  ne  crois  pas ,  disait  le  ma- 
»  réchal  de  Montluc  ,  qu?un  homme 
»  si  savant  ,  comme  on  dit  qu'est 
»  mon  frère,  veuille  mourir  sans 
»  escrire  quelque  chose  ,  puisque 
»  moi ,  qui  ne  sçais  rien ,  m'en  suis 
»  voulu  mesler.  »  L'éveque  de  Va- 
lence eut  en  effet  le  dessein  de  rendre 
compte  au  public  de  ses  travaux  di- 
plomatiques si  multipliés,  et  aux- 
quels il  appliquait  ce  vers  de  Vir- 
gile : 

Quœ  regio  in  terris  nostri  non  plena  laboris  ? 

Mais  les  distractions  du  plaisir  et  de 
l'intrigue  l'empêchèrent  de  donner 
suite  à  ce  projet.  Les  détails  de  sa 
mission  en  Pologne  nous  ont  été 
transmis  par  Jean  Choisnin  de  Châ- 
telleraut ,  témoin  oculaire ,  dans  son 
Discours  au  vrai  de  tout  ce  qui 
s'est  passé  pour  la  négociation  de 
l'élection  du  roi  de  Pologne,  15^4» 
petit  in-8°.  Quelques  traits  du  por- 
trait de  Panurge,  qui  conviennent  à 
l'éveque  de  Valence,  ont  fait  penser 
sans  fondement  à  Lamotteux,  com- 
mentateur de  Rabelais,  que  Jean  de 
Montluc  était  le  type  de  T'ébauche 
satirique  du  curé  de  Meudon.  F-t. 

MONTLUC.  (Jean  de),  seigneur 
de  Balagny  ,  et  fils  naturel  du  pré- 
cédent, fut  légitimé  en  1567.  ^  sul~ 


MON 

vit  son  père  en  Pologne,  sans  que 
cette  inconvenance  fût  remarquée  ;  et 
à  son  retour  ,  il  s'attacha  au  duc  d'A- 
lençou,qui  lui  fit  obtenir  le  gouver- 
nement de  Cambrai.  Après  la  mort 
de  son  protee'eur,  il  se  jeta  dans  le 
parti  de  la  Ligue,  où  il  ne  recueillit 
que  le  mépris.  Les  troupes  qu'il  avait 
conduites  au  duc  d'Aumale  devant 
Senlis,  furent  ignominieusement  bat- 
tues ,  et  subirent  ,  dans  les  champs 
d'Arqués,  une  nouvelle  défaite.  Bala- 
gny crut  avoir  effacé  sa  honte,  en 
contribuant  à  la  levée  du  siège  de 
Paris  et  de  celui  de  Rouen.  Renée  de 
Clermontd'Amboise,  sa  femme,  di- 
gne sœur  de  Bussy-d'Amboise,  digne 
surtout  d'un  autre  époux,  se  ména- 
gea une  entrevue  avec  Henri  IV,  en 
if>Q4,  fit  rentrer  Balagny  dans  ses 
bonnes  grâces,  et  obtint  pour  lui  le 
bâton  de  maréchal  de  France,  et 
la  principauté  de  Cambrai.  Balagny 
jouit  peu  de  temps  de  ces  honneurs. 
Sa'  domination  devint  insupportable 
aux  Cambraisiens,  que  sa  mollesse  et 
sa  lâcheté  avaient  depuis  long- temps 
soulevés  contre  lui.  Ils  reçurent  les 
Espagnols  dans  leurs  murs ,  et  assié- 
gèrent dans  la  citadelle  leur  récent 
souverain.  Envain  Renée  opposa  une 
défense  héroïque ,  et  s'efforça  de  ra- 
nimer le  courage  de  la  garnison ,  pa- 
ralysée par  l'indolence  de  son  chef: 
elle  ne  put  prévenir  la  capitulation  - 
mais  elle  expira  de  douleur  avant 
d'être  témoinde  cette  disgrâce  humi- 
liante. Pour  Balagny,  indifférent  à  sa 
chute,  il  s'en  consola  dans  les  bras 
d'une  nouvelle  épouse,  Diane  d'E- 
trées,  sœur  de  la  belle  Gabrielle.  Il 
mourut  en  i6o3;  sa  postérité  s'étei- 
gnit à  la  2e.  génération.     F — t. 


FIN    DU    VINGT-NEUVIEME    VOLUME, 


**        Biographie  universelle, 
ancienne  et  moderne 

l 
t. 29 


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