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Full text of "Biographie universelle, ancienne et moderne; ou, Histoire"

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BIOGRAPHIE 

UNIVERSELLE, 
ANCIENNE    ET    MODERNE 

SUPPLÉMENT. 


nrmunumiimn m 1 


MAR  — MET. 


W^%\  k*%\.  »A^%  V^X%  »««V«%W«  ««A(V«A%% 


pauis.  —  iiuraiMEniE  de  imuiVRAir, 

Hue  Crofii-<?cs'Pctit«-Clinmiw,  35. 


BIOGRAPHIE 

UNIVERSELLE, 
ANCIENNE    ET    MODERNE. 

SUPPLÉMENT, 

00 

SUITB  DE  l'histoire  ,  PAR  ORDRE  ALPHABETIQUE  ,  DE  LA  TIB  PUBLIQUE 
ET  PRIVÉE  DE  TOUS  LES  HOMMES  QUI  SE  SO?IT  FAIT  REMARQUER  PAR 
LEURS  ÉCRITS,  LEURS  ACTIOZtS ,  LEURS  TALENTS,  LEURS  VERTUS  OU 
LEURS    CRIMES. 

OOVKACB   SKTlàKBXSHT   VEOF , 

HÈDIGÉ  PAR  UNE  SOCIFTÉ  DE  GENS  DE  LETTRES  ET  DE  SAVANTS. 


On  doit  deséjardî  aui  vitaals  ;  oa  ne  doit  aui  inort> 
que  la  vériU.  {^ ol,T  ■, première  Lettre  «ti/- Œdipe.) 


TOME   SOIXANTE-TREIZIEME. 


A  PARIS,      # 

CHEZ    L.-G.    MICIIAUD,    ÉDITEUR, 

RUE  DI?   HASARD-RICHELIEU  .   1*. 


1843. 


V 


V  ^^ 


SIGNATURES  DES  AUTEURS 

DU  SOIXANTE-TREIZIÈME  VOLUME. 


MM. 


MM. 


A.  B— T. 

Bkuchot. 

G R — D. 

Gdérard. 

A—n. 

AHTAtJI). 

G «T. 

Grégory  (J.-G.). 

A— T. 

H.  AUDIFFRET. 

G— t— B. 

GAUTHrER. 

A— Y. 

Alby  (René). 

G— Y. 

Gley. 

B D E. 

Badicbe. 

L. 

Lefebvre-Cacchv. 

B D R. 

BoRniER. 

L— c — i. 

Lacatte-Joltrois.  , 

B— P. 

De  Beavchamp. 

L— M— e. 

Lamotte. 

&— c. 

Beacliec. 

L— M— X. 

J.  Lamocreux. 

B Y K. 

Bruyère. 

L— 1— E. 

Hippolyte  de  la  Porte. 

G— AV. 

Catteac-Calleulle. 

L — s — \>. 

Lesourd  (Ix)ui8). 

G.  D— s. 

Despobtes-Boscheron  . 

M— A. 

Meldola. 

G— L— T. 

Ck)IXOBUET. 

M— Dj. 

Micbaud  jeune. 

C.  T— Y. 

Coquebert  de  Taizy. 

M— G— s. 

MAGÎtl>. 

D ^B — s. 

Dubois  (Louis). 

M— R— t. 

Merat  (F.-V.). 

D— G. 

Deppisg. 

OZ M. 

O^A^•AM. 

D H— E. 

Dehèqce. 

P.I^— T. 

Prosper  Levot. 

D R R. 

Durozoir. 

p OT. 

Parisot. 

D— z. 

Desprkz  (Hippolyte). 

P— RT. 

Philbert. 

D — z — s. 

Dezos  de  la  Roquette. 

P— S. 

PÉRIÈS. 

E— s. 

Etriès. 

R— u — ^^. 

Rewauldin. 

F— A. 

FoRTiA  d'Urban. 

R— É. 

ROYÉ.                                                1 

F— LE. 

Fayolle, 

R— F— G. 

De  Reiffenberg. 

F.   P— T. 

Fabien  Pillet. 

T— D. 

Tabaraud. 

Fr E. 

De    FROBERVILUi. 

u— 1. 

USTÉHI. 

F— T. 

Foisset  aîné. 

V.  S.  L. 

VISCEKS-SAI^T-LAL^\E^  J . 

F— T— E. 

De  la  Fosteselle. 

W— s. 

Weiss. 

G— G— Y. 

De  Grégory. 

Z. 

Anonyme. 

G— s. 

Gtjilloh  (Aimé). 

BIOGRAPHIE 


UNIVERSELLE. 


SUPPLEMENT. 


M 


MARA  (Gcii-LALME  de),  orateur 
et  poète  latin ,  naquit  vers  1470 ,  au 
iliocèse  de  Coutances  ,  d'une  lamille 
très-honorable  (1).  Kn  terminant  ses 
études  il  se  Ht  recevoir  docteiu-  dans 
la  double  Faculté  de  droit  ,  titre  qu'il 
prend  a  la  t«;te  de  ses  ouvrap.es  ,  et 
embrassa  l  état  ecclésiastique.  Il  assis- 
tait aux  tournois  que  Charles  VllI  fit 
célébier  à  Lyon  pour  réunir  les  che- 
valiers qu'il  voulait  enf;a(>er  a  le  suivre 
dans  son  expédition  de  >'aples.  On 
apprend  par  ime  lettre  de  Mara  qu  d 
lut  attaché  quelque  temps  an  cai- 
dinal  Briçonnet,  sans  doute  en  cpia- 
lité  de  secrétaire,  et  quil  se  trouvait 
a  Moulins  lorsque  ce  prélat  v  mou- 
rut en  li97-  Depuis,  il  remplit  les 
fonctions  de  recteur  de  I  Université 
de  Caen;  et  l'on  peut  conjecturer 
avec  assez  de  vraisemblance  qu  il  v 
avait  professé  la  théologie  ou  le  droit 
canonique,  il  fut  pourvu,  vers  lo08, 
d'un  canonicat  du  chapitre  de  Cou- 
tances,  dont  il  devint  le  ti'ésorier  «t 
l'orateur,  et  mourut  vers  l'6'iO,  On  a 
«le  lui  :    I.    TripertitHs  in  chimceram 

(1)  Deux  de  s<?s  frères  .  Jean  et  Roland  d<- 
Mara,  remplissaient  les  fonctions  de  secrétaire 
il' Adrien  de  GoiUTier,  évèque  de  Ckjutances  ;  pi 
Jean  llicbel,  son  neveu,  professait  la  th^lo- 
gie  i  la  Faculté  de  Pari*i 

LXXIII. 


l'onflictus,  1510,  in-4",  sans  nom  de 
ville,  mais  imprimé  à  Caen.  Guil- 
laume de  Mara  dédia  cet  ouvrage  à 
.lean  de  Canay.  chancelier  de  France. 
La  chimère  qu'il  v  combat  ,  c'est  le 
péché  d'orgtieil.  celui  de  luxture  et 
«•eini  d'avarice,  .leau  Vatel  en  donna 
une  seconde  édition  avec  des  note-» 
[famUiaribui  eominenlariis  élucidât), 
l'aris,  151.3.  in-4''  de  32  feuiU.;  Pan- 
/er.  dans  ses  ^^/ina/e?  topo^raphici,en 
cite  mie  autre  in-S".  sans  date  et  sans 
auciuie  indication  ,  qui  poun'ait  bien 
être  l'édition  orifjinale.  IL  De  tribus 
pigieiidis  :  ventre,  pluma  et  venere, 
tibri  très,  Paris,  C.olines,  1312;  ibid., 
1321  ,  in-4",  livre  singulier,  rare  et 
recherehf-  des  curieux.  IIL  Sjlvarum 
fibri  Jf\  ibid.,  1513,  in-4°.  IV.  Epis- 
tnlœ  etomiiones,  ibid.,  1-513,  in-4°  de 
;iO  feuillets.  -L  Vatel  est  l'éditem-  de 
ce  recueil,  dans  lequel  on  trouve  quel- 
ques par liaila rites  intéressantes  ;  par- 
mi les  personries  avec  qui  Mara  entre- 
tenait un  commerce  épistolaire  ,  on 
distingue  le  poète  Fausto  Andrelini.  V. 
Faraphruûn  in  Miisœum  de  Herone  et 
l.eandro,  Cologne,  1626,  in-S".  Cette 
version  du  poème  de  Musée  est  accom- 
pagnée du  texte  grec.  Elle  est  très-rare. 
Les  ancien*  bibliothécaires  Tritheim, 


iUH 


MAU 


Gesner,  etc.,  citent  encore  de  Guil- 
laume de  Mara  quclqnei,  opuscules 
restés  inédits  sans  doute ,  et  dont  on 
ne  connaît  plus  de  copies  :  De  amori- 
buSy  de  laudibus,  de  probris,  de  di- 
vinis  libri  quatuor.  —  Nœntarum  ac 
epitaphiorum  liber  nuits.  Mais  cest 
par  une  de  ces  erreurs  que  l'homo- 
nymie rend  si  fréquentes  dans  l'iiis- 
toire  littéraire  ,  qu'ils  lui  attribuent  ; 
Opnsculum  de  sacrO'SanctaEucharistia. 
Cet  opuscule  est  de  Guillaume  de  Ma- 
ra ,  chanoine  d'Évreux ,  qui  vivait 
avant  1464.  Voyez  la  Oallia  c/uw- 
tiana,  XI,  604.    '  \V— s. 

MARA  (Élisabetu),  cantatrice  alle- 
mande, naquilà  Cassel,  en  1750.  Peu 
de  temps  après,  son  père  alla  chercher 
fortune  en  Angleterre,  et  fixa,  pour 
quelques  années  du  moins,  ses  pénates 
à  Londres.  C'est   là   qu'âgée    de   dix 
ans,  Elisabeth  débuta  publiquement 
dans  un  concerto  de  violon  et  y  mé- 
rita des  applaudiîisements  beaucoup 
au-dessus  de  son  âge.  Toutefois ,  elle 
ne  tarda  pas  à  renoncer  à  l'instru- 
ment le  moins  de  tous  en  harmonie 
avec  les  grâces   si  nécessaires   à  ]a 
femme,  et  elle  se  voiia  au  chant  sous 
la  direction  de  Paradisi,  dont  elle  de- 
vint l'élève  la  plus  habile.  Il  lui  res- 
tait de  sa  première  éducation  comme 
violoniste    une  habitude  exquise    et 
profonde  de  la  mesure,  et  au;>;i  plus 
d'aptitude,  plus  de  délicatesse  pour 
rendre ,  par  le  chant  de  sa  voix ,  les 
fractions  de  ton  presejuc  insensibles , 
qui  distinguent   la  note  diézée  de  la 
bémoliscc  ,    sensée    la    môme    avec 
elle  sur  le  piano.  Elle  prétendait  mc- 
uie,  nous  a  dit  le  savant  théoricien 
anglais  Bacon  ,  que  c'est  dans  ce   but 
qu'elle  avait  étudié  le  violon.  A  peine 
âgée  de  14  ans,  elle  chanta  devant  la 
reine,  femme  de  George  lll,avec  un  suc- 
cès qui  put  faire  présager  son  avenir. 
Elle  pa»»a  encore  deux  ans  à  Londi^eiK 


partageant  son  temps  entre  les  con- 
certs et  les  études  diverses  parmi  les- 
quelles l'éducation  vocale  tenait  tou- 
jours le  premier  rang.  Après  quoi, 
elle  se  mit  en  route  avec  son  père  poiu* 
l'Alleuiagne  (1767),  et  se  fit  entendre 
lour-à-tour  dans  plusieurs  capitales 
des  petites  principautés  de  ce  pays , 
puis,  finalement,  à  Uerlin.  Sa  renom- 
mée, croissant  avec  son  talent,  finit 
par  balancer  celle  de  M"'"  Todi,  alors 
la  reine  du  chant  pour  l'Allemagne 
du  nord.  C  est  là  aussi  qu'elle  épousa 
le  violoncelliste  Mara,  qui  faisait  par- 
tie de  la  musique  de  la  chambre  du 
prince  Henri.  Hien  que  cette  union  la 
fixât  à  Berlin,  elle  parcourut  encore  à 
diverses  reprises  les  villes  secondaires 
de  l'Allemagne,  et  fit  même  deux  excur- 
sions en  Suisse.  Enfin ,  au  commence- 
ment de  1784,  elle  reparut  à  Londres 
après  dix-sept  ans  d'absence.  Les 
quatie  ans  qu'elle  y  passa  furent  très- 
lucratifs  pour  elle.  Un  seul  concert  à 
son  bénéfice  lui  valut  plus  de  treize 
mille  francs  ,  recette  énorme  à  cette 
époque.  Quatre  fois  elle  figura  comme 
première  cantatrice  à  la  fête  funèbre 
de  Hœndel  (1784,  85,  86,  87),  et 
quatre  fois  elle  excita  l'admiration  la 
plus  vive  dans  son  immense  audi- 
toire d'amateurs  et  d'artistes  qui  ne 
jtéchaient  point  par  indulgence.  Au 
carnaval  de  1788,  elle  se  rendit  à  Tu- 
rin ,  où  elle  avait  un  engagement  au 
théâtre  royal.  L'année  suivante ,  le 
nouveau  roi  de  Prusse,  rré<léric-Guil- 
laume  II,  l'appela  au  théâtre  lyrique 
de  Berlin,  en  remplacement  de  ma- 
dame Todi.  Il  ne  lui  manquait  plus 
après  cela  cpie  la  sanction  du  public 
de  Paris  où  sont  venues  échouer  tant 
de  réputafions  étrangères.  Elle  ne  crai- 
gnit point  d'affronter  le  péril,  et  un 
triomphe  réel  récompensa  son  audace. 
Bien  que  sa  jeunesse  commençât  à  décli- 
ner, ellejouissaitcncore  de  toute  la  plé- 


nitude  de  ses  moyens  :  sa  voix  étendue, 
brillante  ,  sonore  ,  toujours  égale  a 
elle-même,  était  d'une  légèreté  inouïe 
dans  les  fioritures  .  et  l'expression, 
Tâme  ne  lui  manquaient  pa<.  On  fut 
surtout  surpris  de  la  perfection  avec 
laquelle,  née  Allemande,  et  Anglaise 
j)ar  l'éducation  ,  elle  prononçait  les 
paroles  françaises.  Elle  chantait  avec 
autant  d'élégance  dans  le?  trois  lan- 
gues et  aussi  en  italien.  Au  total , 
cette  souplesse,  cette  heureuse  facilite 
de  se  plier  comme  spon  tanement  à  tou  t , 
dominaient  le  talent  de  M"'*Mara.Ilest 
permis  de  croire  que  si  elle  n'avait  paj- 
été  cantatrice,  elle  eût  n'nissi  en  toute 
antre  carrière,  et  qu'elle  eût  dévelop- 
\Mu  sinon  la  même  supérioritt-,  du 
moins  la  même  giàce  ,  la  nif'me  ai- 
sance ,  la  même  correction.  Quelque- 
fois même  elle  arrivait  bien  près  du 
sublime.  (^loiquClle  ne  fût  jamais 
plus  à  l'aise  que  dans  les  airs  de  bra- 
voure, il  V  avait  tel  adagio  qu'elle  ren- 
dait avec  la  plus  rare  énergie  .  ave< 
la  passion  la  plus  déehiiante.  Le  fe- 
nieux  rondo  de  Xeumann  :  Tnm'itt- 
h'ndi^  était  un  de  ses  triomphes  e*i 
'  e  geme.  Cependant,  comme  il  a  tou- 
(onrs  été  de  mode,  en  fait  d'art,  de  <e 
langer  en  deux  band«>s,  il  v  avait  a 
Paris  une  secte  de  todistes,  e'est-à- 
(tire  de  partisans  de  M"'  Todi,  tandi^ 
fjoe  d'autres  portaient  an\  nues  M°" 
Mara.  Nous  ne  savons  s'il  est  bien 
authentique  que  ces  derniers  trou- 
vassent matière  à  jouer  sur  les  mots 
lodi  et  tode  (en  disant  par  exemple  à 
l'apparition  de  M»''  Mara  ,  die  Todi 
'■t  tode);  mais  les  todiste»  prenaient 
leur  revanche  en  répliquant,  s'ils  en- 
tendaient une  conversation  de  la  na- 
ture de  celle-ci  :  «  Laquelle  vaut  le 
mieux?— C'est  Mara.. ..--C'est  bientôt 
dit  (c'est  bien  Todi).-  M"'  Mara  avaii 
aussi  \-isîté  la  Russie,  et  il  paraît 
qu'elle  garda  de  ee  pav^  un  souvenir 


MAK  3 

agréable  ,  car  après  avoir  quitté  le 
théâtre,  ce  fut  là  qu'elle  se  retira.  Elle 
survécut  plus  dun  quart  de  siècle  à 
cette  abdication,  et  entendit  dans  su 
retraite  retentir  la  trompette  de  la 
renommée  pour  bien  d'autres  Dîve  del 
canlo,  nées  plus  tard  et  mortes  plus 
tôt  qu'elle.  Elle  avait  quatre-vingt- 
trois  ans  quand  elle  expira,  le20  jan- 
vier 1833,  à  Reval,  quarante-quatre 
ans  après  son  époux,  le  violoncelliste 
Jean  Mara.  —  Ce  dernier  était  fils 
d'Ignace  Mara ,  né  en  Bohême  vers 
1710.  I^  père  était  violoncelliste  de 
la  chambre  du  roi  de  Prusse;  le  fils, 
ainsi  qu'on  l'a  vu  plus  haut  ,  l'était 
de  la  chambre  du  prince  Henri  :  tous 
deux  possédaient  un  vrai  talent  ;  le  fil.s 
pnincin)  iv.TÏt  plus  de  renommée,  et 
j  :  1  temps  pour  un  des  pre- 

iniri-i  Vil  [iioses  sur  l'instrument  qu'il 
«ultivaif.  il  exécutait  des  passages  d'u- 
ne difficulté  presque  inconnue  avant 
lui.  et  excellait  dans  les  adagio  dont 
il  luiançait  admirablement  Fe.xpres- 
>ion.  Il  avait  aussi  des  qualités  remar- 
qliables  comme  acteur  ,  et  il  joua 
sur  le  théâtre  particulier  du  prince 
flenri.  Tous  deux  moururent  à  peu 
de  distance,  le  père  en  1783,  le 
fils  en  1789.  Enfin  tous  deux  laissè- 
rent des  œuvi'es  de  basse;  mais  celles 
«lu  père,  consistant  en  solos  ,  duos  et 
'  nni-oi  tb> .   sotit  restées  manuscrifés. 

P OT.    ' 

MAIIAFIOTI  (le  père  Jébôme), 
•  ordelier  calabrais,  était  né  dans  le 
X^T  siècle,  à  Polistena.  I.es  devoirs 
*le  son  état  partagèrent  sa  vie  aVee 
Tétudc  des  sciences  et  de  l'histoire.  Il 
viva't  encore  en  1626;  mais  on 
ignore  la  date  de  sa  mort.  Ses  deux 
principaux  ouvrages  sont  :  I.  Le  chro- 
niche  c  antichità  di  Calahria  conformi 
utrordîne  de'  testiffivro  e  lai'ino,rac- 
lolte  da  più  fatnosi  scrittori,  Padoue. 
1601.  in-i".  C'est  surtout  à  Gabriel 
i. 


>UR 


Barri  (i-.  ce  nom,  111, 410)  que  le  nouvel 
historien  de  la  Calabre  a  fait  de  larges 
emprunts;  mais  l'envie  de  paraître 
plus  savant  que  son  prédécesseur, 
lui  a  fait  recueillir  une  foule  de  traits 
évidemment  fabuleux,  et  qu'il  appuie 
du  témoignage  d'auteurs  dont  les 
écrits  ne  nous  sont  pas  parvenus.  U. 
De  arte  reminiscendo:  per  hca  et 
imagines  ac  per  notas  et  figuras  w 
manibus  positas,  Venise,  1605,  in-8". 
Ce  traité  de  mnémonique  est  fort 
rare.  Parmi  ses  manuscrits ,  on  re- 
marque un  traité  de  Cabale  :  De  Ar- 
■catiis  numeromm.  W     s. 

MARAIS  (Mathiei) ,  avocat  dis- 
distingué au  Parlement,  dont  l'article 
manque  à  toutes  les  biographies,  na- 
quit, en  1664,  à  Paris,  et  y  mourut 
le  21  juin  1737,  comme  nous  l'ap- 
prend M.   Ravenel,  qui  a  découvert 
récemment  son  acte  de  décès  sur  les 
registres  de  la  paroisse  Saint-Eusta- 
che.  Marais  n'était  connu  dans  la  lit- 
térature que  par  une  Histoire  de  la  vie 
et  des  ouvrages  de  M.  de  La  Fontaine, 
œuvre   posthume,  publiée  en  1811, 
par  Chardon  de  LaRochette,  1  vol.  in- 
12  et  ln-18.  M.  Walckenaer  en  a  ti- 
ré parti  pour  son  ouvrage  sur  le  fa- 
buliste. Ou  attribue  aussi  à  Mathieu 
Marais    quelques    morceaux    insérés 
dans  le  Mercure,  notamment  la  cri- 
tique du  Panégjriijue  de  Sacy ,   par 
M"'  Lambert,  il  était  lié  avec  Bayle, 
qui  profita  de  ses  notes  pour  le»  ar- 
ticles Henri  III y    le  duc  de  Guise,  la 
reine  de  Navarre,  l'avocat  de  Retz,  et 
})eaucoup    d'autres   de   son   Diction- 
naire  historique.  Dans  la  correspon- 
dance de  «ayle,  on   trouve  la  Icttic 
suivante,  (jui  lui  est  adressée,  sous  la 
date  du  2  octobre  1698  :  »  Que  j'ad- 
«  mire  l'abondance  des  faits  curietix 
«.  que  vous  me  conununiquez,  tou- 
•  chant  MM.  Arnauld, Rabelais,  San- 
.  tetil,  U  Fontaine,  La  Bi-uyère,  etc. 


MAR 

u  Cela  me  hiit  juger,  monsieur,  qu'un 
«  Dictionnaire    historique  et  critique  , 
«  que  vous  voudriez  faire,  serait  l'ou- 
ii  vrage  le  plus   curieux   qui  pût  se 
"  voir.  Vous  connaissez  mille  parti- 
>.  cularités,  mille  personnalités,    qui 
«  sont  inconnues  à  la  plupart  des  au- 
'  tenrs,  et  vous  pourriez  leur  donner 
a  la   meilleure   forme  du   monde  ". 
Marais    correspondait   aussi    avec   le 
président  Bouhier,  dont  la  bibliothè- 
que renlci  niait  le  Journal  de  Patis,  de 
1721  à  1727,  lequel  se  trouve  à    la 
Bibliothèque  royale.  Des  trois  volumes 
de  cette   piquante    gazette,    le    pre- 
mier a  été  enlevé.  C'est  M.  Ravenel  , 
savant  bibiiograpi)C  ,    qui  a  fait  hi- 
sérer  les  deux  autres,  par  fragments, 
dans   la  Revue  rétrospective,  tom.  1, 
13,  14  et  13.  F— LE- 

MAllAlS   (IlEMu)  ,  graveur,  né 
à  Paris  en  1764,  s'est  fait  connaître 
de  la  manière  la  plus  distinguée,  par 
la  gravure  d'une  partie  des  planches 
qui  ornent  la  magnifique  édition  in- 
folio du  Racine  de  P.  Didot,  aîné.  Il 
a  été.  aussi  l'un  des  coopérateurs  les 
plus  recoramandables  de  AVicai-,  dans 
l'entreprise  de  la  galerie  de  Florence. 
Le  Frontispice  de  ce  bel  ouvrage  a 
été  gravi'  par  lui ,  sur  le  dessin  de 
Moiltc.  Il  a  gravé  également  le  célè- 
bre tableau  de  Jules  Romain,  repré- 
sentant lu  Vanse  des  Muses;  le  Pré- 
cepteur  des  enfiints  de  Niobé,   l  Her- 
maphrodite,  et  queltiues   auUes  sta- 
tues antiques;  le  Triomphe  d'Amphi- 
trite,  d'après  Lucas  Ciordano  ;  le  Pot^ 
fiait  de  3Iieris,  peint  par  lui-même  ; 
les    ttvis    Parques,    d'après    Michel- 
Ange;   Andromède,   d'après   l'urino, 
etc.,  et  une  grande  partie  des  pierres 
antiques    que    renlérment    les    deux 
premiers   volumes  de    <et    <)uvrage. 
Marais   promettait  «le  se    placer   au 
premier  rang  parmi  le«  artistes  ses 
contemporains,  lorsqu'une  mort  pré- 


raaturée  l'enleva  le  tl  iwveiiibre  4800, 
à  l'âge  de  36  ans.  P — s. 

MAILVX  (GcitLAUME),  juriscon- 
sulte, ne  à  Toulouse  en  1 549  ,  eut 
l'avantage  d'étudier  sous  Cujas,  et  de- 
vint pi-ofesseur  en  l'université  de  cette 
ville,  oii  il  enseigna  jiendant  qua- 
rante ans  et  eut  pour  élève*  1  arche- 
vêque Marca,  Rosqnet,  Florent  et 
beaucoup  d  autres  honuues  célèbres. 
Ligueur  déternuué,  il  tut  chargé,  en 
lo89,  d'aller  demander  au  pape  que 
le  capucin  Ange  <lc  Joveuse,  qui, 
après  la  mort  du  duc  son  ft-èrc , 
noyé  dans  le  Tarn  ,  s'était  rais 
à  la  tête  de  la  Ligue  dans  le  Langue- 
doc, fût  relevé  de  ses  vœux.  Reve- 
nant de  Rome,  il  fut  pris  par  des  pi- 
rates d'Alger  ;  mais  bientôt  rache- 
té j>ar  sa  province  ,  il  retourna  habi- 
ter Toulouse  et  mourut  dans  cette 
ville  en  16:21.  Les  écrits  quil  a  pu- 
bliés sur  le  dioit  témoignent  de  sou 
savoir;  mais,  si  l'on  en  croit  Simon, 
dans  la  Bibliothèque  dei  auteurs  de 
droit,  le  stvle  de  Maran  convient  peu 
aux  ouvrages  de  ce  genre.  Ce  sont  :  L 
Trois  iudex  sur  le  livre  intitulé:  So- 
titia  utrarjue  diynitatuin,  cuin  orieiilis, 
tiim  occidentis,  iillia  .iivadii,  Hoitv- 
rHijue  tempora,  etc.,  avec  le  commen- 
taire de  Pancirole,  Lyon,  1608,  1  vol. 
in-fol.  JL  De  antecessorum  delectu, 
1617,  in-fol.  IIL  De  œquitate  et  jus- 
litia,  1622,  1  vol.  in-i".  IV.  Paratilla 
'"  XLII  jtrioies  Digesii  libivs ,  1628. 
l  vol.  iu-fol.  (ouvrage  posthume).  Le 
buste  de  Maran  se  aouve  dans  la  sallo 
des  illusties  Toulousains  de  sa  ville 
natale.  Z, 

MARAXSDi  (JKAN-PitRKt),  ba- 
ron de  l'empiie  et  lieutenant-général, 
naquit,  le  13  février  1772,  à  Lounles. 
dans  les  Hautes- Pvrénécs.  S  étant  en- 
rôlé, en  1792,  dans  un  bataillon  de 
son  département,  il  adressa  à  ses 
jeunes  coacitoyens  mie  lettre  pleine 


d'énergie,  dans  laquelle  il  les  appe- 
lait à  la  défense  de  la  patrie,  ce  qui 
lui  valut  d'être  élu  capitaine  par  ac- 
clamation. Il  ht  ses  premières  armes 
en  Espagne  et  se  distingua  surtout 
à  Sari"»,  à  Urdach  et  à  Yrati,  où  il 
brûla  les  magasins  de  la  marine  et  fil 
éprouver  à  l'ennemi  des  pertes  énor- 
mes. Ix"  19  juillet  1794,  il  s'empara 
du  camp  occupé  par  la  légion  du 
marquis  de  Saint  -  Simon ,  saisit  «a 
caisse  et  la  remit  an  général  Higon- 
net.  il  servit  ensuite  avec  la  même 
distinction  dans  les  armées  de  rOue»t, 
du  Rhin  et  du  Danube.  Le  2o  avril 
1799.  il  soutint  à  la  tête  de  sa  com- 
pagnie le  choc  de  plusieurs  corps  de 
cavalerie  autrichienne,  rallia  le;>  dé- 
bris de  la  division  Férino  et  reprk 
six  canons  à  l'ennemi.  Ckîtte  atiaire 
lui  valut  le  grade  de  chef  de  batail- 
lon. Le  2o  septembre  de  la  même 
année,  il  traversait  la  limath  et  chas- 
sait le«  Russes  de  toutes  leurs  posi- 
tions, il  recul  de  Masséna,  à  cette 
occasion,  uue  lettre  des  plus  flatleu8c«. 
Peu  après,  il  fut  le  premier  à  passer 
le  Rhin  et  pénétra  dans  Schallhouse. 
Quoiqu'il  eut  voté  contre  le  consulat 
a  vie,  il  derint ,  sous  l'empii-e ,  ma- 
jor, puis  colonel.  Envoyé  en  Por- 
tugal, il  eut  constamment  à  lut- 
ter contie  des  forces  supériem^es, 
s'emjiaia  néanmoins  de  Bêja,  et  pa- 
cifia les  Algai-ves.  Le  général  Junot 
le  récompensa  en  le  nommant  gou- 
verneur d'Elvas  et  en  lui  décernant  le 
surnom  de  brave  des  braves.  Devenu 
général  de  brigade,  Maransin  fut  en- 
vové  par  le  maréchal  Soult  dans  la  Se- 
rania-de-Ronda,  où  il  emj)orta  plu- 
siems  places  et  défit  les  généraux  Gon- 
zalez et  Ballesteros.  Il  commandait  la 
tranchée  le  jour  où  Badajos  ouvrit 
ses  portes,  et  plus  tard  il  empêcha 
la  réunion  de  Black  avec  les  chefs 
espagnols  Zayas  et  Ballesteros;  il  battit 


MAP. 


MAR 


ceux-ci  et  obligea  celui-là  à  letitrer 
par  mer  dans  Catlix.  il  eut  aussi  beau- 
coup de  part  à  la  victoire  d'Albufera 
et  mérita  par  sa  conduite  à  Malaga 
d'être   nomiué   gouverneur   de  cette 
province.  Général  de  division,  le  30 
mai  1813,  il  commanda  l'avaat-garde 
à   Victoi-ia,  défendit  vaillamment  sa 
position  et  rejoignit  par  une  retraite 
Ijonorable  le  ^ros  de  l'armée  fran- 
çaise. Au  col  de  Maïa  et  à  la  bataille 
de  Toulouse,  il  lit  éprouver  des  pertes 
considérables  au  général  Hill.  Après 
l'abdication  de  jNapoléou,    Marausin 
fut  nommé  cbevalier  de  Saint-Louis 
et  commandeur  de  la  Légion-dMlon- 
neur.  Quoiqu'il  eût,  pendant  les  cent- 
jours,  accepté  le  commandement  des 
gardes  nationales  de  la  7"  division 
militaire    et   secondé  les    opérations 
du  maréchal  Sucliet,  il  n'en  devint 
pas  moins  à  la  seconde  restauration 
commandant  de  la  19'  division  mi- 
litaire. Cependant  quelques  soupçons 
s  étant  élevés  contre  lui,  il  fut  destitué 
en  1816,  arrêté  et  détenu  à  Tarbes 
pendant  (juatremois.  Rendu  à  la  liber- 
té, il  alla  prendre  au  mois  dejuin  1817 
les  eaux  de  15agijères.  A  cette  époque, 
des   troubles  s'élevèrent  dans  le  dé- 
partement  du    Rhône,    et  Maransin 
fut   accusé   de    les   avoir    fomentés; 
mais  son  innocence   résulta  de  l'en- 
quête judiciaire  qui  eut  lieu.  Pour  évi- 
ter désormais  toute  espèce  de  tracas- 
serie»,  il   demanda  et  obtint   d'aller 
demeurer  à  Paris  sous  la  surveillance 
immédiate   du  ministre  de  la  police. 
U  moiu'ut  le  15  mai  1828.  On  a  de 
lui    :  La  Charte,  le  grand-livre  et  les 
majorais,   ou  Réflexions  sur  un  o;jit,«- 
r,ule  de  M.   le  comte  de  Lanjuinais  et 
sur  une  pétition   de    M.    le   chevalier 
Salel,   Paris,  1819,  in-8".  Son  éloge 
a  été  publié   sous  ce  titre  :  Discours 
orononcé  par  le  comte  Muraiiv,  aux 
obsèques  maçonniquet  du  lieutenant- 


(général  huioii  Muraiisiu,   célébrées  Ir 
2Gjuin  1828,  Paris,  in-8o.     A— v. 

MARAT  (  Ai.BERTifiE  ) ,   sœur  du 
plus  cruel  de  nos  révolutionnaires, 
(v.  Mahat,  XXVI,  558),  naquit  com- 
me lui  au  village  de  Bouvrv,  dans  la 
princi[»aulé  de  Xeufchâtcl,  en  1757. 
Titant  venue  en  Fiance  dès  le  com- 
mencement   de    la    révolution ,    elle 
se  réunit  à  son  frère  dans  la  capitale, 
et  prit  autant  de  part  qu'il  lui  fut 
]>ossible  à  ses  travaux  et  à  ses  fureurs 
politiques.  Nous  avons  sous  les  yeux 
ini   écrit   fort  curieux  quelle  publia 
j)eu  de  jours  après  sa  mort   sous  le 
titre  de  :  Réponse  aux   détracteurs  de 
l  ami  du  peuple^  par  Albertine  Marat, 
in-8''  de  8  pages,  de   l'imprimerie  de 
Marat  (c'est-à-dire  imprimé  avec  les 
caractères  que   Marat    s'était   appro- 
priés à  l'imprimerie  royale  en  1792). 
Nous  ne  citerons  que  le  préambule  de 
cette  «ingulière  production;  il  suffira 
pour  en  faire  connaitrc  le  but  et  le 
caractère:  u  Repousser  la  calomnie  est 
"  le  devoir  de  tout  bon  citoyen  :  j'ai 
"  donc  cm  devoir  le  faire.  J'avois 
"  espéré  jusques  ici  qu'on  m'anroit 
»  épargné  le  douloureux  emploi   de 
u  défendre  la  mémoire  de  mon  frère, 
"  et  que  les  témoins  occulaircs(s«c)  de 
"  ses    actions    auroient    élevé    leurs 
"  voix:  mais  si  le  mépris  qu'ils  por- 
.■  tent  aux  Zoile  est  la  cause  de  leur 
«  silence,  je  n'ai  pu  entrer  dans  leurs 
..  vues.  Bientôt,  si  cette  tâche  n'est 
«  pas  au-dessus  de  mes  forces ,  j'cn- 
u  treprcndrai  à  peindre  {sic)  cette  in- 
M  fortunée  victime  :  je  me  borne,  pour 
"  le  présent ,  à  répondre  aux  incul- 
"  pations  de  ces  petits  génies  qui  ue 
>'  peuvent  soulh-ir  rien  de  grand...  « 
r,e  second  écrit  que  mademoiselle  Ma- 
rat annonçait  tl'une  manière  si  pathé- 
tiquen'a  point  paru(l).  Depuis  la  perte 

(I)  Mais  elle  lit  paraître,  en  179£i,  un  pros- 
pectus de  ♦  psges  pour  annoncer  «ne  rtim- 


de  son  frère,  elle  vécut  dans  le  deuil 
et  toutes  sortes  de  privations  jusqna 
sa  mort,  le  2  novembre  184-1.  Voici 
comment  un  journal  rendit  compte 
de  cet  événement  :  -  Avant-hier,  au 
<•  milieu  de  la  foule  immense  que  la 
«  solennité  de  la  fêle  des  morts  atti- 
«  i"ait  au  cimetière  du  Père-Lachaise, 

•  le  corbillard  des  pauvres  marchait 
«  lentement  vers  le  champ  du  rej)os; 

•  quati'e  personnes  seulement,  qu'a 
«  leurs  vêtements  on  devinait  devoir 
«  appartenir    à    la    classe    ouvrière, 

-  marchaient  à  la  suite.  Leur  air  dis- 
«  trait  annonçait  qu'ils  n'accordaient 
«  qu'un  bien  faible  intérêt  à  la  perte 

-  du  défunt,  et  ce|^)cndant  ce  corbil- 
"  lard  portait  mie  célébrité  de  notre 
«  époque.  Sur  ce  cercueil,  qu'aucune 
«  larme  n'avait  arrosé,  était  un  nom 
u  qui  fut  l'épouvante  de  la  France 
«  tout  entière,  et  que  de  nos  jouis 
«  encore  on  ne  prononce  pas  sans 
«  un  frémissement  involontaire;  c'é- 
«  tait  la  sœur  de  Marat  1  ^'ouvel 
«  exemple  de  l'ingratitude  des  fac- 
■  tions  politiques,  cette  femme  à  la- 

.  «  quelle  les  plus  illustres  de  nos  réfor- 
«  matcurs  modernes  venaient  naguè- 
»  rc  rendre  hommage  ,  à  laquelle  ils 
«  demandaient  le  buste  de  sou  frère 
«  {M)ur  en  orner  les  salles  de  leurs 
«  clubs  et  dédiaient  quelques-uns  de 
«  leurs  ouvrages  en  la  nommant  la 
«  sœm'  de  lilluslfe  Marat,  eh  bien! 
«  cette    femme  est  morte    dans  un 

•  grenier  de  la  rue  de  la  Baril leric  et 
c  dans  le  plus  grand  dénûment. 
"  Elle  n'a  été  entourée  à  son  lit  de 

•  mort  que  de  son  épicier  quelle 
«  avait  institué  son  héritier,  et  de  sa 
u  portière,  l'unique  amie  qui  lui  fi'u 

pression  des  œuvres  de  son  frère ,  dans  les- 
quelles devait  flgurer  le  fameux  journal  qu'il 
avait  publié  sous  les  tities  de  Piibliciste  pa- 
risien, iVAini  du  peuple ,  etc.  Faute  de  sous- 
cripteurs, cette  édition  n'eut  pas  lieu. 

U— B— ». 


MAR  7 

»  restée  fidèle  ».  Mademoiselle  Ma- 
rat  était  d'une  taille  petite  ;  ses  traits 
fortement  dessinés  avaient  quelque 
chose  de  la  hvéne  et  du  tigre;  son  re- 
gard semblait  fixe  et  perçant;  on  eiit 
dit  le  portrait  vivant  de  son  fi:«re. 
Ses  goûts,  ses  habitudes,  ses  plaisirs 
mêmes  étaient  ceux  dun  homme; 
elle  n'aimait  pas  la  société  des  per- 
sonnes de  son  sexe  ;  elle  jouait  de  la 
tiûte,  parlait  latin,  ne  s'occupait  que 
de  littérature  et  de  politique.  Jamais 
ses  doigts  n'avaient  manié  l'aiguille. 
Fort  néghgée  dans  sa  mise,  elle  por- 
tait toujours  un  mouchoir  noué  au- 
tour de  sa  télé;  sa  démarche  était 
grave  et  cadencée,  sa  parole  brève  et 
foite.  Lx)ng-temps  elle  vécut  du  pro- 
duit de  son  travail;  elle  excellait  dans 
l'art  de  fabriquer  des  aiguilles  de 
montre,  et  l'horloger  Bréguet  n'eut 
jamais  de  meilleur  ouvrier.  Depuis 
plusieurs  années,  l'Age  et  les  infirmi« 
tés  ne  lui  permettant  plus  de  travail- 
ler pour  subvenir  à  ses  besoins,  elle 
commença  à  vendre  peu  à  peu  tout  ce 
qui  lui  venait  de  son  fi'ère;  enfiti,  d'ut> 
caractère  trop  fier  pour  demander  et 
recevoir  ostensiblement  l'aumône,  dé- 
laissée par  ceux  qui,  par  pudeur,  au- 
raient dii  la  soutenir,  négligée  à  re- 
gret par  d'autres  personnes  que  l'â- 
creté  de  son  caractère  avait  éloignées 
d'elle,  repoussant  les  secoure  de  la 
médecine  et  les  consolations  de  la  re- 
ligion, elle  est  morte  dans  la  misère 
et  l'isolement  le  plus  complet.  En  fé' 
vrier  1824  ,  la  femme  de  Marat, 
ou  plutôt  la  ser\'ante  avec  la- 
quelle le  tribun  vivait  maritalement, 
et  à  laquelle  la  commime  de  Paris 
avait  accordé,  à  titre  de  pension,  une 
inscription  sur  le  grand-Uvre  ,  était 
morte  dans  la  même  maison.  —  Un 
frère  de  Marat,  qui  partageait  ses  opi- 
nions, demanda  à  la  Convention  la 
permission  d  emporter  à  Genève  un 


8 


MAR 


tïisil  qui  avait  appaitenu  à  ïaini  du 
peuple,  ce  qu'il  obtint.  —  De  cette 
famille  il  no  reste  plus  qu'un  frère,  le 
plus  jeune  des  trois,  lequel  était  parti 
depuis  lony-tenips  pour  la  Russie,  ou 
il  est,  dit-on,  dans  une  position  avan- 
tageuse. Jamais  il  n'a  voulu  corres- 
pondre avec  ses  parents.  M — nj. 
3IARBACII(Jkan>k-Ko8ai.ik\Va«;- 
MiR,  femme),  actrice  allemande,  née 
à  Leipzig,  le  6  mars  1805,  perdit  son 
père  en  1813,  par  un  des  terribles 
fléaux  épidémiques  qui  décimèrent  la 
population  saxonne  à  cette  époque, 
mais  en  retrouva  bientôt  un  autie 
dans  le  spirituel  directeur  du  théâtre 
de  la  cour  à  Lhesde,  Geïer,  qui  était 
devenu  le  second  époux  de  M"'"  Wa- 
gner. Déjà  la  jeune  fille  avait  été  ini- 
tiée par  son  père  aux  principes  de  la 
littérature  et  de  l'ait.  Ge'ier,  qui .  à 
son  talent  d'acteur,  joignait  la  prati- 
que de  la  peinture  et  de  la  jjoésie  , 
acheva  le  développement  intellectuel 
de  Rosalie.  Tieck  aussi  lui  donna  des 
leçons  et  lui  apprit  à  se  pénétrer  des 
beautés  de  l'art,  sous  quelque  forme 
qu'il  se  révèle.  A  dix-sept  ans,  Rosa- 
lie ,  après  avoir  débuté  avec  succès 
au  théâtre  de  la  cour,  y  obtint  un  en- 
gagement. Le  voyage  cpi'elle  fit  trois 
ans  après  à  Hambourg  ,  en  conqia- 
gnie  de  son  frère,  lui  olfril  une  oc- 
casion de  paraître  dans  les  premiers 
rôles  ,  soit  comiques,  soit  tragiques  ; 
elle  s'y  surpassa,  et  des  applaudisse- 
ments mérités  l'encouragèrent.  Ses 
progrès  continuèrent  le»  trois  années 
suivantes  qu'elle  passa  encore  à 
Dresde ,  et  pendant  les  deux  ans 
qu'elle  parut  à  Prague.  Du  retour  a 
Hambourg  oii  elle  avait  été  si  goûtée 
et  oii  en  quel(]U(!  sorte  son  talent 
s'était  révélé ,  elle  liit  enfin  a|)p(;- 
lée  à  I<eip/.ig,  sa  vilb;  natale,  «pi'ello 
ne  quitta  plus  ipie  pendant  ses  mois 
de  congé  et   pour  de  fructueuses  e\- 


MAR 

cuisions  à  Breslau  ,  à  Francfort ,  à 
Darmstadt ,  à  Cassel ,  etc.  Elle  n'y 
eut  pas  moins  de  succès  qu'à  Ham- 
boug,  et  la  critique  la  rangeait  parmi 
ces  talents  qui  viennent  après  ceux 
tlu  premier  ordre,  et  qui  même  quel- 
quefois les  atteignent,  Rosalie  Wag- 
ner était  surtout  merveilleuse  dans 
ces  rôles  oîi  le  poète,  sans  outrepas- 
ser le  réel ,  arrive  à  un  idéal  de  situa- 
tion ou  de  caractère.  De  là  1  inimita- 
ble perfection  avec  laquelle  elle  le- 
présentait  les  femmes  de  Goethe  et  de 
Shakspeaie ,  notamment  Marguerite 
et  Porcia.  Au  contraire,  elle  se  sentait 
mal  à  son  aise  dans  les  rôles  qui  sor- 
tent du  naturel  ;  et  peut-être  ,  dans 
la  poétique  particulière  que  les  le- 
çons de  Tieck  et  ses  propres  sensa- 
tions lui  avaient  formée,  cette  an- 
tipathie de  l'outré  était-elle  un  peu 
exagérée.  Dans  la  comédie,  peu  de 
ses  rivales  l'eussent  égalée  pour  l'ai- 
sance, la  simplicité,  la  noblesse  et 
le  bon  goût  qu'elle  apportait  dans 
son  jeu,  quand  elle  avait  à  représen- 
ter des  personnes  distinguées  par  leur 
rang  dans  le  monde  ou  par  les  qua- 
lités de  leur  esprit.  Les  gr.àces  de  sa 
personne  étaient  bien  pour  quelque 
chose  dans  ses  succès  ;  mais  la  voix  , 
l'accent,  mie  sensibilité  pure  etviaie, 
la  spontanéité  des  expressions  ton- 
jours  correctes,  l'absence  de  toute 
alfeclation  en  étaient  les  véritables 
causes.  Malgré  cet  accueil  si  encou- 
rageant du  public,  Rosalie  Wagner 
quitta  le  théâtre  en  1836,  pour  épou- 
ser le  docteur  Marbach;  mais  elle 
survécut  peu  à  sa  retraite  :  le  12  oc- 
tobre 1837,  elle  expirait  après  avoù' 
donné  naissance  à  une  fille.    P — or. 

lUAIlBErF  (PiKniiKde),  poète 
français,  na(^uit  vers  1596,  aux  en- 
virons de  Pont-de-l'Arrhe,  de  noble 
famille  :  son  père  avait  les  titres  d'é- 
cnver,  sieur  d'imare  et  de  Sahm's  on 


MAR 

partie,  et  loi-même  se  domie  celui  de 
chevalier.  Il  fit  ses  premières  études 
a  la  Flèche,  au  célèbre  collège  qu'y 
j>ossédaient  les  jésuites,  et  il  se  ren- 
dit de  là,  sans  doute,  afin  de  faii-e  sou 
droit  à  Orléans.  Mais  il  sy  livra  aux 
Muses  au  moins  autant  qu'à  la  juris- 
pradence;  et  dès1618,  ilfit  paraiue 
un  double  échantillon  de  son  talent 
poétique  :  lun  élait  le  Psulténon 
en  Chonneur  de  Marie  ,  dont  l'inti- 
tulé seul  indique  assez  quelle  in- 
fluence exerçait  toujours  sur  lui  l'é- 
ducation religieuse,  rei;ue  chez  les 
pères;  l'autre  consistait  en  Poésies  mê- 
lées, parmi  lesquelles  se  tiouve  une 
imitation  duchap.  {"des  Lamentations 
Je  Jcrémie  (I).  Aussi, dans  une  de  ses 
pièces  laudativcs,  que  jadis  il  était 
d'usage  de  mettre  en  tête  de  tout  ou- 
vrage nouveau ,  un  de  ses  auiis  ,  Pie- 
devant  d  Aquigny  (2),  le  loue-t-il  de 
ne  point  avoir  admis  de  vers  eroti- 
ques, et,  sous  ce  rapport,  il  le  preFere 
aux  Ronsai-d ,  aux  Des|>ortcs,  aux  du 
lîellay. 

Du  Bellay  connut  Cupiiion  ; 
Ronsard  a  connu  son  brandun  : 
Sur  Desportes  tombi  sa  flamme  : 
Tu  es  chaste  en  tous  tes  travaux. 
Donc,  malgré  tous  tes  corivau\, 
Chacun  te  donnera  la  planie  (3). 

(1)  Dans  l'épitre  dédicatoire  .  en  tète  de  si 
Poésie  mestée,  on  lit  :  A  momsiemr  mon 
père,  monsieur  (te  Marbeuf,  etc. 

(2)  Aquigny  est  aussi  aux  environs  de  Pooi- 
dc-I'Arche. 

13)  Le  texte  porte  la  palme.  Mais  évidem- 
ment, l'auteur ,  par  une  licence  très-forte  . 
mais  non  sans  exemple  ou  sans  analogie  dan^ 
la  poésie  italienne,  dont  Ronsard  s'est  tant 
inspiré,  avait  écrit  piatnc,  et  n'a  pu  corriger 
son  épreuve.  Rêver  ici  une  assonance  à  la 
manière  espagnole  serait  dénué  de  toute  rai- 
son plausible  ;  et,  d'autre  part,  on  ne  peut 
supposer  une  faute  grossière  clioi  un  versifi- 
cateur aussi  exquis  de  tout  point  que  le  sieur 
d'Aquigny,  dont  plus  bas  seront  encore  cités 
des  vers  chaniiants ,  d'autant  plus  que  rien 
n'était  plus  aisé  que  d'écrire  au  troisième 
vers  : 

Desportes  n'eût  rdmc  plus  cabne. 
ou  quelque  chose  d'analogue. 


MAP. 


9 


Mais    Maibeuf  ne  méi ita   |>as  lon«î- 
tenips  cette  louange  toute  spéciale.  Ue 
retoiu-  à  Orléans,  il  y  fit  connaissance 
avec  une  jeune  Parisienne  qui  eut  le 
pouvoir,  dit-il ,  de  lui  faire  négliger 
ses  dernières  étmles  et  qu'il   a  chan- 
tée, sous  le  nom  réel  ou   emprunté 
d  Hélène.  Ce  n'est  ps  tout,  a  Hélène 
succéda   Jeanne;  puis  vinrent,  nous 
ne  saurions  plus  dire  dans  quel  or- 
dre.  Madeleine.   Gabrielle.    et   Phi- 
lis,  laquelle  était  un  miracle  damour, 
et  Amarante,  qui  était  princesse.  Prin- 
cesse en    quel    pavs?  va-t-on  dire. 
>>ous  présumerions  assez   que    cest 
dune  princesse  île  Lorraine  qu'il  s'agit, 
et  que  le  nom  seul  ici  est  imaginaire, 
car  notre  poète  fit  un  assez  long  sé- 
jour eu  ce  duché  limiuophc  de    la 
France,  et  trouva  des  protecteurs  dans 
les  princes  loiTains,  ce   qui  ne  nous 
semble  pas  devoir  s'entendre   de  la 
maison  de  Gtiise.  Quoi  qu'il  en  soit , 
Marbeuf  finit  d'assez  bonne  heure  par 
reprentlre  IWoute  de  sa  patrie,  et 
nous  le   retrouvons  aus  environs  de 
Pont-<le-r Arche,  investi  de  la  maîtrise 
des  eaux-et-foréts.  il  continua  de  cul- 
tiver la  poésie  au  milieu  de  ses  bois 
et  de  ceux  de  la  couronne  et  de  1  état, 
et  il  fait  allusion  à  cette  vie  forestière 
en  se  donnant  dans  ses  vers  le  nom 
de  Sylvandre.  On   ne   sait  à  quelle 
époque  il  mourut,  mais  il  vivait  en- 
core au  commencetnent  du  règne  de 
Louis  XIV.  Toutefois  la  dernière  pic- 
ce  qu'on  ait  de  lui   est   de  163.'J.  Il 
avait  été  marié,  et  s1l  faut  l'en  croiix*. 
il  avait   eu    fort  à  soutfrir  de   cette 
union,  mais  il  ne  spécifie  rien  sur  les 
griefs   qu'il   |>ouvait   avoir  à  l'égard 
de  sa  femme  qu'il  appelle  Alecton  et 
Mégère,  ce  qui  lui  fournit  occasion  de 
traiter  de  folie  la  descente  d'Orphée 
aux  enfers,  et  de  dire  qu'il  n'y  descen- 
drait, lui   Marbeuf,    que  pour    em- 
pêcher son    Eurydice    d'en  revenir. 


10 


MAR 


MAB 


Voici  les  titres  exacts  des  deux  pre- 
miers petits  recueils  de  MarbeuF  :  1. 
Psalterion  chrestieii  dédié  à  la  mère 
de  Dieu,  Rouen,  1618.  IL  Poésie  mê- 
lée du  même  auteur,  Rouen,  1618.  il 
faut  y  joindre,  pour  avoir  ses  œuvTcs 
complètes,  les  pièces  nouvelles  inst*- 
rées  dans  l'cidition  de  1629,  laquelle 
a  pour  titre  :  Recueil  de  vers  de  M.  P. 
de  Marbeuf,  etc.,  et  une  ode  intitulée  : 
Portrait  de  [homme  d'Etat,  1633, 
in-4°.  Parmi  ses  œuvres  complètes  se 
trouvent  diverses  pièces  latines,  et  au 
total  ce  recueil  offre  ime  variété  assex 
séduisante,  des  élopes  et  des  satires, 
des  vers  galants  et  des  poésies  pieuses. 
Quant  à  ce  que  Marbeuf  a  déployé 
de  talent,  nous  ne  pouvons  être  tout- 
à-fait  de  l'avis  de  ses  amis  et  notam- 
ment de  celui  de  son  fidèle  d'Aqni- 
çny,  qui  l'appelle  : 

Marbeuf  des  Muscs  les  amours  ; 

et  qui,  en  stances  bien  plus  élégantes 
que  les  siennes,  s'expiime  ainsi  sur 
son  compte  : 

Quand  lu  Parque  eut  fait  une  fois 

I>epli6nix  des  poètes  françois  (£i), 
Sous  l'oubli  du  tombeau  descendre, 
I»l>6bus  prit  des  Muses  soucy. 
Kl  lit  naître  ce  poète  icy 
Comme  un  pliéiiiceau  de  sa  cendre. 

Muses  qui  pleuriez  à  l'écart 

Le  destin  de  votre  Uonsard  , 

Venez,  venez  boire  à  plein  vase 

El  ravigourez  vos  esprits, 

Puisqu'on  voit  sourdre  en  ce  pourpriz 

L'eau  fille  du  piid  de  Pégase. 

Oîpendant  on  ne  saurait  lui  dénier 
toutes  les  (|ualitcs  qui  font  le  poète. 
Il  a  la  vcrsifisation  facile ,  et  souvent 
sa  phrase  est  nette  et  [)récisc.  L'ode 
({U  il  intitule  Éloije  de  la  Normandie , 

(!i)  J'oi),..  ne  fait  qu'une  syllabe  contre 
riiablludc  plus  rc^ronte  des  verslllcaleurs,  ha- 
bitude qui,  au  reste,  s'est  étendue  à  des  mil- 
liers de  motii,  lier,  lion ,  etc.,  et  qui  doiuie 
une  niullessi!  déplorable  k  la  versiflcatiun ,  si 
elle  n'évite  le  plus  possible  des  mots  bien 
toits  pourtant  |)our  orner  les  vers. 


présente  un  bel  épisode  sur  les  ducs 
descendants  de  Rollon  et  sur  la  con- 
quête de  l'Angleterre,  et  l'on  y  rencon- 
tie  plusieurs  sixains  frappés  comme 
celui-ci  ; 

Et  qui  fut  plus  valeureux , 
Plus  hardi,  plus  vigoureux 
Que  Guillaume  Longue-Espée , 
Qui ,  délaillant  les  barnois, 
Du  sang  hostil  des  Danois, 
Avait  la  dextre  trempée  ? 

Les  stances  qui  suivent  cette  ode,  et 
qui  ont  pour  titre  les  Bacchanales,  se 
reconmiandent  par  le  joli  rhytbme 
imité  de  Ronsard,  qui  l'a  imité  de 
l'espagnol  et  qui  place  immédiatement 
après  le  vers  de  sept  syllabes  un 
vers  de  trois  rimant  avec  lui  (3).  En- 
suite vient  l'imitation  du  1"'  chapitre 
des  Thrènes  (en  alexandrins),  qui  ne 
manque  pas  d'onction  et  de  sensibi- 
lité. Mais  c'est  principalement  dans  la 
quatrième  pièce  du  recueil  (poème 
héiv'ique,  le  Duel),  que  la  verve  du 
poète  éclate.  MarbeuF  s'y  pose  en 
gentilhomme  pur  sang,  et  ne  se  gêne 
pas  le  moins  du  monde  pour  exprimer 
l'admiration  que  lui  inspirent  les  façons 
de  deux  braves  dont  il  célèbre  le  com- 
bat. Il  est  vrai  que  pour  cin(|uièmc 
pièce  arrive  une  espèce  de  petite  pa- 
linodie (Invective  contre  le  duel): 

Ab  !  qu'as-lu  dit  7  Tu  te  trompes  ma  muse  ! 
Ce  point  dhonneur  téméraire  l'abuse ,  etc. 

Mais  il  faut  se  souvenir  que  le  rc- 
cucil  porte  à  sa  dernière  page  une 
approbation  de  docteur  en  théologie, 
et  la  ])alinodie  n'empêche  pas  que  sa 
musc  ne;  se  soit  escrimée  en  véritable 
amaxonc  ,  en  Pentliésilée.  Après  ce 
court  et  persiiasif  mra  cnlpn,  parais- 

(5)  Les  \pn  surtout  sont  délicieux  quand 
ils  sont  à  rime  féminine  :  le  vers  de  sept  sylla- 
Ix's  ressemble  alors ,  pour  peu  qu'on  sache 
distribuer  les  aictiUs,  à  l'anacré<)nil((uc  de 
huit,  si  heureusement  Imité  en  italien,  par 
exemple  dans  les  fables  de  Pignotti.  etc. 


MAft 

sent  te  que  l'auteur  nomme  de* 
liavetés  au  nombre  de  sis;  ce  sont 
la  "plupart  des  épigratnmes.  Isou»  ne 
ajoutons  guère  la  seconde,  dont  voici 

ie  trait  : 

Isàbeau 

Me  dit:  t  Mange  du  liène  et  lu  seras  plus  beau.» 
Ah  :  jamais,  ]»abeau,  tu  n'as  mangé  de  lièvre. 
Mais  cette  pointe,  iuùtëe  du  vieux  jeu 
de  mots  latin  :  Ah!  nuiiquam  edisti, 
Ginglyme  tu  /e;>o;«m,n'anisel,nisen.s 
en  français,  où  nul  mot  à  double  en- 
tente ne  correspond  à  leporevi  (6).  hn 
revanche,  nous  louerons  sans  réseï  ve 
la  Gavelé  l\  relative  aux  trois  Par- 
ques, dont  Atropos  est,  dit-on,  la  plus 
cruelle,  parce  qu'elle  coup»'  le  fiL 
Mais,  dit  Marbeuf  : 

Ce  larron  qu'on  pondii  a  bien  coimu  lusage 
Du  m  de  l^chésis  et  de  Clothon  aussy  ; 
Mais  pour  couper  la  corde,  à  son  plus  grand 
dommage , 
Atropos  ne  vint  point  à  ce  gibet  icy. 

Les  deux  dernières  pièces  ont  pour 
titre  :  h  2savire,  le  Lys.  Des  quaUe 
vers  qui  terminent  celle-ci  et  le  vo- 
lume, 

Comme  ce  Us  est  beau  par  excellence. 

Puisse  fleurir  le  lys  de  notre  France  '. 

Puisse  fleurir  le  prince  de  nos  lys  '. 

Puisse  fleurir  le  juste  roi  Loys  '. 

il  résulte  clairement  que  Louis  XIII 
ne  dut  point  son  smnora  de  juste  aux 
sévères  exécutions  que  son  ministre 
ordonna  sous  son  nom,  entre  autres 
à  celle  de  Montmorency,  mais  que 
déjà,  plus  de  seize  ans  auparavant, 
ceux  qui  voulaient  absolument  qu'un 
souverain  eût  un  surnom  avaient  ima» 
giné  celui-là.  Parmi  les  poésies  du 
troisième  recueil,  nous  mentionne- 
rons plus  particulièrement  le  Procèi 
d'amour  (dédié  au  roi  ;  c'est  la  plus 
longue  du  recueil),  et  Misogyne  (qui, 

(6)  Au  reste,  en  latin  même,  le  jeu  de  mots 
est  médiocrement  heureux  :  en  vers ,  po  est 
bref  s'il  rient  de  lepus  ;  long,  si  de  tepos  cl 
en  prose  l'accent  est  sur  po  ou  le  suivant  les 
cas. 


comme  ie  litre  le  dèôgue.  est  une 
satire  contre  les  femmes  en  général 
et  contre  la  sienne  en  pailiculier); 
en  fait  de  vei  s  latins,  le  Fhs  NarcissL, 
tiédie  au  sénateur  vénitien  Angd» 
Contareno.  alors  ambassadeur  de  la 
républi(|uc  à  Paris.  P — ot. 

MAKBEIT  (le  marquis de\ géné- 
ral français, dontlenom  manque àtou- 
tcs  les  biographies,  naquit  vers  1736, 
aux  environ»  de  Rennes.  Bien  qu'ab- 
sente du  nobiliaire  général  tle  France, 
la  maison  de   Marbeuf ,    mentionnée 
par  Toossaint-de-Saint-Luc  ,  remon- 
te au  moins  au  XVI'  siècle  ,  et  pro- 
l)ableinent  beaucoup  plus  haut.  Peut- 
être  les  Marbeuf  de  Normandie  (voy. 
l'article  précédent)  en  étaient-ils  une 
branche    coUatéi-ale.    En    Bretagne. 
les  Marbeuf  se  subdivisaient  en  plu- 
sieurs  rameaux    :    les    uns     étaient 
barons  de  Biaizon  ,  les  autres  s  inti- 
tulaient vicomtes  de  Chemilliers    et 
autres  lieux.   Un  Claude  de  Marbeuf 
hit  premier  président  du  Parlement 
de  Rennes  ;  nous  venons  un  fi^re  de 
notre  Marbeuf  admis  dans  l'ordre  des 
comtes  de  Lvon  .  ce  qui  suppose  au 
inoins  seize  quartiers  ou   quatre  gé- 
nérations au-dessus  du   récipiendaire. 
I^s  Marbeuf  portaient   d'azur  à  deux 
épées  d'argent  bordées   dor  en  sau- 
toir ,  les    pointes  en  bas.  Bien  que  le 
Marbeuf  dont  on  lit  ici    l'article  ne 
fiit  que  le  puîné  de  sa  branche,  c'est 
lui  qui  eut  les  avantages  du  droit  d'aî- 
nesse  et  qui  prit  le  parti  des  armes. 
Yves- Alexandre  ,  son  aîné,  s'était  ré- 
signé ou   s'était  voué   à   la    carrière 
ecclésiastique   dont   il     atteignit    les 
premières  dignités.  L'avancement  de 
l'officier  ne  fut  pas  moins  rapide  ;  les 
nombreux  épisodes  de  la  guerre    de 
sept  ans  présentaient  tant  d'occasions 
de  se  signaler  et  miUtipliaient  tant  les 
vides  dans  l'armée,  que  l'on  ne  peut 
s'en  étonner.  Grâce  à  la  biavoore  et 


là 


MAP, 


au  tilleul  qu'il  déploya  <lans  pins 
d'une  circonstance ,  et  {jrâce  aussi  à 
d'habiles  manœuvres  de  ses  amis  et 
protecteurs  à  Versailles ,  Marbeuf ,  à 
peine  âgé  de  vingt-cinq  ans,  tut  com- 
pris dans  la  promotion  de  1761,  et 
devint  maréchal-de-carap.  La  grapde 
guerre  européenne  fut  terminée  bien - 
tôt  après  par  la  paix  de  1763;  mais 
Marbeuf  fut  dirigé  sur  la  Onsc,  où, 
depuis  1730,  la  France,  d'accord  avec 
Gênes,  avait  à  diverses  reprises  en- 
voyé des  troupes,  qui  sous  prétexte  de 
maintenir  l'autorité  génoise,  devaient 
fonder  celle  de  la  France,  en  habituant 
les  espi'ils  à  y  voir,  à  y  affectiotmer  les 
Français.  ïl  faut  avouer  que  cette  tâ- 
che n'était  pas  très-avancée  en  1764- 
Deux  fois  (1745  et  17o3)  les  Fran- 
çais avaient  été  réduits ,  par  suite 
surtout  de  manœuvres  diplomate  - 
ques,  à  retirer  leurs  forces  de  l'île. 
Rivarola,  dans  les  intérêts  d'une  coa- 
lition hostile  à  la  France,  avait  été 
sur  le  point  de  ravir  la  Corse  aux 
Génois  à  l'ombre  desquels  travail- 
laient les  Français.  Paoli  enfin,  après 
de  longues  oscillations,  et  apiès  avoir 
chassé  les  Génois  de  presque  tout  le 
territoire,  si  l'on  en  excepte  les  places 
maritimes,  donnait  à  sa  patrie  un 
gouvernement  sage  et  vigoureux,  (jui 
eût  peut-être  su  se;  soutenir  s'il  eût 
été  permis  à  la  petite  ré|)ubli(|uc 
naissante  de  s'organiser  et  de  se  <lé- 
léndre  contre  Gênes  seulement,  sans 
intervention  aucune,  soit  d'une  autre 
puissance,  soit  de  la  politique  générale 
de  rFuropc.  Mais  ce  n'est  point  là 
ce  que  voulait  la  France;  bien  que, 
depuis  1753,  ses  projets  sur  la  (iorse 
eussent  comme  summeilli;,  surtout 
àcause  do  la  perjiétuité  d«'  la  guerre 
éipiis  ce  temps  (car  les  hostilitt» 
ans  colonies  avaient  précédé  l'explo- 
sian  européenne  de  1756),  ils  fu- 
rout  repris  activement  «les   la  signa- 


MAR 

ture  du  traité  de  Paris.  Probable- 
ment même  il  fut  convenu  ver- 
balement ,  lors  des  négociations  , 
que  lintervention  de  la  France  en 
Corse  pour  Gênes  serait  permise. 
Tv'Angleterre  seule  avait  un  intérêt 
direct  à  y  mettre  obstacle,  mais  elle 
ne  vovait  là,  pour  nous,  que  des  dé- 
penses sans  profit.  Quant  aux  autres 
cabinets,  ils  av.-ient  déjà  en  vue  le 
premier  démembrement  de  la  Polo- 
gne ;  et  au  j»is-aller  la  France  acquer- 
rait en  même  temps  que  les  trois 
puissances  du  nord.  Ici  l'on  ne  con- 
teste pas  la  réalité  de  la  combinai- 
son politique  que  nous  révélons  :  si 
elle  n'a  pas  été  pénétrée,  c'est  que 
l'on  ne  s'est  pas  donné  la  peine  de 
lapprocher  les  faits  et  les  dates,  c'est 
que  l'on  a  trouve  plus  commode  de 
déclamer  contre  l'apathie  et  l'incapa- 
cité du  gouvernement  de  Louis  XV 
que  d'en  étudier  consciencieusement 
les  détails.  iNous  ne  prétendons  point 
justifier  de  tous  points  l'égoïste  et  indo- 
lent monarque;  mais  nous  ne  pou- 
vons non  plus  charger  sa  mémoire  de 
plus  de  fautes  qu'il  n'en  a  commis.  Il 
en  est  de  ce  prince  comme  de  Fran- 
çois l"'  :  si  quelquefois  son  système  fut 
déplorable  et  s'il  ne  maintint  pas  la 
France  au  rang  (|u'elle  devait  et  pou- 
vait garder,  il  n'est  pas  vrai  cpi'il 
l'ait  laissée  tomber  autant  qu'on  l'a 
dit  et  redit.  Si  les  événements  de  la 
Polojjne  de  1768  à  1772  ne  furent 
pas  poiu'  la  France  aussi  glorieux  et 
aussi  lucratifs  qu'ils  pouvaient  le  de- 
venir, il  n'est  pas  vrai  cjuils  ne  lui  fu- 
rent aucunement  avantageux.  Très- 
certainement  notre  part  de  la  Polo- 
gne eût  pu  être  inrillenre,  mais  très- 
certainement  aussi  la  Corse  est  notre 
])art  delà  Pologne,  et  sans  la  révolu- 
tion françai.se,  ilest  à  croii-e  que  le  Û""" 
et  le  3""  démembannent  nous  ens- 
senl  bien  apprndu's  de  la  limite  i\u 


>IAB 

Uhin.  Quoi  qu'il  en  puis&c  être,  Choi- 
seul,  immédiatement  après  la  paix  de 
1763,  renoua  les  négociations  avec  le* 
Génois,  qui  sollicitaient  des  secours 
d'hommes  et  d'argent;  et,  après  avoir 
demandé  au  moins  une  place  en  dé- 
pôt pour  le  temps  que  la  France  juge- 
rait nécessaire,  il  sigua,  le  6  août  1764, 
une  convention  portant  que  Gêne* 
retirerait  toutes  ses  tioupcs  des  cinq 
villes  maritimes  (Bastia,  Saint-llorenl, 
Ajaccio,  Calvi,  Algajola),  et  qu'un 
« orps  français  les  remplacerait  quatre 
ans ,  gardant  et  défendant  les  villes , 
mais  sans  hostilité  envers  les  Corses. 
1,'cst  Marbeuf  qui  eut  le  commande- 
ment de  ce  corps  montant  à  près  de 
({uatre  mille  hommes,  mais  tjui  linit 
pai'  être  de  douze  mille  au  moins. 
Feu  d'événements  hostiles  eurent  lieu 
pendant  ce  temps.  La  France  tendait 
à  rendre  de  plus  en  plus  sensible  aux 
Génois,  soit  l'impossibiUté  de  rentrer 
en  possession  de  Tile  ou  même  d'y 
p^arder  le  peu  cpii  leur  en  restait,  soit 
la  difficulté  de  i-enibourser  les  dé- 
penses du  gouvernement  fi-ancais. 
tjeux-ci  se  montrant  peu  disposés 
pourtant  à  céder  leiu"  onéreuse  pos- 
session, >Iarbeuf  eut  ordre  d'évacuer 
quelques  ports  de  l'île.  Aussitôt  Paoli 
se  mit  en  devoir  de  venir  les  occuper  : 
bientôt  il  fut  maître  d' Ajaccio,  et  il  en 
assiégeait  la  citatelle,  quand  unelettic 
du  cabinet  de  Louis  XV'  lui  fit  sus- 
pendre tout  mouvement  ultérieur:  et 
peu  de  temps  nprcs  fut  signé  le  traité 
de  Compiègiie  (17  juin  17u8X  par  le- 
quel, moyennant  40  millions,  Gênes 
abandonnait  la  Corse  au  roi  en  dé- 
guisant la  vente  sous  forme  d'engage- 
ment ou  nantissement.  Le  24  juin 
suivant,  le  drapeau  français  flottait 
sur  les  murs  de  Bastia.  Mais  déjà  an- 
térieurement au  traité,  les  bruits  cou- 
raient en  Corse  annonçant  cette  ces- 
sion ;  et  il  avait  été  résolu  en  assem- 


MAR  tS 

blee  générale  de  défendie  l'indépen- 
dance corse,  jusqu'à  la  dernière  ex- 
trémité, contre  les  Français  comme 
contre  Gènes  {iti  mai).  Il  était  dé- 
fendu, sous  peine  de  mort,  de  fournil 
des  vivres  auv  places  tenues  pai-  l'en- 
nemi. I.a  guerre  était  inévitable,  et 
l'occupation  totale  ne  pouvait  s'eflFec- 
tuer  que  par  une  conquête.  Mar- 
beuf commença  par  expulser  les 
Corses  de  l'île  deCapraja,  qui,  occupée 
par  Paoli  depuis  un  an,  devait,  en 
vertu  des  articles  de  (jompiègne,  être 
reconquise  pour  le  compte  desGénois, 
et  il  la  leur  i-cmit  en  effet.  Divisant 
ensuite  ses  forces  en  deux  masses, 
l'une  de  neuf  mille  et  quelques  cents 
hommes,  l'autre  de  deux  mille  cinq 
cents,  il  envoya  ces  denùers  sous  le 
commandement  du  marc-chal-de-camp 
(U'andmaison,  du  côté  occidental  de 
l'île,  prés  de  San-Fiorenzo,  tandis  que 
lui-même,  avec  le  corps  le  plus  nom- 
breux, resta  campé  aux  environs  de 
Bastia.  Son  but  était  de  s'emparer  de 
l'istlime  qui  joint  au  reste  de  l'île  la 
péninsule  di  Capo  Corso.  Les  indigè- 
nes ,  en  possession  des  montagnes  et 
desétioits  défilés  qui  jusqu  àla  pointe 
septentrionale  de  lile,  vont  séparant 
les  deux  côtes  l'une  de  l'autre,  inter- 
ceptaient les  communications.  Enfin 
Marbeuf  parvint  a  les  établir  après 
trois  jouis  de  combats  opiniâtres  (30 
juillet-l"^  août),  parmi  lesquels  le  fait 
d'armes  le  plus  éclatant  tiit  la  prise 
du  fort  de  >'onza  :  on  y  fit  prisonniers 
un  parent  et  un  neveu  de  Paoli.  Mais 
qu'était-ce  que  la  péninsule  de  Capo 
Corso  ?  Il  fallait  des  forces  quadruples 
pour  comprimer  une  insurrection  dé- 
sormais générale.  On  ne  l'ignorait 
point  à  Versailles;  aussi,  le  29  août, 
vit-on  débarquer  le  marquis  de  Chau- 
velin  avec  de  nombreux  renforts. 
Marbeuf  n'eut  plus  que  le  comman* 
dément  en  second.  Chauvelin ,  parce 


14 


MAR 


qu'il  avait  été  ambassadeur  à  Gênes 
et  parce  qu'il  avait  paru  clans  plusieurs 
assemblées   politiques    des   indépen- 
dants   corses,   s'imaginait  connaître 
à  fond  le  caractère  et  les   ressources 
du  pays,  il  eut  d'abord  cette  supério- 
rité   que  donnent    la    discipline    et 
l'habitude  sur  des   masses   inexpéri- 
mentées; mais  bientôt  !a  bravoure  e( 
l'opiniâtreté  naturelles  aux  ennemis, 
l'apretédu  pays,  et,  pardessus  tout, 
les  {^rands  talents  militaii^es  de  Paoli , 
qui    entendait    merveilleusement    la 
p^uerre   de  postes,    rendirent  sa  tâ- 
che pénible  et  odieuse  :  les  combats 
de  Porta,  de  Nebbio ,  le  forcèrent  à 
reculer;  Marbeuf  et  lui  furent  com- 
plètement défaits  le  9oct.  1768  à  Bor- 
go  di  Marcana ,  et  virent  la  garnison 
qu'ils  venaient    défendre    se  rendre 
prisonnière  avec  20  canons.  Un  mois 
suffit  pour  enlever  aux  Français  plus 
de  quatre  mille  liommes  ,  sans  comp- 
ter les  déserteurs.  Toutes  les    dépê- 
ches de  Chauvelin  respiraient  le  dé- 
couragement ,     et  elles   avaient    <lu 
retentissement    à     Versailles    parmi 
ceux  qui  prétendaient  que    la  con- 
quête coûterait  plus  qu'elle  ne    rap- 
porterait   à  la  France  ;  que  l'Angle- 
terre   d'ailleurs    saurait   bien     l'em- 
péchcr,  (lu'clle  soutenait  les  Corses , 
qu'elle  soudoyait  Paoli.  (Vest  effecti- 
vement   ce   qu'elle   avait  promis,  r) 
c'est   ce  qu'elle  eût  dû  faire.    Animés 
par  cet  espoir,  les  chefs    corses  te- 
naient avec  intrépidité,  et  ils  se  si- 
gnalèrent pendant  l'hiver  de  1768  à 
1769  par   diverses  entreprises  très- 
hardies  ;  ils  refusèrent  un    armistice 
de  trois  mois  que  Chauvelin  seul  pro- 
posait, sentant  bien  que,  dans  l'inter- 
valle, la  France  augmenterait  ses  for- 
ces. Peu  s'en  fallut  qu'ils  ne  reprissent 
l'île  San-Fiorenzo  ;  ils  s'emparèrent  de 
Barbaggio.  On  agita  dans  le  cabinet 
la  question  de  l'abandon.  Mais  Hna- 


MA» 

lement   la    politique   juste   et    saine 
l'emporta.  On  comprit  que  les  Anglais 
n'agiraient  pas,  les    colonies  améri- 
caines  commençaient  à  s'agiter;  si  le* 
cabinet  de  Louis  XV  ne  fut  point  ab- 
solument  étranger    à   ces    premiers 
germes  d'une  révolution  grave,  il  les 
aperçut   cependant   et    les  apprécia. 
Chauvelin  fut  rappelé  ;  Marbeuf,  char- 
gé   de   nouveau  du  commandement 
provisoire,  reçut   ordre  de  défendre 
les  places  au  pouvoir  des  Français , 
jusqu'à    l'arrivée  du  comte  de  Vaux , 
qui  devait  venir  avec  des  forces  con- 
sidérables. Il  ne  se  borna  pas  à  la  dé- 
fensive; marchant  sur  Barbaggio ,  il 
y  cerna  les  indigènes,  et  les  contrai- 
gnit à  se  rendre.  Il  avait  notamment 
amélioré   la    situation,   et  tenait  une 
bonne  partie  du  plat  pays  ,  au  mo- 
ment où  parut  de  Vaux  avec  ses  qua- 
rante-huit bataillons,  son  artillerie  et 
son    nombreux    état-major.   Malgré 
l'enthousiasme  ,   désormais    un   peu 
factice,  que    déployèrent  encore    les 
Corses,    malgré    l'appel    aux    armes 
adressé  par  Paoli     à    la    population 
mâle  tout  entière  de  seize  à   soixante 
ans,  et  la  contrainte  imposée  aux  re- 
ligieux même  de  combattre  pour  la 
Corse,  les  armes  françaises  cessèrent 
«le  se  briser  contre  des  obstacles  in- 
vincibles ;   l'infanterie    et    l'artillerie 
pénétrèrent  au  cœur  de  l'île.  Corte, 
place  centrale,  fiit  emportée  par   de 
Vaux,  l'en  à  peu,  la  plupart  des  piè- 
VC8  se  décjaraient  neutres.  Les  insur- 
gés ne  formaient  plus  que  des  corps 
isolés  qu'on  poursuivait  sans  relâche; 
et  finalement  Paoli,  se  jetant  dans  une 
banpie,  se  rendit  àLivourne  et  de  là  en 
Angleterre,   oii    le   cabinet  de  Saint- 
.lanîes  donna  :iO,()0(>   fr.  par    an  à 
l'homme  dont  il  i)OUvait  se  servir  un 
jour  contre  la  France.  Marbeuf,  après 
comme  avant  l'arrivée  du  général  en 
chef  <le  Vaux,    fut  un    «le  cr\\\  qui 


àe  distinguèrent  le  plus  par  le  sang- 
froid  et   le  coup  d'œil.  La  connais- 
sance réelle    qu'il    avait  du  pays  fut 
très-souvent  utile    à  l'année   d'inva- 
sioo,  et  elle  eut  un  appréciateui-  dans 
de  Vaux,   qui,    lui    aussi,  avait  été 
en  Corse.  De    plus ,    Marbeuf  avait 
su  plaire,  sinon  à  tous  les  Corses ,  du 
moins  à  bon  nombre  d'entre  eux,  et 
ceux  qui  n  étaient  point  irreconcilia- 
blement  brouillés  avec  le  gouverne- 
ment  français,  ceux  qui  songaient  à 
faire  un  accommodement  quelconque 
avec  les  vainqueurs,  aimaient  à  traiter 
avec  Lui,  et  comptaient  en  quelque 
sorte  sur  lui  pom-  obtenir  de  inoins 
mauvaises  conditions.  Il  est  trop  clair 
que    jamais     il  ne     fut    soupçonné 
cfavoir  été  pour  quelque  chose  dans 
le  complot  ourdi  contic  Faoli  par  son 
secrétaire  Matessi,  à  l'instigation  de 
<>hauvelin.  Lors  donc  que  la  dispari- 
tion de  Paoli(13juin  1769)  eut  fait 
cesser  les  hostilités  régulières,  et  que 
de  Vaux,  après  ses  premiers  arran- 
gements avec  la  Corse  ,    eut  repris 
la  route  de  la  France,  c'est    Marbeuf 
qiii   eut  l'honneur  de  commander  la 
nouvelle  ^wssession  hançaise. On  l'en 
regarde  comme  le  premier  gouverneiur, 
bien  qu'il  n'en  ait  point  eu  le  gouver- 
nement-généraL,  et  que,  des  1772,  ce 
gouvernement  avant   été    donné    au 
marquis  de  Monteynard ,  il  n  ait  plus 
été   que    commandant    militaire   de 
l'île  sous  ce  dignitaire.  Ses  fonctions 
ne  laissèrent  pns  détre  laborieuses. 
Les  montagnes  du  centre  étaient  en- 
core remplies  de  bandes,  qui,  sous 
prétexte  de  défendre  l'indépendance 
du  pays ,    vivaient  à   ses  dépens  et 
rendaient    les  communications  dan- 
gereuses.  Il  en  reduisit  beaucoup  le 
nombre  et  accéléra  leur   extinction, 
qui    était   à    peu    près     totale    vers 
1780.  il  ât  preuve  d'impartialité,  de 
sincérité  et  surtout  de  lovauté  dans 


MAR 


1» 


les  efforts  qu'il  multiplia  pour  que  les 
privilèges  reconnus  aux  Corses  lors 
de  leur  soumission  hissent  respectés , 
sans  souiFrir  toutefois  que  les  nou- 
veaux sujets  en  lissent  abus  ou  les 
étendissent  outre  mesure.  Cette  Ligne 
de  conduite  ne  fut  goûtée  ni  de  tous 
les  Corses,  ni  de  tous  les  Français. 
Un  général  fort  bien  eu  cour  et  de 
naissance  bien  autrement  haute  que 
les  Marbeuf,  le  comte  de  Narbonne- 
Pelet,  était  surtout  en  oppo^lion 
avec  lui  sur  presque  tous  les  points 
du  système  suivi  en  Corse  ;  et ,  ce  qui 
ne  peut  nous  surprendre  beaucoup, 
il  avait  trouvé  moven  de  dépeindre 
son  antagoniste  aux  ministres  sous  des 
couleurs  très-peu  favorables.  Il  pa- 
laît  même  que  la  députation  noble 
de  la  Corse,  en  1776i,  corrobora  par 
des  plaintes  les  imputations  de  M.  de 
Narbonne.  Mais  l'année  suivante, 
Marbeuf,  avec  une  certaine  adresse, 
opposa  manœuvres  à  manœu\Tes,  et  le 
chef  de  la  députation  de  1777,  Char- 
les Buonapaile,  pendant  mi  an  et  demi 
qu'il  resta  en  Fi-ance,  parla  enfaveui- 
du  marquis  de  Marbeuf  en  termes 
qui  firent  pencher  la  balance  de  son 
côté.  Il  en  fiit  récompensé  par 
le  zèle  que  le  marquis  et  son  frère 
l'évêque  d'Autun  déployèrent  à  l'é- 
gard de  sa  famille.  L'aîné  de  ses  fils, 
Joseph,  eut  une  bourse  au  collège 
d'Autun;  bientôt  après,  Brienne rece- 
vait celui  qui,  viugt  ans  plus  tard, 
devait  donner  des  lois  à  la  France; 
et  celle  qui,  depuis,  hit  appelée  la 
princesse  Elisa,  mais  qui  répondait 
alors  au  nom  de  Marie-Anne,  entra,, 
gratuitement,  dans  un  couvent  de 
jeunes  filles.  On  a  souvent  répété  que 
ces  enfants,  pour  intéresser  si  vive- 
ment le  marquis  de  Marbeuf,  devaient 
avoir  d'autres  titres  à  ses  bienfaits  que 
celui  de  fils  et  fille  de  Chailes  Buona- 
parte.  Ces  ouiwlire  que  rien  n'appoie, 


16 


MAK 


.'t  dont,   au    reste,  le   Mémorial  di^ 
Sainte-Hélène    disculpe    si     {fauche- 
inent  Letizia  P.amolini,  qu'il  sem])lp- 
rait  plutôt  vouloir  autoriser  que  dé- 
mentir  les  soupçons,  nous  semblent 
tomber  d'eux-mêmes  devant  le  simple 
récit  ([uc  nous  venons  de  Caire.  Char- 
les Buonaparte  était  gentilhomme-,  il 
avait  été  des  premiers  à  se  soumettre 
après  le  départ  de  Paoli;  il  avait  ren- 
du des  services  par  son  influence  i  il 
«tait  fort  considéré  à  Ajaccio,  dont  le 
général  aimait  îe  séjour  ;  le  roi  l'avait 
nommé,  depuisla  conquête,  assesseur 
dans  la  ville  et  la  province  d'Ajaccio  ; 
plus  tard  il  devint  membre  du  conseil 
des   douze  nobles  de  l'île.  Il  l>araît 
qu'il    avait   l'esprit   délie,    la    parole 
souple  ;  il  venait  d'étro  fort  utile  au 
marquis  en  faisant  envisager  sa  con- 
duite à  la  cour  sous  un  jour  tout  autre. 
D'autre  part,  qu'il  soit  permis  de  re- 
marquer que  .loseph  était  l'aîné  des  (ils 
<le  Charles  Iluonaparte:  que  quant  a 
iNapoléon,  sa  mère,  pendant  les  sept 
premiers  mois  de  grossesse,  avait  per- 
pétuellement suivi ,  dans  des  courses 
tpii   l'éloignaient   des   Français,    son 
mari  alors  attaché   au  parti  et   l'on 
peut  presque  dire  à  la  personne  de 
Paoli.   Elle    ne   remit    le   pied    dans 
Ajaccio    qu'en    juin    1769.    Maigre 
reflet    momentané    de    la    parole  de 
Charles  nuonaparte,  il  paraît  ((uc  fina- 
lement   la  zizani.'  entre  les  généraux 
do  la  Corse  ht  di-sirer  au  marquis  de 
Marbeuf  son  rappel  en  l'iance.  Il  re- 
vint à  Paris  vers  1781.  On  est  étonné 
«le  ne  pas   trouver  son  nom   sur  la 
liste  de»  promotions  qui  curent  lieu 
le»     années    suivantes ,    tandis    <jui' 
(4randmaison,  <|ui  avait  été  son  subor- 
donné en  Corse,  fut   nommé  lieute- 
nant-général.   Celte    inju.sticc    n'eut 
point  tardé  sans  doute  à  être  réparée, 
pour  peu  qu'une  guerre  nouvelle  lui 
eAt  rouvert  la  carrière:  mais  il  tnou- 


MAK 

I  ut  dajis   le  courant  de  1788.  —  Sa 
veuve,  née  à  Nantes,  fut  condamnée 
à  mort  par  le  tribunal  révolutionnaire 
le  5  fév.  1794  (17  pluviôse  an  II) , 
comme    convaincue    u  d'avoir  désiré 
l'arrivée  des  Autrichiens  et  des  Prus- 
siens,   pour    lesquels  elle  conservait 
des  vivres  •>  ;  et  monta  sur  l'échafaud 
avec  un  intime   ami,  Payen,  en  qui 
l'on  vit  sou  comphcc.  C'est  à  son  hô- 
tel (dans  les  Champs-Elysées)  qu'ap- 
partenait le  célèbre  jardin  Marbeuf 
qui,  déclaré  propriété  nationale  pen- 
dant  la  révolution,  passa  aux  mains 
d'un  entrepreneur  de  fétos.  Nous  dou- 
tons que  ce  soit  cette  même  dame  de 
:^larbeuf  (\n\,  en  société  avec  l'abbé 
Gillet,  écrivit  la  brochure  intitulée  : • 
Mnrie-Antoinettc  h    la    Conciecgerie, 
fragment    historique    public    par    le 
<omte  ]'.  de  Piobiano  ,  Paris,  1824, 
in-lii  (1  volunje  de  100 pages). — TTne 
autre  dame  de  Marbeuf,    halùtante 
de  l'Autriche,  parut  devant  Napoléon 
pendant  sa  campagne  d'Austerlitz  :  il 
«fi^ecta    de    lui    prodiguer    les    plus 
glandes  marques  d'intérêt,  et  lui  assi- 
{>na  une  pension  sur  sa  cassette.  Cette 
mmuficrnce  n'a  rien  qui  doive  étonner 
de    la    part  de  Napoléon  :  c'était  son 
rôle,  c'était  facile,  c'était  glorieux.  Il 
était  beau  pom-  lui  d'être  devenu  de 
M  humble  protégé,  prolcclein-  :  enfin 
on   sait   le  faible  quil   avait  pour  la 
noblesse  ,    pour   fanciennc   noblesse 
surtout  ;  et  l'on  ne  peut  douter  que  si 
le  marfpiis  de  Maibetd'  eut  vé«u  vingt 
ans  de  plus ,  ce   qui  ne  l'eût  guère 
amené   qu'à    soixante-dix   ans,  l'an- 
<  ien  boursier    de  Urieime  nou-seule- 
uiont  ne  l'eut  pas  laissé  parmi  les  gé- 
iicraux  de  brigade,  mais  se  fût  plu  à 
le    combler    <le    ii.-h<"srs    ,.t  d'hoti- 

iM'urs.  '     "'" 

M \ KBEr F ( Y V (S- A I  r:x \m.iik de ,, 
I Vêre  aîné  du  précédent ,  naquit  en 
1734.  aux  rnvirons  de  Rennes.,  choi- 


MAR 

sit  la  carrière  ecclésiastique  de  préfé- 
rence à  celle  des  armes,  quoique  sa 
naissance  l'appelât  à  continuer  sa  fa> 
mille,  devint  chanoine  et  comte  de 
Lyon  aussitôt  qu'il  eut  atteint  l'âge 
prescrit  par  le  règlement  de  Louis  XV 
qui  instituait  les  comtes  de  Lyon,  et 
de  là  passa,  le  12  juillet  1767,  à  l'éTP- 
ché  d'Âutun,  une  des  prèlalures,  com- 
me on  sait,  dont  les  titulaires  étaient 
le  plus  souvent  à  Versailles.  Très-aima- 
ble courtisan,  il  finit  par  obtenir  la 
direction  de  la  feuille  des  bénéfices  (1), 
entra  au  conseil;  et  en  1788,  à  la 
mort  de  M.  de  Montazet ,  laissa  son 
siège  d'Autun  à  M.  de  Talleyrand 
j)om-  passer  à  celui  de  Lyon  (on  sait 
qu'il  était  assez  d'usage  de  nommer  à 
cet  archevêché  un  évèquc  d'Autun  , 
et  qu'en  cas  de  vacance  du  siège  ar- 
chiépiscopal, c'était  l'évêque  d'Autun 
<|ui  administrait  le  diocèse  de  Lyon). 
D'ailleurs,  en  sa  qualité  de  comte  de 
Lyon  ,  M.  de  Marbeuf  connaissait  et 
le  diocèse  et  la  circonscription  archi- 
épiscopale. On  lui  a  reproché  de  ne 
point  avoir  visite  son  diocèse  :  nous 
avons  la  preuve  du  contraire;  car 
nous  connaissons  des  personnes  qui 
furent  confirmées  par  lui  a  cette  épo- 
que, dans  une  de  ses  tournées  épis- 
i-opales;  mais  la  révolution  survint 
bientôt,  et  avec  elle  la  constitution 
civile  du  cierge ,  le  serment ,  etc. 
Le  directeur  de  la  feuille  des  bé- 
néfices, forcé  d'e-migi-er,  alla  se 
fixer  à  Hambourg,  oii  il  vécut  as- 
sez long-temps  pour  lire  d'un  bont  à 


(1)  Suivant  le  i/émo/-«aide  La*  Cases,  M.  de 
Marbeuf  était,  en  l'î'îS  ou  l'80,  directeur  de 
la  feuille  des  bénéfices  et  archevêque  de  Lyon, 
et  il  vint  remercier  Ch.  Buonaparte  du  langage 
qu'il  avait  tenu  en  faveur  du  marquis.  Nous 
croyons  le  détail  de  ces  faits  très-inexact  [bien 
qu'un  peu  de  vérité  y  ait  donné  lieu).  Nous 
ne  comprenons  pas  davantage  pourquoi  le 
Mémorial  fait  de  il.  de  Marbeuf  un  neveu  du 
marqui>. 


(autre  lea  récits  merveilleux  de  cette 
campagne  d'Italie  ,  qui ,  entamée  de 
connivence  avec  l'Autriche,  coiita  à 
cette  puissance  son  Milanais,  et  ne 
lui  donna  pour  compensation  de  ce 
duché  et  de  la  Belgique ,  que  Venise 
avec  &ef,  États  de  Terre-Ferme. 
Sans  doute  il  n'ignora  pas  que  le  gé- 
néral qui  préludait  ainsi  à  ses  hautes 
destint-cs  était  lejeiuie  Corse  que  sou 
frère  avait  placé  à  Brienne,  et  le  frère 
du  boiu-sier  d'Autun.  Que  de  fois  pen- 
dant ces  deux  années  1796  et  1797, 
et  surtout  après  Campo-Fonnio  et  le 
retour  de  Bonaparte  a  Paris,  le  prélat 
dut  penser  au  rôle  qui  pouvait  deve- 
nir le  sien  si  le  général,  comme  on  le 
croyait,  prenait  place  au  Directoire! 
Le  départ  de  Bonaparte  pour  FÉ- 
gypte,  qui  ajourna  ceh  espérances, 
probablement  ne  les  éteignit  pas  dans 
le  cœur  de  l'archevêque  de  Lvon. 
Mais  la  mort  le  frappa  dans  le  der- 
nier semestre  de  1799,  au  moment 
où  Bonaparte  effectuait  la  révolution 
du  18  brumaire  et  se  saisissait  du 
pouvoir.  On  a,  sous  le  nom  de  M.  de 
Marbeuf,  àa  Mandements  et  Instruc- 
tions pastorales  fort  bien  écrits.  Nous 
n  affirmons  pas  que  ces  pièces  soient 
de  lui,  mais  il  est  certain  qu'il  avait 
de  l'espiit,  des  connaissances,  de  l'a- 
ménité, de  grandes  manières,  et  nous 
ne  doutons  pas  qu'il  ne  fiit  capable 
d'écrire  aussi  bien.  P — or. 

MARBOIS  (F«A»œis  Barbé  de), 
connu  dans  les  deriuères  années  de  sa 
vie  sous  le  nom  de  MABQris  de  Mar- 
Bois,  homme  d'État ,  littérateur,  ma- 
gistiat,  natjuit  à  Metz,  le  31  janviei 
17-l.>.  Son  père  était  directeur  de 
la  monnaie  de  cette  ville.  Le  jeune 
Maibois  ,  après  avoir  fait  avec  dis- 
tinction ses  études  littérales  et  de  ju- 
risprudence, obtint  la  protection  du 
niaréchal  de  Gastiies,  ministre  de  la 
marine,   qui  lui  tonfia  l'éducation  de 


18 


MAB 


ses  enfants.  Attaché  depuis  1768  au 
département  des  affaires  étrangères, 
a  fut   successivement    secrétaire  de 
légation  à  Batisbonne,  chargé  d'affai- 
res à  Dresde  et  à  Munich.  Rappelé  en 
1778,  il  parut  abandonner  momen- 
taném'ent   la   carrière     diplomatique 
pour  les  tribunaux  ,  et  fut  reçu  ,  la 
même  année,  conseiller  au  Parlement 
de  Metz;  mais  il  y   siégea  peu   de 
temps.  Lors  de  la  guerre  d'Amérique, 
le    comte   de  Vergennes  le  chargea 
de  remplir  près    des  États-Ums  les 
fonctions  de  secrétaire  de  légation  et 
de  chargé  d'affaires  de  S.  M.  T.   C. , 
et,  peu  après,  d'y  organiser,  avec  le 
titre  de  consul-général,  tous  les  con- 
sulats français.   Dans   cette  mission, 
il  montra  autant  de   zèle  que  dha- 
bileté,  et  fit  si  bien  estimer  son  ca- 
ractère que  WiUiam  Moore,  président 
et  gouverneur  de  la  Pennsylvanie,  le 
choisit  pour  gendre.   De  retour  en 
France,  Marbois  fut  nommé,  en  1785, 
intendant- général   des    îles  sous    le 
Vent.  Arrivé  à  Saint-Domingue,  il  se 
montra  dans  cette  colonie  administra- 
teur intègre  et  courageux,    il  remit 
l'ordre    dans  les    finances  ,  veilla  a 
l'exacte  administration  de  la  justice,  et 
résista  aux  empiétements    de   l'auto- 
rité militaire.  Si  cette  conduite  lui  mé- 
rita l'estime  et  la  reconnaissance  des 
colons,  elle  lui  fit  beaucoup   d'enne- 
mis parmi  les  agents  dont  sa  sévérité 
réprimait  les  abus  de  pouvoir  et  les 
malversations.     Us  sollicitèrent    son 
rappel  ;  mais  leurs  calomnies  ne  firent 
impression  ni   sur   le  roi,  ni   sur  if 
ministre  delà  marine,  La  Luziîrnc , 
bon  juge  dans  cotte   partie  adminis- 
trative, ayant  été  lui-mf^nc  gouver- 
neur des  îles  sous  le  Vent.  Plusieurs 
fois  ce  ministre  témoigna  à  Marbois  la 
satisfaction  de  ses  bons  service»,  entre 
auUes  dans  une  dép/'clie  du  3  juil- 
let 1789,  à  la  buiU-  d'-  laquell»-    ét»Jt 


MAQ 

ce  billet  autographe  de  Louis  XVI: 
s  C'est   par   mon   ordre  exprès  que 
«  M.  de  La  Luzerne  vous  écrit;  con- 
"  tinuez  à  remphr  vos  fi)nctions  et  à 
»  m'estre  (sic)   aussi  utile  que  vous 
«  l'avez  été  jusqu'ici;    vous  pouvez 
<,  estre  sûr  de  mon  estime  et  comp- 
«  ter  sur  mes  bontés.  Signé  Locis  ». 
Cependant,  le  contre-coup  de  la  ré- 
volution ne  tarda  pas  à  se  faire    vio- 
lemment   sentir    à    Saint-Domingue. 
Dès  le  mois  d'octobre    suivant ,    les 
habitants  arborèrent  la  cocarde  tri- 
colore, et   obligèrent  les  autorités  de 
la  prendre.  «  Ce  fut ,  disent  les  rela- 
tions officielles  du  temps  ,  une  céré- 
monie que  d'aller  la  présenter  à  M.  de 
Loppinot,  commandant  particulier  de 
la  ville  du  Cap.  Marbois  la  reçut  aussi 
d'un  nombreux  cortège,    et  madame 
de  Marbois,  qui  avait  mis  beaucoup 
de  glace  à    distribuer    des    cocardes 
aux  officiers  militaires  ,   fut  décorée 
d'une  écharpe  des  mêmes   couleurs. 

Cependant,    Saint-Domingue  n'a 

pas   été   exempt   de    troubles,...  Les 
agents  du  gouvernement  ont  donc  été 
inquiétés,  menacés,  poursuivis.  M.  et 
madame  de  Marbois ,    décorés  de   la 
cocarde  nationale  et  de  l'écharpe  pa- 
triotique ont  été  forcés  de  se  retirer 
avec  assez  de  précipitation  (Moniieur 
<lu  27  décembre  1789).  »  Ce  fut  le  27 
octobre  que  Marbois  quitta  la  colonie. 
Il  relâcha  à  Cadix,  ou  il  s'arrêta  quel- 
ques jours  avec  sa  famille  ,  et  d'où  il 
envoya  au  ministère  français  des  nou- 
velles sur  la  situation  de  Saint-Domin- 
gue. A  son  rctoui    à  Paris,  au  coin- 
t'nenciîment  de  1790,  il  eut  à  répon- 
dre  devant   l'assemblée  constituante 
;i   des  incriminations   élevées   contre 
sa  conduite  dans  les  colonies,  et  tou- 
jours il  sortit  à  son  avanta{>e  de  cette 
|)érilleusc  épreuve.  Cn   décret  pres- 
crivait    aux     administrateui-s    colo- 
niauN  de  remire  compte  de  leur  ges- 


tion  et  de  leurs  dépenses  arriéi-ées.  En 
conséquence,  Marbois  présenta  les 
états  de  l'administration  des  finances 
de  Saint-Domingue,  il  en  résultait  que, 
foutes  dépenses  pavées ,  il  avait  laissé 
dansles  caisses  plus  d'un  million  en  ré- 
serve, et  dans  les  magasins  du  roi  six 
mille  quintaux  de  farine  et  d'auties  ap- 
provisionnements en  tout  genre,  pour 
des  sommes  considérables.  La  Cheva- 
lerie, qui  avait  succédé  à  Marbois  dans 
les  îles  sous  le  Vent,  reconnut  si  bien 
l'exactitude  de  cet  énoncé,  qu'il  dé- 
clara se  rendre  responsable  de  tout 
ce  que  son  prédécesseur  avait  af- 
firmé. Ce  dernier  s'en  félicita  dans 
une  lettre  adressée,  le  i2  juillet  1790. 
au  président  de  l'assemblée,  et  dont 
la  lecture  fut  fort  applaudie.  On  l'ac- 
cusa cependant,  vei-s  la  fin  de  cette 
même  année,  d'avoir,  pendant  son 
séjour  à  Saint-Domingue,  fait  le  mo- 
nopole des  farines  pour  le  gouverne- 
ment ,  et  d'en  avoir  teim  de  grandes 
quantités  en  magasin  à  Philadelphie, 
par  l'entremise  de  son  beau-père  , 
alors  président  de  l'État  de  Pennsyl- 
vanie. Il  répondit  à  cette  assertion 
par  une  lettre  adressée,  le  9  janvier 
1791 ,  au  président  de  l'assemblée 
nationale.  A  cette  lettre  était  joint  un 
désaveu  authentique  signé  par  les 
principaux  citoyens  de  Philadelphie. 
L'assemblée  prononça  le  dépôt  de  ces 
pièces  aux  archives.  Cependant  ,  de- 
puis son  retour  en  France,  Marbois 
était  rentré  au  département  des  af- 
faires étrangères,  par  ordre  do  Louis 
XVI  ,  qui  avait  pour  lui  une  estime 
particulière  ,  fondée  non-seulement 
sur  les  talents  et  la  probité  de  ce  ma- 
gistrat, mais  sur  la  gravité  de  ses 
mœurs.  Ce  prince  l'envoya  en  qua- 
lité de  son  ministre  à  la  diète  de  Ra- 
tisbonne.  Après  avoir  prêté  serment 
devant  la  municipalité  de  Paris,  le  20 
janvier  1792,  Marbois  se  rendit  à  son 


MAR 


« 


poste.  Sa  mi.ssion  était  des  plus  ddi- 
cates  :  elle  consistait  à  régler  avec  les 
plénipotentiaires  de  l'empire  les  droits 
féodaux  des  princes  allemands  pos- 
sessionnés  en  Alsace  et  en  Lorraine, 
et  que  les  décrets  de  rassemblée  na- 
tionale en  avaient  dépouillés.  Qud- 
({ues  semaines  après,  il  alla  ù  Vienne 
comme  adjoint  à  l'ambassadeur  >«oail- 
les,  pour  savoir  les  intentions  positi- 
ves de  Tempereur  à  ce  sujet  (1).  A 
peine  était-il  arrivé  dans  cette  capi- 
tale, que  I^opold  II  mourut,  laissant 
le  trône  à  François  H.  Les  diplomates 
français  se  virent  l'objet  des  défiances 
du  ministore  autrichien,  et  pendant 
plusieurs  joiu-s  ils  furent  gardés  à  \uc 
dans  leur  hôtel.  I^  nunistère  de  Louis 
XVI,  voyant  qu'il  ne  pouvait  obtenir 
•me  réponse  catégorique  du  cabinet 
autrichien,  rappela  Marbois,  qui  se 
retira  à  Metz.  On  l'y  emprisonna  pour 
fait  d'émigration,  bien  qu'il  n'eût  ja- 
mais émigré.  Après  la  chute  de  Ro- 
l>espierre,  ses  concitoyens  le  dédom- 
magèrent de  cette  vexation  en  Félisant 
maire  de  la  commune  de  Metz  ;  puis 
(1795).  secrétaire  de  l'assemblée  des 
électeurs  de  la  Moselle,  enfin  député 
au  Conseil  des  Anciens.  Comme  on  le 
savait  lié  d'attachement  et  de  recon- 
naissance avec  les  membres  d'un  minis- 
tère qui  se  serait  formé  hors  de  France, 
siLouis  XVI  n'eût  pas  échoué  dans  sa 
fuite  de  Varennes ,  Marbois  vint  sié- 
ger au  Corps  législatif,  avec  la  répu- 
tation d'un  ennemi  de  la  révolution. 
Il  eut  d'abord  à  se  défendre  d'avoir 
participé  à  la  rédaction  du  traité  de 
Pilnitz.  C'était  Tallien,  qui,  dans  un 

(1)  Siméon,  dans  sa  Notice  sur  Marbois,  lue 
4  la  Chambre  des  Pairs,  explique  ainsi  l'objet 
de  cette  mission  :  «  Il  fallait  détourner  la  cour 
de  Vienne  de  la  guerre.  M.  de  Marbois  y  réus- 
sit ;  il  obtint  qu'on  fit  rétrograder  quelques 
troupes  autrichiennes,  qui,  sous  le  comman- 
dement du  ^néral  BreiitaïKi,  s'avau^eo* 
déj4  vers  l'Alsace  •. 

i. 


-20 


%m 


rapport  fait  quelques  joui-s  aupant- 
vant   à  la  Convention,    au  nom  de 
la   commission  des  Cinq,   avait  ha- 
sardé cette  assertion.  Marbois ,  dans 
une  longue  lettre  adressée  au   Con- 
^il  des  Cinq-Cents ,  le  8  nov,  1795, 
repoussa     l'accusation     avec     force- 
(.J'ai  employé,    disait  -  il  ,   l'année 
>.  1791,  pendant  laquelle  on  pense 
B  que  ce  traité  a   été  conçu,    à  l'é- 
I  tude  et  à  la  pratique   de    l'agricul- 
»  ture  ;  j'ai  préparé,  sous  les  yeux  des 
«  administrateurs    du    département , 
«  \m   ouvrage  étendu  sur  les  prairies 
<,  artificielles;  d'accord  avec  eux,  je 
»  me  suis  occupé,  pendant  cette  an- 
>  née,  à  prendre  des  renseignements 
«  locaux    dans  les  départements  où 
«  elles  se  cultivent  avec  succès,  et  ils 
«  ont   fait    Imprimer   mon    ouvrage 
..  l'année  suivante.  Je  ne  connais  pas 
»  la  date  du  traité  de  Pilnitz.  A  quel- 
.^  que  époque  qu'on  la  fixe,  je  prou- 
u  verai  que,  tandis  qu'il  se  négociai  U 
,.  et  lorsqu'il  a  été   conclu  ,  j'étais  à 
i.  plus  de  cent    cinquante  lieues   de 
!>  Pilnitz,  et  loin  des  affaires  publi- 
..  ques......  On  n'a  songé  à  me  l'attri- 

^  buer  que  quand  mes  concitoyens, 
«  sans     aucune    sollicitation    de  ma 
»  part ,  se   sont  montrés  disposés  à 
«  me  nommer  membre  du  Corps  lé- 
.  gislatif.....  Des  gazettes  publièrent 

-.  alors  des  dénonciations  violentes 
«  contre  mol;  je  n'y  répondis  point. 
«  La  municipalité,  le  district  de  Metz, 
u  et  le  département  de  la  Moselle, 
u  dont  mes  affaires  m'avaient  tonti- 
,.  nuellement  rapproché  en  1791,  <l< - 
«  truisirent  ces  dénonciations  par  de 
,.  arr/îtés  énergicpies,  etc.  "  Puis  il 
demandait  à  être  jugé.  Le  député  tW;- 
«evois,  qui  avait  été  alors  envoyé  eu 
mission  dans  la  Moselle,  attesta  (juil 
avait  entendu  un  grand  uombri'  dt- 
citoyen»  rendre  honuuage  au  patno- 
ih^rae  U*  Mai  boi'^  et  a  h  von«luite  (jn'il 


avait  tenue  pendant  qu'il  était  maire  de 
Metz.  Sur   la  proposition  de  Dumo- 
lard,  il  fut  décidé  que  Tallien  serait 
entendu  pour  s'expliquer  sur  l'accu- 
sation intentée  pai  lui  ;  mais  celui-ci 
n'avait  garde  de  le  faire.  Quatre  jours 
après,  Barbé  de  Marbois ,    dans   une 
nouvelle  lettre  au  Conseil  des  Anciens, 
réitéra  sa  demande  d'être  jugé  ;  mais 
le  Conseil  prononça  l'ordre  du  jour 
par  ménagement  pour  la  commission 
des    Cinq.  Les  révolutionnaires  n'é- 
taient pas  fâchés  de  laisser  planer  un 
soupçon,  quelque  vague  qu'il  fût,  sur 
un  député  qu'ils  regardaient  comme 
leur  adversaire.  "  Est-ce  d'ailleurs  à 
>.  la  commission  des  Cinq,  disait  Vil- 
.■  1ers,    que   Barbé-Marbois    doit   se 
..  plaindre    de    l'accusation    formée 
y  conUe  lui  ?  Toutes  les  gazettes  ont 
.    répété  qu'il  avait  signé   le  traité  de 
.^  Pilnitz,  avant  que  la  commission  eût 
"  inséré  ce  fait  dans  son   rapport.  Il 
>.  n'a  pas  repoussé  L'accusation,  tous 
u  les  citoyens    ont  pu  le  croiie;  la 
.  commission  a  pu  aussi  prendre  son 
silence  pour  un  aveu.   Je  ne  pré- 
'.  tends   pas  justifier  la  commission, 
>   mais  ce  n'est  pas   elle   que  Barbé 
..  doit    prendre  à  partie;  ce  sont  les 
..  journaux  qui  sont  les  premiers  ac- 
■^  cusateurs,  ce  qu'il  n'a  pas  démenti.» 
I>a  calomnie  était  évidente;  mais  la 
tache  restait,  et  c'est  ce  que  deman- 
daient les  révolutionnaires,  qui  se  fi- 
rent plus  tard   ime  arme  des  souve-, 
nirs  de  Pilnitz,  ainsi  que  des  ancien- 
nes liaisons  de  Marbois,    pour  pro- 
noncer contre  lui  la  déportation.  Ce-, 
pendant ,  dès  les  premières  séances  i. , 
(eut  ce  qu'il  y  avait  d'hommes  mo-  ' 
(lérés ,  et  qu'on  pouvait  appeler  roya-,, 
lisles  constitutionnels,  formèrent  en- 
tre eux  une  association  tendant  à  ar- 
li'Acr  l'impétuosité  révolutionnaire  de» 
«  .in(j-Cent8,  à  contenir  le  Directoire 
daii»  les  limite»  de  h  consUtutiw,  en  ^ 


9ii¥ 


M^ 


^ 


un  mot,  à  repousser  toutes  les  propo- 
sitions dangereuses.  Cette  association 
se  composait  de  douze  dtiputés ,  qui 
s'assemblaient  une  fois  par  semaine  ; 
c'étaient ,  outie  Marbois .  Lebrun 
(depuis  duc  de  Plaisance),  Dupont  de 
Nemours,  Tronson-Ducoudray,  Du- 
mas, MallevillcjTorcv,  Paradis,  etc.  Ils 
exercèrent  long-temps  une  grande 
influence  sur  la  nomination  des  pic- 
sidénts,  des  secn^taires  et  des  com- 
missions. I-e  nouveau  tiers  des  dépu- 
tés suivait  communément  leur  impul- 
sion. La  première  fois  que  Marboi^ 
parut  à  la  tribune ,  ce  fut  pour  com- 
battre une  résolution  des  Cinq-C^nb 
tendant  à  conférer  au  Directoire  la  no- 
mination des  autorités  administratirej» 
et  judiciaires.  Quelques  jours  après, 
il  fit  une  motion  d'ordre  sur  les  em- 
barras financiers  de  la  république,  in- 
sista pour  qu'on  n'accordât  point  au 
Directoire  des  milliards  sans  connaî- 
tre bien  la  situation  des  finances ,  et 
demanda  la  nomination  dune  com- 
mission cbaigée  de  prendre  tous  les 
renseignements  à  cet  égard.  L'ajour- 
nement de  cette  motion  fut  pronon- 
cé; mais,  en  même  temps,  l'impres- 
sion du  discours  ordonnée,  ce  qui  at- 
teignait indirectement  le  but  que  s'é- 
tait proposé  l'orateur,  en  exprimant 
avec  fi-anchise  des  vérités  qui  allaient 
à  l'adresse  du  Directoire.  Dans  la 
séance  suivante,  il  parla  plusieurs 
fois  sur  des  objets  financiers.  Il  serait 
ti-op  long  de  suivre  Marbois  dans  les 
différentes  discussions  auxquelles  il 
prit  part;  nous  mentionnerons  toute- 
fois le  discours  qu'il  prononça  en 
janvier  1796  sur  l'organisation  de 
la  marine,  et  oii  il  manifesta  ks 
sentiments  les  plus  hostiles  contre 
l'Angleterre  ,  dans  un  style  d'exal- 
tation qui  ne  convenait  guère  à  un 
législateur  :  a  Hâtons  -  nous ,  dit -il, 
'  de   porter  h  désordre  et  le  tn>ubh 


'■  dans  ce  gouvernement  anglais ,  qui 
4  voudrait  voir  t Océan  desséché  jm- 
"  que  dans  ses  abîmes  f  plutôt  que 
0  J'en  partager  les  fruits  avec  fc» 
^  autres  habitants  du  globe.  Si  la 
«i  nature  l'a  isolé  de  tous  les  con- 
«-  tincnts  ,  ses  vaisseaux  l'en  rap- 
^  prochent,  et  lui  ouvrent  autant  de 
.1  routes  qu'il  peut   partir  de  rayons 

•  du  centre  où  il  s'est  placé.  Que  ses 
'  navigateurs    redoutent    des    Jean 

•  liart,  des  Duguay-Trouin,  des  Thn- 
rot,  sur  tons  les  chemins  qu'ils  par- 

•  courent  ;  que  les  assurances  absor- 

•  bent  pour  eux  toutes  les  chances 
-  de  bénéfices,  et  puisqu'il  est  dévon* 

•  de  la  soif  de  l'or  et  des  richesses. 
«  coupons,  détournons  tous  tes  ca- 
.-  naux,  arrêtons  toutes  les  sourcc> 
•>  qui  sen-aient  à  le  désaltérer,  etc.  •• 
Rappelons  encore  le  rapport  aussi 
plein  d'intérêt  qu'étendu  qu'il  fit  (  2 
avril)  sur  la  résolution  relative  auN 
récompenses  à  accorder  à  des  livres 
élémentaires,  destinés  à  l'éducation 
de  la  jeunesse.  Le  17  août,  il  parla  en 
faveur  des  rentiers ,  et  fut  élu  secré- 
taire du  Conseil  des  Anciens  le  mois 
suivant.  Plusieurs  fois  il  attaqua  sans 
succès  la  loi  du  3  bi-umaire  an  IV. 
cpii  excluait  des  fonctions  publiques 
les  nobles  et  les  parents  d'émigré*. 
S'étant  trouvé  désigné  pour  le  mi- 
nistère des  colonies,  sur  une  liste 
faite  par  Berthelot  de  la  Villeumoy  ♦ 
agent  des  princes  émigrés  (14  plu- 
viôse an  V)  (1797),  il  ftit  regardé  plas 
que  jamais  comme  attaché  au  parti 
royaliste,  et  comme  ennemi  du  Direc- 
toire. Cependant,  lors  des  préliminai- 
res de  Léoben  ,  on  ne  l'entendit  pas 
sans  surprise  donner  des  éloges  à  la 
sagesse  et  à  la  modération  de  ce  gou- 
vernement. Mais  quand  la  lutte  s'en- 
gagea ensuite  entre  le  Directoire  et  la 
majorité  des  Conseils ,  il  se  prononça 
avec  énergie^  dan$  la  séance  extraor- 


22 


MAR 


dinaire  du  20  juillet,  et  vota  des^  re- 
meicîments     au    Conseil  des    Cincj- 
Cents  pour  la  fermeté  qu'il  montrait 
dans  le  danger  qui  menaçait  le  Corps 
législatif.  Les  directeurs  ne  lui  par- 
donnèrent pas  ;    aussi,   lors  du  coup 
d'État  du  18  fructidor  (4  septembre 
1797),  on  rappela  ses  anciennes  liai- 
sons ,   on   fit   revivre  le  bruit  de  sa 
présence  au  congrès    de  Pilnitz,  on 
lui  supposa  des  projets   auxquels  il 
n'avait  pas  pensé,  et  il  Itit  mis  sur  la 
liste  des  déportés.  Marbois  pouvait  se 
cacher  ou  fuir;  il  ne  le  voulut  pas, 
demanda  inutilement  des  juges  et  fut 
transporté  à  laGuyane.  Il  ne  fut  point 
du  nombre  de  ceux  qui  se  sauvèrent 
de  cette   terre  d'exil  avec  Pichegru  , 
Villot,  Aubry  et  d'autres.    On    voit 
dans    la   Relation   de   Ramol  ,    qu  il 
refusa  de  se  réunir  à  ce  général  lors- 
qu'il   parvint  à  s'échapper.  Marbois 
demandait  alors  au  Directoire  à  être 
jugé;  il  lui  envoya  plusieurs  mémoires 
dans  lesquels  il  invoquait  en  sa  faveur 
l'exécution  des  lois  et  de  la  constitu- 
tion. L'habitude  qu'il  avait  conlractëe 
aux  États-Unis  et  à  Saint-Domingue 
du  climat  d'Amérique,    le   préserva 
des  maladies  qui  frappèrent  île  mort 
la  plupart  de  ses  compagnons  d'iuloi- 
tune.  Cependant,  en  l'an  VII ,  l'insa- 
lubrité de  l'île  de    Cayenne    déter- 
mina M""  de  Marbois    à    demander 
au  gouvernement  cpie  son   man  rut 
transféré  ailleurs.  Il  obtint  l'autorisa- 
lion  de   se  rendre  à  Oléron  d'où   il 
revint  à  Paris  après  le  18  bruuiiiiie 
(novembre  1799).  Le  troisième  consul 
Lebrun    était    li<;     avec    lui    depuis 
longues  années,  il   peignit  au   géné- 
ral Itonaparte  l'expérience  de  son  ami 
dans  les  affaires ,  sa  probité  austère  , 
son  amour  de  l'ordre  et  de  l'économie, 
»a  physionomie  grave  et   magistrale . 
enfin  il   le    représenta    comme    p«;u 
flexible  ,  mais  n'avant   peut-fitrc  pa^ 


MAR 

toute  l'adresse  convenable  dans  un  mi- 
nistre (2).  Ces  discours  effacèrent  les 
préventions   qu'on  avait  inspirées  à 
Bonaparte  ;   il   nomma  Marbois  con- 
seiller  d'État,    puis    (1801)   direc- 
teur du  trésor.  Cette  direction  ayant 
été  érigée  en  ministère  par  arrêté  con- 
sulaire du  5  vendémiaire  an  X  (sept. 
1801  )  ,     Marbois    devint    ministre. 
En  1803,  il  accompagna  le  premier 
consul  à  Bruxelles;  en  1804,  il  pré- 
sida le  collège  électoral  de  l'Eure  qui 
l'élut  candidat  au  Sénat  conservateur. 
En  1803,  il  fut  successivement  nommé 
grand-officier  de  la  Légion-d'Honneur, 
gi-and-cordon  de  l'ordre  de  vSaint-Ilu- 
bert  de  Bavière  et  comte  de  l'empire. 
Une  baisse  imprévue,  survenue  dans 
les   fonds  publics ,  et  causée  par  une 
fausse  mesure  de  finances  qu'il  avait 
approuvée ,  mais   plus    encore  sans 
doute  par  le  laux  bruit  d'une  défaite 
de   l'armée   impériale,   produisit  de 
funestes  effets.  Les  billets  de  banque 
perdirent  jusqu'à  lo  p.  OjO;  tout  le 
monde  voulut  les  convertir  en  argent. 
Le  ministre  fut  obligé  de  se  concerter 
avec  le  préfet  de  police,  et  la  force  ar- 
mée intervint  dans  une  affaire  de  cré- 
dit pubUc.  De  pareils  moyens  n'étaient 
{Tuère   propres   à   calmer  les  inquié- 
tudes et  à  rétablir  l'ordre,  lorsque  la 
nouvelle    de   la  victoire   d'Austerlitz 
vint  au  secours  des  fautes   de    l'ad- 
ministration. Napoléon,  à  son  arrivée 
à  Paris,  manda  le  ministre,  le  traita 
fort    durement   et  le  destitua   sur-le- 
champ.  Marbois,  encpiittant  le  cabinet 
de  l'empereur,  lui  dit  les  larmes  aux 
yeux  :  «  J'ose  espérer  (jue  V.  M.  no 
.  m'accusera  pas  d'être  un  voleur.  — 
«  .le  le  préférerais  cent  fois  répondit 
..  Napoléon  :  au  moins  la  friponnerie 
u  a    des   bornes;    la   bélise    n'en    a 
u  point.  »  Cependant  la  disgrâce   de 

fî)  Solice  biograghiqtic  sur  le  prince  Le- 
brun, duc  (le  Plaisance,  publiée  par  son  Ob, 


MAB 

Marbow  cessa  en  1808,  et  ^apoléou 
qui  connaissait  sa  probité,  le  nomma 
alors    premier  président  de  la  Cour 
des  comptes.  Nulle  place  assurément  ne 
convenait  plus   au  caractère  et  aux 
habitudes  de  Maibois.   Dans  le  dis- 
cours qu'il  prononça  lors  de  l'instal- 
lation de  cette  Cour  ,   le  prince  Le- 
brun, après  avoir  adressé  à  son    ami 
les  éloges  les  plus   Batteurs,  ajoutait, 
en  faisant  allusion  aux  sentiments  de 
l'empereur  :  «  De  là  cette  bienveillance 
«.soutenue  dans  tous  les    temps    et 
"  marquée  sui'tout  dans  votre  retour. 
«  Sous  ce  nuage  passager  qui  l'a  voi- 
«  lée,  lorsqu'au  sein   de  la  retraite 
«  vous  éprouviez  la  seule  crainte  qui 
«  pouvait  atteindre  une  âme  comme 
"  la  vôtre,  celle  d'avoir  perdu  l'es- 
«  time    d'un    grand   homme    et   les 
^  bontés  du  restaurateur  de  la  France, 
»  S.  M.  vous  couvrait  encore  de  ses 
«  regards  ;    elle    daignait    écrire    à 
«  votre  ami  qu'elle   vous   conservait 
«  toute  son  estime.  Souvent  elle  lais- 
»  sait  échapper  des  paroles  d'intérêt 
«  destinées  à  parvenir  jusqu'à  vous, 
■«  et   à  consoler   votre   soUtude.    Et 
«  tout-à-coup  sans  que  vous  ayez  osé 
«  former  un  vœu  ,  sans  que  l'amitié 

«  ait  prononcé  votre  nom S.  M. 

«  vous  appelle  à  des  fonctions  qui  se 
-  lient  aux  plus  grands  intérêts  de 
>  Fcmpire  «.Dès  le  premier  moment, 
Marbois  se  livra  tout  entier  à  ces 
fonctions;  i'  ne  se  rallentit  pas  un  ins- 
tant pendant  une  présidence  qui  dui-a 
près  de  trente  ans ,  et  l'on  doit  en 
grande  partie  lui  faire  honneur  des 
bons  résultats  obtenus  par  la  Cow 
des  comptes.  Dès  ce  moment  aussi,  il 
se  montra  l'admirateur  le  plus  ex- 
clusif de  Napoléon,  ainsi  qu'on  peut 
en  juger  par  les  discoui-s  officiels 
qu'il  fut  à  même  de  prononcer.  «  Ces 
<■  loi»  sont  votre  ouvrage,  Sire,  •  disait- 
il  le  10  janvier  1808 ,  à  l'empereur. 


MAB  ^ 

auquel  il  vetiait  de  prêtei  serment , 
•<  et  nous  ne  pouvons  y  lire  les  obli- 

-  gâtions  qu'elles  nous  imposent. 
"  sans  remarquer  en  même  temps  Ice 
«  progrés   que    l'ordre  a    faits   sous 

-  votie  règne  dans  toutes  les  partie?» 
»  de  l'administration ,  sans  admirci 

-  par  quels  moyens   vous   assurez, 

-  vous  préparez  la  prospérité  de  l'em- 
j  pire;  nos  travaux,  nos  recherches, 
»  uos  routes  mêmes,  nous  rappellent 

-  sans  cesse  les  grandes  intentions  de 
u  V.  M.»  Le  24  janvier  1809,  félicitant 
l'empereur  à  son  retour  d'Espagne,  il 
hii  disait  encore  :  •  Loin  de  vous,  tout 
»  manque  à  notre  bonheur  ;  votre 
a  présence  nous  rend  toutes  nos  espe- 

-  rances,  nos  affections.  Nous  avons 

-  joui  de  vos  victoùcs,  nous  jouissons 
»  des  biens  que  vos  lois  et  votre  gé- 
«  nie  nous  assiu^ent  ".  L'adulation  est 
encore  plus  forte,  s'il  est  possible, 
dans  cet  autre  discoiu"s  qu'il  adressa 
au  maître,  le  16  novembre  1809.  sur 
la  paix  de  Vienne.  Après  l'avoii-  quaUfié 
de  Scipion  :  •  La  fortune,  ajouta-t-il, 
»  docile  à  vos  ordi-es,  est  fidèle  à  vos 
a  drapeaux  :  ce  seraient,  Sire,  des 
"  prodiges  sous  un  autre  règne  ;  ce  ne 
»  sont,  sous  le  vôtre,  que  des  événe- 
«  ments  ordinaires.  Notre  admiration 
a  épuisée  depuis  long-temps ,  etc.  " . 
Ces  flagorneries  ne  furent  pas  sans 
récompense:  Marbois  fut  nommé  au 
Sénat  le  3  avril  1813.  Le  22  décem- 
bre de  la  même  année,  il  fit  partie  de 
la  commission  extraordinaire  chargée 
de  prendre  connaissance  des  docu- 
ments relatifs  aux  négociations  en- 
tamées avec  les  puissances  coalisées. 
La  fortune  avait  cessé  de  sourire  à 
Napoléon  ;  et  Marbois  fut  un  des  com- 
inissaues  du  Sénat  qui  préparèrent  le 
décret  de  déchéance  et  la  création  d'un 
gouvernement  pro\-isoire  (1"  avril 
1814).  Cinq  jours  après,  il  proposa  à 
la  Cour  des  comptes  de  manifester 


24  MAB 

son  vœu  en  faveur  des  Bourbons  Ix 
18  du  même  mois,  il  retrouva  pour 
liaranguer  Monsieur,  comte  d'Artois, 
lieutenant-général  du  royaume,  les 
mêmes  formes  adulatrices  qu'il  avait 
si  souvent  employées  pour  louer  INa- 
poléon.  Le  jour  de  l'entrée  de  Louis 
XVIII,  il  se  porta  à  sa  rencontre  avec 
la  Cour  des  coniptes  :  *  Sire,  lui  dit- 
«  il,  les  monuments  que  nous  con- 
<i  servons,  les  dépôts,  les  archives 
«  qui  nous  environnent,  tout  nous 
•<  instruit  des  grandeurs  des  Bour- 
«  bons...  »  Il  fut  créé  pair  le  4  juin 
1814,  puis  conseiller  de  l'Université. 
Une  ordonnance  du  roi,  du  27  lé- 
vrier 1815,  le  confirma  dans  sa  digni- 
té de  premier  président  de  la  Cour 
des  comptes.  Marbois,  en  qualité  de 
membre  du  conseil-généial  des  hos- 
pices civils  de  Paris,  accompagna 
Monsieur  dans  la  visite  que  ce  prince 
fit,  le  4  mars,  dans  les  hôpitaux  de 
Taris  :  «  Monseigneur,  lui  dit-il,  vous 
"  quittez  votre  palais  [)0ur  visiter  la 
•'  demeure  du  pauvre.  L'Hôtel-Dicu 
..  est  l'ouviage  de  la  piété  pubUquc 
».  et  de  la  bonté  royale  de  suivit  Louis 
«  et  de  Henri  IV;  à  la  présence  du 
..  petit-fils  de  ce  grand  roi,  les  dou- 
«  leurs  vont  se  taire,  et  V'.  A.  11. 
'.  n'entendra  cpic  des  bénédictions  •■. 
Peu  de  jours  après,  Napoléon  était  au\ 
Tuileries.  IJarbé  de  Marbois  fit  pres- 
sentir parle  général  Lebrun, son  gen- 
«Ire,  fils  du  duc  de  Plaisance,  les  dis- 
positions de  l'enjpcrenr  à  son  c-gard. 
Napoléon  témoigna  vivement  son  in- 
dignation conti<;  im  homme  qui  (r- 
nant  tout  de  lui  ,  uL'uit  tcvioigné,  di- 
sait-il,  un  emprcssetnent  d'iufjmtitude, 
fjue  la  nécessite  ne  justljùiit  point. 
Il  lui  fit  donner  l'ordre  de  quitter  Pa- 
ris, et  nomma  en  sa  jdace  Collin  de 
Sussy.  Marbois  ne  nînlra  dans  ses 
fonction»  que  lors  <hi  retour  du  roi. 
Nommé  alors   président   du    «•ollége 


MAH 

électoral  du  Bas-Rhin,  il  arriva,  le  16 
août,  à  Strasbourg  qu'il  trouva  bloqué 
par  les  Autrichiens.  Il  obtint  des  gé- 
néraux qu'ils  laissassent  entrer  dans 
la  ville  les  électeurs  de  l'arrondisse- 
ment, et  fit,   le  18,  l'ouverture  du 
collège.  De   retour  à  Paris,  il  reprit 
la  présidence  de  la  Cour  des  comp- 
tes. Ici  se  place   un  fait  qui  sort  du 
caractère  de   modération    que   Mar- 
bois avait  montre  dans  les  circons- 
tances les  plus  difficiles.  Un  maître 
des    comptes   nommé    Carret  avait, 
pendant  les  cent-jours,  été  président 
de  la  fédération   parisienne  ;    la  pre- 
mière   fois    qu'il    se    présenta   à    la 
Cour  des  comptes,  après  la  réinté- 
gration du  premier  président  :  «  Mon- 
u  sieur,   lui   dit    celui-ci,    vous  êtes 
»  nommé  à  vie ,  et  personne   n'a  le 
«  droit  de  vous  destituer;  mais  toutes 
"  les  fois  que  vous  vous  présenterez 
«  ici,   la   séance  sera   levée  «.   Cette 
apostrophe  dut  paraître  d'autant  plus 
étrange ,  que ,  si  l'on  avait  pu  repro- 
cher au  maître   des  comptes  Carret. 
mort  en  1817,  l'exaltation  de  ses  opi- 
nions libérales,  il  avait  souvent  usé  de 
son  influence  sur  les  fédérés  parisiens 
pour  empêcher    des   désordres.    Le 
roi ,  qui  avait  appelé  Marbois  à  son 
conseil  privé ,  lui  confia  les  sceaux  et 
le  portefeuille  de  la  justice,  en  rem- 
placement  de    M.    Pasquier.    Le    2 
octobre  ,     le     nouveau     gardc-des- 
sceaux  adressa  aux  chefs   des  Cours 
du  royaume  une  circulaire  dont  le  ton 
conciliant  contrastait  avec  les  vœux 
de  la  majorité  de   la  chambre.  U  y 
faisait  l'éloge  de  son  prédécesseur,  et 
parlait  des   sentiments   qui  les   unis- 
saient. QucKpies  jours  après ,  à  l'ins- 
lallation  de  la  Cour  royale  de  Paris, 
il  luaniFesta  le  vœu  de  voir  les  beaux 
exemples  donnés    par  fautique    ma- 
gistrature    francise    se    perpétuer. 
!.   Touchant  au  bord  de  la  tombe. 


MAR 


MAB 


<f  dit-il  en  terminant,  je  ne  verrai 
<•  pas,  Messieurs,  tous  ces  glorieux 
•'  succès;  mais  tant  que  je  vivrai, 
"  je  chercherai  à  remplir   dignement 

0  les  devoirs  qui  me  sont  imposés: 
"  heureux  si  mon  nom  peut  être 
>•  un  jour  cité  avec  honneur  à  la 
.'  suite  de  tant   de   grands  hommes 

1  qui  m'ont  précédé  dans  celle  illus- 
■•  trecairière!  "  Il  prit,  le  13octohre, 
à  la  Chambre  des  Pairs,  une  part  à  la 
discussion  do  l'adresse  au  roi,  s'éleva 
très-fortement  contre  la  partie  du  pro- 
jet qui  demandait  à  S.  M.  la  justice 
rt  la  rétribution  des  peines  ;  puis,  in- 
voquant à  l'appui  de  son  opinion  les 
lois  anciennes  et  modernes  qui  veu- 
lent qu'un  juge  se  récuse,  s'il  a  élé 
sollicité  dans  l'affaire  sur  laquelle  il 
est  appelé  à  prononcer,  il  appliqua 
ce  principe  à  la  Chambre  des  Pairs, 
qui  devait  elle-même  juger  la  plu- 
part des  grands  coupables  que  dési- 
gnait le  projet  d'adresse.  Ces  obser- 
vations parurent  d'un  si  grand  poids, 
que  la  Chambre  l'adjoignit  à  la  com- 
mission chargée  de  rédiger  celte 
adresse.  Il  parut  plusieurs  fois  à  la 
tribune  au  milieu  des  débats  tiès- 
animés  auxquels  donna  lieu ,  dans 
les  séances  des  2i,  28  et  30  octobre, 
le  projet  de  loi  présenté  ])ar  lui  sur 
les  cris  séditieux.  La  majorit»;  vou- 
lait substituer  la  peine  de  mort  à 
celle  de  la  déportation  ;  Marbois,  pour 
faire  changer  cette  opinion,  essaya 
de  prouver  que  la  déportation  était 
plus  affreuse  que  la  mort.  A  cette  occa- 
sion, il  rappela  les  horreurs  de  son 
exil  à  Sinamary.  Le  30,  la  discus- 
sion étant  terminée,  il  fit  un  ta- 
bleau très -étendu  des  travaux  des 
ministi'cs  qui ,  tous  en  même  temps, 
venaient  de  prendre  possession  de 
leurs  portefeuilles.  Il  annonça  en- 
suite que  le  roi  consentait  aux  amen- 
dements proposés  par  la  Ciiambre  à 


la  loi  dont  elle  allait  voter  l'adoption. 
Cette  même  loi  passa,  le  7  novem- 
bre, à  la  Chambre  des  Pairs,  non  sans 
une  discussion  approfondie.  Là,  Mar- 
bois eut  à  combattre,  non  plus  l'op- 
position royaliste  ,  mais  une  opposi- 
tion toute  libérale  dont  Lanjuinais  se 
rendit  l'organe.  Quelques  jours  aupa- 
ravant ,  la  Cbambre  des  Pairs  avait 
voté  un  projet  de  loi  relatif  à  une 
nouvelle  organisation  de  la  Cour 
des  <:omptes,  que  Marbois  lui  avait 
présenté,  le  16  octobre,  et  dont  il 
avait  exposé  les  motifs.  Dans  la  Cham- 
bre des  Députés  ,  plusieurs  membres 
combattirent  avec  force  divers  arti- 
cles de  ce  projet,  qui  avait  en  sa  fa- 
veur l'expérience  que  le  garde-des- 
sceaux  avait  dû  acquérir  par  huit 
armées  d'exercice  dans  les  fonctions 
de  premier  président.  La  commis- 
sion ,  en  efli't ,  avait  proposé  d'adop- 
ter ce  projet,  et  la  Chambre,  dans  la 
séance  du  24,  l'avait,  sauf  quelques 
modifications,  voté  article  par  article; 
mais,  lorsqu'on  passa  au  scrutin  sur 
l'ensemble  de  la  loi,  le  projet  hit  re- 
jeté à  une  m.ijorlté  de  treize  voix. 
Nous,  qui  avons  assisté  à  cette  séan- 
ce, nous  ne  saurions  exprimer  l'ef- 
fet que  produisit  une  telle  mystifica- 
tion, qui  n'était,  à  vrai  dire,  qu'une 
preuve  de  la  défaveur  de  l'assemblée 
à  l'égard  de  Marbois.  Quoiqu'il  eût 
organisé  les  cours  prévôtales ,  après 
en  avoir  défendu  l'établissement  de- 
vant cette  même  Chambre,  il  n'en 
était  pas  moins  en  butte  à  la  haine  de 
la  majorité.  Commissaire  du  roi  dans 
le  procès  du  maréchal  Ney  devant  la 
Cour  des  Pairs,  il  fut  présent  à  toutes 
les  audiences,  mais  se  récusa  comme 
juge.  Constamment  occupé  des  tra- 
vaux de  son  ministère,  il  venait  de 
faire  adopter  une  loi  tendant  à  suppri- 
mer les  places  de  substituts  des  pro- 
«:TH'eurs-généraux,  faisant  fonaions  de 


26 


MAR 


MAR 


procureurs  du  roi  au  criminel.  Il  fut 
moins  heureux  pour  un  autre  projet 
tendant  à  supprimer  les  cours  royales 
d'Angers  et  d'Agen  (avril  1816),  qui 
ne  fut  pas    même   discute  dans   les 
bureaux.    La    majorité    ne   lui    par- 
donnait pas  les  adoucissements  qu'il 
avait  apportés  à  la  loi  d'amnistie  par 
son    instruction   aux  procureurs-gé- 
néraux (26  janvier).  Louis  XVIII  ôta 
à  Marbois  le  portefeuille  de  la  jus- 
tice et  les  sceaux;  mais  il  ne  conti- 
nua pas  moins  de  lui  témoigner  de 
la   bienveillance,   et,  quelque  temps 
après,   le    comprit  au    nombre  des 
pairs  qui  obtinrent  le  titre  de  mar- 
quis. De  son  côté,  Marbois  ne  négli- 
geait aucune  occasion  de  manifester 
ce   dévouement   d'apparat    dont   les 
puissants  de  la  terre  seront  éternel- 
lement dupes.  Il  s'était  mis,   dès  le 
mois  de  fév.  1817,  à  la  tête  de  ceux 
qui  provoquèrent    le   rétablissement 
de  la  statue  équestre  de  Henri  IV  sur 
le  Pont-Neuf.  Lors  de  son  inaugura- 
tion le  25  août  1818,  il  prononça  le 
discours  d'usage,  et,  au  mois  de  dé- 
cembre suivant,    rendit  avec  solen- 
nité l'arrêt  qui  constatait  la  recette 
et  la  dépense  pour   l'érection  de  ce 
monument.  Du  reste  sérieusement  oc- 
'  cupé  de  ses  attributions  à  cette  Cour, 
il  y  faisait  régner  l'ordre  et  l'activité, 
et  sut  toujours  la  maintenir  dans  l'in- 
dépendance ministérielle.  Doué  d'une 
activité  d'esprit  qu'il  conserva  jusqu'à 
la  fin  do  sa  longue  carrière,  il  fut  un 
des  membres  les  plus  utiles  du  conseil- 
général  des  hospices  et  de  la  société 
royale  pour  l'amélioration   des  pri- 
sons. Lui-même,  malgré    son  grand 
âge,    parcourut    plusieurs    départe- 
ments pour  visiter  les  maisons  de  dé- 
tention,   afin    d'étudier    les    moyens 
d'en    améliorer    le  régime.  Il  ne  se 
montrait  pas  moins  assidu  à  la  Cham- 
bre des  Pair»,  où  son   nom  Bgurait 


sans  cesse  soit  à  la  tête  des  bureaux, 
soit  comme  membre  de  commissions. 
On  l'entendit  avec  intérêt  développer 
devant  cette  Chambre  les  motifs  de 
sa  proposition  tendant  à  substituer 
à  la  déportation  une  autre  peine  pro- 
portionnée à  la  nature  et  à  la  gravité 
du  délit.  Il  vota  contre  la  proposi- 
tion relative  à  l'abolition  du  droit  d'au- 
baine, et  prétendit  que  cette  aboli- 
tion gratuite  et  sans  réciprocité  était 
une  loi  artificieuse  qui  ne  pourrait 
prendre  racine  sur  notre  sol.  Dans 
la  discussion  provoquée  en  1819, 
par  le  fameuse  proposition  de  Bar- 
thélémy, tendant  à  changer  la  loi 
des  élections,  Marbois  termina  ainsi 
le  discours  qu'il  prononça  :  «  Nous 
u  combattons  son  opinion,  et  nous 
•»  nous  faisons  gloire  de  le  comp- 
'<  ter  parmi  les  citoyens  les  plus  re- 
«  commandables  par  leurs  vertus 
«  publiques  et  privées...  »  A  la  mort 
de  Louis  XVIII,  Marbois  dut  se  pré- 
senter aux  Tuileries  devant  Charles  X, 
avec  la  Coiu"  des  comptes,  et  jin-er 
au  nouveau  roi  d'être  fidèle  à  son  ser- 
vice. Admis  à  l'honneur  de  haranguer 
le  duc  de  Bordeaux,  alors  âgé  de  six 
ans,  le  vieux  président  lui  fit  entendre 
ces  paroles  graves  et  soletmelles  : 
»  Et  vous,  monseigneur,  qui  êtes  en- 
u  core  si  jeune,  et  sur  la  tête  duquel 
«  repose  le  bonheur  de  la  France, 
»  souvenez-vous  que  ce  beau  royau- 
«  me  demande  aussi  un  bon  roi, 
«  un  roi  qui  aime  la  vérité,  qui 
u  veuille  qu'on  la  lui  dise;  un  roi  qui 
.'  n'aime  pas  la  flatterie  et  qui  éloigne 
"  de  sa  personne  les  hommes  qui  le 
"  trompent.  Vous  souviendrcr-vous, 
"  monseigneur,  que  ces  conseils  vous 
>•  ont  été  donnés  par  un  vieillard 
-  <[ui  avait  la  tête  couverte  de  chc- 
"  veux  blancs?  ••  —  L'enfant  répon- 
dit :  oui.  —  «  Votre  oui,  mon- 
«  seigneur,   reprit  Marbois,  va  être 


4  oDsigTié  sur  nos  registres  :  vous  l'y 
-  trouverez  dans  voti-e  majorité  ;  en 
>.  attendant,  il   est  pour  nous  d  uji 
.  avenir  heureux.  »  Ck;l  incident  fut 
dans  le  temps  remarqué  avec  intérêt 
par  tous  ceux  qui  prenaient  à  cœur 
ia  stabilité  du  trône  légitime;  mais, 
aux  yeux  de  l'histoire,  il  ne  devient 
plus  qu'une  pitoyable  comédie  quand 
on  voit,  après  la  révolution  de  1830, 
Marbois  accepter  sans  hésiter  ia  nou- 
velle dynastie,  et  dix-huit  jours  aprèa 
avoir  officiellement   félicité,  pour  la 
conquête    d'Alger,  Charles    X    qud 
proclamait  son  roi  bien-aiiné,  le  bien- 
faileur  des   hommes,  venir  avec  em- 
pressement haranguer  le  duc   d'Or- 
léans (o  août)  en  quahtc  de  heutenant- 
général  du  royaume;  puis,  cinq  jours 
après  (10  août),  comme  roi.  Ce  soûl 
toujours  les   mêmes  formules  d'en- 
thousiasme  ou   plutôt   de    flexibilité 
serviie.  Marbois  siégea  avec  beaucoup 
d'assiduité  dans  les  nombreux  procès 
politiques  dont  fut  chargée  la  Cham- 
bre des  Pairs  sous  le  nouveau   rè- 
gne.  Dans  le  procès  d'avril,  il  se  si- 
gnala par  sa  sévérité  envers  les  accu- 
sés, qui,  essavant  une  révolte  contie 
la  jusdce ,    prétendaient    la    rendre 
muette  et  impuissante  par  leur  re- 
fus de  se  défendre.    «  L'ancien    dé- 
porté de  la  Guyane,  disent  les  bio- 
«  graphes  Sairut  et  Saint-Edme,  Tan- 
«  cien  auteur  d'un  écrit  intitulé  :  le 
«  Jiufé  sans  ju^ es,  a  voulu  couronner 
"  dignement  sa  carrière  en  se  faisant 
"juge  sans  jugés;  il  est  un  de  ceux 
«  qui  proposent   de  condamner    les 
»  prévenus  d'avril  sans  les  entendre, 
X  et  qui  ont  prononcé  contre  les  dé- 
"  fenseurs    les    peines    exorbitantes 
«  dont  on   rient   de    les   frapper.  " 
Quand  Marbois  se  signalait  par  cette 
rigueiu-  judiciaire,  il  n'était  déjà  plus 
que  premier  président  honoraire  de 
la  Cour   de*  comptes.  Une  de  ce-* 


MAL  -21 

combinaisons  qui  sont  inhérentes  au 
régime  parlementaire,   l'avait    forcé 
d'abandonner,  le  5  avril  1834,  lapre- 
sidence  effective  à  M.  Barthe  qui  ve- 
nait   lui-même   d'abandonner  à   M. 
Persil  la  simaiTC  de  garde-des-sceaux. 
Ce  changement  avait  été    accompa- 
gné de  circonstances  pénibles   pour 
le    vieux    président-    L'année    précé- 
dente, attaqué  cFune  maladie  grave, 
à  laquelle  il  craignait  de  ne  pas  sur- 
vivre, il  avait  envoyé  sa  démission  au 
roi  Louis-Philippe,  en  le  priant  de  lui 
désigner  un  successeur,  pour  que  le 
service  de  la  presidence  éprouvât  le 
moins  d  interruption  possible.  Le  roi 
ne  disposa  pas  de  la  place  ;  et  Marbois 
rétabli  rentra   en  possession   de  ses 
fonctions.  Lors  de  sa  première  récep- 
tion à  la  cour,  ce  prince  lui  parla  de  sa 
démission,  comme  étant  devenue  sans 
objet.  Marbois,  par   convenance,   ne 
crut  pas  devoir  la  retirer.  Mais,  le  4 
avril  au    soir,    on  lui  Ht   connaître 
qu'on  était  dans  l'intention  d'user  du 
dioit  que  Ton  avait  légalement  de  se 
servir  de  la  pièce  qu  il  avait  impru- 
demment laissée  entre  les  mains  de 
Louis-Phihppe.  Marbois  écrivit  au  roi 
une  lettre    très-ferme  et  très-digne , 
dans  laquelle  il  faisait  sentir  tout  ce 
qu'avait  d'extraordinaire  le  procédé 
dont  on  usait  à  son  égard;  puis,  afin 
de  montrer  que  ce  n'était  qu'en  vertu 
d'un  nouveau  consentement  de  sa  part 
que  Ion  pourrait  disposer  de  la  prési- 
dence, il  tenninait  sa  lettre  par  une  ité- 
rative démission.  Le  roi  lui  adressa  une 
lettre   autographe    dont    les    termes 
étaient  assez  embarrassés,  et  qui  se 
tn'minait  par  facceptation  de  la  dé- 
mission. A  cette  lettre  était  joint  le 
portrait  de  Louis-Philippe.  Le  lende- 
main, Marbois,  présidant  pour  la  der- 
nière fois  la  Cour  des  comptes,  lui  mit 
sous  les  yeux  les  circonstances  qui  a- 
vaient  amené  sa  retraite,  et  donna  lec' 


â$  MAB 

ture  de  sa  lettre  au  roi  et  de  la  ré- 
ponse de  Louis-Philippe,  comme  pour 
rendre  l'assemblée  juge  de  la  manière 
dont  on  avait  cru  pouvoir  payer  ses 
anciens  services.  Il  était  tellement  ému 
en  faisant  ces  adieux  forcés,  que  des 
larmes  abondantes   coulaient  de  ses 
yeux.  Les  membres  de  la  Cour  ne 
montrèrent  pas  moins  de  sensibilité , 
et  le  public  blâma  unanimement  la 
conduite  du  gouvernement.   Marbois 
survécut  trois  ans  à  sa  disgrâce  :  il  mou- 
rut le  14  janvier  1837,  dans  sa  qua- 
tre-vingt-douzième armée.  Son  corps 
était  affaibli  et  usé;  sa  vue  presque 
éteinte;    mais  il  avait  conservé  jus- 
qu'au dernier  moment  toutes  ses  In- 
cultes intellectuelles,  toute  l'activité 
de  son   esprit.    Il   n'a   laissé  d'autre 
postéi-ité    que    M™''   la   duchesse    de 
Plaisance,  qui,  peu  de  temps  après  la 
mort  de  son  père,  a  vu  mourir  sa 
fille  unique.  Madame  de  Marbois,  lors 
de  la  déportation  de  son  époux,  avait 
été  si  vivement   affectée,  qu'elle  fut 
atteinte  d'une  aliénation  mentale  qui 
ne  finit  qu'avec  sa  vie.    L'éloge  de 
Marbois   a  été  prononcé   devant    la 
Chambre  des  Pairs,  le  17  janvier  1838, 
par  son   collègue  Siméon,    qui  avait 
partagé  sa  proscription  au  18  fructi- 
dor. Marbois  était,  depuis  1821,  asso- 
cié libre  de  l'Académie  des  inscrip- 
tions et  belles-lettres,  oii  il  a  eu  pour 
successeur  Joseph  Michaud.  On  a  de 
lui  un  assez    grand    nombre  d'écrits 
dans  différents  genres.   T.   La  Puri- 
xienne  en  province^  ouvrage  national, 
1766,    iïi-H".  Le   frontispice  porte  ; 
par  M.  Bar.  de  Mar.  Des  exemplaires 
avec  tm  nouveau  frontispice  .sont  da- 
tés de  1769,  sans  cette  indication  abré- 
gée du  nom  de  l'auteur.  II.  (iuliatUy 
conte  pltYsifine  et   moral,  traduit  de 
l'anglais,   1769,   iM-12.  111.   Essai  sur 
Us  vwyens  d'inspirer  aux   hommes  le 
goût  de  la    vertu^    1769,    in-8^    IV. 


MAR 

Essai  de  morale,  1772,  in-12.  V.  6'o- 
crate  en  délire,  traduit  de  l'allemand 
de  Wieland,  1772,  in-12.  VI.  Lettres 
de   madame  la  marquise   de   Pompa- 
dour,   depuis    1746  jusqu'en    1762, 
Londres,   1771.  2  vol.  in-8'';  1772, 
3  vol.  in-12;  1772,  4  vol.    in-12; 
1773,  in-S"  ou  in-12.  Nouvelle  édi- 
tion (précédée  d'une  Notice  sur  ma- 
dame  de  Pompadour),  Paris,   1811, 
2  volumes  in-12.    "  Ces   lettres,  dit 
"  le    bibliographe     Barbier ,     attri- 
«  buées  d'abord  à  Crébillon  le  fils, 
«  l'ont  été  ensuite,  avec  plus  de  vrai- 
«  semblance,  au  comte  Barbé-Mar- 
«  bois,  n   VII.    Lettres  sur  tes  affaires 
présentes,    Paris,    1775,    in-8''.   VIII. 
État  de  la  partie  espagnole  de  Saint- 
Domingue ,    3    vol.   in-8».  IX.    État 
des  finances  de  Saint-Domingue,  con- 
tenant le  résumé  des  recettes  et  dé- 
penses de  toutes  les  caisses  publiques, 
depuis  le  1"  janvier  1788  jusqu'au 
3  décembre  de  la  même  année,  Paris, 
in-8'',  1789.  L'auteur  publia  cet  écrit 
pour  répondre  aux  imputations   qui 
s'élevaient  contre  sa  gestion  dans  cette 
colonie.  A    la  même  époque  appar- 
tient une  autre  publication   de  l'au- 
teur, sous  ce  titre  :  Recueil  de  pièces 
sur  les   fi-nances  de  Saint-Domingue, 
in4".   X.  Culture  du  trèfle,  de  la  lu- 
zerne   et   du   sainfoin,    Paris,    1792. 
C'est  l'ouvrage   dont   il  a   été    parlé 
dans  le  cours  de  cette  notice,  et  dont 
le  directoire   du    département  de  la 
Moselle  ordonna  1  impression.  XI.  Bé- 
flexions  sur   la    colonie    de   Saint-Do- 
mingue,  ou    Examen   approfondi  des 
causes  de  sa  mine  et  des  mesures  pour 
la    rétablir,    1796,    in-8».    XII.    Mé- 
moire sur  les  finances,    1797,  in-4». 
XIII.  Voyage   d'un   Français  aux  sa- 
lines   de    Bavière    et  de    Saltzhourg, 
111  1776,  Paris,  1800,  in-18.  Marbois 
Ht  imprimer  cet  écrit  à  l'occasion  de 
discussions  qui  «'étaient  élevées  dan» 


MAB 

le  Corps  législatif,  relativement  aux 
salines.  XIV,  Éloge  du  citoyen  Du- 
fresne,  conseiller  d'État,  directeur-gé- 
néral du  trésor  public ,  Paiis ,  an  X 
;1802),  broch.  in-8^  XV.  La  richesse 
du  cultivateur,  traduit  de  1  allemand, 
1803,  in-8".  XVL  Complot  d'Arnold 
et  de  sir  Henri  Clinton,  contre  /e< 
États-Unis  d'Amériqne  et  contre  Ji^a- 
<ihington,  septembre  1780,  Paris, 
1816,  in-8",  avec  une  carte  et  deux 
portraits;  2*  édition,  1831.  L auteur 
écrivant  sur  les  lieux,  au  moment 
même  où  les  faits  qu  il  raconte  se 
sont  passés,  possédait  tous  les  moyens 
de  constater  la  vérité  ;  il  n'a  eu  d  autre 
ambition  que  de  la  mettre  au  jour, 
et  son  livre  composé  avec  toute  la 
di^jnité  simple  qui  doit  caractériser 
Ihistoire,  a  obtenu  un  succès  uni- 
versel. Il  est  au  nombi-e  des  ou- 
vrages adoptés  par  1  Tniversité.  XVII. 
De  la  Guyant,  de  son  état  physique^ 
de  son  agriculture,  de  son  régime  in- 
térieur et  du  projet  de  la  peupler  avec 
des  laboureurs  européens,  Paris,  1822, 
in-S".  XV III.  Rapport  sur  l'étal  actuel 
des  prisons  dans  les  départements  du 
Calvados,  de  l'Eure,  de  la  Memehe, 
de  la  Seine-Inférieure,  et  de  la  maison 
de  correction  de  Gai  lion  (oct.  1823. 
Paris,  1824,  in-i",  tiré  a  un  j>etit  nom- 
bre dexemplaires).  Un  second  rapport 
de  Barbé-Marbois,  sur  1  amélioration 
des  prisons,  fait  le  24  juin  1825,  a  été 
inséré  dans  la  Revue  encyclopédique  : 
quelques  exemplaii-es  ont  été  tirés  à 
part,  in-8°  de  12  pages.  XIX.  Obser- 
ffations  sur  les  votes  de  quarante-el-uu 
conseils-généraux  de  départemen  ^  con- 
cernant la  déportation  des  forçats  li- 
bérés ,  présentées  à  >I.  le  dauphin , 
par  un  membre  de  la  société  royale 
pour  l'amélioration  des  prisons  (Barbé- 
Marbois),  Paris,  1828,  in-8°.  L  auteur, 
dans  ce  mémoiie,  se  prononce  avec 
force  contre  la  déportation.  XX.  Uis- 


MAB 


29 


toire  de  la  Louisiane,  1828,  in-8".  Ou- 
vrage remai-quable  et  plein  de  Aôtu- 
ments  curieux.  Marbois  était  plus  que 
tout  autre  appelé  à  écrire  sur  cette 
matière.  En  1803,  il  avait  été  chai-gé 
d'une  importante  négociation  relative 
à  la  Louisiane.  On  sait  qu'en  1801 
Napoléon  avait  recouvré  ce  pavs,  cédé 
par  la  France  à  l'Espagne,  en  1768. 
et  rétrocédé  à  la  France  par  le  cabi- 
net de  Madrid.  Cette  colonie  était  en- 
tièrement dépourvue  de  défense.  Na- 
poléon ne  put  en  prendre  possession 
qu'en  1803  :  et  avant  qu'û  lui  eût  été 
)K)ssible  d"v  envoyer  les  garnisons 
nécessaires,  l'Angleterre  se  préparait 
a  l'envahir.  Déjà  en  possession  du  Ca- 
nada, elle  se  serait  aussi  rendue  maî- 
tresse de  la  navigation  du  Mississipt 
et  des  contrées  qui  sont  à  l'ouest  de 
re  fleuve.  Napoléon,  après  une  pos- 
session précaire  et  purement  nomi« 
iiale  de  peu  de  mois,  comprit  com- 
bien \\  était  important  que  l'Angle- 
teiTc  ne  s'emparât  pas  de  ce  beau 
pays:  il  résolut  de  le  céder  aux  États- 
Unis,  et  chargea  Marbois  de  cette  né- 
gociation, en  lui  annonçant  qu'il  ne 
ferait  cette  cession  qu'au  prix  de  50 
miUions.  Marbois  eut  fhabileté  d'en 
obtenir  80,  dont  20  applicables  aux 
indemnités  dues  aux  commerçants 
des  États-Unis,  pour  les  prises  indû- 
ment faites  sur  eux.  Napoléon,  qui  sa- 
vait récompenser,  mit  alors  à  la  dis- 
position de  l'heureux  négociateur 
192,000  fr.  -  pour  suppléer,  lui  écri- 
vair-il,  à  l'insuffisance  de  votre  trai- 
tement, avant  l'intention  que  vous 
voyiez  dans  cette  disposition  le  désir 
que  J'ai  de  vous  témoigner  ma  sa- 
tisfaction de  %os  importants  travaux 
et  du  bon  ordre  que  vous  avez  mis 
dans  votre  ministère,  qui  ont  valu 
à  la  république  un  grand  nombre 
de  miUions  et  la  négociation  que 
-  vouc  venez  de  terminer  ,  par  lu 


m  MAR 

..  quelle  vous  avez  procure  à  la  répu- 
«  Wiquc  dix  millions  en  sus  de  ce  que 
a  portaient  vos  instructions  ».  Mar- 
bois  avait  inséré ,  avant  1789 ,  quel- 
ques articles  dans  le  Journal  Ency- 
clopédique et  dans  le  Journal  des  Sa- 
vants, entre  autres  un  morceau  curieux 
sur  les  Fla(]eHants  (3).  On  lui  doit  la  pu- 
blication d'un  Mémoire  historique  re- 
latif aux  négociations  qui  eurent  lieu 
en  1778  pour  la   succession  de  Ba- 
vière par  le  comte  de  Goertz,  envoyé 
du  roi  de  Prusse  près    des  princes 
Bavaro-Palatins  (Paris,  1812,  in-8°). 
Marbois,  qui  figure  dans  le  Mémoire 
comme  secrétaire  de  la  légation  fran- 
çaise, a  ajouté  à  l'ouvrage  dont  il  est 
l'éditeur,   une    introduction    où    se 
trouvent  des  détails  sur  les  principaux 
personnages  ,  une  notice  sur  le  che- 
valier de  La  Luzerne  et  des  notes  in- 
téressantes. Il   avait    joué  lui-même 
im  rôle  dans  ces  négociations.  Lors- 
qu'à  la   mort  de   l'électeur  de    Ba- 
vière, Maximilien-Josepli ,  l'impéra- 
trice Marie-Thérèse  éleva  ,  eh  vertu 
d'une  clause  du  traité  de  Westphalic, 
des  prétentions  sur  les  principales  pro- 
vinces de  l'électoral,  le  duc  des  Deux- 
Ponts,  Charles-Théodore,  accourut  à 
Munich  pour  défendre    ses     droits. 
L'envoyé  de  France  était  gravement 
malade.  Marbois,  consulté  par  le  duc 
et  sans  instructions  sur  un  cas  si  im- 
portant, tint  une  conchiite  qui  ex(ùta 
les  plaintes   du    cabinet   de  Vi(!nnc. 
Mais  il  fut  approuvé  par    le  conseil 
du  roi  et  par  le  comte  de  Vcrgennes 
cjui,    dès-lors,   le  prit  en  singulière 
estime.  Cependant  fintime  alliance  des 
cours  de  Paris  et  de  Vienne  ne  peruiil 
plu»  d'employer  Marbois  auprès  des 
princes   de   l'empire;    et  c'est   alors 

(3)  V.  la  Correspondance  de  Grimm,  a\n\ 
1778,  l.  X.  Griinin  lut  auribue  mal  à  propos 
V Essai  sur  le  etmmerce  <k  Russie,  qui  est  d<' 
vtarbauil. 


MAR 

qu'abandonnant  la  carrière  diploma- 
tique pour  celle  des  tribunaux,  il    se 
fit  recevoir,   en   1778,  conseiller  au 
Parlement  de  Metz. — Madame  Barbé- 
Marbois  a  publié,  en  l'an  VII  (1798), 
le  Mémoire  justificatif  de  son  mari 
sur  le  18  fructidor,  qu'il  lui  avait  fait 
parvenir  lui-même  de  Sinamary.  On 
peut  consulter  à  cet  égard  les  Anec- 
dotes secrètes  sur  le  IS  fructidor,  qui 
parurent  vers    cette    époque  (1  vol. 
in-12).  Pendant  son  exil,  il  avait  écrit 
jour  par  jour,  depuis  son  arrestation 
(USfju'à  son  retour,  tout  ce  qui  lui  ar- 
rivait. Dans  ce  Journal  qu'il   a  fait 
imprimer  pour  ses   amis  à  un  petit 
nombre   d'exemplaires ,    l'auteur    se 
joue  du  malheur   plutôt  qu'il  n'em- 
ploie ses  forces    à   lutter  contre  lui. 
Souvent    des    traits    de    gaîté   qu'on 
nanrait  pas  attendu  de  son  air  aus- 
tère et  de  sa  gravité  habituelle,  vien- 
nent se  mêler  à  des  réflexions   tou- 
chantes, et  aux  sentiments  de  ten- 
dresse qu'il  exprime  à  sa  femme  et  à 
sa  fille.  »  Quoi  qu'il  puisse  m'arriver, 
•  dit-il,  dans  ma  déportation,  fut-ce 
"  la  mort,   plus  de    la    moitié   des 
"  hommes  nont-ils  pas  subi  ses  loi»  ■ 
>.  avant  l'âge  où  je  suis  parvenu?...  Je 
..  vais  dansla  captivité  me  trouver  plus  • 
»  libre  quejene  l'ai  été  à  aucune  épo- 
..  que  de  ma  vie.  .le  ne  serai  plus  obligé  ' 
..  de  prolonger  mon  travail    jusque  • 
.   dans  la  nuit  ou  do  devancer  le  jour.^> 
.  .le  pn'udrai  du  repos  à  nia  volonté. 
..  .1c  n'aurai  de  devoirs  inq)ortants  h 
i.  remplir  qu'envers  moi-même...  Mes 
.  devoirs  envers  les  autres  se  rcnlui- 
.   ront  à  des  procédés  d'amitié ,  d'é- 
"  gards  et  de  civilité.  On  ne  se  plain- 
..  dra  plus   de   ni(;s    refus ,  de  mon 
"  austérité,  .le  n'aurai  plus  de  juge- 
•  menls  qui  mécontenteraient  infail- 
>.  liblement  une  des  parties...  .le  ne 
.  ci-oyai»  pas,  ma  chère  Klise  (c'était 
.  sa  femme),  finir  par  vous  parler  des 


MAB 

..  plaisirs  de  la   zone   torride.   nen 
dites  rien  à  personne  : 

•  Si  mes  persécuteurs  pénétraient  ce  mystère. 
Je  pourrais  payer  cher  une  ombre  de  bonheur  : 
Poiir  les  pôles  glacés,  Barras,  en  sa  colère. 
Me  ferait  arracher  aux  feux  de  l'équateur.  • 

La  plus  grande  consolation  de  Mar- 
bois  consistait  alors  dans  une  petite 
bibliothèque  quil  avait  su  cons- 
truire comme  menuisior  et  qu'il  put 
garnir  de  livres.  La  con-ette  qui 
portait  les  déportés  avait  capturé  . 
tians  la  traversée ,  un  vaisseau  an- 
glais où  se  trouvait  un  assortiment 
de  livres.  Les  déportés  avaient  eu 
chacun  un  lot  dans  cette  prise.  Un 
grand  nombre  de  ces  livres  étaient 
échus  à  Pichegni,  qui  les  troquait  suc- 
cessivement contre  du  \'in  que  Mar- 
bois  avait  apporté  de  Cayenne  à 
Sinamary.  "  Pichegi-u,  dit  ce  der- 
"  nier,  dans  son  journal ,  était  fort 
"  libéral  du  \in  ainsi  acquis.    Nous 

•  étions   quelquefois  en  contestation 

•  siu-  une  bouteille  de  plus  ou  de 
"  moins,  pour  un  Hérodote  ou  un 
"  Tite-Live;  ses  connves  se  mo- 
'■  quaient  de  ma  simplicité,  lorsque 
■'  faisant  les  honneurs  de  ces  joyeux 
•>■  banquets,  il  leur  disait  :  Buvons  un 
«  verre  de  mon  J'ir^ilcy  sablons  une 
•'  strophe  de  mon  Horace,  une  rasade 
<•■  à  la  mémoire  d' Homère.  "  La  con- 
sidération personnelle  dont  jouissait 
Marbois,  lui  donna  occasion  de  re- 
prendre, même  dans  son  exil,  l'auto- 
rité qui  appartenait  à  son  caractère.  Au 
commencement  de  l'an  VlH,  l'agent 
Rurnel,  que  le  Directoire  avait  envoyé 
a  Cayenne ,  proclama  la  liberté  des 
noirs  et  les  appela  à  la  défense  de 
l'île,  sous  prétexte  d'une  prétendue 
invasion  des  Anglais.  Ces  nègres  rem- 
plirent la  ville  et  les  faubourgs;  i' 
était  impossible  de  les  solder  et  de 
les  noiu-rir.  De  là  des  menaces  d'iii- 
•vndier  les  habitations,  d'égorger  les 


MAR 


31 


propriétaires  ,  et  tous  les  présages 
de  ce  qui  s'était  passé  à  Saint-Do- 
mingue. Les  blancs  et  les  mulâtres  se 
réunirent  pour  leiu-  défense  com- 
mune. jNLirbois  et  son  compagnon 
LafFon-Ladébat ,  investis  de  leur  con- 
fiance ,  devinrent  les  conseils  de  la  co- 
lonie, expulsèrent  Biu-nel,  et  tout  rentra 
dans  l'ordre,  à  peu  près  vers  le  même 
temps  que  le  Directoire  était  renversé 
par  Bonaparte.  Marbois,  qui  avait  des 
propriétés  dans  l'arrondissement  des 
Andelys  (Eure),  fut  le  bienfaiteur  de 
cette  localité.  Une  notice  publiée  en 
1838  par  M.  AnL  Passy,  ancien  préfet 
de  l'Eiu-e,  a  révélé  au  public,  que 
de  1822  à  183o,  Marbois  lui  confia 
diverses  sommes  montant  à  77,000 
francs  pom*  des  établissements  utiles 
dans  l'arrondissement  des  Andelys;  et 
cet  ai'gent  devait  toujours  être  employé 
sous  le  voile  de  l'anonyme.  M.  Etien- 
ne, alors  député  de  la  Meuse,  lui 
avait  remis  un  Mémoire  destiné  à 
l'iustruction  élémentaire  dans  ce  dé- 
partement. Apprenant  que  les  au- 
teurs étaient  des  jeunes  gens  mo- 
destes et  ignorés,  qui  avaient  mis  en 
commun  leurs  talents  et  le  peu  de 
ressources  qu'ils  possédaient,  pour 
propager  chez  le  peuple  des  cam« 
pagnes  des  vérités  utiles,  Marbois 
donna  pour  eux  oOO  francs.  «  Mais 
-  i-appelez  -  vous  bien,  dit -il  à  M. 
■'  Etienne,  que  si  mon  nom  est  con- 
"  nu,  je  retire  mes  oOO  francs.  ■  Au 
mois  de  mars  1836,  la  famille  de  Bar- 
bt»-Marbois  fit  rédiger  une  courte  no- 
tice sur  sa  vie,  qui  a  été  revue  pai- 
Marbois  lui-même  et  lithographiée  à 
une  centaine  d'exemplaires  (  Paris , 
Bineteau).  Marbois  avait  publié  ses 
propres  Mémoires,  en  2  vol.  in-8"*, 
flans  l'année  qui    précéda  sa   mort. 

D— R— R, 

MARBOT     (A^TOI!«E),    généi^l 
français,  naquit  an  village  de  la  Bi- 


32 


MÂiV 


vlèrc  (Corrèze),  vers  17S0,  d'une  fa- 
mille   honorable,    reçut   une    bonne 
éducation  et  entra  fort  jeune  dans  les 
(lardes -du- corps  du  roi.  Après  quel- 
ques années  de  service,  il  fut  compris 
dans  les  réformes  que  Louis  XVI  fît 
de  sa  maison,  dès  le  commencement  de 
son  régne.  S'étant  alors  retiré  dans  sa 
famille,  il  n'y  passa  que  peu  de  temps, 
reprit  bientôt  du  service,  et   devint 
aide-de-carap  du  général  de  Schom- 
berg.  La  révolution  étant  survenue,  il 
en  adopta  les  principes  avec  le  plus 
grand  enthousiasme,  et  fut  nommé,  en 
1790,  administrateur  du  département 
de  la  Corrèze,  puis  député  à  l'Assem- 
blée législative,  il  ne  s'y  fit  remar- 
quer que  par  un  lapport  sur  les  fi- 
nances (5  avril  1792),  dans  lequel  il 
proposa  un  emprunt  dont  le  résultat 
eût  été  de  réduire  la  masse  des  assi- 
gnats, et  de  forcer  les  acquéreurs  de 
biens  nationaux  à  faire  leurs  derniers 
paiements  en  numéraire.  Le  8  juin 
suivant,  il  s'opposa  à  ce  qu'on  reçût 
dans  l'armée  les  soldats  de  la  garde 
constitutionnelle  que  l'Assemblée  ve- 
nait de  contraindre  Louis  XVI  à  licen- 
cier, par  la  raison,  dit-il,  que  l'esprit 
de  ce  corj)s  était  un  dévouement  au 
roi,  esprit  qui  ne  devait  pas  être  celui 
des  troupes  nationales.  Cette  proposi- 
tion excita  quelques  rumeurs  et  n'eut 
aucune  suite.  Après   la  session,  Mar- 
bot  rentia  dans  la  carrière  des  armes 
et  parvint  très-promptcment  an  grade 
de  général  de  division.  Il   fit  en  «-ctte 
qualité  les  cam[)agnes  de  1793-179i 
sur  la  frontière  d'Kspa{;ne,  (;l  se  dis- 
tingua dans  plusifuis  occasions,  no- 
tamment à  Orthez  et  à  Glossua.  Des- 
titué   comme    ultra  -  révolutioimaire 
jprès  l.i  chute  de  Robespierre,  il  fut 
réintégré    par    un    airèté   du  conii- 
lé   de    salut    ])ublic    à    l'époque    du 
iriomphe    de   la    Convention,   le  13 
vendémiaire   an  l\    O)ctobre  1795), 


MAK 

puis  nommé  député  au  Conseil  des 
Anciens  par  son  département.  Dès  les 
premières  séances,  il  se  déclara  avec 
beaucoup   d'énergie  contre    le   parti 
royaliste  alors  tout-puissant,  et  s'op- 
posa surtout  à  la  rentrée  des  habi- 
tants de  l'Alsace  que  la  terreur  avait 
forcés  de  se  léfugier  à  l'étranger,  et 
qui  pour  cela  étaient  considérés  com- 
me émigrés.   Sa    motion    contre  ces 
malhetureux    fut     tellement    désap- 
prouvée, qu'une  décision  de  l'asseàn- 
blée  ordonna    son  rappel   à   l'ordre. 
Quelques  mois  plus  tard,  Marbot  ne 
fut  pas    moins   inexorable    pour  les 
émigrés  du  Comtat-Venaissin.  Il  con- 
courut de  tout  son  pouvoir  à  la  ré- 
volution du  18  fructidor  (i  septem- 
bre 1797),   et  aux  proscriptions  qui 
en   furent  la  suite.   Nommé,  aussitôt 
après  cette  victoire  du  parti  révolu- 
tionnaire, président   du  conseil ,  il  le 
fui  encore   au   mois  de    juin    1798;        | 
prononça  le  14  juillet ,  en  cette  qua- 
lité, un  discours  commémoratif  de  la 
première  journée  de  nos  révolutions, 
et  fit  décider  que  celle  du  1 8  fructidor 
serait    également   solcnuisée    chaque 
aimée.  Le  18  avril  1799,  au  moment 
de  la  crise  opérée  par  les  succès  que 
venaient  d'ol)tenir  les  armées  Austro- 
r.usses   en  Allemagne  et  en  Italie,  il 
demanda    avec   beaucoup    de   force 
une  levée    de  doux  cent    mille  hom- 
mes, et   se   prononça  avec  la  même 
violence    contre     mie    circulaire   de 
François  de  Neufchi\tcau  qu'il  accusa 
d'avoir  <lésigu<;  lea    républicains    aux 
paifjttards     des     royalistes,    ajoutant 
<pic  ce  ministre -poète   avait    autre- 
fois   chanté    Marat    et    Robespierre, 
«hielques  jouis  après,   il  appuya  vi- 
vement   limpression   d'une     adresse 
des    habitants    de    (Grenoble  contre 
le  général  Schérer  qui  venait  d'être 
battu   en  Italie  et  qui  était   le   pro- 
té}'«i    de    Bcwboll.    Ktant     sorti    du 


MAP. 

conseil  après  la  révolution  du  30  prai- 
rial quirenversa  ce  directeur,  il  rem- 
plaça Joubert  dans  le  commandement 
lie  Paris,  et  continua  de  se  montrer, 
dans  ce  nouveau  poste,  /xiié  partisan 
de  la  démagogie.  Rien  que  remplacé 
avant  le  18  brumaire,  il  Fit  tous  ses 
eâForts  pour  empêcher  le  triomphe  de 
Bonaparte,  qui  l'envoya  aussitôt  après 
à  l'armée  d'Italie  pour  y  être  em- 
ployé dans  son  grade.  Mais  à  peine 
arrivé  à  Gênes ,  Marbot  mourut  près  - 
que  subitement  au  commencement  de 
l'année  iSOO,  atteint  de  l'épidémie 
qui  affligeait  alors  ces  contiées.  — 
Ueui  fils  de  ce  général  tiennent  un 
rang  distingué  dans  l'armée  fran- 
çaise. M — D  j. 

MARC  (le  P.),  linguiste  slave,  né 
le  13  avril  1733,  en  ('.arniole,  s'en- 
gagea fort  jeune  parmi  les  moines 
Augustins  de  Laybach,  et  passa  la 
plus  grande  partie  de  sa  vie,  au  cou- 
vent de  Saint  -  Antoine  de  Padoue. 
Il  finit  cependant  par  quitter  sa  pa- 
llie pour  se  fixer  aux  environs  de 
Vienne.  Cest  là  qu  il  mourut  le  5 
février  1801.  I^pére  Marc  est  un  des 
hommes  qui  ont  le  mieux  mérité  des 
langues  slaves  du  Midi ,  et  qui  ont  le 
plus  contribué  à  cet  élan  qu'on  i-e- 
marque  aujourd'hui  dans  la  monar- 
chie autrichienne  vers  l'étude  de  ces 
idiomes  remarquables.  Parmi  les  nom- 
breux dialectes  de  cette  façon  de 
parler  dans  les  provinces  ill\Tionues, 
le  camiolien  ou  carcntanien  est  cer- 
tainement celui  qu'il  faut  regarder 
comme  type,  et  l'on  y  rattache  au- 
jourd'hui le  croate  d'une  part ,  le 
Slovène  de  l'autre.  Reste  seulement 
une  question  à  débattre  :  qui  lem- 
jiorte  du  carniolien  ou  du  carcnta- 
nien (winde  de  Styrie  et  wende  de 
Carinthie)?  I.a  difterence  de  ces  deux 
sous-dialectes  est  si  légère,  que  l'on 
peut   hésiter  ;   mais  le  carniolien  est 


liMlB 


33 


resté  moins  incuite ,  et  cette  circon«* 
tance  lui  vaudra  la  préférence  auprè> 
de  beaucoup  de  juges.  Quoi  qu  il  en 
>oit,  ou  doit  au  P.  ALuc  grammaire, 
lexiques  et  chrestomathie  de  sa  lan- 
gue nuiternclle.  Sa  Grammaire  de  la 
langue  carniolienne,  Lavbach,  1768  , 
in-S",  a  PU,  dès  1783,  le*  honneur> 
d'une  2*  édition,  cl  cest  presque  la 
seule  encore  où  Ion  puisse  appren- 
dre les  principes  du  wende  de  la 
Carniole.  Eusuite  vinrent  etlcParvum 
dicUoHttariutn  trilingue  (en  carnio- 
lien, en  allemand  et  en  latin),  Lay- 
bach, 1782,  in-4°,  qui  a  été  mis  à  con- 
tiibution  par  Linde,  pour  son  grand 
et  mémorable  Dictionnaire  de  la  lan- 
gue polonaise  comparée  aax  treize 
dialcctc.4  slaves,  et  son  Glossariutn 
slavicum.  Vienne,  1792,  in-4".  Enfin, 
on  a  encore  de  lui  une  espèce  de 
manuel  de  versification,  sous  le  titre 
de  AdjutneiUum  poeseoi  carniolicœ , 
Vienne,  1798,  in-8",  et  un  autre  Ma- 
nuel poui-  les  conversations  et  les 
matières  usuelles  :  c'est  la  tiaductioD 
du  Xoth-  u.  IJiilfsbiichlein dcHTaLiuev. 
On  conserve  au  collège  Theresianmn 
devienne  plusieurs  manuscrits  du 
P.  Marc,  entre  autres  une  Chronique 
de  Carniole  et  une  Uisloire  des  iavanti 
r<ir«io//e»is,  ou  Bibliotheca  Carnioliie. 

F— OT. 

AI  ARC  (Charucs-Cukktie}* -Henri)  , 
premier  médecin  du  roi  Louis-Phi- 
lippe, naquit  à  Amsterdam,  le  i  no\ . 
1771;  son  père  étiiit  allemand,  et  sa 
mère  hollandaise.  Eu  1772,  ses  pa- 
rents vinrent  s'établir  au  Havre  et 
demeurèrent  jusqu'en  1780.  t*  fu 
donc  en  Fiance  que  Marc  reçut  sa 
première  éducation.  Parlant  alle- 
mand avec  son  père  ,  hollandais 
avec  sa  mère  ,  et  Irancais  avec  sçs 
camaïades  d'étude  .  il  brillait  a^ 
milieu  d'eux  pat;  son. application  et 
ses  progi-ès.  A  neuf  ans,  il  Retourna 


34 


MAR 


en  Allemagne  avec  ses  parents,  et  a 
treize  ans,  il  entra  au  collège  deShep- 
fenthal  (en  Saxe).  Là,  sous  la  direc- 
tion du  célèbre  instituteur  Saltzmann, 
a  termina  en  quatre  années  toutes  ses 
études    classiques,    et    il  apprit    le 
latin,    ainsi  que  l'avait  appris  Mon- 
taigne, comme  une  langue  vivante; 
aussi  pouvait-il  écrire  et  parler  dans 
cet  idiome  avec  autant  d'élégance  que 
de   facUité.  On  en  trouve  la  preuve 
dans  un  petit  discours  qu'il  prononça 
à  son  départ  du  collège,  afin  d  ex- 
primer à  la   fois    sa  reconnaissance 
envers  ses  maîtres  et  son  amitié  pour 
ses  condisciples.  Ce  petit  essai  parut 
à  ses  professeurs  digne  d'être  impri- 
mé, et  l'un  deux  le  fit  suivre  de  quel- 
'      ques  strophes  dans  lesquelles  il  pré- 
disait au   jeune   orateur  un  brillant 
avenir,  prédiction  qui  se  réalisa  sans 
doute,  mais   non    sans    que    celui-ci 
eût    bien   des    obstacles    à   vaincre. 
Marc,   laissé   libre  par   son  père  de 
choisir  une  profession,  se  sentit  pous- 
sé par  une  vocation  irrésistible  vers 
la  médecine.  Il  commença  l'étude  de 
cette  science    à    l'Université    d'Iéna. 
Il   s'y  serait   fait   recevoir  docteur; 
mais  le  désir  dobtenir  ce  grade  sous 
les  yeux    de  sa  famille  l'engagea  a 
soutenir    les  épreuves    à  la    faculté 
de  la  ville  d'Erlangen,  où  son  père 
exerçait  les   fonctions  de    conseiller 
des    finances.    Sa   thèse   avait    pour 
titre  :  Historia  morbi  rariotii  spasmo- 
dici,   cum    brevi  epicrisi  (iTd2).   Ce 
qui  charme  dans  la  préface  de  cette 
thèse,    qui   était  déjà  un  ouvrage  de 
haute    portée,   «'est    l'expression   de 
la  déférence  et  du   respect  que    les 
jeunes  médecins  allemands  ont  tou- 
jours  eus  pour  leurs  maîtres,  sorte 
de  piété  qui    fait  un  des  caractères 
distinctits  des  universités  d'Allemagne. 
Voulant  agrandir  par  la  pratique  le 
cercle  de  ses  connaissances,  le  nou- 
t. 


MAR 

veau  docteur  se  rendit  à  Vienne,  et 
pendant  dix-huit  mois,  visita  les  hô- 
pitaux de  cette  capitale.  De  là  il  fut 
appelé  à   Bamberg,  par   son  oncle, 
médecin  distingué,  qui  avait  surveiUé 
la  fondation  dun    hôpital,   dont    le 
prince-évêque    de  cette   ville   venait 
de  la  doter.  Marc  se  perfectionna  dans 
l'art  de  guéi'ir,  sous  les  yeux  de  son 
parent.  La  princesse  douairière  deLo- 
wenstein  ayant  demandé  à  celui-ci  un 
jeune  médecin  qui  pût  la  suivre  dans 
ses  terres  de  Bohème,  Marc  consentit 
à  y  passer  quelque  temps  ,  et  fut  là  ce 
qu'il  a  été  partout,  dévoué,  plein  de 
désintéressement,   au    milieu    d'une 
clientèle   nombreuse,    mais   pauvre. 
En  1795,  il  publia  trois  ouvrages  en 
allemand   :  le  premier  offre  des  Rè- 
gles d'hygiène  à  l'usage  des  voyageurs; 
le  second  a  pour  titre  :  De  l'emploi 
du  gaz  azote  dans    la  phthisie    pul- 
monaire;   le  troisième.  Observations 
générales    mr  le%  poisons  et   sur  les 
effets  qu'ils  produisent  dans   le  corps 
de  l'homme.  Ce  dernier  ouvrage,  dont 
l'illusue  professeur  Hildebrand  agréa 
la  dédicace,  était  le  premier  essai  du 
jeune  docteur  dans  la  médecine  lé- 
gale.  Il    a   été  traduit  en  italien  par 
Ferraris.  Vers  la  fin  de  cette  même 
année  1793,  Marc,  âgé  de  25  ans,  vint 
à    Paris   pour  la    première  fois.   Sa 
jeunesse,  son   savoir  et  même  cette 
qualité  d'étranger   cpii   prévient  tou- 
jours  si   favorablement    en  France, 
tout  lui   concilia  parmi  les  médecins 
de  la    capitale  un    accueil   bienveil- 
lant. Il  se  lia   surtout  avec  Bichat , 
\libert,  et   sous  l'autorité    de  leur 
maître  Corxnsart,   dont  il  suivait  les 
leçons  de  clinique,  il  concourut  avec 
eux,  avec  Cabanis,  Desgenettes,  lAr- 
rev,Duméril,  Pincl,  Fourcroy  et  quel- 
ques autres,  à  la  formation  de  cette 
société  médicale   démulation   a    la- 
quelle on  doit  de  savants  mémoires. 


Nous  citerons  entre  autres  uie  la  Fiè- 
vre et  de  son  traitement  en  général, 
trad.  de  l'allemand  de  G.-Clir.  Reich  ; 
Considérations  sur  une  tympanite,oh- 
servée  à  l'hôpiul  Saint-Louis;  Com- 
mentaire stir  la  loi  de  -Vutna  Pompi- 
lius,  relative  à  Couverture  cadavérique 
des  femmes  enceintes,  etc.  Vers  la  fin 
de  1797,  la  mort  de  son  père  le  rappela 
en  Alleniafljne;  il  revint  en  France  en 
1798,  avec  sa  mère.  Comme  son  pèi-n 
avait  placé  tout  son  avenir  sur  les  fonds 
publics  de  France ,  sa  fortune  avait 
été  presque  entièrement  absorbée  pai- 
la  réduction  du  tiers  consolidé. 
D'autres  circonstances  malheui-euse.'; 
forcèrent  M""  Marc  à  vendre  à  7  fr. 
30  cent,  ce  qui  avait  coûte  100  fr.  à 
son  mari.  Dès  ce  moment,  de  rudes 
épreuves  se  préparèrent  pour  le  doc- 
teur Marc,  qui,  marié  depuis  quelques 
années,  était  déjà  charge  de  famille. 
\m\  qui,  jusqu'alors,  à  la  faveur  d  unr 
honnête  aisance,  avait  pu  étudier, 
exercer  la  médecine  sans  antre  but 
que  l'intérêt  de  l'art ,  se  vit  obligé  de 
chercber  dans  la  pratique  les  moyens 
de  faire  vivre  une  mère,  une  épouse 
et  quatre  enl'ants.  Il  se  livra  donc  à 
ce  j)énible  métier  avec  confiance  , 
avec  habileté  ;  mais  bientôt  lassé  . 
rebuté,  ayant  acquis  de  bonne  heure 
une  amère  connaissance  de  la  vie  mé- 
dicale, il  prit  en  déffoût  l'exercice 
de  sa  profession.  Deux  choses  le 
choquaient  surtout  en  France  ;  d'a- 
bord la  responsabilité  qui  pèse  sans 
cesse  sur  le  praticien,  même  rpiand 
le  malade  n'a  point  exécuté  ses  ordon- 
nances; puis,  souvent,  la  nécessité 
d'envoyer  ,  à  la  fin  du  traitement  , 
lUie  note  de  visites,  comme  une  fac- 
ture de  commerce  ;  ce  sont  les  ex- 
pressions dont  il  se  servait  en  parlant 
de  cette  dure  nécessité.  Décidé  à  chan- 
ger de  direction ,  il  fonda  une  manu- 
facture de  produits  chimiques  :  le  suc- 


MAR 


3o 


ces  ne  répondit  [>oint  à  ses  espéran- 
ces. Marc  fut  bon  médecin  et  mau- 
vais industriel  ;  il  était  savant  et  point 
du  tout  marchand  :  aussi,  après  avoir 
dissipé  dans  ce  commerce  les  derniers 
débris  de  sa  fortune,  il  se  trouva 
entièrement  ruiné.  Revenu  à  Paris, 
pour  y  l'econmiencer  sa  carrière  mé- 
dicale, il  s'y  trouva  dégagé  de  toute 
obligation  envers  qui  que  ce  fût,  et  ne 
dut  rien  qu'à  sa  famille.  L'âme  rem- 
plie de  pensées  douloureuses,  mais 
conservant  sur  son  xnsage  une  inalté- 
j-ablc  sérénité,  le  jour  il  faisait  régu- 
lièrement ses  visites,  en  les  entremêlant 
de  quelques  échappées  chez  les  pau- 
vres ;  et  le  soir  lorsque,  accablé  de  fa- 
ligues,  épuisé  par  les  privations,  i! 
lentraît  au  milieu  des  siens,  il  leur 
dissimulait  sa  peine,  et,  par  l'enjoue- 
ment et  la  tendresse  de  ses  paroles,  dis- 
rsipait  leur  tristesse  et  ranimait  leur  es- 
poir. La  nuit,  pendant  leur  sommeil, 
enveloppe  d'un  manteau,  afin  de  mé- 
nager le  bois  qui  devait  les  chauffer, 
i|  écrivait  pour  divers  journaux  de 
médecine.  Il  lui  fallait,  pour  résister  à 
àci  travaux  si  soutenus  et  à  tant  de 
privations,  non-seidement  beaucoup 
«le  courage,  mais  cet  amour  de  l'hu- 
manité qui  ,  chez  lui ,  avait  tant 
de  puissance.  En  1808,  on  cherchait 
un  équivalent  pour  remplacer  le 
quinquina  .  devenu  très-rare  à  cause 
du  blocu*  continental.  Marc  proposa 
d'y  substituer  le  sulfate  de  fer.  L'heu- 
reuse application  de  ce  moyen, 
dans  un  moment  où  les  fièvres  inter- 
mittentes exerçaient  de  grands  ra- 
vages ,  lui  valut  une  lettre  très-flat- 
teuse de  Corvisart,  qui  le  remercia  au 
nom  de  l'aïuorité.  En  1809,  la  Société 
de  médecine  de  Paris  consigna  dan» 
son  Recueil  les  résultats  de  cette  pre- 
mière découverte,  et  Marc  en  fit  le 
texte  de  deux  mémoires  qtii  parurent 
en  1810.  sous  le  titre  de  Recherrhet 
3. 


36 


MAB 


sur  l'emploi  du  sulfate  de  fer  dans  fc 
traitement   dei  fièvres   intennittentex. 
On  lui  avait  conseillé  de  faire  un  se- 
cret de  sa  découverte;  il  pouvait  ainsi 
facilement  acquérir  une  {grande  for- 
tune :  mais  il  reftisa,    voulant,    di- 
sait-il, que  l'humanité  seule  en  profi- 
lât. En  toute  occasion ,  il  déploya  la 
même  délicatesse.  L'illustre  Parmen- 
tier  l'avait,   à  son  lit   de  mort,  dé- 
signé pour  le   remplacer  au  conseil 
de  salubrité ,  et  lui  avait ,  dans  celte 
intention,  donné  une  lettre  qui  devait, 
dans  la  journée   même,    être    mise 
SOU8  les  yeux  du  ministre.  Marc  ne 
consentit 'à  cette  démarche  qu'après 
la  mort  de  Parraentier  ;  c'était  trop 
tard;  la  place  était  prise;  mais  il  ne 
se  plaignit  pas  plus  de  cette  déconve- 
nue, qu'il  ne  se  vanta  de  sa  bonne 
action.  De  meilleurs  jours  ne  devaient 
pas  tarder  à  luire  pour  lui.  Le  docteur 
Herbauer,  que    le   roi  de  Hollande, 
Louis  Bonaparte,  venait  de  nommer 
àon  médecin,  le  pria  d'accepter   sa 
clientèle.    Marc    devint  bientôt  l'un 
des  médecins  les  plus  répandus   de 
la  capitale.  Au    milieu  des   occupa- 
tions qui  remplissaient  sa  vie ,  il  ré- 
serva toujours    une    partie   de  son 
temps  à  ses  études  favorites.  Le  doc- 
teur Victor    Rose  publiait  alors  en 
Allemagne  un  Manuel  d'autopsie  ca- 
davérique médico-légal  ;  Uarc  en  fit 
une    traduction  «jui  parut  en  1808, 
enrichie  de  notes  et  de  commentaires  ; 
il  y  joignit  doux  mémoires  de  sa  couj- 
position  :  l'un  Sur  la  docimasie  pul- 
monaire, l'autie  Sur  /es   signes  de  la 
mort  par  submersion.  A  la  tête  du  vo- 
lume  est  une  préface  dans  laquelle  il 
déplore  l'indifférence  où  l'on  était  a- 
lors  en  Vrance  pour  la  médecine  légale, 
tutrice  do  l'honneur  et  de  la  vie  des 
hommes,  et  qui,  dans   un  pays  ou  la 
chimie  jette   tant  d'éclat,    aurait  du 
briller  comme  ollc.  Une  de»  meiUeuns 


MAB 

«ît  des  plus  utiles  productions  de  Maix 
a  pour  titre  :  La  Vaccine  soumise  aux 
simples  lumières  de  la    raison  (Paris,         s 
1809).  C'est  un  petit  drame  plein  de       ] 
naturel,  de  mouvement  et  de  gaîté ,       j 
dans  lequel  sont  combattus  les  préju-       j 
{'ris  du  peuple  contre  la  vaccine.  Un 
digne  curé,  un   chirurgien  plein  de 
sens  et  de  philantropie,  puis  quelques 
villageois  et  leurs  femmes  ,  entre  au- 
tres l'entêté  Jean  Rétif,  sont  les  inter- 
locuteurs de  ce  dialogue,  qui  rappelle 
la  manière  de  Franklin.  Cet  ouvrage, 
dont  le  succès  fut  européen,  a  eu  plu- 
sieurs éditions  et  a  été   traduit  dans 
plusieurs  langues.  Malgré  tant  d'émi- 
rients  services  ,  Marc  n'appartenait  à 
aucune  Faculté  de  France.  En  1811, 
il  se  fit  agréger  à  celle  de  Paris,  et 
soutint  une  thèse  ayant  pour  titre  : 
Fragmenta  quœdam  de  morborum  si- 
mulatione.  C'était  encore  un  sujet  de 
médecine  légale.  Dans  cette  thèse,  il 
laisse    entrevoir  le  plan  d'un  grand 
ouvrage  qu'il  devait  publier  plus  tard, 
mais    la    mort    ne     lui    permit  pas 
d'en  réunir  et  coordonner  les  maté- 
riaux. Il  en  avait  lu  à  ses  amis  quel- 
ques passages  remarquables  ;  mais  ce 
précieux  manuscrit  ne  s'est  point  re- 
trouvé parmi  ses  papiers.   En  1812, 
il  fut  envoyé  à  Pantin,  par    le   pré- 
fet Frochot,  pour  y  combattre  une 
épidémie   de    fièvres    intermittentes 
pernicieuses,  dont  le   voisinage  sem- 
blait menacer   la  capitale,    et  qu'a- 
vait occasionnée  le  mouvement    des 
terres     pour    creuser    le    canal     de 
l'Ourcq.    Un  «les  médecins   chargés 
du  soin   des    malades  venait  do  suc- 
comber. Maïc  n'iiésita  pas  à  accepter 
«etto  mission  périlleuse,  et  l'accom- 
pHt  avec   succès.   Nommé,  on  1816, 
au  conseil  de  salubrité,  il  fut,  peu  de 
temps  après,   chargé  de  la  direction 
du  service  des  noyés  et  asphyxiés,  où 
11   introduisit   bicntAt   «le   nombreux 


MAB 


MAR 


37 


perfectionnements.    En   t817,  avant 
heureusement    guéri  d'une  maladie 
grave    Madame  Adélaïde,  sœur   du 
duc  d'Orléans,  il  devint  le  premier 
médecin   de   ce    prince ,    titre   qui , 
en  1830 ,   fut    changé  en    celui   de 
premier  médecin  du  roi.   Marc  écri- 
vit alors  à  l'Académie  de  médecine, 
dont  il   était    membre,    qu'il    n'en- 
tendait  pas    se    prévaloir  de  ce  titie 
pour  eue  président  d'honneur  per- 
pétuel, place  que  lui  accordaient  les 
règlements  de  cette  compagnie.  L'A- 
cadémie ,  frappée  de  cette  modestie, 
le  nomma  son   président  annuel,  et 
membre  du  conseil  d'adminisUation 
l'année  suivante.  Chez  lui,  les  hon- 
neurs ne  changèrent  point  les  moeurs  ; 
premier    médecin  du    roi,  il  fut  ce 
qu'il  avait  toujours  été,    le  médecin 
des  pauvres.  Du    reste,    s'il  ti-ouvait 
parfois  quelques  distractions  dans  la 
société ,    il    n'était  pas   de   ceux   qui 
veulent  les  fleurs    de   la  vie  sans  le 
travail  qui  les  fait  éclore.  Une  aima- 
ble gaité  le   soutenait  dans  les  cir- 
constances les    plus  graves.    Au  sein 
des  corps  savants  auxquels  il  appar- 
tenait, presque  toujours  ses  opinions 
furent  admises,  et  ses  décisions   fi- 
rent autorité;  car,   dans  les^  discus- 
sions comme  dans  les  entretiens  par- 
ticuliers ,  il  ne  parlait  que  de  ce  qu  il 
savait,   et  il   savait   beaucoup;    c'é- 
tait alors  un  plaisir  de  l'entendre  dé- 
ployer, sans  faste  et  sans  prétention , 
les  trésors  de  son  érudition  et  de  son 
expérience.  Lorsqu'en  1832  le  cholé- 
ra-morbus  sévissait  si  cruellement  à 
Paris,   Marc  énonça,    sur  cette  ma- 
ladie ,  des  idées  d'une  prati([uc  judi- 
cieuse: il  indiqua  des  médicaments, 
et  notamment  une  poudre  qui  eut  du 
succès;    mais,   en    même   temps,    il 
proposa  le   préservatif  suivant,  que 
plusieurs  jouf-naux  publièrent,  sans 
nommer  l'auteur  :  «i    Quarante  dose<: 


de  chaleur,    cinq  de  propreté',  une  de 
sobriété,    une  d'activité ,    une   de  bon 
sommeil,  une  de  tioun-iture  saine,  une 
d'air  très-pur,  et  cinquante  de   tran- 
quillité d^ esprit  :  mêlez  avec  soin  ces 
cent  parties  pour  en  former  un  tout, 
véritable   anti-cholérique.  »  Rien  de 
plus  attachant   que    les   détails    qui 
|)Ouiraient  être  révélés  sur  les  rapports 
de  Marc  avec  la  famille  royale,  dont 
tous  les  membres  ne  l'appelaient  que 
le  bon  docteur.  Là,  point  d'étiquette  ; 
c'était  le  médecin  ami  de  la  maison  , 
toujours   bien   venu,   toujours  affec- 
tueux, étianger   smtoul   au  langage 
des  courtisans ,  et  qui  n'usait  de  son 
crédit  que  pour   les  malheureux.  En 
1823  ,  il  avait  été  uommé  chevalier 
de  la  Légion-d  Honneur  ;  il  fut  promu 
au  grade    d'officier    après  1830 ,  el 
reçut  du  roi  des   Belges  l'ordre  de 
Léopold.  Comme  médecin -littérateur, 
Marc  s'était    fait    connaître   par  un 
grand  nombre   de  consultations  mé- 
dico-légales, ainsi  que  par  des  articles 
importants    de    médecine    légale   et 
d'hygiène  publique,  qu'il  avait  four- 
nis à   plusieurs  recueils.  On    citeia 
toujours,  dans  les  annales  de  la  scien- 
ce et  de  l'humanité,  la  consultation 
([u  il  donna,  en  1826,  pour  Henriette 
(jormier,    femme    Beiton  ,    accusée 
d'homicide  volontaiie  et  avec  prémé- 
ditation ;    puis ,    son    mémoire    pour 
Rispal  et  Galland  ,  condamnés  pour 
faux  témoignage  aux  travaux    forcés 
à  perpétuité.  Ce  dernier  écrit   con- 
tribua puissamment  à  la  réhabilita- 
tion de  ces  infortunés.  Lors  de  la  pu- 
blication  du   grand  Dictionnaire  t/e» 
Sciences  médicales,  ses  travaux  anté- 
rieurs  lui    donnaient    une   sorte  de 
droit  sur  l'hygiène  publique  et  sm  la 
médecine  légale  ;  ce  fut  aussi,  dans  la 
distribution  des  matières,  la  part  qui 
lui  fut  assignée,  et  il  a  laissé  dans  ce 
recueil  près  de  quarante  articles  ve- 


38 


MAR 


marquables,  entre  aatres  ■■  A  liénù  , 
Antidote,     Avortement  ,     Baptême  , 
Blessures,  Cadavre,  Castration,  Couches 
(  Femme  en  ),    Maladies    dissimulées, 
Enfants -trouvés,  Épilepsie    simulée. 
Exhumation,   Grossesse,    Habitation, 
Hermaphrodite,Hydrophobie, Impuis- 
sance, etc.  Il  quitta  le  grand  Diction- 
naire ,  et  s'associa  avec   plusieurs  de 
ses  confrères  pour  la  publication  du 
Dictionnaire  de  Médecine,  en  21  vol. 
On  peut  encore  citer,  parmi  ses  nom- 
breux articles  :  Accouchement,  Am- 
phithéâtre,   Contagion ,     Infanticide, 
Inhumation,  Pharmacie,  Phai-macieu, 
Médecine  politiijue.  Quarantaine,  Se- 
cours publics,  Fiabilité,  etc.  En  1829, 
il  fonda,  avec  Esquirol  et  Parent-Du- 
châtelet,  les  Annales  d'Hygiène  pu^ 
bliciue    et   de    Médecine    légale,    for- 
mant aujourd'hui   une  collection  de 
28  volumes,   qui  se  continue.  Marc 
composa  l'introduction,  comparable  à 
ce  que  l'Allemagne  possède  de  mieux 
en  ce  genre,  et  qui  oflxe   l'iiistoire 
de  la  médecine  légale  depuis  son  ori- 
jrine  et  dans  les  dirterentes  contrées 
du  monde  savant.  Il  est  peu  de  volu- 
mes des  Annales  qui  ne  renferment 
de  lui  quelques  mémoires  importants. 
L'Encyclopédie   moderne   de   Courlin 
lui  doit  également  plusieurs  articli's. 
En    1831,  il   publia   YE.xatnen    mé- 
dico-légal  des  causes  de   la  mort  de 
S.  A.  R.  le  prince  de  Condé,  brochure 
de  88  pa^es  in-8",  avec  six  planches 
explicatives,  extrait  des  Annales  d'hy- 
giène publique  et  de  méderinv  légale. 
En  1835,  toujours  préoccupé  du  soin 
d'étendre  et    de    perfectionner     le» 
moyens  de  salubrité  publique,    il  fit 
paraître    un    ouvrage  intitulé  :  Nou- 
velles Recherches  sur  les  secours  à  don- 
ner aux  noyés  cl  aux  asphyxiés.  Pans, 
i  vol.  in-S".  Cet  ouvrage  a  reçu   de 
liants    tomoignagt;8  d'estime  de  plu- 
sieurs souverains  de  l'Europe,  il  lour- 


MAR 

mille  de  faits  curieux,  de  discussions  et 
de  remarques  pleines  de  justesse,  sur 
des  questions  de   physiologie   et  de 
thérapeutique,  sur  les  différents  genres 
d'asphyxie,  soit  par  l'eau,  soit  par  les 
gaz,  par  le  froid,  par  le  chaud  ,  par 
la  suspension,  par  la  foudre,  soit  par 
la  faiblesse  et  l'inexpérience  de  l'or- 
ganisation qui  vient  de   naître;   sur 
l'art  de  ranimer  les  puissances  vita- 
les, d'exciter  la  chaleur,  de  réveiller 
l'action   des    poumons,    les    mouve- 
ments du   cœur,    l'énergie  du   cer- 
veau, etc.    Ces  diverses  publications 
et  une  foule  d'autres  encore   dont  il 
serait  impossible  de  faire  même  l'e*- 
numération,  et  qui  ont  toutes  un  ca- 
ractère particuher  ,    une  utilité  im- 
médiate ,    n'étaient    que  les    jalons 
d'un  grand  ouvrage  que  Marc  a  laissé 
sur  sa  tombe,  et  qui  est  comme  son 
testament    médico-légal.    Il    a    pour 
titre  :  De  la  Folie  considérée  dans  ses 
rapports  avec  les  questions  médico-ju- 
diciaires.    Quoique     jouissant    d'une 
santé  parfaite,  Marc  semblait  craindre 
que  la  mort  ne  le  surprît  avant  qu'il 
eût  terminé  cette  œuvre  de  prédilec- 
tion. Ce  pressentiment  n'étaitque  trop 
fondé.  Il  venait  de  dater  du  10  janvier 
1811    l'épreuve  de  sa  Préface,  lorsque 
le  dimanche,  12,  comme  il  rentrait  de 
visiter  le  prince  Toufiakinc,  il  fui,  à  la 
porte  de  son  domicile,  frappé   d'une 
apoplexie    foudroyante.    Son    livre. 
De  la  Folie,  dédié  au  roi ,    se   divise 
en  deux  parties.  La  première  contient 
l'exposition  des  notions  générales  de 
la  folie,  dans  ses   rapports   avec    les 
questions  médico-légales  judiciaires  i 
la  seconde  partie  a  pour  objet   l'ap- 
préciation    spéciale    de     l'aliénation 
mentale,  considérée  sous  les  mômes 
rapports.  Cet  ouvrage ,  (jui   s'adresse 
aussi  aux  gens  du  mondt;  ,  olfrc  une 
suite  de  drames  affligeants  et  terribles, 
où  figurent  toutes  les  misères  et  tous 


MdLB 

les  egaieinenls  de  notre  pauvre  na- 
ture, depuis  l'idiotie  irabécille,  jusqu'à 
la  monomanie  délirante  :  les  extases 
de  la  dévotion,  les  fureurs  de  l'amour, 
les  désesjjoirs  de  l'ambitiou  déçue, 
la  soif  aveugle  du  sang ,  la  manie  du 
suicide,  l'exaltation  de  la  haine  et 
de  la  jalousie,  toutes  ces  tristes 
maladies  de  l'esprit  y  sont  décrites 
dans  leur  affreuse  uudité,  sans  voile, 
sans  recherche  de  style,  sans  au- 
tre but  que  d'en  trouver  le  re- 
mède. L'auteur  entraîne  son  lec- 
teur à  sa  suite,  auprès  de  ces  héros 
lamentables  de  l'égarement  et  du 
crime,  dont  les  uns  ont  pris  la  route 
du  bagne,  le«  autres  celle  de  l'écha- 
faud,  et  qui,  selon  lui,  devaient  s'ar- 
rêter peut-être  à  la  porte  du  premier 
hôpital.  Quelques  personnes  ont  cru 
que  le  psychologiste  avait  tiop  étendu 
son  système  en  le  généralisant;  <}ue 
1  aliénation  mentale,  trop  prompte- 
ment  acceptée  comme  cause,  pouvait 
prépai'er  une  espèce  d'excuse  à  des 
crimes ,  et  amener  l'impunité.  On  se 
tromperait  en  faisant  raisonner  ainsi  le 
docteur  Maïc ;  il  a  pu  croire,  souvent 
reconnaître  que  l'aliénation  mentale 
était  une  cause  réelle,  et,  dans  cette 
opinion,  il  est  soutenu  paj-  des  faits 
nombreux;  mais  ce  nest  pas  lui,  c'est 
le  juge  qui  pi-ononce  si  la  cause  est 
l'excuse.  Marc  ue  décide  ni  l'excuso , 
ni  l'innocence;  il  se  borne  à  voir  une 
grande  aberration,  dont  le  principe 
peut  n'être  pas  volontaire  ou  être 
une  volonté  égarée,  et  sa  conclusion 
très-morale,  si  elle  paraît  au  premier 
coup-d'œil  être  tiop  indulgente  pour 
l'apparence  coupable,  ne  présente 
cependant  pas  une  autre  idée  que 
celle  du  devoir  d'une  plus  gi-ande  at- 
tention sur  la  morale  nécessaire  aux 
hommes  réunis  en  société,  et  sur  le 
besoin  de  recouvrer  et  de  propager 
cette  morale  par  tous  les  moyens  qui 


BSAA 


39 


peuvent  éclairer  la  raison,  et  redi^es- 
ser  ainsi  les  entraînements  mêmes  de 
la  volonté  qu'on  aurait  cnis  irrésisti-. 
blés.  Aux  obsèques  de  Marc  qui  fut; 
inhumé  au  cimetière  Montmartre,, 
après  quelques  paroles  touchantes  de 
M.  de  Saint-Albin,  son  gendre,  MM, 
Pariset  et  Olivier  d'Angers  ont  fait 
l  éloge  du  défunt,  l'un  au  nom  de  1  a- 
cadémie  de  médecine,  l'autre  pour 
le  conseil  supérieur  de  salubrité.  Ck& 
deux  discours  sout  imprimés  en  tête 
«lu  dernier  ouvrage  de  Marc,  lequel 
est  enrichi  d'mi  portrait  qui  reproduit 
Hdèlement  sa  belle  et  uoble  figiut?. 
Plus  tard ,  le  docteur  Reveillé-Parise 
a  public  sur  lui  une  intéi:esiiante  no- 
tice ;  enfin ,  tout  récemment  (  déc. 
1842),  M.  Pariset  a,  devant  l'académie 
de  médecine,  prononcé  l'éloge  de  31. 
le  docteur  Marc.  Nous  avons  eu  com- 
munication de  ces  notices,  dont  la 
deniiere  n'est  pas  encore  imprimée. 
D— «— B. 
AIAHCA  (Laci4>cc  délia),  ou 
Lactance  de  Bitnini ,  peintie  ,  né  à 
Monterubirano,  florissaiten  1553.  On 
le  compte  panni  les  élève»  de  Pierre 
Pérugin  ;  cependant  quelques  histo- 
riens lui  donnent  pour  maître  Jean 
Bellini  et  citent  à  cette  occasion  un 
tableau  qu  il  peignit  à  Venise,  en  con- 
cmrence  avec  le  Conegliano.  Mai> 
J.  Bellini  était  mort  en  lol6,  et  il  est 
difficile  qu'il  ait  pu  éti'e  le  maître  de 
Lactance.  Quoi  qu'il  en  soit,  son  père, 
nommé  Vincent  Pagani,  était  lui-même 
un  ])einUe  habile,  et  il  est  plus  vrai- 
semblable que  c'est  lui  qui  donna  a  son 
fils  les  premiei-s  principes  de  son  art. 
Pierre  Pérugui  étant  mort,  délia 
Marca  succéda  à  sa  réputation  et  fut 
chargé  de  tous  les  travaux  que  ce 
grand  maître  n'avait  pu  terminer . 
ce  qui  pourrait  avoir  donné  lieu  d? 
croire  qu'il  ait  été  son  disciple.  Pai  - 
mi  les  ouvrages  qu'il  exécuta,  un  cite 


40 


aiAR 


plusieurs  salles  qu'il  a  peintes  dans  le 
château    de    Rimini,    conjointement 
avec  Rafaellino  del  Colle,   Gherardi, 
Doni  e  Paparello.  Il  avait  commencé 
un  tableau  âc  Sainte-Marie  du  peuple. 
La  partie  inférieure  de  ce  tableau,  qui 
est  de  lui,  se  recommande  par  la  vé- 
rité de  l'expression,    l'heureuse  dis- 
position du  grand  nombre  des  per- 
sonnages, la  beauté  du  paysage,  la 
vigueur,  l'accord  du  coloris,  er  l'ex- 
cellent goût  de   tout  l'ensemble  où 
lien  ne  rappelle  l'école  de  Pérugin.  La 
partie  supérieure  a  été  terminée  par 
Gherardi,  mais  elle  est  loin  de  répon- 
dre   à   ce   qu'avait  fah  Lactance,    H 
paraît  que  vers  1553  il  fut   nommé 
bargello  de  la  ville.  Cet  emploi,  plus 
honorable  à  cet  époque  qu'il  ne  l'est 
aujourd'hui,    semble  l'avoir  absorbé 
tout  entier,  et  détourné  depuis  lors  de 
la  culture  de  son  art.  —  Jean-Bap- 
tiste   LOMBAIVDELU    DELUA     M.MlOxH    SUr- 

nommé  Montana  de  Montenvvo  ,  na- 
quit dans  cettfe  dernière  ville  en  1532, 
et  fut  élève  de  Rafaellirio  da  Reggio  . 
Il  annonça  dans  sa  j<!Unes9é  une  fa- 
cilité de  talent  vraiment  ihr'i-veil- 
leuse,  mais  son  aversion  pour  Ictiavail 
rendit  nulles  des  dispositions  aussi 
rares.  On  voit  cependant  à  l'unie  ot  à 
I»ërouse  un  assez,  grand  nombi-e  d« 
se»  fresques  ;  mais  celles  où  il  anft'oV)- 
tré  le  pins  de  talent  et  que  l'on  es- 
time davanta}f<'  lurent  exécuti^esi "à 
Montenovo,  sa  patrie.  Il  inournt  veis 

1 587.  '*— "• 

MARCAt^DIKU  (Ro.;»).  journa- 
nalistc,  né  vers  1767,  a  Cnise,  avait 
adopté  avec  beaucoup  d'ardeur  les 
idée»  de  Ift  rt-volution,  el  avait  dû 
à  ses  opinions  avancées  la  faveur  de 
Camille  Desmoulins,  qui  l'eniployn 
comme  secrétaire.  Mais  ensuite  il  se 
brouilla  complètement  ave*'  son  pa- 
tron ;  et,  soit  (|ue  ses  idi-es  aient  ett- 
cause  de  leur  réparation,  soit  que  la 


MAR 

séparation  ait  influé  sur  ses  idées,  il 
quitta  la  maison  de  Camille,  et  ne     ■ 
craignit  point  de  se  déclarer  son  en- 
nemi en  l'accusant,  dans  ses  Hommes 
de  proie,  d'avoir  été  l'un  des  promo- 
teurs des  assassinats  de  septembre-, 
ce  qui  ne  peut  être  douteux  ,  mais  ce 
dont,  même  à  cette  époque,  personne, 
hormis  les  prétendus  juges  et  les  plus* 
vils  de  leurs  sicaires  ,  n'osait  se  van-' 
ter.  Cependant  il  n'avait  renoncé  ni  à 
ses  principes  de  républicanisme,  ni  à- 
cette  nuance  d'opinion  qui  le  portait- 
vers  les  cordeliers  plutôt  que  vers  les 
jacobins.  Aussi,  après  la  chute  des  gi- 
rondins, entreprit-il  de  combattre  Ro- 
bespierre et  ses  amis  dans  une  feuille 
destinée  à  devenir  l'antidote  de   celle 
de  Marat,  et  dont  le  titre  était  le  Vé- 
ritable Ami  du  Peuple  ,    par  un  /..... 
h..,:,  de  sans-culotte  qui  ne  se  mouche 
pas  du  pied   et  qui  le  fera  bien  voir 
f  in-8°,  comme  Y  Ami  du  Peuple).  Mais 
la  tentative  ne  réussit  pas,  et  il  ne  pa- 
rut en  tout  que  onze  numéros  de  mai 
h  juillet  1793.  Probablement  Marcan"* 
dit»r,  depuis  ce   temps ,   eut  paît  en 
sous -œuvre  à  la  rédaction  de  plu- 
sieurs autres  journauv.  Du  reste,   il 
semble    avoir    eu    quelque   fortune. 
Lorscpi'en  1794  les  anciens  adhérents' 
«le  Danton,  revenus  de  leur  première' 
stupeur,  commencèrent  à  nouer  leur 
ligue  pour  perdre  Robespierre,  Mar- 
candicr  s'utiit  à  eux  et  fut  un  de  leurs 
agents.  Mais  il  n'échappa    point  aux 
défiances   de    Robespierre  :    décrété 
d'accusation  avec  sa  femiue ,   il    fut 
ivec  elle  mis  eu    jugement   comme 
contre-révolutionnaire  et   ennemi  dti 
peuple,  poiu  avoir  provoqué  la  dis- 
solution de   la  représentation    natio- 
nale en  imprimant  «pie  «  la  Conven- 
tion n'était  plus  qu'un  noyau  de  .sé- 
ditions, un  conciliabule  d'anarchistes, 
un  assembla(;««  monstrueux  d'homuu>8 
>aiis  caractèï'e.  etc.  -  ;  et  le  tribunal 


MAR 


u* 


révolutionnaire  kii  appliqua  la  peine 
de  mort,  le  24  messidor  an  II.  Effec- 
tivement, on  avait  découvert  dans  ses 
papiers  un  projet  de  discours  ou  de 
motion  renouvelant  l'accusation  de 
Lonvet  contre  Robespierre.  Moins  de 
quinze  jours  après,  Robespierre  à  son 
tour  avait  la  tête  tranchée,  et  les 
thermidoriens  dont  eût  fait  partie 
Marcandier  triomphaient.  Il  avait  a 
peine  vinyt-sept  an?.  Sa  femme,  plus 
âgée  de  quatre  ans,  périt  avec  lui. 
Leurs  noms  ont  Ihonneur  d'ouvrir 
la  liste  funèbre  de  ce  jour.  I^ 
vrai  titre  de  Marcandier  à  l'attention 
de  la  postérité ,  c'est  l'importante 
brochure  que  nous  avons  signalée 
plus  haut,  et  dont  voici  le  titre  com- 
plet :  Hlstoiiv  rfe«  hommes  de  proie , 
OU  les  Crimes:  du  Comité  de  furveil- 
lance.  En  lisant  ce  pamphlet  remar- 
quable, on  est  tenté  de  penseï'  que  le 
plus  grand  tort  de  Marcandier  fut  de 
s'être  montié  beaucoup  trop  instruit 
du  réel  des  affaires,  d'avoir  connu 
des  turpitudes  qu'on  croyait  bien  te- 
nir occultes,  et  d'avoir  été  trop  i»rès 
d'éventer  les  secrets  de  la  révolu- 
tion. C'est  ainsi  que,  sans  tout  sa- 
voir, il  sut  beaucoup  des  irrégularités 
énormes  qui  suivirent  le  10  août ,  et 
des  vols  publics  ou  secrets  dont  Pa- 
ris fut  le  théâtre,  et  dont  le  comité 
de  police  fut  le  moteur  ;  il  sut  que 
des  vols  immetises  aussi  avaient  ac- 
compagné les  massacres  de  septem- 
bre; il  comprit  qu'il  y  avait  une  liai- 
son entre  ces  assassinats  et  ces  rapi- 
nes, entre  l'abominable  et  le  honteux. 
Il  ne  craignit  pas  de  le  proclamer  à 
la  fane  de  la  France  dans  cette  bro- 
chure si  féconde  en  révélations.  «  Les 
partisans  des  massacres,  s'écrie-t-il, 
ne  diront  pas ,  sans  doute ,  que  les 
diamants  et  les  bijoux  étaient  sus- 
pects. Cependant  on  s'emparait  avec 
soin   des    personnes  et  des   choses. 


Ce  seul    feit  suffit,    ce  me   semble- 
pour  donner  la  clé  des  massacres  - . 
Puis  il  nomme,  comme  les  auteurs 
incontestables  des  meurtres  commis 
aux  prisons ,  qui  en  sont  restés  char- 
gés aux  yeux  de  la  postérité  ,  Danton»' 
d'abord,  ensuite  Camille  Desmoulin»,"» 
Fabre    d'Églantine,   Panis,  Sergent, 
Manuel    et   une   douzaine    d'autres, 
parmi   lesquels   il  oubHe  Billaud-Va- 
rennes,    promettant,   au  reste,  d'en' 
(aire  connaître  encore  do  nouveaux.' 
Mais  il  est  surtout  remarquable  dans 
le  tableau  qu'il  trace,  et  de  la  trans- 
formation   du    comité     de    surveil-^ 
lance  (institué  par  le  conscil-génerâl  ' 
de  la  commune)  en  comité  de  dépôt, 
et  des  actes  auxquels  se  livrèrent  ceux  ♦ 
des  membres  de  ce  comité  qui  étaient" 
selon  le  cœur  des  Sei-gent  et  des  P*J* 
nis.    Il    faut   voir  comment  ces  dens'» 
hommes,  bien    qu'en   minorité  dans 
le  comité  ,    se  font  donner  à  eux  et 
quatre  amis  de  leur  choix,  le  mandat 
de  fouiller  les  maisons  des  détenus  et 
d'avoir  en  dépôt  les  objets   pris  ainsi 
à  domicile,  il  faut  y  voir  avec  quelle 
rapidité  les  mandats  étaient  décernés 
conti-e  les  personnes  opulentes.  Il  faut 
voir  de  quelle  façon  étaient  scellés  les 
objets,  étaient  gardés  les  procès-ver- 
baux, et  comme  on  mettait  lestement 
ù  la  porte  les  commis  formalistes  què^ 
avaient  un  fanatisme  de  regularitë," 
pauvres  gens  qui,  suivant  Panis,  n'é^ 
taient  pas  à  la  hauteur  de  la   révolu- 
tion. Il   faut  voir  enfin   Panis,  long- 
temps  après   et    pour    repondre  aiix 
accusations   de  ceux  qui  voyaient  en 
lui  un  voleur,  dire   à   la  Convention 
(14  février  1793)  qu'il  a  conser\-é  à 
la   nation,    comme    administrateur, 
une  somme  de  1,800,000  francs  dont 
il  n'existait    point  de  procès-verbal  '. 
X  Soit  ;  mais  comment  n'y  avait-il  y>as 
de  procès- verbal  ?  Vous   ne  le  dite> 
point ,  Panis.  (>t    vous    avez    raison. 


42 


MAB 


car  vous  donneriez  la  clé  de  tous  vos 
méfaits  (1).  »  Rien  de  plus  péremp- 
toire  que   ces   réflexions  de  Marcan- 
dier.   Mais   ce  que  Marcandier  ne  se 
disait  pas  et  qu'il  eût  pu  se  dire,  c'est 
que  Panis  ,  Sergent  et  leur  suite  n'a- 
gissaient pas  seuls    et  de  leur  chef. 
S'ils  mettaient  au  secret  les  bijoux, 
l'argenterie,  le  vermeil,  le  numérai- 
re, etc.,  s'ils  escamotaient  les  procès- 
verbaux,  s'ils  apposaient  et  levaient 
les  scellés  sans  témoins,   qu'on  soit 
bien  sûr  qu'ils  ne  détruisaient  pas  les 
pièces  comptables  avant  qu'elles  eus- 
sent   été  vues  de  personnages,  sans 
l'aveu  desquels  ils  n'eussent  pas  ma- 
nœuvré  trois  heures.  Régulièrement 
ou  irrégulièrement,   ils  avaient  reçu 
des  pouvoirs  des  vrais  chefs  du  con- 
seil-général de  la  commune  (Marcan- 
dier l'expose  à  merveille),  et  ceux-ci 
ne  faisaient  rien  que  de  concert  avec 
Danton.  Serait-ce  donc  que   Danton 
faisait  piller   pour  lui?  Rien  n'auto- 
rise sérieusement  à  le  penser.  Bien  que 
ce  ministre  n'eût  point  le  désintéresse- 
ment de  quelques-uns  de  ces  terri- 
bles coryphées  révolutionnaires    qui 
restèrent  pauvres  en  proscrivant,  bien 
fjue  Sergent  eût  mérité  son  surnom 
de  Sergcnt-Agadie,  et  que   Panis  ne 
se  fût  pas  appauvri  au  métier  de  dé- 
positaire, évidemment  les  dépouilles 
d'août  et  de  septembre,  grossies  sans 
doute    de   celles    du   Garde -Meuble 
(^voy.  DocLio^v,  LXIl,  562)   (2),  au- 
raient rendu  cbacun  de  ces  hommes- 
là  huit  ou  dix  fois  millionnaire.  Ce  ne 
pouvait  donc  éUe  pour  eux.lSul  doute, 
selon   nous  (et  la  lecture  de  l'article 
DcMonuEZ,  t.  lAll,  le  confirmera), 


(1)  Tel  est  le  sens  des  paroles  de  Maicaii- 
dier,  que  nous  ne  transcrivons  pas  mol  à 
moL  (Voy.  Histoire  parlcm.  de  la  rév.  fr., 
\\l\U201.) 

(2)  Marcandier  a  su  aussi  quelque  cliose  (Il 
Parfaire  de  Uouligny,  dont  il  estropie  le  vrai 
nom  en  rappelant  Uaubigni, 


MAB 

que  ces  agents  de  Danton  ne  perçus- 
sent alors  pour  le  duc  de  Brunswick 
et  pour  son  maîtie,  et  qu'ils  ne  tra- 
vaillassent  à    leur  façon  à  sauver  la 
chose  publique.  On  comprend  du  res- 
te que  ce  ne  sont  pas  là  de  ces  ex- 
ploits qui  prêtent  au  poème  épique, 
et  qu'on  a  dû  les  taire  à  ceux  qui  n'é- 
taient pas  à  la  hauteur  de  la  révolu- 
lion.  Nous  regrettons  que  Marcandier, 
au  milieu  de  tant  de  détails    irréfra- 
gables, et  qui  donnent  tant  d'autorité 
à  ses  révélations,  n'ait  pas  su  se  pré- 
server d'injures  qui  deviennent  inu- 
tiles quand  on   peut  jeter   à    la   face 
tant  de  faits  insuUants,  parce  qu'ils 
sont  plus  probants  que    des   injures. 
On  n'a   pas  besoin  de  nommer  scélé- 
rats et  brigands  les  hommes  capables 
de  commander  ou  accomplir  les  mas- 
sacres de  septembre;  nous  n'appelons 
7tioiistres  que  les  êtres  qui  présentent 
une  particularité  physique,  anormale, 
qui  empêche  la  plénitude  de  la  vie; 
le  surnom  de  Barabbas  donné  à  Panis 
est  peu  attique ,  et  Courier  n'eût  pas 
écrit  ainsi.  Ces  taches  cpii  ne  portent 
que  sur  le  style  et  sur  la  forme  sont 
peu  graves  à  notre  avis  dans  un   ou  - 
vrageoù  nous  ne  voyons  que  des  ma- ^ 
tériaux  pour  l'histoire.  C'est  donc  à  , 
juste  titre  que  la  brochure  de  Mar- 
candier a  été  réimprimée  dans  le  re- 
cueil dit  Histoire  parlementant  de  lai 
révolution  française  ;  mais  nous  soni-  > 
mes  loin  de  partager  favis  qu'expri- 
ment en  note  les  auteurs  de  la  collec- 
lion,  lorsqu'ils  trouvent  ce  pamphlet 
a  marciué  du  cachet  de  l'exagération 
la  plus  ouUée   »    en  dautres  termes 
comme  contenant  «  toutes  les  légcn- 
tlcs  qui  eurent  cours  sur  les  journées 
de  septembre,  toutes  les  exagérations 
dont  se  sont  seivisla  plupart  des  histo- 
riens ",  exagcraUons  qui  ne  semblent 
aux  deux  auteurs  «  rien  moins  que  cou 
formes  à  la  vérité   '.  Kn  conséquent.: 


?i^ 


}>IÀR 


)3 


['Histoire  des  hommes  de  pro'ie  ueat 
reproduite  que   parce   que  l'on  doit 
'•  metti-e   toutes   les   pièces   sous   les 
yeux  des  lecteurs  «.  Sous  persistons 
.raa%ré  cet  arrêt  à  penser  que  ce  n'est 
ni  par  l'exagération,  ni  par  cette  cré- 
dulité   puérile  qui  accueille  et  eme- 
;;isue  toutes  les  légendes,  que  pèche 
Marcandier,  mais  par  l'ignorance  né- 
cessaire oii  il  était  des  moyens  em- 
ployés pom"  sauver  la  chose  pubtitjiie, 
et  que,  raalgi-é  ce  défaut  inévitable 
alors,  l'Histoire  des  hommes  de  proie 
mérite  d'être  classée  plus  haut  qu'on 
ne  l'a  tait  parmi   les  documents  sur 
cette  période  de  transition  qui  s'étend 
du  10  août  au  25  septembre  1792.  Il 
nous  semble  certain  aussi  que,  si  1  é- 
ciit  qui  vaut  la  mort  a  sou  auteur 
nous  captive  plus  soleunellemcnt  que 
tout  autre,  VHistoire  des  hommes  de 
proie  a  droit  a  nous  intéresser.  Panis 
ne  dut  jamais  pardonner  à  Maican- 
dier  le  sobriquet  par   lequel  il  leni- 
plaça  son  nom  ;  si\  auties,  puissants 
pom'  le  mal  à  cette  époque,  avaient 
des  griefs  analogues  conlie  lui.   — 
Un  auti'e  Mabcasdier,  conseiller  à  lé- 
lection  de   Bourges ,   publia  un   Mé- 
moire sur   une   nouvelle    manière  de 
préparer  le  chauire.  1757,  in-12 ,    et 
un  Traité   du    chanvre,  Paris,  1758 
(2*  ëdit.    1795',  ;  plus  une  brochure 
intitulée  :  Questiou  importante  sur  l'a- 
griculture  et    le    commerce  ,    Paris  , 
1766,   in-12.   Le    Traité  du  chanvre 
donna  heu    à  des  critiques   dont  on 
peut  lire  la    réfutation  dans  les  Mé- 
moires   et  Observations  sur  la  Société 
économique  de  Berne.  P — Oi. 

MARCEiL,  évéque  d  Ancyre,  ca- 
pitale de  l'ancienne  Galatie  (aujour- 
d'hui Angora  dans  l'AnatoUe),  assista, 
en  314 ,  au  concile  tenu  dans  cette 
ville;  puis,  en  325,  au  premier  con- 
cile général  de  ?Jict-e,  oit  il  combattit, 
avec   autant  de  zèle  que  d'éloquence 


les   errem>  d'Arias.  Saint  Athanase  , 
persécuté  pai-  les  hérétiques,  trou%a 
en  lui  un  courageux  défenseur  aiL\ 
conciles    de    Tyr  et    de    Jérusalem; 
mais  il  ne  tarda  pas  lui-même  à  être 
en   butte   à  la  persécution.  Un  ti-aité 
<|u"il    avait   composé   conU-e   Asterc, 
sophiste,     surnommé    favocat      de» 
Ariens,   fut   condamné   par   ceux-ci 
comme  infecté  de  sabelliauisme ,  ac- 
cusation banale  qu'ils  poruient coulit: 
tous  les  pasteurs  oilliodoxcs.    Après 
l'avoir  dépose  de  son  siège  épiscopal 
en  336,  ils   y  fiient  monter  Basile, 
homme  savant ,  sur  lorthodoxic  du- 
quel les  écrivains  eiclésiasti(jues  ont 
variij,  et  qu'au  reste  il  ue  faut  pas  con- 
fondre avec  un  saint  prêtre  d' Ancyre. 
nommé    aussi    Ikisilc   (voj.  ce  nom  . 
LVn,  256),  maityrisé  sous  Julien  lA- 
{lostat.  Marcel  se  i-endit  à  Rome  au- 
près du  pape  Jules  1",  qui  reconnut 
son  innocence  et  la  pureté  de  sa  foi. 
Rétabli  par    le  concile  de  Sardique, 
en  347,  il  ne  put  cependant  reprendre 
possession  de  son  siège,  à  cause  des 
préventions  que  les  évèques  d'Orieni 
avaient    consei-vées    contre    lui.    De 
saints   docteurs   même,    de    savants 
personnages,   tels  que   saint  Basile, 
saint    Jean-Cbrysostôme,    saint   lli- 
laii-e,    saint  Jérôme ,    Sulpicc-Sévèr;- . 
trompés    par     les    accusations    des 
Ariens    et  par    quelques    expressions 
ambiguës  de  ses  écrits,  lui  ont  imputé 
des    doctrines    erronées  ;   et  ce   ({ui 
acheva  de  le  rendre   suspect  à  lem> 
veux  ,  c'est  qu  il  eut  le  nialhem-  d  a- 
voir   pour  diacre  l'héi-étique  Photin. 
Mais  le  témoignage  de  saint  Athanas*- 
et  le  Jugement  du  souverain  |>ontiié 
semblent   suffire    à    sa  justihcation. 
Marcel  momut,  fort  âgé,  en  374.  De? 
divei-s  ouvrages  qu'il  avait  composés, 
il  ne  reste  plus  que  des  fra{;juents  de 
son  Traité  contre   Astère  ,  cités    pai 
Eusèbe  de  Césarée  dans  la  rcfutation 


MAR 


MAR 


qu'il  a  faite  de  ce  livre;  une  Lettre 
adressée  au  pape  Jules  I",  rapportée 
par  saint  Épiphane,  et  une.  Profession 
de  foi  que  Marcel  envoya  à  saint  A- 
thanase  pour  dissiper  les  soupçons 
qii'on  lui  avait  inspirés  sur  sa  catho- 
licité. Cette  pièce  importante,  publiée 
par  Montfaucon  (Collectio  nova  Pa- 
trutn,  tom.  2),  n'a  pas  été  connue  du 
P-  Petau  ni  de  quelques  autres  écri- 
vains modernes,  qui  ont  continué 
d'accuser  Marcel  de  sabellianisme  ; 
car  l'évéque  d'Ancyre  y  condamne 
formellement  cette  erreur,  et  s'ex- 
prime dans  les  termes  les  plus  ortho- 
doxes. P — RT. 

MARCEL  (Etienne),  prévôt  des 
marchands  de  la  ville  de  Paris  sous 
le  règne  du  roi  Jean,  (l'oy.  ce  nom, 
XXI,  445).  On  ne  possède  aucun  ren- 
seignement sur  la  date  de  sa  nais- 
sance, mais  nous  tenons  pour  cer- 
tain qu'il  était  né  à  Paris  d'une 
famille  distinguée  dans  la  bourgeoi- 
sie ;  c'était  une  condition  nécessaire 
pour  être  appelé  à  cet  emploi  pen- 
dant toute  la  durée  du  XIV"  siècle. 
Nous  trouvons  dans  le  quartier  Saint- 
Paul  une  famille  de  ce  nom,  riche, 
considérée,  influente;  dor)t  plusieurs 
membres  furent  propriétaires,  éche- 
vins,  écuyers.  L'office  de  prévôt  et 
celui  d'échevin  conféraient  la  no- 
blesse: ils  pouvaient  tenir  fit'fs  en 
haut  lieu,,  user  et  jouir  des  honneurs 
de  noblesse,  porter  brides  d'or,  selon 
leur  fortune,  et  autres  accoutrements 
(lui  appai  tiennent  à  la  clicvalerie  , 
sortant  de  noble  et  antique  oriyim: 
Ces  privilèges  furent  enlevés,  rendus, 
selon  la  polititjue  des  temps,  et  Hni- 
rcnt  par  être  maintenus;  du  reste  ils 
étaient  peu  nécessaires  pendant  les 
deux  derniers  siè«;lc8,  où  les  prévôts 
de»  niarchan«ls  furent  presque  cons- 
tamment choisis  dans  des  familles  dé- 
jà jiobles.  lui  te  qui  concerne  la  no- 


mination des  prévôts  et  des  èchevins, 
elle    était    faite    par    les    trésoriers  , 
èchevins,   contrôleurs,  et  bourgeois 
notables  de  la  ville  de  Paris,  réunis 
en  assemblée  générale  le  lendemain 
de  la  fête  de  l'Assomption.  Une  fois 
élu  ,    le  nouveau    prévôt    des   mar- 
chands prêtait  serment  entre  les  mains 
du  connétable  de  France,  ou  de  tout 
autre  dignitaire,  suivant  les  diverses 
époques,  ou  suivant  l'état  politique 
de  Paris.  Après  ce  serment ,  le  pré- 
vôt allait  à  l'hôtel  Saint-Paul ,  ou  au 
Louvre  ,  et   recevait    son    office    (  le 
titre   de  sa  charge  )    des  mains  du 
ici  (i).   Les  membres  de  la  ifamil le 
dont  nous  avons  parlé  plus  haut,  eu- 
rent leurs  sépultures  dans  l'église  des 
leligieux  Célestins,  oii  leurs  noms  se 
trouvaient  inscrits  sm*  des  tombes  :  de 
Jacques  Marcel,  mort  en  1320,  fils 
de  Pierre  Marcel,  bourgeois  et  éche- 
vin  de   Paris;  d'Etienne  Marcel,  son 
frère,  mort  en  1319;  d'AgTiès  Marcel, 
tille  de  Jacques  et  femme  de  Poilvi- 
lain  (2),  morte  en  1340;  de  Garnier 
Marcel,  bourgeois,  et  d'Eudeline,  son 
épouse,  morts  en  13o2;  de  Gcoftroi 
Marcel,  mort  en  1397.  Nous  doutons 
que  le  prévôt   dont  nous  nous  occu- 
pons   appartint    à     cette   famille.    A 
la  vérité  Secousse  pense  que  Garnier 
Marcel  était  père  de  notre   Etienne, 
mais  il  y  a  dilférence  notable  entre 
f  écusson  des  armes  de  la  famille  en- 
terrée aux  Célestins  et  celui  du  pré- 
vôt. L'armoriai  des  prévôts  des  mai- 
cliands  de  Paris  indique  ainsi  les  ar> 
moiries  d'Etienne  :  vvw  d'a/.ur,  char- 


(1)  Les  choses  M!  passirtini  toujours  ainsi 
sous  la  royauté;  mais  auparavant,  sotis  l'adiiii- 
nisiration  roinaim- ,  cl  .\  partir  de  Til)ère,  les 
nanti,  (tefensurcs  cititalis,  xcaMnt,  prcrfccti 
classis,  les  pi-^vflls  des  marchands ,  les  mai- 
res, etc.,  avaient  constamment  offert  le  type 
d'un  gouvernement  populaire  ou  municipal, 

(2)  Probablement  celui  qui  fut  trésorier  du 
roi  Jean. 


MAB 


MAR 


45 


gé  de  trois  griffons  tl'or  giiinpants, 
une  bai-re  d'argent ,  losangée  de 
gueules,  coupant  ledit  écu  transver- 
salement. On  pourrait  supposer  que 
Marcel  se  créa  cet  écusson  a  l'instant 
où  il  ftit  élu  prévôt  des  marchands. 
La  funeste  bataille  de  Poitiers  venait 
d'être  perdue  (19  septembre  13o6X  le 
roi  Jean  était  prisonnier,  les  fuyards, 
ayant  en  tète  le  dauphin ,  prince 
faible,  chétif,  Agé  seulement  de  19 
an»,  arrivaient  à  Paris  et  plongeaient 
cette  \-ille  dans  l'effi-oi ,  annonçant 
qu'il  n'y  avait  plus  en  France  ni  roi, 
ni  noblesse,  que  tout  était  pris  ou 
tué.  Etienne  Marcel,  en  sa  qualité  de 
prévôt  des  marchands,  s'empressa  de 
pour\oir  au  premier  désordre.  On  de- 
vait croire  que  les  Anglais,  un  instant 
éloignés  pour  mettre  en  sûreté  leur 
capture,  ne  tarderaient  pas  à  mar- 
cher sur  Paris.  Le  sori  de  tout  le 
royaume  dépendait  peut-être  de  son 
occupation.  Pour  prévenir  les  surpri- 
ses de  nuit,  Marcel  fit  tendre  des 
chaînes  dans  les  rues,  garnir  les  murs 
de  parapets  où  1  on  plaça  des  balistes 
et  autres  machines  de  guerre ,  avec 
ce  qu'on  avait  de  canons.  Les  murs 
constnaits  sous  Phihppe  .\uguste  ne 
contenaient  plus  toute  la  population  ; 
elle  avait  débordé  de  toutes  parts  et 
il  fallut  se  hâter  d'élever  d'autres  mu- 
railles. Ces  précautions  prises,  le 
dauphin,  faisant  fonctions  de  lieu- 
tenant-général du  royaume,  s'occupa 
deréumr  lesKtats-généraux  que,  dès 
l'année  1355,  .Ican  avait  convoqués 
pour  obtenir  des  subsides  et  pour- 
voir ainsi  aux  frais  d'une  guerre  con- 
tre l'Angleterre ,  qui  n'avait  été  sus- 
p«idue  que  par  une  trêve  maintes 
fois  rompue,  puis  renouvelée  et  dont 
une  nouvelle  rupture  n'était  plus 
douteuse.  Cette  première  réunion  , 
où  Marcel ,  orateur  des  villes,  s'était 
déjà  signalé  par  des  i-emontrances  ar- 


rogantes, des  réclamations  séditieuses, 
n'avait  donné  aucun  résultat  utile; 
toutes  les  ressources  étaient  épuisées. 
Les  apparences  n'étaient  pas  favo- 
rables à  cette  nouvelle  convocation, 
qui  cependant  semblait  tellement  in- 
dispensable que  le  dauphin  l'avança 
d'un  mois  et  demi.  Il  allait  faire 
un  dur  apprentissage  de  l'art  de 
régner.  Les  États  se  i-éunirent  un 
mois  après  la  bataille,  le  17  octobre, 
dans  les  bâtiments  des  Cordeliers,  qui 
devinrent  le  foyer  de  la  sédition. 
Quatre  cents  députés  des  bonnes 
villes  s'y  trouvaient,  Marcel  à  leur 
tête;  la  plupart  des  évéques  n'y  étaient 
représentés  que  par  procureurs;  il  en 
était  de  même  des  seigneurs  qui  pres- 
que tous  étaient  prisonniers.  On  con- 
çoit l'ascendant  qu'allait  prendre 
dans  cette  assemblée  le  prévôt,  coa- 
lisé déjà  avec  le  sire  de  Picquigny, 
membre  trés-influent  de  la  noblesse, 
et  avec  Robert  Lecoq,  successivement 
avocat  à  Paris,  conseiller  de  Philippe 
de  Valois,  président  du  Parlement,  et 
qui,  s'étant  fait  évêque-duc  de  Laon, 
avait  acquis  l'indépendance  des  gi^ands 
dignitaii-es  de  l'église,  pour  augmenter 
le  nombre  de  ses  partisans.  Sous  le 
masque  de  la  religion  ,  Marcel  avait 
fondé  à  Kotre-Dame  une  confrérie 
dont  il  se  fit  le  chef,  et  dans  laquelle 
il  enrôla  tout  ce  qu'il  put  ramasser 
de  gens  mal  intentionnés  ;  il  tira  grand 
parti  de  cette  société  pour  traverser  les 
vues  du  dauphin  (3).  En  outre,  pour 
encourager  les  bourgeois  de  Paris  par 
la  vue  de  leur  nombre,  il  leur  fit 
porter  des  chaperons  mi-partis  rou- 
ges et  bleus,  et  il  écrivit  aux  bonnes 
villes  pour  les  inviter  à  prendre  ces 
chaperons.  Dès  l'ouverture  des  É- 
tats,  on  s'occupa  de  toute  autre  chose 
que  des  questions  proposées;  chacun 

',5)  Ce  ne  fut  qu'après  son  avènement  au 
trône  que  Charles  put  la  dissotidre. 


46 


MAB 


trouvait  quelque  vice  dans  ladrainis- 
tration,  chacun  demandait  des  réfoi-- 
mes  dans  le  royaume;  nul  ne  songeait 
aux  moyens  de  le  sauver.  On  sentit 
cependant  que  le  trop  grand  nombre 
des  députés  ne    permettrait    pas  de 
s'entendre,  et  l'on  forma  une  com- 
mission de  cinquante  élus,  choisis  par- 
mi les  plus  signalés  par  l'insolence  et 
la  témérité  de  leurs  déclamations;  ceux 
qui  attaquaient  avec  le  plus  de  vio- 
lence   les   magistrats,     les    officiers 
du  roi,   le   roi  lui-même,  réunirent 
tous   les  suffrages.  La  sédition,  con- 
centrée ainsi  dans  un  petit  nombre 
dirigé    par    Marcel,    n'en   fut    que 
plus  ardente.  On  y  rédigea  un  cahier 
des  représentations  à  faire  au  dauphin, 
et  des  réformes  qui  seraient  exigées 
comme  le  prix  des  secours  précaires 
qu'on  lui  accorderait.  On  lui  deman- 
dait la  délivrance  du  roi  de  Navarre, 
Charles-le-Mauvais,  emprisonné  par 
le  roi  Jean,  en  1355,   et  avec  qui  le 
prévôt  entretenait  depuis  long-temps, 
des  intelligences  secrètes;  on  exigeait 
la   destitution    et  la   mise    en   juge- 
ment de  ses  plus  fidèles  serviteurs,  de 
ses  conseillers  et  de  ses  minisU-es  les 
plus  expérimentés;  on  se  réservait  de 
lui  faire,  le  jom-  de  l'assemblée  défini- 
tive ,d'auties  requêtes  éfjalemeiU  utiles 
à  la  gloire  et  au  salut   de  la  France. 
Menacé  d'être  privé  de  tous  les  amis 
qui  jouissaient  de  sa  confiance,  et  ne 
voulant  pas  laisser  ruiner  l'autorité 
royale,  le  dauphin  assembla  son  con- 
seil,  et  s'y   rangea  a  l'avis   qui    fut 
unanimement    adopté    de   dore    les 
Ktats.   I*  jour    marqué   pour   celte 
mesure,  tous  les  membres  étant  ras- 
semblés «lans   la  chambre  du  Parle- 
ment, un  envoyé  du  prince  vint  in- 
viter plusieurs   «léputés   à  se  rendre 
auprès  de  lui  à    la   porte  du  palais  ; 
c'étaient  les  meneurs  des  trois  ordres. 
Après  quelque»  instants  <le  conféren- 


MAR 

ce,  ils  entrent,  et  le  duc  d'Orléans , 
frère  du  dauphin,  annonce   que  les 
nouvelles  reçues  du  roi  exigent  qu'on 
remette  au  jeudi  d'après  la  Toussaint 
(3    novembre)  la    clôture  des  Etats. 
L'assemblée  se  disperse,  et  plusieurs 
de  ses  membres  retournent  dans  leurs 
provinces  ;  les  autres,  et  surtout  les 
factieux,    restent    dans    l'espoir   que 
leur   triomphe  n'est   que  retardé.  A 
l'expiration  du  délai,  le  dauphin,  réu- 
nit au   Louvre,  avec   plusieurs    per- 
sonnes du   conseil  royal  et  de  son 
conseil  privé,   quelques  députés  des 
États,    toujours     choisis    parmi    les 
princi{>aux   séditieux.    Il  fut  résolu , 
nonobstant  les  réclamations  de  ceux- 
ci,  que  le  prince  différerait  d'enten- 
dre les  États  jusqu'à  ce  qu'il  connût 
la  volonté  du  roi.  Mais  les  finances  lui 
manquaient;  plusieurs  fois,  et  toujours 
eu  vain,   il  avait   sollicité   le  prévôt 
des  marchands  et  les  échevins  de  lui 
faire  octroyer  une  aide;  enfin  il  prit  le 
parti  d'envoyer  des  commissaires  dans 
les  différents  bailliages,  et,  pour  plu- 
sieurs, ces  voyages  ne  furent  pas  in- 
huctueux.  Pendant  qu'ils  agissaient, 
l'esprit  de  révolte  se  propageait  dans 
les  provinces  ;   le  dauphin  se  consu- 
mait à  Paris  en  peines  inutiles  :  le  pré- 
vôt y  dominait  en    souverain  ;    c'ë- 
lait    l'àme   de    la    faction.    Tous   les 
ambitieux,  à  quelque  rang  qu'ils  ap- 
partinssent,   ne   semblaient    secouer 
le    joug    de    l'autoiité    légitime    que 
pour  servir  Marcel,  qui  répandait  ses 
agents  dans    les   maisons,    dans  les 
places,  tlans  les  «arrefoui-s ,  partout 
où   pouvaient    se    trouver    quelque» 
I  assemblements  de  bourgeois  ou  dar-» 
lisans;  car,  dans  les  temps  de  trou- 
bles, la  manie   de  raisonner  sur  le 
gouvernement   hvre  aux  factieux  les 
esprits  grossiers,  qui  saisissent  le  pré- 
texte des  circonstances  pour  sexemp- 
i.r   d'un    travîul    nécessaire,  et   qui. 


MAR 

néanmoins,  poussés  par  le  besoin, 
s'imaginent  trouver  dans  une  révolu- 
tion, ou  le  salaire  de  leur  fainéantise , 
ou  le  moyen  de  faire  fortune.  Marcel 
ne  cessait  de  se  faire  prôner  à  la  mul- 
titude ,  comme  le  défenseur  des  droits 
<le  la  bourgeoisie,  l'ami  des  indigents, 
l'espoir  des  Parisiens;  lui-même  ne  se 
montrait  en  public  qu'environné  d'un 
cortège  nombreux  de  complices.  Le 
dauphin  qui  ne  pouvait  ni  réprimer 
ces  entreprises  par  la  force,  ni  obtenir 
aucun  accommodement  par  la  dou- 
ceur, s'étant  décidé  à  se  rendre  à 
Metz,  auprès  de  son  oncle,  l'empe- 
reur Charles  IV,  le  prévôt  qui  jus- 
qu'alors n'avait  agi  contre  le  gouver- 
nement royal  que  par  des  pratiques 
secrètes  et  des  discours  insidieux,  le- 
va le  masque  et  commença,  pour 
ainsi  dire,  les  hostiUtés  dans  Paris.  Le 
dauphin. avant  son  départ,  avait  or- 
donné la  fabrication  d'une  nouvelle 
monnaie  <^ont  il  espérait  un  profit 
considérable,  ce  qui  le  mettrait  en 
état  de  se  passer  d'un  secours  et  se- 
rait un  remède  à  lépuisement  des 
finances.  A  la  publication  de  cette  or- 
donnance, la  multitude  s'émeut  ;  Mar- 
cel, à  la  tête  des  plus  turbulents,  re- 
quiert le  comte  d'Anjou,  frère  et 
lieutenant  du  dauphin,  d'arrêter  l'é- 
mission des  nouvelles  espèces  ;  le  len- 
demain, il  rcN-ient  avec  une  foule  plus 
nombreuse  ;  on  le  remet  au  jour  sui- 
vant; il  retomTie  enfin  à  la  tête  dune 
troupe  de  mutin'*  encore  plus  nom- 
breux, sommer  le  comte  de  se  décider  ; 
il  fallut  céder  et  suspendre  la  fabri- 
cation jusqu'à  ce  que  le  dauphin  eût 
fait  savoir  sa  volonté.  Marcel  s'en  re- 
tourna triomphant  avec  sa  suite ,  qui 
disait  avec  un  rire  moqueur  •  qu'il  y 
•  allait  de  ne  pas  manquer  au  prévôt 
«  dans  toutes  ses  entreprises  ».  Le 
dauphin  revient,  et  jugeant  que  la  ma- 
jesté royale  ne  devait  plus  reculer  de- 


MAR 


47 


vant  la  sédition,  il  chaîne  l'arche- 
vêque de  Sens  et  plusieurs  de  ses 
conseillers  d'appeler  de  sa  part  Mar- 
cel à  une  conférence  près  de  Saint- 
Germain-l'Auxerrois.  L'audacieux  tri- 
bun s'y  rend  entouré  d'une  foule  de 
bourgeois  armés  à  découvert-  On  lui 
demande  de  lever  lempêchement 
que  les  Parisiens  mettaient  à  la  circu- 
lation de  la  monnaie  nouvelle  ;  il  ré- 
pond :  »  Ce  que  vous  demandez  est 
"  impossible;  que  monseigneur  n'af- 
«  fecte  pas  de  mettre  les  murs  de  son 
<•  palais,  ses  conseillers,  ses  courti- 
"  sans  et  sergents  du  Parlement 
"  entre  le  peuple  et  lui;  qu'il  traite 
«  loyalement  avec   les  sujets  du  roi, 

-  et  qu'on  sache  de  part  et  d'autre 
"  les  obligations  et  les  droits  de  cha- 
"  cun  ».  Le  comte  de  Roussy  ob- 
jecte »  qu'il  est  injuste  de  ravir  au 
«  dauphin  le  droit  du  monnoyage , 

«  véritable  domaine   du  roi ;  que 

«  l'on  couvre  trop  souvent  l'ambi- 
«  tion  particuUère  du  voile  de  l'intérêt 

•  public  ».  A  quoi  le  prévôt,  l'inter- 
rompant brusquement  ,  réplique  : 
«  Si  vous -êtes  venu  pour  nous  par- 
••  1er  d'une  nouvelle  monnaie,  tous 

«  vos  discoui-s  sont  superflus Les 

.'  habitants  des  bonnes  villes  et  sur- 
»  tout   ceux    de    Paris,    connaissent 

•  iears  privilèges  et  leiu^  fi'anchises  ; 

-  ils  sauront  en  être  dignes,  ils  pour- 
«  ront  montrer  qu'il  n'est  pas  sûr 
»  d'abuser  de  leur  obéissance,  que 
-<  si  on  voit  leurs  bannières  a  l'ar- 
«  mée,  ils  sauront  aussi  manier  lepëe 
K  contre  des  ennemis  intérieurs.  « 
Tandis  qu'il  parle,  ses  satellites  s'ani- 
ment de  moment  en  moment;  leuj' 
fureur  et  leur  insolence  perdant  toute 
retenue,  ils  profèrent  en  frémissant 
sourdement  la  menace  et  l'outrage  ;  ils 
brandissent  leurs  haches  d'armes  et 
leui-8  piques  ;  les  envoyés  du  prince 
sont  obligés  de  se  retirer.  Marcel  fait 


48 


MAR 


suspendre  le  travail  des  ouvriers;  il 
ordonne  aux  bourgeois,  aiLX  gens  de 
mëtiers  et  autres  de  prendre  les  ar- 
mes. Paris  allait  devenir  un  champ 
de   carnage;  on  désignait  déjà  plu- 
sieurs officiers  du  roi.   Après  avoir 
entendu    le    rapport    du    comte    de 
Roussy,    le    dauphin    est    réduit    à 
comprimer  l'indignation  qui  le  suf- 
foque ,  et  à  suivre  les  conseils  de  la 
prudence.   Il   se  rend  de  grand  ma- 
tin au  Louvre  et  dit  au  prévôt  des 
marchands  :  «  Qu'il  n'est  pas  mécon- 
"  tent,  qu'il  pardonne  tout,  qu'il  con- 
«  voquera  les  États  quand  on  le  vou- 
.,  dra,  qu'il  fera  arrêter  et  retenir  en 
»  prison  jusqu'au  retour  du  roi,  tous 
«  les  officiers  qu'on  lui  avait  désignés 
«  dans  la  précédente  assemblée,  en- 
»  fin    qu'il    renonce    à   la  nouvelle 
«  monnaie  ».  Le  prévôt  demande  des 
lettres-royaux  pour  garantir  la  foi  de 
ces  promesses;  quelques  jours  après, 
il    exige    encore   qu'on    envoie    des 
sergents    en  garnison  dans  les  mai- 
sons de  ceux  des  officiers  qui,  sacri- 
Hés    à    la  haine  du  peuple ,  avaient 
pris  la  fuite.  Le  dauphin  dut  souscrire 
à  tout.  Les  États  furent  de  nouveau 
réunis  le  5  février  1357.  Marcel  et  Lo- 
coq,  évêque  de  Laon,  présentèrent  le 
cahier  des  doléances  et  obtinrent  que 
chaque  député  les  communiquât  à  sa 
province,  avant  qu'elles  fussent  dé- 
battues. Leur  lecture  fut  suivie  d'une 
violente  crise,  chacun,  parmi  le  clergé 
et  les  nobles,  réclamant  quelque  pri- 
vilège, queUjuc  partie  d'autorité,  ou 
quelque  bien;    ils   n'allaient    à    rien 
moins  qu'à   ramener    la    monarchie 
au  temps  de  Hugues-Capet  et  de  ses 
premiers  successeurs.  Mais   rien  en- 
core n'avait   égalé  le  tumulte  et  les 
orages  «jui  s'élevèrent  dans    rassem- 
blée des  communes.  Marcel,  saisissant 
l'instant  oii  les  esprits  étaient  le  jJus 
t'ihauffés,  monte  à  la  tribune  etpro- 


MAR 

nonce  une  longue  harangue  qu'il  ter- 
?nine  en  disant  :  «  Il  faut  régénérer 
.!  la  France,  il  faut  réformer  tous  les 
«  vices  du  gouvernement ,  briser  nos 
«  entraves  et  nos  chaînes,  et  faire 
«  disparaître  les  honteuses  cicatrices 
«  de  la  servitude.  Mais  comment  dé- 
fi truire  les  maux,  si  l'on  n'en  exter- 
u  mine  les  auteurs  et  les  artisans?  » 
Et  il  nomme  les  victimes  qu'il  signale 
d'avance  à  la  vindicte  populaire.  En 
lisant  tout  au  long  cette  odieuse  phi- 
lippique,  on  se  figure  entendre  l'un 
des  plus  frénétiques    orateurs  de  la 
terreur    conventionnelle.    Aussi    se- 
rait-il difficile  de  décrire  l'exaltation 
et  le  déchaînement  des  députés  des 
villes  après  l'avoir  entendue  ;  les  deux 
autres  états  y  participèrent  dans  les 
conférences  générales  et  tous  atten- 
daient   avec    impatience    la   grande 
journée.  Les  chefs  de  parti  ne  ces- 
saient d'attiser  le  feu  de  la  séfUtion  ; 
les  rassemblements,  les  discours  ar- 
tificieux,   les    fausses    nouvelles,   les 
brillantes    promesses  ,    les  distribu- 
tions   d'argent,     tout    fut    mis    en 
œuvre.  Mais  les  deux  plus  infatiga- 
bles adversaires   de  l'autorité  royale 
étaient  l'évéque  de    Laon,  à  la  cour, 
et  Marcel  dans  les  commîmes.  Celui- 
ci,  d'une  humeur  sombre  et  violente, 
fourbe  sans  finesse,  ennemi  insolent, 
méprisant  la  vertu,  le  rang,  outra- 
geait ouvertement  tout  ce  qu'il  bais- 
sait, trompait  le  peuple  sans  le  flat- 
ter, et  ne  liait  ses  partisans  que  par 
l'intérêt    ou   la    terreur.   Lecoq,  non 
moins  séditieux,  mais  avec  plus  de 
sang-froid  et  de  souplesse,  principal 
a{'eut  de  la  faction,  eu  même  temps 
qu'il   était   conseiller   du    dauphin  , 
sapah  la    royauté   en    présence   du 
prince,  cl    souvent   par  ses  mains, 
alfoctail    un    air    de    dignité  ,    une 
certaine    observation    des    Ijienséan- 
ces    plus   injuiieuse   encore   que   la 


MâA 

brusque  dureté  de  Marcel  ■  l'un  épt- 
rait  mieux  dans  une  assemblée  déij- 
bérante,  ou  une  négociation;  l'autre 
poussait  avec  plus  de  vigueur  une 
entreprise  et  un  coup  de  main.  Le 
péril  effrayait  levéque,  ie.pimàÂmàf 
tait  Marcd;  quand  celui-ci  soa^mt 
à  prentlre  un  parti  extrême/ tecoq 
se  préparait  à  la  fuite.  L'un,  plus 
perfide,  conduisait  ses  enneiais  dan^ 
le  piège;  l'autre,  plus  sanguinairf. 
les  assassinait.  Ik'vorés  lim  rr  l'ntitrr 
d'ambition,   mais  Mai 

les  lionneurs  et  jaloux   ..  ,.  .  : 

la  puissance,  tous  deux  se  pcrfBreni 
par  leur  avidité  pour  l'argetit;  ils  ne 
savaient  pas  simuler  cet  adixMt  désin- 
téressement qui  semble  jnegliger  de 
s'enriclùr.  poui-  envahir  ensuite  plus 
sûrement  toutes  les  fortunes  arec 
le  pouvoir.  Ijcs  États-liénéraax  se 
léunirent  de  nouveau  le  3  mars,  et 
après  la  lecture  des  doléances,  lo- 
i-ateur  du  clergé .  Hobert  Lecoq  . 
se  chargea  de  les  développer  dan^ 
nue  harangue  (jni  était  en  même 
temps  un  sermon.  On  promettJit  an. 
dauphin  .30,000  hommes  Marnes, 
mais  à  l'expresse  et  préalable  condi- 
tion de  la  destitution  et  de  la  mise  en 
jugement  de  vingt-deux  ofticiers  du 
prince,  dont  l'orateur  lut  les  noms; 
j  ta  condition  enrorp  que  tous  les 
officiers  actuellement  vu  exercice 
tussent  dés  ce  moment  suspendus  de 
lem^s  fonctions;  que  les  denici^  a 
provenir  du  subside  qui  serait  aocur- 
dé  fussent  levés  et  disti-ibucs  paroles 
<léputés  que  les  Etats  éliraient  ;  qu  il 
ne  fût  fait  ni  paix,  ni  trève,  ni  con- 
vocation d'afwiipAuti,  que  du  con- 
sentement dek  tiliivËitats .  sans  que 
le  vote  de  denx  Fîtaîs  put  lier  le 
troisième;  enfin  qu'nne  nouvelh- 
monnaie  fût  faite  .  -^  mais  con- 
■•  forme  à  l'étalon  et  aux  patrons  qui 
-  :«ont  entre  les  mains  du  prév6t  de» 

LttIU. 


<ltiR 


49 


■  inaichands  de  Paris»  •.  I>e  bire  de 
Picquiguv  avoua,  au  nom  de  la  no- 
blesse, tout  ro  que  venait  de  dire 
Hobert   1  i  outre 

la  mise  en    ;  Navarre. 

fitienno    Marcel    s  avançant   ensuite, 
dit  :  H  J  approuve  an  nom  des  bon- 
«  ues  villes  et  des  comimmes  tout  ce 
<  qu'ont  dit  monseigneur •ftMaHif^ 
Uon.    et    après    lui    1iiiM%iiar 
"  Jean   <le   VinfÊi^fÈÈpiiâÊfi^l^tf>jftàt 
'  pi  cuve  de  ma  éÊfÊÊtfÊÊkè  l^'lMllÀ 
■"  avis,  je  me  démets  de  la  charge  de 
»  piévôt  des  marchands,  que  je   ne 
•■  (leoT'ni  garder  ni  exercer  légitime- 
"  ment  si  je  ne  la  tiens  de  la  volonté 
«  esjwesse  des  États.  C'est  aux  repré- 
•  sentants   de  la   nation    à   nommer 
»  ceux  que  la  nation  doit  a\Trir  pour 
«  juges   ".  A  la  lecture   de  ces  arro- 
gantes remontrances,  on  serait  tenté 
de  croire    qu'elles  datent    de  1792, 
à  la  diflwonce  près  que  Marcel  y  est 
quelque  chose  de   plus  que  Péthion. 
(yn  pense  bien  que   toute  cette  scène 
avait  été  concertée  d  avance  entre  les 
triumvirs.  Insulté  par  tout  ce  qui  ve- 
nait d'être  dit,  et  plus  encore  par  les 
raunnores  approliateui's  de   l'assem- 
blée,    le     dauphin    sentit    pourtant 
qu'il  fallait  céder,  mais  il  montra  par 
son  attitude  ferme  et  modelée,  aux 
bons  ce  qu'ils  avaient  à  espérer,  auï 
méchants  ce  qu'ils  devaient  craindre. 
Il    accorda  tout,  excepté    lélargisse- 
ment  du  roi  de   Navarre;  le   cahier 
des  doléances  devint  la  base  d'une 
ordonnance    dressée    sur-le-champ  . 
qu'il  signa  et  qu'il  fit  publier  le  même 
jour  dans  Paris.  Cette  grande  ordon- 
nance était  bien  plus  qu  ime  réforme. 
Elle  changeait  d'un  coup  le  gouver- 
nement; elle  mettait  l'administration 
entre  les    mains  des  Ktats,  enfin  elle 
substituait     la  république  à    la   mo- 
narchie ;  c'était,  en  d'autres    termes, 
lère de  la  liberté  du    2â  sept.   1792. 
4 


50 


MAR 


Dans  cette  dissolution  du  royaume , 
la  commune  restait  vivante;  Marcel 
reprit,  sous  l'autorisation  des  États , 
l'exercice  de   ses  fonctions,  ajoutant 
à  la  puissante  influence   qu'il   avait 
dans  lem-s  délibérations,  îa  facilité  de 
soulever  ou  d'apaiser   à    son  gré  les 
flots  de  la  multitude  ;  il  fut  pendant 
quelque  temps  le  monarque  le  plus  ab- 
solu dans  Paris.  Un  conseil  de  réforma  - 
tion  composéde 36  membres,  pris  dans 
le  sein  des  États,  avait  été  créé;  il  était 
devenu  le  seul  souvei'ain  alors  reconnu, 
et  s'était  hâté  de  frapper  les  grands 
coups;   mais,   dès  le  mois  de  juillet 
suivant,  presque  tous  les  ecclésiasti- 
ques et  les  gentilshommes  qui  en  fai- 
saient partie,  se  retirèrent  ;  les  autres, 
formèrent,  au  nombre  de  douze,  ce 
qu'on   appela   le    conseil    secret.  Ce 
n'était    plus  une    assemblée    légale, 
mais    un  conciliabule    de   quelques 
conjurés  dont   le   chef,    l'instigateur 
de  toutes  les  tentatives  séditieuses,  le 
plus  fécond  en  intrigues  et   en  res- 
sources,   était    toujours    Marcel.   Sa 
maison  restait  le  foyer  de  toutes  les 
conspirations  ;  la  multitude  ne  voyait 
que  par  ses  yeux,  n'agissait  que  par 
ses   ordres.  Le  dauphin,  croyant    le 
moment  favorable,    déclara  au  pré- 
vôt et  à  ses  complices   qu'il  voulait 
désormais  régner  par    lui-même;  il 
leur  défendit    de   se    mêler   des   af- 
faires du   royaume,    et    partit  pour 
aller    demander    aux    États     provin- 
ciaux de»  secours  d'hommes  et  d'ar 
gent.  Ctîtte  fierté,  cette  vigueui  jet- 
térent  d'abord  les  conjurés  dans    un 
grand  étonncment,  et  si  le  jeune  prince 
avait  sur-le-champ  convoqué  les  Ktats 
dans  une  autre  ville  que  Paris,  peut- 
être  eût-il  déterminé  en  sa  faveur  les 
esprits  encore  incertains  ;   mais    son 
absence  donna  aux  conjurés  le  temps 
de    revenir  «le   leur  surprise;  et  au 
retour  dece»  voyages,  dont  il  ne  retirw 


MAR 

aucun  fruit,   il   rentra  aussi  impuis- 
sant dans  sa  capitale ,  ou  plutôt  il  se 
livra  de  nouveau  à  ses  ennemis.  Mar- 
cel parut  le  recevoir  plus  par  généro- 
sité que  par  soumission  ;  il  y  eut  dans 
ses  hommages  quelque  chose  de  plus 
superbe  et  de  plus  ofténsant  que  dans 
une  révolte  déclarée;  les  haines  sem- 
blèrent assoupies;  on  promit  de  1  ar- 
gent au  dauphin,  en  le  priant  de  faire 
venir  les  députés  de  vingt  ou  trente        . 
bonnes  villes  pour  délibérer  sur  les        | 
besoins  du  royaume;  il  convoqua  les 
députés  de  soixante-dix  villes  qui  ob- 
jectèrent qu'aucune    décision    n'était 
possible  sans  la  réunion  des  trois  or- 
dres. Aux  lettres  de  convocation  écri- 
tes par  le  prince,  le  prévôt  eut  l'in- 
solence d'en  joindre  d'autres  en  son 
propre  nom.  ÎSon  content  d'exercer 
la  souveraineté  de  fait,  il  en  affectait 
l'orgueil,  et  refusait  un  secours  d'ar- 
{^ent  que  lui  demandait  le  dauphin, 
jusqu'à  l'assemblée  des  États-Généraux. 
Ils  se  réunirent  à  Paris,  le  7  novembre, 
et  dans  la  nuit  du  8  au  9,  le  complice 
de  Marcel,  le  sire  de  Picquigny,  en- 
leva par  un  coup  de  main  Charles- 
Ic-Mauvais  du  fort  où  il  était   enfer- 
mé. Marcel  avait  besoin  d'une  épée 
contre   les  gens  d'épéo  qui  environ- 
naiejit  le  dauphin,    d'un  prince  du 
.sang    contre   ce    prince   lui-même, 
aussi  le  roi  de  Navarre  devint-il  ponr 
lui  un  très-puissant  auxiliaire.  La  di- 
gnité royale  était  sans  cesse  offensée, 
»ous  les  rangs  étaient  confondus ,   les 
bienséances  d'état    oubliées,  les  lois 
violées,    les   anciennes  maximes  mé- 
prisées ou  détruites,  un  vertige  d'in- 
dépendance et  d'usurpation  avait  trou- 
blé tous  les  esprits  ;   mais  ce  n'était 
point  assez,  pour  le  prévôt  des  mar- 
chands; tout  l'odieux   des  tlésordres 
commis  jusqu'alors  nlombait  sur  lui 
et  sur  les  autjes  chefs  de  la  faction. 
On  n'avait  à  reprocher  au  peuple  qu« 


des  tentatives  ijeditieuses  ,  (les  t5gare- 
meuts  dont  il  pouvait  encore  revenir, 
tant  qu'il  n'aurait  pas  été  engagé  pai 
la  complicité  d'un  grand  crime,  tant 
qu'on  ne  l'aurait  pas  animé  dune 
aveugle  férocité ,  en  lui  laissant  pren- 
dre le  goût  du  sang.  Marcel  ne  pou- 
vait être  ni  content,  ni  Uanquille;  il 
tallait  qu'un  excès  de  rage  le  rassurât 
lontre  le  repentit-  de  la  multitude; 
il  ne  tarda  pas  à  en  saisir  l'occa- 
sion. Un  double  assassinat,  commiv* 
un  mois  auparavant,  l'avait  averti 
que  tout  .était  mûr  pour  son  de?*- 
sein.  Un  changeur  nommé  Perrin 
Marc  (  d'autres  écrivent  Macé  ),  ayant 
vendu  deux  chevaux  au  dauphin  et 
n'étant  pas  payé,  avait  rencontré  dan^ 
ta  rue  >euve-Saint-Mern ,  Jean  Baillct. 
trésorier  et  lun  des  plus  intimes  fa- 
miliers du  prince.  Une  dispute  s  élève. 
Perrin  tue  Baillet  dun  coup  de  cou- 
teau, et  se  réfugie  dans  l'église  Saint- 
Merry.Ému  de  colère  et  de  douleur,  le 
dauphin  envoie  aussitôt  llobcit  de 
Clermont,  maiechal  de  Normandie, 
Jean  de  Chàlons  et  Robert  8taisc , 
prévôt  de  Paiis  (4),  avec  un  graml 
nombre  de  gens  d'armes  qui,  malgré 
la  franchise  du  lieu .  en  bi  isent  les 
portes,  traînent  Penin  au  Chàtelet, 
lui  coupent  le  poing  et  le  Ibnt  pen- 
die.  L'évêque  de  Paris  se  plaignit 
bien  haut  de  cette  violation  des  im- 
munités de  l'église;  et,  prétextant  que 
Perrin  était  ecclésiastique,  il  obtint  son 
corps,  qu'il  fit  enterrer  à  Saint-Merr\ 
avec  beaucoup  de  solennité. 'Marcel 
assista  au  service  accompagné  d  uji 
grand  nombre  de  bourgeois ,  tan- 
dis que  le  dauphin  suivait  l'entene- 
raent  de  Baillet.  Une  collision  était 
imminente.  Cet  événement  s'était 
passé  à  la  fin    de  janvier  1358.  Le 

(4)  11  ne  faut  pas  confoodre  l'office  du  pré- 
vôt des  marchands  avec  celui  du  prévôt  d»^ 
Paris ,  qui  était  le  cbef  de  la  police. 


MAB  m 

22  février ,    tous    les    gens    de   mé- 
tier, mandes  par  le  prévct  des  mar- 
chands, .se  rassemblèrent  en  armes: 
des  meneurs  envoyés  par  lui  d  avan- 
ce    dans    les    différents     quartiers, 
avaient  eu   soin  d  échaufter   le*  es- 
prits.   U    harangue    la    multitude    et 
quelques  distributions  d'argent,  ajou- 
tées à  ses  discours,   achèvent   de  la 
soulever  en  sa  faveur  ;  il  e.^t  salué  paj 
des  cris  prolongés.  Accompagné  des 
cchevins  et   suivi   de  ses  plus  zélés 
partisans,    dont  les    chaperons    mi- 
partis  se  distinguent  par  des  agrafes 
émaillées  de  vermeil  et  d'azur,  au  bas 
desquelles  sont  gravés  ces  niot«  :   <'< 
bonne  fin  (ce  qui  signifie  qu'ils   lui 
.sont  dévoués  envers   et  contre  tous, 
à  la  vie  et  à  la  mort;.  Marcel  ouvre 
la   marche.    La   troupe   s  avance    en 
désordre,    brandissant    des    piques, 
des  épées,  des  pioches,  des  faux,  de^ 
haches  ;    lair  retentit  d'imprécations  ; 
la  populace    grossit   de  moment  en 
moment  ce  cortège,  sans  autre  motif 
que  de  voir,  ou  de  prendre  part  au 
tiouble:  tout  présage  un  grand  crime 
et  de  grands  malheurs.  A  l'approche 
de  Saint-Landiv,  des  cris  s'élèvent  ; 
«  C'est  Renaut  d'Acv,    c'est  im  des 
tvrans  rétablis  contre  le  peuple ,  c'est 
lui  qui  prétend  étie  avocat-général 
au  mépris  des  Etats  !  »  On  se  précipite 
sur  lui  et  il  tombe   percé  de  mille 
coups.  Enfin  la  tourbe  airive  au  pa- 
lais,   dont   la    porte  est    forcée;  elle 
inonde  les  coiu-s,  les  escaliers,  les  ap- 
partements ;  le  prévôt  enti-e  avec  ses 
satellites  dans  la  chambre   du  dau- 
phin ,  auprès  duquel  sont  ses  con- 
seillers ordinaires,  Robert  de  Clei- 
mont,   maréchal    de  >»orniandie,    et 
Jean  de  Conflans,  maréchal  de  Cham- 
pagne. Marcel  lui  dit  aigrement  qu  il 
doit   mettre    ordre    aux    affaires   du 
royaume  qui  doit  lui   i-evcnir  et    le 
garder   des   compagnies    <|ui   gâtent 
4. 


52 


MAB 


tout  le  pays.  I^  prince   lui  répond 
d'un  ton  plus  ferme  que  de  coutume  : 
,  Je  le  ferais  volontiers,  si  j'avais  de 
<,  quoi  le  faire,  mais  c'est  celui  qui  a 
»  les  droits   et    les  profits  qui  doit 
*  avoir  aussi  la  garde  du  royaume  t., 
n  y  eut  encore  échange  de  quelques 
paroles  aigres;  puis  le  prévôt  éclata  : 
^  Seigneur,  mon  duc,  dit-il,  ne  vous 
..  effrayez  pas,  nous  avons  une  exé- 
,,  cution   à  faire  ici;   car    il  est  or- 
,  donné  et  il  convient  qu'il  soit  fait 
,  ainsi.  »  Puis  se  retournant  vers  ses 
sicaires  aux  capuces  rouges,  il  leur 
dit    :   «  Faites  en  bref  ce   pourquoi 
0  vous  êtes  venus  ».  A  l'instant  ils  se 
jettent  sur   le  maréchal    de    Cham- 
pagne,   brave    chevalier,    mais  qui, 
alors  sans  armes,   se  débat    vaine- 
ment et  est  massacré   aux  pieds  du 
dauphin,  sur  lequel  on  dit  même  que 
le  sang  rejaiUit.  Le  maréchal  de  Nor- 
mandie  s'était  réhigié   dans  un  ca- 
binet voisin;  il  y  est    poursuivi   et 
égorgé.    Tous     les   gens    du   prmce 
avaient  fui;   éperdu,    il    tombe  aux 
pieds  de  Marcel   et  lui  demande  la 
vie;   l'insolent    conspirateur   lui  ré- 
pond qu'il  n'a  rien  à  craindre;  il  re- 
tire le  chaperon  mi-parti  dont  il  est 
coiffé  et  le  met  sur  la  tête  du  dauphin, 
dont  il  prend  à  son  tour  le  chaperon 
orné  de  franges  d'or;  et  il  en  reste 
effrontément  paré  toute  la  journée. 
Après  ce    double  assassinat,  il  couit 
à  la   place   de  Grèves  où    l'attendait 
une  foule  de  gens  en  armes;  et,  d'une 
fenêtre   de   l'Uôtel-deA'ille ,   il   pro- 
nonce   une    longue    harangue    dont 
nous  nous  bornons  à  extraire  quel- 
ques  phrases  :     «    Parisiens,    noun 
-  venons  de    faire  un  grand  exem- 
.  pie  et    de  prendre  un  grand   en- 
*  gagoment...  Le  peuple   lassé    s'est 
a  levé   enfin  contre  ses  oppreascursv 
û  Son    glaive   vient    de    hàtcr    une  , 
»  ju>*UciJ  trop  lentt  eJL  d'immoler  i  U 


MAK 

'i  liberté  les  principaux  instigateurs 
«  de  la  tyrannie.  C'est  moi  (je  ne 
u  crains  pas  d'avouer  ce  que  j'ai  fait, 
u  ce  que  j'ai  cru  devoir  faire  pour  la 
u  patrie) ,  c'est  moi  qui  ai  conduit  les 
.(  coups.  Décidez  maintenant  si  j'ai 
«  mérité  l'infamie  ou  l'estime,  l'écha- 
..  faud  ou  l'honneur  de  vous  condui- 

»  re Vous   avez    depuis  quelque 

«  temps  reconquis  vos  franchises;  le 
a  peuple  vient  de  les  cimenter  par  le 
«  sang    de   ses    ennemis;    montrez- 
«  vous  dignes  de  soutenir  un  si  géné- 
»  reux  effort  ;  que  les  nobles,  que  les 
..  officiers  royaux  renouvellent  leurs 
V  affronts ,  s'ils  l'osent ,  eu  voyant  le 
<.  châtiment!...  n  De  nombreuses  voix 
lui  répondent    en    déclarant  faux, 
mauvais  et  traîtres  ceux  qu'on  venait 
de  massacrer,  et  jurent  que  les  Pari- 
siens sont  résolus  à  vivre  et  à  mou- 
rir avec  le  prévôt    des    marchands. 
Après  s'être  assuré  de  la  populace , 
Marcel  retourne  auprès  du  dauphin, 
qu'il   trouve   morne  et  consterné;  il 
l'exhorte  «  à  ne  pas  trop  s'affliger  de  la 
«  mort  de  quelques  perfides.  Tout  ce 
"  qui  vient  de  se  passer  a  été  fait  par 
tt  lavolont<;dupeuple,au  nom  duquel 
..  il  lui  demande  de  ratifier  tout,  et 
0  d'accorder  un  pardon  absolu ,  sup- 
u  posé  qu'il  en  soit  besoin.  «  Le  mal- 
heureux   prince  ,     hors    d'état     de 
discuter  et  de   se  défondre,  accorde 
tout,  priant  même  les  Parisiens  d'être 
de  ses  amis ,  et  promettant  d'être  des 
leurs.  Sur   cette  promesse,  le  prévôt 
se  retire  et  lui  envoie  deux  pièces  de 
drap  rouge    et  pers,    pour  taire  des 
chaperons  à  tous  les  gens  de  la  cour. 
Le    dauphin    et   son    ft-ère ,    toutes 
les    personnes  de   sa   famille   et   de 
sa  maison   durent  dès-lors  porter  les 
livrées    de  la  faction.    Plus  le    coup 
était   hardi,  plus    il  fallait    d'audare 
et  d'activité  pour  en  assurer  les  c(  • 
Çi-is.  Se  fortifier  des  .«♦cour*  les  pluv 


MA» 

puissants,  dépouiller   ses  adversaire^i 
de  leurs  emplois  et  de  leurs  fortunes, 
persécuter  à  outrance  les  plus  redou- 
tables, combler  ses  amis  de  richesses 
et  d'honneurs,  teuter  les  ambitieux, 
effrayer  les  timides ,  entraîner  les  in- 
différents, tels  fui-ent  désormais  les 
soins  de  Marcel.    Le   lendemain,   il 
manda  aux  députés   des  villes  de  se 
réunir   aux    Augustin»  ;   plusieurs    y 
\Tnrent    et   trouvèrent    aussi  convo- 
qués les  bourgeois  de  Paris,  dont  un 
assez  grand  nombre  était  en  armes. 
Ainsi   entourés,    les  députés    placés 
dans  l'alternative ,  ou  de  parler  con- 
tre leur  conscience,  ou  d'exposer  leur 
vie,  cédèrent  à  la  pem-  et  approuvè- 
rent tout  ce   qui   avait   été   tait.  Le 
prévôt  alla  ensuite  à  la  chambre  du 
Parlement,    environné   des   gens   de 
sa  faction,  les  uns  armés,  les  autres 
sans  armes,  et  requit  le  dauphin  de 
faire  exécuter  toutes  les  ordonnances 
antérieurement  promulguées  par  les 
États    pour    le     gouvernement     du 
royaume,  et   de   substituer  à   quel- 
ques  personnes  de  son  conseil  trois 
ou  quatre  bourgeois  qu'on  lui  dési- 
gnerait; obligé  de  tout  entendre,  il 
accorda  tout.  Quatre  jours  après  l'as- 
sassinat des  deux  marécliaux,  le  roi 
de  >'avan"e  fit  son  entrée  dans  Paris. 
Marcel  vint  aussitôt   le   prier  de  de- 
mander justice  sur  toutes  ses  préten- 
tions et  ses  griefs,  et  de  manifester 
pubUquement  son    approbation    des 
meurtres;    le    Navarrois    promit    de 
suivre  ces  conseils.  A  peu  de  jours  de 
là,  le  prévôt,  Charles  Consac,  éche- 
vin,   Robert   de  Corbie,  député,  qui 
avait  attribué  aux  conseillers  du  dau- 
phin tous  les  malheurs  du  royaume, 
et  Robert  Delisle,  un  des  chefs  les 
plus  fougueux  de  la  rébeUion,  entrè- 
rent  au  conseil  du   roi.  C'est  alors 
que    le  prince   qiù    avait    gouverné 
jusque-là  comme   lieutenant  du  roi. 


MAB 


»3 


fut  solennellement  proclamé  régent- 
Le  but  de  Marcel  et  de  se«  complice* 
dans  ce  changement  était  é\ident. 
Ornant  la  ncUme  pour  l'immoler, 
ils  préparaient  ainsi  une  grande  révo- 
lution. Le  nom  du  roi  allait  être,  par 
une  nouvelle  formule ,  supprimé  de 
tous  les  actes;  on  éteindrait  peu  à 
peu  jusqu'à  sa  mémoire;  il  devien- 
drait ensuite  plus  facile  de  détrô- 
ner un  régent  sans  crédit,  sans 
force  et  sans  appui.  On  serait  en  ou- 
tre secondé  par  le  monarque  anglaiis 
qui  ne  pouvait  ({ue  gagner  aux  trou- 
bles de  la  France.  Mais  le  jeune 
prince  pressentait  ces  criminels  pro- 
jets des  conjurés ,  et  il  était  bien  ré- 
solu de  punir  leurs  attentats.  Lee 
États  de  la  province  de  Cliampagne 
avaient  été  convoqués  à  Provins,  il 
s  y  rendit;  et,  après  avoir  énergiquc- 
H>ent  peint  l'état  déplorable  du  royau- 
me, sans  déclarer  encore  ses  inten- 
tions et  sans  vouloir  pourtant  mé- 
nager les  conspirateui's  en  présence 
des  Champenois  dont  ils  avaient  mas- 
sacré le  maréchal,  il  termina  son 
discours  en  disant  :  -  Si  j'ai  accepté 
i  dernièrement  un   titre  plus  grand 

0  d  honneur  et  de  puissance,  je  n'ai  piu» 
<t  oublié  ce  que  je  dois  à  mon  père,  ce 

1  que  je  dois  à  la  France.  Je  ne  suis 
<i  et  ne  veux  rester,  quelque  titre  que 
u  je  porte,  que  le  lieutenant,  le  pre- 
«  niier  sujet  du  roi,  le  premier  de» 
^  citoyens;  j'ai  l'âme  d'un  Français  et 
•i  l'expérience  du  malheur.  ^  Deux 
orateuis  parisiens  qui  étaient  venu* 
à  cette  réunion,  ayant  prié  les  États 
de  faire  avec  la  ville  de  Paris  une 
étroite  alliance,  le  comte  de  Bresne 
prit  la  parole  et  demanda  au  régent 
si  monseigneur  dp  Conflans  avait  mé- 
rité par  quelque  crime  la  mort  cruelle 
qu'il  avait  subie ,  ajoutant  qu'il  ne 
doutait  pas  que  les  Normands  ne  rem- 
plissent le  même  devoir  à  l'égard  de 


oî. 


Ua^ 


Robert  de  Ckrmont;  à  quoi  le  régent 
répondit  :  »  Que  ces  deux  seigneurs 
l'avaient  toujours   bien  et  fidèlement 
servi.  «    Le  comte  de  Bresne,    s'age- 
iiouillanl,    le   remercia    et  ajouta    : 
,.  Que  les  Champenois  espéraient  bien 
«ju'il  punirait  ceux  qui  avaient  tué  ses 
amis.  »     Les     États    se    terminèrent 
ainsi.  Les  deux  députés  de  Paris  se 
retirèrent   humiliés  et  furieux.    Une 
Fois  que  Marcel  et  les  chefs  de  la  fac- 
lioii  virent  le  régent  hors  des  murs 
(le  la  ville,  ils  forcèrent  le  château  du 
Louvre  et  y  mirent  garnison  ;  ils  en- 
levèrent toutes  les  machines  de  guerre 
qu'ils  purent  y  trouver,  pour  les  placer 
tant  à  rnôtel-de-Ville  que  dans  d'au- 
tres endroits.  Le  prévôt  enleva  aussi 
une  grande  quantité  d'artillerie  que 
le  régent  faisait  venir  par  la  Seine,  et 
il  lui  "écrivit  des  lettres  injurieuses  qui 
étaient  une  véritable   déclaration  de 
guerre.  Le  prince  y  répondit  par  une 
infatigable  activité  et  une  grande  vi- 
gueur. Les   États-Généraux  devaient 
se   rassembler   à    Paris,    te    1"    ma« 
13o8.   Le  régent   leur  commanda  de 
se  rendre,  le  4,  auprès  de  lui  à  Com- 
piégne.  Cette  mesure  déconcerta  les 
Parisiens.  Tout  ce  qtie  leur  ville  con- 
tenait de  plus  distingué  dans  la  no- 
blesse et  le  cleigé  s'en  était  retiré.  Le 
peuple,  aussi  prompt  à  perdre  courage 
au  premier  revers  qu'ardent    à   tout 
braver  dans  la  révolte,  arrivait  à  cal- 
culer la   mesure   de   la  punition  sur 
les  degrés  des  attentats.  Marcel  et  ses 
amis,  voyant  que  tout  chancelait  au- 
tour   (Feux,   tâchèrent  de    conjurer 
l'orage;  à  leur  prière,  l'IIniversilé  en- 
voya au  prince  une  députation  pour 
flc(^hir    sa    colère.     «  Assurant   qu'ils 
..  étaient  prf-ts  à  lui  donner  tontes  les 
«  satisfactions  qu'il  exigerait,  pourvu 
«  qu'il  ne  demandât  la  mort  de  per- 
u  sonne  ».  I-e   régent  accueillit  avec 
bonté  ces  dtipntés  cl  leur  dit  :  ■  Qu'il 


MÀ« 

n  bc  contenterait  qu'on  lui  hvràt  dix 
..  ou   douze ,  ou  même    cinq  ou  six. 
■  des  plus   coupables;  que  leur  vie 
..  serait  en  sûreté;  qu'après  cette  mar- 
u  que  de  soumission  ,  il  n'hésiterait 
„  pas    à    lendre    aux    Parisiens    ses 
«  bonnes    grâces  -•.    Marcel    et  ses 
principaux  adhérents,  se  jugeant  eux- 
mêmes,   ne  se  fiaient    pas  à  la  clé- 
«nence  du  prince,  mais  ils   voyaient 
ses  forces  s'augmenter    de  jour  en 
jour;  ils  ne  perdirent    pourtant  pas 
courage  et  essayèrent  encore  d'obte- 
nir une  capitulation  qui  ne  fût  pas , 
comme  ils  le  craignaient ,  l'arrêt  de 
leur    supplice.    Cependant  les   États 
étaient    réunis    à  Compiégne;  et  les 
décisions  qui  y    furent  adoptées  pré- 
sentent, par  leurs   résultats,  ime  des 
plus  grandes  et  des  plus  importantes 
époques  de  notre  histoire.  Le  comte 
de   lîresne  y  prit  la  parole  :  il  mon- 
tra d'un   côté  l'héritier   légitime  de 
la    couronne  avec  les    prélats   et    le 
clergé,  les  princes  des  fleurs  de  lys, 
ses  comtes,  ses  barons,  ses  chevaliers 
et    les  habitants   des  bonnes   villes, 
dignes  du  nom  français:  et  de  l'autre 
Marcel  et  l'échevin  Consac   à  la  tête 
d'une  populace  furieuse,  enrichis  de 
concussions,    conims    seulement  par 
des    révoltes    et     des    forfaits  ,     se 
,  royant  maîtres  de    la  France  parce 
«pi'ils  tenaient  les   murs  de  Paris,  et 
il  ajouta  :  <•  Monseigneur,  nous  som- 
..  uïcs  tous  prêts  à  vous  aider  de  nos 
u  biens  et  de  nos  épées,  pour  assié- 
-  <;er,   pour    repousseï    l'ennemi,   et 
,  pour  la    liberté  de   votre  auguste 
.  père,  notre  seigneur  et  maître  ". 
Il  termina    par  une   violente    apos- 
trophe contre  l'évêque  de  I^on,  qm 
:nalt  eu  l'audace  de  se  présenter  à 
celte   assemblée,   qui   courut    risque 
«l'y  être  maltraité  et  se   retira  secrè- 
tement à  Saint  -  Denis ,    d'où   il   en- 
vova  demander  à  Marcel  une  escorte 


MAR 

pour  se  rendre  à  Paris.  Le  prévôt, 
auquel    se»  partisans   araient  appris 
les  lois  rigoureuses  portées  dans  les 
États  de  Coropiégne   et   les  menaces 
dont  il  avait  été  l'objet,  vit  bien  que 
le  désespoir  était  son  seul  refuge  et 
qu'il  n'aurait  à  transiger  qu'au  prix 
d'une  mort  sanglante,  il  acheva  le» 
murs  de  Paris  sans  épargner  les  cou- 
vents qui  touchaient  à  son  enceinte  ; 
il  s'empara  de  la  tour  du  Louvre;  il 
envoya,  le  8  mai,  Jean  Donati,  un  de 
ses  agents,  à  Avignon,  avec  2000  flo- 
rms  d'or  au  mouton,  pour  y  acheter 
des  armes  et  v  lever  des  brigands.  Il 
avait  aussi   déjà   réuni    à   Paris,   dit 
FYoistart,  un  grand  nombre  de  gens 
d'armes  et  soudoyers,  Kavarrois  et 
Anglais,    archers  et   autres    compa- 
gnons;   aventuriers    sans   discipline, 
sans    loi,    sans    religion ,   avides    de 
butin,   ennemis   de  tout    le  monde. 
L'effroi  était  tel  dans  cette  ville  que  les 
bourgeois   avaient    offert    à    Notre- 
Dame    une   bougie    qui,   suivant   le 
chroniqueur  de  Saint-Denis,  avait  la 
longueur  du  tour  de  la  ville;  la  ter- 
reur était  encore    plus  grande  dans 
les  campagnes.  A  cette  époque,  une 
nouvelle  espèce  de  guerre  intestine, 
un    dernier    Beau    vint    frapper    la 
France.  Chassés  de  leurs  maisons  qui 
étaient  pillées  et    incendiées,   mou- 
rant  de  faim  et  de  misère,  les  pay- 
sans se  révoltèrent  contre  les  noble» . 
principaux  auteui's  de  tant  de  désas- 
tres ;   le    soulèvement  fut  général  et 
simultané   dans  tous  les  pavs  de  la 
langue  d'oil,  sans  complot,  sans  m6- 
rae    aucune    correspondance .     sans 
autre  moyen  de  ralliement  que  l'ex- 
cès du  malheur   commun.   C'est  ce 
que  l'histoire  a  nommé  la  Jacquerie. 
Nous     nous     abstiendrons  de  cher- 
cher  l'origine  de  cette  dénomination, 
nous  bornant   à    dire  qu'on   appela, 
par  dérision ,  le  pavsan  Jacques  Bon- 


55 

homme,  et    que    leur    réunion   était 
collectivement  désignée   les  Jacques. 
Les  nobles  qu'ils  égorgeaient    n'au- 
raient jamais  voulu  croire  à  une  telle 
audace  ;  ils  en  avaient  ri  tant  de  fois, 
quand  ils  avaient  voulu  les  traîner  à 
la  guerre  !   le  dicton  ordinaire  chez 
eux  était  :  *  Oignez  vilain,    il   voas 
•  poindra  ;   peignez    vilain,   il   vous 
«  oindra  '■  •  Mais  cette  diversion  devint 
utile  à  Paris,  et  Marcd  ne  manqua  pas 
de  la  mettre  à  profit  ;  il  avait  intérêt  à 
soutenir  les  Jacques.    Ils  étaient  déjà 
maîtres  de   la  ville  de  Meaux  ;  ils  en 
assiégeaient  le  marché,  espèce  de  ci- 
tadelle  située  entre  deux  bra»  de  la 
Marne  et   où  s'étaient  réfiigiées  l'é- 
pouse ,  la  sœur  et  la  tante  du  régent 
avec  une  foule  de  nobles  dames,  àe 
demoiselles  et  d'enfants.   Pour   venir 
en  aide   aux  Jacques  dans   cette  ef- 
froyable expédition,  Marcel  leur  en- 
voya huit  cents  hommes  sous  la  con- 
duite du  prévôt  des  monnaies  et  d'un 
épicier  de   Paiis.    Un    secours   ines- 
]>éré,  sous  le  commandement  du  com- 
te  de   Foix   et  du    captai   de    Buch, 
sauva  du  massacre  les  assiégés,  et  sans 
doute    une    très -grande    partie    des 
auxiliaires  parisiens  périt  dans  la  dé- 
route complète  des  assaillants  ,  dont 
plus  de  sept  mille,  de  neuf  mOle  qu'ils 
étaient,  restèrent  sur  place.  La  nou- 
velle de  cette  défaite  fut  un  coop  de 
foudre   pour   les    rebelles  parisiens  ; 
le  décoinagement   de\'int  général  et 
pénétra  jusque   parmi    les    hommes 
d'armes  et  les   soudoyer  du  prévôt, 
qui   n'eut   plus  pour   appui  que  les 
chefs  du  parti  et  une  populace  mer- 
cenaire.  Il  fiant  toutefois  rendre  jus- 
tice à   l'habileté  qu'il   déploya  poui- 
prévenir  la  famine  au  miheudel'entière 
dévastation  des  campagnes  environ- 
nantes.  Il    s'était  allié  aux  Jacques  ; 
il  s'allia   ensuite   à   leur  destructeur, 
Charles-Ie-Mauvais,  et  lui  fournit  beau- 


S6 


MAB 


coup  d'argent.  C'était  avec  la  cavalerie 
de  ce  prince  qu'il  lui  fallait  conserver 
quelques  routes  libres,  tandis  que  le 
dauphin  occupait  la  rivière  ;  il  fit  con- 
férer le   titre  de  capit^ûne    de  Paris 
au  roi  de  Navarre,  qui  prêta  serment 
de  bien  et  loyalement  gouverner  les 
Parisiens,  de  vivre  et  de  mourir  avec 
eux  et  de  les  défendre  jusqu'à  la  mort. 
Pourtant  il   y  jouit  d'une  très-faible 
influence,    car  les    bourgeois  lui  en 
voulaient  d'avoir  détruit  les  Jacques , 
et  soupçonnaient  que   leur  capitaine 
ne  faisait  pas  grand  cas  d'eux  ;  d'ail- 
leurs les  vivres  devenaient  de  jour  en 
jour  plus  rares  ;  les  arrivages  étaient 
interceptés  par  le  régent  qui  occu- 
pait Cbarenton  avec  trois  mille  laji- 
ces;  Cbarles-le-Mauvais   leslait  inac- 
tif :  les  Parisiens  le  sommèrent  de  les 
défendre,  de  sortir,  d'agir  enfin  d'une 
façon  quelconque.  Les  deu.\  princes 
eiuent  une  longue  et  secrète  confi;- 
rence;  on  offrait  au   roi  de  îs^avarre 
quatre   cent    mille    florins  ,    pourvu 
qu'il  livrât   Paris  et  Marcel  ;  il  se  fai- 
.sait  marchander  par  les  deux  partis; 
mais  les  Parisiens,  animés  par  les  ins- 
tigations de  Marcel,  soutenaient  coutr<> 
le  dauphin  de  trop  orgueilleuses  pré- 
tentions; le  prince  promettait  de  l'ar- 
gent, mais  le  prévôt  en  doimait;  toutes 
les  semaines   il  en  envoyait  à  Sainl- 
I3enis   deux  charges  pour   payer  les 
troupes  du  Navarrois,  qui  l'engageait 
il  multiplier  ces  envois  dont  il  rendrait 
bon  compte.  De  tant  d'argent   levé , 
Marcel  n'en  gardait-il  pas  un  boime 
part?  (Jela  est  bien  probable.  Il  ne 
craignait  rien  tatit  (pie  de  se  brouiller 
avec  ce  perfide  allié,  (juipourLmt  ve- 
nait  déjà  de  signer   son  traité  avec 
le   régent.    I,e8   bourgeois    de    Paris 
voyaient  de  mauvais  oeil  des  merce- 
naires du  roi  de  INavarre  restés  dans 
leur  ville  po^ir  y  manger  leur  ar^'eut. 
U  >•  eut  d««  batteries  :  on  en  tua  une 


MAB 

soixantaine;  Marcel  sauva  les  autres 
en  les  emprisonnant,  puis  les  renvoya 
la  nuit  suivante  à  Saint-Denis  ;  les  Pa- 
risiens le  lui  pardonnèrent  d'autant 
moins  que  les  Navarrois  poussaient 
leurs  courses  et  exerçaient  leurs  pil- 
lages jusqu'aux  portes  de  la  ville  ;  on 
n'osait  plus  en  sortir,  ils  finirent  par  dé- 
clarer au  prévôt  qu'ils  voulaient  châ- 
tier ces  brigands.  Pour  leur  com- 
plaire ,  il  les  fit  swtir,  et  toute  la  jour- 
née du  22  juillet  ils  comurent  vers 
Saint-Cloud.  Le  soir,  ils  revenaient 
fort  las ,  l'un  portant  son  bassinet  à 
la  main,  l'autre  à  son  col,  les  autres 
traînant  leurs  épées  ou  les  portant 
en  écharpe.  Au  fond  dun  chemin,  ils 
furent  assaillis  par  quatre  cents  hom- 
mes; en  vain  prirent-ils  la  fuite  à 
toutes  jambes;  sept  cents  périrent 
avant  d'atteindre  les  portes.  Cette  dé- 
confiture porta  au  plus  haut  point 
l'exaspération  contre  Marcel;  c'était. 
(hsait-oH,  sa  faute;  il  était  rentré  avant 
eux,  il  ne  les  avait  pas  soutenus; 
probablement  c'était  lui  qui  avait 
averti  l'ennemi. Le  prévôt  était  perdu: 
sa  seule  et  dernière  ressource  était 
de  se  livier  au  roi  de  Navarre ,  avec 
Paris  et  tout  le  royaume,  s'il  pou- 
vait. Le  plus  grave  historien  de  I  épo- 
({ue,  le  continuateur  de  Nangis,  té- 
moin oculaire,  et  du  reste  favorable 
à  Marcel,  avoue  qu'il  avait  promis 
au  prince  de  lui  remettre  les  clefs 
de  Paris  ,  pour  (pi'il  s'en  rendit 
maîlie  ,  et  se  défît  de  tous  ceux 
qui  lui  étaient  opposés  ;  leurs  portc^ 
étaient  marquées  d'avance  ;  le  régent 
devait  fître  proscrit.  Le  Navarrois. 
couronné  roi  de  Fiance  par  l'évéque 
(le  Laon,  devait  faire  hommage  au 
roi  d'Angleterre,  (pu,  si  l'on  en  croit 
Vilhini, s'était  engagea  l'aider  de  tontes 
.SCS  forces  afin  de  lui  assurer  la  pos- 
session du  royannuî,  et  à  iaire  déca- 
piter   le    r(»i   .lean.    La    ntiit    du    31 


MAR 

juillet  au  1"  août  était  fixée  pour 
qu'Etienne  Marcel  livrât  la  ville. 
Jusque-là  il  avait  consulté  les  éche- 
vins  sur  toutes  ses  entreprises;  mais 
il  vovait  que  plusieurs  de  ses  com- 
plices ne  songeaient  qu'à  se  sauver 
en  le  perdant.  (>?lui  des  échevins 
qui  s'était  le  plus  comj)romis,  son 
coiBi)êre  ,  Jean  Maillart  lui  avait 
cherché  querelle  ce  jour-la  même. 
Maillart  s'entendit  avec  deux  chefs 
du  parti  du  dauphin.  Pépin  des  t^- 
sarts  et  Jean  de  Chamy,  et  tous  trois, 
avec  leurs  hommes,  se  rendirent  un 
peu  avant  minuit  à  la  hastillc  Saint- 
Denis,  où  ils  trouvèrent  le  prévôt,  les 
clefs  de  la  porte  en  ses  mains.  <«  Etien- 
"  ne,  lui  dit  Maillart,  que  faites  vous 
>•  ci,  à  cette  heure?  "  Marcel  lui  ré- 
pondit :  "  Jean,  à  vous  qu'en  monte 
»  de  savoir;  je  suis  ci  jK>ur  prendre 
«  garde  de  la  ville  dont  j'ai  le  gouver- 
o  nement.  —  Pardieu,  répliqua  Mail- 
«  lart,  il  ne  va  mie  ainsi,  mais  n'êle> 
«  ci  à  cette  heure  pour  nul  bien .  et 
«  je  le  vous  montre,  ajouta-t-il,  a 
^  ceux  qui  étaient  de  lez  (près)  lui, 

-  comment  il  tient  les  clefs  des  por- 

-  tes  en  ses  mains  pour  u-ahir  la 
»  ville  •.  Le  prévôt  des  marchanda 
s'avança  et  dit  :  "  Vous  mentez.  — 
«  Pardieu,  répondit  Jean  Maillart, 
"  vous  mentez  <>.  Et  tantôt  dit  à  ses 
gens  :  »  A  mort,  à  mort  tout  hoiunie 
«i  de  son  côté,  car  ils  sont  traîtres!  r 

-  lA  eut  un  grand  hutin  et  dur;  et  s'en 

•  fût  volontiers  ftii  le  prévôt,  s'il  eût 
pTi  ;  maisil  fut  si  hâte  qu'ilne  put.  Car 

•  Jean  Maillart  le  férit  d'une  hachesur 
'  la  tête,  et  ne  se  partit  de  luijusqua 

le  qu'il  fut  occis  et  six  de  ceux  qui  là 
étaient,  et  le  demeurant  pris  ei  en- 
«  voyé  en  prison.  "  Selon  une  version 
plus  vraisemblable  de  Froissart,  ce 
ne  fut  pas  Maillart,  mais  Jean  de 
Charny  qui  porta  le  premier  coup.  Telle 
fut  la  fin  do  l'homme  qu'on  peut  ap- 


peler  le  plua  audacieux  conspirateur 
des  temps  modernes,  puisqu'il  con- 
çut tous  les  complots  ou  y  concou- 
rut .  et  qu'aucun  ne  fut  exécuté  san.»» 
son  active  participation.  M.  rsaudet  a 
publié,  en  iS\o:  Conjuration  JEtieH- 
ne  Marcel  contre  l'autorité  royale,  ov 
Histoire  des  Etats- Généraux  de  Lt 
France,  pendant  les  années  13oo  - 
13o8,  in-80.  L— s— D. 

M.VRCËLLIS  :Onio:.),  peintrr 
hollandais,  naquit  en  1613.  xVvant 
de  se  rendre  en  Italie,  il  séjourna 
long-temps  à  Paris ,  oii  la  reine  Anne 
d'Autriche  le  combla  de  faveurs,  il 
passa  de  là  en  Toscane,  où  le  grand- 
duc  le  retiut  également  d'une  ma- 
nièi-c  honorable.  Après  avoir  visite 
Naples  et  une  partie  de  l'Italie,  il  s'éta- 
blit à  Rome,  et  bientôt  il  put  à  peine 
suffire  aux  ouvrages  qu'on  lui  deman- 
dait. Son  talent  était  de  j>eindre  des 
plantes,  des  insectes  et  des  reptiles. 
KtantretournéenHollande,  il  vint  habi- 
ter Amstei-dam,  et  foi  ma  près  de  cette 
ville  une  espèce  de  ménagerie  où  il 
nounissait  avec  soinlesanimauxdnnt 
il  oniait  ses  t.'ibleaux.  Ses  plante.> 
sont  d'un  très-beau  choix;  il  y  place 
ordinairement  des  couleuvres,  des 
araignées ,  des  chenilles,  des  papil- 
lons, qu'il  copiait  toujoui-s  d'aprc> 
nature,  ce  qui  donne  à  toutes  se> 
productions  \m  degré  de  vérité  qui 
prouve  qu'il  n'y  a  j)oint  de  geiu-e  a 
dédaigner  lorsqu'on  v  excelle.  Mar- 
cellis  mourut  à  Amsterdam,  en  1673. 
P— s. 

iLVRCELLL'S  (  Marie- Ix)i:i*-Ai:- 

tîlSTK  DEMAR715   DC   TvT.AC,   COmtC  0e)  . 

d'une  famille  ancienne,  originaire  du 
Périgord,  naquit  en  1776  au  château 
de  Marcellus  en  Guienne.  et  fut  fait 
chevalier  de  Malte  en  naissant.  Sa 
mère  périt  sur  l'échafaud  révolution- 
naire» Bordeaux  en  1794,  et  il  fui 
crondamné    par  les   mêmes    j"ges     1 


38 


MAR 


^tre  détenu  jusqu'à  la  paix.  Après  le 
18  fructidor  (4  sept.  1797  )  ,  il  fut 
déporté  en  Espagne  comme  inscrit 
sur    la    liste    des    émigrés,  quoiqu'il 
n'eût    pas    quitté    la    France.    Cette 
inscription  avait  été  faite  pendant  sa 
détention   dans  les  prisons  de  Mar- 
mande  et  de  Bordeaux.  Revenu  en 
France  dans  le  courant  de  la  même 
année,   le  comte  de  Marcellus  vécut 
dans   la    retraite    jusqu'au    12   mars 
1814,   époque    à  laquelle  étant   allé 
joindre  le  duc  d'Angoulême  à  Bor- 
deaux, avec  son  fils  aîné,  il  fut  nom- 
mé par  ce   prince   membre  de  son 
conseil.    Il   se  trouvait   encore  dans 
cette  ville  au  1"  avril  1815,  lorsque 
la  duchesse  d'Angoulême  y  fut  aux 
prises  avec  les  troupes  révoltées.  Il 
seconda  cette  princesse   de  tous  ses 
moyens,  et  se  retira  ensuite  dans  la 
terre  dont.il  portait  le  nom.  En  août 
1815,    il  fut  nommé  à  la  Chambre 
des  Députés   par  le  département  de 
la    Gironde,  et  siégea   constamment 
avec  la  majorité   royaliste.   Au   mois 
de  janvier   1816,   il   fit   partie  de  la 
commission  chargée  de  présenter  un 
rapport  sur  la  proposition  tendant  à 
supprimer  toutes  les  pensions    dont 
jouissaient  les  prêtres  mariés  et  ceux 
qui  avaient  abandonné  le  sacerdoce. 
Ix«   31    du    même    mois  ,    il  recom- 
manda    à     l'assemblée    la    réclama 
tion     faite     par     les     chevaliers     de 
Malte ,    des    bien»    non    vendus    de 
leur  ordre.  Le  même  jour,  la  tUiani- 
brc  ayant   déclaré ,  sur  la  demande 
de  i.  Michaud,  que  les  arméesjroyalcs 
de  la  Vendée,  de  l'Ouest  et  du  Midi, 
avaient  bicu  mérité  de  la    patrie  ,    il 
proposa  d'ajouter  à  ciîtte  déclaration , 
(jue  la   ])atiie  adopterait   les   onfanls 
du  marquis  Louis  de  Earochejaijue- 
Icin,   tué  le  i  juin  1815   à    la   tête 
de  l'armée  royale.  Ce  fut  encore  lui 
qui  proposa ,  dans  la   séance  du  24 


MAR 

février,  d'ordonner  l'impression  de  la 
dernière  lettre  de  la  reine  Marie- An- 
toinette, que  l'on  venait  de  découvrir 
dans  les  papiers  de  Courtois,  et  de 
l'adresse  de  la  Chambre  au  roi,  en 
exprimant   le    désir   que    ces  pièces 
fussent  envoyées   à  toutes  les  com- 
munes pour  être  déposées  dans  leurs 
archives.  Convaincu  de  la  nécessité 
d'asseoir  la  religion  sur  des  bases  so- 
lides, Marcellus  monta  à  la  tribune 
dans   la  séance  du  23  avril,  pour  y 
plaider  la  cause    du  clergé  ,  et  vota 
en   faveur  du  projet  de  loi  présenté 
par  le  ministre  de  l'intérieur.  En  gé- 
néral ,  il  vota  dans  toutes  les  discus- 
sions importantes  avec  la  majorité  de 
cette  époque,  et  fit  don  au  roi>  dans 
le  mois  de  juillet,  de  la  totalité  de  sa 
taxe   à   l'emprunt    de  cent    millions. 
Réélu  à  la  fin  de  cette   année  par  le 
même  département,  il  commença  cette 
session  comme   la  précédente,    par 
invoquer  la  protection  de  la  Cham- 
bre en  faveur  de  l'ordre  de  MaUe,  ré- 
clamant ses  biens  non  vendus;  et,  le 
24-  décembre,    il  parla  de  nouveau 
sur  la  nécessité  de  rendre  aux  minis- 
tres des  autels  le  droit  de  recevoir 
et  de  posséder.  LeGjanv.  1817,  lors 
de  la  discussion  relative  au  projet  de 
loi  [sur  lesélections,  Marcellus  combat- 
tit avec  beaucoup  de  chaleur  l'art.  7, 
qui  appelait  tous  les  Français  jouis- 
sant des    droits  civils  et  politiques, 
âgés  de  ticute  ans  et  payant  300  fr. 
de    contributions,  à     concourir    aux 
élections  des  députés.  Dans  la  séance 
du  5  février,  il  proposa,  par  im  dis- 
cours, dont  l'impression  fut  ordon- 
née, la  diminution  de  la  taxe  sur  le 
sel,  et  combattit   la  vente  des  biens 
réunis  au  domaine  de  l'État,  comme 
injuste    et     impolitique.    I^    18    du 
même  moU,  il  demanda  cpi  à  chaque 
session  des  t;hand)rcs,  les  ministres, 
en  présentant   leur  budget,  donna»- 


MAR 

sent  letat  des  pensions  quils  auraient 
payées,  afin  que,  s'il  y  avait  surabon- 
dance dans  les  fonds  qui  leur  au- 
raient été  alloués,  cette  surabondance 
fût  versée  au  trésor  roval,  et  tournât 
au  profit  de  l'État.  Le  5  mars,  il  dé- 
fendit avec  chaleur  l'inviolabilité  des 
biens  ecclésiastiques ,  dont  l'article 
11  du  titre  xi  du  projet  de  loi  sur 
les  finances  n'offrait  aucune  garantie 
suffisante.  Cet  article  était  ainsi  con- 
çu :  "  La  portion  (des  bois  de  l'Etat) 
«  résenéc  (pour  la  dotation  des  éta- 
■  blissements  du  clergé)  sera  prise 

•  dans  les  grands  corps  de  forêts.  » 
Marcellus  insista  pour  qu'il  fût  ré- 
digé de  la  manière  suivante  :  «•  La 
"  portion  réservée  pour  la  dotation 
"  des  établissements   religieux,   seia 

•  composée  uniquement  de  tous  les  bois 
••  qui  leur  ont  anti-efois  appartenu... 
»  Si    mon    amendement   est    écarté, 

-  dit-il,  et  que  le  titre  reste  tel  qu'il 
»  est,  je  dois  à  ma  conscience  de 
"  déclai-er  que  je   voterai    par    une 

-  boule  noii-e  contie  le  budget.  » 
Après  le  renouvellement  de  la  Cham- 
bre par  Fordonnance  du  5  septembi-e 
1816,  le  comte  de  Marcellus  vota 
avec  la  mhiorité;  mais  il  prit  peu 
de  part  aux  discussions ,  si  ce  n'est 
lorsqu'il  crut  les  intérêts  de  la  reli- 
gion compromis.  Quand  un  nouveau 
concordat  avec  le  pape  ftit  présenté 
aux  Chambres  en  1817,  ayant  été 
nommé  membre  de  la  commission 
chargée  de  faire  un  rapport  il  crut 
de  son  devoir  d'éciire  .i  Sa  Sain- 
teté pour  lui  demander  ce  qu'il  avait 
à  faire.  I.a  réponse  que  lui  adressa  le 
pontife  est  peu  connue;  cependant 
elle  est  d'un  très  -  haut  intérêt  pour 
l'histoire  ,  et  nous  croyons  de- 
voir la    rapporter    ici  tout  entière  . 

-  Notre  cher  fils,  salut  et  bénédiction 
«  apostolique.  On  nous  a  remis  votre 

-  lettre,  par  laquelle  vous  nous  cn- 


.NL\r, 


:>9 


"  vovez  une  copie  des  amendements 

-  qu'a  subi&,  dans  b  commission  de 
«  la  Chambre  des  Députés  dont  voufi 

-  êtes  membre,  la  loi  que  nous  avons 
"  appris  avec  douleur  avoir  été  pro- 
«  posée,  au  nom  de  S.  M.,  sur  la  con- 
»  vention    passée    entre   le   i-oi    tixïs- 

-  chrétien  et  nous,  loi  dont  l'examen 

-  a  été  confié  à  ladite  commission. 
"  Nous  avons,  notre  cher  fiis,  admiré 
«  votre  zèle  pour  la  religion  catholi- 

-  que,   vos  soins  empressés  |>our  ia 

-  coii8ei"ver  et  la  défendre,  votre  rcs- 

-  pect    enfin    et    votre    dévouemf-nt 

-  pour  le  siège  apostolique,  benis.'^anl 

-  donc  le  |)ère  des  lumières,  qui  vou.s 
«  a  muni  et  fortifié  par  ces  g^and^ 
^  sentiments  de  piété,  nous  nous  lià- 

-  tons  de  vous  affenuir  encore  pai 
«  cette  voL\  de  la  vérité,  que  vous  rr- 

-  connaissez  avoir  été  donnée  à  notre 

-  faiblesse  par  une  tradition  divine, 

-  et  que  vous  réclamez  avec  tant  de 
«  confiance,  pour   que,  dans  la  dis- 

-  cussion   épineuse    dont    vous    éte> 

•  chargé,  elle  soit  un  flambeau  qui 
«  éclaire  vos  pas  et  les  retienne  dans 

•  les  sentiers  de  la  droiture  et  de  la 
«  justice.  Mais  si  tous  ces  motifs  nous 
«  ont  causé  une  joie  sensible,  nous 
«  avons  éprouvé  une  vive  douleur  en 

-  voyant  les  changements  que  vous 
"  nous  mandez   avoir  été  introduits 

•  par  la  susdite  loi.  Sans  doute,  avec 
"  votre  caractéie  si  avide  de  la  vérité, 
«  vous  ne  pouvez  point  ne  pas  recon- 
t  naîti-e  qu'il  est  tout-à-fait  déplacé 
"  que  ces  décisions  données  sur  des 
«  matières    religieuses   par   le    siège 

-  apostolique,  après  s  être  conceité 
«  avec  le  roi  très-chrétien,  soient  en- 
•*  suite  soumises  h  la  délibération 
'^  d'un  conseil  de  laïques,  quelqtie  il- 

•  lustre  qu'il  puisse  être.  Si  en  outre 

-  vous  examinez  tant  soit  peu  les  cor- 
.■  rections  proposées,  vous  venez  sans 
.•  peine  que  les  articles  répréhensi- 


60 


MAR 


«  blés  de  cette  loi,  ou  n'ont  pas  été 
"  corrigés  comme  ils  devaient  l'être, 
«  ou  ont  été  entendus  d'une  manière 
"  plus  fâcheuse  encore,  ou  qu'enfin 
«  ils   restent  tels    qu'ils   étaient;    de 
«  sorte  qu'il  est  évident  que  cette  loi, 
u  amendée  comme  vous  nous  le  faites 
"  connaître,  est  contraire  à  notre  con- 
"  cordât  et  à  quelques-uns  des  droits 
"  les  plus  sacrés  de  l'église.  Que  si 
«  quelques-unes  des  dispositions  ([ui 
«  V  sont  énoncées  se  sont,  de  temps 
H  à  autre,  glissées  par  abus,   chacun 
«  voit,  sans  un  long  examen,  quil  y 
«  a  certains  maux  qu'on  tolère  quel- 
«  quefois,  par  nécessité,  pour  en  pré- 
«  venir    de  plus  grands,   mais  qu'ils 
«  ne  sont  pas  approuvés  pour   cela. 
«  îious  avons  cependant  l'espoir,  par 
"  la  connaissance  que  nous  avons  de 
u  la  religion  du  roi  très-chrétien,  dé- 
«  jà  excitée  par  nos  avertissements 
<i  paternels,  qu'il  appellera  le  remède 
«  convenable  à  un  si  grand  mal,  afin 
»  que  la  convention  conclue  d'après 
«  ses   propres  vœux,  heureusement 
"  sanctionnée,  et  bien  plus,  mise  déjà 
«  à  exécution  de  notre  part,  dans  tout 
"  ce  qui  peut  dépendre  de  nous,  soit 
•j  religieusement  observée,  et  la  loi 
u  entièrement  retirée.  Du  reste,  nous 
•<  attendons  de  votre  piété,  de  votre 
«  prudence,  de    votre    zèle  pour   le 
«  bien  de  la  religion,  tjue,  revêtu  de 
li  la  justice  comme  d'une  cuirasse , 
"  vous  vous  opposerez  avec  courage 
"  à  la  loi  proposée;  que  vous  em- 
"  ploierez    tout  votre   crédit,    toute 
«  votre  autorité  et  toute  votre  habilo 
'<  té,  pour  prorurci- la  lilue  et  prompte 
«  promulgation    (U    exécution    fidclc 
«  du  concordat.  C'est  pour  l'heureux 
"  succès   «le  c<;tte   affaire,   que   nou.s 
.  vous  accordons,  notre  cher  (ils,  avec 
«  affection,   la  bénédiction  apostoli- 
»  que,  gage  de  la  protection  de  Dieu. 
0  Donné  à  Home,  près  Sainto-Maric- 


MAR 

«  Majeure,  le  23  février  1818,  année 
(.  dix-huitième    de    notre  pontificat. 
«  Pie  vu.  »  Comme  la  Chambre  des 
Députés,  renouvelée  par  suite  de  l'or- 
donnance de  dissolution  du  S  septem- 
bre 1816,  était  alors  sous  l'influence 
du  parti  révolutionnaire,  le  nouveau 
ministère  n'osa  pas  insister  ;  la  loi  fiit 
retirée  et  la  France  resta  sous  le  ré- 
gime du  concordat  de  Napoléon  où 
elle  est  encore,  {voy .  Pie  vu  au  sup.). 
Le  comte  de  Marcellus  réuni  à  la  mi- 
norité   prit    encore    la   parole    dans 
quelques  occasions  importantes,  no- 
tamment contre  l'admission  de  Gré- 
goire et  à  l'occasion  de  l'assassinat  du 
duc  de  Berri,  puis  dans  l'indignation 
que  lui  causa  un  jour  la  pétition  d'un 
M.    Arbaud:    "  Trop   profondément 
u  frappé,  dit-il,  par  les  termes  dans 
^  lesquels  est  conçue  la  pétition  qui 
i>  vous  est  soumise  pour  pouvoir  me 
u  livrer  à  des  considérations  qui  lui 
..  seraient  étrangères,  je  me  bornerai 
«  à  exprimer  en  peu  de  mots  les  sen- 
u  timents  qu'a  fait  naître  en  mon  âme 
«  cette  étrange  pétition.  Ainsi  donc, 
u  ce  n'est  plus  sous  le  voile  insidieux 
u  d'expressions  enveloppées,  dont  le 
^  sens  au  reste  n'est  obscur  que  pour 
u  ceux  qui  s'obstinent  à  ignorer  la  ré- 
i  volution  ;  ce  n'est  plus  sous  les  ap- 
u  parences  spécieuses  et  perfides  de 

-  liberté,  de  </»oi/-s  des  peuples,  de  to- 
u  téranct  ,  de  philosophie ,  que  les 
«  ennemis  du  trône  cachent  leurs 
u  projets  !  ils  ne  se  déguisent  plus  ; 
u  ils  parlent  ouvertement  et  sans  fi- 

-  gure  :  ils  disent  tout  ce  qu'ils  pen- 

-  sent  ;  ils  révèlent  tout  ce  qu'ils  tra- 
a  ment.  Qu'est-ce  qui  pourrait  en  of- 
u  fot  les  intimider  ?  îS'iiisulte-t-on  pas 
.>  impunément  tout  ce  qu'il  y  a  de 
.  plus  auguste  ?  Ne  blasphêmc-t-on 

-  pas  tout  ce  qu'il  \  a  de  plus  sacré  ? 
a  La  religion  de  l'ctat,  bannie  des 
,>  lois  de  l'état,  n* est-elle  pas  tous  le> 


MAR     4 

»  jours  outragée,  et  dans  le*  pam- 
"  phlets,  et  dans  les  discours,  et  jus- 

-  que  dans  le  sanctuaire  des  lois  ?  Le 

•  signe  auguste  et  sacré  devant  le- 

•  quel  la  rébellion  a  toujours  pâli  (un 
■:  exemple  illustre  vient  de  le  prouver 
«.  encore),  n'a-t-il   pas  été  proscrit, 

•  comme  si  l'on  voulait  forcer  le  ciel 
»  d'être  inexorable  envers  la  terre  ? 

-  Faut-il  donc  s'étonner,  quand  le 
»  vrai  Dieu  est  chassé  de  la  législa- 
4  tion  de  la  France,  qu'on  ose  deuian- 
«  der  de  chasser  le  vrai  roi  de  son 
>•  gouvernement;  et   que  /<i  religion 

•  de  la  seconde  majesté  soit  raécon- 
»  nue,  quand  la  source  de  toute  ma- 
u  jesté  est  blasphémée  ?....  Je  livre  ces 
«  rétiexions  à  votre  sagesse,  mes- 
i  sieurs,  et  je  n'ajoute  qu'un  mot: 
«  attaquer  la  i-oyauté  en  France,  c'est 
■i  aussi  blasphémer.  Souvenons-nous 
a  d'une  noble  parole  de  l'héroïne  (1) 
4  dont  le  nom  et  les  exploits  font  la 

-  gloire  de  nos  annales  :  Le  roi  de 
a  France  est  lieutenant  des  deux  >■. 
Nommé  pair  de  France  le  23  nov. 
1823,  le  comte  de  Marcellus  continua 
Je  voter  avec  les  royalistes,  dans 
cette  nouvelle  Chambre ,  jusqu  à  la 
révolution  de  1830.  A  cette  éjXKjue, 
ne  voulant  pas  prêter  serment  au 
nouveau  gouvernement,  il  donna  sa 
démission  et  se  retira  à  Marcellus,  oit 
il  ne  s'occupa  plus  que  de  httératiire. 
de  ses  devoirs  de  piété  et  de  l'éduca- 
tion de  ses  enfants.  Il  y  mourut  le 
25  décembre  iHM.  Le  comte  de  Mar- 
cellus avait  épousé,  en  1795,  la  fille 
de  M.  de  Plis,  son  oncle,  député  du 
côté  droit,  à  1  Assemblée  constituante, 
et  qui  périt  sur  l  "échafaud  révolution- 
naire, en  1794.  On  a  de  bii  :  L  Le  cri  de 
la  vérité,  chanson  patriotique,  Paris, 
1822,  in-8".  IL  Lettres  a  MM.  les  rédac- 
teurs de  la  Buclie  d'aquitaine,   1822, 

(1>  Jeanne  d'Arc. 


MAR 


61 


In-S".  m.  Lettres  sur  (Angleterre,  en. 
juin  1823,  Paris  1823,  in-8''.  IV. 
Lettres  sur  Chamhord,  écrites  à  la  Bû- 
che d'Aquitaine,  Paris,  1824,  in-8*. 
V.  Lettre  sur  Pétrarque  au  journal 
des  DébaU.  Paris,  1824,  in-8°.  VL 
Conseils  d'un  ami  ù  U7i  jeune  homme 
studieux.  Paris,  1825,  in -8°.  VII. 
Odes  sacrées,  idylles  et  poésies  diver- 
se$,1825,  in-S".  On  trouve  dans  ce 
recueil  im  petit  poëme  sur  \Ail,  qui 
n'est  qu'une  ingénieuse  plaisanterie 
dont  les  journaux  révolutionnaires  se 
sont  quelquefois  moqués.  Vm.  Pa- 
raphrase en  forme  d'ode  sacrée  du 
psaume  CXXIII  ,  appliquée  à  ta 
mort  douce  et  sainte  de  M.  le  due 
Mathieu  de  Montmorency  ,  Paris , 
1826,  in-18.  IX.  Voyage  dans  les 
Hautes-Pyrénées, dédié  à  S.  A.  R.mon- 
seigneur  le  duc  de  Bordeaux ,  en  prose 
et  en  vers,  Paris,  1826,  in-8^  X. 
Odes  sacrées  tirées  des  quinze  psaumes 
graduels  paraphrasés  en  vers  français  ; 
du  psaume  CXIV  appliqué  à  la  mort 
de  monseigneur d'Aviau,  archevêque  de 
Bordeaux;  des  hymnes  Fexilla  et  Pan- 
gelingua,  Paris,  1827,  in-18.  XL  Can- 
tatessacrées,  tiréesde  l'Ancien  etdu  Sou- 
veau  Testament,  Paris,  1829,  in-8'*. 
XII.  Première  communion  d'un  jeune 
exilé  (ode),  Montpellier,  1832,  in-8*. 
À'III.  Différents  Discours  et  opinions 
prononcés  à  la  Chambre  des  Députés, 
notamment  sur  la  nécessité  de  répri- 
mer les  délits  de  la  presse  ;  sur  l'ur- 
gence de  se  faire  sacrer,  adi'essés  à 
Louis  XVIII,  etc.  M — dj. 

MxVRCET  (Alexamire),  médecin 
et  chimiste,  naquit  à  Genève,  en 
1770.  Fils  d'un  riche  négociant ,  il 
était  destiné  à  suivre  la  profession  pa- 
ternelle, bien  qu'il  manifestât  une 
aversion  prononcée  poiu:  le  com- 
merce. Ce  ne  fui  qu'après  la  mort  de 
son  père  qu'il  put  se  choisir  une  autre 
carrière.  Il  étudia  d'abord  le  droit. 


62  MAR 

mais  les    événements   de  la   révolu- 
lion  de  France  l'obligèrent  à  quitter 
momentanément  sa   patrie.   Il  partit 
pour  l'Angleterre  avec  son  ami  Th. 
de  Saussure,  et  revint  l'année  suivante 
à  Genève,  où  deux  partis  rivaux,  les 
d(;mocràtes  et  les  patriciens,  se  dis- 
putaient avec  acharnement  le  pouvoir. 
En  1792,  lorsque  Genève  fut  assiégée 
par  les  troupes   françaises,  sous  les 
ordres  de  Montesquieu,  Marcet,  offi- 
cier dans  la  milice  urbaine,  fit  preuve 
d'antipathie    contre   le  parti    démo- 
cratique ;  or,  ce  parti  étant  devenu  do- 
minant, Marcet,  à    son    retour,    fut 
arrêté  pour  rendre  compte  de  sa  con- 
duite. Grâce  au  9  thermidor,  dont  le 
contre-coup  s'étendit  jusqu'à  Genève, 
il  ne  fut  condamné  qu'à  une   année 
d'arrêts  dans  son  domicile,  peine  qu'il 
fit    commuer    bientôt    en     cinq    ans 
d'exil.  C'est  alors  qu'il  se  décida  d'al- 
ler étudier  la  médecine  à  l'université 
d'Edimbourg;  il  partit  avec  M.  de  la 
Rive,  qui  avait  été  son  compagnon  de 
captivité.  Reçu   docteur  en  1797,  il 
passa  d'Edimbourg  à  Londres,  où  i! 
dut  à  ses  opinions  politiques  et  à  l'm- 
fluence  de  quelques  amis  d'être  nom- 
mé d'abord  médecin  du  dispensaue 
de  rlinsburg,   puis  de   l'hôpital  de 
Guy,  et  enfin  professeur  de  chimie 
dans  le  même  hôpital.  U  ne  tarda  pas 
à  se  faire  une  grande  réputation,  soit 
comme  praticien,  soit  comme  profes- 
seur, ce  qui  lui  valut  d'être  agrège 
aux  sociétés  royale  et  géologique  de 
Londres.  Au  retour  de  l'expédition  de 
Walchercn,  il  fut  envoyé  par  le  gou- 
vernement   à   l'hôpital   militaire    de 
Porstmouth.    Atteint   par    l'épidem.c 
dont  furent  IVappécs  les  troupes  an- 
plaises,  il  courut  de  grands  dangers. 
Marcet  avait  épousé  la    fille    unique 
de  M.  Haldimaud,  négociant  suisse,  éta- 
bli à  Londres  «lepuis  un  grand  nom- 
bre d'années,  vl  <pii   laissa   n.   mon- 


%  MAR 
rant  une  fortune  considérable,  il  re- 
nonça alors  à  sa  place  de  médecin  de 
l'hôpital  de  Guy,  ainsi  qu'à  l'exercice 
de  la  médecine,  pour  se  livrer  tout 
entier  à  la  chimie  expérimentale.  Lors- 
qu'après  la  chute  de  Napoléon,  Ge- 
nève fut  rendue  à  son  indépendance, 
Marcet,    quoique   naturalisé    anglais 
depuis  1802,   s'empressa  de  rentrer 
dans  sa  patrie,  où  le  parti  des  patri- 
ciens l'emportait   de  nouveau.  Il  fut 
accueilli  avec  la  plus  grande  distinc- 
tion, et  noxnmé  membre  du  consei^ 
souverain   et    de    lacadémie.    Après 
avoir  fait,  en  1820  et  1821,  un  voya- 
ge en  ItaHe,   il  retourna  à  Londres 
pour    ses    intérêts    privés  ,     et    y 
mourut  le  12  octobre   1822,   dune 
attaque  de  goutte.  La  plupart  des  tra- 
vaux du  docteur  Marcet  ont  été  m- 
sérés  dans  les  recueils    de    sciences 
médicales  publics  à  Londres,  et  dans 
les    Transactions     philosophitiiies     de 
1799  à  1822.  Ses  meilleurs  Mémoires 
concernent:   La  Nature  du  chyle  et 
du  c/iyme  (Transactions  viedico-chir., 
1815,  t.  VI);  l'usage  du  stramonium 
fdatura  stramonium),  contre  les  affec- 
tions rhumatismales  {ibid.,  vol.  VU, 
de  1816);  la  pesanteur  spécifique  et  la 
température  des  eaux  de  la  mer  dans  di- 
rerses  parties  de  l'Océan  (ibid.).  Mar- 
cet a  donné  à  ^Encyclopédie  de  Rees 
les  articles  platine  et  potassiuai  ;mn'is 
louvrage  qui   lui  fait  le  plus  d'hon- 
neur est  son  Essai  sur  l'histoire  chi- 
miquo  et   le    traitement   médical   des 
maladies  calculeuses.  Cet  essai,  écrit 
en  anglais,   a  obtenu  plusieurs    édi- 
tions et  a  été  traduit  en  fran«;ais  sur 
la  seconde  (^Londres ,  1819),  par  M- 
.1.  Riffault;  Faris,   1823,   in-8".  H  se 
distingue  par  l'exactitude  des  obser- 
vations sans    indiquer  toutelois  des 
luoyens  nouveaux  de  traitement.  La 
veuve  de  Marcet  tient  aujourd'hui  une 
plHce  honorable  parmi  les  femmes- 


MAR 

auteurs  de  la  Grande- Bretagne;  on 
lui  doit  entre  autres  ouvrages  des  Con- 
versations sur  l'économie  politique  et 
la  physique,  trad.  en  français  par  G. 
Prévost,  Geuève,  1820,  in-12,  et  des 
Conversations  sur  la  chimie,  égale- 
ment traduites  en  français  et  qui  ont 
eu  jusqu'à    huit  éditions.        A — ^. 

MAilCH  des  Batailles  (  Éties- 
>E  ) ,  peintre  espagnol  ,  naquit  a 
Valence,  vers  la  fin  du  XVI'  siècle,  et 
fut  élève  d'Orrente ,  qui  lui  inspira 
son  goût  pour  la  manière  et  la  cou- 
leur du  Bassan.  Aussi  le  style  de 
March  appartient -il  à  Tikxjle  véni- 
tienne, il  se  fit,  comme  peintre  de 
batailles,  une  grande  réputation  qn  il 
ne  put  soutenir  comme  peintic  d'his- 
toire. D'un  caractère  extravagant  et 
bizarre ,  il  toiumentait  sans  cesse 
ses  élèves.  Lorsqu'il  voulait  travail- 
ler ,  il  s'armait  de  pied -en -cap, 
saisissait  une  trompette  ou  un  tam- 
bour, et,  après  avoir  sonné  la  char- 
ge ,  il  attaquait  ,  la  lance  au  poing, 
les  murailles  de  son  atelier.  Après 
s'être  ainsi  échauITé  l'imagination, 
il  prenait  ses  pinceaux  et  faisait  pas- 
ser sur  la  toile  le  sujet  qu'il  venait 
de  concevoir.  Les  amateurs  font 
un  cas  particulier  de  ses  batailles. 
Sou  pinceau  est  facile  ;  son  colo- 
ris frais  et  vigoureux;  sa  compo- 
sition frappante  de  vérité.  Il  a  su 
rendre  surtout  avec  une  rare  perfec- 
tion l'atmosphère  sombre  et  char- 
gée que  forme  pondant  l'action  la  fu- 
mée du  canon  et  de  la  mousqueterie. 
Il  mom'ut  à  Valence,  en  1660. —  Mi- 
chel M.\RCH,  son  fils,  naquit  dans  la 
même  ville  en  1633.  A  la  moit  de 
son  père ,  il  se  rendit  à  Rome.  Il  y 
cultiva  la  peinture  historique  et  ac- 
quit quelque  facilité  dans  l'exécution 
et  quelque  con-ection  dans  le  dessin, 
ainsi  que  le  prouvent  deu\  tableaux  de 
tfiittoire   de  saint    Frxinçoii,    qu'il  fit 


MAR 


63 


pour  les  capucins  de  Valence  ,  et  uti 
Calvaire,  pour  la  paroisse  de  Saint- 
.\iichel  de  la  même  ville.  Cependant 
il  abandonna  ce  genre  pour  se  livrer 
à  celui  qui  avait  fait  la  réputation  de 
son  père;  mais  il  ne  put  l'égaler.  Il 
mourut  à  Valence,  en  1670.     P — s. 
MARC11.VND,  agent  subalterne 
de  la   Révolution,    fut  souvent  em- 
ployé   par  le    Comité  de  salut  pu- 
blic, au  temps  de  Robespierre ,  et  de- 
vint l'un  des  coryphées  de  la  société 
des  Cordeliers.  Ayant  été    arrêté  le 
2  mars  1794,  par  ordi'e  du  Comité 
de  sûreté   générale .    il   fut    réclamé 
par  les  Cordeliers,  qui  envoyèrent  une 
députation    pour     demander   sa    li- 
Ijerté,  qu  ils  obtinrent.  Ayant  échap- 
pé aux  suites  de  la  conspiration  d'Hé- 
bert, avec  lequel  il  était  lié.  Marchand 
fut    mis   de  nouveau  en  arrestation 
après  la    chute    de  Robespierre.   La 
société  des  Jacobins  lui  nomma  alor^ 
des    défenseurs    officiels ,    et    il    fiii 
élai-gi  ;   mais    Clausel  ,    membre   du 
Comité  de  sûreté  générale,    sollicita 
contre  lui,    le  4  octobre ,  un  décret 
d'arrestation,   motivé   siu-   ce  que  sa 
relaxation  avait  été  surprise    par  la 
faction   qui   le    protégeait.    Après  la 
crise  de  prairial  et  la  victoire  rem- 
portée pai-  la  Convention  sur  les  Ja- 
cobins,   Bourdon  de  l'Oise  demanda 
la  déportation  de    Maichand,  et  un 
décret  ordonna  sa  traduction  au  tri- 
bunal criminel  d'Eure-et-Lou- ;  raait» 
il  fut  bientôt  compris  dans  l'amnistie 
du  4  brumaire,  prononcé  en  faveur 
des  lerroristes.  En   1799,   il  fut  en- 
core un  des  membres  les  plus  mar- 
quants  de   la  société  du  Manège,  et 
celui  qui  paila  à  la  tribune  de  cette 
société    avec    le    plus   d'assiduité  et 
de  véhémence.  H  y  défendit  surtout 
la   mémoire  de   Goujon  ,    Soubrany 
et     d'autres  révolutionnaires  ,   qu'il 
désigna  comme  martyrs  de  la  liber- 


a 


iL\a 


te.  ïl  y    parla  aussi  sur   les  dangers 
dé  la  paUie,  et  demanda  Upuration 
des  employés  dans  les  ministères.  Au 
commencement  de  septembre,  il  fut 
chargé   par  la  société ,    de    rédiger 
une   adresse    pour  faire  déclarer  la 
patrie   en  danger.   Se  trouvant  em- 
ployé  à  cette   époque    au  ministère 
de  la  guerre,  il   donna  sa  déuussion 
lors    de  la  retraite  de  Bernadotte,  et 
fut  compris  dans  l'arrêté  de  déporta- 
tion qui  suivit  le  18 brumaire  an  VIII 
(9    nov.  1799)  et  l'attentat  du  3  ni- 
vôse an  IX  (24déc.  1800).  Le  premier 
de  ces  arrêtés  resta   sans    exécution, 
et  Aiarchand  échappa  au  second  par 
la  fuite.  Pendant  quelque  temps,  on  le 
crut  mort,  mais  il  reparut  en   1804, 
et  fut  mis  en  surveillance  dans  une 
commune  de  la  ci-devant  I^orman- 
die    oii    il    mourut  quelques  années 
plus  tard. -Mabca^d  (M-  veuve) 
rédigeait,'à  Bruxelles,  \e  Journal  delà 
Guerre    pendant   les   premières    an- 
nées de  l'émigration,  et  s'acquit  des 
droits    à  la  reconnaissance   de  plu- 
sieurs familles  françaises  ,  par  la  con- 
duite généreuse  qu'elle  tint  envers  les 
(■•migres  de  toutes  les  conditions. 
^  M— nj. 

M  VUCHAKD  du  Breuil  (Char- 
ues'-Fra^cois),  né  à  Paris  le  14  décem- 
bre 1794,  entra  d'abord  à  l'Ecole  Po- 
lytechnique; puis,  ayant  suivi  des 
cours  de  droit,  se  (it  recevoir  avo- 
cat En  1832,  il  fut  nommé  sous- 
préfet  à  Blaye,  et  il  en  exerçait  les 
fonctions  pendant  la  détention  de  a 
duchesse  de  Herry  dans  la  citadelle 
de  cette  ville.  Ce  lut  sans  doute  pour 
i^écompense  de  sa  conduite  dans  cette 

occasion  délicate  (lue,  dès  lannee  sui- 
vante, il  fut  appelé  .Ua  préfecture  du 

département  de  l'Ain.  En  183^^,  d 
vint  à  Paris,  au  moment  ou  des  in- 
surrections éclatèrent  simultanément 
à  Lvon,  à  Saint-Éticnnc  <t  dans  la 


MAR 

capitale.  Le  samedi  12  avril,  il  époti- 
sa  civilement  mademoiselle  Therriet; 
le  mardi  suivant  (13  avril),  lorsqu'il 
se   disposait   à    se  rendre   à  l'église 
pour  y  recevoir  la  bénédiction  nup- 
tiale, un  fusil,  dont  il  s'était  servi  la 
veille  dans  les  rangs  de  la  garde  na- 
tionale, et  qui  se  trouvait  près  de  lui 
se  dérangea  :  malheureusement  l'ar- 
me était  chargée,  le  coup  partit  et  le 
frappa    mortellement.    D'après    une 
version,  rapportée  par  quelques  feuil- 
les publiques,  il  aurait  lui-même  mis 
Hn  à  ses  jours  :   «  M.  Marchand  ^n 
..  Breuil,  resté  à  Paris  dimanche  (13 
..  avril),  malgré  les  ordres  du  minis- 
..  tre,  qui  enjoignaient  à  tous  les  pré- 
>.  fets    de    partir  pour   les   départe- 
,.  ments,  se  promenait  le  soir  avec 
..  un  de  ses  parents.  Ils  furent  arré- 
.<  tés  tous  deux  comme  suspects  :  M. 
..  Marchand  ne  put  se  faire  relâcher 
I.  de   suite,    en  déclarant   qu'il   était 
.  préfet,   car  on  lui   répondait  que 
>.  tous  les  préfets  devaient  être  à  leur 
«  poste.  Enfin  le  ministre  de  l'intë- 
..  rieur  le   fit  mettre  en  liberté,  mais 
..  en  même  temps  il  lui  envoya  sa 
.  destitution.  C'est  à  cette  triste  nou- 
"  velle,  qui  vint  le  frapper  au  nio- 
.  ment  où  il  allait  se  marier ,  qu'on 
u  attribue  son  suicide.   >  A  ses  obsè- 
ques ,  M.  l\enouard,  conseiller-d'état, 
prononça  un  discours   qui  eut  deux 
liditious,     Paris,    183i,    iu-8%    de 
12  pages.  Marchand  du  Breuil  avait 
publié,'  sous   le  voile  de  l'anonyme, 
un  ouvrage  curieux,  intitulé  :  Journée, 
mt'worublcs  de  la  révolutiou  française, 
Paris,  1826-27,  Il  vol.  in-32 ;  seconde 
édition,  augnuuitée  d'un  tableau  iné- 
dit «les  mendires  de  la  (Convention  , 
nlhant  le   rapprochement   des   votes 
émis  par  eux  dans  le  procès  de  Louis 
XVI,  du  sort  que  chacun  des  volants 
a  éprouvé ,  et  du    r*Me  qu'il    a  joué 
avunt,  iiendant  et  aprè*  la  n'voluUon, 


et  d'un  grand  nombre  d'autres  pièces 
juatificatives,  Paris,  i829,  2  vol.  in- 
8".  Ces  deux  éditions  sortirent  des 
presses  de  M.  Marchand  du  Breuii, 
frère  de  l'auteur  ef  alors  imprimetir 
à  Paris.  Z. 

MARCHAXGY  (Lotis-AsTots»- 
François  de  ),  magistrat  et  littérateur, 
naquit,  le  28  août  1782,  à  Clamecy 
dans  le  Bourbonnais,  où  son  père 
était  huissier.  Une  grande  applica- 
tion, une  imagination  vive  et  brillante 
secondèrent  si  bien  les  soins  donnés 
à  son  éducation,  qu'il  fut  nomme,  par 
le  dii-ectoire  du  département  de  la 
Nièvre,  boursier  à  l'école  do  législa- 
tion de  Paris.  Destiné  ainsi  au  bar- 
reau, il  fit  toujours  marcher  de  front 
avec  les  études  de  la  jurisprudence  les 
distractions  de  la  littérature,  et  de- 
vint en  1808,  à  1  âge  de  vingt -im 
ans,  juge-suppléant  au  tribunal  de 
première  instance  de  Paris.  Il  avait 
débuté,  en  1804,  par  nn  poème  in- 
titulé :  Le  Bonheur  de  In  campagne , 
production  assez  faible,  mais  qui  an- 
nonçait tpielque  talent  poétique.  En 
1813  il  publia  la  première  livraison, 
r'est-à-dire  les  deux  premiers  tomes 
de  l'ouvrage  qui  devait  fonder  sa  ré- 
putation littéraire  :  La  Gaule  poétique, 
ou  f  Histoire  de  France  considérée  dans 
ses  rapports  avec  la  poésie,  F  éloquence 
et  les  beaux-arts.  Ce  livre  singulier, 
qui  n'avait  pas  de  modèle,  mais  qui 
n'a  pas  manqué  d'imitateurs,  produi- 
sit une  grande  sensation  dans  le  pu- 
blic ,  et  eut  six  éditions  de  181.3  à 
1826  (8  vol.  in-8»).  Frappé  des  res- 
sources rpie  nos  annales  nationales 
pouvaient  offrir  an  génie  des  arts , 
l'auteur  avait  conçu  le  projet  de  re- 
cueillir, à  toutes  les  époques  de  notre 
histoire,  les  événements  propres  à 
inspirer  le  poète  enthousiaste  de  son 
pays.  Marchangy  interrogea  les  mo- 
numents oublié*!,  les  chrojiiqiies  ron- 

Ullll. 


MAR 


<ar 


temporaine» ,  pour  en  extraire  les 
faits  qui  pouvaient  entrer  dans  son 
cadre,  et  il  en  composa  une  suite  de 
récits  qu'on  ne  peut  lire  sans  intérêt, 
ni  quelquefois  sans  émotion,  et  qui 
joignent  à  la  vérité  poétique  un  colo- 
ris frais  et  brillant.  Ces  récits,  qui  em- 
brassent tous  les  événements  remar- 
quables dont  la  teiTe  des  Gaules  a 
été  le  théâtre,  depuis  l'invasion  des 
Francs  jusqu'à  la  fin  du  XVII'  siècle, 
sont  hés  les  uns  aux  autres  par  un 
précis  rapide  des  faits,  ce  qui  établit 
dans  l'ouvrage  la  seule  unité  dont  il 
soit  susceptible.  Jjorsque  les  deux 
premiers  volumes  parurent,  on  re- 
procha à  l'auteur  une  ambitieuse 
imitation  du  style  de  M.  de  Chateau- 
briand. Les  avis  salutaires  de  la  cri- 
tique ne  furent  pas  perdus  pour 
lui,  et  daixs  le  troisième,  surtout 
dans  le  quatrième  volume  de  son  ou- 
vi-age,  il  renonça  à  l'enflure,  à  l'af- 
fectation ,  pour  écrire  au  gré  de»; 
hommes  du  goût  le  plus  difficile.  Les 
feuilles  de  tous  les  partis  (1)  se  réu- 
nirent pour  reconnaître  en  lui  l'un 
de  nos  écrivains  les  plus  distingués  ; 
et  son  livre,  devenu  classique,  a  four- 
ni plus  d'une  inspiration  aux  poètes 
et  surtout  aux  peintres.  Tandis  que 
la  Gaule  poétique  faisait  une  si  bril- 
lante fortune,  l'avancement  de  l'au- 
teur n'était  pas  moins  rapide.  D'ad- 
mirateur enthousiaste  de  Napoléon , 
il  était  devenu  royaliste  fervent.  Sub- 
stitut du  procureur  impérial  prés  le 
tribunal  de  la  Seine  en  1810,  il  fut 
nommé,  en  1814-,  aux  mêmes  fonc- 
tions près  la  Cour  royale.  Il  acquit, 
dès  son  début,  une  grande  réputation 
clans  le  ministère  public.  La  première 
cause  qui  fixa  sur  lui  l'attention  fut 
celle  de    Vigier,  le    fondateur   des 

(1)  V.  Dussault  dans  le  Journal  de»  lié- 
bats ,  M.  Jay  dans  la  Minerve,  Edme  Uére«ii 
daq»  la  Kertw  cnctfclopéttùfue,  eic 


66 


MAR 


bains   sur  la  Seine ,  lequel  était  sous 
le  poids  d'une  accusation  capitale.Mar- 
changy  fit  preuve  d'une  heureuse  va- 
riété de    moyens  et  d'une  éminente 
sagacité,  dans  plusieurs  causes  inté- 
ressantes, telles  que  celle  de  la  Bio- 
(jraphie  universelle  en  1811,  celle  du 
sieur  Revel,  mmi  outragé,  et  enfin 
.  elle  du  testament  du  prince  d'Hen- 
nin   et    des    héritiers    du    maréchal 
Lannes  en  1816,  etc.  Mais  c'est  sur- 
tout dans  les  causes  politiques  quil 
déploya,  on  peut  dire  jusqu'à  l'abus, 
les  heureuses   qualités   dont  il   était 
doué  comme  orateur.  Ses  conclusions 
dans  le  procès  de  deux  écrivains  roya- 
listes,  Fiévée  en    1818,  et  IJergasse 
en  1821 ,  furent  loin  de  réunir  tous 
les   suffrages,    et    marquèrent   l'ori- 
gine de  ce  système  interprétatif,  en 
vertu  duquel    un   accusateur,    habile 
phraséologue,   peut  faire   dire   à  un 
écrivain  ce  qu'il  n'a  ni  écrit  ni  pense- 
Le  paiti  libéral ,  qui  trouvait  tous  les 
moyens  bons  pour  saper  le  trône  des 
Bourbons,  accusa  Marchangy  d'avoir 
suivi  le  même  système  dans  l'affaire 
de    deux  recueils    polWques  publiés 
dans  un  sens  fort  opposé  %ux  doctii- 
nes  de    Fiévée,    l'Homme  grh  et   le 
Père  Michel,  il    faut  voir  dans  tous 
les  journaux  révolutionnaires  quelles 
clameurs  s'élevèrent  contre  lui  ;  mais 
il  parut   y  demeurer  insensible ,  et, 
dans  toutes  les  occasions,  il  continua 
de  soutenir  avec    autant  de  courage 
que  de  talent    les  prhicipcs   monar- 
chiques et   conservateurs  de  l'ordre 
social.  Le  réquisitoire  le  plus  remar- 
(juable  de  Marchangy  est   celui  qu'il 
donna  dans  l'affaire  de  la    Rochelle. 
Cette  production ,  vrai  chef-d'œuvre 
sou»  le  rapport  du  style,  était  fait»; 
pour  porter  une  salutaire  épouvante 
dans  tous  les  esprit»;  mais  ses  cou- 
rageuses  révélations    sur    une    con- 
spiration flagrante  contre  les  nionar- 


MAR 

chics,  sur  l'existence  si  bien  cimentée 
des  ventes  charbonnières ,  étaient  des 
vérités  trop  fortes  pour  paraître  wai- 
semblables   aux   yeux    prévenus    et 
aveuglés  de  la    plupart  des  hommes 
qui  tenaient  alors  les  rênes  de  l'Etat. 
Il  n'a  fallu    rien   moins  que  les  faits 
historiques  qui,  de   toutes  parts,  ont 
surgi   depuis  la  révolution  de  1830, 
laquelle  est  en  partie  l'ouvrage   de 
ces  mêmes  ventes,  pour  étabhr  à  quel 
point  Marchangy  avait  vu  profondé- 
ment dans  l'abîme  où    se   précipitait 
la  branche  aînée  avec  tant  d'insou- 
ciance, de    faiblesse  et  de  présomp- 
tion.  Quoi   qu'il  en  soit ,  ce  brillant 
plaidoyei   en  faveur  de    la    stabilité 
du   trône  attira   sur  son  auteur  l'at- 
tention du  souverain  (2).  H  fiit  nom- 
mé avocat-général  à  la  Cour  de  cas- 
sation. Mais  là  se  borna  l'action    de 
l'autorité.   Marchangy   fut   alors  tel- 
lement honni  par  le  libéralisme  pour 
ce  grand  méfait  de   révélation ,   il  y 
eut  un  concert  si  universel  d'injures 
et  de  fureurs  contre   l'intrépide  ma- 
gistrat, dans  tous  les  rangs  de  l'oppo- 
sition, que  le  ministère    pusillanime 
recula   devant    cette    émeute   de   la 
presse,  il   avait  été  nommé    député 
(1823)  par  le  grand  collège  du  dé- 
partement du  vNord  ;    d  éprouva  des 
difficultés  pour  son  admission,  com- 
me n'ayant  pas  payé,  depuis  un  an 
accompli,  les  contributions   voulues 
parla  loi.  Plusieurs  membres  parlèrent 
eu  sa  faveur,  d'autres  parlèrent  con- 
tre lui.  Le  ministère  n'osant  pas  se 
prononcer,    Marchangy    mit    fin   à 
ces  débats  en  déclarant  qu'il  était  de 
bonne  foi ,  quand  il  avait  acheté  une 
propriété  qui   lui    donnait    le    droit 
d'être  élu  -,  mais    que   deux   sessions 
ayant  été  cumulées  dans  une  année  , 


(2)  A  la  méine  époque,  l'empereur  Alexandre 
lui  envoya  son  portt'aii  enrichi  de  diamants. 


MAR 

ses  calculs  avaient   été  dérangés  ,  et 
réconomie   de   ses    dispositions    dé- 
concertée ;  et  que  c'était ,    selon    lui , 
ime    sorte  d'eflPet   rétroactif  que    de 
faire  porter  la  peine  d'une  mesure  ex- 
ti^aordinaire  et  inattendue,  à  celui  qui 
avait  compté  sur  la  loi  fondamentale 
et  sur  un  usage  constant.  Lafi'aire  fut 
renvoyée  au  bureau,  dont  le  rappor- 
teur proposa  mi   ajournement   fondé 
sur  ce  que    Marchangy   devait   pro- 
duire des  extraits  de  rôle  prouvant  que 
tlans  d'autres  départements  il  payait  le 
cens  légal.  La  Chambre  prononça  l'a- 
joumement  à  quinze  joiu-s.  Marchan- 
gy ne  profita  pas  de  ce  délai  ;  mais,  à 
la  session  suivante,  ayant  été  nommé 
par  les  électeurs  de  l'arrondissement 
d'Altkirck   (llaut-Rhin),   il  prit    sans 
difficulté  séance  à  la   chambre.  I/in- 
cident  que  nous   venons  de  signalei 
avait   été,  pour  l'opposition,  un  su- 
jet de  ti'iomphe,  et  en  même  temps 
avait  prouvé    combien  le  gouverne- 
ment savait  peu  soutenir,  contre  la 
malveillance  des  partis,  ses  plus  dé- 
voués   défenseurs.    On    a    prétendu 
qu'au  moment   oii  parut  le  réquisi- 
toire de  Marchangy    sin-  les  société* 
secrètes  ,   il  fut   trouve  si  exact  par 
les    affidés    qu'ils    condamnèrent    à 
mort  son  auteur.  Mais  ce  fait  ne  pa- 
raît pas  pi-ouvé.  Marchang>-  en   ftit 
quitte  pour  les  injures  de   quelques 
écervelcs  (pii  l'insultèrent  comme    il 
passait  sur  le  pont  des  .Vi'ts.  Sa  con- 
duite et  ses  principes  avaient  engagé 
Monsieur,  depuis  Charles  X,  à  l'appe- 
ler à  son  conseil  en  1818.  Dans   les 
occasions  les  plus  indifférentes,  Mar- 
changy   témoignait    hautement    son 
zèle  pour   les  Bourbons.    C'est  ainsi 
que ,  lors   d'un   banquet    d'électeurs 
royalistes  qui  eut  lieu  au  mois  de  mai 
1822  à  la  Chaumière,  il  porta  le  toast 
suivant  par  allusion  à  la  naissance  du 
duc  de  Bordeaux  :  A  ceUe  qui  notis  a 


>L\R 


67 


réconciliés  avec  Cesperatiee!  à  celte 
qui  a  fait  mentir  te  crime  !  Mar- 
cbangv  poursuivait  glorieusement  sa 
carrière  à  la  fois  judiciaire  et  litté- 
raire ,  car  sa  Gaule  poétique  était 
à  sa  sixième  édition  et  il  voiait  de 
publier  Tristan  te  voyageur,  lors- 
que, déjà  vieilli  avant  l'âge  par  le 
travail,  il  fut  frappé  d'une  affection 
«le  poitrine  au  sortir  de  cette  même 
cérémonie  hmèbre  du  21  janvier, 
qui,  la  même  année,  coûta  la  vie  a 
deux  vieillards  membres  comme  lui, 
<le  la  cour  de  cassation  (Brillât-Sava- 
rin et  Robert  de  Saint- Vincent).  Tout 
souffrant  qu'il  était ,  Marchangy , 
quelques  jours  après,  s'exposa  à  sor- 
tir pour  solliciter  mie  place  vacante  à 
l'Académie  française.  Nous  nous  rap- 
j)elons  même  l'avoir  vu  trois  ou  qua- 
tre jours  avant  sa  mort  dans  les  bu- 
reau\du  Moniteur,  où  l'avait  conduit 
l'intérêt  de  sa  candidature.  Il  mourut 
le  23  février  1826,  à  peine  âgé  de  42 
ans.  On  peut  bien  dire  de  ce  magisti  at 
<lont  la  constitution  toute  nerveuse 
«;tait  si  frêle  et  dont  le  courage  et  la 
témérité  étaient  invincibles,  qu'il  fut 
im  de  ces  êtres  chez  qui,  selon  l'ex- 
pression proverbiale,  ta  lame  use  le 
foureau.  A  ses  obsèques,  M-  .Iules  de 
Marmier,  gentilhomme  ordinaire  de 
la  Chambi-e  et  ami  d'enfance  du  dé- 
funt, prononça  sur  le  cercueil  quel- 
ques paroles  touchantes,  entre  autres 
relles-ci  :  •'  Magistrat  aussi  fidèle  qu'in- 
•  tcgre ,  il  eut  aussi  ce  courage  civil 
'  qui  élève  jusqu  à  l'héroïsme  » .  Quel- 
ques jours  après  (22  février),  Desèze, 
premier  président  de  la  Cour  de  cas- 
sation ,  s'exprima  sur  son  compte 
l'u  ces  termes  :  "  l-es  tiavaux  même 
•■  de  la  magistiatme  ne  suffisaient  pas 

a  son  ardeur  noblement  impatiente. 
"  il  lui  fallait  encoie  des  succès  d'un 

autre  genre,   et    ces  succès  il  le« 
■•  chercha  dans  ks  lettres...  Sa  bril- 


68 


MÂB 


«  lantc  imagination   qui    l'emportait 
.  quelquefois  malgré  lui,  lui  fit  même 
«  saisir,    dans   les  annales  de   notre 
«  monarchie,  des  époques  mémora- 
«  blés  auxquelles  il  se  plut  à  mêler 
»  des  fictions  de  nature  à   répandre 
»  encore  plus   d'intérêt  et  de  grâce 
„  sur  les  tableaux  qu'il  ea  retraçait. 
«  Il  aspirait  aussi  en  même  temps  à 
«  cette  gloire  si  séductrice  de  la  tri- 
a  bune,  dont  ses  talents,  ses  excel- 
u  lents  principes...  le  rendaient  égalc- 
«  ment  digne.  Malheureusement  ces 
.  travaux  si  multipliés  dans  lesquels 
«  il  consumait  ses  jours  et  ses  nuits, 
.  n'ont  pas  tardé  à  abréger  sa  vie. 
»  etc.  "  Marchangy  a  laissé  une  fille 
unique,  mariée  à  M.  le  baron  d'Em- 
bowski.  Il  avait  eu  le  temps  de  mettre 
la  dernière  main  à  un  roman  histori- 
que plein  d'intérêt,  qui  est  en  quelque 
sortel'applicationde  la  Gaule  poétique. 
Contraint  par  le  plan  de  cette  première 
composition  de  traverser  rapidement 
tous  les  âges  de  la  France,  depuis  les 
forêts  des  Druides  jusqu'à  l'olympe  de 
I.ouis  XIV,   l'auteur  navait  pu  jeter 
qu'un  coup-d'œilsur  les  temps  les  plus 
féconds.  Mais  dans  Trintan  le  voyaçjeur, 
on  la  France  au  XIV'  siècle,  il  s'est  at- 
taché   à  peindre    les    mœurs    d'une 
époque;  ce  n'était   pas  assez  d'avoir 
fait  dans  cette  vue  des  recherches  la- 
borieuses, il  fallait  les  rendre  attrayan- 
tes ,  il  fallait  animer  le  sujet  par  une 
action  attachante,  et  c'est  ce  qu'il  a  fait 
dans  ce  dernier  ouvrage,  remarquable 
par  l'éclat  et  la  fermeté  du  style,  et  qui 
n'est  pas  sans  mérite  sous  le  rapport 
de  la   composition.    (Quatre  volumes 
de  Tristan  avaient  paru  avant  la  mort 
de  l'auteui-.  I-es   deux  derniers  suivi- 
rent   r-n  1825.  Quehpies   lignes    de 
points    lenninent     la    fin     du    108' 
chapitre,  probablenicnt  U'.  dernier  de 
l'ouvrage.    Marchangy     avait    rédigé 
des  Hâémoirvs  hisioriquef  pour  l'ortlre 


MAR 
aouverain  de  Saint-Jean-de-Jérusalem. 
etc.,  publiés. par   la   commisiion   des 
langues  françaises  (Paris,  1816,  in-S"). 
Ce  travail  lui  valut  la  décoration  de 
l'ordre  de  Malte.  Il  fut  créé,  en  1821, 
chevalier  delà  I^gion-d'Honneur.  Un 
grand  nombre  de  ses  plaidoyers  font 
partie  de   la  Collection    du    Barreau 
français.  Il  a  lai.ssé   inédits  un  Essai 
sur  la  génération   sociale  et  sur  l'im- 
mortalité de  l'âme  ;  des  Mémoires  sur 
la  révolution  française  ;  un  Voyage  en 
Suisse  ;  un   Commentaire  sur  les  cinq 
Codes    et    un     Commentaire    sur    la 
charte,  il  avait  en  outre  publié,  seule- 
ment sous  sa  lettre  initiale,  un  petit 
poème   de   circonstance  :  Le  siège  de 
Danlzick,  en   1813,  par  M.  de  M*** 
(Paris,  1824,  in-8").  Tous  ces  travaux 
indiquent  combien  fut  pleine  la  vie  de 
ce  magistrat  littérateur,  à  qui  l'on  n'a 
pu   reprocher  qu'une  ambition  trop 
impatiente,  sans  doute,  mais  justifiée 
du  moins  par  le  talent.  On  a  accusé 
Marchangy  d'aller  lui-même  colpor- 
ter dans  les  journaux  les  articles  faits 
par  lui  pour  louer  ses  propres  ouvra- 
ges. On  peut  affirmer,  dans  tous  les 
cas,  que  cette  tradition  n'est  pas  morte 
avec  lui.  D     v.     R. 

MARCHANT  (Nicol*s-Damas), 
antiquaire,  né  à  Pierrepont  (Moselle), 
le  11    déc.    1767,   suivit  d'abord  les 
armées    comme    mt-decin    militaire. 
Revenu  dans  ses  foyers ,  il  fut  appelé 
aux  fonctions  de  maire  de  la  ville  (1<' 
Metz,  puis  nommé  conseiller  de  pré- 
fectiue  du  département  de  la  Mosel- 
le. Dès   lors   il  consacra  ses  loisirs  a 
l'archéologie  ,  particulièrement  à  la 
uumismatiquc.  Il  avait  formé  un  ri- 
ihc  cabinet  de  médailles,   de   mon- 
naies inédile»,  et    une  curieuse  col- 
lection   de    livres    sur   les    diverses 
branches  des  sciences ,  de  la  littéra- 
ture et  de  l'histoire.    Créé  baron  et 
officier   de  la  U=gion-d'Honneur ,  il 


MAR 


MAR 


69 


titait  membre  de  plusieurs  sociétés 
savantes,  nationales  et  étrangères, 
entre  autres  de  l'Académie  royale  de 
médecine  de  Paris  et  de  l'Académie 
royale  des  sciences ,  lettres  et  arts  do 
Metz.  Marchant  mourut  dans  cette 
ville  le  1"  juillet  1833.  On  a  de  lui  : 
I.  Différents  écrits  sur  des  matières 
politiques  et  économiques  :  1"  Jfis- 
cours  prononcé  à  la  société  populaire 
de  Metz ,  en  faveur  de  la  liberté  de  la 
presse,  Metz ,  13  vendémiaire  an  III 
(ocL  1794),  in-i"  de  4  pa{>es;  2° Let- 
tre de  31***  à  M*****,  membre  de  la 
Chambre  pour  le  département  de  la 
*******  (Moselle),  sur  le  système  élec- 
tif le  plus  convenable  à  la  monarchie 
française,  26  décembre  1815,  Metz, 
in-S"  de  22  pages  ;  3°  Rapport  fait  au 
conseil-général  du  département  de  lu 
Moselle,  sur  la  destination  ultérieure 
du  dépôt  de  mendicité  de  Gerze,  1818, 
in-S",  avec  deui  tableaux;  4'  Des 
réunions  des  communes  formant  une 
seule  mairie.  Opinion  émise  au  con- 
seil-général du  département  de  la 
Moselle,  dans  la  session  de  1818 ,  in- 
8°  de  20  pages  ;  3°  Société  mutuelle 
et  gratuite  de  Metz.  Réponse  ii  la  der- 
nière note  officielle  de  M.  Chedeaux , 
fondé  de  pouvoir  d'une  des  compa- 
gnies d'assurances  à  prime,  1819,  in- 
8"  de  12  pages  ;  6°  Statuts  de  la  so- 
ciété anonyme  d'assurances  mutuelles 
contre  l'incendie  ,  pour  la  ville  de 
MeU,  1820,  in-8".  II.  Mélanges  de 
numismatique  et  d'histoire,  ou  Coi-- 
respondance  sur  les  médailles  et  mon- 
naies des  empereurs  d'Orient ,  des 
princes  croisés  d'Asie,  des  barons  fran- 
çais établis  dans  la  Grèce,  des  pre- 
miers califes  de  Damas,  etc.,  Metz, 
1818,  in-8''de  122  pages,  avec4plan- 
ches  et  19  vignettes,  dont  36  mé- 
dailles et  monnaies  inédites  du  cabi- 
net de  l'auteur.  Son  ouvrage  est  com- 
posé de  douze  lettres;  il  en  donna 


une  continuation  en  quatorze  autre» 
letUes,qui  ont  été  imprimées  séparé- 
ment de  1821  à  1829,  et  tirées  à  un 
petit  nombre  d'exemplaires.  L'érudi- 
tion et  les  connaissances  variées  qu'il 
a  montrées  dans  ces  Mélanges  l'ont 
placé  au  rang  des  numismates  les 
plus  distingués  de  l'Europe.  Enfin,  il 
a  fomni  aux  journaux  de  la  Moselle 
beaucoup  d'articles  sur  des  sujet* 
scientifiques  et  littéraires,  entre  autreo 
deux  Lettres  sur  la  vaccine  (10  ger- 
minal an  IX,  1801);  une  Lettre  ar- 
chéologique a  M.  de  Jaubert  (31  mai 
1819);  une  Critique  du  Résumé  de 
r histoire  de  Lorraine,  de  M.  H.  Etien- 
ne, 182o,  etc.  Il  avait  l'intention 
d'insérer,  dans  les  mêmes  feuilles,  uu 
grand  nombre  d'articles  politique*; 
mais  l'autorité  locale  ne  le  permit 
pas.  M.  Ch.  Dosquet  a  publié  une  xVo- 
tice  sur  M.  le  baron  Marchant  (in-S" 
de  12  pages),  lue  dans  la  séance  de 
l'Académie  de  Metz,  du  1"  juin 
1834.  Z. 

MAllCILiXT  de  Beaumont  (F.- 
M.),  né  en  1769,  à  Paris,  où  il  est 
mort,  le  lî>  août  1832,  a  publié  un 
grand  nombre  de  compilations  :  I.  Le 
Conducteur  de  l'étranger  à  Paris,  con- 
tenant la  description  des  palais  ,  mo- 
numents, etc.,  1811,  in-18,  souvent 
réimprimé.  II.  Manuel  du  pétition- 
naire, Paris,  1814;  3'  édition,  1826, 
in-18.  m.  Souveau  dictionnaire  géo- 
graphique de  Vosgien,    Paris,    1817; 

1824,  in-8",  avec  cartes.  IV.  Beautés 
de  l'histoirf:  de  la  Hollande  et  des 
Pays-Bas^  depuisjes  Romains  jusqu'à 
ce  jour,  Paris,  1817;  3' édit.,  1823, 
Jn-12,  avec  gravures.  V.  Beautés  de 
l'histoire  de  la  Chine,  du  Japon  et 
des  Tartares ,  Paris,  1818,  1823, 
2  vol.  in-12,  fig.  VI.  Beautés  de 
thistoire  de  la  Perse,  depuis  Cyrus, 
jusqu  a  nos  jours,  Paris,  1822  ;  2'  édïL, 

1825,  2  vol.  in-12,  fig.  VII.   Le  Con- 


70 


MAB 


ducteur  a»  cimetière  de   l'Esl  on  du. 
Père-Lachaise ,    Paris,    1820,   in-18, 
avec  planches  ;  2'  édit.,  sous  ce  titrée  : 
L'Observateur  au  cimetière,  etc.,  1821  ; 
3'  édit.,  sous  le  titre  de  Manuel,  etc., 
1828.  L'auteur  en  donna  un  abrégé  , 
intitulé  :  Itinéraire   du  curieux  dans 
le  cimetière  du  Père-Lachaise,  Paris, 
1825,  in  18.  IX.   Cri  de  l'indignation 
publique  contre  une  monstmeuse  or- 
donnance rendue,    le    5    mat  dernier, 
par  Charles  X,  auquel  elle  fut  dictée 
pat    Polignac   et  les    Jésuites,   Paris, 
1830,  in-8°.  C'était  une  ordonnance 
j-elative  aux  tombeaux  des  militaires. 
Z. 
MARCHE  (Jean-François  de  i.a), 
XXVI,  610,   voy.   hK   Marche,  LXX, 
13.  C'est  le  même  personnage. 

MARCHE  COUKMONT  (Ig> a- 
i;F.  HroARY  de  l  v) ,  littérateur,  naquit 
à  Paris,  le  25  mars  1728.  La  dissipa- 
tion  de   la    jeunesse ,    de   fréquents 
voyages  en  Italie,  en  Allemagne,  en 
Pologne,  des  circonstances  peu  lavo- 
rables ,  ne  lui  permirent  pas  de  cul- 
tiver avec  assiduité  les  heureuses  dis- 
positions dont  il  était  doué,  et  l'em- 
pêchèrent d'acquérir  ime  réputation 
que  ses  talents  auraient  pu  lui  pro- 
curer. D'abord  attaché,  en  qualité  do 
chambellan,  au  margrave  de  Rareith, 
il  obtint  plus  tard  un  brevet  de  capi- 
taine dans  les  volontaires  de  Wurm- 
ser,  au  service  de  France,  lléformé  à 
la  paix  de  1763,  avec  une  pension,  il 
mourut  à  l'île  Bourbon,  en  dé«;embrc 
1768.  Au  milieu  des  agitations  de  sa 
vie,  il  trouva  ceperrdant  le  .loisii  de 
composer  quelques  ouvrages  :  I.  Let- 
tres d'Ata  ou  (fun  Péruvien,  Amster- 
dam, 174Î),  1760,  in-12.   C'est   une 
production  fort   médiocre,  (jue  l'au- 
tcnr   donna   dans   sa  jcuncHS<;,    poui- 
faire  suite  a«i\  Lettres  péruviennes  de 
M""  de  (;ra(ïigny  (woy.  ce  nom,  XVlll, 
263),   avec  lesquelles    on  a    souvent 


MAT,  ^ 

réimprimé  l'ouvrage  de  La  Marche, 
II.   Essai  politique  sur   les   avantages 
que  la  France  peut  retirer  de  la  con-         . 
quête  de  l'île  de  Minorque,  Citadella        | 
(Lyon),  1757,  in-12,  opuscule  pubhé 
à  l'occasion  de  la  prise  de  Minorque 
par  le  maréchal  de  Richelieu,  et  dans 
lequel  on  trouve  des  vues  utiles  pour 
cette  époque.  III.   Réponse  aux  diffé-       | 
rents  écrits  publiés   contre  la  comédie 
des  Philosophes,  1760,  in-12.  On  sait 
quel  débordement  d'injures  et  de  cri- 
tiques cette  pièce  attira  à  son  auteur 
{voy.  Palissot,  XXXII,  420).  La  Mar- 
che   la    défendit    contre    ses   nom- 
breux  détiacteurs.    dans   l'écrit  que 
nous  indiquons.  IV.   Essai  d'un  nou- 
veau joui-nal,    intitrilé  le  Littérateur 
impartial,  ou  Précis  des  ouvrages  pé- 
riodiques, La  Haye    et  Paris,    1760, 
in-12.  Ce  journal,  entrepris  en  société 
avec  Jacques  FleuiT  {voy.  ce  nom, 
XV,  72),  ne  fut  pas  continué  ;  il  n'en 
a   paru   qu'un    numéro.    La   Marche 
avait  fondé  en  1754,  sous  le  patro- 
nage du  duc  d'Orléans,  dont  il  était 
officier,  le  Journal  étranger,  auquel  il 
travailla    pendant     quelques    années 
avec  plusieurs  littérateurs.  Il  fut  auvsi 
nu  des  collaborateurs  du  Nécrologe 
des  hommes  célèbres   de  France,  et  il 
a  foiuni  à  cette  collection  V h: loge  de 
Stanislas,  roi  de  l'olo^jne,  inséré  dans 
\c.  volume  de  1769.   L'éloge  de  la 
Marche  se  trouve  dans  le  même  re- 
cueil, vol.  de  1770.  P— «t. 

MARCHES' A  (Joskph),  littéra- 
Ifin-,  naquit,  en  1768,  à  Utrera, 
«lans  l'Andalousie.  Ses  parents  lui  H- 
lont  faire  d'excellentes  étwles,  et  le 
destinaient  à  l'état  ecclésiastique:  mais 
s  étant  livré  ix  la  l.Klure  des  ouvrages 
de  la  nouvelle  école  pliilosophique 
française,  malgré  la  sévère  proliibitiou 
q,ii  les  frappait  en  Kspagne ,  le  jeonc 
Marcbena  ne  tarda  pas  à  numilester 
des  opinions  «pii  devaient  lui  attirer 


MAR 

les  rigueurs  de  l'inquisition.  Menacé 
d'être  arrêté,  il  se  réfugia  en  France, 
où  la  révolution  venait  d'éclater,  et 
où  il  fut  accueilli  avec  empressement. 
Ses  talents  ,  sa  facilité  prodigieuse  a 
parler  et  à  écrire  plusieui-s  langues  , 
lui  permirent  même  de  jouer  un 
rôle  assez  important,  et  lui  valurent 
l'amitié  de  Brissot  et  d'autres  giron- 
dins. Après  le  31  mai,  il  se  retira  à 
Caen  avec  Louvet  et  quelques  autres 
députés  qui  s'efforçaient  de  relever 
leur  parti  ;  mais,  obligé  de  fuir,  il  fut 
arrêté  à  Bordeaux  et  transféré  dans 
les  prisons  de  Paris.  Dans  cette  posi- 
tion critique,  il  fit  preuve  de  cou- 
rage et  de  dévouement  à  la  cause 
qu'il  avait  embrassée.  Robespierre,  en 
envoyant  à  l'échafaud  Danton,  La- 
croix, Camille  Desmoulins,  etc., avait 
épargné  Marchena  -,  celui-ci  ne  crai- 
gnit pas  de  le  braver ,  et  osa  lui  écrire 
sur  une  feuille  de  papier  :  Tyran  ,  tu 
m'as  oublié!  Le  tvran  monta  sur  l'é- 
chafaud à  son  tour,  et  Marchena,  ren- 
du à  la  liberté,  fut  admis  dans  les 
bureaux  du  comité  du  salut  public  , 
et  attaché  à  la  rédaction  du  joumal 
l'Ami  des  Lois,  que  dirigeait  Foul- 
tier;  mais  il  perdit  bientôt  ces  deux 
emplois,  soupçonné  par  son  parti 
d'opinions  rétrogrades.  Pour  se  ven- 
ger de  sa  destitution  ,  il  lança  con- 
tre les  chefs  du  parti  U'iomphant  , 
Tallien,  Legendre  et  Fréron,  plusieius 
pamphlets  qui  lui  attirèrent  de  nou- 
velles persécutions  et  le  firent  pros- 
crire, après  le  13  vendémiaire,  sous  le 
prétexte  qu'il  avait  pris  part  au  sou- 
lèvement des  sections  de  Paris  conti-e 
le  pouvoir  législatif.  A  cette  époque, 
un  de  ses  amis  l  ayant  renconti"é  armé 
d'un  sabre  qui  était  plus  grand  que 
lui,  dit  en  riant  :  Marchena  y  vous 
êtes  attaché  à  votre  sabre.  Amnis- 
tié peu  après,  il  reparut  dans  l'arène 
de  l'opposition   en   attaquant,    dans 


MAR 


'^1 


plusieurs  pamphlets,  le  Directoire  hii- 
même,  qui  lui  appliqua  la  loi  sur  les 
étrangers,  et  le  fit  conduire,  en  juin 
1797 ,  jusqu'à  la  firontièi'C  suisse. 
Mais  sur  la  demande  de  Marchena,  le 
conseil  des  Cinq-Cents  intervint  et 
lui  confirma  les  droits  de  citoyen 
français  dont  il  avait  paisiblement 
joui  pendant  cinq  années.  Revenu  ù 
Paris ,  il  fut  choisi ,  pour  secrétaire, 
par  le  général  Moreau,  qu'il  accom- 
pagna à  l'armée  du  Rhin.  Pendant 
son  séjour  à  Bâie ,  Marchena  fxit 
l'auteur  d'une  mystification ,  qui  eut 
quelque  retentissement.  Il  avait  com- 
posé une  chanson  fort  leste,  qui  lui 
attira  une  sévère  réprimande  de  la 
part  de  Moreau.  Pour  se  disculper 
auprès  du  général,  il  assura  que  cettp 
chanson  n'était  qu'une  traduction  d'un 
passage  de  Péti-one,  encore  inédit,  et. 
deux  jours  après,  il  présenta  au  géné- 
ral un  fragment  qu'il  disait  avoir  ex- 
trait d'un  manuscrit  fort  ancien  de  la 
bibliothèque  de  Saint-Oall.  Le  Satiri- 
con de  Pétrone  offre  de  nombreuses 
lacunes,  et  Marchena,  profitant  de 
cette  circonstance,  avait  rempli  Tune 
d'elles  avec  tant  d'art ,  que  son  inter- 
polation semblait  devenir  nécessaire 
à  l'intelligence  du  récit,  et  faire  par- 
tie du  texte.  Il  avait  d  ailleurs  si  bien 
imité  le  ton,  l'esprit  et  le  style  de 
Pétrone,  que ,  lorsque  le  pretendti 
fragment  fut  publié,  plusieurs  savants 
s  y  laissèrent  tromper;  on  fit  même 
ime  sorte  d'enquête  ;  et  lauthenticité 
du  fragment  fut  reconnue  et  annon- 
cée  dans  les  journaux  par  l'un 
des  plus  célèbres  critiques  de  I  Alle- 
magne. Marchena  tenta ,  quelque 
temps  après,  de  renouveler  la  même 
fraude  pour  Catulle.  Il  prétendit  avoir 
découvert  dans  un  papvrus  d'Hercu- 
lanum  quarante  vers  inédits  de  ce 
poète;  mais,  cette  fois,  il  rencontra 
un  rude  jouteur  dans  M.  Eischtaedt . 


72 


MAIt 


professeur  à  léna  ;  et  la  inydtifieation 
retomba  sur  son  auteur.  Moreau  ayant 
demandé  à  son  secrétaire  une  statisti- 
que de  quelques  contrées  de  l'Allema- 
gne,Marchena,  qui  ne  savait  pas  encoro 
un  mot  d'allemand,  se  mit  avec  aj- 
deur  à  l'étude  de  cette  langue ,  et  , 
chose  incroyable!  il  parvint  en  peu 
de  jours  à  lire  les  principaux  ouvra- 
ges qui  avaient  été  faits  sur  ce  sujet. 
Son  rapport  obtint  les  éloges  des  gé- 
néraux et  fut  d'une  grande  utilité. 
Lorsque  Moreau  revint  à  Paris, 
Marchena  l'y  suivit,  et  lui  resta 
aussi  attaché  dans  la  mauvaise  que 
dans  la  bonne  fortune.  Ce  ne  fut 
qu'en  1808  qu'il  retourna  en  Es- 
pagne avec  Murât  ,  qui  l'emmena 
à  Madrid ,  comme  secrétaire.  A  pei- 
ne arrive,  il  fut  arrêté  par  ordre 
du  grand-inquisiteur,  qui,  malgré 
l'intervention  du  général  français, 
refusa  de  le  mettre  en  liberté.  Alors 
Murât  envoya  délivrer  son  secrétaire 
par  une  compagnie  de  grenadiers. 
Quand  le  trône  d'Espagne  fut  donné 
à  Joseph  Bonaparte,  Marchena  iut 
chargé  de  la  rédaction  du  journal  of- 
ficiel, et  iiommé  chef  de  la  division 
des  archives  au  ministère  de  l'inté- 
rieur ;  il  obtint  mémo  de  faire  im- 
primer ,  aux  frais  du  gouverne- 
ment, tous  les  ouvrages  qu  il  tradui- 
rait du  français.  Il  fit  rci)résentcr 
en  espagnol,  sur  le  théâtre  del  Vrin- 
fûpc  ,  le  Tartufe  et  le  Mhauihrope  de 
Molière;  sa  traduclior)  eut  beaucoup 
de  succès  et  lui  valut  d'être  nommé 
«;hevalier  de  l'ordre  que  le  roi  Joseph 
avait  créé  à  son  avènement.  Eu  1813. 
il  suivit  les  Français  dans  leur  re- 
traite ,  et  vint  habiter  successive- 
ment Nhnes,  Montpellier  et  Bordeaux, 
f»ù  il  publia  dos  traductions  de  quel- 
ques ouvra(;es  de  Voltaire  ,  de  Rous- 
seau et  de  Montesquieu.  J^a  révolu- 
tion [qui  éclata  ,^en   18;i0  l'attira  de 


MAR 

nouveau  en  Espagne  ;  mais,  repousse 
par  les  hbéraux  qui  le  considéraient 
comme  un  afranr.esado  ^  c'est-à-dire 
comme  une  créature  de  l'ex-roi  Jo- 
seph, il  se  trouva  dans  un  extrême  em- 
barras, et  mourut  peu  de  temps  après 
sou  arrivée  (janvier  1821),  dans  un 
état  voisin  de  la  misère.  Cependant  ses 
funérailles  se  firent  avec  quelque  pom- 
pe, et  plusieurs  discours  furent  pro- 
noncés sur  sa  tombe.  Marchena  était 
un  très-petit  homme,  d'une  figure  de 
tatyre,  d'une  fort  mauvaise  tenue,  et 
se  croyant  néanmoins  fait  pour  plaire 
à  toutes  les  femmes,  ce  qui  lui  donna 
souvent  de  grands  ridicules.  Ses  ou- 
vrages sont  :  1"  Réflexions  sur  les  fu- 
(jitifs  français,  Paris,  1795,  in-8''. — 
2°  (En  société  avec  Valmalette  )  :  le 
Spectateur  français ,  1796,  in -8". 
tome  I"^  ,  qui  n'eut  pas  de  suite.  — 
'.i"  L'ssai  de  théolooie ,  Paris,  1797, 
in-8°.  Cet  ouvrage  fut  réfuté  par  le 
|)rofesseur  lleckel. —  4"  Fragmentum 
Petronii  ex  bibliothecœ  Sancti-Galli 
untitiuissimo  manufcripto  e.xceq>tum  . 
iiunc  primum  in  lucem  editum  :  gai 
lice  vertit  ne  notis  perpctuis  illustra- 
rit  Lallctnandus,  sacrœ  thcologiœ  doc- 
lor,  Dâle,  1800,  in-8".  C'est  de  ce 
fragment  qu'il  a  été  parlé  plus  haut. — 
.')"  Description  des  provinces  basques, 
itisérée  dans  les  Annales  des  Voya 
fjes,  —  6'  Leçons  de  philosophie  vuy 
raie  et  d'éloquence,  Bordeaux,  1820,  2 
v.in-S".  C'est  un  recueil  «le  morceaux 
choisis,  de  poésie,  d  histoire,  de  phi- 
losophie et  d'éloquence,  tirés  des 
meilleurs  écrivains  espagnols,  et  pré- 
cédés d'un  discours  préliminaire  sur 
l'histoire  littéraire  de  l'Espagne  et  sur 
les  rapport»  <le  ses  vicissitudes  avec 
les  vicissitudes  politiques.  Marchciia 
a  encore  donne  plusieurs  traductions , 
dont  le  choix  ,suflirait  pour  faire 
connaître  se»  goûts  et  ses  opi- 
nions.  Ce  sont       1°  Coupd'a-it   su, 


MAK 


HAR 


7S 


Iti  forcty  topulencf  et  ta  population 
de  la  Grande-Bretagne,  par  le  doc- 
leur  Clarke;  ilarchenay  a  joint  la 
correspondance  inédite  du  docteui' 
Tucker,  et  de  D.  Hume,  Paris.  1802, 
in-S".  —  2"  HÉmile,  de  J.-J.  Rou^- 
?«au,  Bordeaux,  1817,  3  vol.  in-12. 
—  3»  Lettres  Persanes  de  Montes- 
quieu ,  Nîmes,  1818,  in-S",  et  Tou- 
louse ,  1821,  iii-12.  —  4°  Les  Contes 
de  Voltaire,  Bordeaux,  1819.  3  voi. 
iu-12.  —  0°  *fanuel  des  inquisiteun, 
à  l'usage  de  linquisition  d'Espagne  et 
de  Portugal,  par  l'abbe  Morellet, 
Montpellier,  1819.  in-8^—  6°  L'Eu- 
lope  après  le  congrès  d'Aix-la-Cha- 
pelle ,   par    de   Pradt ,    Montpellier , 

1820,  in-12.  — 7°  De  la  liberté  reli- 
gieuse, par  Benoît,  ibid.,  in-8°. — 8* 
Julie,  ou  la  Nouvelle  Héloise,  par 
Jean-Jacques    Rousseau ,    Toulouse , 

1821,  4  vol.  in-12.  Il  avait  entrepris 
une  traduction  en  espagnol  de  ['Essai 
sur  les  mteuis  et  du  Siècle  de  Louis 
XIF,  laquelle  probablement  ne  tut 
pas  terminée  et  n'a  pas  vu  le  joui' , 
|)lus  que  sa  notice  siu-  le  poète  espa- 
gnol Mellendès  Valdés.        A — v. 

MARCHE  SI  (Fius«;ois),  ou 
ZAGAXELLI,  peintre  né  à  Coti- 
gnola,  florissait  en  1518.  Il  vint  fort 
jeune  à  P»avenne,  oîi  il  reçut  les  leçons 
de  Kondinello,  auquel  il  succéda  et 
dans  son  école  et  dans  ses  travaux. 
C'était  un  coloriste  du  premier  méri- 
te; mais  inférieur  a  son  maîue  dans 
le  des.sin  et  la  composition.  Ces  dé- 
fauts cependant  sont  loin  de  se  faire 
remarquer  dans  la  fiaiueu.se  Résui-rec- 
tion  de  Lazare,  qu'il  a  peinte  à  Clas- 
se, ainsi  que  dans  le  Baptême  de  Jé- 
xus-Clirist,  qu'on  voit  à  Faenza.  U 
a  su,  dans  ces  deux  ouvrages,  tem- 
pérer la  fougue  de  son  génie ,  dis- 
poser avec  plus  dintelligence  ses 
figures  fort  bdles.  bien  drapées,  et 
pleines  d'originalité  ,   quoique  d'une 


proportion  ordinairement  au-dessous 
de  nature.  On  fait  aussi  un  cas  extrê- 
me d'un  grand  tableau  de  la  Vierge 
au  milieu  de  plusieurs  saints,  qui 
existe  aux  Observantins  de  Panne,  et 
dans  le({uel  il  a  introduit  plusieurs 
personnages  célèbres  de  son  temps. 
On  ne  connaît  rien  de  lui  dont  l'idée 
ait  plus  de  solidité,  l'ensemble  plus 
d  harmonie  ,  la  disposition  plus  d'art 
et  le»  accessoires  plus  d'adresse,  il  a 
douné  à  son  coloris  plus  de  douceur, 
et  a  voulu  surtout  s  y  rendre  propre 
la  manière  de  Mantegna.  Il  eut  un 
frère  nommé  Bemardino,  avec  lequel, 
il  peignit  un  tableau  très-estimé  de 
la  Vierge  entre  saint  François  et  saint 
Jean-Baptiste,  dans  une  clia[)elle  des 
Observantins  de  Ravennc,  et  un  au- 
tre que  l'on  voit  à  Imola ,  dans  le 
couvent  de»  Réformés.  Bernardino 
ne  se  montra  pas  sans  talent  lorsqu  il 
peignit  seul.  On  remarque,  dans  la 
Charti-cuse  de  Pavie,  un  tableau  où  il 
a  mis  son  nom,  ce  qui  peut  servir  à 
lectiiîer  Terreur  dans  laquelle  est 
tombé  Crcspi,  en  oe  faisant  qu'un 
seul  des  deux  frères.  —  Jérôme 
MiiRCUESi  dà  Cotignola,  qui  parait 
être  de  la  même  famille ,  naquit 
veis  1480,  et  fut  élève  de  Fran- 
cia.  Ses  portraits  jouissent  d'une  ré- 
putation supérieure  à  ses  tableaux 
d'histoire ,  et  quelques-uns  de  ce» 
derniers  qne  l'on  voit  à  Rimini ,  jus- 
tiBent  cette  préféience;  mais  il  n'en 
est  pas  de  même  de  ceux  qui  existent 
à  Bologne;  ces  tableaux,  peints  dans  le 
stvle  de  son  temps,  repoussent  entière- 
ment un  tel  reproche.  Celui  que  possè- 
dent les  Servitcs  de  Pesaro  ,  et  qui  re- 
prèseute  la  Marquise  Ginevra  Sfona 
prosternée  devant  le  trône  de  la  Vier- 
ge avec  son Jils  Constant  If,  est  re- 
marquable par  la  beauté  de  la  pers- 
pective. Ce  tableau  n'est  point  le  seul 
qu'il  ait  exécuté  pour   des    familles 


7^ 


MAR 


souveraines.  Son  dessin  a  quelquefois 
de  la  sécheresse,  mais  son  coloris  est 
agréable;  ses  têtes  ont  de  la  majesté , 
et  ses  draperies  sont  bien  disposées. 
Les  ouvrages  que  l'on  connaît  de  lui  le 
placent  parmi  les  meilleurs  peintres 
de  l'ancien  style.  Appelé  à  Naples  et 
à  Rome,  sous  le  pontificat  de  Paul  III, 
ses  travaux  dans  ces   deux  villes  eu- 
rent peu  de   succès ,    ce   qu'il    faut 
plutôt    attribuer    à    sa    manière   de 
peindre,  alors  passée  de  mode,  qu'à 
son  manque  de  talent.  Il  a  mis  son 
nom  à  un   tableau   de    Saint  Jérôme , 
qu'il  peignit,  en  1520,  pour  les  Con- 
ventuels de  Saint-Marin.  Cette    date 
suffit  pour  réfuter  l'erreur  d'Orlandi 
qui  place  la    mort  de  Marchesi    en 
1518.    Vasari    et   Baruffaldi   le  font 
mourir  sous  le  pontificat  de  Paul  III, 
vers  1550.  —  Joseph  Mabchesi,  sur- 
nommé   il    Sa)iso7ie  ,    né   à  Bologne 
vers    la    fin    du   XVIl«    siècle ,    fut 
élève  de  Franceschini  et  de  Milani. 
Il  s'est  approché  de  la  manière  du 
premier,    dans    son    tableau    de    la 
Fierge  de  Galiera ,  et  l'opinion  com- 
mune est  qu'il  l'égale  dans  la  science 
du  plafond,  et  dans  le  ton  de  la  cou- 
leur.   C'est    de  Milani  qu'il  apprit  la 
science  du  dessin,  quoiqu'il  soit  par- 
fois un  peu  chargé  dans  les    parties 
du  nu.  Un  de  ses  meilleins  ouvrages 
est  /c  Martyre  de  sainte  Prisca,  qui  se 
trouve  dans  l'église  du  Dôme  de  Ri- 
raini,   où  l'on  remarque   une  bonne 
couleur  et  un  grand  nombre  de  belles 
fipures.  La  Sainte  Agnès  du  Domini- 
quin  parait  l'avoir  inspiré.  J.  Marclicsi 
a    encore  exécuté   beaucoup    de    ta- 
bleaux i)our  des  galeries  particulières. 
Celui  dans  lequel    il   a  représenté  les 
Quatre  Saisons  passe,    aux   yeux  des 
connaisseurs,  pour  un  des  plu» beaux 
ouvrages  de   l'<>cole   de  Bologne.  O 
peintre  uiouiut  dans  cette  ville  le  16 
février  1771.  P— s. 


MAR 

MARCHESI,  vulgairement  MAn- 
cHESiNi  (  Louis) ,  l'un  des  plus  célè- 
bres  chanteurs    parmi    les    castrats 
italiens,    était  né  à  Milan  en  1741, 
et  non  vers  1755.  Fils  d'un  trompet- 
tiste milanais,  il  s'adonna  d'abord  à 
l'étude  du  cor;  mais,  porté  vers  un 
genre  dans  lequel  il  devait  obtenir  le 
premier  rang,  jaloux  des  hommages 
d'admiration  dont  étaient  comblés  les 
soprani  de  cette  époqu|,  il  se  ren- 
dit à  Bergame,  où  il  se  fit  opérer.  Il 
reçut  des  leçons  de  Fioroni,  du  so- 
prano Caironi,    du    ténor    Albuzzi  , 
et   ne  tarda  pas  à  être  admis  parmi 
les   élèves  de  la    cathédrale.   Il  alla 
à  Rome ,    en  1774 ,  et   débuta   dans 
un  rôle  de  femme  (une  loi  de  ce  temps 
défendait  aux  femmes  de  paraître  sur 
la  scène  dans  les  états  du  pape)  (1). 
En  1775 ,  il  revint   à  Milan  et  joua 
long-temps  les  seconds  rôles.  A  cette 
époque,  si  fertile  en  chanteurs  ex- 
cellents, les  acteurs  du  second  ordre 
regardaient  comme  un  bonheur  pour 
eux  de  se   trouver  chaque  jour  en 
scène  avec  des  talents  transcendants, 
et  ils  devenaient  souvent  les  rivaux  de 
ceux  qu'ils  avaient  cominencé  par  re- 
garder   comme    leurs    maîtres.    En 
1779,  Marchesi  quitta  l'emploi  de  se- 
cond, et    parut  à  Florence  dans  le 
Caslore  e  Polluce,  de  Bianchi,  et  dans 
l'Achille  in  Scim,  de  Sarti.  Ce  dernier 
rôle  lui  acquit  une  réputation  extra- 
ordinaire; il  se  surpassa  dans  le  dé- 
licieux rondo  :  Mia    speranza  io  pur 
vorrei,  et  l'on  n'a  pas  de  peine  à  com- 
prendre que  depuis  il  ait  tant  de  fois 
répété  ce  niorcean.  De  retour  à  Mi- 
lan, Marchesi  devint  l'objet  de  l'ad- 
miration   universt'lle  ;    l'académie   fit 
frapper  une  médaille  en  son  honneur, 
et  tous  les  chanteurs  le  prirent  pour 


(1)  Celle  loi  fut  renouvelée  en  1825,  mais 
il  ne  parait  pas  qu'elle  ail  été  HÙ»e  en  vi- 
gucur. 


MAR 

modèle.  Il  se  fit  entendre  ensuite  sur 
les  théâtres  des  principales  villes  d'I- 
talie ;  puis  à  Vienne ,  à  Berlin,  à  Saint - 
Pétersboui^,  et  enfin  à  Londres,  où  il 
resta  deux  ans.  Retiré  du  théâtre  de- 
puis 1790,  il  retourna  en  Italie,  où  il 
vécut  comblé  d'honneurs  et  de  ri- 
chesses. L'excellence  de  sa  méthode 
a  été  si  connue  et  si  admirée,  qiic 
tout  ce  que  l'on  jwunait  due  à  co 
sujet  ne  saui*ait  exprimer  les  sensa- 
tions qu'il  foisait  éprouver.  Crescen- 
tini  a  pu  seul  donner  une  idée  de  la 
pureté  de  son  expression ,  de  la  net- 
teté de  sa  voix.  Maix-hesi  éuùt  de  plus 
excellent  acteur,  talent  rare  dans  les 
bons  chanteurs.  Il  mourut  dans  sa 
patrie  en  1826.  à  l'âge  de  quatre- 
vingt-cinq  ans.  Z. 

MARCHETTI  (Marc),  ou  ^fan 
de  Faenzu.  du  nom  de  sa  ville  natale, 
florissait  sou»  le  pontificat  de  Giv- 
goire  XIII  (1572),  et  fut  élève  de  Jaco- 
pone  Bertucci,  peintre  distingué  de  ce 
temps.  Personne  n'eut  plus  que  lui  une 
pi'atique  fière,  résolue  et,  comme  di- 
sent les  Italiens,  terrible,  dans  la  pein- 
ture à  fresque.  C'est  surtout  dans  les 
gt-otesqucs  ou  arabesqiia  qu'il  est  resté 
sans  égal.  .Personne  mieux  qne  lui 
ne  savait  mêler  aux  ornements  des 
traits  d'histoire  pleins  de  vivacité  et 
d'élégance  et  dont  les  nus  sont  une 
véritable  école  de  dessin.  Tel  est  sur- 
tout le  Massacre  dei  Innocents  qu'il 
a  peint  dans  le  Vatican.  C'est  a  lui 
que  Grégoire  XIII,  après  la  mort  de 
Sabbattini,  confia  les  tiavaux qu'il  fai- 
sait exécuter.  Côme  1'%  grand-duc 
de  Toscane,  l'emplova  également  à 
rembellissement  du  Palais  Fieux  de 
Florence.  Il  a  peu  tiavaillé  dans  sa 
propre  patrie:  cependant  on  y  con- 
serve quelques-utis  de  ses  tableaux  à 
l'huile,  et  l'on  v  montre,  dans  une  des 
rues,  une  voûte  où  il  a  peint  des 
fleurons  avec  des  figures  de  monstres. 


MAR 


t5 


d'une  imagination  pleine  de  richesse 
et  dont  la  beauté  est  telle  qu'on  les 
prendrait  pour  un  ouvrage  des  an- 
ciens. Rien  n'y  est  domié  au  caprice, 
tout  v  rappelle  la  mvthologie  et 
une  véritable  connaissance  de  l'anti- 
que. Marchetti  mourut  à  Rome  le  13 
août  4588.  P — s. 

MARCHETTI  (Jk4>),  archoY- 
que  d'Ancyiv,  était  né  à  Empoli  en 
Toscane,  le  10  avril  1753.  Il  fiit  pr^^ 
en  amitié  par  le  cardinal  Toireggiani, 
son  compatriote,  qui  se  chargea  des 
frais  de  sou  éducation.  A  la  fin  de  ses 
études  il  partit  pour  Rome,devintsecré- 
tairc  du  duc  Mattei  ;  puis  ayant  reçu 
les  ordres  sacrés ,  il  fut  placé,  par  le 
cardinal  VitaUen  Borromée,  auprès  du 
jeune  duc  François  Sibrza-Contarini , 
en  qualité  de  précepteur.  Une  criti- 
que qu'il  publia  de  Y  Histoire  ecclé- 
iiasticfue  de  Fleury  lui  attira  les  per- 
sécutions des  jansénistes,  et  lui  fit 
perdre  sa  place.  Il  se  livra  alors  à 
l'exercice  de  son  ministère,  et  obtint 
de  la  réputation  comme  prédicateur. 
Ses  conférences  sur  Itcriture-Sainlc , 
dans  l'église  de  Jésus ,  attirèrent  sui"- 
tout  un  grand  concours  d'auditeurs. 
Ses  succès  fixèrent  lattention  de  Pie 
VI,  qui  le  nomma  d'abord  examina- 
tour  du  clergé  romain,  puis  président 
du  collège  et  de  Féglise  des  .lésuitc». 
Lorsqueles  Français  entrèrent  à  Romt", 
en  1798,  Marchetti  fiit  enfermé  dans 
le  château  Saint-Ange,  puis  barmi  du 
territoire  de  la  république  romaine. 
Il  reiUra  alors  dans  sa  patrie,  mais 
l'invasion  de  la  Toscane  par  les  ar- 
mées fiançaises  lui  valut  une  nou- 
velle incarcération,  qui  fut  toute- 
fois de  courte  durée.  Après  l'élection 
de  Pie  VII,  il  revint  à  Rome,  et  se  li- 
vra tout  entier  à  ses  travaux.  Lors- 
que ce  pontife  eut  prononcé  Texcom- 
munication  contre  Napoléon .  Mar- 
chetti- soupçonné  d'avoir  été  le  con- 


76 


MàH 


seiller  de  cette  mesure,  fut  exilé  à 
l'île  d'Elbe,  où  il  resta  peu  de  temps, 
car  il  obtint  de  se  fixer  dans  sa  patrie. 
En  1814,  il  fut  successivement  nomme 
archevêque    d'Ancyre,    in    partibus, 
gouverneur  du  fils  de  la  relue  d'Etru- 
iie  Marie-Louise,    et    administrateur 
du  diocèse  de  Rimini  ,  avec  le    titre 
de    vicaire   apostolique,  n'ayant  pas 
voulu  être  évêque  titulaire.  U  retour- 
na à  Rome  sous  le  pontificat  de  Léon 
XII,  qui  le  choisit  pour  secrétaire  de 
la  congrégation  des  évêques,  dont  il  se 
démit  peu  après.  Il  se  retira  pour  lors 
à   Empoh,  et  y  mourut  le  15  nov. 
1829.  Il  avait  publié  un  grand  nom- 
bre d'ouvrages  en  italien,  parmi  les- 
quels nous    citerons  :  I.  Critique  de 
rHistoire    ecclésiastique     et     des    dis- 
cours de  M.  l'abbé  Fleury.  Ce  livre  a 
obtenu  plusieurs    éditions,  et  a  été 
traduit  en  français ,  en  allemand,  en 
espagnol.    II.   L'Autorité  suprême   du 
Pontife   romain,    démontrée    par   un 
seul  fait,  in-S".  III.  Les  Raciniennes, 
ou  Lettres  d'un  catholique  à   un  par- 
tisan de  l'histoire  ecclésiastique  de  Bo- 
naventure   Racine,    in-S".   IV.  Entr-e- 
tiens  familiers  sur   C Histoire  de  la  re- 
ligion avec  ses  preuves,  2  vol.  in-8". 
V.  De  l'Éducation  civile  et  chrétienne 
de  la  jeunesse  ,  lettres  critico-nwralcs, 
2  vol.  in-8''.  VI.  Les  Devoirs  du  sacer- 
doce chrétien,  exposés  en  forme  de  re- 
traite de  trente  jours, 'i\o\.  in-8°.  VII. 
Leçons  sacrées  depuis  l'entrée  du  peu- 
ple de  Dieu  dans  la  terre  de  Chanaan, 
jusqu'à  la  captivité  de  Rabylone,l\omc, 
1803-1808,   12  vol.   in-8".  VIU.  De 
rÉglise,  sous  le   rapport  politique,  3 
vol.  in-8*'. Marchetti  a,  en  outre, lais- 
sé plusieurs  ouvrages  manuscrits.    Z. 
MAKCIIETTI  (Gu'SEPPK  Salva- 
(,NOLi),  poète  italien,   né   à  Cormota 
près  d'Empoli,  le  8  septembre  1799, 
a  publié  plusieuiR  opuscules  en  vers 
fort  remanjuablcs,  entre  autres,  une 


MAR 

traduction  des  Psaumes,  et  une  des 
Églogues  de  Virgile.  Il  a  inséré  dans 
quelques   ouvrages    périodiques ,    et 
notamment  dans    le    Giomale  Arca- 
dico  et  V Antologia ,   de  bons  articles, 
de  critique  et  de  polémique  littéraire, 
Nourri  de  la  lecture   des  auteurs  de 
l'antiquité  et  des  classiques  de  sa  pa- 
trie,   il   les   aimait   avec   passion   et 
voyait  avec    chagrin  tous   ceux    qui 
s'écartaient  de  leurs  traces.   C'est  ce 
sentiment  d'admiration  exclusive  qui 
lui    dicta  une   brochure    renfermant 
une  critique  amère  des  hymnes  sa- 
crées de  Manzoni.  Il  méditait  depuis 
long  -temps  un  grand  ouvrage  histori- 
que qui  devait  fonder  sa  réputation , 
Pour  se  hvrer  uniquement  aux  re- 
cherches que   ce  travail  exigeait,   il 
refusa  les  offres  des  magistrats  de  la 
république  de  Saint-Marin,  qui  l'invi- 
tèrent à  diriger  les  études  du  sémi- 
naire de  cette  ville.  La  mort  vint  l'ar- 
rêter   dans  l'exécution    de    tous   ses 
plans.  Ce  fut  dans  la  maison  pater- 
nelle où  il  était  venu  passer  quelques 
jours  et  prendre,  au  sein  des   affec- 
tions de  famille,  de  nouvelles  forces 
pour  continuer  sa  laborieuse  carrière, 
qu'il  mourut  le  16  déc.  1829.      Z. 

MAttCIIIX  et  non  Marsin,  com- 
me l'ont  appelé  quelques  historiens , 
(le  comte  Ikiiuinand  de),  maréchal  de 
France ,  naquit  en  février  1656.  Son 
père,  d'une  ancienne  famille  flaman- 
de ,  fut  d'abord  colonel  dans  les  trou- 
j)es  liégeoises,  puis  général  en  France, 
et  .servit  en  cette  qualité  dans  l'armée 
de  Catalogne.  Au  bout  de  deux  ans, 
il  devint  gouverneur-général  de  cette 
province ,  abandonna  le  service  de 
l'rancc,  et  passa  dans  les  rangs  en- 
nemis, ce  qui  lui  valut  les  plus  grands 
hoimeurs  de  la  part  de  l'empereur  et 
des  rois  d'Angleterre  et  d'Espagne.  Il 
mourut  en  1673.  Cette  même  année, 
son  fils,  à  peine  âgé  de  dix-sept  an». 


■HtAB 

vint  en  France,  et  obtint  une  »ous- 
lieutenance  dans  la  gendarmerie. 
Nommé  brigadier  ,  en  1688,  il  eut, 
l'année  suivante,  un  commandement 
dans  l'armée  d'Allemagne,  combattit 
en  Flandre,  et  fut  blessé  à  la  ba- 
taille de  Fleurus.  Maréchal-de-camp 
en  1693,  il  servit  en  cette  qualité  à 
Nerwinde  et  à  la  prise  de  Charleroi.En 
1701,  Louis  XIV  le  nomma  lieute- 
nant-général et  ambassadeur  extraor- 
dinaire auprès  de  Philippe  V,  qui 
voulut  le  faire  giand  d'Espagne. 
Mais  Marchin  déclina  cet  honneur,  et 
il  motiva  ainsi  son  refus  dans  une 
lettre  à  Louis  Xr\'  :  =  Étant  absolu - 
»  ment  nécessaire  que  l'ambassadeur 
a  extraordinaire  de  V.  M.  en  Espa- 
n  gne  ait  un  crédit  sans  bornes  au- 
a  près  du  roi  son  petit-fils,  il  est  aus- 
»  si  absolument  nécessaire  qu'il  n'en 
«  reçoive  jamais  rien,  sans  excepter 
»  ni  biens,  ni  honneurs,  ni  dignités, 
•"  paixe  que  c'est  un  des  principaux 
»  moyens  pour  faire  recevoir  au  con- 
"  seil  du  roi  cathoUque  toutes  les 
"  propositions  qui  viendront  de  la 
<•  part  de  V.  M.  "  —  «  Quoique  je 
«  ne  sois  pas  surpris  de  votre  désin- 
«  téressement ,  lui  répondit  le  roi,  je 
«  ne  le  loue  pas  moins;  et,  plus  il 
"  est  rare ,  plus  j'aurai  soin  de  faiie 
a  voir  que  j'en  connais  le  prix,  et  que 
f  je  suis  sensible  aux  marques  d  un  zèle 
«  aussi  pur  que  le  vôtre.  •  Marchin 
accompagna  ensuite  PhiUppe  V  à  Xa- 
ples,  et  il  se  trou^  a  au  combat  de  Luz- 
zara  (9  août  1702),  où  il  eut  deux 
chevaux  tués  sous  lui,  près  de  la  per- 
sonne du  roi  d'Espagne.  Il  revint 
en  France  en  1703,  et  reçut  de 
Louis  XIV  le  collier  de  ses  ordres 
avec  le  gouvernement  d'Aire  en  Ar- 
tois. Il  servit  dans  la  même  année 
sous  les  ordres  du  dauphin,  et  con- 
courut à  la  prise  de  Brissac  et  au  gain 
de  la  bataille  de  Spire,  qui  fut  suivie 


>UR 


77 


de  la  prise  de  Landan.  il  passa  en- 
suite le  Rhin,  et  alla  joindre  le  duc  de 
Bavière  avec  un  grand  convoi.  Ce  fut 
alors  qu'il  reçut  des  mains  de  ce  prin- 
ce le  brevet  de  maréchal  de  France, 
que  Louis  XIV  venait  de  lui  envoyer. 
Il  prit  ensuite  le  commandement  de 
l'armée  sous  les  ordi-es  de  l'Électeur,  et 
fut  chargé  du  gouvernement  d'Augs- 
bourg,  après  la  prise  de  cette  place. 
Au  commencement  de  l'année  1704, 
il  rempoita  quelques  avantages  sur 
les  impériaux  ,  et  se  trouva  à  la  mal- 
heureuse journée  d  Hochstedt,  où  il  fut 
blessé,  et  sut  néanmoins,  par  sa  va- 
leur et  son  exemple,  maintenir  le  bon 
ordre  dans  une  retraite  qui  pouvait 
être  si  funeste  (  voy.  Tailart,  XLIV. 
422).  Il  n'est  donc  pas  vrai,  comme 
on  l'en  a  accusé,  qu'il  ait  été  la  caust* 
principale  de  la  perte  de  cette  ba- 
laille ,  et  Saint-Simon  même  lui  a  ren- 
du justice  à  cet  égard.  O  qui  prouve 
mieux  encore  que,  dans  cette  occa- 
sion, la  conduite  de  Marchin  fut  irré- 
prochable, c'est  que ,  la  même  année, 
le  roi  lui  donna  le  commandement 
de  l'armée  d'Alsace ,  et  le  pourvut  du 
gouvernement  de  Valenciennes.  Com- 
mandant encore  sur  le  Rhin  en  1705, 
avec  le  maréchal  de  Villars,  ils  forcè- 
rent les  impériaux  à  repasser  le 
fleuve,  et  dégagèrent  le  Fort -Louis. 
En  1706,  Marchin  fut  envoyé  en 
Italie  pour  y  servir  sous  les  ordres 
du  duc  d'Orléans,  et  il  se  trouva, 
le  7  septembre,  à  la  bataille  de  Tu- 
rin, où  trente  mille  impériaux,  sous 
les  ordres  du  prince  Eugène,  enlevè- 
rent d'immenses  lignes  défendues  par 
quatre-vingt  mille  Français.  Cet 
événement  fut,  sans  nul  doute,  un 
des  plus  importants  du  règne  de 
Louis  XIV,  et  les  jugements  que  l'on 
en  a  portés  sont  fort  divers.  Nous- 
mêmes  en  avons  attribué  la  faute  à 
Marchin.  dan-s  l'article  du  duc  d'Or- 


78 


MAR 


léans  (  foy.  ce  nom,  XXXII,    109). 

Nous   pensons   aujourd'hui    que     ce 

que  Napoléon    en    a   dit   dans    ses 

Mémoires ,    publiés    par    le    général 

Vlontholon,  est  plus  exact  et   mieux 

fondé,    et  nous  ne  saurions  mieux 

faire  que  de  nous  appuyer  d'une  si 

grande  autorité  :    »  On  a  justifié  la 

a  conduite  du  duc   d'Orléans  devant 

«  Turin  ;  les  historiens  l'ont  décharge 

u  de  tout   blâme.  Le   duc  d'Orléans 

«  était  prince,  il  a  été  régent,  les  é- 

u  crivains  lui  ont  été  favorables,  tan- 

«  dis  que  Marchin,  resté  mort  sur  le 

«  champ  de  bataille,  n'a  pas  pu  se  dé- 

<i  fendre.  On  sait  pourtant  qu'il  pro- 

..  testa  en  mourant  sur  le  parti  que 

«  l'on  avait  pris  de  rester  dans  les  li- 

..  gnes.  Mais  quel  était  le  général  en 

»  chef?  Le  duc  d'Orléans.  Marchin, 

»  Lafeuillade,Albergottiétaientsousses 

u  ordres.  Il  dépendait  de  lui  de  pren- 

«  dre  ou  non  les  avis  d'un  conseil  de 

«  guerre.    Personne   ne  lui  a  refusé 

u  obéissance.  S'il  eût  donné  l'ordre  à 

«  l'armée  de  sortir  de  ses  hgnes,  s'il 

«  eût  donné  ordre  à  la  gauche  de  pas- 

u  ser  la  Doire  pour  renforcer  la  droi- 

»  te,  s'il  eût  donné  positivement  or- 

»  dre  à  Albergotti  de  repasser  le  Pô, 

«  et  que  les  généraux  eussent  refusé 

«  d'obéir,  le  prince  serait  disculpé 

a  Si  l'absurde  anecdote  que  l'on  a  col- 
u  portée,  que  le  duc  d'Orléans  n'était 
u  général  que  de  nom,  et  que  Marchin 
»  était  investi  d'un  ordre  secret  dn 
.,  roi  pour  commander,  était  en  cf- 
«  fet  vraie,  le  duc  en  acceptant  un 
..  pareil  rôle  à  l'âge  de  trente-deux 
«  ans ,  aurait  fait  une  chose  contraire 
,.  à  l'honneur,  digne  de  mépris,  et  (|ui 
«  aurait  couvert  de  honte  le  dernier 
»  gentilhomme.  Marchin  était  muni 
«  d'une  recommandation  du  roi,  pour 
«  que  le  jeune  prince  écoutât  ses 
«  avis;  voilà  tout.  Le  <luc  d'Orléans 
..  était  le  général  en  chef  reconnu  par 


MAR 

"  les  généraux,  les  officiers  et  les  sol- 
»  dats  ;  aucun  ne  refusa  et  n'eût  re- 
«  fusé    de   lui  obéir  ;  il  est  donc  res- 
«  ponsable  de  tout  ce  qui  a  été  fait.  » 
Ainsi,  d'après  l'opinion  de  Napoléon, 
qui  était  allé  sur  les  lieux ,  et  qui  avait 
observé   le  champ   de    bataille  avec 
soin ,  le   malheureux  Marchin  ne  fut 
que  le  bouc-émissaire  de  ce  revers  fu- 
neste. Blessé  grièvement  à  la  cuisse, 
dès  le  commencement  du  combat,  il 
fut  fait  prisonnier  de  guerre  et  trans- 
porté à  Turin,  où  un  chirurgien  du 
duc  de  Savoie  lui  coupa  la  cuisse.  Il 
expira  quelques  heures  après,  disant 
à  l'ambassadeur  d'Angleterre  qui  vint 
le  visiter,  et  qui   l'a  souvent  répété  : 
"  Croyez  au  moins,  Monsieur,  que  ça 
('  été  contre  mon  avis,  que  nous  avons 
»  attendu  dans  nos  lignes...  »  Le  duc 
de  Savoie  lui  fit  faire  de  magnifiques 
funérailles,  et  il  fut  enterré  dans  la 
cathédi'ale.  Saint-Simon,  qui  n'aimait 
pas  le  maréchal,  et  qui  était  au  con- 
traire, comme  l'on  sait,    fort  enclin 
pour  le  duc  d'Orléans,  a  aussi  fait  de 
cet  événement  im   récit  à  peu  près 
semblable,  et    il    le  termine  par  un 
portrait  à  sa  manière  et  dont  les  cou- 
îenrs  sont  fort  rembrunies  :  «    Mar- 
«  chin,  vers  le  milieu  du  combat ,  re- 
«  çut  mi  coup  qui  lui  perça  le  bas- 
'.  ventre  et  lui  cassa  les  reins.  Il   fut 
»  pris  en  même  temps,  et  conduit 
.   dans  une  cassinc  voisine.  Il  deman- 
..  da  une  seule  fois  si  M.  le  duc  d'Or- 
"  léans    était   tué.  Arrivé  là  avec  un 
"  aide-de-camp  et  deux  ou  trois  do- 
«  mestiques,    il   envoya  chercher  un 
»  confessein-,  dit  quelque  chose  sut 
u  ses  affaires ,  mit  dans   un  paquet , 
u  pour  M.  le  duc  d'Orléans,  la  letuc 
..  (|uc    ce  prince  avait  écrite  au  roi 
.-  contre  lui ,  et  qu'il  lui  avait  lue  et 
u  confiée  pour  l'envoyer   lui-même  , 
.>  no  voulut  plus  entendre  parler  que 
.'  de  Dieu  et  mourut  dans  la  nuit.  On 


MAR 

»  trouva  paimi  ses  papiers  des  misères 

-  innombrables  et  un  amas  de  vœux 
»  plus  que  surprenants,  un  désordre 
•  immense  dans  ses  affaires,   et  des 

dettes  six  fois  plus  qu'il  n'avait  de 

bien.  C'était  un  extrêmement  petit 

iiomme,  grand  parlem-,  plus  grand 

.  courtisan,  ou  plutôt  grand    valet, 

-  tout  occupé  de  sa  fortune,  sans  tou- 
tefois être  malhonnête  homme,  dé- 

-  vot  à  la  âamande,  plutôt  bas  et 
«  comphmenteur  à  l'excès  que  poli , 

-  cultivant,  avec  un  soin  qui  l'absor- 
"  bait,  tous  ceux  qui  pouvaient  le  ser- 

-  virou  lui  nuire;  esprit  futile,  léger, 
«  de  peu  de  fonds,  de  peu  de  juge- 
u  ment ,  de  capacité  ,  dont  tout  1  art 
"  allait  à  plaire.  ••  Le  maréchal  Mar- 
chin  mourut  sans  avoir  été  marié,  et 
sa  famille  finit  avec  lui  ;  ce  qui  fait 
sans  doute  que  personne  n'ayant  pris 
intérêt  à  sa  mémoire,  peu  de  biogia- 
phes  lui  ont  consacré  un  artide.  Ce- 
pendant on  publia  sous  son  nom 
une  relation  de  la  Campagne  d'Alle- 
magne en  l'an  17(H ,  Amsterdam, 
1742,  3  vol.  in-12.  M— Dj. 

MARCHEVI  (JEàs-FRAsçois),  na- 
quit à  Verceil  le  20  avril  1713.  Après 
avoir  fait  de  brillantes  études  au  col- 
lège des  Jésuites,  il  embrassa  létat 
ecclésiastique  et  alla  étudier  la  théo- 
logie à  l'université  de  Turin.  Reçu 
docteur  à  la  fin  de  1735,  il  fut  admis, 
trois  mois  après,  à  laggrégation,  ce 
qui  lui  ouNTÏt  la  voie  de  l'enseigne- 
ment universitaire.  Lorsque  l'on  for- 
ma, en  1738,  mie  faculté  de  belles- 
lettres,  Marchini,  qui  s'était  déjà  fait 
une  réputation  d'éloquence,  fut  com- 
pris parmi  les  membres  de  la  nou- 
velle faculté.  Nommé  en  1745  pro- 
fesseur de  théologie  à  Verceil,  il  rem- 
plit en  même  temps  les  fonctions  de 
préfet  des  études,  et  dednt  le  con- 
seiller intime  de  Mgr.  Solaro,  qui  le 
chargea  de  rédiger  les  articles  du  sy- 


MAR 


79 


node  diocésain  tenu  en  1749.  Quel- 
ques aimées  après,  il  était  rappelé  à 
Turin  par  le  roi  Victor -Amédée,  afin 
d'occuper  à  l'Université  l'importante 
chaire  d'Écriture-Sainte  et  de  langues 
orientales.  Son  discours  d'ouverture, 
prononcé  en  présence  du  magistrat 
des  études,  des  professeurs  et  des 
docteurs  agiégcs  de  toutes  les  facul- 
tés, fut  fort  applaudi  et  méritait  de 
l'être,  soit  par  l'élégance  de  la  lati- 
nité, soit  par  la  profondeur  et  la  jus- 
tesse des  pensées.  Le  sujet  était  Fin- 
troduction  à  l'étude  de  l'Écritore- 
Sainte.  La  suite  de  son  enseignement 
répondit  à  l'éclat  de  son  début  et  il 
ne  cessa  de  professer  jusqu'à  sa  mort, 
arrivée  le  9  septembre  1774.  Mar- 
chini avait  été  l'ami  de  plusieurs 
hommes  célèbres,  tels  que  le  marquis 
Scipion  Maffei,  BiancbinL,  de  Vérone, 
et  l'orientaliste  de  Rossi,  de  Parme  ; 
ce  dernier  fut  son  élève.  On  lui  a 
élevé  mi  monument  dans  l'église  de 
Saint-François-de-Paule,  et  sa  biogra- 
phie a  été  insérée  dans  l'Histoire  de 
la  littérature  verceillaise,  par  l'au- 
teur de  cet  article.  On  a  de  Mar- 
cliini  :  l.  Essais  de  poésie  hébraïque, 
Turin,  1755,  in-8°.  IL  Prœlectio  ad 
:ttudia  sacrœ  scripturve  habita  in  regio 
aihenœo,  Tuiin,  1756,  in-4''-  IlL 
Tractatus  de  divinitatc  et  canonicitate 
sacrorum  librorum  sive  in  communia 
sive  in  particulari  de  diversis  scrip- 
turarum  editionibus  ac  versionibus^ 
avec  un  appendice  des  Instituiiones 
linguœ  hebraicœ,  Turin,  1762,  in-^". 

IV.  De  chronologia  sacra  et  de  non- 
uiillis  apparenter  sibi  cont>xidicen-> 
tibus  ac  frequentioribus  in  ea  occur-t 
rentibus  idiotismis,  Turin,  1763,  in-4% 

V.  Tractatus  in  loca  difficiViora  Novi 
Testamenti,  Turin,  1767,  in-8".  VI. 
Dissertationes  in  loca  difflciliora  sa- 
crce  scripturce,  manuscrit  que  fauteur 
•  laissé  tout  prêt  pour  l'impression. 


m 


MAR 


— Marchini  avait  deux  frères,  dont 
l'un  fut  avocat  et  poète,   et  l'autre 
professa  la  philosophie  au  couvent  de 
Saint-François  à  Ferrare.      G — o — y. 
MARCHIOIVE,    architecte    et 
sculpteur  d'Arezzo  en  Toscane,  flo- 
rissait   dans   le    XIIP    siècle,  il   fut 
choisi  par  le  pape  Innocent  III,  pour 
élever  à  Rome  \  Église  et  Y  Hôpital  dn 
Saint-Esprit  in  Sassia,  réédifiés  dans 
la  suite  par  Paul  m,Y Église  de  Saint- 
SylvestTe^XdL  Tour  de  Conti,  ainsi  nom- 
mée parce  que  le  pape  était  de  cette 
famille;    et    dans    Sainte-Marie-Ma- 
jeure, la  Chapelle   de  la  Crèche,  qui 
fut    reconstruite    par    Sixte -Quint. 
Dans  la  ville  d'Arezzo,  sa  patrie,  il 
érigea  l'église  paroissiale  ainsi  que  le 
Campanile  ou  clocher.  La  façade  était 
composée  de  trois  rangs  de  colonnes 
les  unes  sur  les  auUes,  toutes  de  di- 
verses   dimensions,    les   unes    très- 
grosses,  les  autres  au  contraire  très- 
minces,   sculptées  du  haut  en  bas  ; 
les  unes  comme  enveloppées  de  feuil- 
lages de  vigne,  les  autres  accouplées 
deux  à  deux,  ou  formées  en  faisceaux 
de  quatre    à   quatre,   et    la   plupart 
supportées  par  des  espèces  de  mas- 
sifs représentant  divers  animaux  non 
moins  remarquables   par    le  travail 
que  par  l'originalité  de  l'invention. 
Cependant  le  tout  formait  un  ensem- 
ble où  la  bizarrerie  faisait  disparaî- 
tre le  naturel  et  les  proportions.  Mais 
tel  était  alors  le  goût  général  de  l'ar- 
<;hitecture.  Tout  artiste  qui  était  on 
même  temps  sculpteur,  affectait   de 
manifester  son   talent   en    scidpUne 
dans  chaque  partie  d'un  édifice.  Le 
grand  art  était  d'entasser  une  foule 
d'ornements  sans  se  soucier  des  pro- 
portions et  des  règles  si  chères  aux  an- 
(îiens  ;  et ,  Marchione  vivant  dans  un 
siècle  où  les  saines  théories  n'étaient 
plus  connues,  on  ne  peut  s'étonner 
si   b   plupart  de  »e»  ouvr»fl[e«  sont 


MAR 

surcharges   de  sculptures  sans  goûl 
et   sans   discernement  (  voy.  Luzar- 
CHES,  XXV,  501  ,  note  t.)    —  Mar- 
cHioNi  (Charles),   sculpteur  et  archi- 
tecte   habile,    naquit   à    Rome,    en 
1704.  C'est  à  lui  qu'on  doit  le  Mau- 
sole'e   de  Benoît   XIII,    placé    dans 
l'église  de  la  Minerve.    Il  est  égale- 
ment   connu    par    d'autres    travaux 
qu'il  a    exécutés  tant  .à  Rome  qu'à 
Sienne.  Comme  architecte  il  a  cons- 
truit le  Palais  de  la  grande  villa  Al~ 
bani,  le    hras  neuf  du  port  d'Ancône, 
et  la  qrande  fabrique  de   la  nouvelle 
sacristie   de   la    basilique    de    Saint- 
Pierre   de  Rome.    Il  avait  un  talent 
remarquable  pour  dessiner  à  la  plume 
des    bambochadcs,   recherchées    des 
amateurs.  Son  caractère  et  ses  qua- 
lités ne  lui    avaient  pas  acquis  une 
moindre  estime  que    ses  talents.    Il 
mourut  à  Rome  en  1780.       P — s. 

MARCHIS  (Alexis  de),  peintre  de 
paysages ,    né  dans  le   royaume    de 
Naples,  au  commencement  du  XVIIl*" 
siècle,  travailla  à  Rome,  où  il  a  laissé 
des  ouvrages  recommandables  dans  les 
palais  Ruspoli  et  Albani.Mais  c'est  sur- 
tout à  Pérouse,  à  F  rbin,  et  dans  quel- 
ques autres  villes  des  États  romains  , 
que  l'on  conserve  ses  plus  belles  pro- 
ductions. Il  excellait  à  peindre  les  in- 
cendies; et,  pour  donner  plus  d'exac- 
titude à  ses  tableaux,  on  prétend  qu'il 
mit  le  feu  à  une  meule  de  foin.  Ar- 
rêté   pour    ce   dt'lit ,    mis  en  juge- 
ment et  condamné    à    plusieurs  an- 
nées de   galère,  il  en  sortit  «ous   le 
pontificat  de   Clément  XI,    pour   le- 
qtiel   il    embellit    le   palais     que  ce 
pape  avait  à  Urbin,  en   y  peignant 
des  vues    d'architecture,  des  perspec- 
tives   et   des    marines    d'une    grande 
beauté.    Son   style  se  rapproche   de 
celui  de  Rosa  di  Tivoli ,  plus  que  de 
celui  d'aucun  autre  maître.  Son  clief- 
d'opuvrc,   représentant  YincenJir  dr 


Troie,   appartient  à  la   famille  2kut- 
proni ,  à  Urbin.  il  voulut  y  déployer 
tout  son  talent,  qui  se  fait  remarquer 
jusque   dans   les    figures  ;   cependant 
il  n'y  a  ordinairement  à  louer  dan* 
ses  ouvrages  que    la   verve,  le  bon- 
heur du   pinceau,    la    vérité  du  co- 
loria, particulièrement  lorsqu'il  peint 
des    feux    ou    des  ciels    sombres    et 
jaunâtres ,     l'accord     et     l'harmonie 
de   l'ensemble;  mais  les  détails  sont 
en  général   lâches    et  exécutés    san* 
soin.  Il  eut  un  fils,  paysagiste  comme 
lui,  mais  dont  le  talent  était  inférieur. 
P— .^. 
MARCIEU  (PiesKK  Émé,  comte 
»►;),  issu  d'une  des  plus  anciennes  et 
plus  illustres  familles  du  Dauphiné. 
naquit  en  1686.  Il  était  fils  de  Guy- 
Balthazar,  marquis  de  Marcieu  et  de 
Boutières(I),  gouverneur  de  (Grenoble 
et  de  la  vallée  de  Graisivaudan,  et  de 
'\Iarie  do  Grollier,  fille  du  comte  de  ce 
nom,  maréchal  de  batailles.  Le  comte 
Pierre  de  Marcieu  puisa  clans  l'exem- 
ple et  dans  les  leçons  di'  ses  nobles 
parents  ce  caractère  chevaleresque  et 
religieux  empreint  des  traditions  du 
moyen-âge,  qui  le  distinguait  surtout 
rfu  milieu  du  relâchement  et  des  dé- 
^^ordres   de    la    cour   du   régent.    Ce 
prince  l'emplova  dans   des  missions 
de  confiance  en  llspagne  et  en  Pié- 
mont, où  déjà  il  était  connu  et  appré- 
cié. Il  servit  dans  le  régiment  de  la 
«".ouronne,     depuis      1700    jusqu'en 
1719,  époque  oii  il  devint  colonel  du 
régiment  des  Vaisseaux.    Promu   au 
grade  de  brigadier  en  1721,  à  celui 
de  maréchal-de-camp  en    nW,  fait 
inspecteur-général   d'infanterie    dans 
la  même  année,  il  fut  nommé  lieu- 
tenant-général   le    20  fc\Tior    1743. 

il)  Ce  marquisat  pro>enait  d'un  de  se» 
ancêtres,  le  chevalier  de  Boutières ,  parent 
•H  compagnon  d'armes  de  Bavard,  et  qui 
contribua  beaucoup  au  ;aài  de  U  bataille  de 
Oensoles. 

IKXiÙ. 


YUi: 


81 


commandant  de  la  province  du  Datt^ 
pbiné  le  l"*^    août  suivant,  puit»  du 
corps  darmcH;  français  sous  les  oi- 
dres  de    l'infant   don  Philippe    dEs- 
pagne.  Le  25  mars  1766,  il  reçut  let^ 
insignes  de  commandeur  de  l'ordre 
de  Saint-Louis,  et  plu»   lard  ceux  de 
giand'crois.    Le  2  mars  1777,  Mon- 
viVur,   frère  du  roi  Louis  XVI,  en  sa 
qualité  de  grand-maitre  des  ordres  de 
-NoUe-Uame-du-Mont-Garmel    et    de 
•Saint-Lazare,  lui  fil  délivrer  les  provi- 
sions de  la  comiuanderie  de  Reims. 
Marcieu  joignait  aux  avantages  d'une 
taille  élevée  et  d  une  belle  figure ,  la 
pinidence,  l'habilité  d'un  homme  d'état 
et  l'amabilité  séduisante  d  un  homme 
de  cour.   Il    était  venk;  dans  la  litté- 
rature latine,  et  po|^dait  »me  con- 
naissance   profonde     de    toutes    le» 
i>ranches  de  la  science  militaire.  Ji 
parlait  avec  ime  égale  facilité  l'espa- 
gnol, l'allemand  et  l'italien.  Indépeo- 
datument  des    nombreux    mémoires 
militaircis  dont  il  a  enrichi  le  dépôt  de 
la  guerre,  il  eu  a  laisse  de  fort  curieux 
sur  la  campagne  des  Alpes,  en  1743. 
\  lépoque  de  la  disgrâce  d  Albéroni, 
il    eut  la    missiou   de  recevoir  à  la 
frontière  «l'Espagne  ,  et  d'accompa- 
gner jusqu'à  celle  d'Italie  ce  ministre 
disgracié,  et  de  veiller  a  ce  qu'en  tia- 
versant    le  royaume  il    n  y    renouât 
pas  des  inuigiies  avec  les  ennemis  de 
l'État.  L'affaire  de  la  Bretagne  n'était 
pas  encore  terminée.    Le  comte   de 
Marcieu  mit,  dans  rexécution  des  or- 
dres que  lui  avait  donnés  lednc  d'Or- 
léans, la  plus  aimal^le  courtoisie  et  une 
délicates^se  de  procédt^s  qui  touchèrent 
e.\trémt;ment    Albéroni.    Ce  ministre 
dont  la  haute    fortune  venait    d'être 
renversée  d  une  manière  si  brusque  et 
si  imprévue,  livré  aux  tourments  d'uni' 
ambition  déçue,  que  la   violence   et: 
l'impétuosité  de   son   caractère   rea-^' 
daient  plu>  t.i-vkelU'  encore,  trouva  du 


82 


MAB 


soulagement  à  ses  peines  dans  les  con- 
solations que  lui  prodiguait  le  comte 
de  Marcieu,  Ce  n'était  pas  une  des  cir- 
constances les  moins  singulières  des 
vicissitudes  de  la  fortune  du  cardinal, 
que  de  voir  l'homme  naguère  tout- 
puissant,  qui  avait  gouverné  l'Espagne 
et  rempli  l'Europede  ses  intrigues,  déjà 
usé  par  l'âge  et  surtout  par  le  fardeau 
des  affaires,  ne  recouvrer  le  calme  et 
l'énergie  de  sa  raison  que  dans  les  en- 
tretiens ou  les  conseils  du  jeune  co- 
lonel que  le  régent  avait  chargé  de 
l'accompagner.  Animée,  substantielle, 
pleine  de  saillies  et  d'intéi'ét,  la  con- 
versation  de  cet   officier  ne   cessait 
pas  un  moment  de  charmer  le  car- 
dinal ;  parfois,    elle    lui    faisait    ou- 
blier ses  disgrâces  ;  et  alors,  le  minis- 
tre déchu,  retrempé  par  la   philoso- 
phie élevée  et  consolante  de  son  bril- 
lant compagnon  de  voyage,  ne  com- 
primait plus    l'élan  de  sa  reconnais- 
sance, lui  révélait  avec  épanchement 
les   détails   les   plus  importants  des 
plans    qu'il  avait  formés  pendant  sa 
toute -puissance.   D'autres  fois  il  lui 
découvrait  les  particularités  les  plus 
secrètes    des    intrigues    qui    avaient 
agité  la  cour  d'Espagne.  Ce  fut  ainsi 
qu'il    confia  au   comte  de    Marcieu 
que  la  nouvelle  reine  avait  été  chai'- 
gée   de  réaliser   l'éloignement  de  la 
princesse    des    Ursins,  dont  la    dis- 
grâce avait    été    concertée  entre  les 
deux  rois.  En  y  mettant  toutes  les  con- 
venances, le  comte  de  Marcieu   ne  se 
conforma  pas  moins  aux  instructions 
du  régent ,  avec  une  prudence  admi- 
rablement calculée.  Ainsi,  le  cardinal 
ne  reçut  pendant   ce    trajet  aiicMne 
sorte  d'honneurs;  on  lui  fit  parcourir 
jusqu'en  Provence,  où  il  s'embarqua 
])our  Gènes,  une  route  combinée  de 
manière  à  éviter  les  villes  et  les  bourgs 
<le   (jueUjue    importance.    I,c   régent 
loua  beaucoiip  le  romtiC  de  Marcieu , 


MAR 

dans  ses  lettres  particulières  qui,  avant 
1789,  étaient  conservées  au  château 
du  Touvet,  de  ces  dispositions  et  de 
leur   réussite;   il  laissa  éclater  toute 
sa  joie,  lorsqu'il  apprit  l'embarque- 
ment d'Albéroni  pour  Gênes,  il  était 
débarrassé    d'un  ennemi    pei'sonnel 
qu'il  avait  puissamment  contribué  à 
renverser.  Tout  obstacle  au  rappro- 
chement des  cours  de  France  et  d'Es- 
pagne, et  à  la  conclusion  de  la  paix, 
disparaissait  avec  le  renvoi  du  car- 
dinal. Pendant  l'année  1748,1e  comte 
de   Marcieu,    dont    l'administration 
éclairée  se  faisait  distinguer  par  un 
mélange  d'énergie,  de  douceur  et  de 
dévouement  aux  intérêts   du  roi  et 
de  la  monarchie,  réussit  à  surpren- 
dre les  menées  que  le  parti  protestant 
entretenait    avec    les    ennemis  de  la 
France.    Ces    intrigues,  dont  le  but 
était  de  favoriser  les  armées  qui  me- 
naçaient nos  frontières,  avaient  leur 
foyer  principal  à  Genève  ,  d'où  par- 
taient des  émissaires  chargés  de  pé- 
nétrer dans  les  montagnes  du  Dau- 
phiné,    où  il   existait  de  nombreux 
sectaires  de  Calvin,  De  là  ils  se  ré- 
pandaient dans  le  Vivarais    et  sur- 
tout à  Nîmes.  Le  comte  de  Marcieu 
sut  paralyser    les  sourdes  et  crimi- 
nelles manœuvres  dont  il   avait,  dès 
leur  naissance,   révélé    l'existence  à 
la  cour.  Pendant  son  commandement 
en  Dauphiné,  il  eut  des  démêlés  avec 
le  parlement,  pour  une  question  d'é 
ti(|uette  où    il  soutint,   avec    autant 
d'esprit  que  de  mesure,  les  droits  du 
gouverneur  de  la  ville  de  Grenoble, 
<lont  le  marquis  de  Marcieu,  son  ne- 
veu, exerçait   les  fonctions.  Il  mou- 
rut en  1778,  âgé  de  92  ans.  Le  comte 
de  Marcieu  fut  un  modèle  de  dévoue- 
ment au  roi ,  à  la  patrie,  et  de  désin- 
téresscuïcnt.  Il  avait  sacrifié  une  par- 
tic   de    sa  fortune    au    service  mili- 
.lains  Voici   ce  qu'il  <5crivail ,    lo  25 


Mak 

décembre  1761,  au  duc  de  Choiseul, 
ministre  de  la  guerre  :  »  Monsei- 
»  gneur,  je  reçois,  avec  bien  de  la 
»  reconnaisance ,  la  gracieuse  lettie 
"  dont  vous  m'honorez  le  13  de  ce 

•  ^is,  en  m'annoncant  l'ordre  que 
»  que  vous  venez  de  donner  à  M.  de 
»  Boullongne,  pour  me  faire  payer  le,s 

•  quatre  premiers  mois  de  mon  trai- 

•  tement  de  cette  année,  en  qualité  <lo 
»  lieutenant-général  employé  en  Dau- 
"  pliiné.  Ce  petit  secours  ne  pouvait 
"  me  parvenir  dans  un  plus  prcs- 
«  sant besoin,  à  tous  égards,  puisque 
"  j'ai  mangé  plus  de  deux  cent  mille 
«  livres  de  mon  bien  au  serince  du  roi, 
«  principalement  pour   soutenir  aver 

dignité,  depuis  dix-neuf  ans, \c  corn- 
■  mandement  de  cette  province  que 
"  Sa  Majesté  voulut  bien  <-onfier  à 
»  mes  soins,  en  1743,  non  par  dos 
«  lettres  de  service,  mais  par  des 
"  ordres  et  commissions  particulières 
1  qui  m'y  ont  fait  regarder  comme 
»  placé,  article  que  je  crois  devoir 
«  mettre  sous  vos  yeux  par  les  copies 

•  ci-jointes,  à  la  suite  desquelles  vous 
»  pouvez  voir  qu'il  m'est  redà,  par 
«  MAI.  les  trésoriers,  plus  de  nonante- 
u  six  m j7/e /ù'res,  arrérages  trop  con- 

•  sidérables  pour  un  douzième  lieu- 

•  tenant-général  des  années  du  roi , 
«  servant  depuis  1700,  âgé  de  73 
»  ans,  criblé  de  neuf  blessures  et 
«•  épuisé  dans  ses  facultés,  s'étant 
»  même  privé  de  la  dernière  ressour- 

•  ce  en  faisant  porter  le  premier  à  la 

•  monnaie  toute  sa  vaisselle  d'argent, 

•  afin  dedonnerexempleenDauphiné 
»  pour  les  besoins  de  l'État.  »  —  Mar- 
r.iTX  (Guy-Balthazar  Émé,  marquis 
de),  né  en  1721,  était  fils  de  Laurent- 
Joseph  Émé ,  marquis  de  Marcieu  , 
gouverneur  héréditaire  de  la  ville, 
citadelle ,  arsenal  de  Grenoble  et 
vallée  de  Graisivaudan,  et  lui  suc- 
céda dans  eette  charg»?.  Il  manifesta 


MAP» 


83 


de  bonne  heure  une  vocation  décidée 
pour  les  armes,  et  une  grande  aptitude 
pour  les  sciences  et  les  lettres  dont  il 
s'occupait    dans    les    loisirs   que    la 
guerre  lui  laissait.  Il  débuta  par  étie 
enseigne  en  la  compagnie  colonelle 
du  régiment  Royal-Vaisseaux,  le  22  dé- 
cembre 1731,  et  se  comporta  vaillam- 
ment dans  les  campagnes  de  1733  et 
1734,  à  l'armée  d'.\llemagne.  Nommé 
capitaine  de  la  même  compagnie,  il 
passa,   le  29  octobre  1739,  dans  les 
gendarmes  de  la  garde  du  roi  avec  le 
grade  de  guidon.  Devenu  mestre-de- 
camp  de  cavalerie,   il   mérita  par  sa 
bravoure  les  suffiages de  ses  chefs  à  la 
bataille  de  Fontenov.  Le  1"  mai  1746, 
il  fut  placé  comme  brigadier  de  cava- 
lerie dans  l'armée  commandée  par  le 
maréchal  de  Saxe,  et  fit  la  campagne 
de  Flandre,  qui  fut  terminée  par  la 
bataille  de   Raucoux.  Le   12  janvier 
1747,  il  passa,  en  qualité  de  briga- 
dier de  cavalerie,  sous  les  ordres  du 
comte  de   Marcieu,  commandant  en 
chef  de  la    province    du   Uaupbiué. 
Dans  la  même  année,  il  fut  employé 
à   l'armée    du    maréchal    de    Bélle- 
Isle  ,  et  prit  part    aux   combats  de 
Lantosca   et  de    Castel-Doppio  ;    il 
fut  maintenu  dans  ce  grade  à    l'ar- 
mée du   même  maréchal ,  quand   il 
vint  commander  à  la    frontière  des 
Alpes.  Par  brevet  du  13  mars  1748, 
il   fut  nommé    capitaine-sous-lieute- 
nant des  gendarmes  de  la  garde  du 
roi,  et  le  18  mai  suivant,  il  fiit  élevé 
au  gi-ade  de  maréchal-de-camp.  Par 
commission  du  roi,  il  fut,  le  1"^  juin, 
attaché    à    larmoe    qui  s'assemblait 
sur  les   frontières     d'Italie,   sous   les 
ordres  du  maiéchal  de  Jîelle-Isle.  Le 
marquis  de  Marcieu  reçut  du  roi,  en 
décembre  1748,  l'honorable  mission 
d'aller  à  Cliambéi-y  auprès  de  l'infant 
don  Philippe  d'Espagne,  pour  pren» 
dre  les  ordre<  de  ce  prince,  tant  sur 
6. 


84 


MAB 


le  passage  de  l'infant  en  Dauphind 
que  pour  régler  la  marche  des  trou- 
pes espagnoles  qui  devaient  éva- 
cuer la  Savoie.  Le  marquis  de  Mar 
cieu,  atteint  de  la  petite-vérole,  mou- 
rut en  1733,  sans  laisser  de  postérité, 
à  son  château  du  Touvet,  près  Gre- 
noble, âgé  de  32  ans.     G — h — d. 

MARCIEU  (Pierre  Émk,  marquis 
dk),  et  de  Boutiéres,  frère  du  précé- 
dent ,  et  neveu  du  comte  Pierre  de 
Marcieu,  naquit  en  1728,  du  mariage 
de  Laurent-Joseph,  marquis  de  Mar- 
cieu avec  Françoise-Gabriclle  de  Mis- 
tral de  Montdragon,  fille  du  marquis 
de  Montmirail.  Par  letti'e  du  grand - 
maître  de  Malte  d'Espuig,  il  hit  nom- 
mé page  de  ce  chef  de  l'ordre ,  le  27 
novembre  1739,  et  par  brevet  du  10 
juin  1740,  il  débuta  à  lage  de  12  ans 
en  qualité  de  cornette  de  la  2*  com- 
pagnie du  régiment  de  cavalerie  de 
fiouchefolière.  Il  montra  beaucoup  de 
valeur  et  de  talent  dans  la  campa- 
gne de  Bohême,  dans  celles  d'Alle- 
magne et  de  Flandre  ,  et  surtout  à  la 
retraite  de  Prague.  Le  26  août  1743, 
il  fut  nommé  capitaine  d'une  des 
compagnies  du  régiment  de  cavalerie 
de  Royal-Pologne.  Le  17  mars  1743, 
sur  la  démission  du  comte  de  Marcieu, 
il  le  remplaça  dans  le  gouvernement 
de  Valence  ;  et  le  3  avril  17i7,  il  fut 
nommé  colonel  du  régiment  des 
Landes  (infanterie),  étant  à  peine  âge- 
de  19  ans.  Le  19  juillet  suivant , 
à  l'attaque  des  retranchements  du  co! 
de  l'Assiette,  où  il  commandait  son  ré- 
giment et  la  brigade  do  Bourbonnais, 
il  se  couvrit  de  gloire ,  et  reçut,  eu 
montant  à  l'assaut,  les  hiessiu-es  les 
plus  graves.  Par  commission  du  1" 
janvier  1748,  il  fut  nouuué  mcstreKk- 
camp  du  régiment  de  cavalerie  de 
Beaucairi-,  qui  prit  le  nom  de  Marcieu. 
Le  25  mars  suivant ,  il  alla  à  Mons 
prendre  le  commandement  de  ce  n.^ 


MAR 

giment  qui  faisait  partie  de  l'aimée 
du  comte  de  Saxe.  A  cette  occasion,  le 
comte  Pierre  de  Marcieu ,  son  oncle , 
écrivit  la  lettre  suivante  au  maréchal 
de  Saxe  :  «  Monseigneur ,  [quoique  le 
•  chevalier  de  Marcieu  ,  mon  ne^u, 
«  soit  encore  assez  recommandé  paries 
"  cruelles  blessures  qu'il  reçut  le  19 
«  juillet  dernier  à  la  tête  de  son  ré- 
"  giment  des  Landes  et  de  la  brigade 
«  de  Bourbonnais  à  la  malheureuse 
"  affaire  de  fAssiette  en  Piémont ,  je 
'<  ne  puis  ni  ne  dois  résister  à  l'im- 
>'  patience  qu'il  a  de  se  rendre  au  ré- 
»  giment  de  cavalerie  devant  Beau- 
"  Caire  ,  que  le  roi  a  bien  voulu  lui 
»  donner  et  que  peut-être  vous  ferex 
»  mouvoir  dans  peu....  Mon  neveu, 
«  qui  part  demain  ,  23  ,  en  poste, 
«  pour  joindre  ses  étendards  k  Mons, 
«  est  si  empressé  de  se  retrouver  sous 
«  vos  ordres  où  il  a  fait  son  appren- 
"  tissage  en  Bohême  et  à  Prague,  que 
«  j'espère  des  anciennes  bontés  dont 
"  vous  m'honorez,  la  préférence  de  le 
«  faire  servir  ious  vos  yeux  ainsi  <juc 
«  son  régiment,  dans  l'armée  princi- 
'<  pale  ijue  vous  vous  réserverez  , 
H  n'ayant  rien  de  plus  à  cœur  que  de 
«  mériter  l'approbation  d'un  héi-os 
•'  tel  que  vous.  Monseigneur,  n  Mar- 
cieu assista  à  l'investissement  deMaes- 
tricht,  qui  se  rendit  le  7  mai.  Le  26 
déc,  le  comte  d'Argenson,  nùnistrc 
de  la  (pierre,  lui  écrivit  pour  lui  an- 
noncer que  ,  '<  d'après  le  compte 
«  rendu  au  roi  de  ses  services  et  des 
"  blessures  reçues  par  lui  à  l'attaque 
•<  du  cul  de  l'Assiette,  Sa  Majesté  lui 
"  avait  accordé  ime  pension  de  deux 
u  mille  livres  sur  le  trésor  royal.  « 
Par  comnùssiuu  en  date  du  20  oc- 
tobre 1730  ,  il  fut  revêtu  de  la 
charge  <le  gouverneur  »le  la  ville,  ci- 
la<lelle  et  arsenal  de  (5renoi)le  el  de 
la  vallée  de  Graisivaudau,  devenue  va- 
f  .ant4*  par  la  mort  du  marquis  (Jui  de 


Marcieu,  son  frère  aîné.  Il  .se  distin» 
gua  par  plusieurs  faits  d'armes  bril  - 
lants  à  la  bataille  de  Hastembeck  ga- 
gnée par  le  maréchal  d'Estrëes.  Le  10 
février  1759  il  fut  nommé  brigadier 
de  cavalerie  :  durant  cette  guerre  à 
laquelle  il  prit  une  part  très-active,  il 
se  fit  remarquer  en    Hanovre  et  en 
Hesse.  LeSmai  1761,   il  fut  nommé 
marëchal-de-camp,  et  lieutenant-gé- 
néral le  1"  mars  1780.  Le   29    août 
1783,  il  reçut  une  commission  pour 
remplacer  le  duc  de  Clermont-Ton- 
nerre  en  qualité  de  commandant  du 
Dauphiné,  et,  par  une  autre  commis- 
ion  du  29  août  1784,  il  y  fut  main 
tenu.  Enfin   il   obtint  le  commande- 
ment en  second   de  cette  province, 
dont  le  duc  de   Clermont-Tonnerre 
avait  le  commandement  en  chef.  Le 
1"  août  1787.  il  fut    fait    comman- 
deur de  .Saint-Louis ,  puis  chargé  de 
la  division  du  Dauphiné,  avec  le  bre- 
vet d'une  brigade   d'infanterie    com- 
posée de  (rois  bataillons  légers,  avant 
sous  ses   ordres    MM.    de    Frimont 
et  de  la    Galissonnière    pour   mare 
chaux-de-camp.  L'esprit  d'opposition 
avait  fait  de  grands  progrès  au  sein 
des  parlements,    surtout  parmi    les 
jeunes    conseillers,  pendant    les  an- 
nées   qui   précédéi-ent  la  révolution. 
L«  marquis  de  Marcieu  eut  a    lutter 
contre  le  parlement  de  Gi^noble,    la 
cour  ayant  mis  une  grande  mollesse 
à  le  soutenir  par  la  crainte  qu'inspi- 
raient déjà  ces  corps  beaucoup  trop 
puissants.   Dégoûté  de   ses   emplois, 
parce  qu  il  n'avait   pu  communiquer 
son  énergie  au  ministère,  ni  réclaircr 
sur   le  danger  qui  menaçait    I  ordn- 
pnblic,  le  marquis   de  Marcieu  rési- 
gna le  commandement  de  la  province 
et  se  borna  aux  fonctions  de  gouver- 
neur de  Grenoble.  Il  en  fut   arraché 
pendant  la   teireur.  et  transporté  à 
Paris  où   il    échappa  aux    niassacreii 


MâR 


85 


des  prisons,  dans  lesquelles  il  resta  in- 
carcéré pendant  trois  ans.  Il  mourtit 
le  19  avril  18<H.  Il  avait  épousé  la 
fille  du  marquis  de  Saint-André,  lieu- 
tenant-général et  gouverneur  de  Va- 
lence. —  Le  marquis  de  Marcieti 
avait  servi  sur  les  côtes  en  1760,  et 
avait  été  emplové  pendant  trois  an- 
nées à  diriger  la  démarcation  entre  la 
France  et  les  États  sardes ,  depuis 
Genève,  le  long  des  Hautes-Alpes, 
Jusqu'au  littoral  et  confluent  du  Var, 
en  Provence,  conformément  au  traité 
des  limites  du  21  mars  1760. 

G — R— D. 

MiVRCIEU        (  NiCOUS  -  GlWUEL 

Emé,  marquis  de),  fils  du  précédent, 
naquit  le  11  octobre  1761.  Son  édu- 
cation religieuse   et    scientifique  fut 
dirigée  avec  soin  et  intelligence  au 
sein  de  sa   noble  famille.  De  bonne 
heure  on  le  prépara  à  la  carrière  des 
armes  qu'il  devait  embrasser;  ses  pro- 
grès furent  rapides.  Il  entra  en  1775 
comme  aspirant  au  coi^ps  royal  d'ar- 
tillerie, à   la  résidence  de  Grenoble, 
étant  à  peine  âgé  de  li  ans,  mais 
déjà   fort   instruit  en  mathématique* 
et  dans  les  branches   accessoires   au 
service   de   cette   arme.   Il  la   quitta 
[>our  entrer  sous-lieutenant  au  régi- 
ment de  MoTtiieur,   dragons,    le  14 
avril   1777,  fiit  successivement  capi- 
taine au  régiment  du  roi,  cavalerie, 
capitaine    de  remplacement  dans  le 
même  régiment,  major  en  second  au 
régiment  roval  Champagne,  cavalerie, 
le  1"  mai  1788.  Pendant  l'émigration, 
il  fut  aide-de-camp  du  maréchal  de 
Rroglie  en  1792  et  1793.  et  capitaine 
au  régiment    de    Broglie    en    1794. 
Après    la  restauration     il    obtint    le 
grade  de  maréchal-de-camp  le  2  oc- 
tobre 1816.   Le  10  juillet   1823,  le 
martpjis  de  Marcieu   fut,    ainsi  que 
son   beau-frère,     le     marquis    de  U 
Porte,   ♦-•hoisi  par   l'ordre   de  Malte 


86 


MAR 


pour  entamer  des  négociations  avec  \c 
colonel  Jourdain,  représentant  le  gou- 
vernement grec,  et  il  eut  l'honneur 
de  faire  consacrer,  dans  un  traité,  le 
principe  de  l'aflFranchissement  de  la 
nation  grecque  que  plus  tard  l'Eu- 
rope dut  admettre  et  reconnaître.  Il 
s'agissait  aussi  de  favoriser  la  renais- 
sance de  l'ordre  de  Malte  qui  eût  cou- 
vert de  ses  étendards  européens  les 
mouvements  de  l'Orient.  L'interven- 
tion de  l'ordre  eût  éteint  ou  du  moins 
amorti  les  rivalités  des  nations,  qui 
vraisemblablement  ensanglanteront  le 
midi  de  l'Europe  et  peut-être  l'Europe 
entière,  lors  du  démembrement  de  la 
Turquie.  Des  ciiconstanccs  malheu- 
reuses, empêchèrent,  en  1823,  (jne  ce 
plan  d'une  sage  politique  se  réalisât , 
même  sans  le  concours  des  puissan- 
ces. Le  marquis  de  Marcieu  mourut 
à  Paris  le  22  avril  1830;  il  avait 
épousé  mademoiselle  Adélaïde  de 
Broglie,  fille  du  comte  de  Broglie, 
lieutenant-général  des  armées  du  roi, 
et  d'Augustine  de  Montmorency,  il  a 
laissé  un  fils,  le  comte  Albéfic  »le  Mar- 
cieu, qui  fut  long-temps  employé  dans 
la  diplomatie  en  Saxe  et  en  Italie,  sous 
l'empire  et  sous  la  restauration,  et 
deux  filles.  Un  deuxième  fils  avait  péri 
glorieusement  à  la  bataille  de  Ilanau, 
en  1813.  G— b — d. 

MARCILL AC  (  Pikhre  -  Louis- 
AcGUSJE  BK  tjRisv,  uiurquis  de),  né  le 
9  février  1769  à  Vauban,  en  Bourgo- 
gne, d'une  famille  ancienne,  fut  élevé 
à  l'École  militaire  de  Paris,  d'où  il 
sortit  avec  une  liculcnance  dans  le 
régiuïent  de  Picardie,  cavalerie,  il  en 
devint  colonel  en  178,7,  et  énugra 
au  conunenccincnt  de  la  révolution. 
En  1792  il  fut  envoyé  en  Hollande 
par  les  princes  français,  afin  de  né- 
gocier un  (-mprunt  de  2,000,000  fi.  Il 
le  conclut  avec  un  /.èlc  et  un  dcsin- 
téressctiient  rares,  car  non -seulement 


MAR 

il  fit  poner  en  diminution  des  inté- 
rêts le  pot-de-vin  d'usage  que  les 
prêteurs  lui  avaient  offert,  mais  il  en- 
gagea dans  cette  opération  toute  la  for- 
tune de  sa  famille  maternelle.  Cette 
même  année ,  M.  de  la  Queuille, 
envoyé  des  princes  frauç^ns  auprès 
de  l'archiduchesse  des  Pays  -  Bas  , 
ayant  reçu  une  lettre  autographe  de 
Louis  XVI,  par  laquelle  ce  monarque 
l'appelait  à  Paris  afin  de  lui  commu- 
niquer les  détails  d'un  plan  conçu 
pour  l'évasion  du  Dauphin,  le  mar- 
quis de  Marcillac  fut  du  petit  nombre 
de  ceux  à  qui  l'exécution  dut  en  être 
confiée.  Mais  une  seconde  lettie  d.e 
Louis  XVI  annonça  qu'il  abandonnait 
<e  projet.  Marcillac  fit  la  campagne 
de  1792  en  qualité  d'aide-de-camp  du 
même  M.  de  la  Queuille,  son  oncle,  et 
telle  de  1793  à  l'armée  du  prince  de 
Cobourg.  A|>rés  la  prise  de  Valen- 
ciennes,  il  {)assa  en  Espagne  oii  il 
commanda  une  compagnie  dans  la 
légion  du  marquis  de  Saint-Simon, 
et  fit  pallie  de  l'état-major  du  géné- 
ral Ventura-Caro.  Lorsqu'en  1795  la 
paix  fut  conclue  entre  la  France  et 
l'Espagne,  cette  dernière  puissance 
l'envoya  auprès  du  gouvernement 
anglais,  afin  de  l'engager  à  enU-ctenir 
dans  l'intérieur  de  la  France  des  re- 
lations qui  ranimassent  le  parti  roya- 
liste. Il  fil  naufrage  sur  la  côte  d'An- 
gleterre et  courut  les  plus  grands 
dangers.  Sa  mission  n'ayant  pas  ob- 
tenu de  résultat  satisfaisant,  il  s'ef- 
força d'arracher  son  parti  à  la  dd- 
pendancede  rAngIcterrc,  et  s'aboucha 
avec  MM.  de  Bourmout ,  Frotté  , 
d'Aiguillon,  .Mercier  dit  la  Fcndéc, 
(ieorge  Gadoudal,  etc.  Il  obtint  du  roi 
d  Espagne  une  promesse  de  secours  en 
argent  et  en  munitions  pour  l'armée 
de  l'ouest ,  et  même  dune  diversion 
dans  le  midi,  après  que  les  royalistes 
auraient  rempoité  quelques  avantage» 


MAR 

importants.  Mais  les  événements  em- 
pêchèrent la  réalisation  de  ces  projets. 
Cependant  Marcillac  ne  se  laissa  pas 
décourager:  il  ne  cessait  de  former 
des  plans,  d'entamer  des  négociations 
et  de  nouer  des  intrigues  pour  servir 
son  parti.  Quand  la  Russie  se  fut  déci- 
dée à  entrer  dans  la  coalition  contre  la 
France,  il  se  rendit  à  l'armée  de  Sou- 
warow.  Après  de  tels  précédents,  on 
pourrait  s'étonner  qu'il  ait  accepté  en 
1812  la  sous-préfecture  deVillcfranche 
de  l'Aveyron,  si  l'on  ne  savait  qu'à 
cette  époque  le  parti  royaliste  offrit 
de  nombreux  exemples  de  prétendus 
ralliements  à  la  fortune  de  Napoléon 
qui  accueillait  avec  trop  d'empresse- 
ment, peut-être,  les  hommes  de  l'an- 
cienne noblesse.En  acceptant  l'emploi 
de  sous-préfet,  le  marquis  de  Marcillac 
ne  trahissait  pas  ses  opinions,  il  ne  fai- 
sait que  changer  de  moyens  pour  les 
faire  triompher.  Aussi,  en  1814,  à 
l'approche  de  l'armée  anglaise,  il  usa 
de  l'influence  que  lui  donnait  sa  place 
pour  soustraire  son  département  à 
l'autorité  impériale.  Alors  le  comité 
royaliste  lui  offrit  un  commandement 
dans  l'armée  ou  la  préfecture  de  l'A- 
veyron, qu'il  préféra.  Mais  les  succès 
des  généraux  de  Napoléon  lobligè- 
rent  à  se  retirer.  A  la  seconde  res- 
tauration ,  il  fut  nommé  préfet  de 
l'Aveyron  par  le  duc  d'Angoulême. 
Cette  nomination  n'ayant  pas  ob- 
tenu l'approbatiou  royale,  il  vint  à 
Paris  en  1816  et  obtint  la  présidence 
du  premier  conseil  de  guerre,  fonc- 
tions dans  lesquelles  il  se  montra 
d'une  sévérité  excessive  contre  des  mi- 
litaires distingués.  Il  se  jeta  ensuite  dans 
l'opposition  royaliste ,  et  prit  part  à 
la  rédaction  de  la  Quotidienne.  Après 
l'assassinat  du  duc  de  Berry,  il 
adressa  à  ce  journal  une  lettre  très- 
énergique.  Il  se  montra  l'ardent  ad- 
versaire de  la  coDstitution  espagnole. 


MAR 


87 


et,  quand  Louis  XVIII  manifesta  Fin- 
tention  d'envoyer  cent  mille  homme» 
au  secours  de  Ferdinand  VII,  Mar- 
cillac qui  connaissait  bien  l'Espagne 
pour  y  avoir  combattu  et  l'avoir  ex- 
plorée pendant  plusieiu*s  années , 
proposa  deux  plans  de  campagne 
dont  l'un  embrassait  le  royaume  tout 
entier  et  l'autre  se  restreignait  à  la 
Catalogne,  Ses  conseils  furent  peu 
suivis ,  mais  il  obtint  de  faire  par- 
tie de  l'expédition,  en  qualité  de  co- 
lonel d'état-major  dans  le  quatriè- 
me corps  d'aimée  commandé  par 
le  maréchal  Moncev-  Revenu  à  Paris 
quand  la  guerre  fut  terminée,  il  en 
écrivit  l'histoire,  et  mourut  le  26  dé- 
cembre 182i  des  suites  d'une  fluxion 
de  poitrine.  On  a  de  lui  :  I.  Nouveau 
voyage  en  Espagne,Van&,  1805,  in-S". 
L'auteur  s'attache  à  réfuter  Bour- 
going  et  Fleuriau  de  Langle.  II.  Aper- 
çus sur  la  Biscaye^  les  Asturies  et  la 
Galice,  et  précis  de  la  défense  des  fron- 
tières de  Guipuscoa  et  de  la  Navarre, 
Paris,  1806,  in-S".  UI.  Histoire  de  la 
guerre  entre  la  France  et  CEspagne 
pendant  les  années  1793,  1794  et 
1795,  Paris,  1808,  in-8".  IV.  Histoire 
de  la  guerre  d'Espagne  en  1823,  cani~ 
pagne  de  Catalogne,  Paris,  1824, 
in-S".  Cet  ouvrage  laisse  trop  percer 
l'humeur  que  l'autem*  éprouvait  du 
peu  de  cas  qu'on  avait  fait  de  ses 
avis;  il  prétend  que  le  succès  de» 
Français  ne  fut  dû  qu'à  l'incurie  des 
certes  et  à  l'inhabileté  des  généraux 
espagnols.  V.  Souvenirs  de  l'émigra- 
tion ,  Paris,  1825,  in-8".,  ouvrage 
posthume.  Cest  à  tort  qu'on  lui  a 
attribué  le  More-Lack,  publié  à  Paris 
en  1789,  in-S".  A— y. 

MARCOLIXI  (Fbanço.s),  né  â 
Forli,  dans  le  XVI'  siècle,  fiit  célèbre 
en  son  temps  comme  imprimeur,  des- 
sinateur, architecte  et  graveur.  C'est 
lui  qui  donna  les  dessins  et  fît  cons- 


8»^  Mi^ 

traire  te  (fmiid  pont  qid  joint  Ve- 
nise à  Murano.  Il  a  compose  le  livre 
des  Sorts ,  un  volume  in-folio ,  qu'il 
imprima  lui-même  en  15iO,  et  qu'il 
orna  de  belles  figures  en  bois  de  son 
invention.  Le  frontispice  seul  est  de  Jo- 
seph Porta,  peintre  célèbre,  comuisous 
le  tjom  de  Salviati,  qu'il  avait  adop- 
té poïir  consacrer  sa  reconnaissance 
envers  François  Salviati,  son  maître  : 
il  y  prend  le  nom  de  (îarfafjinno,  de 
Castel-ISuovo  délia  Garfagnana,  lieu 
de  aa  naissance.  Les  réponses  en  ter- 
cets aux  questions  que  contient  ce 
livre  ont  été  composées  par  Louis 
Doîec,  comme  nous  l'apprend  Fran- 
«;ois  Sansovino  dans  une  de  ses  let- 
tres. P — s. 

MARC03yJ  (Uocit;,  peintre  Tré- 
visan,  lîorlssait  en  1505  et  fut  un  des 
élèves  les  plus  distingués  du  Bellini. 
Hidolfi  le  compte  mal  à  propos  parmi 
les  disciples  de  Palma.  Les  productions 
de  cet  artiste  se  font  remarquer  par 
l'exactitude  .-fu  dessin,  la  délicatesse 
du  coloris,  et  le  fini  du  pinceau;  on 
peut  seulement  l'accuser  de  man(juci' 
d'une  certaine  rondeur  dans  les  con- 
tours et  de  donner  à  l'expression  de  ses 
figmes  un  sérieux  qui  lt)mbc  quel- 
quefois dans  le  trivial.  Dans  le  pre- 
mier de  ses  ouvrages  connus,  peint 
en  1505,  et  qui  existe  dans  l'église  de 
:5aint-ISicolas  de  '(révise,  on  admire 
déjà  la  manière  vaporeuse  <lont  il  est 
«xdcutc,  et  ta  même  qualité  se  fait 
remarquer  dans  le  tableau  des  trois 
.f pâtres  ,  à  l'église  Saint  -  .lean  «-t 
.Saint-Paul,  et  dans  d'autres  ouvra- 
ges peu  nouïbreux  qjii  sont  encore 
exposés  en  public.  Il  est  moins  rare 
de  trouver  de  lui  des  tableaux  do 
dcitr-figurès  dans  quelques  galeries 
particulières.  Mais  on  ne  connaît  rien 
de  sa  main  qui  soit  plus  beau,  plus 
dans  le  goût  du  C;iorgi()n,  que  le  Ju- 
tf€HH!i>1  flr  ttt  J'iuihh'  ntfulti^iy  tpie  l'on 


voit  dans  le  chapitre  de  Saint-Geor- 
ges-le-Majeur.   La  réputation   de    ce'^ 
tableau  était  si  grande,  qu'on  lui  en 
demanda  des  copies  pour  la  sacristie 
de  Saint-Pantaléon  ,  ainsi  que  pour[ 
plusieurs  autres  églises.  P — s. 

.%I ARCOXN AY    (LoiK^ - OuvifcR 
de),  naquit  à  Berlin ,  le  8  novembre 
1733,   d'une  famille  d'origine  fran- 
vaise.  Après  avoir  terminé  ses  études 
à  l'Université  de  cette  ville,  il  entra 
dans  la  carrière  diplomatique  et  de- 
vint successivement  conseiller  de  lé- 
gation, premier  rapporteur  au  dépar- 
tement des  affaires  étrangères  ,  con- 
seiller ordinaire  du  grand  directoire, 
conseiller  supérieur  du  consistoire  et 
inspecteur  du  gymnase    fiançais.    Il 
moiuut  à  Berlin' le  28  juin  1800.  Il 
avait  publié  sous  le  voile  de  l'anony- 
me :  L  cinq  Lettres  d'un  ami  de  Leyde 
à  un  ami  d' Amsterdam,  surdivers  évè- 
lœmenls  ou  questions  po/jti^ues, Berlin, 
1757-38-59-60,  5  vol.  in-8".  IL  Lei- 
ttvd'un  vuyagtur actuellement  à  Danf- 
zig    à  un    ami    de  Stmlsund.    sur  ta 
i)uerre    <jui   vient    de    s'allumer    dans 
F  Empire^  Iruduclion    libre   de    l'alle- 
mand, Berlin,  1756,  in-8*.  IIL  Lettie 
sur  le  Dio(fènc  décent  et  la  cause  bi- 
zarre de  M.    de  Prémontvat,    Berlin, 
1756,  in-8°.  IV.   Lettre  d'un  partisan 
de  la  cour  de    Fienue  à  son  ami  de 
Majence^    sur   la  paraphrase  et  l'ain- 
ptification  du  mthuoire  de  M.  de  Het* 
len  et  sur  la  palinodie  de  cette  para- 
phrase ,her\'m,  1757,  in-8<*.  V.  Rcmer- 
ciment  de  Candide  ii  M.  de  Voltaire 
Amsterdam,  17(>0,  in-8".  Marconna^ 
a,  en  outre,  traduit  de  l'allemand  en 
fian«;ai8  la  plupart  des  écrits  que  pu- 
blia la  Prusse  an  sujet  des  guerres  de 
Sept-Ans  et  de  la  succession  de  Ba- 
vière. Il  avait  été  un  des  rédacteur^ 
de    la    Bibliothèque    Germaniijuc   de 
lormey  ,  et  de  la   Ga^tte   Littéraitv 
de  rnMU'hevill'"-  '^ 


MARDASCH    (  As^O-EO-DAltAB 

S*i.:nlB?i),  fondateur  de  la  dynastie  des 
Mardaschides  ou  Kelabites.  était  chef 
de  la  tribu  arabe  de  Kelab,  établie  en 
Mésopotamie,  où  elle  possédait  les 
villes  d'Anah,  Rababah,  etc.  Depuis 
que  la  famille  de  Haradan  avait  cessé 
de  re'gner  à  Halep  (  voy.  Seu-ad-dai- 
TiH,  XLI,  48S)  ,  cette  ville,  livrée  à 
la  tyrannie  de  ses  gouverneurs,  tantôt 
sujets ,  tantôt  indépendants  des  kha- 
lyfes  fathemides  d  I-ipypte  .  soupirait 
après  une  domination  moins  précaire 
et  plus  protectrice.  Salel» ,  fils  de 
Mardasch,  qui  convoitait  la  posses- 
sion de  Halep,  s'ëtant  approché  de 
cette  ville,  les  habitant»  lui  en  ouvri- 
rent les  portes,  l'an  41  i  de  rhé{j.(102l 
deJ.-C).  Ibn  Mardasch,  ne  voulant 
j>as  s'arrêter  au  siège  du  châtean  où 
le  gouverneur  s'était  renfermé  avec  le 
commandant,  laissa  un  corps  de  trou- 
pes poiu'  le  bloquer,  et  alla  conquérir 
toute  la  Syrie  jusqti'à  Raalbek.  qu'il 
prit  d'assaut  et  dont  il  fit  passer  un 
grand  nombre  d'habitants  au  fil  de 
Tépée.  De  retour  à  Halep  l'année  sui- 
vante, il  réduisit  la  citadelle ,  fit  dé- 
capiter le  commandant  et  partlonna 
au  gouverneur  qui  avait  secrètement 
favorisé  son  entreprise.  Il  fut  pi-esque 
toujours  en  guerre  avec  le  khalyfe 
d'Egypte  {voy-  Dhaheb,  XI.  279).  Il 
fit  alliance  avec  Hacan  Ibn-Mofarredj, 
émvr  des  .arabes  Taiites.  qui,  à  son 
exemple,  s'était  enipait  de  Ramiah 
et  de  plusieurs  autres  places  dans  la 
Palestine  :  mais  ces  deux  princes  fu- 
rent vaincus  sur  les  bords  du  Jour- 
dain ,  près  de  Tibériade,  l'an  'r>0 
(t029),  par  Anousch-teghvn-al  Des- 
berv ,  général  des  troupes  égyptien- 
nes. Saleh  Ibn-Mardasch  périt  avec 
son  plus  jeune  fils  ,  et  leurs  têtes 
furent  envoyées  au  khah-fe.  Il  avait 
régné  6  ans  à  Halep,  et  ses  États  s'é- 
t€odaicnt    dw   deux  cfttês   de    l'Eti- 


JBHf^r 


89 


phratc.  depuis  Baaibeck  jusqu'atix 
frontières  de  l'Irak- arabi.  C'était  un 
prince  juste,  si  la  justice  peut  s'al- 
lier avec  l'ambition.  Haçan,  son  con- 
fédéré, s'étant  retiré  chez  les  Grecs,  ils 
armèrent  jiour  sa  vengeance,  entrè- 
rent en  Syrie,  et  prirent  Apamée  en 
Î22  (1031).  Quatre  ans  après,  ils  furent 
taillés  en  pièces  près  de  Halep  par 
Xasscr  Schabl-ed-daulah,  qui  s'y  était 
maintenu .  depuis  la  défaite  et  la 
mort  de  son  père.  Nasser  eut  le  même 
sort  que  Saleh;  il  fut  tué  l'an  429 
(1038)  sur  les  bords  de  l'Orontc,  dans 
une  bataille  contre  le  même  Anousch- 
teghyn  qui ,  alors  ,  reprit  Halep.  Ce- 
pendant l'ingratitude  du  khalyfe  fa- 
themide  Mostanser  (vor.  ce  nom. 
XXX,  2oo)  envers  ce  général  fit  re- 
tomber, quatre  ans  plus  tard ,  cette 
ville  au  pouvoir  des  Mardaschides,  à 
qui  les  Egyptiens  l'enlevèrent  encore, 
en  432,  sans  pouvoir  la  garder  plus 
de  trois  ans.  Enfin  Scheryf-ed-daidah 
Moslcni,  émvr  okailite  «le  Moussoul, 
ayant  obtenu  du  sulthan  de  Perse, 
.Melik-Chah  I"  (vny.  ce  nom,  XXVHI. 
204  ) .  moyennant  un  tribut  annuel 
de  300  mille  dinars .  la  souveraineté 
de  Halep,  en  dépouilla  Amyn  Sabek. 
septième  et  dernier  prince  de  la  dy- 
nastie des  Mardaschides,  l'an  473 
(1080-81),  et  1  obligea  de  se  conten- 
ter d'une  modique  pension.  A — t. 
MARE  (Pail-Marckl  del),  pro- 
fesseur de  théologie,  naquit  à  Gênes, 
en  1734,  d'une  famille  de  négociants 
juifs.  A  l'âge  de  19  ans,  il  se  convertit 
à  la  religion  catholique  et  eut  pour 
parrain  le  marquis  Michel  Duraz/o.  Il 
se  destina  ensuite  à  l'état  ecclésiasti- 
que et  alla  étudier  à  Rome,  puis  à 
l'abbave  de  Subiaco.  Après  avoir  cé- 
lébré sa  première  messe,  en  1758, 
dans  la  capitale  du  monde  chrétien,  il 
entra  dans  une  communauté  de  prê- 
frcs  génois  qui   se  préparaient   aux 


9i^>  ]VIAa 

missions.  Il  y   fit  de  fortes  études  et 
fut  choisi,  en  1783,  par  le  grand-duc 
I^opold  pour  enseigner  la  théologie 
à   l'université  de  Sienne;  quatre  ans 
plus  tard,  il  occupait  à  Pise  la  chaire 
d'Éeriture-Sainte.  Mais  il  fut  bientôt 
écarté,  parce  qu'il  inclinait  au  jansé- 
nisme, et  tous  ses  écrits  furent  mis  à 
[index.  Del  Mare  persista  long-temps 
dans  ses  opinions  ;  mais,  le  5  novem- 
bre 1817,  il  se  rétracta  par  un  acte 
signé  qu'il    remit  à  l'archevêque  de 
Pise.  Il  mourut  le  17  février  1824,  à 
l'âge  de  90  ans  ;  huit  jours  avant,  il 
avait  encore  célébré  la  messe.  Il  légua 
sa  bibliothèque  aux  Carmes  de  Pise,  et 
disposa  de  sa  petite  fortune  en  faveur 
de  jeunes  gens  pauvres  qui  voudraient 
entrer   dans  le   monastère  de  Saint- 
Benoît  de  la  même  ville.  On  a  de  lui  : 
I.  Six  lettres  de  Finale.  Cet  écrit  est 
une  défense  du  Catéchisme  de  Gour- 
din, qui  fut  réimprimé  à  Gênes,  sous 
le  ùtve  (ï Education  chrétienne,  ouCw 
téchisme  universel,  1779,  3  Vol.  in-8", 
édition  à  laquelle  del  Mare  avait  eu 
beaucoup  de  part  et  qui  fut  vivement 
censurée  par  la  cour  de  Rome.  II.  De 
Lccis  thcologicis,  Pise,  1789.  La  bio- 
graphie de  del  Mare  a  été  écrite  par 
Baraldi  dans  ses  Mémoires  de  religion 
et  de  morale,  Modène,  1822.     A — Y. 
MAKEC  (Pierre),  né  à  Brest,  le 
31  mars  1759,  servait  dans  ce  port  en 
qualité  de  commis  au  bureau  du  con- 
trôle de  l'administration  de  la  mari- 
ne, quand  éclata  la  révolution.  Il  en 
salua  l'aurore  avec  enthousiasme  ,  et 
seconda,  dans    de  justes  limites,    le 
mouvement  que  le  nouvel  ordre  de 
chost>s  imprima  à  sa  ville  natale.   Le 
service  de  la  commune,  celui   de  la 
marine,  trouvèrent  en  lui  zèle  et  dé- 
vouement. Ses  concitoyens  lui  en  té 
moignèrent  leur  reconnaissance    en 
l'nppclant,  le  7  mars  1790,  aux  fonc- 
tions de  stibstitut  du  pi*ocurcur  de  U 


,  MAR 

commune,  dont  Cavelier,  comme  lui 
employé  au  contrôle  du  port,  fut  nom- 
mé procureur-général.  Le  5  juillet,  les 
mêmes  électeurs  lui  confièrent  le  soin 
de  rédiger  un  mémoire  sur  la  ques- 
tion de  savoir  dans  laquelle  des  deux 
villes,  deQuimperou  de  Landerneau, 
il  serait  préférable  d'établir  le    siège 
du  département.    Le   surlendemain, 
il  soumit   à  l'assemblée  son    travail 
dans  lequel  il  concluait  à  ce  que  Lan- 
derneau  devînt  le  siège  de  l'adminis- 
tration du  département  du  Finistère. 
Ce  travail   fut  pid)lié  sous  ce  titre  : 
Mémoire  des  électeurs  du  district  de 
Brest    sur   la    fixation    définitive  du 
chef-lieu   du    département    du  Finis- 
tère, Brest,  1790,  in-8">  de  20  pages. 
Marec,  ne  consultant  que  l'intérêt  du 
département ,  sut  se  préserver,   dans 
cette  circonstance,  de  tout  esprit  étroit 
et  systématique  de  localité.  Aussi  l'as- 
semblée,  en  adoptant  unanimement 
toutes  les  parties  de  son  mémoire,  «re- 
»  connut- elle  que  le  désir ,  exprimé 
>•  par  lui,  que  le  chef-lieu  du  dépar- 
u  tement  fût  fixé  ,  sans  alteraat ,    à 
«  Landerneau,  était  étayé  de  motifs 
a  d'intérêt   général,    présentés    avec 
«  force  et  développés  de  manière  à 
«  convaincre  que  les  vœux  des  élcc- 
.1  teurs    du  district  de  Brest  étaient 
..  dirigés  vers  l'avantage  général  des 
»  administrés,  et  fondés  sur  les  prin- 
«  cipes  adoptés  par  l'Assemblée  na- 
u  tionale.  "   Cependant    l'opinion  é- 
mise    par    Morvan ,    organe    de    la 
ville  de  Quimper  ,    prévalut.   Nom- 
mé à    l'unanimité  ,    le  2    août  sui- 
vant,   secrétaire    de  l'administration 
départementale    du    Finistère  ,    Ma- 
rec   concourut    aux   actes   difficiles 
et  importants  de  cette  administration, 
dont   vingt -six    membres  devaient, 
plus  tard,  payer  de  lem-  tête,  le  même 
jour,   le  peu  de  sympathie  qu'avait 
trouvé   chez  eux   la    jwliti(juc    san» 


MAR 

{^inaire  de  la  Convention.  Au  mo- 
naent  de  l'installation  du  directoire 
du  Finistère,  ce  département  était  en 
proie  à  une  vive  agitation.  Les  décrets 
rendus  par  l'Asseniblée  nationale,  sur  la 
constitution  civile  du  clergé,  y  avaient 
excité  des  soulèvement  difficiles  à 
apaiser.  La  si( nation  était  hérissée 
de  daugers,  Marec  ne  recula  devant 
aucun.  Comme  secrétaire  -  général , 
il  fut  chargé  de  préparei'  et  d'ex- 
pédier tous  les  actes  de  celte  assem- 
blée; son  activité  suffit  à  tout,  La 
division  du  territoire ,  l'établissement 
d'un  nouveau  système  financier, 
l'assiette  et  la  répartition  des  im- 
pots, l'organisation  administrative  et 
politique  du  pays,  tels  furent,  indé- 
pendamment des  immenses  questions 
de  détail,  les  principaux  travaux  aux- 
quels il  prit  part,  et  dans  l'accomplis- 
sement desquels  il  sut  allier  une 
sage  feriueté  au  respect  de  la  loi. 
Un  des  actes  les  plus  importants 
qu'il  rédigea  fut  l'arrêté  du  o  août 
1792.  Thévenard,  commandant  de  la 
marine  au  port  de  Brest,  et  Duvi- 
gneau,  commandant  des  troupes  de 
terre,  avaient  réclamé  de  l'administra- 
tion départementale  un  secours,  le  pre- 
mier de  3,372  hommes  pour  Tarme- 
mentdes  batteries  de  la  rade  et  du  gou- 
let, lesecond,  de  6,000  hommes  qui  de- 
vaient être  cantonnés  ou  campés  dans 
les  environs  de  Brest  et  y  servir  à  sa 
défense  en  cas  d'attaque.  La  demande 
de  Thévenard  fut  accueillie  ;  les  gar- 
des nationales  des  districts  de  Brest, 
Morlaix,  Lesneven,  Landerneau  et 
Carhaix  fournirent  leur  contingent  à 
l'armement  des  batteries  du  côté  de 
Brest;  et  celles  de  Quimper,  Quira- 
perlé,  Pontcroix  et  Châteaulin  à  l'ar- 
mement des  batteries  du  côté  de  Qué- 
lem,  dites  de  Cornouailles.  Quant  à 
la  demande  de  Duvigneau,  elle  fut 
ajournée  par  le  motif  que  le  dépar- 


HAil 


n 


tement  du  Finistère  ne  pouvait  seul, 
sans  nuire  à  l'agriculture,  envoyer 
les  9,372  hommes  demandés,  tant 
j>our  l'armement  dos  batteries  que 
pour  la  défense  des  lignes.  Le  second 
motif  de  l'ajoui-nement  fut  que ,  tous 
les  départements  du  rovaurae  étant 
intéressés  à  la  conservation  du  déj>ôt 
le  plus  précieux  de  nos  forces  na- 
vales, les  demandes  d'hommes  de»- 
tinés  à  le  protéger  devaient  s'éten- 
dre à  toute  la  France,  ou,  au  moins, 
en  cas  d'ur-gence,  aux  départements 
limitiophes.  Un  décret  rendu,  huit 
jours  après,  par  l'Assemblée  législa- 
tive, sanctionna  de  point  en  point 
toutes  les  mesures  détaillées  dans 
l'arrêté  du  5  août,  mesures  dont  la 
sagesse  contribua,  plus  tard,  à  assurer 
le  salut  de  Brest.  A  peu  de  jours  de 
là, Marec,  déjà,  depuis  l'année  précé- 
dente, député-suppléant  à  l'Assemblée 
législative,  dans  laquelle  il  ne  siégea 
point,  fut  élu  député  à  la  Convention 
où  il  se  fit  remarquer  par  la  conscien- 
cieuse modération  de  ses  opinions. 
Dans  le  procès  de  Louis  XVL  il  se  pro- 
nonça pour  l'appel  au  peuple.»  La  déci- 

•  sionque  vous  allez  porter  sur  Louis 

•  Capet,  dit-il  à  l'appui  de  son  vote  , 
«  doit  avoir  la  même  influence  sur 
"  le  peuple  que  la  constitution  que 
"  vous  préparez  pour  son  bonheur. 
«  Quoique  vous  ayez  des  pouvoirs 
»  illimités,  vous  avez  déclaré  que 
a  cette  constitution  n'aurait  deflPet 
«  qu'autant  qu'elle  serait  acceptée  par 
<•  le  peuple  ;  je  trouve  que  le  juge- 
"  ment  que  vous  porterez  contic 
«  Louis  ne  porrrra  avoir  d'effet  que 
«  par  la   ratification.  Je  vote  pour 

•  oui.  "  Lors  de  l'appel  nominal  sur 
l'application  de  la  peine ,  U  opina 
pour  la  détention  pendant  la  guerre 
et  le  bannissement  perpétuel  à  la 
paix.  Attaché,  pendant  tout  le  temps 
de    la    terreur,  aux  comités  des   fi- 


MAR 


MAR 


nances,  des  colonies  et  de  la  marine  , 
il  resta  étrauper  aux  luttes  sanf)[lante.s 
de  la  Montagne  et  de  la  Gironde.  Ses 
travaux  dans  les  comités  furent  d'une 
grande  utilité,  à  une  époque  surtout 
oii  les  passions  politiques  absorbant 
ta  majeure  partie  des  membres  de  la 
Ck)nvention,  un  petit  nombre  de  leurs 
«collègues    se    dévouaient    aux    soins 
d'une   administration   illimitée    dans 
ses  détails,    périlleuse   dans  l'exécu- 
tion.   La    sûreté    des    connaissances 
administiatives   et   commerciales   de 
Marec    le  rendit   l'àme   des  comités 
que   nous  avons   indiqués,   et  déter- 
mina   la    Convention    à     l'appeler  , 
après    le  9    thermidor  ,    à  celui    de 
Salut-public,  dont  il  fut   à  deux  re- 
prises réélu  membre.  Dès  -  lors  ,    il 
parla   sur  une   foule    de    questions, 
mais  plus  particulièrement  sur  celles 
qui  concernaient  la  marine  et  les  co- 
lonies.  L'étendue  de  ses  connaissan- 
ces pratiques  se  révéla,  surtout  le  3 
juillet  1793,  dans  son  rapport  sur  la 
nécessité  d'adopter  une  mesure  ana- 
logue à  celle  qui,  depuis  un  siècle  et 
demi  était,  pour  l'Angleterre,  la  source 
la  plus  féconde  de  sa  prospérité  com- 
merciale. Se  plaçant  au  point  de  vue 
de   l'avantage  exclusif  de  son  pays, 
Marec  fit  bon  marché  des  théories, 
qui  représentaient  la    France  moins 
comme    une    républi(jue  isolée    que 
comme  la  fraction  d'une  république 
universelle.  »  On  sent,  dit-il,  que  la 
<■  république  du  genre  humain   sera 
<i  encore  plus  difficile  à  réaliser  (jue 
'<  celle  de  Platon.  •  J>e  but  principal 
ile  l'acte  de  navif!;ation  (pi'il  jn'uposait 
était  de  détruire  lenlnimise  de  toute 
navigation    indirecte  dans  les  trans- 
ports maritimes,  et  de  faire  cesser  le 
cabotafjc  intermédiaire  qui  nous  ren- 
dait les  tributaires   bénévoles  de  tou- 
tes les  puissances  de  l'Europe.  Marec 
m>  se  dissimulait  pas,  il  reconnaissait 


même    que    cette   double    prohibi- 
tion constituait  une  dérogation  aux 
principes  professés  par  les  meilleurs 
économistes ,  et  qu'elle  ne  pouvait  se 
concilier  avec  la  liberté  illimitée  du 
commerce.  Mais  les  circonstances  le 
portaient    à   croire  qu'une    théorie, 
bien  que   fondée  sur  des  principes 
justes,  doit,  parfois,  céder  a  des  exi- 
gences momentanées.  Pour    justifier 
sa  proposition,  il  cnuméra   les  avan- 
tages recueillis  par  l'Angleterre,  de- 
puis 1651,  (}ue  Cromwell  avait  fait 
adopter  l'acte  de   navigation  par  le 
Parlement  britannique;  et,  en  oppo- 
sant les  uns  aux  autres  des  document*; 
statistiques     puisés    dans     l'histoire 
commerciale  dos    deux    peuples,    il 
montra    le    commerce    anglais    sui- 
vant   une    marche    progressivement 
ascendante ,   tandis   que  celui  de  la 
France    obéissait    à    une    impulsion 
contraire.  Aux  mois  de  fructidor  an 
n  et  de  vendémiaire  an  III,  la  Con- 
vention, sur  sa  proposition,  conféra, 
à  deux  reprises,  aux  Comités  de  salut 
public ,  de  sûreté  générale  et  de  ma- 
rine,  l'autorisation  de  prononcer  la 
mise    en  liberté  des    colons  détenus 
à  Paris,  par  suite  des  accusations  qu'ils 
avaient  formulées  contre  divers  ageni> 
chargés  de  missions  dans  les  colonie*. 
A  ces  décrets  succéda  celui   qui  pro- 
nonça l'élargissement  de  plusieurs  des 
commissaires    de   Saint  -  Domingue. 
Marec  était  animé  du  même  respect 
pour  la  légalité,  lorscjue,  le  10  nivôse 
an  m,  il  Ht  la  motion,  accueillie  par  la 
Convention,  d'adhérer  à  la  demande 
«les  députés  extraordinaires  de  Brest, 
qui  sollicitaient  la  mise  en  liberté  pro- 
visoire des  marins  incarcérés  par  suite 
de  la  reprise  de   ïoidon;  loi-sque,  le 
lifi  du  mêm(;  mois,  il  appuva  la  mo- 
tion faite  par  lîéiard  de  réintégrer  le 
capitaine   I^crosse ,   «lestitué  eoui  le 
r»'^jimc  de  Ih  terreur;  lorsqu'enfin   il 


MAB 

obtint   de    la  Convention    le   décret 
portant  qu'il   serait    formé,  à  Brest, 
un  jiu-y  militaire  et  un  conseil  mar- 
tial  chai^tfs  d'examiner  la  conduite 
des  officiers   et  des  marin'*   qui  lan- 
f>ui»saient  dans  les  prisons  à    1  occa- 
sion des  combats  soutenus  contre  les 
An^ais,   par   le  vaisseau   fe   Révolu- 
tionnaire, le  9  prairial  an  II,  et  par 
l'armée  navale,  le  13  du  même  mois. 
Marec  possédait  à  un  haut  degré  le 
courage  civil  ;  il  en  donna  la  preuve 
dans    la  trop    fameuse   journée  du 
1"  prairial  an  III,  quand  il  s'opposa 
a   l'envahissement  de  la   Convention 
par  la  populace,  et  ne  craignit  pas 
de  s'exposer   à  partager    le  sort   de 
Féraud,   en  sommant,    au  plus  fort 
du  danger,  l'officier  préposé  à  la  dé- 
fense de  l'Assemblée,   de  faire   res- 
pecter   la    représentation    nationale- 
La   Biographie  des  contemporains  lui 
a  reproché    de  s'être  ,   le  2  prairial , 
écarté  de  ce  respect  pour   rin\iolabi- 
lité  des  représentants  de  la  nation,  en 
demandant   un    décret    d  arrestation 
contre  I^ignelot,    qu'il  accusa   d'a- 
voir, dans  la  nuit  précédente ,  aban- 
donné   son  poste  de  secrétaire  pour 
favoriser  les  excès  de  la  populace  ;  et 
en  s'associant  à  la  demande  de  mise 
hors  la  loi  de  ses  collègues  Homme, 
Soubrany,  Goujon,    Bourbotte ,    etc. 
Jious  n'examinerons   pas    si ,   abdi- 
quant leur  qaalité  de  députés   pour 
;*e  faire  les  excitateurs,  le>  complices 
même   des    meurtres ,    ces    députés 
n'avaient  pas  franchi  tes  limites  d'une 
inviolabilité    instituée    dans   le    seul 
but   d'assiurer   l  indépendance  de    la 
vie  parlementaire  ;  ce  que  nous  nous 
bornerons  à    dire,  c'est  que  Marec, 
convaincu    que  la   punition  de  ceux 
qui  portaient  atteinte  à  lintégrité  de 
la    représentation    nationale    n'était, 
quels  que  fussent  d'ailleurs  les  cou- 
pables, que    la   consécration  de  ee 


>UR 


n 


principe ,  ne  prit  conseil  que  de  sa 
conscience  et  du  salut  de  son  pays , 
en  adoptant  le  décret  qui  les  renvova 
devant  une  commission  militaire,  à 
laquelle,  toutefois,  il  eût  préféré 
la  justice  ordinaire.  Quant  à  Lai- 
gnelot,  il  était  bien  difficile  que  Ma- 
rec se  dégageât  de  toute  préoccupation 
a  son  égard  ,  dominé  qu'il  était  par 
le  souvenir  du  déplorable  résultat 
de  la  mission  de  ce  conventionnel 
à  Brest  ,  encore  plongé  dans  le 
deuil  par  suite  de  ses  proscriptions 
(  voyez  LàiGSKLOT  ,  LXIX  .  442  ). 
Le  i  messidor  an  III,  Marec  ap- 
puva  le  projet  de  décret  ayant  pour 
but  de  punir  tous  les  assassinats 
commis  au  mois  de  sept.  1792.  •  Fou- 
«  quier-Tainville  et  le»  accusateurs 
'  publics  qui  l'ont  imité  ,  dit-il  à 
-  cette  occasion,  ne  sont-ils  pas  aussi 
«  criminels  que    les  massacreurs  du 

•  2    septembre  ?    Cette    espèce     de 

•  meurtriers  ne  doit  pas  plus  échap- 
«  per  à  la  vengeance    des   lois  que 

•  les  assassins  matériels.  ?  Le  24 
fructidor  suivant,  il  fit  adopter  le 
projet  de  décret,  par  lui  proposé  la 
veille,  j>our  assurer  l'exécution  de 
celui  du  2  thermidor  précédent,  rela- 
tif au  paiement  de*  contributions 
en  nature  destinées  aux  approvision- 
nements des  armées.  Dirigé  par  les 
mêmes  motifs  que  le  2  pi-airial,  il  se 
prononça ,  le  1"  vendéni.  an  IV,  avec 
Iwaucoup  d'énergie,  contre  les  sec- 
tions insurgées.  Le  7  du  même  mois, 
il  proposa,  sur  la  police  du  com- 
merce des  grains,  un  décret  qui  con- 
ciliait ce  qu'on  devait  aux  principes 
de  l'économie  polidque  avec  les  res- 
trictions qu'exigeaient  les  troubles 
intérieurs  et  l'état  de  guerre  exté- 
rieure. Compris,  à  la  même  époque, 
dans  les  deux  tiers  de  la  Convention 
qui  formèrent  les  CiOnseils  de^s  An- 
ciens tpt  àes^  Cinq-OentH .  il  enti-a  dans 


M 


MAR 


ce  dernier  où  il   s'occupa,  avec  son 
ardeur    accoutumée,    de    toutes   les 
questions  concernant  la  marine  et  les 
colonies,  questions  qui  lui  donnèrent 
souvent  occasion  de  combattre  M.  de 
Vaublanc,  Le  3  brumaire  an  IV,   il 
s'opposa  à  la  création  d'un  nouveau 
maximum.   Le   28   nivôse,   secondé 
par  Trouille,  autre  député  de  Brest , 
il  demanda  l'ordre  du  jour  sur  le  mes- 
sage du  12  frimaire,  qui  proposait  de 
substituer  à  l'organisation   maritime 
du  3  brumaire  précédent,    un  plan 
vicieux  d'après  lequel  tous  les   pou- 
voirs civils  et  militaires,   confondus 
dans  les  mômes  mains,  eussent  em- 
pêché tout  contrôle  efficace  de  l'em- 
ploi des  matières.  Le  3  floréal  de  la 
même  année,  il  fit  adopter  le   licen- 
ciement des    compagnies  de  canon- 
niers    volontaires  ,    à   l'organisation 
desquelles   il    avait    contribué ,    au 
mois   d'août    1792.   I^s   3,372  ca- 
nonniers,  qui  s'étaient  alors  sponta- 
nément enrôlés,  avaient  préservé  de 
toute  invasion   la  rade ,  le  goulet  et 
le  port  de  Brest.  Sur  ses  observations, 
les  riverains  qui,  pour  la  détourner, 
s'étaient  sacrifiés  au  service  exclusif 
de  leur  pays,  furent ,  en  grande  par- 
tie, renvoyés  aux  travaux  de  la  pêche 
et  de  l'agriculture  ;  ceux  qui  préférè- 
rent continuer  à  servir  et  qui  furent 
reconnus  propres  au  service  de  l'ar- 
tillerie, y  furent  incor})orés.  Marec, 
sorti  en  1797,  du  conseil  des  Cinq- 
Cents,  se  livra  au  conunerce  pen<lant 
quelques  années.  Rentré,  sous  l'em- 
pire, dans  l'administiation  de  la  ma- 
rine, il  fut  nonnné  inspecteur  du  port 
de  Gênes.  Il  en  remplissait  encore  les 
fonctions  au  mois  d'avril  181i,  et  (ut 
menu;  chargé    de   faire    cx('cuter  la 
capitulation  de  cette  place,  en  «pialité 
de    commissaire    «lu    gouvonement 
provisoire,  établi  après  la  premièi-e 
ab<licatiot»  de  ISajwléon.   Attaché  au 


MAtl 

ministère  de  la  marine,  à  son  retour 
en  France,  il  fut,  au  mois  d'avril 
1815,  nommé  inspecteur  du  port  de 
Bordeaux;  mais  les  événements  de 
juin  et  de  juillet  l'empêchèrent  de  se 
rendre  à  son  nouveau  poste.  Resté  à 
Paris,  il  ne  reçut  aucune  destination 
jusqu'au  commencement  de  1818 , 
qu'il  fut  admis  à  la  retraite.  En  août 
1820,  Ix)uis  XVIll  le  nomma  cheva- 
lier de  Saint-Louis.  Marec  avait  ren- 
du de  grands  services  à  des  royalis- 
tes, ainsi  qu'à  plusieurs  membres  de 
la  famille  royale ,  notamment  au 
prince  de  Conti,  aux  duchesses  de 
Bourbon  et  d'Orh-ans,  qui  durent  leur 
liberté  à  son  intervention  auprès  du 
Comité  de  salut  public.  H  mourut  à 
Paris,  le  23  janvier  1828.  —  Un  de 
ses  fils,  sous-directeur  du  personnel 
au  ministère  de  la  marine,  a  pubUé 
quelques  écrits  sur  la  législation  ma- 
ritime, f-  L — T. 

MARÉCHAL   (dom   BEB>AnD), 
né   en  1705    à  Réthel ,   où  il  fit  de 
bonnes  études  se  sentit,  dès  l'enfance, 
appelé  par  son   amour  du  travail  et 
des  vertus  tranquilles,  à  la  vie  claus- 
trale, que  les  ordres  religieux,  suppri- 
més à  la  révolution  de  1789,  rendirent 
si  fructueuse  pour  les  sciences  et  les 
lettres,    il  prononça  ses  vœux  le  26 
juillet  1721,  à  l'abbaye  de  Saint-Airy 
de  Verdun,    et   s'appliqua  dès-lors  à 
l'étude    «le    l'iVriture-Sainte    et  de» 
Saints  Pères,  il  s'y  consacra  tout   en- 
tier, persuadé  qu'une  érudition  trop 
partagée,  en  «lonnant  plus  «le  variété 
h  l'esprit ,    le  rend  aussi  mf^ins  pro- 
fond. Ses  recherches  furent  poussée» 
très-loin ,  ot  nous  en  jouirions  com- 
plètement, si,  «-ounne  on  lui  en  avait 
donné  le  conseil ,  il  n'avait  pas  pu- 
blié sa  Concordance  par  parties.  De- 
v«^nu  prieur  de  l'abbaye  «le  Beaulieu- 
on-Argonne,  en  1755,  dom  Maréchal 
se  concilia  l'estinvî  et  rattachement  de 


MAB 

«e$  confrères  par  la  mansuétude  de 
son  gouvernement.  Il  mourut  à  Saint- 
Vincent-de-Metz,  le  19  juillet  1770. 
On  a  de  lui  :  Concordance  des  Saints 
Pères  de  f Église,  grecs  et  latins,  où 
Fan  se  propose  de  montrer  leurs  sen- 
timents sur  le  dogme,  la  morale  et 
la  discipline;  de  faciliter  l'intelli- 
gence de  leurs  écrits  par  des  remarques 
fréquentes,  et  déclaircir  les  difficultés 
qui  peuvent  sy  montrer,  Paris,  1739, 
2  vol.  in-i";  ouvrage  réirap.  à  Paris, 
1748,  2  vol.  in  4°,  et  trad.  en  latin 
sous  ce  titre  :  Concordantia  SS.  PP. 
Ecclesiœ  grœcœ  atqtie  latin ae ,  Jîdei, 
morum  et  disciplina  difficultates  in 
ipsorum  srriptii  accurate  dilucidans  , 
Aug.,  1769,  2  vol.  in-fol.  Ces  deux 
volumes  renferment  les  pères  des 
trois  premiers  siècles.  Le  tome  premier 
comprend  la  doctrine  des  Constitu- 
tions apostoliques,  de  l'Épltre  de  saint 
Barnabe,  apôtre,  du  Pasteur  d'Her- 
mas,  de  saint  Clément,  pape,  de  saint 
Ignace,  de  saint  Polycarpe,  de  saint 
Justin,  d'Athénagore,  de  Théophile, 
de  Tatien  l'Assyrien,  de  saint  Irénée, 
de  saint  Clément  d'Alexandrie.  Le 
tome  II  contient  Ha  doctiine  de  Ter- 
tullien,  de  Minutius  Félix,  de  saint 
Hippolyte,  d'Origène,  de  saint  Cy- 
prien,  de  saint  Denis  d'Alexandrie, 
de  Novatien,  de  saint  Grégoire  le 
Thaumaturge,  de  saint  Denis,  pape, 
de  Théognoste  d'Alexandrie,  de  saint 
Victorin,  de  Pierius,  de  saint  Arche- 
laiis,  évêque  de  Cascare  ou  Caschara 
en  Mésopotamie,  le  dernier  père  du 
ni'  siècle.  Le  plan  de  l'ouvrage  est 
beau  et  bien  exécuté  :  la  préface,  sur 
la  nécessité  de  la  tradition  et  l'auto- 
rité des  Pères,  est  solide.  Néanmoins 
la  vente  en  fut  suspendue  jusqu'à  ce 
que  l'auteur  se  fût  expliqué  sur  la 
soumission  à  la  bulle  Unigenitus , 
qu'on  exigea  de  lui,  et  sur  plusieurs 
points  de  doctrine  énoncés  dans  ces 


Bfâït 


9o 


deux  volumes  ,  et  condamnés  par  U 
bulle.  Il  se  soumit  dans  la  Lettre  de 
D.  Bernard  Maréchal,  à  {occasion  de 
son  livre  de  la  Concordance  des  SS. 
PP.  de  [Église,  grecs  et  latins,  des 
trois  premiers  siècles,  à  M***,  Paris 
(sans  nom  d'imprimeur),  in -4"*  de  24 
pages,  datée  de  Novi,  le  28  avril  1740. 
Le  livre  parut  alors  avec  des  cartons  ; 
mais  aucun  libraire  n'ayant  voulu  se 
charger  d'éditer  la  suite,  le  troisième 
et  le  quatrième  volume  restèrent  ma- 
nuscrits. P.  L — T. 

MAUÉCILVL  (Ambroise),  ar- 
chevêque de  Baltimore,  né  en  1769  , 
à  Ingré,  près  d'Orléans,  fut  élevé 
dans  le  séminaire  de  Saint-Sulpice  , 
et  s'attacha  à  cette  congrégation. 
Choisi  par  Émery  pour  aller  exercer 
le  saint  ministère  dans  les  Etats-Unis, 
il  partit  en  1792,  et  de  Baltimore  il 
fut  envoyé  dans  une  mission  ,  afin 
d'apprendre  la  langue  anglaise.  Rap- 
pelé en  France  par  Émery,  pour  être 
employé  dans  les  séminaires  que  l'on 
allait  former,  par  suite  du  concordat, 
il  fut,  depuis  1803,  professeur  dans 
les  séminaires  de  Saint-Flour  ,  d'Aix 
et  de  Lyon.  En  1811,  Napoléon  ayant 
ôté  à  la  congrégation  de  Saint-Sulpi- 
ce la  direction  des  séminaires.  Ma- 
réchal fit  connaître  qu'il  désii^ait  re- 
tourner aux  États-Unis.  On  lui  pro- 
posa de  le  nommer  évêque  de  New- 
York;  mais  il  refusa.  Ayant  été  don- 
né pour  coadjuteur  à  l'archevêque 
de  Baltimore,  il  fut  forcé  d'accepter, 
et  l'archevêque  étant  mort  peu  après, 
Maréchal,  à  qui  les  bulles  assignaient 
la  survivance,  fut,  le  14  déc.  1817, 
sacré  par  Lefèvre  de  Chéverus,  alors 
évêque  de  Boston.  Son  mérite,  sa  dou- 
ceur et  sa  prudence  lui  concilièrent 
l'estime  et  la  vénération  de  ses  diocé- 
sains. En  1821,  il  eut  le  bonheur  de 
consacrer  la  nouvelle  cathédrale  de 
Baltimore  ,  l'ëglise  la  plus  grande  e 


96 


MAfl 


la  mieux  disposée  des  État*  -  Unis». 
Bientôt  après,  il  se  rendit  à  Rome 
pour  exposer  les  besoins  de  son  église 
et  donner  au  Saint-Siège  des  renseigne- 
ments sur  les  troubles  qui  agitaient 
l'église  de  Philadelphie.  En  1822  , 
il  retourna  à  Baltimore,  et  mourut 
le  29  janvier  1828,  laissant  de  pro- 
fonds regrets  dans  les  États-Unis,  où 
sa  douce  piétd,  son  zèle,  l'aménité 
de  sa  conversation  ,  et  sa  capacité 
pour  les  afFaires  lui  avaient  attiré  l'es- 
time et  la  considération  générale, 
même  parmi  les  protestanl^i.  G — y. 
aiARESCALCHI  (FEumsAso), 
diplomate  italien,  naquit  à  Bologne  , 
en  1764.  Après  avoir  fait  son  droit  à 
l'Université  de  cette  ville,  il  embrassa 
la  carrière  de  la  magistrature  et  de- 
vint sénateur,  l^orsque  les  Fraiiçais 
enti'èrent  en  Italie,  il  se  mit  à  U 
tête  du  parti  qui  se  déclara  ouver- 
tement en  leur  faveur,  et  fut  re- 
marqué par  Bonaparte,  qui  lui  té- 
moigna depuis  beaucoup  d'estime  et 
de  confiance.  A  la  formation  de  la 
république  cispadane,  il  fit  partie  du 
Directoire  exécutif.  En  1799,  la  répu- 
blique cisalpine  l'envoya  comme  mi- 
nistre plénipotentiaire  à  V^ieime,  mais 
il  ne  put  obtenir  une  audience  de  l'em- 
pereur. A  son  retour,  il  fut  élu  direc- 
teur-président; mais  bientôt  l'invasion 
des  Austro-Russes  l'obligea  de  se  r«'fu- 
gier  en  France,  d'oi»  il  retourna  dans 
sa  patrie  après  la  bataille  de  Marengo. 
il  prit  part  à  la  Consulta  de  Lyon,  en 
1801  ,  et  appuya  de  tont  son  pou- 
voir la  tiominatiun  du  premier  consul 
à  la  présidence  de  la  république  ita- 
lienne. O  fut  Marescalchi  uni  régla, 
avec  le  cardinal  (^aralFa,  le  concordat 
signé  à  Paris,  le  16  septembre  1803, 
entre  la  cour  de  Rome  et  la  répu- 
blique italienne.  Quand  «-elle-ci  fut 
transformée  en  royaume,  il  devint 
>«n  représontaut  ù  [Hiris,  et  fut  nouuné 


>LVK 

comte  en  uiéine  temps.  Il  exerça  ses 
fonctions  jusqu'à  l'abdication  de  l'em- 
pereur, époque  à  laquelle  il  fut  chargé, 
par  Marie-Louise,  de  gouverner  le 
grand-duché  de  Parme  et  Plaisance, 
Peu  après  il  était  nommé  ministre 
plénipotentiaire  de  l'empereur  d'Au- 
triche à  Modène,  où  il  mourut,  le  22 
juin  1816.  On  a  trouvé  dans  ses  pa- 
piers plusieurs  ouvrages  dont  les 
principaux  sont  ;  I.  Histoire  de  ta 
Consulta  de  Lyon,  II.  Considérations 
sur  les  rapports  de  la  France  avec  tes 
autres  puissances  de  l'Europe.  III. 
Commentaire  sur  Plutarque.  TV.  Une 
traduction  italienne  de  la  Comédienne 
d'Andrieux,  qui  était  destinée  à  être 
représentée  siu-  le  théâtre  de  la  cour 
de  Modène.  Il  avait  publié  des  son- 
nets et  des  Canznni.  A — v. 

MARESCHAL  (Locis-Nicolas), 
né,  le  27  juin  1737,  à  Plancoët,  où 
son  père  était  entreposeur  des  ta- 
bacs, exerça  la  médecine  avec  distinc- 
tion à  Saint-Malo ,  où  il  vint  s'établir, 
et  où  il  mourut  en  1781,  sans  laisser 
d'enfants,  ayant  eu  le  malheur  de  per  - 
dre  son  fils  unique ,  empoisonné  par 
accident.  D'une  tournure  d'esprit  fort 
piquante,  il  a  laissé  beaucoup  de  poé- 
sies manuscrites,  que  son  neveu  con- 
serve soigneusement  et  qui  prouvent 
à  quel  point  son  imagination  était 
gracieuse  et  originale.  La  seule  pièce 
qu'il  ait  publiée  a  pour  titre  :  Le  Ma- 
cjnétisnie  animal,  Mesmer  nu  les  Sots, 
auvrncfe  posthume  d'une  maut>aisc 
di>jestion  ,  de  Pierre  Bouline.  Cet 
opuscule,  qui  fut  imprimé  très-in- 
correctement, en  1782,  à  .Jersey,  et 
qui  ne  fiit  point  mis  en  vente,  mais 
distribué  seulement  à  des  anùii,  n'est, 
à  proprement  parler,  qu'une  sorte 
d'intermède  ou  de  satire  en  action  ;  le 
dialogue  est  semé  de  tnùts  amusants. 
.Sou  auteur  était  très-vcrst'  <lans  la 
physique,  la   m<H'anique  *1   rbis«t)ire    ' 


MAR 


HAB 


naturelle.  Peu  de  jours  avant  de  mou- 
rir, il  adressa  à  son  frère  des  cou- 
plets sur  l'air  de  Joseph  vendu  pai 
ses  frères  ,  et  dont  voici  le  dernier  : 

Tout  a  fini  pour  moi,  mon  Mit  : 
Mon  affaire 
Se  va  que  cahin-calia  , 
P.t .  quoique  je  rote  et  Je  cradie. 
Ma  mou8tiK:he 
Sent  de  près  le  Libéra. 

P.  L— T. 

MARESCIl  AL  (M^BiE-Acci  sTfc). 

frère  du  précédent,  naquit  à  Plancoèr. 
au  mois  de  décembre  1739,  et  mou- 
rut a  Lamballe  le  30  mai  1811.  Il 
était  entreposeur  de  tabacs  dans 
cette  dernière  ville  quand  la  révolu- 
tion le  priva  de  son  emploi,  ce  qui  ne 
l'empêcha  pas  de  »  en  montrer  parti- 
san. Il  dut  a  la  confiance  de  ses  conci- 
toyens  d  être  successivemeut  élu  mem- 
bre de  divei-ses  administi-ations.  Cest 
ainsi  qu'il  exerça  les  fonctions  muni- 
cipales ,  celles  de  membre  du  direc- 
toire du  distinct  de  Lamballe,  et  celles 
de  commissaire  du  pouvoir  cxécuti/. 
Il  est  autem^  d  un  recueil  biographi- 
que intitulé  :  IJ Armorique  litléraiie. 
ou  Xotices  iur  les  homme<  de  /«  ci-de- 
vant province  de  Bretagne  qui  se  sout 
fait  connaître  par  quelques  écrits,  sui- 
vies de  notices  biblioijrapltiques,  Lam- 
balle, an  III  (1795),  iri-12.  Les  cent 
trois  notices  biographiques  que  con- 
tient ce  recueil  sont,  en  grande 
partie  ,  eMiaites  du  A'ouveau  Z>i<  - 
tionnaire  historique ,  en  huit  vo- 
lumes in-8",  édition  de  1786.  Quant 
aux  notices  bibliographiques,  l'édi- 
teur qui,  depuis,  vint  s'établir  à 
Saint-Brjeuc ,  o\\  il  est  mort,  en  no- 
vembre 1840,  bibhothécaire  de  cette 
ville,  a  reconnu  qu" elles  lui  avaient 
été  très-utiles  pour  le  classement  des 
livres  de  sa  bibliothèque.  Mares- 
chal,  qui  s'était  beaucoup  occupé 
de  poésie  pendant  sa  jeunesse,  a 
laissé  un  volume  autographe  compo- 

UXIII. 


se  depîtie»  et  de  pièces  fugitives, 
et  trois  compositions  dramatiques 
dont  ime,  intitulée:  le  Petil-3Jaitre  a. 
province .  avait  été  reçue  à  la  Comé- 
die-Italienne ;  nuiis  il  la  retira. — Un 
de  ses  Bis ,  M.  Louis-Auguste  Mares- 
cbal,  archiviste  du  département  des 
Côtes-du-Nord,  a  St-Brienc ,  s'est  fait 
connaître  dans  la  littérature  par  quel- 
ques productions  estimées,  entre  au- 
tres par  une  traduction,  en  vers  fran- 
çais, des  Animaux  parlants,  poème 
italien  de  Casti.  P.  L— ^. 

MARESCOT  (Ijicrkit),  cha- 
noine  de  la  cathédrale  de  Genève,  né 
à  Annecy,  composa  dans  cette  der- 
nière ville  un  recueil  de  poésies  la- 
tines impiimées  à  Paris  en  1584. — 
Marescot  (f'incent)  est  l'auteur  d'un 
petit  poème  italien,  intitulé  .-  ^elU 
nozze  reali  delta  maestk  di  fladisiao 
ty,  re  di  Polotùu  e  di  Svezia  e  di  Lui- 
gia  Maria  Gonzaga  ,  principessa  di 
Mantova  e  di  Xivers,  ode  di  Vineentio 
Mariscotio,  in-4*. —  Marescot  {Al- 
fred), docteur  en  médecine,  auteui 
d  un  Compendium  totins  medicitur, 
imphme  à  Francfort,  1584  ,  in-12. 
— Makescot  {Michel)  fit  imprimer  à 
Paris,  en  1563,  une  dissertation  de 
philo!>ophie  sous  ce  titre  :  De  ideis  et 
universis,  ex  Platonis  et  Aristotelis 
sententia,  a  Michaele  Mareseoto  lexo- 
fiensi:  hi-i". —  M.AREscor  (le*  frères 
J.-Alojrs  et  Annibal  )  composèrent 
le  livre  intitule  :  jirs  rhetoricœ,  im- 
primé à  Bologne  en  1570,  in-4*. 
—  Un  médecin  du  nom  de  Markscoy 
prit  part  aux  événements  suscités  par 
la  supei  chérie  de  la  fille  Marthe  Brot- 
»ier,qui  se  prétendait  possédée  du  dé- 
mon, et  publia  à  Paris,  en  1599,  un 
volume  curieux,  intitulé:  Discours  vé- 
ritable su»  le  fait  de  Marthe  Brossier 
{voy.  Brossier,  VI,  36).         B — d — r. 

MARESCOT  (Armasd-Samcei 
de),  général  du  génie,  né  à  Tours  le 
7 


98  '^AR 

1"  mars  1738,  d'une  famille  noble 
d'origine  italienne  (1),  était  le  fds  d'un 
exempt  des  gardes-du-corps.    Après 
avoir  fait  d'excellentes  études  au  col- 
lège de  la  Flèche,  il  entra  à  l'Ecole 
militaire  de  Paris,  et  se  dévoua  dès- 
lors  à  la  carrière  qu'il  a  si  honorable- 
ment  suivie.  Lieutenant  du  génie  au 
commencement  de  la  révolution ,  il 
en  adopta  les  principes  avec  modéra- 
tion, et  fut  aussitôt  nommé  capitame. 
Employé  à  l'armée  du  Nord  sous  le 
maréchal  de  Rocharabeau,  il  se  trou- 
va, en  avril  1792,  à  la  malheureuse 
affaire   de  Baizieux,    entre   Lille    et 
Tournai,  où  les  Français,  se  croyant 
trahis,  massacrèrent  le  général  Dillon 
et  le  colonel  Bcrthois.  Marescot,  pour- 
suivi lui-même  par  les  révoltés,  n'é- 
chappa à  la  mort  que  par  le  plus 
grand  bonheur.   Cette  partie  de    la 
frontière  était  menacée  par  les  Au- 
trichiens ;  il  la  mit  en  état  de  défense, 
particulièrement  la    place  de   Lille  , 
qui,  bientôt  attaquée  et  bombardée, 
ne  résista    que    par  les  moyens    de 
défense   qu'il   avait  préparés.  Mares- 
cot reçut  à  ce   siège,  qui  commença 
sa  réputation,  une  légère  blessure.  Peu 
de  temps  après,  l'armée  se  porta  en 
avant.  N'ayant  pu  obtenir   dy    être 
employé,  il  suivit  le  général  Champ- 
morin,  son  ami,  en  qualité  d'aidc-de 
camp,  et  fut  chargé,  à  la  fin  de  cette 
première  campagne,  de  fane  le  siège 
de  la  citadelle  d'Anvers,  llevenu  avec 
l'armée  sur  la  ftontière  du  Nord,  en 
1793 ,  il  prit  part  aux  combats  d«  Me- 
nin,  Turcoing,  Armenticres,  etc.,  et 
fut  nommé  chef  de  bataillon.    Ayant 


(1)  Le  général  Marescot  avait  la  préten- 
tion de  descendre  de  l'ancienne  famille  Ma- 
rescoui  deltologne,  qui  a  pnxluit  plusieurs 
grands  hommes  entre  autres  (".aleazio  Mares- 
cotll,  généralissime  des  Bolonais,  qui  acquit 
une  grande  réputation  dans  le  dixième  siècle, 
et  h  qui  la  ville  de  IVilogne  décerna  une  mé- 
daille pour  d'éclatants  «ervices. 


MAB 

été  dénoncé  par  des  clubistes,  le  mi- 
nistre Bouchotte  qui    le    connaissait 
personnellement,  voulant  le  soustraire 
aux  effets  alors  si  périlleux  d'une  pa- 
reille dénonciation,  le  fit  passer  à  l'ar- 
mée chargée  de  reprendre  Toulon  sur 
les   Anglais.  A  son  arrivée ,    il  traça 
autour  de  la  place  une  Ugne  de  con- 
trevallation  destinée    à  resserrer  la 
garnison  presque    aussi    nombreuse 
que  l'armée  assiégeante,  et  certai- 
nement composée   de   troupes   plus 
exercées  ,  mieux  équipées  et  mieux 
approvisionnées.  Ce  fut  aussi  à  cette 
époque    que  Marescot  organisa    un 
corps  de  travailleurs  qui  a  été  main- 
tenu sous  le  nom  de  bataillon  de  sa- 
peurs, et  qui  a  rendu  dans  cette  lon- 
gue guerre  les  plus  grands  services. 
L'état  de  faiblesse  de  l'armée  républi- 
caine qui   assiégeait    Toulon,   ayant 
amené  la  convocation  d'un  conseil  de 
guerre  où  Marescot  fut  appelé,  on  y 
leconnut  qu'une  attaque  de  front  était 
impossible,  que  l'on  devait  se  borner 
à  un  blocus,  et  que  l'on  tenterait  de 
s'emparer  des  forts   extérieurs   d'où 
l'on  pouvait,  si  l'on  s'en  rendait  maî- 
tre,    bombarder  les  escadres  enne- 
mies qui    se  trouvaient  dans  le  port. 
Ce  fut  en  conséquence  de  ce  plan  quff 
l'on  s'empara  d'une  grande  redoute 
dite    la   redoute    anglaise.    Marescot 
contribua  beaucoup  à  cet  exploit,  qui 
n'eut  cependant  pas   d'aussi   graves 
conséquences  (juc  celles  que  l'on  en 
attendait.  Les  véritables  causes  de  la 
retraite  des  Anglais  sont  assez  con- 
nues. Quoi  qu'il  en  soit,  ce  fut  là  que 
Marescot  vit  lUjnaparte,  qui  avait  été 
camarade  de  son  frère  dans  le  régi- 
ment de  La  Fère,  et  qui,  devenu  gé- 
néral de  brigade,  conmiençait  à  ma- 
nifester ce  caractère  de  supériorité  et 
(le  despotisme  que,  plus  tard,  il  a  « 
hautement    et  si   heureusement  dé- 
plov»'.  Marescot,  nommé  chef  de  ha- 


MAB 

taillon,  avait  i-édigë  un  savant  mé- 
moire sur  la  place  de  Toulon  et  les 
côtes  de  la  mer.  Bonaparte  le  sut,  et 
voulant  aussitôt  en  avoir  connaissan- 
oe,  sans  doute  pour  s'en  attribuer  le 
mérite  auprès  du  gouvernement ,  or- 
donna que  ce  mémoire  lui  fût  ap- 
porté. Marescot  sentit  le  piège,  et  il 
répondit  au  jeune  général  que  les 
ordonnances  l'autorisaient  à  en  venii- 
prendre  connaissance  chez  lui ,  mais 
qu'elles  ne  prescrivaient  le  déplace- 
ment des  papiers  concernant  les  pla- 
ces, qu'en  faveur  des  gouverneurs  de 
provinces;  que  cependant  il  pouvait 
se  faire  autoriser  par  les  commissai- 
res tout-puissants  de  la  Convention. 
lÀi  général  insistant  sur  son  ordre,  et 
Marescot  persistant  dans  son  refus,  la 
dispute  s'échauffa,  et  ce  dernier  ne 
vit  de  moyen  de  la  terminer  que  par 
un  trait  de  modération  dont,  ])our  le 
moment,  le  futur  empereui-  parut  sa- 
tisfait. Cependant  on  croit  avec  quel- 
que raison ,  et  Marescot  s'en  est  a- 
perçu  plus  d'une  fois,  que  Bonaparte 
ne  perdit  jamais  le  souvenir  de  cette 
altercation.  Après  le  siège  de  Toulon, 
Marescot  revint  à  la  frontière  du  Nord 
où  Maubeuge  était  bloqué  par  les 
Autrichiens,  et  il  contribua  beaucoup 
à  les  éloigner  de  cette  place.  Il  passa 
ensuite  à  l'armée  de  Sambre-et-Meuse 
qui  faisait  le  siège  de  Chaileroi,  et 
fut  chargé  de  diriger  cette  impor- 
tante opération,  où  il  courut  les  plus 
grands  dangers  et  eut  le  courage  de 
résister  aux  folles  prétentions  du  pro- 
<onsul  Saint-Jnst,  qui  voulait  enlever 
la  place  par  escalade.  Marescot  ne 
craignit  pas  de  réfuter  son  opinion 
dans  un  conseil  de  guerre,  assurant 
ique,  d'après  la  reconnaissance  quil 
lavait  faite,  il  regardait  un  assaut  cora- 
|nae  impossible.  Le  séide  de  Robes- 
bierre,  furieux  de  voir  son  inexpé- 
ience  confondue,  donna  ordre  sur- 


MAR 


99 


le-champ  par  écrit  au  général  en  chef 
Jourdan  de  faire  fusiller  Marescot, 
ainsi  que  les  généraux  Hatry  et  Bolle- 
mont,  sous  prétexte  que  le  siège 
marchait  trop  lentement  ;  déjà  il 
avait  fait  mourir  ainsi  dans  la  tran- 
chée le  malheureux  capitaine  d'artil- 
lerie ^îoras,  un  des  meilleurs  officiers 
de  l'armée.  Jourdan  refusa  d'exécuter 
cet  ordre  sanguinaire,  et  Marescot  lui 
dut  la  vie.  Le  succès  des  sièges  tîe 
Maubeuge  ef  de  Charleroi  valut  à 
celui-ci  le  grade  de  colonel.  Peu  de 
temps  après,  il  fiit  chargé  de  repren- 
dre Landrecies  et  le  Qnesnoi,  dont 
les  aihés  s'étaient  empares  l'année  pré- 
cédente. Ces  opérations  firent  briller 
ses  talents  d'un  nouvel  éclat  :  le  siège 
du  Quesnoi  fut  long  et  pénible;  il  dur» 
trente  joiu-s.  Marescot  ne  put  s'em- 
parer de  la  v-ille  que  par  surprise. 
Nommé  général  de  brigade  après  ces 
deux  sièges,  il  prépara  ceux  de  Va- 
lenciennes  et  de  Cxmdé,  qui  se  ren- 
dirent vingt-quatre  heures  après  la 
sommation;  mais  on  a  lieu  de  croire 
que  ce  fut  le  résultat  d'une  négocia- 
tion secrète,  ouverte  depuis  plusieurs 
mois  entre  lAutricbe  et  le  comité  de 
salut  public.  Marescot  commanda 
ensuite  le  corps  du  génie  au  siège 
de  Maestricbt ,  sous  les  ordres  de 
Klébcr,  et  fut  élevé  au  grade  de 
général  de  division,  le  8  novembre 
1 794.  I^  24  décembre,  même  année, 
CaiTiot  le  fit  rayer,  par  un  décret,  de 
la  liste  des  émigrés  ,  où  il  était  ins- 
crit ,  quoiqu'il  n'eût  jamais  quitté  la 
France.  Il  est  probable  qu'on  l'avait 
pris  pour  son  frère  cadet,  comme 
lui  officier  du  génie,  mais  qui  se  mon- 
tra toujours  fort  attaché  au  parti 
royaliste.  En  1793,  le  comité  de  sa- 
lut public  lui  confia  la  défense  de 
Landau.  Quoiqu'il  n'eût  pas  le  tiers 
des  troupes  nécessaires  pour  repousser 
les  attaques  de  l'ennerai,  il  réussit  par 
7, 


100 


MAR 


des  sorties  à  l'en  tenir  constamment 
éloigné.  Dans  la  même  ^nnée,  il  fut 
nommé  commandant  du  génie  à  l'ar- 
mée des  Pyrénées  occidentales ,  et 
déjà  il  faisait  les  préparatifs  du  siège 
de  Pampelune  ,  lorsque  l'Espagne 
conclut  la  paix  avec  la  France.  Le 
général  Moncey  le  chargea  de  l'exé- 
cution du  traité.  Marescot  fut  en- 
suite employé  successivement  aux 
armées  d'Allemagne,  du  Rhin  et 
du  Danube,  tantôt  occupé  à  mettre 
cette  frontière  en  état  de  défense, 
tantôt  prenant  part  aux  affaires  dont 
elle  était  le  théâtre.  En  1798,  Bona- 
parte le  nomma  membre  d'une  com- 
mission chargée  des  préparatifs  de 
l'expédition  contre  l'Angleterre.  L'an- 
née suivante,  Marescot,  après  avoir 
servi  encore  sur  le  Rhin  et  en  Suisse 
sous  les  ordi-es  de  Masséna,  fit  partie 
du  comité  militaire  établi  près  le 
Directoire.  Il  n'exerça  pas  long-temps 
cette  dernière  fonction,  ayant  été 
appelé  à  la  défense  de  Mayence. 
Après  le  18  brumaire ,  Bonaparte  lui 
confia  le  commandement  du  corps 
du  génie  et  l'administration  des  for- 
tifications, avec  le  titre  de  premier 
inspecteur-général,  place  équivalente 
à  celle  qu'exercèrent  autrefois,  sous 
la  dénomination  de  directeurs-géné- 
raux des  fortifications,  les  maréchaux 
de  Vauban  et  d'Asfeld.  Il  fit  en  cette 
quaUté  la  dernière  campagne  d'Italie, 
et  fut  nommé,  en  1802,  comman- 
dant-général du  génie  à  tous  les 
camps  assemblés  pour  l'expédition 
d'Angleterre.  Fait  comte  et  grand-of- 
ficier de  laLégion-d'IIonneur  en  1804, 
il  fut  élu  dans  la  même  année  candi- 
dat au  sénat-conservateur,  par  le  col- 
lège électoral  du  département  de 
Loir-et-(^her,  puis  décoré  du  grand- 
cordon  de  la  Légion-d'IIonneur  le  2 
féTrier  1805.  Au  mois  de  septembre, 
il  accompagna  l'empereur  à  la  grande 


MAR 

armée,  et  revint  à  Paris  en  1806.  Em- 
ployé en  Espagne  en  1808,  il  reçut 
de  Napoléon  la  mission  périlleuse 
d'aller  observer  les  places  de  Cadix 
et  Gibraltar.  S'étant  bientôt  trouvé 
au  milieu  de  plusieurs  corps  d'insur- 
gés, il  n'eut  d'autie  moyen  d'échapper 
à  leur  fureur  que  de  se  réunir  au 
corps  du  général  Dupont  qui  était  lui- 
même  fort  compromis.  Ce  parti,  le 
seul  que  Marescot  pût  prendre  dans 
de  pareilles  circonstances,  fut  pour 
lui  une  source  de  calamités.  La  pe- 
tite armée  du  général  Dupont  ,  com- 
posée en  majeure  partie  de  cons- 
crits, s'avançait  malgré  sa  faiblesse 
jusqu'au  Guadalquivir;  mais  bientôt 
cernée  de  toutes  parts,  manquant  de 
tout,  accablée  par  une  chaleur  exces- 
sive, affaiblie  par  les  maladies  et  la  dé- 
sertion des  Suisses,  abandonnée  à  elle- 
même  dans  un  pays  dévorant,  où  les 
habitants,  la  nourriture ,  le  climat, 
tout  était  ennemi,  cette  malheureuse 
armée  se  trouva  dans  la  plus  affreuse 
situation.  Après  la  funeste  bataille 
de  Baylen,  cette  situation  était  telle- 
ment désespérée  qu'une  capitulation 
devint  une  véritable  faveur.  Dupont 
prit  le  parti  d'envoyer  aux  Espagnols 
le  général  Marescot,  connaissant  les 
rapports  qu'il  avait  eus  en  1794  avec 
le  général  Castannos  qui  les  com- 
mandait. La  capitulation  qu'il  obtint 
était  fort  avantageuse  et  fort  honora- 
ble si  elle  eût  été  exécutée.  On  sait 
à  quel  point  d'irritation  elle  porta 
Bonaparte  contre  Dupont  et  contre 
Marescot,  cpii  l'avait  signée  comme 
témoin.  Cependant  il  n'avait  pas  trou- 
vé mauvais  que,  dans  des  circoufitances 
analogues,  Serrurier  et  .lunot  eussent 
aussi  capitulé,  mais  ces  deux  géné- 
raux étaient  ses  amis,  et  il  n'en  était 
pas  de  même  de  Dupont  et  de  Mares- 
cot ;  il  prétendit,  dans  cette  occasion, 
qu'un  général  ne  devait  jamais  capi- 


MAR 

tuler  en  rase  campagne;  et  sans  juge- 
meat,  sans  examen,  il  fit  arrêter  et 
destituer  Dupont  et  Marescot  qui  ne 
recouvrèrent  leur  liberté  et  leur  grade 
qu'en  1814.  M°'  de  Marescot  perdit  sa 
place  de  dame  du  palais,  et  si  le  gé- 
néral eut  été  justiciable  d  un  conseil 
de  guerre,  if  est  probable  qu'il  n'eût 
point  échappé  ;  mais,  comme  grand- 
officier  de  l'empire,  il  ne  pouvait  être 
jugé  que  par  une  haute-cour,  et  il  y 
eut  attiré  tous  ses  co -accusés,  ce  que 
ISapoléon  ne  voulait  pas.  Les  eimemis 
de  Marescot  ne  purent  découvrir  au- 
cune loi  ni  ordonnance  qui  servît 
seulement  de  prétexte,  et  on  le  laissa 
en  prison  pendant  tiois  ans,  après  lui 
avoir  fait  subir  un  interrogatoiie  de- 
vant une  commission  présidée  par 
Cambacérès,  ce  qui  était  assez  bizarre 
pour  un  fait  complètement  militaire. 
L'n  procureur  impérial  prit  sous  la 
dictée  de  l  archi-chancelier  une  con- 
clusion à  mort,  qui  ne  fut  point  a- 
doptce.  Mais  Marescot  resta  tou- 
jours prisonnier;  il  ne  lui  fut  permis 
•ju'en  1812  daller  en  surveillance  à 
Tours,  où  il  demeura  jusqu'à  la  res- 
tauration. Ayant  alors  envové  son 
adhésion  aux  actes  du  gouverne- 
ment provisoire,  il  fut  nommé  pre- 
mier inspecteur-général  du  génie  , 
commissaire  du  roi  dans  la  vingtième 
division,  à  Périgueux;  chevalier  de 
Saint-Louis,  le  1"  juin;  puis  mem- 
bre d'une  commission  chargée  de 
déterminer  le  classement  des  pla- 
ces de  guerre  ;  et  enfin  grand  croix  de 
Saint-Louis,  le  27  décembre.  Il  refusa 
de  se  rendi-e  aux  armées  après  le  20 
mais  1815,  mais,  ayant  été  employé, 
il  perdit  son  activité  à  la  rentrée  du 
roi.  Depuis  lors ,  le  général  Ma- 
rescot vécut  retiré  à  sa  tei-re  de  Châ- 
lay  près  Vendôme,  où  il  mourut  en 
novembre  1831.  On  a  de  lui  :  L  Be- 
lation  des  principaux  sièges  faits  ou 


Hà» 


iM 


soutenus  en  Europe  par  les  armées 
françaises,  depuis  1792,  Paris,  1806, 
in-S".  On  trouve  dans  cette  brochure 
une  relation  du  bombardement  de 
Lille  exécuté  par  les  Autrichiens  en 
1792.  IL  Mémoire  sur  l'emploi  Aes 
bouches  à  feu  pour  lancer  les  grenades 
en  grande  quantité,  collection  de  l'Ins- 
titut de  1799.  lll.  Mémxjire  sur  la  for- 
tification souterraine,  et  une  foule 
dautres  mémoires  manuscrits  qui  sont 
entre  les  mains  de  quelques  officier» 
du  génie  et  au  dépôt  de  la  guene.  IV, 
X^ote  sur  le  général  IHarescoL,  janvier 
1821,  publiée  sous  le  voile  de  l'anony- 
me, et  qui  est  évidemment  du  général 
Marescot  lui-même.  On  y  trouve  de» 
détails  curieux  sur  l'histoire  militaire 
de  notre  époque.  —  Marescot  {Ber- 
nard-François), fi-ère  du  précédent , 
et  comme  lui  officier  du  génie,  fut 
camarade  de  Bonaparte  dans  son 
arme ,  mais  quitta  le  service  de 
bonne  heure,  par  suite  de  sa  haine 
pour  la  révolution.  Il  se  rattacha 
néanmoins  au  gouvernement  impé- 
rial, fut  nommé  membre  du  Corp» 
législatif  en  1807  par  le  département 
de  Loir-et-Cher,  et  fit  plus  tard  une 
campagne  en  Silésie,  a  l'instigation 
de  son  fiere.  Il  mourut  dans  le  Ven- 
dômois  vers  1835.  M — dj. 

MARESTIER  (JEi^-BAFrisTE), 
né  à  Saint-Servan  (Ille -et -Vilaine), 
était  très-jeune  lorsqu'il  fut  admis, 
en  l'an  VIII,  à  l'École  polvtechnique, 
d'où  il  sortit  en  1802.  Les  brillant» 
examens  qu  il  soutint  à  son  entrée  à 
l  école ,  ainsi  qu  a  sa  sortie ,  le  placè- 
rent au  nombre  des  élèves  les  plus 
distingués  de  son  temps,  et  justifiè- 
rent son  classement  dans  le  corps  du 
génie  maritime.  Ses  premiers  pas  dans 
la  carrière  furent  marqués  par  des 
services  réels  rendus  dans  les  ports 
de  Gênes  et  de  Livourne,  qui  se 
trouvaient  alors  sous  la  domination 


102 


MAB 


française,    Quand  les   désastres    de 
1814  enlevèrent  à  la  France  ces  utiles 
conquêtes,   Marestier,   dont  les   ta- 
lents étaient  déjà  appréciés ,  fut  des- 
tiné pour  Toulon.  Il  y  connut  M.  Ch. 
Dupin,  et  tous  deux  ne  tardèrent  pas 
à  se  lier  d'une  amitié  que  la  confor- 
mité de  goûts,  d'habitudes  et  de  ta- 
lent  développa  au  point  qu'une  bas- 
tide ,  située  aux  environs  de  la  ville , 
devint  leur  logement  commun.  Cette 
communauté,  pleine  de  charme  pour 
l'un    et    l'autre  ,     fut   rompue    peu 
après ,  Marestier  ayant  été  envoyé  à 
Bayonne,  afin  de  réorganiser  le  ser- 
vice des   constructions   navales,  il  y 
construisit ,  jusqu'en  1818,   sur  ses 
propres  plans,  des  navires  de   trans- 
port,  espèce  de  bâtiments   dont   la 
marine    militaire  était    presque    dé- 
pourvue.   Des    contrariétés    qu'il  é- 
prouva  de  la  part  de    l'administra- 
tion   de    ce    port,   le  déterminèrent 
à  demander  d'être  attaché  à  celui  de 
Lorient,  où   il  ne  fit  qu'une   courte 
apparition,  le  ministre  lui  ayant  ex- 
pédié l'ordre  ,  qu'il  trouva  à  son  ar- 
rivée ,  de  se  rendre  à  Paris,  afin  d'y 
recevoir  des  instructions  relatives  à 
une  mission   d'un  haut  intérêt  pour 
la  marine.  A  cette  époque,    il  n'était 
bruit  en  Europe  que  des  prodigieux 
résultats  de  la  navigation    par  la  va- 
peur ,  dont  Fulton  avait  doté  sa   pa- 
irie, après  avoir  éprouvé  en  France, 
où  il  n'avait  pas  été  compris,  le  dé- 
dain le  moins  mérité.  U  apparlenait  à 
Marestier    de   naturaliser     dans    son 
pays  un  procédé  qui  devait  modifier 
si  avantageusement  la  direction  des 
forces  navales  sur  tous  les  points   du 
globe.  Le  gouvernement  français  vou- 
lut connaître  ce  qu'il  y  avait  de  vrai 
dans  les  descriptions  plus  ou   n)oins 
exagérées  que  les  organes  de  la   pu- 
blicité    faisaient     cha(juc    jour    des 
prodiges  de  la  nouvelle  découverte . 


MAR 

et  obtenir,  sur  les  Ueux  mêmes,  une 
appréciation ,  aussi  exacte  que  possi- 
ble ,  des  heureux  résultats  que ,  déjà, 
elle  avait  dû  procurer  à  l'Angleterre, 
et  surtout  à  l'Amérique  ,  dont  l'éloi- 
gnement  favorisait  la   croyance  aux 
miracles  racontés  par  les  voyageurs. 
Comme    savant,    comme   ingénieur, 
comme  homme   positif  et  réfléchi, 
Marestier  réunissait  toutes  les  condi- 
tions  qu'exige    une  semblable   mis- 
sion.  Aussi   en   fut-il  chargé  par  lo 
ministre  de  la  marine,  sur  la  propo 
sition  de  M.  le  baron  Rolland,   ins- 
pecteur-général du  génie  maritime , 
en  même  temps  que  M.  de  Montgér)-. 
capitaine  de  frégate,  recevait  l'ordre  de 
se  rendre  dans  les  ports  d'Amérique , 
afin  d'v  examiner  les  bateaux  à  va- 
peur sous   le   point    de   vue   nauti- 
que et  militaire.  Marestier  visita  suc- 
cessivement les  chantiers  des  États- 
Unis  et  de  l'Angleterre,  pendant  près 
de  deux  ans.  Aidé  du  concours  de  M. 
Hvdc  de  Neuville,  ministre  plénipoten- 
tiaire à  Washington ,  de  celui  de  nos 
consuls,  et  des  communications  offi 
cieuses  d'un  ingénieur  français,  atta- 
ché au  service  de   l'amirauté  améri- 
caine ,  il  recueillit  les  documents  les 
plus  précieux   et  les  plus   propres  à 
faire  apprécier  sainement  cette  inno- 
vation si  féconde ,  et ,  il  finit  bien  le 
dire ,  alors  presque  entièrement  igno- 
lée  en  France.  S'il  eut  à  détruire  beau- 
coup d'illusions ,  et  à   ramener  dans 
les  limites    de   la   réalité  l'apprécia- 
tion des  faits  extraordinaires  que  l'en- 
thousiasme attribuait  à  la  navigation 
par  la  vapeur  en  Amérique,  les  dé- 
monstrations précises  et  rigoureuses 
qu'il  consigna   dans    le  récit    de  sa 
mission,  apprirent  néanmoins  au  gou- 
vernement qu'en  réduisant  les  choses 
à  leur  véritable  valeur ,  les  avantages 
du    nouveau    système  de  navigation 
étaient  assez  grands  pour  en  moti- 


.MAR 

ver  l'adoption.  Le  monde  savant  |)ar- 
tagea  cette  opinion,  lorsqu'il  connut 
l'intéressant  Mémoire  de  Marestier 
sur  la  bateaux  à  vapeur  des  Etats- 
Unis,  mémoire  qui.  dans  l'état  actuel 
de  la  science ,  laisse  sans  doute  à  dé- 
sirer, mais  que  son  auteur  eût  mi» 
en  parfaite  harmonie  avec  nos  con- 
naissances progressives  sur  l'emploi 
de  la  vapeur ,  si  une  mort  préma- 
turée n'était  venue  le  frapper  au 
moment  où  il  en  préparait  une  se- 
conde édition.  Marestier  fut  chargé 
de  faire  l'application  des  principes 
qu'il  avait  exposés  dans  son  ouvrage  : 
il  construisit  le  premier  bâtiment  à 
vapeur  et  le  premier  mécanisme  a 
basse  pression  que  la  mariite  mili- 
taii'e  ait  essayés  pom'  le  service  des 
ports.  Jusqu'à  la  publication  de  ce 
mémoiie.  il  n avait  été  construit  que 
des  bateaux  destinés  à  la  navigation 
fluviale.  De  ce  nombre  étaient  l'Afri- 
cain et  le  Voyageur,  construits,  en 
1818,  pour  la  navigation  du  Sénégal 
par  M.  Le  Breton ,  autre  ingénieur  de 
la  marine.  Appropriés  à  une  naviga- 
tion spéciale,  et  n'avant  qu'une  \itesse 
restreinte,  ces  deux  bâtiments  ,  dont 
l'un  fut  commandé  par  M.  Louvrier, 
l'autre  par  M.  I^blanc,  aujourd'hui 
vice-amiral,  n'étaient  pas  de  nature 
à  infirmer  le  mérite  de  l'application 
de  la  vapeur  à  la  luai'ine  militaire  sm- 
une  échelle  beaucoup  plus  élevée.  Si 
l'impartialité  nous  fait  un  devoii-  de 
reconnaître  que  l'essai  de  Marestier 
ne  répondit  pas  complètement  aux 
espérances  qu'avait  fait  concevoir  sa 
savante  théorie,  les  principes  fonda- 
mentaux qu'il  avait  si  heureusemerc 
développés  ne  reçurent  aucime  at- 
teinte; quelques  détails,  frappés  du 
sort  commun  à  toute  première  appli- 
cation d'un  système  nouveau ,  durent 
seuls  appeler  l'examen  des  ingénieurs. 
Plus  tard,  des  accidents  trop  fréquents 


UAR 


103 


et  u-op  funestes  ayant  inspiré  des  dou- 
te* sur  la  sécurité  que  pouvait  offrir 
l'emploi  d'un  moteur  avec  lequel  on 
n'était  pas  encore  familiarisé,  Marestier 
calma  toutes  les  craintes  en  donnant 
l'expUcation  la  plus  ingénieuse ,  et 
peut-être  la  plus  vraie ,  des  causes  de« 
explosions  :  c'était  indiquer  les  moyens 
de  les  prévenir.  Nommé  successive- 
ment mend:>re  de  la  commission  con- 
sultative et  du  conseil  des  ti-avaux  de 
la  marine,  lors  de  la  première  forma- 
tion de  ce  conseil,  il  occupa  dignement 
sa  place  parmi  le»  hommes  éminents 
qui  le  composaient.  Ses  connaissances 
aussi  sûres  que  variées,  son  ardeur  pour 
le  tiavail ,  rendaient  sa  coopération  si 
utile ,  qu'il  ne  fallut  rien  moins  que 
l'avantage  bien  rectmnu  du  servie* 
pour  qu'il  pût  être  détourné,  même 
luomentanément,  des  fonctions  qu'il 
remplissait  à  Paiis.  Mais  une  nou- 
velle aft'aire  de  confiance  exigeait 
qu'on  envoyât  à  Brest  un  ingénieur 
qui  réunît,  à  une  haute  capacité, 
l'impartialité  la  plus  sévère.  Chargé 
de  cette  mission,  Marestier  s'en  ac- 
quittait depuis  peu  de  temps,  quand 
la  mort  le  surprit,  à  Brest,  le  22  mars 
1832,  à  l'âge  de  cinquante-deux  ans, 
après  quelques  jours  seulement  de 
malacUc.  Il  était  chevalier  de  Saint- 
Louis  et  de  la  Légion-d'Honneur.  Sa 
modestie  était  telle ,  qu'il  ne  voulut 
jamais  consentir  à  ce  que  M.  Du- 
pin  insérât  dans  le  rapport  qui  pré- 
cède son  mémoire,  les  éloges  que 
l'amitié,  d'accord  avec  la  justice,  a- 
vait  suggérés  à  l'auteur;  ils  y  sont 
remplacés  par  deux  lignes  ponctuées. 
Ses  deax  ouvrages  ont  paru  sous  les 
titres  suivants  :  i"  Mémoire  sur  les 
bateaux  à  vapeur  des  Etats-Unis  d'A- 
tnér ique,  avec  un  appendice  sur  di- 
verses machines  rvlatives  à  la  marine, 
précédé  du  rapport  fait  à  [Institut  sur 
<•«    mémoire  par    MM.   Sané,   Biot , 


104 


MAR 


Poisson  et  Ch.  Dupin ,  imprimé  par 
ordre  de  S.  Exe.  le  ministre  de  ta  ma- 
rine et  des  colonies ,  Paris ,  imp.  roy., 
1824,  in4»,  et  atlas  in-fol.  de  17 
|>lanchcs.  Dans  ce  mémoire,  Ma- 
rcstier  fait  connaître  les  dimensions 
et  Ja  vitesse  des  bateaux  à  vapeur;  il 
déciit  les  principales  machines  em- 
ployées à  leur  usage,  et  expose  des 
règleç,  déduites  de  l'expérience,  afin 
d'établir,  entre  la  grandeur  des  ba- 
teaux et  la  force  des  machines ,  le» 
proportior)s  convenables  pour  obte- 
nir une  vitesse  déterminée.  Cet  écrit 
est  accompagné  de  notes  intéres- 
santes renfermant  le  développement 
des  principes  exposés  dans  le  texte, 
et  des  renseignements  qui  ,  bien 
((«'incomplets,  peuvent  fournir  de» 
moyens  de  comparaison  aux  person- 
nes qui  projettent  des  bateaux  à  va- 
peur. Il  est  terminé  par  sept  chapi- 
tres, sous  forme  Ôl  appendice ,  conte- 
nant des  remarques  sur  les  goélettes 
des  États  -  Unis ,  bâtiments  légers 
que  les  Américains  construisent  et 
font  manœuvrer  avec  une  supériorité 
reconnue  des  marins  de  toutes  les 
nations;  sur  les  machines  à  curer  les 
ports  et  les  rivières  ;  sur  celles  de  la 
poulierie  et  des  forges,  enfin  sur  les 
nouveaux  procédés  de  la  corderie, 
imitis  des  Anglais ,  et  reproduits  en 
France  avec  des  modifications  ingé- 
nieuses, dues  à  M.  liair,  directeur  des 
constructions  navales  à  15rest,  et  à 
M.  Hubert,  officier  supérieur  du  gé- 
nie maritime,  (jui  les  ont  exécutés  en 
prenant  pour  base  les  procédés  an- 
glais, observés  et  décrits  par  M.  Oh. 
Dupin  dans  son  Voyaffe  de  ta  Grande- 
Bretagne  (force  TiavaleJ,  A  tous  ces 
détails,  accessoires  à  l'objet  principal 
de  sa  mission  ,  Mareslier  en  ajouta 
d'autres  .siH"  reuq)loi ,  c n  Amérique, 
des  machines  à  fabriquer  les  clous, 
machines   qui  •  en   faisaient    i 40  par 


MAB 

minute,  ou  84,000  en  dix  heures  de 
travail.  Ce  mémoire  devait  être  suivi 
d'un  second  qui  n'a  pas  été  publié, 
parce  que  les  renseignements  qu'il 
contenait  n'étaient  d'aucune  utilité  à 
l'industrie  particulière.  Il  était  consa- 
cré à  des  remarques  sur  la  mai-ine 
mihtaire,  et  spécialement  à  la  des- 
cription du  bateau  à  vapeur  construit, 
en  1814,  pour  la  défense  de  New- 
York.  2*  Sur  len  explosions  des  ma- 
chines à  vapeur^  et  les  précautions  à 
prendre  pour  tes  préuenir  (Extrait 
des  Annales  maritimes  et  coloniales)^ 
Paris,  impr.  royale,  1828  ,  in-8"  de 
20  pages.  Marestier  avait  été  com- 
pris, en  1826,  au  nombre  des  can- 
didats présentés  par  l'Académie  des 
sciences ,  pour  remplir  la  place  va- 
cante par  la  mort  du  célèbre  Reichem- 
bach.  P.  L— T. 

MARET    (HudJES-BERRARD),    duc 

de  Bassano,  naquit  le  1"  mars  1763, 
à  Dijon,  où  son  père,  médecin  distin- 
gué, était  sejxétaire  perpétuel  de 
cette  Académie  bourguignonne,  qui 
comptait  alors  parmi  ses  membres  , 
les  Voltaire,  les  Debrosscs,  les  F.uf- 
(on,  etc.  {t'oy.  Malet,  XXVII,  10). 
Nous  insistons  sur  cette  circonstance 
parce  qu'elle  influa  par  la  suite,  d'une 
uïanière  très-heureuse,  sur  l'une  des 
époques  les  plus  intéressantes  de  la 
vie  de  Hugues  Maret.  Ses  premières 
(ittules  furent  dirigées  vers  les  con- 
naissances nécessaires  pour  enti'cr 
dans  l'artillerie  et  le  génie.  A  l'âge 
<le  dix-huit  ans,  il  concourut  pour  le 
prix  proposé  par  l'Académie  de  Dijon  : 
le  sujet  étjiit  l'Éloge  de  Vauban.  Car- 
Dot,  déjà  officier  du  génie,  eut  le  prix  ; 
Maret  fut  nommé  après  lui,  et  son 
ouvrage  obtint  les  honneurs  de  la 
l(H!ture,  dans  luie  «éance  solennelle 
présidée  par  le  prince  de  Condé,  qui 
témoigna  une  bienveillance  particu- 
lière au  jeune  auteur.  Celui-ci  lui  pré- 


MAR 

senta  un  poème  en  deux  chants  de 
sa  composition  snr  la  bataille  de  Ro- 
croy.  Cependant  des  raisons  de  fa- 
mille lui  firent  abandonner  ses  pre- 
mières études  pour  celles  de  la  ju- 
risprudence, à  laquelle  il  joignit  celle 
du  droit  politique;  il  prit  ses  grades 
à  l'Université  de  Dijon,  fut  reçu  avo- 
cat au  parlement,  et  bientôt  membre 
de  l'académie  de  cette  ville.  Le  comte 
de  Vergennes  ,  informé  des  disposi- 
tions de  son  jeune  compatriote,  le  fit 
venir  à  Paris,  où  Maret  suivit  le  cour» 
de  droit  des  gens  que  Boucliaud  pro- 
fessait au  collège  de  France.  Au  mi- 
lieu de  ces  graves  spéculations,  il 
n'abandonna  pas  le  culte  des  letties. 
Présenté  par  Buflbn,  Condorcet  et 
Lacépède,  au  Lycée  que  protégeait 
Monsieur,  comte  de  Provence,  et  qui 
depuis  est  devenu  l'Athénée ,  il  se 
trouva  en  relation  avec  les  illus- 
trations de  l'époque.  La  mort  du 
comte  de  Vergennes  fit  perdre  à  Ma- 
ret un  puissant  protecteur,  au  mo- 
ment où  il  se  préparait  à  aller  en  Al- 
lemagne achever  ses  études  politiques. 
l>a  convocation  des  États-Généraux, 
en  amenant  la  révolution,  devait  offrir 
des  leçons  bien  autrement  profitables 
à  son  esprit  facile,  étendu  et  si  bien 
fait  pour  saisir  tous  les  détails  de  la 
science  diplomatique  et  administra- 
tive. Préparé  par  ses  études  variées  à 
goûter  tout  l'intérêt  que  présentent 
les  grandes  discussions  publiques,  il 
s'établit  à  Versailles  pour  suivre  avec 
plus  d'exactitude  les  débats  de  l'As- 
semblée nationale.  Dès  les  premières 
séances,  il  s'en  constitua  en  quelque 
façon  le  secrétaire,  par  la  publication 
d'un  bulletin  consacré  au  détail  de 
ses  délibérations  ;  idée  heureuse  qu'il 
exécuta  avec  Maurice  Méjan ,  et  dont 
le  succès  fonda  la  fortune  politique 
de  l'un  et  de  l'autre.  Maret  s'était 
créé  une  méthode  d'abréviations  qui 


MAB 


105 


lui  permettait  de  reproduire  presque 
textuellement  la  discussion  du  jour. 
Opendant  le  Builetin  ne  devint  public 
(lu'après  la  translation  de  l'Assemblée 
de  Versailles  à  Paris.  Jusque-là  il  n'avait 
été  communiqué  qu'à  quelques  so- 
ciétés choisies,  où  l'auteur  en  faisait 
des  lectures.  Ce  fut  sur  les  pressantes 
instances  de  Mirabeau,  de  Clermont- 
Tonnerre,  de  Lally-ToUendal,  de  Tai-- 
get ,  de  Thouret ,  de  Lechapclier, 
etc.,  qu'il  se  décida  à  livrer  chaque 
soir  à  l'impression  la  rédaction  de  la 
séance.  Le  libraire  Panckoncke  ve- 
nait de  fonder  le  Moniteur.  Bien  que 
ce  journal  réunît  la  littérature  à  la 
politique,  il  n'avait  encore  qu'un  suc- 
cès médiocre,  tandis  que  le  Bulletin 
de  rAssemblée  nationale  réussissait 
et  avait  déjà  Thonneur  de  nombreuses 
contrefaçons.  Panckoucke  proposa  à 
Maret  de  réunir  son  Bulletin  au  Mo- 
niteur. Maret  Y  consentit,  à  condition 
que  le  Bulletin  conserverait  son  titie  et 
resterait  un  ouvrage  distinct.  Dès  lors 
la  fortune  du  Afom'fcur  fut  décidée,  et 
cette  feuille  devint  l'immense  registre 
de  toutes  nos  vicissitudes  politiques. 
"«  La  forme  et  le  sentiment  dramatique 
«  du  Bulletin,  a  dit  un  biographe, 
«  donnaient  l'idée  d'une  traduction 
u  de  la  langue  pailée  dans  la  langue 
«  écrite.  C'était  un  tableau  en  relief 
"  présentant  toute  la  vitalité  des  fa- 
«  meuses  séances  de  l'Assemblée  n«- 
«  tionale,  et  les  formes  de  ses  athlé- 
•'  tes,  en  même  temps  qu'il  donnait 
«  l'énergique  expression  de  leurs  bril- 
-  lantes  improvisations  et  de  leurs  dé- 
'<  bats  orageux.  »  La  clôture  de  l'As- 
semblée constituante  était  le  terme 
que  ilaret  avait  fixé  à  son  travail,  qui 
n'avait  été  pour  lui  personnellement 
qu'un  moyen  d'instruction.  Depuis 
cette  époque,  il  cessa  de  prendre  paît 
à  la  rédaction  du  Moniteur.  Ce  fut 
pendant  cet  intervalle  que,  dans  le 


106 


MAR 


petit  hôtel    de   l'Union ,    rue    Saint- 
Thomas  du  Louvre,  où  il  avait  étabU 
son  bureau  de  rédaction ,  il  fit  con- 
naissance  avec  un  jeune   lieutenant 
d'artillerie  qui  vint  y  loger,   et  qui 
n'était  autre  que  Bonaparte.  La  situa- 
tion du  futur  dominateur  de  l'Europe 
était  alors  fort  précaire,  et  il  paraît 
que  les  bons   offices  du  journaliste  , 
qui  ne  manquait  ni  d'argent  ni  de 
crédit,  contribuèrent  quelquefois  à  le 
tirer  d'embarras.  Jusqu'en  1791,  Ma- 
ret,  qui  avait  embrassé  avec  convic- 
tion mais  en  même  temps  avec  ré- 
serve  les  idées  nouvelles,    demeura 
attaché  à  la  société  des  Amis  de  la 
constitution  (les  Jacobins)  ;  mais  lors 
des  événements  du  Champ-de-Mars 
(17  juillet,  même  année),  il  cessa,  ainsi 
qu'un  grand  nombre  de  députés  mo- 
dérés, d'en  faire  partie,  et  devint  un 
des   fondateurs   du   club   des  Feuil- 
lants, où  l'on  professait  les  doctrines 
de    la    monarchie    constitutionnelle. 
Cependant  il  avait  attiré  sur  lui  l'at- 
tention des  hommes  qui  dirigeaient  en 
France  la  politique  extérieure.  Il  fut 
successivement  nommé  secrétaire  de 
légation  à  Hambourg  et  à  Bruxelles. 
Après  le  10  août  qui  avait  renversé 
le  roi  et  cette  même  constitution,  pour 
lesquels  il  s'était  jusqu'alors  prononce, 
Maret  ne  donna  point  sa  démission, 
et  il   obtint  un  rapide  avancement. 
Le    nouveau    ministre    des    aifaircs 
étrangères,  Lebrun-Tondu,  le  nomma 
chef  de  la  première  division  de  son 
département,  avec  les  attributions  do 
dii-ectcur-général.  Bientôt  il  le  chargea 
d'aller  diriger  en  Belgique  le  mouve- 
naent  des  esprits,  tandis  que  l'armtc 
de  Dumouricz  en  vahissait  ce  pays.  Dans 
cette  mission,  Maret  montra  beaucoup 
de  zèle  et  d'activité,  il  organisa  un 
corps  de  Liégeois,    s'exposa  au   feu 
dans  plusieurs  actions,  et  eut  même 
un  cheval  tué  sous  lui.    Le  Conseil 


MAB 

exécutif  lui  fit  présent  d'un  autre  che- 
val, en  lui  décernant  les  plus  grands 
éloges.  Dumouriez,  avec  lequel  il  dut 
s'entendre  et  se  concerter,  le  traitait 
alors  d'ami  dans  ses  lettres.  Peu  de 
temps  après,  la  Convention,  qui  était 
loin  de  vouloir  la  guerre  avec  l'An- 
gleterre,   envoya    Maret  à  Londres, 
afin  d'obtenir  du  moins  la  neutralité. 
Il  fit  des  ouvertures  de  conciliation 
très-raisonnables  ;  elles  furent  rejetées. 
Revenu  avec  de  nouveaux  pouvoirs,  il 
fit   d'importantes  concessions ,    très- 
avantageuses  à  l'Angleterre  et  à  la 
Hollande.  Pitt,  avec  lequel  il  eut  plu- 
sieurs entrevues,  lui  témoigna  person- 
nellement beaucoup    d'estime;   mais 
le  premier  ministre,  lord  Granville, 
redoutait    avec    raison  le   degré  de 
puissance  où  la  France  pouvait  s'éle- 
ver,  si  on  lui  laissait    paisiblement 
établir  sa  révolution.  La  Convention 
ayant  immolé  Louis  XVI,  le  21  jan- 
vier, l'ambassadeur  français  Chauve- 
lin  fut  congédié  le  24.   Maret  resta 
jusqu'en   février  ;   mais   on   le  força 
aussi  de  partir,  lorsque  la  guerre  fut 
imminente.  Bien  que  le  ministie  Le- 
brun eût  tout  fait  pour  empêcher  k> 
hostiUtés,  il  n'en  fut  pas  moins   ac- 
cusé par  Robespierre  de  les  avoir  im- 
prudemment provoquées.  Destitué  le 
21  juin,  il  fut  bientôt  après  décrète 
d'accusation.  Maret,  de  son  côté,  tom- 
ba également    en  disgrâce.  Le  nou- 
veau ministre  Dcsforgues  le  destitua 
de  la  place  de  directeur-général  ;  mais 
dès  le    mois   de  juillet   suivant ,   le 
même    Desforgues    le    nomma    mi- 
nistre    plénipotentiaire     et     envoyé 
extraordinaire  à  JNaples.  Cette    mis- 
sion eut  une  grande  influence  sur  sa 
destinée ,  et  elle  devait  en  avoir  une 
plus  grande  encore  sur  d'augustes  in- 
fortunes, puisqu'il  pouvait  en  résulter 
la  délivrance  de  la  reine  de  France, 
Marie-Antoinette.  «  elle  de  ses  enfants 


et  de  niiidame  Elisabeth  (1).  Cest  in 
qu'éclata   plus    que  jamais    l'odieux 
machiavélisme   de   la   maison   d'Au- 
triche .    qui .     plus    implacable   en- 
vers la  famille  rovale  que  les  révolu- 
tionnaires de  France,  aloi'S  en  pos- 
session du  pouvoir  exéc  utif,  fit  maii- 
quer  l'objet  de  celle  mission.  Contre 
le  droit  des  gens,   les  deux  négocia- 
teurs furent  arrêtés,   par  les  troupes 
auti-ichiennes,  dans  le  nllage  de  ^>o- 
vale.    En    vain   Maret  et  Sémonville 
roontrcrent  leurs  instructions  ;  ce  fut 
pour  leurs  oppresseurs  un  motif  do 
plus  de  les  traiter  avec   la  dernière 
rigueur.  Sans  doute  ils  étaient  les  eu  • 
voyés  du  plus  tyrannique ,   du  plus 
odieux  des  gouvernements  ;  mais  leur 
mission  et  leurs  personnes  n'avaient 
alors  rien  que  de  très-louable  et  de 
très-pacifique;    ils    étaient   d'ailleurs, 
sur  un  territoire  neutre,  sous  la  pi-o- 
tection  et  dans   toutes   les  garanties 
de  l'honneur  et  du  droit  des  gen». 
Les  détails  et  les  conséquences  de  cet 
événement  sont  du  plus  haut  intérêt 
dans  l'histoire.  Nous  crovons  devoir 
reproduire  ici  la  relation  manuscrite 
qu'en  a  rédigée  Maret ,  et  qui  nous  a 
été  communiquée.  On  y  trouve  à  la 
fois    l'intérêt    qui   s'attache   à   din- 
justes  persécutions,  et  à  des  circons- 
tances politiques  du  premier  ordre. 
»  Vous  savez  ,    écrivait  long  -  temps 
après  à  une  dame  le  duc  de  Bassano 
lui-même,  que  j'avais   une  direction 
principale     des    affaires    étrangei^s. 
Une  circonstance  terrible  la   mit  en 
action.  Nous  employâmes  des  moyens 
qui  se  trouvèrent  bien  faibles   quand 
il  s'agissait  de  prévenir  une  si  grande 
catastrophe.  Et  quand  le  général  Du- 
mouriez,  qui  avait  acquis   un  giand 
crédit  par  ses  succès  en  Champagne 
et  par  la  bataille  de  Jemmapes  ,   s'a- 
musait à  jouir  des  applaudissements 

(!)  Voy.  une  note  curieuse,  sur  cette  né- 
gociation .  i  l'article  kiUL\i.NB  (LXVIII.  510). 


MAR 


107 


du  peuple  dans  les  spectacles  et  antre» 
Ueux  publics,  l'intervention  diploma- 
tique, qui  devenait  notre  seule  i  es- 
source  et  que  nous  mimes  en  mouve- 
ment, ne  servit  à  rien,  et  le  crime  fut 
consommé.  D'autres  têtes  augustes 
étaient  menacées.  Dumouriez  revint 
a  lui.  Il  concerta  ses  pbns  avec  nous. 
On  sait  ce  qui  est  anivé.  Réduite 
encore  a  la  ressource  des  négo- 
ciations ,  nous  revînmes  sur  nos 
premièies  combinaisons.  La  révolu- 
tion prenait  un  cruel  essor;  cepen- 
dant, il  V  avait  encore  au  pouvoir 
des  hommes  qui  ne  «abusaient  pa» 
sur  l'avenir,  s'en  épouvantaient ,  et 
étaient  capables  de  se  dévouer  pour 
tenter  de  sauver  ce  qui  restait  de  si 
précieux  de  ce  grand  naufrage.  La 
plus  saine  partie  du  gouvernement 
s'aitendit  pour  faire  une  démarche 
auprès  des  seules  puissances  encore 
en  état  d'alliance  avec  la  ré(Hiblique. 
C'étaient  Venise  ,  Florence  et  Naplc». 
Les  républicains  tenaient  à  ne  pas 
être  désavoués  par  Iv  ;  monde  entier. 
On  se  crut  assm-é  que,  si  les  uois  Ëtat« 
que  je  viens  de  nommer  mettaient 
pom-  condition  à  la  continuation  de 
leur  alliance  la  sûreté  de  la  reine  et 
de  sa  famille,  elle  ne  leur  serait  pas 
refusée.  Le  projet  hit  arrêté ,  les  ins- 
tructions diessées ,  et  je  fus  charge 
de  leur  exécution.  M.  de  Sémonville . 
qui  avait  dû  s  embarcjuei  pour  C^ns- 
tantinople,  et  qui  était  encore  à  Mar- 
seille, ayant  eu  la  voie  de  mer  fermée 
par  les  escadres  anglaises,  espagnoles 
et  hollandaises,  dut  prendre  sa  route 
par  le  nord  de  Fhahe.  On  le  chargea 
de  concourir  avec  moi  aux  négocia- 
tions qui  devaient  commencer  pai 
Venise,  Florence ,  et  (jue  je  termine- 
rais à  Naples,  pendant  qu  il  se  rendrait 
a  sa  destination.  Je  partis;  je  rencon- 
trai à  Genève  M.  de  Sémonville,  avet- 
qui  je  n'avais  eu  jusqu'alors  que  des 
relations  de  société,  et  nous  nous  a- 
chemiuâmes  ensemble  dans  la  direc- 
tion de  Venise.  Nous  renconlràme» 
les  premiers  obstacles  dans  les  hgues 
grises  dont  le  gouvernement  était  in- 


m 


MAR 


fluencé   par  l'Autriche.    Après  avoir 
franchi  les  Alpes,  et  au  moment  d'en- 
trer en  Italie,  des  avis  sûrs  nous  pré- 
vinrent des  difficultés  que  nous  de- 
vions rencontrer  dans  la    Valtehne. 
Nous  nous  arrêtâmes  à  Vico-Soprano 
chez    le     comte    Hercule    de    Salis- 
Tagstein   qui  nous  avait  procuré  ces 
avis,  et  nous  expédiâmes    un  officier 
aux  chefs  des  ligues  grises  pour  leur 
demander  la  protection  qu'ils   nous 
devaient.  Cet  officier  revint  avec  des 
ordres  par  lesquels  il  était  enjoint  aux 
autorités   de   la   Valteline    d'assurer 
notre   passage.  Les  comtes  de  Salis- 
Tagstein  et  de  Salis-Sondrio  nous  con- 
juraient de  ne  pas  nous  y  fier.    Des 
renseignements  multipliés  justifiaient 
leurs  craintes.  Ils  nous  représentaient 
le  gouvernement  de  Milan  comme  in- 
capable de  s'arrêter  devant  la  viola- 
tion d'un  territoire  neutre  et  du  droit 
des     gens.    Ils    parlaient     d'embus- 
cades. Ils    ignoraient    que    nous    a- 
vlons    un    but  que  nous  devions  es- 
sayer d'atteindre  à  tout  prix.    Nous 
nous   rendîmes  à   Chiavenne ,    d'où 
nous  partîmes  le  même  jour  sous  une 
escorte  d'honneur  et  de  sûreté.    Pen- 
dant  que   ceci  se  passait  en  Suisse, 
des  intrigues  agissaient   à  Paris.    Le 
secret  de  notre  mission  avait  été  soup- 
çonné par  quelques  chefs  révolution- 
naires qui  envoyèrent  à  notre  pour- 
suite des  agents  secrets  sous  la  direc- 
tion d'un  sieur  Ysabeau.  L'archiduc 
Ferdinand  ,   qui    avait  reçu    par   un 
Hand  billet  l'ordre  de  l'empereur  de 
s'opposer  au  passage  de   M.    de   Sé- 
monville  ,    dont  on    redoutait    l'in- 
fluence à  Constantinople,  dirigea,  d'a- 
près les  informations  (jue   donnaient 
journellement  à  Milan  les  agents   se- 
crets des   révolutionnaires   français  , 
le  docteur  Pozzi,  chancelier  <lu  Sénat, 
sur  la  rive    droite  du   lac  de  (^,hia- 
venne,  où  des  troiq)es ,  déguisées  en 
Berlandotti,  avaient  été  rassemblées. 
ParveuHs  à  Novale,  village  sur  la  rive 
gauche  du  lac  de  C.iiiavennc,   notre 
escorte  fit  lialle.  Sou  chef,  prétextant 
la  nécessité  d'avertir  le  podestat  de 


MAR 

Trapone,  sur  le  territoire  duquel  nous 
allions  entrer,  afin  qu'il  tînt  son  es- 
corte prête,  envoya  en  avant  un  faute 
de  la  juridiction,  dont  la  mission  vé- 
ritable était  de  faire  aux  Autrichiens, 
sur  la  rive  droite,    les  signaux   con- 
venus.  La   femme    du    marquis    de 
Montgeroult ,  brigadier  des    armées 
du  roi,  qui  était  attaché  à  ma  mission, 
pour  remplacer  à  Naples  le  marquis 
de  Salis-Marchline ,  entra  ,  pendant 
notre  station  forcée ,  dans  l'église  d*.' 
village,  et  y  toucha  l'orgue    avec  ce 
talent   admirable    qu'on  lui  connaît. 
Le  curé,  vivement  ému,  lui  demanda 
si  elle  était  de  la   société   des   Fran- 
çais arrivés  dans  le  village,  et  sur  sa 
réponse  affirmative,  «  Ah!  madame, 
«  lui  dit-il,  ils  sont  perdus  s'ils  ne  se 
..  hâtent  de  fuir  «.  Elle  accourut  au- 
près de  nous ,  mais  elle    n'avait   pas 
achevé  son  récit,  que  déjà  les  troupes 
autrichiennes  et  notre  propre  escorte 
nous  couchaient  enjoué.  Nous  fûmes 
tous  arrêtés,  garottés,  et  jetés  dans  des 
barques  qui    nous    conduisirent     de 
l'autre  côté  du  lac  dans  la  prison  de 
Gravedona.  Toute    la  population   de 
cette  petite  ville  était  dans   le    secret 
de  l'expédition.  Elle    nous    attendait. 
On  l'avait  disposée  à    nous   faire  un 
accueil   tout  différent   de   celui    que 
nous  reçûmes.  Notre  maintien  imposa 
au  point  que,  de  toutes  parts,  on  en- 
tendait ces  mots  :  «  La  bella,  la  tjene- 
r<  rosa  génie  ».  Le  docteur  Pozzi  crut 
<levoir  rendre  comi)tc  de   l'effet    que 
nous  avions  produit    sur  le   peuple. 
Ses  oidres  élaieut  de  nous  faire  trans- 
porter inunédiatement  au  château  de 
Milan.  Il  suspendit  notre  départ.  Nous 
passâmes  dix  jouis  dans  la  prison  de 
(Jravedona,   attachés   chacun    à    une 
longue   chaîne    qui  nous    pcrmeltait 
(fagir  dans  noUe  chambre   et   qu'on 
ne  délacliait   ni  jour   ivi    nuit,    (-'est 
cette  chaîne  grosse  et  longue  comme 
unechaînede  puits, quela  Uépublique 
Cisalpine  m'envoya,  après  mon  retour 
en  France,  avec  une  niagnificpie  ins- 
cri|)tion.  .le   vous  ai  montré,  il  y   a 
long  -  temps  ,  ce  singulier   trophée. 


MAR 


MAB 


109 


La  réponse  étant  arrivée  de  Mi- 
lan, nous  fûmes  embarqués,  char- 
gés de  chaînes  plus  légères,  dans  des 
bateaux  qui  nous  menèrent  à  Lecce, 
et  de  là,  par  le  canal,  à  Fossano  di 
Milano,  ou  des  voitures  et  des  escortes 
nous  attendaient  pour  nous  conduire 
à  Mantoue.  Nous  y  arrivâmes  le  24 
juillet  1793  à  6  heures  du  matin.  On 
nous  logea  dans  l'ancien  palais  des 
ducs.  Le  mauvais  air  ne  tarda  pas  à 
produire  son  effet  sur  nous.  Tous  mes 
compagnons  de  captivité  furent  at- 
teints de  la  fièvTe  du  pays.  Je  n'ai  ja- 
mais eu  la  fisvre,  je  ne  la  pris  pas; 
mais  l'influence  du  climat  agit  sur  mes 
nerfs  et,  lorsqu'au  mois  d'octobre  j  ap- 
pris l'affreux  événement  (1)  que  je 
m'étais  cru  un  moment  destiné  à  pré- 
venir, je  tombai  dans  des  convulsions 
nerveuses  qui  duraient  dix  heures  par 
jour,  et  qui  se  prolongèrent  pendant 
7  mois.  Jusque-la  j'avais  conservé  quel- 
que espoir.  Mes  instructions  avaient 
été  sauvées,  mais  celles  de  Sémonville 
étaient  tombées  dans  les  mains  des 
Autrichiens,  et  je  ne  pouvais  croire 
que  le  baron  de  Thugut,  a  qui  ces 
papiers  devaient  avoir  été  envoyés, 
y  trouvant  la  trace  de  notre  mis- 
sion, ne  se  bâtât  pas  de  nous  donner 
les  moyens  de  la  remplir  et  de  nous 
rendre  la  liberté.  Sur  les  sept  mois 
que  dura  la  maladie  à  laquelle  j'étais 
en  proie,  j'en  passai  cinq  sans  une 
heure  de  sommeil.  Je  perdis  mes  che- 
veux et  une  partie  de  mes  dents.  J  au- 
rais perdu  la  vie  sans  un  secours 
inespéré  que,  dix  ans  après  la  mort 
de  mon  père,  je  dus  à  la  réputation 
dont  il  avait  joui  en  Europe.  L'aca- 
démie de  Mantoue  chargea  une  dépu- 
tation  de  m'apporter  des  consolations 
et  de  m'offrir  ses  secours.  Elle  avait 
encore  un  autre  but,  c'était  de  s'assu- 
rer du  danger  de  mon  état,  dont  le 
médecin  du  gouvernement,  qui  était 
un  de  ses  membres,  lui  avait  rendu 
compte.  Sur  !e  rapport  qui  lui  fut 
fait,  elle  s'adressa  au  gouverneur,  et 

(1)  La  mort  de  ta  reine. 


cette  démarche  ayant  été  sans  succès, 
elle  eut  la  générosité  d  envoyer  deux 
commissaires  à  Vienne  pour  repré- 
senter que,  si  je  passais  une  seconde 
saison  cl  été  a  Mantoue,  je  succombe- 
rais infailliblement.  Le  20  mai  1794, 
l'ordre  airiva  de  transférer  Sémon- 
ville et  moi  dans  la  forteresse  de 
Kuffstein  en  Tyrol.  !Nos  autres  com- 
pagnons restèrent  à  Mantoue.  Ils 
étaient  au  nombre  de  six;  cinq  mou- 
rurent dans  les  six  mois  qui  suivirent 
notre  translation.  Un  seul,  M.  Mergez, 
secrétaire  d'ambassade ,  aujourd  hui 
maréchal-de-camp  en  retraite,  et  alors 
jeune  officier  d'un  caractère  énergi- 
que, ne  succomba  pas  à  l'influence 
du  climat  et  à  la  rigueur  de  son  sort. 
On  m'annonça,  à  6  heures  du  soir,  que 
je  devais  me  préparer  à  faiie  un  long 
voyage;  à  8  heures,  le  même  Barigei 
qui  avait  attaché  mes  chaînes  au  dé- 
part de  Gravedona  et  qui  les  avait  soi- 
gneusement conservées,  se  présenta 
pour  faire  la  même  opération.  Mon 
corps  était  enflé.  Elles  se  trouvèrent 
trop  courtes  et  il  fallut  les  serrer  avec 
violence  pour  rapprocher  autour  de 
mon  poignet  droit  deux  anneaux 
dans  lesquels  devait  passer  un  cade- 
nas. J'éprouvai  de  vives  soufirances. 
Je  les  oubliai  quand,  la  voiture  ayant 
franchi  la  dernière  enceinte  des  for- 
tifications, je  me  trouvai  sur  une  des 
digues  du  lac,  à  laii-  libre,  sous  un 
ciel  pur  et  au  milieu  d'une  campagne 
embaumée  par  la  vigne  en  fleur. 
Nous  marchâmes  toute  la  nuit,  quit- 
tant plusieurs  fois  la  route,  afin  d'é- 
viter le  territoire  vénitien.  Je  connais- 
sais bien  la  géographie  du  pays, 
quoique  je  ne  l'eusse  jamais  parcouru, 
et  j'étais  décidé  à  appeler  a  mon  aide 
si  nous  étions  passés  devant  quelque 
poste  du  pays  allié,  quoiqu'il  y  eût 
un  officier  autrichien  dans  la  voiture 
et  deux  soldats  sm-  le  siège.  Je  me 
berçai  de  ce  vain  espoii-  toute  la  nuit. 
Il  me  quitta  lorsqu'au  jour  nous  en- 
•  trames  à  Roveredo.  L'officier  supé- 
rieur chargé  de  notre  transport, 
ni'ayant  aidé  à  descendre  de  la  voi- 


110 


MAR 


tiu-e,  s'aperçut  que  j'étais  couvert 
de  sang;  son  indignation  fut  à  son 
comble,  il  appela  un  commissaire 
autrichien,  le  fils  du  docteur  Pozzi 
qui  nous  avait  suivis  dans  une  voiture 
séparée,  et  demanda  que  nos  chaînes 
fussent  ôtées.  Comme  Pozzi  résistait 
et  prétendait  n'avoir  pas  la  clef  du 
cadenas,  il  fit  apporter  un  instrument 
avec  lequel  il  le  brisa.  INous  conti- 
nuâmes notre  route  à  la  fin  du  jour. 
Le  Barigel  n'avait  pas  reparu  et  je  ne 
retrouvai  mes  chaînes  qu'à  Kuffstein  ; 
mais  je  ne  les  portai  plus.  Elles  fu- 
rent seulement  attachées  à  un  bloc  de 
marbre  brut  qu'on  plaça  au  pied 
de  mon  lit.  Les  traces  de  cette  espèce 
de  mutilation  se  voient  encore  sur 
ce  même  poignet  où  sont  les  cicatri- 
ces des  coups  de  baïonnette  dirigés 
vingt  ans  plus  tard  par  les  Autrichiens 
contre  un  homme  paisible  et  désar- 
mé. Nous  ne  marchions  que  la  nuit. 
Plusieurs  fois  pendant  le  jour  le  jeune 
Pozzi  vint  sentretenir  avec  moi.  Oii 
comprend  que  je  lui  demandais  des 
nouvelles  de  mon  pays,  de  mes  amis. 
.Ses  récits  exagéraient  encore  l'affreuse 
vérité.  Je  ne  citais  pas  le  nom  d'une 
seule  personne  qu'il  ne  m'assurât 
qu'elle  avait  péri.  Jugez  de  la  situa- 
tion de  mon  esprit  et  de  celle  de  mon 
cœur,  lorsque  les  portes  de  la  citadelle 
de  Kuffstein  s'ouvrirent  devant  moi. 
(]ette  forteresse,  qui  défend  l'entrée 
du  Tyrol,  du  côté  de  la  Bavière,  est 
construite  sur  un  rocher  à  pic,  d'une 
très-  grande  élévation,  isolé  et  com- 
muniquant à  la  ville  par  un  pont  de 
bois.  Une  tour  très -élevée  la  sin- 
monte.  C'est  l'habitation  <les  prison- 
niers d'État,  (jui  en  occupent  l'étage 
supérieur.  Le  centre  est  rempli  par 
un  énorme  pili«îr  qui  supporte  le  toit, 
et  la  circtonférence  est  divisée  en 
cellules  ou  cachots,  en  forme  de  tra- 
pèze, numérotés  depuis  1  jusqu'à  13. 
J'accompagnai  Sémonville  dans  celui 
«uii  lui  était  destiné;  il  portait  le 
n»  11.  Je  fus  ensuite  conduit  dans 
ma  demeure  q\ù  portait  le  n"  13;  la 
porte  de  la  cellule  n»  12  se  trouvait 


ouverte,  je  vis  en  passant  qu'elle 
n'était  pas  occupée.  Ma  cellule  était 
précédée  d'un  petit  vestibule  avec 
une  porte  de  fer.  Une  seconde  porte 
de  fer,  où  un  guichet  était  pratiqué, 
formait  l'entrée  de  mon  appartement, 
consistant  dans  un  cabinet  voûté  de 
de  huit  pieds  de  long  et  de  six  pieds 
de  large.  Quoique  la  voûte  fût  basse, 
je  pouvais  à  peu  près  me  tenir  de 
bout  partout.  L'ameublement  se  com- 
posait d'une  table  de  sapin,  avec  une 
chaise  de  bois,  et  d'un  gi'abat  jeté 
sur  trois  planches,  au  pied  duquel  se 
trouvait  le  bloc  de  marbre  dont  j'ai 
déjà  parlé.  Tous  les  ustensiles  pour 
mon  service  se  bornaient  à  un  chan- 
delier de  fer  et  im  balai  de  bou- 
leau. On  avait  construit  auprès  de 
la  porte  un  poffle  en  brique  dont  le 
foyer  s'ouvrait  dans  le  petit  vestibule. 
Les  briques  étaient  peintes  en  blanc 
à  la  chaux,  ainsi  que  toute  la  cellule, 
qu'éclairait  une  lucarne  de  deux  pieds 
de  hauteur  sur  18  pouces  de  largeur, 
garnie  en  dehors  de  deux  rangs  de 
barieaux  et  en  dedans  d'un  fort  gril- 
lage. Cette  fenêtre  donnait  sur  une 
campagne  très-riante,  que  formait 
une  petite  vallée  demi-circulaire  dont 
le  rayon  avait  environ  une  lieue  et 
que  traversait  la  rivière  d'Inn.  Sur  le 
bord  de  cette  rivière  était  une  belle 
ferme  où  mes  regards  plongeaient  et 
dont  je  voyais  tout  le  mouvement 
intérieur.  U;  régime  de  la  prison 
était  celui-ci  :  En  y  entrant  les  pri- 
sonniers perdaient  leur  nom.  Le 
con)mandant  même  devait  l'ignorer. 
On  lui  avait  écrit  de  Vienne  que  tel 
officier  estait  chargé  du  transport  de 
deux  prisonniers  qu'il  logerait  aux 
numéros  11  et  13  et  qu  il  ne  dési- 
j'uerait  dans  sa  correspondance  que 
par  ces  numéros,  qu'on  substitua 
aux  marques  de  notre  linge.  Trois 
fois  par  jour,  le  guichet  s'ouvrait  pour 
donner  passage  à  une  nourriture  suf- 
fisante. Nous  ne  pouvions  pas  être 
traités  fort  splendidement,  puisque 
l'empei-eur  ne  passait  par  jour  aU" 
cnnmiandant    que   .30   kreuzers.   en- 


MAR 

viron  27  sous  de  notre  monnaie,  pour 
notre   entretien  et  notre  nourriture. 
On  nous  avait  enlevé,  avec  notre  ar- 
gent ,  nas  montres  et  la  plus  grande 
partie  de  nos  effets.  La  porte  de  la 
prison   ne  s'ouvrait  que    le   samedi 
pour  donner  passage  au  chirurgien- 
major,  qu'accompagnaient  deux  cus- 
todes et  deux  officiers.  Tous  les  quin- 
ze jours,   le    commandant,    homme 
respectable,  venait  avec  eux.  On  me 
dit  que  j'aurais  des  livres  si  j'avais  de 
l'argent  pour  en    faire  louer  à  Ins- 
pruck,  et  qu'il  n'était  pas  permis  de 
me  donner  les  moyens  d'écrire.  On 
me  raconta   qu'un  prisonnier,   dont 
j'aurai  l'occasion    de   parler  tout    à 
l'heure,     avait   désiré    une    planche 
noircie,  et  de  la  craie  blanche  pour 
faire  des    mathématiques;  qu'il  au- 
rait  fallu    prendre    les    ordres    de 
Vienne,  et  qu'on  s'était  bien  gardé 
d'adresser  au  ministre  une  proposi- 
tion aussi  insolite  ,  aussi  opposée  au 
texte    et    à   l'esprit  des  instructions. 
Pendant  toute  la  durée  de  ma  capti- 
vité, on  ne  me  proposa  pas  une  seule 
fois  de  sortir  pour  prendre  l'air,  et 
je  n'en  fis  pas  la  demande.  Je  n'avais 
rien  à  demander  à  des   gens   à  qui 
je  ne  reconnaissais  aucun  droit  sur 
moi.  Ce  régime  semblait  peu  favora- 
ble à  un   malade.  Le  mouvement  du 
voyage   et  l'air  salubre   des  monta- 
gnes   me   rendirent,   en  peu  de  se- 
maines ,  une   santé  parfaite,  qui  de- 
puis  n'éprouva   pas    la  plus    légère 
altération.  On  me  donna,  au  lieu  de 
pommade,    une  fiole  d'huile    d'olive 
pour  faire  revenir  mes  cheveux.  On 
m'offrit  aussi  du  vinaigre,  du  tabac 
et    une    pipe,  pour    combattre    une 
odeur  désagréable  que    le  vent   du 
nord  portait  quelquefois  dans  la  di- 
rection  de   ma   fenêtre.  Je  parle  de 
ces    deux  petits  objets,  parce  qu'ils 
devinrent    pour  moi  des  trésors.  Je 
soignais  mes   cheveux,    j'entretenais 
mes  vêtements,  je  faisais  mon  lit ,  je 
balayais    ma    chambre,  je   nétoyais 
jusqu'aux    murailles.    Tout    respirait 
autour  de  moi  une  propreté  qui  fai- 


mn 


111 


«ait  l'ëtonnement  de    mes  gardiens. 
Ces  soins  prenaient  du   temps  et  me 
donnaient   de  l'exercice:  il  y  a  une 
sorte  d'humanité  à  les  imposer  dans 
une  prison  solitaire.  Je  me  couchais 
à   neuf  heures,  et  à   peine  ma  tête 
reposait  sur  l'oreiller  que  je  retrou- 
vais   ma   liberté.    D'heureux   songes 
me  tiansportaient  en  France  au  mi- 
lieu   de   mes  amis.  Ils  ne  se  termi- 
naient  qu'à    sept   heures  du  matin, 
lorsqu'on    ouvrait    le   guichet    poiu- 
passer    le    déjeûner.    On    dort    bien 
quand   on   est  jeune,  qu'on  a  remis 
son  sort  entre  les  mains  de  celui  qui 
dispose  de  tout,  et  qu'on  porte  dans 
une  conscience  tranquille  le  sentiment 
d'un  devoir  accompli.  Mes  nuits  ont 
été  heureuses  pendant  les  22   mois 
que    j'ai   passés    à    Kuffstein.    Vous 
serez  surprise  si  je  vous  dis  que  met, 
journées  aussi  s'écoulaient  rapidement. 
C'est  cependant  la  vérité.  Dés  le  pre- 
mier jour  et  aussitôt  qu'on  eut  re- 
fermé les  portes  de  ma  prison  et  que 
j'eus  entendu  le  bruit  des  grilles  de 
l'escalier  qui  conduisait  à   la  tour,  et 
les  geôlière  s'éloigner,  je  m'occupai 
à  trouver  les  moyens  d'établir  quel- 
que communication  avec  le  compa- 
gnon de   ma  captivité.    Je  cherchai 
d'abord  si  je  pourrais  me  faire  en- 
tendre de  lui  ;  et  je  me  mis  à  chanter, 
ma  bouche  appliquée  contre  le  gril- 
lage de   ma  fenêtre,  ce  passage  d'un 
coryphée  dans  l'opéra  d'Armide  : 

Voici  la  charmante  retraite 
De  la  félicité  parfaite  : 

Voici  l'heureux  séjour 

Des  jeux  et  de  l'amour 

Sémonnlle  ne  m'avait  jamais  entendu 
chanter.  Il  ne  reconnut  pas  ma  voix, 
mais  les  paroles  ;  et ,  crovant  qu'on 
insultait  à  sa  position,  il  s'obstina  à 
faire  la  sourde  oreille.  Ce  premier 
moyen  me  manqua  donc.  J'en  tentai 
vingt  autres  qui  n'eurent  pas  plus  de 
succès.  Enfin ,  au  bout  de  quelques 
mois,  je  remarquai  que  tous  les  soirs 
à  la  même  heure,  un  même  bruit  se 
faisait  entendre.  Je  devinai  que  Sé- 
monviile  traînait  sa  chaise  de  sa  table 


112 


MAR 


à  son  lit.  J'en  conclus  qu'il  entendrait 
le  bruit  que  je  ferais  chez  moi  et  je 
cherchai  comment,  à  l'aide  d'un  bruit 
quelconque,  je  pourrais  me  mettre  en 
,  communication  avec  lui.  J'inventais 
un  chiffre  auriculaire  que  j'exécutais 
en  frappant  contre  le  mur    avec   le 
manche  de   mon  balai.  Au  bout  de 
quelques  jours  Sémonville  me  com- 
prit parfaitement.  Ce  moyen  était  lent 
et  imparfait.  Il  nous  servit  pour  con- 
venir des   modifications  nécessaires. 
ISous   divisâmes   l'alphabet  en  trois 
séries  qu'un  signe  indiquait.  Un  signe 
avertissait    également    lorsque    celui 
qui   écoutait   devinait    le   mot  ou  la 
phrase.  Chaque  soir,  quand  tout  re- 
posait dans  la  forteresse,  nous  con- 
versions et  padions  de  la  sorte,  pres- 
que aussi  vite  qu'on  écrit.  Nous  ve- 
nions un  jour  de  nous  souhaiter  le 
bonsoir,  lorsque  nous  entendîmes  un 
bruit  de  même  nature,  qui  venait  de 
la   partie   opposée   de  la  tour.  Nous 
écoutâmes  et  nous  comprîmes   très- 
distinctement  ces  paroles  :  «Associez  à 
«  vos  conversations  un   compagnon 
»  de    malheur.    »    Nous    frappâmes 
tous  deux  en    même  temps  :  «  C'est 
«  un  Français  ;  on  répondit  :  Non,  je 
.<  ne  suis  pas  Français,  mais  je  souffre 
u  comme  vous ,   et  je  ne  puis  vous 
u  être   étranger.    »    La   conversation 
s'établit ,  et  nous  apprîmes  que  notre 
compagnon  d'infortune  était  un  ba- 
ron de  Spaun,  victime,  du  moins  il  le 
disait,  de   la  part  que  le  baron  de 
Thugut  avait  prise  à  des  démêlés  de 
famille.  Sa  détention  datait  de  la  fin 
de  1792.  C'est  à  lui  qu'on  avait  re- 
fusé une  planche  noircie  et  de  la  craie. 
C'était  un  habile  mathématicien.  U  me 
dicta    des     formules    astronomiques 
très-ingénieuses,   qu'il    me   pria    de 
soumettre  de  sa  part  à  M.  de  Laplarc 
quand  je  serais  (le  retour  en  France, 
Ce  témoin  de  nos  entreliens  ne  tarda 
pas  à  nous   gêner.  Nous  trouvâmes 
moYcn  d'intervertir  l'ordre  des  séries 
(le  notre  chiffre  à  son  insu.  On  sol- 
dat  français  au   service  des  custodes 
portait  à  Scimonville  ou  à  moi  rot  te 


MAR 

sorte  de  mot  d'ordre  à  l'aide  duquel, 
de  semaine  en  semaine,  nous  avions 
un  chiffre  tout  nouveau.  Trois  jours 
ne  se  passaient  pas  sans  que  le  baron 
de  Spaun    l'eût  découvert.  Mais  au 
bout  de  trois  mois,  un  grand  change- 
ment survint  parmi  les  habitants  de 
la  prison.  La  conjuration  de  Marti- 
nowitz  avait  éclaté  quinze  mois  au- 
paravant en  Hongrie.  Plusieurs  hom- 
mes distingués  du  clergé  et  des  clas- 
ses intermédiaires  périrent  sur  l'écha- 
faud.  Un  plus  grand  nombre  fut  con- 
damné à  des  détentions  plus  ou  moins 
longues  et  remplissait  déjà  les  forte- 
resses du  pays  ,   lorsque  l'archiduc 
palatin,  blessé  mortellement  au  châ- 
teau de  Schœnbriinn  par  une  explo- 
sion d'artifice  ,  dit  à  l'empereur  avant 
d'expirer  :  <•  Faites  saisir  mes  papiers 
«  à  Bude.  Il  y  va  de  votre  sûreté!  " 
On  y  trouva  les  preuves  d'une  nou- 
velle conspiration.  Celle-ci  était  tra- 
mée par  des  magnats  qui  furent  ar- 
rêtés. Le  gouvernement  s'inquiéta  de 
la  présence   de  tant  de   prisonniers 
d'état   dans  le  pays   même  qu'ils  a- 
vaient  agité.  Ixs  prisonniers  hongrois 
furent  transférés  dans  les  prisons  des 
États  héréditaires,  et  ceux  de  ces  Ktats 
en  Hongrie.  Le  baron  de  Spaun  quit- 
ta ainsi  Kuffstein  pour  Mongatz.  Je 
suppose  que  ce  baron  vous  intéresse 
un  peu  et  que  vous  me  permettez  de 
quitter  un  instant  mon  cachot  pour 
vous  dire  ce  qui  advint  de  lui  :  je 
rentrerai  après    dans  ma  cellule.  Eu 
arrivant  à  Munich  en   1805,   on   me 
dit  qu'un  baron  de  Spaun  s'était  pré- 
senté au  logement  préparé  pour  moi 
et  reviendrait  le  lendemain.  Comme 
je  ne  l'avais  jamais  vu,  quelqu'intri- 
gant  aurait  pu  abiiscr  d'un  fait  assez 
connu.  Quand  il  vint,  je  tins  la  porte 
<lc  ma  chambre  fermée,  et  je  frappais 
ces  mots  :    «  Etes-vous  le  prisonnier 
«  de  Kuffstein  ?  »  Siu"  sa  réponse  qu'il 
me  fit  dans  le  même  langage,  j'ouvris 
et  je  l'embrassai.  J'obtins  pour  lui  du 
feu  roi  de  Ravière  une  place  au  bu- 
reau du   cadastre.  Il  était  fort  capa- 
ble de  la  bien  rnnplir:  mais  une  cap- 


\  SUR 

tivitë  de  dix  ans  avait  i-endii  son  ca- 
ractère insociable.  Le  roi  m'écrivit  a 
ce  sujet,    et  consentit  à  ma  prière  à 
donner  au  baron  de  Spaun,  au  lieu 
de  son  emploi,  une  pension  de  douze 
cents  florins,  dont  il  a  joui  jusqu'à  sa 
mort  prématurée.  Je  retourne  à  ma 
prison.   Le   bruit   de  nos  entretiens 
avec  le  baron  de  Spaun  arait  été  en- 
tendu du  dehors.  Le  rapport  en  fut  fait 
au  commandant,  officier  d'artillerie 
instruit.  Quoiqu'il    comprît  que   les 
prisonniers  pouvaient  communiquer 
entr'eux  de  la  sorte,  il  soutint  à  ses 
subordonnés  que   la  chose  était  im- 
possible, pour  se  dispenser  d'en  rendre 
compte  à  Vienne.  Ou  nous  laissa  faire. 
Les  pisonniers  Hongrois  prirent  part 
à  nos  conversations.  Koua  apprîmes 
ainsi    les    événements    qui    s'étaient 
passés  dans  leur  pays,  et  que,  dans 
les  circonsunces  du  temps ,  le  gou- 
vernement autrichien  avait  intérêt  à 
soustraire  à  la  connaissance  de  l'Eu- 
rope. Vous  voyez  que  nous  ne  man- 
quions pas  tout-à-fait  de  distractions. 
Elles  ne  suffisaient  pas  à  l'activité  de 
mon  esprit.  On  me  donnait  de  temps 
en  temps  des  paquets  de  poudre  pour 
les  dents  enveloppés  dans  des  carrés 
de  papier  blanc  que  j'avais  conservés 
avec  soin.  On  me  fit  présent,  pour  le 
jour  de  l'an ,  d'un  almanach  de  pay- 
san, oij   quelques  feuilles  de  papier 
blanc  étaient  intercalées.  La  femme 
du  commandant,  qui  nous  envovait 
souvent  des  fleurs  et  des  fruits  de  son 
jardin,  avait  un  jour  mis  au  fond  du 
panier    une   petite   grammaire   alle- 
mande sous  une  enveloppe  de  papier 
blanc  ;  quel  parti  tirer  de  ces  richesses? 
H  fallait  une  plume  et  de  l'encre;  j'en 
fis.  Voici  comment  :  j'avais  conservé 
la   fiole  dont  l'huile  ne  m'était  plus 
nécessaire,  j'y  jetai  quelques  parcelles 
de  fer  que  je  détachai  de  ma  porte,  et 
sur  lesquelles  je  versai  un  peu  de  vi- 
naigre; à  1  aide  de  la  chaleur  de  mon 
poêle,  j'obtins  une  dissolution  de  fer 
assez  concentrée.  Je  me  fis.  donner  du 
thé  et,  après  avoir  ôté  une  partie  du 
liquide,  je  plaçai  la  théière  au-dessus 


AMB 


If  3 


de  la  flamme  d'une  chandelle  allumée, 
pour  tirer  des  feuilles  du  thé  le  prin-  • 
cipe  astringent  qu'elles  contiennent.'^ 
J'espérais   remplacer    ainsi    la    noix 
de  galle  qui  entre  dans  la  composi- 
tion de  l'encre  ordinaire,  je  réussis. 
Vous  comprendrez  la  joie  que  je  dus 
éprouver  lorsqu'en  versant  une  partie 
de  cette  décoction  dans  ma  dissolu- 
lution  de  fer,  je  vis  le  précipité  noir 
se  former.  Des  éclats  détachés  d'un 
morceau  de  pierre  à  fusil  qu'on  m'a-  * 
vait  donné  pour  allumer  ma   pipe,  '* 
me  fournirent  une  espèce  de  canif' 

3ui  me  servit  à  découdre  l'enveloppe 
e  mon  traversin,  dans  lequel  je  dé- 
couvris le  quart  du   cylindre  d'une 
plume  de  poulet.  Je  taiflais  cette  plu- 
me avec  le  canif  de  mon  invention  et, 
après  l'avoir  montée  sur  un  brin  de  "* 
balai,  je  me  trouvai  pourvu  de  tout* 
ce  qui  m'était  nécessaire  pour  écrire. 
Je  commençai  par  des   dissertations 
sur  divers  sujets  ;  mais  cela  allait  trop 
vite,  et  la  prose  usait  trop  de  papier. 
J  imaginai  alors  de  faire  une  comédie 
en  vers.   Des  brins  de  balai  que  je 
charbonnais  à  la  chandelle,  me  ser- 
vaient pour  écrire  mon  brouillon  sur 
la  face  de  mon  poêle  qui  ne  pouvait 
pas  être   vue   du  guichet    lorsqu'on 
l'ouvrait.  Je  travaillais  ainsi  pendant 
toute   la  semaine;    le   vendredi   soir 
je  mettais  au  net  les  scènes  terminées, 
et  j'en  effaçais  les  traces  sur  le  poêle.' 
Le  samedi,  lorsque  le  chirurgien  en- 
Uait  avec  les   officiers,    un  de  mes    ■ 
goussets  de  montre  renfermait  mes 
manuscrits   et    l'autre   mon   encrier. 
Je  composai  plusieurs  grandes  comé- 
dies et  une  tragédie.  Je  m'étais  ainsi 
donné  du  travail  à  faire,  des  ouvrages    » 
à  relire  et  des  pièces  de  théâtre  a  re-     ,. 
présenter.  Le  jour  de  la  première  re- 
présentation de  l'Infaillible,  comédie 
en  cinq  actes  et  en  vers,  un  des  fac- 
tionnaires qui  environnaient  la  tour, 
appela  son  caporal  qui  jugea  qu'on  se 
querellait  dans  la  chambre  n»  13  et     ' 
qui   déclara  qu'il  avait  distingue  dix 
voi.x  différentes.  Sur  ce  rapport,  les 
officiers  et  les  custode*  se  transpôrtè- 


lit 


MAR 


rent  chez  moi.  Je  ne  compris  rien  à 
leur  visite  inopinée  et  encore  moins  à 
l'extiême  surprise  qu'ils  témoignèrent 
en  me  voyant  seul.  Cet  incident  fut  le 
dernier  ;  le  commandant  m'en  donna 
l'explication  quand  l'heure  de  la  liberté 
fut  arrivée.  Ce  brave  homme  ayant 
reçu  les  ordres  de  la  cour  de  Vienne, 
se  hâta  de  monter  à  la  tour.  L'officier 
qu'on  lui  annonçait,  et  qui  devait 
nous  conduire  en  France,  tardait  à 
arriver;  il  prit  sur  lui  de  nous  faire 
descendre  de  la  forteresse  et  de  nous 
recevoir  dans  sa  maison  où  sa  famille 
nous  combla,  pendant  huit  jours,  des 

soins  d'une  hospitalité  touchante 

Je  ne  vous  parlerai  pas  de  notre 
voyage.  L'officier  qui  nous  accompa- 
gnait était  un  Français,  né  dans  la 
Lorraine  allemande;  ses  procédés  fu- 
rent ceux  d'un  bon  compatriote.  Je 
pus  les  reconnaître  peu  de  temps  a- 
près;  car  lui  aussi  fut  pris  dans  la 
Valtehne,  pendant  la  campagne  de 
Macdonald;  je  le  fis  renvoyer  sur  pa- 
role. Nous  fûmes  donc  bien  traités 
en  route,  mais  toujours  comme  pri- 
sonniers. Il  fallut  que  la  fille  des  rois, 
quittant  la  France  où  tous  les  objets 
de  son  affection  avaient  succombé, 
apparût  sur  les  bords  du  Rhin,  pour 
nous  lendre  à  nos  amis,  à  nos  familles 
et  à  notre  patrie.  Près  de  trois  années 
s'étaient  écoulées  depuis  le  jour  où 
un  espoir  glorieux,  mais  trompeur^ 
nous  avait  conduits  à  la  captivité  qui 
finissait  par  elle,  et  qui  n avait  pas 
été  tou^-à-fait  sans  fruit,  puisque 
nous  comptions  pour  quelque  chose 

dans  le  prix  de  sa  rançon » 

— Maret  ne  dit  point  que  les  conven- 
tionnels qu'avait  fait  arrêter  Dumou- 
riez  ,  ainsi  que  le  fameux  Drouet , 
furent  le  prix  de  la  liberté  qu'ob- 
tint alors  la  fille  de  Louis  XVL  Si  l'on 
en  croit  l'abbé  de  Montgaillard  dans 
^on  Histoire  de  France  (t.  IV,  p.  63),  ce 
fut  le  comte  de  Montgaillard,  son  hère, 
qui  fit  au  nùnistère  autricbion  la  pre- 
mière proposition  de  cet  échange,  par 
ordi-e  de  Louis  XVIÎI  et  du  prince  de 


MAR 

Condé.  De  retour  dans  sa  patrie,  Ma- 
ret fut  admis  ainsi  que  Sémonville  à 
tous  les  honneurs  de  la  séance,  au  con- 
seil des  Cinq-Cents,  le  22  nivôse  an 
IV ,  et  tous  deux  reçurent  l'accolade 
du  président;   mais,    malgré  l'intérêt 
qu'inspiraient  leurs  longues  souffran- 
ces  et   bien  qu'un  arrêté  du  Direc- 
toire eût  déclaré  que  tous  deux  avaient 
honoré  le  nom  français  par  leur  conS' 
tance  et  leur  courage,  Maret  et  son 
collègue  restèrent  sans  emploi  ;  et  ils 
durent  attendre  que  les  affaires,  qui 
étaient   encore    sous    l'influence    du 
18  vendémiaire,  prissent  une  autre 
direction.  L'enUée  du  nouveau  tiers 
au   Corps    législatif,    et   la  nomina- 
tion de   Barthélémy   au  Directoire  , 
amenèrent  ce  changement.  Le  minis- 
tre des  relations  extérieures,  Charles 
Lacroix  ,    dut    être    remplacé.     On 
mit  sur  les  rangs  Talleyrand  et  Maret; 
Talleyrand    fut   préféré  ;   et    Maret, 
qui    n'avait    pas    montré    beaucoup 
d'empressement  poui-  cette  place,  ac- 
cepta volontiers  de  faire  partie  de  la 
commission  chargée  des  négociations 
pour  la  paix  avec  l'Angleterre.   I^s 
conférences  s'ouvrirent  à  Lille.  Pitt, 
qui  conservait  un  bon  souvenir  de  ses 
relations  avec  Maret,  le  recommanda 
au  lord  Malmesbury.  Talleyrand  avait, 
d'ailleurs    autorisé    Maret    à    retenir 
dans  ses  mains  le  secret  de  la  négo- 
ciation;   aussi    tout  concourut   à  le 
mettre    d'abord  dans    les    meilleurs 
rapports  avec  le  plénipotentiaire  an- 
glais. Un   traité  honorable  allait  êtie 
conclu,   lorsque  le  18  fructidor  vint 
mettre  fin    aux    négociations.    Elle» 
avaient  donné  lieu  ,    par  l'intermé- 
diaire du  général  Clarke,  à  des  com- 
munications   entre  Lille   et   Campo- 
Formio  ;  ainsi   se  renoua    l'ancienne 
liaison    (jui  avait  existé   entre  Maret 
et  le  général  Bonaparte ,  lequel  n'é- 
tait plus  l'hote  obscui    et  nécessiteux 


9fAR 

du  petit   hôtel   de    l'Cnion.  Cepen- 
dant  la  faction    iructidorienne   avait 
renvCTsé  la   grande  combinaison  des 
négociations  de    Lille  et   de  Caxnpo- 
Formio  :  le  fruit  de   la    conquête  de 
l'Italie   fut   perdu.  La  guerre  se  ral- 
luma de  nouveau    et   taridis    que    le 
général  Bonapaxte  dut   iexiUr  dans 
la  conquête  de  l'Egypte  y  Maret,  de  re- 
tour à  Paris,  et  encore  une  fois  mis  a 
l'écart,    détourna    les    défiances   du 
Directoire  en  se  livrant  à  la  culture 
des  lettres.  Il  fit   à  cette  époque  rece- 
voir au  Théâtre     Français   une  tra- 
gédie,   dont  le   18   brumaire   arrêta 
la   représentation.    Lié   avec   Sieyè», 
Rœderer  et  plusieurs  auues  coopé- 
rateurs  de  cette  révolution  ;  bien  ac- 
cueilli par  Bonaparte,  il  assista  aux 
Journées  du  18  et  du  19,  et  fut  nommé, 
en  déc.  1799,  secrétaire-général  des 
consuls,    place  depms  érigée  en  mi- 
nistère sous    le  titre  de  secrétairerie 
d'Etat.  Il  allait    passer  ainsi  les  dix 
premières  années  du  siècle  à  la  tête 
d'un  ministère   central,   oii  venaient 
aboutir  et  d'où  se  distribuaient  toutes 
les  affaires  des  différents  départements. 
Les  études,  à  la  fois  théoriques  et  pra- 
tiques, qu'il  avait  faites  pendant  l'As- 
semblée constituante ,  lui  donnèrent, 
sur  la  politique  générale  et  sur  toutes 
les  branches  de  l'administration  ,  des 
cotmaissances  positives  dont  l'applica- 
tion spéciale  fut,  pendant  ce  long  in- 
tervalle, mise  à  profit  par  Napoléon. 
On  a  prétendu  que  celui-ci  ux)uvait 
toujours  dans  son  ministre  un  admira- 
teur enthousiaste,  un  instrument  do- 
cile, et  rarement  un  conseiller  indiffé- 
rent à  la  crainte  de  déplaire.  Les  enne- 
mis de  Maret  ont  propagé  cette  ac- 
cusation et  ont  avancé    que  l'empe- 
reur se  plaignait  de  son   zèle  malen- 
contreux;   mais  personne  n'a  pu  se 
flatter,   si  ce  n'est   Maret  lui-même, 
d'avoir  connu  les  secrets  intimes  du 


MAR 


lis 


cabinet  impérial:  personne  n  ignore 
que,  par   sa  position  particulière,  le 
duc  de  Bassano  était  obUgé  de  pa- 
raître  ne   pas  desapprouver   au  de- 
hors les  projets  qu'il   pouvait  avoir 
le  plus   vivement  combattus  dans  le 
secret  de  ses  discussions  avec  l'em- 
pereur. Toutefois  on  n'a  pas  ignoré 
qu'aux  Tuileries  il  y  avait  deux  hom- 
mes,   dont  l'intervention  adoucissait 
souvent    la   rigueur  des  détermina- 
tions du  maitre,  qu'il    faut  bien  se 
garder    de   juger    par    les    causeries 
sentimentales  de  Sainte -Hélène.  Ces 
deux  hommes  étaient  Maret   et  Re- 
gnauld-de -Saint- Jean -d'Angely;  le» 
exemples  ont  été  nombreux  en  France 
et  à   l'étranger.  Mais  il  importe  de 
faire  connaître  l'étendue  des  travaux 
dont  se  trouvait  chaîné  Mai  et.  Selon 
l'ordre  qui  fut  établi  dès  le  consulat, 
les  ministres  présentaient  chaque  se- 
maine, dans   un  conseil,    leurs  rap- 
ports sur  les  affaires,  et  remettaient 
leurs  portefeuilles  au  secrétaire-d'É- 
tat,  qui ,  après  en  avoir  pris  connais- 
sance ,    rendait    un  compte    verbal 
dans  le  travail  de  la  signature  qu'il 
faisait  seul  avec  Bonaparte.  Les  mi- 
nutes de  tous  les  décrets  restaient  en- 
tre  ses   mains,   et  l'exécution  s'opé- 
rait  sur  les  expéditions  que  les  mi- 
nisties  recevaient  de  lui.  Il  assistait  a 
tous  les  conseils,  soit    d'administra- 
tion, soit  privés,  soit  extraordinaires,  ^j 
ou  se  traitaient  les  grandes  affaires  de.«i 
1  Etat.   Il  se  trouvait  ainsi  lin  terme- ^o 
diaire  entre  le  gouvernement  et  tou».^ 
les   ministères.   Ces  attiibutions  offi-  ^ 
cielles   n'étaient  pas  les  seules  dontj^ 
il  fût  investi;   il  en  recevait  de  non -f 
moins  étendues  de  l'entière  confiance  < 
de   Bonaparte.    Depuis    les   sénatus-,* 
consultes  qui  se  prépaiaient  en  secret, 
depuis   les  affaires  majeures  que    le 
souverain  se  réservait  et  dont  il  pre-  ^ 
nait  l'initiative,  telles  que  son  divorce 
•8 


116 


MAR 


et  son  mariage,  jusqu'à   la    nomina- 
tion de  ses  chambellans,  tout  se  fai- 
sait entre  Napoléon  et  son  ministre, 
qui  ne  le  quittait  jamais.  Il  raccom- 
pagnait  dans    ses  voyages,   sur    les 
champs  de  bataille  et  dans  les  capi- 
tales conquises;  la  secrétairerie-d'État 
faisait  partie  du  quartiev-général  im- 
périal. On  a  entendu    Napoléon  lui 
dire  en  Espagne,  au  milieu  de  l'ac- 
tion, à  Sommo-Sierra  :  »  On  ne  peut 
«  donc  pas  tirer  un  coup  de  canon, 
«  que  vous  ne  vouliez  en  avoir  votre 
«  part.  »  Après  les  conquêtes  de  Na- 
poléon, Maret  était  ainsi  sur  les  lieux 
l'intermédiaire  des  particuliers  et  des 
provinces  qni   avaient  des  réclama- 
tions à  faire,  ou  des  grâces  à  solliciter; 
et   comme    il  ne    demandait  jamais 
rien  pour  lui-même,  son  intervention 
était  rarement  sans  effet.  Ce  fut  dans 
un  sens  tout  monarchique  qu'il  ré- 
digea la  plupart  des  constitutions  de 
l'empire,   et    celles    que    l'empereur 
donna  à  plusieurs  États  de  l'Europe 
(le  Portugal,   l'Espagne,  la  Hollande, 
la  Westphalie,  la  Pologne);   mais  on 
doit  lui  tenir  compte  d'avoir,  dans  le 
sénatus-consulte    du  28  floréal,   an 
XII,   spécifié   des    garanties   pour  la 
presse,  et  pour  la  liberté  individuelle. 
Au  mois  de  décembre  1805,  il  con- 
courut, à  Vienne  et  à  Presbourg,  au 
traité    conclu   alors    avec   l'Autriche. 
Convaincu  qu'il  ne  doit  point  y  avoir 
de    haines     personnelles     chez    un 
homme  d'État,  il  ne  parut,   dans  ce 
premier  séjour  en  Autriche,  se  sou- 
venir de  sa  captivité  de  Mantoue  et 
de  KuIFstein,  que  pour  faire  sentir  à 
ceux  qui  y  avait  contribué  llieureuse 
influence  de  son  crédit.    En   1806, 
après  la  conquête  de  la  Pologne,  Na- 
poléon le  chargea,  à  Varsovie,  de  l'or- 
ganisation   du    gouvernement   polo- 
nais.   Quelque  temps  après  ,    Maret 
conclut  avec  l'ambassadeur  pefsan  , 


MAR 

qui  s'était  rendu  au  quartier-général 
de    Finkenstein  ,   le   traité    entre  la 
France  et  la    Perse,  qui  fut  suivi  de 
l'ambassade  de  Gardanne.  En  1808,  il 
exerça  la  principale  direction  sur  les 
travaux  de  la  junte  de  Bayonne,  et  il 
ne  paraît  pas  qu'il  ait  cherché  à  dis- 
suader Napoléon  de  ses  funestes  pro- 
jets sur  l'Espagne.  En  1809,  après  la 
seconde  occupation  de  Vienne,  il  se 
trouva    avec   les  habitants  dans  les 
mêmes  relations  qu'en  1805  ,  et  il  fit 
le  même    usage    bienveillant  de  son 
influence.  Il  rédigea,  avec  le  comte  de 
Bubna,  les  conditions  de  la  paix  qui 
fut  signée  par  Champagny  et  par  le 
prince  J.  de  Lichstenstein.    Vers  ce 
temps,  Maret  qui  devait  cependant 
bien    connaître  le  machiavélisme  du 
cabinet    autrichien,    et   qui    surtout 
n'ignorait    pas  combien  les  liens   du 
sang     ont    peu    d'influence    sur    la 
politique,   fut   assez   mal  avisé   pour 
conseiller    à   Napoléon    de    deman- 
der   une    archiduchesse    d'Autriche, 
lorsque    la   Russie  et  la  Saxe  lui  of- 
fiaient  d'autres  princesses.  Dès  1805, 
le    baron    de  Thugut  ,    chef  de    ce 
cabinet,    avait  prétexté  du   mariage 
d'Eugène    de  Beauharnais   avec  une 
princesse  de  Bavière  ,   pour  faire  in- 
sinuer  à   Maret ,   par    Pellcnc,  alors 
attaché  à    la   chancellerie    impériale 
de  Vienne  ,  qu'un  mariage  avec  une 
archiduchesse   était   seul   capable  de 
guérir    l'Autnche    de    ses   défiances. 
En  1809,  cette  insinuation  fut  renou- 
velée par  le  même  intermédiaire.  Les 
trois  projets  de  mariage  furent  propo- 
sés à  la  discussion  du  conseil;  Maret 
parla  vivement  en  faveur  de  l'union 
autrichienne  et  son  avis  l'emporta.  Ce 
fut  lui  qui  conduisit  toutes  les  négo- 
ciations   relatives  à   cette  alliance  si 
funeste.  Il  ne  tarda  pas  à  s'apercevoir 
qu'il  s'était  mépris,  s'il  avait  compté 
sur  la  pacification  de  l'Europe.  Tout 


31AB 

annonçait  la  guerre  avec  la  Russie. 
En  avril  1811,  ^'apoléon  appela  Ma- 
ret  au  ministère  des  relations  exté- 
rieures, en  remplacement  de  Cham- 
pagny,  qui  dans  des  confiirences,  à 
OEdembourg,  avec  Metternich,  en 
1809,  n'avait  pu  réussir  à  rien  con- 
clure. Le  nouveau  ministre  fut  décoré 
du  titre  de  duc  de  Bassano  :  dès  1805, 
il  était  grand-aigle  de  la  legion-d'Hon- 
neur.  Au  moment  où  il  prit  le  porte- 
feuille, les  troupes  russes  étaient 
déjà  en  marche  vers  le  grand-duché 
de  VarsoN-ie,  tandis  que  l'armée  polo- 
naise avait  repassé  la  Vistule,  pour 
se  rapprocher  des  secours  qu'elle  es- 
pérait de  la  France,  il  y  avait  donc 
mésintelligence  entre  les  cabinets  des 
Tuileries  et  de  Saint -Pétersbomg. 
Bassano  employa  l'année  1811  à  des 
négociations  avec  tous  les  États  qui 
pouvaient  s'intéresser  à  la  grande 
«{uerelle  entre  l'Angleterre  et  la  France. 
Tandis  qu'il  s'attachait  à  engager  les 
États-Unis  d'Amérique  dans  une 
guerre  avec  la  Grande-Bretagne,  il 
faisait  tous  ses  efForts  pour  prévenir 
la  rupture  prête  à  éclater  avec  la 
Russie,  puis,  en  cas  de  non-succès, 
à  renforcer  le  système  de  la  France 
par  une  alliance  offensive  et  défien- 
sive  avec  la  Prusse  (24  février  1812) 
et  avec  l'Autriche  (24  mars).  Il  signa 
également  un  traité  d'alliance  avec  le 
Danemark.  Déjà  il  avait  jeté  les  bases 
d'un  quatrième  traité  avec  la  Suède; 
et  le  complénvent  d'une  confédération 
générale  contre  le  système  britanni- 
que allait  être  obtenu,  lorsque  le  ma- 
réchal Davoust,  sans  ordres  positifs, 
prit  sur  lui  d'occuper  la  Poméranie 
suédoise,  comme  servant  de  dépôt  aux 
denrées  coloniales  anglaises.  De  ce  fait 
résulta  tout  aussitôt  l'alliance  de  la 
Suède  avec  la  Russie  (24  mars).  La 
guerre  était  imminente,  Bassano  fit 
tout  pour  conjurer  l'orage.  L'ambas- 


iàik 


117 


sadeur  Kourakin  (1"  avril  1812)  avait 
notifié  par  écrit  que  la  Russie  n'accep- 
terait aucune  proposition  avant  que 
la  France  eût  rompu  son  alliance 
avec  la  Prusse,  évacué  les  forteresses 
de  la  Poméranie,  et  conclu  la  paix  avec 
la  Suède.  Sur  la  demande  de  passe- 
ports faite  par  le  même  ministre,  le 
24  du  même  mois,  Bassano  parvint 
à  obtenir  de  jNapoléon  qu'il  en- 
voyât à  Vilna  son  aide-de-camp  Nar- 
bonne,  chargé  d'une  dépêche  ins- 
tante pour  le  comte  de  Romanzow, 
ministre  des  affaires  étrangères.  Dana 
cette  dépêche,  il  renouvelait  le  vœu 
de  voir  des  négociations  •  que  la 
«  France  n'avait  cessé  de  provoquer, 

•  depuis  dix  huit  mois,  prévenir  de» 
«  événements  dont  l'humanité  aurait 

•  tant  à  gémir;  "  déclarant  en  mêntc 
temps  •  que,  quelles  que  fussent  le» 
«  circonstances,  lorsque  cette  lettre  par- 

•  viendrait,  la  paix  dépendrait  encore 

•  des  résolutions  du  cabinet  russe.  » 
D'un  autre  côté,  il  fit  des  ouverture» 
au  cabinet  britannique  ,  dont  l  in- 
fluence sur  celui  deSt-Pétcrsbourg  de- 
vait décider  de  la  paLx  ou  de  la  guerre. 
Sans  doute  le  duc  de  Bassano  ne  se 
dissimulait  pas  que  ces  démarche* 
auraient  peu  d'efficacité  ;  mais  il  vou- 
lait n'avoir  rien  à  se  reprocher  ;  et  la 
connaissance  de  tous  ces  actes  diplo- 
matiques, prouve  que  ^sapoléon  et 
son  ministre  de  confiance  ne  se 
jetaient  pas  aussi  aveuglement  dans 
la  guerre,  qu'on  le  leur  a  reproché. 
Cependant,  tous  deux  partirent  pour 
Dresde,  et  ce  fut  là  qu'arriva  la  réponse 
de  Romanzow,  ultimatum  qui  con- 
firmait les  dures  conditions  impo- 
sées à  Paris ,  par  Kourakin.  Bas- 
sano ,  sans  se  décourager ,  adressa 
de  Dresde  ,  le  20  mai ,  au  comte 
de  Lauriston  ,  alors  ambassadeur  de 
France  à  Saint-Pétersbourg,  de  nou- 
velles instructions ,  tendant  à    offrir 


i^4^  MAB 

de    nouveaux    moyens    de    concilia* 
tion.  Tout  fut  inutile  :  Alexandre  et 
son  ministre  refusèreiit  de  voir  l'am- 
bassadeur  français.    Alors  ISapoléon 
passa   le     INiémcn    et    les    hostilités 
commencèrent.  Maret  le  rejoignit   à 
Vilna,  on  il  résida,  pendant  toute  la 
campagne,  avec  le  corps  diplomatique. 
Dans  cette  ville,  il  réunit  aux  attribu- 
tions de  son  ministère  la  direction  du 
gouvernement  du  grand-duché  de  Li- 
thuanie.  Après  la  retraite  de  Moscou, 
et  le  départ  de  ISapoléon,   il  resta  à 
Vilna  jusqu'à   l'arrivée  du  roi  de  Na- 
ples,  Murât,  et  de  Berthier,  pour  leur 
faire  connaître  les  ressources  réunies 
par  ses  soins,  et  qui  auraient  pu  relever 
le  physique  et  le  moral  de  l'armée  ; 
mais  la  fatale  précipitation  de  Murât 
perdit  tout,   et  de  Vilna  à  Kovno  le 
désastre    fut    consommé.    Quelques 
fautes  qu'ait  commises  Napoléon  dans 
cette  campagne  de  Russie,  on  peut 
dire  qu'il  les  eût  évitées  en  partie,  s'il 
eût  accueiUi   les  mémoires   que    lui 
présenta  son  ministre  pour  l'engager 
à  relever  la  Pologne,  à  l'armer  tout 
entière,  et  surtout  à  exécuter  en  deux 
campagnes  ce  qu'il  voulut  follement 
accomplir   en  une  seule.  L'exécution 
de   ce  plan  aurait  offert  des  chances 
pour  la  paix ,  ou  des  moyens  pour 
une  seconde  campagne.  Ce  fut  à  Smo- 
lensk  que  Kapoléon,  au  lieu  de  s'ar- 
rêter, mit  en  délibération  s'il  se  diri- 
i.erait  sur  Saint-Pétersbourg  ou  sur 
Moscou.  Maret,   qui   était  demeuré 
à  Vilna ,   fut  aussi   étranger  à  cette 
délibération   qu'aux  négociations  in- 
tempestives   que  l'empereur  entama 
pendant   son   séjour  à   Moscou.  Ce- 
pendant après  la    retraite,   tout  ten- 
dait à  la  désertion  parmi  les  allié»  dç 
la  France.  Bassano,  de  retour  à  Pari», 
déploya  vainement  toutes  les  ressour- 
ces de  la  diplomatie  pour  arrêter  ce 
mouvement.  En  revenant  de  Vilna,  il 


MAR 

avait   reçu  à   Berlin,  de  la   bouche 
même  du  roi  de  Prusse,  l'assurance 
de  sa  fidélité   à  l'alliance  française; 
mais  quelques  jours  après,  sollicité 
par  l'Autriche,  pressé,  menacé  même 
par  la  Russie,  Frédéric-  Guillaume  si- 
gnait avec   elle  un  traité  d'alliance 
offensive  et  défensive.  Bassano  com- 
muniqua, le  1"  avril,  au  sénat  les  rap- 
ports et  les  pièces  relatifs  à  cette  dé- 
fection ,  que  l'Auuiche  devait  imiter 
cinq   mois  plus  tard.  Il  résulta  des 
négociations  suivies  à  Paris  pendant 
quatre  mois,  entre  le  duc  de  Bassano 
et   le   prince    de   Schwartzemberg  , 
que    cette    puissance ,    après    avoir 
offert  pour  la  paix  d'abord  ses  bons 
offices ,     ensuite    son    intervention  , 
puis  sa    médiation  armée,    finit  par 
arriver  à  une  rupture.  Dans  un  de 
ses    entretiens   avec    le  ministre  au- 
trichien,   Maret  invoquait  vivement 
le  lien  de  famille  qui  unissait  Napo- 
léon à  François  II  :  "La  politique  a 
..  fait  le  mariage,    répondit  froide- 
«  ment  Schwartzemberg,  la  politique 
»  peut  le  rompre.  «  Bassano,  pour  ne 
pas  précipiter  la  rupture,  s'abstint  de 
faire  connaître  cette  réponse  à  Napo- 
léon, qui  remportait  alors  la  victoire 
de     Lutzcn  ;    mais     immédiatement 
après  ce   triomphe  il  s'empressa  de 
lui  écrire  :  •<  La  nouvelle  du  brillant 
..  succès  qui  a  appris  à  l'Europe  l'ar- 
«  rivée  de  V.  M.  à  la  tête  des  armées, 
«  a   produit   ici  la  sensation  la  plus 
u  vive.  Les  membres   du  corps    di- 
«  ploraatique  ,    que  je   viens    d'en- 
»  uetenir  les  uns  après   les  autres, 
«  m'ont  paru  plus  étonnés  de  la  ma- 
..  nière  dont  l'esprit  public  s'est  ma- 
..  nifesté    que    de    la    victoire    cUc- 
..  même...  Si,  lors  des  campagnes  qui 
«  ont  précédé  la  dernière,  on  ne  cher- 
«  chait  dan»  un  succès  que  le  pre- 
..  sage  et  la   garantie  dune   gloire 
..  nouvelle,  aujourd'hui  que   la   con^ 


MAB 

•  fiance  est  ébranlée,  que  des  qucs- 
«  tion*  si  graves  doivent  être  ré«o- 

-  lues  sur  le  champ  de  bataille,  on 
«  ne  peut  y  voir  <fuun  gage  donné 
m  par  la  fortune  pour  le   repos  et  la 

•  paix....  Vous  avez  vaincu  :  la  vic- 
■■  toire  vient  d'efFacer  l'impression  de 
«  ces  désastres  qui  n  avaient  rien  ôté 
■i  à  votre  gloire.  La  modération  qui 

est  dans  vos  résolutions,  mais  qui 

-  aurait  pu  pju-aître  sans  dignité  dans 
«  les  revers,  ne  lui  portera  désormais 
«  aucune  atteinte.  Et  cette  paix^  le 
«  seul  vœu,    le  besoin  pressant  de    la 

•  France^  quelques  sacrifices  que  vous 
a  lui  fassiez  aujourd'hui,  sera  toujours 
«  une  paix  glorieuse.  »  Cette  lettre  du 
duc  de  Bassano  est  d'autant  plus  au- 
thentique que ,  prise  dans  les  four- 
gons abandonnés  lors  de  la  retraite 
de  Leipzig,  elle  fut  rendue  pubUque 
par  les  ennemis  intéressés  à  prou- 
ver que  l'empereur  s'était  toujours 
obstiné  à  la  guerre,  malgré  les  con- 
seils de  ses  ministres.  Et,  ici  encore, 
ils  n'ont  pas  rendu  justice  à  Kapoléou 
qui,  après  Lutzen,  éclairé  par  les  con- 
seils de  son  fidèle  ministre ,  ne  se 
montra  pas  éloigné  de  la  paix.  Il 
proposa  de  régler  par  une  conven- 
tion le  sort  de  1  alliance  et  l'accepta- 
tion de  la  médiation  de  l'Auaiche,  et 
de  former  un  congrès  pour  négocier 
la  paix  générale.  Tandis  que  le  comte 
de  Bubna  allait  porter  ces  ouvertures 
à  Vienne  et  y  demander  des  pouvoirs 
pour  traiter,  le  duc  de  Vicence  (Cau- 
laincourt)  se  rendait  auprès  d'Alexan- 
dre, qui  refusa  encore  de  le  voir.  Les 
victoires  de  Bautzen  et  de  Wiirtchen, 
(20  et  21  mai)  signalèrent  les  armes  de 
>apoléon  ;  al  :)rs  les  alliés,  par  l'entre- 
mise du  minutre  autiichien  Stadion, 
demandèrent  un  armistice  de  six  se- 
maines :  c'était  le  temps  qu'il  fallait  à 
l'Autriche  pour  compléter  son  arme- 
ment. iSapdéon  donna  dans  le  piège  : 


MAIi 


119 


l'armistice  de  Newmark  fut  déclaré 
le  4  juin.  Le  duc  de  Bassano,  qui  par- 
tageait la  confiance  de  son  maître, 
pressa  l'ouverture  d'un  congrès,  il 
négocia  à  cet  effet  avec  le  comte  de 
Bubna  qui  était  revenu  sans  pouvoir», 
puis  avec  le  comte  de  Mettemich  qui 
s'était  enfin  rendu  à  Dresde  le  26  juin. 
Dès  les  premiers  jours  de  l'arrivée  de 
ce  ministre,  le  duc  de  Bassano,  par  les 
moyens  d'informations  propres  à  son 
département,  connut  les  engagements 
que  la  Russie  et  la  Prusse  venaient  de 
contiacter  à  Reichenbach  avec  l'An- 
gletene,  en  présence  du  plénipoten- 
tiaire autrichien,  de  poursuivre  la 
guerre  actuelle  avec  la  plus  grande 
énergie.  En  raison  de  cette  découverte, 
Napoléon  chaigea  le  duc  de  Bassano 
d  écrire  au  prince  de  Metternich  qu'il 
ne  se  prévalait  plus  de  l'aUiance  de 
l'Autriche;  mais,  par  le  désir  de  ne 
pas  détruire  toute  espérance  de  con- 
cihalion,  il  déclarait  en  même  temps 
qu'il  acceptait  la  médiation  de  son 
beau-père.  Une  convention  statua  sur 
cette  acceptation ,  et  sur  l'ouverture 
du  congrès  que  la  France  sollicitait 
depuis  plus  de  six  semaines.  Les  dé- 
lais calculés  du  cabinet  autrichien 
avaient  fait  perdre  un  temps  pié- 
cieux,  et  rendu  nécessaire  la  prolon- 
gation de  l'armistice.  Le  ministre  mé- 
diateur ne  se  pressait  pas  de  lobtenir, 
et,  dans  l'intervalle  arriva  la  fatale 
nouvelle  de  la  défaite  des  Français  à 
Vittoria  qui  mit  fin  aux  hésitations  as- 
tucieuses de  l'Autriche,  et  cimenta  les 
liens  de  la  coaUtion  formée  contre  Ka- 
poléon.  En  effet,  le  9  juillet,  une  con- 
férence secrète  réunissait,  à  Trachem- 
berg.  les  plénipotentiaires  anglais,  rus- 
se, prussien  et  celui  de  l'Autriche.  Ce 
fiit  sous  ces  auspices  que  s'ouvrit  le 
congiès  de  Prague.  Fidèle  à  son  sys- 
tème de  duplicité ,  le  cabinet  de 
Vienne  prolongea  les  discussions  de 


iar> 


MAR 


forme  jusqu'au  10  août;  et,  avant 
même  que  les  pleins  pouvoirs  eus- 
sent été  échangés,  les  plénipoten- 
tiaires ennemis  déclarèrent  que  les 
leurs  étaient  expirés.  Ainsi  s'évanouit 
le  prétendu  caractère  de  médiateur 
annoncé  par  rAutriclie,  et  le  congrès 
de  Prague  fut  terminé  avant  d'être 
commencé  (1).  Napoléon  qui,  durant 
cet  intervalle,  s'était  rendu  à  Mayence, 
pour  se  mettre  en  état  de  continuer 
la  guerre,  consentit,  lors  de  son  re- 
tour à  Dresde ,  à  la  seule  démarche 
qui  piit  offrir  encore  une  chance  pour 
la  paix  ;  et,  à  défaut  de  plénipoten- 
tiaires, le  duc  de  Bassano  décida  le 
comte  de  Bubna  à  porter  à  l'empe- 
reur d'Autriche  les  propositions  de 
son  gendre.  Au  moment  où  Bubna 
arrivait  à  Prague,  les  allies  entraient 
en  Bohême,  pour  se  trouver  avec  les 
Autrichiens  au  rendez- vous  donné , 
aux  conférences  de  Trachemberg , 
dans  lecam.p  de  t ennemi  commun.  On 
voit,  d'après  ces  détails,  que  Bassano 
avait  tenté,  soit  auprès  de  Napoléon, 
soit  auprès  des  alliés,  tout  ce  qui  était 
possible  pour  arriver  à  la  paix;  et 
cependant  l'opinion  publique  l'accu- 
sait d'être  l'instigateur  de  la  guerre.  On 
assurait  qu'à  Dresde,  au  moment  où 
l'empereur  allait  signer  un  traité  de 
paix,  il  lui  avait  dit,  dans  l'intention 
de  l'en  détourner  :  «  Pour  cette  fois, 
«  on  ne  dira  pas  que  vous  en  ayez 
«  dicté  les  conditions.  »  On  ajoutait 
qu'à  ces  mots,  reuq)ereur  avait  brisé 
sa  plume  au  lieu  de  signer,  l^s 
hommes  qui  fondaient  alors  leurs 
espérances  sur  la  chute  de  Napoléon, 
entre  autres  Fouché  et  Talleyrand , 
s'acharnaient  à  décrier  le  duc  de  Bas- 
sano, à  envenimer,  dans  le  public,  ses 
paroles  et  ses  actions,  et  à  le  i-epié- 
senter  comme  le  plus  vil   flatteur  de 

(t)  JAoatyérin ,  Histoire  oitique  et  rai- 
sonnée,  etc.»  t,  VI,  p.  278i 


MAB 

Napoîëoo,  comme  celui  qui  Tentre- 
tenait  dans  sa  passion  pour  la  guerre. 
Après  le  désastre  de  1  .eipzig ,  il  re- 
vint avec  lui  à  «Paris,  et  fut  auto- 
risé à  reprendre  deux  négociations 
importantes  :  l'une  pour  le  retour  du 
pape  à  Rome ,  l'autre  pour  le  réta- 
blissement de  Ferdinand  VII  sur  le 
trône  d'Espagne.  Le  succès  de  la  pre- 
mière importait  à  la  paix  publique; 
la  prompte  réussite  de  la  seconde 
aurait  mis  à  la  disposition  de  Napo- 
léon cent  mille  hommes  de  troupes 
qui  occupaient  la  Péninsule  ;  mais  leS 
intrigues  de  Talleyrand  et  de  plusieurs 
hommes  influents  qui  déjà  s'étaient 
mis  en  rapport  avec  l'étranger,  et 
qui  préparaient  la  chute  de  l'empire 
paralysèrent  les  efforts  .de  Bassano. 
Cependant  il  n'était  pas  sans  avoir 
démêlé  quelques  fils  de  ce  réseau  d'in- 
trigues, qui  contrariait  l'action  de  son 
ministère  :  on  avait  tout  à  craindre 
de  sa  surveillance,  il  fut  donc  résolu 
dé  l'écarter.  L'opinion  se  prononçait 
plus  que  jamais  pour  la  paix;  on  en 
profita  pour  faire  pressentir  à  Na- 
poléon le  danger  de  laisser  à  la  tête 
des  relations  extérieures  un  ministre 
qui,  à  tort  ou  à  raison,  passait  pour 
^tre  un  obstacle  à  toute  réconcilia- 
tion avec  l'Europe.  Dans  les  difficul- 
tés où  se  trouvait  Napoléon  ,  il  crut 
devoir  apaiser  cet  orage  de  cour,  en 
ôlant  au  duc  de  Bassano  le  porte- 
feuille des  relations  extérieures  ;  et , 
en  cela,  son  affectioti  était  d'accord 
avec  sa  politi(juo;  il  voulait  le  sous- 
traire aux  dangers  auxquels  j>ou- 
vait  l'exposer  l'animadversiou  p>i- 
blique.  Pour  que  cette  détermination 
ne  parut  pas  une  disgrâce,  il  le  re- 
tint auprès  de  lui  comme  ministre 
hcrrétaire-d'État ,  en  lui  manifestant 
toujours  la  même  confiance.  Il  ne 
laissait  d'ailleurs  échapper  aucune 
occasion    d'opposer  hautement  son 


MAR 

f^moigtiag€  aux  fausses  imputations 
dont  le  ministre  était  l'objet.  Une  fois 
entre  autres  (14  janvier  1814),  dans 
un  grand  conseil  d'administration,  où 
se  trouvaient  réunis  tous  les  hauts 
dignitaires  de  l'État  et  tous  les  mi- 
nistres, Napoléon  interpella  Talley- 
rand,  et  justifia  le  duc  de  Bassano 
par  des  faits  que  personne  ne  pouvait 
mieux  connaître  que  l'empereur  lui- 
même,  puisque  la  plupart  s'étaient 
passés  dans  le  secret  de  ses  entretiens 
avec  son  ministre.  Bientôt  après,  à 
l'ouverture  du  congres  de  Châtillon, 
Maret  fut  charge  de  diriger  les  né- 
gociations, en  correspondant  de  Paris 
avec  les  ministres  plénipotentiaires-; 
mais,  quelque  zèle  que  mît  ce  dernier 
à  remplir  sa  mission,  l'influence  des 
Anglais  l'emporta  ,  et  le  congrès  n'a- 
mena aucun  résultat.  On  l'a  encore 
accusé  d'avoir  paralysé  le  congrès 
de  Châtillon  ;  mais  les  pièces  offi- 
cielles sont  là  pour  donner  un  dé- 
menti à  cette  assertion.  La  bataille  de 
Brienne  avait  été  perdue,  le  2  février 
1814.  Le  3,  le  duc  de  Bassano.  se- 
condé par  le  général  Bertrand,  passa 
la  nuit  dans  le  cabinet  de  l'empereur, 
afin  de  le  déterminer  à  céder  à  la 
fortune,  et  à  s'en  remettre  au  duc  de 
Vicence,  son  plénipotentiaire,  pour 
les  conditions  de  la  paix.  On  croyait, 
d'après  des  avis  récents,  que  ce«  con- 
ditions avaient  été  arrêtées  à  Chau- 
mont ,  et  que ,  dans  l'opinion  que 
l'empereur  n'accepterait  aucune  pro- 
position ,  elles  étaient  combinées  de 
manière  à  faire  valoir  aux  yeux  de 
l'Europe  la  modération  des  alliés  Le 
lendemain  4,  Maret  insista  et  écrivit 
la  lettre  suivante  :  «  Monsieur  le  duc 
«  de  Vicence,  vous  me  demandez 
-  toujours  des  pouvoirs  et  des  ins- 
«  tructions,  lorsqu'il  est  encore  dou- 
"  leux  si  l'ennemi  veut  négocier.  Les 
••  conditions  sont,   à  ce  qu'il  paraît. 


MAH 


m 


•  arrêtées  d'avance  entre  les  alliés. 
"  Aussitôt  qu'ils  vous  les  auront  com- 
«  muniquées,  vous  êtes  le  maître 
«  de  les  accepter  ou  d'en  référer  à 
"  moi,  dans   les  vingt-quatre  heures. 

•  Signé  Napoléon,  r,  Cette  lettre  ftit 
expédiée  dans  la  nuit  du  4  au  5  fé- 
vrier. Bassano,  craignant  que  le  pléni- 
potentiaire ne  trouvât  une  restriction 
dans  cette  alternative,  ^accepter  les 
conditions  de  la  paix  ou  d'en  référery 
prépara  sur-le-champ  le  projet  d'une 
seconde  lettre  ,  tellement  explicite , 
qu'elle  laissait  pleine  liberté  au  négo- 
ciateur. Dans  cette  seconde  dépêche, 
datée  du  5  février,  qui  parvint  à  Cau- 
laincourt  le  lendemain,  presque  au 
moment  de  l'ouverture  des  confé- 
rences, Maret  s'exprimait  ainsi  .'< ...  Au 
«  moment  où  S.  M.  va  quitter  Troyes, 

«  elle  me  charge de  vous  faire 

«  connaître,  en  propres  termes,  que 
«  l'empereur  vous  donne  carte  hlan- 
"  che  pour  conduire  les  négociations  à 
"  une  heureuse  issue,  sauver  la  capi- 
«  taie,  et  enter  une  bataille,  où  sont 
«  les  dernières  espérances  de  la  na- 
«  tion,  etc.  (1),  »  Dès  que  le  sort  des 
armes  eut  prononcé.  Napoléon  abdi- 
qua. Bassano  ne  le  quitta  pas  un  ins 
tant,  jusqu'au  départ  pour  l'île  d'Elbe, 
et  ne  cessa  de  rendre  à  l'idole  tom- 
bée le  même  cuke  qu'il  lui  avait 
porté  aux  jours  de  sa  grandeur.  Seul 
de  tous  les  ministres,  il  reçut  à  Fon- 
tainebleau ces  adieux,  dont  la  gra- 
vure et  la  sculpture  ont  consacré  le 
souvenir;  puis  il  rentra  dans  la  vie 
privée.  Le  20  mars,  il  revit  Napoléon 
aux  Tuileries,  mais  ce  ne  fut  pas  sans 

(1)  Le  duc  de  Bassano  s'est  toujours  ins- 
crit en  faux  contre  une  dépèche  dans  un  tont 
autre  sens ,  adressée  le  19  mars  au  duc  de 
Vicence,  dans  laquelle  il  lui  prescrivait,  au 
nom  de  l'empereur,  A^ attendre  jusqu'au  der- 
nier moment  sans  rien  concbtre.  Cette  let- 
tre a  été  lue  le  29  du  même  mois ,  par  lord 
CasUercagh,  en  plein  parlement. 


i22 


MAR 


peine  qu'il  consentit  à  reprendre  le 
portefeuille  de  la  secrétairerie-d'État. 
Il  avait  sur  la  direction  des  affaires 
une  opinion  arrêtée,  que  ne  parta- 
geait aucun  des  autres  conseillers. 
Napoléon  eut  plusieurs  fois  à  refuser 
la  démission  que  Bassano  offrait  lors- 
qu'une mesure  de  rigueur  était  déci- 
dée. Ce  ministre  s'opposa  à  l'acte  ad- 
ditionnel aux  constitutions  de  l'em- 
pire et  aux  confiscations  rétablies  par 
cet  acte.  Le  surlendemain  de  son  re- 
tour, l'empereur  rendit,  sous  forme 
d'amnistie,  un  décret  de  proscription, 
Bassano  refusa  de  le  contre-signer. 
Napoléon  résistant  aux  conseils,  aux 
supplications  même,  ne  changea  point 
de  résolution,  mais  changea  la  date 
de  son  décret.  Il  le  supposa  rendu  à 
Lyon,  et  traitant  son  ministre  comme 
un  officier  public,  requis  de  certifier 
sa  signature,  il  lui  en  donna  l'ordre, 
sous  peine  de  désobéissance.  Le  mi- 
nistre obéit,  mais  fit  remarquer  à 
l'empereur  que  cet  acte,  le  seul  pu- 
blié sous  cette  forme,  pendant  un 
règne  de  quinze  années,  attesterait  le 
refus  du  ministre  secrétaire-d'État  d'a- 
gir comme  ministre.  En  effet,  tous  les 
décrets  impériaux  se  terminaient  par 
cette  formule.  Signé  Napoléos...  Par 
f empereur...  Le  ministre  secrétairc- 
d'État...Le  décret  de  Lyon  se  termine 
ainsi  :  Napolkos,  par  l'empereur,  pour 
expédition  conforme,  le  22  m^ars  1815, 
le  ministre  secrétaire-d'Etat,  Signé  le 
DUC  PE  Bas,s\no.  Il  faut  remarquer 
aussi  que ,  parmi  ceux  dont  Maret 
combattait  ainsi  la  proscription,  se 
trouvaient  son  ennemi  personnel  Tal- 
leyrand  qui  devait  le  proscrire  plus 
tard.  Cependant  les  conseils  qui  dic- 
taient à  Napoléon  des  mesures  de  ri- 
gueur continuaient  à  prévaloir.  Le  10 
avril,  Bassano  donna  par  écrit  sa  dé- 
mission. Napoléon  la  refusa  ,  et  son 
ministre    persistait,    quand    le   duc 


W^  1 

d'Angouléme ,    qui  avait  essayé  d'o- 
pérer un  mouvement  royaliste  dans 
le  midi,  demanda  et  obtint  une  capi- 
tulation. Le  duc  de  Bassano  en  con- 
seilla  vivement  l'exécution  ;  ainsi  le 
voulaient  la  loyauté  et  le   droit  des 
gens;  mais   les  autres  conseillers  de 
l'empereur,    entre    autres  Davoust  , 
ministre  de  la  guerre,  s'y  opposaient  ; 
ils  voulaient  que    le   prince    fût  au 
moins  gardé  comme  otage.  Napoléon 
hésitait  :  Bassano,   introduit   dans  le 
cabinet  de  l'empereur,  réussit  enfin  à 
l'entraîner  par   ses  instances.   Napo- 
léon    exigeait    seulement    qu'on    fit 
restituer,  par    un    acte    additionnel, 
les  diamants   de  la   couronne.    «  Ce 
i<  que  je  propose  à  Votre  Majesté  vaut 
«  tous  les    diamants   du    monde  » , 
répondit    Bassano.  Cependant,    l'ad- 
dition fut   adoptée.  Aussitôt    le  mi- 
nistre, sans  sortir  des  Tuileries,  expé- 
dia par  un  des  courriers  du  cabinet 
l'ordre  qu'il  venait  d'obtenir;  il  le  ré- 
digea de  manière  que,  dans  tous  les 
cas  et  quelque  chose  qui  pût  arriver 
relativement  aux  diamants,  la  capitu- 
lation dût  êu-e  immédiatement  exécu- 
tée. Cette  dépêche,  adressée  au  maré- 
chal Suchct,    aurait   dû  être   signée 
par    le  ministre  de  la  guerre ,  selon 
l'usage  et  parce.qu'elle  était  dans  ses 
attributions;  mais  Bassano  ne  voidait 
partager  avec  personne  la  gloire  d'a- 
voir sauvé  la  vie  au    duc    d'Angou- 
léme. Il  redoutait  d'ailleurs  l'interven- 
tion de  Davoust,  dont  il  connaissait 
les  dispositions  ;  aussi  se  hâta-t-il  de 
prendre  sur  lui  la  responsabilité,  en 
donnant  l'ordre  en  son  propre  nom. 
Cependant     de    nouvelles    dépêches 
parvenaient  an    télégraphe   et  arrê- 
taient la  transmission  de  celle  du  duc 
de  Bassano.  Par  l'une,  le  général  Grou- 
chy  annonçait  qu'il  ne  ratifierait  pas 
la    capitulation,  avant  de   connalUe 
l'intention    de   l'empereur,    et  qu'il 


MAR 

allait  se  rendre  au  Pont-Saint-Ésprit 
pour  suivre  ce  prince,  et  se  trouver 
à  même  de  le  faire  arrêter,  dans  le 
cas  où  l'empereur  lui  en  donnerait 
l'ordre.  Par  l'autre ,  le  duc  d'Albu- 
fera  annonçait  que  Grouchy  venait 
de  lui  écrire  de  la  Palud,  qu'il  avait 
fait  arrêter  le  duc  d'Angoulême  et 
qu'il  n'avait  point  voulu  ratifier  la 
capitulation  signée  par  le  général  Gil- 
ly,  sans  connaître  les  intentions  de 
l'empereur.  Le  directeur  du  télégra- 
phe, Chappe,  indécis  entre  ce  conflit 
de  dépêches,  en  refera  au  duc  de 
Bassano ,  en  lui  envoyant  les  nou- 
velles dépêches.  Au  lieu  de  les  por- 
ter aussitôt  à  l'empereur,  Maret  prit 
sur  lui,  par  un  acte  des  plus  hajdis, 
d'envoyer  au  télégi-aphe  un  des  chefs 
de  division  de  la  secrétairerie-d'État 
qu'il  chargea  de  transmettre ,  sur-le- 
champ  et  en  sa  présence,  l'ordonnan- 
ce pour  l'exécution  de  la  capitulation. 
Quant  aux  nouvelles  dépêches,  il  les 
retint  et  ne  les  remit  à  l'empereur  qu'à 
s(îpt  heures  du  soir,  au  moment  où  la 
nuit  rendait  impossible  toute  trans- 
mission de  nouveaux  ordres.Bonapartc 
approuva  son  ministre ,  qui  lui  dit 
alors  avec  expansion  :  »  Je  vois  que  je 
"  puis  encore  être  utile.  Je  retire  ma 
«  démission.  •  Il  suivit  Napoléon  à 
VVaterioo.  Après  ce  grand  désastre,  la 
voiture  du  duc  de  Bassano  se  trouva 
embarrassée  par  les  équipages  de  l'ar- 
mée, et  il  fut  sur  le  point  d'êtie  fait 
prisonnier  par  les  Prussiens.  Bona- 
parte ayant  abdiqué  pour  la  seconde 
fois ,  Maret  ne  prit  plus  aucune  part 
aux  affaires,  mais  il  ne  quitta  l'ex- 
empereur,  ni  à  l'Elysée,  ni  à  la  Mal- 
maison; et,  ne  pouvant  le  suivre  à 
Sainte-Hélène,  il  lui  donna  jusqu'au 
départ  de  Rambouillet  des  témoigna- 
ges de  son  maltérable  dévouement. 
Atteint  par  l'ordonnance  du  24  juillet 
1815,  il  resta  d'abord   à  Paris,  sou? 


MAR 


123 


la  surveillance  de  la  police,  jusqu  à 
la  décision  des  Chambres.  Vint  en- 
suite la  loi  du  17  janvier  1816,  qui 
ordonnait  aux  proscrits  de  quitter  le 
royaume  avant  le  25  février.  Le  duc 
de  Bassano  se  réfugia  près  de  Genève, 
dans  une  maison  de  campagne,  où  il 
fut  fait  prisonnier  et  li\Té  à  l'Autri- 
che, après  avoir  reçu  plusieurs  coups 
de  baïonnette  dans  l'attaque  nocturne 
de  son  domicile.  Conduit  dans  les 
Etats  autrichiens,  il  vit  cesser  de  si 
étranges  procédés  ;  obtint  des  passe- 
ports pour  se  rendre  à  Lintz,  puis  se 
retira  à  Gratz,  Il  y  mena  une  vie 
fort  tranquille ,  objet  des  égai-ds  pai- 
ticuliers  des  autorités  du  pays,  car 
on  n'avait  pas  oublié  en  Autriche  sa 
conduite  modérée  pendant  les  deux 
invasions  françaises,  il  partageait  ses 
loisirs  enti"e  l'éducation  de  ses  en- 
fants et  la  rédaction  de  mémoires 
ti-ès-détaillés  sur  les  actes  et  les  tia- 
vaux  de  sa  vie  publique.  Maret  avait 
toujours  aimé  et  cultivé  les  lettres, 
et  Ton  disait  même,  au  temps  de 
l'empire,  que  M,  Etienne,  dont  il  fut 
le  Mécène,  lui  avait  du  d'heureuses 
inspirations  et  d'utiles  conseils  litté- 
raires. Api-ès  quatre  ans  d'absence, 
Bassano  rentra  en  France  (1820),  en 
vertu  de  l'ordonnance  du  1"  décem- 
bre 1819,  qui  rappelait,  par  mesme 
générale,  ceux  des  trente-huit  exilés 
qui  n'avaient  pas  obtenu  des  excep»- 
tions.  Dès  Tannée  précédente,  le  gou- 
vernement français  lui  avait  permis 
de  se  fixer  à  Genève;  et  les  feuilles 
publiques  avaient  annoncé  son  pro- 
chain rappel.  Fidèle  à  cette  circons- 
pection qui  était  dans  son  caractère, 
Maret  continua  de  vivre  dans  la 
retraite,  votant  avec  l'opposition  dans 
les  collèges  électoraux ,  du  reste  évi- 
tant toute  occasion  d'occuper  de  lui  le 
public.  Cependant,  eu  1823,  les  jour- 
naux retentirent  d'un  procès  qui  lui 


124 


MAR 


fut  intenté  par  le  duc  d'Orléans 
(Louis-Philippe),  il  s'agissait  de  sa- 
voir si  le  cas  de  retour  aux  anciens 
propriétaires ,  prévu  par  la  loi  de 
181i,  était  applicable  à  40  actions 
des  canaux  d'Orléans  et  Loing,  que 
Bonaparte  pendant  les  Cent -Jours 
avait  remises  au  duc  de  Bassano,  et  que 
le  duc  d'Orléans  revendiquait  comme 
sa  propriété.  Maret  alléguait  que  Na- 
poléon, désirant  doter  un  fils  naturel, 
l'avait  chargé  d'acheter  20,000  francs 
de  rentes  sous  le  nom  de  cet  en- 
fant .  Cependant  l'empereur  avait  né- 
gligé de  lui  compter  les  fonds  néces- 
saires; mais,  au  moment  de  la  seconde 
abdication,  voulant  réparer  cet  ou- 
bli, il  avait  remis  à  Bassano  ces  40 
actions  pour  le  couvrir  de  ces  avan- 
ces. Cette  cause  plaidée  avec  solen- 
nité par  M.  Mauguin  pour  le  duc  de 
Bassano,  et  par  M.  Dupin  pour  son 
adversaire  ,  mettait  en  quelque  sorte 
aux  prises  l'empire  et  la  restauration  : 
en  effet  aux  lois  et  sénatus-consultes 
de  l'empire,  on  opposait  les  lois  et 
ordonnances  rendues  par  Louis  XVIIL 
L'ancien  confident  de  Napoléon  per- 
dit son  procès,  et  il  dut  restituer  à 
la  maison  d'Orléans  les  actions  dont 
il  s'était  reconnu  détenteur.  En  1827, 
un  autre  incident  le  mit  encore  dans 
l'obligation  de  recourir  à  la  pviblicité. 
L'ambassadeur  d'Autriche  prétendit 
ôter  à  plusieurs  des  généraux  et  des 
hommes  de  l'empire  les  noms  em- 
pruntés à  des  pays  étrangers,  que 
Napoléon  leui-  avait  conférés  pour 
leurs  services  militaires  ou  diplomati- 
f[ues.  Les  journaux  ministériels,  en 
applaudissant  à  cette  prétention  de 
l'Autriche,  alléguaient  que  le  duc  de 
Bassano  avait  été  des  premiers  à  re- 
noncer à  son  titre  dans  ses  relations 
avec  le  gouvernement  autrichien. 
Dans  une  lettre  adressée  à  ces  mêmes 
journaux,  l'cx^ministrc  combattit  cette 


MAR 

assertion  par  des  faits  et  déclara  qu'en 
aucune  correspondance,  ni  dans 
aucun  acte,  soit  public,  soit  privé,  il 
n'avait  séparé  son  nom  de  son  titre 
de  duc  de  Bassano.  Cette  déclaration 
fit  avorter  une  petite  intrigue  de  la 
diplomatie.  Après  la  révolution  de 
juillet  1830,  le  duc  de  Bassano  fut 
accusé  d'avoir  provoqué  le  coup 
d'État  du  ministère  Polignac  dans 
un  mémoire  adressé  à  Charles  X.  On 
alla  même  jusqu'à  défier  l'ancien  mi- 
nistre de  Napoléon  de  publier  ce  mé- 
moire. Bassano  s'empressa  de  le  faire 
imprimer  avec  une  lettre  adressée 
aux  journaux  et  datée  du  19  novem- 
bre 1830,  dans  laquelle,  après  avoir 
protesté  que  jamais  il  n'avait  con- 
seillé le  coup  d'État  en  question , 
il  donnait  les  explications  suivan- 
tes :  «  Consulté,  il  y  a  quelques  an- 
«  nées,  sur  les  affaires  publiques  par 
M  un  honnête  homme  alors  en  cvé- 
«  dit  à  la  cour  (  le  comte  Charles  de 
«  Damas ,  son  compatriote  ),  je  fis  un 
u  mémoire  qui  fut,  sans  ma  participa- 
«  tion,  mis  sous  les  yeux  du  roi.  Puis- 
"  qu'on  le  veut,  cet  acte  ne  sera  pas 
»  caché  à  la  France,  à  qui  cependant 

«  il  importe  peu Je  le  livre  à  l'ins- 

u  tant  même  à  l'impression.  On  y 
«  verra  ma  pensée  sur  les  coups  d'E- 
«  tat.  Produit  d'une  composition  hâ- 
«  tée,  je  le  donne  avec  ses  incorrec- 
•  tions  ".  Ici  le  duc  de  Bassano  ci- 
tait divers  personnages  entre  autres 
Alexandre  de  Laborde,  Arnault,  etc., 
qui  avaient  vu  son  mémoire  au  mo- 
ment où  il  fut  écrit,  «  et  qui  atteste- 
f  raient  au  besoin  ,  disait-il ,  que  je 
«  n'y  ai  pas  changé  une  parole.  -  Il  ter- 
minait en  assurant  qu'un  des  ministres 
de  l'époque  avait  dit  que  c'était  l'œu- 
vre d'un  jacobin.  «  C'était,  ajoutait 
«  Bassano,  celle  d'un  citoyen  dont 
u  les  principes  ne  se  sont  jamais  dé- 
«  mentis  et  dont  l'empereur   a   dit 


MAR 


MAR 


tS5 


•  dans  ses  mémoires  :  qu'il  représen- 
«  tait  près  de  lui  les  doctrines  de 
"  [Assemblée  constituante  «.La  doc- 
trine que  Fauteur  prêche  dans  cette 
brochure  est  fort  sage;  selon  lui,  si 
un  coup  d'État  est  déjà  un  grand 
mal  quand  il  réussit,  il  peut  être  un 
mal  sans  remède  quand  il  échoue  ;  il 
ne  réussit  que  quand  il  est  néces- 
saire, et  il  n'est  nécessaire  que  quand 
il  est  réclamé  par  une  grande  masse 
d'intérêts.  Lorsque  le  gouvernement  de 
juillet  chercha  à  rallier  autour  de  lui 
les  personnages  marquants  de  l'em- 
pire, Bassano  fut  compris  par  Casimir 
Périer  dans  une  nombreuse  fournée 
de  pairs.  Ce  n'est  pas  qu'il  partageât 
les  idées  de  cet  homme  d'État,  car  il 
lui  dit,  dans  les  derniers  jours  de 
1831  :  »  Croyez-moi,  M.  Périer,  mar- 
«  chez  avec  l'opinion  publique ,  et 
"  pour  cela  commencez  à  faire  la  res- 
«  tauration  de  l'opinion  publique.  » 
La  première  fois  qu'il  prit  la  parole 
dans  la  chambre  haute,  ce  fut  pour 
demander  l'abrogation  de  la  loi  du 
19  jan>ner  1816,  faite  pour  expier  le 
meurtre  de  Louis  XVI,  et  dont  la  com- 
mission avait  unanimement  proposé 
le  maintien.  Dans  les  sessions  de  1831 
il  fut  chargé  de  divers  rapports  ira- 
portants.  En  1833,  il  prit  plusieurs 
fois  la  parole  sur  le  projet  de  loi  d'ex- 
propriation forcée  pour  cause  d'utilité 
publique.  En  1834  il  fit  deux  rapports 
pour  l'abolition  des  majorats.  Dans  le 
procès  du  National,  il  fut  un  des  qua- 
toi-ze  pairs  qui  votèrent  pour  l'acquit- 
tement. Le  10  nov.  1834,  il  accepta 
le  ministère  de  l'intérieur  avec  la  pré- 
sidence du  cabinet  qu'il  était  chargé 
de  former.  On  sait  que  les  principaux 
irticles  de  son  programme  étaient 
l'amnistie  et  ce  qu'il  appelait  la  res- 
tauration de  la  révolution  de  juillet. 
On  sait  encore  que,  contrarié  par  les 
hommes  du  parti  doctrinaire,  il  ne  put 


parvenir  à  former  un  cabinet,  et  qu'au 
bout  de  quelques  jours,  il  quitta  ce 
ministère  qu'on  a  surnommé  impossi' 
ble  et  qui  fut,  chez  le  duc  de  Bassano, 

I  école  d'un  vieillard  ambitieux. Là,  M. 
Guizot  fut  pour  lui  ce  qu'en  1813  avait 
été  Talleyrand.  Concentré  depuis  dans 
ses  foi'ctions  de  la  pairie,  Maret  le« 
remplit  avec  assiduité;  heureux  par 
là  de  se  rattacher  indirectement  aux 
affaires  publiques.  Plus  libéral  dans  sa 
vieillesse  qu'il  ne  s'était  jamais  montré 
dans  l'âge  mûr,  il  repoussa  avec  éner- 
gie la  proposition  faite  par  Barbé  de 
Marbois  (voy.  Marbois,  dans  ce  vol.)  et 
auti-es  de  juger  sur  pièces  les  accusés 
qui  refusaient  de  reconnaître  la  com- 
pétence de  la  Cour  des  Pairs ,  et  de 
disjoindre  les  causes  des  prévenus  de 
Paris  et  de  Lunéville,  de  celle  de  leurs 
co-accusés  de  Lyon.  Le  duc  de  Bassa- 
no  mourut  à  Paris   le  16  mai  1839. 

II  avait  été  nommé  membre  de  la 
Légion-d'Honneur  ,  le  9  vendémiaire 
an  XII  (2  ocL  1803),  grand-officier  le 
14  juin  suivant  et  grand-aigle  le  2  fé- 
vrier 1805.  Il  était  aussi  commandeur 
de  l'ordre  de  la  Couronne-de-Fer.  On 
remarqua  dans  le  temps  qu'il  n'eut 
aucune  part  aux  décorations  créées 
par  les  frères  de  Napoléon.  Inviola- 
blement  dévoué  au  chef  de  la  dynas- 
tie ,  il  ambitionnait  peu ,  dit  M.  de 
Norvins,  les  distinctions  de  ces  cou- 
ronnes de  famille,  qui  chaque  jour 
s'eflForçaient  de  faire  oubh'er  leur  ori- 
gine. Le  duc  de  Bassano  était  entré 
dans  la  seconde  classe  de  l'Institut 
(Académie  française)  le  23  mars  1803, 
en  remplacement  de  Saint -Lambert; 
éliminé  par  l'ordonnance  de  1816,  il 
rentra,  en  1830,  dans  la  classe  des 
sciences  morales  et  politiques.  Il  fut 
même  nommé  président  d'une  section 
et  se  chargea  de  plusieurs  rapports. 
L'éloge  funèbre  du  duc  de  Bassano  a 
été  prononcé  sur   sa  tombe  par  M. 


126 


MAR 


Charles  Dupin.  Personne  n'a  pris  la 
parole,  à  la  Chambre  des  Pairs,  pour 
lui  payer  ce  tribut  de  convenance. 
Maret  avait  épousé  sa  cousine,  M"' 
Lejéas,  fille  du  maire  de  Dijon,  qui  fut, 
par  sa  beauté  et  son  esprit ,  l'une  des 
femmes  les  plus  distinguées  de  la  cour 
impériale;  elle  mourut  quelques  an- 
nées avant  lui ,  laissant  plusieurs  en- 
fants. —  Jean-Philibert  Maret,  frère 
aîné  du  duc  de  Bassano ,  naquit  à 
Dijon  en  1758.  Employé  d'abord  dans 
les  ponts-et-chaussées,  il  fut,  après 
le  18  brumaire,  nommé  préfet  du 
Loiret,  et  mit  beaucoup  d'ordre  dans 
son  administration.  Il  entra,  en  1806, 
au  conseil  d'État,  avec  la  place  de  di- 
recteur-général des  vivres  de  la  guerre. 
Le  4  septembre  1807,  il  présenta  au 
Corps  législatif ,  comme  orateur  du 
gouvernement,  le  livre  IV  du  Code  4e 
commerce,  qu'il  fit  adopter.  Ayant 
perdu  son  emploi  en  1814,  il  se  retira 
à  Dijon,  où  il  mourut  le  21  janvier 
1827.  D— H— n. 

MAREUIL  (Pierre  de),  jésuite, 
n'a  point  d'article  dans  les  diverses 
biographies,  et  mérite  pourtant  de 
n'être  pas  oublié.  Il  est  auteur  des 
ouvrages  suivants  :  I.  Devoirs  des 
personnes  de  qualité,  trad.  de  l'an- 
glais, Paris,  1728  et  1751,  2  vol. 
in-12.  II.  Le  Paradis  tecomfuis,  tra- 
duit de  l'anglais  de  Milton ,  Paris , 
1730,  in-12;  réimprimé  à  la  suite 
de  la  version  de  Dupré  de  Saint- 
Maur,  ibid.,  1755,  3  vol.  in-12.  IIL 
Les  a'uvres  de  Salvien,  prêtre  de  Mar- 
seille, contenant  ses  lettres,  ses  trai- 
tés, sur  l'esprit  d'intérêt  et  sur  la  Pro' 
vidence,  Paris,  1734,  in-12.  Cette  tra- 
duction, qui  parut  sous  le  voile  de 
l'anonyme,  ainsi  que  les  deux  ouvra- 
ges précédents ,  ne  manque  pas  d'exac- 
titude, mais  elle  est  dépourvue  de 
vigueur,  de  nerf  et  de  précision.  Le 
P.  de  Mareuil  a  fait  usage  plus  d'une 


MAB 

fois  des  notes  critiques  d'un  de  ses 
devanciers,  le  P.  Pierre  Corse,  jé- 
suite, qui  avait  donné,  en  1655,  une 
version  complète  des  Œuvres  de 
Salvien,  Paris,  in-4°.  Les  remarques 
du  P.  Corse  semblent  généralement 
bonnes,  et  il  est  étonnant  que  Ba- 
luze,  s'il  les  a  connues,  n'en  ait  pas 
profité  pour  son  édition  de  Salvien. 
En  1833,  l'auteur  de  cet  ai-ticle  et 
J.-F.  Grégoire  ont  publié  les  Œuvres 
du  savant  prêtre  de  Marseille,  tra- 
duites en  français  avec  le  texte  en 
regard,  Lyon,  2  vol.  in-8''.  Ils  n'ont 
pu  employer  les  notes  du  P.  Corse, 
parce  qu'il  leur  avait  été  impossible 
de  se  procurer  sa  traduction.  IV.  06- 
stacle  de  la  pénitence ,  ou  Réfutation 
des  prétextes  qui  font  illusion  au  pé- 
cheur, et  l'empêchent  de  se  convertir, 
trad.  de  l'anglais  du  P.  Pearson  ,  Pa- 
ris, 1736  ,  in-12.  Mareuil  y  a  joint 
la  lettre  de  saint  Eucher  à  Valérien , 
celle  de  saint  Augustin  à  Licentius, 
et  les  Soupirs  d'une  âme  pénitente, 
tirés  des  0;juscu/es  de  Thomas  à  Kem- 
pis.  V.  F^ie  de  la  vénérable  servante 
de  Dieu,  l'illustrissime  et  sérénissime 
princesse  Jeanne  de  Valois,  reine  de 
France,  fondatrice  de  l'Ordre  des  reli- 
gieuses de  l'Annonciade,  Paris,  1741, 
in-12.  C— L— T. 

MARGUERIE  (Jeas-J  acquis  de), 
lieutenant  de  vaisseau,  membre  de  l'A- 
cadémie royale  de  la  marine,  naquit 
à  Mondeville,  près  de  Caen,  le  12  avril 
1 742.  Son  père,  le  chevaher  de  Mar- 
guerie,  l'envoya  de  bonne  heure  clieï 
le  marquis  de  Vassy,  son  onde, 
pour  qu'il  fît  ses  éludes  au  collège  de 
Caen.  Son  aptitude  et  sa  vocation  na- 
turelles ne  tardèrent  pas  à  se  révéler. 
1^8  éléments  d'Euclide,  que  le  ha«ard 
fit  tomber  entre  ses  mains ,  ver»  l'âge 
de  18  ans,  lui  montrèrent  la  vérité, 
qui,  jusque-là,  ne  s'était  offerte  à  lui 
qu'enveloppée  de  nuages  ou  étoulfée 


MAR 

sous  le  jargon  pedantesque  de  l'école. 
Nous  ne  dirons  pas  qu'il  apprit  seul 
les  mathématiques ,  mais  ce  qu'on  est 
en  droit  de  dire,  c'est  que  ses  progrès 
furent  rapides  ,  et,  qu'en  peu  de 
temps ,  il  fut  en  état  de  résoudre  des 
problèmes  très  -  difficiles.  Trois  ou 
quatre  ans  après  qu'il  eut  commencé 
à  se  livrer  à  l'étude  des  mathémati- 
ques, il  vint  à  Paris,  où  l'appelaient 
des  affaires  particuUères.  Il  y  fit  con- 
naissance avec  Fontaine.  Ce  géomè- 
tre, surpris  de  trouver  dans  le  jeune 
élève  un  talent  tout  formé,  conçut  pour 
lui  l'attachement  le  plus  \-if ,  et  alla 
jusqu'à  lui  offrir  de  partager  son  loge- 
ment. Marguerie,  sentant  tous  Jes 
avantages  d'une  offre  si  généreuse, 
l'accepta  avec  reconnaissance,  et  ne 
crut  pouvoir  mieux  s'en  rendre  digne 
qu'en  se  livrant  avec  plus  d'ardeur  à 
1  étude  des  sciences.  Ses  efforts  furent 
promptement  couronnés  de  succès, 
ainsi  que  le  prouvent  plusieurs  mé- 
moires qu'il  lut  à  l'Académie  des  scien- 
ces, et  dont  nous  aurons  occasion  de 
rendre  compte.  La  réputation  qu'il 
s'acquit  par  ses  premiers  travaux  vint 
jusqu'à  l'ambassadeur  de  Russie,  qui, 
sûr  de  plaire  à  sa  souveraine,  chercha 
àjui  attacher  un  sujet  si  distingué; 
mais  ni  l'appât  d'une  fortune  considé- 
rable ,  ni  la  perspective  d'un  avance- 
ment rapide,  ne  purent  séduire  le 
jeune  Marguerie.  Son  désintéresse- 
ment et  son  amour  pour  sa  patrie  le 
rendirent  inaccessible  à  de  telles  pro- 
positions. Peu  après,  le  comte  de  Ro- 
quefeuil,  mort  vice-amiral,  protec- 
teur éclairé  des  sciences  qu'il  culti- 
vait lui-même  avec  succès,  avant 
entendu  faire  l'éloge  de  Marguerie, 
consulta  Fontaine,  qui  lui  répondit  : 
"  qu'il  était  au  moins  aussi  tort  que 
»  lui  sur  l'analyse.  »  Ce  témoignage 
tut  confirmé  plus  tard  par  Lagrange, 
qui ,  dans  une  lettre   adressée,  le  24 


MAR  imt 

février  1774,  à  Marguerie,  s'expri- 
mait ainsi  :  «  Je  vois  avec  ta  plus 
"  grande  satisfaction  que  vous  avez  ' 
«  hérité  du  génie  de  feu  M.  Fon-  > 
"  taine,  et  je  vous  crois  destiné  à  ré-  . 
"  parer  la  perte  que  les  sciences  ont 
«  faite  par  la  moit  prématurée  de  ce 
«  grand  géomètre.  «  M.  de  Roque- 
feuil ,  déterminé  par  ce  que  lui  avait 
dit  Fontaine,  résolut  aussitôt  de  pré- 
senter à  son  rx)rps  un  géomètre  qui 
n'avait  qu'à  se  proposer  les  progrès 
des  sciences  nautiques,  pour  leur 
en  faire  faire  de  très-grands.  Il  en 
parla  au  duc  de  Piaslin ,  alors  mi- 
nistre de  la  marine,  qui,  sur-le- 
champ  ,  accorda  à  Marguerie  une  let- 
tre de  garde  de  la  marine ,  avec  une 
pension  de  600  livres,  en  y  ajoutant 
la  promesse  d'un  prompt  avancement. 
Bientôt  après  (sept.  1768),  il  s'em- 
barqua sur  la  flûte  la  Normande , 
destinée  pour  l'Ile-de-France.  A  peine 
y  fut-il  arrivé,  que  le  chevalier  Des- 
roches, gouverneur  de  cette  colonie 
et  de  celle  de  Bourbon,  ayant  reçu 
ordre  de  renvoyer  en  France  tous  les 
officiers  de  marine,  le  fit  repartir  sur 
le  Sphynx,  commandé  par  le  comte 
d'Hector.  Pendant  la  traversée  ,  il  re- 
cueillit un  grand  nombre  d'observa- 
tions utiles  qu'il  consigna  dans  son 
journal ,  dont  il  n'existe  que  des  frag- 
ments et  qui  contenait  une  descrip- 
tion très-bien  faite  de  llle- de-France. 
L'Académie  royale  de  la  marine,  ré- 
tablie au  mois  d'avril  1769,  chercha 
aussitôt  à  l'acquérir.  Bien  qu'elle  fut 
au  complet,  et  que  le  grade  de  Mar- 
guerie ne  permît  pas  de  l'admettre,  le 
mérite  dont  il  avait  fait  preuve  aplanit 
toutes  les  difficultés,  et  le  duc  de  Praslin 
autorisa  l'Académie,  par  une  lettre  du 
29  mai  1770,  à  le  recevoir  au  nom- 
bre de  ses  membres.  Il  avait,  dès  le 
mois  de  janvier  1769,  satisfait  aux 
conditions    d'admissibilité    imposées 


128 


MAR 


par  le  règlement,  dont  l'article   10 
portait  que  nul  ne  pouvait  être  pro- 
posé qu'il  ne  se  fût  fait  connaître  par 
quelque  ouvrage  ou  mémoire  qui  jus- 
tifiât de  ses  connaissances ,  principa- 
lement   dans  les  mathématiques    ou 
les  autres  parties  des  sciences  relati- 
ves à  la   marine.   Sa  capacité  s'était 
manifestée  dans  un  Mémoù-e  sur   la 
résolution  des  équations   en  général , 
et  particulièrement  sur   l'équation  du 
cinquième    degré.  La    veille   du  jour 
où  le  ministre   confirma    son   élec- 
tion, Marguerie  adressait  à  l'Acadé- 
mie son  Mémoire  sur    le   système  du 
monde,    qu'il   annonçait  devoir  être 
suivi  d'un  second  et  d'un  troisième 
mémoire  sur  le  même  sujet.  Le   21 
juin  suivant ,  cette  compagnie  enten- 
dait la   lecture  de  son  Mémoire  sur 
une  opération  d'algèbre  appelée  f éli- 
mination des  inconnues.  Enfin ,  le  20 
septembre  de  la  même  année,  il  com- 
muniquait encore    deux   mémoires, 
l'un  sur  {'Établissement  d'une  nouvelle 
théorie   de    la  résistance    des  fluides; 
l'autre  sur  les  Suites.  Ces  cinq  mémoi- 
res ont  été  insérés  dans  le  tome  I", 
papes  1 142  des  Mémoires  de  l'Aca- 
démie, le  seul  qui  ait  paru,  sous  ce 
titre  :  Mémoires  de  l'Académie  royale 
de  marine,  t.  I",  Brest,  1773,  in-4% 
pi.  Les  manuscrits  autographes  de  ces 
mémoires  existent  à  la  bibliothèque 
du    port    de    Brest,    dépositaire  des 
archives  de   l'Académie  de  marine, 
qui  l'avait  fondée  en  1752;  ils  for- 
ment ensemble  179  pages  in-folio,  à 
longues  lignes  ,  et  se  composent  en 
grande  partie  de  ceux  qu'il  avait  adres- 
sés, plusieurs  années   auparavant,    à 
l'Académie  des  sciences.  La  résolution 
des  équations  avait  déjà  exercé  la  sa- 
gacité des  géomètres,  et  cette  branche 
du  calcul  devait  beaucoup  aux  savan- 
te» recherches  d'EuIer,  de  Bc/.out  et 
de  Fontaine ,  lorsque  son  importance 


MAB 

détermina  Marguerie  à  s'en  occuper. 
Il  trouva ,  comme  ces  grands  mathé- 
maticiens,   une  méthode  de  le»  ré- 
soudre, très-élégante,  très-générale, 
qu'il  communiqua  à  l'Académie  des 
sciences  (octobre  1767),  dans  le  pre- 
mier des  mémoires  que  nous  venons 
de  citer.  Cette    méthode  fait  trouver, 
avec  la  plus  grande  facilité,  l'équation 
dont  on  connaît  la  forme  de  la  racine, 
ce  qui  est  précisément  l'objet  qu  Euler 
s'était  proposé    dans   ses  premières 
recherches,  et  qu'il  ne  put  alors  rem- 
plir pour  le  cinquième  degré.  Mar- 
guerie applique  sa  méthode  successi- 
vement au  troisième,  au  quatrième, 
au  cinquième  degré;  et,  dès  la  pre- 
mière application  qu'il   en  fait,    on 
apprend    qu'il    y    a   une  infinité  de 
manières  de  produire  l'équation  dont 
on   a   la  racine,    ce  qu'on   ignorait 
avant  lui,  et  c'est  un  des  premiers 
fruits  de  sa   méthode.  Il    faut    sur- 
tout remarquer   la  manière  dont  il 
fait  descendre  l'équation  d'un  degré, 
quand  cela  est  possible,  comme  dans 
le  troisième  degré  et  dans  le  qua- 
trième, par  une   simplification  acci- 
dentelle. C'est  sans  contredit  une  des 
parties  les  plus  estimables  de  son  tra- 
vail. Le  mémoire  dont  nous  venons 
de  donner  une  courte  et  imparfaite 
analyse,  obtint  l'approbation  de  La- 
grange  :  «  Votre  méthode  pour  trou- 
«  ver  l'équation  résolvante  d'un  de- 
M  gré  quelconque  me  plaît  beaucoup, 
a  lui    écrivait   ce    savant  géomètre; 
«  elle  a  l'avantage   de  donner  cette 
«  équation  sous  la  forme  la  plus  siui- 
«  pie  qu'il  soit  possible  ,  et  je  crois 
»  que    cette     méthode     peut     être 
.  aussi  d'une  très-grande  utilité  dans 
*  beaucoup   tl'autres  occasions.  Mais 
..  la  longvicur  du  calcul  pourrait  re- 
n  buter  ceux  qui  n'auraient  pas  autant 
..  de  courage  et  de  dextérité  que  vous 
..  à  le  manier.  »  Ce  pix-mier  travail  de 


MAR 

Marguerie   devait    naturellement    le 
conduire  à  s'occuper  de  rétiinination 
des  inconnues,  doii  déj>end  la  solu- 
tion  générale   des    équations  ,    et   à 
chercher  à  abréger  les  calculs  qu'elle 
exige.  '"  w-sl  aussi  ce  qu  il  fit ,    et   il 
trouva ,    pour  le  cas  oii  l'on  a  deux 
équations,    une    méthode   tres-ingé- 
nieuse  qu  il  expose  dans  le  second  de 
ses  mémoires,  méthode  qui,  non-seu- 
lement, rend  le  calcul  moins  pénible, 
mais,  ce  qui  est  d'un  avantage  inaj>- 
préciable,  fait  ariiver  a  l'équation  fi- 
nale du  plus  bas  degré  possible.  Ce 
mémoire  obtint  dans  les  termes  sui- 
vants lassentiraent  de  Lagrange :  «J'ai 
x  admiré  comment,  à  l'aide  de  subs- 
"  titutions   convenables  ,    vous    avez 
"  trouvé  moyen  do  simplifier  le  cal- 
«  cul  de  l'élimination,  et   surtout  de 
o  vous  débarrasser  des  facteurs  inu- 
u  tiles  qui  font  monter  l'équation  fi- 
<  nale  à  un   degré    beaucoup   plus 
»  élevé  qu'elle  ne  doit  éu*e.  Je  crois 
"  que   vous   êtes  le   premier  qui  ait 
>»  donné   le  résultat  de   l'élimination 
»  pour  le  cinquième  degré.  C  est  un 
»  véritable    service    que    vous   avez 
«  rendu  aux  analvstes  ;  mais  il  serait 
"  à  désirer  que  l  ou  pût  trouver  la  loi 
-  de  ces  résultats  pour  les  degi-és  suc- 
*  cessifs  ;    cela    serait    surtout    utile 
»  pour   le  cas  où  l'on  a  à  traiter  des 
«  équations   numériques.   •>   La   ma- 
tière de  l'élimination   fut,  peu  d'an- 
nées après,  traitée  par  Bezout,  d  une 
manière  infiniment  générale  et  sim- 
ple  dans  son    savant  ouvrage   de  la 
Théorie    <lc>     équations    algébriques  ; 
mais  ce  n'est  pas  pour  Marguerie  un 
médiocre   avantage  que   de  pouvoii' 
revendiquer  l'honneur  d'avoir  été  le 
devancier  de  ce  grand  madiématicien. 
Dans  son  mémoire  sur  les  Suites,  il 
s'attacha   et  réussit   à    perfectionner 
une  partie  épineuse  du  calcul,  déjà  si 
redevable  aux  travaux  de  Bernouilli , 


MAB 


129 


deStirlirig,  deMoivre  etEuIer.  Il  em- 
brassa un  sujet  d'une  grande  étendue, 
comme  le  prouve  son  mémoire,  où  il 
ne  se  propose  rien  moins  que  de 
sommer  toutes  les  suites  dont  la 
somme  et  le  terme  général  sont  des 
quantités  algébriques ,  lorsqu'elles 
sont  sommables ,  de  reconnaître 
quand  elles  le  sont,  et  enfin  d'appro- 
cher aussi  près  qu'il  e?t  possible  de 
la  somme  dont  on  a  reconnu  l'insoni- 
mabilité  ;  quelque  vaste  que  fût  son 
projet,  on  peut  assurer  qu'il  le  rem- 
plit dans  son  entier,  en  suivant  une 
méthode  qui  a  quelque  ressemblance 
avec  la  seconde  méthode  du  calcul 
intégral  de  Fontaine  ,  ainsi  qu'il 
en  convient  lui-même.  Ce  nouveaii"^ 
travail  obtint  de  Lagi"ange  les  mêmes 
éloges  que  les  précédents  :  «  Ce  que 
»  vous  avez  fait  sur  les  séries  (lui 
disait  ce  célèbre  mathématicien  , 
dans  la  lettre  dont  nous  avons  déjà 
cité  des  passages),  «  mérite  égale- 
«  ment  la  reconnaissance  des  géonié- 
■'  tre».    Quoique    vos    méthodes    ne 

-  soient  pas  tout-à-fait  nouvelles, 
"  lapplication  que  vous  en  avez  faite 
»  n'en  est  pas  moins  intéressante.  Il 
»  est  stu'tout  fort  satisfaisant  d'avoir 

-  des  formules  générales  toutes  cal- 

•  culées  auxquelles  on  puisse  rappor- 

•  ter,  sur-le-champ,  chaque  cas  par- 
"  ticulier.  ■  Daiis  son  mémoire  sur  le 
Système  du  monde,  il  trouve  ce  qu  on 
savait  déjà,  mais  en  suivant  une  mar- 
che qui  lui  est  propre.  Il  ne  s'était 
déterminé  à  coinposer  ce  mémoire 
que  parce  que,  se  proposant  de  trai- 
ter les  points  les  plus  importants  des 
systèmes  du  monde  dans  d'autres  mé- 
moires dont  celui-ci  était  le  fonde- 
ment, il  ne  voidait  rien  emprunter  de 
personne.  Le  premier  devait  contenir 
une  nouvelle  théorie  du  mouvement 
de  la  lune.  Son  examen  de  la  thckjrie 
connue  <le  la  résistance  des  fluides  lui 

9 


130 


MAR 


MAR 


fut  suggéré  par  des  expériences  que 
ThcW'cnard    avait  faites  au  port    de 
Lorient.    Après    avoir    expose    cette 
théorie  à  sa  manière ,  avec  toutes  les 
objections    qu'on    peut   faire   contre 
elle,  il  termine  en  proposant  des  ex- 
périences nouvelles  ,  dont  les  résul- 
tats,  introduits    dans    des    formules 
analytiques  qu'il  donne  ensuite,  doi- 
vent infailliblement  faire  découvrir  la 
vérité.   Des    preuves    si    multipliées 
d'un   grand  talent  le  firent  nommer 
enseigne  de  vaisseau,  au  mois  de  dé- 
cembre 1770,  avant  son  tour.  Le  2i 
janvier  1771,  il  devenait  académicien 
ordinaire  ,    d'adjoint    qu'il   avait   été 
jusque-là;    le  21   février   suivant,    il 
présentait  une  Dissertation  sur  le  rou- 
lis, et,  le  2i  mars,  un  Mémoire  sur 
la   manière  de   trouver   les  centres  de 
gravité.  Ayant  reconnu,  dans  son  mé- 
moire sur  la  résolution  des  équations, 
que    l'équation    résolvante    du    qua- 
trième degré  monte  au  sixième,  il  en 
avait  conclu,  par  analogie,  que  la  ré- 
solvante du  5""  degré  doit  monter  au 
24°";  et,  comme  sa  méthode  pouvait 
la  lui  donner,  il  l'aurait  cherchée  s'il 
avait  été  bien  certain  qu'elle  est  vrai- 
ment de  ce  degré  et  non  d'un  degré 
inférieur.   Il  était  donc  nécessaire  de 
s'assurer  du   degré    do  cette    résol- 
vante, et  c'est  ce  qu'il  entreprit  dans 
un    Mémoire   sur    lu    résolution    des 
équations   du  5°"   degré,   déposé    an 
secrétariat  de  l'Académie  de  la  Ma- 
rine, le  22  mars  1771,  dans  lequel  il 
démontre  que  la  résolvante  de  ce  de- 
gré est   réellement  du   24""'.    Aprôs 
avoir  montré  la  loute  qu'il  faut  suivre 
pour  trouver   la  résolvante  du   5""" 
degré,   et  fait  voir  que  le  calcul  en 
est  très-praticable;  il  cherche  ce  qu'on 
pourrait  faire  pour  la  résondrc.  Ayant 
réussi  à  décomposer  la  résolvante  du 
4""  degré   «;n  doux  ,    l'une  du   3"" , 
l'autre  du  2°",  il  semblerait,  ù  eu  ju- 


ger par  analogie,  que  la  résolvante  du 
5"'  degré  devrait  dépendre  pareille- 
ment de  trois  équations,  l'une  du  4°", 
l'autre  du  3™*,  et  enfin  une  du  2"". 
Il  cherche  la  première  indépendam- 
ment des    deux    autres,   et   indique 
comment  on  peut  la  trouver ,  si  elle 
existe.  Mais ,  venant  bientôt  à  recon- 
naître que  cette  recherche  exige  beau  - 
coup   d'essais    que    l'incertitude    ne 
permet  pas  d'entreprendre,  il  n'ose  se 
prononcer  sur  l'existence  ou  la  non- 
existence    de    cette    équation.    Les 
doutes  qui   lui  avaient  inspiré  cette 
réserve  appelèrent    de   nouveau   ses 
méditations;  ils  ne  tardèrent   pas   à 
être  dissipés;  car,   le  6  août  1772,  il 
écrivit  à  l'académie  qu  il  avait  trouvé, 
pour  arriver  à  la  résolvante  du   5""* 
degré,  une  méthode  plus  courte  et 
plus  praticable   que  celle  qu'il  avait 
indiquée  dans  son  précédent  mémoire, 
et   il   la  consigna   dans    un   nouveau 
mémoire  qui  fut  lu   à  l'académie  le 
16   septembre   de    l'année  suivante. 
Les   importants    travaux    qu'il    avait 
exécutés  depuis  son  retour  de  l'Indo 
n'avaient  pas  absorbé  tout  son  temps. 
Il  en   consacrait  une  partie  à  l'étude 
des  sciences  plus  spécialement  néces- 
saires  à   l'exercice   de  sa  profession. 
Mais,  bien  convaincu  que  la  thoorie 
dos  sciences  nautiques  est,  à  elle  seule, 
insuffisante,  qu'elle  demande  à  être 
confirmée  ou  éclaircie  par  de  nom- 
breuses applications  laites  à  la  mer, 
qu'il  existe  d'ailleurs  des  points  «pii 
ne  peuvent  être    révélés  que  par  la 
pratique,  il   désira  bientôt   faire  une 
nouvelle    campagne ,  et  s'embarqua 
sur   le  vaisseau   l'Actionnaire,  com- 
mandé par  M.  de  Monteil,  et  destine 
pour  l'Ile-de-France.  Parti  de  la  rade 
du  l»ort-Ix>uis,  le  13   avril  1771,  ce 
vaisseau  était  de  retour  à  Miest,  le  15 
juillet  1772.   Il   est  supoi-flu  de  dire 
que  Marguerie  retira  de  cette  cam- 


MAR 

pagne  tout  le  fruit  qu'il  sen  était 
promis,  et  qu'elle  ajouta  beaucoup  à 
ses  connaissances,  il  v  avait  à  peine 
quinze  jours  qu'il  était  débarqué,  qu'il 
lisait  à  facademie  >in  Mémoire  sut  la 
construction,  suivi,  quelques  jours 
après,  d'un  Mémoii-e  sur  la  statique 
des  vaisseaux,  dans  lequel  il  consi- 
dérait son  sujet  dans  sa  plus  grande 
généralité,  et  le  traitait  d'une  manière 
absolument  neuve  et  originale.  La 
constitution  de  l'Académie  attira  par- 
ticulièrement son  attention:  la  tiou- 
vant  trop  exactement  calquée  sur 
rdle  de  l'Académie  des  sciences  pour 
qu'elle  pût  convenir  à  ime  Académie 
de  Marine,  il  s'appliqua  et  parvint  à 
en  formuler  une  plus  en  rapport 
avec  la  destination  de  sa  compagnie. 
Il  est  hors  de  doute  que  le  règlement 
qu'il  avait  élaboré,  et  qui  avait  réuni 
tous  les  suffrages,  eût  été  substitué  an 
règlement  alors  en  vigueur,  si  les 
circonstances  n'eussent  porté  l'atten- 
tion du  ministre  sur  d'autres  objets. 
L'année  suivante  parut  une  ordon- 
nance qui  excita  les  plus  vives  récla- 
mations; son  vif  attachement  pour 
son  corps  le  détermina  à  faire  ressor- 
tir tous  les  inconvénients  qu'elle  en- 
traînerait. Le  projet  qu'il  rédigea  em- 
brassait, dans  leurs  plus  petites  rami- 
fications, tous  les  détails  si  compli- 
qués du  service  à  terre  et  à  la  mer  : 
aucun  ne  lui  avait  échappé;  il  y  en 
avait  même  plusieurs  qu'un  esprit 
aussi  étendu  que  le  sien  était  seul 
capable  de  découvrir.  Cet  ouvrage, 
dont  les  matériaux  disséminés  au- 
raient aujourd'hui  besoin  d'être  coor- 
donnés, formerait  un  vol.  in -4°  de 
600  pages.  Son  travail  l'ayant  mis  à 
même  d'approfondir  l'organisation  de 
la  marine  ,  il  reconnut  qu'elle  était 
susceptible  de  perfectionnement.  Les 
circonstances  vinrent,  peu  après,  lui 
faire  concevoir  lespérance   que   les 


BCAR 


131 


améliorations  auxquelles  il  avait  ré- 
fléchi, allaient  être  réalisées.  Turgot, 
ayant  passé  de  l'intendance  de  Limo- 
ges an  ministère  de  la  marine,  sentit 
que  les  notions  générales  d'adminis- 
tration qu'il  possédait  à  un  si  haut 
degré,  étaient  néanmoins  insuffisantes 
pour  bien  diriger  un  département  qui 
exige  des  connaissances  toutes  spé- 
ciales; aussi  sempre&sa-t-il  d'appeler 
à  son  aide  les  lumières  des  officiers 
les  plus  distingués  de  la  marine  : 
Marguerie  ne  pouvait  pas  être  oublié. 
Indiqué  à  Turgot  comme  étant  un 
de  ceux  qui  pouvaient  lui  donner  le< 
idées  les  plus  justes  et  les  plus  éten- 
dues sur  les  différents  objets  de  son 
administration ,  il  fut  bientôt  honoré 
de  la  confiance  et  de  l'amitié  de  ce 
ministre.  La  lecture  du  mémoire  où 
Marguerie  avait  si  clairement  exposé 
tous  le*  inconvénients  de  l'ordon- 
nance de  son  prédécesseur,  et  le» 
entretiens  qu'il  eut  avec  lui  et  d'au- 
tres officiers,  l'ayant  convaincu  qu'elle 
ne  pouvait  être  exécutée  sans  nuire 
au  service,  il  chargea  Marguerie  d'en 
composer  une  nouvelle  et  de  la  com- 
muniquer ensuite  aux  officiers  de  la 
marine  qui  avaient  le  plus  d'expé- 
rience et  de  lumières,  afin  de  la 
rendre  aussi  parfaite  que  possible. 
Marguerie  avait  presque  terminé  cet 
important  et  difficile  ouvrage,  quand 
Turgot  quitta  ,  le  2i  août  1774,  le 
ministère  de  la  marine.  Quoique  Mar- 
guerie ffit  à  peu  pi'ès  certain  que  ce 
changement  rendrait  son  travail  inu- 
tile, il  eut  le  courage  de  le  continuer 
et  de  le  finir.  Tous  ceux  à  qui  il  le 
montra  s'accordèrent  à  reconnaître 
qu'il  n'avait,  nulle  part,  déployé  une 
plus  grande  supériorité ,  qu'il  avait 
épuisé  son  sujet  et  qu'il  avait  fait 
preuve  d'un  talent  créateur.  Pendant 
qu'il  s'occupait  à  Paris  de  ces  travaux 
(l'adiiiinMtration,  il  ne  négligeait  pas 
9. 


132 


MAR 


ses  travaux  académiques.  Ce  fut  vers 
la  même  époque  qu'il  se  chargea  de 
traiter  la  partie  de  la  construction 
dans  le  dictionnaire  de  marine  que 
l'Académie  se  proposait  de  publier, 
et  dont  les  matériaux  étaient  ,  en 
grande  partie,  prêts  à  être  livrés  à 
l'impression,  quand  la  l'évolution  en- 
traîna la  chute  de  cette  compagnie.  Il 
avait  été  nommé  l'un  des  quatre  aca- 
démiciens chargés  de  coordonner  les 
articles  admis,  et  d'en  arrêter  la  ré- 
daction déhnitive.  Ce  fut  aussi  la 
même  année  qu'il  prononça  devant 
l'Académie  de  la  marine,  dont  il  était 
le  secrétaire,  l'Kloge  de  Frézier,  mem- 
bre honoraire,  et  directeur  des  fortifi- 
cations de  Bretagne.  Cet  éloge  du  sa- 
vant auteur  du  Traité  de  la  coupe 
des  pierres  a  été  inséré  dans  le  iVe- 
crologe  des  hommes  célèbres  de  France 
^our  1775  (tome  VI,  pages  113-126). 
Maestricht  (Paris),  1775,  in- 12. 
Nommé,  en  1775,  au  commandement 
du  cutter  le  Moucheron,  qui  faisait 
partie  d'une  escadre  d'évolution  sous 
les  ordres  du  comte  de  Guichen,  il 
fut  fréquemment  employé  par  cet 
amiral,  et  se  distingua  par  son  exac- 
titude et  son  habileté.  A  son  retour, 
il  s'apphqua  à  l'étude  de  l'économie 
politique,  dont  il  lit  beaucoup  d'ap- 
plicadons  nouvelles  et  importantes.  Il 
était  sur  le  point  de  terminer  son  tra- 
vail sur  cette  matière,  lorsqu'une  ma- 
ladie grave  vint  l'interrompre.  A 
peine  convalescent,  il  fut  forcé  di; 
s'embanjuer.  l'eut-être  dut-il  à  la  ja- 
lousie qu'excitait  la  supériorité  de  son 
mérite,  la  rigueur  avec  laquelle  on 
agit  à  son  égard.  Quoiqu'il  en  soit, 
sans  considérer  que  sa  sanlé  était 
encore  chancelante,  on  l'obligea  de 
partir  siu-  la  Mute  la  Tamponne,  com- 
mandée par  Verdun  <le  la  Crenne, 
qui  avait  mission  (fall<!r  chercher  des 
mâts  ù  Cronstadt.  Après  avoir  appa- 


MAR 

reiilé  le  1"  mai  1776,  ils  eurent  oc- 
casion de  reconnaître,  dans  leur  tra- 
versée, que  nos  cartes  des  côtes  de 
Suède  et  de  Danemark  étaient  abso- 
lument défectueuses,  et  que  les  cartes 
danoises  de  Lous    étaient  bien   plus 
exactes.  Arrivés  le  29  juin  à  Crons- 
tadt, ils  étaient  trop  près  de  Saint-Pé- 
tersbourg pour  n'étie  pas  tentés  de 
voir  ce  superbe  monument  de  la  puis- 
sance russe,  et  surtout  l'irapératiice 
qui  gouvernait  alors  la  Russie  avec 
tant   d'éclat.    Ils  furent  présentés    à 
Catherine,    qui   les  reçut   avec    une 
bonté  particulière,   s'entretint  long- 
temps avec  eux,  et  les  étonna ,  quoi- 
qu'ils fussent  favorablement  prévenus, 
par  l'élévation  de  son  esprit  et  la  va- 
riété de  ses  connaissances.  Si,  après 
une  telle    réception ,  quelque    chose 
pouvait  encore  les  flatter,  ce  fut  celle 
que  leur  fit  le  célèbre  Euler,  qu'ils  s'em- 
pressèrent de  voir.  Ce  grand  homme 
félicita  Verdun  de  la  Crenne  et  Mar- 
guerie  de  leur  zèle  poui-  la  science  , 
et  confirma  de  vive  voix  à  ce  dernier 
les  éloges  qu'il  avait  déjà  donnés  à  ses 
travaux  dans  une  lettre  qu  il  lui  avait 
écrite    en    1774.    Ils    repartirent    de 
Cronstadt  le  24  juillet,  arrivèrent  à 
Hrest  le  30  août,  et  passèrent,  le  18 
octobre,  sur  la  flûte  le  Compas,  qui 
porta  leur  chargement  à  Toulon.  Ils 
(juiltèrent  bientôt  ce  port,  et  mouil- 
lèrent sur  la  rade  de  Hrest  le  7  déc. 
(>ette  caujpagne  n'interrompit  pas  le 
cours  des  rechercijes  de  Margueric  sur 
l'économie  politique.  Il  les  continua 
toutes  les  fois  qu'il  le  put  et  les  termina 
dès  qu'il  fut  à  terre.  Il  reprit  ensuite 
celles  qu'il  avait  commencées  avant 
la  campagne  d'évolutions  de  l'année 
précédente,     sur    la    résolution    des 
équations  du  5""  degré,  et  l'on  a  heu 
de  croire  (jue  cette  matière,  objet  de 
sa  constante  sollicitude,  reçut  une  so- 
lution  complète;    car  la   correspon- 


MAR 

dance  et  les  mémoires  manuscrits  de 
l'Académie  de  marine  nous  appren- 
nent que,  le  12  juin  1777,  il  remit 
un  mémoire  (qui  n'a  pu  être  retrou- 
ve), dans  lequel  il  déclarait  avoir 
complètement  résoin  le  problème  de 
la  résolution  des  équations  du  5"' 
degré,  et  que,  dans  la  séance  du  21 
juillet ,  il  fit  coter  et  parapher  ce 
mémoire  par  Fortin  et  Blondeau  , 
commissaires  charges  de  l'examiner. 
Peu  de  jours  après ,  il  reprit  la  mer. 
C'était  au  commencement  de  la 
guerre  de  l'indépendance  améri- 
caine; la  France,  avant  d'y  prendre 
part ,  jugea  prudent  d'armer  pour 
protéger  son  commerce  et  faire  res- 
pecter son  pavillon.  Marguerie  fut 
un  des  premiers  à  demander  à  être 
employé  sur  les  vaisseaux  qu'elle  en- 
voyait en  croisière,  il  obtint  de  s'em- 
barquer sur  le  Bien-Aimé,  que  com- 
mandait Bougainville.  Lorsque  la 
guerre  se  déclara ,  il  passa  sur  le 
Saint-Esprit ,  commandé  par  le  duc 
de  Chailres,  et  se  trouva  par  consé- 
quent au  combat  que  d'Orvillicrs  livra 
le  27  juillet  1778 ,  à  la  hauteur 
d'Ouessant ,  à  la  flotte  anglaise  com- 
mandée par  l'amiral  Keppel.  Le  12 
novembre  de  cette  année,  l'académie 
lui  donna  une  marque  de  confiance, 
en  l'appelant,  à  l'unanimité,  et  pour 
la  quatiiéme  fois,  à  remplir  les  fonc- 
tions de  son  secrétaire.  Kommé  lieu- 
tenant de  vaisseau  à  la  promotion  du 
mois  de  janvier  1779,  il  suivit  La- 
motte-Picquet,  qui  venait  de  recevoir, 
avec  le  commandement  du  vaisseau 
VAnnibal,  l'ordre  de  rejoindre  en 
Amérique  l'armée  navale  du  comte 
d'Estaing.  Ce  zèle  lui  devint  funeste, 
car,  au  combat  du  6  juillet  1779  , 
devant  la  Grenade ,  où  VAnnibal 
essuya  un  feu  très -vif,  il  fut  blessé 
mortellement  d'un  boulet.  Marguerie 
survécut  quelques  jours  à  sa  blessure, 


MAR 


133 


mais  dans  un  état  de  souffrance  qu'il 
supporta  avec  beaucoup  de  force. 
Ainsi  mourut,  à  37  ans,  un  officie: 
dont  la  marine  ne  peut  que  s'honorer 
et  que  les  sciences  réclament  à  plus 
d'un  titre.  Dans  tous  les  sujets  qu  il  a 
traités,  on  remarque  de  grandes  idées 
et  des  vues  neuves  exposées  claire- 
ment. Il  devait  étrc  admis  à  l'Aca- 
démie des  sciences  en  1773  ou  en 
1771;  les  géomèties  étaient  pour 
lui ,  mais  M.  de  Saint-Florentin  lui 
était  contraire.  Marguerie,  informé 
de  cette  opposition,  répondit,  avec  la 
confiance  qu'inspire  à  l'homme  supé- 
rieur la  connaissance  de  sa  propre 
valeur  que,  s'il  nobtenait  pas  cette 
distinction,  il  croyait  être  certain  de 
faire  connaître  qu'il  la  méritait.  Sa 
perte  a  enti-aîné  celle  d'une  grande 
partie  de  ses  ouvrages,  car  ceux  qu'il 
avait  emportés  (et  c'était  le  plus 
grand  nombre),  vraisemblablement 
dans  la  vue  de  les  corriger  et  de  les 
perfectionner,  ont  disparu  ;  celui 
qu'on  doit  le  plus  regretter,  en  rai- 
son de  son  utilité  et  des  vues  nou- 
velles qu'il  renfermait,  c'est,  sans 
contredit,  son  ouvrage  sur  l'écono- 
mie politique.  Indépendamment  de 
ses  cinq  mémoires  imprimés  et  de 
son  Éloge  de  Frezicr,  Marguerie  a 
laissé  les  manuscrits  des  ouvrages 
suivants  déposés  à  la  bibliothèque  du 
port  de  Brest  :  L  Mémoire  sur  une 
tontine  entre  inarins  pour  payer  des 
pensions  a  leurs  veuves.  IL  Mémoire 
ou  règlement  sur  une  meilleure  cons- 
titution à  donner  à  l'Académie.  III. 
Mémoire  sur  la  constniction  d'un  port 
marchand  (on  croit  que  c'est  celui  de 
Port-Vendres  ).  IV.  Mémoire  sur  la 
mai-ine  en  général.  V.  Ordonnance  de 
la  marine.  VI.  Les  articles  suivants , 
pour  le  Dictionnaire  de  l'Acadé- 
mie de  marine  :  Abaissement  d'un 
astre  ,     Abaissement    de     l'Horizon  , 


134 


MAR 


MAR 


/abaissement  du  Pôle,  Affolie,  Age  de 
la  Lune,  Aiguille  aimantée,  Aimant. 
Air  ou  rhumb  de  vent,  A  l'autre  bon 
quart,  Alidade,  Allège  ou  Soulège, 
Amers,  Amplitude  d'un  astre,  Ancre, 
Attérage,Azimuth,  Mouvement  annuel 
du  Soleil  et  Vents  alises.  Si  nous  ci- 
tons textuellement  cette  nomencla- 
ture, c'est  en  raison  de  la  forme  que 
Margueric  avait  donnée  à  la  rédac- 
tion de  ces  mots,  qui  n'étaient 
qu'une  faible  partie  de  ceux  qu'il  de- 
vait expliquer.  Chacun  d'eux  était  une 
véritable  dissertation,  dans  laquelle  le 
sujet  indiqué  par  le  mot  était  traité 
de  la  manière  la  plus  complète.  La 
réunion  de  tous  ceux  que  les  académi- 
ciens auraient  fournis,  eût  fait  de  ce 
dictionnaire  une  encyclopédie  de  la 
marine,  dans  des  proportions  beau- 
coup plus  étendues  que  la  partie 
iWan'nede  l'Encyclopédie  méthodique, 
laquelle  renferme  elle  -  même  un 
grand  nombre  de  notes  destinées 
primitivement  à  entrer  dans  la  com- 
position du  dictionnaire.  —  Le  vi- 
comte A.  DE  Maholerie,  auteur  de  quel- 
ques poésies  et  notamment  des  Ins- 
pirations des  Cours,  mort  en  1838, 
était  de  la  même  famille  ;  ses  écrits 
en  prose  sont  :  L  Fats  ce  que  dois,  ar- 
rive que  pourra.  Le  royaliste  et  le  li- 
béral, dialogue  sur  la  souveraineté , 
Paris,  1831,  in-8''.  H.  Essai  sur  la 
monarchie  héréditaire  et  fédérative  , 
Paris,  1832,  in-8".  I».  L— t. 

MARGUERITE  de  Constant!  ■ 
nople,  fille  puînée  de  itaudouin  IX, 
comte  de  Flandre  et  de  liainaut, 
avait  ét'é  mise  avec  sa  sœur  sous  la 
tutelle  de  Philippe,  comte  de  iSamur, 
lorsque  leur  père  partit  pour  la  capi- 
tale du  nouvel  empire  grec.  Après 
que  la  ujoit  de  ce  prince  eut  été 
connue  en  France,  le  roi  Philippe- 
Auguste,  en  vertu  de  la  coutume 
féodale   (]ui   lui    conférait    la    garde- 


noble  de  ses  vassales  immédiates,  fit 
venir  Jeanne  et  Marguerite  à  Paris. 
Celle  -  ci  ,  rentrée  plus  tard  en  Bel- 
gique, épousa  r)0uchard  d'Avesnes , 
que  son  père  avait  adjoint  à  Phi- 
lippe de  Namur,  pour  veiller  sur 
elle.  Bouchard  avait  la  parole  bril- 
lante et  facile,  et  tout  ce  qu'il  fallait 
pour  plaire  ;  il  jouissait  d'une  grande 
réputation  de  bravoure  et  d'habile- 
té. Ses  prouesses  le  firent  même  ar- 
mer chevalier  par  Richard-Cœur-de- 
Lion.  Mais  dans  sa  jeunesse  il  avait 
été,  contre  son  gré  et  à  l'insu  de  tous 
ses  amis,  ordonné  acolyte  et  sous- 
diacre  à  Orléans.  Son  union  avec 
Marguerite  reçut  l'approbation  de 
la  comtesse  Mathilde  ,  veuve  de 
Philippe  d'Alsace,  et  qu'on  appelait 
la  reine,  à  cause  qu'elle  était  fille  du 
ioi  de  Portugal,  l'aveu  de  la  noblesse 
et  des  bonnes  villes  ;  les  empêche- 
ments canoniques  à  ce  mariage  étaient 
inconnus;  il  fut  donc  célébré  eu  face 
des  autels  et  en  présence  de  Fcrraud 
et  de  Jeanne,  dans  l'année  1212.  Deux 
fils  en  furent  le  fruit,  Jean  et  P.eau- 
duuin  d'Avesnes.  Tout-à-coup  le  l)ruit 
se  répandit  que  Bouchard  était  d'é- 
glise. Voulant  conjurer  l'orage,  il  se 
rendit  à  Rome  et  supplia  le  pape 
Innocent  III,  de  lui  accorder  les  dis- 
penses dont  il  avait  besoin.  Le  sou- 
verain pontife  se  borna  à  lui  enjoin- 
dre de  faire  uti  pèlerinage  à  Jérusa- 
lem et  au  mont  Sinaï,  puis  de  rcndro 
la  princesse  à  sa  famille.  Revenu 
dans  le  liainaut  avec  fintentioii 
béir,  il  ne  put ,  en  voyant  ta  fem- 
me et  ses  enfants ,  se  résoudre  à 
un  si  cruel  sacrifice.  I^  comtesse 
Jeanne  l'ayant  sommé,  à  plusieurs 
reprises,  de  se  ranger  à  son  devoii . 
en  H'féra  au  pape  et  au  roncilc  géné- 
jal  de  Latrati.  Bouchard  fut  excom- 
munié; et,  connue  il  s'opiuiàtrait  dans 
sa  résistance,   il    fut  jeté  en  prison  à 


i 


MÂR 


MAR 


135 


Gand  et  décapité  à  Rupelmonde ,  par 
ordre  de  Jeanne.  Marguerite  succéda 
à  sa  sœur  en  1244-.  Dès  l'année  1:218, 
elle  avait  donné  sa  main  à  Guillaume 
de  Darapierre,  deuxième  fils  de  Gui  II 
de  Dampierre  et  de  Mathilde,  héri- 
tière de  Bourbon,  duquel  elle  eut 
trois  fils  et  deux  filles.  Depuis  trois 
ans  elle  était  veuve  de  ce  second 
époux,  lorsqu'elle  prit  les  rênes  de 
la  Flandre  et  du  Hainaut  II  s'éleva 
bientôt  de  giantles  querelles  entre  les 
enfents  des  deux  lits,  sur  la  part  des 
États  de  leui-  mère  qui  devait  leur 
levenir  un  jour.  Marguerite  nourris- 
sait une  profonde  antipathie  pour 
les  d'Avesnes  et  favoiisait  ouverte- 
ment leurs  rivaux.  Ceux-ci  préten- 
daient que  les  premiers  étaient  des 
bâtards.  Grégoire  IX  les  avait  décla- 
rés illégitimes.  L'empereur  Frédé- 
ric II  et  le  pape  Innocent  IV  pronon- 
cèrent leur  légitimité.  Un  compromis 
conclu  par  l'entremise  du  roi  saint 
Louis  et  du  légat  Odon,  assigna  la 
Flandre  aux  Dampierre  et  le  Hainaut 
aux  fils  de  lîouchard.  Mais,  malgré 
cet  accord,  la  haine  mit  bientôt  les 
parties  aux  prises.  Jean  d'Avesnes, 
l'aîné ,  qui  se  regardait  comme  spo- 
lié et  qui  l'était  en  effet  ,  fit  la 
guerre  à  sa  mère  en  Flandre  ;  celle- 
ci  appela  à  sou  secours  le  frère  du 
roi  de  France,  Chailes  d  Anjou,  et  lui 
engagea  le  comté  de  Hainaut.  Les 
habitants  de  cette  province,  mécon- 
tents de  leur  princesse,  l'appelaient 
la  noire  dame  ;  et  il  se  forma  alors, 
du  côté  d'Enghien,  une  hgue  contre 
les  Flamands .  qu'on  appela  la  ligue 
des  Ronds,  du  nom  d  un  boucher  de 
Chièvres,  tué  par  les  officiers  de  Mar- 
guerite, et  que  ses  fils  avaient  juré 
de  venger.  Les  exploits  de  cette  trou- 
pe eurent  une  certiiine  importance; 
ils  méritèrent  d'être  célébrés  par  un 
trouvère  contemporain,  qui  composa 


en  français ,  sur  ce  sujet,  un  poème 
quon  n'a  point  encore  reû'ouvé  et 
dont  le  chroniqueur  Jacques  deGuyse 
a  donné  un  extrait  en  prose.  Mar- 
guerite eut  de  longues  querelles  avec 
l'empire,  pour  la  Flandre  impériale 
que  Jean  d'Avesnes  était  parvenu  à 
se  faire  adjuger,  et  avec  le  comte 
de  Hollande,  touchant  la  suzeraine- 
té de  la  Zélande.  Après  de  longues 
discussions  et  des  guerres  désastreu- 
ses, la  paix  fut  rétablie.  Le  jugement 
rendu  par  saint  Louis  et  le  légat 
Odon,  fut  ratifié  à  Péronne,  en  1246, 
et  les  Dampierre,  faits  prisonniers  à 
la  bataille  de  Walcheren  ou  de  West- 
kapel,  recouvrèrent  leur  liberté.  De- 
puis long -temps  Maigueritc  avait 
associé  son  fils  au  gouvernement  de 
la  Flandre  qu'elle  lui  abandonna  peu 
avant  sa  mort,  par  un  acte  du  29 
décembre  1278.  Elle  mourut  le  10 
février  1279.  Malgré  l'épithète  hos- 
tile que  lui  décernèrent  les  Wallons, 
elle  sera  comptée  parmi  les  souve- 
raines qui  conti'ibuèrent  le  plus  à  la 
prospérité  de  la  Flandre.  C'était  une 
femme  d  un  grand  caractère,  très-en- 
tendue aux  affaii^es  et  aimée  des  pau- 
vres. Elle  favorisa  le  commerce  etl'in- 
dustrie  par  de  nouveaux  tarifs,  desfran- 
chises de  circulation,  et  la  construc- 
tion de  plusieurs  canaux,  entre  les- 
quels celui  de  Gand  à  Damme  , 
commencé  en  1252,  mérite  d'être 
particulièrement  distingué.  La  liberté 
personnelle  fit  aussi  des  progrès  sous 
son  règne;  tous  les  serfs  qui  lui  ap- 
partenaient fment  affranchis  en  1252, 
moyennant  une  légère  redevance; 
elle  réduisit  le  droit  de  Catlel,  anima 
la  vie  communale  en  introduisant 
le  renouvellement  annuel  des  éche- 
vins  dans  presque  toutes  les  villes, 
qui  s'agi-andirent  et  prospérèrent,  et 
défendit  aux  abbayes  et  églises,  mai- 
sons religieuses,  prêtres,  clercs,  bour- 


136 


MAK 


gcois,  {jchj  non-nobles  et  défendables 
à   la  loi  ou  payant  taille,  d'acquérir 
Fiefs ,  rentes,  terres,  héiitages  et  au- 
lies   choses    tenues  des     comtes    de 
Flandre,  sans  leur  autorisation  spé- 
ciale.  Ce   fut  aussi   sous  Marguerite, 
que   l'usage    de    la   langue   française 
devint  plus   fréquent  dans  les  diplô- 
mes et  actes  publics.  M.  Warnkœnig, 
professeur    à     l'Université     de   Fri- 
bourg,  a   fort  bien  apprécié  l'admi- 
nisti'ation  de  cette  femme  supérieme, 
dans    son  (ixcellente    histoire   de    la 
.    Flandre,  ouvrage  écrit   en  allemand, 
et  dont   M.   A.-E.  Gheldolf  a  com- 
mencé une  traduction  française. 
R— I— o. 
MARGUERITE    de    Carinlhie, 
dite  vulgairement    Marguerite    à    lu 
(jrande   bouche    (en  allemand,  Alaid- 
tasche),  comtesse  souveraine  du  Ty- 
rol,  avait  pour  père  ce  Henri  qui,  seul 
des  trois   fils   de  Mainard  IV,  réimit 
finalement  la  totalité  des  possessions 
paternelles,  et  pour  mère  sa  deuxième 
femme,  Adélaïde  de  Brunswick-Gru- 
benhagen,  laquelle  moiuut  le  18  août 
1320.    Marguerite     dut    naître    vers 
1316,  car  le  mariage  de  sa  mère  eut 
lieu  en  1315,  et  sa  sœur  puînée  na- 
quit  en    1317.    llemi  n'avant   point 
d'enfant    mâle  qui   survécût,    Mar- 
guerite   fut    considérée  comme  une 
héritière   d'autant  plus  riche,  qu'au 
comté    du    Tyrol    son  père  joignait 
le   duché  de    Carinthie,    dont  Mai- 
nard   avait    été    investi    par    Rodol- 
phe de  îlabsbourg  (1282).   après   la 
«Imte  d'Ottocar.  Aussi  fut-elle  mariée 
«le  bonne  heure.  Henri,  qu'on  nonune 
souvent  Henri    de    Caiinthie ,   avait 
porté  un    moment   la   couronne  de 
Rohème  (1307-1309),  jnsipi'à  ce  que 
Jean  de  I-nxeniboing  (le  fameux  Jean 
le  chevalier,  le  redrcsseui-  de  torts  et 
l'aveugle,  (pii  mourut  à  Crécy)   l'eût 
emporté  sur  lui.  I.es  prétentions   île 


MAR 

Henri    durèrent  long-temj)S  encore  : 
cependant  il   y   renonça    contre    le 
paiement  de  quarante    mille    marcs 
d'argent  et  moyennant  les  fiançailles 
de  sa  fille  aînée,  non  pas  avec  le  fils 
aîné  du  loi  de  Rohême,    lequel  por- 
tait le  nom    de  Venceslas    (dont   la 
cour  de  France  fit  Charles),  et  qui  plus 
tard  fut  l'empereur  Charles  IV  ;  mais 
avec  le  frère  puîné  de  Venceslas.  Jean- 
Henri  (c'était  le  nom  du  jeune  piince) 
reçut  par  avance  le  serment  de  fidé- 
lité des  Tyroliens  au  moins  versl328, 
et  vint  habiter    le  pays.  Le   mariage 
eut  lieu  vers  1331.  Il  ne  fut  pas  heu- 
reux. Quelque  attrait   que  ]>ût   olfi'ir 
à  Jean-Henri  la  perspective  de  la  Ca- 
rinthie et  du  Tyrol  réunis ,  il    sentit 
[jeu  de  sympathie  pour   sa  femme, 
qui,  bien  que  jeune,  était  fort    peu 
jolie,  et    que  son    mécontentement 
(piotidien  n'embellit  pas.  lis  n'eurent 
point  d'enfants.  Un  incident  qu'on  pou- 
vait jircvoir,  vint  mettre  le  comble  à 
l'inimitié  mutuelle  des  deux   époux. 
Henri  de  Carinthie  ayant  rendu  le  der- 
nier soupir  (i  avril  133o),   l'enqie- 
rcur  Louis  IV   de  Ravière ,   soit   afin 
de  se  créer  des  amis  au  sein  même  de 
cotte    famille  dont  un    membre    lui 
avait  disputé  l'empire,  soit  que  le  ca- 
ractère inconstant  de  Jean  de  Holi<*me 
l'eût  indisposé  conti-e  tout  ce  qui  lui 
appartenait,  traita   les  deux  contrées 
«•omme  fiefs  échus,  et  en  donna  l'in- 
vestiture aux  ducs  d'Autriche  (2  ntai), 
<|ni  avaient  pourtnère  une  fille  de  Mai- 
nard  IV,  et  par  consétpicnt  une  tante 
do  Marguerite.  Jean-Henii  et  Mai-{;ue- 
ritc  ne  s'étaient   point  j)réparés  à  la 
f^uerre,  et  ils  avaient  contre  eux  une 
ligue  formée  de  l'empereur,  dès  ducs 
d'Autriche,  du  comte  de  Wurtemberg 
et  du  comte  de  Jidiers.  Heureusement 
le  Tyrol,  qui  fut  de  tout  temps  fidèle  à 
ses  maîtres,  se  déclara  énergi(]uement, 
aussitôt  qu'il  le  put,  contre  la  donii- 


MAB 

nation  de  l'intrus  :  Marguerite  et  son 
mari  n'ement  qu'à  paraître  pour  que 
toutes  les  villes  s'em  pressassent  de  leur 
ouviir  leurs  portes.  Quant  à  la  Garin- 
ihie,  elle  s  accommoda  de  la  nouvelle 
domination,  et  ne  fit  nulle  domons- 
liation  en  faveur  de  la  maison  de 
Gœrz,  qui  d'ailleurs  n'était  point  ori- 
ginaire du  pavs.  Mais  probablement 
les  ducs  d'Autriche  ne  s'y  fussent  pas 
si  commodément  établis  ,  si  le  père 
de  Jean-Henri,  le  roi  Jean  de  liohême, 
toujoins  en  quête  d'aventures ,  ne  se 
fut  en  ce  moment  trouvé  à  Paris,  ma- 
lade par  suite  dîme  blessure  qu'il  avait 
reçue  dans  un  tournois,  et  ne  se  fut 
mis  un  peu  tard  en  route.  Toute  l'ac- 
tivité qu'il  développa  quand  enfin  il 
arriva  ,  ne  servit  qu'a  diminuer  la 
perte  dont  son  fils  et  sa  bru  étaient 
menacés.  A  la  ligue  de  l'Autriche,  du 
Wurtemberg  et  de  Juliers,  corroborée 
par  l'adhésion  de  lempereur,  il  op- 
posa le  duc  Henri  de  Bavière,  cousin- 
germain  de  l  empereur  ,  les  rois  de 
Hongrie  et  de  Pologne  (il  était  ami  du 
dernier  depuis  la  paix  de  Trentchin, 
en  133o);  et,  les  hostilités  com- 
mencées (1336),  il  détacha  de  la  li- 
gue ennemie  les  ducs  d'Autriche.  Il 
en  résulta  bientôt  le  traité  d'Ens 
(9  oct.  1336),  par  lequel  les  ducs  d'Au- 
U-icljc  se  contentèrent  de  la  ( jrinthie, 
diminuée  de  quelques  districts,  et 
remboursèrent  les  frais  de  la  guerre 
à  leur  cousine  et  à  son  mari,  qui  con- 
sei-vèrent  le  Tvrol.  Bientôt  Ix)uis  IV 
aussi  changea  de  politique; et,  au  lieu 
do  vouloir  dépouiller  la  comtesse,  pro- 
fitant de  f  antipadiie  croissante  qui  se 
manifestait  entre  elle  et  Jean-Henri, 
il  imagina  de  faire  entrer  le  Tyiol 
dans  sa  maison  en  la  faisant  épou- 
ser à  son  fils  aine,  il  fallait  un  divorce 
pom*  arriver  là.  Maiguerite  se  prêta 
sans  peine  au  projet  qui  devait  la  dé- 
livrer dun  lien  odieux  pour  elle  et  la 


MàR 


i»7 


faire  bru  de  l'empereui",  et  les  scènes 
de  la  comédie  à  jouer  furent  arran- 
gées à  l'avance.  Elle  présenta  requête 
formelle  à  l'empereur  (ISil),  à  l'effet 
de  voir  dissoudre  un  mariage  qui 
n'avait  jamais  pu  être  consommé  ,  et 
elle  offrit  de  prouver  par  serment , 
en  entrant  dans  des  détails  dune 
excessive  minutie,  que  ladite  impos- 
sibilité provenait  non  d'elle ,  mais  de 
Jean-Henri.  L'empereur,  au  lieu  de 
(ominetli-e  cette  affaire  à  un  tribmial 
ecclésiastique,  comme  c'était  l'usage  à 
cette  époque,  nomma  lui-même  une 
commission  et  voulut  v  siéger  en  per- 
sonne. Il  parait  que  Marguerite  dé- 
montra plus  qu'abondamment  et  l'ir- 
rémédiable insuffisance  du  prince  de 
Bohème ,  et  linépuisable  complais 
sauce  par  laquelle  elle  avait  tâché  d'y 
remédier.  On  devine  le  jugement  qui 
s'ensuivit  ,  et  que  sans  doute  n'eût 
pas  rendu  aussi  facilement  un  tribu- 
nal impartial,  à  plus  forte  raison  l'É- 
ghse,  à  plus  forte  raison  encore  les 
agents  du  pape,  qui  étaient  en  lutte 
ouverte  et  acharnée  avec  Louis  de 
liavière.  Piesque  aussitôt  la  comtesse 
du  Tyrol  donna  sa  main  au  fils  aînc 
de  l  empereur,  à  Louis-l'Ancien  ,  à 
qui  son  père  av..it  cédé  le  margra- 
viat de  Brandebourg ,  mais  qui  bien- 
tôt se  le  vit  contester  et  enlever  mo- 
mentanément par  les  antagonistes 
de  sa  maison.  Dans  l'intervalle,  Mar- 
guerite à  la  glande  bouche  était  de- 
venue mèie  de  Mainard  V,  que  kous 
verrons  régner  on  Tvrol ,  et  dont  la 
naissance  achevait  d  exaspérer  la  mai- 
son de  Luxembourg,  en  prouvant  que 
les  motifs  de  divorce  allégués  par  la 
comtesse  n'étaient  pas  dénués  de  toute 
vérité.  A  peu  prés  au  moment  oii  le 
chevaleresque  Jean  de  Bohême  se  fai- 
sait tuer  à  Crécv,  son  parti  élut,  en 
opposition  à  Louis  de  Bavière,  le  jeune 
Charles  IV,  qui  sur-le-champ  se  mit 


438 


MAR 


MAR 


en  devoir  de  faire  la  guerre  directe- 
ment à  Louis  lui-même  (1346).  Quant 
au  Brandebourg,  pour  l'arracher  à 
Louis-l'Ancien,  on  s'avisa  de  ressus- 
citer, vingt-sept  ans  après  qu'il  avait 
été  dûment  enseveli  et  enterré ,  le 
margrave  Valdemar  (le  dernier  de  la 
branche  brandebourgeoise  de  la  fa- 
mille ascanienne);  et,  ce  dont  nous 
nous  étonnons,  des  hommes  judicieux 
et  savants  ont  pu,  jusque  dans  ces  der- 
niers temps,  soupçonner  que  la  réap- 
y)arition  de  Valdemar  ne  fut  point 
une  imposture.  Combien  est-il  sim- 
ple que  le  peuple  ,  toujours  ami  du 
merveilleux,  se  soit  hâté  de  croire  à 
la  miraculeuse  aventure  !  A  peine  l'ex- 
meunier  Hundeloff  (tel  semble  avoir 
été  le  nom  réel  du  faux  Valdemar) 
eut-il  mis  le  pied  en  Brandebourg, 
suivi  de  quelques  troupes  du  prince 
d'Anhalt  et  du  duc  Rodolphe  de  Saxe- 
Wittenberg,  et  racontant  ses  pèleri- 
nages, ses  travestissements,  ses  mal- 
heurs, son  incognito,  que  presque 
tout  le  margraviat  se  déclara  pour 
lui  (1347),  et  que  toutes  les  villes  lui 
ouvrirent  leurs  portes,  sauf  Francfort- 
sur-l'Oder  et  Wrietzen.  Louis  de  Ba- 
vière venait  de  mourir.  Les  événe- 
ments de  la  lutte  qui  suivit  n'appar- 
tiennent pas  proprement  à  l'histoire 
de  Marguerite.  Pour  l'empire  même, 
elle  ne  dura  pas  trois  ans  :  la  mort 
de  l'anti-César  Gonthier  de  Schvvarz- 
hourg ,  le  deuxième  coiu'onnemeut 
de  Charles  IV  «pii,  sans  respect 
pour  les  principes,  se  trouvait  ainsi 
réunir  tous  les  suffrages,  enfin  la  sen- 
tence de  l'électeur  palatin,  qui  annu- 
lait toute  pretention  de  Charles  IV  et 
de  son  frère  à  la  Caiinthie,  au  Tyrol 
et  à  Gœrz,  et  qui  reconnaissait  les 
droits  de  Louis-l'Ancien  sur  le  mar- 
graviat de  Brandeboing,  mirent  fin  à 
la  guerre  générale.  Mais,  <lans  le 
Brandebourg,  elle  se  prolongea  jus- 


qu'en 1355.  Le  prétendu  Valde- 
mar avait  trouvé  de  l'appui  dans 
l'affection  des  Brandebourgeois  atta- 
chés à  la  maison  d'Aschcrsleben ,  et 
d'autre  part  les  princes  d'Anhalt,  qui, 
formant  une  autre  branche  de  cette 
maison ,  faisaient  valoir  des  préten- 
tions, spécieuses  au  moins,  sur  le  mar- 
graviat, favorisaient  de  toute  leur 
force  une  fraude  qui  provisoirement 
écartait  la  maison  étrangère,  et  dont, 
à  la  mort  de  Hundeloff,  ils  espéraient 
bien  recueillir  le  prix.  Enfin  pour- 
tant il  fallut  céder ,  et  le  prétendu 
Valdemar  donna  sa  place  (1355), 
au  frère  de  Louis-l'Ancien  ;  car  dès 
1354  Louis,  par  le  traité  de  Luckau, 
avait  tioqué  son  margraviat  avec  son 
frère  contre  la  Haute-Bavière,  vu  le 
voisinage  du  Tyrol.  Il  ne  survécut 
que  huit  ans  à  ee  pacte,  et  mourut 
en  1362.  Son  fils  Mainard  V,  très- 
jeune  encore,  mais  qui  avait  été  marié 
en  1359  à  Marguerite  d'Autriche,  fille 
du  duc  Albert  H,  lui  succéda  en  Haute- 
Bavière,  et  fut  comme  le  co-régcnt 
de  Marguerite  en  Tyrol;  mais  il  mou- 
rut, le  13  j.invier  de  l'année  suivante, 
d'un  verre  d'eau  froide  que  lui  avait 
donné  sa  mère  au  retour  de  la  chasse. 
Il  ne  laissait  point  d'enfants.  Margue- 
rite, toujours  comtesse,  et  qui  n'avait 
jamais  cessé  de  l'être  de  droit,  tandis 
que  «on  fils  n'avait  de  puissance  en 
Tyrol  que  celle  qu'elle  lui  transmettait, 
dut  alors  songer  à  régler  sa  succes- 
sion. Llle  appartenait  naturellement 
(  pour  ne  j)oint  parler  des  droits  féo- 
daux que  pouvait  revendiquer  le  suze- 
rain) aux  descendants  de  sa  tante,  la 
fille  de  Mainard  IV,  et  notamment  à 
l'aîné  Albert-le-Sagc  ou  à  ses  repré- 
«entants,  frères  de  sa  bru,  la  jeune 
veuve  (le  Maynard  V.  (Vest  en  leur 
faveur  «ju'ellc  »e  prononça.  Mais  il 
ne  suffit  point  à  ces  héritiers  pré- 
somptifs de  se  faire  concéder  par  tes- 


MAR 

lament  l'expectative  du  Tyrol;iIs  ma- 
nœuvrèrent si  bien  qu'ils  déterminè- 
rent leur  tante  à  abandonner  son 
comté,  dont  elle  ne  garda  que  quel- 
ques châteaux.  Probablement  les  ducs 
d'Autriche  prenaient  là  une  prudente 
précaution  en  se  mettant  incontinent 
en  possession  d  un  pays  qui  ne  leur 
fut  point  contesté  à  la  mort  de  Mar- 
guerite ,  et  qui  l'eût  été  faute  de  ce 
soin  ;  mais  il  n'en  est  pas  moins  cu- 
rieux de  remarquer  ^vec  combien  de 
sollicitude  et  de  persévérance,  dès  ce 
temps,  la  maison  d'Autriche  mettait 
en  pratique  la  fameuse  maxime  :  Tu, 
felix  Au'Stria,  nubc.  P — OT. 

MARGUERITE  (  Josepu  -M*  - 
r.iE  SoLAR,  comte  de  la),  né  à  Mon- 
dovi,  en  1644,  descendait  d'une  fa- 
mille du  Piémont,  qui  s'était  tour-à- 
tour  illustrée  par  les  armes  ,  dans  la 
robe  et  la  diplomatie.  Il  entra  de 
bonne  heure  dans  la  carrière  mili- 
taire, et  devint  l  un  des  officiers  les 
plus  distingués  des  armées  de  Victor- 
Amé  II ,  duc  de  Savoie.  Lors  du  siège 
de  Turin,  en  1706,  par  les  Français, 
ce  prince,  croyant  plus  utile  à  ses 
intérêts  de  tenir  lui-même  la  campa- 
gne à  la  tête  de  sa  cavalerie ,  quitta 
sa  capitale,  et  en  confia  la  défense  à 
la  fidélité  et  surtout  à  la  bravoure ,  à 
!  habileté  de  tiois  hommes  qui  s'y 
immortalisèrent  :  le  maréchal  Dàiin, 
chef  suprême  ;  le  m.trquis  de  Carail  , 
commandant  général  de  la  ville,  et  le 
comte  Solar  de  la  Marguerite,  com- 
mandant de  l'artillerie.  Turin  fut  in  • 
vesti  le  13  du  mois  de  mai;  le  bom- 
bardement commença  le  8  juin ,  et 
ne  cessa  que  le  8  septembre,  jour  où 
cette  ville  fut  délivrée  par  le  prince 
Eugène.  Tout  ce  que  l'attaque  a  de 
plus  savant  et  de  plus  rusé ,  de  plus 
incessant  et  de  plus  cruel  même, 
fut  employé  pendant  le  jour  et  la 
nuit.  Le  16  juin ,  les  assiégeants  tirè- 


MAB 


139 


rent,  dès  le  point  du  jour,  à  boulets 
rouges  sur  le  palais  ducal ,  où  était  la 
cour.  Le  désir  de  vaincre  et  de  cou- 
ronner, par  la  prise  d'une  capitale, 
la  série  des  brillantes  victoires  du 
long  règne  de  Louis  XIV,  anima  pen- 
dant quatre  mois  quatre-vingt  mille 
hommes  que  commandaient  degrands 
capitaines  et  le  vainqueur  de  Cassel, 
tous  formés  à  l'art  de  vaincre  et  de 
sm'monter  tous  les  obstacles  par  Tu- 
i-enne  et  Condé,  par  Catinat  et  Luxem- 
bourg. Trois  cents  bouches  à  feu  fou- 
droyèrent sans  relâche  les  remparts, 
la  ville  et  la  citadelle.  Si  l'attaque  fut 
homérique  par  le  nombre  et  la  valeur, 
quelle  ne  dut  pas  être  la  défense,  ré- 
duite à  un  petit  nombre,  et  privée 
des  ressources  du  dehors  jusqu'à  l'ar- 
rivée du  prince  Eugène,  qui,  des 
bords  de  l'Adriatique  jusqu'à  Turin  , 
avait  à  vaincre  ou  à  tromper  la  vi- 
gilance du  duc  de  Vendôme ,  ce 
qu'il  fit  avec  un  grand  succès.  Enfin, 
Turin  fut  déli\Té  le  7  septembre 
{voj.  MARcnix,  dans  ce  volume).  Le 
comte  de  la  Marguerite  partagea,  avec 
le  maréchal  Daiin  et  le  marquis  de 
Carail,  la  gloire  d'avoir  défendu  cette 
capitale,  et  il  eut  encore  l'honneur 
d'être  l'historien  d'un  fait  d'armes 
aussi  mémorable ,  en  publiant  le 
Journal  historique  du  sié^e  de  la  ville 
et  de  la  citadelle  de  Turin  ,  ouvrage 
que  l'homme  d'Htat ,  l'historien ,  le 
guerrier  surtout,  liront  toujours  avec 
un  vif  intérêt.  On  y  remarque  im 
trait  de  modestie  bien  rare,  et  qui 
n'appai'tient  qu'aux  hommes  supé- 
rieurs; l'auteur,  quoique  I  un  des 
principaux  acteurs  de  cet  événement, 
ne  se  cite  lui-même  nulle  part.  Ce 
Journal  est  écrit  en  français  et  divisé 
en  trois  parties  :  la  première  olfie  le 
récit  des  opérations  de  chaque  jour; 
la  seconde,  un  rapport  officiel  des 
opérations  de  l'artillerie,   et  la  troi- 


140 


MAR 


MAR 


sième,  la  correspondancq  de  Victor- 
Amédée  11  avec  le  maréchal  Daiin 
et  le  prince  Eugène.  C'est  dans  cette 
correspondance  qu'on  peut  se  faire 
une  idée  juste  des  ressources  prodi- 
gieuses de  ces  deux  princes  guerriers 
qui  avaient  à  sauver,  l'un  la  capitale 
de  ses  États,  et  tous  deux  la  gloire  at- 
tachée aux  armes  de  leur  antique 
maison  et  à  leur  propre  renommée. 
Cette  troisième  partie  a  été  ajoutée, 
avec  de  beaux  plans  représentant 
les  opérations  successives  des  assié- 
geants et  des  assiégés,  à  la  cinquième 
édition  qu'a  publiée,  en  1 838,  un  des 
descendants  de  l'auteur,  le  comte 
Clément  Solar  de  la  Marguerite,  mi- 
nisti-e  des  affaires  étrangères  à  la  cour 
de  Sardaigne  ;  c'est  la  meilleure  et  la 
plus  complète  :  elle  forme  un  vol.  in- 
4°.  G— G— Y. 

MAHGUNIUS   ou  MARGU- 

NIO  (Maxime),  savaut  littérateur  et 
poète  grec,  était  né  vers  1530  dans 
l'île  de  Candie.  Son  père,  riche  négo- 
ciant, l'ayant  amené  fort  jeune  à  Ve- 
nise où  il  avait  une  maison  de  com- 
merce, l'envoya  continuer  ses  études 
à  l'université  de  Padoue.  Il  y  suivit 
quatre  ans  les  cours  de  philosophie, 
de  littérature,  de  théologie,  et  s'ac- 
f[uit  par  la  rapidité  de  ses  progrés 
l'estime  de  ses  maîtres.  Après  la  mort 
de  son  père,  il  ctabHt  à  Venise,  dans 
le  voisinage  du  couvent  de  Saint- 
Antoine,  une  imprimerie,  d'où  sont 
sorties  de  nombreuses  éditions  grec- 
ques ,  estimées  surtout  par  leur 
correction.  L'incendie  qui  consuma 
le  couvent  de  Saint-Antoine,  anéan  • 
til  en  même  temps  l'atelier  et  les 
magasins  de  Margunius.  Ruiné  par 
cet  accident,  il  repassa  dans  l'île 
de  Candie  avec  l'espoir  (pic  sa  fa- 
mille viendrait  à  son  secours  et  l'aide- 
)-ail  à  se  relever.  Mais,  trompé  dans 
cette  attente,  et  ne  sachant  quel  parti 


prendre,  il  embrassa  la  vie  monasti- 
que dans  l'ordre  des  Hiéronymites.  Ce 
fut  alors  qu'il  changea  le  nom  de 
3'Ianuel  (1),  qu'il  avait  reçu  au  baptê- 
me, contre  celui  de  Maxime  qu'il  a 
toujours  porté  depuis.  Ayant  repris 
l'étude  de  la  théologie ,  il  y  devint 
bientôt  très-habile;  mais,  ennuyé  de 
la  vie  des  cloîtres,  il  se  rendit  à  Ro- 
me, apportant  divers  ouvrages  qu'il 
avait  composés  sur  les  points  qui  sé- 
parent les  Grecs  des  Latins,  et  an- 
nonçant le  dessein  de  travailler  à  ré- 
unir les  deux  communions.  Ses  ou- 
vrages furent  soumis  à  la  congréga- 
tion de  l'index;  et,  le  rapport  des 
examinateurs  lui  ayant  été  favorable, 
il  fut  nommé,  vers  1584,  évêque  de 
Cerigo,  et  obtint  en  outre,  du  pape 
Grégoire  XIII,  une  pension  assez 
considérable.  Sixte  V,  successeur  de 
Grégoire,  ayant  conçu  quelques  soup- 
çons sur  la  sincérité  de  ISIargunius, 
ordonna  qu'il  serait  tenu  de  présen- 
ter sa  profession  de  foi,  et  en  atten- 
dant supprima  sa  pension.  Craignant 
la  sévérité  du  pontife ,  Margunius 
s'enfuit  de  Rome,  et  alla  à  Venise  où 
il  s'embarqua  sur  le  premier  bâti- 
ment qui  faisait  voile  pour  le  Levant. 
Il  passa  quelque  temps  à  Constanti- 
noplc,  occupé  de  rechercher  d'anciens 
manuscrits  grecs,  qu'il  adressait  au 
savant  David  Hoeschcl  {voy.  ce  nom, 
XX,  417),  son  ami.  Dans  le  mêin<^ 
temps,  il  eut  l'occasion  de  rendre 
d'importants  seivices  au  commerce 
de  Venise,  et  il  le  Ht  avec  un  zèle 
dont  on  lui  sut  gré.  De  Constantinoplc 
il  se  rendit  à  Cerigo,  puis  à  ('andic 
où  il  enseigna  la  littérature  avec  beau- 
coup de  succès.  .Vu  nombre  de  ses 
disciples  on  compte  le  cc-lèbrc  pa- 
triarche Cyrille-Lucar  {voy.  ce  nom, 
X,  411).  Quoique  déjà  vieux,  il  vou- 

(1)  El  non  pas  Michel,  foinine  le  dit  Papa- 
(lopoli,  Uist.  gymn.  Patav. 


MAR 

lut  encore  visiter  une  fois  les  amis 
qu'il  avait  à  Venise  et  à  Padoue.  De 
retour  à  Candie,  il  y  mourut  en  1602 
âgé  de  près  de  80  ans,  et  fut  inhumé 
dan*5  l'église  de  la  Vierge.  Son  tom- 
beau est  décoré  d'une  épitaphe  en 
vers  iambiques,  rapportée  par  Papa- 
topoli ,  Hiit.  gymnas.  Patavini,  II  , 
265,  où  l'on  trouve  aussi  la  liste  de 
ses  ouvrages.  Outre  une  traduction  la- 
tine du  traité  d'Aristote  :  de  Coloribus, 
Padoue,  1575,  in-8°,  on  se  contentera 
de  citer  :  l.Poemata  sacra  gr.,  Leyde, 
1592,  in-8°;  Hoeschel  en  tut  l'édi- 
teur. II.  Hymni  Anacreontici,  gr.  cum 
inlerpi-et.  lat.  Conr.  Ritterhiisii,  Augs- 
bourg,  1601,  petit  in-S"  rare;  et  dans 
le  Coi-pus  velerum  poélarum  grœc^  II, 
193.  Ces  poésies  sont  très- estimées. 
III.  Dialoçjtis  grœci  cum  latino  de  pro- 
cessione  SpiritûsSaticti^hondiei,  1624, 
in-l",  avec  des  pièces  de  différents 
auteurs  sur  le  même  sujet.  IV.  Meno- 
logium  etc.,  c'est-à-dire  les  vies  des 
saints  de  l'église  grecque,  Venise, 
1629  ou  1630,  in-i".  V.  Des  lettres 
recueillies  par  J.  Laïui  dans  les  Deli- 
cite  Eruditorum,  t.  V  et  VI,  avec  lUie 
notice  assez  exacte  sur  l'auteur  et  le 
catalogue  de  ses  ouvrages.  Gingue- 
né ,  parlant  de  Margunius ,  dans 
son  Hiit.  litlér.  d'Italie^  VII,  2i7, 
renvoie  au  Dict.  de  Bayle  »  oîi,  dit-il, 
«  l'on  peut  voir  les  aventures,  les 
«  projets,  on  peut  même  dire  les  ru- 
"  ses,  et  les  ouvrages  de  ce  savant 
«  Grec.  »  Mais  1  article  Margunius 
par  Bayle  est  un  des  plus  courts  et 
des  plus  insiguiBants  qui  soient  sortis 
de  sa  plume,  et  l'on  n'y  trouve  rien 
qui  puisse  expliquer  l'erreur  de  l'his- 
torien littéraire  de  fltalie.  Au  défaut 
des  livres  que  nous  venons  dindi- 
quer,  il  aurait  mieux  fait  de  renvoyer 
à  la  Bibliotheca  grwca  de  Fabricius 
et  à  \ Histoire  littéraire  de  Tirabos- 
chL  W — ^s. 


MAR 


li^f 


AIARIA  (Jeax),  surnommé  le 
Falconetto,  était  fils  d'un  fi-ère  uté- 
rin d'Etienne  da  Zevio,  peintre  re- 
nommé de  son  temps.  Il  naquit  en 
1458,  et  reçut  de  son  père  les  prin- 
cipes du  dessin.  Il  cultiva  d'abord  la 
peinture,  mais,  peu  satisfait  de  ses 
premiers  essais,  il  se  tourna  vers  l'é- 
tude de  l'architecture  et  dessina  avec 
soin  tous  les  restes  de  l'antiquité  que 
Vérone,  sa  patrie,  renfermait  dans 
son  sein.  Il  se  rendit  ensuite  à 
Rome,  et,  pendant  douze  années  qu'il 
y  résida,  il  continua  de  dessiner  et  de 
mesurer  les  anciens  monuments,  re- 
cherchant jusqu'aux  moindres  frag- 
ments de  corniches,  de  colonnes  ou 
de  chapiteaux.  Il  copia  également  tous 
les  morceaux  de  sculpture  qui  furent 
découverts  de  son  temps.  Ayant  poussé 
ses  excursions  jusque  dans  le  royau- 
me de  Xaples,  et,  riche  de  tant  de 
trésors,  il  revint  dans  sa  patrie  où, 
par  suite  des  guerres  civiles ,  il  ne 
put  exercer  ses  talents,  comme  aichi- 
tecte.  Il  se  remit  alors  à  la  peinture. 
Tant  que  fempereur  fut  maîti-e  dans 
Vérone,  Falconetto,  qui  était  renommé 
pour  sa  valeur  personnelle,  reçut  plu- 
sieurs marques  de  faveur;  mais  lors- 
que les  Vénitiens  y  furent  rentrés,  il 
dut  s'en  exiler,  et  se  réfugia  à  Trente 
où  il  exerça  de  nouveau  la  peinture. 
Le  calme  étant  rétabli  dans  les  États 
de  Venise ,  il  revint  à  Padoue.  Le 
cai'dinal  Bembo  lui  procura  la  con- 
naissance de  Louis  Comaro,  noble 
vénitien,  qui  le  prit  en  si  grande  ami- 
tié qu'il  le  logea  chez  lui,  et  pendant 
22  ans  qu'il  vécut  encore  ,  Falconetto 
n'eut  point  d'autre  demeure.  Ce  fut 
alors  qu'il  éleva  pour  son  bienfai- 
teur la  belle  et  magnifique  loge  du 
palais  Comaro,  à  Padoue.  Il  construi- 
sit ensuite  une  porte  d'ordre  dorique 
au  palais  du  commandant  de  la  pro- 
vince, et  deux   des  portes  de  la  ville^ 


MAR 


l'une  qui  est  du  côté  de  Vicence  et 
l'autre  appelée  Savonarola.  Ces  trois 
monuments,  remarquables  par  la 
grandeur  du  style,  consolidèrent  sa 
réputation.  Il  fit,  dans  le  même  temps, 
les  dessins  et  le  modèle  de  l'église  de 
Sainte-Marie-des-Grâces ,  de  l'ordre 
de  Saint- Dommique,  et  cet  édifice 
passe  pour  un  des  plus  beaux  de  la 
ville  de  Padoue.  Il  avait  commencé  la 
construction  d'un  palais,  sur  l'em- 
placement du  château  d'Usopo,  dans 
le  Frioul,  appartenant  à  Jérôme  Sa- 
vorgnano,  mais  la  mort  de  ce  sei- 
gneur interrompit  les  travaux,  et 
Falconetto  dut  abandonner  un  édi- 
fice, qui,  si  l'on  en  juge  par  les 
plans  et  par  ce  qui  était  élevé,  aurait 
été  une  chose  vraiment  admirable. 
L'étude  particulière  qu'il  avait  faite 
de  l'antique  avait  agrandi  son  style 
et  ses  idées,  et  l'on  peut  le  regarder 
comme  le  premier  qui  ait  introduit 
à  Vérone ,  à  Venise  et  dans  les 
contrées  voisines  le  goût  de  la 
bonne  architecture.  Contemporain  de 
Frà  Giocondo  et  de  Micl\cl  Sanmi- 
chele,  il  mérite  d'être  associé  à  ces 
deux  habiles  artistes.  Il  mourut  en 
1334,  Agé  de  76  ans.  Louis  Cornaro, 
avec  lequel  il  avait  demeuré  pendant 
22  ans,  voulut  que  leur  amitié  sur- 
vécût même  à  la  mort,  et  ordoima 
qu'ils  fussent  ensevelis  tous  deux 
dans  le  même  tombeau.  Falconetto 
eut  neuf  enfants,  six  filles  et  trois 
fils  dont  deux  cultivèrent  la  pointure; 
le  troisième,  qui  prit  le  parti  des  ar- 
mes, fut  tué  sous  les  murs  de  Turin, 
d'un  coup  d'arquebuse.  Comme  pein- 
tre, Falconetto  a  laissé  peu  d'ouvra- 
ges; mais  ils  jouissent  d'une  grande 
estime,  particulièrement  ses  fresipies. 
—  Jacijues  Maria,  sou  frère,  a  exé- 
cuté un  grand  nombre  de  tableaux 
à  Roveredo  ,  à  Vérone  ,  et  dans 
d'autres  villes  de  cette  contj'éc.  Doué 


MÂR 

d'un  talent  particulier  pour  peindre 
les  animaux  et  les  fruit» ,  il  a  laissé 
en  ce  genre  beaucoup  de  dessins  co- 
loriés très-précieux,  dont  une  grande 
partie  fut  apportée  en  France  par 
Galeazzo  Mondello  ,  habile  dessina- 
teur et  graveur  en  pierres  fines.  — 
François  di  Maria,  peintre  napolitain, 
élève  du  Dominiquin, naquit  en  1623. 
Il  travaillait  avec  lenteur  ,  difficul- 
té et  mérita  mieux  que  son  maître  le 
reproche  d'être  lent  et  irrésolu.  Ses 
ouvrages  sont  peu  nombreux;  mais 
ceux  que  l'on  connaît  suffisent  pour 
lui  assurer  une  juste  réputation.  On 
vante  particulièrement  le  Martyre  de 
saint  Laurent,  qu'il  a  peint  pour  k\s 
Conventuels  de  Naples,  et  plusicur.'^ 
portraits  pleins  de  naturel  et  de  vie. 
Un  d'entre  eux  fut  exposé  publique- 
ment à  Rome  avec  deux  autres  por- 
traits, dont  l'un  était  de  Rubens  et 
l'autre  de  Van-Dyck,  et  au  jugement 
du  Poussin,  de  Piètre  de  Cortone  et 
d'André  Sacchi,  celui  de  Maria  rem- 
porta la  palme.  Cet  artiste  peignait 
tellement  dans  le  genre  du  Domini- 
quin, que  plusieurs  de  ses  tableaux^  ' 
ont  été  vendus  très-chèrement  comme 
étant  de  ce  maître.  En  effet,  il  lui 
ressemble  dans  toutes  les  qualités 
que  l'art  et  le  travail  peuvent  don- 
ner; mais  il  ne  put  jamais  acquérir 
cette  grâce  naïve  tlont  la  nature  avait 
été  si  libérale  envers  Zampieri,  Aussi 
Luc  Giordano  disait-il  de  lui,  <p'il 
savait  fort  bien  mettre  les  muscles 
sur  les  os,  mais  que  ses  figures,  qnoi- 
(|u'elles  fussent  belles,  paraissaient 
toujours  iuaniinces.  ('et  artiste  mou- 
rut en  1690.  — Le  chevalier  Hercule 
de  Maria,  surnommé  aussi  EtxioUno 
di  Gtiidn,  naquit  à  Rologne  et  mou- 
rut jeune  encore  à  Rome,  sous  le  pon- 
tificat d'Urbain  VIII.  Il  fut  élève  du 
Gui<le,  et  imita  si  bien  la  manière  de 
son    matti-e ,  que  ce    dernier  ayant 


MAR 

peint  un  tableau  à  moitié  seule- 
ment, Hercule  le  copia,  et  ayant  subs- 
titué sa  copie  sur  le  chevalet ,  le 
Guide,  sans  s'apercevoir  de  la  trom- 
perie, continua  de  peindre  comme  si 
c'eût  été  l'original.  Aussi  l'employait- 
il  volontiers  à  répéter  ses  composi- 
tions, et  Ion  connaît  deux  tableaux 
de  ce  genre  d'une  grande  beauté, 
quoique  ceux  qu'il  a  faits  d  après 
lui-même  leur  soient  supérieurs  pour 
le  choix  du  style  et  la  perfection  de 
l'exécution.  On  y  remarque  une  faci- 
lité et  un  maniement  de  pinceau  que 
les  plus  habiles  n'ont  pu  atteindie. 
Ce  talent  le  fit  admirer  à  Rome  mê- 
me ,  et  Urbain  VIII  le  créa  chevalier, 
honneur  qui  n'avait  été  accorde  à 
aucun  copiste.  P — s. 

MAAIA  (HbSRI  -  AXTOISE    DE      U 

FiTE-),  né  à  Pau,  en  1679,  de  parents 
nobles  engagés  dans  Ihérésie  de 
Calvin,  se  convertit  au  catholicisme,  et 
embrassa  létat  ecclésiastique.  Il  né  ■ 
tait  encore  que  minoré  quand  il  fut 
nommé  abbé  commeudatairedeSaint- 
Polycarpe,  de  l'ordre  de  Saint-Benoît. 
Cette  mai«on,  située  dans  le  voisi- 
nage d'Aleth,  diocèse  de  Narbonne, 
avait  été  fondée,  vers  l'an  811  ,  par 
Attale,  riche  Espagnol,  qui,  ne  pou- 
vant souffrir  le  joug  des  Sarrazins  , 
était  venu  s'établir  dans  la  Septi- 
manie  ,  au  comté  de  Razès.  Comme 
la  plupart  des  autres  monastères  , 
après  avoir  eu  à  es  commencements 
pleins  de  ferveur,  celui  de  Saint-Po- 
lycarpe  s'était  relâché  ;  et  les  religieux, 
réduits  à  un  petit  nombre,  y  vivaient 
dans  un  désordre  scandaleux,  lors  de 
la  nomination  de  labbé  de  Maria,  en 
1705.  Le  nouveau  commendataire 
pensa  dès  lors  à  les  réformer;  et  , 
après  avoii'  tenté  vainement  de« 
moyens  de  conciliation,  il  mit  sérieu- 
sement la  main  à  l'œuvre  en  1714,  et 
vit  alors  tous  les  anciens    moines  se 


MAR  14| 

retirer,  à  l'exception  du  prieur,  qui 
resta  encore  quelque  temps.  Secondé 
par  Taffoureau  ,  évêque  d  Aleth  ,  et 
surtout  par  La  Berchère  ,  archevê- 
que de  ^Narbonne ,  Maria  réussit  à 
réformer  cette  abbaye,  qui  devint  fa- 
meuse au  dernier  siècle,  par  son  aus- 
térité, son  obstination  dans  le  jansé- 
nisme et  sa  destruction.  Le  premier 
projet  de  l'abbé  avait  été  d'y  faire 
entrer  deux  rdigieux  de  Sept-Fonts, 
et  c'eût  été  im  grand  bonheiu*,  mais  il 
fut  détourné  de  ce  dessein  par  l'ar- 
chevêque de  Karbonne,  qui  lui  re- 
pré:senta,  entre  autres  difficultés,  que 
son  abbaye  n'était  pas,  comme  Sept- 
Fonts,  de  l'ordie  de  Citeaux.  il  faut 
remarquer  que  Maria  avait,  à  tort  ou 
à  raison,  fait  rentrer  son  abbaye  sous 
la  juridicdon  de  l'ordinaire.  Il  ré- 
tablit donc  la  stricte  observance  de 
la  règle  de  Saint-Benoît,  secondé  quel- 
que temps  par  deux  religieux  du 
prieuré  réformé  de  Perrecy ,  qui  ne 
connurent  pas  et  se  retirèrent.  Il  re- 
çut diflFérents  sujets;  mais  la  mort 
les  moissonna  bientôt ,  et  jamais  le 
nombre  des  religieux  ne  fut  consi- 
déi-able.  Une  difficulté  fit  naître  des 
scrupules  dans  l'esprit  de  quelques- 
uns  ;  Maiia ,  quoique  réformateur  et 
suivant  rigoureusement  la  règle,  n'é- 
tait point  reUgieux  ,  mais  toujours 
abbé  commendataire.  Il  obtint  du  roi 
la  permission  de  tenii-  son  abbaye  en 
règle,  et  résolut  d'embrasser  l'état  re- 
ligieux, ce  qu'avaient  déjà  fait  deux 
célèbres  abbés  commendataires,  Ran- 
cé  et  Beaufort.  Il  se  trouva  aussi  pour» 
vu,  en  1720,  d'un  bref  du  pape  qui 
lui  donna  la  même  autorisation. 
Mais  des  raisons  de  santé  et  d'autres 
le  détournèrent  de  ce  dessein ,  et  il 
resta  abbé  séculier.  On  avait  déjà  paré 
à  cet  inconvénient  ,  car  l'archevêque 
de  ^Narbonne,  et ,  après  sa  mort,  le 
chapitre  métropolitain,  lui  donnèrent 


144 


MAR 


des  lettres    de  vicaire-général.  On   a 
écrit,  et  on  ne  peut  le  nier,  que  l'abbé 
Maria  penchait  pour  le  jansénisme,  et 
qu'il  faisait  lire  dans  sa  maison  le  livre 
de  ta  fréquente  communion,  les  Essais 
de  morale,  les  Instructions  de  Singlin. 
Cependantil  avait  signé  le  Formulaire, 
il  avait  accepté  la   Bulle  IJnigenitus  , 
enfin  il  était   loin  de  partager  toutes 
les    opinions    du  parti,  et  il  blâmait 
hautement  la   conduite    du   fameux 
Colbert  ,    évêque  de  Montpellier.  Si , 
après   sa  mort,    ceux    qui  dirigèrent 
Saint-Poly carpe  avaient  gardé  l'esprit 
de  réserve  et  de  modération  du  pieux 
réformateur,   il  est  certain  que  cette 
maison  eût  pu   éviter  sa  destruction. 
Le  zèle  de  l'abbé  Maria  était  connu 
et  Ini  méritait  la  vénération  de  tous. 
Un  jour  où  il  entra  chez  l'archevêque 
de  Narbonne,  ayant  vu  plusieurs  évo- 
ques qui  jouaient  aux  cai'tes,  et  qui,  à 
son  aspect,  en  parurent   honteux  et 
cherchèrent  à  détourner  son  attention 
en  lui  parlant  des    anciens  religieux 
de  son  abbaye,  il  leur  répondit  froi- 
dement :  «  Ces  religieux  n'avaient  rien 
u  de  leur  état,  ils  étaient  des  buveurs 
u  et   des  joueurs.  »  Tout  le    monde 
garda  le  silence  ;  et  l'archevêque  qui, 
d'ailleurs,  était  un  bon  esprit  ,  trouva 
avec  quelque  raison  <lans  la  réponse 
de  l'abbé  Maria  un  manque  d'égards  ; 
mais  il  ne  lui  en  témoigna  aucun  mé- 
contentement; tant  il  est  vrai  qu'une 
éminente  vertu  porte  avec  elle  un  ca- 
ractère d'autorité  auquel  personne  ne 
peut  se  soustraire.  Vingt  ans  de  tra- 
vaux et  <le  pénitence  avaient  épuisé 
l'abbé  Maria.  Malgré  son  état  <rinfn  - 
mité  habituelle,    il     assistait    régu- 
lièrement à   l'office  divin  de  nuit  et 
de  jour,  n'ayant,  sur  ce  point,   au- 
cun égard  aux  observations  qu'on  pou- 
vait lui  faire.  Dans  le  carême  de  1728, 
il   avait  encore   commencé   le   jeûne 
usité  dan»  sa  maison,  qui  se  prolon- 


MAR 

geait  jusqu'à  vêpres;  mais,  le 4  mars, 
n'ayant  pu  aller,  suivant    son    désir, 
recevoir  les  sacrements  à  l'église ,  il 
expira  dans  sa  chambre,  et  l'on  n'eut 
que  le  temps  de  lui  administrer  l'ex- 
trcme-onction.  il  était  âgé  de  48  ans 
et  quelques  mois,  et  fut  inhumé  dans 
le  cimetière  de  son  abbaye.  Après  sa 
mort,  l'esprit  d'opposition  et  de  dis- 
pute prévalut  à  St-Polycarpe  ;  ce  qui 
amena   la  dissolution  de  cette  com- 
mvmauté  célèbre.  —  Un  autre  M*im* 
(LaFite-),  frère  du  réformateur,  vivait 
dans  l'abbaye,  et  y  déclamait    sans 
ménagement   contre  la  bulle  et   les 
évêques.    On    l'éloigna   du   couvent; 
mais  l'esprit  de  dispute  y  resta,  et  le* 
appelants  ne  cessèrent  pas   d'y  venii 
secrètement.  En  1741 ,  on  fit  défense 
de  recevoir  des  novices.  Les  trois  re- 
ligieux restants ,  vénéraient  des  reli- 
ques de  Soanen  et  de  Paris;  ils  appelè- 
rent de  la  bulle  Unigenitus,  en  1747. 
Le  9  avril  1773,  le  dernier,  D.  Pierre, 
fut  assassiné  dans  l'abbaye  qu'il  n'a- 
vait pas  voulu   abandonner,  sans  que 
l'on  ait  pu    connaître  les  auteurs    de 
ce  crime.  Les   biens    du    monastère 
furent  donnés  au  séminaire  de  ÎS'ar- 
bonne,  tenu  par  les   lazaristes.  Ainsi 
finit  cette  maison  qui  avait  fait  beau- 
coup de  bruit  et  qui    déclina  visible- 
ment  dès   qu'elle  fut   lancée  dans  le 
parti  des    novateurs.    On    peut   con- 
sulter sur  la  célèbre  abbaye  de  Sain  (- 
Polycarpe  ['Histoire  générale  du  Lan- 
guedoc, t.  I",    p.  435.  I;Mistoire  de 
cette  maison   a  été  écrite  en  1779  et 
en  1785  :  la  première  par  Heynaud, 
curé   ai)pelant  du  diocèse  d'Auxerre: 
lautre  pari).  Labat.  15 — n — k. 

MARIALVA  de  Afeuezès  (An- 
TOiNK-Ixins  de),  comte  de  Catanhèdc, 
d'une  famille  dont  la  noblesse  vc- 
inoule  au  XIV  siècle  (voy.  MAniAi.v*, 
XXVII,  41),  était,  en  1657,  conseillei- 
d'état  d'Alphonse  VI,  roi  de  Portujjal. 


MAB 

Ce  personnage  possédait  une  grande 
habileté  dans  la  politique  et  dan»  la 
guerre.  Il  se  montra  également 
propre  au  commsundement  et  à 
l'obéiâsance.  Nommé,  en  1658.  gou- 
verneur de  lAlentéjo.  il  partit,  le 
20  novembre ,  pour  cette  province 
qu'il  trouva  dans  un  pitoyable  état. 
Elle  n'avait,  pour  se  défendre  contre 
[es  Castillans,  que  deux  mille  hommes 
d'infanterie  et  huit  cents  chevaux.  En 
rendant  compte  de  la  triste  situation 
de  l'Alentéjo  a  la  reine-régente  (Louise 
de  Guzman),  il  lui  promit  d'aller 
bientôt  délivrer  Elvas  que  lennemi 
tenait  bloquée.  Marialva  tint  |>arole. 
Après  avoir  rassemblé  une  petite  ar- 
mée ,  formée  en  grande  partie  des 
garnisons  de  plusieui'S  places,  il  part 
d'Estremos,  le  12  janvier  1659.  Dé» 
le  lendemain  il  se  trouve  en  présence 
d'une  armée  de  beaucoup  supérieme 
à  la  sienne.  On  vient  lui  appreudie 
que  les  Castillans  ont  forliâé  leur 
camp ,  de  manière  a  pouvoir  tres- 
commodément  canonner  les  Portu- 
gais. Cet  avis  ne  change  rien  a  la  ré- 
solution qu'il  a  prise ,  de  délivrer 
El  vas  d'un  siège  dont  elle  soulirc 
horriblement.  Pour  se  faire  voir  à  son 
armée,  il  va  se  poster  s  m  i- 

nence.  Là,  entouré  de  tu  li- 

ciers, il  leur  adresse  une  haïaiigne 
très-véhémente,  où  il  leiu-  rappelle  les 
nombreux  triomphes  qu  ils  ont  rem- 
portés sur  les  Castillans,  leurs  de- 
voirs, leur  valeur ,  les  malheurs 
d'Elvas  qui  les  attend  avec  impatience 
et  va  les  proclamer  tes  restaurateurs  de 
ta  liberté.  Ce  discours  ,  prononcé 
avec  chaleur,  est  accueilli  par  tics  cris 
de  joie.  Le  général ,  profitant  de  ce 
nu>ment  d'enthousiasme,  range  son 
ai'mée  en  bataille  ,  et  marche  à  l'at- 
*  que  des  retranchements  ennemis. 
-  Castillans,  qui  ne  s  attendaient  pas 
i  être  attaques  ?i  piomptetnent,  ae 
Lxua. 


MAR 


Uî 


troublent  ,  s'épouvantent.  Leurs  re- 
tranchements sont  emportés;  ils  fuient 
en  désordre  vers  Badajoz,  précé- 
dés de  quelques  heures  par  leiU'  chef, 
don  Louis  de  Haro.  Marialva  fait 
poursuivre  les  Castillans  dont  un 
grand  rjombre  se  noient  au  passage  de 
la  Caya  et  de  la  Guadiana ,  et  on  leur 
enlève  un  butin  immense.  Maii  la 
joie  de  cette  victoire  lut  empoisonnée 
par  la  perte  d'cm  illustre  guerriei 
{voy.  André  d'AiBUQUEHQCï: ,  1 ,  430). 
Marialva  enti-e  dans  Elvas  aux 
acclamations  du  peuple ,  accouru 
pour  le  remercier  de  sa  délivTance. 
et  des  provisions  qu'il  lui  apportait, 
l-e  résultat  de  cette  journée  fut  d'une 
haute  importance  pour  la  nation.  I.e 
vainqueur  d'Elvas,  appelé  parla  reine, 
se  rendit  bientôt  à  Lisbonne  où  les 
grands  et  le  peuple  l'accueillirent  avec 
des  en-  -t  des  signes  de  res- 

pect. 1 .  1-  présenta  à  la  Cour, 

le  jeune  roi  ,    .Alphonse  VI,  fit  quel- 
ques pas  au-devant  de  lui.  Marialva  ne 
--  enorgueillit  point  d'une  si  brillante 
leception.   Durant  quelques   jours  il 
tut  au  comble  de  la  faveur;  la  reine 
ne  faisait,  n'ordonnait  rien,  sans  le 
consulter;  mais  ce  crédit  fut  de  coiu-te 
durée.  Il  avait,  dans  le  comte  d'Odé- 
uijra,  un    rival   ambitieux,    souple, 
adroit ,   qui  le  supplanta  dans  la   fa- 
\env  de  la  reine,  et  qui,  voulant  l'hii- 
miiier ,  vint  lui  foire  des   offres   de 
service.    Le     guerrier     lui    répondit 
qnil  fallait  réserver  les  grâces  de  la 
Cour  pour  la  noblesse  inférieure  peu 
favorisée   par  la   fortune  ;    que  poiw 
lui  et  ses  pareils,  ils  n  avaient  besoin , 
pour  récompense  de  ce  qu'ils  avaient 
fait ,    que    de    l'honneur    de    servir 
utilement  la  patrie  et  le  roi.  Cette  no- 
ble réponse  excita  au   plus  haut  de- 
gré ladmiration  publique.  Vers  la  fin 
de  1639,  Marialva  hit.  en  sa  qualité  de 
secrétaire-d'Etat  vecdeuxde 

10 


146 


MAR 


ses  collègues,  pour  conférer  avec  un 
ambassadeur  français,  qui  venait  com- 
muniquer à  la  Cour  de  Lisbonne  les 
conditions  auxquelles  elle  pouvait  être 
comprise  dans  le  traité  de  paix  signé 
à  Saint -Jean-de-Luz,  entre  la  France 
et  l'Espagne.  A  la  lecture  de  ces  con- 
ditions destructives  de  l'indépendance 
du  Portugal,  Monezès,  homme  impé- 
tueux, éprouva  une  indignation  vio- 
lente. La  conférence  fut  rompue,  et 
l'ambassadeur    de    France    s'éloigna 
sur-le-champ.  Après  la  mort  de  son 
concurrent,  il  se  trouva  à  la  tête  du 
ministère,  et  ne  partagea  plus  la  fa- 
veur de  la  reine.  D'abord  créé  mar- 
quis de  Marialva ,  puis  gouverneur- 
général  des  armées  de  l'Estramadure, 
il  reçut  quelque  temps  après  le   titre 
de  lieutenant-général   de  toutes    les 
armées  du  royaume.  Cette  haute  di- 
gnité  mécontenta  extrêmement  tous 
les  chefs  de  l'armée,   qui    se    plai- 
gnirent à  la  reine,  en  la  menaçant  de 
se   retirer  dans    leurs     terres.  Cette 
princesse  effrayée  révoqua  aussitôt  le 
titre  qu'elle  avait  accordé  au  marquis 
de  Marialva.  Celui-ci ,  se   montrant 
alors  plus  grand  même  que  ses  com- 
pagnons d'armes,  dit  en  rendant  ses 
lettres-patentes  :  J'obéirai  et  je  mar- 
che pour  servir  mon  roi  et  mon  pays. 
Il  partit   en  effet  sur-le-champ  pour 
l'Alentéjo  où  il  remplit  courageuse- 
ment ses  devoirs,  et  tint  envers  ses 
rivaux  de   gloire  une  conduite  doni 
la  délicatesse  augmenta  l'estime  qu'on 
lui  portait.  Comme  les  Castillans  i\c 
remuèrent   point    dans    les   dernier» 
mois  de  l'année  1661  ,  Marialva  re- 
tourna à  Lisbonne,  après  avoir  com- 
mandé, sous  le  comte  d'Alougia,  les 
troupes  auxiliaires  de  cette  ville  et  de 
rEsUamadurc.  Nommé,  au  commen- 
cement de   1 662  ,  généralissime  des 
armées  de  l'Alentéjo  ,  il  se  rendit  en 
hâte  dans  cette  province  où  son  pre- 


MAR 

raier  soin  fut  de  rassembler  ses  troupes 
et   de    les   pourvoir  de  tout  ce   qui 
leur   était   nécessaire.   Ayant    appris 
que  les  Castillans  menaçaient  Estre- 
mos,  il  vint  camper  aux  environs  de 
cette  ville ,  et  força  l'ennemi  de  re- 
noncer à  son  entreprise.  Il  est  juste 
de  dire  qu'il  dut  en  grande  partie  ce 
succès    à  l'habileté    de   Schomberg. 
Il  courut  ensuite  au  secours  de  Juré- 
ména,  place  ancienne,  située  près  de 
la  Guadiana,    que  les  Castillans  te- 
naient bloquée.  Il  faillit,  en  cette  cir- 
constance, commetti'e  une  faute  qui 
pouvait    compromettre   le    salut    du 
royaume.  Quoique  le  camp  de  l'en- 
nemi fût  fortifié  avec  infiniment  d'art, 
et  défendu  par  une  armée  nombreuse 
il  voulait,  suivi  d'une  poignée  de  sol- 
dats ,    l'attaquer  avec  son  impétuo- 
sité ordinaire.  Heureusement  pour  sa 
gloire  et  l'intérêt  de  l'État,  il  renonça 
à  ce  dessein  sur  les  sages  représenta- 
tions de  ses  lieutenants,  et  se  retira 
sur  Villaviciosa,  après  avoir  écrit  au 
commandant    de  Juréraéna  de  capi- 
tuler aux  conditions  les  plus  honora- 
bles. De  retour  à  Lisbonne,  Marialva 
s'occupa  pendant  quelque  temps  des 
affaires  de  l'État.  En  1664,  il  rejoignit 
l'armée  à  Estremos,   et  la  conduisit, 
d'après  les  ordres  mêmes  de  la  Cour, 
entre  la  Cajà  et  la  Cajola.  C'est  là  que, 
voulant  donner  de  l'éclat  aux  armes 
portugaises,  il  résolut  d'aller  assiéger 
Valence  d'Alcantara ,  ville  de  l'Estra- 
madure espagnole,  riche,  considéra- 
ble et  défendue  par  trois  régiments 
d'infanterie,  auxquels  s'étaient  réunis 
les  paysans  d'alentour.  Ayant  com- 
mencé cette  importante  opération,  le 
17  juin,   il    sut  empêcher    la    place 
d'être  secourue  par  les  Castillans,  et 
parvint,  après  quelques  assauts  meur- 
triers, à  s'en  rendre  maître.  Cepen- 
dant on  vit  bientôt  le  vainqueur  d'El- 
vv?i8  et  de  Valence,  l'homme,  qui,  na- 


guère  avait  montré  tant  de  modestie 
et  de  patriotisme ,  porter  envie  à 
SchomLerg  qui  servait  sous  lui  avec 
tant  de  valeur  et  d'habileté.  Il  lui  té- 
moigna de  l'antipathie,  et  saisit  plu- 
sieurs occasions  de  l'affliger  par  d'in- 
justes préférences.  Il  est  vrai  que,  plus 
taid,  il  répara  ses  torts  en  confiant  à 
1  illusti-e  général  le  commandement 
de  l'armée,  lorsqu'il  partit  pour  Lis- 
bonne. Ayant  ensuite  appris  que  les 
Castillans  marchaient  sur  Villa>nciosa 
pour  en  faire  le  siège,  il  s'avança 
aussitôt  contre  eux.  Leur  armée  se 
composait  de  quinze  mille  hommes 
d'infanterie ,  sept  mille  chevaux  et 
seize  pièces  d'artillerie.  Marialva  la 
rencontra  près  de  Villaviciosa  ,  dans 
un  village  nommé  Montés  -  Claros  ; 
il  Tattaqua  sans  retard  ,  et  la  mit 
en  pleine  déroute.  Un  grand  nom- 
bre de  prisonniers  tombèrent  entre 
ses  mains.  La  nouvelle  de  ce  triom- 
phe fiit  accueillie  avec  une  grande 
joie  à  Lisbonne,  et  Marialva  y  vint 
jouir  de  sa  gloire,  à  la  fin  de  1665. 
Conune  il  était  déjà  vieux,  il  ne  repa- 
rut plus  à  la  tête  des  armées,  et  il  con- 
sacra le  reste  de  sa  brillante  carrière 
aux  affaires  publiques.  Le  Portugal 
n'avait  point  d'homme  célèbre  qu'il 
estimât  et  admirât  davantage.  En 
1668,  ce  guerrier  fut  un  des  signa- 
taires de  la  paLx  enfin  conclue,  après 
vingt  ans  d'une  guerre  sanglante , 
entre  sa  patrie  et  l'Espagne.  Il  survé- 
cut peu  à  cet  événement  auquel  il 
avait  tant  contribué  par  son  habileté 

et  son  courage.  F a. 

MARIAA'I  (Camille),  peintre  et 
sculpteur,  naquit  à  Vicence,  en  lo6o, 
dune  famille  originaire  de  Sienne.  Il 
s'appliqua  fort  jeune  à  la  peinture; 
mais ,  après  la  mort  de'  son  père , 
les  académiciens  olympiques  ayant 
résolu  de  terminei-  le  grand  théâtie 
de  Vicence,  élevé  primitivement  sur 


BfâR 


m 


les  dessins  du  célèbre  Palladio  ,  Ma- 
riani  se  livra  à  la  sculpture  et  fut 
chargé  de  tous  les  travaux  de  ce 
genre  qu'exigeait  la  décoration  du 
théâti-e.  il  y  déploya  beaucoup  de 
talent  et  une  grande  fécondité  d'ima- 
gination. U  parcourut  ensuite  l'Ita- 
lie ,  laissant  en  chaque  lieu  des 
preuves  de  son  habileté  comme 
peintre,  comme  modeleur  et  comme; 
sculpteur.  U  s'arrêta  enfin  à  Rome,! 
où  ses  premiers  ouvrages  furent  deus^ 
figures  en  stuc  qu'il  exécuta  dans  l'é- 
glise de  Saint-Jean-de-Latran.  Il  fit 
ensuite  pour  la  chapelle  Aldobran- 
dine  les  statues  colossales  en  mar- 
bre, des  apôtres  Saint  Pierre  et  Saint' 
Paul,  qui  obtinrent  le  suffrage  de»' 
connaisseurs;  mais  il  se  distingua  sur»* 
tout  par  huit  figures  colossales  en 
stuc,  qu'il  exécuta  a  Saint-Bernard-de- 
Termini;  il  y  déploya  tout  son  talent 
et  une  majesté  de  style  qui  lui  fit  le 
plus  grand  honneur.  Les  succès  qu'ob-' 
tenaient  les  productions  de  son  ci- 
seau ne  l'empêchèrent  pas  de  culti- 
ver la  peinture  ;  mais  il  ne  regardait 
ces  derniers  travaux  que  comme  un 
délassement.  Targone,  architecte  ro- 
main, avait  donné  les  dessins  du 
maître-autel  de  la  basilique  de  Sainte- 
Marie-Majeure  ;  Mariant  fit  le  modèle 
des  enfants  et  des  ornements  qui  dé- 
corent cet  autel,  et  ils  furent  jetés  en 
bronze  par  Ferreri,  élève  de  Jean  de 
Bologne,  et  le  plus  habile  mouleur  de 
ce  temps.  Mariani  avait  à  peine  ache- 
vé ces  modèles  qu'il  fut  attaqué  d'une 
maladie,  qui  le  conduisit  au  tom- 
beau, au  mois  de  juillet  1611.  — 
François  Moschi ,  habile  sculpteur 
florentin,  fut  son  élève.        P — s. 

MARIANNE  (Antoine),  issu 
d'une  famille  noble  et  recommanda- 
ble,  naquit  à  Carcassonne  en  1700.  Il 
tourna  ses  études  vers  la  diplomatie, 
et  devint  habile  dans  les  langues  mo- 
10. 


iWt 


MAR 


dernes.  Remarqué  bientôt  pour  ses 
talents  ,  il  fut  nommé  successive- 
ment secrétaire  d'ambassade  à  Cons- 
tantinople  et  en  Suisse.  Ayant  atta- 
ché sa  fortune  à  celle  du  marquis  de 
Ronac,  alors  ambassadeur  dans  ces 
États  et  regardé  comme  l'un  des 
plus  grands  négociateurs  du  règne  de 
Louis  XV,  Antoine  Marianne  rédigea 
plusieurs  mémoires  contenant  une 
foule  de  decuments  précieux  sur  la  po- 
litique, les  mœurs,  le  commerce,  l'a- 
griculture, la  religion  des  pays  dans 
lesquels  ses  fonctions  l'avaient  appe- 
lé; il  en  fit  le  dépôt  aux  archives 
du  ministère  des  affaires  étrangères. 
C'est  lui  que  Jean-Jacques  Rousseau 
cite  avec  éloge  dans  ses  Confessions, 
en  parlant  de  son  séjour  en  Suisse,  où 
Marianne  était  alors  secrétaire  de 
l'ambassade  de  France.  Il  mourut 
en  1782.  I.— m— e. 

MARIANO    da   Genezano,   reli- 
gieux augustin,  né  à  Rome,  dans  le 
XV  siècle,  fut  général  de  son  ordre 
en   1500.    Laurent    de    Médicis    fit 
construire  en  sa  faveur,   dans  le  fau- 
bourg de  Florence,  un   vaste  bâti- 
ment qu'il  dota  comme  un  monas- 
tère, et  où  il  se  retirait  de  temps  en 
temps    avec    quelques   amis  choisis, 
pour  y  jouir  de  la  conversation  de  ce 
savant  ecclésiastique.  Politien,  dans  la 
préface  de  ses  Misccllanées  et  dans 
une  de  ses  Lettres,   livre   IV,  fait  une 
peinture  très-intéressante  des  talents 
de  Mariano  comme  prédicateur.  Il  a 
laissé  de»  Épttrex,  des  Harangues  et 
de»  Sermons  (voy.  la  Vie  de  Laurent 
de  Médicis,  t.  II,  p.  194  et  suiv.). 
G.  T— Y. 
MAUICONDA  (Antoisk),  novel- 
licre,   nacjuit  dans  le   XVP  siècle,    à 
Naples,  d'une  famille  patricienne.  Il 
ëtait  l'anii  d'Angelo  di  Costanzo  (w.  ce 
nom,  X,  52),  dont  on  voit  un  sonnet 
à  Ut  tête  du  recueil  de  Nouvelle»  de 


MAR 

Mariconda  (1).  La  culture  des  lettres 
fit  moins  l'occupation  que  le  bonheur 
de  sa  vie.  Outre  une  comédie  intitulée  : 
La  Filena,  Rome,  1548,  in4°,  on  a 
de   lui  :  ie  tre  gîornate  délie  favole 
deW  Jganippe,   Kapies,   in-4",  très- 
rare;  c'est  la  seule  édition  que  l'on  ait 
de  ce  recueil,  qui  contient  trente  nou- 
velles; les    sujets   en   sont  tirés  des 
poètes  anciens,  mais  surtout  des  Mé- 
tamorphoses d'Ovide.    Ainsi  l'on  ne 
doit  point  y  chercher  ces  détails  de 
mœurs  contemporaines ,   ces   carac- 
tères originaux,  ces  effets  dramatiques 
qui  donnent  tant  d'attraits  à  la  lec- 
ture des   autres   auteurs  italiens.  Le 
tome   m   du   Novelliero  de   Zanetti, 
contient    trois    nouvelles    de    Mari- 
conda, la  dernière  de  chaque  journée. 
W— s. 
MARIE  d'Oignies  (Sainte),  naquit 
eu  11 77,  à  Nivelles,  dans  le  diocèse  de 
Liège,  d'une  famille  fort  riche.  Elle 
pratiquait  dès  l'enfance  les  vertus  le* 
plus  austères,   et  fut  mariée  par  ses 
parents,   à  l'âge  de   14  ans,  malgré 
son  inclination  pour  la  vie  monasti- 
que. Mais  son  mariage  ne  fut  point 
consommé,  car  elle  décida  son  mari 
à   vivre   dans  la  continence  et  à  se 
livrer  aux  soins  des  malades.  Ayant 
distribué    tous   ses   biens    atix  pau- 
vres ,   clle-mCme   se  retira    dans  le 
monastère  deWilbrouck,  où  la  répu- 
tation de  SCS  vertus  lui  attira  bientôt 
de  nombreux  visiteurs,  parmi  lesquels 
fut  Jacques  de  Vitry  qu'elle  engagea 
à  entrer  dans  les  ordres,  et  à  se  vouer 
à    la  prédication.   Après  avoir  passé 
plusieurs   années  à  Wilbrouck,  elli- 
quitta  ce  monastère  pour  celui  d'Oi- 
{jnies  qui,  étant  plus  éloigné  de  Ni- 
velles,   lui  permettait  de  mener  une 
vie   plus  solitaire.  Klle  y  mourut,  en 


(1)  Zam-Ui  l'a  rapporté  dans  la  préface  du 
Aore/Wcro,  p.  XI. 


MAR 

odeur  de  sainteté,  le  23  juin  1213. 
Telle  était  la  vénération  de  Jacques 
de  Vitry  poui'  Marie  d'Oignies,  qu'il 
lui  consacra  un  long  panégyrique 
latin,  et  voulut  être  enterré  à  ses 
côtés  dans  son  monastère.  Arnauld 
d'Andilly  a  traduit  ce  panégyrique 
dans  les  Fies  de  plusieurs  saints  illus- 
tres de  divers  siècles^  Paris,  1664,  in- 
fol.  Z. 

MARIE  surnommée  Marie-Roi, 
première  épouse  de  l'empereur  Sigis- 
mond,  naquit  en  1370,  de  Louis  1"% 
roi  de  Hongrie  et  d'Elisabeth,  sœur  de 
Twartko  I",  roi  de  Bosnie.  A  peine 
âgée  d'un  an  ,  elle  fut  promise 
à  Sigismond  qui  n'en  avait  que  trois. 
Son  père,  qui,  par  la  mort  de  Ca- 
simir ,  était  aussi  devenu  roi  de 
Pologne,  mourut  en  1382.  Aussitôt 
après  les  funérailles,  Marie,  sa  fille 
aînée,  âgée  de  douze  ans,  fut  par  les 
évéques  et  les  grands  du  royaume  , 
sans  attendre  les  décisions  de  la  diète, 
proclamée  roi,  aux  cris  redoublés  de  : 
yivat  Maria  rex  Hungariœ  !  Sigis- 
mond, alors  âgé  de  quinze  ans,  fut 
nommé  tuteur  du  royaume  de  Hon- 
grie, et  la  reine-mère  Elisabeth  dé- 
clarée régente.  La  Pologne  qui  se 
voyait  aussi  sans  roi,  Louis  n'ayant 
laissé  que  deux  filles,  fit  instamment 
prier  Elisabeth  d'envoyer  sa  fille  Ma- 
rie avec  Sigismond,  afin  que,  prenant 
possession  de  la  couronne,  ils  mis- 
sent fin  à  l'anarchie  qui  désolait  le 
royaume.  La  reine-mère  répondit  que 
Hedvige,  sa  seconde  fille,  arriverait 
en  Pologne  pour  y  recevoir  la  cou- 
ronne de  son  père.  C'est  cette  prin- 
cesse qui  ensuite  épousa  Vladislas 
Jagellon.  Cependant  les  seigneurs  mé- 
contents, usant  de  leur  droit  d'élec- 
tion, envoyèrent  des  députés  à  ÎSaples, 
pour  engager  Charles  III  de  Durazzo, 
surnommé  le  Petit,  et  descendant  en 
ligne  directe  de  Charles  d'Anjou,  à 


149 


venir  prendre  la  couronne  de  Hon- 
grie, vacante  par  la  mort  de  son  pro- 
che parent  Louis  d'Anjou.  Twartko, 
roi  de  Bosnie,  oubliant  les  nœuds  qui 
le  liaient  à  la  reine  Elisabeth  sa  sœui' 
et  à  Marie  sa  nièce,  avait  aussi  em- 
brassé le  parti  de  Charles.  Les  villes 
maritimes  de  la  Dalmatie  étaient  très- 
agitées.  On  y  reprochait  à  Marie  • 
1"  la  précipitation  de  son  couronne- 
ment qui  s'était  fait  sans  consulter  la 
nation,  et  sans  lui  donner  aucune  ga- 
rantie pour  la  conservation  des  liber- 
tés publiques  ;  2°  la  manière  légère , 
arbitraire,  avec  laquelle  les  aQaires 
pubUques  étaient  administrées.  Ces 
plaintes  se  faisant  aussi  entendre  en 
Hongrie,  Marie  convoqua,  en  1384, 
les  grands  du  royaume  ;  et  jura , 
en  leur  présence,  qu'elle  garderait 
les  usages  et  les  libertés  accordées  à 
la  nation  pai'  ses  prédécesseurs.  Le 
pape  Urbain  VI  ayant  envoyé  en 
Hongrie  un  légat  pour  soutenir  Ma- 
rie, elle  se  crut  en  sûreté  contre  tous 
les  événements,  et  sa  sœur  Hedvige  se 
rendit  en  Pologne  où  elle  fut  aussi  pro- 
clamée roi.  En  1385,  elle  conclut  un 
traité  d'alliance  offensive  et  défensive 
♦avec  Twaitko.  Sigismond  se  rendit 
près  de  Marie  et,  ayant  célébré  son 
mariage  avec  elle ,  il  retourna  en 
Bohême  pom*  y  chercher  de  l'argent 
et  des  troupes.  On  reçut  alors  la  nou- 
velle que  Charles  III  était  débarqué 
en  Dalmatie  et  que  ses  partisans  se 
pressaient  en  foule  autour  de  lui.  Ma- 
rie se  hâta  de  rassembler  une  seconde 
diète  ;  mais,  trouvant  les  esprits  peu 
disposés,  elle  et  sa  mère  envoyèrent 
au  devant  de  Charles  pour  sonder  ses 
dispositions;  celui-ci  arriva  à  Ofen 
en  même  temps  que  les  députés. 
Ses  partisans  lui  ayant  offert  la  cou- 
ronne, il  fit  représenter  aux  deux 
reines  qu'en  Hongrie  l'autorité  royale 
n'avait  jamais  été  «ntre  les  mains  des 


1Ô0 


MAR 


femmes;  qu'un  gouvernement  pareil 
à  celui  qu'elles  avaient  introduit  était 
chose  inouïe  dans  les  annales  du 
royaume  ;  enfin  qu'il  exigeait  qu'elles 
renonçassent  à  la  couronne.  Après 
un  long  silence  ,  Marie  déclara  que, 
jamais  de  son  vivant,  elle  ne  dé- 
poserait le  diadème  qu'elle  tenait  de 
son  père  et  de  la  nation;  qu'elle  ne 
demandait  que  la  permission  d'aller 
trouver  son  époux.  Sa  mère  lui  montra 
le  danger  d'une  telle  résolution;  Marie 
ayant  cédé  après  une  vive  résistance, 
la  reine-mère  alla  informer  Charles 
que  sa  fille  et  elle  renonçaient  à 
l'autorité  souveraine;  et  aussitôt  Char- 
les fit  proclamer  dans  la  ville  que 
Marie  s'était  volontairement  désistée 
de  tout  droit  à  la  couronne.  Charles  se 
rendit  de Stuhl-Wessembourg  ou  Albe- 
Royale  à  Bude,  pour  y  être  couronné. 
Les  deux  reines,  entourées  comme  des 
prisonnières,  eurent  ordre  de  suivre 
sa  voiture.  Après  avoir  long-temps 
pleuré  sur  le  tombeau  du  roi  Louis, 
elles  s'avancèrent  dans  le  chœur, 
pour  assister  à  la  triste  cérémonie. 
Leur  présence  fit  une  profonde  im- 
pression sur  l'assemblée,  et  lorsque 
l'archevêque-primat  demanda  trois 
fois,  selon  l'usage,  si  l'on  reconnaissait 
Charles  pour  roi,  on  n'entendit  qu'ime 
faible  acclamation  sortie  de  la  bouche 
de  ses  partisans.  Ceux  de  la  reine 
se  regardaient,  et  peu  s'en  fallut  qu'ils 
ne  coui'ussentvers  l'autel  et  l'arrosas- 
sent du  sang  du  nouveau  roi.  Charles 
et  les  deux  reines  retournèrent  à  Ofen 
et  habitèrcntle  même  palais  ;  il  parais- 
sait ne  point  s'occuper  d'elles,  atten- 
dant le  moment  où  il  pourrait  s'en  dé- 
faire ;  mais  il  fut  prévenu.  Nicolas  de 
Gara,  un  des  premiers  ministres  du  roi 
Louis  et  le  confident  des  deux  princes- 
se», étant  venu  les  visiter,  elles  firent 
prier  le  roi  de  vouloir  bien  se  rendre 
près  d'elles,  sous  prdtexte  de  lui  com- 


muniquer  des  dépêches  importantes 
que  Gara  avait  apportées  de  la  part 
de  Sigismond.  Pendant  qu'elles  entre- 
tenaient le  prince,  à  un  signe  que  fait 
Gara,  un  des  gentilshommes  de  sa 
suite  décharge  un  coup  de  sabre  sur 
la  tête  du  roi.  Le  combat  s'engage 
sous  les  yeux  des  deux  princesses,  qui 
tombent  évanouies.  Le  roi  se  sauve 
dans  ses  appartements,  couvert  de 
sang  :  Gara  l'enferme  ,  et  massacre 
les  Italiens  qui  formaient  la  garde 
royale.  Devenu  maître  du  palais,  il  fait 
de  nouveau  proclamer  Marie  reine 
de  Hongrie.  Les  habitants  d'Ofen, 
passant  d'un  excès  à  l'autie,  criaient 
partout  vivat,  et  mettaient  en  pièces 
tes  Itahcns  qui  s'étaient  cachés.  Char- 
les fut  égorgé  quelques  semaines  après 
et,  sous  prétexte  qu'il  était  mort  ex- 
communié par  le  pape  Urbain,  son 
corps  resta,  par  ordre  d'Elisabeth, 
ignominieusement  exposé  sans  sépul- 
ture. L'anarchie  étant  à  son  comble, 
l'empereur  Venceslas,  à  la  tête  d'un 
corps  d'armée,  amena  à  son  épouse 
Sigismond,  qui,  après  s'être  entendu 
avec  elle,  retourna  en  Bohême  pour 
y  lever  des  troupes.  Le  ciel  parut  vou- 
loir déjà  ici-bas  tirer  vengeance  de  ce 
qui  s'était  passé.  Gara  conduisait  les 
deux  reines  à  un  château  dans  la 
Basse-Hongrie;  Horwathi  ou  Hog- 
gard,  ban  de  Croatie  (1),  qui  avait 
pensé  être  massacré  à  côté  du  roi 
Charles,  instniit  de  ce  voyage,  tomba 
sur  l'escorte  de  Gara ,  qui  fut,  ainsi 
que  son  fi'ère,  décapité  sous  les  yeux 
des  princesses.  Ayant  cnsnite  fait 
précipiter  celles-ci  de  leur  char ,  il 
les  accabla  de  reproches.  Elisabeth 
embrassait  ses  genoux,  le  conjiirant 
d'épargner  la  jeune  reine  sa  fille,  cl 
de  faire  tomber  toute  sa  colère  siu 

(1)  Ce  ban  éuil  ce  qu'on  a  apjM;lc  depuis,  en 
Hongrie,  comte  supn'mc-,  commandant  les 
amidcs,  et  rendant  la  iustico. 


MâR 

elle.    «    C'est    moi    seule  ,     disait- 
«  elle,  qui  ai  concerté   avec  Gara  la 
«  mort  de  Cliarles.  »  Horwathi  en- 
voya à  Naples,  à  la  reine  Marguerite 
veuve  de  Charles,  les  têtes  des  deux 
Gara,  et  les  princesses  furent  traînées 
de  place -forte   en    place -forte.    En 
l'absence   de  Marie,   Sigismond  prit 
d'abord  le  titre  de  capitaine-général, 
et  fut   ensuite    couronné  roi.   Cette 
nouvelle  étant    arrivée   à  Jadra    en 
Dalmatie    où    les    princesses    étaient 
renfermées,  Horvvathi  fit  noyer  Eli- 
sabeth sous  les  yeux  de  sa  fille,  et 
prit  des  mesures  pour  faire  trans- 
porter Marie  à  Naples.  Les  Vénitiens, 
qui  s'étaient  déclarés  pour  la  jeune 
reine,  établirent  une  croisière  le  long 
des  côtes   de  la   Dalmatie,   et   Hor- 
wathi battu,  défait,  consentit  à  déli- 
vrer Marie.  Il  lui  fit  auparavant  jurer, 
sur  les  reliques  des  saints,  que  jamais 
elle  ne  se  vengerait  de  lui ,   mais  au 
contraire  qu'elle  l'honorerait  comme 
un  père   et  comme    un   bienfaiteur 
auquel  elle  devait  la  vie.    Les  Véni- 
tiens reçurent  Marie  sur  leurs  galè- 
res; le  doge  envova  six  députés  pour  la 
féliciter,  et  le  1"  juillet  1387,   après 
une  année  de  captivité,  elle  se  vit,  à 
Agram,  dans  les  bras  de  Sigismond. 
Lorsqu'ils  furent  arrivés  à  Ofen,  la 
diète  décréta  que  les  deux  époux  gou- 
verneraient   le    royaume    avec    une 
égale  autorité.  En   1388,   Horwathi, 
ayant  été    surpris   dans    sa    retraite 
en  Bosnie,  fut,  par   ordre  de  Sigis- 
mond et  sur  les  instances  de  Marie, 
qui  avait  oublié  ses  serments,  sup- 
plicié d'une  manière  effrayante.  Traîné 
lentement  à  la  queue  d'un  cheval, 
par  toutes  les  rues  de  Cinq-Eglises, 
on  le  mutila  honteusement  avec  des 
pinces  toutes  rouges.  Après  sa  mort, 
les  quatre  quartiers  de  son  coi-ps  fu- 
rent attachés  aux  portes  de  la  ville. 
Tous  ses  parents  et  amis  furent- déca- 


MAR 


ilH 


pités.  Tant  de  cruautés  poussèrent  la 
noblesse  à  se  révolter,  et  ce  règne  n« 
fut  plus  qu'une  suite  de  troubles  et  de 
factions.  Marie  momut  à  Bude,  le  17 
mai   1395,   pendant  que  son  époux 
assiégeait  Nicopolis,   Cette  princesse 
ne  lui   ayant  point  laissé   d'enfants, 
les  mécontents  commencèrent  à  re- 
muer, prétendant  que,  par  la  mort  de 
son  épouse,  il  avait  perdu  tous  ses 
droits  à  la  couronne ,  et  qu'on  devait 
le  forcer  à  quitter  le  royaume.  On 
voulait  aussi  le  punir  des  infidélités 
par   lesquelles  il  avait    constamment 
affligé  la  jeune   épouse  à  laquelle  il 
devait    la   couronne.   De    retour    en 
Hongrie,  Sigismond  fut  emprisonné 
dans  une  forteresse;  mais,  ayant  re- 
couvré la  liberté,  il  parvint  à  déjouer 
les  complots  que   l'on  avait  tramés 
contre  lui   (  voy.    Sigismond  ,    XLII , 
322).  G— T. 

MARIE,  tzarlne,   fille  du  prince 
tartare  Théodore  Nagoï,  devint,   en 
1580,  la  sixième  ou  septième  épouse 
d'Iwan  IV,  dit  le  Cruel  ou  le  Terrible 
(t;oy.IwA>,  XXI,  312).  Peu  après  avoir  ' 
célébré   ce    mariage   à   la  Slobode- 
Alexandrowsky  ,    le    tyran    envoya 
un  ambassadeur  à  Londres  prier  la 
reine  Elisabeth   de  lui  choisir  pour 
épouse  une  Anglaise,   dégoûté  qu'il 
était  des  femmes  russes.  La  commis- 
sion était  difficile  ;  enfin  la  reine  pro- 
posa   Marie   Hastings,    qui   ne  plut 
point  à  Tambassadeur.  Sur  ces  entre- 
faites, la  tzarine  accoucha  (19  oct. 
1583)  d'un  fils,  qui  fut  appelé  Déraé- 
trius  ou  Dmitri.    Iwan  mourut    six 
mois  après  (19  mars  1584)  et  Fédor  II, 
son  fils  aîné,  lui    ayant  succédé ,  la 
tzarine  douairière  fut   envoyée  avec 
le  jeune  Démétrius  et  avec  les  princes 
Nagoï,  son  père,  ses  frères,  à  Ou- 
glitche,   où   le   prince  enfant  devait 
tenir  une  cour  convenable  à  son  rang. 
La  mère  infortunée  vit  presque  lous 


132 


MAR 


MàM 


SCS  yeux  égorger  son  fils,  sans  pou- 
voir le  défendre,  el  fut  forcée  de 
prendre  le  voile  ;  on  la  conduisit  an 
couvent  de  Saint-Nicolas,  surlaWiksa, 
près  de  Tcliérépowetz ,  dans  une 
contrée  sauvage,  oii  elle  termina  ses 
jours,  en  pleurant  comme  les  mères 
de  Bethléem  (voy,  Dkmétrius  ,  LXII , 
316).  G— Y. 

MARIE  -  THÉRÈSE  dAutri 
che,  première  fille  du  roi  d'Espagne 
Philippe  IV,  et  femme  de  Louis  XIV, 
était  aussi  sa  cousine,  car  sa  mère, 
première  femme  de  Philippe  IV,  était 
Elisabeth  ou  Isabelle  de  France,  une 
des  filles  de  Henri  IV,  de  sorte  que 
Louis  XIII  était  son  oncle,  non-seu- 
lement comme  époux  de  sa  tante 
Anne  d'Autriche,  mais  aussi  comme 
frère  de  sa  mère.  Elle  vit  le  jour  à 
Madrid,  le  20  septembre  1638,  c'est- 
à-dire,  quinze  jours  exactement  après 
la  naissance  de  Louis  XIV.  Son  édu- 
cation fut  celle  qu'on  donne  aux  prin- 
cesses d'Espagne;  elle  ne  fut  point 
dirigée  par  l'œil  d'mie  mère  et  d'une 
Française  (la  reine  Elisabeth  avait 
cessé  de  vivre  dès  1644).  Si  l'on  en 
excepte  quelques  éléments  de  gram- 
maire, de  littérature  et  d'histoire,  indis- 
pensables même  alors  à  une  femme  de 
haut  rang,  et  aussi  la  connaissance 
de  la  langue  française,  comme  si ,  dès- 
lors,  elle  se  fût  préparée  à  son  rôle  de 
reine  de  France,  les  graves  futilités 
de  cour  et  les  pratiques  de  dévotion 
furent  ses  uniques  occupations  jus- 
qu'à lâge  de  vingt  ans.  On  hii  «lonna 
successivement  pour  directeuis  trois 
Franciscains  :  le  P.  Jean  de  la  Palme, 
commissaire-général  de  l'ordre,  letjuel 
la  prit  à  l'âge  de  cinq  ans  ;  le  P.  An- 
dré de  Guadalupc,  esprit  subtil  <•( 
délié,  aussi  au  fait  des  mœurs  de  la 
couji*  que  de  celles  du  cloître,  et  qui 
exerça  sur  sa  pénitente  une  influence 
très-marquée ,   mais  (jui  n'eut  {|uc  le 


temps  de  lui  persuader  qu'elle  de- 
vait, an  milieu  de  la  cour,  vivre  de 
la  vie  de  Dieu  ;  enfin  le  P.  Alphonse 
Vasquez ,  qui  la  gouvernait  encore 
lorsqu'elle  vint  en  France.  Depuis 
long-temps  il  était  question  de  cette 
union  ;  et  même  on  ne  peut  doutei- 
que ,  dès  sa  régence ,  Anne  d'Au- 
triche n'en  eût  caressé  le  projet.  Il 
fut  mis  pour  la  première  fois  osten- 
siblement sur  le  tapis,  par  de  Lyonne, 
en  1656.  Mais,  à  cette  époque,  Phi- 
lippe IV  n'avait  phis  on  n'avait  pas 
encore  de  fils  (don  Ralthasar,  frèie  de 
Marie-Thérèse,  était  mort  en  1644, 
et  Marie-Anne  d'Autriche  ne  lui  avait 
donné  qu'une  fille,  Marguerite-Thé- 
rèse) :  il  était  donc  à  craindre  que, 
par  l'union  de  l'aînée  des  infantes  avec 
Louis  XIV,  la  monarchie  de  Char- 
les-Quint ne  devînt  l'héritage  d'un 
fils  de  France  :  la  proposition  fran- 
çaise déplut  par  suite  de  cette  éven- 
tualité, et  n'eut  pour  le  moment  au- 
cune suite.  La  naissance  d'un  infant 
en  1657  (1),  et  bien  plus  encore  uik^ 
autre  grossesse  de  Marie-Anne  d'Au- 
triche changèrent  les  dispositions,  el 
la  cour  de  Madrid  en  était  à  désirei- 
ce  que  naguère  elle  avait  rejeté.  Mais 
connne  don  Louis  de  Ilaro,  ministre 
de  Philippe  IV,  n'ignorait  pas  com- 
bien la  reine-mère  en  France  souhai- 
tait cette  union ,  il  dissimulait  son 
propre  désir,  et  se  préparait  à  recevoir 
avec  réserve  les  nouvelles  ouverture» 
qui  pourraient  lui  êtie  faites.  Mazarin 
trancha  bientôt  le  nœud  par  une  de 
ces  finesses  italiennes,  qui  justifient  si 
bien  le  nom  donné  par  Maric-Jos.  Ché- 
nier  à    ce   prince    de  l'Eglise  (2).  Il 

(1)  Lequel  nVsl  pas  encore  Charles  II ,  car 
ce  (Jcrntrr  ne  naquit  qu'en  1661,  et  il  ne  dé- 
tint roi  à  quatre  ans  que  par  la  mort  de  tous 
ses  aînés. 

(2)  Le  scapin  cardinal 

Dit  oui,  trouva  le  tour  original. 


MAR 

feignit  de  vouloir  fiancer  Louis  XIV 
à  la  princesse  Marguerite  de  Savoie  ; 
et,  pour  faire  croire  à  la  réalité  de  ce 
plan,  il  arrangea  en  1658  une  entre- 
vue, à  Lyon,  entre  le  jeune  monarque 
et  la  princesse  que  sa  mère  conduisait 
en  France.  Il  eut  soin  que  l'événe- 
ment fût  annoncé  avec  fracas.  Déjà 
Louis  XIV  était  à  Lyon  depuis  quel- 
ques jours,  et  la  duchesse  y  faisait  son 
entrée  avec  ses  filles ,  quand,  le  mênH- 
jour  et  à  la  mérae  heure,  don  Anto- 
nio Pimentel,  un  des  secrétaires  d'Ktat 
de  Philippe  IV,  arriva  aussi.  Il  put 
bientôt  se  convaincre  par  ses  yeux 
que,  si  le  plan  du  cardinal  n'avait  été 
d'abord  qu'une  comédie,  cette  comé- 
die allait  tourner  au  sérieux  :  le  jeune 
roi,  que  n'avaient  point  enflammé  les 
portraits  de  l'infante  sa  cousine,  fut 
plus  sensible  à  l'esprit  et  aux  grâces 
de  la  princesse  venue  des  Alpes. 
Effectivement  si  Marguerite  n'était 
point  une  beauté,  sou  amabilité,  ses 
manières  vives  et  enjouées  exerçaient 
un  véritable  attiait;  et,  quand  don 
Antonio  déclara  que  lancienne  pro- 
position de  mariage  était  admissible 
désormais,  il  était  gi-and  temps  qu'il 
parlât.  Il  y  eut  des  pleurs,  des  repro- 
ches, des  scènes  de  profond  désespoir 
entre  tous  ces  personnages  dont  la  si- 
tuation devenait  si  fausse,  entre  la  du- 
chesse mystifiée  et  l'ex-régente  qui  lui 
démontrait  de  son  tnieuv,  que  la  rai- 
son d'Etat  l'obligeait  à  terminer  la 
guerre  avec  l'Espagne  par  cette  al- 
liance entre  la  mère  et  le  fils,  qui 
était  fortement  tenté  de  prononcer  un 
de  ces  Je  le  veux,  que  nul  ne  pro- 
nonça plus  énergiquement  que  lui  en 
France,  enfin  entre  Louis  et  celle  qui 
devait  renoncer  en  même  temps  à 
son    amour  et  à  la  comonne  si  belle 

Le  moyen  bon,  la  comtesse  jolie. 
Et  prononça  le  juron  d'Italie. 

La  Bastille. 


MAR 


193 


qu'elle  avait  espérée.  Elle  ne  conser- 
va, dit-on,  de  ce  rêve  qu'un  engage- 
ment écrit  de  Louis  XIV,  par  lequel 
il  promettait  de  l'épouser  si  le  mariage 
avec  1  infante  éprouvait  quelque  em- 
pêchement. En  présence  de  cette  pas- 
sion mutuelle,  Pimentel  et  Mazarin 
tombèient  bientôt  d'accord  sur  le  prin- 
cipe même  ;  et  il  faut  le  dire,  Maza- 
rin avait  raison,  car  tout  annonçait 
qne  Marie-Thérèse,  si  elle  ne  devenait 
pas  la  femme  de  Ix)uis  XIV,  épouserait 
lempereur  Léopold,  ce  qui  aurait  uni 
trop  intimement  les  deux  branches 
de  la  maison  d'Autriche,  et  donné 
à  celle  qui  régnait  en  Allemagne,  des 
droits  trop  puissants  à  l'héritage  es- 
pagnol (3).  I^  cour  «le  France  revhit 
à  Paiis  en  février  1659  ;  Pimentel  la 
suivit ,  conclut  le  7  mai  un  armis- 
tice provisoire,  prélude  fie  la  paix  des 
Pyrénées,  et  trois  mois  après  (13 
août  )  commencèrent  les  fameuses 
conférences  de  lîle  des  Faisans,  entre 
MazariH  et  don  Louis  de  Haro.  C'est 
après  la  sixième  que  les  deux  minis- 
U'es  envoyèrent,  à  Madrid,  le  maréchal 
duc  de  Gramont  accomplir  ostensi- 
blement la  cérémonie  de  la  demande 
eu  mariage.  Les  conditions  de  cette 
union  forment  le  sujet  du  33*  article 
du  traité  des  Pvrénées  (  signé  le  7 
novembre  suivant).  Il  y  fut  stipulé 
que  l'infante  apporterait  en  dot  cin- 
quante mille  écus  d'or,  pavables  en 
trois  termes;  que,  moyennant  le  paie- 
ment de  cette  somme,  elle  ne  pourrait 
élever  aucune  prétention  sur  l'héri- 
tage du  roi  et  de  la  reine  d'Espagne  ; 
qu'elle  renoncerait  à  cet  héritage  et 

(5)  Le  maiiage  qui,  peu  de  temps  après, 
eut  lieu  entre  cet  empereur  et  la  sœur  de 
Marie-Tliér^se,  n'offrait  pas  les  mêmes  avan- 
tages à  l'Autrictie,  n'inspirait  pas  les  mêmes 
craintes  à  la  France ,  puisque  naturellement , 
la  sœur  aînée,  primant  la  cadette,  ne  laissait 
à  celle-ci  aucun  droit  à  la  succession  d'Es- 
pagne. 


154 


MÂB 


avant  de  se  marier  et  après  la  célébra- 
tion du  mariage  ,  tant  pour  elle  que 
pour  ses  enfants ,  à  quelque  titre  que 
ce  fût.  Il  y  eut  encore  cependant  bien 
des  difficultés  verbales ,  puisqu'il   se 
passa  près    de    sept    mois    avant  le 
mariage.   Enfin  en  mai  1660  Louis, 
après  avoir  visité  la  Provence,  le  Lan- 
guedoc, se  rendit  de  JMontpellier  à 
Saint- Jean- de-Luz.  Philippe  IV  s'é- 
tait  avancé  jusqu'à    Fontarabie ,    et 
quatre  jours  après  (  3  juin  )  le  pa- 
triarche des  Indes  bénit  le  mariage. 
Don  Louis  y  représentait  Louis  XIV. 
La  cour  de  France  alla  chercher  l'in- 
fante le  7,  et  Louis  XIV  l'épousa  per- 
sonnellement le   9   à   Saint-Jean-de- 
Luz.Le6  avait  eut  lieu  la  présentation 
officielle  dans  l'île  des  Faisans,  et  c'est 
là  que  l'infante  fit  sa  renonciation.  Nul 
doute  que,  de  la  part  de  cette  prin- 
cesse, le  serment  ne  fût  sincère  ;  mais 
jamais,  de  la  part  de  Mazarin,  la  pro- 
messe n'avait  été  sérieuse.  Sans  doute 
à  ses  yeux  c'était  déjà  beaucoup  que 
d'an-acher  à  la  branche  autrichienne 
de  la  maison  d'x\utriche,  la  fille  ainée 
de  la  branche  espagnole;  mais  il  es- 
pérait que  les  fruits  de  cette  alliance 
ne  se    borneraient  pas  à  cet  avan- 
tage négatif ,  et  il  jugeait  bien.  Non- 
seulement,  c'est  par  suite  de  cette  union 
que  Philippe  V  monta   sur  le  trône 
d'Espagne,    mais  trente-quatre    ans 
avant  la  mort  de  Charles  II,  les  droits 
de    Marie  -  Thérèse    avaient    amené 
la   guerre  de  dévolution,  qui  doima 
tant  de  places  importantes  à  la  France 
(1668)  et  qui  prépara  l'acquisition  de 
la  Franche-Comté.  Au  reste  Louis  XIV, 
en  saisissant  sitôt  l'occasion,  obéit  à 
des  inspirations    uniquement  venues 
de  lui-même  ou  à  celles  qu'il  avait  re- 
cueillies de  Mazarin  mourant.  Soit  que 
ce  bizarre  droit  de  dévolution  (4),  usité 

(ft)  Ce  droit  consistait  en  ceci,  que  loi-s- 
qu'un  veuf  ou  une  veuve  convole  i  de  sc- 


MAB 

entre  particuliers  dans  les  Pays-Bas, 
ne  lui  ait  été  connu  qu'après  la  réso- 
lution qu'il  avait  prise  de  tirer  quel- 
que chose  de  la  dépouille  de  Philippe 
IV,  soit  qu'il  l'ait  connu  auparavant,  le 
mariage  avec  Marie-Thérèse  n'en  est 
pas  moins  un  fait  remarquable  dans 
l'histoire    politique    de    la    France, 
comme  ayant  été  le  prétexte  de  deux 
guerres  et  l'origine  de  superbes  ac- 
quisitions.  Jamais,  sans  cette  union, 
Duham  n'eût   écrit    son    Traité  des 
droits  de  la  reine    T.  -  C.  aux   divers 
Etats  de  la  monarchie  espagnole,   au- 
quel Stockmann  opposa  un  Tractatus 
de  jure    devolutionis^    et   Lisola    son 
Bouclier  d'Etat  et   de  justice  contre, 
etc.  Deux  circonstances  au  reste,  sui- 
vant les  publicistes  français,  viciaient 
la   renonciation  :    1"  Marie-Thérèse 
était  mineure  lors  de  cet  acte  capital; 
2°  la  dot  n'avait  point  été  payée;  et 
sans  doute  le  cabinet  français,  voulant 
se  ménager  un  subterfuge,    n'avait 
point  pressé  Philippe  de  s'acquitter. 
Toutes    ces    intrigues     demeurèrent, 
comme  on  peut  le  penser,  étrangères 
à  la  reine.  Nous  voudrions  pouvoir 
l'en  louer  et  nous  l'en   louerions,  si, 
douée   de   quelque     talent  pour  les 
affaires,  elle  eût  refusé  de  se  mêler  de 
celles  qui  répugnaient  à  la  droiture  et 
à  la   générosité  de  son  cœur.   Mais 
évidemment  cette  abnégation  prove- 
nait de  l'impuissance  :  Marie-Thérèse 
n'avait  pas  l'ombre    du  génie  poli- 
tique; elle  ne  sut  même  pas  se  créer 
cette  part  d'empire  domestique,  que 
doit  avoir  chez  elle  toute  femme  de 
quelque  valeur,  dans  les  intérêts  même 

condcs  noces,  ics  biens  immeubles  affèreni 
à  SCS  enfants  du  premier  lit.  Ainsi,  Plii- 
lippe  IV,  en  se  remariant  h  Marie-Anne  d'Au- 
triche, donnait  par  cela  même  aux  deux  en- 
fants issus  de  son  premier  mariage  (don  Bal 
tliaiar  etMaric-Tliérèso),  les  terres  où  le  droi 
de  dévolution  était  en  vigueur  (c'est-à-dire  le; 
Pays-Bas), et  Balthaiar  n'existant  plus,  Marie 
Thérèse  avait  hérité  de  ses  droits. 


MAR 

le  son  époux  e*  de  sa  maison,  dans 
;eux  de  l'ordre  et  du  décorum,  sinon 
les  mœurs.  Nous  ne  sommes  pas  de 
^eux  qui  croient  que  les  afFaires  dï- 
at  et  d'administration  doivent  être 
nenées  par  les  femmes,  nous  ne 
iommes  pas  non  plus  de  ceux  qui 
îxaçérent  1  égalité  de  la  femme  et  de 
'homme  dans  l'état  social  de  l'Eu- 
•ope  moderne:  mais,  évidemment, 
me  reine,  digne  de  son  rang,  a 
Iroit  d'être  une  femme  influente  ; 
me  telle  influence  peut  être  utile,  et 
1  est  souvent  à  souhaiter  qu'elle 
îxiste.  Pour  Louis  XIV  en  particu- 
ier,  qui  niera  que  la  France  n'eût 
seaucoup  gagné  si,  au  lieu  de  l'empire 
nsolent  et  capricieux  d'une  Montes- 
aan,  le  grand  monarque  eût  quelque- 
bis  subi  l'ascendant  d'une  épouse  spi- 
[-ituelle  et  sensée  ?  Que  la  reine  per- 
mette des  maîtresses,  soit;  mais  qu'elle 
se  laisse  éclipser,  écraser  par  elles, 
;jue  son  cercle  soit  abandonné  pour 
[a  cour  de  la  favorite,  que  tout  ce 
:jui  est  ambitieux  et  avisé  se  prosterne 
îux  pieds  de  celle-ci,  qu'il  n'y  ait  ni 
jrâce  ni  avancement  pour  qui  la 
plaint  et  l'honore,  c'est  ce  qu'une 
souveraine  ne  peut  souffrir  sans  se 
manquer  à  elle-même  :  elle  doit  à  son 
rang  de  faire  justice  de  l'usurpatrice , 
elle  doit  au  moins  l'essayer.  Ne  pas 
tenter  de  résistance,  se  résigner, 
porter  sa  croix,  offrir  en  silence  ses 
larmes  à  Dieu,  c'est  être  reine  comme 
Louis  XYI  fut  roi,  en  ne  sachant  que 
mourir  courageusement  sur  l'écha- 
faud.  Il  est  aisé  de  voir  que  jamais  Ma- 
rie-Thérèse ne  sut  se  faire  aimer  de 
son  époux,  pasmêmependant  les  deux 
années  1661  et  1662,  qui  furent  un 
bal  perpétuel  à  Paris  et  à  la  cour,  le 
tnariage  du  duc  d'Orléans  avec  Ma- 
rie-Henriette d'Angleterre  ayant  en 
lieu  un  an  après  celui  du  roi,  et  les 
fêtes  pour  la  naissance  da  dauphin 


MAR 


155 


(1"  novembre  1661)  étant  venues  se 
mêler  à  celles-ci.  Il  est  vrai  que  Louis 
XrV  gardait  un  souvenir  de  l'im- 
pression produite  sur  lui  à  Lyon  : 
c'eût  été  à  Marie -Thérèse  de  l'affai- 
blir d'abord  et  ensuite  de  l'effacer; 
ce  n'est  point  elle  qui  en  vint  à  bout. 
Elle-même  peut-être,  avant  de  venir 
en  France,  avait  eu,  à  ce  quil  semble, 
une  inclination,  l'on  ne  saurait  dire 
exactement  pour  qui.  Voltaire,  dès  le 
commencement  de  son  Siècle  de 
Louis  XI y,  rapjwrte  cette  tradition, 
qu'une  religieuse  lui  ayant  demandé 
si  elle  n'avait  pas  cherché  à  plaire 
aux  jeanes  gens  de  la  cour  du  roi 
son  père,  elle  répondit  :  «  Non,  il  n'y 
«  avait  point  de  rois ,  »  et  il  s'élève 
contre  l'anecdote.   ■  Cette  religieuse 

aurait  été  plus  qu'indiscrète ;  s'il  y 

avait  eu  des  rois  à  la  cour  d'Espa- 
gne, l'infante  eût  donc  cherché  à  leur 
plaire  ?  «  Nous  ne  garantissons  en 
aucune  façon  ce  qui  répugne  si  fort 
à  Voltaire.  La  réponse  serait  fort 
ridicule,  sans  doute,  si  la  reine  eût 
puisé  sa  pensée  en  elle-même;  mais 
cette  réponse  ne  s'exphquerait-elle  pas 
au  besoin  par  la  popularité  de  toutes 
les  grandes  maximes  alors  à  la  mode 
sur  le  théâtre,  où  l'on  ne  voyait  que 
comédies  de  cape  et  d'épée,  et  in- 
fantes fort  disposées  à  trouver  de  leur 
goût  les  cavaliers  ;  mais  redisant 
sans  cesse  qu'elles  ne  peuvent  épou- 
ser que  des  têtes  couronnées?  Quant 
à  la  demande,  qu'on  veuille  bien  se 
souvenir  que,  parmi  les  reUgieuses, 
étaient  souvent  des  femmes  du  plus 
haut  rang,  des  princesses  de  maison 
souveraine,  que  Marie-Thérèse  affiec- 
tionnait  la  société  des  recluses,  que  sa 
bonté  incontestable  était  bien  feitc 
pour  encourager  la  familiarité,  que 
l'indiscrétion  n'a  rien  d'étonnant  de 
la  part  de  qui  ne  connaît  pas  le 
monde  et  ne  peut  savoir  à  quel  point 


io6 


MAR 


ses  paroles  sont  déplacées  (S).  Mais 
lors  même  que  l'anecdote  telle  qu'on 
la  donne  serait  inexacte,  qui  a  dû  en 
inspirer  l'idée  ?  on  n'invente  pas  or- 
dinairement pour  le  plaisir  d'inventer, 
et  c'est  sur  une  vérité  que  l'on  bâtit 
an  mensonge.  En  dépit  de  l'orgueil 
de  Louis  XIV,  qu'un  tel  bruit  devait 
blesser  au  vif,   et  pour  qui  ce  bruit 
resta  toujours  à  l'état  de  murmure, 
l'idée  d'une  inclination  de  Marie-Thé- 
rèse antérieure  à  son  mariage,  était 
établie  à  Versailles  à   tel  point,  que 
Bossuet    lui-même,     dans    l'oraison 
funèbre  de  la  reine,  y  fait  plus  clai- 
rement allusion   qu'il  n'était  naturel 
de  le  faire,  à  moins  de  besoin  :«  Ces 
«  sez,  princes  et  potentats,  de  trou- 
«  bler  par  vos  prétentions  le  projet 
«  de  ce   mariage!   que   l'amour,   qui 
«  semble  aussi   le  vouloir   troubler, 
«  cède  aussi  lui-même  !  L'amour  peut 
«  bien  remuer  le  cœur  des  héros  du 
«  monde,  il  peut  bien...  y  exciter  des 
«  mouvements  qui  donnent  des  espé- 
«  rances  aux  insensés.    Mais  il   y   a 
u  des  âmes  d'un    ordre  supérieur  à 
«  ses  lois...,  il  Y  a  des  mesures  prises 
«  dans  le  Ciel...,   et  l'infante    non- 
«  seulement   par  son   auguste    nais- 
«  sance,  mais  encore  par  sa  vertu  et 
«  sa  réputation,  est  seule  digne  de 
«  Louis.    »    Les   premières  allusions 
sans  doute  ont  trait  aux  incidents  de 
Lyon  (ou,  si  on  le  veut  absolument, 
mais  ce  que  nous  ne  croyons  pas,  au 
goût  connu  de  Louis  pour  Olympe  de 
Mancini);  mais,  peu  à  peu,  le  prélat 
arrive  à  l'infante  :  et  quel  besoin  de 
proclamer  sa  vertu  et  sa  réputation  ? 
Est-ce  que  ces  qualités  ne  sont  pas 
tacitement    admises?    Est-ce    qu'en 
parler  si  spécialement  n'est  pas  don- 

[h)  On  a  aussi  mis  celle  demande  sur  le 
complc  <run  confesseur.  Celle  iradilion  sem- 
ble encore  moins  exacic,  s'il  est  possible,  que 
la  première. 


MAR 

ner  à  croire  qu'on  les  a  contestées  et 
qu'il  faut  une  réhabilitation?  Et  quon 
ne  réponde  pas  que  ces  mots  sa  vertu 
et  sa  réputation  sont  une  satire  indi- 
recte de  la  princesse  de  Savoie  !  Cette 
grossièreté  serait  indigne  d'un  évê- 
que,   et  quand  cet   évêque  est  Bos- 
suet, qui  pourrait  se  le  persuader? 
Marie-Thérèse  était  à  peine  mère  du 
dauphin,  que  déjà  Louis  XIV,  après 
une  fantaisie  pour  madame  de  Beau- 
veau  ,     s'occupait    de     la    duchesse 
d'Orléans,   sa    belle -sœur.    On   s'en 
émut  à  la  cour,  et,  il  faut  le  dire,  à 
la  louange  du  temps,  on  ne  sembla 
point  appi-ouver  universellement  cette 
passion.  Le  roi  pourtant  n'y  renonça 
pas  facilement;  et   quand  son  cœur 
fut  calme  de  ce  côté,  ce  ne  fut  que 
pour  se  dédommager  ailleurs.  Alors 
se  nouèrent  les  amours  avec  M""  de 
la    Vallière.    La  reine  fut   une    des 
dernières  de  la  Cour  à  en  être  infor- 
mée. Elle   assista  sans  défiance  aux 
premières    fêtes    qui    se    donnèrent 
pour  cette  rivale,  et  lors  du  premier 
accouchement  de  cette  jeune  personne 
qui  était  encore  une  des  filles  d'hon- 
neur   de    la    reine  ,   passant  par  sa 
chambre  pour  aller  à  la  chapelle,  elle 
s'approcha   du    lit    où  celle-ci  était 
étendue,  pour  lui  demander  des  nou- 
velles d'une  fièvre  qu'elle  croyait  fort 
innocente.  Ces  illusions  subsistèrent 
même  après  que   M""*  de   la  Vallière 
eut  été  mise  par  Louis  XIV  dans  une 
situation  indépendante.  C'est  Vardes 
qui  les  fit  cesser.  Ce  courtisan  si  vil  el 
si  double,  qui  avait  été  le  confident  du 
roi  dans  toute  cette  intrigue ,  fit  ar- 
river aux  mains  de  la  reine  une  let- 
tre contrefaite,  en  espagnol,  qui  sem- 
blait de  l'écriture  du  roi  son  père  c 
où  ce   monarque  lui  révélait  l'infidé 
lité  de  Louis  (1665).  Otto  découverte 
dont  une  autre  eût  pu  profiter  ,   n< 
servit,  en  cette  occasion,  qu'à  fair< 


MâR 

umber  entièrement  le  voile  bien  dia- 
phane déjà  qui  avait  couvert  les 
raours  du  roi.  Il  aiFecta,  et  rien  n'é- 
îit  plus  dans  son  caractère,  de  dé- 
loyer la  plus  grande  splendeur  au- 
our  de  sa  maîtresse  et  de  ne  rien  dis- 
imuler.  Déjà  il  avait  éliminé  de  sa 
our  le  confesseur  Alphonse  Vasquez, 
ju'il  ne  ti'ouvait  point  assez  mania- 
(le  ou  assez  aveugle,  et  que  Philippe 
V  avait  prié  sa  fille  de  lui  céder  pour 
ui  donner  l  evéché  de  Cadix.  Le  père 
ifichel  de  Soria,  qui  le  remplaça,  fut 
:hoisi  de  manière  à  ne  plus  inspirer 
le  soucis  au  roi  sur  l'esprit  de  rési- 
gnation et  d'obéissance  de  sa  péni- 
ente  :  il  en  fut  de  même  quand,  qua- 
re  ans  plus  tard ,  Booaventure  de 
loria  -iànt  succéder  à  son  père.  On 
ent,  du  reste,  que  Louis  XIV  eut 
oujours  ostensiblement  pour  la  reine 
es  égards  que  commandaient  les  con- 
tenances et  ce  respect  de  soi  qu  il 
)ortait  a  si  haut  point  ;  il  ne  parlait 
l'elle  publiquement  qu'avec  estime  et 
espect;  on  sait  le  mot  qu'on  lui  prête 
1  l'occasion  de  la  mort  de  cette  prin- 
:esse  «  Voilà  le  seul  chagrin  qu'elle 
•  m  ait  jamais  causé.  »  Les  incons- 
ances  de  Louis  XIV  n  avaient  point 
;mpêché  que  la  reine  ne  lui  donnât 
rois  princes  et  trois  princesses,  dont 
aîné  seul  survécut  à  sa  mère  (ce 
xit  le  grand  dauphin)  (6).  Lavè- 
lement  de  madame  de  Montespan 
•edoubla  l'isolement  de  la  reine;  mais 
jeut-etre  ne  s  apercnî-elle  même  pas 
Je  tout  ce  qu'il  v  avait  de  différence 

16)  Les  deux  princes  furent  Philippe  et 
j)uis-Fran«)is,  qui  tous  deux  reçurent  le  ti- 
re de  ducs  d'Anjou,  et  moururent,  l'un  le  10 
aillet  16/1,  à  trois  ans  moins  vingt-six  jours, 
'autre  le  U  novembre  16"2,  à  quatre  mois  et 
ingt  -  im  jours.  Quant  aux  trois  princesses 
.\nne-Elisabeth,  Marie- Anne,  Marie-Thérèse), 
lenx  d'entre  elles  moururent  l'année  même 
le  leur  naissance  (1662,  166a;,  et  la  dernière 
e  i"  mars  1672,  à  cinq  ans  et  deiis  mois 
noins  nn  iour. 


MAR 


n; 


entre  les  deux  maîtresses,  et  sa  piété 
sincère  et  intime  la  consola-t-dle 
d'un  abandon  désormais  complet  Si 
Marie-Thérèse  n'avait  pas  les  qualités 
d'une  reine,  on  ne  saurait  lui  dénier 
les  vertus  dune  chrétienne.  Elle  s'ac- 
quittait minutieusement  et  ponctuel- 
lement de  tous  ses  devoirs,  se  mon- 
trait toujours  docile  et  dévouée  à 
Louis  XIV ,  concihait  sans  travail  appa- 
rentses  exercices  de  piété  avec  les  voya- 
ges et  les  parties  ordonnées  par  le  fas- 
tueux monarque,  bien  qu'elle  n'aimât 
pas  le  faste.  Cette  régidarité,  cette  cor- 
rection parfaites,  si  elles  ne  la  ren- 
daient pas  précisément  aimable  aux 
veux  de  Louis  XIV,  étaient  pourtant 
de  nature  à  lui  mériter  son  estime  ; 
car  c'étaient  des  vertus  qu'il  prisait  et 
pratiquait,  et  qui  d'ailleurs  s'alliaient 
parfaitement  a  son  esprit  d  ordre  et 
de  dominadon  ;  aussi  la  proposait-il 
comme  modèle  à  toutes  les  dames 
de  la  cour.  Nous  louerons  moins 
les  dures  réponses  qu'elle  fit  après 
avoir  perdu  sa  fille  et  le  duc  d'Anjou. 
Marie-Thérèse  se  plaisait  |>ourtant  à 
lire  sainte  Thérèse,  saint  Pierre  d'Al- 
cantara  et  François  de  Sales  :  aussi 
sa  prière  tenait-elle  de  la  méditadon 
et  de  l'extase  :  souvent  on  la  vit  dans 
l'église,  quand  la  foule  se  précipitait 
à  grand  bruit  jjour  l'apercevoir,  et 
même  un  jour  qu'un  accident  grave 
avait  causé  un  peu  de  tumulte,  absor- 
bée au  point  de  ne  rien  entendre,  et 
de  ne  pas  changer  un  moment  son  at- 
titude. Sa  charité  n'était  pas  moindre  : 
non-seulement  elle  donnait  immen- 
sément, mais  elle  empruntait  pour 
donner;  non-seidement  elle  se  pUait 
avec  bonheur  à  cet  usage  antique 
qui  prescrivait  aux  reines  de  France 
de  laver  les  pieds  à  douze  pauvres 
femmes,  mais  elle  servait  les  malades 
comme  unesœurde  charité;  et  main- 
tes fois  l'hôpital   de  Saint-Gei-main- 


1S8 


liêR 


en-Laye  la  vit  remplir  ce  pieux  office. 
Elle  fonda  une  maison  à  Poissy  pour 
loger  les  malades  étrangers  qui  ve- 
naient à  Paris,  pensant  s'y  faire  gué- 
rir des  écrouelles  par  l'imposition  des 
mains  de  nos  rois.  Elle  contiibua 
beaucoup  au  grand  développement 
que  prit  alors  l'ordre  des  Francis- 
cains en  France.  Pleine  de  vénéra- 
tion pour  ces  religieux,  elle  avait, 
l'année  même  de  son  mariage,  reçu 
l'habit  de  l'ordre  au  gi-and  couvent 
des  Franciscains  de  Paris,  singula- 
rité qui  surprit  un  peu  en  France, 
mais  qui  n'eût  pas  fait  tant  de  sensa- 
tion dans  la  Péninsule,  puisqu'un  roi 
de  Portugal  (Jean  III,  1521-37)  fut 
solennellement  reçu  membie  de  la 
compagnie  de  Jésus,  et  que,  sur  une 
des  places  publiques  de  Lisbonne, 
existe  encore  sa  statue  en  habit  de 
jésuite.  C'est  elle  qui  introduisit  en 
France  l'ordre  si  pur  et  si  austère 
de  l'Immaculée-Conception.  Elle  ac- 
cepta aussi  le  titre  de  fondatrice  et 
de  supérieure  de  la  congrégation  du 
tiers-ordre  de  Saint-François  établie 
au  grand  couvent  de  Paris.  Quand , 
par  suite  d'une  intrigue  de  sérail,  le 
patriarche  grec  obtint  que  la  garde 
du  Saint-Sépulcre  fût  enlevée  aux  Fran- 
ciscains qui  l'avaient  eue  quatre  siè- 
cles durant,  désolée  de  cette  mesure, 
elle  supplia  sou  époux  d'intervenir 
auprès  du  grand-seigneur  pour  le 
rappel  du  khatti-chorif  qui  affligeait 
l'ordre;  et,  en  effet,  les  Franciscains 
redevinrent  les  gardiens  du  Saint-Sé- 
pulcre, mais  seulement  après  la  mort 
de  celle  qui  les  avait  appuyés  si  vive- 
ment. Marie-Thérèse  mourut  le  30 
juillet  1683.  Sa  maladie  fut  douloureu- 
se, mais  ne  dura  (jue  trois  jours  ;  son 
âge  en  indique  le  caractère  général. 
Elle  déploya  beaucoup  de  patience 
au  milieu  tles  soulFrances  (jui  la  dé- 
chiraient «  toute  vive  et  tout  entière  », 


MAR 

dit  Bossuet,  et  beaucoup  de  courage  à 
l'approche  de  l'heure  dernière.  Ses 
obsèques  ne  furent  que  d'une  médio- 
cre magnificence  :  on  prétendit  que, 
la  modestie  ayant  été  sa  vertu  de  pré- 
dilection, il  fallait  l'honorer  par  une 
pompe  modeste.  Dans  son  épita- 
phe  fut  enchâssée  la  traduction  la- 
tine des  mots  prêtés  à  Louis  XIV 
(De  qua  maritus  nihil  unquam  doluit 
nisi  mortem);  qui  sait  pourtant  si  ce 
n'est  pas  l'épitaphe  qui  a  fourni  le 
mot  heureux  prêté  au  roi.  Parmi  les 
emblèmes  plus  ou  moins  ingénieux 
qui  rendaient  cette  épitaphe  parlante, 
étaient  un  arc-en-ciel  avec  la  devise  : 
Splendide  sed  non  diu,  et  une  grena- 
de autour  de  laquelle  on  lisait  :  CU- 
rior  duni  dissoluitur.  L'oraison  fiuiè- 
bre  fut  prononcée  par  Bossuet,  et 
elle  figure  parmi  les  chefs-d'œuvre 
oratoires  de  ce  grand  homme.  Mais 
il  en  existe  une  foule  d'autres,  et  pro- 
bablement beaucoup  restèrent  en  ma- 
nuscrit. Nous  indiquerons  comme  im- 
primées celles  de  La  Feuillade,  évêque 
de  Metz;  de  Béthune,  évêque  du  Puy  ; 
de  Fléchier;  d'un  Grignan,  coadjuteur 
à  Arles  ;  des  chanoines  Lope/  et  Sa- 
hurs,  du  jésuite  Grosez,  du  minime 
D'Ubaye,  du  cordeUer  Hugues  de  l'E- 
pée ,  du  récollet  Arnaud ,  de  Cureau 
de  la  Chambre,  enfin  de  Héreau,  à  qui 
son  titre  d'aumônier  de  la  reine  im- 
posait, en  quelque  sorte,  ce  devoir. 
Le  panégyrique  latin  par  le  jésuite 
llarowys,  remonte  à  1660,  c'est-à- 
dire  à  peu  près  au  mariage  (plus  exac- 
tement, 1"  octobre  1660).  Il  a  pour 
titre  :  Paneyyiicns  Mariœ-Theresiœ y 
reijinœ  christianiss.,  1661,  in-i".  Le  P. 
Bonav.  de  Soria,  nommé  plus  haut,  a 
écrit,  en  espagnol  et  en  français,  un 
Abrégé  de  ta  vie  de  Marie-Thérèse 
d'Autriche,  Paris,  1683,  in-12.  Le  ti- 
trc  eu  espagnol  {Brève  historia  de  la' 
viday  vitdudes  de  M.-Theresa  d'Aus- 


.\L4R 

tnaj  désigne  miaix  le  genre  de  l'ou- 
vrage, qui  est  prodigieusement  vide 
de  faits ,  mais  dont  pourtant  nous 
avons  encore  tiré  quelques  indications. 
Ou  a  aussi  en  espagnol  un  Portrait  de 
Marie- Thérèse  (El  retrato  de  M.  The- 
lesa  d'Austria  ,  in-4''  ).  Et  ,  puisque 
ce  mot  de  portrait  nous  échap- 
pe, disons  qu'au  physique  ,  on  j>ou- 
vait  louer  chez  Marie-Thérèse  une 
peau  très-blanche  ,  même  pour  toute 
autre  qu'une  Espagnole  ;  de  beaux 
yeux,  s'il  est  de  beaux  yeux  peu  ex- 
pressifs; des  lèvres  si  vermeilles  qu'on 
eût  pu  croire  que  le  carmin  y  avait 
part;  l'air  de  la  santé,  enfin,  certain 
embonpoint  qui  lui  seyait  dans  sa  ' 
jeunesse.  Mais,  pour  ne  rien  dissimu- 
ler, elle  n'avait  ni  la  taille  ni  le  port 
d'une  reine  :  elle  était  petite  (7),  avait 
■es  épaules  et  le  buste  sans  élégan- 
pe,  les  traits  insignifiants,  et  le  bas 
;les  joues  beaucoup  plus  gros  que 
[le  haut,  de  telle  sorte  que  cette  exu- 
bérance de  muscles  est  ce  qui  prédo- 
imine  dans  sa  physionomie,  et  la  rend 
■econnaissable  entre  mille.  Non-seu- 
ement  il  s'en  faut  que  ce  soit  une 
jeauté,  mais  on  sent,  dans  toute 
>a  personne ,  quelque  chose  de  sec , 
ie  contraint  et  d'enfantin,  même 
lans  la  maturité.  Il  n'y  a  point  de 
ensibilité  ,  point  d'intelligence  sur 
!on  visage ,  et  cet  extérieur  correct 
i  t  froid,  quoique  matériellement  as- 
ez  joli  pour  quelques  juges,  fait  par- 
iaitement  comprendre  son  caractère 
t  son  délaissement.  Il  est  facile  de 
érifier  ce  que  nous  avançons;  on 
;etrouve  de  tout  côté,  dans  les  gale- 
ies  de  Versailles,  le  portrait  de  Ma- 
iie-Thérèse.  —  Marie-Thérèse-A>toi- 
ETTE-RiPHAFXLE ,  infaflte  d'Espaguc , 
Ile  de  Philippe  V  et  d'Elisabeth  Far- 
uèse,  naquit  le  1 1  juin  1726;  épousa, 

{!)  Aussi,  son  mariage  fit-il  venir  la  mode 
es  chaussures  hautes  et  des  coiffures  étagées, 


MAR 


159 


en  1745,  Louis,  dauphin,  fils  de 
Louis  XV,  et  mourut  en  1746.  Son 
oraison  funèbre  fut  prononcée  par 
l'évêque  du  Puy  ,  Lefranc  de  Pom- 
pignan,  frère  de  l'autem-  des  Poésies 
sacrées,  et  imprimée  à  Paris,  1746, 
in-4».  P — OT. 

MARIE-BÉATRIX  dEst, 
reine  d'Angleterre,  était  fille  d'Al- 
phonse IV,  duc  de  Modène.  Restée 
orpheline  en  bas  âge,  elle  fut  fiancée, 
par  procuration,  au  duc  d'York,  qui 
venait  de  perdre  Anne  Hyde,  sa  pre- 
mière épouse.  Elle  traversa  la  France 
en  1673,  et  arriva  à  Paris  dans  les 
premiers  jours  de  novembre.  Louis 
XIV  alla  la  visiter  à  l'Arsenal  où  elle 
était  descendue,  et,  le  9,  elle  partait 
pour  l'Angleterre.  Ce  choix  dune 
princesse  catholique,  pour  l'héritier 
du  trône  d'Angleterre,  eut  beau- 
coup d'influence  sur  les  événements 
qui  amenèrent  la  chute  de  Jac- 
ques II.  A  peine  devenue  reine  , 
Marie-Béatrix  ne  cessa  d'intercéder 
pour  le  rétablissement  ostensible  du 
culte  catholique,  ce  qui,  du  reste,  en- 
trait tout-à-fiait  dans  les  desseins  secrets 
de  son  époux.  La  protection  accordée 
aux  catholiques,  la  faveur  dont  ils 
jouissaient ,  devaient  exciter  le  mé- 
contentement de  la  majorité  de  la  na- 
tion. Cependant  la  reine,  qui  n'avait 
encore  eu  qu'une  fille  ,  morte  au  ber- 
ceau, accoucha,  après  six  ans  d'inter- 
valle, le  10  juin  1688,  d'un  prince 
qui  reçut  le  titre  de  prince  de  Galles. 
C'était  sans  doute  un  événement  heu- 
reux pour  la  famille  des  Stuarts,  en 
excluant  du  trône  les  deux  filles  que 
Jacques  avait  eues  de  son  premier  lit, 
et  qui  avaient  épousé  des  princes 
étrangers  et  protestants.  Cette  nais- 
sance ftit  saluée  avec  transport  par 
les  catholiques,  car  Jacques  II  fit  so- 
lennellement baptiser  son  fils,  selon 
leur  rit,  et  lui  donna  même  le  pape 


160 


MAP, 


pour    parrain.  Quand   la  guerre  ci- 
vile eut  éclaté,  Marie-Béatrix,  qui  ai- 
mait passionnément  son  mari,  se  con- 
duisit, dans  toutes  les  circonstances, 
ave»;  le  plus  grand  dévouement.  Elle 
ne  quitta  l'Angleterre    que    lorsque 
tout  espoir  fut  perdu.  Accompagnée 
deLauzun,à  quiïjauis  XIV  avait  per- 
mis de  se  rendre  en  Angleterre  pour 
concourir  au  salut  de  la  famille  roya- 
le ,  elle   s'embarqua  à  l'embouchiu-e 
de  la  Tamise,  traversa  ,    sans    être 
recomme ,  un  grand  nombre  de  bâ- 
timents hollandais,  et  débarqua  heu- 
reusement ,  le  21  décembre  1688,  à 
Calais,  où    elle  fut  bientôt  rejointe 
par  son  fils,  qui  avait  été  confié  à  un 
ami  de  Lauzun.  De  là  elle  alla  passer 
quelques  jours  dans  un  couvent  de 
Boulogne,    attendant    avec    la   plus 
vive    anxiété    des  nouvelles   de  son 
mari.  Elle   ne  prit  la  route  de  Paris 
qu'après     son     arrivée.    Louis    XIV 
lui    envoya    plusieurs    voitures  ;    il 
alla    au-devai\t  d'elle  jusqu'à    Cha- 
tou,  et  l'accueillit  par  ces  nobles  pa- 
roles :  •'  Je  vous  rends,  madame,  un 
u  triste  service;  mais  j'espère   vous 
»  en  rendre  bientôt  de  plus  grands 
u  et  de  plus  heureux.  «  il  la  condui- 
sit ensuite   au  château  de  Saint-Ger- 
main-, où  elle  reçut  les  mêmes  hon- 
neurs qu'aurait  eus  la  reine  de  Fran- 
ce. Elle  phit  à  ce  monarque  ,  qui  lui 
trouva  l'esprit  juste  et  aisé,    et    qui 
prit  beaucoup  de    plaisir  à  sa  con- 
versation.   Aussitôt    arrivée,  elle  en- 
voya le   comte  Paul-Camille  Torelli 
vers    son    IVère  ,   François  11 ,    tluc 
de  Modcuo,  pour  l'inslruire    de   ses 
«lésastres.    lui   1092,    elle    accoucha 
»l'mie  princesse,  tandis  qtie  son  mari 
uRsislait  au  malheureux  combat  «le  la 
Hoguc.  Dans  fa  retraite,  elle  paita- 
geait  son  temps  entre  ses  devoir»  de 
mère  cl   des  exercices  de  piété,  et, 
malgré  son  inloitune,  elle  trouvait 


MAR 

encore   les  moyens  de  soulager  celle   | 
des  autres.    Le   16  septembre  1701,     * 
Jacques  II  étant  mort   à  St-Germain, 
Louis  XIV  rassembla  ses   ministres  , 
et  il  fut  décidé  à  l'unanimité  que  l'on 
ne  donnerait  point  au  prince  de  Gal- 
les le  titre  de  roi  d'Angleterre.  Cette 
décision  alarma  Béatrix,  et ,  le  jour 
même,  elle   vint  parler  au  roi  dans 
l'appartement  de  M*"*  de  Maintenon. 
«  Elle  le  conjura  en  larmes  ,  dit  Vol- 
«  taire  dans  le  Siècle  de  Louis  XIV^ 
"  de  ne  point  faire  à  son  fils,  à  elle,  à 
..  la  mémoire  d'un  roi  qu'il  a  protégé 
«  l'outrage  de  refuser  un  simple  titre, 
«  seul  reste  de  tant  de  grandeurs.  On  a 
'<!  toujours  rendu  à  son  fils  les  hon- 
»  neurs  d'un  prince  de  Galles  ;  on  le 
u  doit   donc   traiter  en  roi  après  la 
«  la  mort  de  son  père.  Le  roi  Guil- 
«  laume  ne  peut  s'en  plaindre,  pour- 
<•  vu    qu'on    le  laisse    jouir    de   son 
..  usurpation.  Elle  fortifie  ces  raisons 
«  par  l'intérêt  de  la  gloire  de  Louis 
«  XIV.  Qu'il  reconnaisse  ou    non  le 
u  fils  de  Jacques,  les  Anglais  ne  pren- 
u  dront  pas  moins   parti    contre    la 
»  France,  et  il  ama  seulement  ladou- 
u  leur  d'avoir   sacrifié    la    grandeiu- 
u  de  ses    sentiments    à    des    ména- 
«  gements  inutiles.  »    (^es  représenta- 
tions furent   appuyées    par  M"'"  de 
Maintenon,  et  Jacques  III  fut  reconnu 
le  même  jour   qu  il   avait  été  arrêté 
cju'on  ne  le  reconnaîtrait  pas.  Marie- 
Béatrix    vécut    assez    pour  êtje    té- 
moin  des    efforts  impuissants  tentés 
par  son  fils,  afin  de  ressaisir  la  cou- 
lonne  d'Angleterre.    La  mère  ne  fui 
pas  plus  heureuse  que  l'épouse.  Elle 
mourut  à  Saint-Germain,  le  7  mai 
1718  ,    après   douze  jours   de  ma- 
ladie ;    le  surWidemain  ,   son  corps 
fut   porté   à   l'églist-  SaitUe-Mario  de 
Chaillot  ,    où    avait    été   déposé    le 
(œur    de   son    mari.    «  Sa  vie  ,    diJ 
„  Sttim  -  Sjiuion  ,  depuis  quelle  fut 


«  en  France  ,   n'a  été    qu'une   sui- 
«  te   de  malheurs    qu'elle  a   héixw- 
«  quement  portés  jusqu'à  ia  fin,  dans 
!«  l'oblation  à  Dieu,  le  détachement , 
-  la  pénitence,  la  prière,  les  bonnes 
œuvres  continuelles,  et  toutes    les 
vertus  qui  consomment  les  saints. 
Parmi    la   plus  grande    sensibilité 
naturelle,    beaucoup  d'esprit  et  de 
hauteur  naturelle,  qu'elle  sut  cap- 
tirer  étroitement  et   humilier  con- 
stamment, avec  le  plus  grand  air  du 
«  monde,  le  plus  majestueux,  le  plus 
«  imposant,  avec  cela   doux  et  mo- 

•  deste.    Sa    mort   fut    aussi    sainte 

•  qu'avait  été  sa  vie.  Sur  les  600,000 

•  livi-es  que  le  roi  lui  donnait  pai'  an, 

•  elle  s'épargnait  tout  pour  faire  sub- 

•  sjster  les  pauvres  Anglais  dont 
"  Saint-(iermain  était  rempli.  »  A — v. 

MARIE -LOriSE,  femme  de 
Cliai'ies  il,  roi  d'Espagne,  était  HUe 
du  duc  d'Orléans,  frère  de  Louis  XIV, 
et  de  Henriette  d'Angleterre.  Elle  na- 
quit à  Paris  en  1662,  et  fut  tenue  siu- 
les  fonts  baptismaux  par  le  cardinal 
de  Retz  et  la  princesse  d'Harcouit.  \ 
peine  âgée  de  huit  ans,  elle  perdit  sa 
mère,  dont  la  mort  soudaine  Ht  croire 
à  un  empoisonnement.  Quelques  an- 
nées après,  Marie-Louise  faillit  être 
victime  d'un  attentat  semblable. 
«  La  jeune  Mademoiselle,  dit  M""  de 
«  Sovigné  dans  une  lettre  du  lii  oc- 

•  tobre  1677,  a  la  lièvre  qiîarte.  Elle 
»  fut  l'autre  jour  aux  caruiéhtes  de 
»  la  rue  du  P^iuloy,  pour  leurdeman- 

•  der  un  remède.  Elle  a  avait  ni  gou- 

•  vernante  ni  sous-gouvernante;  on 
«  lui  donna  un  breuvage  qui  la  fit 
«  beaucoup  vomir;  cela  Ht  grand 
«  bruit.  La  princesse  ne  voulut  point 
"  dire    qui    lui   avait    donné    ce   re- 

•  mède  »  ;  mais  le  roi  le  sut  et  en  fut 
tellement  indigné  (ju'il  prodigua,  en 
présence  du  duc  d'Orléans,  les  épithè- 
tes  les  plus  injurieuses  aux  carmélites} 

LXIIII, 


fit 

d  alla  jusqu'à  les  appeler  •  des  em- 
poisonneuses. •  A  supposer  que  ce» 
religieuses  fussent  toujMifiles,  il  est 
évident  qu'elles  devaient  avoir  des 
complices,  et  peut-être  servaient- 
elles  d'instrument  à  leiu-  insu.  Quoi 
qu'il  en  soit  ,  on  est  frappé  de  la 
ressemblance  des  s%  raptùmes  qui  se 
manifestèrent  alors  chez  la  princes- 
se, avec  ceux  qui  douze  ans  plus 
tard  accompagnèrent  sa  mort.  >'ou$ 
ne  prétendons  point  apporter  ici 
d'opinion  décisive,  mais,  s'il  est  vrai 
que  Henriette  d'Angleterre  soit  morte 
empoisonnée,  doit-on  s'étonner  que 
sa  fille  ait  été  victime  de  la  même 
haine,  exploitée  au  profit  d'intérêts 
politiques?  Cependant,  grâce  à  de 
prompts  remèdes,  Marie-Louise  se  ré- 
tablit, et  devint  l'un  des  plus  beaux 
ornements  de  la  cour.  Appelée  par  sa 
naissance  à  toutes  les  rt-unions  de  la 
famille  royale,  elle  s'éprit  d'une  vive 
passion  pour  le  dauphin  et  fut  ptayée 
de  retom-.  Mais  des  raisons  d'état  s'op- 
posaient à  leur  imion.  Aussi  Made- 
moiselle avait  dit  au  duc  d'Orléans  : 
«  Ne  menez  pas  si  souvent  votre  fille 
••  à  la  cour,  elle  sera  trop  malheu- 
"  reuse  ailleiu^.  »  Cette  prévision 
était  juste,  car,  lorsque  le  mariage  de 
.Marie-Louise  avec  Charles  H  eut  été 
arrêté,  elle  témoigna  le  plus  violent 
désespoir  et  usa  de  tous  les  moyens 
pom-  le  faire  rompre.  Louis  XIV  fut 
inflexible  :  «  Je  vous  fais  reine  d'Es-  ' 
"  pagne,  lut'  dit-il ,  que  pourrais-je 
«  de  plus  pour  ma  fille? — Ah!  i-é- 
•  pondit  ia  jeuneprincesse,  vous  pour- 
»  riez  plus  pour  votre  nièce.  «  Que 
de  grâce  et  de  délicatesse  dans  ces 
paroles  !  Cependant  le  jour  fixé  pour 
son  départ  approchait  ;  ne  pouvant 
•'y  résoudre,  elle  se  jeta  aux  pieds 
du  roi  au  moment  qu  il  se  rendait  à 
la  messe  et  fut  i-epoussée  par  cette 
fi-oide  plaisanterie  :  •  Ce  serait  une 
11 


I6i 


MAR 


«  belle  chose  que  la  reine  catholique 
a  empêchât  le  roi  très-chrétien  d'aller 
«  à    la    messe.  »   Le    20   septembre 
1679,  elle  prit  congé  de  Louis  XIV, 
qui  lui  dit  en  l'embrassant  :  »  Mada- 
«  me,  je  souhaite  de  vous  dire  adieu 
«  pour  jamais;  ce  serait  le  plus  grand 
»  malheur  qui  vous  pût  arriver  que 
«  de  revoir  la  France  «   (1).  I^  dé- 
sespoir était  tellement  peint   sur  le 
visage  de  Marie-Louise,  le  jour  de  son 
départ,   que   le  peuple  attendri  s'é- 
criait en  la  voyant  passer  dans  la  rue 
Saint-IIonoré  :  «  Monsieur    est   trop 
»  bon,  il  ne  la  laissera  point  aller, 
.  elle  est  trop  affligée  «.  Cependant 
il  fallut     partir;    elle   était    accom- 
pagnée   du    prince  et   de    la   prin- 
cesse   d'Harcourt.   Sa  première    en- 
tievue    avec    Charles     II    eut     lieu 
près  de   Burgos  ;    le   roi    la    surprit 
eomme  elle  se  coiffait,  et  il  ouvrit  la 
porte  lui-même.  Marie-Louise  voulut 
se  jeter  à  ses   pieds  et  lui  baiser  la 
main;  le   roi  la   prévint  et  baisa    la 
sienne.  Le  mariage  fut  célébré  sans 
pompe  le  18  novembre,  et  les  deux 
époux,   après   avoir  passé  la  nuit  à 
Burgos,  prirent   la  route  de  Madrid. 
A  peine    arrivée,  la  reine   écrivit  à 
Louis  XIV  «  que  son  mari  était  plus 
«  aimable  qu'elle  ne  l'avait    cru,   et 
«  qu'elle  était  heureuse.  >•  Charles  se 
montrait    fort    content   de    sa  jeune 
épouse  ;  il  lui  enseignait  l'espagnol  et 
en  apprenait  le  français.  Cette  bonne 
intelligence  ne   fut  tioublée  que  par 
des  accès  de  jalousie,  qui  obHgèrent  la 
reine  à  vivre  dans  la  plus  grande  re- 
traite. Sans  doute  celte  jalousie  n'a- 
vait   d'autre     fondement    que    l'état 
même  d'impuissance  dont  le  roi  était 

(1)  Ces  paroles  éuiient  un  reproche  indirect 
pour  MargupritP-Louiso  d'Orlëans,  grandn- 
duchessc  de  Toscane,  qui  était  présente  à  cette 
audience.  Elle  avait  quittO,  en  iC'J&.CosuiellI 
dp  Médici» ,  son  mari ,  et  était  revenue  en 
France,  (yoy-  ^  XXVIU,  p.  98.) 


MAR 

frappé,  et  l'on  doit  reléguer  dans  le 
domaine  du  roman  toutes  les  supposi- 
tions contraires.  On  comprend,  néan- 
moins, que  Marie-Louise,  habituée  aux 
brillantes  fêtes  de  Versailles,  ne  s'ac- 
commodât guère  de  cette  solitude, 
et  qu'elle  reportât  souvent  ses  pensées 
et  ses  regards  vers  cette  France  où 
elle  avait  laissé  tout  ce  qui  lui  était 
cher.  Depuis  dix  ans  elle  menait    la 
vie  la  plus  monotone,  lorsque  le  10 
février    1689,    elle    fut  tout-à-coup 
prise  de  vomissements  si  extrêmes  et 
si  violents,  qu'aucun  remède  ne  put 
la  soulager.  Après  avoir  dit,   comme 
sa   mère,   qu'elle  était  empoisonnée, 
elle  se  rétracta  comme  elle,  excitée 
sans  doute  par  des  sentiments  de  ré- 
signation et  de    charité    chrétienne. 
Elle  expira  le  surlendemain  à  midi, 
au  milieu  des  plus  cruelles  souffran- 
ces. Cette  nouvelle,  parvenue  à  Ver- 
sailles dans  la  soirée  du  19  février, 
fit  la  plus  vive  sensation  ,  et  rappela 
les  célèbres  paroles  de  Bossuet  :  u  Ma- 
dame se  meurt,  Madame  est  morte  .■ . 
Bientôt  les  détails  circonstanciés  arri- 
veront, et  il  n'y  eut  plus  qu'une  opi- 
nion sur  la  cause  d'une  mort  si  sou- 
daine. Tous   les    contemporains,    la 
princesse    de    Bavière,  M»"  de   La 
Fayette,  de  Sévigné,  l'attribuent  au 
poison,  bien  que  «  ce  mot  eût  été  dé- 
fendu à  Versailles    et    par   toute    la 
France.  »  Voici   comment   s'exprime 
Saint-Simon  qui,  envoyé  ambassa- 
deur  extraordinaire  en    EIspagne  au 
commencement  du  XVIII'  siècle,  put 
recueillir  sur  les  lieux  mêmes  toutes 
les  circonstances  qui  avaient  accompa- 
gné cet  événement:  «  La  reine,  dit-il, 
..  n'avait  point  d'enfants  et  avait  tel- 
«  lemeut  gagné  l'estime  et  le  cœur  du 
«  roi  son  mari,  que  la  cour  de  Vienne 
..  traignit  tout   de   son    crédit   pour 
a  «létacher  l'Espagne   de   la   grande 
..  alliance  faite  <outre  U  France.  Le 


MAP. 

»  comte    de   Mansfeld,   avec  qui   la 

»  comtesiie  de  Soissons  lia  commerce 

•  intime  dès  en  arrivant,  était  am- 
»  bassadeur  de  l'empereur  à  Madrid. 
«  La  reine,  qui  ne  respirait  que  Fran- 

•  ce,  eut  une  grande  passion  de  voir 
>  la  comtesse  de  Soissons.  Le  roi 
■  d'Espagne,  qui  avait  foit  oui  parler 

•  d'elle,  et  à  qui  les  avis  pleuvaietit 
depuis  quelque  temps  qu'on  voulait 
empoisonner  la  reine,  eut  toutes  les 
peines  du  monde  à  y  consentir.  Il 
permit  à  la  fin  que  la  comtesse  de 
Soissons  vînt  quelquefois  les  après- 
dînées  chez  la  reine  par  un  escalier 
dérobé,  et  elle  la  voyait  seule  et 
avec  le  roi.  Les  visites  redoublèrent 
et  toujouis  avec  répugnance  de  la 
part  du  roi.   Il  avait  demandé  en 

■  grâce  à  la  reine  de  ne  jamais  goûter 

de  rien  iju'il  n'eu  eût  bu  ou  mangé 

le  premier,  parce  qu'il  savait  bien 

qu'on  ne  le  voulait  pas  cmpoison- 

'•  ner.  Il  faisait  chaud,  le  lait  est  rare 

«  à  Madrid,  la  reine  en  désira,  et  la 

«  comtesse,  qui  avait  peu  à  peu  usui- 

«  pé  des  moments  de  tête-à-téte  ave<' 

•  elle,  lui  en  vanta  d'excellent  qu'elle 
»  promit  de  lui  apporter  à  la  glace. 
«  On  prétend  qu'il  fut  piéparé  chez 

•  le  comte  de  Mansfeld.  La  comtesse 
«  de  Soissons  l'apporta  à  la  reine  qui 

•  l'avala,  et  qui  mourut  peu  de  temps 

•  après,   comme  Madame  sa   mère. 

•  La  comtesse  de  Soissons  n'en  atten- 
»  dit  pas  l'issue,  et  avait  donné  l'ordre 
«  de  sa  fuite.  Elle  ne  s'amusa  guère 

•  au  palais  après  avoir  vu  avaler  ce 
«  lait  à  la  reine;  elle  revint  chez  elle 

•  où  ses  paquets  étaient  faits,  et  s'en- 
«  fuit  en  Allemague.  Dès  que  la  reine 

•  se  trouva  mal,  on  sut  ce  quelle  a- 
«  vait  pris  et  de  quelle  main;  le  roi 
»  d'Espagne  envoya  chez  la  comtesse 

•  de  Soisson.s,  qui  ne  se  trouva  plus; 
«  il  fit  courir  après  de  tous  côtés, 
«  mais  elle  avait  si  bien  pris  ses  me- 


MAR 


163 


«  sures    quelle    échappa.    Mansfeld 

-  fut  rappelé  à  Vienne  où  il  eut  à  son 

-  retour  le  premier  empjoi  de  cette 
"  cour.  "  En  présence  d'un  témoi- 
gnage aussi  positif  et  de  l'accord  una- 
nime de  tous  les  contemporains,  on 
ne  saurait  donner  aucun  poids  à  l'au- 
torité de  Voltaire  qui  nie  l'empoisonne- 
ment. L'auteur  du  u'éc/e  </«  Louii  XI F, 
au  lieu  de  réfuter  les  assertions  des 
écrivains  que  nous  avons  cités,  s'atta- 
che à  uiî  passage  de*  Mémoires  de 
Dangeau  ,  qu'il  dénature  et  mutile. 
(;]ar,  outre  que  ce  passage  n  existe  pas 
dans  quelques  éditions,  il  se  rapporte 
non  à  Marie-Louise,  mais  à  Anne  de 
Neubourg,  seconde  femme  de  Char- 
les II.  il  faut  d'ailleurs  ajouter  à  ce 
témoignage  que  la  comtesse  de  Soit- 
sous  était  la  même  que  l'on  avait  vue 
si  gravement  compromise  avec  la 
Crinvilliers,  et  que  son  propre  fils, 
le  prince  Eugène,  regardait  comme 
tellement  coupable,  que,  dans  les  der- 
nières années  de  sa  vie,  il  cessa  de  la 
voir,  {roy:  Soi.sso.vs,  XLII,  581 .)  A— v. 

MARIE-LOUISE ,  reine  d'Es- 
pagne ,  mère  de  Feixlinand  VII  et  fille 
de  l'infant  don  Philippe  ,  duc  de 
Parme ,  naquit  dans  cette  ville  le  9 
décembre  1754.  Elle  fut  mariée  le  4 
septembre  1765,  à  Charles,  prince  des 
A .stiuies (depuis  Charles IV).  Couron- 
née reine  en  1789,  cette  princesse 
reçut  à  la  cour  de  son  père  l'éduca- 
Jion  la  plus  soignée.  Elle  n'avait  que 
douze  ans,  lorsque,  ayant  su  que  son 
mariage  avec  l'héritier  de  la  couronne 
clEspagne  était  signé,  elle  exigea  aus- 
sitôt qu'on  lui  rendit  tous  les  honneur» 
dus  à  ce  nouveau  rang.  Cette  pré- 
tention ,  qu'elle  eut  même  à  l'yard 
de  son  frère,  le  duc  Ferdinand,  donna 
lieu  il  de  vives  et  fréquentes  alterca- 
tions entre  eux.  Dans  une  de  ces  oc- 
casions, Marie -Louise  dit  au  jeune 
duc  :  '<  i«  vous  apprendrai    à  avoir 

11. 


164 


MAR 


«  les  égards  que  vous   me    devez  , 
«  car  enfin  je  serai  reine  d'Espagne  et 
o  vous    ne    serez   jamais  qu'un  petit 
«  duc  de  Parme.  »  Celui-ci  répondit  : 
«  En  ce  cas,  le  petit  duc  de  Parme 
..  aura  l'honneur  de  donner  un  souf- 
«  flet  à  la  reine  d'Espagne.  «  Ayant 
mis  à  exécution   sa  menace,  l'infant 
fut  arrêté  par  ordre  de  son  père,  au- 
quel Marie-Louise   était  allée  porter 
ses  plaintes  ;  mais  bientôt  elle-même 
intercéda    pour    celui    qui    l'avait  si 
cniellement  offensée.  Cette  princesse 
vint  très-jeune  à  la  cour  d'Espagne. 
Sans  être  belle,   elle  avait  alors  de  la 
grâce  sans  affectation  et  une  physio- 
nomie vive  et  spirituelle.  Cependant 
le  prince  son  époux  lui  témoigna  d'a- 
bord un  éloignement  qui  l'exposa  à 
de  sévères  réprimandes  de  la  part  du 
roi    son  père.    Ce  monarque  aimait 
tendrement  sa  bru;  mais,  alarmé  de 
son  extrême  vivacité,  il  la  tenait  sous 
la  plus  exacte  surveillance.  Il  éloigna 
d'elle  deux  jeunes  dames  dont  l'exem- 
ple pouvait  lui  être  funeste.  Ces  da- 
mes avaient  entraîné  la  princesse  à  se 
promener  incognito  et  seule  dans  les 
rues  de  Madrid  ;  de  telles  promenades 
ne  pouvaient  être   tolérées    par  un 
prince  aussi  rigide,  sous  le  rapport  des 
mœurs,  que  l'était  Charles    III.   La 
même  cause  fit  aussi  éloigner  de  la 
cour   le   duc    de  Lancastre ,  le  plus 
aimable  et  le  mieux  fait  des  seigneurs 
de    ce  temps-là.    Déjà    la    malignité 
avait  répandu  des  bruits  outrageants 
pour  Va  princesse.  Tant   que  Charles 
m   vécut ,    Marie-Louise  lut  obligée 
de  mesurer  ses  moindres  démarches  ; 
et  ne  put  avoir  aucune  influence  sur 
les  affaires.  Mais,  en  revanche,  eile 
jouit  du  bonheur  d'être  aimée  de  ses 
peuples.  iNe  négligeant  rien  pour  ga- 
gner le  cœur  de  son   époux,    elle  y 
parvint  au  point  que  bientôt  ce  prince 
n'agit  plus  que   par  ses  conseils  ou 


MAR 

d'après  sa  volonté;  et,  dès  que  Charles 
m  eut  fermé  les  yeux,  cet  ascendant 
eut  encore  plus  de  force.  Les  minis- 
tres furent  entièrement  soumis  à  la 
reine ,  et  les  trésors  de  l'État  lui  fu- 
rent complètement  ouverts.  Les  em- 
plois les  plus  importants  ne  s'accor- 
dèrent que  par  sa  protection.  Le  tré- 
sorier-général, le  marquis  de  la  Stor- 
mazas,  fut   destitué    pour   avoir    osé 
refuser  une  somme  que  l'épuisement 
du  trésor  n'avait  pas  permis  de  lui 
fournir.  Le  ministre  de    l'intérieur, 
Cabalero,  reçut  aussi  son  congé  pour 
un  refus  du  même  genre.  L'empire 
de    Marie-Louise    fut    moins   absolu 
lorsque  Godoy  vint  le  partager.  Dès 
lors,  Charies  IV  et  la  reine  ne  firent 
plus  rien  que  parleur  favori  et,  ce  qui 
était  assez  bizarre,  c'est  qu'il  eût  été 
difficile  de  dire  lequel  des  deux  époux 
avait  le  plus  de  penchant  pour  Godoy. 
Mais  la  reine  eut  bientôt  à  se  repen- 
tir   de    l'influence    qu'elle  lui   avait 
laissé  prendre;  il  n'était  plus  temps 
de  faire  revenir  le  roi  de  rattachement 
et  de  la  confiance  qu'elle-même  lui 
avait    inspirés  pour   un  homme  qui 
s'en  montrait  si  peu  digne.  Charles  IV 
ne  voulait  pas  croire  à  la  dépravation 
de  Godoy.  La  reine  n'avait  jamais  pu 
détacher  c<;lui-ci  «le  ses  liaisons  avec 
M°"  Tudo ,  tandis  que  lui-même  ne 
souffrait  auprès  de  la  reine  aucun  hom- 
me qui  eût  pu  lui  donner  de  l'om- 
brage. Ce  fut  aiusi  qu'il  disgracia  le 
ministre  llrquijo  et   le  jeune  améri- 
cain Mallo.  Cependant  la  reine,  outrée 
d(>  l'orgueil   du  favori    et  de  son  in- 
gratitude, le  metiaça  un  jour  de  faire 
connaîue  au  roi  toute  sa  perversité  ; 
mais  le  favori  ne  fut  point  effrayé  de 
cette  menace,  que  Marie-Louise  étail 
d'ailleurs  incapable  d'exécuter.  L'as- 
«:ondant  qu'il  avait  pris  sur  elle  étaii 
si  grand,  (pie,  malgré  tous  ses  torts, 
cette  princesse  pouvait  encore  raoui! 


MAR 

que  le  roi  se  passer  de  sa  présence. 
Ainsi,  loin  de  s'opposer  par  la  suite  à 
son  élévation,  elle  ne  cessa  d'y  con- 
courir. A  cette  époque  (1802),  l]ona- 
parte ,  qui  venait  de  s'emparer  du 
pouvoir  en  France,  n'avait  encore 
entrepris  aucune  correspondance  di- 
recte avec  Godoy  ;  mais  il  n'ignorait 
pas  l'influence  qu'exerçait  la  reine  sur 
le  gouvernement.  Il  chercha  donc  à 
s'insinuer  dans  l'esprit  de  cette  prin- 
cesse par  les  lettres  les  plus  polies  et 
par  les  présents  les  plus  recherchés. 
La  princesse,  flattée  d'être  l'objet  des 
attentions  d'un  homme  qui  faisait  tant 
de  bmit  en  Europe,  lui  envoya  à 
son  tour  des  cadeaux  magni6ques,  et 
on  la  vit  mettre  un  grand  prix  à 
ceux  qu'elle  en  avait  reçus,  principa- 
lement à  une  perruque  en  fils  d'or,  si 
habilement  travaillée,  que  l'on  pou- 
vait à  peine  distinguer  au  toucher  les 
fils  d'or  des  cheveux.  En  échange, 
elle  lui  envoya  une  épée  enrichie  des 
diamants  les  plus  précieux.  Mais , 
après  l'arrivée  de  Lucien  Bonaparte  à 
Madrid  {voy.  Charles  r\',  LX,  463), 
Napoléon  ne  correspondit  plus  qu'a- 
vec le  prince  de  la  Paix,  sans  oublier 
cependant  de  ménager  la  reine,  à 
laquelle  les  ambassadeurs  de  France 
firent  toujours,  par  ordre  de  leur 
mattre ,  la  cour  la  plus  assidue. 
Cette  politesse  extérieure  contribua 
beaucoup  à  entretenir  chez  elle  la 
haute  estime  qu'elle  avait  conçue 
pour  Napoléon.  Mais  l'attachement 
du  peuple  espagnol  pour  cette  prin- 
cesse était  considérablement  diminué 
depuis  l'élévation  du  prince  de  la 
Paix.  Tandis  qu'on  aimait  sincèrement 
Charles  IV,  et  qu'on  se  bornait  à 
plaindre  son  aveuglement  pour  un 
indigne  favori,  on  regardait  générale- 
ment la  reine  comme  la  première 
cause  de  cette  calamité.  Le  peuple 
languissait  dans  la  misère  ;  on  veneit 


^L^ 


16o 


d'augmenter  le  prix  de  plusieurs  den- 
rées, en  même  temps  qu'on  avait  ac- 
cordé à  Godoy ,  déjà  le  plus  riche 
propriétaire  de  l'État,  un  nouveau 
revenu  de  500  mille  ducats.  L'indi- 
gnation pubUque  fut  à  son  comble. 
Un  jour,  la  reine  se  promenait  le  long 
du  Mançanarès  :  une  foule  de  peuple 
se  rassemble  tout-à-coup  autour  de 
sa  voiture;  on  la  menace,  on  laccuse 
des  malheurs  publics,  et  les  expres- 
sions les  plus  injurieuses  s'allient  dans 
toutes  les  bouches  au  nom  du  favori. 
Leê  gardes  -du-  corps  qui  escor- 
taient la  princesse  eurent  beaucoup 
de  peine  à  contenir  cette  foule;  deux 
d'entre  eux  furent  très-mal  traités.  On 
punit  sévèrement  les  principaux  cou- 
pables; mais  la  reine  dut  voir  com- 
bien elle  avait  perdu  dans  l'esprit  de  < 
ses  sujets.  Cependant,  comme  on  n'i- 
gnorait pas  l'attachement  que  le  roi 
consei-vait  pour  elle ,  on  s  efforça  de 
dissimuler;  et,  quand  le  monarque  et 
son  épouse  se  montraient  ensemble  en 
public ,  ils  recevaient  tous  les  -deux 
les  mêmes  témoignages  daffectioii. 
Ces  témoignages  les  accompagnè- 
rent dans  leur  voyage  ,  à  Badajoz, 
en  Andalousie,  et  dans  celui  de 
Barcelone  ,  où  ils  passèrent ,  eu 
1802,  pour  célébrer  le  double  ma- 
riage du  prince  des  Asturies  et  dt, 
l'infante.  Quoique  Marie-Louise  ait 
toujours  marqué  une  véritable  prédi- 
lection pour  la  reine  d'Étrurie  et  sm- 
tout  pour  l  infant  don  François ,  ses 
sentiments  envers  le  piince  des  As- 
turies semblèrent  im  peu  changer 
lors  de  son  mariage  avec  une  prin- 
cesse de  Naples,  pour  laquelle  elle  ne 
pouvait  pas  cacher  son  aversion.  On 
a  généralement  considéré  Marie- 
Louise  comme  la  principale  cause  de 
l'alliance  du  prince  de  la  Paix  avec 
une  princesse  du  sang;  néanmoins  le 
but   quelle  s'était  proposé  dans  ce 


166 


MAR 


mariafî*  ne  fat  pas  rempli ,  caf  Go» 
doy  ne  renonça  pas  à  ses  anciennes 
liaisons.  L'éloignement  que  le  prince 
des  Asturies  avait  pour  Godoy  (voy. 
Ferdinand  Vil,  I.XIV,  80,  et  Charles 
IV,   LX,  462)  lui  attira  souvent  de 
graves  réprimandes  de  la  part  de  ses 
parents.    Cependant ,    lors   des   pre- 
mières   dissensions    du    prince   avec 
son  père,   la  reine  croyant  les  jours 
de  son  fils  en  danger,  alla  tout    en 
pleurs  se  jeter  aux  pieds  du  monar- 
que,   et  elle  ne  le  quitta  pas  avant 
d'avoir    obtenu   la   grâce   de    Ferdi- 
nand.   Depuis    cette  époque,  Marie- 
Louise  ne  joua  plus  qu'un  rôle  peu 
important.  Tremblant  pour  la  vie  de 
Godoy  dans  les  journées  des  17  et  19 
mars  1808,  elle  n'eut  de  nanquillité 
que  lorsqu'elle   le   revit  à  Bayonne. 
C'était  dans  cette  ville  que  les  yeux  de 
cette  princesse  devaient  à  la  fin  s'ou- 
Trir  sur  le  compte  de  jNapoléon  ;  mais 
loin  de  là,  on  l'y  vit  appuyer  avec 
une  sorte  de  fureur,  an  détriment  de 
son  fils,  ses  prétentions  à  la  couronne 
d'Espagne;  et,  si  l'on  en  croit  les  com- 
pilations de  Sainte-Hélène,  Bonaparte 
lui-même  racontait  alors  qu'il  avait 
été   révolté   de   l'entendre   s'accuser 
d'un  crime  pour  dénier  la  légitimité 
de  Ferdinand,  et  détruire  des  droits 
que,  dit-elle  en   présence  de  Charles 
IV,   il    ne    pouvait    tenir  que   d'elle 
seule.  O  furent  ses  deiniers  adieux  à 
ce  fils  qu'elle  ne  devait  plus  revoir. 
Bientôt  elle  fut  conduite  à  Fontaine- 
bleau avec  Chailes  IV,  la  reine  d'É- 
trurie  (»^o)'.  son  article,  ci-après),  l'in- 
fanl  don  François  et  Godoy;  i)uis  à 
Marseille  et  enfin  à  lîome.  Elle  passa 
plusieurs  années  dans  celle  ville,  oii 
tes  deux  époux  vécurent  d'aboitl  d'un 
modique  Uaitement  du  gouvernement 
impérial    fort    irrégulièrement  payé, 
puis  de  sonnnes  beaucoup  plus   rx)n- 
sidérables   que  leur    envoya    Ferdi- 


MAB 

nand  VU,  dès  qu'il  fat  remonté  sur 
le  trône.  Marie  -  Louise  mourut  à 
Borne  le  4  janvier  1819.      M — d  j. 

MARIE  -  LOUISE  -  Joséphine, 
reine  d'Étrurie,  fille  de  Charles  IV, 
roi  d'Espagne,  et  de  Marie  -  Louise , 
dont   l'article   précède  celui-ci,   na- 
quit   à   Madrid,    le    6  juillet  1782. 
A    lage   de   treize  ans,    elle    épousa 
l'infant   don  Louis  de  Bourbon,  fils 
aîné  du  duc  de  Parme,   don  Ferdi- 
nand  {voy.  Loris   I".   LXXll,    162}. 
iSéanmoins  elle  continua   de  résider 
en  Espagne,  sous  le  nom  de  princesse 
de  Parme.  Quatre  ans  et  demi  après  son 
mariage  elle  accoucha   d'un  fils  qui 
fut    nommé    Charles -Louis,    et  qui 
aujourd'hui    est    duc    de    Lucqucs. 
On  sait  qu'un  traité  d'échange  don- 
nait la  Toscane  au  mari  de  la  prin- 
cesse de  Parme.  Les  deux  époux  eurent 
ordre  de  se  rendre  dans  ce  pays  au 
•  mois  d'avril  1801.  Avant  leur  départ, 
le  prince  de    la    Paix  leur  dit    que 
le  premier  consul,  Bonaparte,  désirait 
voir  nu  moment,  à  Paris,  le  nouveau 
roi  et  la  nouvelle  reine.  Après  être 
restés  vingt  jours  dans  cette  capitale, 
ils  partirent  pour  Florence,  en  pas- 
sant par  la  ville  de  Parme,  où  le  roi 
eut  le  bonheur  de  revoir  ses  parente. 
Les   princes  firent  leur  entrée  à  Flo- 
rence, le  12  août  1801.  Quoique  la 
Toscane  fut  encore   occupée  par  le 
général  Murât  ,   le  comte  Ventura  en 
avait  pris  possession  au  nom  du  roi 
Louis  1".  L'accueil  du  peuple  ne  fut 
pas   très-cordial,  parce  qu'il    voyait 
arriver  ces  souverains  sous  la   pro- 
tection de  l'armée  fiançaisc,  dont  le 
S(-jonr  était  pour  lui  une  charge  pé- 
nible. Le  palais  Pilti,  où  descendirent" 
le   roi   et   la  reine ,  clait  prescpic  dé- 
pouillé; il  fallut  emprunter  des  flam- 
beaux et  presque  tous  les  meubles. 
-  Ce  fat  la  première  fois,  dit  la  rei- 
..  ne    d'Étrurie    dans     »es    Mémoi- 


MAR 

"  les  (1),  qu'une  fille  du  roi  d'Es- 
•1  pagne,  accoutumée  à  ne  faire  usa- 
n  ge  que  de  plats  d'or  et  d'argent , 
«  se  vit  contrainte  de  manger  dans 
'<  des  vases  de  terre  ».  La  cour  de 
Vienne  fut  la  première  qui  reconnut 
la  souveraineté  de  Louis  I",  et  elle 
accrédita  auprès  de  lui  le  général 
Colli.  Le  pape  Pie  Vil  envoya  ensuite 
un  nonce  à  Florence,  monseigneur 
Morozzo,  depuis  cardinal.  La  reine  fit 
alors,  de  concert  avec  son  mari,  des 
démarches  pour  que  les  troupes  fran- 
çaises évacuassent  l'Étrurie,  mais  elle 
ne  put  l'obtenir  ;  on  lui  répondit  que 
l'ancien  gouvernement,  qui  était  très- 
regrctté,  avait  conservé  l'afFection  des 
Toscans.  Il  fut  seulement  promis  qu'a- 
près la  formation  d'une  garde  noble, 
les  troupes  sortiraient  de  la  capitale, 
pour  aller  occuper  Livourne  et  Pise. 
La  santé  du  roi,  malade  depuis  long- 
temps, commençait  à  décliner  d'une 
manière  effrayante  ;  des  accès  de  fiè- 
vre tierce  ne  lui  donnaient  aucune 
lelâche;  ensuite  une  maladie  de  poi- 
trine se  déclara.  En  1802,  la  reine, 
quoique  enceinte ,  fut  appelée  à 
Madrid,  pour  prendre  part  aux  fêtes 
du  mariage  de  son  frère  Ferdinand  : 
il  fallut  que  le  roi  Louis  s'arrêtât  à 
Pise  :  cependant,  quand  les  symptô- 
mes de  phthisie  le  lui  permirent,  il 
s'embarqua.  La  reine,  surprise  par 
les  douleurs  pendant  la  traversée, 
accoucha  d'une  fille,  en  vue  de  Bar- 
celonne.  Marie-Louise  était  bois  d'é- 
tat de  débarquer;  alors  Charles  IV, 
qui  venait  d'arriver,  ordonna  qu'on 
ouvilt  les  flancs  du  vaisseau  à  trois 
ponts  qui  la  portait,  et  que  par  une 
embrasure  du  bâtiment,  on  élevât 
son  Ut,  sans  déranger  la  princesse, 
}>our  la  transporter  a  terre.  Cette  ou- 
verture fut  exécutée    à  grands  frais 

(1)  Memoir  of  the  queen  of  Etruria  writ- 
toi  ^  hcrself,  Londres,  1814,  in-8">, 


MAR 


167 


dans  l'espace  d'une  matinée,  par 
un  habile  ingénieur,  et  le  roi  Char- 
les IV  eu  témoigna  la  plus  vive  satis- 
faction. Peu  de  temps  après,  on  reçut 
la  nouvelle  de  la  mort  du  duc  de 
Parme,  son  fils.  Le  roi  d'Étrurie  en 
conçut  tant  de  chagrin,  que  son  état 
empira,  et  que  les  médecins  voulu- 
rent qu'il  retournât  à  Florence.  Le 
27  mai  1803,  cinq  mois  après  son 
retour,  il  succomba  à  ses  souffrances  , 
laissant  régente  la  reine  son  épouse. 
\aî  jeune  Charles-Louis  fut  proclame 
roi  d'Étrurie.  Lorsque  Marie-Louise 
prit  les  rênes  du  gouvernement,  elle 
chercha  à  assurer  le  bonheur  de  ses 
sujets  ;  mais,  peu  de  temps  après,  une 
maladie  contagieuse  se  déclarait  à 
Livourne,  et  fit  de  cruels  ravages. 
Les  troupes  françaises  continuaient 
d'occuper  diverses  parties  de  la  Tos- 
cane, et  il  fallut  augmenter  les  impôts 
|)our  subvenir  aux  dépenses  qu'oc- 
casionnait cette  exigence  du  vain- 
queur. I^a  reine  dit,  dans  ses  Mémoi- 
res déjà  cités,  qu'elle  obtint  du  cabi- 
net de  France  que  des  troupes  es- 
pagnoles viendi-aient  en  Toscane,  et 
qu'ainsi  elle  fut  délivrée  des  troupes 
françaises.  La  reine  ne  sut  pas  alors 
la  vérité  ;  ce  fut  Napoléon  qui  sug- 
géra au  cabinet  de  Madrid  l'idée 
denvoyer  en  Toscane  des  troupes 
espagnoles.  Par  ce  moyen,  ces  trou- 
pes, une  fois  sur  le  continent,  pour- 
raient être  dirigées  ailleurs,  dans  le 
sens  de  la  politique  française.  Cela 
eut  lieu  en  effet,  mais  non  pat  avec 
tout  le  succès  que  Napoléon  s'en  était 
promis.  Quoique  ses  troupes  n'oc- 
cupassent plus  aucune  des  villes  de 
lÉtrurie,  ce  pays  n'en  resta  pas  moins 
condamné  à  fournir  un  subside  très- 
considérable,  payable  par  douzièmes 
de  mois  en  mois,  et  destiné,  préten- 
dait-on ,  à  solder  les  régiments  qui 
dans  un  cas  donné  viendraient  dans 


f«S 


MAr. 


ce  pays,  [>oar  y  apaiser  urie  révolte , 
et  qui  attendraient  cette  destination 
près  de  Mantoue.»  Le  roi  mon  fils,  dit 
.'  la  reine  dans  ses   Mémoires,   ac- 
.<  quérait  chaque  jour,  en  bonté,  en 
•'  docilité,  en  finesse  d'esprit  ce  que 
«  je  pouvais    désirer  ;    il    faisait    de 
'.  grands  progrès  dans  ses  études  ;  sa 
.<  santé  était  robuste,  et  il  savait  se 
«  faire  aimer    de  ceux   (jui    l'appro- 
«  chaient  ».  La  princesse  se  livrait  à 
la  joie   que   lui  donnait  une  espèce 
de  tranquillité  dont  jouissait  la  Tos- 
cane, lorsque,  le  23  nov.  1807,  elle 
reçut  la  visite  du  ministre  de  France 
qui  vint  lui  annoncer  que,  l'Espagne 
ayant  fait  cession  du  territoire  tos- 
can à  Napoléon,  il   était  nécessaire 
qu'elle  pensât  au  départ  de  sa  cour, 
parce  que  les  troupes  françaises  qui 
devaient  occuper  la  Toscane  allaient 
se   mettre    en    marche.    Cette    ma- 
nière de  congédier  une  reine  régente 
et  de  disposer  d'un  pays,  sans  qu'elle 
en  fût  avertie,  sans  que  l'opinion  pu- 
blique   en     eût  eu  le  moindre  avis, 
parut  étrange  à    la    princesse  ;     elle 
expédia  un  courrier  en  Espagne  pour 
demander  ce  qu'il  fallait  penser  d'une 
telle  injonction.    La  réponse  fut  que 
le    traité    existait,   et   quelle   devait 
absolument  et  sui'  le  champ  penser 
au  départ.  Il  y  a  un  sujet  d'observa- 
tion bien  iemar([uable  dans  ces  vi- 
cissitudes des  traités  révolutionnaires. 
Ilien  n'égale  le  sérieux  avec    lequel 
un  conquérant  donne  un  pays,    que 
le  sérieux   avec  lequel  un  tiers  l'ac- 
cepte.   Au  milieu  de  ces  débats,  les 
peuples  ne  sont  pas  consultés,  et  la 
lemarquc oHVe  encore  bien  plus  «l'in- 
térêt, quand  il  s'agit  d'un  pays  l'em- 
pli  d  hommes  de  science,  démérites 
tliver.s,   et   ariivé  à    un    point   très- 
pei'foctionné  de  civilisation.  Comment 
voulait-on  que  la    Toscane  s'affection» 
n«t    à    un    gouvernement     nouveau, 


quel  qu'il  fût,   quand  on  l'arrachait 
ainsi  à  ce  commencement  de  laisser- 
aller  ou  au  moins  d'habitude  qu'elle 
éprouvait  sous   un  gouvernement  il- 
légitime sans  doute,  mais  qui  n'avait 
jamais  présaenté  rien  de  fâcheux,  d'a- 
mer ni  de  funeste.  Le  parti  fidèle  à 
l'ancienne  dynastie  ne  pouvait  que  se 
lenforcer  devant  de  tels  mécomptes. 
L'infortunée    régente,  qui  véritable- 
ment  se   croyait  reine,   était  invitée 
à  aller  à  Madrid  recevoir  les  conso- 
lations de  sa  famille,  truelle  que  fût 
l'inconvenance  des   mesures  par  les- 
quelles on  déplaçait  ainsi  ceux  qu'on 
avait  élevés  à  une  aussi  haute  dignité 
que  celle  de  roi,  on  y  ajoutait  encore 
la  prétention  d'être  juste.  Et  comment 
donc   entendait- on    la    justice?    On 
pensait   à  dépouiller  un  autre    sou- 
verain,  pour   dédommager  le  jeune 
roi  d'Étrurie  et  la  régente  :  ils   de- 
vaient  obtenir  en  compensation  une 
partie  du  Portugal,  que  gouvernaient 
encore  ses  maîtres  légitimes.  La  reine 
manifesta ,  à  cet  égard,  un  sentiment 
très-noble.  L'épouse   du  roi  de  Por- 
tugal  était   sa  propre  sœur  ;  elle  ne 
voulait    pas    d'une    indemnité    qui 
la    détrônât  ;    mais    Napoléon    n'a- 
vait pas   de   temps  à  donner  à  de 
pareils    scrupules,   et    il    ne   restait 
point  à  l'Espagne  assez  de  force  pour 
les  articuler  un   seul  instant.  Le  29 
février  i808,  la  reine  entrait  à  Aran- 
juez    où    son    premier    soin,    après 
avoir  joui  du  bonheur  de  revoir  sa 
famille,  ftU   de    s'enquérir   des    arti- 
cles dn  traité.  C.ette  princesse  assure, 
dans  ses  Mémoires,  qu'il  n'y  avait  en 
cllét  aucun    traité.   On  croit  cepen- 
dant qu'il   on  exista  un  très-positif. 
Mais,  en  l'rance,  on  s'était  arrêté  à  la 
pensée  de  ne  l'exécuter  jamais,  pas 
plus    (jue    les    promesses    incidentes 
(^ui  avaient  eu  lien  pendant  que  l'on 
préparait    bien  d'autres   maux   dont 


MAR 


>L\R 


169 


l'Espagne  allait  être  affligée.  Ce  n'est 
pas  ici  qu'il  convient  de  i-apporter 
les  scènes  de  l'abdication  de  Char- 
les IV  {voy.  ce  nom,  LX,  469.)  Marie- 
Louise  ftit  attirée  à  Kavonne  comme 
son  frère  Ferdinand  et  les  autres 
princes  dn  sang  :  elle  quitta  Madrid 
le  3  mai,  a  peine  convalescente  de 
la  rougeole.  Cette  princesse  igno- 
rait tout  ce  qui  s'était  passé  :  à  peine 
arrivée  à  Bavonne,  elle  entendit,  de 
la  bouche  de  son  père  lui-même, 
ces  paroles  ciuelles  :  •<  Vous  savez, 
•<  ma  fille,  que  notre  famille  a  pour 
«  toujours  cessé  de  régner.  »  Kapo- 
lëon  était  alors  dans  cette  ville.  La 
reine  lui  demanda  une  audience,  oii 
elle  sollicita,  du  moins,  la  restitution 
du  duché  de  Parme,  dont  son  mari 
avait  été  privé ,  quand  on  l'avait  en- 
voyé malgré  lui  en  Etrurie.  Napoléon 
lui  refijsa  tout,  et  aussitôt  après 
cette  audience,  l'infortunée  prin- 
cesse reçut  l'ordre  de  partir  avec  ses 
enfants,  et  de  suivie  à  Fontainebleau 
son  père  et  sa  mère  ;  en  même  temps 
on  assigna  à  la  reine  pour  son  entre- 
tien et  celui  de  ses  enfants  400  mille 
francs  par  an,  et  l'on  se  crut  très-gé- 
néreux! Dans  ce  château  des  rois  de 
France,  ses  aïeux,  la  reine  d'Étrurie 
n*obtint  qu'un  appartement  très-mes- 
qnin  où  elle  fut  confinée  avec  son  fils 
et  sa  fille.  Se  voyant  ainsi  renfermée, 
et  n'éprouvant  d'ailleurs  que  de  foi  t 
mauvais  traitements  de  son  père  et 
de  sa  mère,  elle  crut  qu'il  lui  serait 
au  moins  permis  de  se  retirer  dans 
quelque  modeste  habitation  où  elle 
continuerait  paisiblement  1  éducation 
de  ses  enfants,  et  pour  cela  elle  loua 
une  maison  à  Passy  ,  près  Paris.  Au 
moment  où  elle  allait  monter  en  voi- 
ture pour  s  y  rendre,  un  officier  de 
Napoléon  se  mit  en  travers  de  la  por- 
tière qui  avait  déjà  été  ouverte,  et  dé- 
clara qu'il  venait  de  recevoir  l'ordre 


d'empêcher  à  tout  prix  le  départ  de 
la  reine  d'Étruiie.  il  fallut  remonter 
dans  la  prison  qui  devait  être  un  peu 
plus  tard  celle  du  pontife  romain  et 
celle  du  geôlier  de  1808  lui-même. 
On  avait  laissé  la  reine  louer  et  meu- 
bler sa  maison  de  campagne  ,  y 
faire  des  dépenses  ;  il  eut  été  conve- 
nable de  signifier  plutôt  les  ordres 
qu'on  ne  fit  connaître  cjuà  l'instant 
du  départ,  mais  pourtant  la  police 
impériale  n'avait  rien  ignoré  des 
projets  de  la  reine.  On  alla  plus  loin, 
on  l'accusa  d'avoir  cherché  à  s'en- 
fuir, et  l'on  mit  des  gardes  dans  la 
cour  qui  précédait  son  appartement, 
en  leur  enjoignant  de  surveiller  at- 
tentivement la  princesse,  son  fils  et 
sa  fille  comme  des  prisonniers  d'État. 
Un  de  ces  redoutables  prisonniers 
avait  9  ans,  et  fautre  6  !  Napoléon 
ne  se  souvint  pas  de  ce  qu'il  avait 
dit  lui-même.  La  reine,  après  Fexpul- 
sion  de  Florence,  lui  adressait  ces 
paroles.  "  Vous  ne  ferez  pas  de  mal 
"  à  une  femme  et  à  un  enfant.  »  Le 
conquérant ,  prenant  sur  ses  genoux 
celui  quil  avait  fait  roi,  et  ([ui  ne 
l'était  plus  ,  avait  promis  à  Marie- 
Louise,  non-seulement  son  appui 
politique,  mais  encore  une  aSèction 
qui  ne  se  démentirait  jamais.  Et  l'on 
finit  par  des  agents,  des  gardes  de  po- 
lice à  la  porte  des  appartements  de 
la  princesse!...  Le  18  juin,  elle  reçut 
1  injonction  de  partir  pour  Compiègnc 
avec  son  père  et  sa  mère.  Commen- 
çant à  manquer  d'argent ,  elle  de- 
manda ce  que  signifiait  cette  pension 
de  400,000  francs  dont  on  lui  avait 
parlé:  il  lui  fut  répondu  que  la  ma- 
gnanimité impériale  n'avait  pas  deux 
paroles ,  et  qu'il  lui  serait  remis  33 
mille  francs  ,  par  mois,  à  condition 
qu  elle  paierait  sa  part  des  frais  du 
vovage  de  Bavonne  à  Fontainebleau, 
et  de  Fontainebleau  à  Compiègne.  La 


170 


MAR 


reine  était  d'un  caractère  fort  géné- 
reux, et  ne  parut  pas  foire  de  difficul- 
tés devant  cette  proposition  ignoble  ; 
elle  se  borna  à  dire  :  «  il  me  semble 
•<  qu'on  ne  devrait  meîaire  payer  que 
<<  les  voyages  entrepris  de  mon  con- 
«  sentement:  »  Il  feUut  aussi  solder 
une  année  de  location  pour  la  maison 
de  Passy,  sous  peine  de  se  voir  tra- 
duire   devant  les  tribunaux,  ce  que 
dit  assez  eflFrontément  un  des  agents 
de  surveillance  à  qui  l'on  parlait  de 
cette  injustice.  Le  reste  du  traitement 
échu    ayant  été  enfin  payé,  sauf  les 
déductions  prescrites  pour  le  voyage 
de  Bayonne  à  Fontainebleau    et  de 
Fontainebleau  à  Compiègne,  la  reine 
à     qui    l'on    avait    recommandé  de 
prendre  un  peu  d'exercice  fut  en  état 
d'acheter  un  cheval.   Jusque-là  elle 
s'était  contentée   de  se  promener  à 
pied    avec  ses  enfants  ,   quoique  ce 
fût  dans  la    plus  chaude    saison  de 
l'année.  Ici  se  place  un  Uait  de  cou- 
rage qu'il  ne   nous  est  pas  possible 
de    passer    sous    silence.    La   reine, 
comme    c'est     l'usage   en    Espagne, 
prenait  (juelquefois  le  plaisir  de  la 
chasse  ;  mais  il  avait  follu  pour  cela 
obtenir  la  permission   de  son  père; 
avant  que  la  princesse  eiit  pu  s'en  ser- 
vir, la  permission  avait  été  retirée... 
Alors    le    capitano    délia    Caccia   (  la 
reine   ne  le  nomme  pas  auUemcnt) 
lui  offrit  une  petite  pièce  de  terrain 
dans  une  forêt  qui  était  sa  propriété, 
en  ajoutant  :  ■<  Cl'est  bien,  c'est  bien, 
"  faites  de    ce  terrain  ce  que    vous 
"Voudrez,   venez  dans   un  heu   où 
«.l'empereur  et  le  roi  d'Espagne  ne 
"  sont  pas  les  maîtres  ;  puisque  je  suis 
..  chez  moi.  »  Je  regrette  de  ne  pas 
connaître  le  nom  de  ce  capitano  délia 
Caccia.   Le  roi  et  lu  reine  d'Lspagne 
ayant  demandé  la  faculté  d'aller  dans 
un  pays  plus  salubrc  et  plus  chaud  , 
partirent   pour   Marseille.    La    reine 


MAR 

d'Étnirie  fit  tous  ses  efforts  pour  ne 
pas  les  accompagner,  parce  qu'ils  ne 
cessaient  de  la  traiter  avec  rigueur,  et 
qu'ils  abusaient,  pour  tourmenter  et 
blâmer  leur  fille,  de  la  dernière  auto- 
rité qui  leur  restât  sur  la  terre.  La 
princesse  disait,  avec  raison,  qu'elle 
ne  pouvait  confier  à  personne  les  in- 
térêts de  ses  enfants,  et  que  les  inté- 
rêts de  ses  parents  si  cruellement  com- 
promis  étaient  absolument  distincts 
de    ceux    des    princes    certainement 
légitimes  possesseurs    du  duché    de 
Parme,  depuis  la  fatale  mystification 
de  Florence.  La  reine  ne  pailait  plus 
de  la  Toscane,  et  elle  voyait  bien  à 
quel  point  elle  avait  été  abusée.  En 
revendiquant  Parme,  icUe  se  plaçait 
sur  un  terrain  d'ordre,  de  fermeté  et 
de  justice.  Ce  mot  de  Parme,  cette 
revendication   noble ,   fondée  sur  les 
traités  les  plus  sacrés,  les  plus    an- 
ciens ,   cette     réclamation    si    natu- 
relle   quand    la  sœur   de    Napoléon 
gouvernait  la  Toscane,  produisirent, 
pendant  un   moment,    une  impres- 
sion   favorable    sur    fesprit  de    Na- 
poléon, qui  était  toujours  plus  sage, 
quand  il  ne  rencontrait  pas  de  mau- 
vais conseils.  «  C'est  juste,  s'écria-t-il, 
«  qu'ils  aillent  à  Parme  ;  ils  auront  le 
«  palais  de  Colomo,  et  50,000  francs 
■<  par  mois.  »  Peu  de  temps  après,  la 
reine  reçut  une  lettre  où  Napoléon 
lui    dit    qu'elle   trouverait  beaucoup 
d'agrément  dans  le  pays  qu'elle  allait 
habiter ,    mais    ce    pays    n'était   pas 
nommé,   et  la  reine  craignit  que  les 
dispositions  du  vainqueur  ne  fussent 
changées.  On  lui  faisait  avec    insis- 
tance de  si  mensongers  rapports  do 
pobce,  que  son  opinion  variait  sou- 
vent, et  qu'il  n'avait  pas  le  temps  de 
(hcrcher  la  vérité,  et  de  revenir  à  si 
premiers  sentiments.  Le  voyage  de  la 
reine,  (pu  partit  de  Compiègne  le  5  avril 
1809,  hit  heiircus  jusqu'à  Lyon.  Là, 


\ 


MAR 

le  préfet  lui  présenta  Tordre  d  aller  à 
Nice  et  non  à  Parme;  il  ajouta  qu'il 
fallait  partir  sur-le-chainp.  Cette  in- 
jonction rigoureuse  (il  était  minuit,  et 
le  prince  était  malade)  effraya  la  reine  ; 
elle  essava  de  demander  qu'on  ne  Ui 
fît  partir  qu'au  jour.  Le  préfet  et  le 
commissaire  de  police  y  consenti- 
rent avec  peine,  et  ce  dernier  resta 
dans  l'antichambre  jusqu'à  ce  que  le 
jour  parût.  Les  hommes  revêtus  du 
pouvoir,  partout,  ne  savent  pas  avec 
quelle  dureté  on  exécute  leurs  ordres. 
Plus  tard  Marie-Louise  racontait  à 
Rome  qu'une  des  peisonnes  attachées 
à  l'autorité  qui  parlementait  avec  elle 
pour  six  heures  de  répit,  alla  jusqu'à 
la  prendre  vivement  par  le  bras,  en 
s  écriant  qu  il  s'agissait  d'obéir  et  de 
ne  pas  répliquer.  Je  crois  que  cette 
personne  fut ,  depuis ,  une  de  celles 
•jui  montrèrent  le  plus  d'empresse- 
ment à  servir  les  Bombons  de  France... 
mais  il  eût  fallu  auparavant  mieux 
traiter  les  Bourbons  d'Espagne.  l.e 
18  avril,  la  reine  arriva  à  Nice,  sous 
une  escorte  de  gendarmes  ;  elle 
était  partout  devancée  par  les  plus 
sottes  calomnies  ;  et  cette  mère  ten- 
dre, qui  ne  pensait  qu'à  ses  enfants, 
et  les  défendait  coui-ageusement , 
était  représentée  comme  une  femme 
occupée  de  conspirations  et  de  com- 
plots avec  les  Anglais.  Kn  pai-lant  de 
cette  époque,  la  reine  d'Étrurie  dé- 
clare, à  la  vérité,  qu'elle  eut  l'idée  de 
se  sauver  de  î^ice  et  de  chercher  '  un 
asile  en  Angleterre.  Ainsi  il  est  bien 
vrai  qu'elle  fît  quelques  efforts  pour 
s'embarquer  secrètement  ;  mais  ce 
qu  elle  ne  sut  pas,  c'est  que  les  afîents. 
en  qui  elle  avait  mis  sa  con6ance,  é- 
tuent  la  plupart  des  espions  du  minis- 
tre de  la  police  Rovigo;  et  qu'après 
avoir  publié  que  la  reine  cherchait  la 
protection  des  Anglais,  on  put  prou- 
ver, même  par  des  écrits,  qu'elle  avait 


MAR 


171 


accepté  de«  relations  avec  des  sujets 
de  la  Grande-Bretagne,  qui  venaient 
quelquefois  à  'Siœ.  Il  arriva  ce  qui 
devait  aiTiver  :  le  jour  oii  la  princesse 
fut  près  de  s'enfuir,  après  avoir  fait 
des  préparatifs  qui  trahissaient  ses 
intentions,  un  colonel  de  gendarmerie 
entra  dans  sa  chambre,  tandis  que 
des  soldats  escaladaient  le  jardin,  et 
bientôt  les  gendarmes  se  précipitèrent 
a  la  suite  de  leur  chef,  armes  de  me- 
notes,  de  coixles  et  portant  deux  sacs. 
Le  colonel  assui-a  qu'un  Anglais  devait 
être  caché  dans  la  maison:  l'ccuyer 
de  la  reine  et  son  maître  d'hôtel 
furent  arrêtés  et  envoyés  à  Paris  : 
quand  la  visite  fut  finie,  on  signifia  ;» 
la  princesse  que  sa  pension  était  sus- 
j)endue.  Cependant  une  euquéte  se 
poursuivait,  et  il  fut  décidé  que  Ma- 
rie-I,ouise  serait  enfermée  dans  un 
monastère  avec  sa  fille,  et  que  son 
fils  serait  remis  entre  les  mains  du 
i-oi  Chai  les  IV.  Cette  sentence  fut  si- 
gnifiée à  la  reine  un  jour  qu'elle  re- 
venait de  l'éghse.  En  vain  la  princesse 
avait  écrit  à  Napoléon  pour  disculper 
ceux  qu'on  accusait  d'avoir  voulu 
favoriser  sa  fuite,  et  s'accuser  seule  de 
ce  projet.  Les  risées  qu'occasionnè- 
rent l'hamanité  et  la  boniie  foi  de  la 
princesse  n  appartiennent  pas  à  un 
siècle  civilisé.  Tombée  dans  un  piège 
d'hommes  de  poUce,  elle  était  encore 
déclarée  à  la  fois  slupide  et  conspira- 
trice. Dans  le  même  temps  on  tendait 
de  semblables  embûches  à  Pie  VU 
d'un  côté,  et  de  l'autre  à  Ferdinand 
VII,  à  don  Carlos  et  à  don  Antonio, 
leur  oncle.  Heureusement,  ces  prin- 
ces fiu-ent  avertis,  et  repoussèrent  les 
scélérats  qui  se  prêtaient  à  un  tel 
guet-à-pens.  La  reine  ne  nomme  pas 
le  commissaire  de  police  qui  fut 
chai'gé  de  la  conduire  a  Rome  :  elle 
se  contente  de  dire  que  c'était  une  es- 
jîèce  de  brute  qni  restait  immobile. 


172 


MÀR 


quanti  en  sanglotant  elle  embrassait 
son  fils,  qu'on  allait  conduire  à  Mar- 
seille. Lorsqu'elle  arriva  dans  la  ville 
de  Rome,  qu'elle  voyait  pour  la  pre- 
mière fois,  elle  fut  conduite  dans  un 
monastère   de    dominicaines  près  le 
Quirinal  ;    aucun    ordre    n'avait    été 
donné  pour  la  recevoir.  La  prieure 
vint  à  la  porte  avec  une  torche  de 
cire,  et  s'excusa  de  ce  que  rien  n'était 
préparé  pour  Sa  Majesté  ;    cette  reli- 
gieuse   ne  pouvait   parler,  tant  elle 
éprouvait  de   douleur  et  de  saisisse- 
ment. Pendant  un  mois,  la  reine  fut 
détenue    dans   une    chambre  étroite 
donnant  sur  la  cour  intérieure  :  «  Qu'il 
.<  y   a  loin  de  là,  s'écria-t-elle  alors, 
.<  au  temps  oii  le  roi  mon  père  faisait 
«  ouvrir  un  vaisseau  de  guerre  pour 
«  me  transporter  plus  commodément 
«  à  terre!»  Un  des  agents  de  Napoléon 
vint  enlever  à  la  reine  tous  les  bijoux 
qu'elle  pouvait  avoir  conservés,  et  lui 
annoncer  qu'elle  aurait  une  pension 
de  2,500  francs  par  mois.  Le  général 
lyiioUis,  lorsque  le  roi  et  la  reine  d'Es- 
pagne arrivèrent  à  Rome,    consentit 
à    ce  qu'ils  vissent  quelquefois   leur 
fille  prisonnière  ;  cependant  on  ne  lui 
amenait  son  fils  que  tous  les  mois , 
et  même   à  de  plus  longs   interval- 
les. Alors  il  lui  était  permis  de  l'em- 
brasser, puis  de  s'entretenir  avec  lui 
mais  à  une  assez  longue  distance,  et 
toujours  en  présence  de  témoins.  Ces 
visites  duraient  un  quart  d'heure,  et 
justiu'à  vingt  minutes  par  indulgence. 
Il  fallait  promettre  que  Napoléon  n'eu 
serait  pas  infoi'nié.  Dans  ses  plain- 
tes, la  reine    ménage  peu  le  général 
Miollis,  et  il  est  cruel  de  penser  que 
cet  homme  tfe  sens  ait  pu  permettre 
des  insultes  et  des  sarcasmes  tpii  sont 
de  si  mauvais  goût  d«!vant  une  fem- 
me, et   à   plus   forte   raison  devant 
une  reine.   Murât    ayant   couclu  lui 
traité  avec  les   ennemis  de  Napoléon, 


MAB 

après  les  malheurs  de  Moscou,  les 
troupes  napolitaines  occupèrent  Ro- 
me ,  et  la  situation  de  la  reine  fut  un 
peu  adoucie.  Le  li  janvier  1814,   un 
fort  détachement  napolitain  se  pré- 
senta devant  le  couvent,  et  le  capi- 
taine déclara  qu'il  avait  ordre  de  for- 
mer une  garde    d'honneur   pour   la 
fille  du  roi  Charles  IV.  Le  général  Pi- 
gnatelli,  commandant  en  chef  ,  fit  à 
Marie-Louise  une  visite,  où  il  se  mon- 
tra très-poli;  elle  n'était  plus  accoutu- 
mée à  de  tels   hommages.  M.  de  la 
Vauguyon,  nouveau  gouverneur,  vint 
aussi  au  couvent  dire  que  la  reine 
était  libre  de  sortir  quand  il  lui  plai- 
rait. La  politesse   du  général  Pigna- 
telli,  on  ne  sait  pas  à  quelle  instigation, 
ne  se  soutint  pas  long-temps  :  dès  le 
lendemain  il  vint  annoncer  à  la  reine 
qu'elle  devait  quitter  le  couvent,   et 
aller  habiter  le  même  palais  que  ses 
parents.  Là   d'autres  dégoûts  atten- 
daient cette  tendre  mère  :  on  lui  avait 
bien  rendu  son  fils,  mais  on  la  confina 
avec  lui  dans  un  appartement  si  obscur 
que  c'était  encore  une  prison.  Le  roi 
Joachim  étant  passé  à  Rome  consola, 
en  termes  respectueux,  Marie-Louise, 
et  lui  assigna  une  pension  de  33,000 
francs  par  mois,  qui  fut  ensuite  ré- 
duite à  10,000.   Cette  habitude  gas- 
conne de  promettre  et  de  réduire  est 
uu  spectacle  bien  affligeant  en  pareil 
cas.  La  reine  devait  nourrir  quelques 
serviteurs,  et  ce  qui  était  intolérable, 
toute  une  garde  d'honneur  (juclle  ne 
demandait  pas ,   et  qui  ne  lui    était 
point  nécessaire...  Ici  se  termine  l'é- 
crit de  Marie-Louise.    Ses  dernières 
paroles    sont  une  sorte  d'invocation 
a  l'Angleterre  pour   qu'elle  accorde 
(juehiuc  appui  à  une  veuve  et  à  ses 
enfants  (pii,  s'ils  ne  sont  pas  héritiers 
titulaires  du  royaume  d'ilinuie,  ont 
bien  évidenunenl  <lc8  droits  aux  du- 
chés de  Parme,  de  Plaisance  et  à  la 


MÂR 

principauté  de  Guastalla.  Voilà  les 
mauvais  traitemenls  qu'éprouva  la 
reine,  parce  que,  voulant  voir  le  terme 
de  ses  souffrances,  elle  avait  parlé  de 
s'adresser  au  cabinet  de  Londres.  Tout- 
à-coup  avaient  paru  de  faux  Anglais  : 
on  avait  supposé  des  demandes,  on 
avait  donné  des  réponses,  des  assu- 
rances d'affection  et  d'intérêt,  tout 
fut  sourdement  préparé  :  d'infâmes 
agents  de  police  dirigeaient  cette 
déplorable  intrigue;  au  moins  ceux 
qui  avaient  machiné  de  tels  men- 
songes devaient-ils  traiter  avec  plus 
d'égards  une  femme  crédule ,  et 
qui  n'avait,  dans  le  fait,,  d'autre 
tort  que  de  s'être  confiée  à  de  misé- 
rables espions,  d'avoir  songé  à  recou- 
vrer sa  liberté,  en  usant  d'un  droit 
que  partout  on  reconnaît  aux  prison- 
niers, celui  de  chercher  leur  déli- 
vrance. Les  événements  d'avril  1814 
ayant  amené  la  restauration  du  trône 
de  France,  la  princesse  continua  de 
résider  à  Rome  et  commença  les  dé- 
marches convenables  pour  obtenir, 
au  nom  de  son  fils,  sa  réintégration 
dans  ses  États  héréditaires,  ou  une 
indemnité  -  assortie  au  sacrifice  qui 
serait  exigé.  Il  n'était  plus  possi- 
ble de  penser  à  lEtiiirie,  redeve- 
nue Toscane  aux  applaudissements 
unanimes  des  Florentins,  qui  avaient 
toujours  regi'etté  leur  ancien  maître 
Ferdinand.  M.  de  Talleyrand  avait 
disposé  de  Parme  en  faveur  de  l'é- 
pouse de  Napoléon ,  et  il  faut  avouer 
à  ce  sujet  que  le  cabinet  de  Vienne 
non-seulement  ne  sollicita  pas  cette 
spoliation,  mais  parut  encore  ne  pas  y 
consentir.  On  ne  sait  pourquoi  Ta  Ile  v- 
rand  persista  à  offrir  ce  qui  n'était  pas 
à  la  France,  et  ce  qui  appartenait  à  un 
prince  du  sang  des  Bourbons.  Plus 
tard,  il  fut  stipulé  que  le  prince  Char- 
les-Louis serait  déclaré  duc  de  Luc- 
ques ,  que   sa  mère  conservei-ait  le 


MAR 


173 


titre  honorifique  de  reine  et  de  majes- 
té; qu'à  la  mort  de  l'archiduchesse 
Marie-Louise ,  le  duché  de  Lucques 
appartiendrait  à  la  Toscane ,  et  que  le 
duché  de  Parme  retournerait  au  prin- 
ce Charles-Louis.  La  reine  essava  de 
décliner  cette  décision.  L'Espagne  , 
pour  obtenir  l'Étrurie,  n'avait  pas  seu- 
lement abandonné  leduché  de  Parme, 
elle  avait  aussi  fiait  la  concession  de 
vaisseaux  de  ligne,  remis  avec  pres- 
que tous  leurs  agrès  ,  et  une  somme 
d'argent  considérable.  Rendre  éven- 
tuellement le  duché  de  Parme ,  après 
la  mort  d'une  princesse  âgée  de  23 
ans,  et  qui  pouvait  encore  vivre  peut- 
être  50  ans  ,  n'attribuer  en  attendant, 
pour  indemnité,  que  le  duché  de  Luc- 
ques,  ce  n'était  pas  une  négociation 
convenable.  L'agent  d'une  puissance 
étrangère  dit  à  la  reine  que ,  si  elle 
n'acceptait  pas  Lucques,  elle  n'aurait 
rien.  Cette  prétention ,  outr-e  qu'elle 
était  impertinente,  ne  pouvait  pas  être 
sanctionnée  par  le  congrès  de  Vienne, 
ou  par  les  puissances  qui  avaient  ga- 
ranti l'exécution  de  ses  stipulations. 
Enfin  ,  la  reine,  au  nom  de  son  fils, 
accepta  le  duché  de  Lucques.  Mais  la 
santé  de  cette  princesse  était  altérée 
par  tant  de  mauvais  traitements;  une 
maladie  incurable  se  décbra ,  et  elle 
expira  à  Lucques  le  13  mar-s  182-i-,  à 
l'Age  de  42  ans ,  instituant  ses  exécu- 
teurs testamentaires  Ferdinand  VII  et 
don  Carlos ,  ses  frères  (elle  aimait  ce 
dernier  de  la  plus  vive  tendresse).  îa; 
pape  Léon  XII  (1)  ordonna  que  l  église 
des  Douze- Apôtres  fût  mise  à  la  dis- 
position du  ministre  d'Espagne,  et  l'on 
y  construisit  un  immense  catafalque 
où  la  reine  fut  exposée  en  habit  de 
dominicaine.  Elle  voulut  donner  cette 
preuve  de  gratitude  aux  dames  de 
cet  Ordre ,  qui  l'avaient  aimée  et 
ser\*ie  avec  respect  pendant  ses  uial- 
(1)  mst.  rie  Léon  XII,  L  1",  p.  180. 


174  MAR 

heurs.  Dans  le  mois  d'août  suivant , 
son  corps  fut  transporté  en  Espa- 
gTie,  pour  être  déposé  dans  la  sépul- 
ture royale  de  l'Escurial.  Cette  prin- 
cesse avait  dans  ses  traits  tous  les 
caractères  de  la  figure  des  Bour- 
bons, Son  administration  en  Tos- 
cane fut  douce  ;  mais  ne  porta  pas 
de  fruits  heureux,  tant  elle  fut  con- 
trariée et  par  le  cabinet  de  Madrid, 
et  par  des  dispositions  locales  toutes 
favorables  au  pouvoir  banni  par  INa- 
poléon.  La  reine  se  montra  toujours 
animée  de  sentiments  prononcés  poui 
l'amélioration  du  sort  du  peuple  :  elle 
lit  le  bien  qu'elle  pouvait  faire  en  oc- 
cupant la  place  d'un  auti'c.  Les  ra- 
ces légitimes  elles-mêmes  ne  savent 
pas  assez  que  le  principe  qui  les  sou- 
tient ne  leur  permet  pas  d'aller  usur- 
per le  pouvoir  du  vaincu.  A  cette 
erreur  près,  la  reine  d'Étrurie  fut  une 
princesse  estimable,  qui  défendit  cou- 
rageusement les  intérêts  de  son  fils, 
et  que  personne  n'avait  Ueu  de  mau- 
dire en  Toscane,  où  cependant  elle 
était  venue  exercer  l'autorité  du  sou- 
verain légitime.  Les  Mémoires  que 
nous  avons  cités  plusieurs  fois,  dans 
le  cours  de  cet  article,  furent  com- 
posés par  cette  princesse  en  italien, 
puis  traduits  en  anglais  et  en  français, 
sous  ce  titre  :  Mémoires  de  la  relue 
d'Étrurie,  écrits  par  elle-même ,  tra- 
duits par  Lemierre  d'Argy,  Paris, 
1814,  in-8".  A— D. 

MAKIE  I"  (  FBA>œiSK  -  Klis*- 
bkth),  reine  de  Portugal,  fille  unique 
de  Joseph  1"  et  de  Maric-Annc-Vic- 
toire  d'Espagne,  naquit  à  Lisbonne 
le  21  décembre  1734.  Mariée  le 
C  juin  1760  à  dom  Pedro,  son  onde, 
elle  accoucha,  le  21  août  de  l'an- 
née suivante,  «l'un  prince  cpii  leçul 
le  nom  d»;  .toseph-l'rançois-Xavier. 
Celte  naissance  suggéra  au  niarqui» 
<1<;  Pombal  l'idée  d'établir  <;n  Poittif,al 


MAP. 

la  loi  salique,  et  il  fit  adopter  son 
projet  par  le  roi.  Ce  ministre  espérait 
sans  doute  qu'une  telle  mesure  aurait 
affermi  sa  puissance  ,  en  lui  prépa- 
rant un  nouveau  rôle  pour  l'avenir. 
Haï ,  comme  il  l'était ,  par  la  reine 
ainsi  que  par  la  plus  grande  partie 
de  la  noblesse  et  du  clergé  qu'il  avait 
humiliés  et  persécutés ,  il  n'ignorait 
pas  que  son  pouvoir  aurait  fini  avec 
l'avènement  de  Marie.  Mais  ce  plan 
ayant  été  communiqué  à  Séabra ,  se- 
crétaire d'État,  celui-ci  s'empressa  de 
le  dévoiler  à  la  reine,  qui  en  avertit 
sa  fille  et  lui  fit  promettre  solennelle- 
ment qu'elle  ne  signerait  aucun  acte 
à  son  insu.  Marie  tint  parole  ,  et  le 
projet  de  Pombal  n'eut  pas  de  suite. 
A  la  mort  de  Joseph  1",  arrivée  le  24 
février  1777,  sa  fille  lui  succéda.  Elle 
futpresque  aussitôt  attaquée  par  la  rou- 
geole, ce  qui  retarda  jusqu'au  13  mai 
suivant  la  cérémonie  de  l'acclamation. 
Elle  prit  alors  le  titre  de  Marie  I",  et 
son  mari,  peu  de  jours  après,  celui  de 
dom  Pedro  IIL  Un  des  premiers  actes 
du  nouveau  règne  fut  le  renvoi  de 
Pombal,  à  qui  la  reine  accorda  ce- 
pendant une  pension  et  unecomman- 
derie.  Tonne  et  sensible,  elle  rendit  la 
liberté  à  tous  ceux  cpii  avaient  été. 
condamnés  pour  <les  crimes  d'État. 
Parmi  ceux-ci  se  trouvaient  le  mar- 
quis d'Alorna ,  gendre  du  marquis 
de  Tavora;dom  Nuno  et  dom  Manuel 
de  Loréna,  qui  avaient  été  impliqués 
dans  l'attentat  commis,  le  3  septembie 
1758,  sur  la  personne  du  i-oi  Jo 
•seph.  De  tous  les  Portugais  exilés  9ous 
le  règne  prccé<lent,  les  jésuites  furent 
les  seuls  que  la  reine  ne  rappela  pas  ; 
elle  permit  pourtant  à  ceux  qui  ren- 
trèrent de  se  retirer  dans  le  monastère 
de  Bélem.  Cependant  les  nombreux 
ennemis  de  Pombal  demandaieni 
grands  cris  qu'on  lui  ttt  son  pro( o 
iU  obtjni-enl  w»  mise  en  jugement  <t 


MAR 

sa  condamnation,  mais  la  reine  lui 
fit  grâce  et  se  borna  à  l'exiler  à  vingt 
lieues  de  la  capitale.  Après  la  mort  de 
la  reine  douairière ,  de  sérieuses  dis- 
sensions éclatèrent  parmi  les  mi- 
nistres qui  cherchaient  mutuellement 
à  se  renverser.  La  confiance  que  Ma- 
rie accordait  à  M.  de  Sa  avait  excité 
la  jalousie  du  comte  de  Ponte  de 
Lima ,  principal  ministre  ,  soutenu 
par  dom  Pedro.  Ces  querelles  affli- 
geaient la  reine  et  ne  finirent  qu'à  la 
mort  de  son  mari ,  arrivée  le  25  mai 
1786.  Quoique  ce  prince  fût  d'un 
esprit  borné  et  qu'il  s'attacliât  à  con- 
trarier les  goûts  et  les  vues  de  son 
épouse,  celle-ci  ne  l'en  regretta  pas 
moins  très-vivement.  Elle  ne  l'avait 
pas  quitté  un  seul  instant  pendant 
\  sa  maladie ,  et  lui  avait  prodigué 
'  les  marques  de  la  plus  tendre  af- 
:  fection.  Lorsqu'eHe  l'eut  perdu  ,  sa 
santé  s'altéra  sensiblement  ;  ellepax'Ut 
i  disposée  à  la  retraite,  refusa  de  s'oc- 
!  cuper  des  afFaiies,  et  ne  fut  accessi- 
ble que  pour  son  confesseur  et  pour 
1  dom  Juan  de  Bragance ,  duc  de  La- 
fbens.  Elle  s'éloigna  même  quelque 
temps  de  Lisbonne,  et  confia  ,  du- 
rant son  absence ,  l  expédition  des 
affaires  au  prince  du  Brésil ,  son  fils 
aîné.  Dés  lors  elle  commença  d'être 
en  proie  à  des  accès  de  mélancolie, 
qui  furent  encore  aggravés  par  de 
nouvelles  querelles  intestines.  La  Cour 
était  partagée  entre  M.  Pinto  et  le 
confesseur  de  la  reine,  d'un  côté  ;  et 
M.  de  Mello  ,  ministre  des  affaires 
étrangères  ,  et  Ponte  de  Lima ,  de 
l'autie.  Pendant  ce  conflit ,  toutes  les 
les  autorités  se  croisaient  et  tâchaient 
de  se  nuire;  les  affaires  étaient  mal 
administi-ées  ;  l'armée,  la  marine,  les 
colonies  étaient  tombées  dans  l'état  le 
Iplus  déplorable.  Ce  fut  au  milieu  de 
bes  pénibles  circonstances  que  le  Por- 
ugal  perdit ,  le  6  septembre  1788, 


MAR 


175 


l'infant  dom  Joseph,  prince  du  Brésil, 
et  héritier  présomptif  de  la  couronne, 
qui  mourut  des  suites  de  la  petite- 
vérole.  Cet  événement  causa  une  dou- 
leur profonde  à  la  reine  ;  et,  depuis 
lors,  ses  accès  de  mélancolie  redou- 
blèrent ;  et  elle  parut  au  commence- 
ment de  1791.  menacée  d'hydropisie. 
Son  état  ne  tarda  pas  à  empirer,  et 
au  mois  de  janvier  de  l'année  suivan- 
te, sa  raison  fut  altérée  à  tel  point 
que  le  prince  du  Brésil  qui  ,  par  un 
respect  qui  fait  honneur  à  sa  piété  fi- 
liale, mais  qui  doit  paraître  excessif,  a- 
vait  laissé  l'autorité  entre  les  mains  des 
ministres,  se  rit  obligé  de  déclarer, 
par  un  édit  du  10  février  de  la  même 
année,  que  sa  mère ,  ne  pouvant  plus 
tenir  les  rênes  de  l'Etat,  il  signerait 
désormais  toutes  les  dépêches.  Ce- 
pendant les  affaires  continuèrent  d'ê- 
tre administrées  au  nom  de  la  reine. 
Le  docteur  Wilhs  ,  qui  avait  obtenu 
des  succès  dans  le  tiaitement  de  l'a- 
liénation mentale  du  roi  d'Angleterre, 
Georges  IIK  fut  appelé  à  Lisbonne,  où 
il  arriva  le  20 mars  1792;  mais,  après 
quelques  mois  de  séjour,  il  ne  put  la 
guérir  et  jugea  que  sa  maladie  était 
incurable.  Il  repartit  néanmoins  com- 
blé de  présents.  Marie  ne  jouit  plus, 
qu'à  de  rares  intenalles,  de  quelques 
moments  de  lucidité.  A  l'approche  de 
l'armée  française  commandée  par  Ju- 
not,  le  prince-régent  la  fit  embarquer 
pour  le  Brésil,  avec  lui  et  sa  famille, 
le  27  nov.  1807.  Elle  mourut  à  Rio- 
Janeiro  le  20  mars  1816.  Ses  restes 
furent  transférés  à  Lisbonne,  et  dé- 
posés dans  le  couvent  des  religieuses 
du  Sacré-Cœur  de  Jésus,  qu'elle  avait 
fondé.  Elle  avait  eu  de  dom  Pedro  trois 
enfants  :  Joseph,  mort  à  la  fleur  de  son 
âge;  Jean,  qui  régna  sous  le  nom  de 
Jean  VI  {voy.  t.  LXVni ,  p.  122),  et 
Marie ,  qui  épousa  don  Gabriel,  in- 
fant d'Espagne.  F — *. 


476 


MAR 


MARIE-THÉRÈSE-JEAN- 
NE-JOSÉPHIIVE,  archiduchesse 
d'Autriche,   reine  de  Sardaigne,   fille 
de  l'archiduc    Ferdinand,    frère    de 
Joseph  II,  et  de  Béatrix  d'Esté,  na- 
quit le  31  octobre  1773,    à  Milan, 
où  son  père  résidait   en  qualité    de 
aouverneur  de  la  Lombardie.  A  l'âge 
de  seize  ans,  elle  fut  fiancée  au  duc 
d'Aoste,  fils    cadet  de  Victor-Amé- 
dée  m,  roi  de  Sardaigne.  Les  noces  se 
célébrcrentàïSovare,  le  25  avril  1789, 
et,  le  jour  suivant,  la  jeune  duchesse 
faisait  son  entrée  solennelle  à  Turin. 
Elle  vivait  heureuse  au  milieu  d'une 
cour  dont  elle  était  le  premier  orne- 
ment, tant  par  son  esprit  que  par  sa 
beauté,   quand  les  armées  françaises 
envahirent  le  Piémont  et  en  chassè- 
rent, le  8  décembre  1798,  la  famille 
royale,   qui   se  réfugia    d'abord    en 
Toscane,    puis    en  Sardaigne.  Ce  fut 
dans  cette  île  que  Marie  -  Thérèse  de- 
vint reine  par  l'abdication,  en  1803, 
de  Charles-Emmanuel  IV.  Ce  prince 
n'ayant    pas    d'enfant,    la  couronne 
passa  au  duc  d'Aoste  qui  prit  le  nom 
de  Victor-Emmanuel  1".  Marie-Thé- 
rèse ne  rentra  à  Turin  qu'au  mois  de 
septembre  1816  ,    une  année    après 
son  mari.  Accueillie  d'abord  avec  en- 
thousiasme, elle  fut  bientôt  vue  avec 
indifférence,   grâce  à  son  intolérance 
pour   tout  ce  qui  rappelait  la  donu- 
nation  française,  à  son  antipathie,   a 
son  mépris  même  pour  tous  les  an- 
ciens serviteurs  de  ^Napoléon,   aux- 
quels elle  ne  ménageait  pas  les  i>lus 
dures  épithètcs.  (;ette  conduite  impo- 
litique devait  susciter  bien  des  mc- 
coutentemcnts,  et  contribua  peut-f'trc 
à  provoquer  l'insurrection   qui  éclata 
en    1821  et  cntrahia  l'abdication  du 
bon  Victor-Emmanuel.    Pendant  les 
troubles,   Marie -Thérèse  suivit    son 
mari  à   iSicc,  puis  elle  vint  habiter 
avec   l»i  II'  'li^t*-'»"  ^^  Moncalici, 


près  de  Turin;  m«iis  elle  ne   repa- 
rut plus  dans  cette  capitale.   Restée 
veuve    en  1824,  elle  se  retira  à  Gê- 
nes, où  elle  avait  acheté  le  magnifi- 
que  palais   Doria-Tursi.  Marie-Thé- 
rèse se  mit  alors  à  la  tête  d'un  parti 
qui  ne  tendait  à  rien  moins  qu'à  chan- 
ger l'ordre  de  succession    au  trône 
de  Sardaigne;  elle  espérait   arracher 
au   roi  ,    son    beau  -  frère  ,    un    tes- 
tament qui    déclarât   prince  hérédi; 
taire  le  duc  de  Modène,  lequel  avait 
épousé  la  fille  aînée  de  Victor-Emma- 
nuel. Mais,  si  cette  intrigue    empoi- 
sonna  les   vieux  jours    de  Charles- 
Félix,  elle  le  trouva  inébranlable  ;  il 
se   refusa    avec    fermeté  à  un   acte 
contraire  à  la  loi  salique  en  vigueur 
depuis  près  de  mille  ans  dans  la  mai- 
son de  Savoie,  à  un  acte  qui  eût  exclu 
du  trône    un  prince  chéri  de  la  na- 
tion, et  dont  les   droits   avaient   été 
garantis  par  le  traité  de  Vienne.  Telle 
fut  la  principale  cause  qui  tint  cons- 
tamment éloignée  de  la  cour  la  reine- 
douairière  ;  elle  ne  revint  passer  quel- 
ques jours  à  Turin   qu'en    1831,  à 
l'occasion   du    mariage   de  l'une  de 
ses  filles  avec  le  roi  de  Hongrie,  au- 
jourd'hui empereur  d'Autriche.  Elle 
mourut  presque  subitement  dans  son 
palais,   à   Gênes,  le  29  mars  1832; 
son  corps  fut  transporté  à  Superga, 
dans  le  tombeau  des  rois  sardes.  Marie- 
Thérèse  avait  eu  six  enfants  :  Marie- 
Réatrix,  aujourd'hui  duchesse  de  Mo- 
dène; INlaric-Clotilde  et  Charles-Em- 
nianuel,    morts   en   bas-âge;   Marie- 
Ferdiiiande    et    Marie- Anne,   sœurs 
jumelles,  dont  la    première   est   du- 
chesse de  Lncques  et  la  seconde  iiii- 
pératrice  d'Autriche  ;  la  plus  jeune, 
Marie-Christine,    est  morte   reine  de 
INaples,  dans  toute  la  fleur  de  la  jeu- 
nesse et  de  la  beauté.  A — y. 

MAUlE-(^AROLIi\E,  reine  de 
Naplcs.  /■  CM.'UMi-MAniE,  LX,  19*. 


S? 


MAP. 
MAKIE   DE  CLÈ\TS.   /'«> 

r.LKVfcS,  IX,  95. 

MARIE  de  f Incarnation  :\\kv- 
hiE  Trochet  ,  plus  connue  sous  le 
nom  de},  naquit  vers  I080,  daiis 
»'lè  diocèse  de  Sairit-.Malo.  où  ses  pa- 
iY>nts,  d'extraction  noble,  se  faisaient 
remarquer  par  la  pratique  exacte  de?* 
devoirs  i-eligieux.  Sa  mère,  quelle  per- 
dit dans  son  enfance,  avait  dépose 
dans  son  cœur  le  geroïe  de  la  piétt- 
et  de  la  charité.  Il  se  dévelopfw  avcr 
I "âge,  et  à  quatorze  ans  ,  aprc*  avoir 
perdu  son  père,  elle  se  retira  chez 
un  de  ses  bcaux-lrère» ,  et  y  devint 
le  modèle  des  jeunes  personnes.  Sa 
piété  n'annonçait  pourtant  pas  encore 
une  vocation  religieuse  bien  arrêtée; 
elle  n\-  fut  déterminée  que  plus  taid 
par  la  conversion  merveilleuse  d'une 
de  ses  cousines,  qui  l'admit  comme 
compagne  dans  ses  exercices  spirituels. 
La  dévotion  d'.\maurie  n'était  pas 
purement  spéculative,  elle  se  tradui- 
sait en  actes  charitables  dont  le.s 
pauvie?:,  et  surtout  les  malades,  les- 
scntaieut  les  effets,  .\pres  quelques 
années  passées  dans  une  union  édi- 
fiante, sa  cousine  et  elle  se  séparèreni. 
La  première  entra  au  couvent  de 
Sainte-Claire  de  Dinau  ;  quant  a  A- 
maïu'ie,  sa  faible  complevion  mit  obs- 
tacle à  son  admission  qui  n'eût  pu 
s'accommoder  d'une  règle  aussi  aus- 
tère que  celle  des  Glatisses.  Cette 
séparation  fut  un  sacrifice  pénible 
dont  elle  se  fut  difficilement  consolée 
si  elle  n'eut  rencontré  à  Rennes,  oii 
elle  s'était  retirée,  une  bonne  veuve 
qui  prenait  des  pensionnaires,  et  chez 
qui  elle  alla  demeurer.  Elles  forutèieut 
ensemble  une  couununuuto,  et  se  dé- 
vouèrent à  l'instruclioii  des  enfants 
pauvres.  Mais  cette  vie  ne  satisfaisait 
pas  entièrement  M"'  Trochet  La  pro- 
fession religieuse  était  la  seule  qu'elle 
vuulùt  suivi-e,  et  elle  se   flattait    fie 


MAP.  177 

|K»(r\uir  ta  pratiquer  chez  les  carmé- 
lites de  Nazareth .  à  Vannes ,  où 
y>on  admission  avait  été  anrtée  ; 
des  obstacles  occasionnés  par  sa  dot 
la  firent  échouer  de  nouveau,  et  l'o- 
bligèrent de  retourner  à  Rennes.  Elle 
\  entra  dans  une  conuuuuauté  où  l'on 
ne  fut  pas  loug-lemps  sans  remarquer 
sa  ferveur  et  son  active  charité.  Ses 
sœurs  la  choisirent  bientôt  [>oui 
gouverner  leur  maison  ,  qui  né- 
tait  encore  qu Une  simple  réunion  de 
pei'sonnes  pieuses.  Celles  qui  la  com- 
posaient résolurent,  pour  se  consa- 
crer plu;>  intimement  à  Dieu,  de  rat- 
tacher à  la  nouvelle  société  des  l'rsu- 
lines,  dont  le  premier  couvent,  fondé 
piu  M""  de  Sainte-Beuve,  avait  été 
établi  en  1610.  au  faulM>urg  Saint-Jac- 
ques, a  Paris.  Ce  fiit  la  que  «œur  A- 
maurio,  avec  deux  de  ses  compagnes, 
entra  au  mois  de  mars  1617  ,  ca- 
chant humblement  le  litre  de  su- 
périeure qu  elle  avait  eu  à  Rennes. 
AjMvs  son  année  de  proliation  ,  elle 
fut  admise  à  prononcer  ses  vœux 
et  reçut  alors  le  nom  de  Marie  de 
rfuciiruution.  Elle  revint  ensuite  en 
Bretagne  avec  ses  compagnes  et  tine 
professe  de  Paris,  qui  était  chargée 
de  gouverner  la  nouvelle  maison  de 
Rennes.  Quand  cette  piofcsse  eut  fini 
son  temps  de  supérioiité,  toutes  les 
religieuses  voulurent  appeler  la  mère 
Marie  de  llncarnalion  à  lui  succé- 
der; mais  elle  |>arvint,  par  une  pieuse 
rnse,  à  se  soustraire  à  ce  lardeau  jus- 
qu'en 162^i,  que  la  ville  de  Ploërmel 
avant  désiré  un  établissement  d'Ur- 
sulines,  elle  v  fm  errvoyée  avec  le  ti- 
Ue  de  supérieme.  l>*s  «ommeiice- 
inents  de  cette  maison  furent  diffici- 
les, à  cause  de  son  extrême  pauvreté. 
Cependant  en  1627,  grâce  à  une  sage 
administration  et  à  d'abondantes 
aiunônesj  son  avenir  fut  assuré  par 
la  coiislniction  d'un  grand  couvent. 
12 


178 


MAR 


Après  l'avoir   gouverné  pendant  six 
ans,  elle  revint  à  Rennes  où  elle  mou- 
rut, le  27  février  1632.— Deux  autres 
dames,   ses    contemporaines  ,   Barbe 
Avrillot  et  Marie  Guyard,   sont  con- 
nues aussi    l'une    et    l'autre  sous  le 
nom    de    Marie     de     l'Incarnation  , 
qu'elles  prirent  en  embrassant  la  vie 
religieuse  (voy.  Avrillot,  III,  130,  et 
Marie  de  l'I^îcarsation,  XXVII,  128). 
P.  L— T. 
MARIE    de   Saint-Ursin   (P.-J.), 
né  à  Chartres  en  1769,  étudia  la  mé- 
decine à  l'Université  de  Reims  et  fut 
d'abord   employé   à  l'Hôtel-Dieu    de 
Chartres.  Après   avoir  été  attaché   à 
l'armée  du  Nord ,  en  qualité  de  pre- 
mier médecin,  il  devint  inspecteur- 
général  du  service  de  santé.  Il  mou- 
rut à  Calais  en  1819.  Marie  de  Saint- 
Ursin  était  secrétaire  de    la    société 
académique    de    Paris,    membre    de 
l'Institut  Bolonais,    des  Arcades  de 
Rome,  et  de  plusieurs  autres  sociétés 
littéraires,  françaises    et  étrangères. 
Il  avait  rédigé  de  1800  à  1810  la  Ga- 
zette de  Santé,  ce  qui  lui  donna  quel- 
que célébrité.  On  a  de  lui  :  I.  L'ami 
des  femmes,  ou  Lettres  d'un  médecin, 
concernant  l'injliicnce  de  l'habillement 
des  femmes  sur  leurs  mœurs  et  leur 
santé,   et   la  nécessité  de   l'usage  des 
bains  en   conservant  leur  costume  ac- 
tuel, suivi  d'un  appendice   contenant 
des  recettes  cosmétiques  et  curatives, 
Paris,  1804  et  1805,  in-8".  II.  Ma- 
nuel populaire  de  santé,  à  l'usage  des 
personnes    intelligentes    vivant    à    la 
campagne,  ou  Itistructions  sommaires 
sur  les  maladies'  qui  régnent   le  plus 
souvent  et  les  moyens  les  plus  simples 
de  les  traiter,  suivies  de  notions  chi- 
rurgicales et  pharmaceutiques,  Paris, 
1808,  111-8".  Cet  ouvrage  devait  être 
suivi  d'un  supplément  intitulé  :  Coup- 
<ftfi7  historique    sur  la   médecine  an- 
cienne et  moderne,  mais  qui  n'a  point 


MAR 

été  publié.  III.  Stances  sur  la  nais- 
sance du  roi  de  Rome,  Paris,  1811, 
in-i".  IV.  Étiologie  et  thérapeutique 
de  l'arthrétis  et  du  calcul,  ou  Opi- 
nion  nouvelle  sur  la  cause,  la  nature 
et  le  traitement  de  la  goutte  et  de  la 
pierre;  suivie  d'un  petit  traité  d'Uro- 
mancie  hygiénique,  ou  moyen  de  re- 
connaître^ par  l'inspection  de  l'urine, 
l'état  de  la  santé  et  le  régime  propre 
à  la  conserver,  Paris,  1816,  in-S". 

Z. 
MARIETTE    (  Jacques  -  Chisto  - 
PHE-Lrc) ,  né  dans  la  Normandie  ,  en 
1760,  était  avocat  à  Rouen  avant  la 
révolution.  Il   en  embrassa  la  cause 
avec  ardeur,  et  fut  nommé,  en  sep- 
tembre 1792,  député  de  la  Seine-In- 
férieure à   la    Convention   nationale; 
mais,  ayant  appris  que  cette  assem- 
blée avait  commencé  ses  travaux  par 
l'abolition    de  la  royauté,  Mariette 
voulut  se  démettre.  Cependant,  mal- 
gré cette  répugnance ,  il  se  rendit  a 
son   poste.  Dans  le  procès  de   Louis 
XVI ,  il  vota  pour  l'appel  au  peuple, 
pour  la  détention,  le  bannissement  à 
la  paix,  et  enfin  pour  le  sursis  à  l'exé- 
cution, en  déclarant  qu'il  votaitcomme 
législateur  et  non  comme  juge.  Après 
le  9  thermidor,  il   remplit  une  mis- 
sion  dans  les   ports  de  Cette,  Mar- 
seille, Bordeaux,    Rayonne,   et   dans 
les    départements    des   Bouches -du - 
Rhône,  et  du  Var,  pour  les   opéra- 
tions relatives  aux  marchandises  qui 
s'y  trouvaient  en    dépôt,  et  pour  y 
lever   la   loi  du    maximum.  Il   a  été 
accusé  d'avoir  alors  souffert,  dans  le 
Midi,  les  terribles  représailles  que  la 
jeunesse,    indignée  du   sang  que  les 
tenorisles    avaient   fait   couler,    tira 
d'eux  après  la  chute  <le  la  Montagne, 
surtout  à  Marseille,  il  était  à  Toulon 
lors  de  l'insurrection  jacobine  de  cette 
ville,  en  1795,  et  contribua  beaucoup 
à  la  comprimer;    il    accusa,   depui», 


MAR 


MAR 


179 


Salicetti  de  1  avoir  favorisée  en  inUo- 
duisant  six  mille  Corses  dans  la  ville, 
et  demanda  son  arrestation.  En  juin 
même  année,  il  fut  nommé  secrétaire 
de  l'Assemblée,  entra  ensuite  au  Co- 
mité de  sûreté  {jénéraie,  et  se  pro- 
nonça contre  les  sections  de  Paris, 
dirigées  par  le  parti  royaliste,  aux 
approches  du  13  vendémiaire.  De- 
venu, parla  réélection  des  deuxtiei*s, 
membre  du  Cx)nseil  des  Cinq-Cents, 
il  en  soitit  en  mai  1797.  Mariette  ob- 
tint, en  1800,  une  place  de  juge  au 
tribunal  d'appel  de  Rouen,  cjuil  oc- 
cupa jusquà  l'organisation  des  Cours 
impériales  en  1811.  Il  passa,  peu  de 
temps  aj>rès,  à  la  prévôté  des  douanes 
d'Anvers,  et  fut  ensuite  président  d'un 
tribunal  de  douanes  en  Hollande. 
Xornnié  enfin  commissaire  de  police 
à  Paris,  il  }>erdit  encore  cette  place, 
après  le  second  retour  du  roi  en  1815. 
Il  mourut  à  Paris  dans  le  mois  de  jan- 
vier 18-21.  xM— 1>  j. 

JILiKIG^ÎAC  (Pierre  Gallusuid 
ne),  né  à  Alais,  en  1712,  fut  envoyé 
dès  l'âge  de  onze  ans  à  Genève,  oii 
il  obtint  ensuite  le  droit  de  bour- 
geoisie. Il  s'attacha  a  1  instmction 
publique ,  fut  professem  de  la  3' 
classe  de  l'Université  de  cette  ville,  et 
y  mourut  en  1780.  On  a  de  lui  :  1. 
Diseounsur  la  dispute.  II.  Lettre  cri' 
tique  sur  la  religion  essentielle.  Cet 
ouvrage  a  été  réfute  pai  le  profes- 
seur de  Roches.  Wl.Épltre  vur  la  poé- 
sie. IV.  Le  Spectateur  Suisse,  com- 
posé de  sept  discours.  V.  Epitre  cri- 
tique à  M.  d'Alenibert  sur  f article 
Genève  de  l'Encyclopédie.  Ije  Jour- 
nal historique  renferme  un  grand 
nombre  de  ses  vers  latins  et  français, 
.qui  ne  donnent  pas  une  haute  idée 
xle  son  talent  pour  la  poésie.  V.  S,  L. 
.  AIARlGiVlE  (Je\.n-Étie>>e-Fran- 
.«^iSDt:),  littérateur,  né  a  î>ère  en  Lan- 
guedoc,  d'une- famille   noble,    ver.-* 


175.0,  vint  fort  jeune  à  Paris,  et  fit 
représenter  au  Théàtre-Françai*,  en 
1782,  une  tragédie  deZoraï,  ou  le-. 
Insulaires  de  la  Nouvelle-Zélande , 
sujet  d  invention  qui  se  rattachait  auv 
découvertes  daiiâ  la  mer  duSud,dont 
on  était  alors  fort  occupé.  Cette  pièce 
n  ayant  pas  réus&i,  il  la  retira  le  soii 
mêmede  la  représentation.  Se  tix>uvant 
a  Genève  lors  de  lascension  de  Saus- 
sure au  sommet  du  Mont-Blanc,  .Ma- 
lignié  célébra  cet  événement  dans 
une  pièce  de  vers  qui  fut  insérée  dan.< 
plusieurs  recueils.  De  retour  a  Pari.» 
ail  connuencement  de  la  révolution  , 
il  prit  part,  dans  quelques  écrit»,  it 
la  défense  de  la  nmnicipalitc  de  Mon- 
tauban,  traduite  devant  l'Assemblée 
ronstituanle.  Après  avoir  publié,  dans 
le  cour.s  du  procès  du  roi,  divers  ou- 
vrages lignés  de  son  nom,  pour  la  dé- 
fense du  monarque,  il  voulut  tenter, 
au  sein  de  la  Convention,  un  derniei 
eiVort,  le  20  janvier,  veille  de  latten- 
lat ,  demandant,  par  ime  lettre  adre«- 
hée  et  remise  an  président,  a  être  en- 
tendu à  la  barre.  Il  v  portait  ime  pé- 
tition ou ,  laissant  à  part  toutes  les 
considérations  de  justice ,  d  innoceu- 
«e,  d'inviolabilité ,  épuisée»  par  les 
défenseurs,  et  exposées  par  lui-même 
dans  un  court  résumé  qu'il  avait  fait 
distribuer  sous  le  titre  de  Procès  de 
Louis  AT'/ eu  quatre  mots,  il  ne  fai- 
sait plus  valoir  que  celle  de  haute  po- 
liiiqne  et  de  l'intérêt  personnel  des 
membres  de  la  Convention ,  pour  les 
détourner  de  l'e.xécution  du  sangui- 
naii  e  arrêt  qu'ils  venaient  de  rendre, 
il  y  mettait  aiuisi  en  usage  tous  le:> 
moyens  propres  à  émouvoir  les  tri- 
bunes, et  exciter  un  mouvement  de 
conmiisération  et  d  horreur  pour  le 
crime,  dernière  espérance  qui  lestàt 
en  ce  moment  pour  en  empêcher  la 
consommation.  I^>  président  de  la 
ikinvention ,  Vergniaud,  qui  lui  avait 
12. 


1^ 


MAR 


fait  répondre   verbalement,  par  un 
huissier,  que  la  parole  lui  serait  don- 
née à  la  fin  de  la  séance,  la  leva  brus- 
quement sans  l'appeler  à  être  entendu. 
En  vain  Mariçnié  s'élança  au  bureau, 
et  eut  avec  le  président  une  violente 
altercation  dans  laquelle  il  lui  repro- 
cha durement  son  manque  de  parole, 
l'assemblée    était   séparée,    tout  es- 
poir était  perdu  ;  le  lendemain  le  cri- 
me  fut   consommé.  Échappé  ,  en  se 
hâtant  de  se  confondre  dans  la  foule , 
aux  huissiers  qni  entouraient  le  pré- 
sident pendant  son   débat  avec  lui, 
Marignié   était  allé    porter  à  l'impri- 
meur   Dufart  l'écrit  qu'il  n'avait  pu 
lue   à  la  Convention,  pour  lui  don- 
ner au  moins  la  publicité    de  l'irn^ 
pression,    à    titre     de    protestation 
contre  l'attentat  qu'il  n'avait  pu  pro- 
venir. Il  fit  précéder  cet  écrit,  intitu- 
\é  ■  Pétition  de  grâce  et  de    clémence 
pour  Louis  Xn,  du  récit  de  ce  qu'il 
avait  tenté  pour  Être  entendu.  Cet  écrit 
donna  lieu  à  des  perquisitions  chez 
l'imprimeur.   L'auteur,  qui    s'y  était 
nommé,  averti    qu'on  faisait  des  re- 
cherches  contre  lui-même,  se  hâta  de 
s'éloigner  .Toutes  ces  circonstances  ont 
été  rapportées  dans  X Histoire  du  pro- 
cès de  Louis  XVI,  par  Méjan,  où  se 
trouvent  cités  des  passages  étendus 
de  la  pétition.  Sorti  de  France,  après 
quelque  séjour  en  Suisse  et  en  Alle- 
magne, Marignié  passa  en  Angleterre, 
et  y  publia,  dans  le  Journal  général 
de    l'Europe,  plusieurs  articles    qu'd 
signa  un  Français  d'autrefois,  et  dans 
lesquels   il   s'attacl.a   à   donner   une 
idée  plus  exacte  du  véritable  état  des 
choses  en  France    i^uc    celle    qu'en 
avaient  l)oaucoup  de  fugitifs  comme 
lui,  mais  qui  en  étaient  sortis  depuis 
,j)lu8   long-temps.  Il  s'aperçut  bientôt 
«^ii'on     lui     savait    pou    de    gré    de 
réduire  à    letu'  juste  valeur  le»  illu- 
Bioiis  dout  quelques  auU  c»  feuilles  pu- 


MAR 

bliques,    et    particulièrement  le   Ti- 
mes, entretenaient  les  esprits,  en  mon- 
trant comme  touchant  à  son  terme, 
dès   1794  ,  une  révolution  qui  com- 
mençait à  peine.  Mallet-Dupan,  dont 
les    opinions  étalent  plus  en  accord 
avec  les  siennes, lui  rendait  aussi  plus 
de  justice.  La  tourmente   révolution- 
naire étant  un  peu  apaisée,  il  rentra 
en  France  en  1796.   Son  nom  ayant 
été   inscrit  sur  la  liste  des  émigre\s, 
tout    ce    qu'il     possédait    avait    été 
saisi;  ses  rentes  sur  l'État  étaient  tom- 
bées en  déchéance  ;  son  mobilier  mê- 
me avait  été  vendu  et  dispersé.  Le 
seul  moyen  d'existence  qui  lui  restât 
fut  la  traduction  d'ouvrages    anglais 
alors    fort   recherchés  ,    surtout    les 
romans,   que   les  libraires   se  dispu- 
taient, distribuant  les  volumes  d'un 
même  ouvrage  entre  plusieurs  traduc- 
teurs expéditifs ,  souvent  étrangers  les 
nus  aux  autres.  A  l'exception  de    la 
rie  de  Garrich,  1  vol.  in-12,    Paris  , 
1801,  et  des  Mémoires  de  Gt7>?>oji,  pu- 
bliés parShefficld,  1797,  2  vol.  in-8", 
dont  il  fut  le  traducteur  sous  le  voile 
de  l'anonyme,  nous  ne  saurions  indi- 
quer les  titres  des  autres  ouvrages  qu'il 
traduisit  alors.  Dans  le  même  temps,  il 
accepta  la  proposition  d'un  imprimeur 
qui  avait  conçu  l'idée  de   faire  i^evi- 
vre  le    Journal  général  de  l'abbé  de 
Fontenay;  il  en  publia  le  prospectus 
et  eu    poursuivit  quelque  mois  l'en- 
treprise,  en  conservant  son  ancien 
caractère.  Mais  sa  situation  d'émigré 
l'exposant    à    l'application    dès    lois 
terribles  de  cette  époque,  ses  amis  eu 
prirent  de   l'inquiétude ,  et  exigèrent 
qu'il  renonçât  à  cette  rédaction.  L'é- 
vénement ne  tarda  pas  à  justifier  leur 
crainte;  la  journée  du   18   fructidor 
arriva,    et,    dans    le»    proscriptions 
qu'elle   amena  ,  furent  compris  qua- 
rante-quatre journaux,  leurs  auteui-s 
et  cooi>ératcurs.  D'autres  événements 


MAR 

ayant  succédé,  il  eut  une  part  de  co- 
opération au  Mercure  ,  devenu  célè- 
bre pai"  l'association  de  MM.  de  Fon- 
tanes  ,    Chateaubriand  ,   Bonald,    et 
bientôt  il  se  chargea  de  la  rédaction 
du  Publicisle.  Le  caractère  d'indépen- 
dance et  de  juste  mesure  qu'il  lui  fit 
prendre,  de  concert  avec  Suard,  l'un 
des  propriétaires,    l'exposa,  sous    le 
gouvernement  de  Bonaparte,  à  beau- 
coup de  tiacasseries.  Plus  d'une  fois, 
il    refusa   d'y  insérer  des  articles  en 
opposition  avec  ses  opinions,  qui  lui 
étaient  envoyés  par  la  police.  Enfin 
il  put  secouer  ce  joug,  et  il  en  fut  re- 
devable à  Fontanes,  qui  l'appela  suc- 
cessivement aux  fonctions  de  secré- 
taire-général de  la  questure  du  Corps 
législatif,  et  à  celles  d'inspecteur-gé- 
néral de  l'Université.  A  la  première 
enti'ée  des  alliés  à  Paris,   en  1814,  il 
publia,   en  l'adiessant  à  l'empereur 
de  Russie  ,  une   Lettre  respectueuse, 
mais  forte,  où  il  s'élevait  contre  la  dé- 
claration donnée  aunom  des  souverains 
aUiés,le  soir  même  de  leur  airivée.  par 
laquelle  ils  prenaient  l'engagement  de 
reconnaîue  et  de    garantir  la  consti- 
tution que  la  nation  française  se  don- 
nera,   invitant  le   Sénat    a  préparer, 
c'étaient  encore  les  termes  de  la  dt'- 
claration,  la  constitution  qui  convien- 
dra au  peuple  français.  Voici  un  pas- 
sage de  cette  lettre  :  »<  Les  souverains 
«  alliés    n'appellent  point  la    nation 
«  française  à   s'occuper  de   ses    plus 
«  grands  intérêts,  à  l'insu  de  son  roi 
«  et  des  princes  de  son  sang.  Séparée 
«  d'eux,  la  nation  française  est  incom- 
"  plète.  Une  constitution  à  laquelle  ils 
«  ne  seraient  appelés  que  pour  sous- 
•<  crire    et    se    soumettre    ne    serait 
«  pas    luie    constitution  française.  " 
Lt  il  ne  dissimulait  pas  son    étonne- 
nient   qu'une   pareille   invitation  fût 
faite  au   Sénat  de  Napoléon  :  «  Ce 
Il  corps,  disait-il,   auquel   les   souve- 


MAB 


181 


"  rains  alliés   ont  cru  devoir  s'adres- 
«  ser,  peut-être  sans  s'être  assez  assu- 
«  rés  de  l'opinion  de  la  nation  fran- 
«  çaise  à  son  égard.  «  Marignié  adres- 
sa  encore,  à  la  même  époque,  une 
lettre  à  Benjamin  Constant,  en  répon- 
se à  un  article  de  cet  écrivain,  intitu- 
le :  Des  révolutions  de  1660  et  1688 
en  Angleleire,  et  de  1814  en  France, 
article  tout  apologétique  de  l'acte  ou 
projet  d'acte  de  constitution  nouvelle 
proposé  par    le  Sénat.  Au  retour  de 
Bonaparte,  en  181  o,  il  refusa  le  ser- 
ment imposé  à  tous  les  fonctionnaires 
publics ,   et    se  trouva  ainsi  de  nou- 
veau  sans  état  et  sans  fortune.  A  la 
seconde  rentrée  du  roi,  sa  santé  ne  lui 
permettant  pas  de  continuer  ses  fonc- 
tions   d'inspecteur-général   de  l'Uni- 
versité, et  son  âge  l'autorisant  à  pren- 
dre sa  retraite,  il  la  demanda  et  l'ob- 
tint. En  même  tempsjle  roi  qui  luiavait 
accordé  la  décoration  de   la  L**gion- 
d'Honneur,  y  ajouta,  en  récompease 
de  son  dévouement  à  Louis  XVI,  sur 
l'exposé  de  toute  sa  conduite,  qui  fut 
mis  sous    ses    yeux,    d'auUes    mar- 
ques de  sa  bienveillance  et  de  sa  li- 
béralité. Au  mois  de  mai  1817,  pre- 
nant la  défense  de   son  ami  Bonald , 
attaqué  dans  le  Journal  de  Paris,  Ma- 
rignié   publia   un    petit  écrit    ayant 
pour  titre  :  Sur  madame  de  Krudner, 
en  réponse  à    l'article  sur  cette  dame 
et    contre  M.  de  Bonald  ,  inséré  dans 
le  Journal  de  Paris  du    30  mai.  En- 
fin nous  rappellerons  qu'il  publia  dans 
les  journaux ,  dans  les  Actes  des  Apô- 
tres et    différents  recueils ,  quelques 
morceaux  de  poésie,  et  qu'il  avait  fait 
recevoir  au  Théâtre-Français  une  co- 
médie en  vers,  intitulée  le  Paresseux, 
ou  l'Homme    de     lettres    par  paresse, 
qui  n'a  pas  été  jouée,  et  qui  ne  le  sera 
probablement  jamais,  mais   que  l'au- 
teur  fit  imprimer    à  Paris  en  1823. 
Les  événements  de  1830  l'affligèrent 


182 


MAP, 


si  profondément  que  sa  raison  en  pa- 
rût altérée.  Il  se  retira  dans  son  pays, 
où  il  mourut  peu  de  temps  après. 
Outre  les  ouvrages  que  nous  avons 
cités,  il  a  publié  :  I.  Ba(jnère%  vengée . 
ou  la  Fontaine  d'Angoxilême  ,  Bagnè- 
res,  1817,  in-8°.  Cette  pièce  fut  ven- 
due an  profit  des  pauvres  de  Bagnè- 
res.  II  (en  anglais).  Le  roi  ne  peut  ja- 
mais avoir  tort;  le  roi  ne  pentmnl 
faire,  Paris,  1819,  in-8".  M— d  j. 

3LIRI1V  (Louis),  professeur  de 
belles-lettres  aux  collèges  de  Beau  vais 
et  du  Plessis,  écrivit  en  latin  quelques 
discours  et  plusieurs  pièces  de  vers 
dans  le  genre  d'Horace;  mais,  comme 
on  le  pense  bien  ,  fort  loin  de  leiu 
modèle.  Ses  discours  ont  été  impri- 
més à  Paris,  en  1728,  in-i2;  on  re- 
marque surtout  celui  qui  a  poiu-  titre  : 
De  hilaritate  niagistris  in  doeendo  ne- 
cessaria.  Ses  œuvres  furent  insérées 
dans  le  recueil  suivant  :  Selecta  c.nr- 
mina  orationesque  clariss.  ih  univer- 
sitatc  Paris,  professorum.  Mais  plu- 
sieurs de  ses  poésies  avaient  déjà 
été  imprimées  séparément  .-  I.  Car- 
/esms,  ode  alcaique,  1720.  II.  Jd 
Grenadum,  de  Pulchro ,  1722.  lU. 
Âd  Boeviuujn,  de  Festivo  ,  1723. 
IV.  Àd  Cutturilim .,  de  Laiidativo, 
1*726.  —  Maris  (François),  d'abord 
cuisinier  de  M""  de  Gesvres ,  puis 
maître-d'liAtel  du  maréchal  de  Sou- 
bisc,  écrivit  des  règles  sur  son  art. 
1.  Les  dons  de  Comns,  on  /f  «  délice" 
de  la  table,  avec  une  préface  des  PP. 
Tîrumoy  et  Bougeant,  Paris,  1739, 
in-12.  II.  Suite  des  ilons  de  Cornus, 
avec  une  préface  par  Querlon,  Pans. 
1742,3  vol.  in-12.  Ces  deux  ouvrages 
furent  rétniis  dans  une  nouvelle  édi- 
tion, Paris,  1750,  3  vol.  in-12.  -- 
Marin  (Pierre),  poète  limousin,  est 
connu  par  nn  poème  intitule-  :  /.'•* 
Amouk  sacré f,  1713,  in-12.  Ou  la- 
yonte  de  lui  une  naïveté  as^cz  amu- 


MAB 

.santé;  Étant  allé  visiter  les  Feuillants 
de  la  rue  Saint-Honoré,  un  religieux 
lui  montra  tout  ce  que  le  monastère 
avait  de  cniieux,  et  lui  fit  remarquer 
que  le  portail  était  d'ordre  corin- 
thien :  K  Comment  !  reprit  Marin,  je 
pensais  qu'il  était  d'ordre  de  St-Ber- 
nard.i — Mariai  y  Mendoza  (Aon  Joa- 
fiuin),  professeur  de  droit  à  Madrid, 
mourut  vers  1776.  On  a  de  lui  :  I. 
Histoire  du  droit  naturel  et  des  gens. 
Madrid,  1776.  On  y  trouve  une  criti- 
(jue  des  principaiLX  ouvrages  qui  ont 
para  sur  cette  matière.  Il  Joan.-Got- 
tlieb.  Heineccii  elementa  juris  naturo 
et  gentium,  castigationibus  ex  catho- 
licomm  doctrina  et  juris  historia  auc- 
ta,  Madrid,  1776,  in-4<*.  ÏII.  Histoire 
de  la  miliee  espagnole,  Madrid,  1780. 
in-i".  '  Z. 

MAKIX  (Josei'I1-Ch.\iu,I'S),  sculp- 
teur français,  né  en  1773  ,  obtint . 
en  1812,  le  premier  grand  prix  d( 
sculpture.  Il  envoya  de  Rome,  qua- 
tre ans  après,  un  Amour  endormi,  co- 
pié de  l'antique.  C'est  au  ciseau  de 
Marin  que  Ton  doit  la  statue  colos- 
sale de  Tourville  ,  qui  décora  pen- 
dant quelque  temps  le  pont  Louis 
XVI ,  aujourd'hui  de  la  Concorde , 
et  qui  fut  transportée  ensuite  dans 
la  cour  du  château  de  Versailles. 
La  ville  de  Bordeaux  lui  confia .  en 
1819,  l'exécution  de  la  statue  qu'elle 
avait  votée  à  M.  de  Tourny,  .son 
ancien  intendant.  Malgré  son  ta- 
lent et  ses  travaux,  Marin  ne  sr 
trouva  pas  à  l'abri  du  besoin  dans 
ses  derniers  jours.  Il  moiu'Ut  à  Pari.»-, 
le  18  septembre  1831,  dans  un  état 
voi.sin  de  la  misère.  Il  avait  ét('  pen- 
dant plusieurs  années  professeur  à 
l'école  des  Beaux  Arts  de  Lyon.  Le 
«•hAteau  de  rontaincbleaii  possède  nu 
T<  Hém ,/  (^  »  r  de  cet  a  rtis  I  e .        A  — v. 

.MAllINALI    (IlonAci;),   sculp- 
teur, naquit  à  Bas.sano,  eu  1643.  Son 


)UR 

l>ere  professait  le  même  art  avec  suc- 
cès, et  fut  son  maître.  Horace  se  ren- 
dit d'abord  à  Venise,  mais,  peu  sa- 
tisfait de  l'état  de  la  sculpture  dans 
cette  ville,  il  alla  jusqu'à  Rome  où  il 
suivit  les  leçons  des  plus  habiles  pro- 
fesseurs de  cette  époque.  En  1673,  il 
revint  à  Venise,  et  y  exécuta  pour 
l'église  des  Auyustines,  appelée  des 
Vierges,  deux  statues  de  saints,  et  un 
bas-relief  représentant  le  Portement 
de  croix,  auquel  il  mit  son  nom.  Il 
produisit  encore  dans  cette  ville  un 
giand  nombre  d'ouvrages.  Mais  en 
1681,  sa  ville  natale  ayant  formé  le 
projet  d'élever  sur  une  colonne,  au 
milieu  de  la  place  publique,  la  statue 
de  saint  Bassano,  évêquc,  protecteur 
de  la  cité,  Marinali  fut  chargé  de 
cette  entreprise  qu'il  exécuta,  à  l'aide 
de  deux  de  ses  fi-ères,  avec  cette  rare 
perfection  qui  distingue  ses  ouvrages. 
Il  se  fixa  des-lors  a  Bassano,  où  on 
lui  confia  un  grand  nombre  de  tra- 
vaux, tant  publics  que  particuliers. 
Il  enrichit  de  ses  productions  plu- 
sieurs églises  et  palais  de  Vicence,  de 
Brescia,  de  Padoue.  de  Vérone  et  de 
beaucoup  d'autres  villes  des  États  vé- 
nitiens. La  plupart  des  statues  qui  or- 
nent les  beaux  jardins  des  Coruaro.  à 
Castel-Franco,  que  l'on  nomme  le  Pu- 
raJi's,  sont  dues«à  son  ciseau.  Marinali 
avait  une  haute  idée  de  son  art,  un 
génie  élevé,  une  grande  facilité,  de  la 
douceur  et  de  la  grâce.  S'il  n'atteignit 
point  à  la  réputation  de  l'Algarde  et 
du  Bernin,  qui,  à  cette  époque,  tenaient 
à  Rome  le  premier  rang,  il  surpas- 
sa de  beaucoup  tous  les  artistes  vé- 
nitiens ses  contemporains.  Presque 
tous  ses  ouvrages ,  remarquables  par 
l'expression,  le  jet  heureux  des  dra- 
peries et  le  mouvement  des  figures, 
sont  de  grandeur  naturelle;  quelques- 
uns  sont  de  plus  forte  dimension. 
Il   s'occupait  de  l'exécution   des  sta- 


MAR 


183 


tues  et  des  bas-reliefs  destinés  pour 
la  superbe  église  de  Monte -Berico, 
lorsqu'il  fut  surpris  par  la  mort , 
le  20  février  1720.  —  François  et 
Ange  Mahi^ali,  frères  du  précédent, 
naquirent  à  Bassano,  le  premier  en 
16^Î7,  et  le  second  en  16i>4-.  Ayant 
presque  toujours  travaillé  conjointe- 
ment avec  leur  frère  Horace,  leur 
réputation  s'est,  pour  ainsi  dire,  con- 
fondue avec  la  sienne  ;  cependant  quel- 
ques œuvres  particulière»,  auxquelles 
ils  ont  mis  leur  nom,  prouvent  que , 
si  leur  talent  n'était  point  aussi  élevé 
que  celui  de  leur  frère,  ils  n'étaient  pas 
indignes  de  s'y  associer.  On  trouvera 
de  plus  amples  détails  sur  ces  tiois 
artistes  dans  l'ouvrage  de  Verci,  in- 
titulé :  Notizie  sopru  i  pitlori,  gli 
scuttori  e  gCintagliatori ,  délia  cittk 
di  Bassano^  Venise,  1775,  in-S". 
P— s. 
MARIN ARI  (Ho>obé;,  pein- 
tre florentin  ,  né  en  1627  ,  reçut 
les  premiers  principes  du  dessin  de 
son  père,  Pieire  Marinari ,  qui  le  mit 
bientôt  sous  la  conduite  de  Carlo 
Dolce.  Le  jeune  Honoré  ne  tarda 
pas  à  se  distinguer,  et  panint  en  peu 
de  temps  à  se  rendre,  propre  la  ma- 
nière de  son  maître.  Mais  convaincu 
que  le  fini  dans  l'exécution  ,  que 
l'exactitude  même  dans  le  dessin,  ne 
suffisent  pas  pour  faiie  un  grand 
artiste  s'il  n'y  joint  le  génie  de  la 
composition,  il  se  mit  a  étudier  cette 
partie  importante  de  l'art  ,  que  le 
Dolce  possédait  faiblement.  La  lecture 
des  poètes  et  des  histoiieiis  enrichit 
son  esprit  de  connaissances  variées, 
et  il  s'habitua  à  rendie  ses  idées  sur 
le  papier  ou  sur  la  toile ,  de  manière 
à  se  faire  enfin  connaître  comme 
peintre  d'histoire.  Cependant,  il  com- 
mença par  le  portiait,  et  y  acquit  la 
réputation  d'un  habile  artiste,  il  se 
hasarda  ensuite  à  peindre  l'iiistoii-e  : 


184 


MAR 


Le   jiKfeinenl   de   PAiis   Ci  ï/utue    an 
bain,  qu'il  exposa  eu   public  ,  obtin- 
rent le  suftVape  gênerai,  il  fut  alors 
chargé  de  plusieurs   travaux   impor- 
tants pour  les  églises  de  Florence.  On 
admira  son  saint  Jérôme  écoulmil    l<i 
trompette .  dû  juyement   deniiei;   qui 
orne  l'église  de  Saint-Simon  ;    et   Ton 
ne  fit  pas    un    moin«lre  cas   de  son 
sairit    Âfaur    (juérissuiit    les   iiijiinie<, 
(jue  l'on  voit  dans  l'abbavo  des  I5én(;- 
(Jictins.  Dans  ce  tableau,    on   n'apei- 
coit  plus  cet  einpiitenieut  délicat    de 
teintes,  cette  finesse  d'exécution   <jui 
t'ont  le  mérite  de  ses  autres  tableaux  ; 
il   a    adopté  une    manière  foite    de 
colorer  ;    ses    ombres    sont    vigou- 
reuses  sans  être    noires ,  et   sa  tou- 
che est  ferme  et  résolue.   Il  a    voulu 
Faire  connaître  par  cet  essai  qu  il  sau- 
rait s'éloigner  avec  succès,  quand  il  le 
voudrait,  de  la  manière   agréable  «t 
finie  de  son  maître.  0«i  estime  en- 
core beaucoup  son  tableau  de  Jéms- 
Clirist  apparaissant  h  sainte  Marie  de 
Pazzi ,    qui    existe    dans    l'église    de 
.Sainte-Marif^Majein  e.  liieutôt    toutes 
les    villes   de   la   'l'oscane   (U'Uiandè- 
rent  de  ses   ouvrages;   il  lut  charge 
de    peindre    «ne    Fuite    eu    Eç^ypte 
pour  San-(;asciano;un  Sainl-tratiçois 
d'Assise,  dans  une  gloire,  priant  pour 
les  âmes  du  punjaloire  ,  j>rande  com- 
position qui  Fait  rorneuient  de  l'églisf 
de  la  «-onh-érie  del  Suffrtijio,  à  Castel- 
Fianco,  etc.  Marinari  fut  surtout  eni- 
jtloyé  par  le  grand-duc  de  Tost  ane  , 
<,ôme  111,  et  par  le  prince  Ferdinand, 
<]ui,  ayant  i-csolude  réduire  ù  la  même 
tlimension  tous  les  portraits  des  pein- 
tres célèbres  taisant  partie  d<'  la  ga- 
lerie «le  Florence,  le  chargea  de  celle 
entreprise  cpiil  conduisit  à  terme  a- 
veo  un  rare  bonheur.  Il  peignit  alors 
son  portrait  cpii  tut  placé  dans  cette 
précieuse  collection.  Il    voulut   aussi 
.s'cNcrcer    dan**  U  Fresque  ;  r\  le  pla- 


Fond  du  palais  ("apponi,    oii   il  a  re- 
présenté les  Heures  précédant  le  chur 
du  Svleif,  prouve  d'une  manière  in- 
contestable son   talent  pour  ce  genre 
de  peinture.  Il  na  pas   moins   réussi 
dans  un  second  compartiment  oii  il  a 
peint  les  Heures  de  la  nuit,  le  Crépns- 
i-uleet  /V/i«o/'e.  L'ordonnance,  la  cou- 
leur et  le  dessin  de  ces  ouvrages  sont 
également  satistiiisauts.  Les  Véuidens 
Faisaient  un  grand  cas   du  talent   de 
tiarlo  Dolce:  ils  demandèrent  à  Mari- 
iiaii  plusieurs  tableaux  peints  dans  la 
manièie  de  ce  maitre,    et    il  y  réus- 
sit tellement ,   que  Fou  avait  peine  à 
distinguer  ses  productions  de  celles  de 
Dolce.  Alors,  les  Vénitiens    l'engagè- 
lent  à  venir  habiter  leur  ville;  mais, 
malgré  les  avantages  qu'on  lui  otFrail, 
il  prêtera  le  séjour  de  sa  patrie,  oii  il 
jouissait  d'ailleurs  de   l'estime   génc-- 
rale.  CarloDolce  avait  laissé  plusieurs 
tableaux  impartails  ;  Marinari  les  ter- 
mina  avec  celte   pcriéction  d'exécu- 
tion «jui  était  le  caractère  propre  du 
premiei  maître.  Arrivé  à  l'âge  de  80 
ans,  il  venait  de  commencerun  Saint 
Philippe  de  i\cri,  ravi  en  extase,  com- 
me il  était  monté  sur  un  échafaud  poui 
peindre   le  haut  de  son  tableau  ,    eu 
voulant  se  reculer  pour  observer  l'el- 
Fcl,  le  pied  lui  manciua,  il  tomba,  et 
se  Fendit  la  tête  contre   l'angle   d'un 
cadre  appuyé   à    la  muraille.   U    ne 
M-  tua  pas  sur  le  coup;  mais  jusqu'à 
NU  mort,  (\u\  survint  trois  ans  après  , 
I,;  o  janvier  1715,  il  «esta   privé   de 
toutes    ses     Facidlés     intellectuelles. 
Marinari  avait  en  outre    étudié    avet 
Mjccès  l'astronomie  cl  la  gnomoni«iuc, 
et   il    inventa   plusieurs   instriunenl^ 
ingénieux  pour  en  Faciliter  la  pratique. 
Il  a  publié  sous  le  titre  suivant  :  Fab- 
hrua  ad  usa  dell'  annulo  aslronomico 
,„slrunie.nto  nniversalc   per    dclincure 
OriuoU    Solari  ,  non  solo  dirciti  ,  ».« 
„,Mo,v,  re/lissi,  etc.  (l'Ioreucc.  1671. 


MAR 

in-lolio),  un  ouvrage  dans  lequel  il 
expose  ane  métbodc  assez  facile  tle 
dessiner  les  horloges  solaires  selon  les 
méthodes  etnployées  chez  les  diverses 
nations  anciennes  et  modenies.  (À> 
livre  est  enrichi  de  19  planches  {jra- 
vées  par  lut  à  l'ean-ibrte,  pour  faire 
connaître  toutes  les  parties  de  l'in:?- 
irnment  qu'il  avait  inventé  et  auquel 
il  avait  donné  le  nom  (Winuulo  a-:- 
tronomico.  l* — ^• 

MARIXE,  épouse  du  faux  Deiut- 
trius  (l'oy.  ce  nom .  XI,  46),  eut  part 
à  la  bonne  et  mauvaise  fortune  de 
cet  imposteur,  qui ,  ayant  été  ac- 
i-ueillipar  Sigismond,  roi  de  Pologne, 
et  par  Mnichek,  palatin  de  Sainloniir, 
demanda  la  main  de  Maiine ,  fille 
dn  palatin.  Par  un  acte  passé  le  2o 
mai  1603  ,  il  s'engagea  solennelle- 
ment à  donner  à  sa  nouvelle  épouse 
un  million  de  florins,  et  à  lui  céder 
les  principautés  de  Novogorod  et  de 
PskofF.  Par  un  second  acte  du  1^ 
juin  160i,  il  céda  au  père  de  Ma- 
rine les  principautés  de  Smolensk 
et  de  Siévierz.  Après  s'èti-e  emparé 
de  Moscou ,  il  se  hâta  de  remplir 
ses  promesses.  Il  envoya  à  Cracovie 
Alhanase  VlassiefF,  qui,  en  présence 
du  roi  Sigismond  et  de  sa  cour, 
épousa  la  belle  Maiinr,  au  nom  de 
Démétrius.  Le  cardinal  -  évéque  de 
Cracovie,  a\-ant  de  bénir  le  mariage, 
avant  demandé,  selon  l'usage,  à 
VlassiefF,  si  Démétrius  n'était  point 
déjà  fiancé  à  une  autre,  l'ambassa- 
deur répondit  bonnement  :  -  Com- 
•<  ment  pourrais-je  le  savoir?  cela 
«  n'est  pas  dans  mes  instructions.  " 
La  jeune  tzarine  fit  son  entrée  à 
Moscou  (2  mai  1606),  accompagnée 
de  Raugoni,  légat  du  pape.  Afin  de 
contenter  le  patriarche  et  les  évêques 
russes,  il  fut  convenu  qu'elle  hé- 
quenterait  les  églises  grecques,  qu'elle 
en  suivrait  les  usages,  qu'elle  rece- 


MAR 


183 


vrait  la  communion  des»  mains  du 
patriarche,  mais  qu'elle  aurait  son 
église  latine,  et  qu'elle  pourrait  ob- 
sei-ver  les  usages  de  l'église  romaine- 
Quelques  évéques  russes  soppost^rent 
à  cet  an-angenient,  prétendant  même 
que  la  tzarine  rfta'aïf  ètrebupliséc  selon 
le  rit  grec,  et  que,  sans  cette  cérémonie, 
son  rnai-iage  avec  le  tzai-  serait  un 
acte  saciilége.  Ces  évètjues  furent 
évités.  Le  8  mai,  Marine  fut  cou- 
ronnée ,  quoiqu'elle  ne  fût  (jue  fijro- 
cée ,  et  que  son  mariage  avec  Déraé- 
triiis  n'eût  point  été  célébi-é.  Les  fes- 
tins qui  suivirent  le  couronnemctit 
ne  firent  qu'augmenter  fagitation  et 
le  mécontentement  des  Russes.  Ix 
17  mai  1606,  la  ville  de  Moscou, 
soulevée  et  conduite  par  Vassili 
Zouiski  (wv.  Vassili,  XLVIl,  56o), 
pénéti-a  dans  le  Ki-emlin.  Basnia- 
noff  fut  égorgé,  et  Déméuius  jeté 
dans  la  cour  <lu  palais!.  Marine  ef- 
frayée, n'avant  pas  eu  le  temps  de 
s'habiller,  demanda  ce  qu'était  de- 
venu le  tzar.  Apprenant  qu'il  n'était 
plus,  elle  courut  éplorëe  dans  le  ves- 
tibule; elle  allait  perdre  la  vie  ou 
1  honneur,  si  les  généraux  cpii  étaient 
à  la  tète  des  révoltés  ne  fiissent  pas 
anivés  à  temps  pour  la  sauver.  Ils 
firent  mettre  les  scellés  sur  tout  ce 
(jui  lui  appartenait,  et  lui  donnèrent 
une  garde.  Son  confesseur,  qui  célé- 
bi-ait  la  messe,  fnt  mis  en  pièces;  son 
père  et  son  frère  furent  arrêtés  et  con- 
duits devant  le  conseil  d'Ktat,  qui  tfit 
à  Mnicheck  :  »  Pour  troubler  la  paix 
«  de  la  Russie,  vous  nous  avez  amène 
"  un  imposteur,  vous  militeriez  de 
•  partager  le  sort  de  ce  scélérat;  nous 
"  vons  pardonnons,  et  votre  fille  est 
«  sau^'ée.  "  On  permit  au  ]>ère  de  voit 
sa  fille,  pendant  que  Ion  égorgeait 
les  Polonais  qni  les  avaient  accom- 
pagnés à  'Moscou.  Un  nouveau  Démé- 
trius séduisit  les  province*.   Ix*  tzar 


186 


MAR 


Vassili  ,    craignant  d'augmenter    le 
mécontentement,   mit   en  liberté  le 
palatin  de  Sandomir,  sa  fille  Marine,  et 
donna  ordi'e  qu'on  les  conduisît  avec 
leur  suite  jusqu'aux  frontières.  L'im- 
posteur les  fit  enlever,   et  proposa  à 
Marine  de  le  reconnaître  comme  étant 
le  premier  Démétrius ,    son    époux. 
L'honneur   arrêta   d'abord  la    jeune 
tzarine,  puis  l'ambition  et  le  désir  de 
la  vengeance  l'entraînèrent;   et   elle 
reconnut  ce  second  imposteur,  en  dé- 
clarant qu'il  était  son  premier  époux , 
miraculeusement    sauvé   du    carnage 
(1608).   Plus  tard,    cet   aventurier 
succomba  également ,  et  Marine    se 
jeta  dans  les  bras  de  Zaroutski ,  chef 
des   Cosaques,    qui,    appuyé  par  ses 
hordes  guerrières  et  par  le  nom  de 
Marine,  prétendit   aussi  monter  sur 
le  trône  des  tzars  (1611).  Zaroutski 
surpris  à  Astracan,  s'enfuit  dans   les 
déserts  de   la  Tartarie  ;  poursuivi  et 
arrêté ,  il  fut  conduit  à  Moscou  avec 
Marine ,   et  empalé.  La  tzarine  avait 
un  fils  âgé  de  trois  ans,  il  fut  pendu  ; 
elle-même  ,  condamnée  à  une  prison 
perpétuelle,  y  mourut  peu  de  temps 
après  (1613).  G— v. 

MARIL\ELLI  (LvcRka:)  était 
fille  de  Jean,  et  sœur  de  Curzio  Ma- 
rinelli,  tous  deux  médecins  do  Mo- 
<lène ,  qui  pratiquèrent  leur  art  avec 
quel<iue  réputation  à  Venise  ,  et 
dont  on  a  des  ouvrages,  cit/is  par  Ti- 
raboscbi,  dans  la  Bibliot.  modenese. 
Née  à  Venise,  en  1571,  elle  annonça 
de  bonne  heure  un  talent  assez  re- 
marquable pour  la  httérature;  à  vingt- 
quatre  ans,  elle  avait  déjà  mis  au 
jour  un  volume  de  vers  de  sa  com- 
position, l'eu  de  temps  après,  elle  se 
maria.  Restée  veuve  et  sans  enfants, 
elle  chercha  dan»  la  culture  des  let- 
Ue»  plutôt  lui  délassement  qu'une 
occupation,  et  publia  plusieurs  opus- 
cules en  prose  et  en  vers,  qui  reçu- 


MAR 

rent  un  accueil  assez  favorable.  Con- 
servant, dans  un  âge  avancé,  ses  goûts 
httéraires,  elle  mit  eu  rimes  des  pa- 
négyriques et  des  légendes.  Elle  mou- 
rut à  Venise,  le  9  oct.  1653,  à  quatre- 
vingt-deux  ans,  et  fut  inhumée  dans 
l'église  de  Saint  -  Pantaléon,   où  l'on 
voyait  son  épitaphe.  On  trouve  dans 
la  Bibliot.    modenese,    III,    160,    les 
titres  de  dix  de  ses    ouvrages  ;  mais 
Tiraboschi  convient  qu'il  ne  les  a  pas 
tous  connus.  Le  seul  qui  soit  encore 
recherché  des  curieux,  est  le  suivant  ■ 
La  Nobiltàed  eccellenza  délie  Donne 
ed  i  diffetû  e  mancamenù  degli  uo- 
mini,   discorso,  Venise,  1600,   in-4", 
et  1621,   in-S".    Ces   deux   éditions 
sont  également  rares.  W — s. 

MARINEO  (Lucti-s  ou  Lvcio),  sa- 
vant littérateur,  était  né  vers  1460  à 
Bidino  dans  la  Sicile.  Après  avoir  fait 
de  rapides  progrès  dans  les  langues 
grecque  et  latine  à  Catane  puis  à  Pa- 
lerme,ilvintàRomepoui  suivre  les  le- 
çons de  Pomponius-Lœtus.  En  entrant 
dans  cette  fameuse  académie,  il  prit 
ou  reçut  le  nom  de  Lucius,  qui  dif- 
fère assez  peu  de  celui  de  Lucas  qu'il 
avait  porté  primitivement.  De  retour 
il   Palerme,   il  ouvrit    une  école  d(> 
grammaire.  Vers  1486,  il  suivit  m 
Espagne  famirante  de   Castillc,  qui 
s'était  déclaré  son  luotectcur;  et,  s'é- 
tant  fixé    à    Salamanque ,    il    parta- 
gea,     avec   le    célèbre    Antoine    de 
Lebrixa   ou    INebrissensis   (  voy.     ce 
nom,  XXXI,  4)  la  gloire  de  i  animer 
et  d'étendre  le  goût  des  lettres  latines 
dans    la    Péninsule    (1).    Ses    talents 
l'ayant  fait  choisir  pour  donner  des 


(1)  Nicol.  Antonio,  Bibl.  nova  Uispnn. , 
H,  809,  <t  Tiraboschi,  Storia  delta  Icltera- 
Uir.  ilal.,  VIl,10iO,  conflrmoni  à  Marine© 
le  glorieux  surnom  d.^  J\osUuralcur  des  let- 
tres latines  on  Espagne  ;  mais  il  lui  est  con- 
testé par  Xav.  Uiinpillas  ,  Saggioiforico- 
apologetico  (tclla  iettcratur.  spagnuola,  ei 
par  le  V.  AnUrf's,  Origine  d'ogni  letteratura. 


MAI*. 


MAR 


1«7 


leçons  aux  jeunes  courtisans,  il  sut 
ihériter  l'estime  du  roi  Ferdinand  V, 
<^Ui  le  nomma  son  chapelain  et  le  re- 
vêtit du  titre  de  son  historiographe. 
Luciiis  revint  à  Naples  en  1507,  à  la 
«to'te  de  Ferdinand  ;  mais  il  ne  paraît 
pas  qu'il  ait  profité  de  celte  circons- 
tance pour  passer  en  Sicile.  Chéri  de 
l'empereur  Charles-Quint,  il  hit  com- 
blé par  ce  prince  de  richesses  et 
d'honnear^.  On  ignoi-e  le  lien  et  la 
date  de  sa  mort  ;  mais  on  sait  qu  il 
vivait  encore  en  1 533.  On  a  de  lui  : 

I.  De  Laïutihw!  IlispuniiP  libri  FJI , 
in-fol.  Cette  édit.  sans  date  est  très- 
rare;  elle  est  antérieure  à  l'année  1 504. 

II.  De  primis  Araqoniv  rrgibus  libri 
y,  Saragfosse.  1509,  in-Fol.  ;  trad.  en 
wpag^ol  par  .ï.  de  Molina ,  et  depuis 
en  italien,  in.  De  Rébus  Hispaniœ  me- 
morab'ilibtis  libri  X\7/,  Alcala,  1530, 
in-fol.;  réimprimé  à  Francfort,  1579, 
et  inséré  par  Schott  dans  [Hiapania 
illustrata,  I,  291-517.  I.e  même  ou- 
vraçe  parut  en  espagnol,  Alcala,  1533, 
in-fol. ,  sous  ce  titre  :  De  las  Cosas 
memorubles  de  Espana.  IV.  Epistola- 
rum  familiarium  lihri,  XVII ;  Oia- 
tiones  ;  Carmina,  Valladolid,  1514, 
in-fol.;  vol.  très-rare  décrit  dans  la  Bi- 
bliographie instmctii'e,  n"  4140.  On 
peut  consulter  pour  des  détails  la  Bi- 
bliotheca  Sicula  de  Mongitorc.  H.  16. 

W— s. 
MARIXGOXÉ  (le  vicomte  Lais- 
JosEPH  Vio>>ET  dk),  général  françaisi, 
né  en  Franche-Comté,  le  16  nov. 
1769,  d'une  famille  noble,  entra  au 
service  des  le  commencement  de  la 
révolntion,  et  se  distingua  par  ses  ta- 
lents autant  que  par  son  courage. 
Devenu  colonel  des  chasseurs  à  pied 
de  la  garde  impériale,  il  consena 
long-temps  cet  emploi,  le  préférant 
*i  un  avancement  qui  lui  était  offert. 
d  fut  créé  commandant  de  la  Légion- 
tf Honneur   le  28    nov.  1813,  et  se 


soumit  franchement  au  gouverne- 
ment royal,  après  la  déchéance  de 
Bonaparte.  Il  fut  fait  maréchal-de- 
camp,  le  26  avril  1814,  et  chevalier 
de  Saint-Louis,  le  17  septembre  même 
année.  Le  général  Maringoné  refusa 
de  servir  Bonaparte  après  son  retour 
de  l'ile  d'Elbe,  en  1815,  et  ftit  nom- 
mé par  le  roi.  en  1816,  counnandant 
de  la  place  de  Lyon,  sous  Canuel, 
qu'il  seconda  de  tous  ses  efforts  pour 
la  répression  des  divers  complots  qui 
éclatèrent  dans  cette  ville.  Cependant 
il  n'essuva  pas  les  même»  persécu- 
tions que  ce  général  qui  resta  long- 
temps sans  être  employé  pour  avoir 
fait  son  devoir ,  en  s' efforçant  <lc 
réprimer  la  révolte.  Maringoné.  privé 
momentanément  de  son  emploi,  par 
suite  de  l'ordonnance  qui  supprimait 
une  partie  des  états-majors,  fut  mis 
à  la  demi-solde,  mais  il  obtint  en 
1820  le  commandement  de  Brian«;on. 
En  janvier  1823,  il  fut  emplové  à 
l'armée  d'Espagne,  où  il  s'empara  de 
Puvceixla  et  entra  sans  coup  férir 
dans  la  ville  de  Filières,  dont  le  fort 
était  encore  occopé  par  les  insurgés 
espafjnols,  qui,  ayant  fait  une  sortie 
le  9  août,  furent  vivement  i-epoussés 
et  essuvèrent  des  pertes  considéra- 
bles ,  grâce  aux  habiles  manœuvres 
de  Mariiigonc* .  qui  reçut  quelque 
temps  après  la  grand'croix  de  Saint- 
Ferdinand  ,  et  fut  nommé  lieutenant- 
général.  Après  la  rentrée  du  maréchal 
Moncev  en  France,  il  fut  chargé  du 
commandement  de  toutes  les  troupes 
françaises  en  Catalogne.  Remplacé,  le 
26  octobre  1824.  par  le  lieutenant- 
général  de  ReiseU  Maringoné  vint  se 
fixer  à  Paris  et  v  mourut  le  28  octo- 
bre 1834.  M— oj. 

AlARIM  (PiKr.RE),  prédicateur 
du  XV'  siècle,  naquit  en  Italie,  passa 
ime  partie  de  sa  vie  en  Provence , 
et  V  entra  dans  l'ordre  des  Augustin*. 


188 


MAR 


Depuis  évêque  de  Glandèves,  confes- 
seur et  prédicateur  du  roi  René,    il 
l'accompagna  dans  la  plupart  de  ses 
voyages.  Il  mouiut  à  Aixen  1467,  et 
non  1487,  comme  dit  Bouche,  qui  le 
confond  avec  son  frère  qu'il  eut  pour 
successeur  à  l'évêché   de  Glandèves. 
Pierre  légua  au  couvent  des  Augustins 
d'Aix  la   plupart  de  ses  manuscrits, 
qui  depuis  ont   passé   eu  différentes 
mains.   M.    Fauris  de  Saint-Vincens, 
propriétaire  de  l'un  d'eux,  a  donné 
dans  le  Magasin  encjclopédiiiue,  mai 
1813,  une  Notice  lue  à  la  3"  classe  de 
l'Institut,  et  réimprimée  à  Aix  en  1816. 
Ce  manuscrit  a  deux  volumes  qui  con- 
tiennent, l'un  les  sermons  prêches  par 
INlarini  à  Padoue  ;  l'autre  ceux  qu'il 
avait  prêches  à  Aix.  Ces  sermons  sont 
en  latin,  suivant   l'ancien   usage  qui 
a  duré  en  Provence  jusqu'au  com- 
mencement du  XYIl*^  siècle.  L'auteur 
était  contemporain  des  lîarletta,  des 
Maillartl,  des  Menot;   dans   son  ser- 
mon sur  les  péchés  capitaux,  en  par- 
lant de  la  paresse,  il  dit  qu'un  démon 
est  chargé  de  noter  tous  les  versets, 
mots  ou   syllabes  que   les   religieux 
omettent  ou  ne  prononcent  pas  dis- 
tinctement dans  leurs  offices.  Il  ap- 
pelle ce  démon  TintiUm,  (juia  lintil- 
lum   de   psahnis   et    horis  non   potest 
oinilli    (juin  ab    hoc  dœmone  scriba- 
tur  ;  et  il  ajoute  <{ue  plusieurs  saints 
religieux   l'ont  vu  portant  des  feuil- 
les très-remplies.  Le  sermon  de  Ma- 
rini  pour   le  samedi   de    la    passion 
roule  sur  la  chasse  ;  il  y  donuc  la  ma- 
nière de  prendre  les  singes  :  »  C'est 
«  de  se  mettre  à   portée  des  arbres 
«  oîi  ils  se  tiennent  ordinairement;  là 
•  le  chasseur,  assis  à  terre,   se  revêt 
«  d'un   vêtement   ipiil  a   porte  avec 
,«  lui;  il  Uç  SOS  jambes  avec  une  cour- 
:H  roie  cl  dcmeuic  en  cet  étui  ([U(;l*jues 
,«  instants;  puis  il  ôtc  sou  vclemenl 
»  et  délie  SCS  jambes;  il  laisse  sur  les 


«  lieux  l'habit  et  la  courroie,  et  va 
«  se  cacher  derrière  des  broussailles  ; 
«  le  singe  ne  manque  pas  d'imiter  en 
«  tout  le  chasseur,  mais  celui-ci  le 
«  saisit  au  moment  où  il  a  les  jambes 
«  liées.  »  Les  bizarreries  de  Marini 
sont  rachetées  par  la  facilité  de  son 
style  et  la  sévérité  de  sa  morale.  M. 
Fauris  cite  du  même  auteur  Enchiri- 
dioti,  sive  manuale  psalmorum,  ma- 
nuscrit. A.  B — X. 

MARDÎI  (Marc),  célèbre  hébraï- 
sant,  né  vers  1341,  à  Brescia,  prit 
jeune  l'habit  religieux  dans  la  congré- 
gation des  chanoines    de  Saint-Sau- 
veur. Les  connaissances  qu'il  acquit 
dans  les  langues  orientales  le  firent 
appeler  à  Rome,  où  Grégoire  XIII  le 
cliargea  de  revoir  les  écrits  des  Rab- 
bins et  d'en  faire  disparaître  les  pas- 
sages contraires  aux  croyances  catho- 
liques. Pour  le  récompenser  de  ce  tra- 
vail, le  pape  lui  fit  offrir  successive- 
ment plusieurs  évêchés;  mais  il  .eut  la 
modestie  de  les  refuser.  Ayant  obtenu 
la  permission  de  se  retirer  à  Bies<  ia. 
il  y  préparait  un  commentaire  sur  les 
psaumes,  lorsqu'il  mourut  en  1594.  On 
a  de  lui  :  I.  Grammatica  liugiiœ  sancl<^, 
jBâlc,  1580,  in-V".  11.  ^'irca  Noé,  seu 
thésaurus  Untjiiœ  sanctœ  novus,  Ve- 
nise, 1593,  2  vol.  in-fol.  Le  premier 
est  orné  du  portrait  de  Marini,  ovale 
dans  un    cadre.  Ce  lexique,  devenu 
très -rare,   est    fort  reciievchc.   lU. 
Jniiolutioues     littérales    in   psalmis, 
Bologne,  1748-50,   3  vol.  in 4".   Ce 
commentaire   avait  été  annoncé  dès 
1732  par  la   pubh<  ation   d'un  speci- 
mcH{i>oy.  Querini, /^>«to/.  udSaxinm, 
p.  2'0  ;  il  pe  fut  cependant  imprimé 
que  seiie  ans  après  par  les  soins  de 
Min{;arelli  {my.  ce  no"),  XXIX,  '79), 
qui  le  fil  précéder  d'une  vie  de  l'au- 
leur,  écrite,  dit 'liraboschi,  avec  au- 
tant d'exactitude  (juo  d'tlégance,-  voy. 
hSloria  delii  l,llrrai.  iUil.     V>      - 


MAR 


M.AB 


189 


MARIXI  (Bctoit),  peintre  né  a 
Urbin,  dans  le  XVII'  siècle,  fiit  élève 
de  Ridolfi  et  de  Fenaù  de  Facnza. 
DTrbin  ,  il  se  rendit  à  Plaisance  ,  et 
la?ifcÉ  dans  plusiears  églises  divers 
tâWëàux  trés-estimés  où  l'on  recon- 
nu "un  mélange  de  la  manière  du  Far- 
i-oche  et  des  écoles  lombarde  et  vé- 
nitienne. Son  chef-d'œuvre  est  le  Mt- 
raèle  de  ta  multiplication  des  pains, 
qu'il  peignit  en  1625  pour  le  réfec- 
toire des  Conventuels.  C'est  nn  ou- 
vrage vraiment  étonnant,  et  l'un  des 
plus  grands  tableaux  à  l'huile  que 
l'on  connaisse  :  tout  v  est  remarqua- 
ble ,  la  composition  .  la  variété  des 
expressions,  et  le  fini  de  la  peinture. 
Si  Marini  n'égale  pas  son  maître  par 
les  qualités  fondamentales  de  l'art,  il 
le  surpasse  par  l'étendue  et  la  vivacité 
du  génie.  Cependant  quel  qrie  soit  le 
mérite  de  ce  peintre,  et  quoique  les 
villes  de  Pavie,  de  Fenare  et  antres 
possètlent  plusieurs  de  ses  ouvrages, 
it  est  peu  connu  dans  sa  propre  pa- 
trie, qiii  n'a  conser>-é  de  lui  qu'un 
Saint  Charles  et  la  Trinité',  avec  une 
gloire  d'auges ,  production  inférieure 
aux  auu-es  tableaux  de  sa  main  qui 
existent  dans  les  \'illes  de  la  Lombar- 
die.  — Antoine  yiKKiM,  de  Padoue, 
florîssait  en  1700.  Il  peignit  le  paysage 
avec  succès,  et  Brusaferro  en  exécutait 
ordinairement  les  figures.        P — s. 

MARIXI  (le  docteiu-  Jeas-An- 
TorsE),  né  à  Villefranche ,  en  Pié- 
mont, le  4  févriT  1726.  descendait 
êtune  famille  qui  avait  été  anoblie 
3aus  le  XrS''  siècle,  par  un  prince 
«TAchaie.  Bien  que  ses  parents  ne 
jouissent  pas  d'une  grande  fortune, 
il  reçut  une  éducation  soignée  et  fit 
de  brillantes  études  dans  le  collège 
de  sa  patrie.  Doué  d'un  esprit  précoce, 
il  composa  dès  l'âge  de  14  ans 
plusieurs  pièces  de  théâtre ,  fort 
bien    écrites  et   qu'il  joua  lui-même 


en  public  avec   ses  compagnons  de 
classe.    A  la  fin  de  son  cours,  il  alla 
étuilier  la  médecine  à  l'Université  de 
Turin,  et  fut  reçu  docteur  en  1746. 
il    exerça  son    art  d'abord   dans  la 
commune  de  Roccaforte,  puis  dans 
celle  de  Revello,  jusqu'au  mois  d'a- 
mi  1762,    époque  à  laquelle  il  fut 
envové  à  Sa>illan,  en  qualité  de  mé- 
decin-assistant de  l'hôpital.  Il  sut  con- 
cilier les  devoirs  de  sa  charge  avec 
de  nombreuses  i-ecberches  et  expé- 
riences   en  chimie  et   en   phvsique, 
et   mérita  par  ses  travaux  la  protec- 
tion du  marquis  de  Sahices,  le  Mé- 
cène des  savants  piémontai»  de  cette 
époque.  Un   ouvrage  qu'il  publia  en 
1766,   sur  les  thermes  de   Vinav,  le 
fit  entrer  dans  la  .Société  philosophi- 
co-matliématique  de  Turin ,   laquelle 
par    décret  du  roi   Victor-  Araédée, 
devint,    en    1782.    Académie   rovale 
des  sciences.   Marini  fut   successive- 
ment   nomme   premier    médecin    de 
l'hospice  de    Savillan,  puis  médecin 
du  préside  militaire,  dans  la   même 
ville,  et  enfin  membre  de  la  Société 
d'agriculture  de   Turin.  L'altération 
de  sa  santé  l'ayant  obligé,   en  1788, 
de  demander  sa  démission  au    gou- 
vernement,  il    l'obtint    avec  le  titre 
d'inspecteur-général  de  la  médecine 
et  de  la  pharmacie.  Lorsque  le  Pié- 
mont fut  réuni  à  la  France,  le  doc- 
teur   Marini    fit    partie    du   Conseil 
supérieur    de  santé    en    qualité    de 
membre    con-espoudant.    Malgré   de 
nombreuses  infinnités  et  de  fréquen- 
tes attaques  d'hvpocondrie,    il  exer- 
ça la  médecine  avec  le  plus  grand  zèle, 
et  entretint  une  CM-respondance  suivie 
avec  plusieurs  savants    nationaux  et 
étrangers,  jusqu'à  sa   mort,  arrivée 
le  11  janvier  1806.  Ses  principaux  ou- 
vrages en  italien  sont  :  I.  Commentaire 
sur  les  eaux  thermales  de  Vinav,  dédié 
an  roi  de  Sardaigne,  Victor-Auiédée, 


190 


MAR 


1775,  ia-S".  II.  Becueil  de  queLjuei 
opuscules,  relatifs  à  l'usage  interne 
de  l'huile  dolive,  Carmagnoles,  1789, 
in -8".  Il  a  donné,  aux  Mémoires  de 
l'Académie  des  sciences  de  Turin  :  1" 
Thermarum  ^inadensium  encheire- 
ticœ  syntaxis  spécimen  ;  2°  Vescriptio 
anatomica  prœternaturalis  ventriculi 
humani  ;  au  liecueil  des  observations 
médicales,  publié  à  Imola,  Douze  ob- 
servations pratiques  de  diverses  ma- 
ladies guéries  par  l'usage  des  fleurs 
d'arnique;  et  enfin  au  Journal  phy- 
sico-médical de  Pavie,  Y  Histoire  de 
deux  maladies  compliquées  éprou- 
vées par  l'auteur.  Marini  a  laissé, 
en  outre,  plusieurs  ouvrages  nia- 
luiscrits  et  une  volumineuse  corres- 
pondance. ^     ^• 

MARINO  (JKAji-BAPTisïE),  révo- 
lutionnaire   de    second    ordre,    était 
ué  à   Sceaux  en  1707.  l/abord  pein- 
tre en  porcelaine,  il  quitta  son  pin- 
ceau pour  se  jeter  dans  le    parti  le 
plus  exaspéré    de   la    révolution,   et 
après  avoir  concouru  de   toutes  ses 
facultés  au   renversement  du  trône, 
dans  la  journée  du  10  août  1792,  il 
lit  partie    de   la   lameuse    commune 
<pù  s' installa  elle-même  le  lendemain. 
On  l'employa  successivement  comme 
.idministrateur  de  police  dans  la  sec- 
lion  de  la  Montagne,  dans   celle  de 
Uonne-ISoHvelle,  et  dans  le  conseil- 
général  de  la  commune.  En  1793,  ou 
l'envoya  présider  la  commission  tem- 
poraire qui  s(ilablit  à  Lyon ,  après  le 
'    siège  de  cette  ville,  et  il  s'y  conduisit 
.•u  digne  agent  de  Uobespierre  ;  mai» 
s  étant    brouille    avec    CoUot  -  <riler- 
bois,   il   "«  t»''^**   P'*''   ^   devenir   sa 
victime.  Il  <;>it  néanmoins  le  temps 
de  rommetlre  de  nouvelles  horreur» 
dans  les  priions  de  l'aiis,  à  la  police 
desquelles  il  lut  cmployci.  "  (Chargé, 
„  dit   Prudhomme,    de    l'inspection 
,.  des  lillcs  publiques,  il  arrêtait,  sous 


MAR 

»  ce  prétexte,  toutes  les  femmes  qui 
"  lui  plaisaient,  enceintes  ou  vierges 
>^  encore,  et   les   entraînait  pour  en 
u  laire    la    visite....  «    Dénoncé,    eu 
avril  1794,  pour  avoir  outragé  la.  re- 
présentation nationale  en  la  persf»|ti- 
ne   de   Pons-de- Verdun,    lors  d'unie 
visite  dans  les  maisons  garnies  dont 
il  était  aussi  inspecteur,  il  fut  desti- 
tué,  arrêté,  et  traduit  devant  le  tri- 
bunal révolutionnaire.    Un   premier 
jugement  ne  le  condamna   qu'à    la 
détention  jusqu'à  la  paix;   mais  en- 
veloppé ensuite  dans  la  conspiration 
de  l'étranger,  il  fut  condamné  à  mort 
comme   complice  de   l'assassinat   de 
CoUot-d'Herbois  (l'or.  Admiral,  LVI, 
78).  On  le  conduisit  à  l'écbafaud  avec 
une  chemise  rouge.  M — nj. 

MARIOTTE    (Cheistopue  de), 
issu   d'une  noble    famille  du   Lyon- 
nais qui  s'établit  dans  le  Languedoc, 
vers  la  fin  du  XV^  siècle,  et  dont  diver- 
ses branches  se  dispersèrent  en  Bour- 
gogne et  en  Espagne,  naquit  a  Tou- 
louse en  1685.  Son  père,  ancien  ma- 
gistrat   et    greffier   des    États  de    la 
provhice  du  Languedoc,  avait  un  gé- 
nie heureux  et  propre  aux  aftaires. 
Son  exactitude,  ses  talents  et  sa  ca- 
pacité lui  attirèrent  l'estime  du  corp> 
(les  États,  qui  lui  confiait  toujours  lu 
conduite  des  affaires  les  plus  impoi  - 
tantes  et  les  plus  secrètes.  Sa   luerc. 
Béatrix  d'I'spagne,  possédait  au  plus 
haut  degré  toutes  les  qualités  de  son 
sexe,  et  surtout  celle  quon  lui  repro- 
che de  négligiu,  l'art  de  se  taire  et 
de  garder  un  secret  ;  elle  éuùt  si  bien 
«om'iue  sur   ce    point,    qu'une  danw 
desprit,  la  présidente  de  Dreuilhel , 
apprenant    la  mort  de    M.    de  Ma- 
riette,  s'écria    :    ■<  Madame  de   Ma- 
riottc    l'avoue- t-elleV  «    Éloge  nou- 
veau ]Mmr  une  dame;  peu  d  hommes 
le  nu!riteul,etlc8  femmes  n'y  aspirent 
guère.  Elle  eut  un  grand  nombre  d'en- 


MAR 

fants,  et  Christophe  de  Mariette  fut 
le  plus  jeune;  il  était  bien  fait  de 
corps  et  relevait  sa  bonne  mine  par 
l'étendue  de  son  esprit.  Il  fut  élevé 
au  colléjje  du  Plessis,  à  Paris,  puis 
avant  pri»  ses  degrés,  il  suivit  le  bar- 
reau, s'attacha  particulièrement  à 
l'étude  des  belles-lettres .  pour  les- 
quelles il  avait  un  penchant  naturel 
et  les  plus  henreuses  dispositions. 
Son  premier  discours  public  eut 
lieu  à  la  présentation,  au  parlement 
de  Toulouse,  des  lettres  de  comman- 
dant de  la  province  du  Lanjjuedoc , 
accoi-dées  au  duc  de  Roquelaure.  Ma- 
Iriotte  parla  pour  requérir  l'enregis- 
trement de  ces  titres  ;  à  peine  avait-il 
atteint  sa  vingtième  année  :  on  ne  re- 
marqua sa  jeunesse  que  parce  qu'elle 
relevait  le  mérite  de  son  discours.  Il 
remporta  successivement  plusieurs 
pris  aux  Jeux-Floraux,  et  obtint  les 
suffrages  des  journalistes  du  temps. 
Enfin  son  discours  au  parlement  de 
Toulouse,  lorsque  le  duc  du  Maine 
fut  nommé  gouverneur  de  la  pro- 
vince, acheva  de  mettre  le  sceau  à  sa 
réputation.  Devenu  premier  prési- 
dent des  trésoriers  de  France,  il  par- 
tagea ses  soins  entre  les  muses  et  les 
travaux  sérieux  du  cabinet.  Ses  ou- 
vrages imprimés  sont  écrits  avec 
une  si  grande  pureté  de  style  et  de 
diction  ,  qu'ils  lui  ont  valu  d'être 
compris  dans  le  tableau  des  auteurs 
fi'ançais  dont  on  a  employé  l'auto- 
rité  pour  la  composition  du  Diction- 
naire juiiversel  de  la  langvie  fran- 
:»ise;  plusieurs  phrases  et  diverses 
ocutions  prises  de  ses  discours  sont 
•apportées  comme  exemples  dans  ce 
iictionnaire.  Mariotte  abandonna  la 
)rovince  pour  le  séjour  de  Paris,  où 
'appelait  la  douce  amitié  qui  le  liait 
inx  premiers  hommes  de  ce  siècle, 
')armi  lesquels  on  cite  Voltaire,  Fon- 
enelle  et  I^motbe.  Ce  fut  là  que  la 


MAn 


191 


mort  le  surprit  ;  déjà  depuis  quelques 
années,  il  avait  perdu  la  vue  et  n'en 
avait  pas  diminué  d'amabilité  et  d'es- 
prit. Il  termina  sa  carrière  le  4  mai 
1748.  Les  discours  de  Mariotte,  son 
oraison  ftmèbre  de  I^ouis  XIV  et  ses 
poésies,  ont  été  réimprimés  plusieurs 
fois. —  L'aîné  de  ses  frères  obtint,  à 
làge  de  six  ans,  la  sumvance  de  la 
charge  de  leur  père,  qu'il  exerça  avec 
autant  de  talent;  le  second,  connu 
sous  le  nom  de  l'abbé  de  Mabiotti:, 
fut  docteur  de  Sorbonne,  conseiller  à 
la  grande<hambre  du  Parlement  de 
Toulouse,  chancelier  de  l'Université, 
inspecteur  de  la  librairie  et  grand- 
vicaire  durant  23  ans.  Il  s'occupa 
aussi  à  faire  fleurir  les  belles-lettres 
et  les  ennoblit  par  ses  vertus  et  sa 
haute  piété.  Le  quatrième  frère,  re- 
ligieux Chartreux,  fut  une  des  lumiè- 
res de  son  ordre.  L — m — k. 

M  ARIl  S-MAXIMl  S,satirique 
romain,  avait  publié  un  livre  intitulé  : 
Semaines  historiques  ,  dans  lequel  il 
parlait  des  Césars  avec  beaucoup  de 
chaleur  et  de  liberté.  Les  honnêtes 
gens,  du  temps  d'Ammien  Marcellin, 
le  lisaient  avec  les  Satires  «le  Juvénal, 
préférablement  à  tous  les  autres  ; 
mais  cet  ouvrage  est  malheureusement 
perdu.  T — d. 

M:\.R1US(JeaxM\teh,  plus  connu 
«•ous  le  nom  latinisé  de),  médecin, 
était  né,  vers  la  fin  du  XVI'  siècle,  à 
Roll,  petite  ville  du  duciié  de  Wirteni- 
berg,  célèbre  par  ses  eaux  minérales. 
Il  fit  ses  études  médicales  sous  la  di- 
rection de  Jean  Scultet,  habile  ana- 
tomiste ,  et  prit  ensuite  ses  grades 
dans  quelque  facnké  d'Allemagne. 
S'ctant  fait  agréger  au  collège  des  mé- 
decins d'Ulm,  il  pratiqua  d'abord  son 
art  dans  cette  ville  avec  beaucoup  de 
succès,  et  s'établit  depuis  à  Augsbourp 
où  il  mourut,  en  1644,  dans  un  Age 
peu  avancé,  laissant  la  réputation  d'un 


1»2 


MAR 


bon  médecin.  Ses  manuscrits  passèrent 
entre  les  mains  de  J.  Mayer,  recteur 
de  l'école  d'Ulm.  Dans  le  nombre  se 
trouvait  un  traité   du  Castor  que  J. 
Frank  (i;.  ce  nom,  XV,  503)  jugea  di- 
<.ne  d'une  attention  particulière,  il  y 
joignit  un  commentaire  très-étendu  , 
et  le  publia  quarante  -  un   ans  après 
la  mort  de  l'auteur ,    sons  ce  titre  : 
Castorologia  explanam   Castoris   ani- 
malis  naturaiu  et  iisum  medico-clini- 
rum,  Augsbourg,  1685,  petit  in-8".  Ce 
volume,  assez  rare,  est  orné  de  deux 
plancbes,  dont  la  première  représente 
le  Castor  et  l'autre  le  Castoreum,  sub- 
stance que  Marins  et  son  éditeui-  re- 
gardent comme  un  remède  universel. 
L'ouvrage  a   été    traduit  en  français 
par  Eidous,  Paris.  iT4(>,  in-12,  %• 
^  \V-s. 

MARKOFF    (le    comte  Arcadi- 
lv.v>ioviTcn) ,    diplomate    russe,  était 
lils    d'un    gentilhomme   de   Moscou 
peu  favorisé  de  la   fortune.  Protégé 
par  les  Zoubow,  il  fut  placé  au  mi- 
nistère des  affaires  étrangères,  où  il 
se  rendit  fort  utile.  Il  sut  gagner  les 
bonnes  grâces  de  l'impératrice  Ca- 
therine  II,    qui    le    combla   de   la- 
veurs,    non   toutefois   de    celles    qui 
étaient  réservées  pour    les  Orloll  et 
les  Potetnkin;  car,  bien  diflvrent  de 
ces  favoris,   Markolf  était   fort    laid 
et  de  petite  taille.  iNonuué    preniiei 
conseiller  au  tléi)arteui(;nt  des  affaires 
éuangères,  il  eut  part  aux  principaux 
événements  (jui  signalèrent  la  hu  tin 
règne  de   Catherine.  Ce  fut  lui  qu», 
de'  comerl    avec    le   piiuce   Platon 
Zoubow,    vo\dut  imposer   an  roi    de 
Suède  des   conditions  imprali<ables, 
lors  du  mariage  i)rojelé  de  cv,  prince 
avec  .la  grande-ducUcsse  Ale\an<lia, 
et  qui  compromit  ainsi  liuqjéralrjt  e, 
ilonl  l'orgueil  irrite  causa  probabl»;- 
ment  la  mort  subite  {voy.  Gcstavk  IV. 
L\Vl,303).MarkoIV  avait  acquis  uu<- 


MAB 

fortune  considérable  et  fait  élever  se> 
frères  aux  premiers  emplois  ;  mais  ii 
l'avènement   de   Paul  I",  il  fut  dis- 
gracié et  même   obligé  de  vendre  le 
magnifique   palais   qu'il   possédait    a 
Saint-Pétersbourg.   I^*    czar   l'acheta 
cent  raille  roubles,  et  en  fit  présent  au 
prince  Alexandre  Ji.ourakin,  qui  ve- 
nait d'être  nommé  vice-chancelier.  l.a 
disgrâce   de  Markofl'  finit  avec  le  rè- 
gne de  ce  prince  et  fut  peut-être  une 
cause  de  la  faveur  qu'il  obtint  auprès 
d'Alexandic  l".   Celui-ci  le  nomma, 
en    1800,    ministie    plénipotentiaire 
en    France  ,    a    la    place    de    Kalit- 
chelf;  mais  le  comte  Markoff,  étant 
tombé  dangereusement  malade,    nt 
put  se  rendre  à  son  poste  que  lannce 
suivante;  ce  fut  en  avril  1801  quil 
présenta    ses    leltrcb   de   créance  au 
premier  consul.  «  Markolf,  disent  K  > 
Afémoires    tires  des  papiers  d'un  hom- 
me d'Étal,  était  dune  laideur  amer.-, 
mais    lin,     spirituel,    clairvoyant    .t 
rompu  aux  alli»ires,  mélange  de  sou- 
plesse et  d'audace,  accoutumé  à  ram- 
per près  de  son  maître  et  à  comman- 
der en   son   nom   aux  ambassadeurs 
même    des    puissances  européennes, 
l'arvenu  de   thancellerie,  sa  caute- 
leuse vanité  allait  avoir  a  lutter  con- 
tre l'impérieux  orgueil  d'un  parvenu 
militaire,  et  à  faite  respecter  son  sou- 
\<'rain  par  «;elui   qui  connneuçait    à 
ne  plus  1  ien  respecter.   "  Le  8  octo- 
bre  1801,   Markofl    signa    un   traité 
reiulu  publii-,  qui    rétablit   les   rela- 
tions entre  la   llussie  et   la   France, 
lelles  qu'elles  avaient    été   avant    U 
guerre.  Ce  traité  insigniliant  fut  sui- 
vi, le    M    octobre,  d'un  autre  teui 
.secret,  où  furent    réglées  les  que»' 
lions   les   plus   importantes  alors  ei; 
litige.  Markoll  signataire  de  les  deUl 
traites  ,     patent   et   secret ,    qui  dé 
sou   début    avait    parfaitement   jug 
l'esfH-il.  le  caractère,   l'ambition  di 


MAR 


itAfl 


193 


premier  consul,  et  qui  avait  dit  de 
lui  :  •  C'est  tout  le  jacobinisme  ren- 
iierme  dans  un  seul  homme,  et  arme 
de  tous  les  instruments  révolotion- 
,  chercha  par  tous  les  nmyen» 
s  à  défendre  les  intérêts  qu'il 
■srai  -   et  à  pénétrer  les  vue* 

•eci  Bonaparte.  I>c  la,  néces- 

siié  de  sourdes  intrigue^»,  et  de  plii- 
sieiu-s  tentatives  de  séduction,  qui. 
«filèrent  vivement  Bonaparte,  et  oc- 
«MÏonnèrent.  de  sa  part,  fie  fréquentes 
koatades  que  Markoff  essuya,  uiêmo 
quelquefois  en  pœscnce  de  tonle  la 
cour  du  consul.  Bonaparte  lavait 
évidemment  pris  en  aversion,  et  il  ne 
manqua  aucune  occasion  de  le  bles- 
ser au  vil.  La  maîtresse  de  l'ambas- 
sadeur russe,  elle-même,  n  ayant  pa* 
voulu  trahir  ses  secreU,  on  menaça 
«le  la  faire  arrêter  comme  «■igprée, 
-«{uoique  les  lois  de  l'émigration 
iosseiit  aboUes.  L  un  de»  secrétaires 
àt  légation  fut  emprisonné  coatre  le 
Était  (In  9BBS  f^^  malgré  ses  réclama- 
■tisiM,-  MarkoflF  n'avait  pas  été  plus 
heureux  dans  les  né;;ociations  qu'il 
avait  entamées,  même  pour  des  objets 
'd'un  intérêt  secondaire.  Cependant 
ayant  demandé ,  au  nom  de  l'empe- 
reur Alesaudre.  des  indemnités  poiii 
les  Bourbons  exilés,  que  la  Russie  ac- 
cueillait et  soutenait  en  ce  moment, 
«ette  communication  n'éprouva  d  a- 
imrd  aucun  refus.  Ou  ne  chicana  ni  sur 
la  chose  elle-même,  ni  sur  la  somme 
à  accorder,  et  l'on  mit  dans  cette  né- 
gociation la  condescendance  la  pins 
empressée.  »  Maintenant,  dit  MarkolV. 
il  faut  s'entendre  sur  les  moyens 
d'exécution  :  il  ne  serait  pas  conve- 
nable que  les  Boui-boiis  reçussent 
rnie  pension  directement  payée  par 
^  premier  consul:  elle  pourrait  pas- 
•ser  par  les  mains  de  lempereur. 
•«{ui  la  leur  i-emettrait  comme  de  sa 
tfmrt.  sans  leur  en  dévoiler  la  sotu'ce. 
txtm. 


—  C  est  a  quoi  nous  ne  pouvons 
consentir,  répondit  le  ministre  con- 
'«ulaire;  il  fant  qu'ils  la  touchent  de 
nous  et  de  nous  seuls.  —  Vous  vou 
lez  donc  les  déshonorer  ?  répliqua  le 
ministre  russe.  —  C'est  cela  même , 
reprit  le  négociatetir  ^  .  et  l'accord 
projeté  fut  rompu.  Mai-koff.  souvent 
humilié,  ne  }>ouvant  pas  plus  faire  res- 
pecter le  caractère  dont  il  était  revêtu 
que  défendre  les  intérêts  du  prince 
qu'il  repri^sentait ,  devait  trouver  sa 
|M)sition  instipportable.  De  son  côté, 
le  premier  consul  voulait  se  défaire 
d'un  sur>-eillant  dont  il  redoutait  la 
perspicacité.  Le  29  juillet  1803  ,  il 
<ienianda  le  rappel  de  MarkofF;  Wo- 
ronsoff  s'y  opposa;  mais  Alexandre 
crut  devoir  céder,  et  témoigna  en 
même  temps  sa  satisfaction  à  son 
ambassadeur,  en  lui  envoyant  ime 
brillante  décoration,  que  celui-ci 
s'empi-essa  d  étaler  aux  Tuileries ,  ré- 
pondant ainsi  aux  compliments  qui 
lui  furent  adressés  sur  cette  faveur  : 
.!  en  ai  obtenu  ime  plus  précieuse 
encore,  c'est  nwn  rappel.  Il  partit 
au  mois  de  novembre,  laissant  à  Pa- 
ns son  premier  secrétaire,  d'Oubril, 
comme  chargé  d'afïaires.  MarkofF  re- 
vint en  France,  après  la  restauration, 
mais  sans  qualité  officielle.  Retourné 
bientôt  en  Russie,  il  y  mourut  dans 
la  retraite,  à  un  âge  très-avancé.  — 
Mmiroff  (le  comte),  frère  du  précé- 
ilent,  suivit  la  carrière  des  armes  et 
dut  un  avancement  rapide  non  moins 
a  son  mérite  qu'à  lafaveur  dont  jouis- 
sait son  aîné.  Il  servit  comme  major- 
général  dans  la  campagne  de  1809;  s\ 
distingua  et  figura  le  premier  dans  la 
promotion  de  lieutenants-généraux  qui 
eut  lieu  an  commencement  de  l'année 
suivante.  H  commanda,  en  1810,  un 
rorps  «l'armée  russe  dans  la  guerre 
contre  les  Turcs.  lors  de  l'invasion 
des  Framais.  en  1812,  il  eut  le  com- 

19 


194 


MAI\ 


mandement  de  la  milice  de  Moscou , 
et  se  distingua  en  plusieurs  occa- 
sions, notamment  le  12  août.  On 
le  croit  mort  depuis  plusieurs  an- 
nées ^'     ° 


MARLINSKY    ,      pseudonyme 
sous    lequel   Alexandre    Bestlcheff  , 
écrivain  russe,  a  publié  ses  ouvrages. 
Il  naquit,  en  1801 ,  à  Saint-Péters- 
bourg ,  où  son  père  remplissait  les 
fonctions  de  professeur  d'histoire   à 
l'académie  militaire,  et  il  reçut  une 
éducation  brillante.  A  l'âge  de  dix-huit 
ans,  il  entra,  comme  sous-officier,  dans 
la  cavalerie  de  la  garde  impériale ,  et 
bientôt  après  il  se  lia  d'amitié  avec  un 
jeune  poète  nommé  Rilejeu,  qui  luuns- 
pira  le  goût  de  la  poésie.  Bestucheff, 
doué  d'une  imagination  vive  etfamdia- 
risé,  depuis  son  enfance,  avec  les  chefs- 
d'œuvre  de  la  Httérature  grecque  et 
romaine,  composa  plusieurs   pièces 
fugitives  en  divers  genres,  qui  obtin- 
rent un  grand  succès  dans  les  salons 
de  la  haute  aristocratie  de  Saint-Pé- 
tersbourg. De  puissants  personnages 
s'intéressèrent  au  jeune  BestucheiF,  et, 
arâce  à  leur  protection,  il  arriva  ra- 
pidement au  grade  de  lieutenant-co- 
lonel. En  1822,  il  publia ,  conjointe- 
ment avec  Rilejeu ,  le  premier  Alma- 
nach  des  Muses  qui  eût  encore  paru 
8n  Russie  ,  et  qui  fut  accueilli  avec 
une  grande  faveur.  Depuis  cette  épo- 
que, ies  recueils  de  ce  genre  s'y  sont 
multipliés  au  point  que  ,  maintenant, 
les  presses  de  Sainl-Pélersbourg  et  de 
Moscou  en  fournissent  à  elles  seules, 
tous  les   ans,   plus   de   cinquante,  et 
(pie   les  écrivains   et   les  poètes  les 
plus  distingués  s'empressent  d'y  ap- 
porter la  fleur  de  leurs  productions. 
Les  deux   amis    continuaient    à    tra- 
vailler ensemble,   et  déjà  ils  avaient 
enrichi  la  littérature  nationale  de  bien 
des  volumes  de  vers  et  di;  prose,  où, 
ttou»  le  voile  d'une   allégorie   ingé- 


MAE 

nieuse  et  de  charmantes  images,  se 
cachaient  des  enseignements  sévères 
et   profonds,    lorsqu'en   1825,    tous 
les  deux   furent  enveloppés  dans  la 
conspiration   de  Pestel    [voy.  Bestu- 
cHEi-F-Ra-MiN,    LVra,  190).    Rilejeu, 
qui  y  avait  pris  une  part  active,  fut 
condamné    à   mort  et  exécuté  ;  mais 
Bestucheff,   auquel  ,    à    la    rigueur, 
on  ne  pouvait  reprocher  que  le  dé- 
lit de  non-révélation,    fut    dégradé 
et  placé  comme  simple  soldat  dans 
un  régiment  en  garnison  à  Derbent 
dans  la  province  de  Daghestan  (gou- 
vernement de  la  Géorgie  Russe),  et  qui 
plus  tard  fut  employé  dans  les  cam- 
pagnes contre   les  Circassiens.  Bestu- 
cheff   se    concilia    promptement    la 
bienveillance  de   ses  chefs,  et  il  en 
obtint  de  longs  et  fréquents  congés, 
pendant     lesquels   il    parcourut    les 
pays  à  demi  sauvages  où  il  se  trou- 
vait transporté,  pour  en  dessiner  les 
sites  et  étudier  les  mœurs  des  habi- 
tants. L'empereur  le  gracia  en  1832; 
et,  de  retour  à  Saint-Pétersbourg, 
Bestucheff  mit  en  œuvre  les  matériaux 
qu'il   avait  recueillis ,  en  composant 
une  série  de  nouvelles  ou  contes,  et 
un  roman  en  deux  volumes  intitulé  : 
Jmaleth-Bey;  dans  lequel  il  dépeint 
avec   la  plus  grande    exactitude  ,   et 
d'une  manière  fort  attrayante,  la  vie 
guerrière  et  domestique  des  Circas- 
siens, et  les  sites  les  i>lus  remarquables 
de  leur  patrie.  Ccst  un  ouvrage  d'un 
mérite  supérieur,  où  l'on  trouve  de» 
épisodes  et   des  description»  qui  ri- 
valisent avec  ce  que  les  œuvres  de 
Waltnr Scott  offrent  déplus  beau.  Bes- 
tucheff est  mort  à  St-Pétersbourg  en 
18:^7.  l 'n  choix  de  ses  Nouvelles  a  été 
traduit  en  allemand  par  M.  de  See- 
bnch,  sous  le    titre   de  Nouvelles  et 
Hsquhses,  Leip7ig.  1836;   mais  m  le 
vrai  nom  de  l'auteur  ni  son  pseudony- 
me (Marlinskv)  n'v  soiu  indi«piéH.  On 


MUE 


MAft 


t» 


.1  aussi  la  traduction  allemande  d  un 
antre  recueil  de  Nouvelles  de  Be»tu- 
cbeff,  par  M.  Henri  Kœniç,  qui  est 
intitulée  Litterarische  Bilder  aus  Riisi- 
land  (  Images  littéraires  de  Russie  ; . 
-Lapzig,  i837,  et  précédée  d'une 
-courte  notice  sur  l'auteur.       M — a. 

5IARMITTA  (Jacques),  né  à 
Parme  au  commencement  du  XVI' 
siècle,  fut  attaché  au  cardinal  Ricci 
en  qualité  de  secrétaire.  Il  était  au 
nombre  des  disciples  de  saint  Phi- 
lippe de  Néri,  et  mourut  entre  ses  bra^ 
en  1561. On  lui  a  attribué,  luais  à  tort, 
le  poèrae  en  7  chants  de  la  Guerre  dr 
Parme.  Il  avait  composé  plusieurs 
pièces  de  vers  qui  furent  recueillies  et 
publiées  à  Parme.  1564,  in-l»,  par 
L.  Marmitta.  son  6ls  adoptil ,  dont 
l'article  suit. —  Marmitta  [Louis),  ha- 
bile graveur  en  médailles  et  en  pierres 
fines,  ne,'  à  Parme,  florissait  dans  If 
milieu  du  XVI*  siècle.  Son  père  Fi-an- 
cois  cultivait  la  peinture  et  la  fyravurr 
en  pierres  fines,  et  il  a  laissé  dans  cr 
dernier  art  des  productions  estimée:?. 
Il  instruisit  lut-m^-me  son  Hls,  qui,  a- 
près  s'être  fait  connaîli-e  par  quelque.^ 
beaux  ouvrages  ,  alla  à  Rome,  où  il 
fut  accueilli  par  le  cardinal  Jean  8aN 
viali.  C'est  pour  ce  prëbt  qu'il  fit 
quatre  cachets  en  cristal  d'un  travail 
extrêmement  précieux.  Les  figures 
qu'il  y  grava  étaient  si  belles,  que  le 
cardinal  cmt  ces  cachets  digne»  d'être 
offerts  à  la  duchesse  de  Toscane , 
Léonore.  Parmi  les  ouvrages  de  Mar- 
mitta,  on  cite  un  très-beau  camée 
représentant  une  tête  de  Socmte.  Mais 
l'amour  du  gain  l'entraîna  à  contre- 
faire les  médailles  antiqiie%^iik)-à cette 
époque,  étaient  très-reAtnMn ;  er 
si  la  perfection  qu'il  apporta  dans  ce 
genre  de  travail  fait  honneur  à  son 
talent,  le  motif  pour  lequel  il  se  li\'ra 
à  une  semblable  fraude  ne  prouve 
point  wi  fiivipur  desa  {>robif.s1l  acquit 


vu  peu  de  temps  un«  tortiute  conbj- 
dérable,  et  renonça  aux  arts.        P — s. 

AIARilONTEL  (I-ouis-Joskm), 
(ils  de  l'académicien,  naquit  à  Paris  le 
liOjanv.  1789.  Ruiné  par  la  rcvolutiou. 
il  traîna  long-temps  une  existence  mi- 
sérable. En  1819,  il  fit  saisir,  che^ 
le  hbraire  Guiltaunte,  l'édition  d'un 
poème  de  son  père  sur  la  musique, 
intitulé  Polyinnie  ,  publié  par  M. 
l'ayolie,  et  que  Mannontrl ,  par  son 
testament,  avait  défendu  d'imprimer. 
J.aflaire  ayant  été  portée  devant  ie> 
iribunaux,  .Marniontel  itis  perdit  son 
procès.  Deux  ans  après,  transgressant 
<ioublenicnt  les  volontés  de  son  père . 
il  publia  à  la  fois  le  poème  de  Po- 
lymnie  et  celui  de  la  yeuvaine  de 
Cythère ,  qui  est  encore  plus  licen- 
cieux que  la  Pucelle  de  Voltaire. 
L-jihn ,  se  Ux>uvaiit  sans  ressources, 
il  senibarqua  dans  une  de  ces  exr 
péditions  que  la  philanthropie  en- 
voyait à  Guazacoalco.  Gbassé  bien- 
tôt du  Mexique  par  la  mauvaise  for- 
tune, il  avait  parcouru  une  partie  det> 
V  illes  des  Etats-rnis,  lorsque  la  misère 
et  le  dénùment  le  conduisirent  dan?» 
lin  hôpital  à  New-York,  oii  il  suc- 
comba le  16  Aéc.  1830.  On  trouva 
dans  sou  portefeuille  quelques  pièces 
de  vers  qui  prouvaient  d'heureuses 
dispositions;  mais  qui  sont  restées^ 
inédites  M — o  j. 

MAHMOKAi^A.NORK),  antiquaire, 
était  né  vers  le  milieu  du  XVII' siècle, 
a  Corfou ,  d'une  famille  patiicienne. 
.\vant  profité  de  ses  loisirs  pour  re- 
cueillir les  anciens  monuments  de  sa 
patrie,  il  «j  composa  Ihistoire  qu'il 
publia  sous  ce  titre  :  Uistoria  di  Corfù 
libri  ntto,  Venise,  1672,  in-i".  Le.s 
lieux  premiers  livres  contiennent  ses 
lecherches  sur  les  premiers  habitants 
de  Corfou,  et  sur  les  événements  dont 
cette  île  a  été  le  théâtre  jusqu'à  l'épo- 
qiv>  de  la  doraioation  romaine.  Le 
là. 


196  MAR 

troisième  finit  à  l'avéneraent  de  l'em- 
pereur Constantin.  Les  suivants  sont 
remplis  par  le  récit  de  divers  change- 
ment opères  dans  l'administration  de 
cette  île,  sons  ses  différents  maîtres  et 
depuis  que  les  Vénitiens  s'en  furent 
emparés.  Quoique  le  savant  ouvrage 
du  cardinal  Querini  sur  les  Origines  de 
Corcyre,  (voy.  QyEMVi,  XXXVI,  391), 
rende  à  peu  près  inutile  celui  de 
Marmora,  les  curieux  ne  laissent  pas 
Ûe  îe  rechercher;  et  il  mérite  en  effet 
de  tenir  place  dans  les  bibliothèques, 
à  raison  des  détails  qu'il  renferme  et 
qu'on  ne  trouve  pas  ailleurs,  il  est 
accompagné  de  5  planches  représen- 
tant environ  soixante  médailles  frap- 
pées à  Corcyre.  L'explication  qu'en  a 
donnée  Marmora  n'est  pas  toujouis 
heureuse  ;  mais,  suivant  Banduri 
{Bibl.  7iummaria),  ses  erreurs  mêmes 
n'ont  pas  laissé  d'être  utiles  aux  sa- 
vants. W— -s. 

MARNAS     (  Maurice  -  Gabruîl  - 
Ange   Chabaî»acy  de),    ancien  admi- 
nistrateur des  hospices  et  juge-sup- 
pléant   du  tribunal   civil  de   Lyon, 
naquit  dans  cette  ville ,  en    1780,  et 
y  mourut  le  15  février  1837,   après 
s'être  fait  un  nom  dans  le  barreau.  U 
a  laissé  un    Traité  des  contributions 
indirectes  et  des  octrois,  etc.,  précédé 
d'une  notice  sur  les  impôts  indirects 
qui  existaient  avant  1789,  Lyon,  1829, 
in-8".    Ce   volume    devait   être  suivi 
d'un  second  qui  n'a  point  paru.  Mar- 
nas avait  publié,  en  1816,  conjuinte- 
ment  avec  Passct,  un  Exposé  pour  U 
lieutenant-général  baron  Mouton-lhi- 
verm%  qui  fut  fusillé  à  Lyon  le  19 
juillet  de  cette    année,   malgré  leur 
courageuse  délense.  ''- 

MAIIOCIIETTI  (V.nckm),  ne 
à  r.ielle  «ti  Piémont,  vers  1768,  entra 
<lc;  bonne  heure  dans  un  couvent  de 
religieux  de  Saint-Paul.  Apres  avoir 
fait  profession  et  rern  les  ordres,  il 


MAB 

parcourut  les  villes  voisines    où    il 
s'acquit  quelque    réputation  comme 
prédicateur.    Cependant    les    armées 
de  la  république  avaient   envahi  le 
Piémont  ;  les  idées  nouvelles  étaient 
dans  toute  leur  effervescence;  Maro- 
chetti  se  laissa  entraîner  par  le  cou- 
rant, jeta  son  froc  et  se  prépara  à 
prendre  une  part  active  aux  événe- 
ments. Après  la  bataille  de  Marengo, 
il  fut  choisi  pour  remplir  les  fonctions 
de  secrétaire-général  de  la  commis- 
sio)\     du    gouvernement    provisoire 
composée  de  trois  membres,  Botta, 
Giulio  et  Bossi,    dont  le  prénom  de 
chacun  était  Charles,  ce   qui    faisait 
dire    au    peuple   :    «  Nous    n'avions 
«  quun  Charles  (  c'était  le  nom  du 
.,  mi    de    Sardaigne  )  ,    maintenant 
«  nous  en  avons   trois.  »    En  d  au- 
tres termes  :   «  Nous  avons  trois  rois 
«  au  lieu    d'un.  »   Marochetti    avait 
fondé  à  Turin   un   journal    intitulé  : 
Gazette  subalpine;  mais  s' étant  permis 
de  grossières  invectives  contre  quel- 
ques  religieux  de  Saint-Francois-de- 
Paule,  son  journal  dut  cesser  de  pa- 
raître. Nommé ,  en  1801,   professeur 
d'élocpience  italienne  à  l  Université,  il 
occupa  cette  chaire  avec  distinction 
jusqu'en  1803  ,  époque  à  laquelle  il 
fut  envoyé  comme  sous-piéfet  à  Cbi- 
vaz.  Ce  fut  là  qu'il  épousa  livilemeiil 
une  demoiselle  Isola.  Il  vint  quelque 
temps  après  à  Paris,  et,  quoiqu'il  n'eut 
pas  fait  un  cours  régulier  tic  droit,  il 
fut  nonnné  avocat  à  la  Cour  de  cassa- 
tion et  auConseil-d'Ktat.  Eu  1814,  son 
épouse  eut  des  scrupules  sur  la  vah- 
<lité  d'un  mariage  qui  ne  pouvait  être 
reconnu  par  l  église  ;  elle  abandonna 
son  mari  pour  se  retirer  à  Rome,  où 
elle  passa  a  de  secondes  noces.  Ma- 
rochetti   mourut  en    1820,    laissant 
deux  his  ,   «lont  l'un   est  le   célèbre 
sculpteur   à    qui    lou  doit    la  statue 
équestre    d'Emmanuel -Philibert,    ei 


qui  est  chargé  de  l'exécution  du  tom- 
beau de  Napoléon.  A — y. 

MAROLI  (Dominique)  ,  peintre 
«irilien,  né  à  Messine  en  1612,  fut 
élève  de  Barbalunga,  l'un  des  peintres 
les  plus  habiles  que  la  Sicile  ait  pro- 
duits. Pendant  un  voyage  qu'il  fit  à 
Venise,  les  productions  des  artistes 
de  cette  école,  et  spécialement  de  Paul 
Veronèse,  le  frappèrent  vivement,  et 
il  résolut  d'abandonner  la  manière 
de  son  premier  maître,  pour  s'ap- 
propiTcr  celle  de  ce  grand  colo- 
riste. Il  revint  en  Sicile,  et  y  rapporta 
cette  couleur  si  vive  et  si  vraie,  ces 
beaux  airs  de  tête  que  l'on  admire 
dans  les  Vénitiens  ;  mais  il  abusa 
de  son  talent  pour  l'imitation,  et  le 
porta  jusqu'à  un  excès  inconnu  à  Li- 
béri  lui-même  (l'oy.  ce  nom,  XXIV, 
438).  Il  adopta  aussi  dans  s;»  manière 
un  autre  défaut  qui  a  nui  excessive- 
ment à  sa  réputation.  )1  peignait  sur 
des  toiles  imprimées,  et  les  couNTait 
à  peine;  aussi  ses  tableaux,  brillants 
au  moment  où  ils  sortaient  de  ses 
mains,  jaunissaient  en  peu  de  temps, 
devenaient  obscurs  et  pour  ainsi  dire 
nébuleux;  ce  qui  est  cause  qu'après 
avoir  été  avidement  recherchés  dans 
lem*  nouveauté ,  ils  perdirent  par  la 
suite  presque  tout  leur  prix.  Cepen- 
dant Messine  possède  quelques-uns  de 
ses  ouvrages  où  il  a  su  éviter  ces 
défauts.  C'est  le  Martyre  de  saint 
Placide,  aux  sœurs  de  Saint-Paul  ;  et 
la  Nativité  de  Jésus-Christ,  à  l'éghse 
de  la  Grotte.  Il  avait  un  talent  remar- 
quable pour  peindre  les  .'Inimaux  et 
les  scènes  champêtres.  Boschini,  dans 
son  poème  vénitien  ,  intitulé  la 
Carta  del  Navigar,  ne  fait  pas  diffi- 
culté de  l'égaler  aux  Bassan ,  et  il  a 
inséré  dans  cet  ouvrage  une  planche 
tirée  d'un  dessin  de  Maroli  représen- 
tant un  Berger  entouré  de  vaches,  et 
ityant  un  chien  à  ses  côtés.  Ces  figures 


MAB 


197 


sont  faites  de  verve  et  d'un  beau 
mouvement;  cest  un  des  meilleurs 
dessins  qui  se  trouvent  recueillis  dans 
cet  ouvrage.  Maroli,  ayant  pris  part 
aux  troubles  qui  éclatèrent  à  Messine 
en  1676,  en  fut  victime,  et  périt  dans 
une  émeute.  P — s. 

M.\RPERGER  (P*cl-Jacque»), 
jurisconsulte,  naquit  à  Hambourg, 
en  1686.  Après  avoir  fait  ses  études 
à  Copenhague,  Altorf,  Halle,  Kiel  et 
l.evde,  il  séjourna  quelque  temps  aux 
universités  anglaises  d'Oxford  et  Cam- 
bridge, fut  reçu  membre  de  la  So- 
ciété royale  de  Londress  et  se  rendit 
ensuite  a  Utrecht,  où  il  soutint  une 
thèse  De  revocatione  et  amissione  pri- 
vilegiorum,  1716,  in-i".  S'étant  établi 
la  même  année  à  JNurerobei^ ,  it  fut 
envové  à  Wetzlar,  en  qualité  de  dé- 
puté de  cette  ville  impériale,  où  il 
obtint  le  titre  d'a*sesseur  au  tribu- 
nal inférieur.  En  1728.  il  entra  dans 
le  collège  des  conseillers  de  Xurem- 
Ijerg,  et  fut  nommé  envové  de  cette 
ville  à  l'assemblée  du  cei-cle  de  Fran- 
conie,  poste  qu  il  conserva  jusqu'à  la 
fin  de  sa  vie.  L  empereur  d'Allemagne 
Ht  présent  a  Marperger.  en  1748,  lors 
de  sa  nomination  a  la  charge  d'asses- 
seur au  tribunal  d'appel  et  de  banque, 
d  une  chaîne  d'or,  avec  une  médaille  à 
son  effigie,  et  confirma  le  diplôme  de 
noblesse  accordé  par  ses  prédéces- 
seurs à  la  famille  de  ce  jurisconsulte. 
Un  auUe  diplôme  lui  décerna,  en 
17o0,  la  dignité  de  conseiller  impé- 
rial. Marperger  ne  publia  plus  que 
deux  consultations  juridiques  d'un 
intérêt  local,  et  mourut  en  1767.  Il 
avait  fait  présent  à  l'Université  d' Al- 
torf d'une  somme  de  1.000  florins, 
pour  acheter  des  livres  qui,  suivant 
la  volonté  expresse  du  noble  dona- 
teur, porteraient  l'empreinte  de  ses 
armoiries.  On  avait  fait  frapper  eu 
1748,  en  son  honneur,  une  médaille, 


m  MAP. 

siir  laquelk-  il  existe  une  di&sertatiou 
latine  de  Guillaume  de  Bercer,  1755, 
in-4°.  13— -«. 

MARQUAIS      (.IKAN-TUÉODORK  ;, 

né  vers  1760,    exerça    la  médecine 
avec  distinction.  Après  avoir  été  chi- 
rurgien principal  de  la  Charité,  il  fut, 
par  ordonnance  du  9  novembre  1813. 
nomme   raetubre   de   la    commission 
chargée  d'examiner  l'état  de  l'ensei- 
gnement  dans    les   écoles  de   méde- 
cine  et    de    chirurgie.     Le   docteur 
Marquais    voulait     que    l'on   séparât 
l'étude  de  ces  deux  sciences,  o[)inion 
qu'il  a  sonteiuie  dans  plusieurs  écrits. 
Il  mourut,  à  Paris,  le  13  avril  1818. 
On  a  de  lui  :  l.   Réponse  au  ménwir<- 
de  M.  Maqetidie^  sur  le  vomissement, 
Paris,   1813,   in-8''.    11.    liappoit   sur 
rétat  actuel  de  la  médecine  en  France, 
et  iur  la  nécessité  d'une  réforme  dam 
l'étude  de  l'exercice  de  celte  science, 
Paris,   1814,  in-8°.  IH.   Obsermlions 
sur  un  écrit  de  M.  Levcillé,  ayant  pour 
titre  :  »  Mémoire  sur  l'état  actuel  de 
a  l'enseiynemcnt  de  la  médecine  et  de 
■>  la  chirurtfie  »,  Paris,   1816,    in-S". 

IV.  Rapport  de  la  commission  nommée 
par  l'ordonnance    du    n)i,    du   î)   no- 

■  *'em6re  1813,  etc.,  Paris,  1816,  iu4". 

V,  Réflexions  sommainis  sur  un  écrit 
oyant  pour  litre  :  ^  Des  études  du 
«  médecin,  de  leurs  connexions,  et  de 
t.  leur  méthodologie,  par  M.  Pru- 
..  netle  «,  Paris,  1816,  in-i".  VI. 
Réponse  au  discours  de  M.  le  profes- 
seur Huilé,  prononcé  dans  lu  séance 
publique  de  la  Faculté  de  médecine 
de  Paris,  le  4  novembre  1813,  et  aux 
mémoires  publiés  par  cette  Faculté, 
sur  l'importance  de  conserver  la  réu- 
nion de  toutes  les  parties  de  l'art  de 
tfuérir,  1816,  in-S".  VII.  Adresse  au 
Rài  et  aux  deujc  t'^hamhres,  sur  la  né- 
ressité  de  réorganiser  les  écoles  de 
médecine  et  de  chimrqie  en  France, 
Paris,  1818,  in-4».  r^ 


MAB 

MARQUER  (Lovus),   lié  a  Vai- 
nes, le  19  octobre  1653,  entra  dan-s 
la  Société  de  Jésus,  a  Paris,    le  26 
septembre  1670.  Sa  faible  complcxion 
ne  lui  permettant  p.ns  de  supporter 
un  long  traviiil,  il  passa  une  parti»; 
des  premières  années  de  sa  jeunesse 
a  La  Flèche,  où  il  s'appliqua,  autant 
qu'il  le  put,    à  l'étude  de  la  théologie 
et  de  la  littérature.  Sa  santé  s'étani 
ensuite  améUorée,  il  enseigna  les  ma- 
thématiques à  JNantes,    et  la  philoso- 
phie,   successivement   à    Eu,    à    Or- 
léans et  à  Rouen.   Il  fut  chargé  plu- 
tard   de  la    chaire    de    philosophie 
bcolaslique,    dans    les   collèges   d'A- 
miens, de   \  annes,  de  La  Flèche  e( 
enfin  de  Paris.  En  1720,   il  retourna 
a  la  Flèche,  où  il    mourut  d'hydro- 
pisie,  le  8  avril    1725,    après  avoir 
travaillé    pendant   quatorze   ans   aux 
Mémoires   de   Trévoux.   On    lui   doit, 
indépendamment  de  sa  coUoboration 
à  ce  recueil,  l'arrangement  et  la  pu- 
blication des  ÀS'ouveaux  mémoires  des 
missions    de    la   Compagnie    de   Jésui 
dans  le  Levant,  Paris,  1717  et  années 
suivantes,  7  vol.  in-12.  Le  Diction- 
naire de  Moréri  (t.  VIL  p.  274,  édii. 
de  1759),  lui   attribue  encore   Tou- 
vrage  suivant,  resté  manuscrit  :  Jr- 
menia  uetus  et  recens  ;    Informatio  de 
errotibus  Armenorum  ;   Disscrtatio   de 
Etitychianorum,     3/onophy'Slurum    «< 
Afonothetitorum  lueresi.      P.  L — i. 

MARQUEZ  (Jeak),  religieux  au- 
gustin,   naquit  à   Madrid  en    1564. 
.\près    avoir  professé    avec  éclat   la 
théologie  à  l'I'niversité   de  Salanian- 
que,  il   fut  élevé  au.\  premières  «li- 
gnilés  de  son  ordre,  et  mourut  le  17 
février  1621.   On  a    de    lui  =   L  J' 
deux  situations  de  la  Jérusalem  spi,. 
tuelle ,    sur    les    Psaumes    CXXV    ci 
CXXXVl,   Médina  del  Campo,  1603. 
in-4";  Salamanque,  1610,  aussi  in-V 
Cet  ouvrage  forme  deu.x  parties  daiio 


les  éditions  postérieures.  II.  Le  Gou- 
verneur chrétien,  tiré  des  Fies  de 
Moïse  et  de  Josué,  princes  du  peuple 
de  Dieu,  Salamanque,  1612  et  1619, 
in-fol.;  Aicala  de  Hdnarès,  1634; 
Madrid,  1640;  Bruxelles,  1664.  C'est 
le  meiUeui-  ouvrage  du  P.  Marquez. 
Il  a  été  traduit  en  français,  2»»anc>-. 
1621;  et  en  italien,  tapies,  1646. 
m.  Origine  de  l'ordre  de  Saint'Au- 
y  us  tin,  Salamanque,  1618,  in-fol., 
traduit  en  italien,  Turin,  1621.  IV. 
k'ie  du  P.  François  de  Orozco,  pu- 
bliée par  François -Thomas  de  Uei- 
rera,  long-temps  après  la  mort  de 
l'auteur.  Z. 

UA.RQUEZ  (Etienne),  peintic, 
ué  eu  Estraraadure  vers  le  milieu  du 
XVll'  siècle,  alla  fort  jeune  à  Séville, 
où  son  oncle,  habile  peinue  de  por- 
traits, lui  enseigna  les  principes  de 
son  art.  Cet  oncle  étant  mort  quelque 
temps  après,  ilarquez,  dont  les  pro- 
grès, jusqu'à  ce  jour,  avaient  été  peu 
remarquables,  se  vit  forcé,  pour 
vivre,  d'entrer  comme  ouvrier  dans 
une  de  ces  manufactures  de  pein- 
tures établies  en  E^spague  pour  faire 
le  commerce  des  tableaux  avec  les 
Amériques.  Marquez,  dénué  de  facilité 
dans  l'exécution,  surtout  d'activité. 
devint  l'objet  des  plaisanteries  de  ses 
compagnons,  se  vit  réduit  a  quitter 
cet  atelier  et  à  retomner  dans  son 
pays.  La  misère  l'y  poursuivit;  il 
revint  de  nouveau  à  Séville,  et  excité 
par  les  sarcasmes  auxquels  il  fut 
en  butte,  il  mit  une  telle  appUca- 
tion  dans  ses  nouvelles  études,  qu'il 
surpassa  bientôt  tous  ceux  qui  jus- 
qu'alors s'étaient  permis  de  le  rail- 
ler. Il  acquit  un  dessin  correct,  une 
bonne  couleur,  et  parvint  même  à 
s'approprier  une  partie  des  qualités 
de  MuriUo,  comme  le  démontrent 
huit  tableaux,  et  surtout  une  Ascen- 
sion d'un  grand  mérite,  qu'il  ât  pour 


199 

les  Trinitaireâ  de  Séville.  Le  succès 
qu  obtinrent  ces  ouvrages  lui  en  pro- 
cura beaucoup  d'autres  pour  les  égli- 
ses de  Séville.  Il  mourut  dans  eette 
ville  en  1720.  P— s. 

M^VRQUEZI  du  Far,  ardent  ré- 
volutionnaire ,  prit  une  grande  part 
dans  son  pays  aux  excès  de  1793.  Il 
était  commissaire  prés  l'administra- 
tion municipale  de  Toulon,  en  1798, 
lorsqu'il  fut  nommé ,  par  le  départe- 
ment du  Var ,  député  au  Conseil  des 
Cinq-Cents,  où  il  se  rangea,  dès  le 
commencement,  du  parti  le  plus  exal- 
té, il  concourut  en  même  temps  avec 
Antonelle  et  Vatar,  à  la  rédaction  du 
Joumaldes  hommes  libres  qu'on  appe- 
lait le  Journal  des  Tigres,  dans  lequel  il 
dénonçait  chaque  jour,  sons  le  nom  de 
royalistexet  d'émigrés,  tous  ses  ennemis 
personnels.  C'est  ainsi  qu'il  fit  arrê- 
ter  Branzon    (1)    et  le   malheureux 

11)  Branzon  était  employé  dans  l'adminis- 
tration de  la  marine  à  Toulon  quand  celtt 
ville  tomba  au  ptiuvoir  des  Anglais  en  119$. 
Envoyé  en  Italie  peu  de  temps  auparavant 
avec  de  fortes  sommes  pour  des  apprOTi- 
sionnements  de  blé ,  il  s'abstint  de  faire 
des  envois  à  Toulon  ,  lorsqu'il  sut  que  les 
Anglais  en  étaient  les  maîtres ,  et  se  dispensa 
lui-même  d'y  revenir,  ce  qui  le  fit  porter  sur 
la  liste  lies  émigrés,  Ajant  paru  à  Paris  en 
ilSl,  il  y  fut  arrêté  sur  la  dénonciation  de  Mar- 
quez!, et  jugé  en  même  temps  comme  émigré 
et  comme  accusé  d'avoir  dérobé  des  sommes 
considérables  à  la  république.  C'était  alors  de 
bien  graves  accusations,  et  Branzon  ne  pou- 
vait s'en  tirer  que  par  de  grands  sacriflces. 

•  Vous  êtes  accusé  d'avoir  pris  deux  millions 
1  à  la  république ,  lui  dit  un  de  ses  compa- 

•  gnons  de  captivité;  si  cela  n'est  pas  vTai , 

•  vous  êtes  un  homme  perdu.  »  11  parait  bien 
qu'il  y  avait  dans  l'accusation  quelque  chose 
de  vrai ,  car  Branzon  s'en  tira  sain  et  sauf;  et 
il  fut  acquitté  successivement  par  le  conseil  de 
guerre  et  par  le  tribunal  criminel.  Mais  plus 
tard  ce  malheureux,  devenu  fernuCT  d'un 
octroi  municipal  de  Rouen,  fut  traduit  en 
justice  poiu-  des  erreurs  de  quelques  pièces 
de  5  francs.  Comme  alors  il  ne  lui  restait  plus 
graiid'chose,  et  qun  peut-être  l'accusation  n'é- 
tait pas  aussi  fondée  que  celle  de  Toulon,  il  fut 
condamné  et  envoyé  aux  galères,  oti  il  mourut 
vers  1820,  Ainsi  va  la  Justice  des  hommes. 


âO» 


MAE 


MAK 


Alexis,  qui  liit  condamné  à  luoil  par 
une  comuiissio!)  militaire,  dont  le 
capitaine  Hugo  (t'o>-.  ce  nom,  LXVII, 
4:29)  était  rapportenr.  Place  à  la 
tête  de  l'opposition  contre  le  Direc- 
toire, Marquezi  déplut  surtout  à  Bar- 
ras par  ses  manières  violentes  et  p/ros- 
sières ,  et  parce  que,  <la»ia  une  visii«; 
a  ce  directeur,  il  s'était  permis  que(- 
cpies  observations  sur  ses  mœurs  et  sa 
vie  privée.  Harras,  pour  se  venger, 
le  fit  dénoncer  comme  parent  d'énii- 
•;pé,  et  envoya  chercher  à  Toulon ,  à 
grands  frais,  des  pièces  à  l'appui  de 
la  dénonciation  qui  tendaij  à  faire  e\- 
pulseï"  Marqué/i  du  Corps  léjpslatit. 
iVIais  celui-ci  établit  qu'il  avait  étf- 
constamment  fonctionnaire  public, 
et  qu'il  ne  pouvait  conséquemnu'ui 
être  atteint  par  la  loi  du  3  brumaiie; 
après  une  discussion  orajjcuse,  le  parti 
directorial  eut  le  dessous,  et  Marquezi 
fut  maintenu.  En  1799,  il  insista  plu- 
sieurs lois,  mais  en  vain,  poiu-  lafoj- 
niation  d'une  coiinnission  char^jée  de 
dresser  rac:te  d'accusation  de  lex-nn- 
nistre  Scbérer ,  qui  était  le  parent  et 
le  protège  du  directeur  Rewbell,  et  il 
demanda  que  cette  commission  liit 
encore  chargée  de  poursuivre»  As 
f  traîtres  et  les  dilapidateurs.  Dans  le 
courant  d'août,  il  annonça  une  pro- 
chaine explosion  royaliste;  et  le  26  il 
fit  chargei'  une  commission  de  pré- 
senter un  travail  sur  les  émigrés  sai- 
sis dans  les  pays  occupés  par  les  Fran- 
çais, Le  iï  septembre,  il  parla  avec 
chaleur  pour  la  déclaiation  des  dan- 
gers de  la  patrie ,  et  s  Opposa  ensuite 
de  toutes  ses  facultés  au  trionq>Iic  de 
Bonaparte  dans  la  journée  du  IS  bru- 
maire. Exclu  alors  An  Corps  législa- 
tif, il  fut  condamné  à  cire  déporté; 
mais  on  sait  que  cet  arrêt  ne  fut  pas 
fxécu'é.  tiomme  Marquezi  continua 
de  rester  très-attacbc  au  parti  des 
déroaçof»nes  ef  qu'il  prit  pari  à  tou- 


tes leurs  intrigues  ,  il  fut  aussi  mêlé 
dans  toutes  les  persécutions  qu'ils 
essuyèrent.  C'est  ainsi  qu'en  dé- 
cembre 1800  le  consul  le  Ht  com- 
prendre dans  la  liste  de  déporta- 
tion d'un  grand  nombre  de  révolu- 
tionnaires accusés  de  l'attentat  contre 
sa  personne  par  la  machine  infernale. 
Maïquézi  réussit  à  .se  soustraire  par 
la  fuite  à  cette  pro.'îi'ription  ,  et 
depuis  il  resta  ignoré  dans  .son  dé- 
partement ,  même  à  l'époque  de  la 
restauration  ,  où  tant  de  passions 
assoupies  se  réveillèrent,  Il  vivait  fort 
])aisible  à  Toulon,  lorsqu'il  v mourut 
le  3  avril  1836.  >!— '>,i- 

MARQUIS  (JiaN-JosEPn),  né  le 
1 4  août  1747,,  à  St-Mihiel,  y  exerçait  la 
profession  d'avocat  lorsqu'il  fut  nom- 
tné  député  du  tiers-état  du  bailliag»' 
de  Bar-le-Duc  aux  États- Généraux. 
Il  se  lit  peu  remarquer  dans  cette  as* 
semblée  où  il  vota  avec  la  majorité  , 
c'est-à-dire  en  faveur  des  innovations, 
en  se  montrant  toutefois  sage  et  mo- 
»léré.  Après  la  .session,  il  devint  grand- 
juge  a  la  Haute-Cour  nationale  d'Or- 
léans, et  fut  nommé,  en  septembre 
1792,  député  du  département  de  la 
Meuse  à  la  tlonvention  nationale,  où. 
lors  du  procès  de  Louis  XVI  ,  sur  la 
peine  à  iniliger,  il  dit  :  >•  Comme  ju- 
"  ge  ,  je  n  hésiterais  pas  à  prononcer  la 
X  peine  de  mort ,  puisque  cette  peine 
"  barbare  souille  <'ncore  notre  code  , 
"  mais,  connue  législateur,  mon  avis 
"  est  que  Louis  soit  détenji  provisoire- 
n  ment  connue  otage,  pour  répondre 
»  à  la  nation  des  mouvements  inté- 
rieurs qui  pourraient  s'élever  poiu' 
"  le  rétablis.semenl  de  la  rovauté ,  et 
"  des  nouvelles  hostilités  et  invasions 
-  des  puissances  étrangères.  "  Mar- 
(pus  fut  aussi  d'avis  de  l'appel  au  peu- 
ple, et  il  vota  pour  le  sursis.  Devenu 
membre  du  conseil  des  Cinq-(>;nts. 
il  donna  nn  démission  en  février  1797. 


fut  nomme  en  1799  commissaire  à 
Mavence,  pour  organiser  les  quaUe 
nouveanx  départements  de  la  rive 
franche  du  Rhin  ,  et  v  remplaça  Rud- 
ler,  îl  fut  à  son  tonr  remplacé  par 
LakamI  ;  puis  nomme  préfet  de  la 
Meorthe  en  1800  jusqu'en  J811 .  m 
décoré  de  la  croix  de  la  Léyion- 
d'Honneor.  Vers  fa  fin  de  1807 ,  le 
département  de  la  Meuse  l'avait  élu 
randidat  a»i  Sénat  .  mais  il  n'y  fut 
point  appelé.  Marquis  se  fit  chérir  de 
ses  administrés  par  fa  modération  : 
et  leurs  regrets  accompajynèrent  sa 
iTtraite.  raotivée  sur  ce  qu'il  était  de- 
venu presque  aveugle.  Il  eut  jxrar 
successeur  Rionfte,  et  l'exjjression  des 
forets  que  laissait  après  lui  le  préfet 
démissionnaire  fut  consignée  dans  uii 
écriteau.  placardé  à  la  porte  de  l'hôtel 
de  la  préfectui-e.  où  on  lisait  que  le 
baron  Riouflfe  pourrait  bien  devenir 
comte,  mais  qu'il  ne  serait  jamais  Mar- 
qnii.  îJommé  ensuite  député  au  Corps 
législatif,  Marquis  siégea  jusqu'au  20 
mars  1815.  Il  se  retira  à  Saint-Mi- 
hiel,  sa  patrie,  et  v  mourut  en  182.3. 
On  a  de  lui  :  Observation!:  de  la  fille 
de Saint-Mihiel,  sur  l'échange  du  com- 
té de  Sancerre,  sans  nom  d'auteur. 
P»ri8,  1787,  in-S".  M — «  j. 

MARQUIS     (Al.EXA>DRE  -  Louis  )  . 

médecin  et  littérateur,  né  à  Dreux, 
en  1777  ,  se  consacra  dès  sa  jeu- 
nesse à  l'étude  des  sciences  natu- 
relles ,  et  se  fit  recevoir  doctem-  en 
médecine.  En  1811,  il  fut  nommé  pi-o- 
fesseur  de  botanique  au  ,Iardin  des 
plantes  de  Rouen,  et  peu  après  secré- 
taire perpétuel  de  l'Académie  Royale 
de  la  même  ville.  Il  ne  cessa  d'ensei- 
gdrr  avec  la  plus  grande  distinction 
jusqu'à  sa  mort,  arrivée  le  17  sep- 
tembre 1828.  On  a  de  lui  :  I.  Essai 
sur  l'histoire  natnrelli'  et  médicale  de^ 
gentianes,  Paris,  1810,  in-i".  H.  Re- 
efifrch€.f    historique^    sur    If    chêne  . 


MATv 


m 


Rouen  ,  1812,  in-8«.  m.  Plan  raisoti- 
né  (Tun  cours  de  botanique  spcciale  et 
médicale,  ou  De  la  meilleure  manièi-e 
ff étudier  et  d'enseigner  cette  science , 
Rouen,  1813,  iu-S".  IV.  Podalire,  ou  le 
premier  âge  de  la  médecine  ,  Paris  . 
1813,  iu-12.  y.néflcxions  sur  le  AV- 
penthès  d'Homère,  Rouen,  1815,  in-8". 
VI.  Les  solanées ,  ou  les  plantes  l'éné- 
iievses,  idylle,  Rouen,  1817,  in-8". 
VU.  Éloge  de  Linné,  ibid.  VIII.  Fs- 
ijui^sedu  règne  végétal,  ou  Tableau  te- 
nirtéristique  des  faviilles  des  plantes. 
etc.,  Rouen  et  Paris,  1820,  in-S".  C>t 
ouTrage  a  servi  de  g^ide  à  M.  Mérat 
pour  la  seconde  édition  de  sa  Flore 
de  Pari<.  IX.  Fragments  de  philosophie 
botanique,  OU  De  la  manière  la  plus 
convenable  de  voir  et  de  travailler  en 
histoire  naturelle  et  purticulièrcment 
en  botanique,  Rouen  et  Paris.  1821, 
10-8".  t'et  ouvrage  est  un  des  plus  le- 
marquables  qni  aient  été  faits  sur  cette 
matière.  X.  Réflexions  sur  le  mot 
d'Horace,  ^Ut  picturn  poesis,  «  ou  De 
r application  à  la  poésie  des  principes 
de  la  peintu)-e,^ouen.  1822,  in-8"\  XI. 
.\olire  sur  le  chêne  -  chapelle  d'Al- 
louville,  dans  le  pays  de  ("Viit-v,  Rouen, 
1822  et  1827,  in-8''.  Xn.  Notice  né- 
crologique sur  A.-E.-M.  Havet,  natu- 
raliste, voyageur  du  gouvernement  fran- 
çais, Rouen,  1823,  in-8*'.  Xlf!.  Du  ca- 
ractère distinctif  de  la  poésie,  Rouen. 
1827,  in-8".  XIV.  Considérations  sut 
l'art  d'écrire,  Rouen.  1827,  in-S".  XV. 
De  la  délicatesse  dans  les  arts,  ibid. 
Marquis  est  auteur  de  la  Physiolo- 
gie végétale,  insérée  dans  le  Xouveau 
f'oYage  dans  Fempire  de  Flore.  Il  a 
donné  un  grand  nombre  d'aiticles  an 
Dictionnaire  des  sciences  médicales 
et  à  plusieurs  recueils  périodiques. 
Une  notice  sur  A.-L.  Marquis ,  lue  à 
la  .Société  d'Émulation  de  Rouen,  fut 
imprimée  dan-*  cette  ville  en  1829 , 
in-80  Z. 


^  MAR 

MAURAGON  (.ïE.^s-BAPïisrE), 
députe  du  département  de  l'Aude  à 
la  Convention  nadonale,  naquit  à  Luc, 
le  10  juillet  1741.  Il  vota  la  mort  de 
Louis  XVI,  et  après  avoir  opiné  pour 
l'appel  au   peuple,  il  repoussa  tout 
sursis  à  l'exécution  ,  ce  qui  présen- 
tait une  contradiction  évidente,  et  l'a 
classé  au  rang  des  régicides.  Marra- 
gon  s'occupa  beaucoup  dans  les  co- 
mités d'agriculture,  des  travaux  pu^ 
blics,  et  il  présenta  des  plans  sur  les 
moyens  de  vivifier  la  navigation  inté- 
rieure. Ayant  été,  avant  la  révolution, 
commis  du    directeur-général  du  ca- 
nal de   Languedoc,    dont    il    devint 
le  gendre,  il   était  fort  instruit  dans 
cette  partie.  En  1793,   il  fut  envoyé 
au  Havre,  où  il  montra  de  la  modé- 
ration. Nommé  alors  membre  du  con- 
seil des  Anciens,  il  en  fut  secrétaire; 
et,  à  la  suite  d'un  rapport,  il  fit  décla- 
rer nuls  les  droits  de  la  famille  Ri- 
quet-Caraman  sur  le  canal  de  Lan- 
guedoc, et  décréter  que  la  république 
s'emparerait  de  ce  monument  indus- 
triel. Le  21  décembre  1797,  il  fut  élu 
président  du  conseil  des  Anciens.   Il 
en  sortit  en  mai  1798,  et  le  Directoire 
l'envoya   comme   successeur  de  Ro- 
berjot  près  des  villes  anséatiques.  il 
se  trouvait  à  Hambourg,  lors  de  l'ar- 
restation de  INapper-Tandy,  et  se  dis- 
posait à  en  partir,  à  cause  du  refus  du 
sénat  de  mettre  ce  prisonnier  en  liber- 
té, lorsque  le  Directoire  lui  ordon- 
na de  restei'  et  d'insister  sur  cette  de- 
mande,   te   (ju'il  fit   vainement.   De 
retour  à  Paris,  il  fut  nonuné  comnus- 
saire  du  Directoire  près  l'administra- 
lion  des  canaux  intérieurs,  et  en  1800, 
il  obtint ,  par  la  faveur  de  Camba- 
cérès,   son   compatriote  et  son  ami, 
la  place  de  receveur-fjénéral  du    dé- 
partcuKMit  de  l'Hérault  qu'il  transmit 
a  son  lils  (piehpies  aimées   après,  il 
vivait  à  Paris,  dan»  une  opulente  rc- 


MAB 

traiic,  quand  il  fut  atteint  par  la  loi 
de  181 6,  qui  exila  les  régicides.  Mar- 
ragon  se  retira  à  Bruxelles  ,  et  il  y 
mourut  le  1"  avril  1829,  lorsque  «on 
exil  allait  finir  par  la  révolution  de 
1830.  M— Dj. 

MARKOA'  (l'ArL-HENBi),  l'un  des 
pasteurs  de  l'église  réformée  de  Paris, 
était  aussi  président  de  son   consis- 
toire. Il  naquit  à  Leyde ,  le  12  avril 
1754,  d'une  famille  originaire  du  Dau- 
phiné,   que  la  révocation  de  ledit  de 
Nantes  avait  forcée  de  s'expatrier.  De 
l'église  française  de  Dordrecbt,  qu'il 
desservait  depuis  six  ans,  Marron  fut 
appelé,  en  1762,  comme  chapelain  à 
l'ambassade  de  Hollande,  à  Paris.  Il 
s'en  sépara   en    1788,   quand  Louis 
XVI  eut  rendu  l'étal  civil  aux  protes- 
tants, et  ceux  de  la  capitale  le  choisi- 
rent pour  leur  pasteur.  Long-temps 
avant  la  révolution  il  avait  acquis  une 
sorte  de  célébrité  par  ses  discussions 
avec  le  malin  Beaumarchais,  qui   le 
surnomma  Marron-Dinde.  Marron  se 
montra,  dès  le  commencement,  parti- 
san de  la  révolution,  et  fut  lié   avec 
les  principaux  meneurs  de  cette  épo- 
que, notamment  avec  Rabaut-Saint- 
Étienne,   son  coreligionnaire;  mais  il 
ne  se  livra  jamais  à  aucun  excès.  Tous 
les   pouvoirs  et   tous   les  gouverne- 
ments qui  sesuccédèient,  reçurent  de 
lui  des  compliments  et  des  éloges  eu 
prose  coumie  en  vers.  Le  15  octobre 
1793,  il  otfrit  à  la  Convention  quatre 
coupes,  en  faisant  remarquer  que  c'é- 
taient les  seules  pièces  d'argenterie  de 
son  culte.  Cet  empressement  n'empê- 
«•ha  pas  Robespierre  de  le  taire  incar- 
cérer à  deux  reprises  dilléreutes.  Rcn 
du  à  la  liberté^  il  publia  une  descrip- 
tion de  sa  captivité,  sous  ce  titre  Paul- 
IJcnri  Marron  à  la  citoyenne  Ih'lèue- 
Marii:  frilliaws.  Lors  de  la  protnul- 
(fation  <le  la  loi  organique  des  cultes, 
il  eut  beaucoup  de  part  à  l'organisa- 


MAR 

tiou  du  culle  piutestani  eu  France,  et 
se  plaignit,  néanmoins  que  le  projet 
qu'il  avait  présenté  fi'it  tronqué  et 
disloqué  en  plusieurs  points.  Manon 
cultiva,  presque  depuis  son  enfance, 
la  poésie  latine,  et  l'on  ferait  un  recueil 
considérable  des  pièces  qu  il  a  succes- 
sivemeni  publiées.  Il  n'avait  pas  en- 
core quatorze  ans  ,  quand  parut  ta 
première,  qu'un  Macédonien,  nommé 
Tzechatii,  étudiant  alors  à  Leyde, 
réimprima  avec  une  bonne  traduction 
grecque.  C'était  une  éléjic  i-n  Ihoii- 
neiu"  de  Bleiswicb,  orateur  de  l'Uni- 
versité de  Leyde.  Dès  l'année  178S, 
Marron  rendait  compte  de  la  littéra- 
tui'e  hollandaise  dans  le  Journal  en- 
cyclopédique ,  coiimie  depuis  il  tra- 
vailla au  Magasin  encyclopédique  , 
avec  Millin.  Kn  1816  ,  plein  du 
désir  de  repousser  les  taux  bruits 
qui  circulaient  en  An{jleterre  sur 
l'état  des  protestants  en  France  er 
les  prétendues  pei-sécutions  ^qu'ils  y 
éprouvaient,  il  écrivit  à  la  société  pro- 
testante de  Londres  une  lettie  Fo»t 
sage  et  fort  honorable,  dans  laquelle 
il  déclara  ibrmellemeut  (ju'il  croyait 
de  son  devoir  de  s'opposer  à  tout  ce 
qui  tendrait  à  une  intervention  étran- 
gère dans  les  allaiies  des  Français.  «Je 
'<  ne  puis,  dit-il,  vou  avec  satisfac- 
«  lion  ce  qui  se  passe  en  Angleterre  ; 
•'  je  ne  puis  y  prendre  aucune  part. 
«  Si  le  réle  de  votre  amour  fraternel 
"  m'édifie,  il  me  semble  pourtant  dé- 
«  passer  les  bornes  de  la  prudence  et 
■<  même  celles  de  la  véritable  charitt. 
«  Ce  n'est  pas  ainsi  que  cette  vertu 
•  proclame  son  assistance ,  surtout 
«  lorsqu'elle  peut  craindre  de  coui- 
«  promettre  les  intérêts  de  la  cause 
«  qu'elle  prétend  appuyer....  Vous 
■'  avez  tort  d'imaginer  qu'il  y  a  rien 
"  d'hostile  contre  les  protestants  dan* 
«  les  intentions  du  {jouveiuemeut 
«  français...  n  Toujours  disposé  à  cou- 


MAB 


â03 


tribuer  aus.  progrès  des  sciences  et  des 
arts,  Marron  concourut  sans  cesse  aux 
entreprises  les  plus  honorables,  et 
nous  lui  devouj;  la  justice  de  déclarer 
qu'il  ne  fut  pas  seulement  utile  à  la 
Biographie  universelle,  par  un  grand 
nombre  d'articles  historiques  et  litté- 
raires sur  la  Hollande  et  les  Pays- 
Bas ,  mais  qu'il  nous  a  donné,  dans 
tout  le  cours  de  ce  loug  travail , 
beaucoup  de  renseignements  et  de 
matériaux  qui  furent  successivement 
employés  ,  et  dont  quelques  -  uiu> 
trouvent  encore  leur  place  dans  ce 
Supplément.  En  1807,  l'Institut,  dans 
son  rapport  sur  les  prix  di^cennaiu  , 
rendit  justice  à  l'abondance  et  à  la 
facilité  de  sa  verve  latine ,  et  Ton  sait 
que  la  poésie  française  ne  lui  était 
pas  étrangère.  On  a  vu  de  lui ,  dan»  le 
Miujaiin  Encyclopédique  ,  une  Epi- 
taphe  peu  louangeuse  de  Kant,  en 
quatre  langues  :  grec ,  latin ,  françai.s 
et  hollandais  (i).  Marron  était  aussi 
un  amateur  éclairé  des  beaux-aits;  il 
avait  formé  une  collection  de  por- 
tiaits  qui  s'élevait  a  plus  de  20,000 
gi avares,  et  qui  hit  vendue  au.\  en- 
chères après  sa  mort,  (x  fiit  le  roi 
qui  la  Ht  acheter  pour  sa  bibliothè- 
que. Il  était  tort  charitable  et  aimait 
beaucoup  à  rendre  service.  Quelques 
jours  avant  de  mourir,  il  brùla  tous 
les  reçus  des  sommes  qu'il  avait  prê- 
tées à  différentes  personnes.  On  a  de 
lui:  I.  Lettre»  d'un  protestant  à  fabbé 
Cérutti,  Paris,  1789,  in-8".  II.  Tra- 
duction française  de  la  Constitution 
du  peuple  batave  (  sans  nom  d'au- 
teur). Paris,  1798,  in-8".  III.  Discours 

(l)  Son  épiiaphe  latine  du  père  de  Bonaparte 
mérite  d'être  recueillie  : 

Fortunate  pater,  létales  excute  somnos  : 
«Jui  dederas  vitani,  te  veut  ille  mon. 

En  voici  la  traduction  : 

Heureux  père,  ton  fils  consacre  ta  mémoire 
Tu  lui  donnas  la  vie,  il  te  donne  ta  gloire. 


MAR 

prononcé  au  service  extraordinaire  cé- 
lébré par  les  protestants  de  Paris  ,  à 
l'occasion  de  l'achèvement  de  la  cons- 
titution et  de  son  acceptation  par  le 
roi,  1791,  in-8".  IV.  Discours  pro- 
noncé la  veille  de  la  fête  de  la  Paix, 
17  brumaire  an  X,dans  le  temple  des 
protestants  de  Paris ,  1801 ,  in-8°.  \. 
Traduction  hollandaise  des  nouvelles 
Observations  et  Attestations  sur  la 
transcendance  du  bois  de  Mélèze,  par 
M.    Quatremère  -  Disjonval ,    Paris, 

1803.  VI.  Napoleoni  primo  Gallorum 
imperatori    semper    augusto ,     Paris  , 

1804,  i  11-4°.  VII.  Elcgia  ad  musam 
in  Borboniorum  ad  Gallos  reditu  ,  et 
auspicatissimo  Ludovici  XVIII  Lute- 
tiam  Parisiorum  advèntu,  Paris,  3 
mai  1814,  in-8».  VIII.  ./  MM.  les 
président  et  membres  de  la  Chambre 
des  Députés,  les  présidents  des  Consis- 
toires de  l'église  réformée  et  de  celle 
de  la  confession  d'Jugsbourg,  à  Paris, 
1816,  111-8°.  TX.  Ludovico  XVIII, 
Gallûc  rcf/i  in  festis  baptismalibus  regii 
Burdigaiœ  ducis ,  Paris,  1825,  in-S". 
X.  Carolo  Decimo    Gallorum   régi  in 

festis  Rhemtnsibus ,  Paris,  1823,  in- 
4°.  XI.  Pauli-TIcnrici  Marron  solem- 
niahagana,  Paris,  1828,  in-8''.  Mar- 
ron a  donné  à  Mirabeau  des  notes 
pour  l'ouvrage  qui  a  pour  titre  :  Jux 
Batavcs  ,  sur  le  Stathouderat ,  1788, 
in-S".  Sa  communion  s'ctant  réunie  à 
celle  de  la  confession  d'Auysbourfî, 
dans  la  fête  séculaire  de  la  réforma- 
tion ,  le  2  novembre  1817,  il  pro- 
nonça ,  à  l'église  de  la  rue  des  liillet- 
tes,  une  prière  solennelle,  insérée 
dans  le  Recueil  des  pièces  relatives 
à  cette  célébration.  Il  était  mem- 
bre de  l'Institut  de  Hollande  et  de 
plusieurs  autres  sociétés  savantes.  Ka- 
poléon,  qui  aimait  assez,  à  recevoir 
ses  louan(;es,  l'avait  fait  cbevalier  i\c 
la  Légion-d'llonneur,  dés  la  londa- 
tion.  MaiTon  mourut  dans  le  mois  de 


MAfi 

juillet  1832  ,  victime  de  Këpidémie 
qui  désolait  alors  Paris.  Marié  depuis 
long-temps,  il  ne  laissa  point  de  pos- 
térité. M  —  D  j. 

MARRYAT(Joskph),  négociant 
et  orateur  anglais,  était  né  en  1737,  à 
Lothbury.  Sa  famille  originaire  d'East 
Bergbolt  (comté  de  SufFolk)  ,  jouis- 
sait de   quelque  considération,  quoi- 
que médiocrement  favorisée  de  la  for- 
tune, et  son  père,  qui  finit  par  habiter 
Bristol,  passait  pour  excellent  méde- 
cin (1).    Son   éducation    fut  poussée 
jusqu'à  la  rfiétorique  exclusivement, 
et  bien  que  toute  sa  vie  il  eût  montre 
un  vif  ficsir  d'acquérir  des  connais 
sances  nouvelles,  déterminé  de  bonne 
heure  à  suivre  la  carrière  commer- 
ciale, au  lieu   de  celle  des  sciences, 
il  n'alla  finir   ses    études   à   aucune 
université.   Envoyé  d'abord  dans  l'île 
de  Grenade,  il  eut,  pendant  un  séjour 
de  plus  de  dix  ans,  occasion  de  par- 
courir tout  l'archipel  des  Antilles,    et 
les  côtes  de  l'Amérique  qui  en  étaient 
les  plus  voisines,  et  de  se  mettre  par- 
faitement au  fait  de  tous  les  détails 
de  culture  et  de  commerce,  relatifs 
à  ces  localités.  Se  trouvant  à  Boston, 
en  1788,   il  demanda  et    obtint    la 
main    de    miss  Charlotte  Cear,  troi- 
sième fille   d'un    colon,   grand  loya- 
liste et  pour  qui  cette  fidélité  au  sou- 
verain  avait  été  la    seule   cause  de 
bien   des   désagréments   et    de   por- 
tes, pendant  la  guerre  de  l'indépen- 
dance.   Dès-lors,  sans  doute,  il  avait 
résolu    de    se     fixer  en   Angleterre 
car,  de  retour  à  Grenade,  il  n'y  rest;i 
que    le   temps    de   mettie   en    ordre 
ses  affaires,  et  partit  immédiateincni . 
après  la  naissance  d'un  premier  fils. 

(l)  llic  late  ecccuU-ic  D'  T.  Marryat,  phy- 
sician,  at  «ri.stol ,  dit  l'«  bioaraphUat  itUt  of 
(lie  liring  aiithors,  1810.  —  Son  au-ul  pater- 
nel ,  ajoute  le  iiiOiiu!  oiivraK^^  «5<a't  ""  n»n«s- 
uc  indt'ponrtanl,  cl  avait  succéd.5  au  fameux 
Tli,  Dradbury,  dans  Pinncr's  Hall, 


Jamais  il  ne  songea  à  quitter  &a  pro- 
fession lucrative,  et  s'honorant  du  né- 
goce qu'il  faisait,  du  reste,  en  grand, 
il  ne  cessa  d'ajouter  à  sa  fortune , 
qui,  lors  de  sa  mort  ,  était  éva- 
luée à  quinze  millions.  Président  de 
la  commission  du  Lioyd ,  chef  de 
la  banque  de  sir  William  Kaye,  et 
de  sir  Ch,  Price,  agent  colonial  pour 
l'île  de  Grenade,  il  rendit,  dans  tous 
ces  différents  emplois ,  des  services 
essentiels  aux  divei-s  établissements 
qui  l'investissaient  de  leur  confiance. 
Parfaitement  au  courant  de  tous  les 
faits  de  la  science  économique  vi-aie, 
et  des  théories  de  ceux  qui  la  pro- 
fessent à  la  Chambre  des  Communes, 
où  il  siégea  pendant  long-temps 
comme  représentant  Sandwich,  il 
sut  se  faire  une  position  indépen- 
dante, en  ne  se  vouant  exclusivement 
ni  aux  whigs  ni  aux  torvs,  et  discutant 
impartialement  toutes  les  questions 
commerciales  et  coloniales ,  qu'il 
croyait  à  juste  titre  de  son  ressort. 
Ce  n'était  pas  précisément  un  orateur 
dans  toute  la  force  du  terme,  mais 
c'était  un  homme  qui  ,  sur  des  ma- 
tières sévères,  spéciales  et  compli- 
quées ,  savait  répandre  de  l'intérêt 
et  de  la  clarté.  Il  instruisait ,  il  per- 
suadait; on  pouvait  compter  sur  tout 
ce  qu'il  disait;  il  avait  vu,  il  avait 
fait;  une  correspondance  immense 
l'instruisait  de  tout  ce  qui  se  passait 
de  nouveau  dans  cette  sphère.  Il 
avait  de  plus  deux  dons  bien 
rares  chez  les  hommes  qui  possè- 
dent de  si  nombreux  détails  :  c'était 
de  choisir,  à  l'instant  même,  dans  la 
foule  des  éléments  qui  s'offraient  à 
lui,  ceux  qui  par  l'importance,  ou 
par  quelque  autre  particularité,  mé- 
ritaient l'attention,  ou  pouvaient  illu- 
miner la  discussion  ;  c'était  ensuite  la 
justesse  avec  laquelle  il  comprenait , 
jl  appréciait,  tirant  toujours  ses  con- 


MAR 


20o 


clusions  de  l'expérience.  Sans  mépri- 
ser les  doctinnes  des  deux  écoles  éco- 
nomiques anglaise  et  française,  il  pen- 
sait que,  dans  bien  des  occasions,  les 
praticiens  peuvent  en  appeler  de  leur> 
décisions,  et  corriger  les  principes 
abstraits  par  les  faits  inattendus  que 
fait  siu'gir  l'application  des  principes. 
Ce  n'est  pas  là,  il  est  vrai,  l'esprit 
qu'il  montra  quand,  dans  la  discus- 
sion sur  l'abolition  de  la  traite,  il  se 
prononça  énergiquement  pour  cette 
mesure,  et  s'éleva  contre  les  horribles 
traitements  dont  les  noirs  étaient  vic- 
times ;  mais  il  est  permrs  de  penser 
qu'il  était  du  nombre  de  ceux  qui,  der- 
rière cette  abolition  nominale  de  la 
traite,  voyaient  la  Grande-Bretagne 
n'en  agissant  pas  moins  à  son  gré,  et 
les  colonies  des  autres  nations  im- 
manquablement ruinées  tôt  ou  tard. 

11  prit  une  part  éminemment  active 
à  toutes  les  phases  du  débat  sur  le 
nivellement  des  deux  sucres  (celui  des 
Indes-Orientales  et  celui  de  l'Améri- 
que },  et  ce  n'est  point  exagérer,  que 
d'attribuer  principalement  à  l'influence 
de  ses  paroles  l'échec  qu'éprouva  la 
proposition  ministérielle  en  présence 
de  la  législature.  Marryat  mourut,  le 

12  janvier  1824,  d'un  commence- 
ment d'ossification  du  cœur.  Parmi 
les  personnes  qui  payèi-ent  un  tribut 
de  regrets  à  sa  mémoire,  on  re- 
marqua lord  Liverpool.  On  n'a  de 
Marryat  qu'un  seul  ouvi-age  propre- 
ment dit  ;  ce  sont  des  Pensées  sur 
l  utilité  qu'il  Y  aurait  à  établir  utin 
nouvelle  Banque,  avec  une  charte, 
1811,  in-S".  Mais  deux  de  ses  dis- 
cours prononcés  à  la  Chambre  de* 
Communes,  ont  été  imprimés.  L'un 
est  la  Réponse  à  la  motion  de  M.  Man- 
ningy  sur  les  assurances  maritimes 
1810,  in-S"  ;  l'autre  a  pour  titre  Ob- 
servations sur  le  rapport  de  ta  com- 
mission chargée  de  texamen  du  projet 


206 


MAR 


iur  les  assurances  maritimes,  1810, 
in-S".  On  pouve  beaucoup  d'autres 
discours  fort  longs,  dans  les  journaux 
du  temps.  P — oi- 

MAllS   (S\knt),  et,  suivant  d'au- 
tres, Marse,  ou  même   Mat-,  prêtre 
et   ermite,    que   l'on   croit    être  ne, 
vers  le  commencement  du  VI'  siè- 
cle, à  Bais,  petite  paroisse  de  l'évéché 
de  Rennes,  et  voisine  de  Guerchc,  est 
plus  connu  par  le  culte  qu'il  reçoit 
que  par    ses  actions.  On  croit  qu'il 
passa   la   plus   grande  partie  de  ses 
jours  à  Vitré,  et  qu'il  mourut  au  vil- 
lage de  Marse,  où  l'on  montre  enco- 
re les  ruines  de  sa  maison.  Le  tom- 
beau qui  renfermait  son   corps  de- 
vint célèbre  par  ime  infinité  de  mi- 
racles, et  les  habitants  de  Rais  en  re- 
gardaient   la  possession  comme    un 
trésor  du  plus  grand  prix.  En  1427, 
ces  habitants,  craignaut  que  les  An- 
glais,   dont   la  descente  en  Bretagne 
était  imminente,  ne  leur  enlevassent 
ce  corps,  le  transportèrent  à  Vitré, 
et  le  mirent  sous  la  garde  des  cha- 
noines de  la  collégiale  de  Sainte-Made- 
leine de  cette  ville.  Le  duc  de  Bre- 
tagne ayant  fait  sa  paix  avec  les  An- 
glais, la  paroisse  de  liais  réclama, 
mais  en  vain,  son  dépôt.  Le  chapitre 
de  Sainte-Madeleine  se  refusant  tou- 
jours à  la  restitution  demandée,  les 
habitants  voulurent  se  le  procurer, 
i  force  ouverte ,  un  jour  que,   selon 
la  coutume,  on  [)orlait  les  reliques  de 
saint  Mars  en  procession  hors  de  la 
ville;  mais  s'étant    trouvés  les   phis 
faibles,  ils  furent  <ïbli(;<'S  de  céder,  el 
de  les  laisser  en  la  possession  de  Vitré. 
Les  chanoines  crurent  qu'ils  ne  les 
p(;rdraient  jamais  ;  c'est  ce  qui  cîéter- 
miria,  en  1486,  Guy,  comte  de  La- 
val, baron  de  Vitré,  et  Anne  de  Mont- 
morency,  son   épouse,    à  lairc  fain* 
un  coffret  d'argent  pour  les  renfcr- 
in.r.    Quant   à    la   parois^a•   de  Bais. 


elle  s'abstint  de    toute  procession  ex- 
térieure jusqu'en    1750,   qu'elle  re- 
couvra  les  reliques    de   saint   Mars, 
moins  son  fémur  droit,  deux  de  ses 
côtes  et  son    chef,   que  l'église   de 
Vitré     possède    encore    aujourd'hui. 
Depuis    cette    époque,    elle  a  repris 
l'usage  de  les  promener  procession- 
nellement  sur  toute  l'étendue  de  son 
Territoire,  le  14  janvier  et  le  21  juin 
de    chaque  année.  —  Mars  (le   père 
Noéi),  né  à  Orléans,  dans  le  XVI'  siè- 
cle, fut  supérieur  de  la  congrégation 
des  Bénédictins  réformés  de  Bretagne, 
qui  avaient  adopté   une  règle  beau- 
coup plus  sévère.  Le  P,  Symphorien 
Guyon,  d'Orléans,  prêtre  de  l'Oratoi- 
re, a  parlé  de  lui  avec  éloge,  aux  p. 
270  et  291  de  son  Histoire  chronolo- 
gique   des    évêqurs    d'Orléans  ,    ainsi 
qu'André  du  Saussay  dans  l'Appendix 
de  son   Martyrologe   de  France.  Le 
roi   Louis  XI il  demanda  au  pape  sa 
canonisation  et  l'érection  en  congré- 
gation   des    monastères    de  Redon, 
Leiion  ,  Le  Tronchet,  I^antenac,  I-a 
Chaume,  Landevcnec  et  Saint-Meen, 
desservis  par  les  Bénédictins  réfor- 
més de  Bretagne.  Les  ri',  de  la  société 
(leBretagncnepurentobtenirrérection 
f(uils  sollicitaient;  on  se  contenta  d'u- 
nir leurs  monastères  à  la  congrégation 
de  Sainl-Manr.  Quant  an  W  Mars,  le 
pape  consentit  à  la  canonisation   pat 
les  voies  oitlinaires,  qui  furent   sui- 
vies avec  ardeur  et  succès  par  le  P. 
f;uillotin.  conunis  à  cet  elfet.  La  pro- 
cédure préparatoire   n'eut    pourtant 
au»unc  suite,  l'union  à  la  congrégation 
de  Saint-Maur  ayant  insensiblement 
fait  perdre  de  vue  le  P.  Mais,  auquel 
Di  Ilu(pus  Ménard  a  néanmoins  don- 
né la  qualité    de  bienheureux,   tant 
dans  la  prélace  de  son  Martyrologe 
bénédictin,  que  dans  l'addition  qu'il 
V    a    faite  de   quelques   saints    nou- 
veaux. La  vie  du    P.  Mars,  écrite  en 


MAR 

1647,  par  son  neveu  D.  Noèl  Mars, 
est  restée  manuscrite.  On  peut  voir 
à  son  sujet,  les  Eloges  de  plusieurs 
personnes  illustres  en  piété  de  l'ordre 
de  Saint-Benoit,  par  la  mère  de  Blë- 
meur  (tom.  2);  et  la  notice  que  lui  a 
consacrée  D.  Lobineau  dans  ses  Fies 
des  saints  de  Bretagne.       P.  L — T. 

MARS  (  A5toise-Jea!»),  conseil- 
ler à  la  Cour  royale  de  Paris,  était  né 
en  1777.  Il  fut  d'abord  substitut  du 
procureur  du  roi,  |>rès  le  tribunal  de 
première  instance  de  la  Seine,  et 
montra  beaucoup  de  modération 
dans  rexcrcicc  de  sa  charge.  Il  passa 
ensuite  au  parquet  de  la  Cour  royale 
et  fut  l'un  des  substituts  de  M.  de 
Peyronnet,  dans  la  cause  de  conspi- 
ration, qui  fut  poursuivie,  en  1820 , 
devant  la  Cour  des  pairs,  ^'ommé 
conseiller  à  la  Cour  rovale  de  Paris, 
par  M.  de  Pevronnet,  lorsque  celui- 
ci.  devint  {jarde-des-sceaux ,  il  mou- 
rut dans  l'exercice  de  ces  fonctions, 
le  19  décembre  1824.  On  a  de  lui 
une  compilation  utile  et  souvent  con- 
sultée, sous  ce  titre  :  Corps  de  droit 
criminel,  ou  Recueil  complet,  métho- 
dique, et  par  ordre  de  matières,  dea 
Codes  d  instruction  criminelle  et  pé- 
nul,  des  lois,  arrêtés  du  gouverne- 
ment, décrets^  avis  du  conseil  d'Etat, 
ordonnances  royales,  édits,  etc.,  ac- 
tuellement en  vigueur,  en  matière  cri- 
minelle, correctionnelle  et  de  police  , 
avec  les  arrêts  de  la  Cotir  de  cassa- 
tion, etc.  ;  suivi  d'une  table  chronolo- 
gique des  lois  <f  des  actes  du  gouver- 
inent,  et  d  Une  table  générale  alpha- 
bétique des  matières.  Paris,  1820-21. 
2  forts  vol.  in-4".  Z. 

MARSAA'D  (labbé  Astoito), 
naquit  à  Venise,  en  1763,  d'une  fa- 
mille lyonnaise,  dont  le  nom  était 
Marchand.  Son  père  était  banquier 
et  fut  ruiné  par  les  événements 
qui  enU'ainérent  la  chute  dr  la    rt'- 


MAR 


207 


publique ,  en  1797.  I^  jeune  An- 
toine embrassa  l'état  ecclésiasti- 
que ;  après  avoir  reçu  les  ordres , 
il  s'adonna  à  la  prédication  et  eut 
beaucoup  de  succès  à  Venise,  à  Pa- 
doue,  à  Milan  et  à  Rome.  Il  voyagea 
en  France,  et  fut  à  son  retour  nommé 
professeur  de  statistique  à  fUniver- 
sité  de  Padoue,  où  il  enseigna  sans  in- 
terruption jusqu'en  1825,  époque  à 
laquelle  il  obtint  sa  retraite  avec 
une  pension.  Rendu  ainsi  au  repos, 
Marsand  eut  le  désir  de  revoir  la 
France,  et  fit  un  long  séjour  à  Pa- 
ris ,  où  il  s'occupa  de  recherches 
de  manuscrits  et  de  médailles.  C'é- 
tait un  habile  connaisseur  en  typo- 
graphie et  en  calcographie.  comme  l'at» 
testent  les  travaux  qu'il  a  laissés.  Il 
avait  fait  une  collection  complète  des 
éditions  de  Pétrarque,  et  il  la  céda, 
en  1826 .  au  roi  Charles  X ,  qui 
en  récompense  le  nomma  chevalier 
de  la  Légion-d  Honneur,  avec  une 
pension  de  deux  mille  francs  sur  la 
liste  civile.  Marsand  aurait  voulu  se 
fixer  à  Paris,  mais  il  en  fut  empêche 
par  le  gouvernement  auti'ichicn ,  qui 
exigeait  qu'il  passât  en  Italie  au  moins 
quelques  mois  de  Tannée ,  sous  peine 
de  perdre  sa  pension  de  retraite.  C'e«t 
dans  un  de  ces  voyages  qu'il  mou- 
rut à  Milan  ,  le  3  août  18i2.  On 
a  de  lui  :  I.  Mémoire  sur  le  sucre 
d'Olcuscafer ,  et  sur  torigine ,  tes  -^ 
progrès  et  Fétat  actuel  de  cette  dé- 
couverte, par  M.  Arduino  de  Padoue, 
écrit  en  français,  Paris,  1813,  in-i". 
H.  //  Jiore  delt  arte  delf  intaglio 
nelle  stampe.  Milan,  in-4''.  III.  Le 
Rime  di  F.  Petrarca  illustrate,  Pa- 
doue, 1819-20,  2  vol.  in-4".  C'est  la 
meilleure  édition  de  ce  poète  célèbre, 
soit  par  la  correction  typographique 
du  texte,  soit  par  les  notes  que  Mar- 
sand y  a  jointes.  Elle  a  obtenu  en 
quelques  années  pins  de  cent  réim- 


MAR 


MAP, 


pressions.   IV.    /^  donne  illusiri  del 
i-egno   lombardo-veneto^  Milan,  1820, 
in- 12.  V.  La    biblioteca  petrarchcsca 
formata,    descritta   ed  illiistrata,  Mi- 
lan,  1826,  grand  in-4".  Ce   recneil, 
l'ait  à  grands  frais,  se  trouve  dans  la 
bibliothèque  du   Louvre.  VI.  Manos- 
critti     italiani     esistenti    nella     regia 
biblioteca  parigina,  Paris,  1835,  in-i". 
L'auteur    dédia  cet   ouvrajje   au   joi 
Louis-Philippe  qui,  pour  l'indemni- 
ser des  difficultés  et  des  retards  qu'a- 
vait  éprouvés  ,  depuis  la   révolution 
de  1830,   le  paiement  de  sa  pension 
sur  la  liste  civile,  lui  permit  de  faire 
imprimer  gratuitement  sou  travail  à 
l'imprimerie  royale.  Marsand  pubUa 
peu  après  un  second  volume  sous  le 
titre    de  :    Manoscritli    italiani   délia 
regia   biblioteca   parigina   e  dvlle  tre 
régie   biblioteche   dell'   Arsenale  ,   di 
Santa-Genovefa  e  Mazarina.  Ce  cata- 
logue contient  non  seulement  les  ti- 
tres des  manuscrits,  mais  encore  une 
analyse  de   chacun  d'eux    avec    des 
notes.  VIL    €ommento    sulla    célèbre 
canzone     di    Francesco    Petrarca     a 
taude  di  Nostra  Signora,  Paris,  18Î1, 
in- 4".    Marsand    avait  composé    un 
Mémoire   sur  Laure  de  ÏSoves  (  voy. 
ce  nom  ,  XXXI,  432);  mais  sa  mort 
en  interrompit  la  publication. 

A — T  et  A — V. 
MARSDEjX  (Gnu,\CME),  célèbro 
orientaliste,  docteur  ès-lois,  mem- 
bre de  la  Société  royale  de  Londres, 
et  de  plusieurs  autres  Compagnies 
savantes ,  appartenait  à  une  famille 
du  Derbyshire,  en  Angleterre.  Il  na- 
quit en  1755,  à  Vcrval,  comté  de 
Wicklow ,  en  Irlandi?.  Après  qu'il 
eut  terminé  ses  étude»,  il  obtint  un 
emploi  dans  les  Indes-Orientales,  et 
.s'en  acquitta  de  nianièi-e  à  mériter 
un  prompt  avancement.  Il  fut  en- 
voyé connue  résident  à  liencoidcii. 
établissement  su)-  1»  cùle  o«:cidenlal»- 


de  Sumatra,  ou  il  resta  Jusqu'en 
1780.  L'année  suivante,  il  revint  en 
Angleterre.  Vers  1795,  il  fut  nommé 
second  secrétaire  de  l'amirauté,  et  en 
1807,  il  se  retira  des  affaires,  pour 
se  livrer  entièrement  à  l'étude.  Il 
publia  de  bons  ouvrages,  et  se  si- 
gnala par  des  actes  de  générosité.  Les 
besoins  de  l'État  étant  devenus  ur- 
gents, il  montra  un  exemple  peu 
commun  de  patriotisme,  en  renon- 
çant à  la  pcnsic^  de  1,500  livres 
sterling  (37,000  fr.),  qu'il  avait  mé- 
ritée par  ses  services.  En  1830,  il  tir 
présent,  au  Musée  britannique,  de  sa 
précieuse  collection  de  médailles,  qui 
renfermait  celle  de  sir  Robert  Ain- 
slie,  ambassadeur  d'Angleterre  à  Cons- 
tantinoplc,  et  celle  de  l'abbe  Beau- 
champ;  plus  tard,  il  donna  sa  nom- 
breuse et  riche  bibliothèque  au  col- 
lège du  Roi  à  liondres.  Marsden 
avait  épousé  une  tille  de  sir  Chaides 
Wilkins,  qui  s'est  fait  im  nom  dans 
la  littérature  orientale.  Après  une 
longue  vie  bien  remplie,  il  s'éteignit 
paisiblement,  le  6  octobre  1837,  à 
Edgegrove,  dans  le  comte  de  Hart- 
ford, âgé  de  quatjT-vingt-deux  ans, 
et  regretté  de  tous  ceux  qui  le  con- 
naissaient. INous  nous  souvenons  de 
l'avoir  vu  à  Paris,  en  1822;  sa  phy- 
sionomie spirituelle  annonçait  en 
mémo  tein[>s  la  douceur  et  la  bonté. 
On  conçoit  que  sa  conversation  était 
instructive;  elle  acquérait  un  charme 
de  plus  par  l'accent  de  bienveillance 
(|ui  l'acconq)agnait.  On  a  de  Marsden. 
en  anglais  :  I.  Histoire  de  Sumatra, 
cntitmant  un  tableau  du  gouvemr- 
wr Ht,  dos  lois,  des  usages  et  des 
maiHiii  des  habitants  indigènes.  aiu'< 
la  description  des  productions  natn- 
7vlles,  et  l'iiistoiiv  de  l'ancien  état  po- 
litique de  cette  ile,  Lon<lres,  1783, 
in-4",  cartes;  ibid.,  1784,  cartes  et 
li(;uros:  ibid..  1812.  I.  auteur  annonce 


MAR 

dans  sa  préface,  que  cette  troisième 
édition  aurait  vu  le  jour  plus  tôt,  si 
les  devoirs  de  sa  charge  n'avaioit 
pris  tous  ses  moments.  Mais  pendant 
ce  temps,  il  reçut  de  Tliide  des  ren- 
seignements qui  le  mirent  à  même 
de  corriger  des  inexactitudes,  de 
remplir  des  lacunes,  et  d'augmenter 
la  masse  générale  des  notions  rela- 
tives à  une  île  si  importante,  et 
pourtant  si  imparfaitement  explorée. 
Cette  nouvelle  édition  offre  donc  de.s 
changements  essentiels  et  très-inté- 
ressants. Tout  ce  qui  concerne  l'Iiis- 
loire  naturelle  présente  de  grande* 
améliorations,  et  beaucoup  de  plan- 
ches de  végétaux  et  d'animaux.  le 
monde  savant  a  donné  son  suffrage 
au  livre  de  Marsden  ;  on  n'avait  au- 
paravant que  des  notices  éparscs  et 
fort  courtes  de  Sumatra.  Il  a  le  pre- 
mier offert  une  connaissance  exacte 
et  détaillée  de  cette  île  et  de  ses  ha- 
bitants. La  dernière  édition  contient 
un  chapitje  entier,  sur  une  tribu  qui 
précédemment  avait  été  passée  50u» 
silence.  L'auteur  accompagne  son  ré- 
cit de  réflexions  uès-sensties ,  et  se 
montre  toujours  observateur  profond 
et  judicieux.  L'Histoire  de  Sumatra  a 
été  traduite  en  allcniaïul ,  par  J.-K. 
Forster  (l'oy.  ce  nom,  XV,  :282),  et 
insérée  dans  le  recueil  <lc  voyages, 
qu'il  pabHait  avec  son  gendre  Sprengel 
(XLIII,  3o3).  I^  traduction  française 
par  .1.  Parraud,  Paris.  1787,  2  vol. 
in-8",  cartes,  <>st  faite  snr  la  seconde 
édition.  Le  libraire  fit  imprimer,  en 
l'an  n  (1793)  ,  un  nouveau  titre. 
Voyat)e  à  file  de  Stimatm:  c'est  le 
seul  changement  que  l'on  y  trouve. 
Ij»  version  pourrait  être  plus  exacte 
et  plus  élégante.  IL  Grammaire  de 
la  langue  malàie,  Londres,  1812, 
in-i*»;  trad.  en  hollandais  par  C.-P.-J. 
Elout,  Harlem,  1824,  in-i».  HI.  Die- 
tiomiaire  de  la    lanqiw    mainte,   \jnn- 

LK»U. 


MA» 


SO» 


dre»  ,    1812,    2    vol.    in-4";    traduit 
en    hollandais    et  en   français ,    par 
r,.-P.-J.    tlout,   Harlem,    1825,    2» 
vol.  in-4''.  Ces    deux  ouvrages  suf- 
Kraient  pour  rendre  la   mémoire  de 
Marsden  reeommandable.    Avant  lui, 
on  ne  possédait  que  de  courts  voca- 
bulaires,   et    d'infomies   grammaire» 
«le  la   langue,   qui  est    parlée  dan* 
ta   presqu'ile   Malate ,    et    dans   tout 
le  grand    Archipel  oriental    de  l'A- 
sie :  c'est-a-dire  à  Sumatra,   à  Java, 
a  Bornéo,  a  Célèbes,   aux  Moluques^ 
;inx  Plùlippines,  et  dont  on  retrouve 
des  traces  dans   les  îles   de  l'Océanic 
qui  ne  sont  pas  habitées  par  des  nè- 
gres. Les  prémices  de  ces  deux  livre*, 
font  connaître  la  nature  et  l'essence 
du   Malai,   expliquent   comment    set' 
différents  dialectes  se  sont  formés,  et 
développent  les  causes  des  altérations 
qu'il  a  subies,  ainsi  que  de  la  substi- 
tution   des    caractères    arabes,    avec 
des  uiodiBcatiouf,  à  ceux  qui  étaient 
précédemment  employés.  IV.    Voya- 
qe  de  iyfarco-Poto^  traduit  en    nnqlais, 
H     accompagné    d'un     commentaire, 
l^ôndrcs,  1818,  carte.  Suivant  notre 
collaborateur,    M.   le  baron  Walcke- 
naer,    •    c'est  a    la   fois  la   meilleure 
'  traduction  et   le  meilleur  coramen- 
-  taire    de    Marco-Polo    (  voy.    Pou). 
XXXV,  209).   '  Marsden  qui,  pen- 
dant son  séjour  a  Sumatra,   avait  eu 
occasion  de  juger  par  lui-même  de 
I  exactitude,  et  de  l'authenticité  de  la 
relation     du    voyageur    vénitien    en 
ce   qui    concernait    cette   île,    n'avait 
«essé  depuis  ce   temps  de  désirer  que 
quelque  aavant  donnât  une  nouvelle 
édition    du   texte,  avec  un  commen* 
taire  pour  en   expliquer  les  oidroit.» 
nbscui*s.    Ce    n'était    pas    une   tâche 
aisée,    que  d'enti-eprendre   une  édi- 
tion critique  de  Marco-Polo.Marsden, 
<jui  heureusement  ne  fut  pas  effrayé 
de  ces  difficultés,   ne  se  les  dissimtûa 
14 


210 


MAR 


pourtant  pas,  comme  on  peut  le  voir 
par   le    fragment     d'une    letU'e     de 
l'abbé  Morelli,  qu'il  rapporte.  Sa  mo- 
destie ne  lui   permet  pas  de  croire 
qu'il  ait  apporté  à  son  travail  toutes 
les  conditions  exigées  par  son  corres- 
pondant; mais  il  se  flatte,  avec  beau- 
coup de  raison,  qu'elles  ne  sont  pas 
'^toutes   indispensables    pour   donner 
de  la  relation  de  ce  voyageur,  une 
édition  plus  complète  et  plus  correcte 
que  les  précédentes,  et  même  de  l'é- 
claircir,  en  rapprochant  de  son  texte 
une  foule  de  notions  qu'on  s'est  pro- 
curées depuis,  sur  les  contrées  qu'il  a 
parcourues.    L'importance    de    cette 
comparaison  pour  l'histoire  et  la  géo- 
graphie de  l'Asie  au  XIIP  siècle,  rendait 
ce  travail  digne  des  soins  que  Marsden 
y  a  apportés,  et  fait  sans  peine  excuser 
l'étendue  du  commentaire  qui  forme 
la  partie   intéressante  de  la  nouvelle 
édition.  Dans    une    introduction  qui 
est  en  tête  du  volume,  et  qui  serait 
même  séparément  un   morceau  fort 
estimable,  l'auteur  a  placé  plusieurs 
petites  dissertation  s  s  ur  la  vie  de  Marco- 
Folo,  sur  l'authenticité  de  sa  relation, 
sur  les  traductions  qu'on   en  a  faites 
dans  toutes  les  langues  d'Europe  ,  et 
les  principales  éditions  qui  en  ont  été 
publiées.  Il  s'est  décidé,  comme  d'au- 
tres éditeurs  avant  lui ,  à  préféier  la 
version  de  Ramusio,  non  comme  plus 
ancienne,  mais  comme  plus  correcte 
et  plus  complète.  Le  soin  (ju'il  a  pris 
de  remplir  les  lacunes   du  texte   de 
Ramusio,  ainsi  que  de   marquer  les 
variantes  d'orthographe  et  les  autres 
différences  qui  existent  entre  les  prin- 
cipales versions  ;  ce  soin  qui  rend  le 
texte  du  voyageur  supérieur,  dans  la 
traduction  de  Marsden,  à  celu  i  de  toutes 
les  éditions  précédentes,  le  justifierait, 
dit  Abel  Réumsat,  de  qui  nous  em- 
pruntons ces  considérations,  aux  yeux 
même  de  ceux    qui  auraient  souhaité 


MAR 

qu'il  eût  pris  un  autre  parti.  Voulant 
achever  de  dissiper  les  doutes  qui  se 
sont  élevés  sur  l'authenticité  et  l'exac- 
titude de  la  relation   de  son   auteur 
(doutes  qui  ne  sont  plus  à  présent  fort 
répandus);  voulant  de  plus  débrouiller 
ce  qui  restait  d'obscur,  et  mettre  dans 
leur  jour  tous  les  faits  historiques  qui 
n'y  sont  qu'indiqués ,  Marsden  a  en- 
trepris un  grand  commentaire  ou  ime 
longue  suite  de  notes  quelquefois  très- 
étendues.  Placées  à  la  fin  des  chapitres 
qu'elles  éclaircissent ,  elles  supposent 
des  recherches  considérables  et  la  lec- 
ture attentive  etraisonnée  des  relations 
de  presque  tous  les  voyageurs  qui  ont 
marché  sur  les  pas  de  Marco-Polo , 
ainsi  que  de  tous  ceux  des  ouvrages 
orientaux  qui  ont  été  traduits  en  Eu- 
rope. On  y  trouve  rassembles  tous  les 
passages   des  auteurs  modernes  qui 
ont  donné  de  nouveaux  détails  sur  les 
événements  racontes  par  le  voyageur 
vénitien ,  sur  les  personnages  dont  il 
fait  mention  ;  sur  les  heux ,  les  mœurs, 
les  productions  naturelles  et  indus- 
trielles qu'il  a  fait  connaîUe.  Mais  ce 
qui  est  surtout  précieux ,  c'est  le  re- 
cueil  des   différentes   manières  dont 
les  noms  propres  sont  écrits  dans  les 
plus  anciennes  éditions  et   dans   les 
manuscrits  qu'il  a  pu  consulter,  ainsi 
que  l'étymologie  de  ces  noms,  ou  les 
corrections  qui    semblent  nécessaires 
pour  en  conserver  l'ordiographe  pri- 
mitive, partie  délicate  et  difficile,  où 
Marsden  s'écarte  larement  paice  qu'il 
sait  s'arrêter  souvent  et  à  propos.  On 
regrette  toutefois  de  rencontrer  dans 
son  texte  beaucoup  de  noms  propres 
altérés  ,  défigurés,  qui,  dans  les  édi- 
tions précédentes ,  choquent  un  lec- 
teur instruit.  Mais,   puisque  .Marsden 
n'avait  pas  trouvé  le  moyen  de  fain 
disparaître  ces  taches,  on  doit  croire 
qu'elles    sont    ineffaçables.    On    doit 
aussi   regi;ç|4çi'  gu'.i.l_,. n'ait   pu    faire 


MâR 

usage  d'un  manuscrit  île  la  Bibliothè- 
que royale  de  Paris,  qui  est  très-an- 
cien et  plus  ample  que  les  autres.  Ou 
ne  peut  pas  être  toujours  d'accord 
avec  lui  sur  l'application  qu  il  fait  des 
noms  des  lieux  donnés  par  Marco- 
Polo  ,  à  ceux  qui  ont  été  décrits  par 
d'autres  voyageurs,  notamment  pour 
la  Mongolie  ot  la  Chine.  Ce  nest  assu- 
rément, dit  Abel  Remusat ,  ni  la  pa- 
tience dans  les  recherches,  ni  la  saga- 
cité dans  les  raisonnements,  ni  l'habi- 
leté à  mettre  en  œuvre  les  matériaux 
qu'il  avait  à  sa  disposition,  qui  ont  pu 
manquer  à  Marsden,  pour  son  projet 
de  suivre  le  voyageur  vénitien  dans 
sa  marche  au  travers  de  1  Asie  ;  mais 
il  eut  eu  besoin,  pour  cette  partie  de 
son  commentaire,  d'une  description 
exacte  de  la  Tartarie,  Faite  an  XllP 
siècle  par  les  Tartares  pux-mêmes.  Il 
ne  connaissait  pas  la  langue  chinoise, 
il  lui  a  donc  été  impossible  de  faire 
usage  des  livres  de  g«:ogi  aphie  qu'elle 
possède.  Du  moins,  dans  deux  par- 
ties de  son  ti-avail ,  Marsden  semble 
avoir  assez  complètement  atteint  son 
but ,  et  n'avoir  laissé  dans  le  texte  de 
son  auteur  d auties  difficultés  que 
celles  qu  il  est  peut-être  désormais 
impossible  den  séparci.  en  rapj)ro- 
chant  les  observations  recueillies  sur 
les  provinces  de  la  Pci-se  orientale, 
les  pays  voisins  de  1  Indus  et  la  Tran- 
soxane,  pai'  les  vovageui>  qui  sont 
postériems  à  Marco- Polo, de  celles  tic 
ce  Vénitien.  ;Marsden  a  parfaitement 
axpliqué  les  unes  par  les  autitîs  :  un 
voit  par  là  ce  qu  il  aurait  pu  faiie  s'il 
avait  eu  partout  d  aussi  bons  reusei- 
gnemeiiLs.  Quand  ensuite  Marco-Polo 
vient  à  parler  des  royaumes  de  l'Inde 
orientale  et  des  îles  du  midi,  et  qu'il 
décrit  les  productions  et  le  commerce 
de  la  Grande-Java ,  que  le  commen- 
tateur croit  être  Bornéo  ,  et  de  la 
Petite-Java,  qui  paraît  être  .Sumatra, 


MAR 


211 


alors  le  savant  historien  de  cette  île  se 
trouve   sui-  son  terrain.    Il    faudrait 
avoir,  comme  lui ,  séjourné  dans  ces 
contrées  pour  juger  du  degré  de  soli- 
dité de  plusieurs  de  ses  expUcations, 
et   surtout   pour    discuter  les  points 
qu'il  n'a  pu  expliquer.  Rémusat,  dont 
nous   empruntons  les  propres  paro- 
les, parce  quïl  nous  aurait  été  diffi- 
cile de  nous  mieux  exprimer  sur   ce 
sujet,  est  surpris  de  ce  que  Marsden 
n'ait  tiré  aucun  parti  des  extraits  que 
le  père  .Amiot  a  donnés  des  ouvrages 
des  géographes  chinois,  qui  décrivent 
les  pays  du  midi  très  en  détail,  qui  les 
rangent  dans  le  même  ordi'e  ,   et  les 
envisagent  de  la  même  manière  que 
Marco-Polo.  Ces  extraits ,  tout  impar- 
faits qu'ils  «ont.  auraient  pu  lui  pro- 
curer qucl(|iies  lumières.  I>e  jugement 
(lorté  par  Rémusat  était   conforme  à 
lopinion  de  Klaproth.  Ce  dernier,  qui 
possédait  toutes  les  connaissances  re- 
quises pour  faire  un  bon  travail  sur 
la  relation  de  Marco- Polo,  n'eut  pas 
le  temps  de  le  termmer  ;  nous  l'avons 
dit  à  son  article  (LXMIi,  548).  La 
carte  placée  à  la  tête  du  volume  de 
Mai'sden  nest    pas   d'un  usage  com- 
mode, parce  que  fou    a   mêlé  ,  sans 
distinction  .    les    dénominations    du 
XIII'  siècle  et  les  uoms  de  Marco- 
Polo,  dont    l'application  est  toujours 
en  grande  paitie  hypothétique,  avec 
les  noms  qui   résultent   des   notions 
positives  que  nous  avons  acquises  sm" 
Ifs    dilFérentes    contrées    de    l'Asie. 
V.     Nnmi.imato     orientalia    illustrata 
iMcdaillea  orientales  expliquées),  Lon- 
dres, 1823-1823,  3  vol.  in-'r.  Mars- 
flen  a  tlécril  et  expliqué  dans  ce  livre 
les  médailles  orientales,  anciennes  et 
modernes  ,  de  sa  collection.  Les  cin- 
quante sept  planches  qui  ornent  ces 
volumes ,  ont    été  gravées  avec  une 
(idélité  scrupuleuse  par  John  Swain. 
(1n    désirerait   parfois  plus   de    pré- 

14. 


2tâ 


MAR 


cision  dans  les  explications  données 
sur  quelques  médailles.  VI.  Mémoires 
dune  famille  malaïe ,  écrits  par  elle- 
même  ;  et  traduits  de  l'original;  Lon- 
dres, 1830,  in-8°.  Les  aventures  ra- 
contées dans  ce  petit  volume,  publié 
par  Marsden    octogénaire  ,    se  sont 
passées  de  1756  à  1766;  elles  ne  sont 
pas  dépourvues  d'intérêt ,  mais  leur 
principal  mérite  est  de  présenter  une 
peinture  exacte  des  mœurs  et  du  ca- 
ractère des  Malais.  L'ouvrage  a  été,  sui- 
vant les  apparences,  écrit  à  plusieurs 
reprises,  d'abord  par  le  chef  de  la  fa- 
mille, puis  par  ses  enfants,  et  terminé 
par  l'un  des  plus  jeunes  qui  l'a  signé. 
Le  style  en  est  simple,  ce  qui  peut 
surprendre,  car  les  Malais ,  de  même 
que  la  plupart  des  Orientaux  ,  sont 
sujets  à  n'exprimer  leurs  pensées  que 
par  des  expressions  figurées,  et  quel- 
quefois à  pousser  leurs  métaphores 
jusqu'à  l'extravagance.  Les  faits  con- 
tenus dans   ce  livre   méritent  d'ail- 
leurs d'être  médités  par  les  personnes 
appelées  à  remplir  des  emplois  dans 
<les  contrées  habitées  par  des  Malais, 
puisqu'il  expose  quelles  funestes  sui- 
tes peuvent  résulter  des  offenses  faites 
à  ce  peuple  brave,  susceptible  et  té- 
méraire.   Vil.    Catalogue  de   diction- 
naires,   vocabulaires  ^  grammaires   et 
alphabets,  Londres,  1797,  in  4°.  U  est 
divisé  en  deux  jjartics  :  la   première 
offre  les  noms  des  auteurs  par  ordre 
alphabétique;  la  seconde,  les  titres  des 
ouvrages  rangés  par  ordre  chronolo- 
gique, suivant  (haque  classe  de  lan- 
gues. Ce  livre  ne  hit  pas  mis  dans  le 
commerce  ,  non  plus  (jue  le  suivant. 
Vin.  Bihliolhera  vtarsdeniana  philo- 
logica. — Catalogue  de  livres  et  de  ma- 
nuscrits   recucilUs,  afin  d'établir  une 
comparaison  générale  des  langues   et 
de   contribuer  à  l'étude  de   la  littéra- 
ture orientale^  Londres,  1827,  in-4''. 
La   distribution    des  matière»  est  la 


MAR 

même  que  dans  l'ouvrage  précédent. 
Marsden    a    publié    dans    les     Tran- 
sactions de  la  Société  royale,  1781  : 
Mémoire  sur  un  phénomène    obseive 
dans  l'île  de  Sumatra.  Une  sécheresse 
extraordinaire  avait,  en  1775,  détruit 
les    feuilles  des    arbres,    toutes   les 
herbes,  et  tari  les  cours  d'eaux;  après 
les  chaleurs ,    des  maladies  bilieuses 
enlevèrent  beaucoup  d'Eurçpéens  et 
même  des  indigènes  :  au  mois  de  no- 
vembre  suivant,  les  rivages  de  l'île 
furent  couverts  d'une  quantité  prodi- 
gieuse de  poissons  morts.    Marsden 
demande  si  l'eau  de  la  mer  n'a  pas  be- 
soin de  recevoir  celle  des  fleuves,  pour 
ne  pas  nuire  à  la  vie  des  poissons. 
Dissertation  sur  l'ère  de  l'Hégire,  1788; 
Notice  sur  la  chronologie  des  Hindous. 
~î)ansl'Archœologia,ilSU  t.  VII,^e- 
marques  sur  la  langue   de  Sumatra  ; 
ibid.,  1785,  Observations  sur  la  langue 
dupeuple  communément  appelé  Gjrp- 
sies  (Bohémiens  ou  Zingari). —  Dans 
les  Transactions  de  la  Société  Asiatique 
de  Londres,  t.  III,  Notice  relative  aux 
Indigènes    de    la    Nouvelle  -  Guinée. 
Cette  glande  île  est  nommée  pai-  les 
Malais  Tanah-Papouah  (terre  du  peu- 
ple   aux  cheveux   crépus).    Marsden 
raconte  les  aventures  de  deux  lascars 
ou  matelots  hindous  et  d'un  Anglais, 
qui  avaient   été  surpris  par  les  insu- 
laires. C.eux-ii  avaient  dévoré  les  ca- 
davres des  honnnes  tués  dans  la  ren- 
tontre  qtii  avait  eu  lieu,  mais  avaient 
épargné  les  autres.  Ce  récit  est  accom- 
pagné de  considérations  sur  les  mœurs 
des  Papous. — Les  botanistes  ont  consa- 
cré à  la  mémoire  de  .Marsden  un  gen- 
re de  plantes  de  la  famille  des  A])0- 
cynées  :  il  comprend  des  arbrisseaux 
<le  la  Zone  torride,  dont  quelques-uns 
ont  des  tiges  grimpantes  ;  du  nombre 
de  ceux-ci  est  le  Marsdenia  tinctoria 
{Taram  Akar  des  Sumatranais),  que 
Marsden  fit  connaître  en  Europe  en 


BME 

1780,  et  des  feuilles  duquel*  on  ex- 
trait  une  belle  couleur  bleue.  E — ». 
MARSH  (  Narcisse  )  ,  archevê- 
que irlandais  ,  issu  d'une  famille 
saxonne  établie  dans  le  pays  de  Kent , 
était  né  en  1638  à  Hannington  dans 
le  comté  de  Wilt  ,  et  se  fit  rece- 
voir, en  1654,  docteur  eu  théologie 
à  rUniversité  d'Oxford.  Après  avoir 
exerce  quelque  temps  les  fonctions 
de  chapelain  dans  la  maison  du  chan- 
celier Hyde,  comte  de  Clarendon  ,  il 
fut  nommé  principal  du  collège  d'Al- 
ban-hall  à  Oxford,  et  en  1678,  prévôt 
du  collège  de  Dublin.  Des  dignités 
plus  élevées  furent  la  récompense  de 
sa  conduite  exemplaire  dans  les  pla- 
ces qui  lui  étaient  confiées.  En  1683 
il  fut  appelé  au  siège  épiscopal  de 
Leîghiin  et  Fems,  en  1690.  à  l'arche- 
vêché de  CashelL  en  1699,  à  celui  de 
Dublin ,  et  enfin  ,  quatre  ans  après , 
à  celui  d'Armagh  qu'il  conserva  jus- 
qu'à la  fin  de  sa  vie  en  1713. 
Profondément  instruit ,  et  zélé  pour 
les  lettres,  il  ouvrit  au  public  dans 
son  palais  sa  belle  '»ibloithèque,  et  fit 
présent  à  celle  d'Oxford  des  manus- 
crits orientaux  qu'il  avait  acquis  de 
la  succession  de  Golius.  Sa  piété  ne 
fut  pas  moins  profonde  que  son  ins- 
truction. A  l'hospice  de  Drogheda,  il 
fonda  12  places  pour  des  pauvres 
veuves  d'ecclésiastiques,  et  il  rétablit, 
à  ses  frais,  un  grand  nombre  d'égli- 
ses de  son  diocèse.  Grand  amateur  de 
musique,  il  écrivit  YEssai  d'une  in- 
troduction à  la  théorie  des  sons,  con- 
tenant des  avis  pour  le  perfectionne- 
ment de  l'acoustique.  La  Société 
Eoyale  de  Londres  a  fait  insérer  ce 
traité  dans  le  recueil  de  ses  Transac- 
tions philosophiques.  On  a  encore  de 
Marsh  une  Lettre  pastorale  au  clerqé 
du  diocèse  de  Dublin,  1694,  in-4'',  et 
deux  ouvrages  d'instruction  :  Manu- 
ductio    ad    logicam    de    Philippe    de 


MAR 


213 


Trieu  ;  nouvelle  édition,  augmentée 
du  texte  grec  d'Aristote  et  du  traité 
de  Gassendi  De  demonstratioue,  Ox- 
ford ,  1678  ;  et  Institutiones  lotjiaa 
in  usum  juventutis  acaf/emictf  ;  Du- 
blin, 1681.  On  s'est  étonné,  avec  rai- 
son ,  en  Angleterre  ,  du  j)ortrait  sati- 
rique que  Swift,  dans  ses  œuvres,  a  tra- 
cé d'un  prélat  qui  n'est  connu  que 
sous  de«  rapjKjrts  estimables.  D — c. 
MARSHALL  (  Wim.M  IUm- 
PHREY  ) ,  laborieux  agronome  anglais . 
avait  passé  sa  première  enfance  chez 
ses  parents  à  la  campagne  ,  quand 
ceux-ci  le  placèrent  dans  une  maison 
de  commerce.  Mais,  ne  montrant  au- 
cun goût  pour  cette  carrière,  il  pro- 
fita de  tout  ce  qu'il  avait  de  loisirs 
pour  se  livrer  à  l'étude  de  la  botani- 
que,  de  l'horticulture;  et  il  se  hâta, 
sitôt  qu'il  le  put,  de  revenir  à  la  vie 
de  campagne.  Les  propriétés  qu'il  avait 
a  faire  valoir,  tant  pour  son  compte 
que  pour  celui  d'autrui ,  le  mirent  à 
même  de  faire  nombre  d'observations 
et  d'expériences  dont  beaucoup  de- 
vaient éti-e  concluanles.  On  saitcom 
bien  de  fois  l'agriculture  a  eu  raison 
de  se  plaindre  des  théories  chiméri- 
ques qui ,  après  avoir  promis  les  plu» 
riches  résultats  ,  viennent  échouer 
contre  l'expérience;  mais  on  sait  aussi 
combien,  dans  les  campagnes,  l'esprit 
de  routine  s'obstine  d'ordinaire  à  com- 
battre les  innovations  les  plus  heureu- 
ses. Si  l'agriculture  anglaise  fut  une 
des  premières  à  s  améliorer ,  elle  le 
doit  à  des  hommes  qui,  assez  éle- 
vés par  l'esprit  et  par  les  habitu- 
des de  l'éducation,  pour  ne  point 
haïr  à  l'avance  la  méthode,  la  science 
et  les  théories,  se  sont  trouvés  placés 
de  manière  à  combiner  les  principe» 
de  celles-ci  avec  les  indications  de  la 
pratique,  en  sorte  que  les  deux  par- 
ties essentielles  de  l'agronomie  s'é- 
clairassent et  se  servissent  niutufUe- 


âir 


MAR 


MAP. 


ment;  ^  pai-ini  ces  hommes  .Mar- 
shall est  certainement  un  de  ceux  qui 
ont  rendu  le  plus  de  services  décisifs, 
c'est  d'abord  qu'il  appliqua  et  expé- 
rimenta; c'est  ensuite  qu'il  publia  le 
I  ésultat  de  ses  expériences  ,  complé- 
tant par  ses  écrits  ce  qu'il  avait  com- 
mencé par  ses  labeurs  matériels;  enfin 
c'est  qu'il  se  voua  surtout  à  décrire 
et  àutilisor  le  sol  anglais;  les  titres  seuls 
de  ses  productions  le  prouveraient 
au  besoin.  Sentant  combien ,  même 
dans  un  pays  commercial  tel  que 
l'Angleteri'e,  les  progrès  de  l'agricul- 
ture sont  désirables ,  il  éleva  aussi 
la  voix  à  dessein  de  (aire  créer  une 
école  spéciale  d'agronomie.  A  viai 
dire,  la  Grande-Bretagne  devrait  avoii- 
une  école  semblable  dans  tous  les 
comtés  :  l'établissement  central  serait 
une  école  normale  destinée  à  former 
les  professeurs  d'agronomie.  Toute» 
prosaïques  que  puissent  sembler  et  la 
vie  et  les  œuvres  de  Marshall  ,  il  ne 
manquait  pas  de  certaine  poésie  dans 
la  tête,  et  il  voulut  en  donner  la  pieu- 
ve  au  public,  qui  jusqu'alors  ne  con- 
naissait que  de  sa  prose,  en  imprimant 
son  poème  didactique  du  Paysaije  , 
1795.  Marshall  mourut  en  1841.  Peu 
d'agronomes  ont  écrit  autant  que  lui. 
Voici  la  liste  de  ses  productions.  Six 
ouvrages  de  même  tilic  forment  une 
espèce  à' Agronomie  uttglaisc ,  non 
complète,  distribuée  tantôt  par  comtés 
isolés,  tantôt  pai- grandes  régions,  sa- 
voir •■  I.  Économie  du  comté  de  J^or- 
folk,  1787,  2  vol.  in-S".  II.  Du  comté 
iCYork,  1788,2vol.  in-8".  lU.  Ducomté 
de  Glocesler,  1789,  2  vol.  in^".  IV. 
Oea  comtés  de  l'intéricui\,  1790,  2  vol. 
iti-8".  V.  De  (juatre  comtés  de  C An- 
gleterre occidentale,  Devon,  Somerset^ 
Dorsel,  et  Cornouailles,  1796  ,  2  vol. 
n-8**.  VI.  Des  comtés  du  Sud  ,  resl- 
à  dire  de  ceux  de  Kent,  de  Surrcy, 
de  Sussex,  de  Fiant,  de  l'île  de  ff^ljht, 


des  collines  de  itaie  du  lotnté  de 
tVilt,  2  vol.  in-8".  (2*  édition,  1799, 
augmentée  d'une  description  de  la 
vallée  de  Londres  et  d'une  esquisse 
d'économie  rurale.)  La  plupart  de  ces 
ouvrages  ont  été  réunis  par  Paris  dan» 
son  Agriculture  prutitjue  des  différen- 
tes parties  de  l'Angleterre  (tiaduite  de 
l'anglais),  Paris,  1803,  5  vol.  in-8", 
atlas  in-4":  rafraîchie  sous  le  titre  de 
la  Maiion  rustique  Anglaise  ,  etc. 
Tous  ont  été  vraiment  utiles  et  l'eus- 
sent été  encore  davantage ,  avec, 
un  prix  moins  élevé.  Tous  con- 
tiennent nombre  d'indications  facile- 
ment réalisables.  On  peut  en  juger  pai 
le  dernier  d'entre  eux,  lequel  présente, 
après  la  description  de  la  vallée  de 
Londres,  une  esquisse  des  principes  do 
l'écoiiomie  rurale  ,  le  journal ,  com- 
posé de  276  petits  articles,  puis  (tome 
2)  «les  remarques  générales  faites  eu 
1777,  des  expériences  etdesobsei-va- 
tions ,  et  encore  des  remarques  géné- 
lales  datant  de  1779 ,  plus  une  espè- 
ce de  table  systématique  qui  présente  : 
Vil.  Petits  essais  d'agriculture  (MinutCt- 
of'Ag.)  faits  sur  une  ferme  de  trois  cents 
acres  ,  à  sol  vaiié,  près  de  Croydon 
(Smrey),  1778,  in-4».  VIII.  Expérien- 
ces et  observations  sur  l'agriculture  et 
la  température,  1778,  in-4».  IX.  Le 
Bosquet  américain  ,  ou  Catalogue  al- 
phabétique des  arbres  et  arbrisseaux 
qui  rroisseni  dans  les  forêts  des  Etats- 
Unis  de  l'Améiique,  1783  ,  in-S".  Il 
«tn  existe  une  traduction  française  par 
Lczermes,  Paris,  1788,  in-8".  L'auteui 
y  suit  la  méthode  et  la  nomenclature 
d(.'  Linné ,  mais  se  trompe  quelquefois. 
Le  tiaduclenr  relève  quelques  erreuis 
hur  le  thé  vert  et  le  thé  boe  ,  sur  les 
Itignonia  radicans  et  sempcr  virens. 
etc.  X.  Traité  pratique  des  jat-dins  d'or- 
nements en  généivl,  in-8";  2'  édition 
très-augmontëe,  sous  le  titre  i?«;s;^/an- 
Idtions  et  de  fart  d'orner  les  maisons 


MAR 

de  campagne,  1796,  2  vol.  in-S»  ;  3* 
édition,  1803.  XI.  Proposition  cTun 
Institut  Royal  ou  collège  d'agriculture 
et  des  autres  branches  d'économie  ru- 
rale, 1799,  in-S".  XII.  De  (appropria- 
tien  et  de  Cenclosement  des  terres  va- 
gueset  communales,  1801,  in-S".  XIII. 
De  la  propriété  rurale  eu  Angleterre, 
180i,  in-4°.  XIV.  De  Taménagement 
des  propriétés  rurales,  1804,  in-8°.XV. 
i^Examen  des  rapports  du  bureau  d'a- 
gi icullure  au  département  des  comtés, 
nord  de  l'Angletene,  1808,  in-S";  2" 
Examen  des  rapports  du  bureau  d'a- 
griculture du  département  des  comtés 
de  r ouest,  1810  ,  in-8°;  3»  Examen 
du  rapport  du  bureau  d'agriculture  au 
département  des  comtés  de  Cest,  1812, 
in-8*.  XVI.  Enfin  le  poème  didactique 
dont  il  a  été  question  plus  haut ,  du 
Paysage  (Review  of  the  Landscape)  , 
«uivi  d'un  Essai  sur  le  pittoresque  et 
de  Remarques  pratiques  sur  les  orne- 
ments des  maisons  de  campagne,  1795. 
Les  vers  de  Marshall  ne  sont  pas 
plus  mauvais  que  ceux  de  tant  d'au- 
tres qui  ont  plus  ou  moins  pénible- 
ment labouré  le  sillon  poétique.  Tou- 
tefois il  crut  que  le  mieux  pour  lui 
était  d'en  revenir  à  la  prose,  et  on  ne 
peut  que  l'en  féliciter.  P — or. 

MARSHALL  (Jou:«),  homme 
d'Etat  américain,  avait  d'abord  suivi 
la  canière  militaire.  Officier  pen- 
dant la  guerre  de  l'indépendance  , 
il  devint  successivement  membre  de 
l'Assemblée  législative  de  l'État  de 
Virginie,  du  Conseil  exécutif,  du  Con- 
gres, et  secrétaire  d'État.  Washington 
voulut  l'envoyer  ministre  plénipoten- 
tiaire en  France,  à  la  place  de  Mon- 
roë,  mais  il  ne  put  lui  faire  accepter 
ces  fonctions.  Nommé  ministre  de  la 
justice  en  1801,  Marshall  conserva 
cette  place,  jusqu'à  sa  mort,  airivée  à 
Philadelphie,  au  mois  de  juillet  1835. 
On  a  de  lui  une  Fie  de  Wahsington, 


MAR 


215 


précédée  d'un  précis  de  thistoire  des 
colonies  fondées  par  tes  Anglais,  sur 
le  continent  de  F  Amérique  septentrio- 
nale. Elle  a  été  traduite  en  français 
par  P.-F.  Henry,  notre  collaborateur, 
Paris,  1807,  5  vol.  in-S",  avec  atla» 
de  16  pi.  C'est  un  ouvrage  estimé  {l'oy. 
Heîîky  ,  LXVII ,  68  ).  Marshall  était 
membre  correspondant  de  l'Institut 
historique  de  France.  M — d  j. 

MARSIS  (Ambroisk),  né  en  1733 
à  Gourdon,  dans  le  Quercy,  embras- 
sa l'état  ecclésiastique ,  et  devint  curé 
de  cette  ville,  où  il  mourut  en  1815. 
On  a  de  lui  :  I.  Exercices  de  dix 
jours  de  retraite,  pour  toute  sorte  Je 
personnes  ,  et  en  particulier  pour 
celles  qui  sont  consacrées  à  Dieu  dans 
rétat  religieux,  Paris.  1775,  2  vol. 
in-12.  II.  Discours  pour  convaîncte 
Fincrédulité,  ramener  les  protestants, 
convertir  les  pécheurs,  1777,  in-12. 
III.  Portrait  du  saint  prêtre  (dani» 
l'Histoire  de  M.  Baudus,  vicaire-gé- 
néral, ouvrage  indiqué  par  M.  Vi- 
dai! let,  qui  n'en  donne  pas  la  date, 
comme  étant  imprimé  à  Villefranche, 
in-12).  M.  Vidaillet,  dans  la  seconde 
livraison  de  sa  Biographie  des  /lom- 
mes  célèbres  du  département  du  Lot, 
dit  que  Marsis  avait  entrepris  une 
traduction  française  d'Homère.  »  Dans 
«  cet  ouvrage,  manuscrit  et  incom- 
■  plet,  il  se  proposait  de  démonti'er 
«  que  les  principales  beautés  de  l'I- 
«  liade  et  de  l'Odyssée  ont  été  pui- 
.  sées  dans  les  livres  saints.  »  — 
François  Marsis,  lieutenant-général  au 
présidial  de  Gourdon,  dans  le  XVIl' 
siècle,  était  probablement  de  la  même 
famille.  Savant  jurisconsulte,  il  publia 
un  ouvrage  estimé  sous  ce  titre  :  Pnr- 
termissonim  juris  civilis,  in  quîhus 
legum  ,  antiqua  et  recepta  lectio  , 
contra  omnium  interprettim  emanda- 
tiones  defenditur,  difficillimarum  quas 
omiserunt,  aut  perperam  interpretati 


216 


MAft 


MA» 


Kunt,  non  adhite  perceptu  uxpticatio 
traditur,  Paris,  1629,  in-i".  Sa  famille 
ronserve  de  lui  un  autre  ouvrage 
manuscrit.  Z. 

MARSO  (Pâli.  Piscinus,  surnotu- 
rné),  savant  philologue  du  XVP  siè- 
cle, sur  lequel  on  n'a  que  des  rensei- 
j^nements  incomplets.  Suivant  le  Top- 
pi  et  son  continuateur,  il  était  de  Pis- 
eina  dans  l'Abruzze  {voy.  la  Bihlioth. 
Napolitana).  Cependant  Marso  lui- 
même  indique  Rome,  comme  le  lieu 
de  sa  naissance  (1).  Tiraboschi  dit 
qu'il  était  frère  de  Pierre  Marso  {voy. 
e.e  nom,  XX Vil,  261);  mais  il  est  plus 
probable  qu'ils  étaient  seulement  corn- 
patriotes.  Paul,  entré  jeune  à  l'acadé- 
mie de  Pomponius-Laetus,  partagea  la 
disgrâce  de  sou  maîti'e  qu'il  suivit 
dans  sa  retraite  à  Venise.  Il  demeura 
dix  ans  dans  cette  ville,  où  ses  talents 
lui  procurèrent  des  amis  puissants, 
entre  autres  Georges  Cornaro  (Corne- 
/mx),  auquel  il  dédia  depuis  son  Com- 
mentaire sur  les  Fastes  d'Ovide.  De 
retour  à  Rome,  il  reprit  sa  place  à  l'a- 
cadémie de  Pomponius.  Le  20  avril 
14^3,  il  y  prononça  le  discours  an- 
nuel sur  la  fondation  de  Rome  (ooy. 
PoMPOsa-s,  XXXV,  331).Gyraldi  parle 
de  ce  discours  (2)  dans  des  termes  qui 
peuvent  faire  présumer  qu'il  avait  été 
imprimé  ;  mais  les  catalogues  les  plus 
exacts  n'en  citeni  aucune  édition. 
Marso,  cette  même  année,  expliqua 
les  Odes  d'Horace  et  les  Tristes  d'Ovide 
à  «es  auditeurs.  L'année  suivante,  il 
se  chargea  de  leur  interpréter  les  Fastes 
qu'il  nomme  un  poème  divin.  Ce  tra- 
vail, auquel  un  homme  moins  versé 
dans  les  antiquités  aurait  dû  consa- 
crer plusieurs  années,  ne  lui  coûta 
que  quelques  mois  d'application  ;  el 
c'est   une  chose  vraiment  étoimante 

(1)  Prifare  de  «on  Commcntair''  »m  1»^ 
Fitste». 

(2)  UrttiK  Homic  genatMiacon-. 


qu'il  ait  pu  l'achever  dans  un  si  cour) 
espace  de  temps.  Mais,  comme  Marso 
le  dit  lui-même,  il  faut  avoir  habite 
long-temps  Rome,  pour  pouvoir  ex- 
pliquer les  coutumes  et  les  usage.'- 
des  anciens  Romains.  Son  Commen- 
taire sur  les  Fastes  d'Ovide  fut  impri- 
mé pour  la  première  fois  à  Venise, 
m  1485,  in-fbl.  On  apprend  par  !;< 
suscription  que  Marso  remplissait . 
cette  année,  avec  Astreus  les  fonction- 
de  censeur  de  l'académie.  Ce  com- 
mentaire a  été  rcpioduit  à  V^enise  en 
1492,  en  1520;  à  Tusculano,  eu 
1529;  et  il  se  retrouve  dans  la  plu- 
part des  éditions  du  poème  d'Ovidr. 
publiées  dans  le  XVP  siècle.  On  voit 
par  une  pièce  de  Paignani  dont  un 
fragment  est  rapporté  par  Tii-aboschi 
dans  la  Storia  délia  letterat.  ital.,\l, 
954,  que  Marso  fit  le  voyage  de  Mo- 
dène  pour  en  visiter  les  antiquités.  A 
beaucoup  d'érudition  il  joignait,  ditGv- 
raldi  (jD ta /o^.  de  poétis),  une  admira- 
ble facilité  pour  la  poésie,  et  il  avait 
composé  plusieurs  poèmes.  Cepen- 
dant on  ne  connaît  de  lui  qu'un  seul 
opuscule  en  vers;  c'est  une  élégie  in- 
titulée :  De  crudeti  Eurapontltia  urbi^ 
excidio  sacrosancttt  relîgionis  lameu- 
tatio.,  in-S";  elle  est  dédiée  au  papt- 
Paul  H,  et  les  bibliographes  conjectu- 
rent qu'elle  fut  imprimée  à  Ronie,  en 
1 471 .  On  sait  que  Marso  avait  com- 
posé un  traité  de  Rhétorique  et  IHi 
commentaire  sur  la  Pharsale;  mais  il 
paratt  que  ces  deux  ouvrages  sont 
perdus.  —  Maiiso  (Jean  Annonio)  . 
poète  dramatique,  était  de  Venise.  On 
ne  connaît  de  lui  qu'une  seule  pièc»- 
intitulée  :  Coma'(/i./  Slephanium  urbi^ 
F^enetiPqenio  publiée  recitatn,  Venise, 
sans  date,  in-i"  de  22  f.  C'est  une  al- 
légorie à  l'honneur  de  la  ville  de  Ve- 
nise. Elle  fu(  représentée  dans  quel- 
ques fêtes  au  commencement  du  XVI' 
««'h-Ic.   Marso  joua,  dit-on,   un   rôle 


MAI 


MAR 


2t7 


dans  sa  pièce  et  recueillit  des  applau- 
dissements comme  auteur  et  comme 
acteur.  L'édition  qu'on  vient  de  citer 
est  très-rare.  On  «a  «onnaît  une  se- 
conde. Vienne,  lolfjrtn-i",  qui  n'est 
pas  plus  commune.  Foy.  Denis,  Sup- 
plément aux  Ânnalei  typographiques 
de  Maittaire  et  Panzer.  W — s. 

MARTAI\ VILLE  (  Aipho>se- 
LoLis-DiEXDOssÉ),  l'un  des  écrivains  de 
la  restauration  les  plus  spirituels  et  les 
plus  courageux,  naquit  à  (^dix,  en 
1776,  de  parents  français.  Il  vint  fort 
jeune  en  Provence,  où  il  demeura  plu- 
sieurs années,  puis  à  Paris,  où  il  fit  ses 
études  au  collège  Louis-le-Grand.  La 
révolution  commença  avant  qu'il  les 
eut  terminées.  Lance  dans  le  monde, 
à  peine  âge  de  seize  ans,  il  s'y  fit  de» 
lors  remarquer  par  l'énergie  de  son 
caractère  et  la  causticité  de  son  es- 
prit. Sa  naissance  et  sa  position  ne 
«levaient  pas  lui  inspirer  d'éloigne- 
ment  pour  les  innovations  ;  mais,  na- 
turellement porte  à  la  satire  et  à  la 
controverse,  il  ne  ménagea  point  les 
ridicules  et  l'hypocrisie  des  tartufes 
révolutionnaires  ;  ce  qui  lui  attira  dès 
lors  beaucoup  d'ennemis,  et  le  con- 
duisit bientôt  devant  l'affreux  ti'ibu- 
nal  de  Fouquier-Tainville,  sous  pré- 
texte de  coopération,  avec  un  nommé 
Monborgne ,  à  un  tableau  du  maxi- 
mum inexact.  Par  une  exception  rai-e 
tous  les  deux  furent  acquittés.  Une 
circonstance  remarquable  de  ce  pro- 
cès, c'est  que,  lorsque  Martainville 
déclina  son  nom,  le  président,  pen- 
sant qu'il  voulait  déguiser  quelque 
litre  de  noblesse,  lui  dit  :  «  de  Mar- 
«  tain\nllc,  sans  doute.  —  Citoven 
«  président,  répliqua  vivement  le 
»  jeune  accusé,  je  suis  ici  pour  êti'e 
«  raccourci  (1),   et  non  pour  être  al- 

[l]  Par  lin  horrible  jeu  de  mots,  les  boui- 
reanx  de  cette  époque  appelaient  le  supplice 
«le  la  guillotine  un  raccoureissement. 


"  longé...  »  Cette  répaitie,  de  la  part 
d'iui  homme  si  jeune,  dans  une  si- 
tuation pareille  ,  est  bien  étonnante, 
et  quelques  personnes  ont  refusé  d'y 
croire.  Cependant  le  fait  est  consigné 
dans  plusieurs  écrits  du  temps  ,  et 
n'a  pas  été  démenti.  Quoi  qu'il  en 
soit  ,  Martainville  fut  du  petit  nom- 
bre des  N'ictimes  que  le  féroce  tri- 
bunal épargna;  mais  on  croit  qu'il 
dut  cette  faveur  ,  beaucoup  moin.s 
à  son  audacieux  jeu  de  mots ,  qu'à 
la  protection  d'Antonelle,  son  com- 
patriote ,  qui  était  un  des  jurés. 
Echappé  ainsi  au  règne  de  la  terreur, 
il  se  jeta,  avec  toute  l'énergie  de  son 
caractère,  dans  le  parti  de  la  réaction 
qui  suivit  la  chute  de  Robespierre. 
On  le  vit  aux  premiers  rangs  de  ce 
qu'on  appelait  alors  la  jeunesse  dorée 
de  Fréron  ,  et  il  composa  ,  dans  cet 
esprit  réactionnaire,  deux  pièces  de 
théâtic,  qui  eurent  un  grand  succès. 
Dans  l'une,  intitulée  les  Assemblées 
primaires,  il  déversa  le  ridicide  à 
pleines  mains  sur  le  système  électoral 
du  temps;  dans  l'autre,  intitulée  le 
Concert  de  la  rue  Feydeau,  il  expri- 
ma avec  plus  de  force  encore  sa 
haine  pour  le  parti  jacobin,  alors 
vivement  poursuivi  par  l'aversion 
publique,  et  que  l'on  croyait  pour 
toujours  renversé.  Tout  le  parterre 
applaudit  avec  transport ,  et  fit  répé- 
ter plusieurs  fois ,  à  chaque  représen- 
tation, le  couplet  suivant  : 

Lorsque  l'on  voudra,  dans  la  France  . 
Peindre  des  monstres  destructeurs, 
11  ne  faut  plus  de  l'éloquence 
Emprunter  les  vives  couleurs. 
On  peut  analyser  le  crime  : 
Car,  tyran,  voleur,  assassin  ,• 
Par  un  seul  mot  cela  s'exprime  , 
Et  ce  mot-là,  c'est...  Jacobin. 

Mais  quand  ce  parti  eut  recouvré  le 
pouvoir,  par  la  journée  du  15  ven- 
démiaire (octobre  1793),  il  s'opéra  une 
réaction  bien  autrement   redoutable 


218 


MAB 


que  celle  des  thermidoriens.  Martain- 
ville  ayant  alors  besoin  de  se  faire 
oublier,  alla  passer  quelques  mois  en 
Provence,  et  y  fut  poursuivi  comme 
réquisitionnaire ,  puis  contraint  de 
s'enrôler  dans  un  bataillon  de  volon- 
taires qu'il  suivit  en  Italie,  où  il 
ne  resta  que  peu  de  temps.  Re- 
venu bientôt  à  Paris  ,  il  s'y  livra  en- 
core à  la  composition  de  plusieurs 
ouvrages  dramatiques  ,  et  s'asso- 
cia ,  en  1802  ,  à  M.  litienne ,  pour 
une  Histoire  du  Théâtre-Français, 
qu'ils  publièrent  en  commun.  Mar- 
tainville  traversa  le  règne  de  Napo- 
léon assez  paisiblement,  bien  qu'il 
laissât  percer  encore ,  de  temps  en 
temps,  son  goût  pour  l'opposition  et 
la  satire ,  notamment  à  l'occasion 
du  mariage  de  Marie-Louise,  où  il 
composa  une  chanson  poissarde  , 
pleine  de  sel,  d'esprit,  et  qui  courut 
toute  la  France.  Napoléon  et  sa  po- 
lice n'en  ignorèrent  certainement 
point  l'auteur  ;  mais  quoique  très- 
hardie,  et  peu  respectueuse  pour  le 
maître,  cette  chanson  avait  tant  d'es- 
prit, de  gaîté,  que  Napoléon  lui-même 
dut  en  rire ,  et  que  MartainvUle  n'es- 
suya pas,  de  sa  part,  la  moindre  per- 
sécution. Il  avait  conservé  toute  son 
indépendance  et  toute  la  franchise 
de  ses  opinions  conlrc-révolution- 
naircs  ,  quand  la  restauration  sur- 
vint en  181i.  Il  s'en  déclara,  dès  le 
commencement,  un  des  plus  dévoués 
partisans,  sans  que  l'on  voie  que  ces 
manifestations  lui  aient  été  d'aucun 
avantage  personnel.  Au  mois  de  mars 
1815,  lorsque  Honaparte,  échappé  de 
rtlc  d'Elbe,  se  dirigea  sur  Paris,  Mar- 
tainville  se  fit  remanjuer  parmi  les 
royalistes  qui  s'enrôlèrent  pour  la 
défense  de  la  royauté  ,  et  il  leur 
adressa  une  lettre  très  -  énergique , 
«ju'il  fit  imprimer  et  afficher  dans 
tout   Paris.   Napoléon   étant  devenu 


MAR 

maître  de  la  capitale  ,  Martain- 
ville  se  réfugia  dans  une  modeste 
maison  de  campagne,  qu'il  possédait 
au  Pecq,  sur  la^|k«ie;  et  il  s'y  trou- 
vait encore,  lor^^e  le  généi-al  prus- 
sien Bliicher  passa  le  fleuve,  dans  le 
mois  de  juin  suivant,  pour  se  porter 
«ur  Versailles.  Cette  circonstance  a 
donné  lieu  à  l'une  des  plus  absurdes 
calomnies  que  l'esprit  de  parti  ait  ja- 
mais pu  imaginer.  On  a  dit,  et  même 
on  a  imprimé  dans  de  ridicules  pam- 
phlets et  de  plates  épigrammes ,  que 
Martainville  ,  dont  la  maison  fut 
pillée,  dévastée  par  ces  mêmes  Prus- 
siens ,  et  dans  laquelle  il  était  seul 
avec  sa  femme  ,  n'ayant  pas-  une 
épée  ni  un  pistolet  pour  se  défendre, 
leur  avait  livré  le  passage  de  la  Seine, 
que  certes  il  n'était  pas  en  son 
pouvoir  d'empêcher,  ni  de  permet- 
tre     Et    pendant  qu'on  l'accusait 

si  ridiculement,  Martainville  se  hâ- 
tait d'accourir  à  Paris  ,  pour  faire 
imprimer  et  distribuer  aux  Chambres 
une  adresse,  par  laquelle  il  les  con- 
juiait  d'aller  se  jeter  aux  pieds  du 
roi  Louis  XVIII,  leur  déclarant  qu'elles 
n'avaient  pas  d'autre  parti  à  prendre. 
On  sait  combien  de  haines  et  d'inimi- 
tiés ces  manifestations  suscitèrent  à 
Martainville.  La  première  circons- 
tance où  elles  éclatèrent ,  fut  la  re- 
présentation de  Gcitnanicus,  tragédie 
d'Arnault,  dont  il  rendit  un  compte 
sévère  dans  le  Journal  de  Paris.  Le 
fils  de  l'auteur  crut  devoir  venger 
la  gloire  de  son  père  par  des  injures 
et  des  voies  de  fait  sur  la  personne 
de  Martainville,  qui,  à  son  tour,  lui 
intenta  un  procès,  et  le  fit  con- 
damner à  un  jour  de  prison  et  50 
francs  d'amende  ;  ce  qui  ne  l'em- 
pêcha pas  de  lui  en  demander  encore 
raison,  dès  le  lendemain,  d'une  autre 
manière.  Ils  se  battirent  au  pistolet 
et  échangèrent  plusieurs  balles,  dont 


MAR 

lime  effleura  légèrement  Marlain- 
\ille.  On  pense  bien  que  la  politique 
Mit  plus  de  paît  à  cette  affaire  que 
la  question  littéraire  (2)  ;  et  ce  n'était 
ji.is  le  seul  procès  que  dut  attirer  à, 
Martainville  l'ardeur  de  ses  opinions. 
Il  ({uitta  alors,  comme  il  l'a  dit,  par 
nrompatibilité,  le  Journal  de  Parti, 
(tiiillc  sans  couleur  et  beaucoup 
il  np  insignifiante,  pour  s'associer  à  la 
icflaction  de  la  Quotidienne,  puis 
a  celle  de  la  Gazette  de  France. 
(  Hioique  ces  journaux  fussent  bien 
plus  conformes  à  son  caractère,  et 
1  SCS  opinions  ,  il  ne  pouvait  pas 
toujours  s'y  exprimer  avec  autant 
(le  cbalcur  qu'il  l'eût  désiré  ,  et 
<i  ailleurs  les  honoraires  de  sa  ré- 
daction étaient  loin  de  suffire  à  ses 
hisoins  et  à  ses  goûts  qui  furent 
iHi jours  fort  chers.  Ce  fut  donc 
l>(HU'  avoir  plus  de  liberté,  et  sans 
doute  aussi  pour  gagner  plus  d'ar- 
gent, qu'il  fonda,  en  1818,  le  jour- 
nal Le  Drapeau  blanc,  en  société  avec 
l'imprimeur  Dentu.  Persuadé  qu'une 
telle  entreprise  ne  pouvait  réussir 
qu'en  se  faisant  remarquer  par  sa 
hardiesse  et  son  indépendance,  Mar- 
tainville  y  donna  un  libre  cours  à 
ses  pensées.  Toujours  d'ailleiu^  fort 
attaché  à  la  monarchie  des  Bour- 
bons, qu'il  vovait  se  perdre  par  des 
actes  de  faiblesse  et  de  funestes  con- 
cessions, il  redoubla  de  zèle  et  d  é- 
nergie  pour  combattre  tous  ceux  qu'il 
considérait  comme  les  ennemis  du 
trône  et  de  la  religion.   Et  ce  n'était 

(2)  On  a  attribué  ù  Aniault  répigraiiuiie 
suivante  : 

Pour  sa  conquCtc  d'Afrique, 
A  Scipion  l'on  applique 
Le  surnom  de  l'Africain. 
Vqut  uue  action  perverse 
>e  peut-on  en  sens  inverse 
Rendre  célèbre  un  faquin  • 
Et  nommer  celte  ànie  vile 
Qui  du  Pecq  livra  la  ville , 
Martainville  le  Pecqiiin  ? 


MAft 


219 


pas  seulement  dans  son  journal  qu  il 
manifestait  ainsi  ses  opinions  ;  chaque 
soir,  établi  dans  le  café  Valois,  où  se 
réunissait  tout  ce  que  le  parti  roya- 
liste avait  de  plus  exalté,  il  s'y  hvrait 
à  de  violentes  invectives  contre  les 
ministres  et  quelquefois  même  contre 
le  roi.  Ix)rs  de  la  nomination  de  60 
pairs,  et  de  celle  du  ministre  de  la 
police  Decazcs,  qui  furent  publiées  un 
jour  de  carnaval,  il  composa  une  satiie 
pleine  de  fiel  ^d'énergie,  que  le  cy- 
nisme des  expressions  ne  nous  permet 
pas  de  reproduire,  et  il  la  lut  haute- 
ment à  plusieurs  reprises  au  milieu 
du  café.  A  la  même  époque,  il  pré- 
senta, dans  son  journal,  sous  les  cou- 
leurs les  plus  odieuses  ,  le  maréchal 
Brune,  qui  avait  été  égorgé  par  la  po- 
pulace d'Avignon  {voy.  BRt;>E,  LIX, 
377).  La  veuve  de  ce  maréchal  l'ayant 
poursuivi  devant  les  tribunaux,  com- 
me calomniateur,  il  se  défendit  lui- 
même  avec  beaucoup  de  courage  ;  et, 
pour  justifier  ses  attaques  conti-e  le 
maréchal  ,  il  dévoila  des  circonstan- 
ces de  sa  vie ,  encore  plus  odieuses 
que  celles  quil  avait  d'abord  si- 
gnalées. «  Ceux  qui  ont  conservé 
»  quelques  souvenirs,  dit-il,  des  pre- 
«•  miers  temps  de  la  révolution,  se 
«  rappellent  l'infâme  journal  intitulé 
«  la  Bouche  de  Fer  ;  ils  voient  encore, 
»  dans  la  rue  du  Théâtre-Français, 
"  cette  porte  devant  laquelle  le  pas- 
•<  sant  reculait  effrayé  par  ime  tête 
«  de  furie,  de  Gorgone  révolution- 
"  naire,  dont  la  bouche  hideuse, 
«  sans  cesse  béante,  dévorait  toutes 
'<  les  immondices  qu'y  jetaient  les 
«  fournisseurs  qui  l'alimentaient  vo- 
>■  lontairement.  Le  lendemain,  ces 
«  horreurs  se  reproduisaient  dans  les 
«  feuilles  criminelles,  où  l'injure  n"é- 
«  tait  point  déversée  sur  un  sujet  re- 
.'  belle,  sur  un  clubiste  forcené,  sur 
"  un  agent  de    la  plus  atroce  tv- 


220 


MAR 


"  rannie,  sur  un  général  concussion- 
"  naire,  mais  sur  tout  ce  qu'il  y  a 
»  de  plus  sacré  parmi  les  hommes, 
H  sur  les  personnages  augustes ,  dont 
«  l'image  ne  s'offre  plus,  à  nos  yeux, 
"  que  rayonnante  de  l'auréole  du 
«  martyre.  M.  le  maréchal  Brune,  qui 
»  n'était  alors  que  Brune  l'imprimeur, 
«■  eut  l'imprudence,  la  faiblesse  de 
"  prêter  à  l'exécrable  entreprise  de  la 
«  Bouche  de  Fer ,  sa  maison ,  ses 
«  presses,  et  quelqu^pis  sa  plume... 
«  Ce  que  tout  le  monde  sait,  c'est 
«  que  Brune  avait  pour  ami  et  pour 
«  collaborateur  dans  son  journal , 
«  un  personnage  trop  fameux  dans 
»  notre  histoire,  l'horrible  Marat, 
«  qu'il  accompagnait  la  nuit,  lorsque 
<•  cet  étrange  ami  du  peuple,  frappé 
«  d'un  mandat  d'arrêt,  sortait  du 
'<  soutei  rain  des  Cordeliers  pour  for- 
«  mer  de  nouveaux  complots....  « 
Ces  nouvelles  révélations  du  journa- 
liste retentirent  alors  dans  toute  la 
France  ,  et  M™"  Brune  ,  qui  avait 
voulu  blanchir  la  mémoire  de  son 
mari,  éprouva  sous  ce  rapport  un  bien 
cruel  mécompte.  Ce  qu'il  y  eut  en- 
core de  plus  fâcheux  pour  elle  ,  c'est 
que  le  jury  acquitta  Mar  tain  ville  à 
l'unanimité.  Enhardi  par  ce  suc- 
cès ,  et  par  le  débit  de  son  jour- 
nal qui  augmentait  beaucoup,  il  ne 
garda  plus  aucun  ménagement.  Ce 
fut  surtout  à  l'époque  de  la  mort 
du  duc  de  Rerri,  où  l'indignation 
publique  donna  un  peu  de  vigueur 
et  d'influence  à  l'opinion  royaliste, 
qu'il  accusa  avec  le  plus  de  force  tous 
ceux  que  l'on  put  considérer  comme 
ayant  contribué  à  ce  malheurenx  évé- 
nement. Le  ministre  Decazes  fut  par- 
ticulièrement l'objet  de  ses  attaques  ; 
el  elles  furent  si  violentes,  que  le  fa- 
vori de  Louis  XVHI  ne  crut  pas  pou- 
voir se  dispenser  d'y  répondre.  Dès 
■le  lendemain,  il  formula  contre  Mar- 


MAR 

tainville  une  plainte  au  procureur  du 
roi ,  et  il  l'accompagna  des  réflexions 
suivantes,  qu'il  publia  dans  les  jour- 
naux officiels  seulement,  car  les  jour- 
naux royalistes  ne  les  eussent  pas  re- 
çues :  »  J'ai  méprisé  jusqu'ici,  comme 
«  je  le  devais,  les  outrages  dont  quel- 
«  ques  libelles  m'ont  rendu  fobjet,  et 
«  dont  la  cause  et  le  principe  m'hono- 
«  raient  troj)  pour  que  je  songeasse 
u  à  m'en  plaindre.  L'intérêt  de  la  so- 
«  ciété  me  commande  aujourd'hui  de 
«  ne  pas  laisser  impunie  l'infâme  ca- 
«  lomnie  dont  le  sieur  Martainviile 
"  vient  de  se  rendre  coupable  dans 
«  le  numéro  de  ce  jour  (13  février 
•'  1820)  du  journal  qu'il  ose  intituler 
«  le  Drapeau  blanc.  Ses  lâches  accu- 
«  sations  insultent  bien  plus  à  la 
K  douleur  publique  qu'elles  ne  m'in- 
«  sultent  moi-même,  et  c'est  au  nom 
«  de  la  société ,  bien  plus  encore 
«  qu'au  mien,  que  je  vous  les  dé- 
«  nonce  et  que  j'en  demande  à  la 
I'  justice  l'éclatante  réparation.  »  Cette 
plainte,  déposée  au  parquet  du  pro- 
cureur du  roi,  n'y  fut  sans  doute  pas 
accueillie,  car  elle  n'eut  point  de 
suite,  et  ce  qu'il  y  eut  de  plus  fâcheux 
pour  le  ministre,  c'est  que  lui  même 
perdit  sa  place  peu  de  jours  après  : 
son  pied  glissa  dans  le  santj  du  duc 
de  Derri,  comme  l'a  dit  le  plus  élo- 
quent de  nos  écrivains;  et  toute  la  fa- 
veur de  Louis  XVlll  ne  put  le  garan- 
tir de  cette  chute.  Les  royalistes  eu- 
rent alors  im  peu  de  crédit,  et  Mar- 
tainviile en  profita  autant  qu'il  était 
en  lui.  Mais  ce  triomphe  ne  dura  pas; 
les  lois  sur  la  |)i-esse  ilevinrent  bientôt 
plus  sévères,  et  ce  fut  principalenuiii 
sur  les  feuilles  royalistes  que  pesa 
cette  sévérité.  Martainviile ,  plus  que 
tout  autre,  se  vit  en  butte  à  une  foule 
d'attafjucs  personnelles ,  à  Paris  et 
dans  les  départements.  Obligé  d'alUi 
se  «léfendrc  lui-même,  loin  de  son  do- 


micile,  il  courut  souvent  de  très- 
gihands  dangers,  notamment  à  Châ- 
lons,  où  il  hit  assailli  par  une  bande 
de  révolutionnaires,  qui  voulurent  le 
jeter  dans  la  Saône,  parce  qu'il  les 
avait  représentés  comme  ayant  insulté, 
dans  une  mascarade  infâme,  la  reli- 
gion et  la  royauté.  Il  leur  résista,  quoi- 
que seul,  et  parvint  à  les  mettre  en 
fuite,  sans  autre  arme  que  sa  canne. 
Martainville  se  rendait  alors  à  Bourg, 
on  la  susceptibilité  du  général  Chas- 
tcl  lui  fit  subir  une  légère  condam- 
nation par  la  Cour  d'assises  de  l'Ain 
(voy.  Ghastel,  LX,  539).  Plus  heu- 
reux devant  les  tribunaux  de  Riom, 
de  Saint-Omer  et  de  Toulouse  où  il 
fut  successivement  traduit  par  des 
susceptibilités  du  même  genre,  Mar- 
tainville se  défendit  toujours  lui-mê- 
me, sinon  avec  une  grande  éloquence, 
au  moins  avec  autant  de  courage  que 
de  présence  d'esprit.  Dans  toutes  ces 
villes,  il  fut  accueilli  par  les  acclama- 
tions et  les  vivat  des  royalistes.  Mais 
tous  ces  déplacements  lui  coûtaient 
fort  cher,  et  il  n'était  pas  toujours  sou- 
tenu par  son  parti ,  comme  il  l'avait 
espéré  ;  il  éprouva  quelques  dé- 
goûts dans  une  carrière  aussi  diffi- 
cile, et  dans  laquelle  il  était  souvent 
poursiùvi  et  combattu  par  ceux-là 
même  qui  auraient  dû  le  défendre. 
Son  rôle  ressemblait  ainsi  à  une  es- 
pèce de  don-quicbottisme,  et  il  avait 
trop  d'esprit  pour  ne  pas  s'en  aperce- 
voir. Il  parut  alors  y  renoncer,  et,  de- 
puisl'année  1820,  on  ne  le  vit  plus  sou- 
tenir de  procès  dans  les  départements; 
mais  il  essuya  encore  de  rudes  assauts 
dans  la  capitale,  notamment  le  31 
juillet  1822,  au  théâtre  de  la  Porte- 
Saint-Martin,  où  les  libéraux  s'étaient 
donné  rendez-vous  pour  faire  émeute 
contre  une  troupe  de  comédiens  an- 
glais, auxquels  le  ministre  Corbière 
avait    permis   de    s'établir    à    Paris. 


MAR 


221 


Martainville  y  avant  paru  dans  une 
loge,  se  vit  tout  à  coup  assailli  par  les 
menaces  et  les  insultes  du  parterre, 
qui  demandait  à  grands  cris  son 
expulsion,  et  qui  fut  tout  près  d'es- 
calader la  loge  où  il  se  trouvait.  Fer- 
me et  impassible,  il  brava  pendant 
plusieurs  heures  un  péril  évident,  et 
ne  voulut  pas  se  retirer,  malgré  les 
prières  du  commissaire  de  poUce  et 
du  commandant  de  la  force  armée 
qui  l'en  conjuraient.  «  Je  suis  sous  la 
«  sauve-garde  de  l'autorité ,  leur  di- 
•>  sait-il,  si  je  suis  assassiné,  j'aurai 
»  fait  mon  devoir.  Vous  n'aurez  pas 
«  fait  le  vôtre  «.  Il  ne  céda  que  ver» 
la  Hn  du  spectacle  aux  instances  d'un 
de  ses  amis,  et  sortit  par  une  porte 
de  derrière.  Cette  circonstance  fut 
la  dernière  où  Martainville  courut 
d'aussi  grands  dangers.  Toujours 
eti  butte  aux  attaques  des  journaux 
de  l'opposition  révolutionnaire ,  il 
leur  repondait  dans  le  sien  avec 
autant  d'esprit  que  d'à-propos.  Mais 
comme  il  arrive  en  pareil  cas,  le  pu- 
blic se  lassa  de  cette  polémique,  et 
le  Drapeau  Blanc  ne  conserva  pas 
assez  d'abonnés  pour  se  soutenir 
sans  appui.  L'imprimeur  Dentu  ven- 
dit sa  poi'tion ,  et  Martainville  fut 
obligé  de  mettre  l'entreprise  en  ac- 
tions; ce  qui  eut  peu  de  succès. 
Ainsi  le  Drapeau  blanc  ne  se  soute- 
nait plus  qu'avec  peine,  et  Martain- 
ville lui-même,  atteint  par  la  goutte 
depuis  long-temps,  était  dans  un  état 
de  santé  fâcheux,  lorsque  survint  la 
Révolution  de  juillet  1830,  qui  mit  le 
comble  à  ses  soufFrances.  Il  se  re- 
tira à  Sablonville,  près  Paris,  et  y 
mourut  le  27  août  de  la  même 
année.  —  Sa  femme ,  madame  Caro- 
line Martai>viu.e  ,  fort  distinguée  par 
ses  talents  en  musique  et  en  pein- 
ture, l'une  des  cantatrices  de  la  cha- 
pelle   du   roi,    ne  lui  survécut  que 


222 


MAE 


peu  de  jours.  Elle  avait  composé  la 
musique  de  plusieurs  romances  et 
nocturnes.  Martainville  a  publié  :  I. 
Les  Suspects  et  les  Fédéralistes ,  vau- 
deville en  1  acte  et  en  prose,  Paris,  an 
III  (1795),  in-8°.  n.  Le  Concert  de  la 
rue  Feydeau,  vaudeville,  1795,  in-8". 

III.  La  nouvelle  Hemiotade,  ou  Récit 
de  ce  qui  s'est  passé  relativememt  à 
la  pièce  intitulée  «  Concert  de  la  rue 
Feydeau  »  ,  Paris  ,  sans  date ,  in-S". 

IV.  La  Nouvelle  Montagne  en  vaude- 
villes,   ou    Robespierre    en    plusieurs 
volumes,  sans  date,in-8°.V.  Les  assem- 
blées primaires, ou  les  élections,  vaude- 
ville, Paris,  1797,  in-S».  VI.  Le  Den- 
tiste, vaudeville  ,  Paris,  an  V  (  1797), 
in-S".  VII.  Noé,  ou  le  Monde  repeuplé, 
vaudeville,  Paris,  an  VI  (1798),  in-8». 
VIII.  La  Banqueroute  du  savetier,  a- 
propos  de   bottes,    vaudeville,    Paris, 
1801,  1806,  in-8MX.  Grivoisiana,  ou 
Recueil  facétieux,  Paris,  an  IX  (1801), 
in- 18.    X.   L'Intrigue     de    carrefour, 
vaudeville,  ibid.,  1801,in-8°.  XI.  His- 
toire  du   Théâtre-Français ,    depuis  le 
commencement  de  la  Révolution  jus- 
(juà  la  réunion  générale,  Paris,  au  X 
(1802),  4  vol.  in-12,  en  société  avec 
M.  C.-G.    Etienne.   XII.  Jrlequin  en 
gage,  ou  Gille  usurier,  comédie-vau- 
<leville,  ibid.,  1802,  in-8».  XIII.  Un, 
deux,  trois,  quatre,  ou  la  cassette  pré- 
cieuse, vaudeville,    Bordeaux,    an  X 
(1802),  in-8''.  XIV.  yie   de  Chrétien- 
Guillaume    Lamoig  non-Malesherbes , 
Paris,  an  X  (1802),    in-12.  XV.    Le 
Duel     impossible  ,     comédie  ,   Paris , 
1803,    in-8".    XVI.  Pataquès,   ou    le 
Barbouilleur  d'enseignes,  bluette    en 
un  acte,  ibid.  XVII.  Georges  le  taquin, 
ou    le  Brasseur  de    l'île  des    Cygnes, 
divertissement  allégorique,  Paris,  an 
XII  (1804),  in-8°.   XVIII.  Une  demi- 
heure  de  cabaret,   scènes  épisodiques, 
ibid.,  in-8".  XIX.  Le  Suicide  de  Falaise, 
comédie,  ibid.,  in-8";  seconde  édit.; 


MAB 

1828,    in-8".  XX.  Le  Turc  de  la   rui- 
Saint-Denis,  ou  la  fausse  veuve,  comé- 
die, Paris,  1805,  in-8".  XXI.  Roderir 
et  Cuneqonde,  ou  l'Hermite  de  Mont- 
martre, ou  la  Forteresse  de  MouUnos , 
ou  le  Revenant  de  la  galerie  de  l'ouest, 
ga  lima  tias     burlesco-mélo-pa  tho-dra- 
matique  ,   etc.  ,    ibid,,  in-8".    XXII. 
La    Tète   du   diable    et   le   fiambcun 
de    l amour,   mélodrame   féerie- co- 
mique ,  Paris  ,  1807 ,  in-8".   XXIII. 
Le    Pied    de    mouton  ,     mélodrame 
téerie- comique,    ibid.,    in-8".  Cette 
pièce  et   la  précédente  ont  été  com- 
posées en  société  avec  Ribié.  XXIV. 
Le  Mariage  du  mélodrame  et   de   la 
gaîté,  scènes    d'inauguration,    Paris, 
1808,  in-8".  XXV.  La  Queue  du  dia- 
ble, mélodrame  féerie-comique ,  ibid, 
in-8°.  XXVI.  Tapin,  ou  le  Tambouri- 
neur de  Gonesse,  folie-vaudeville,  Pa- 
ris, 1809,  in-8".  XXVII.  Quelle  mau- 
vaise tête,   ou  SI.  Saint'Foin   bracon- 
nier,   comédie,  ibid.,  in-8".   XXVIll. 
Le  Marin  provençal,  prologue  de  Im- 
peyrouse,    Paris,   1810,  in-8".  XXIX. 
Les  Rentes  viagètes,  ou   la  Maison  </<• 
santé,  comédie,  ibid.,  in-8".  XXX.  Lu 
Résurrection  de  /?rjoc/ie,  prologue  il  i- 
iiauguration,  ibid.,  in-8".  XXXI.  7'<^- 
connet,  comédie,  Paris,  1816,  in-8". 
XXXII.  Jean  de  Passy,  imitation  bur- 
lesque de    Jean   de   Paris,    comédie, 
P;u-is,   1812,   in-8".,   en  société  avec 
Dumersan.     XXXII].     3fonsieur  Cré- 
dule,  ou   II   faut  Se    méfier    du  l'en- 
dredi,  Paris,    1812   et    1818,  ,  in-8". 
XXXIV^.    L'Intrigue   à  contre -teinps, 
ou  Moitié  faux,  moitié  vrai,  comédie, 
ibid., in-8". XXXV.  Bonaparte,  ou  l'A- 
bus de  l'abdication,   pièce  heivioo-ro- 
viantico-boufforinc,  Paris,  1815,  in-8". 
\XXVI.    Le  Drapeau    Blanc,    Paris, 
1819,  2  vol.  in-8".  XXXVII.  La  bom- 
be  royaliste  lancée,  Paris,  1820,  iu-8". 
XXXVIII.  Étrennes  aux  censeurs,  Pa- 
lis,  1822,  in-8".  M— '>,i- 


yiAR 

ALIRTEL  (Étienne-Awge),  archi- 
tecte ,  nommé  coramunéuient  Frère 
Martel  ,  naquit  à  Lyon  en  1569.  Le 
goût  des  arts  lui  fit  entreprendre  le 
voyage  de  Rome  avec  le  père  du  célè- 
bre peintre  Claude  Stella.  A  21  ans, 
il  entra  dans  l'ordre  des  Jésuites,  où, 
par  humilité,  il  refusa  constamment 
la  prêtrise,  que  ses  supérieurs  vou- 
laient lui  conférer.  Un  des  premiers 
essais  de  son  talent  en  architecture  fut 
la  construction  de  l'église  du  collège 
de  la  Trinité ,  à  Lyon  ;  il  donna  en- 
suite les  plans  de  plusieiu'S  maisons 
pour  sa  compagnie.  Il  fournit,  en 
concurrence  avec  le  P.  Derrand,  des 
dessins  pour  l'église  des  Jésuites  de  la 
rue  Saint- Antoine ,  à  Paris;  mais  les 
plans  de  ce  deraier  fuient  préférés. 
En  1630,  il  fut  chargé  de  bâtir,  dans 
la  rue  du  Pot-de-Fer,  l'église  aujour- 
d'hui détruite  du  Noviciat  des  Jé- 
suites de  Paris,  par  le  secrétaire-d'état 
Des  Noyers,  qui  voulait  en  faire  le 
lieu  de  sa  sépulture.  Cet  édifice  ob- 
tint tous  les  suffrages  :  le  portail,  en 
particulier,  était  trcs-estimé  ;  il  était 
orné  d'un  ordre  dorique  en  pilastre 
surmonté  dun  ordre  ionique  dont 
les  proportions  étaient  fort  justes. 
Cependant,  on  aurait  désiré  plus  de 
saillie  et  moins  de  subdivisions  dans 
lç8  parties  de  la  décoration;  on  trou- 
vait aussi  que  les  pilastres  doriques 
plies  rendaient  irrégulière  la  distri- 
bution du  plafond  de  la  corniche. 
Martel ,  attaqué  de  la  pierre ,  ré- 
solut de  se  faire  tailler.  Les  suites 
de  cette  opération  qui ,  à  cette  épo- 
que ,  était  dangereuse  et  demandait 
un  grand  courage,  lui  causèrent  de 
telles  douleurs,  que,  devenu  inca- 
pable de  se  livrer  à  aucun  travail  qui 
exigeât  de  la  fatigue ,  il  dut  se  bor- 
ner à  exécuter  de  petits  ouvrages  en 
peinture,  recherchés  des  amateurs. 
On   a   long  -  temps    conservé  ,    dans 


MAR 


223 


la  maison  du  Noviciat ,  des  des- 
sins de  sa  composition  ,  générale- 
ment estimés.  Il  mom'ut  à  Paris ,  en 
1641. — Martel  (le  P.  Gabriel),  né  au 
Puy-en-Velay,  le  14  avril  1680,  et 
mort  en  1756,  entra  dans  la  compa- 
gnie de  Jésus  et  se  fit  connaîti-e  par 
les  ouvrages  suivants  :  I.  Exercice  de 
la  préparation  à  la  mort,  1725,  in-12. 
11.  Caractère  du  chrétien,  1743,  6  vol. 
in-12.  III.  Lettres  à  M.  Cabbé  ***, 
1749,  in-12.  IV.  Le  chrétien  dirigé 
dans  les  exercices  d'une  retraite  spiri- 
tuelle, 1757,  2  vol.  in-12.       P — s. 

MARTEL  (PovBÇAi>),  conven- 
tionnel ,  né  en  1748,  était  notaire  à 
Saint-Pourçain ,  dans  le  Bom-bonnais, 
à  l'époque  où  commença  la  révolu- 
tion, et  fut  élu  en  1792  député  de 
l'Allier  à  la  Convention  nationale.  Il 
vota  la  mort  de  Louis  XVI  et  son 
exécution  dans  les  vingt-quatre  heu- 
res ,  accompagnant  son  vote  de  cette 
petite  allocution  :  .<  Je  consulte  la 
«  raison,  la  justice  et  l'humanité; 
«•  je  réponds  que  je  ne  crois  pas  de- 

-  voir   renvoyer   au  peuple  la  mis- 

-  sion  qu'il  m'a  donnée,  parce  que 
"  la  désobéissance  est  attentatoire  à 
"  la  souveraineté  du  peuple;  d'ail- 
•.  leurs  jai  pensé  que  l'appel  au 
«  peuple  n'était  qu'une  mesure  pusil- 
"  lanime.  Je  dis  non.  »  Devenu 
membre  du  Conseil  des  Anciens,  il  en 
sortit  en  1798,  entra  à  la  compta- 
bilité intermédiaire  en  qualité  de 
commissaire  et  conserva  cette  place 
jusqu'à  la  suppression  de  la  commis- 
sion. Il  fut  ensuite  employé  dans  un 
bureau  de  la  capitale,  y  vécut  obscu- 
rément et  quitta  la  France  en  1816, 
comme  régicide.  Après  la  révolution 
de  1830,  il  revint  dans  sa  patrie  et 
mourut  à  la  fin  d'avril  1836.    M. d  j. 

MARTELLY  (Honoré-François 
RiCHAti)-),  poète  dramatique,  naquit 
en  1751,  à  Aix,  en  Provence,   dune 


224 


MAR 


famille  honorable.  Son  aïeul ,  méde- 
cin distingué,  fut  anobli  pour  le 
courageux  dévouement  qu'il  avait 
montré  pendant  la  peste  deMarscille. 
Après  avoir  achevé  ses  études  sous 
les  Jésuites  qui  tentèrent  de  se  l'atta- 
cher, il  fréquenta  l'école  de  droit  et 
se  fit  recevoir  avocat  au  Parlement  de 
Provence.  Ayant  eu  l'occasion  de  voir 
jouer  Lekain  ,  il  conçut  une  passion 
hi  vive  pour  le  théâtre  qu'il  résolut 
lie  suivre  cette  carrière.  On  dit  que 
le  jour  même  où  il  plaida  sa  première 
cause  devant  la  Cour  d'Aix,  il  fit  ses 
débuts  dans  la  tragédie  sur  le  théâtre 
de  cette  ville  ;  mais  cette  anecdote  est 
plus  que  suspecte.  Quoi  qu'il  en  soit , 
Marte  lly  ne  tarda  pas  à  abandonner 
le  barreau.  Après  avoir  débuté  par  le 
rôle  deTancrède,  dans  sa  ville  natale, 
il  parut  successivement  sur  les  prin- 
cipaux théâtres  de  province ,  où  il 
se  fit  également  applaudir  dans  la 
tragédie  et  dans  la  comédie.  Il  vint 
ensuite  à  Paris  et  fut  pendant  quel- 
ques années  attaché  au  théâtre  Mo- 
lière ,  mais  avec  moins  de  succès. 
Il  avait  pris  pour  modèle  le  comé- 
dien Mole,  ce  qui  le  fit  surnommei 
te  Mole  de  la  province,  et  donna  sujet 
au  quatrain  suivant  : 

Mole,  dans  ses  succès,  sublime  et  sans  enrie, 
Ne  peut  en  Martelly  reconnaître  un  rival: 
A  juste  titre  on  doit  applaudir  la  copie, 
Mais  il  faut  respecter  toujours  l'original. 

Sur  la  fin  de  sa  vie,  il  se  retira  dans 
une  jolie  maison  de  campagne  près 
de  Marseille,  où  il  mourut  le  8  juil- 
let 1817.  On  a  de  lui  :  1.  Fables  nou- 
velles,  Bordeaux,  1788,  in-12.  II. 
Les  deux  Figaro,  ou  le  sujet  de  comé- 
die, comédie  en  cinq  actes  et  en 
prose ,  représentée  en  1790  au  théâ- 
tre du  Palais-Royal;  Paris,  1794, 
in-S".  Cette  pièce,  réimprimée  pUi- 
tvSdrs  fois ,  fait  partie  de  la  Suite  du 
Répertoire  du    TlK'ùlrc- Français,    pu- 


MAR 

bliée  par   M.  Lepeintre,  éd.  in-18, 
tom.  XLIX.  L'intention ,  dit  La  Harpe, 
en  est  maligne  et  satirique  ;  plusieurs 
traits  sont  dirigés  contre  Beaumar- 
chais, eti  paraissant  tomber  sur  son 
principal    personnage;    et    cela  est 
d'autant  plus  mal   qu'il  n'a  fait  que 
travailler  sur  le  canevas  qui   appar- 
tient à  l'auteur  qu'il  désigne.  L'intri- 
gue des  Deux  Figaro  est  calquée  sur 
celle  de  la  Mère  coupable  ;  ce  sont  les 
mêmes  personnages  et  à  peu  près  le 
même  genre  de  comique.  Quoique 
l'imitation  soit  très-infériem-e  à  l'ori- 
ginal ,  il  y  a  néanmoins  de   l'esprit  . 
de  la  gaîté  et  des  incidents  bien  ima- 
ginés; le  dialogue  a  moins  de  quoli- 
bets, mais  il  est  aussi  moins  piquant 
(Correspond,  littér.,  lettre  288).    C'est 
par    erreur    que   M.  Lepeintre     dit 
que  cette  comédie  «  est  évidemment 
"  dirigée  contre  la  fameuse  pièce  du 
u  Mariage  de   Figaro.   »   [Notice  sui' 
iVIartelly  dans    le    tom.   XUV  de  la 
Suite   du  Répertoire.)  III.  L'Intrigant 
dupé  par  lui-même ,  comédie  en  cinq 
actes  et  en  prose,  Paris,  1802,  in-8". 
IW.  Une  heure   de  Jocrisse,   comédie 
en  un   acte  et  en  prose ,  représente! 
en  1801  sur  le  Théâtre-Montansiei-, 
Paris,  1804,  in-8".  V.  J^  Maladroit . 
comédie  en  trois  actes  et  en  vers.  VI 
Les  Amours  supposés ,   comédie.   Ci 
deux  pièces  furent  représentées  sui 
le  théâtre  de  Bordeaux.  VIL  Conseil 
d'un   homme   de  lettres,   ou    les    fn). 
Rimeurs  ;    cette   comédie    n*a   été  ni 
jouée  ni  imprimée.  Martelly  avait,  en 
outre,  publié  un  conte,  intitulé  Le 
Bonheur,  dans    le   tome    XI    (1814) 
des  Mémoires  de  l'Académie  de  Mar- 
seille. W— s. 

MARTEi\S(Gi;iLLAUMK-FRÉnÉRH.- 

uii),  diplomate  allemand,  fin  d'abord 
piolx'sseur  de  droit  public  à  l'Univer- 
sité de  Gœttingue.  Los  ouvrages  im- 
portants qu'il  publia  successivement. 


lui  acquirent  une  grande  réputation 
comme  publiciste  et  lui  valurent,  en 
1809,  une  place  dans  le  conseil  d'État 
du  royaume  de  Westphaiie,  et,  peu 
après,   la    présidence   de  la  section 
des  finances.  Appelé  au  Congrès  de 
Vienne,  en   1814,  il  fut  chargé  de 
rédiger  les  procès- verbaux  des  con- 
férences    diplomatiques.   La    même 
année  il  fut  envoyé  par  les  puissan- 
ces alliées  auprès  de  Christian-Fré- 
déric ,  cousin  du  roi  de  Danemark , 
qui  s'était  fait  proclamer  roi  de  Nor- 
vège et  se   préparait  à  défendre  ses 
pn'tentions  par  les  armes.  Martens  fut 
assez  heureux  pour  décider  ce  prince 
à   se   soumettre    aux    décisions   des 
monarques  alliés,  qui  avaient  donné 
la  ÎSorvege  au  roi  de  Suède,  afin  de 
ie  récompenser  des  services  qu'il  ve- 
nait de   leur    rendre.   Il  devint,  en 
1816,  ministre  du  roi   de  Hanovre 
auprès  de  la   Diète   germanique,   et 
mourut  à  Francfort,  dans  l'exercice 
de  ces  fonctions,  le  20  février  1821. 
On  a  de  lui  :  I.  Essai  sur  la  légitima- 
tion des  envoyés  de  la  part  des  comtes 
de  l'empire  à  la  Diète  de  Ratisbonne , 
Gœltingue,   1782,   in-8°.   II.    Précis 
du    droit    des  gens   de   l'Europe   mo- 
derne, fondé  sur  les  traités  et  t usage  , 
pour  servir  d'introduction    a    un  cours 
politique  et  diplomatique  ,Gœttingiie, 
1789 ,    2  vol.   in-8°.  Cet  ouvrage  a 
obtenu    plusieurs    éditions,  et  a  été 
traduit  en  français  avec  des  notes  de 
M.  Pinheiro-Ferreira,  Paris  ,   1831  , 
2  vol.  in-8°.  III.  Recueil  des  princi- 
paux traités  d  alliance,   etc.,    conclue 
par  les  puissaîices  de  l'Europe  jusqu'à 
présent,  précédé  de  traités  faits  dans 
le  XFIII'  sièele,  qui  ne   se    trouvent 
pas  dans  le    o   Corps  diplomatique  " 
de   Dumont  et   Rousset,    Gœttingue , 
1791-1800,    7   vol.    in-8».  IV.  Sup- 
plément à  l'ouvrage  précédent,  Gœt- 
tingue ,  1802-18,  7  vol.  in-8».    Ce 

LXXIU. 


MAR 


oo? 


Supplément  a  été  fondu  avec  le  Re- 
cueil dans  une  nouvelle  édition.  V. 
Essai  concernant  les  armateurs ,  les 
prises,  et  surtout  les  repiises  ,  traprci 
tes  lois ,  les  traités  et  les  usmges  de\ 
puissances  maritimes  de  FEurope  , 
Gœttingue,  1795,  in-S".  VI.  Couis 
diplomatique ,  uu  Tableau  des  re- 
lations des  puissances  de  FEuro- 
pe ,  tant  entre  elles  qu'avec  Vau- 
tres Etals,  dam  les  diverses  parties 
du  globe  ,  Berlin,  1801 ,  3  volumes 
in-8°.  M — Dj. 

MARTHE  (A  SUE  BiGET,  connue 
sous  le  nom  de  sœur),  naquit  à  Besan- 
çon en  1749.  Avant  la  révolution , 
«lie  était  toorière  dans  un  couvent.  A 
la  suppression  des  ordres  religieux,  on 
la  vit ,  aidée  d'une  compagne  qu'elle 
avait  associée  à  son  zèle,  et  avec  sa 
modique  pension  de  133  fr.,  jointe  à 
la  propriété  d'une  petite  maison,  se 
dévouer  au  secours  des  indigents  et 
surtout  des  prisonniers.  En  1809 , 
600  Espagnols  arrivèrent  à  Besançon  ; 
la  sœur  Marthe  s'empressa  de  leur 
prodiguer  des  soins  dont  son  acti- 
vité et  sa  charité  multipliaient  sans 
cesse  les  ressources.  Non  contente 
de  pourvoir  à  leurs  besoins  les  plus 
pressants ,  elle  les  assistait  dans  lenrs 
maladies.  Souvent  chargée  de  porter 
au  commandant  de  la  place  les  de- 
mandes des  prisonniers,  ce  général 
lui  dit  un  jour  :  •-  Sœur  Marthe  ,  vous 

•  allez  être  bien  affligée ,   vos  bons 

•  amis  les  Espagnols  quittent  Besan- 
«  çon.  —  Oui,  répondit-elle^  mais 
u  les  Anglais  arrivent,  et  tous  les 
>■  malheureux  sont  mes  amis.  «  Pen- 
dant la  campagne  de  1814,  quand  les 
blessés,  ennemis  et  Fi-ançais ,  rece 
vaient  de  toutes  parts  une  généreuse 
hospitalité,  la  sœur  Marthe  redoubla 
pour  eux  ses  soins  touchant»,  et  re- 
cueillit cet  éloge  de  la  bouche  du  duc 
de  Reggio     »   C'est  sur  le  champ  de 

15 


226 


MAR 


«  bataille  que  j'ai  appris  à  vous  con- 
«  naître;  nos  soldats,  blessés  loin  de 
«  leur  pati'ie  ,    s'écriaient  :  Où    est 
u  sœur  Marthe?  si  elle  était  ici ,  nous 
u  serions   moins  malheureux.  »    En 
1814,  cette  femme  si  justement  cé- 
lèbre s'était  rendue  dans  la  capitale  , 
toujours  conduite  par  des  intentions 
de  charité ,  et  pour  y  réussir  elle  ne 
crut  pouvoir  mieux  faire  que  de  s'a- 
dresser aux  souverains  alliés.  Ils  la 
reçurent  avec  beaucoup  de  bonté  : 
l'empereur  de  Russie  la  décora  d'une 
médaille  d'or  du  plus  grand  modèle  , 
frappée  à  son  effigie,  honneur  qu'il 
accompagna  d'une  somme  considéra- 
ble. L'empereur  d'Autriche  lui  donna 
la  croix  du  Mérite-Civil,  avec  une  gra- 
tification de  2,000  fr.  Elle  reçut  aussi 
des   bienfaits  des  rois  d'Angleterre, 
de  Prusse  et  d'Espagne.  En  1817,  au 
moment   de  la   disette,  sœur  Marthe 
vint  à  Paris  solliciter  des  secours  pour 
les  indigents.  Louis  XVIII  et  toute  la 
famille  royale  lui   en  donnèrent  de 
très-abondants.  Cette  femme  admira- 
ble mourut  à  Resançon  le  29  mars 
1824.  Toutes  les  autorités  assistèrent 
à  ses  funérailles  et  le  peuple  suivit  le 
convoi  en  répandant  des  larmes.  On 
a    gravé    son   portrait    où    elle    est 
représentée   décorée  de  plusieurs  or- 
dres français    et  étrangers.  Son  ue- 
veu,    M.   Riget,  peintre    distingué, 
obtint  la  survivance  des  décorations 
accordées    à  la    sœur  Marthe ,  qu'il 
avait  souvent  aidée  dans  ses  bonnes 
œuvres,  il  n'en  recueillit  pas  d'autre 
héritage  ;  car,  bien   qu'elle   eût  reçu 
des  sommes  considérables ,  elle  avait 
tout  employé  à  soulager  les  malheu- 
reux,   à   qui    elle   tâchait  en   même 
temps  d'inspirer  des  sentiments  reli- 
gieux. M — BJ. 

MARTIANO  ou  MARZIAIVI 

(Phosheu)  ,    célèbre   médecin ,   naquit 
en  1567  à  Reggio.  Après  avoir  achevé 


ftlAR 

ses  premières  études,  il  suivit  les  cours 
de  la  Faculté  de  médecine  à  l'Univer- 
sité de  Bologne ,  et  y  reçut,  en  1593, 
le  laurier  doctoral.    Il  se  rendit ,  la 
même  année,  à  Rome  où  il  acquit 
bientôt  la  réputation  d'un   praticien 
distingué.  Malgré  l'affaiblissement  de 
sa  santé,  il  ne  voulut  point  modérer 
son  ardeur  pour  l'étude,  et  en  mou- 
rut victime,  le  20  nov.  1622.  Quoi- 
que fort  instruit,  il  ne  fut  pas  exempt 
des  préjugés  de  son  temps  sur  l'astro- 
logie. On   a  de  lui  :   Magnus  Hippo- 
crates  Cous   explicatus,    sive    operum 
Hippocratis  interpretatio    latina  cum 
amtotationibus,  Rome,  1626,  in-fol.; 
première  édition  rare  et  recherchée; 
ibid.,  1628,  in-fol.;  Venise,  1652,  in- 
fol.;  Padoue,  1718,  in-fol.  Ce  com- 
mentaire est  très-estimé.Baghvi,  bon 
médecin  au  XVIII'  siècle,  en  faisait 
le  plus  grand  cas.  Voyez,  pour  plus 
de  détails ,  la   notice  sur  Martiano  , 
par  Baggi,  dans  le  Giornale  modenese 
XIII;  et  la    Biblioteca  modenese   de 
Tiraboschi ,  III.  W— s. 

MARTIGNAC  (le  vicomte  Jean- 
Raptiste-Silvkue  Algay  de),  ministre 
du  roi  Charles  X ,  fut  un  de  ces  hom- 
mes d'État  qui,  par  la  générosité  même 
de  leurs  intentions,  et  un  zèle  mal 
entendu ,  poussèrent  la  restauration 
dans  l'abîme  où  elle  devait  périr. 
Né  à  Bordeaux,  en  1776,  Martignac 
portait  un  nom  déjà  connu  dans 
les  lettres  et  la  magistrature.  Un  de 
SCS  ancêtres ,  Etienne  de  Màrlignac , 
avait  publié ,  au  XVII'  siècle ,  plu- 
sieurs traductions  de  poètes  latins 
{voy.  Mautionac,  XXV1I,289);  et 
son  père,  mort  en  1820,  était  con- 
seiller à  la  Cour  royale  de  Bordeaux. 
Le  jeune  Martignac,  destiné  à  la  car- 
rière du  barreau,  se  fit  remarquer  de 
bonne  heure  par  l'activité  et  la  fines- 
se de  son  eaprit  (1).  Il  se  dérobait 
(J)  SI  l'on  en  croit  Montgaillard  [Histoire 


MAK 


MAB 


2-27 


.souvent  à  l'éUide  de  la  jurisprudence 
pour  se  livrer  à  ses  goûts  littéraires. 
Quelques  vaude>-illes ,  qu'il  composa 
dans  sa  jeunesse,  ne  manquaient  pas 
d'une  certaine  verve  spirituelle,  aigui- 
sée encore  par  des  allusions  piquantes 
à  la  politique  du  jour.  C'est  ainsi  qu'en 
1814  il  fit  jouer  à  Bordeaux  une 
petite  pièce,  composée  en  «ociété 
avec  M.  de  Laville  de  Mirmont ,  in- 
titulée la  Saint -Georges,  en  Ihon- 
neur  du  loi  d'Angleterre  qui  pro- 
tégeait de  ses  armes  la  rentrée  des 
Bourbons.  Il  protesta  pendant  les  Cent- 
Jours  contre  le  retour  de  Bonaparte , 
en  cessant  ses  fonctions  d'avocat,  et  il 
prit  une  part  très-active  au  mouve- 
ment dont  sa  ville  natale  fut  le  théâ- 
tre. Capitaine  des  volontaires  borde- 
lais, il  seconda  de  tout  son  pouvoir  le 
maire  Lynch  {v.  Lynch,  LXXIl,  242), 
en  usant  de  son  influence  sur  ses  con- 
citoyens pour  les  rallier  autour  de  la 
duchesse  d'Angouléme.  Quand  le  gé- 
néral Clauzel,  nommé  au  comman- 
ment  de  la  Gironde,  s'avança  à  la 
tête  des  ti-oupes  impériales  pour  ré- 
primer l'insurrection  ,  Martignac , 
prudent  et  sincère  ami  de  son  pays, 
donna  lui-même  à  la  duchesse  le  sa- 
ge conseil  de  renoncer  à  une  résis- 
tance inutile.  Chargé  par  la  municipa- 
lité d'une  mission  délicate  près  du 
général ,  il  s'en  acquitta  avec  habile- 
té, et  obtint  qu'il  attendrait,  pour  en- 
trer dans  la  ville,  le  départ  de  la  prin 
cesse.  Plus  tard,  appelé  comme  té- 
moin dans  le  procès  du  général  Clau- 
zel ,  il  fit  connaître  par  sa  déposition 
une  particularité  curieuse.  Ce  lieute- 
nant de  l'empereur  désespéi-ait  lui- 
même  de  la  fortune  de  son  maître,  et 
laissait  entrevoir,  dans  ses  discours, 

de  France),  Martignac  fut,  en  1798,  secré- 
taire de  Sieyès,  nommé  ambassadeur  à  Berlin. 
Le  même  écrivain  lui  attribue  une  Ode  sur  la 
naissance  du  roi  de  Rome  (1811). 


que  la  soumission  des  Bordelais  et  la 
retraite  des  Bourbons  n'étaient  qu'une 
concession  passagère,  dont  les  événe- 
ments sauraient  bientôt  les  aOranchir. 
Apres  la  seconde  restauration,  Maili- 
gnac  fut  nommé  avocat-général  à  la 
Corn'  royale  de  Bordeaux,  et  reçut  la 
décoration  de  la  Légion-d' Honneur, 
qu'il  avait  refusée  des  mains  de  2«apo- 
léon.  Ces  nouvelles  fonctions  lui  per- 
mirent de  mettre  en  relief  son  talent 
d'orateur  etson  dévouement  aux  prin- 
cipes monarchiques.  Quelques  jours 
après  l'assassinat  du  duc  de  Berri  (21 
février  1820),  Martignac,  chargé  de 
faire  entériner  des  lettres  de  grâce , 
s'abandonna,  au  milieu  d'un  éloge  de 
la  clémence  du  roi,  à  une  sortie  vio- 
lente contre  la  presse,  sur  laquelle  il 
rejetait  la  responsabilité  de  cet  hor- 
rible crime.  Devenu  bientôt  procu- 
reur-général à  Limoges,  dans  son 
discours  d'installation ,  il  s'adressa 
encore  aux  factieux  qui  se  déclaraient 
ennemis  de  la  monarchie  par  amour 
de  la  liberté  et  de  la  gloire  natio- 
nale. "  Où  se  réunira  donc,  leur 
«  dit-il ,  une  plus  longue  suite  de  plus . 
«  glorieiuc  souvenirs  que  sur  la  tête 
«  des  successeurs  de  François  I" ,  de 

*  l'héritier  de  Louis  IX ,  du  petit-fils 
.  de  Henri  IV  et  de  Louis  XIV  ?  Est-il 
>  bien  Français ,  celui  à  qui  ces  noms 

•  ne  parlent  plus,  et  qui  ne  tressaille 
^  pas  d'un  juste  orgueil  en  les  enten- 
«  dant  prononcer?...  »  Dans  ces  fonc- 
tions modestes  de  la  magistrature, 
Martignac  révélait  déjà  cette  facilité 
d'élocution,  cette  éloquence  insinuan- 
te et  persuasive ,  cet  organe  enchan- 
teui-  qui  lui  acquirent  plus  tard  dans 
une  autre  tribune  la  réputation  de 
grand  orateur.  Par  les  giâces  de  son 
esprit  et  l éclat  de  son  talent,  par 
son  caractère  aimable  et  conciliant , 
il  rappelait  cette  brillante  école  des 
Girondins  ,    formés    comme   lui    au 

15. 


228  MAR 

barreau    de     Bordeaux,    et    comme 
lui    victimes     de    leur     modération. 
Jusqu'alors,  le  goût  des  plaisirs,  les 
passions  de  jeunesse    l'avaient    tenu 
à  1  écart    de   la   vie  politique ,  mais 
l'âge  de   l'ambition  était  arrivé  :  en- 
voyé  à  la  Chambre  par   le  collège 
électoral  de  Marmande,  en  1821,  il  y 
fut  accueilli  avec   faveur  par  M.  de 
Villèle,  qui  comptait  sur  son  appui  et 
qui  ne  tarda  pas  à  confisquer  à  son  pro- 
fit cette  souplesse  d'éloquence  et  ces 
formes  séduisantes,  qualités  précieuses 
pour  la  défense  d'une  politique  de  con- 
cessions et  d'incertitudes.  Rapporteur 
dans  les  questions  difficiles,   Marti- 
gnac    savait    habilement    donner    à 
sa  parole   lempreinte  d'une  convic- 
tion profonde.  Il  fut  pour  la   pre- 
mière fois  d'un  puissant   secours  à 
ses  amis  politiques  dans  la  discussion 
du  projet   de  loi  sur  la  police  de  la 
presse  périodique.  Représenter  cette 
répression  comme  nécessaire  au  repos 
de  l'Europe,  justifier  une  pénalité  sé- 
vère qui  s'attaquait  jusqu'à  l'esprit,  à 
la  tendance  générale,  avouer  que  les 
expressions  sont  bien   vagues ,  bien 
indéfinies,  mai»  que  ce  vague  lui-mê- 
me fait  toute  la  force  et  la  nécessité 
de  la  loi ,  telles  étaient  les  doctrines 
qu'il  proclamait  dans  son  rapport.  Le 
parti  de  l'opposition  comptait  d'ha- 
biles orateurs;  mais,  dans  ces  débats, 
aucun  ne  l'emporta  sur   Marlignac, 
qui  ramena  plusieurs  fois  à  la  charge, 
et  toujours  sous  des  formes  variées  , 
claires   et    précises,    les    arguments 
qu'il    avait   déjà   fait   valoir.  La    loi 
fut  adoptée ,  et   le  ministère  recon- 
naissant   nomma  son    éloquent   dé- 
fenseur conseiller  d'État  en  service 
ordinaire  (20  juin  1822).  Attaché  au 
comité  du  contentieux,  il  s'y  fit  remar- 
quer, conunc  à  la  Chambre,  par  cette 
facilité  lucide  avec  laquelle  il  traitait 
les  questions  les  plus  ardues  de  tliéo- 


MAR 

rie  administrative.  Une  nouvelle  légis- 
lature  était  sortie   des    élections  de 
1823  ;  M.  de  Villèle  n'avait  rien  perdu 
de  sa   majorité,   et   Martignac ,   qui 
voyait  de  jour  en  jour  s'accroître  son 
influence,  fut  élu  à  la  vice-présidence, 
fonctions  dont  l'honorèrent  ses  collè- 
gues jusqu'en  1830.  Le  gouvernement 
avait  résolu  la  guerre  d'Espagne,  et  il 
avait  demandé  aux  Chambres  un  cré- 
dit de   cent  millions.  On  comprend 
tout  ce  qu'il   fallait  d'habileté  pour 
convaincre   tant    d'esprits  flottants  , 
pour    rassurer   sur   l'urgence   et   les 
résultats  de  cette  entreprise,  quand 
on  lit  les  discours    de   Foy,   de  Gi- 
rardin,   de  Manuel,    qui  la    repré- 
sentaient comme  une  guerre  de  fa- 
mille ,  funeste  pour  la  France  et  pour 
la  monarchie.  Sans  s'arrêter  à  discu- 
ter les  chances   de  succès  avec  les 
hommes  du  métier,  il  saisit  adroite- 
ment le  côté  de  la  question  qui  prê- 
tait le  plus  à  son  éloquence  brillante 
et    pathétique  :  il  parla   de  justice , 
d'honneur   national,  de  dévouement 
et  d'amour  pour  le  roi;  il  entraîna  la 
majorité  qui  étoutfa  sous  ses  applau- 
dissements les  murmures  de  l'oppo- 
sition, lorsqu'il  dit  en   se    tournant 
vers  la  gauche  :   «  Si  c'est  un  droit 
u  qui  appartient  aux  citoyens  d'éclai- 
»  rer    le   monarque    sur  les  avanta- 
.  ges  de  la  paix,  ceux  qui  finvoquent 
«  conviendront  que  c'est  une  action 
«  honteuse  et  condamnable   que  de 
«  chercher  à  égarer  l'opinion  du  peu- 
K  pie  sur  les  dangers  et  le  véritable 
.  objet  d'une  guerre  que   le  père  de 
«  l'État  a  déclarée  comme  imminen- 
»  le.  »  —  Ce   (jue  vous    dites   là   est 
odieux!  lui  crièrent  Foy   et  Girardin. 
Mal{jré  leurs  protestations    le    crédit 
fut  volé  presque  unanimement  par  la 
Chambre.  Martignac,  attaché  à  l'ex- 
pédition en  qualité  de  commissaire  ci- 
vil, fut  chargé  d'aider  do  ses  conseils 


SfAR 

le  duc  d'Angouléme.  Ses  manières  ai- 
mables, séduisantes,  calmèrent  les 
haines  et  ramenèrent  les  esprits  les 
plus  indociles  ;  aussi  reçut-il  une  vé- 
ritable ovation,  quand  il  vint  remet- 
tre à  la  régence ,  au  nom  du  roi  ,  les 
drapeaux  enlevés  par  l'armée  françai- 
se. Avant  son  départ  (3  juillet  1823), 
il  reçut  du  gouvernement  espagnol  la 
frand' croix  de  l'ordre  royal  de  Char- 
les m ,  et  une  lettre  flatteuse  qui  ren- 
dait hommage  à  sa  conduite.  ••  Que 
«  V,  Exe,  lui  écrivait  le  duc  de  l'In- 
«  iàntado,  parte  avec  la  certitude 
«  qu'elle  emporte  la  bienveillance  de 
«  S.  M.  C. ,  la  re«onnaissance  des 
•  membres  de  la  régence,  et  lamour 
«  de  la  nation  entière.  »  De  retour  a 
la  Chambre ,  Martignac  se  sépara  un 
instant  de  la  droite  pour  défendre  l'é- 
lection d'un  de  ses  adversaires  les  plus 
redoutables,  de  Benjamin  Constant, 
à  qui  Ton  refusait  la  qualité  de  Fran- 
çais; il  discuta  la  question  de  droit,  et 
prouva  que  l'ordonnance  du  14  juin 
conti-e  les  étrangers  n'était  pas  appli- 
cable aux  religionnaires  qui,  exilés 
par  l'édit  de  ÎSantes,  avaient  profité 
de  la  loi  de  révocation  de  1790.  Mais 
nous  le  retrouvons  bientôt  à  la  tète  du 
parti  ministériel,  prêtant  son  appui 
à  la  loi  delà  septennalité,  par  laquelle 
M.  de  Villèle  voulait  s'assurer  sept  ans 
de  règne ,  et  à  la  demande  de  crédits 
supplémentaires  pour  suiHre  aux 
mai'chés  onéreux  conclus  par  le  gou- 
vernement dans  la  guerre  d'Espagne. 
C'était  pour  les  ministres  un  sujet 
diflBcile  et  embarrassant,  propre  à  ré- 
veiller toutes  les  colères  de  la  gau- 
che contre  une  expédition  qu'elle 
condamnait  encore,  même  après  le 
succès.  Dans  un  rapport yaci/e  et  spi- 
rituel, comme  le  qualifiait  Casimir 
Périer,  Martignac  jeta  Te  matiteau 
de  la  gloire  sur  des^infra étions  à  la 
loi  du  budget ,  sur  des  transactions 


MAR 


229 


auxquelles  venait  se  mêler  le  nom 
mal  famé  du  banquier  Ouvrard. 
Après  chaque  triomphe,  le  roi  et  M. 
de  Villèle  se  l'attachaient  par  de  nou- 
velles faveurs  ;  cette  année  (  4  août 
1824  )  il  remplaça  le  comte  Chabrol 
de  Crousol  comme  directeur-général 
de  l'enregistrement  et  des  domaines. 
Dès  le  début  de  la  session  de  1825, 
la  défense  du  projet  de  loi  concer- 
nant l'indemnité  pour  les  émigrés  lui 
fournit  une  occasion  de  dévelopj)er 
toutes  les  ressources  de  son  esprit 
conciliant  et  modéré.  Long-temps  le 
ministère  avait  reculé  devant  une  me- 
sure qui  devait  soulever  une  double 
opposition.  Il  fallait  répondre  à  ces 
questions  du  général  Foy  :  •  L'émi- 
«  gration  fut-elle  volontaire  ou  for- 
«  cce?  Qu'allaient  demander  les  émi- 
•  grés  aux  étrangers  ?  •  Au  nom  de  la 
droite  monarchique,  Labourdonnaye 
protestait  énergiquement.  C'était ,  di- 
sait-il ,  sacrifier  les  i-oyalistes  à  la  ré- 
volution; c'était  donner  aux  posses- 
seurs des  biens  des  émigrés  une  sanc- 
tion légale  de  leur  usurpation  sacri- 
lège. Martignac  fit  comprendre  à  la 
Chambre  que  ces  objections  diverses 
venaient  mutuellement  se  délruiie  , 
et  prouva  facilement  que  le  moyen 
terme  proposé  pai  le  ministère  était 
le  seul  légitime  pom'  guérir  les  plaies 
de  la  révolution,  le  seul  possible  dans 
l'état  de  nos  finances.  Le  milliard  fut 
voté.  Mais,  dès  cette  époque,  M.  de 
Villèle  vit  son  parti  s'affaibUr  de  jour 
e!i  jour  et  perdre  son  assurance.  Les 
dernières  concessions  qu  il  fit  aux 
royalistes  par  les  lois  du  sacrilège  et 
du  droit  d'aînesse,  par  le  rétablisse- 
ment de  la  censure  des  journaux , 
soulevèrent  contre  lui  de  nombreuses 
réclamations.  Il  trouvait  encore  dans 
la  Chambre  une  majorité  des  deux 
tiers,  mais  exigeante,  inébranlable 
dans  ses  principes  monarchiques ,  et 


330 


MAR 


dont  la  direction  était  pour  lui  plus 
importune,  plus  difficile  que  sa  lutte 
même    contre    l'opposition    libérale. 
Pour  échapper  à  cette  tutelle,  il  pro- 
nonça la  dissolution  ,   faute  irrépara- 
ble qu'il  ne  tarda  pas  lui-même  à  re- 
connaître. Sur  une  Chambre  compo- 
'   sée  de  428  membres ,  les  électeurs 
n'en   renvoyèrent  que  125  de  l'an- 
cienne majorité.    A    la  tête  de  cette 
mince  phalange ,  on  ne  vit  plus  Mar- 
tignac,  qui,  depuis  un  an,  semblait 
abandonner  ses   anciens  amis.   Lors 
de   la    discussion  des  derniers   pro- 
jets de  loi,  il  avait  gardé  le  silence, 
voyant  l'opposition  prête  à  disposer 
du  pouvoir;  il  voulait  sans  doute  se 
lapprocher  d'elle  et  lui  faire  oublier 
que,  depuis  1821,  il  l'avait  combattue. 
M.  de  A^illèle  et  ses  collègues  laissè- 
rent bientôt  le  champ  libre  à  son  am- 
bition, et,  par  un  nouvel  acte  de  dé- 
vouement au  roi  et  à  la  France,  ils 
refusèrent  de  déposer   leur  héritage 
entie  les  mains  de  M.  de  Polignac, 
ambassadeur  à  Londres,  qui  était  ac- 
couru à  Paris  pour  le  recueillir.  Cet 
homme  d'État  avait  long-temps  vécu 
dans  l'intimité  de  Charles  X  ;  depuis 
long-temps  une  place  lui  était  réser 
vée  dans  les  conseils  de  la  couronne; 
c'est  assez  dire  (lu'il    appartenait  au 
parti    royaliste   le   plus    avancé ,  qui 
avait  peu  de  chances  de  succès  après 
les  dernières  élections.  Il  fallait  ou  dis- 
soudre cette   Chambre    avant  sa  ré- 
union, ou  subir  la  loi  de  l'ancienne 
minorité.  Cependant  il    fut  question 
un  instant  d'un  ministère  mixte,  dont 
les  membres  auraient  été  choisis  dans 
les  opinions  différentes  et  même  dans 
les    partis    contraires.  Ce  projet   ne 
pouvait  résister  à  un    long   examen. 
Le  roi  consentit   à  un   sacrifice  mo- 
mentané aux  idées  libérales  ,  et  le  4 
janvier  1828,  le  Monitmr  Ht  connaî- 
tre les  membres  du  nouveau  cabinet 


MAR 

dont  le  chef  était  Martignac,  ministre 
de  l'intérieur,  et,  par  intérim,  grand- 
maître  de  l'université.  Sans  avoir  le  ti- 
tre de  pi-ésident  du  conseil,  il  impri- 
ma à  l'administration  sa  direction  po- 
litique, et,  la  personnifiant  par  ses 
actes  et  par  son  talent,  il  lui  laissa  son 
nom.  Charles  X  ne  put  dissimuler  que 
les  circonstances  seules  lui  avaient  ar- 
raché cette  concession.  Tous  ses  re- 
grets étaient  pour  ses  anciens  minis- 
tres ,    et   voici    en   quels    termes    il 
accueillit  ceux  qu'il  avait  appelés  a 
leur  succéder  :  «  Vous  savez ,  Mes- 
«  sieurs,  que  je  ne  me  suis  pas  volon- 
B  tairement  séparé  de  M.  de  Villèle  ; 
1'  son  système  est  le  mien ,  et  j'espère 
«  que  vous  vous  f  conformerez  de 
«  voti'c  mieux.  «  Dès   les   premières 
séances  du  conseil ,   Charles   X   re- 
poussa  tout    projet  de   réforme,  cl 
lorsque  Martignac,  dont  il  prisait  peu 
le  talent,  lui  exposait  quelque  théorie 
nouvelle,  je  ne  comprends  pas,  disait- 
il  avec  un  sourire  ironique.  S'agissait- 
il  de  destituer  ou  même  de  changer 
quelque  préfet  suspect  d'intrigue  élcc- 
toiale,  il  opposait  des  délais,  il  avait 
des  notes  à   consulter.  Entravé   par 
cette  résistance,  le  ministère  dut  s  ar- 
rêter à  des  mesures  partielles  qui  ne 
purent  ni  lui  dotmer  de  la  force,  ni 
satisfaire  l'opposition.  De   là  un    ti- 
raillement funeste  dans  les    rouage,'- 
<le  l'administration  ;  de  là,  pour  Mar- 
tignac, une  position  fausse,  embar- 
rassée, qui  mit  à  nu  son  insuffisance, 
et  dont   il  essaya    vainement  do   si- 
tirer  par   de    vagues    phrases   et  de 
dangereuses  concessions    à  tous  les 
partis,  mais  particulièrement  à  l'op- 
position libérale,   qui,  plus   passion- 
née,  plus  audacieuse,  l'intimidait  cl 
1(!  <lominait  dans  les  discussions   les 
plus  importantes.  1-a  retraite  du  pré- 
fet de  police,  1^.  Delavau,  la   desti- 
tution de  quelques  préfets  de  dé\m- 


MAft 

tements,    une    teinte  de  libéralisme 
donnée  imprudemment   au  discours 
du  trône,  le  choix  de  M.  Royer-Col- 
lard  pour  la  présidence  de  la  Cham- 
bre, tels  furent   les  premier*  symp- 
tômes de  la    faiblesse   ministérielle. 
Une  loi  destinée  à  prévenir  l^s  fiau- 
des  électorales,  dont  la  presse  libé- 
rale   se    plaignait    amèrement,    fut 
pré«entée  au  commencenaent   de  la 
session,  et  accueillie    par  la  Cham- 
bre, avec  d'autant  plut  d'empresse- 
ment que  son  vote  semblait  condam- 
ner la  précédente  administration.Tou- 
tefois    le    projet  ne  fut  pas  adopté 
sans  soulever  de  la  part  de  la  dioite, 
des    cris  d'eflProi  contre  de  nouvelles 
mesures,  qui,    livrant  aux  tribunaux 
et  à  la  publicité  les  actes  de  l'autorité 
et  de  ses  mandataires,  avilissaient  la 
royauté  et  ouvraient  toutes  les  portes 
à  l'anarchie.  A   la  Chambre  haute , 
Martignac  se  trouva  en  face  de  M.  de 
"Villèle  lui-même,  appuyé  des  soixante- 
seize  pairs  qu'il  avait  créés   avant  de 
quitter  le  pouvoir.  Par  son  adresse  et 
sa  facilité  à  déplacer,  à  généraliser  les 
questions,  il  sortit  vainqueur  d'une 
lutte  au  milieu  de  laquelle  il  n'avait 
pas    craint     de     déclarer    qu'il    n'y 
avait  de  salut  pour  lui  qu'eu  se  sépa- 
rant  à  jamais    de   lancien   svstéme. 
L'opposition  royaliste,  réduite  à  dé- 
fendre des  amendements  ,  fut  encore 
battue  sur  ce  terrain.   Les   libéraux 
triomphèrent  avec  le  ministère  ;  mais, 
après  le  succès,  ils  ne  lui  laissèrent  pas 
même  un  instant  de  repos  :  qu'il   ne 
s'abtise    pas ,    disaient-ils  ,   s'il  a  déjà 
fait  quelqtie  chQ;se  ,    il   lui    reste  da- 
vantage à  faire.  Benjamin  Constant 
l'accusait  hautement  à  la  tiibune  d'in- 
décision et  de  faiblesse,  et  le  garde- 
des-sceaux,  M.  Portalis,  se  crut  obli- 
gé d'y  répondre  par  une  nouvelle  lé- 
gislation sur  la  presse  périodique,  qui 
supprima  le  monopole   des  journaux 


!ifAB 


231 


et    les   procès  de    tendance,    ceux-là 
même  dont  Martignac  avait  fait,  en 
1822,    ime  complète    apologie.    Cet 
adoucissement  apporté    à  la    loi   de 
justice  et  «famour  parutsatisfaire  pour 
quelque  temps  l'opinion  publique  ,  et 
quand ,  après  la  session ,  le  ministre 
de  l  intérieur  accompagna  le  roi  dans 
sa  visite  des  provinces  de  l'Est,  il  eut 
sa   part  dans  les  témoignages   de  la 
i-ecoimaissance  populaire.  Mais  dans 
l'esprit  du  prince,   ce  voyage  ne  fut 
pas  favorable  au  ministère;  l'afltection 
dont  il  s'était  vu   entouré  au  milieu 
des  villes  les  plus  libérales .  l'enthoti- 
siasmc    qu'excitait    partout   sa    pré- 
sence  lui    donnèrent    un   sentiment 
exagéré  de  sa  force  et  du  dévouement 
de  la  nation  à  sa  dvnastie.  Tous  »e$ 
efforts  tendirent  dès  ce  moment  à  se 
débarrasser  de  conseillers  importons 
qui  n'étaient  à  ses  veux  que  les  minis- 
tres dociles  et  aveugles  des  ennemis 
de  sa  couronne.   Pour    mettre  fin   a 
celte  lutte    intestine   envenimée   par 
des  confidents  intimes,  membres  de  la 
fatnille  royale  ou  famihers  du  palais , 
plusieurs   fois    déjà   les  ministres  a- 
vaient  offert  leur  démission,  et  c'est 
à  ce  moyen  extrême  qu'il  leur  fallut 
recourir,  pour  écarter  du  conseil  le 
prince  de  Polignac.  Le  i-oi  l'avait  rap- 
pelé de  Londres  pour  remplacer  aux 
affaires  étrangères  le  comte  de  la  Fer- 
ronnays  dont  la  santé  était  morteQe- 
ment    atteinte.   Mais    la    session    de 
1829  venait  de  s'ouvrir,  le  ministère 
pouvait  encore  être  utile  dans  la  dis- 
cussion du   budget;  cette   considéra- 
tion arrêta  Charles  X ,  et  M.  de  Poli- 
gnac   retourna   en   Angleterre,  d'où 
l'on  peut  croire  qu'il  n'épargna  pas 
les  conseils  contre  ses  rivaux.  Leur 
retraite  était  imminente.  Aux  yeux  de 
la  Chambre  et  de  tous  les  partis ,  ils 
étaient  sans  force,  sans  autorité,  dou- 
blement  compromis  par   leurs   dis- 


232 


MAR 


sentiments  avec  le  roi.  L'opposition 
les  avait  acceptés  comme  des  instru- 
ments de  transition  ;  et  alors  qu'elle 
connaissait  leur  impuissance,  elle  leur 
retirait  sa  protection.  Martignac  arra- 
cha au  roi  un  dernier  sacrifice  pour 
rallier  son    ancienne    majorité ,    et, 
avant  la  demande  du  budget,  il  vint 
présenter,  sur  l'organisation  départe- 
mentale,   un  projet  de  loi  que  l'his- 
toire  lui   icprochera  toujours  en  le 
comparant  à  ses  antécédents  politi- 
ques, et  qui  ne  tendait  à  rien  moins 
qu'à  dépouiller  la  royauté  de    toute 
influence   locale.  Il  s'agissait  d'intro- 
duire le  principe  de    l'élection  dans 
l'administration  communale,  dans  la 
nomination  des  conseils  d'arrondisse- 
ment et  de  département.  Dans   l'ex- 
posé des  motifs ,  le   ministre   donna 
une  nouvelle  preuve  de  sa  dextérité 
habituelle   :    ses    dernières    paroles, 
s'adressant  à  la  fois   aux  deux  op- 
positions, flattaient  les  principes  de 
la  gauche,  et  rassuraient  les  royalistes 
sur  la  portée  politique  et  libérale  d'une 
loi  qui  touchait  aux  bases  mêmes  de 
la  constitution  pour   les  élargir,  qui 
désarmait   et    affaiblissait  le  pouvoir' 
au  moment   où    plus   que   jamais   il 
avait  besoin   de  force  et  d'énergie. 
"  Il  existe ,  dit-il,  dans  les  rangs  de 
"   la  société  un   vif  intérêt   pour  les 
'<  affaires  du  pays,   et  une  sorte  de 
«  besoin  d'y  prendre   part...   iN'êtrs- 
«  vous  pas  occupés   de  cette    foule 
"  dhommes  instruits,   laborieux,  ac- 
<•  tifs ,   que  la  publicité  avertit  et  ré- 
"  veille,  que   leur   position  sociale, 
«  que  le  sentiment  de  leur  capacité  et 
'•  l'exemple   de  tant  d'élévations  tout 
«  aussi    imprévues   que    le    serait  la 
»  leur,  poussent  vers  les  affaire»  pu- 
«  bliques  par  tant  de  chemins  diffé- 
«  lents.  Ouvrez-leur  })rè8  d'eux  une 
«  carrière  nouvelle.  I^eur  commune , 
«  leur  département,  out  aussi  des  in- 


MAR 

«  téréts  à  sui'veiller  et  à  défendre 

«  Ils  sont  jaloux   d'obtenir   d'hono- 
«  rables  suffrages,    ils  veulent  être 
«  chargés  du  soin  de  veiller  au  bon- 
u  heur  de  leurs  concitoyens.  Donnez- 
»  leur  le  moyen  de  satisfaire  chez  eux 
»  cette  noble  ambition ,  etc..  »  Mal- 
gré les  éloges  accordés  au  projet  mi- 
nistériel   par  les  deux  rapporteurs , 
M.  Dupin  aîné  et  le  général  Sébastia- 
ni ,  il  avait  été  amendé  dans  ses  dis- 
positions les  plus  importantes  par  une 
commission  sortie  de   la  majorité  de 
la  Chambre.  Les  changements  por- 
taient   principalement  sur  la  loi  dé- 
partementale ,  et  le  ministère  ne  dé- 
sirant   pas  engager  d'abord  la  lutte 
sur  ce  terrain  ,  voulait  en  remettre  la 
discussion  après  le  vote  de  la  loi  com- 
munale. Cette  priorité  était  logique  , 
rationnelle  ;  c'était  commencer  par  la 
base.  Mais   les  libéraux  eraiguaient 
qu'après  ce    succès,  le  ministère  ne 
retirât  le  premier  projet,  et  l'opposi- 
tion de  droite,  également  hostile  aux 
deux  lois,  s'unit  à  eux  pour  l'attacjuc. 
On  vit  alors  se  renouveler  cette  coa- 
lition de  deux  partis  qui  ne  mettaient 
en  commun  que  leur  haine,  leur  am- 
bition, et  devant  laquelle  avait    suc- 
combé M.  de  Villèle.  Elle  ne  fut  pas 
moins  funeste  à  Martignac ,  dont  l'in- 
sistance semblait  confirmer  les  soup- 
çons de  la   gauche.  Il  dut  se  résigner 
à  combattre  pied  à  pied  les  amende- 
ments sur  la  loi  départementale  ;  son 
habileté   impuissante  fut  obligée  de 
se  reti-ancher  derrière  la  volonté  du 
roi,  décidé  à  ne  pas  faire  un  pas  de 
plus.  C'était  révéler   sa   faiblesse  eu 
découvrant  la  couronne  ;  et  ces  paro- 
les qtii  lui  échappèrent  dans  la  elis- 
cussion   :  Nous,    ministrei   paasagers 
d'une   royauté  permanente  .  laissaient 
percer  le  pressentiment  d'une  chute 
prochaine.  Le  combat  fut  décisif  sur 
un   amendement  de    la   commission 


MAR 

qui  supprimait  les  conseils  d'arron- 
dissement; de  là  dépendait  tout  le 
sort  de  la  loi  ;  malgré  les  efForts  de 
Martignac,  il  ftit  adopté  à  une  secon- 
ile  épreuve.  On  vit  alors  ce  ministre 
et  M.  Portalis  se  consulter  un  instant 
et  se  diriger  vers  les  Tuileries  pour 
prendre  les  ordres  du  roi,  qui,  com- 
prenant combien  ce  vote  servait  ses 
gérances ,  ne  put  leur  cacher  sa  vi- 
'  satisfaction.  «  Eh  bien!  leur  dit-il, 
voilà  comme  on  reçoit  mes  bien- 
••  faits  !  vous  voyez  où  l'on  veut  m'en- 

•  traîner,  où  vous  avez  été  entraînés 
"  vous-mêmes    par  un   système    de 

•  concessions.  J'ai  vingt  fois  souri  de 
«  votre  confiance  dans  cette  Chambre. 
«  On  n'en  obtiendra  rien  que  par  la 
»  vigueur.  Retournez  lui  annoncer 
«  que  je  retire  mes  lois.  »  Et  au  bout 
d'une  demi-heure  Martignac  donna 
lecture  d'une  ordonnance  royale ,  en 
vertu  de  laquelle  les  deux  projets 
de  lois  étaient  retii"és.  Ce  coup  d  E- 
tat,  cet  outrage  fait  au  parlement 
par  le  ministère,  fut  son  arrêt  de 
mort.  Le  budget  passa  à  une  faible 
majorité.  C'était  là ,  nous  l'avons  dit , 
le  dernier  service  que  le  roi  attendait 
de  ses  conseillers.  Rassuré  pour  un  an 
sur  les  besoins  du  trésor ,  et  certain 
du  succès,  il  reprit  envers  eux  cette 
franchise  de  manières ,  ces  habitudes 
de  bonté  qui  lui  étaient  naturelles,  et 
qui  trompèrent  quelque  temps  Mar- 
tignac. Ce  ministre  espérait  encore 
ramener  l'esprit  du  monarque,  et  re- 
conquérir sa  confiance,  quand,  le  27 
juillet  1829  ,  M.  de  Polignac  arriva  à 
Paris.  Plus  de  doutes  alors,  plus.d'il- 
lusions  ;  le  roi  n'avait  pas  reculé  de- 
vant l'opinion  publique  ,  qui  désap- 
prouvait hautement  un  pareil  choix, 
et,  le  8  août,  parurent  dans  le  Moni- 
teur les  ordonnances  qui  nommaient 
M.  de  Polignac  aux  affaires  étran- 
gères, et  Iiabourdonnaye  à  l'intérieur. 


MâR 


233 


Ceministère marcha  rapidement  à  une 
révolution,  par  un  svstème  opposé 
mais  analogue  à  celui  de  Martignac. 
Il  prenait  un  pouvoir  encore  plus  af- 
faibli qu'en  1828  par  une  politique 
de  concessions.  Poiu*  lui  rendre  sa 
force,  il  fallait  une  main  ferme  et  ha- 
bile, et  les  deux  derniers  ministères 
de  la  restauration  ne  se  signalèrent 
que  par  leur  faiblesse  ou  une  énei-gie 
intempestive.  C'est  à  Martignac  lui- 
même  que  nous  renvoyons  pour  l'ap- 
préciation de  ses  actes  et  de  sa  con  • 
duite ,  et  nous  acceptons  sans  restric- 
tion le  jugement  qu'il  a  porté  sur  le 
cabinet  dont  il  était  le  chef,  lorsque, 
le  22  septembre  1830  ,  deux  mois 
après  la  révolution,  il  vint,  devant  la 
chambre  des  Députés,  défendre  la 
lois  des  comptes  de  1828.  «  ISous 
»  étions,  dit-il,  des  hommes  de  bonne 

•  foi ,  marchant  à  découvert  dans  une 
«  voie    honorable,  et    a   qui ,  si  on 

•  peut  disputer  le  titie  de  ministres 
"  habiles,  on  ne  peut,  sans  injustice, 
«  refuser  celui  d'honnêtes  gens.  » 
C'est  de  ce  ton  a  la  fois  noble  et  mo- 
deste qu'il  repoussait  les  reproches 
qu'on  lui  adressait  alors  sur  l'emploi 
des  fonds  consacrés  aux  gens  de  let- 
tres malheureux.  Tout  absorbé  qu'il 
était  par  les  plus  hautes  questions  de 
la  politique,  couvrant  ses  collègues 
de  sa  responsabilité ,  il  s'occupait 
avec  activité  d  une  des  plus  belles  at- 
tiibutions  de  son  département  :  tou- 
tes les  infortunes  littéraires  trouvaient 
auprès  de  lui  des  secours,  distribués 
avec  une  grâce  et  un  empressement 
qui  ménageaient  l'amour-propre.  Un 
jour,  dans  un  salon,  on  parlait  en  sa 
présence  de  la  misère  d  un  homme 
de  lettre»  dont  nous  devons  taire  le 
nom  ;  le  lendemain  le  ministre  lui 
écrivit,  dans  les  termes  les  plus  bien- 
veillants ,  qu'il  venait  de  l'inscrire 
sur  le  livre  des  pensions,  et  qu'en  at- 


234 


MAR 


MAR 


tendant  il  mettait  sa  bourse  à  son  ser- 
vice. Se  rappelant  que  dans  sa  jeunesse 
il  avait  débuté  par  des  vaudevilles,  il 
relisait  lui-même  les  œuvres  dramati- 
ques soumises  à  la  censure,  et  quelques 
comédies  spirituelles  arrêtées  depuis 
long-temps  :  la  Manie  des  places  ; 
Avaiit^  pendant  et  après,  etc.,  passè- 
rent, grâce  à  une  facilité  qui  lui  fut 
souvent  reprochée,  quoique  bien  na- 
turelle chez  un  ministre  homme  d'es- 
prit. Rendu  à  la  vie  privée,  il  fut  de 
nouveau  renvoyé  à  la  Chambre  par 
les  élections  de  1830.  Il  garda  géné- 
reusement le  silence,  sans  faire  en- 
tendre la  moindre  parole  d'opposition, 
contre  des  hommes  qui  l'avaient  ren- 
versé, et  voici  la  seule  vengeance  qu'il 
tira  de  ses  ennemis  politiques,  la  pre- 
mière fois  qu'il  monta  à  la  tribune, 
après  "les  événements  de  1830  :  «  Au 
«  mois'  d'août  1829  ,  M.  de  Poli- 
"  gnac  est  venu  détruire  le  ministère 
"  dont  je  faisais  partie.  Séparé  de  lui 
n  par  un  dissentiment  politique, 
'  blessé  du  langage  des  écrivains  qui 
'.  paraissaient  être  l'organe  de  ses  opi- 
«  nions,  je  n'ai  eu,  depuis  cette  épo- 
«  que,  aucune  espèce  de  rapport  ni 
■'  de  communication  avec  lui.  Au 
•<  moment  où  il  va  être  frappé  par 
'<  une  accusation  capitale,  M.  de  Po- 
'<  lignac  s'est  ressouvenu  de  moi,  il  a 
"  eu  la  pensée  de  m'appeler  à  le  dé- 
«  fendre.  Hier  il  a  fait  réclamer  mon 

'  secours J'ai  été  ému,  autant  que 

"  surpris,  des  témoignages  d'une  con- 
"  fiance  à  laquelle  je  ne  m'attendais 
"  pas.  Toutefois,  je  ne  puis  voir  que 
"  le  danger  et  les  alarmes;  j'ai  con- 
"  suite  mon  cœur,  et  j'ai  reconnu  que 
«  le  refus  ne  m'était  pas  permis.  » 
Ces  paroles  nous  disent  que  si ,  dans 
sa  vie  politique,  dans  sa  carrière  d'o- 
rateur, Martignac  eut  des  jours  i\c 
triomphe,  aucun  n'attacha  à  son  nom 
un  plus  beau  souvenir  que  celui,  où 


par  un  chef-d'œuvre  d'éloquence  il 
contribua  à  sauver  un  rival,  devenu 
son  client.  Déjà  sa  santé  était  sérieuse- 
ment ébranlée.  Au  milieu  du  procès, 
ses  forces  épuisées  lui  laissaient  à 
peine  l'espérance  d'arriver  à  la  fin  de 
sa  tâche,  et  pour  toute  grâce,  on  l'en- 
tendit demander  à  Dieu  et  à  l'art  six 
heures  de  vie.  Sa  prière  fut  exau- 
cée, mais  cette  défense  l'avait  tué.  Il 
languit  encore  quelque  temps,  trop 
faible  pour  suivre  les  discussions 
de  la  Chambre.  Il  y  reparut  le  15 
novembre  1831  ,  pour  prononcer 
son  dernier  discours  ,  qui  est  res- 
té dans  la  mémoire  de  tous  ceux 
qui  l'ont  entendu,  comme  un  modèle 
de  la  plus  touchante  éloquence.  Un 
de  ses  collègues  demandait  une  loi 
de  proscription  contre  la  famille  de 
Charles  X.  Fidèle  à  son  rôle  de  dé- 
vouement et  de  générosité,  l'ancien 
ministre  de  la  restauration  consacra 
ce  qui  lui  restait  de  force  et  de  vie, 
à  défendre  ce  malheureux  prince.  Sa 
faiblesse,  et  le  pressentiment  d'une 
mort  prochaine,  donnaient  à  son 
talent  et  ■  à  son  organe  un  accent 
de  tristesse,  qui  ajoutait  encore  à 
l'émotion  de  la  Chambre.  «  Je  n'ai 
'«  pas  voulu,  dit-il  en  finissant,  par- 
«  1er  aux  passions,  ni  aui  partis  ; 
«  c'est  une  langue  que  je  voudrais 
"  oublier,  si  je  l'avais  jamais  apprise. 
"  Témoin  des  luttes  intestines,  des 
«  scènes  violentes,  qui  déchiient  de- 
»  puis  si  long-temps  mon  pays,  et 
»  fondent  des  camps  ennemis  sur  une 
K  terre  commune,  j'appelle  de  tous 
1'  mes  vœux  le  ternie  de  ces  disscn- 
"  sions  funestes.  Je  n'espère  pas  que 
«  ma  voix  affaiblie  se  fasse  entendre 
u  souvent  au  milieu  du  bruit  des  ora- 
..  ges,  mais  je  veux  être  absous  par 
>'  ma  conscience  du  mal  que  je  n'au- 
"  rais  pu  cmj>êcher.  »  Feu  de  mois 
après,  à  cette  tribune,  on  annonçait 


1M9 

ia  mort  de  Martignac  (3  avril  1832  ). 
Ce  fut  une  douleur  profonde  dans 
toute  la  Cbanabre,  pour  tous  ceux  qui 
l'avaient  connu,  soit  comme  homme 
d'État,  soit  comme  simple  particulier. 
Il  ne  lui  restait  plus  d'ennemis  poli- 
tiques; jamais  il  n'avait  soulevé  contre 
lui  de  hamcs  privées.  On  vit  à  ses 
obsèques  les  leprésentants  les  plus 
distingués  de  tous  les  partis,  et  son 
éloge  fut  prononcé  sur  sa  tombe  par 
un  ministre  du  nouveau  gouverne- 
ment, M.  de  Salvandy.  Un  monu- 
ment lui  fut  élevé  par  souscription, 
sur  une  place  de  la  commune  de  Mi- 
ramont  (  arrondissement  de  Mar- 
mande).  Martigiiac  était  mort  sans 
enfants  ;  il  laissait  à  son  neveu  son 
nom  et  le  titre  de  vicomte,  qu'il  avait 
reçu  du  roi  Charles  X,  en  1826.  Dans 
les  derniers  jours  de  sa  vie,  il  tra- 
vaillait à  un  Essai  historique  sur  la 
révolution  d'Espagne  ^  et  sur  l'inter- 
vention de  1823.  La  mort  le  surprit, 
avant  qu'il  eut  pu  y  mettie  la  der- 
nière main.  Cet  ouvrage  parut  en 
1832 ,  3  vol.  in-8°.  Il  eut  peu  de  suc- 
cès. On  a  encore  de  Martignac  :  1. 
Ésope  chez  Xanthus,  comédie-vaude- 
ville en  nn  acte  ,  Paris,  1801 ,  in-8''. 
II.  Bordeaux  au  mois  de  mars  1813, 
ou  Notice  sur  les  événements  qui  ont 
prfcédé  le  départ  de  S.  A.  R.  Madame 
la  duchesse  d'Angoulême,  avec  des 
notes  du  général  Clauzel,  Paris,  1830. 
in-8°.  III.  Défense  et  réplique  pour 
M.  le  prince  Jules  de  Polignac,  ancien 
président  du  conseil  des  ministres , 
prononcées  devant  la  Cour  des  Pairs, 
1830,  1831,  in^».  IV.  Ze  Couvent  de 
Sainte-Mai-ie-aux-Bois,  épisode  ;  pré- 
cédé d'une  Notice  sur  la  guerre  d'Es- 
pagne en  1823,  Paris,  1831,  1832, 
in- 12.  R— K. 

MARTIGUES  (  Sébastœ:.  oe 
LrxEMBovBG,  vicomte  de),  surnommé 
le   chevalier  sans  peur,    se  distingua 


MAR 


23S 


par  sa  bravoure  sous  les  règnes  de 
Henri  II,  François  II,  et  Charles  IX. 
En  1-552,  il  se  jeta,  avec  l'élite  de  la 
noblesse ,  dans  Metz  ,  assiégé  par 
Charles-Quint  en  personne  à  la  tête 
de  cent  mille  hommes.  L'année  sui- 
vante il  se  trouva  an  siège  de  Té- 
rouanne,  et,  à  peine  échappé  au  désas- 
tre de  cette  ville,  il  courut  s'enfermer 
dans  Hesdin,  place  qui,  prise  et  re- 
prise l'année  précédente  ,  n'avait  élé 
que  faiblement  réparée,  il  survécut 
à  la  prise  de  cette  ville,  et,  en  loo8, 
il  aida  le  duc  de  Guise  à  reprendre 
Calais  et  à  assiéger  Gnines.  En  1560. 
il  était  en  Ecosse  et  y  commandait 
mille  hommes  d'armes  conduits  au 
secours  de  la  reine  Marie  Stuart  par 
Jacques  de  Labrousse  (i'o>.  ce  nom, 
I.XIX  ,  244).  Les  Français,  hors  d'étal 
de  tenir  tête  aux  forces  bieu  supérieu- 
res des  Anglais,  se  replièrent  surLeith. 
à  une  lieue  d'Edimbourg  ;  ils  y  furent 
assiégés  par  terre  et  par  mer  par  le« 
Anglais  et  les  Écossais  du  parti  d'Eli- 
sabeth. Lorsque  toutes  les  munitions 
furent  épuisées ,  les  vivres  consom- 
més et  qu'il  n'y  eut  plus  aucun  esj)oir 
d'être  secouru ,  on  capitula.  A  son 
retour  en  France  et  en  récompense 
de  sa  bravoure  au  siège  de  Rouen  . 
en  1562,  Martigues  fut  nommé  co- 
lonel-génAal  de  l'infanterie,  charge 
dans  laquelle  il  remplaça  le  comte  de 
Rendon.  Il  contribua  beaucoup,  dans 
la  même  année ,  au  succès  de  la  ba- 
taille de  Dreux.  Ce  fut  lui  qui ,  à  la 
tête  d'un  corps  formé  de  vieux  sol- 
dats, contraignit  l'amiral  de  Coligny  à 
se  retirer  après  avoir  essuyé  de  grandes 
pertes.  En  1565,  il  succéda  à  son  on- 
cle ,  le  duc  d'Étampes,  dans  la  charge 
de  gouverneur  de  Bretagne.  Zélé  ca- 
tholique et  soldat  plutôt  qu'homme 
d'état,  Martigues  était  peu  propre  à 
remplacer  le  duc  qui,  par  sa  modé- 
ration ,  son  esprit  conciliant ,   avait 


236 


MAR 


prévenu  bien  des  malheurs.  Marli- 
gues,  au  contraire,  en  avait  provo- 
qué. N'étant  que  lieutenant-général 
de  son  oncle  en  1562 ,  il  Toulut 
faire  périr  un  gentilhomme  normand, 
nommé  La  Poupelière,  fait  piison- 
nier  au  siège  de  Vire,  et  qui,  sans  l'in- 
tervention du  duc  d'Étampes,  eût 
été  tué.  Martigues  viola  aussi,  dit-on, 
des  filles  en  cette  occasion ,  et  étran- 
gla avec  une  jarretière  un  prisonnier 
calviniste ,  parce  qu'il  ne  voulait  pas 
se  confesser.  Toutefois,  ces  accusations, 
émanées  d'écrivains  protestants ,  ne 
doivent  être  accueillies  qu'avec  une 
exti-ême  défiance.  Elles  contrastent 
trop  d'ailleurs  avec  la  loyauté  cheva- 
leresque de  celui  qui  obtint  deux  fois, 
du  duc  de  Montpensier,  la  vie  de  La- 
noue,  fait  prisonnier  aux  batailles  de 
.larnac  et  de  Montcontour.  A  peine 
Martigues  eut-il  pris  possession  de  son 
gouvernement  (2  juin  1365),  qu'il  se 
ligua  secrètement  avec  plusieurs 
grands  du  royaume  contre  le  conné- 
table de  Montmorency  et  les  Coligny 
ses  neveux.  Cette  ligue  ayant  été  dé- 
couverte par  une  lettre  interceptée  du 
duc  d'Aumale ,  Catherine  de  Médicis, 
alors  plus  prudente  ou  plus  dissimu- 
lée qu'elle  ne  le  fut  depuis  ,  sentit 
toutes  les  conséquences  qui  pourraient 
résulter  d'une  association  si  contiaire 
à  l'autorité  du  Roi ,  et  s'éleva ,  en 
plein  conseil,  contre  la  témérité  de  ceux 
qui  avaient  osé  s'y  engager.  Les  choses 
en  restèrent  là,  parce  que  le  Roi  obli- 
gea tous  les  grands  à  promettre  par 
serment  de  ne  jamais  prendre  les  ar- 
mes que  par  son  commandement  ex- 
près. La  Reine-mère  lui  écrivit  en 
même  temps  pour  tempérer  son  zèle 
prématuré,  et  l'exhorter  à  imiter  la 
conduite  du  duc  d'Ktampes,  afin,  lui 
disait-elle ,  «  que  vous  soyez  autant 
estimé  et  aimé  de  tout  le  monde  com- 
nje  il  était.  »  Elle   l'engageait  ensuite 


MAR 

à  ne  rien  négliger  pour  faire  ob- 
server tous  les  édits  du  Roi,  et  de 
«  faire  vivre  un  chacun  sous  la  li- 
berté d'iceux.  »  C'était  sans  doute  une 
allusion  aux  mesures  rigoureuses  que 
Martigues  avait  adoptées  dès  son  en- 
trée en  fonctions.  En  effet ,  loin  de 
modifier,  dans  l'application,  la  sévérité 
des  édits  rendus  contre  les  calvinis- 
tes, il  avait ,  à  la  sollicitation  de  la 
ville  de  Nantes  qui  se  plaignait  de 
leurs  empiétements,  rendu,  le  26  juin 
1565 ,  une  ordonnance  qui  leur  dé- 
fendait de  tenir  aucune  école  publique, 
de  faire  aucun  acte  ostensible  de  leur 
religion,  aucun  baptême,  aucun  en- 
terrement, etc.,  sous  les  peines  por- 
tées par  les  édits  du  Roi.  Le  voyage 
de  Charles  IX  à  Nantes,  en  1565 ,  et 
la  tenue  des  États  dans  cette  ville  , 
l'année  suivante ,  retardèrent  l'explo- 
sion; mais,  au  mois  d'octobre  1567, 
les  calvinistes  n'ayant  pas  craint  d'é- 
tablir dans  la  ville  des  écoles  publi- 
ques, les  querelles  prirent  un  aspect 
effrayant.  La  commune,  pour  préve- 
nir les  dangers  dont  elle  était  mena- 
cée, équipa,  à  ses  frais,  cent  arque- 
busiers. Mais  rien  n'arrêta  les  calvi- 
nistes dans  leurs  projets  de  vengeance; 
ils  pénétrèrent  dans  les  couvents  des 
Coùets  dont  les  religieuses  furent 
obhgées  de  se  réfugier  à  Nantes  après 
avoir  essuyé  de  lâches  insultes.  L'ir- 
ritation allant  toujours  croissant,  on 
s'attendait  à  une  surprise  de  la  part 
des  calvinistes  ,  lorsqu'au  mois  de 
janvier  1568,  Martigues  quitta  Nantes 
pour  accompagner  le  duc  d'Anjou 
dans  son  expédition  con're  le  prince 
de  Condé,  terminée  le  2  mai  1568, 
par  la  paix  ou  plutôt  par  la  trêve  de 
I-ongjumeau.  Martigues  vint  alors  à 
Paris.  A  la  nouvelle  que  les  calvi- 
nistes, enhardis  par  la  rupture  du 
traité  de  paix ,  reprenaient  les  ar- 
mes et  menaçaient  scricuscmcnt  Nau- 


MAB 

tes,  il  prescrivit  de  ne  permettre 
l'entrée  dans  la  ville  à  aucun  reli- 
gionnaire  armé,  excepté  aux  gentils- 
hommes qui  n'auraient  que  la  dague, 
l'cpée ,  et  de  désarmer  tous  ceux  qui 
y  résidaient.  La  crainte  de  plus  en  plus 
imminente  d'un  siège  détermina  Mar- 
tigues  à  prescrire  aux  habitants  de  se 
pourvoir  eux-mêmes  de  vivres  pour 
trois  mois,  indépendamment  de  ceux 
qu'ils  auraient  à  fournir  à  la  garni- 
son. La  ville,  épuisée  par  les  dépenses 
qu'avaient  occasionnées  la  réception 
du  gouverneur  et  celle  du  Roi,  ne 
pouvait  exécuter  cet  ordre.  Marti- 
gues  ,  alors  occupé  à  parcourir  la 
province  pour  y  lever  des  troupes, 
écrivit  lettres  sur  lettres ,  menaçant 
le  maire  et  les  échevins  des  effets 
de  sa  colère ,  si  la  ville  n'était  pas 
sur-le-champ  approvisionnée  et  for- 
tifiée, malgré  l'impossibilité  où  ils 
étaient  de  le  faire.  ■•  Messieurs  ,  leur 
»  disait-il ,  tout  cela  ne  sont  que  des 
»  paroles  qui  n'approchent  quasi  point 
»  des  effets  ;  et ,  comme  j'ai  été  bien 
«  aveiti  que  vous  et  les  habitants  de 
»  votre  ville  ne  faites  que  peu  ou 
»  point  de  devoir  à  cela  (les  approvi- 
»  sionnements)  et  aux  fortifications , 
•  je  mande  à  messire  le  sénéchal  qu'il 
n  vous  y  contiaigne  tous,  voyre  par 
>»  emprisonnement  de  vos  personnes 
»  et  qu'il  se  prenne  premièrement 
»  aux  plus  grands ,  à  ce  que  les  autres 
«  y  prennent  exemple  ;  priant  notre 
«  Seigneur  qu'il  vous  donne ,  mes- 
»  sieurs  ,  ce  que  vous  désirez.  »  — 
Singulière  formule  qui  ,  dans  la  cir- 
constance, ressemblait  de  bien  près  à 
ime  moquerie,  surtout  si  on  la  rap- 
proche de  la  souscription  :  ■  Fotre 
fci«n  6on  ami,  Basties  de  Lcxembocbg.  » 
Les  choses  en  étaient  là  quand  la  re- 
prise des  hostilités  éloigna  Martigues 
de  Nantes,  dont  il  laissa  le  gouverne- 
ment à  Bouille ,  son  lieutenant-géné- 


MAR 


237 


rai.  Dandelot  et  les  principaux  chefs 
du  parti  calviniste ,  informés  que  le 
prince  de  Condé  et  l'amiral  de  Coli- 
gny  dont  la  Reine-mère  avait  tenté 
l'enlèvement,  s'étaient  réfugiés  à  la 
Rochelle,  se  déterminèrent  à  les  aller 
joindre.  Cette  entreprise  était  difficile, 
les  calvinistes  n'étant  maîtres  d'au- 
cun passage  sur  la  Loire.  Résolu  néan- 
moins à  l'exécuter ,  D^delot  donna 
rendez-vous  à  tous  les  détachements 
de  son  armée  à  Beaufort-en- Vallée, 
entre  Saïunur  et  Angers,  dans  l'espoir 
de  trouver  quelque  gué  à  la  Dague- 
nière  et  aux  Rosiers.  Martigues  reçut 
ordre  de  la  cour  d'empêcher  la  jonc- 
tion des  troupes  calvinistes  et  de  s'op- 
poser avec  le  duc  de  Montpensier  à 
ce  qu'elles  passassent  la  Loire.  Dande- 
lot, par  une  marche  forcée  et  secrète, 
trompa  sa  vigilance,  et  opéi"a  la  réu- 
nion des  différents  corps  de  son  armée. 
Martigues ,  apprenant  que  Dandelot 
était  sorti  de  Bretagne,  se  hâta  d'aller 
joindre  le  duc  de  Montpensier  qui 
était  à  Saumur.  Après  avoir  passé  l'Au- 
tliion  au  port  de  Sarges,  il  s'avançait 
avec  la  plus  grande  diligence,  lors- 
qu'il tomba  sur  les  quartiers  de  Dan- 
delot dont  il  se  croyait  éloigné.  Ce- 
lui-ci auquel  son  adversaire  avait,  de 
son  côté,  dérobé  sa  marche,  se  trouva 
surpris.  Quant  à  Martigues,  il  ne  pou- 
vait reculer  sans  danger,  obUgé  qu'il 
eût  été  de  repasser  l'Authion  en  pré- 
sence d'un  ennemi  supérieur  ;  aussi, 
bien  qu'il  n'eût  que  300  lances  et 
500  arquebusiers  à  opposer  aux  trou- 
pes de  Dandelot,  fortes  de  1000  che- 
vaux et  de  2000  arquebusiers,  jugea- 
t-il  préférable  de  prendre  l'initiative 
de  l'attaque.  Il  ne  pouvait  suivre 
d'autre  chemin  qu'une  levée  de  terre 
bordant  la  rivière  et  si  étroite  que 
dix  hommes  ou  six  chevaux  au  plus 
pouvaient  y  marcher  de  front.  Il 
forma  son  avant-gaide  de  300   ar- 


238  MâR 

quebusiers,  plaça  sa  cavalerie  au  cen- 
tre, l'infanterie  par  derrière;  et  cin- 
quante lances  sur  ses  flancs.  Ces  dis- 
positions prises,  il  harangua  ainsi  ses 
soldats  :  «  Mes  compagnons,  les  Hu- 
«  gnenots  sont  sur  notre  chemin.  H 
»  nous  faut  leur  passer  sur  le  rentre, 
»  ou  estre  perdus  ;  car  nous  ne  pou- 
■'  vons  nous  retirer;  que  donc  chas- 
»  cun  se  pr^are  de  combattre  avec 
»  les  bras,  et  marcher  gaillardement 
»  avec  les  jambes  pour  gaigner  Sau- 
»  mur:  il  n'y  a  que  huit  petites  heues, 
»  et  ne  pouvant  trouver  seureté  que 
«  nous  n'y  soyons  arrivés.  »  Tous  lui 
promirent  de  faire  leur  devoir  ,  et 
ils  tinrent  parole.  Il  chargea  avec  tant 
de  furie  ,  qu'il  renversa  tout  ce  qu'il 
,  rencontra  à  la  Daguenière  et  à  Saint- 
Mathurin.  Celte  première  charge  fut 
si  vive  que  Dandelot  faillit  être  pris. 
A.  la  nouvelle  de  ce  combat,  Lanoue 
détacha  200  arquebusiers  pour  aller 
au  secours  des  siens  ;  Martigues  ren- 
contra ce  renfort  aux  Rosiers,  lui  pas- 
sa sur  le  corps,  et  continua  sa  marche 
vers  Saumur  où  il  rejoignit  le  duc  de 
Montpensier,  dont  la  lenteur  rendit  ses 
succès  infructueux  et  donna  aux  cal- 
vinistes le  temps  de  passer  la  Loire. 
Le  duc  sedc'cida  alors  à  pénétrer  dans 
le  Poitou  pour  y  arrêter  les  progrès 
du  prince  de  Condé.  Mais  ce  prince, 
supérieur  en  forces,  le  poursuivit  à 
Chatellerault.  L'arrivée  du  duc  d'An- 
jou, avec  toutes  ses  forces  et  un  train 
d'artillerie  considérable  ,  rendit  la 
partie  plus  égale.  Ce  jeune  prince,  qui 
commandait  pour  la  première  fois, 
brûlait  d'envie  de  se  signaler  et  de 
combattre  avec  le  prince  de  Condé , 
lequel,  animé  de  la  même  ardeur, 
marcha  de  son  côté  vers  le  duc  d'An- 
jou. liCs  armées  ne  tardèrent  pas  à  se 
rencontrer  à  Pamprou,  bourgade  à 
cinq  lieues  de  Poitiers.  Après  quelques 
escarmouches  entre  les  deux  avaut- 


MAR 

gardes,  le  champ  de  bataille  resta  aux 
calvinistes.  Martigues ,  qui  comman- 
dait l'avant-garde  catholique,  craignait 
pour  le  lendemain  une  attaque  où  il 
ne  pouvait  manquer  d'être  défait. 
Cherchant  à  se  tirer  d'un  si  mauvais 
pas  ,  il  fit  battre  la  marche  suisse,  ce 
qui  persuada  à  l'ennemi  que  les  sol- 
dats de  cette  nation  étaient  dans  son 
camp;  il  fit  allumer  un  grand  nombre 
de  feux  et  décampa  au  milieu  de  la 
nuit  afin  d'aller  joindre  le  duc  d'An- 
jou, qui  était  à  Jaseneuil  avec  le  reste 
de  l'armée  catholique.  Le  prince  de 
Condé  s'aperçut  à  la  pointe  du  jour 
de  la  retraite  de  Martigues;  il  le  fit 
suivre  aussitôt,  mais  on  ne  put  l'at- 
teindre. Ce  stratagème  sauva  d'une 
perte  infaillible  l'avant-garde  de  l'ar- 
mée catholique  qui  n'aurait  jamais  pu 
résister  aux  forces  réunies  Ses  calvi- 
nistes s'élevant  à  dix-neuf  mille  hom- 
mes. Le  roi  ,  pour  récompenser  ce 
service  et  tous  ceux  que  Martigues 
avait  antérieurement  rendus ,  érigea 
en  sa  faveur ,  par  lettres  datées  du 
Plessis-les-Tours,  au  mois  de  sept. 
1569,  le  comté  de  Penthièvre  en  du- 
ché-pairie. Ce  comté,  qui  lui  apparte- 
nait du  chef  de  sa  mère,  était  le  plus 
ancien  du  duché  de  Bretagne  et  ser- 
vait autrefois  d'apanage  aux  fils  puî- 
nés des  ducs.  Martigues  était  à  la  ba- 
taille deMontcontour,  livrée  le  3  nov. 
1 569.  Il  enfonra  ,  à  deux  reprises, 
l'avant-garde  des  calvinistes  et  con- 
tribua ainsi  au  .succès  de  cette  jour- 
née. Le  20  du  même  mois,  se  trouvant 
au  siège  de  St-Jean-d'Angely ,  où  il 
s'était  déjà  distingué  dans  plusieurs 
attacjucs  à  la  tête  de  linfantcrie  fran- 
çaise qu'il  commandait,  il  reçut  à  ta 
tête  un  coup  d'arquebuse  dont  il 
mourut  le  même  jour.  Son  corps  fut 
inhumé  dans  l'église  des  Cordeliers 
de  Guingamp.  Martigues  descendait 
de  Gui  <le  Bretagne,   second  fils  <lu 


MAR 

duc  Arthur  II,  par  Jeanne  de  Blois, 
fille  de  ce  prince,  et  femme  de  Char- 
les de  Blois.  Il  avait  épousé  Marie  de 
Beaucaire,  fille  de  Jean  de  Puyguillon, 
sénéchal  de  Poitou,  morte  en  1613, 
qui  fiit  enterrée  auprès  de  lui.  P.  L — t. 
MARTIN  de  Vertou  (Sxist),  en 
Utin  Martinus  Vertavenns,  ainsi  nom- 
mé du  monastère  de  Vertou,  dont  il 
ftit  le  premier  abbé  et  le  fondateur, 
connu  anssi  sous  le  nom  de  Saint 
Martin  le  Seul  ,  naquit  en  527  , 
d'une  des  premières  familles  de  îîan- 
tes.  1 1  al  la  termi  ner  ses  études  à  Tours , 
et  se  trouvait  dans  cette  ville,  âgé  de 
32  ans,  lors  d'un  voyage  qu'y  fit  saint 
Félix,  évêque  de  liantes.  Ce  prélat, 
s'étant  assuré  de  la  vocation  reli- 
gieuse de  Martin,  accéda  à  sa  de- 
mande d'embrasser  l'état  ecclésiasti- 
que. Il  hii  conféra  les  ordres,  le  fit 
chanoine  et  archidiacre  de  son  église  ; 
et,  connaissant  son  talent  pour  la  pré- 
dication, le  chargea  de  travailler  à  la 
conversion  des  peuples  qui  habitaient 
les  environs  de  Nantes.  Les  obstacles 
que  sa  mission  évangélique  dut  éprou- 
ver, fournirent  aux  légendaires  l'his- 
toire de  la  submersion  d'une  pré- 
tendue ville  d'Herbauge,  résidence 
d'idolâtres.  Le  récit  de  cette  catas- 
trophe est  calqué  siu-  celui  de  la  des- 
truction de  Sodome,  au  point  que  le 
nom  de  la  cité  de  Sichor  ou  de  Ségor, 
voisine  de  Gomorrhe  et  de  Sodome, 
se  trouve  appHqué,  dans  la  légende, 
à  nn  lieu  situé  près  d'Herbauge,  et 
qui  est  actuellement  le  bourg  de 
Raisé.  Mais  nous  laissons  ces  détails 
fabuleux  ,  reproduits  par  Albert-Ie- 
Grand,  et  victorieusement  réfutés, 
par  D.  Lobineau,  dans  sa  Notice  sur 
saint  Martin.  Selon  quelques  légen- 
daires, Martin  de  Vertou  fit  ensuite 
un  pèlerinage  à  Rome,  mais  peut-être 
l'a-t-on  confondu  avec  de  saints  per- 
sonnages du  même  nom. — L'un  d'eux. 


MAR 


239 


grand  voyageur,  fonda  le  monastère 
de  Dûmes,  près  de  Brague,en  Portu- 
gal.—  Un  autre  habita  le  Mont-Cas- 
sin,  avant  saint  Benoît,  le  lui  céda, 
et  se  retira  dans  une  grotte  du  mont 
Marsique. — Un  troisième  enfin,  disci- 
ple de  saint  Martin  de  Tours,  et  dont 
Grégoire  de  Tours  parle  dans  sa 
Gloire  des  Confesseurs,  fonda  un  mo- 
nastère à  Saintes.  Il  est  viaisemblable 
que  les  auteiu^  des  actes  de  saint 
Martin  de  Vertou,  qui  n'ont  écrit  qu'a- 
près l'invasion  des  JNormands,  et  qui 
n'indiquent  pas  des  sources  antérieures 
à  cette  invasion,  ont  pris  indistinc- 
tement dans  les  actes  des  divers  saints 
du  même  nom,  et  surtout  dans  ceux 
de  Martin  de  Dûmes,  ce  qu'ils  ont 
jugé  de  plus  propre  à  glorifier  leur 
saint.  Une  certaine  conformité  entre 
le  nom  du  lieu  où  Martin,  le  voya- 
geur, fonda  son  monastère,  et  celui 
que  choisit  Martin  de  Vertou,  n'a  pas 
peu  contribué  à  cette  confusion;  nul 
doute  en  effet,  que  le  Dûmes  de  Poi  - 
tugal  aura  semblé  le  même  Ueu  que 
la  forêt  de  Dumen,  qui,  du  temps 
de  saint  Martin ,  se  trouvait  près  de 
Nantes,  et  dont  Vertou  faisait  partie. 
Après  avoir  travaillé  à  déraciner  les 
restes  de  l'idolâtrie,  Martin,  considé- 
rant sa  mission  comme  accompUe,  se 
retira  dans  cette  forêt  de  Dumen,  où 
il  se  construisit  une  petite  hutte,  faite 
de  branches  d'arbres  entrelacées  d'o- 
sier, ne  vivant  que  d'herbes,  de  ra- 
cines et  d'eau.  Il  se  proposait  de  tei- 
miner  ses  jours  dans  cette  soUtude , 
où  la  prière  et  la  contemplation  l'ab- 
sorbaient ,  quand  Dieu  lui  inspira  le 
désir  de  s'établir  à  Vertou ,  pour  y 
travailler  de  nouveau  au  salut  du 
prochain.  D'abondantes  aumônes  le 
mirent  à  même  d'élever  une  église  et 
un  monastère,  qu'il  dédia  à  saint 
Jean-Baptiste.  Selon  le  propre  de 
Nantes,  Martin  ne  se  borna  pas  à 


240 


MAR 


la  construction  de  cette  maison,    et 
l'affluence  des  moines  qui  vinrent  se 
ranger  sous  son  obéissance,  l'obligea 
de  fonder  plusieurs  autres  monastères. 
Butler  lui  eu  attribue  deux,  l'un  pour 
les  hommes,  l'autre  pour  les  femmes. 
Tous  deux  étaient  détruits  du  temps 
de  cet  hagiographe,  et  il  n'en  restait 
que  le  prieuré  de  Saint-Georges  de 
Montaigu,  dépendant  de  l'abbaye  de 
Saint-Jouin-sur-Marne.  Quant  à  celui 
de  Vertou,  long-temps  célèbre  par  la 
régularité  qui  s'y  observait,  et  qui  de- 
vint plus  tard  un  simple  prieuré,  dé- 
pendant aussi  de  Saint-Jouin,  Albert- 
le-Grand  en  fixe  la  fondation  à  l'an 
375;  mais  d'autres  la  reculent  à  l'an 
595,  ou  même  encore  plus  tard,  par 
la  raison  que  Grégoire  de  Tours  n'en 
a  pas  dit  un  mot,  et  que,  bien  certai- 
nement, il  en  aurait  parlé,  ainsi  que 
de  saint  Martin,  si  ce  dernier  eût  été, 
de  son  temps,  abbé  de  Vertou,  et  su- 
périeur, comme  on  l'assure,  de  300  l'e- 
ligieux.  Saint  Martin  étant  tombé  ma- 
lade, dans  le  cours  d  une  de  ses  mis- 
sions, au  monastère  de  Durin,  qu'il 
avait  aussi  fondé,  y  mourut  le  24  oc- 
tobre 601.  Indépendamment  des  noti- 
ces consacrées  à  saint  Martin  de  Ver- 
tou par  Albert-le-Grand,  D.  Lobineau, 
Baillet  et  Butler,  il   en  existe  deux, 
que  D.  Mabillon  a  placées  au  premier 
siècle  des  saints  de  son  ordre,  l'une 
dans  le  corps  du  volume  qui  contient 
les  actes  des  saints,  et  l'autre  dans  l'ap- 
pendice qui  le  termine.  De  ces  deux 
légendes,  la  première,  rédigée  par  un 
anonyme   du   IX«   siècle,    moine  de 
Vertou,  est  bien  écrite.  Quant  à  l'au- 
tre (la  première  dans  l'ordre  de  l'é- 
dition),   l'auteur,   qui  vivait  dans   le 
X'  siècle,  a  écrit  un  .sermon  plutôt 
qu'une  histoire.  P.  L — t. 

MARTIN  (.Jean),  seigneur  de 
Clioisy,  poète,  né  dans  le  XVI*  siècle, 
à  Dijon,  est  auteur  d'un  petit  ouvrage 


MAR 

allégorique,  intitulé  :  Le  Papillon  de 
Cupido,  Lyon,  1543,  in -8";  Paris, 
même  année  et  même  format.  Ces 
deux  éditions,  en  supposant  que  ce 
ne  soit  pas  la  même,  avec  des  fron- 
tispices différents,  sont  également  ra- 
res. L'auteur  changé  par  l'Amour  en 
Papillon,  se  transporte  à  Paris,  où  il 
visite  l'Université,  le  Parlement,  la 
Cathédrale,  etc.,  décrivant  ce  qu'il  y 
voit,  sans  trop  s'inquiéter  de  ses  ex- 
pressions. De  là,  dirigeant  son  vol 
vers  l'Italie,  il  s'arrête  à  Rome,  re- 
tenu par  les  charmes  d'une  nièce  du 
pape  Panl  III;  il  se  rend  ensuite  à 
Padoue,  Florence,  Venise,  etc.,  pei- 
gnant à  grands  traits  les  mœurs  de 
ces  différentes  villes.  Las  de  voyager, 
il  revient  en  France,  prie  Jésus-Christ 
d3  lui  rendre  sa  première  forme,  et 
sa  demande  est  exaucée,  il  y  a  dans 
cette  pièce  de  l'imagination  et  des 
tableaux  assez  curieux ,  mais  satiri- 
ques et  obscènes.  La  Bibliothèque  de 
Bourgogne  attribue  à  Jean  Martin  :  De 
usu  astrolabii,  Paris,  1554,  in-8°  ; 
mais  ce  traité,  dont  il  existe  une  édi- 
tion de  1527,  est  de  Jean  Martinez 
Poblacion,  mathématicien  espagnol, 
que  François  I"  fit  venir  à  Paris,  pour 
enseigner  au  collège  de  France,  où  il 
professa  de  1530  à  1554.        W — s. 

MARTIIV  (Corneille),  héraldiste, 
était  né   dans    la    Zélande,   vers   le 
milieu  du  XVP  siècle;  on  a  de  lui  : 
Les  généalogies  et  anciennes  descentes 
des  forestiers  et  comtes  de  Flandre^ 
avec  hrièoes  descriptions  de  leurs  ri< 
et  gestes,  Anvers,  1578  et  1612.  in- 
fol.,  fig.  Cet  ouvrage  est  encore  re- 
cherché, principalement  pour  les  es- 
tampes, qui  sont  de  Pierre  BaUhazar, 
habile  graveur.   Paquot,   n'en  ayant 
connu  que  <les  exemplaires  avec  la 
seconde  date,  conjecture  que  l'auteur 
vivait  encore  en  1612   {Histoire  lit-, 
téraire  des  Pays-Bas,  II,  483,  édit. 


MAR 

in-foi.),  uiai$  il  n'en  donne  aucune 
preuve.  Dès  1583,  Martin  annonçait, 
comme  devant  paraître  sous  peq  : 
/^e>  généalogies  des  nobles  famille  i  ad- 
mises dans  l'ordre  de  In  Toison-d'Or^^ 
"'epuis  >on  institution.  Pontus  Heute- 
lus,  qui  .sans  doute  avait  eu  le  ma- 
nuscrit en  communication,  dit  que 
cet  ouvrage  est  le  fniit  d'une  im- 
mense lecture,  et  que  le  public  en 
retirei-ait  une  grande  utilité  {Dur. 
Burgund.  hist.  Hb.  /'/)  ;  il  n'a  cepen- 
dant jamais  vu  le  jour.         W — s. 

MARTIN  (Jea>),  ué  a  Paris,  vers 
le  milieu  du  XVI'  siècle,  embi-assa 
l'étude  de  la  médecine,  et  devint  \HXt- 
lesseur  à  la  Faculté,  puis  médecin  de 
Marguerite  de  Valois,  que  Henri  IV 
avait  répudi("e.  il  mourut,  à  l'aris,  eu 
1609,  laissant  des  conunentaires  sur 
Hippocrate,  qui  huent  œcueillis  et 
publics,  par  Uéué  Moreau,  sou»  ces 
tities:  I.  Prtelectiniies  in  libriim  Jlip- 
pocratis  Coi  </*•  morbis  internis,  Pari>. 
1637,  in-i".  H.  Prœlectinne^  in  ti- 
hi-iim  Hippocratis  Coi  de  aei-r.  nqiii< 
et  locisy  l*aris.  1646,  in-i". —  MAr.Ti> 
(Pierre),  né  à  (jhinon,  >ers  la  fin  du 
XV  ^  siècle,  se  livra  a  l'étude  de  la 
médecine,  et  se  fixa  à  Saiimur.  Il  \ 
fit  imprimer  en  1619,  un  ouvi-a»;f 
sous  ce  titre  :  Ostéologif  historiale. 
ou  Description  du  rotpi-  humain, 
i«-4".  —  M.vRTi.N  (Bernardin),  né  à 
Paris,  le  8  janvier  1629.  était  fils  de 
Samuel,  apothicaire  de  la  reine  .Ma- 
lie  de  Médicis.  Il  eitihrassa  la  pro- 
fession de  son  père,  et  entra,  à  l'âge 
de  quarante  ans,  au  service  de  la 
mai.son  do  Coudé,  eu  qualité  de  clii- 
misfe,  place  qu  il  conserva  jusqu'à 
sa  mort.  Oi  n  de  lui  -.  I.  Relation 
d'un  voyage  en  Espagne ,  en  Portu- 
gal, en  Allemagne  et  aux  Pays-Bas.  11. 
Dissertation  sur  les  dents,  Paris,  1679,  i 
in-12.  III.  Traité  sur  l'usage  du  lait, 
Paris,  1684  et  1706,  in-12.  — Mabti> 

LXXIM. 


MAP. 


âil 


«lit  de  Poitieis,  moine  du  monastère 
de  Moutierneuf,  de  cette  ville ,  écri- 
vit l'histoire  de  cet  établissement  re- 
ligieux. On  n'en  en  a  conservé  qu'un 
fragment,  imprimé  dans  la  collection 
de  Dom  .Maitène,  sous  ce  titre  :  Frag- 
mentum  historitv  nwnasterii  novi  Pic- 
tai-iensis,  anctorr  .^fartino  monorho 
tjnsdem  /on'.  h' — t — e. 

.MARTIX  (ie  P.  Frvnçois^  ,  né  à 
t  aen  en  1640 ,  entra  de  bonne  heure 
dans  le  couvent  des  (  >)rdelicrs  de  cette 
ville,  et  fut  envoyé  à  Paris  pour  faire 
son  cours  de  tliéologie.  Reçu  doc- 
teur a  la  Sorbonne  .  il  revint  à  Caeu 
et  fut  nomme  gardien  de  son  couvent. 
o»i  il  forma  une  bibliothèque  nom- 
breuse et  bien  choisie,  qui.  lors  de  lu 
suppression  des  ordres  religieux  ,  a 
été  réunie  à  la  bibhothéquede  la  ville. 

Tous  les  livres  qui  la  composaient 
portent  cette  inscription  :  Fraticisctn 

^fartiu  ,  doclor  iheologm  Parisiensi< 
'itmparnril.  Orefur pro  eo.  Son  amour 
des  livres  douna  lieu  à  cette  accusa- 
liou,  qui  sansdoute  est  une  calomnie: 

-  Quand  le  père  Mailin   ne  pouvait 

-  acheter   les   livres    ou   les  obtenir 

-  de  bon  gré .  il  les  dérobait  et  le* 
•    l'inportait  dans  les  manches  de  sa 

-  soutane.  ••  •'Foyage  bibliographique 
la  Sormandie.  par  le  révérend  Dib- 
din.  ministre  anglican,   f.  II,  p.  81 

I  .e  }>ère  Martin  .s'occupa  presque  toute 
sa  vie  de  recherches  sur  la  bibliogra- 
phie nonnande.  et  mourut  en  1721  . 
après  nue  longue  et  douioui-euse  ma- 
ladie. \'o\ci  la  li«te  de  ses  travaux  : 
I.  Tnc  pièce  de  vers  latins  sur  la  mort 
de  Huet.  II.  fkle  latine  adressée  à  M. 
de  Montbolon.  Caen,  1699.  in-i".  ni. 
Reflexione<  ud  nuperrimam  declaro- 
iionein  doetoris  ffennebel,  I^uvain , 
1701,  iu-i".  IV.  fitvrum  aliquot  Ca- 
domensium  doctrina  iliustriuvt  sylln- 
bus  carminé  recensitus,  (iaen ,  1717, 
iu-8".  V.  :Vo/<"c  manuscrites  pom- une 
16 


242 


MAR 


troisième  édition  des  Origines  deCaen, 
par  Huet.  VI.  Traité  des  bibliothè- 
ques anciennes  et  modernes,  reste  ma- 
nuscrit. Vn.  Athenœ  Normannorum 
veteres  ac  récentes,  seu  syllabus  aucto- 
rum  qui  oriundi  e  Normannia.  Cet 
ouvrage  était  prêt  pour  l'impression, 
quand  l'auteur  mourut;  on  conserve 
le  manuscrit,  grand  in-folio ,  dans  la 
bibliothèque  publique  de  Caen.  Il 
pourrait  être  consulté  plus  utilement, 
si  le  P.  Martin  n'avait  pas  latinisé 
même  les  titres  des  livres  français 
qu'il  indique.  — ■  Martin  (  le  P.  Gré- 
goire), né  le  12  mai  1712,  àCuisery, 
dans  la  Bresse  Châlonaise,  entra  dans 
l'ordre  des  minimes  et  devint  succes- 
sivement lecteur  de  théologie ,  prin- 
cipal et  professeur  au  collège  de  la 
côte  Saint  -  André  en  Dauphiné.  Il 
mourut  dans  un  âge  avancé.  On  a  de 
lui  :  I.  Observations  sur  les  particules. 
II.  Panégyrique  de  S.  Benoit ,  1758, 
in-12.  III.  Traité  sur  l'âme  des  bêtes, 
traduit  du  latin  de  Dagoumer,  1738, 
in-12.  IV.  Proscription  des  verges  des 
écoles ,  dialogue  entre  Pamphile  et 
Orbilius^  repiésenté  à  Tullinsen  DaU' 
phiné,  1759,  in-12.  L'auteur  le  tra- 
duisit lui-même  en  latin  sous  ce  titre  ; 
E  scholis  admovendas  este  virgas  , 
1760  ,  in-12.  V.  Lettres  instructives 
et  curieuses  sur  l'éducation  de  la 
jeunesse,  1760 ,  in-12.  Le  P.  Martin 
avait  fait  insérer  un  grand  nombre 
d'articles  dans  le  Journal  chrétien,  de 
l'abbé  Dinouart ,  ainsi  que  dans  le 
Journal  d'Éducation,  de  Leroux  ,  et 
il  avait  pris  part  au  Manuel  de  physi- 
que de  Dufieu,  publié  eu  1758.  Il  a 
laissé  plusieurs  manuscrits  restés  iné- 
dits. Z. 

MARTIN  de  Jésus  (Dksirf.  Vma- 
c.ius,  connu  sous  le  nom  de  frère),  ne 
le  li  avril  1741  à  Serfjenot  près  de 
Dôlcs,  fut  atlmis,  à  l'âge  de  seize  ans, 
dans  la  con(;régation  des  Frères  de  la 


MAR 

doctrine  chrétienne  et  chargé  de  l'en- 
seignement puis  de  la  direction  des 
petites  écoles.  Quoiqu'il  n'eût  fait  au- 
cun apprentissage  de  l'horlogerie ,  et 
qu'il  n'eût  en  mécanique  d'autres 
connaissances  que  celles  qu'il  avait 
acquises  par  la  vue  de  quelques 
machines,  il  construisit  en  1769,  une 
grande  horloge  qui,  par  sa  précision  et 
sa  simplicité ,  fit  l'admiration  de  tous 
les  connaisseurs.  Cette  horloge  que 
l'on  voyait  dans  la  maison  des  Frères  à 
MareVille  près  de  Nancy,  est  décrite 
dans  le  Journal  encycL,  mai  1779.  Le 
frère  Martin  construisit  depuis  d'autres 
horloges  pour  les  principales  maisons 
que  la  congrégation  possédait,  à  Paris, 
à  Rouen,  à  Dieppe,  à  Reims,  àTroyes, 
etc.  Il  fut  envoyé  par  ses  supérieurs, 
en  1785,  à  la  Martinique,  et  il  y  passa 
plusieurs  années.  Lors  de  la  suppres- 
sion des  ordres  religieux ,  il  s'établit 
à  Laon,  où  il  traversa  paisiblement 
les  orages  de  la  révolution ,  et  où 
il  mourut  paralytique ,  le  5  mars 
1812.  W— s. 

MARTIN  (Pierre),  amiral  fran- 
çais né  au  Canada  en  1752 ,  vint  en 
Fi'ance  à  lâge  de  douze  ans  et  s'en- 
gagea comme  matelot.  Pendant  la 
guerre  de  1778,  il  était  maître-pilote 
et  se  fit  remarquer  par  son  habileté. 
Depuis  lors,  son  avancement  fut  ra- 
pide. Le  mai'quis  de  Roufflers  ayant 
été  nommé  gouverneur  du  Sénégal, 
obtint  pour  Martin  ,  qui  déjà  était 
parvenu  au  grade  de  sous-lieutenant 
de  vaisseau,  le  couunandement  de 
cette  station.  Lorsque  la  révolution 
éclata,  Martin  en  embrassa  les  prin- 
cipes et  fut  successivement  nommé 
<  a|)itaine  de  vaisseau,  contre-amiral, 
et  le  22  janvier  1794,  comniaiulant 
en  chef  des  forces  navales  de  la  Mé- 
iliterranée,  sur  le  rapport  de  Rarère. 
L'année  suivante,  il  était  à  la  tête 
d'une  des  trois  divisions  de  la  flotte 


MAÂ 

qui  sortit  de  la  rade  de  Toulon, 
pour  proléger  les  opérations  de  l'ar- 
mée d'Italie,  et  il  rencontra  dans  la  ri- 
vière de  Gènes  les  Hottes  combinées 
d'Angleterre  et  d'Espagne  qui  s'éle- 
vaient à  3t  vaisseaux.  Martin  n'en  ayant 
que  sept,  ne  pouvait  accepter  le  combat; 
il  échappa  aux  ennemis  et  parvint  à 
se  réfugier  dans  le  golfe  de  Lyon,  où 
il  se  défendit  pendant  cinq  mois  avec 
tant  d'habileté  qu'il  força  l'ennemi  à 
se  retirer.  Rentré  à  Toulon,  il  i-avitailla 
son  escadre,  et  sortit  de  nouveau  poui 
croiser  dans  la  Méditerranée,  Ayant 
appris  que  les  Anglais,  commandes 
par  Hotam,  cherchaient  l'occasion  de 
l'attaquer,  il  fit  débarquer  dans  les 
îles  d'Hyères  ce  qui  aurait  pu  gêner 
ses  manœuvres,  et  résolut,  malgré 
l'infériorité  de  ses  forces,  de  se  me- 
surer avec  l'ennemi.  .Après  un  com- 
bat long  et  acharné  ,  l'avantage 
fmit  par  rester  aux  .anglais,  qui  pri- 
rent deux  N-aisseaux.  Quelques  jours 
plus  tard ,  Martin  leur  enleva  le  vais- 
seau le  Berwick  ,  et  la  frégate 
VAlceste.  Il  fut,  a  son  retour,  nom- 
mé vice-amii-al.  En  septembre  1797, 
il  commandait  les  forces  navales  de 
Rochefort  ;  ce  fut  lui  qui  ,  en  cette 
qualité,  transmit  au  capitaine  de  la 
corvette  la  Vaillante  les  instiHictions 
du  Birectoiie,  pour  le  ti-ansport  à  la 
Guyane  des  députés  arrêtés  par  sui- 
te du  18  fructidor.  En  1799,  il  fut 
[loité  deux  fois  sur  la  liste  des  can- 
«lidats  pour  le  Directoire.  .\  la  for- 
mation des  préfectures  niaritunes, 
Martin  obtint  celle  de  Rochefort.  La 
justice  et  la  probité  furent  les  mai- 
qoes  distinctives  de  son  administra- 
tion. ??apo!éon  le  créa  comte  et  gi-and- 
officierde  la  Légion-d'Honneur.  L'af- 
faiblissement de  sa  sauté  Fayanl  obligé 
de  donner  sa  démission ,  il  fut  mis 
à  b  retraite  en  1810  ,  et  mourut  le 
1"  nov.  1820.  M— D  \. 


MAP. 


343 


MARTIN  (MARIE-JoSEPH-DélRÉ), 

né  à  .Sedan  le  13  février  1756,  fut 
député  du  commerce  près  l'Assem- 
blée nationale,  et  employé  ensuite  au 
ministère  des  finances.  Il  mourut 
à  Paris  le  14  décembre  1797.  Mar- 
tin cultivait  aussi  les  lettres,  et 
plus  particulièrement  la  poésie  ;  il 
avait  été  le  chef  de  la  Société  acadé- 
mique des  enfants  d'Apollon  poui 
1791,  et  il  a  laissé  les  ouvrages  sui- 
vants :  I.  Discours  et  motions  sur  les 
ipectaclei ^  Paris,  1789,  in-S".  II. 
Etrennes  financières  ou  Recueil  ie> 
matières  lesplus  importantes  en  Jinan- 
cei,  banques,  commet  ce ,  etc.,  Paris, 
1789-90,  2  vol.  inS".  III.  La  Prin- 
cesse de  Bafcj7o» je,  opéra  en  4  actes,  tiré 
du  roman  de  Voltaire,  Paris,  1791  . 
in  8".  IV.  Les  Deux  prisonnières,  ou  lo 
Fameuse  journée,  drame  historique 
et  lyrique  en  3  actes,  dédié  à  H.  Ma- 
/.ers  de  Latude,  Paris,  1792,  in-S*.  V. 
Fabius ,  tragédie  lyrique  en  un  acte , 
Paris,  1794,  in4°.  et  1796,  in-8^ 
Martin  avait ,  en  1791,  présenté  au 
comité  delAcadémie  un  autreopéra. 
itititulé  les  Deux  prisonniers,  OU  la 
Liberté  reconquise  ;  mais  cette  pièce 
ne  fut  ni  représentée  ui  imprimée. 
—  Mabti>  (Roger)  était  prêtre  el 
professeur  de  physique  expérimen- 
tale à  Toulouse  ,  sa  patiie,  lorsque 
la  révolution  éclata.  Il  eu  embrassa  les 
principes  avec  ardeur,  et  fut,  en  1795, 
élu,  par  le -dépai-tement  de  la  Haute- 
Garonne,  député  au  Conseil  des  Cinq- 
Gents,  où  il  s'occupa  surtout  de  ques- 
tions relatives  à  renseignement  pu- 
blic. Il  mourut  à  Toulouse ,  le  18  mai 
1811. On  a  de  lui;  I.  Institutions  ma- 
thématiques ,  Toulouse,  1776,  in-8''. 
II.  Eléments  de  mathématiques,  à  Cw 
suge  des  écoles  de  philosophie,  Tou- 
louse et  Pai.  1781 ,  in-S**;  nouv. 
édit.,  revue  et  augmentée ,  Paris . 
1800.  mS".  '/.. 

16. 


2ii 


MAR 


ilARTIX   (Jean-Blaisk)  ,   célèbre 
ihanleur,    né   à   Paris  en  1767,  ap- 
partenait   à   des     parents     pauvre», 
bien  qu'ils   fussent  de  la  famille  de 
.Slartin,  peintre  et  chimiste  fameux, 
célébré   par   Voltaire,    qui   parle  de 
SCS  vernis  comme  surpassant  ceux  de 
la  Chine,  Ce  fut  un  fils  dé  cet  habile 
manipulateur  qui  recueiUit  son  neveu 
dans  sa  maison,    et  voulut  qu'il  reçût 
une  bonne   éducation,  quoique  son 
intention  fût  de  lui  donner  l'état  d'or- 
fèvre. Le  goût  de  l'enfant  le  portait 
vers  les  arts,   et  il  étudia  avec  une 
même  ardeur  la  peinture,  la  danse, 
et   surtout   la    musique,    qu'il   avait 
commencée  à  l'âge  de  sept  ans.  En 
peu  de  temps,  il  devint  habile  lec- 
teur, et  comme  avant  la  mue  il  pos- 
sédait une  belle  voix  de  soprano,  il 
chanta   fréquemment,    dans   les   so- 
ciétés ,     les    airs   alors   en    vogue  , 
et      mérita     des     applaudissements. 
Du  reste,   il  ne   chantait   que  d'ins- 
tinct, et,  bien  qu'il  ne  soit  pas  im- 
possible qu'il    ait   eu    un    maître  de 
goût   du    chaut,    comme    l'on    disait 
alors,    il  est  certain   qu'il  n'eut  pas 
iXécole.  Tout  porte  à  croire  qu'il  ne 
reçut  à  cet  égard  aucun  précepte  po- 
sitif, ni  même  aucun  conseil  tant  soit 
peu   éclairé.  D'ailleurs,    «jue   lui  au- 
raient enseigné    de    bon    les   abbés 
Roze   et  Guichard  ,    qui  jouissaient 
d'une  grande  réiiutatiou  connue  maî- 
tres de  goàt  italien?  Langlé  seul  au- 
rait pu  lui  donner  des  avis  utiles,  et 
inculquer   dans  son  esprit  les  excel- 
lents   principes    de   l'aficienue   école 
napohtaine,   dont  il  était  élève,   mais 
il  paraît   ne  l'avoir   connu    que  plus 
tard.  Selon   toute  aj)paren(!e,   Martin 
chanta  dabord  sans  aucun  principe, 
et   seulement    parce   qu'il   avait  une 
jolie  voix.   Ses  études  se  dirigeaient 
uniquement   vers    le    violon  ;     et   il 
devint  fort  habile  sur  cet  instrument. 


MAR 

Toutefois,  s'étant  présenté  à  l'Opéra 
pour  rempUr  une  place  de  violon  de- 
venue vacante,  il  ne  fut  pas  reçu.  Il 
trouva  plus  tard  l'occasion  de  prou- 
ver que  sa  réputation  de  violoniste 
avait  été  méritée.  Dans  le  Concert  in- 
terrompu, de  M.  Berton,  il  jouait  avec 
son  camarade  Chénard,  un  morceau 
de  violon  et  violoncelle,  et  les   an- 
ciens habitués    de  l'Opéra-Comique 
peuvent  se  souvenir  encore  que  l'exé- 
cution des  deux  artistes  était  toujours 
fort  applaudie.  Ce  fut  aussi  à  cette 
époque  que  Martin  étudia  l'harmonie 
sous  Candeille,   compositeur  estima- 
ble de  l'ancienne  école  française  ;  il 
Ht  assez  de  progrès   dans  cette  partie 
pour  donner,  enl796,  les  Oiseaux  de 
mer,  opéra-comique  qui  obtint  quel- 
que succès.   Cependant   le    goût  de 
l'artiste  pour  le  violon   lui  ayant  fait 
consacrer  tout  son  temps  à  l'étude  de 
cet  instrument,  sa  voix  était  demeu- 
lée   dans  un  repos  complet  ;   ce  qui 
contribua  peut-être  à  lui  donner  plus 
tard   l'étendue   qui    a    fait    si   long- 
temps l'admiration  du  pubhc  parisien. 
Au  reste  ,   bien    que  sa    voix   se   fût 
tout-à-fait    formée,  Martin  ne    son- 
geait qu'a  devenir  habile  instrumen- 
tiste. Se  trouvant  un  jour  avec  quel- 
ques-uns de  ses  camarades,  ceux-ci 
voulurent    le    faire    chanter.    Après 
s'être  fait   un   peu    prier,  il  se  tiia 
d'affaire  avec    une   telle  supériorité, 
que   tous   ceux    tjui    l'écoutaient  de- 
meurèrent ravis  d'admiration,  et  s'é- 
crièrent   que    Martin    devait    briser 
sou    violon,    puisquil   possédait  en 
lui-même  un    instrument  bien  supé- 
rieur, et  au  moyeu  duquel  il  produi- 
rait une  bien  plus   vive  sensation,  U 
les  crut,  héquenta  plus  que  jamais  le 
petit    nombre  de    chan leurs  de  nid- 
rite    qui    se    trouvaient  à  Paris  ;    sut 
les  écouter  et  les  œmprendrc.    Enfin 
il  se  présenta  de  nouveau  à  l'Opéraj 


MAR 


MAR 


245 


non    plos   comme    violoniste,     mais 
comme   chanteur.  Les  examinateurs 
trouvèrent  qu'il  n'avait  pas  assez  de 
creux,  et  il  ne  fut  point  admis.  Mar- 
tin se  présenta  alors  au   théâtre  de 
Monsieur,  appelé  depuis  Théâtre  Fer- 
deau.  Il  débuta,   en   1788,    dans   le 
Marquis  de  Tulipano,  opéra-comique 
de  Paisiello.  Le  succès  fut   immense. 
La  beauté    de    sa  voix  ,   et   surtout 
le   tour  de  chant   qu'il  sut   donner 
aux    mélodies   de    Paisiello ,  ajoutè- 
rent   au   mérite  de  la    composition. 
Toutefois   ,    on     lui    reprochait    de 
n'être  pas  comédien,  et  l'on  sait  qu'a 
cette   époque,    personne  en  France 
n'aurait  compris  que  l'on  montât  sur 
un  théâtre  sans  posséder,  à  cet  égard, 
un  talent  plus  ou  moins  remarquable, 
quelque  habile  chanteur  que  l'on  fut 
du  reste.  Les  progrès  de  Martin   dans 
l'art  comique  furent  très-rapides,  et 
on    les  remarqua    d'abord   dans    le 
Nouveau   Don    QuichottCy   opéra    de 
Champein  et  Boisselle,  qui  obtint,  en 
1789  ,    im  assez  grand  succès.    En- 
fin ,  il  ne  compta  plus  que  des  ad- 
mirateurs,  tant   pour    son  jeu    que 
pour  son  chant,   lorsque,  en  1792. 
il  joua  sur  une   autre   scène  le  rôle 
de    Frontin    des    Fisitandines ,    qui 

.  fixa  le  genre  de  comique  convena- 
ble à  Martin.  Dès  ce  moment,  il  n'eut 
plus  à  s  accommoder  aux  rôles,  les 
auteurs  et  les  musiciens  s'empressè- 
rent d'accommoder  les  rôles  pour  lui  : 
l'emploi  du  Martin  fut  créé  à  l'O- 
pora-Comique.  Les  succès  de  notre 
chanteur  ont  été,  depuis  cette  époque 
jusqu'à  sa  retraite,  si  nombreux, 
qu'il  suffira  de  nommer  quelques- 
unes  des  pièces  qui,  à  diverses  épo- 
ques ,  lui  valurent  les  plus  éclatants 
suffrages  ;  en  voici  plusieurs  :  tout  le 
répertoire  parodié  sur  des  opéras  ita- 
liens, l'Oncle  et  le  Neveu,  les  Confi- 
dences^ une  Folicy  Gulistan,  Koulouf, 


ta    Ruse    inutile,    Picaros    et    tfteyo, 
CIrato,  Jadis  et  Aujourd'hui^  Maison 
à  vendre,  Lutli  et   Quinault,  la  Séré- 
nade, Jean  de  Paris,  Jeannot  et  Co- 
lin,  le   Charme  de  la    f'oix,   le  nou- 
veau  Seigneur   <le    Village,    Joconde, 
le  Chaperon  Rouge,    les  Voitures  ver- 
sées, le  Maître  de  Chapelle,  etc.  Mar- 
tin se  retira  du    théâtre   en   1822, 
après   trente-deux    ans    de   service; 
mais  il  y  reparut  plusieurs  fois  pen- 
dant les  dix  années  qui  suivirent,  il 
était  encore  un   objet  détonnemcnt 
et  d'admiration  pour  ceux  qui  ne  l'a- 
vaient pas  entendu  dans  sa  jeunesse, 
et  chacune  de  ses  représentations  at- 
tirait la  foule   comme  dans  ses  pins 
beaux  jours.  Kn  effet,  sa  voix  et  son 
talent ,    bien  qu'affaiblis  par  l'âge,  le 
plaçaient  encore  à  tme  immense  dis- 
tance de  tons  ceux  qui  avaient  cher- 
ché à  le  remplacer,  il  est  juste  d'a- 
jouter que  la  supériorité  de  Martin  a 
toujours    tenu    principalement  à    sa 
voix  prise  en  elle-même  ;  il  eût  été 
plus   beau    qu'elle   vînt   uniquement 
de    son    habileté    a    en    tirer   parti, 
Apres    1830 ,    on    l'appela    au    se- 
cours de   l'Opéra-C-omique ,   dont    la 
ruine  était   imminente.   Il  joua  plu 
sieurs  fois  jusqu'en  1833,  et  notam- 
ment dans  un  pastiche  composé  pou  i 
lui,  sous  le  titre  de  Souvenirs  de   La- 
fieur.   C'était  une    réunion  des   plus 
beaux  airs  de  son   répertoire;  il  fut 
fort  applaudi,   bien    que  pour  ceux 
qui  l'avaient  connu  dix  ans  plus  tôt, 
il  ne   fût   plus   que  l'ombre   de   lui- 
même.   Clc  triomphe  fut   le  deniiet; 
mais   Martin    ne   resta  pas   oisif,   il 
donna  tous  ses   soins  aux  élèves  qui 
formaient  sa  classe  au  Conseiratoiro. 
Plusieurs  d'entre  eux  ne  tardèrent  pa:> 
à  se   faire   remarquer  (1).  Au  coni- 

(i)  En  1837,  tous  les  premiers  prix  du 
chant  ont  été  obtenus  par  les  élèves  de  la 
classe  de  Martin, 


346 


>UP. 


mencenieut  de  septembre  1837,  ayant 
senti  les  premières  atteintes  d'une  gas- 
trite,il  pensa  que  le  changement  d'aii 
lui  serait  bon;  en  conséquence,  il  fit 
un  voyage  à  la  belle  terre  de  la  Ron- 
rière,  que  son  ami  et  camarade  Elle- 
viou  possédait  dans  les  environs  de 
J-yon.  C'est  là  qu'il  n)ourut,  le  18 
oct.  suivant.  Sa  dëponille  mortcllf 
fut  apportée  à  Paris;  et,  lelSnov., 
on  célébra  un  service  iinièbre  pour 
le  repos  de  son  âme.  Tous  les  artistes 
de  la  capitale  y  assistèrent.  Martin 
avait  été  marié  quatre  fois.  Sa  pro 
mière  femme  fut  la  charmarUe  Simo- 
tiette,  sa  camarade  au  théâtre  Fey- 
deau,  vers  1789.  La  seconde  était  une 
des  filles  de  Paulin,  acteur  médiocre, 
il  eut  pour  troisième  femme  la  cé- 
lèbre M"*  Gosselin  aînée,  première 
danseuse  de  l'Opéra  ,  qui  mourui 
de  la  poitrine,  à  l'âge  de  21  ans;  et 
enfin  pour  la  quatrième,  une  fille  du 
compositeur  et  marchand  de  mu- 
sique Paccini ,  laquelle  vit  encore. 
Martin  était  entré  conmie  ténor  solo 
à  la  chapelle  impériale  lors  de  sa  fon- 
dation, et  il  faisait  partie  de  la  nnisi- 
que  particulière  de  Napoléon,  il  con- 
serva ces  places  sous  Louis  XVIII  el 
Charles  X,  et  les  perdit  après  la  ré- 
volution de  juillet  1830.  M.  Adrien 
de  la  Fage  a  inséré ,  datis  la  Refue 
cl  Gaiette  musicale^  une  notice  bio- 
graphique sur  Martin,  à  laquelle  nous 
avons  emprunté  la  plupart  de  ces 
détails.  F— LE. 

MARTIK  (William),  naturaliste 
;*nglai8  ,  né  en  1767,  à  Marsficld  , 
•  ointé  de  ISotlinghani ,  était  fils  d'un 
marchand  de  bas  qui  avait  abandon- 
né sa  famille  et  son  commerce  poui 
>c  faire  comédien  sous  le  nom  de 
Ik>oth,  exemple  qui  lut  bientôt  suivi 
par  sa  femme.  Le  jeune  Martin  était 
destiné  à  la  même  carrière  ;  mais  son 
maître,  James  Bolton,  qui  avait  écrit 


quelques  ouvrages  sur  l'histoire  na- 
turelle, lui  inspira  du  goût  pour  cette 
science.  Après  s'être  marié  en  1796, 
Martin  renonça  au  théâtre  et  fut  suc- 
cessivement maître  de  dessin  à  Bur- 
(on  sur  Trenl ,  à  Buxton  et  à  Mars- 
ficld. Il  s'établit  ensuite  à  Manchester, 
où  il  mourut  le  31  inai  1810.  Martin 
était  membre  de  la  société  géologique 
de  Londres.  On  a  de  lui  :  I.  Figures 
pl  descriptions  des  pétrifications  du 
vomté  de  Derby,  1793,  in-8°;  ce  vo- 
lume devait  être  suivi  de  plusieurs  au- 
nes  qui  n'ont  point  paru.  l\.  Compte- 
rendu  de  (fitelcjues  espèces  de  fossile'^ 
trouvés  dans  le  comté  de  Derby,  1796. 
in- 8".  m.  iLSfjuiiise  d'un  essai  qui  a 
pour  but  de  baser  la  connaissance  des 
fossiles  élra }ig e rs  s urdes  pri ncipes  scien- 
tifiques,  1809,  in-8".  IV.  Petrificalu 
Derbiensia,  ou  figures  et  descriptions  de^ 
pélrifica  tions  recueillies  dan  s  le  com  té  de 
Derby,  1809,  m-S^.y.  Courtes  remar- 
ques sur  la  substance  minérale,  dio- 
Pieriv  pourrie  dans  le  comté  de  Derby. 
ouvrage  imprimé  après  la  mort  di^ 
l'auteur  dans  les  Mémoires  de  la  So- 
ciété de  Manchester,  1812.        Z. 

MAllTIX  (Thomas-Ignace),  vi- 
sionnaire, était  laboureur  du  bourg 
de  Gallardon,  à  4  lieues  de  Chartres. 
Il  fut,  sous  le  règne  de  Louis  XVIII, 
le  héros  d'une  aventure  mystérieuse 
dont  les  causes  ne  sont  ps  encore 
bien  connues.  ISous  lu  rapporterons 
comme  elle  se  trouve  textuellement 
dans  les  écrits  du  temps  qui  n'ont 
pas  été  démentis.  Martin  était,  le  15 
janvier  1816,  occupé  à  travailler 
dans  son  chanq),  (juand  il  se  pré- 
senta devant  lui  un  jtnme  homme  d'une 
rare  beauté,  qui  lui  dit  d'un  son  île  voix 
fort  doux  :  »  Il  faut  que  vous  alliez 
.'  trouver  le  roi,  que  vous  lui  disiez 
«  qtie  sa  personne  est  en  danjjcr,  ainsi 
>  que  celle  des  princes  ;  que  de  mau 
..  vai»es  gens  tentent  encore  de  ren- 


MAR 


MAR 


^1 


«  ver«er  le  gouvernement,  que  plu- 
«  sieurs  écrits  ou  lettres  ont  déjà  cir- 
•  culé   dans  quelques   provinces  de 

-  ses  États  à  ce  sujet;  qu'il  faut  qu'il 
•»  fasse  faire  une  police  exacte,  sur- 
«  tout  dans  la  capitale-,  quil  faut 
"  aussi   qu'il  relève  le  jour  du  Sei- 

«  gneur,   afin   qu'on    le    sanctifie 

«  Sinon  toutes  ces  choses,  la  France 
«  tombera  dans  de  nouveaux  mal- 
M  leurs.  «  —  "  Mais  ,  rë{X)ndit  Mar- 
«  tin,  un  peu  surpris,  puisque  >ous 

-  en  savez  si  long,  vous  pouvez  bien 
«  aller  trouver  vous-même  le  roi,  et 
«  lui  dire  tout  cela  ;  pourquoi  vous 
«  adressez-vous  à  un  pauvre  homme 
«  comme  moi,  qui  ne  sait  pas  s'ex- 
«  pliquer  ? —  Ce  n'est  pas  moi  qui  irai, 
'  reprit  l'inconnu,  ce  sera  vous; 
«  faites  attention  à  ce  que  je  vous  dis, 
«  et  vous  ferez  tout  ce  que  je  vous 
•<  commande.  »•  A  ces  mots,  linconnu 
s'abaissa  insensiblement  vers  la  terre 
et  disparut  entièrement  aux  yeux  de 
Martin  eflravé.  De  retour  à  Gallar* 
don,  celui-ci  fit  part  à  son  frère  de 
ce  qui  venait  de  se  passer,  et  tous 
deux  vinrent  che*  M.  Laperruque, 
curé  du  bourg,  pour  .savoir  ce  que 
signifiait  un  événement  si  singu- 
lier. Le  curé  rejeta  d'abord  sur  l'ima- 
gination de  Martin  tout  ce  qu'il  ve- 
nait de  lui  raconter.  Les  apparitions 
se  multiplièrent,  et  l'inconnu  annon- 
ça au  laboureur  qu'il  ne  le  laisserait 
pas  tranquille  que  sa  commission  au- 
près du  roi  ne  fût  exécutée.  Le  curé, 
convaincu  de  la  bonne  foi  de  son  pa- 
roissien, et  voyant  qu'il  ne  cessait 
d'être  agité  par  ces  scènes  surna- 
turelles, lui  déclara  qu'il  ne  pouvait 
être  juge  en  cette  matière,  et  l'en- 
voya à  M.  l'évêque  de  Versailles,  qui, 
après  avoir  interrogé  Martin,  le  char- 
gea de  demander  à  l'inconnu,  de  sa 
part,  son  nom,  qui  il  était  et  par  qui 
il  était  envoyé.  Le  mardi  30  jan\*ier, 


l'incounu  apparut  de  nouveau  à  Mar 
tin ,  et  lui  dit  :    ••  Mon  nom  restera 

•  ignoré  :  je  viens  de  la  part  de  celui 
«  qui  m'a  envoyé,  et  celui  qui  m'a 
"  envoyé  est  au-dessus  de  moi  "  (en 
montrant  le  ciel  ).  Durant  le  mois  de 
février,  il  apparut  encore  divei-ses  fois 
au  paysan  et  l'avertit  "  qu'il  serait 
••  conduit  devant  le  roi,  (ju'il  lui  dé- 
"  couvrirait  des  choses  secrètes  de 
«  mn  exil;  mais  que  la  connaissance 
«  ne  lui  en  serait  donnée  qu'au  rao- 

•  ment  où  il  serait  admis  eu  sa  pré- 
«  sence.  "  L'évêque  de  Versailles  avait 
tHrit  au  ministre  de  la  police  toutes 
ces  choses,  dont  le  curé  de  Gallardon 
lui  avait  rendu  compte  jour  par  jour. 
Le  ministre  chargea  le  comte  de  Bre- 
teuil,  préfet  d'Eure-et-Loir,  d'exa- 
miner Martin.  Ce  villageois,  conduit 
par  son  curé  chez  >L  de  Breteuil, 
étonna  ce  fonctionnaire  par  sa  naïveté 
et  sa  modeste  assurance,  autant  que 
par  le  fonds  merveilleux  de  ses  ré- 
ponses. Ce  préfet  se  détermina  à  l'en- 
vover  au  ministre  de  la  jK)lice,  sous 
la  conduite  de  M.  André,  lieutenant 
de  gendarmerie.  Le  8  mars,  à  son 
arrivée  à  Paris,  Martin,  amené  à 
l'hôtel  de  la  police  générale,  fut  in- 
ten'ogé  successivement  par  les  se- 
crétaires du  ministre  et  par  M.  De- 
caze  lui-même.  Il  répondit  avec  le 
même  calme  et  la  même  naïveté.  Le 
ministre,  api-és  l'avoir  long- temps 
examiné,  prit  le  ton  de  l'autorité;  le 
paysan  n'en  fut  pas  plus  déconcerté. 
>L  Decaze  voulut  le  sonder  pour 
savoir  si  l'intérêt  n'était  pas  le  prin- 
cipe de  ses  démarches.  <>  Monsei- 
«  gneur,  reprit  Martin,  ce  n'est  pas 
«  l'argent  que  je  veux  :  il  faut  que 
"  j'aille  parler  au  roi,  et  que  je  lui 
-  dise  ce  qui  m'est  annoncé;  ça  ma 
■  toujours  été  recommandé ,  et  je  ne 
«  serai  pas  tranquille  tant  que  ma 
M  commission    ne   sera   pas    faite.  <> 


•218 


MAR 


MAR 


Apii-s  cet  inieiTOfjatoire,  Martio,  «It* 
retour  à  l'hôtel  où  il  logeait,  fut  exa- 
miné de  la  part  du  ministre,  par  Pi- 
ucl,  médecin  très-renommé  pour  les 
maladies  mentales.  «Vous  venez  voir. 
■>  lui  dit  le  pavsan  ,  si  j'ai  perdu 
><  la  tête;  mais  il  m'a  été  dit  que 
"  ceux  qui  vous  envoient  sont  plus 
"  fous  que  moi.  Après  celte  vi- 
site, et  les  jours  suivants,  Martin  cm 
de  nouvelles  apparitions.  Dans  une 
de  ces  entrevues,  liriconnu  lui  dit  : 
"  Je  «nis  l'archanfye  Raphaël,  au{;c 
.  très-célèbre  auprès  de  Dieu,  j'ai 
reçu  le  pouvoir  de  frapper  la  Iran- 
ce  de  toutes  sortes  de  plaies.»  Lmc 
;<utre  fois  il  lui  dit  positivcmenf  «  que 
la  paix  ne  serait  rendue  à  la  Fruiicc 
<  qu'après  iSiO.  On  doit  observer 
que,  pendant  tout  son  séjour  à  Paris, 
l'officier  de  {{endarmeric  André  ne 
quitta  pas  Martin.  Enfin,  le  13  mars, 
le  ministre  de  la  police,  sur  le  rappori 
de  Pinel,  le  fit  conduire  à  Cliarenton 
comme  atteint  d'une  hallucinalion  <h- 
■ipits.  Martir)  ne  parut  nullement  ému 
de  cette  espèce  de  détention.  Il  liil 
examiné  et  suivi  avec  soin  [)ar  Jîovei- 
(lollard,  médecin  de  la  maison;  cJ  la 
docilité,  le  calme,  la  douceur  qu'il 
montra  pendant  son. séjour  à  Clia- 
renton, convainquirent  le  doctetu  ei 
tous  les  fjens  <le  l'hospice  qu'il  n'était 
pas  fou.  Opendant  le  ministre  avait 
fait  prendre  sur  la  famille  de  Mar- 
tin et  sur  sa  moralité,  des  renseif^ne- 
ment«,  qui  furent  tellement  avanta- 
{[cuv,  qu'il  envoya  à  la  femme  de 
ce  jjaysan  un  bon  de  i(K)  fr.  sur  la 
cassette  du  roi.  Pendant  son  séjour 
à  Charenton  ,  l'anjje  apparut  en- 
«;ore  plusieurs  fois  a  Martin  ,  et  se 
fit  voir  mi  jour  dans  tout  l'éclat  de 
la  gloire  céleste.  1, 'archevêque  de 
Reims  avait  informé  de  tout  c*'. 
q\ii  se 'passait,  f.ouis  XVIII,  qui, 
frapfMf  d'nn»'    suite  de   faits    si    ex- 


Liuordinaires,  donna  enfin  ordre  «le 
lui  amener  ce  paysan.  Le  2  avril  , 
Martin  fut  tiré  de  Charenton  et  con- 
iluit  à  M.  Decazes.  «Votis  voulez  donc 
•'  parler  au  roi,  dit  le  ministre;  mais 
'  qu'avez- vous  à  dire  à  S.  M.  ?  —  .le 
"  ne  sais  pas  poiu'  le  moment  ce  que 
'(  j'ai  à  lui  dire,  les  choses  me  seront 
•'  annoncées  (juand  je  serai  devant  l<' 
«  roi.  —  Ht  bien  1  puisque  vous  vou- 
"  lez  y  aller,  je  vais  vous  conduire, 
lllfectivement  le  ministre  fit  conduiie 
Martin ,  par  un  officier  de  la  maison 
du  roi,  jusque  dans  l'appartement  de 
Louis  XVIII  avec  lequel  il  resta  seul. 
-Martin  a  donné  ainsi  à  ^i^  le  cure 
de  Gallardon  le  récit  de  celte  entre- 
vue :  •<  Le  roi  était  assis  à  côté  de  la 

table:  je  l'ai  salué  et  je  lui  ai  (Ht. 
•  mon  chapeau  à  la  main  :  Sire.  j> 
X  nous  salue.  Le  roi  m'a  dit  :  fioiijoui , 
.1  M<irtln  ,et  j'ai  <lil  en  moi-même  :  Jl 

sait  bien  mon  nom  toujours. — /  'oi<.< 
..  sai/ez,  Sire,  rarement  pourquoi  /<• 
"  l'ieiis.  —  Oui,  je  sais  t/iie  t'ou< 
r  are:  ijHel<jue  chose  à  me  dite,  fl 
..   /'on  m'a  (lit  tjue  céiail  ijueltjue  clio- 

<  vc    ijUr   vous    ne  fiouoie:    dire   (ju'à 
moi-itnhni'.    ^isicyez  -  vous.    —  J  ai 

<  pris  un  fauteuil  et  je  me  suis  assis 
.  vis-à-vis  du  roi,  et  quand  j'ai  été 
"  assis,  je  lui  ai  tlit  :  Conunent  i>ous 

fiortcz-t'ous?  Le  roi   m'a  répondu  : 

/(•  tne  porte  un   peu   mieux  (jue  «;<•> 

jvut s  passés  :  et  /'o«s,  comment  vous 

porlet-vous.'  —  Moi,  je  t»ie   porte 

'.  bien.  — (^uel  est   le  sujet   de   votre 

cojuge:'   ■  (Ici  .Martin  est  entré  dans 

le  récit  des  premières  apparitions  de 

l'anj'c).   Aprè!^   ces  premiers   détails. 

Martin  ajouta  :      il  m'a  été  dit  aussi 

..  On   a  trahi  le   roi  et  on  le  trahira 

..  eiu'ore    :   il  s'est  sauvé  un  homme 

..  des  prisons  ;  on  a  fait  accroire  au 

>.  roi  que    c'était    par   subtilité,  par 

linesse  ou   par  l'effet   du    hasard  ; 

.  ujais   la  chose  n'était  pas  telle,  elle 


•  a  élè  piëinedilée.  »  (Voir  la  répon- 
se du  roi  et  la  suite  de  lentretien 
dans  la  Relatiou  concernant  Us  évé- 
nements arrivés  à  un  laboureur  de  la 
Beauce,  imp.  en  1817,  par  Égroii,  a 
Paris).  Martin  ajoute,  dans  son  récit . 
'-  que  pendant  cet  eiilictien  le  roi  u 
■'  plusieurs   fois    levé  les    mains   au 

«;iel,  et  qu'il  voyait  des  larmes  cou- 

•  1er  sur  ses  joues.  »  il  rappela  aussi 
«  S.  M.  des  particularités  de  son 
pxil,  que  lui  avait  annoncées  l'incon- 
nu. «  Gardez-en  le  secret,  reprit  le 
«  roi»  il  n'y  aura  que  Dieu  ,  vous  et 
•<  moi  qui  saurons  jamais  cela.  '> 
Après  cet  entretien.  Martin  retourna 
à  Charenton,  v  passa  la  nuit,  fit,  le 
lendemain  matin,  ses  adieux  au  di- 
recteur, à  M.  Royer-Collard,  se  ren- 
dit chez  le  ministre,  qui  le  força  d'ac- 
cepter une  gratification  de  la  part  du 
roi,  partit  pour  Chartres,  où  il  vit  le 
préfet,  et  retomiia  à  Gallardon  re- 
prendre sa  vie  champêtre,  éutaut  de 
parler  indiscrètement  de  ce  qui  lui 
était  arrive.  Il  est  dit  dans  la  Relation 
précitée,  page  6i,  que  le  roi  était 
convenu  que  Martin  lui  avait  com- 
munique des  choses  qui  n'étaient 
connues  que  de  lui,  et  qu'il  a  témoi- 
gné que  cet  homme  n'était  ni  fou,  ni 
aliéné.  Après  la  Révolution  do  1830, 
Martin  qui,  depuis  plusieurs  années 
n'avait  plus  parlé  de  ses  visions,  se 
jeta  tout-à  coup  dans  d'autres  idées  ; 
il  annonça  l'existence  de  Louis  XVII, 
et  se  donna  comme  l'une  des  trois 
personnes  chargées  de  le  remettre 
sur  le  trône  <le  France.  Mais  cette 
nouvelle  aberration  dura  peu;  il  mou- 
rut presque  subitement  au  commen- 
cement de  mai  183i.  Ses  révéla- 
tions recueillies  par  M.  Louis  Silvy  , 
furent  réimprimées  en  1830  et  32, 
in-8°,  sous  le  titre  de  :  Relation  con- 
tenant les  événements  qui  sotit  arrivés 
au  sieur  Martin,  laboureur  à  Gal'ar- 


MAH 


JW 


don.  en  Beaucc,  dans  Us  premiers  moi^ 
de  1816.  Depuis,  on  en  a  fait  pres- 
que chaque  année  une  nouvelle  édi- 
tion qui  a  trouvé  des  acheteurs.     Z. 

ALVIITIX.  Foy.  Maktys,  ci-après. 

ALUITIXE AU  (le  P.  IsAAc),  né 
a  Angers,  le  22  mai  1(>40,  d'une  fa- 
mille distinguée  ,  entra  dans  la  com- 
pagnie de  Jésus  en  1665,  et  fit  pro- 
fession à  Paris  huit  ans  plus  taid. 
Depuis  plusieurs  années,  il  enseignait 
dans  une  ville  de  province ,  lorsqu'il 
fut  appelé,  en  1682,  à  la  chaire  de  phi- 
losophie du  collège  Louis-ki-Grand , 
où  était  le  fils  du  prince  de  Condc. 
Avant  de  faire  venir  Martincau  à  Fa- 
ris,  les  iupérieiu-s  aiuioncèreut  à  ce 
piince  cpi'ils  avaient  un  excellent  ré- 
gent de  phUosophic.  mais  qu'ils  n  o- 
saient  le  donner  à  M.  le  duc,  parce 
qu'il  était  extrêmement  laid  (la  petite 
vérole  l'avait  défiguré).  «  Est-il  plu» 

-  laid  que  le  démon  ?  "  demanda  le 
prince,  qui,  après  l'avoir  vu,  dit:  >  Il 

-  ne  doit  pas  faire  peur  a  qui  a  vu 
•*  Péhsson  ;  on  s'accoutumera  à  le  voii* 
^  et  on  le  trouvera  beau.  "  En  effet , 
la  cour  s'habitua  si  bien  au  P.  Mar- 
tineau,  qu'il  devint  confesseur  du  duc 
de  Bourgogne.  Il  suivit  ce  prince  au 
siège  de  Lille  et  eut  la  cmiosité  de 
l'accompagner  pendant  une  reconnais- 
sance des  reti-anchements  de  Marl- 
horough,  qui  furent  examinés,  afin 
de  savoir  si  et  par  où  ils  pouvaient 
être  entamés.  L'attaque  n  avant  pas 
eu  lieu,  les  ennemis  du  dauphin  ré- 
pandirent le  bruit  que  Mailineau,  dans 
une  lettre  écrite  au  P.  Lachaise,  as- 
surait qu'il  avait  conseillé  d'attaquer 
les  retranchements,  mais  que  le  duc 
de  Bourgogne  s  y  était  opposé.  C'était 
metti-e ,  en  fait  de  bravoure,  ce  prin- 
ce fort  au-dessous  de  son  confesseur. 
Pour  dissiper  tous  les  biiiits,  le  P. 
Lachaise  fut  obUgé  de  montrer  à 
Louis  XIY  la  lettre  qui  n'était  qu'un 


250 


MAR 


simple  récit  de  la  visite  aux  retran- 
chements. Après  la  mort  du  duc  de 
Bourgogne ,  Martineau  fut  nommé 
confesseur  du  petit  dauphin.  Il  de- 
vint provincial  de  son  ordre  en  1713, 
et  mourut  en  1720.  On  a  de  lui  :  I. 
Oraison  funèbre  de  Louis,  prince  de 
Condé,  Paris,  1687,  in-4».  II.  Les 
Psaumes  de  la  pénitence  avec  des  ré- 
flexions, Paris,  1710,  in-12.  III.  Ver- 
tus du  duc  de  Bounjogne,  Paris,  1712, 
in-4°.  IV.  Méditation  sur  la  plus  im- 
portante vérité  du  christianisme,  pour 
une  retraite,  Paris,  1714,  in-12.  A  la 
mort  du  P.  Bourdaloue,  en  1704,  le 
P.  Martineau,  qui  était  supérieur  de 
la  maison  professe,  écrivit  son  éloge, 
qui  fut  imprimé  d'abord  séparément, 
ensuite  dans  le  troisième  tome  du  Ca- 
rême de  ce  prédicateur  célèbre.  Z. 
MARTINEAU  (Louis;,  né  à 
Châtellerault  vers  1755 ,  fut  député 
de  la  Vienne  à  l'Assemblée  législa- 
tive, puis  à  la  Convention  nationale; 
vota  la  mort  de  Louis  XVI ,  sans 
appel  et  sans  sursis  à  l'exécution. 
Devenu  membre  du  Conseil  des  Cinq- 
Cents  ,  après  la  session  convention- 
nelle ,  il  en  sortit  en  1798.  Martineau 
exerçait,  en  1814,  les  fonctions  de 
procureur  impérial  près  le  tribunal 
civil  de  Châtellerault.  Forcé  de  sortir 
de  France,  comme  régicide,  en  1816, 
il  partit  pour  lîerne  où  il  arriva  le  10 
février  1816;  mais  n'ayant  pas  ob- 
tenu la  permission  d'y  séjourner,  il 
continua  sa  route  pour  Zurich,  où  il 
demeura  long-temps.  Après  la  révo- 
lution de  1830,  il  revint  à  Châtelle- 
rault, et  y  mourut  le  23  mai  1835. 
Quelques  jours  auparavant,  il  avait 
remis  au  curé  de  sa  paroisse  la  décla- 
ration suivante  :  «  .le,  L.  Martineau, 
«  soussigné ,  confesse  devant  Dieu 
"  que  la  part  que  j'ai  prise  dans  le 
>■  procès  (hi  roi  Louis  XVI  a  été  l'effet 
•<  de  l'entraînement  du  moment,  que 


MAR 

«  je  m'ensuis  toujours  repenti,  et  que 
«  j'en  demande  pardon  à  Dieu  et  aux 
«  hommes.  Je  prie  Dieu  de  me  par- 
«  donner  aussi  les  mauvais  exemples 
«  et  scandales  que  j'aurais  pu  don- 
«  ner  en  ne  pratiquant  pas  la  leli- 
«  gion  catholique,  apostolique  et  ro- 
«  maine,  dans  laquelle  je  désire  finir 
«  mes  jours.  »  M — d  j. 

MARTI1\EL  (  Joseph -Fraîsçois- 
Marie  de),  agronome  distingué,  na- 
quit à  Aix,  en  Savoie,  le  28  octobre 
1763.  Il  entra  au  service  de  la  Répu- 
blique française ,  aussitôt  après  l'inva- 
sion de  sa  patrie,  en  1792;  se  distin- 
gua dans  plusieurs  occasions  et  par- 
vint au  grade  de  colonel.  En  1814, 
il  quitta  la  carrière  des  armes  et  se 
retira  à  Lyon ,  où  ses  connaissances 
en  botanique  le  firent  nommer  direc- 
teur de  la  pépinière  départementale. 
Il  s'appliqua  surtout  à  propager  la 
culture  du  mûrier  et  à  perfectionner 
l'art  d'élever  les  vers  à  soie.  Ses  ob- 
servations et  ses  essais  sont  consignés 
dans  les  actes  de  la  Société  linnéeune 
de  Lyon,  dont  il  avait  été  un  des  fon- 
dateurs. Martinel  possédait  dans  la 
presqu'île  de  Perrache  un  petit  jardin 
qu'il  cultivait  lui-même  ;  il  y  fit ,  sur 
les  pommes  tle  terre,  de  nombreuses 
expériences  dont  il  rendit  compte 
dans  les  Bulletins  de  la  Société  d'en- 
couragement à  laquelle  il  appartenait, 
ainsi  que  dans  les  Mémoires  de  la 
Société  d'agriculture  du  département 
du  Rhône.  Cet  agronome  mourut  à 
Lyon  le  10  avril  1829.  On  a  de  lui  : 
I.Carte  du  Piémont,  divisée  en  six  dé- 
parlements, Turin,  1799.  II.  Carte  de 
la  République  cisalpine.  \\\.  Cinq  ta- 
bleaux sur  la  culture  de  la  solanée-  «1 
parmentiére  (pomme  de  terre),  Lyon,  " 
1821  et  années  suiv.,  in-fol.  M.  Rona- 
fous,  notre  collaborateur,  a  publié  sur 
Martinel  une  inttiressante  Notice,  Pa- 
ris, 1829,  in-8".  M— »  j- 


MARTIXEL  de  Fisan  (JoSEPH- 
Mabie-Pbh.ippe)  ,  conventionnel,  né  à 
Rousset  en  i763,  fut  député  de  la 
Drôme  à  la  Convention  nationale,  et 
doit  sans  nul  doute  être  considéré  com- 
me un  des  votants  les  plus  courageux 
dans  le  procès  de  Louis  XVI.  Il  opina 
d'abord,  ainsi  que  la  presque  totalité 
des  membres  ,  pour  la  culpabilité  ; 
mais  sur  la  seconde  question,  s  il  y 
aurait  appel  au  peuple,  il  s'exprima 
ainsi  :  «  Je  réclame  contre  un  décret 

•  monstrueux ,   extorqué   plutôt  par 

•  la  vengeance  que  rendu  par  la  sa- 

•  gesse.  La  République  ne  peut  exis- 

•  ter  que  quand  le  peuple  l'aura  fon- 
«  dée.  Je  fais  appel  au  peuple  de  ces 

•  décrets  et  je  dis  oui.  »  Il  vota  en- 
suite pour  la  détention,  le  bannis- 
sement à  la  paix ,  le  sursis  ;  enfin  il 
se  montra  sur  toutes  les  questions 
aussi  juste  que  courageux.  Réélu  au 
Conseil  des  Cinq  -  Cents  ,  après  la 
session  conventionnelle,  il  entra,  eu 
1799,  au  Corps  législatif.  En  1814, 
il  se  retira  à  Avignon ,  sa  patrie ,  où 
il  mourut  paisiblement  le  21  fé\Tier 
1833.  M— D  j. 

MARTINENGO  (  Dom  Titk- 
Phosper),  savant  philologue,  et  bon 
poète  grec  et  latin ,  était  né  dans  le 
XVI' siècle,  à  Brescia,  de  l'ancienne 
et  illustre  famille  des  comtes  de 
Barco.  En  1542,  il  embrassa  la  règle 
de  saint  Benoît  dans  la  congrégation 
du  Mont-Cassin;  et,  partageant  ses 
loisirs  enti'e  les  pieux  exercices  de 
sou  état  et  la  culture  des  lettres ,  il  se 
rendit  très-habile  dans  les  langue». 
Son  mérite ,  joint  à  sa  naissance ,  de- 
vait l'élever  aux  premières  dignités 
de  son  ordre;  mais,  content  du  sim- 
ple titie  de  prieur,  il  se  retira  dans 
un  monastère  prés  Bologne,  afin  de 
pouvoir  se  Uvrer  plus  tranquillement 
à  la  prière  et  à  l'élude.  La  solitude 
iui  réTéia  son  talent  naturel  pour  la 


MAR 


251 


poésie;  et  il  composait  des  vers  grec» 
avec  une  telle  facilité  qu'il  obtint  de 
se»  contemporains  les  glorieux  sur- 
noms de  Pindare  et  d'Homère  (voyez 
Quiriiii  specim.  litterat.  Brixianœ).  Sa 
réputation  étant  parvenue  à  Rome, 
il  fut  y  appelé  par  le  collège  des  car- 
dinaux pour  travailler  a  la  révision 
des  œuvres  de  saint  Jérôme ,  dont 
Paul  Manuce  préparait  une  nouvelle 
édition,  qui  parut  à  Rome  en  1565. 
Depuis  il  s'occupa,  de  concert  avec 
quelques  autres  savants,  à  revoir, 
d'après  les  meilleurs  manuscrits,  les 
textes  des  œuvres  de  saint  Jean-Chrv- 
sostùme  et  de  Théophylactc  ;  et  l'on 
sait  qu'il  eut  part  à  la  belle  édition 
grecque  de  la  Bible  qui  fut  publiée 
en  1586  par  le  cardinal  Caraffa  : 
cette  édition  est  généralement  connue 
sous  le  nom  de  Bible  stxtiue ,  parce 
qu'elle  fut  imprimée  avec  le  privi- 
lège de  Sixte  V.  La  cour  de  Rome 
voulut  récompenser  les  serx'ices  de 
Maitinengo  par  un  évéché;  mais, 
averti  des  intentions  du  pape,  il  pré- 
texta le  mauvais  état  de  sa  santé  pour 
revenir  à  Brescia.  Ce  bon  et  respec- 
table vieillard  y  termina  ses  jours , 
dans  des  exercices  de  piété ,  le  6 
octobre  1595.  On  a  de  lui  :  I.  Le  Bel- 
lezte  delV  huomo.  conoscitor  di  $e 
stesso.  Ce  sont  des  discours  philoso- 
phiques, d'après  les  principes  de  Pla- 
ton dont  il  faisait  une  lecture  assidue. 
Il  Un  Panégyrique  ,  grec  et  latin, 
Un  pape  Sixte  F,  Rome,  1587,  in-4". 
m.  Un  recueil  de  vers  (Poemata  di- 
versaj,  Rome,  1582  ;  2*"  édition,  rcA-oe 
et  augmentée,  ibid.,  1589  ou  1590, 
3  parties,  in-4''.  Les  deux  premières 
contiennent  les  vers  latins,  et  la  troi- 
sième les  vers  grecs,  tous  sur  des 
sujets  pieux.  Ce  volume,  devenu 
rare,  est  assez  recherché.  Des  diffé- 
rentes notices  publiées  sur  ne  docte 
religieux ,  la  plus  étendue  comme  la 


232 


MAR 


plus  intéressante  est  celle  qu'on  trouve 
dans  la  Libraria  di  Leopol.  Marti- 
nengoy  p.  128  {voy.  Balt.  Zamboi  , 
LU  70).  W— s. 

MARÏINENttO  -  Coleoni  (  le 
comte  Jeais-Hector  ) ,  de  cette  bran- 
che de  l'ancienne  famille  brescianne 
Martinengo  dont  un  membre  épousa 
l'une  des  quatre  filles  du  célèbre  capi- 
taine Bartbélemi  Coleoni ,  avec  l'obli- 
{jation  d'en  joindre  le  nom  au  sien 
{voy.  CoLEOM,IX,  231),  naquit  à 
Brescia,  vers  1734.  Après  ses  pre- 
mières études  faites  à  Bologne  et  dans 
le  collège  Nazareno  à  Rome ,  il  s'ap- 
pliqua tellement  à  l'architecture  mili- 
taire qu'en  1782  il  fut  en  état  d'en- 
voyer au  roi  de  Prusse,  Frédéric  11, 
un  plan  de  nouvelles  constructions 
pour  les  foiteresses  régulières,  dans 
lequel  il  triplait  les  feux  de  défense, 
et  évitait  les  inconvénients  des  batte- 
ries couvertes.  En  1785,  il  entra  dans 
le  10*  régiment  des  hussards  prus- 
siens avec  le  grade  de  cornette.  En 
1789,  il  revint  dans  sa  patrie.  Lorsque 
Bonaparte  porta  la  révolution  en  Italie, 
Martinengo  devint  un  de  ses  plus  zélés 
partisans;  et  le  gouvernement  établi 
par  le  vainqueur  lui  confia,  en  1797, 
avec  le  titre  d'inspecteur,  l'organisa- 
tion de  divers  corps  de  troupes.  Chargé 
en  outre  de  diriger  les  fortifications 
de  Brescia,  Martinengo  y  fit  travailler 
tous  les  citoyens  de  la  ville,  les  ani- 
mant par  ses  discours  patriotiques;  et 
l'ouvrage  fut  fait  en  trois  jours,  il  en- 
tra, celte  même  année,  dans  le  Corps 
législatif  de  la  république  cisalpine, 
et  fut  envoyé,  en  1798,  comme  mi- 
nistre [)lénipolcnliaIre  à  la  Cour  de 
Naplcs.  Au  mois  de  janvier,  l'année 
suivante  ,  il  passa  à  Rome  en  la  même 
qualité  ;  mais  le  ministre  que  le  Direc- 
toire de  France  y  avait  envoyé,  ayant 
voulu  le  diriger  et  le  dominer,  il  de- 
manda son  rappel  et  l'obtint.  Quand 


MAR 

les  Austro-Russes  expulsèrent  les  Fran- 
çais d'Italie,  Martinengo  fut  arrêté 
avec  ses  deux  frères  ,  et  enfermé  dans 
les  prisons  de  Milan,  d'où  il  ne  sortit 
qu'après  la  bataille  de  Marengo.  Bo- 
naparte le  chargea  de  nouveau  d'or- 
ganiser les  troupes.  Il  fut  comman- 
dant en  chef  des  gardes  nafionales  du 
département  de  la  Mella,  dont  Bres- 
cia était  le  chef-lieu;  mais  bientôt  le 
gouvernement  ayant  pris  ombrage  de 
cette  milice ,  Martinengo  cessa  d'en 
être  le  commandant.  Il  se  rendit  à  la 
consulta,  tenue  à  Lyon  par  Bona- 
parte ,  en  1801,  et  y  fit  partie  de  la 
commission  des  Trente.  De  retour  en 
Italie,  il  entra  au  Corps  législatif,  et 
en  fut  nommé  président.  Il  présenta 
au  vice-président  de  la  république 
un  Mémoire,  qui  fut  imprimé,  sur 
l'organisation  d'une  armée  italienne; 
et ,  dans  un  autre  Mémoire  particu- 
lier qu'il  communiqua  au  même  ,  il 
manifesta  des  vues  qui  annonçaient 
l'intention  de  rendre  l'Italie  indépen- 
dante des  étrangers  et  de  Bonaparte 
lui-même.  Le  gouvernement  lui  en 
sut  mauvais  gré;  mais  l'auteur  parut 
renoncer  à  ses  idées  quand  il  vit  Na- 
poléon se  faire  courotmer  roi  d'Italie. 
Alors  il  s'empressa  de  former,  avec 
l'élite  de  la  jeune»se  brescianne ,  une 
des  quatre  compagnies  d'honneur 
destinées  au  nouveau  souverain ,  et 
il  escorta,  avec  la  compagnie  qu'il 
avait  créée,  madame  Bacciocchi,  de- 
venue duchesse  de  Lucipics  et  de 
Piombino  ,  jusqu'à  son  duché.  En 
1805,  il  présenta  à  Napoléon  le  mo- 
dèle d'une  machine  incendiaire  de 
son  invention,  propre  à  la  défense 
des  ports  et  des  rades,  et  publia,  peu 
après,  un  o|)us(-ule  sur  la  cavalerie. 
En  1806,  il  eut  le  commandement 
de  tontes  les  comjwgnies  des  {jardos- 
«r honneur;  et,  eu  1807,  le  vice-roi 
l'envoya  à  Paris   pour  une   mission 


MAR 

secrète.  Il  fut  nommé  sénateur,  le  10 
oct.  1809,  et  cbambellaii  en  fév.  1810. 
La  guerre  de  cette  époque  lui  four- 
nit de  nouvelles  occasions  de  signaler 
son  zèle  ;  il  eut  la  commission  d'orga- 
niser de  nouveaux  corps  et  d  appro- 
visionner l'armée  et  les  places-fortes. 
Au  rétablissement  de  la  puissance 
autrichienne,  en  1814  ,  Martinengo  , 
qui  ne  conservait  plus  que  le  titre  de 
colonel  de  la  garde  royale ,  le  perdit 
par  le  licenciement  de  ce  corps. 
Nommé,  en  mai  1815,  colonel  du 
régiment  d'infanterie  Grand-Duc  de 
Toscane  ,  il  demanda  son  congé  pour 
se  retirer  dans  sa  patrie,  où  il  vécut 
depuis  loin  des  affaiies  et  mourut 
dans  un  âge  fort  avancé.         G — >. 

MARTIXEXGO  (le  comte  JÉ- 
nÔMk-SiLvio  )  ,  de  la  même  famille 
que  les  précédents  ,  naquit  à  Ve- 
nise, le  i2  juillet  1753,  étudia  d"a- 
bord  au  collège  de  Parme,  puis  à 
celui  des  jésuites  de  Bologne.  A  peine 
ses  études  finies  ,  il  revint  a  Venise 
et  y  épousa  Elisabeth  Michiel.  Il  oc- 
cupa successivement  plusieurs  char- 
ges importantes  et  devint  sénateur; 
il  était  sage  du  commerce ,  lorsque 
les  événements  qui  amenèrent ,  en 
1797 ,  la  chute  de  la  République, 
le  firent  rentrer  dans  la  vie  pri- 
vée. Martinengo  usa  noblement  de 
ses  loisiis  et  de  ses  richesses;  il 
cultivait  les  lett»*es  avec  succès  ,  et , 
n'ayant  point  d" enfants,  il  dépensait 
en  bonnes  œuvres  la  plus  grande 
partie  de  ses  revenus.  Il  fit  achever  h 
ses  frais  le  dôme  de  Brescia,  et  dota 
plusieurs  établissements.  Cet  homme 
de  bien,  aussi  modeste  que  vertueux, 
moiu-ut  le  21  juillet  1834,  après  une 
longue  et  douloureuse  maladie.  Il  a 
laissé  trois  tiaductions  italiennes  :  I. 
Du  Paradis  perdu  de  Milton,  impri- 
mé avec  le  plus  grand  luxe,  Venise, 
1801,  3  vol.  in-4».  ir.  Du  Paradis  re- 


MAA 


253 


conquis,  du  même.  III.  Du  poème  la- 
tin de  Zamagna  ,  intitulé  Navis  aerea. 
(>es  deux  dernières  traductions  n'ont 
pas  été  publiées.  Sa  biographie  a  été 
écrite  par  le  professeur  Meneghelli, 
sous  ce  titre  :  Del  cavalière  conte 
Girolamo  Silvio  Martinengo  e  de'  suoi 
sctitti,  Padoue,  1835,  in-S**.  A — t. 
MARTIXET5  officier,  contem- 
porain de  Folard,  mérite  une  place  à 
côté  de  ce  tacticien  par  les  change- 
ments qu'il  a  intioduits  dans  les  ma- 
nœuvres de  l'armée.  Il  est  cependant 
probable  que .  sans  quelques  lignes 
de  Voltaire,  il  serait  à  peu  près  incon- 
nu. Il  n'y  avait  point  alors  d'inspec- 
teurs d'infanterie  et  de  cavalerie  com- 
me on  en  a  vu  depuis  (dit  f  historien 
de  Louis  XIV);  mais  deva.  hommes 
uniques,  chacun  dans  son  genre, 
Alartinet  et  le  chevalier  de  Fourille  en 
remplissaient  les  fonctions.  Martinet 
mettait  l'infanterie  sur  le  pied  de  dis- 
cipline où  elle  est  aujourd'hui.  Fou- 
rille faisait  la  même  charge  dans  la 
cavalerie.  Il  y  avait  nn  an  (1 669)  que 
Martinet  avait  mis  la  baïonnette  en 
usage  dans  quelques  régiments.  Avant 
lai  on  ne  s'en  servait  pas  d'une  ma- 
nière constante  et  uniforme.  Cette 
arme  terrible  était  connue,  mais  peu 
pratiquée ,  parce  que  les  piques  pré- 
valaient. La  formation  des  colonnes 
et  les  évolutions  rapides  dm-ent  aussi 
beaucoup  aux  combinaisons  de  Mar- 
tinet. Il  se  distingua  au  fameux  passa- 
ge du  Rhin  ,  chanté  par  Boileau;mais 
le  poète  craignit  de  mêlera  ses  flatte- 
ries le  nom  vulgaire  d'un  officier  de 
fortune.  Martinet  avait  découvert  au 
milieu  du  fleuve  un  gué  qui  ne  laissait 
que  peu  de  pas  à  franchir  à  la  nage,  et  il 
avait  imaginé  des  bateaux  en  cuivre  ou 
pontons,  qui  pouvaient  se  transporter 
aisément  sur  des  chai-rettes  ou  à  dos 
de  mulet,  comme  cela  se  pratique  en- 
core aujourd'hui.  Ses  inventions  ftirent 


254 


MAR 


MAR 


d'une  grande  utilité  à  Louis  XIV  pour 
la  réduction  de  la  Hollande.  On  ne 
peut  douter  qu'il  eut  une  part  brillante 
aux  autres  faits  d'armes  du  corps  dont 
il  avait  perfectionné  le  service,  et  qu'en 
tout  il  n'ait  fait  faire  à  l'art  des  pro- 
grès plus  considérables  et  plus  réels 
que  Folard.  Cependant ,  l'histoire  ne 
s'en  est  pas  occupée,  et  nous  nous 
estimons  heureux  de  pouvoir  répa- 
rer, à  son  égard,  un  trop  injuste 
oubli.  F — T. 

MARTINET  (  Jeak  -  Flobest  ) , 
historien  né  en  Hollande  vers  1735, 
devint  pasteur  des  Meranonites  à  Zut- 
phen,  où  il  mourut  en  1796.  On  a  de 
lui  :  I.  Le  catéchisme  de  la  nature ,  4 
vol.  in-8"  ;  cet  ouvrage  obtint  un 
grand  succès  et  contribua  beaucoup  à 
répandre  en  Hollande  le  goût  de  l'his- 
toire naturelle.  IL  Histoire  du  monde^ 
8  vol.  in-S".  HL  Manuel  des  marins. 
C'est  un  cours  de  morale  fort  bien  fait, 
à  l'usage  des  gens  de  mer.  IV.  Abrégé 
de  l'histoire  des  Pays-Bas  Unis  ,  ou- 
vrage élémentaire  et  dont  il  existe  une 
traduction  française  ,  Amsteidam  , 
1790,  in-S".  M— Dj. 

MARTINET  (  Locis  -  François  ) , 
curé  de  Saint-Laurent  à  Paris,  naquit 
à  Épernay,  diocèse  de  Reims,  le  19 
avril  1753.  A  l'âge  de  16  ans,  il  entra 
chez  les  chanoines  réguliers  de  la 
congrégation  de  France  ;  et,  pendant 
son  cours  d'études  à  l'abbaye  do 
Sainte-Geneviève  de  Paris,  il  se  fit 
remarquer  par  ses  supérieurs  qui  lui 
confièrent  de  bonne  heure  l'enseigne- 
ment de  la  philosophie  et  de  la  théo- 
logie dans  la  maison  de  Reauvais. 
Ordonné  prêtre  à  l'âge  de  25  ans,  il 
fut  pourvu  du  prieui-é  de  Daon,  au 
diocèse  d'Angers,  (j'est  en  cette  qua- 
lité qu'il  fut  élu  député  à  l'assemblée 
provinciale  du  cleqjé  d'Anjou,  et  plus 
tard  député  aux  États-Généraux  de 
1789.  Fidèle  aux  principes  de  la  mi- 


norité de  l'Assemblée  constituante,  il 
fut  constamment  opposé  aux  mesures 
législatives  qui,  sous  l'apparence  d'une 
réforme  utile,  cachaient  un  but  de  des- 
truction et  de  ruine  (1).  Il  parvint  à  se 
soustraire  à  la  persécution  et  émigra 
en  Angleterre.  Là  il  ne  partagea  point 
les  illusions  de  ses  compagnons  d'exil 
sur  leur  prochain  retour  en  France  ; 
et,  dans  le  but  d'exercer  son  minis- 
tère d'une  manière  utile ,  il  s'appliqua 
avec  ardeur  à  l'étude  de  la  langue 
anglaise.  Doué  d'une  activité  infati- 
gable, il  avait  de  plus  puisé,  dans  les 
exercices  de  l'état  religieux  des  habi- 
tudes d'ordre  et  de  régularité  qui,  en 
réglant  judicieusement  l'emploi  du 
temps,  contribuent  si  puissamment 
au  succès;  aussi  fut-il  bientôt  capable 
d'enseigner  le  français  ;  et,  pendant 
son  séjour  à  Londres ,  il  trouva  dans 
ses  leçons  des  ressources  qui  lui  assu- 
rèrent une  existence  honoi'able  et  lui 
permirent  souvent  d'adoucir  le  sort 
de  ses  malheureux  compatriotes.  En 
1801,  il  rentra  en  France  ;  et,  à  l'épo- 
que du  concordat,  il  fut  nommé  cure 
de  Courbevoie.  Il  passa  de  là  à  la  pa- 
roisse de  Saint-Leu-Saint-Gilles  à  Pa- 
ris ,  lorsque  M.  Laurent  qui  en  était 
curé,  fut  nommé  évéque  à  Metz.  C'est 
à  l'abbé  Martinet  que  l'on  doit  la  con- 
servation de  l'église  de  Saint-Leu,  et  , 
malgré  l'opposition  de  M.  Frochot, 
alors  préfet  de  la  Seine ,  il  parvint  à 
intéresser  de  puissants  protecteurs,  et 

(t)  On  trouve  six  fois  le  nom  de  l'abbé  Mar- 
tinet dans  le  recueil  des  Déclarations  et  pro- 
testations des  députas  aux  États-Généraux, 
publié  par  le  marquis  de  Clennont-Moni- 
Saint-Jean,  181i,  in-H".  D'abord  conm;  le 
refus  de  l'assemblée,  le  13  avril  1790,  de  re- 
connaître la  religion  catholique  religion  de 
l'Étal  ;  ensuite  contre  le  rapport  sur  les  at- 
tentats des  5  et  6  octobre  nSO;  contre  la  dé» 
chéance  prononcée!  éventuellement  le  30  mars 
1791,  à  l'éKard  du  roi  ;  contre  les  décrets  qui 
rendirent  le  roi  captif  en  juin  1791;  sur  la 
révision  des  décrets  en  août  1791,  et  enHn  sur 
l'administration  des  llnances  de  l'État, 


MAE 

l'église  ne  fut  point  aliénée.  On  lui  ac- 
corda même  des  fonds  considérables 
pour  les  réparations  et  l'embellisse- 
ment de  l'édifice.  En  1820 ,  il  fut 
nommé  curé  de  l'église  paroissiale  de 
Saint-Laurent,  et,  quoique  d'un  âge 
déjà  avancé,  son  zèle  et  son  activité 
ne  se  démentirent  point  dans  l'admi- 
nistration de  cette  immense  paroisse. 
Il  était  d'une  exactitude  scrupuleuse 
pour  l'accomplissement  des  devoirs 
de  sa  charge  pastorale,  il  mourut  le 
30  mai  1 836  après  avoir  reçu  tous  les 
secours  de  la  religion  en  présence  de 
son  clergé,  à  qui  il  recommanda  avec 
la  plus  vive  instance  les  enfants  qui 
se  préparaient  à  la  première  commu- 
nion. L'abbé  Martinet  était  un  des 
prêti-es  les  plus  recommandables  du 
clergé  de  Paris.  Une  grande  variété 
de  connaissances,  un  esprit  juste, 
clair  et  méthodique ,  une  clocution 
gracieuse  et  facile,  étaient  un  mérite 
que  relevaient  encore  cette  lu'banité 
de  manières ,  cette  délicatesse  de  tact, 
et  cette  politesse  exquise  qu'il  avait 
puisées  dans  ses  relations  habituelles 
avec  des  personnes  d'un  rang  distin- 
gué. Par  son  testament ,  il  institua 
diflFérents  legs  en  faveur  du  petit  sé- 
minaire de  Paris  et  des  pauvres  de 
Saint-Laurent  et  de  Saint-Leu. 

B — Y — E. 

MARTIXETTI  (Jea>-BaftisteX 
architecte  italien,  naquit  en  1764  à 
Bironico,  dans  le  canton  du  Tesin. 
Dès  l'âge  de  onze  ans  il  alla  étudier 
à  Bologne,  où  il  trouva  un  généreux 
protecteur  dans  lç.jnarquis  Zambec- 
carî.  Après  avoir  fait  son  cours  de 
mathématiques  il  se  fixa  dans  cette 
ville,  et  fut  bientôt  chargé  de  travaux 
importants.  Le  conseil  municipal  de 
Bologne  le  nomma  son  architecte,  et 
le  gouvernement  pontifical ,  son  ins- 
pecteur du  génie.  Parmi  les  nombreux 
édifices   qu'il  construisit,  on  remar- 


MAB 


2do 


que  surtout  le  collée  Montalto ,  la 
villa  Ravona,  bâtie  pour  le  marquis 
Zambeccari,  et  la  magnifique  villa  Al- 
dini  sur  la  colline  Adel  Monte  près 
de  Bologne.  Rome  lui  doit  son  magni- 
fique abattoir  près  du  forum  de  Fla- 
minius.  Martiuetti  était  mcmbi-e  d'un 
grand  nombre  de  sociétés  savantes  de 
l'Italie,  et  il  mourut  le  18  octobre 
1829.  Il  n'avait  publié  que  trois  mé- 
moires concernant  les  défauts  des 
voitures,  la  culture  des  pommes  de 
terre ,  et  les  herbes  fouragères.  Ses 
écrits  les  plus  importants  sont  restés 
manuscrits.  A — t. 

iLlRTIXEZ  de  ta  Plaza  (Louis), 
poète  espagnol,  était  né  vers  1585  à 
Antequera,  petite  ville  du  royaume  de 
Grenade.  Après  avoir  achevé  ses  cours 
de  droit,  il  se  fit  recevoir  licencié; 
mais  il  renonça  bientôt  à  la  jurispni- 
dence  pour  se  livrer  en  paix  à  ta  cul- 
ture des  lettres  qui  fit  le  charme  do 
sa  vie.  Depuis  ayant  embrassé  l'état 
ecclésiastique,  il  fut  pourvu  d'un  ca- 
nonicat  dans  sa  patrie ,  où  il  mouinit 
le  16  juin  1635.  Les  compositions 
de  Martinez  sont  toutes  de  peu  d'é- 
tendue. Des  épigrammes,  des  ma- 
drigaux ,  des  chansons,  des  sonnets 
et  une  satire  forment  son  bagage  poé- 
tique ;  mais  toutes  les  piàB^e  distin- 
guent par  le  naturel,  J^^Lice  et  la 
pureté  du  style;  elle^HlP recueil- 
lies par  P.  Espinosa  daif^es  Flores  de 
poetas  illustres;  et  depuis  dans  lePar- 
naso  espanol,  tomes  1  et  8.  r^icoL  An- 
tonio lui  atuibue  une  traduction  du 
fameux  poème  :  Les  larmes  de  saint 
Pieire  par  Tansillo  (lo)-.  ce  nom. 
XIIV,  514);  mais  il  est  probable 
qu'elle  est  perdue,  puisque  l'éditeur 
du  Parnaso  (Sedano)  n'a  pu,  malgré 
toutes  les  recherches  qu'il  a  faites , 
s'en  procurer  une  seule  copie;  voy.  la 
Bibliotheca  nova  Hispan.  d'Antonio 
11,49-  W—s. 


256 


MAR 


MARTINEZ    ou   Martins  (Do- 
Mixoo),  chef  de  l'insiurection  brési- 
lienne, dite  de  Fernambouc,  était  né 
en  Portugal  ;  avait  fait  le  commerce, 
à  Londres  et  à  Paris,   pendant   plu- 
sieurs années.  Après  une  faillite  dans 
la  première  de  ces  deux  villes,  il  alla 
s'établir  au  Brésil,  où  'son  caractère 
entreprenant  le  jeta  dans  la  politique, 
et  le  mit  bientôt  à  la  tète  d'une  in- 
surrection, qui  éclata  à  Fernambouc, 
le  7  mars  1817.  Martinez   prit  alors 
le    titre  de   Patriote  -  gouverneur,  et 
il   s'occupa    d'organiser  la   nouvelle 
république.    Il    se    soutenait    depuis 
deux  mois,  et  le  nombre  de  ses  par- 
tisans augmentait  chaque  jour,  lors- 
que, le  18  mai,   sa  petite  armée  fut 
attaquée  par  les  troupes  royales  en 
nombre   supérieur.    Le    combat    fut 
acharné,  et  se  prolongea  jusqu'au  len- 
demain. Enfin  les  tronpes  royales  l'em- 
portèrent, et  Martinez  se  réfugia  avec 
quelques  officiers  dans  les  forêts  de 
l'intérieur.  Sa  tête  fut  mise  à  prix  par 
le  général  espagnol;  et,  peu  de  jours 
après,  ou  le  conduisit  à   Bahia ,  où 
ayant  été  considéré  comme  non  mi- 
litaire, il  fut  pendu  ave<>  vingt-quatre 
fie  ses  complices.  M— i)  j. 

MARTINI     (.iKVN-IÎKimXHT.),     mé- 

«lecin  allenittid,  né  à  Wunstorf,  en 
1721,  devint  conseiller  du  duc,  et 
mourut  libyen  des  médecins  de  sa 
ville  natale.  Ontie  plusieurs  mémoi- 
res insérés  dans  la  Gazette  littéraire 
de  Brunswick,  il  a  laissé  :  L  Disaer- 
latio  de  Tussi ,  Gœttingue,  17i7, 
in-i°.  n.  Dissertalio  epistolaris  de  olen 
fVitnebiano  vnlgo  dicto  Kajtcpiit  >r- 
vocato  in  terrrfi  Brunswicenscs,  snlu- 
berrimis  effectibus  plow,  Brunswick  , 
1751, in-i".  m.  Diapenanlnnum liruns- 
wieense ,  IWiuiswick,  1777,  in-4". 
—  .Mai\tim  est  aussi  le  nom  d'un 
ukoinc  fanatique,  qui,  le  premier,  osa 
prêcher  les  oneurs  de  I-uther.  dans 


VIVB 

la  ville  de  Buriats,  près  de  Castrés. 
Arrêté,  livré  au  bras  séculier,  il  fut 
condamné  à  être  brûlé  vif,  et  exécuté 
à  Castres,  le  25  avril  1554.  «  Ce 
«  jacobin,  dit  Gâches,  étant  monté 
i'  sur  l'échafaud,  se  donnait  lui-même 
'<  consolation,  invoquant  la  grâce 
"  et  la  miséricorde  de  Dieu,  criant 
«  jusqu'au  dernier  soupir  î  Père  cé- 
«  leste^  ayez  pitié  de  moi.  Un  autre 
"  jacobin,  qui  lui  avait  été  baillé 
"  pour  le  consoler,  lui  disait  :  Frater, 
»  crede  vitam  œternam  ;  ce  qui  occa- 
i<  sionna  à  un  bourgeois,  nommé  Oli- 
«  vier  Trémouille,  de  s'avancer  pour 
'  lui  donner  courage,  en  criant  tout 
"  haut  :  Martini,  lève  les  yeux  an 
u  ciel,  et  te  jie  en  la  grâce  et  misérl- 
"  corde  de  Dieu,  qui  te  recevra  nu- 
it jourd'hui  dans  son  paradis.  Ces 
«  paroles  hardies  furent  entendues 
u  de  toute  l'assemblée,  qui  était  fort 
li  grande,  sans  toutefois  être  relevées 
K  d'aucun  pour  les  rapporter  à  l'in- 
»  quisition.  »  La  pitié  ferma  toutes 
les  bouches,  et  on  ne  voulut  pas 
joindre  au  supplice  d'un  insensé,  la 
mort  d'un  homme  plus  insensé  en- 
core. '/: 

MARTINI  (Gkokgk-Henri),  nu- 
niismate  allemand,  naquit  en  Misnic 
à  T^neberg  en  1722,  conimeni:t 
ses  (?îudes  à  l'école  d'Aunaberg ,  et 
suivit  des  cours  à  l'université  de 
Leipzig.  Après  avoir  été  instituteur 
dans  une  maison  particulière,  et 
avoir  donné  des  leçons  coumie  pro- 
fesseur privt;  pendant  un  temps  assez 
considérable,  il  devint  en  1770  rec- 
teur (le  l'école  d'Annaboig,  d'oùtroi< 
ans  plus  tard  il  passa,  comme  profcs 
seur  d'éloquence  et  recteur,  au  gym- 
nase poétique  de  Batisbounc  et  enfin 
à  l'école  de  ÎNicolas  de  Leipzig,  tou- 
jours en  cette  même  qualité  de  re< 
teur.  Sa  vie  du  reste  ne  j)ri'sente  nulle 
particularité  remarquable  :  en  rcvan- 


MAR 

che  son  caractère  en  offrait  beau- 
coup. Il  ne  se  maria  jamais.  Son  or- 
dre ,  sa  ponctualité ,  sa  méthode  à 
force  d'être  imperturbables,  prêtaient 
à  lëtonnement  et  à  la  satire.  A  léglise 
et  devant  ses  élèves  ou  auditeurs,  on 
ne  l'eût  pas  vu  paraître  une  fois  au- 
trement vêtu  qu  en  noir  :  hors  de  là, 
il  eût  été  impossible  de  l'apercevoir 
autrement  qu'en  habit  de  couleur.  En 
latin,  pour  chatouiller  sa  fibre  classi- 
que, il  fallait  employer  certaines  for- 
mules ,  certaines  expressions  qu'il  af- 
fectionnait et  qui  ne  valaient  pas  mieux 
que  mille  autres.  Heureux  ceux  qui , 
dans  ime  composition ,  dans  un  exa- 
men, appliquaient  souvent  la  phra- 
séologie voulue!  Tout  en  se  regardant 
comme  un  très-habile  antiquaire,  il 
s'était  borné  à  lire  les  vieux  traités,  à 
feuilleter  les  vieux  recueils,  publiés 
jadis  sur  l'art  des  anciens,  et  à  étu- 
dier un  certain  nombre  de  copies  en 
plâtre.  Dresde  possédait  et  possède 
encore  une  magnifique  galerie  d'an- 
tiques, laquelle  était  alors  au  nom- 
bre des  plus  riches  de  l'Europe  :  le 
croira -t-on  de  la  part  d'un  antiquaire 
saxon?  Martini  ne  les  avait  pas  vus! 
Très-savant  en  numismatique,  il  fai- 
sait grand  mystère  de  ses  connais- 
sances, était  avai-e  de  renseigne- 
ments, de  communications,  ne  fai- 
(l'sait  voii"  qu'avec  parcimonie,  et  com- 
me une  insigne  faveur,  les  médailles 
un  peu  rares  de  sa  collection,  et  ne 
lisait  de  leçons  d'archéologie  que  de- 
vant un  auditoire  d'élus  et  d'intimes, 
in  privatissimis  comme  il  le  disait.  Son 
enseignement  était  méthodique,  sage, 
positif,  mais  tout  mécanique,  dépourvu 
d'inspiration  et  quelquefois  suranné. 
C'était  vraiment  chose  plaisante  que 
de  l'entendre  raisonner  sur  l'éloquen- 
ce ,  ce  qu'il  lui  fallait  faire  cependant, 
puisqu  on  lui  avait  donné  une  chaire 
d'floquence ;  et  quant  à  l'art,  outre 


MAR 


257 


qu'il  n'en  avait  jamais  conçu  la  par- 
tie idéale  et  transcendante,  celle  qui 
est  l'art  à  proprement  parler,  en  fait 
de  statues,  de  peintures ,  il  s'en  rap- 
|X)rta  trop  exclusivement  à  Winckel- 
inann,  aux  sources  françaises,  et  à 
quelques  touiistes  anglais,  dont,  qui 
veut  juger  de  l'ail  doit  commencer 
par  répudier  les  opinions  toutes  ré- 
pandues qu'elles  peuvent  êtie  (lui- 
même  eut  le  tort  de  contiibuer  à  po- 
pulariser ces  erreurs),  et  en  fait  de 
médailles,  son  exposition  ne  va  guère 
au  delà  d'une  iconographie  sèche.  En 
revanche  ,  on  doit  avouer  qu  il  con- 
naissait bien  le  technique  de  la  nu- 
mismatique et  principalement  de  celle 
des  cuivres  et  bronzes.  Sachant  d'ail- 
leurs tiès-bieu  le  français,  l'anglais, 
l'italien,  écrivant  ces  deux  dernières 
langues  au  point  d'étonner  ceux  avet' 
lesquels  il  correspondait,  il  en  tirait 
de  grandes  ressources  pour  l'explica- 
tion facile  et  lucide  des  médailles  du 
moyen  âge  et  des  pièces  modernes  : 
et  un  moment  après  la  mort  d'Er- 
nesti,  il  fut  le  seul,  à  Leipzig,  qui  fût 
nommé  comme  possédant  à  un  de- 
gré remarquable  cette  branche  de  la 
science  archéologique.  C'est  dans 
cette  phase  de  sa  vie  que,  plus  que 
jamais,  il  se  drapa  dans  sa  numisma- 
tique, et  prit  des  aiis  de  mandarin,  le 
tout  sans  rire,  car  il  ne  riait  jamais. 
Il  rit  encore  moins  quand  Beck  se  mit 
à  faire,  sur  le  sujet  que  Martini  enve- 
loppait de  tant  de  mystères ,  des  lec- 
tures qui  bientôt  furent  proclamées 
égales  aux  anciennes  en  érudition,  et 
supérieures  aux  siennes  en  inspira- 
tion,  en  sentiment  de  l'art;  et  mille 
fois  moins  encore  quand  le  célèbre 
antiquaire  Sestini,  qui  le  connaissait 
personnellement ,  porta  sur  lui,  dans 
un  nouvel  ouvrage,  un  jugement  sé- 
vère mais  juste,  et  auquel  se  rapporte 
le  nôtre  de  tous  points.  Martini  raou- 
17 


258 


MAR 


rut  le  20  décembre  1794.  On  a  de 
lui  :    I.    Antiquorum   monimentorum 
sylloge,  coUegit,  partim  interpretatus 
est  et  edidit,  Leipzig,  1783  et  1787, 
2  parties(ou,  si  l'on  veut,  deux  recueils  : 
le  second  est  intitulé  en  effet  Sylloge 
altéra).  C'est  la  description   de    son 
propre  cabinet  et  un  des  ouvrages  qui 
fondèrent  sa  réputation.  Effectivement, 
outre  les   indications   positives  qu'il 
contient,  il  s'y  trouve  beaucoup  de 
remarques  ingénieuses,  de  conjectu- 
res savantes  et  qui  méritèrent  l'ap- 
probation d'Eckbel  lui-même.  II.  Pom- 
peii  ressuscité  (das  gleichsam  ausle- 
bende  Pompeii),  ou  Essai  sur  l'histoire, 
l'origine ,    les  révolutions  et  la  catas- 
trophe de  cette  ville,  sur  les  recherches 
faites  pour  en  retrouver  l'emplacement, 
sur  les  ouvrages  dart  et  les  monuments 
qu'on  y  a  dé  tarés,  Leipzig,  1779.  C'é- 
tait sans  doute  une  tentative  louable 
que  de  présenter  ainsi ,  réuni  en  un 
volume,  le  récapitulé  de  tout  ce  qui 
se  rapporte  à  la  cité  grecque  si  mi- 
raculeusement enfouie  pendant    17 
siècles,  si  miraculeusement    retrou- 
vée   au  bout  de  ce  laps  de   temps. 
Mais  nulle  part   peut-être ,  l'insuffi- 
sance des  sources  auxquelles  Martini 
puisait,  la  fausseté  de  l'esthétique  qui 
dominait  ses  jugements,  la  sécheresse 
de    son  esprit  ,   n'éclatent  plus  que 
dans  un  ouvrage  ,  qui,  sérieusement 
parlant,  ne  devait  être  écrit  qu'en  ayant 
Pompeii  sous  les  yeux  ou  sous  l'im- 
pression de  ce  grand  spectacle  :  il  suit, 
il  transcrit  Hamilton  ;  il  eût  mieux  fait 
d'aller  passer  un  mois  dans  les  rues 
à  demi  déblayées  de  la  ville  souterraine 
ot  au  muséede  Portici.  Aussi  son  Pom- 
peii ressuscité  est-il  au  vrai  Pompeii 
ce  qu'une  momie  est  au  corps  vivant. 
IIL  La  seconde  partie  de  la  Descriptio 
Musei Franciani,  Leipzig,  1780,  grand 
in-8°  (la  1'  est  de  Rey).  IV.  Cours  aca- 
démique sur    l'archéologie    littéraux 


MAR 

d'après   le  manuel   dtEmesti,  Alten- 
bourg,  1796,  grand  in-8°, posthume, 
rédigé  par  un  auditeur  et   revu  par 
G.-G.  Harles.  V.  Deux  petits  ouvra- 
ges purement  scolastiques  :    1°  Les 
Eléments  de  la  langue  grecque,  Leip- 
zig, 1789  ,  in-8''  ;  2"  Manuel  de   lec- 
ture  (Lesebuch)  pour  les  élèves  qui 
commencent  le  lutin  et  le  grec,  Leip- 
zig, 1783,  in-8'',  plus  les  tomes  IV  et 
V  des  Extraits  de    [histoire  ancienne 
à  l'usage  de  la  jeunesse  sur  le  plan  de 
madame     Leprince    de     Beaumont , 
1779  et  1781,  in-8°  (les  trois  volu- 
mes précédents  sont  de  Jean-Adolphe 
Schlegel).  VI.  Des  Mémoires  ou  notices 
philologiques,  au  moins   en  grande 
partie,  savoir  :  1°  Conjecturarum  in 
aliquot  Livii  loca  periculum,  Anna- 
berg,  in -4";  2°  Conjecturar.  Liviana- 
rum  periculum  I,  II,  III,  Ratisbonne, 
1767  et   1768,  in-4"  (le  précédent 
travail  y  est  compris);  3"  Conjecturas 
in  aliquem  Xenophontis  locum,  Anna- 
berg,  1763,  in-4°;  4»  et  5°  Commen- 
tatio  critica  super  loco  Cic.  off.  II,  2, 
Leipzig,    1771,    in-4"  ;    et   Vindiciœ 
ejusdem,  Leipzig,  1772,   in-4"'.    VIL 
Des  Mémoires  ou  Notices  historiques 
au   nombre   de   sept  :  1»  De  fœdere 
primo  Carthaginiensium  cum  pop.  ro- 
mano,  Annaberg,  1761,  in-S";  2"  De 
fœdere  secundo  Carthaginiensium  cum 
pop.  romano,  Annaberg,  1761,  in-S"  ; 
3°  Dcfad.  3  et 4,  etc.,  Annaberg,  1762; 
4»  Prog.  de  Spartiatarum  mora,  Leip- 
zig, 1771,  in-4"  (on  sait  que  la  Mora 
était  la  principale   division  de  l'ar- 
mée lacédémonienne ,    celle  qui    se 
subdivisait  en  lokhos,  etc.;  mais  que 
cependant  il  resterait  à  déterminer  si 
elle  se  composait  de  400  ,    de  500, 
de  700  ou  de  900  hommes,  incerti- 
tude qui  tient  probablement  à  la  diver- 
sité des  époques);  boProg.de  Sccuritate 
quasi  Dea  culta,  Leipzig,  1774,  in-A"; 
go  Pf,    Odéous  des   anciens  (en  ail.), 


MAR 

Leipzig,  1767,  in-S";  T  De  Grœcorum 
certaminibus  poeticis  prolusio,  Leipzig, 
1769,  in-i".  VIII.  Des  mémoires  et 
notices  archéologiques  :  1°  Prog.  in 
inscriptionem  romanam,  etc.,  Leipzig, 
1773,  in-4°  ;  2°  Propempticon  quo  de 
pompeianis  imcriptionibus  nnam  in- 
terpretatur,  Leipzig,  1779,  grand  in- 
8";  3"  Sur  les  cadrans  solaires  des  an- 
ciens (en  ail.),  Leipzig,  1777,  in-S" 
(c'est  de  tous  les  morceaux  celui  qui 
contient  le  plus  de  vues  propres  à 
l'auteur  et  qui  fait  le  plus  d'honneur 
à  son  sens  archéologique);  4°,  5°,  6° 
(bien  qu'il  ne  s'agisse  plus  ici  d'anti- 
quités dans  le  sens  sti'ict)  :  Diss.  de 
thuris  in  veter.  Christianorum.  sacris 
usu,  Leipzig,  1752,  in-4'' ;  Prog.  de 
Oziu,  odores  sacros  incendente ,  Anna- 
berg,  1761,  in-S";  Prolusio  qua  Sulo- 
mon  et  Ozias  odores  sacros  incendentes 
interse  comparantur,  Annaberg,  1 762, 
in-4'';  7°.  Les  jugements  des  moder- 
nes sur  Fart  musical  des  anciens,  peu- 
ve7it-ils  jamais  être  in'éfragables? Non  ! 
(Beweis  dass  der  Neuen  Urth...  nie 
eutscheidend  seyn  kœnnen) ,  Ratis- 
bonne,  1764,  in-8°.  IX.  Des  Dissertât. 
ou  Discours  sur  des  points  d'éduca- 
tion, de  littérature,  etc.,  qu'il  est  inu- 
tile d'énumérer  ici.  X.  Des  Arts  dans 
la  Noiiv.  Biblioth.  des  sciences  et 
arts  (en  allem.)  ;  une  Lettre  au  défen- 
seur d'un  distique  chronologique  de 
ville  impériale  cotitenant  beaucoup 
de  remarques  appuyées  d'exemples 
grecs  sur  cette  espèce  de  jeu  d'esprit  (V, 
n,  201-241)  et  un  Essai  sur  les  joutes 
musicales  des  anciens  (^^I,  I,  1-37,  et 
n,  205-231)  auquel  il  faut  comparer 
la  De  Grœcor,  certaminib.  poeticis  prol. 
XI.  Des  ti'aductions  en  allem.  de  trois 
ouvrages  anglais  (les  Considérations 
de  Duncan  Forbes  sur  les  sources  de 
t incrédulité  ,  sur  la  deuxième  édition 
avec  des  remarques,  Leipzig,  1752, 
in-4*'  ;  le  Jour  du  jugement  et  autres 


MAB 


259 


poésies  d'Olgi^e,  Leipzig,  1776,  in-8°, 
et  la  f^ie  de  Gustave-Adolphe  par  Ilar- 
te,  Leipzig,  2  vol.  in-4'',  1760  et  61, 
avec  préface  et  remarques  de  Boeh- 
mer),  et  des  ouvrages  français  qui  sui- 
vent: 1"  Les  Sermons  deDan.deSunévil- 
le,Leipzig,1755,  in-8°  ,2^  tlntroduct.  à 
la  peinture  de  Roger  de  Piles  ,  Leip- 
zig, 1760,  in-S";  3" Les  costumes  dans 
Fantiquité  par  Lens,  Dresde  ,  1784, 
grand  in-S"  (cet  écrit  ne  méritait  point 
les  honneurs  de  la  traduction  :  Mar- 
tini du  reste  le  fit  précéder  d'une  sa- 
vante préface  ,  mais  qui  justement 
prouve  qu'il  n'avait  pas  vu  cette  ga- 
lerie de  Dresde  dont  il  a  été  question 
plus  haut).  XII.  Des  éditions  ou  plutôt 
réimpressions  à  l'usage  de  son  cours  : 
1"  de  ÏHippolyte  d'Euripide,  texte  et 
;iotes  de  Brunck,  Leipzig,  1788,  in-S": 
Aei  Phéniciennesàu  même  poète,  texte 
etnotesdumême  savant,  Leip.,  1793, 
in-8'';3°  des  Dial.  choisis  de  Lucien(sur- 
tont  Dialogues  des  Dieux)  avec  double 
index,  Leipzig,  1794 ,  grand  in-S"  ;  4* 
du  de  Beghardis  et  Beguinabus  com- 
mentarius  de  Mosheira,  Leipsig,  1790, 
in-S".  (Martini  a  enrichi  ce  fragment, 
édité  à  neuf  sur  le  manuscrit  de  l'au- 
teur, d'un  double  appendix,  de  va- 
riantes ,  de  notes  et  de  tables);  5°  de 
ï Archœologia  litteraria  d'Emesti  , 
Leipzig,  1790,  in-8''  f'avec  des  Excur- 
sus où  se  reconnaissent  à  la  fois  l'é- 
rudition et  la  sécheresse  toutes  méca- 
niques de  Martini.  P— -ot. 

MARTIXI  (Frédéric-Hesri-Gcil- 
laume),  médecin  naturaliste,  fonda- 
teur de  la  Société  des  Curieux  de 
la  Nature  de  Berlin,  naquit  le  31 
août  1729,  à  Ohsdruf,  dans  l'État  de 
Saxe-Gotha.  Son  père,  qui  apparte- 
nait à  l'église  protestante,  et  qui 
mourut  en  1739  surintendant,  vou- 
lait en  faire  un  théologien ,  et  il 
l'envoya  dans  cette  vue  à  l'Université 
d'iéna;  mais  bientôt  la  faiblesse  de 
17. 


260 


MAB 


sa  poitrine  le  fit  renoncer  à  une  car- 
rière qui  nécessite  un  fréquent  déploie- 
ment de  la  parole  devant  le  public  , 
et  il  se  retourna  du  côté  de  la  mé- 
decine. Il  alla  donc  suivre  des  cours 
relatifs  à  cette  nouvelle  profession, 
d'abord   à  Berlin    (1753),   puis    à 
Francfort-sur-l'Oder,    et  c'est  là  qu'il 
prit  le  grade  de  docteur,    en  1757. 
Il  alla  ensuite  s'établir  comme  mé- 
decin, dans  la  petite  ville  d'Artem, 
où  il  exerça  quatre  ans.  Mais  ce  sé- 
j  our  ne  lui  convenait  pas,  non-seu- 
lement parce  que  la  pratique  très- 
limitée  était  très-peu  lucrative,  mais 
aussi  parce  qu'il  éprouvait  le  besoin 
de  puiser  de  près  aux  grands  foyers 
d'instruction,    et    d'être    en   contact 
avec  les  savants,  les  promoteurs  de 
la  science.  Gleditsch,  un  de  ses  pro- 
fesseurs, comprit  ce  besoin,  et  s'em- 
ploya pour  qu'il  eût  une  clientelle  à 
Berlin.  Martini  revint  donc  dans  cette 
capitale  de  la  Prusse  (1761),  et  s'y 
établit.   Sa  position    n'y   fut  jamais 
brillante,    mais   du   moins,    il  vécut 
sans  être  aux   prises  avec  de  dures 
nécessités,  et  il  aurait  été  sans  doute 
fort  à  l'aise,  s'il  n'eût  eu  quelques 
charges  de  famille,  et  s'il  eût  exclu- 
sivement consacré  à  la  pratique  la 
force  d'esprit  et  le  temps  qu'il  con- 
sacrait aux    études,    et   aux   travaux 
de   son  choix.   Ces   travaux,   même 
lorsqu'ils  se    résolvaient   en    écrits , 
n'étaient  que  peu  productifs,  et  sou- 
vent ne  l'étaient  point  ;  et  si ,   pour 
les  uns,  le  libraire  risquait  l'avance 
d'une  faible   rétribution,  les   autres 
devaient  être  imprimés  aux  dépens  de 
l'auteur,  ou  bien  c'est  lui  qui  en  fai- 
sait la  spéculation,  il   en  résulte  que 
nécessairement  c'était   pour   lui   «les 
travaux  de  surcroît,  pour  Icscpcls  il 
prenait  .sur  les  nuits,  ou  sur  les  heu- 
res de  loisirs  ;  et,   pour  une   consti- 
tution plus  que  délicate,  ce  régime 


MAR 

était  loin   d'être  hygiénique.    Aussi 
peut-on,  en  n'exagérant  pas  ce  mot, 
considérer  Martini    comme  un  des 
martyrs  de    la    science,    et  puisque 
c'est  à  la  zoologie  qu'il  s'appliqua  de 
préférence,  comme  un   des  martyrs 
de  l'histoire  naturelle.  Cette   étude  , 
une  des  sciences  subsidiaires  du  mé- 
decin, avait  déjà  pour  lui  un  attrait 
particulier    au    temps    où   il   n'était 
qu'élève,  et  il  y  avait  fait  des  progrès, 
grâce  à  la  conversation  de  Gleditsch, 
de   Mekel,    du    célèbre    Cartheuser, 
grâce  aussi  à  ce  qu'il  avait  un  Ubre 
accès  au  cabinet  d'histoire  naturelle 
de    Kaltschmidt.    Pendant    son    exil 
d'Artern,  il  mit  à  profit  les  excur- 
sions   qu'il   faisait    à    la   campagne, 
pour  commencer  un   cabinet  de  co- 
quillages. Une  fois  de  retour  à  Ber- 
lin,   c'est   surtout   de    ce    côté   que 
se    tourna    toute    son    ardeur.    Non 
content  de  connaître  et  les  livres  et 
les  objets,  il  voulait  aussi  se  mettre 
en  rapport  avec  les  hommes  qui  s'oc- 
cupaient des  mêmes   études,   et  qui 
avaient  les  mêmes  prédilections  que 
lui.  Ue    là  une    correspondance  fort 
active  avec  un  grand  nombre  de  sa- 
vants   étrangers   à    Berlin.    Aspirant 
non-seulement  à  savoir,  mais  à  faire 
savoir,  et  à   faire  découvrir,   en   un 
mot,  à  enrichir  l'histoire  naturelle,  et 
d'autre  part,  sentant  que   si  un  jour 
devait  venir   où    les   princes  et  les 
États   encourageraient  cette    science 
par  leur  munificence,  c'était  pourtant 
par  la  science  même  que  devaient 
être  faits  les  premiers  pas,   et  que 
l'aide  lui   serait  d'autant  plus  sûre- 
ment   acquise    qu'elle     n'aurait   pas 
besoin  d'aide,  il  conçut  le  plan  d'une- 
association    scientifique,     qui,     sans 
autre  appui  que  les  propres  ressour- 
ces de  ses  membres,  se  vouerait  aux 
progrès  de  l'histoire  naturelle,  aurait 
des  séances  périodiques,  produirait  ou 


MAR 

provoquerait  des  mémoires,  publierait 
un  recueil,  formerait  une  bibliothèque 
et  des  collections,  etc.  Il  comprit  aussi 
que  Berlin ,  centre  naturel  de  l'Alle- 
magne du  nord,  depuis  que  le  grand 
Frédéric    avait    mis    la    Prusse    si 
haut,  était  admirablement  placé  pour 
être  le  siège  d'un  semblable  établis- 
sement.   Son    influence   personnelle, 
I       tant  par  lettres  que  de  vive  voix,  dé- 
termina la  création  qu'il  souhaitait  ; 
et,  le  9  juin  1773,  la  Société  des  Cu- 
rieux de   la     Nature   se  constituait, 
composée  d'un  noyau  de  sept  mem- 
bres, qui  à   l'unanimité  firent  choix 
de  Martini  comme  secrétaire  :  quatre 
mois  après,  elle  comptait  des  corres- 
pondants renommés,  dans  dix  villes 
principales  de  l'Allemagne,  de  Prague 
a  Hambourg,    et  aussi  à   Copenha- 
gue, Stockholm,  à  La  Haye,  à  Dant- 
zig,    à  V'oiise,  à  Vicence.  Ce  rapide 
succès,    cette    extension    qui    devait 
faire  converger  tant  de  découvertes 
à  Berlin,  et  dès- lors  le  haut  rang  que 
prit  la  nouvelle  association  dans  l'o- 
pinion des  hommes  spéciaux,  furent 
une  des  plus  douces  récompenses  que 
put  recevoir  Martini.   La  Société  mé- 
dicale de  Cunéo,  celle  de  Drontheim, 
avaient  contribué  à  lui  donner  l'idée 
de  la  sienne  ;  mais  celles-ci ,  malgré 
lem*  mérite  réel,    se  trouvaient  bien 
échpsées  par  la  sienne.  Le  centie  de 
Mai'tini  était  mieux  choisi,  sa  sphère 
d'action  devait  être  plus  considérable: 
la  maintenir  ou  l'agrandir  était  facile, 
pour  peu  qu'elle  eut  toujours  un  se- 
crétaiie  doué  des  qualités  de  Martini, 
fût-ce  à  un  degré   moins  haut.  Cet 
homme  à  qui  la  science  doit  tant,  et 
dont  le  nom,  comme  homme  influent, 
est  digne  d'être  mis  à  côté  de  ceux 
de  Buffon  et  de  Linné,  ne  survécut 
que  peu  d'années  à  la  création  de  sa 
société.  Revenant  dune  promenade  à 
cheval,  le  27  juin  1778,  il  fut  saisi 


MAR 


261 


de  paroxismes  si  violents  à  la  poi- 
trine, qu'à  peine  put-il  mettre  pied  à 
terre,  et  qu'emporté  plus  moit  que 
vif  dans  sa  maison,  il  expira  peu 
d'heures  après.  Il  ne  laissait  en  quel- 
que sorte  point  de  fortune.  Son  ca- 
binet d'histoire  naturelle,  fort  riche 
pour  un  particulier,  et  pour  le  temps, 
fut  vendu  assez  avantageusement, 
mais  fut  dispersé,  par  le  fait  même 
de  la  vente.  La  conchyliologie  sur- 
tout y  était  représentée  pai"  un  grand 
nombre  d'espèces,  dont  beaucoup 
n'avaient  été  décrites,  ni  par  Linné, 
ni  par  d'autres,  si  ce  n'est  lui  :  il  s'y 
trouvait  aussi  des  objets  précieux  dans 
la  partie  minéralogique,  et  dans  celle 
qui  se  rapportait  aux  coraux  et  aux 
autres  zoophytes.  Toutefois  cette  col- 
lection était  bien  loin  de  celles  qui, 
depuis,  ont  été  formées  par  tant  de 
particuhers,  les  uns  très-riches,  les 
autres  venus  en  un  temps  où  le 
grand  nombre  des  voyages  scienti- 
fiques, et  la  multiphcité  des  commu- 
nications, avaient  lendu  infiniment 
plus  facile  ce  gem-e  de  thésaurisa- 
tion. Martini,  malgré  la  courte  du- 
rée de  sa  carrière  littéraire  (  qua- 
toi-ze  ans),  a  laissé  un  grand  nombre 
tant  d'écrits  originaux  que  de  tra- 
ductions. Les  voici  :  I.  Nouveau  ca- 
binet de  conchyliologie,  dans  un  ordre 
systématique,  etc.  (  >'eues  systematis- 
ches  Conchyliencabinet....  )  ,  1768- 
88,  10  vol.  grand  in-4°,  avec  de 
nombreuses  gravures  en  taille-douce, 
et  vignettes  imprimées.  Cet  ouvrage 
long-temps  classique,  et  qui  n'a  été 
dépassé  que  dans  ces  vingt  dernières 
années,  sans  même  avoir  été  encore 
complètement  remplacé  sous  tous  les 
rapports,  était  exécuté  avec  un  soin 
et  un  luxe  que  rarement  on  appor- 
tait à  cette  époque  aux  planches 
d  histoire  naturelle,  et  qui  ont  con- 
tribué à  donner  atu  dessinateiu^  na- 


262 


MAR 


turalisles   l'impulsion    et  l'élan   qui 
ont  produit   tant    de    chefs-d'œuvre 
dans  cette  partie  de  l'ait  appliqué  à 
à  la  science.  Martini  ne  put  le  con- 
duire que  jusqu'au  quatrième  volume: 
à  partir  de  là,  ce  fut  Chemnitz,  de 
Copenhague,  qui  en  continua  la  ré- 
daction et  l'exécution.  Une  excellente 
table  générale  du  surintendant  Schrœ- 
ter,  de   Buttstœdt,  termine   le  dixiè- 
me volume.  Chemnitz  en  donna  un 
onzième  en  1796,  et  même  en  pro- 
mit un  douzième,  mais  qui  n'a  jamais 
paru.  II.  Dictionnaire  d'histoire  natu- 
elle,  d'après  le  plan  de  Valmont  de  Bo- 
mare  (m.  à  m.  Histoire  naturelle  uni- 
verselle,par  ordre  alphabétique... ,KWp. 
Geschichte  d.  Natur,  in  alph.  Ord- 
nung),  1774-1793,  10  vol.  gr.  in-S». 
Les  quatre  premiers  seulement  sont 
de  Martini,  les  deux  suivants  eurent 
pour  autem-  Otto,   les  cinq  derniers 
furent  publiés  par  Krunitz.  Ces  onze 
volumes  pourtant  ne  menaient  que 
jusqu'à  l'article    Cocjuillo,    et    à   ce 
compte,  il  eût  fallu  au  moins  quatre- 
vingts  volumes  pour  compléter  le  dic- 
tionnaire. C'était   bien  la  proportion 
de  Martini,  qui,  dans  son  quatrième 
volume,  entamait  à  peine  la  lettre  B 
(Bachsteinbrech  en  est  le  dernier   ar- 
ticle) ;   et   le    grand   Dictionnaire   de 
Levrault   est   à   peu   près  sur   cette 
échelle,  sans  que  les  hommes  qui,  soit 
accidentellement,  soit  par  profession 
ont  besoin  d'avoir  recours  à  ce  réper- 
toire,   se  soient    plaints  de   la  base 
sur  laquelle  ont    opéré  les  auteurs. 
Mais,  en  1770,  il  en  était  aulrcment, 
l'entreprise   sembla   gigantesque;   ce 
■qui  la   rendait  très-difficile  surtout, 
c'est  que  Martini  se  chargeait  à  peu 
près  de  tout  rédiger  :  mais  peut-être 
était-ce  là  ce  dont  on  s'occupait  le 
moins  ;  el  ce  qui  rendait  vraiment  la 
spéculation  périlleuse,  c'était  la  gran- 
deur mérae  des  dimensions,  qui  ef- 


MAR 

frayait  et  éloignait  les  acheteurs.  Les 
amis  de  Martini  l'avaient  senti  eux- 
mêmes  ;  et  il  ne  manqua  pas  de  con- 
seillers, qui  l'engageaient  à  restrein- 
di"e  son  plan,  et  qui  en  déclaraient 
l'exécution  impossible.  Martini  persé- 
véra ;  et  s'il  eût  vécu ,  peut-être    en 
fût-il  venu  à  pouvoir  dite  Exegi  mo- 
numentuni  !  Les  quatre  premiers  vo- 
lumes se  succédèrent  assez,  rapide- 
ment, en  1774,  75,  77  et  78  :  il  est  à 
croire  qu'il  eût  été  plus  vite  ensuite  ; 
beaucoup    d'articles    postérieurs    se 
trouvaient  rédigés    en  même  temps 
que  les  premiers,  et  peut-être  fût-il 
arrivé  à  l'idée  si  simple  de  s'adjoindre 
des  collaborateurs   réguliers.  Vingt- 
cinq  ans  auraient  suffi  à  terminer  les 
quatre-vingts  volumes.  Tel  qu'il  est,  le 
dictionnaire  non  terminé  de  Martini , 
indépendamment  de  la  valeur  réelle 
qu'il  a,  par  lui-même  et  par  les  nom- 
breuses planches  qui  l'accompagnent, 
atteste  la  largeur  et  la  vigueur  d'es- 
prit de  l'auteur,  qui  conçut  un  réper- 
toire   alphabétique    d'histoire    natu- 
relle sur  de  si  vastes  bases  :  ce  sont 
les  premières  et  formidables  assises 
d'un  édifice   inachevé,   mais  monu- 
mental :  on  l'a  délaissé,  mais  c'est  sur 
ce  plan,  on  ne  saurait  le  nier,  quon 
a  depuis  élevé  les  édifices  de  même 
nom  ;  et  si  l'immense  popularité  dé- 
sormais acquise  à  l'histoire  natmelle, 
si  la  facilité  résultant  d'une  part  de 
l'abondance  des  matériaux,  des  col- 
lections,  des    recueils    spéciaux,    de 
l'autre  de  la  disposition  actuelle  des 
honuncs  de   lettres   et  savants  à  la 
collaboration,    ont  rendu  Irès-prati- 
cable  ce  qui  semblait  chimérique  à 
l'époque  de  Martini,   ce  changement 
de  circonstances  n'ajoute  et  n'6te  rien 
à  l'idée  qu'on  doit  se  faire  du  plan 
en  lui-même,   et  de  Ihomme  qui  le 
crut  réalisable,  parce  qu'il  sentait  en 
lui    soit    comme    travailleur ,     soit 


4êêA 

comme  homme  d'action,  ce  quil  fal- 
lait pour  le  réaliser.  111.  Le  Magasin 
de  Berlin  (Berlinischcr  Magasin),  ou 
Recueil   de    mémoires    et   de    notices 
pour    les  amis   de    Fart  médical,    de 
t histoire    naturelle     et    des    sciences, 
etc.,  1763-1769,  in-8»,  4  vol.,  chacun 
de  six  livraisons,  (avec  des  planches). 
Ce  recueil  semi-périodique,   exclusi- 
vement sous  la  direction  de  Martini, 
contient  de  lui  un  très-grand  nombre 
de  morceaux.  IV.  Recueil  de   Berlin 
(Berlinische  Sammlungen),  pour  Fa- 
vancement  de   la  médecine,   de  f  his- 
toire naturelle,  de   téconomie  domes- 
tique, des  sciences  administratives  et 
de  la  bibliographie    relative  à  ces  di- 
verses   branches    du    savoir    htimain, 
1769-79,  in-S»,  chacun  aussi  de  six 
livraisons,   et  avec  gravures.  Chaque 
tome   est    accompagné    d'une  table 
très-commode.  De  même  que  pour  le 
recueil  précédent,  Martini  fut   seul 
directeur  et   principal  rédacteur  des 
Sammlungen.  Ces  dix  volumes  pré- 
sentent en   général    à    l'homme  du 
monde,   à  Tamateur,   quelque  chose 
de  plus  agréable  que  les  précédents  : 
par  cela   même,   pris   en  masse,  ils 
sembleraient  de  nos  jours  former  un 
tout  moins  scientifique  par  l'austérité, 
la  dignité  qui  sont  les  premières  con- 
ditions   d'un   recueil    spécial   et  sé- 
rieux.    Cependant  la-  multitude   des 
bons  travaux  qu'ils  contiennent,  leur 
ont  conservé  un  rang.  La  plupart  se 
réfèrent  à  l'histoire  naturelle  et  à  la 
médecine.    Parmi  les  premières,   se 
trouvent  d'excellentes  descriptions  et 
de  bonnes  figures.  La  bibliographie 
sans  être  exquise  ou  complète,  con- 
tient beaucoup   d'indications  utiles, 
parmi  lesquels  il  faut  placer  au  pre- 
mier rang,  et  celle  des  articles  parti- 
culiers donnés  dans  des  recueils  scien- 
tifiques, et  l'analyse  plus  ou  moins 
détaillée  des  ouvrages  rares  ou  inédits. 


"UiA 


263 


Beaucoup  de  morceaux 'des  Sdmrw» 
lungen  sont  de  simples  traductions 
(parfois  avec  notes)  :  l'éditeur  indique 
toujours  cette  circonstance  et  la 
source.  IV.  Mélanges  (  Mannigfalkei- 
ten),  16  vol.  gr.  in-S",  recueil  hebdo- 
madaire dont  il  faut  distinguer  quatre 
séries  (deux  entières  du  vivant  de 
Martini  et  sous  sa  direction).  1°  Les 
Mélanges,  1770-1773:  2°  les  Nou- 
veaux Mélanges,  1774-1777  ;  3"  les 
Derniers  Mélanges  (neuesteMannigf.), 
1778-1780  (ceux-ci  contiennent  en- 
core divers  morceaux  de  Martini , 
qui  en  dirigea  presque  tout  le  pre- 
mier volume  :  la  haute-main  fiit  en- 
suite transférée,  selon  toute  appa- 
rence, à  Otto);  4°  les  derniers  Der- 
niers Mélanges  (  Allerneueste  Man- 
nigf.),  1781-1784.  Bien  que  ce  re- 
cueil n'ait  pas  toute  l'importance 
du  précédent  ,  il  contient  encore 
de  très-bonnes  choses,  surtout  en 
fait  d'histoire  naturelle.  V.  Diverses 
traductions ,  savoir  :  1"  un  commen- 
cement considérable  de  la  traduction 
complète  de  Buffon.  Ce  commence- 
ment comprend  Y  Histoire  naturelle 
générale  ,  1771-1774  ,  gr.  in-8«,  B  ; 
Y  Histoire  des  quadrupèdes,  1772-1777, 

5  vol.  gr.  in-8**,  avec  beaucoup  de 
planches  noires  ou  enluminées,  con- 
tinuée, après  la  mort  de  Martini,  par 
Forster,  et  à  partir  du  tome  VII,  par 
Otto,  qui  toutefois  ne  termina  pas, 
C;   Y  Histoire    naturelle  des   oiseaux, 

6  vol.,  1772-1777,  continuée  de 
même  par  Otto ,  qui  alla  au-delà 
du  XXX*  volume.  La  traduction  de 
Martini  n'est  point  une  servile  repro- 
duction de  l'original  :  il  a  changé, 
ajouté,  annoté,  et  sous  tous  ces  points 
de  vue,  Y  Histoire  naturelle  allemande 
a  une  valeur  intrinsèque,  qui  lui  as- 
signe un  rang  dans  toutes  les  biblio- 
thèques d'histoire  naturelle,  à  côté 
de  l'original  et  indépendamment  de 


264 


MAB 


l'original.  2°  La  traduction  du  Traité 
des  coquilles  qui  se  trouvent  aux  en- 
virons de  Paris,  par  GeofFroy,  1767, 
in-8°,  avec  des  remarques,  pour  l'é- 
claircissement du  texte  ;  3"  la  traduc- 
tion du  Fojarje  au  Sénégal  d'Adan- 
son,  Brandebourg,  1774,  gr.  in-S", 
avec  des  remarques  toujours  dans  le 
même  système  ;  4"  une  traduction  de 
l'Histoire  naturelle  des  araignées  de 
Lister,  QuedlinbourgetBlankenbourg, 

1778,  gr.  in-8°,  5  pi.  (posthume). 
Tous  les  autres  ouvrages  sont  traduits 
du  français  ;  celui-ci  l'était  du  latin. 
Martini,  suivant  sa  coutume,  y  avait 
fait  des  additions  importantes;  après 
sa  fin  prématurée  ,  Gœze ,  qui  fut 
chargé  de  la  publication  du  manus- 
crit,  y  ajouta  aussi  plusieurs  mor- 
ceaux qu'il  signa.  V.  Recueil  des  tra- 
vaux des  Curieux  de  la  nature  (Bes- 
chaeftigungen  d.  Gesellchaft  Watur- 
forsch.  Fseunder),  1775-1777,3  vol.; 
le  quatrième  volume  ne  parut  qu'en 

1779,  après  la  mort  de  Martini.  VI. 
Entretiens  de  lajeunesse  (jugendl.  Un- 
terredungen)  pour  les  enfants  qui  ont 
envie  d'apprendre,  Berlin,  1770-1775, 
2  vol.  Vin.  Divers  écrits  d'impor- 
tance secondaire,  tels  que  :  1"  Diss. 
chimico-inedica  (praîs.  Cartheusero) 
de  Chenopodio  ambrosioide,  l'ranctort- 
sur-i'Oder,  1757,  m-¥;  2°  Un  mot  à 
mes  amis  des  deux  sexes  {EtVDas  f. 
meine  Freunde  unde  Fivundinnen), 
Nurenberg,  1766,  in-8";  3"  Corres- 
pondance entre  amis  (  freundschaft- 
liche  Briefe),  par  divers  auteurs,  etc., 
Nurenberg,  1767,  in-S";  4"  le  Prin- 
temps dans  la  Fallée,  Magdebourg, 
1796,  in-S",  posth.  publié  par  Tie- 
bcl  ;  5°  divers  articles  dans  des  re- 
cueils autres  que  les  siens,  notam- 
ment dans  le  Mercure  allemand  de 
ly^ieland;  6"  tle  l'imperfection  de 
presque  tous  les  Manuels  pratiques  de 
médecine,  comme  introduction  en  télé 


MAR 

de  l'édition  de  Tissot,  Hambourg, 
1767,  in-S"  ;  7°  Esquisse  d'une  société 
de  journaux  d'utilité  générale,  et  ca- 
talogue de  la  bibliothèque  qu'elle  au- 
rait, Berlin,  1774,  in-4°;  2=  édit., 
1775,  gr.  in-8°;  8°  Catalogue  d'une 
collection  d'objets  naturels  et  d'objets 
d'arts  (celle  de  Stahl)^  etc.,  Berlin, 
1773,  in-8°;  9°  plusieurs  morceaux 
latins  écrits  pour  des  amis;  10°  une 
part  au  Spectacle  de  la  nature  et  des 
arts  (allemand)  et  à  la  Description  de 
Berlin  et  de  Potsdam,  par  Nicolaï.  La 
Fie  de  Martini  a  été  écrite  par  Gœze 
son  ami  (Berlin,  1779,  in-4"),  auquel 
on  peut  reprocher  de  l'avoir  un  peu 
trop  délayée;  et  on  tiouve  aussi  sur 
lui  des  renseignements  dans  les  Tra- 
vaux des  Curieux  de  la  Nature,  tome 

IV  (Berlin,  1779,  in-8'').  On  voit  le 
portrait  de  Martini  en  tête  du  tome 

V  de  la  traduction  de  l'Histoire  na- 
turelle générale  et  du  tome  1*"^  des 
Mélanges.  P — OT. 

MARTINIUS  (Pierre),  savant 
navarrois,  fut  appelé,  en  1572,  pour 
remplir  une  chaire  dans  le  collège 
qiie  les  protestants  venaient  d'établir 
à  la  Rochelle.  Le  discours  latin  qu'il 
prononça,  dans  cette  occasion,  fut 
imprimé  en  cette  ville,  1572,  in-8". 
Martinius  entendait  parfaitement  l'hé- 
breu, et  il  publia  une  grammaire  de 
cette  langue,  qui  fut  adoptée  par  les 
écoles  protestantes  d'Allemagne,  et 
traduite  par  la  suite  en  anglais.  Il  la 
fit  réimprimer  avec  une  grammaire 
chaldaïque,  en  beaux  caractères  (1 590). 
Cet  auteur  mourut  en  1594.  Il  avait 
une  femme  dont  les  charmes  n'échap- 
pèrent pas  à  l'attention  du  jeune  prin- 
ce de  Navarre,  depuis  Henri  IV.  T — d. 

MAllTOKELLI  (  Jacqi  es  ) , 
granunairieu  et  antiquaire,  naquit  à 
Naples,  le  29  décembre  1699.  hiitic 
<le  bonne  heuie  à  la  connaissance 
des  langues  anciennes,  il  y  fit  de  si 


MAR 

grands  progrès,  qu'en  terminant  ses 
cours,  il  fut  choisi  pour  en  donner 
des  leçons  au  séminaire  archiépis- 
copal, où  il  enseignait  aussi  la  géo- 
métrie. En  1747,  il  se  présenta  pour 
concourir  à  la  chaire  de  grec  à  l'Dni- 
versité  ;  mais  il  ne  dut  qu'à  son  élo- 
cation  facile  et  brillante  la  préfé- 
rence sur  son  rival  Jean  Spena, 
qui,  moins  disert,  lui  était  supérieur 
sous  d'autres  rapjwrts.  Néanmoins  le 
nouveau  professeur  sut  attirer  à  ses 
leçxtns  un  grand  nombre  d'élèves. 
Four  faciliter  leurs  progrès,  il  tra- 
duisit en  italien  la  Méthode  grecque 
de  Port-Royal  (loj.  Cl.  Laxcelot, 
XXllI,  317);  il  recueillit  les  meil- 
leurs opuscules  sur  les  divers  dia- 
lectes grecs,  qu'il  accompagna  d'une 
version  littérale.  Un  traité  que  ^lar- 
torelli  publia  sur  un  vase  antique, 
conservé  au  Musée  royal,  et  dont 
l'usage  était  contesté  par  les  savants, 
le  fit  connaître  comme  archéologue  ; 
il  fut,  lors  de  sa  fondation,  pourvu 
de  la  chaire  d'antiquités  grecques  ; 
mais,  déjà  vieux  et  infirme,  il  ne  put 
en  prendre  possession.  Il  mourut 
dune  hydropisie,  le  20  novembre 
1777,  et  fiit  inhumé  dans  l'église 
Sainte- Amie,  près  du  savant  juriscon- 
sulte Pasq.  Cirillo,  l'un  de  ses  meil- 
leurs amis.  Martorelli  passe  pour  un 
écrivain  élégant  :  il  avait  fait  une  étude 
approfondie  des  poètes  gi"ecs,  et  en 
particulier  d'Homère;  il  était  d'ail- 
leuis  très-versé  dans  l'histoire.  Mais 
l'esprit  de  svstème  la  quelquefois 
égaré,  et  il  s'est  servi  de  son  immense 
érudition  pour  soutenir  des  para- 
radoxes  moins  solides  qu'ingénieux. 
Outre  les  deux  ouvrages  de  gram- 
maire déjà  cités,  on  a  de  lui  :  I.  De 
regia  theca  calumaria,  Naples,  1756, 
2  vol.  in-i",  fig.  C'est  la  description 
du  vase  antique  du  Musée  royal. 
Quelques  savants  conjecturaient  que 


BIAR 


26S 


le  vase  avait  dû  servir  à  renfermer 
des  parfums  ;  Martorelli  soutient  que 
c'est  un  écritoire,  mais,  pour  établir 
son  opinion,  qui  d'ailleurs  est  assez 
probable,  il  a  cru  devoir  remonter  à 
l'origine  de  l'écriture,  et  passer  en 
revue  les  divers  procédés  dont  on 
s'est  servi  pour  écrire  chez  toutes 
les  nations.  Examinant  ensuite  les  fi- 
gures en  argent  incrustées  sur  ce 
vase,  il  cherche  à  prouver  qu'elles 
représentent  les  sept  planètes  ;  enfin 
il  étend  ses  recherches  jusqu'au  pre- 
mier possesseur  de  ce  meuble,  qu'il 
croit  avoir  de^•iné.  Toutes  ces  di- 
gi-essions  rendent  fatigante  la  lec- 
ture de  ce  livre  assez  rare  et  cu- 
rieux. II.  Deir  antiche  colonie  fenute 
in  Napol't,  ibid.,  1764-73,  2  vol. 
in-4''.  Quoique  publié  sous  le  nom  de 
Mich.  Maccineca,  son  disciple,  cet 
ouvrage  est  incontestablement  de 
Martorelli  {voy.  la  Bibtiot.  Napolitana 
de  Giustiniani,  7).  Le  premier  volume 
traite  des  colonies  envoyées  par  les 
Phéniciens;  le  second  de  celles  qui  sont 
venues  de  l'Arabie.  Un  troisième  con- 
sacré aux  colonies  arrivées  d'Afrique, 
et  qui,  suivant  Giustiniani,  ne  pouvait 
manquer  de  faire  le  plus  grand  hon- 
neur à  Martorelli,  était  sous  presse, 
lorsqu'il  mourut.  L  impression  sus- 
pendue par  cet  événement,  n'a  point 
été  reprise,  parce  que  l'auteur  pré- 
tendu n'ira  jamais  v  mettre  la  main. 
Cet  ouvrage  est  savant,  mais  para- 
doxal, et  l'opinion  de  MartoreUi  sur 
l'origine  de  INaples,  quoique  présentée 
avec  beaucoup  de  talent,  et  appuyée 
de  toutes  les  ressources  d'une  éru- 
dition peu  commune,  n'a  point  été 
adoptée  par  ses  compatriotes.  W — s. 
MARTOS  (  IwA>-  -  Petrowich  ) , 
sculpteur  russe  ,  naquit  vers  17a5  à 
Itchnia.  dans  la  Petite-Russie.  S'étant 
rendu  à  Saint-Pétersbourg,  il  exécuta 
pour  diverses  familles  quelques  petits 


MAR 

travaux,  qui  furent  montrés  à  l'impé- 
ratrice Féodorowna.  Cette  princesse, 
charmée  des  dispositions  du  jeune 
sculpteur,  le  prit  sous  sa  protection 
et  le  fit  envoyer  à  Rome  en  qualité  de 
pensionnaire  du  gouvernement.  Mar- 
tos  y  passa  trois  années,  et  se  lia  sur- 
tout avec  les  peintres  Raphaël  Menci 
et  Pompée  Battoni.  A  son  retour,  le 
gouvernement  lui  confia  l'exécution 
de  plusieurs  monuments  qui  valu- 
rent à  leur  auteur  une  prompte  cé- 
lébrité. Martos  a  doté  de  ses  chefs- 
d'œuvre  les  principales  villes  de  l'em- 
pire russe;  on  trouve  de  lui  un  grou- 
pe colossal  en  bronze  de  Minin  etPoz- 
karski ,  à  Moscou  ;  les  monuments  de 
l'empereur  Alexandre  à  Taganrok;  du 
duc  de  Richelieu  à  Odessa;  de  Lomo- 
nosow  à  Archangel  ;  de  Potemkin ,  à 
Cherson,  etc.  Le  château  de  Pélerhoff 
possède  un  Actéon^  et  l'église  de  Grusi- 
no  plusieurs  saints.  Toutes  ces  statues 
se  distinguent  par  la  simplicité  et  le 
naturel.  Martos  excellait  surtout  dans 
les  draperies.  Il  était  conseiller  d'État 
et  directeur  de  l'Académie  des  Beaux- 
Arts  de  Saint-Pétersbourg,  où  il  mou- 
rut le  17  avril  1835,  à  l'âge  de  quatre- 
vingts  ans.  Z. 

aiARïYIV  (le  révérend  Thomas), 
de  la  société  royale  de  Londres,  pro- 
fesseur de  botanique  à  l'université  de 
Cambridge,  etc.,  fils  d'un  médecin  de 
Chelsea  {yoy.  John  Martyn,  XXVII, 
334),  professeur  de  botanique  à  Cam- 
bridge, naquit  en  1735.  Après  avoir 
fait  d'excellentes  études,  il  fut  profes- 
seur de  botanique,  tuteur  du  collège  de 
Sidney-Sussex,  et  s'y  distingua  dans 
les  cours  qu'il  faisait  en  anglais,  con- 
tre l'ancien  usage  qui  était  de  les  faire 
en  latin.  En  1764,  il  fut  nommé  dé- 
puté ou  procureur  de  l'université. Peu 
après,  il  entreprit  la  tâche  laborieuse 
(le  traduire  les  Antiquités  d'IIercula- 
num ,  conjoinlenicnt  avec  le  docteur 


MAR 

Lettice.  Vers  1772,  il  fut  nommé  rec- 
teur de  Luggershalletde  Litle  Marlow. 
Pendant  une  partie  de  cette  période 
de  temps,  il  fut  gouverneur  de  quatre 
ou  cinq  jeunes  gens  riches,  parmi  les- 
quels était  l'amiral  actuel,  sir  John 
Borlase  "Warren,  avec  lesquels  il  voya- 
gea en  France,  en  Suisse  et  en  Italie. 
A  son  retour,  il  conserva  quelques 
années  la  cure  de  Litle  Marlow  ; 
mais  il  la  quitta  afin  d'aller  exercer  à 
Londres  l'emploi  de  secrétaire  hono- 
raire de  la  société  pour  l'encourage- 
ment et  l'amélioration  de  l'architec- 
ture navale.  Vers  ce  temps,  il  entre- 
prit, d'après  les  instances  de  quelques 
libraires,  de  compléter  le  Dictionnaire 
du  jardinier,  de  Miller.  Il  avait  aupa- 
ravant rempli  tous  ses  devoirs  à  Cam- 
bridge, en  faisant  des  cours  sur  les 
règnes  animal  et  minéral,  en  tout  ce 
qui  a  quelque  rapport  à  la  botani- 
que. Sa  conduite  et  ses  talents  don- 
nèrent tant  de  satisfaction  au  gou- 
vernement qu'il  fut  nommé,  sous 
l'administration  de  Pitt,  professeur 
royal,  avec  des  appointements  consi- 
dérables. Martyn  avait  été,  en  outi'e, 
nommé  curé  d'Egdware,  village  situé 
à  quelques  lieues  de  Londres;  il  sut 
toujours  concilier  les  devoirs  de  son 
ministère  avec  ses  travaux  scientifi- 
ques et  littéraires.  Il  mourut  le  3 
juin  1825  à  Patenhall-Rectory ,  dans 
le  comté  de  Bedford ,  âgé  de  90 
ans.  On  a  de  lui  :  I.  Plantœ  cantabri- 
(jienses,  1763,  in-8".  II.  Notice  sur  une 
donation  faite  nu  Jardin  de  botanique, 
par  le  docteur  TFalkcr,  1763,  in-4". 
III.  Le  Connaisseur  anglais,  2  vol.  in- 
12  ,  1763.  IV.  Sermon  au  bénéfice 
de  l'hôpital  d'Àddcnbrooke ,  in-4". 
1768.  V.  Dissertation  et  remarques 
critiques  sur  /'Enéide  de  Firgilc,  par 
J.  Martyn  ,  son  père  ,  avec  la  vie  de 
l'auteur,  in-12,  1770.  Il  y  défend  Vir- 
gile du  reproche  d'anachronisme  re- 


MAR 

lalivemcnt à  la  fondation  de  Caithage. 
VI.  Catalogui  hotti  botanici  cantabri- 
(jiensisy  in-S",  177t.  VIL  Antiquités. 
d'Herculaiium  ,  traduites  de  l'italien  , 
\a-i-°,  1773.  VII.  Éléments  d'histoire 
naturelle,  in-8°  ,  177 6.  IX.  Le  conchy- 
liologiste  universel,  dessiné  et  peint  d'a- 
près nature  et  arrangé  selon  le  système 
de  l'auteur  (en  anglais  et  en  français), 
Londres,  1782,  2  vol.  in-folio,  max. 
obloog.  X.  Lettres  de  Rousseau  sur  les 
éléments  de  l'histoire  naturelle;  trad. 
du  français,  2  vol.  in-8%  1786;  2'  édi- 
tion, 1787.  L'année  suivante,  ISodder, 
peintre  en  botanique  de  S.  M.  B.,  gi-a- 
va  38  dessins  pour  les  Eléments  d'his- 
toire naturelle;  il  y  ajouta  des  expli- 
cations pour  éclaircir  le  système  de 
Linné,  etc.  XI.  Notice  sur  un  voyage 
en  Suisse  ,  in-8°,  1787.  XII.  Le  Guide 
du  voyageur  en  France,  in-8'',  1787. 
Xni.  Expose  succinct  de  la  nature,  de 
l  origine  et  des  progrès  d'un  établisse- 
ment particulier  formé  pour  instruite 
la  jeunesse  dans  l'art  d'expliquer  et  de 
peindre  des  sujets  dhistoire  naturelle 
(en  anglais  et  en  français),  Londi'cs, 
1789,  in -4".  XIV.  Le  Guide  du  voya-- 
geuren  Italie,  traduit  de  l'anglais,  in- 
8",  1791.  XV.  L'entomologiste  anglais, 
représentant  tous  les  insectes  coléo- 
ptères qui  se  trouvent  en  Angleteire  ; 
et  comprenant  plus  de  500  différentes 
espèces,  pour  lesquelles  on  a  adopté  la 
nomenclature  et  la  classification  de 
Linné  (en  anglais  et  en  fi-ançais),  Lon- 
dres ,  1792 ,  grand  in-i",  avec  des 
fig.  color.  XVI.  La  langue  de  la  bo- 
tanique ,  ou  Dictionnaire  des  termes 
de  cette  science,  in-S",  1793;  une  2* 
édition  en  a  été  faite  en  1796,  et  une 
|:  3'  en  1807.  XVIL  Flora  rustica,  4 
'  vol.  in-8'',  1791-1794.  XVIU.  Des- 
cription de  ( hœmanthus  multiflorus , 
avec  une  gi-avure,  in-8''.  XJX.  Le  Dic- 
tionnaire du  jardinier  et  du  botaniste 
de  Miller,  corrigé  et  arrangé  dans  un 


an 

nouvel  ordre,  4  vol.  in-fol.    1803- 
1807.  Z. 

MARTYiV  (HesbiX  orientaliste 
et  ecclésiastique  anglican ,  élève  de 
l'Université  de  Cambridge  ,  habitait 
dans  le  Bengale  comme  chapelain  de  La 
compagnie  des  Indes-Orientales,  lors- 
que, stimulé  par  le  vœu  de  plusieurs 
sociétés  bibliques,  il  songea  à  terminer 
ou  plutôt  à  refaire  la  traduction  per- 
sane du  Nouveau  -  Testament  com- 
mencée par  ?«athanaël  Sabat ,  Arabe 
converti,  et  continuée  par  un  ecclésias- 
tique italien,  L.  Sébastiani,  qui  a^'ait 
résidé  plusieurs  années  à  la  cour  de 
Perse.  Martyn,  avant  déjà  traduit  le 
Nouveau-Testament  en  hindoustani, 
depuis  1808  (i),  et  s' occupant  à  le 
traduire  en  arabe,  se  rendit,  en  1811, 
à  Chiraz ,  pour  se  livrer  à  son  nou- 
veau travail.  Il  y  demeui-a  environ  un 
an  ;  et,  sous  la  protection  de  l'ambas- 
sadeur anglais  à  la  cour  de  Perse,  il 
y  termina  la  révision  de  sa  traduction 
persane,  avec  l'aide  d'un  Persan  ins- 
truit, nonuué  Mir  Seid-AU.  Il  reve- 
nait en  .\nglelerre  j>ar  la  voie  de 
Ck)nstantinople  ,  lorsqu'il  mourut  à 
Tocat,  dans  l' Asie-Mineure,  le  16  oc- 
tobre 1812 ,  par  suite  de  l'excès  du 
travail  et  de  l'influence  du  climat  de 
Chiraz.  Avant  son  départ,  il  avait  re- 
mis à  Sir  Gore  Ouseley,  ambassadeur 
extraordinaire  de  la  Grande-Bretagne 
à  la  cour  de  Perse ,  une  copie  manu- 
scrite et  soigneusement  revue  de  sa 
traduction,  avec  prière  de  la  présenter 
au  roi  de  Perse  Feth- Ali-Chah  (voy, 
ce  nom,  LXIV,  123).  L'ambassadeur 


(I)  Cette  traduction  a  reparu  sous  ce  titre  t 
Ttie  ?iew  Testament  ofJesus-Christ,  irons- 
lated  into  tlie  hindoostanee  language  from 
the  original  greek ,  and  norv  printed  in  thc 
nagrea  eharacler,  by  H.  Martyn  and  afïcr- 
wards  carefuUy  revised  icith  the  assistatue 
of  Mirza  Fitriet,  and  other  learned  natives, 
for  thc  britesch  and  foretgn  Bible ,  Society 
€alcutU,  1815,  ia-8*>. . 


IMAR 

s'acquitta  de  la  commission,  après 
avoir  fait  tirer  plusieurs  copies  de 
l'ouvrage,  qu'il  distribua  aux  person- 
nages les  plus  lettrés  et  les  plus  con- 
sidérables de  la  cour,  et  avoir  obtenu 
du  roi  la  promesse  qu'il  lui  en  dirait 
son  opinion.  Une  lettre  de  Feth- Ali- 
Chah  ,  datée  de  Rabi  11%  1229  (avril 
1814),  et  adressée  à  Sir  Gore  Ouseley, 
fait  connaître  le  jugement  que  ce  mo- 
narque a  porté  du  travail  de  H.  Mar- 
tyn.  Il  le  trouve  complet ,  en  ce  que 
l'on  ne  connaissait,  en  Perse,  que  les 
quatre  évangélistes ,  d'après  deux  tra- 
ductions persanes  publiées  à  Londres 
vers  le  milieu  du  XVIII'  siècle.  Le 
style  lui  en  paraît  convenable ,  c'est- 
à-dire  simple  et  facile,  et  il  ordonne 
.  qu'on  le  lui  lise  tout  entier.  Si  ce  ju- 
gement n'est  qu'un  acte  de  complai- 
sance, il  prouve  au  moins  combien  la 
tolérance  des  Peisans  surpasse  celle 
des  Turcs.  L'ambassadeur,  à  son  re- 
tour de  Perse,  s'arrêta  à  Saint-Péters- 
bourg, et  y  remit  à  la  Société  Biblique, 
établie  en  1813,  le  manuscrit  deMar- 
tyn,  qui  fut  imprimé  sous  ce  titre  .  No- 
vum  Testamentum  Jesu-Christi  e  grœco 
in  persicam  linguam  in  urbe  Schiras, 
nunc  vero  cura  et  sumptibus  Soc.  Bill. 
Ruthenicœ  typis  datum  ;  Petropoli, 
1815,  in -4°.  Comme,  en  général,  les 
divei'ses  sociétés  bibliques  établies  en 
Europe,  depuis  1804,  époque  de  la 
fondation  de  celle  de  Londres,  em- 
brassant toutes  les  communions  de  la 
religion  chrétienne  ,  n'imposent  au- 
cune règle  aux  traducteurs,  pour  le 
choix  des  leçons  qu'ils  doivent  suivre, 
on  ne  sera  pas  surpris  que  Martyn 
ait  inséré,  dans  sa  traduction,  quel- 
ques passages  qui  ne  sont  pas  admis 
dans  les  versions  cathohques.  Mais 
on  doit  s'étonner  qu'il  ait  adopté  les 
nomsmusulmansd'/saet  Fa/iia,aulieu 
<le  Jéius  et  Jean- Baptiste.  ISous  repro- 
duisons cette  observation  de  Silveatie 


MAR 

de  Sacy,  et  nous  renvoyons  à  la  cri- 
tique grammaticale  que  ce  savant  a 
faite  du  livre  de  Martyn,  dans  le  Jour- 
nal des  Savants  de  septembre  1816. 
On  a  encore  de  l'orientaliste  anglais 
des  Mémoires  posthumes,  écrits  et 
publiés  dans  sa  langue ,  Londres , 
1821 ,  in-12.  A— ^. 

MARUCELLI  (  Jeo- Etienne  )  , 
peintre  florentin,  élève  d'Andié  Bos- 
coli,  naquit  en  1586,  et  apprit  de  sou 
maîti'e  la  peinture  et  l'architecture. 
S'étant  rendu  à  Pise,  il  s'y  fit  con- 
naître par  la  facilité  de  sa  composi- 
tion et  l'agrément  de  sa  couleur,  par- 
tie dans  laquelle  il  fut  supérieur  à 
BoscoH  même,  il  fut  bientôt  chargé 
d'un  nombre  considérable  d'ouvra- 
ges. Son  tableau  d'Abraham  donnant 
l'hospitalité'  aux  trois  anges,  fut  placé 
dans  le  chœur  de  l'église  du  Dôme , 
parmi  les  productions  des  maîtres 
les  plus  renommés  de  ce  temps,  il  pei- 
gnit ensuite,  pour  l'éghse  de  Sainte- 
Catherine,  le  mystère  du  Saint-Ro- 
saire, et  pour  celle  des  Minimes,  une 
vierge  et  deux  anges  accompagnés  des 
sairits  apôtres  Jacques  et  Philippe,  et 
une  histoire  de  saint  Charles-Borro- 
viée.  On  cite  encore  comme  des  ou- 
vrages très-distingués  ses  tableaux  du 
Martyre  de  saint  Barlhélemiet  de  la 
Cène.  Enfin,  il  fut  chargé  de  peindre  à 
fresque  la  façade  du  petit  palais  des 
chevaliers  de  St-Étienne ,  lieu  célèbre 
par  la  mort  du  comte  UgoUn  (  v. 
GnERARnEscA).  Ccs  pcinturcs  repré- 
sentent des  paysages  et  diverses  fi- 
gures allégoriques  de  vertus  et  d'urls 
libéraux.  Marucelli  était  sur  le  point 
de  se  placer  dans  la  peinture  au  rang 
des  premiers  artites ,  lorsqu'il  se  dé- 
cida, on  ignore  par  quel  motif,  à  dé- 
laisser entièrement  la  pratique  de  cet 
ait  pour  se  livrer  a  l'architecture  et 
au  génie.  Il  donna  bientôt  des  preu- 
ves do  son  savoir  dans  ces  deux  art», 


MAR 

et  le  grand-duc  lui  conféra  la  charge 
d'ingénieur  des  canaux  dans  l'exercice 
de  laquelle  il  exécuta  plusieurs  ma- 
chines extrêmement  ingénieuses.  Il 
établit  une  école  de  mécanique  et 
d'architecture,  où  la  noblesse  toscane 
venait  s'instruire  et  d'oii  sortirent  des 
élèves  éclairés.  Marucelli  mourut  à 
Pise  en  1646.  P— s- 

MARIILLUS  (Makccs\  mimo- 
graphe  célèbre,  florissait  à  Rome  sous 
le  règne  des  Antonins.  Capitolinus 
rapporte  (cap.  8),  que  ce  poète  ne 
craignit  pas  de  railler  au  théâtre  L. 
Verus  et  Marc-Aurèle ,  et  que  les 
deux  jeunes  princes,  héritiers  de  la 
mansuétude  d'Antonin-le-Pieux,  sup- 
portèrent patiemment  ces  attaques. 
Servius,  dans  son  commentaire  sur 
Virgile  (E^L  VU,  v.  26,  et  £neid. 
Mil,  V.  499),  a  conservé  un  fragment, 
où  MaruUus  estropie  un  peu  la  gram- 
maire ,  pour  amener  un  assez  mau- 
vais jeu  de  mots.  Ce  poète  a  joui , 
néanmoins ,  jusque  dans  les  bas  siè- 
cles, de  la  réputation  d'un  très-habile 
auteur  de  mimes.  Saint  Jérôme,  entre 
autres,  loue  le  style  élégant  de  ses 
couplets,  strophani  eleganti  sermone 
confictam  (Ad  Pammach.  Apolog., 
lib.  II  ) ,  et  il  associe  le  nom  de  Ma- 
nillus  aux  noms  de  ses  prédécesseurs 
les  plus  illustres,  Philistion  et  Lentu- 
lus.  —  \Lu\rLLrs  (Tarife),  poète  cala- 
brais du  V  siècle ,  ayant ,  après  la 
prise  de  Padoue ,  présenté  à  Attila 
des  vers  où  il  rapportait  1  origine  de 
ce  prince  aux  dieux,  fut  très-mal 
accueilli  par  le  barbare  conquérant 
qui,  indigné  de  cette  flatterie,  fit 
brûler  le  poème  et  châtier  l'auteur. 
L'histoire  ne  dit  pas  jusqu'où  alla  ce 
châtiment;  mais  elle  doit  reconnaître 
que ,  dans  cette  occasion  ,  Attila 
montra  plus  de  raison  que  beaucoup 
de  rois  dont  on  a  vanté  la  sagesse. 
M — G — N. 


MAR 

MARULLL'S  (  Michel -Tarchj- 
50te).  Foy.  Tarcagsota,  XI. IV.  529, 
not.  1. 

MARZARI-Pencafi  {\c  comte 
Jobeth),  un  des  prenaiers  géologues 
de  ce  siècle,  naquit  en  1777.  d'une 
illustre  famille  de  Vicence.  ïîon  édu- 
cation, commencée  dans  cette  ville, 
fut  continuée  dans  un  collège  de  Pa- 
doue, où  régnait,  selon  l'habitude  de 
cette  époque,  la  fureur  de  faire  des 
vers.  Le  jeune  Marzari  composait 
donc  force  sonnets  et  même  des  tra- 
gédies ,  lorsqu'il  se  sentit  naître  du 
goût  pour  la  botanique,  pendant  son 
séjour  dans  une  maison  de  campagne 
qu'il  avait  au  pied  du  Snmano,  mon- 
tagne célèbre  depuis  plusieurs  siècles, 
par  la  quantité  et  la  variété  de  ses 
plantes.  Il  se  mit  à  la  parcourir  en 
tous  sens,  et  étendit  ensuite  ses  ex- 
cursions dans  le  reste  du  Vicentin, 
étudiant  en  même  temps  les  princi- 
pes de  la  science  et  se  liant  avec  le 
petit  nombre  de  savants  du  pays  qui 
la  cultivaient.  En  1802,  il  publiait  le 
fruit  de  ses  recherches  dans  un  Cata- 
logue des  plantes  qui  croissent  spon- 
tanément siu"  le  territoire  de  Vicence, 
et  peu  après  il  partait  pour  Paris.  Il 
allait  étudier  dans  le  Jardin-des-Plan- 
te^,  où  son  appUcation  et  sa  perspica- 
cité le  firent  bientôt  distinguer  par 
les  principaux  savants.  Chacun  s'em- 
pressait de  faire  des  communications  à 
un  jeune  homme  qui  se  montrait  si 
passionné  pour  la  science;  on  lui  ac- 
cordait toute  sorte  de  facilités  pour 
ses  travaux  et  la  liberté  d'entrer  dans 
tous  les  étabhsseraents  publics  et  pri- 
vés. Ce  fut  ainsi  qu'il  put  quelquefois 
passer  des  nuits  entières  dans  le  magni- 
fique jardin  de  la  Malmaison,  afin  d'é- 
tudier le  sommeil  de  ses  nombreuses 
plantes,  dont  il  fit  graver  plus  de 
quarante  espèces  dans  cet  état.  Il  ré- 
unit aussi  beaucoup  de  matériaux  sur 


270 


MAR 


le  climat  et  la  géographie  des  plan- 
tes, et  envoya  en  1805  un  mémoire 
fort  étendu  à  la  Société  des  naturalis- 
tes de  Genève,  Tout  en  s'occupant  de 
botanique,  Marzari  avait  eu  occasion 
de  connaître  de  près  plusieurs  illus- 
tres minéralogistes,  Haiiy,  Faujas  de 
Saint-Fond  ,  La  Métherie,  et  surtout 
l'italien  Mathieu  Tondi,  qui  faisait  à 
Paris  un  cours  de  minéralogie.  A 
force  de  converser  avec  eux,  d'assis- 
ter à  leurs  leçons,  de  visiter  leurs  ca- 
binets, il  se  passionna  pour  la  miné- 
ralogie ,  et  abandonna  tout  à  fait  ses 
premières  études.  Ses  progrès  dans 
cette  science  furent  si  rapides,  que , 
plusieurs  années  après,  le  célèbre 
Haiiy  citait  encore  Marzari  comme 
le  plus  diligent  de  ses  élèves,  et  celui 
qui  avait  montré  l'esprit  le  plus  pé- 
nétrant ,  et  le  plus  d'aptitude  à  dé- 
terminer les  différentes  espèces  mi- 
nérales. A  cette  époque,  il  se  lia  avec 
M.  Cordier  qui  avait  fait  partie  de  la 
commission  scientifique  en  Egypte,  et 
avec  M.  de  Humboldt  qui  revenait 
d'Amérique.  Après  avoir  demeuré 
près  de  quatre  ans  à  Paris,  il  se  dis- 
posa à  rentrer  dans  sa  patrie  ;  il  prit 
la  route  de  l'Italie  avec  son  profes- 
seur Faujas  de  Saint-Fond,  faisant  de 
nombreuses  haltes  pour  des  observa- 
vations  géologiques.  Ce  fut  ainsi  qu'ils 
visitèrent  ensemble  l'Auvergne,  le  Vi- 
varais  ,  la  Provence  et  les  Alpes  de  la 
Savoie.  A  peine  rentré  chez  lui,  Mar- 
zari s'occupa  de  publier  les  résultats 
de  son  voyage,  dans  la  Corsa  pel  ha- 
cino  dcl  Rodano,  etc.,  puis  il  reprit 
ses  excursions  sur  les  montagnes  du 
Viccntin  et  du  Tyrol,  où  il  décou- 
vrit un  grand  nombre  de  variétés  mi- 
nérales, qu'il  recueillit  et  présenta  à 
la  direction  de  l'instruction  publique 
à  Milan  avec  une  description  détail- 
lée. Il  entreprit,  en  1808,  par  ordie 
cki  vice-roi,  un  examen  minéralogi- 


MAR 

que  des  monts  Euganéens,  et,  en 
1810,  un  travail  semblable  pour  le 
Bergamasque.  Il  découvrit  alors  la 
minière  de  charbon  fossile  située  à 
Borgo  di  Valsugna,  très-près  del'en- 
droit  où  la  Brenta  commence  à  porter 
des  barques.  Cette  découverte  est 
d'autant  plus  importante,  qu'on  tra- 
vaille aujourd'hui  au  chemin  de  fer 
de  Milan  à  Venise,  et  que  plusieurs 
bateaux  à  vapeur  sillonnent  l'Adriati- 
tique.  Marzari  avait  tenté  de  faire 
des  panoramas;  mais,  s'apercevant 
qu'il  était  presque  impossible  d'obte- 
nir une  exactitude  parfaite  sans  ins- 
trument, il  en  inventa  un  qu'il  nom- 
ma tachygonimètre^  c'est-à-direprow;)t 
mesureur  des  angles ,  et  le  présenta, 
en  1811,  au  concours  annuel  pour  le 
prix  de  l'industrie;  l'instrument  fut 
loué  par  l'Institut  de  Milan,  qui  dé- 
cerna à  l'inventeur  la  médaille  d'or. 
En  1812,  Marzari  fut  nomm*^  inspec- 
teur du  conseil  des  mines,  fonctions 
qu'il  exerça  jusqu'en  1814.  Parmi 
ses  études  sur  le  Vicentin  et  le  Tyrol , 
on  doit  remarquer  surtout  les  obser- 
vations géologiques  qu'il  publia  dans 
la  Biblioteca  italiana  (t.  XII,  p.  71), 
sur  les  collines  dites  Bergonze,  près 
des  Sept-Communes ,  où  il  avait  re- 
connu que  les  couches  de  calcaire 
tertiaire,  de  tuf  et  de  basalte,  alter- 
naient jusqu'à"  vingt-deux  et  même 
vingt-cinq  fois.  Ce  fut  à  la  suite  de 
ce  travail  que  l'empereur  d'Autriche 
lui  accorda  une  pension  de  mille  cinq 
cents  florins,  à  la  condition  d'ache- 
ver ses  recherches  minéralogiques 
sur  les  provinces  vénitiennes  ,  et  de 
servir  d'inspecteur  toutes  les  fois  qu'il 
en  serait  requis  par  le  gouvertiement. 
Pour  se  conformer  à  cette  invitation, 
il  commença,  en  1819,  ses  Ccnni 
gcologici  e  lilolog'ui  suite  provinrie 
venete  et  sul  Tiivlo ,  qui  malheureu- 
sement 8*arrétèrent  à  la  première  li- 


MAR 

vraîson.  L'année  suivante,  il  publia, 
dans  un  supplément  du  Nuovo  osser- 
vatore  vetieziatio,  une  Notizia  sopra 
un  granito  in  massa  sovrapposto  sut 
fiume  Avisio  al  calcare  secondario. 
Les  faits  géologiques  qu'il  constatait 
firent  beaucoup  de  bruit  et  attirèrent 
sur  les  lieux  une  foule  de  savants  dis- 
tingués; ces  faits  contribuèrent  à  fixer 
les  idées  des  géologues  sur  la  nature 
et  l'origine  des  différentes  roches, 
ainsi  que  sur  la  formation  des  mon- 
■r  tagnes  ,  et  furent  ensuite  confirmés 
[K*  par  des  observations  analogues  en 
Suisse,  en  France ,  en  Saxe  et  jusque 
dans  la  Mongolie  chinoise.  Les  der- 
nières années  de  la  vie  de  Marzari 
furent  tourmentées,  non  moins  par 
l'irritation  de  l'amour-propre  blessé 
que  parde  précoces  infirmités.  Voyant 
que  la  géologie  faisait  tous  les  jours 
de  nouveaux  progrès  sans  que  son 
nom  fût  souvent  prononcé,  il  s'aban- 
donna au  découragement  et  au  dé- 
goût, en  sorte  que,  depuis  1823,  ses 
écrits,  la  plupart  inachevés,  ne  furent 
plus  que  des  plaidoyers  en  faveur  de 
ses  travaux  précédents,  et  une  longue 
plainte  contre  l'injustice  des  contem- 
porains. Il  mourut  dans  sa  pati'ie  le 
30  juin  1836.  Bizarre  dans  son 
maintien  comme  dans  ses  vêtements, 
diffus  et  obscur  dans  ses  discours , 
Marzari  était  de  plus  fort  irasci- 
ble ,  et  souffrait  difficilement  qu'on 
ne  partageât  pas  ses  opinions  ;  de  là, 
des  inimitiés  qui  duraient  quelquefois 
plusieurs  années.  Malgré  ces  travers, 
il  comptait  de  nombreux  amis  qui  lui 
furent  constamment  dévoues.  Les 
principaux  ouvrages  qu'il  a  publiés 
sont  :  L  Elenco  délie  plante  sponta- 
née fino  ad  ora  osservate  nel  territorio 
di  Vicenza,  Milan,  1802,  in-8».  IL 
Corsa  pel  bacino  del  Rodano  et  per  la 
Liguria  d'occidente,  e  oriltografia  del 
monte   Coiron,  Vicence,  1806,  in-S". 


MAR 


27t 


in.  Descrizione  del  tachigonimetroj 
nuovo  strumento  geodetico,  Milan  , 
1811,in-4°.  IV.  Memoria  sulC  intro- 
duzione  del  lichene  islandese  conte 
alimenta  in  Italia ,  Venise,  181&,  in- 
4°.  V.  Cenni  geologici  e  litologici  sui- 
te provincie  venete  e  sul  Tirolo,  Vicen- 
ce, 1819,  in-8".  VI.  S<fUarcio  di  una 
lettera  inedita  sulla  giacitura  delmon- 
te  Cimadasta,  degli  altri  terreni  cris- 
tallizzati  terziarii postifrà  ilGrignoed 
il  Cismon,  Vicence,  1822,  in-8''.  VU. 
Lettera  geologica  al  signor  Giuseppe 
Damhsher  e  framenti geologici,\'\cex\- 
ce,  1823-24,  in-S".  VIII.  Quadro  délie 
formazioni  del  barone  di  Humboldtin 
diversa  maniera  disposto  e  comentato, 
et  Idea  di  una  doppia  dimoitrazione 
geognostica,  Vicence,  1825,  in-fol.  Le 
premier  de  ces  opuscules  sert  de  ta- 
ble à  l'Essai  géognostique  sur  le  gise- 
ment des  couchesdans  les  deux  hémis- 
phères du  baron  de  Humboldt.  Mais 
les  travaux  les  plus  importants  du 
comte  Marzari,  ceux  qui  intéressent 
le  plus  la  science,  tels  que  sa  descrip- 
tion géologique  de  presque  tout  le 
Tyrol  méridional;  les  observations 
sur  les  montagnes  de  Recoaro,  les 
monts  Euganéens,  le  Vicentin,  le  Ber- 
gamasque  ,  etc.,  sont  encore  inédits. 
M.  Louis  Pasini  a  consacré  à  ce  géo- 
logue une  savante  notice  dans  la 
Biblioteca  italiana.  A — Y. 

MAS€L4GiVI  (Donato),  peintre 
florentin,  né  en  1579,  fut  élève  de 
Ligozzi  et  regardé  comme  un  des 
plus  habiles  artistes  de  son  époque. 
Après  avoir  exercé  pendant  quelque 
temps  la  peinture,  ainsi  que  le  prou- 
vent deux  petits  tableaux  tirés  de 
l'Évangile  qu'il  fit  pour  l'abbé  Giocchi 
de  Volterre  et  qu'il  a  signés  du  nom 
de  Donato  Mascagn,  il  entra  dans 
Tordre  des  Frères  Servites,  à  l'âge  de 
26  ans,  et  prit  le  nom  de  Frère  Ar- 
sène, il  continua  d'exercer  son  art  et 


272 


MAR 


exécuta,  dans  la  ville  de  Florence,  un 
grand  nombre  de  tableaux  d'un  style 
un  peu  maigi'e,  mais  très-soigné.  Ces 
qualités  et  ces  défauts  se  font  remar- 
quer dans  plusieurs  compositions  dif- 
férentes de  VAtmonciatioii,  qui  ont 
été  gravées  et  expliquées  dans  l'ou- 
vrage du  P.  Lottini.  Il  peignit  dans  le 
réfectoire  de  son  couvent  une  fres- 
que immense  représentant  la  manne 
dans  le  désert,  tellement  dans  le  style 
de  son  maître,   que  le  nom  seul  de 
l'auteur  peut  le   faire  distinguer.  On 
voit  dans  le  couvent    des  Morts,   à 
Florence,   un   tableau    à  l'huile    oii 
il    a  peint  Yhùtoire   du  comte    Ugo- 
lin.  Mais  ce  qui  fait  le  plus  grand 
honneur  à  Mascagni,  c'est  le  tableau 
que  l'on  conserve  de  lui  dans  la  bi- 
bliothèque  du  couvent   de   Vallom- 
breuse,  et  qui  représente  la  donation 
de  la  comtesse  Mathildc.  La  composi- 
tion en  est  de  la  plus  grande  richesse 
et  suffirait  seule  pour  assurer  la  répu- 
tation de  son  auteur.  En  1622,  il  fut 
appelé  à  Rome  où  on  le  chargea  de 
plusieurs  ouvrages.  Le  prince-arche- 
vêque de  Saltzbourg  ayant  demandé 
qu'on  lui  envoyât  un  peintre  de  ta- 
lent, on  lui  proposa  le  frère   Arsène, 
qui  se  rendit  auprès  du  prélat,  pour 
lequel  il  exécuta  un  grand   nombre 
de  travaux   dont  il   fut  récompensé 
avec    générosité.  De   retour  à    Flo- 
rence,   Mascagni    consacra    l'argent 
qu'il  avait  gagné  dans  son  voyage,  à 
la  restauration  de  la  porte  principale 
de  son  couvent,  qu'il  fit   reconstruire 
sur  ses  propres  dessins.  Il  se  dispo- 
sait à  retourner  à  Saltzbourg,  lors- 
que la  peste  se  manifesta  dans  Flo- 
rence ;  les  devoirs  de  son  état,  d'ac- 
cord avec  ses  vertus,  le  retinrent  dans 
sa   patrie.  Il    y  mourut  le   10   mai 
1636.  P— s. 

MASCIIEIONO     (OcTAvrKN), 
peintre  et  architecte  bolonais,  vint  à 


MAR 

Rome  sous  le  pontificat  de  Grégoire 
XIII  (1572),  son  compatriote.  S'étant 
déjà  fait    connaître   par   son   talent 
comme  peintre,  il  fut  chargé  par   le 
pontife  de  peindre  dans  la  loge  qu'il 
avait  fait   construire  plusieurs  traits 
de  l'histoire    sainte   et    particulière- 
ment le  miracle  des  Noces    de   Cana. 
Maschei'ino  peignit    ensuite,   à   fres- 
que, les   enfants  que   l'on   voit  sur 
les    arcs    qui    séparent    la    loge   de 
Léon  X   de  celle  de  Grégoire  XIII. 
Ces  divers  ouvrages  exécutés  d'une 
grande  manière  annonçaient  à  leur 
auteur  de  grands  succès  en  peinture, 
mais  il  préféra  de  sadonner  à  l'archi- 
tecture. Il  fit  de  tels  progrès  qu'il  mé- 
rita en  peu  de  temps  le  titre  d'archi- 
tecte du  pape,  qui  le  chargea  de  ter- 
miner  le    palais    de  Monte-Cavallo. 
C'est  de   lui  que  sont  le  portique,  la 
loge   et   la  façade  qui   jegardent  du 
côté  de  la  cour,  ainsi  que  Yapparte- 
ment  d'honneur  et  le  superbe  escalier 
qui  y  conduit.  Cet   ouvi'age  suffirait 
pour   lui  donner   le  titre   de   grand 
architecte,  il  construisit  ensuite,  sur 
la  place  de  Saint- Martinello,  le  palais 
connu   aujourd'hui   sous  le   nom  de 
Mont-de-Piété  et  VEglise    de    Saint- 
Sauveur  del  Lauro.  Sous  le  pontificat 
de  Grégoire  XIII,   il  éleva  le  palais 
du   Saint-Esprit,    et    sous    celui    de 
Sixte  V,   la  façade  de  l'église  de  ce 
nom,    qui  avait  été  commencée  sur 
les   dessins  d'Antoine   da   San-Gallo. 
C'est   lui  qui  dirigea  les   travaux  de 
l'église  et  la  façade  du  couvent  de  la 
Madonna  délia  Scala  in  Trastevere. 
Après   quelques   autres  travaux  pu- 
blics et  particiiliers,  qu'il  serait  trop 
long  d'énumérer,  Mascherino  mou- 
rut âgé  de  82  ans,  sous  le  pontificat 
de  Paul  V.  Il  avait  été  plusieurs  fois 
élu  prince  de    l'Académie  de  Saint- 
Luc,  qu'il  institua  l'héritière  de  ses 
dessins  et  de  ses  biens,  et  qui  cou- 


MAS 


MAS 


273 


«ervait  avec  un  soin  religieux  le  poi*- 

trait  de  cet  artiste.  P — s. 

MASERES  (François),  raathéma- 
ricien  et  littérateur  anglais .  était  d'oi  i- 
gine  française.  Son  gi-and-père,  clias- 
sé  de  sa  patrie  par  la  revocation  de 
l'edit  de  Nantes,  et,  quoique  militaire, 
moins  souple  de  conscience  que  deux 
des  quatre  frères  qu'il  avait,  alla  cher- 
cher ur.  asile  en  Angleterre ,  près  de 
l'ennemi  de  Louis  \IV.  Il  v  reçut  fort 
bon  accueil,  fit  les  importantes  cam- 
pagnes d'Irlande  ,  fut  employé  en 
Portugal  pendant  la  guerre  de  la  suc- 
cession d'Espagne,  et  parvint  enfin  au 
grade  de  colonel.  Son  instinct  belli- 
queux ne  se  perpétua  point  dan»  sa 
famille,  et  le  fils  du  colonel  préféra  le 
scalpel  à  l'épée;  François  Maseres,  le 
petit-fils ,  et  l'objet  de  cet  article , 
préféra  le  compas  au  scalpel.  Sa  nais- 
sance eut  lieu  à  Londres  le  lo  dé- 
cembre 1731  ;  élevé  à  Kingston-sur- 
Tamise,  sous  Woodeson;  il  prenait 
ses  degrés  à  Cambridge  en  17o2  et 
1755,  et  dès  l'année  du  baccalauréat, 
il  recevait  du  duc  de  ^Jewcastle  ta 
première  médaille  classique(Porteous, 
le  futur  ëvéque  de  Londres, ne  rece- 
vait que  la  seconde).  Bien  qu'ayant 
du  goût  pour  la  littérature  et  pour  les 
langues ,  sans  en  excepter  les  langues 
mortes,  dont  en  général  l'Anglais  est 
moins  épris  que  ses  voisins  de  ÏEsi 
et  du  Sud ,  c'est  surtout  de  mathéma- 
tiques qu'il  s'était  occupé.  Devenu 
membre  du  collège  de  Clare-flall,  ta 
plus  grande  partie  du  temps  qu'il  y 
resta  encore  fut  consacrée  à  des  études 
analytiques  très-profondes  ;  et  il  ne 
le  quitta,  en  1758,  qu'en  lançant 
un  travail  qui  mit  hors  de  contesta- 
tion l'étendue  de  ses  connaissances  et 
l'indépendance  avec  laquelle  il  avait 
étudié.  Ce  n'est  du  moins  pas  ta  har- 
diesse qui  lui  manquait  ;  et,  dès  cette 
première  publi^ratiotb.  il  s'inscrivit  en 

tSXHi. 


faux  contre  la  manière  épnl  Newton 
considérait  les  quantités  négatives  . 
et  entama  ,  de  prime  abord ,  une  de 
ces  questions  qui  appartiennent  à  Irt 
métaphysique  de  l'analvse.  Il  est 
probable  que  Maseres  s'exagérait  à 
lui-même  l'opinion  légèrement  insuf- 
fisante ou  en-onée  de  Newton  ;  mais  il 
la  prenait  telle  que  lavaient  faite,  dan^ 
l'usage ,  les  mathématiciens  de  son 
temps  ;  et  1  on  ne  saurait  nier  que 
leur  métaphysique  et  leur  langage 
ne  dussent  se  trouver  bien  de  quel- 
ques modifications,  quoique  en  fàic 
la  doctrine  de  Maseres  n'ait  qu'uîi 
rlaî-té  superficielle,  et  soit  plus  étroite, 
plus  étrangère  à  la  vraie  et  profonde 
nature  des  choses  que  celle  de  New- 
ton. En  attendant  que  l'on  jii}j,erii 
à  propos  den  passer  par  son  opi- 
nion ,  Maseres  jura  très  -  comique- 
ment  qu'il  ne  lirait  jamais  deux  pa- 
ges d'un  ouvrage  oti  les  quantités  né- 
gatives seraient  ennsagées  à  la  façon 
de  Kewton,  où  Ion  aurait  foi  aux 
ratines  négatives ,  etc. ,  etc. ,  et  plus 
comiquement  encore  il  tint  son  ser- 
ment Cependant  Maseres  avait  quitté 
l'Université  pour  le  Temple  ;  et,  après 
avoir  fini  ses  cours  judiciaires,  il  en- 
trait dans  la  cari  ièi-e  du  baiTeau .  mai^ 
avec  lintention  d'appartenir  à  la  ma- 
gistrature. Il  commença  par  être  nom- 
mé un  des  douze  juges  de  circuit 
et  il  eut  louest  fthe  western  circuit 
pour  département  :  mais  il  ne  réussit 
pas  dans  ce  début  et  demanda  lui- 
même  un  autre  emploi.  Il  fut  aloi 
envoyé  à  Québec  en  qualité  de  pro- 
ciu-eur-général  ;  et  cette  espèce  d'exil 
colonial  fut  du  moins  très-utile  à  sa 
fortune  qui ,  du  reste ,  était  déjà  de 
quelque  importance,  son  père  ayant 
beaucoup  amassé  par  ta  pratique ,  el 
ses  besoins  personnel:)  n'ayant  jamais 
été  considérables.  C'est  pendant  le 
âéjotu'  de  Maseres  au  Canada  qu'éda- 

18 


274 


MAS 


tèrent  les    premiers   symptômes   de 
cette  prochaine  collision    qui  devait 
ravir   à  la  Grande-Bretagne  les  plus 
belles  colonies   qu'elle  eût  alors.    La 
métropole  put  craindre  quelque  temps 
que    l'insurrection  ne  gagnât  jusqu'à 
sa  nouvelle  province ,  dont  la  popu- 
lation, presque  toute  française,  n'a- 
vait   pas    eu    le    temps    de    devenir 
très-affectionnée  pour  les  maîtres  du 
jour.  Comme  toutes  les   autorités  de 
la  colonie ,  Maseres  mit  beaucoup  de 
zèle  à  empêcher  un  événement  de  ce 
genre,  et    le    succès   couronna  leurs 
efforts.  Il  faut  reconnaître   qu'il    ne 
déploya   pas    moins    d'ardeur   pour 
tout  ce  qui  pouvait  servir  les  intérêts 
et  développer  la  prospérité  du  Cana- 
da. Il  mérita  ainsi  la  faveur  de  se  voir 
rappeler  à  Londres  (1773),  avec  le  ti- 
tre de  clerc-baron  de  l'Échiquier  (cur- 
sitor,  etc.),   et  depuis  ce  temps,  selon 
l'usage  britannique ,  on  ne  le  nomma 
plus  que  le  baron  Maseres.  Il  joignit 
à  cet  emploi  celui  de  premier  juge 
à  la  Cour   du   shérif  de  la   cité  de 
Londres  (1779),  office  qu'il    remplit 
pendant  quarante-deux    ans   entiers 
avant  de   donner  sa   démission ,   en 
1822.  Quant  à  celui   de  clerc-baron 
de  l'Échiquier,  il  le  garda  jusqu'à  sa 
mort ,  en  1824.  Il  avait  alors  quatre- 
vingt-treize    ans.    Cette    longue  vie 
n'avait    point   été    riche    en  événe- 
ments, à  moins  qu'on  n'appelle  ainsi 
la  publication  des  nombreux  ouvrages 
qui  lui  sont  dus  ou  la  part  qu'il  prit 
à  divers  débats   scientifiques,  notam- 
ment à  celui  qui  s'engagea,  on  1784, 
à    la     Société    royale  de    Londres  , 
au    sujet    du    docteur    Ilutton.    Les 
travaux  du  double  office  que  cumu- 
lait Maseres  lui   laissaient  beaucoup 
de  temps  de  reste  :  il  en  avait  profité 
pour    se    hvrcr    sans   relâche  à  ses 
études    de  prédilection.    Ces    études 
étaient    assez  variées  :  car,  aux  ma- 


MAS 

thématiques  qu'il  ne  cessa  de  culti- 
ver et  à  la  jurispiudence  à  laquelle  il 
appartenait  par  sa  position  sociale, 
il  joignit  la  connaissance  de  l'histoire, 
et  principalement  de  l'histoire  parle- 
mentaire  d'Angleterre.  Dès  l'adoles- 
cence ,  il  avait  commencé  à  s'en  péné- 
trer en  lisant  et  relisant  l'histoire  de 
Rapin-Thoyras,   et  il  était  certes  du 
petit  nombre  des  Anglais  qui   con- 
naissaient le  plus  à  fond  la  grande 
période  révolutionnaire    de   1640  à 
1660.  Il  trouvait  aussi  beaucoup    de 
charmes  dans  la  littérature.  Il  savait 
de   longs  morceaux  d'Homère,  pour 
lui  le  premier  des  poètes  ;  d'Horace, 
de  Lucain;   de  Mihon,  qu'il  plaçait 
immédiatement  après  ceux-ci.  Il  sa- 
vait parfaitement  le  français.  Mais, 
particularité  remarquable,    c'était  la 
langue  du  grand  siècle  qu'il  parlait, 
et  non  la  langue,  si  différente  déjà, 
qu'ont  faite  les  régnes,  de  Louis   XV 
et  la  révolution.  Maseres  dépensait  la 
plus  grosse  pai'tie  de  son  revenu  en 
publications.  Ses  ouvrages,  la  plupart 
imprimés  à  ses  dépens,  n'étaient  point 
des    spéculations  ;    et    il    lui    arriva 
très  -  souvent  d'avancer,  de  sacrifier 
de  fortes  sommes,    pour  aider  aux 
publications  des  autres,  il  allait  mê- 
me chercher   des   ouvrages  à  éditer  ; 
et  c'est  ainsi  que  le   pubhc   anglais 
lui  doit  la  traduction  des  Justitutious 
analytiques  de  M""  Agnesi,  par  Col- 
son  (1802,  3  vol.  in-4»),  et  par  Hel- 
tin.   A  Maseres  lui-même  sont  dus  : 
I.  Scriptores  lo(jurithinici,  1791-1801, 
4  vol.  in-4",  pubhcation  capitale  cl 
indispensable  à   tout  mathématicien 
instruit.    IL    Dissertation   sur    le    st- 
yne   négatif  en  algèbre,   avec   la  dé- 
monstmtion  des  règles  qui  s'y  rappor- 
tent, 1759,  in-4".  C'est  là  ce  premier 
ouvrage  dont   il    a    été    j)arlé  plus 
haut,  et   dans   lequel,  voulant  éviter 
aux  commençant»   les  difficultés  que 


MAS 


MAS 


275 


lear  offi^  la  conception  des  quantités 
négatives,  il  prodama  que  celles-ci 
étaient  toujours  des  quantités  moin- 
dres soustraites  ou  à  soustraire.  On  a 
vu  plus  haut  ce  qu'il  fallait  en  penser. 
Ilf.  Eléments  de  trigonométrie  plane 
avec  une  dissertation  sur  la  nature  et 
l'usage  des  logarithmes,  1760, in-S" .fil 
y  a  beaucoup  de  clarté  dans  cet  ou- 
vrage, dont  le  but  est  de  simplifier 
les  opérations  trigonométi-iques,  en 
familiarisant  les  praticiens  avec  des 
principes,  que  trop  souvent  jadis  ils 
ignoraient,  ou  hésitaient  à  employer. 
Il  y  a  long-temps  aujourd'hui  que  cet 
état  de  choses  s'est  amélioré:  des  ou- 
vrages usuels,  courts,  clairs,  métho- 
diques comme  celui  de  Maseres,  y 
ont  contribué.  IV.  Appendice  aux 
principes  d'algèbre  de  Frend,  1799, 
in-8°.  Cet  appendice  était  derenu  né- 
cessaire, par  le  développement  tou- 
jours croissant  de  l'éducation  mathé- 
matique, par  la  rapidité  plus  grande, 
avec  laquelle  des  élèves  apprenaient 
les  principes  mieux  rédigés,  etc.  V. 
Doctrine  de  BernouUi  sur  tes  permu- 
tations et  les  combinaisons,  avec  quel- 
(jues  autres  aperçus  mathématiques, 
1793,  in-S".  Maseres  y  donne  ses 
suffrages  à  la  méthode  et  aux  vues 
de  ce  grand  mathématicien.  VI.  Mé- 
thodes d'approxi}nation  de  Baphson 
et  de  Newton,  1800,  in -8°.  Dans  ces 
ouvrages,  au  contraire,  il  revient  à  la 
charge  contre  Newton,  qu'il  regarde 
comme  ayant  souvent  mis  des  mots 
à  la  place  des  choses,  ou  même  des 
erreurs  à  la  place  de  la  vérité,  et 
comme  ayant  fait  faire  fausse  route 
à  toute  l'école  française.  Il  préféré 
de  beaucoup  Huyghens  et  Galilée.  VU. 
Principes  de  la  doctrine  des  annuités 
viagèi-es,  1783,  2  vol.  in-4°  (ici  se 
termine  la  série  de  ses  travaux  ma- 
thématiques). Vm.  Le  réformateur 
modéré,  ou  proposition  pour  corrigei 


quelques  abus  dans  rétablissement  ac- 
tuel   de    Céglise    d'Angleterre,    1791, 
in-8''.  Ce  titre  peut  donner  l'idée  de 
la  manière  de  voir  de  Maseres,  in- 
tègre et  indépendante  :  sans  adopter 
en  aucime  façon  les  systèmes  radi- 
caux, il  blâmait  les  abus  si  criants  du 
régime  électoral  anglais,  et  ne  voyait, 
dans  tout  le  trafic  des  élections,  autre 
chose  que  le  profit  des  agents  élec- 
toraux,  des   teneui^s   de   tavernes  et 
des  buveurs ,    sans  avantage   aucun 
pour  quelque  opinion  ou  quelque  parti 
que    ce   fût.     IX.    Le  papisme   et    lu 
pénalité  que   lui  ont  faite    le  gouver- 
nement   civil     et    t église   protestante 
J Angleterre,  1807,  in-8".   Maseres  y 
est  très-opposé   au   catholicisme,   et 
l'on  reconnaît  en  lui  les  \ieilles  ran- 
cunes du  réfugié.     X.  Recherches  sur 
retendue   du  pouvoir  des  jurés,  dans 
les  procès  pour   délits    criminels  de  la 
presse,  1792,  in-8".   XI.   Le  franc- te- 
nancier  canadien,    ou   dialogue  entre 
un  Français  et   un  Anglais  établis  au 
Canada,  1779,  3  voI.   in-8".  On  de- 
vine  que   l'ex-procureur-général    de 
Québec  y  démontre,  à  sa  façon,  l'in- 
contestable supériorité  du  gouverne- 
ment britannique  sui'  celui  de  la  mé- 
tropole primitive.  Sans  admettre  tout 
ce  qu'il  plaît  à  Maseres  de  penser  sur 
ce  point,    on    doit   reconnaître    que 
son  ouvrage  est  celui  d'un   homme 
pratique,  et  qu'il  offre  encore  à  pré- 
sent un  intérêt  historique  pour  cons- 
tater   l'état    du    Canada,   vingt  ans 
après  la  cession.  XII.  Une  ti-aduction 
avec    notes  du   Tableau  de  la    Cons- 
titution   anglaise,     de    Montesquieu, 
1781,    in-8".    Xm.    Historié    Angli- 
cana-  monuvienta,   in-4".  XFN'.  Essais 
sur   divers    sujets    historiques,   politi- 
ques,  etc.,    1809,    in-8".   XV.  Fidèle 
récit  (An  Accoimt)   des  opérations  des 
Anglais,   et  des  autres  habitants  de  la 
pivvitu:e  de   Qiiébec  pour  obtenir  une 

18. 


276 


MAS 


Chambre.  X.VI.  De  nouvelles  éditions  : 
1°  de  YHistoire  parlementaire  d'An- 
gleterre, de  May  (  cette  histoire  com- 
raence  le  3  novembre  1640),  1813, 
in-S"  ;  2"  des  trois  Traités  publiés 
par  Ludlow,  à  Amsterdam,  en  1691, 
et  de  ses  Lettres  à  Edm.  Seymour,  et 
à  quelques  autres  personnatjei,  1813, 
in-4''  ;  3°  de  la  Révolte  d'Irlande, 
par  Temple,  1813,  in-4°  ;  4°  du 
Mémorial  des  faits  principaux  de 
l'histoire  d'Ancjleterre,  de  1588  à  1688, 
par  Welwood,  1820,  in-8''.  Il  n'a 
guère  fait  qu'ajouter  des  préfaces  à 
ces  ouvrages  ,  auxquels  nous  join- 
drons les  Morceaux  divers  relatifs  aux 
guerres  civiles  d'Angleterre,  sous  Char- 
les l"  et  sous  Cromwelll,  2  vol.  in-8''. 
XVIII.  Plusieurs  articles  dans  les  Tran- 
sactions philosophiques;  et,  dans  le 
tome  II  de  l'Archœologia,  un  Tableau 
de  fancien7te  constitution  anglaise,  le- 
quel donna  lieu  à  quelques  observa- 
tions de  Mellish  (même  volume). 

P Oï. 

MASETTÏ  (Augustin),  archi- 
tecte hydraulique,  naquit  en  1757,  à 
Rovère  en  Lorabardie.  Son  père  était 
médecin  et  alla  s'établir  à  Mantoue  en 
1772;  c'est  là  que  Je  jeune  Masetti 
fit  son  cours  de  mathématiques  sous 
l'abbé  Mari.  Il  étudia  ensuite  l'ai'chi- 
tecture  sous  l'habile  Pozzi  et  s'appli- 
qua à  l'hydraulique.  Admis,  en  1777, 
dans  le  collège  des  ingénieurs  de  la 
chambre  impériale,  il  se  signala  telle- 
ment qu'on  le  nommait,  en  1791, 
vice  -  directeur  des  eaux  du  Man- 
touan,  et  six  ans  après  directeur  en 
chef,  à  la  place  de  son  ancien  pro- 
fesseur l'abbé  Mari.  La  république 
Cisalpine  ayant  établi,  à  Modène,  en 
1800 ,  une  connnission  hydraulicjue 
composée  des  mathématiciens  et  des 
architectes  les  plus  distingués,  Ma- 
setti en  fit  partie  et  proposa  de  ré- 
parer   les    digues  de  l'.idige.    (Ja  fut 


MAS 

aussi  lui  qui  dirigea,  en  1804,  les  tra- 
vaux pour  l'assainissement  de  Mantoue 
et  du  bas  Mantouan,  travaux  aux- 
quels la  garnison  fi'ançaise ,  com- 
mandée par  Miollis,  prit  beaucoup 
de  part.  Nommé,  en  1811,  inspec- 
teur -  général  des  ponts-et-chaussées 
à  Milan,  il  se  rendit  au  mois  d'octo- 
bre 1813,  à  Ferrare  ,  avec  800  hom- 
mes, pour  réparer  la  digue  du  Pô, 
qui  s'était  rompue  et  qui  fut  par  ses 
soins  solidement  rétablie.  En  1820, 
l'empereur  d'Autriche  appela  Masetti 
à  la  direction-générale  des  travaux 
publics  en  Lombardie  ;  depuis  lors  il 
s'occupa  constamment  d'améliorer  le 
cours  des  rivières,  afin  de  prévenir  les 
inondations  qui  désolent  souvent 
certaines  parties  de  ces  riches  con- 
trées, et  il  obtint  d'immenses  résul- 
tats. Après  cinquante-six  ans  de  ser- 
vice actif,  Masetti  allait  recevoir  une 
honorable  retraite,  lorsqu'il  mourut 
à  Milan  le  24  septembre  1833.  Cet 
habile  architecte  a  publié  plusicujs 
mémoires  et  plans,  fort  appréciés 
par  les  hommes  de  l'art.        A — y. 

M ASIIXI  (Jean-Baptistk),  médecin 
etmathématicien,né  àBrescia  en  1677, 
fit  ses  premières  études  dans  cette 
ville,  et  les  acheva  à  l'Université  de 
Padoue,  sous  Vallisnieri  et  Guglicl- 
mini.  Reçu  docteur  en  médecine,  il 
rentra  dans  sa  patrie,  exerça  son  art, 
et  donna  en  outre  des  leçons  de  ma- 
thématiques. A  la  mort  de  Cuglielmi- 
ni,  il  fut  appelé  à  lui  succéder  à  l'U- 
niversité de  Padoue,  et  embras.sa  la 
doctrine  ialromécaniqne  de  Horelli  et 
de  Bellini.  Il  mourut  «lans  un  sîgf 
avancé  ,  et  laissa  plusieurs  ouvra(jes. 
Voici  le  principal  :  Congetture  Jisico- 
meccauiche  inlorno  alla  figura  délie 
particelle  componcnti  ilftrro,  P>resoia, 
1714,  in-S".  On  y  trouve,  sur  la  na- 
ture de  ce  métal ,  plusieurs  observa- 
tions   fort  exactes,   que  des   savaiit- 


.Mi 


MAS 


MAS 


arr 


français  publièrent  comme  nouvelles 
long-temps  après  la  mort  de  Masini. 
A— Y. 

MASLARD  (Jean),  né  à  Tours, 
au  commencement  du  XVII'  siècle, 
exerça  dans  sa  patrie  la  modeste  pro- 
fession de  maître  d'écriture;  mais 
homme  instniit  et  ayant  une  belle 
bibliothèque,  il  se  livra  à  la  littérature 
et  à  l'étude  des  sciences.  Néanmoins 
on  ne  connaît  de  lui  qu'un  seul  ou- 
vrage dans  le  genre  de  Barème.  Il  a 
pour  titre  :  Le  Trésor  parfait  Ja- 
rithmétigue,  La  Flèche,  1657,  in-8°. 
Ce  livre  a  été  réimprimé  à  Tours,  en 
1661.  F— T— E. 

MASOLIXO  da  Panicale^  pein- 
tie  florentin,  naquit,  en  1378,  à  Val- 
delsa.  Il  fut  un  des  premiers  artistes 
de  son  temps  qui  cultivèrent  la  partie 
du  clair-obscur.  La  plastique  et  la 
sculpture,  qu'il  avait  exercées  pen- 
dant long-temps,  lui  rendirent  plus 
facile  cette  partie  de  l'art;  car  tienne 
sert  aux  peintres  comme  cette  prati- 
que, pour  donner  du  relief  a  leurs 
tableaux.  Son  maître  dans  la  sculp- 
ture avait  été  Ghiberti,  qui,  à  cette 
époque,  n'avait  d'égal  ni  pour  le  des- 
sin, ni  pour  la  composition,  ui  pour 
le  talent  de  donner  la  vie  à  ses  figu- 
res. Masolino  n'avait  plus  à  acquérir 
que  le  coloris  pour  être  peintre,  et  le 
Starnina,  le  plus  habile  maître  en  ce 
temps,  lui  enseigna  cet  art.  Ayant 
ainsi  réuni  ce  que  les  deux  écoles 
avaient  de  plus  excellent,  Masolino 
montra  ce  nouveau  style  qui  n'est  pas 
encore  tout-à-fait  exempt  de  séche- 
resse, ni  assez  châtié,  mais  grand,  é- 
gal  et  soigné  au-delà  de  ce  qu'on 
avait  TU  jusqu'à  ce  jour  de  plus  par- 
fait. La  cliapelle  de  Saint-Pierre  des 
Chartreux  est  un  monument  qui  attes- 
te son  talent.  Outre  les  Évanffélistes , 
il  y  a  peint  plusieurs  actions  de  la 
vie  du  saint,  telles  que  la  Vocation  de 


taint  Pierre,  la  Tempête,  ta  Prédica- 
tion, etc.  Il  avait  commencé  à  pein- 
dre le  Tiihut  rendu  à  César,  le  Bap- 
tême donné  au  peuple,  et  la  Guérison 
des  infirmes;  mais  la  moit,  qui  le 
surprit  en  H15,  à  l'âge  de  trente- 
sept  ans  seulement,  l'empêcha  d'at- 
teindre an  sommet  de  son  art,  et  de 
mettre  la  dernière  main  à  ses  ouvra- 
ges qui  furent  terminés  par  le  célè- 
bre Masaccio,  son  élève.  P — s. 

MASOX  (Jamks),  graveur  anglais, 
naquit  vers  le  commencement  du 
XVIIP  siècle,  et  travailla  souvent  de 
concert  avec  Canot.  On  doit  à  ces  deux 
artistes  plusieurs  suites  de  paysages 
très-estimées  pour  la  beauté  et  la  dé- 
licatesse du  burin.  Les  pièces  que  Ma- 
son  a  exécutées  seul  ne  jouissent  pas 
d'une  moindre  estime  ;  mais  c'est  sur- 
tout comme  graveur  de  paysages  que 
sa  réputation  est  le  plus  solidement 
établie.  Au  mérite  d'un  travail  dans 
lequel  la  science  n'exclut  pas  la  délica- 
tesse, il  a  joint  le  méiite  plus  rare  en- 
core de  rendre  dans  sa  gravure  l'effet 
et  la  couleur  des  originaux.  Les  ar- 
tistes d'après  lesquels  il  a  le  plus  gra- 
vé sont  Vander  INeer,  Vanden  Velde, 
Moucheron,  le  Guaspre,  Claude  Lor- 
rain, Georges  Lambert  ,  etc.  Ses  es- 
tampes au  nombre  de  quarante-qua- 
tre, et  parmi  lesquelles  celles  qu'il  a 
gravées  d'après  I^ambert  tiennent  le 
premier  rang,  sont  très-recherchées  ; 
on  peut  en  voir  le  détail  dans  le  Ma- 
nuel des  Amateurs  de  Huber  et  Rost. 
P— s. 

MASSABIAl  V  -^^-^^  "  Antoise  - 
Fba^çois),  conservateur  de  la  biblio- 
thèque Sainte-Gene\nève ,  à  Paris ,  é- 
tait  né  à  Figeac ,  le  21  oct.  1765.  Il 
fit  de  brillantes  études  à  Troyes,  et 
d'écolier  devint  maître  dans  la  même 
institution.  Si,  entraîné  par  le  loiTent, 
il  prit  quelque  part  à  la  révolution 
de  1789,  ce  fut   pour  sauver  beau- 


278 


MAS 


coup  de  victimes.  Chargé  de  missions 
difficiles  ,    il  sut  être  à  la  fois  ferme 
et    modéré.  Des  habitants  de  Sarlac 
s'étant  portés  à  des  actes  répréhensi- 
bles,  Massabiau  se  présenta,  sans  es- 
corte et  sans  armes,  au  miheu  d'une 
population  dont  l'efFervescence  tomba 
devant   tant    de  confiance.  En  1794, 
comme  l'ordre  commençait  à  renaî- 
tre,   on  ouvrit  une    école   normale. 
Parmi  les  jeunes    gens  qui  s'y  rendi- 
rent de  tous  les  points  de  la  France, 
on  distingua  Massabiau,  dont  les  ré- 
ponses sont  consignées  dans  les  pro- 
cès-verbaux de  cette  école. Il  était  lie 
avec  Alibert,  Laromiguière,  Buraouf, 
Daunou,  Dussault,  Lechevalier,  justes 
appréciateurs  de  son    mérite.  C'était 
un  de  ces  hommes  modestes  à  qui  il 
ne  faudrait   que  plus  de  savoir-faire 
pour  avoir  des   preneurs.  Aussi  tra- 
vaillait-il  beaucoup   ses  ouvrages  et 
peu  ses  succès.  Les  mathématiques, 
les  lettres,  la  morale,  la  haute  politi- 
que ont  tour  à  tour  occupé  le  temps 
qu'il  ne  consacrait  pas  à  des  travaux  bi- 
bliographiques.    Penseur     profond , 
écrivain  correct,  il  alliait  deux  quali- 
tés rarement  réunies  :  l'érudition  et  le 
goût.   Massabiau  mourut  à  Paris,  le 
22  septembre  1837.    Il  a  droit  aux 
regrets  des  gens  de  bien  pour  l'inté- 
grité de  ses  mœurs  et  l'aménité  de  son 
caractère.   On  a  de    lui  :  1.  Essai  sur 
/(?«  nombres  approximatifs  ,  Paris,  an 
VIT,  in-8''   (anonyme).  II.  Du  rapport 
des  diverses  formes  du   gouvernement 
avec  les  progrès  de  la  civilisation ,  dis- 
cours  politique  et  moral,  Paris,  an 
XIII  (1805),  in-8°.  m.  Ode  à  Napo- 
léon   Bonaparte,  Paris,    1805,  iu-i". 
IV,  La    Sain  le- Alliance,  ode,  Paris, 
t817,    in-4".   V.  De    la    division    des 
pouvoirs  exécutif  et  législatif  dans  la 
monarchie,  Paris,  1817,  in-S".  VI.  La 
fÀberté  des  journaux  impossible  avec 
le  système    représentatif,  Pari»,  1818, 


MA.S 

in-8".  VI!.  De  l'Esprit  des  institutions 
politiques,  Paris,  1821,  2  vol.  in-8'' 
VIII.  Quelques  Obseivations  sur  le 
projet  de  loi  relatif  aux  successions  , 
présenté  à  la  Chambre  des  Pairs,  dans 
la  séance  du  10  février  1826,  Paris, 
1826,  in-8''  (anonyme).  IX.  La  Répu- 
blique sous  les  formes  de  la  monar- 
chie ,  ou  Nouveaux  éléments  de  la  li- 
berté politique,  sommairement  exposée 
suivant  la  méthode  des  géomètres,  Pa- 
ris ,  1832,  in-8''  (anonyme).  X.  Mé- 
moire sur  l'art  d'organiser  [opinion, 
Paris,  1835,  in-8''.  XI.  Le  Médiateur, 
ou  Nouveau  projet  d'un  système  cons- 
titutionnel, Paris,  1836,  in-8°.  XIl. 
Des  Articles  de  politique  et  de  criti- 
que dans  le  Moniteur  et  le  Journal  des 
Débats.  XIII.  Un  Mémoire  historique 
sur  l'esclavage  civil  dans  tEutvpe  mo- 
derne et  spécialement  en  France,  im- 
primé dans  le  Journal  de  [Institut 
historique  (juillet  1835  ).  Massabiau 
a  laissé  plusieurs  ouvrages  manus- 
crits. —  Massabiau  (Jean-Jacques)  , 
frère  du  précédent,  né  en  1767,  hit 
professeur  de  mathématiques  spéciales 
au  collège  de  Rodez,  et  mourut  en 
1827.  On  a  de  lui  un  Essai  d'arithmé- 
tique, Rodez,  1820,  in-S".  Z. 

MASSALSKI  (Ionack),  issu  des 
Kniaz  ou  princes  russes  de  Massalsk , 
élevé  de  bonne  heure  à  lévéclié  de 
Wilna,  se  mit  en  1764,  avec  son 
frère,  grand -général  de  Lithuauie, 
à  la  tête  d'une  faction  opposée  au 
prince  Stanislas  Rad/àvill.  A  cette 
époque  orageuse,  où  il  s'agissait  d'en- 
voyer des  nonces  à  la  Dicte  d'élec- 
tion, on  s'était  concerté  afin  de  préve- 
nir les  troubles,  sur  les  députés  et  les 
juges  que  l'on  devait  choisir.  Pen- 
dant (pie  Radzivill  se  confiait  à  cet 
arrangement,  les  Massalski  sédui- 
saient ou  eiFrayaient  les  diétines,  et 
aueun  des  nobles  que  le  prince  de 
Radzivill  .iviùt   proposés  ne  fut  élu. 


MAS 

Comme  celm-ci  prenait  des  mesures» 
pour  se  venger,  l'évéque  Massalski 
fit  sonner  le  tocisn  à  Wilna.  Ayant 
donné  des  armes  aux  habitants,  il  chan- 
f;ea  en  fort  sa  cathédrale,  forma  con- 
tre Radàvill  une  confédération  qu'il 
fit  d'abord  signer  par  son  clergé  et 
qu'il  prêcha  à  la  manière  de*  croi- 
sades. Ces  mesuies  intérieures  ne 
suffisant  point  à  son  zèle,  il  récla- 
ma le  secours  des  Russes,  qui  sai- 
sissaient avec  empressemeut  toutes 
les  occasions  de  s'immiscer  dans 
les  affaires  de  la  Pologne.  Cepen- 
dant Radzivill  reprit  le  dessus  en 
LJthuanie.  Les  Jésuites  ayant  été  sup- 
primés en  Pologne  (1773),  la  Diète 
nomma  une  commission  pom-  admi- 
nistrer leurs  biens  dans  l'intérêt  de 
l'éducation  publique.  L'évéque  Mas- 
salski  fut  placé  à  la  tête  de  ceUe 
Gommission  qui  dilapida  les  biens , 
sans  garder  aucune  mesure  de  pu- 
deur ni  de  justice.  A  la  Diète  de 
quati'e  ans,  l'évéque  Massalski  se  dé- 
clara hautement  contre  le  projet  d'a- 
méliorer les  institutions  de  la  Pologne, 
et  ce  fut  malgré  lui  que  l'on  adopta  la 
constitution  du  3  mai  1791.  Il  n'est 
point  surpreq^nt  qu  il  ait  été  un  des 
premiei-s  qui  adhérèrent  à  la  confé- 
dération de  Targowitzé,  acte  de  ré- 
bellion qui  anéantissait  la  constitution, 
pour  fiavoriser  les  desseins  de  l  impé- 
ratiice  Catherine.  En  1793 ,  une 
diète  ayant  été  convixjuée  à  Grodno, 
plusiems  nobles  qui  avaient  signé 
la  confédération  de  Targowitzé  s'a- 
perçurent qu'on  les  avait  ti-ompés,  et 
que  les  intrigants  au  lieu  de  protéger 
les  hbertés  publiques,  comme  ils  s'en 
vantaient,  ne  cherchaient  qu'a  servir 
les  intérêts  de  la  Russie;  ils  déplo- 
raient franchement  leur  errem-.  Cette 
confédéi-ation  devenant  inutile  à  Ca- 
therine, qui  avait  atteint  son  but ,  l'é- 
véque Masaabki  et  ceux  de  son  parti 


MAS 


279 


proposèrent  à  la  Diète  de  <Trodno, 
de  dissoudre  la  confédération  ,  qui 
n'était  plus  assez  docile.  La  plupart 
des  membres  de  la  Diète  soupçon- 
nèrent Massalski  d'avoir  une  arrière- 
pensée.  La  véritable  intention  de  ce 
prélat  ne  se  manifesta  que  trop  claire- 
ment, lorsqu'il  se  chargea  de  signer 
le  traité  de  partage  que  la  Russie  im- 
posait à  la  Diète.  La  majorité  lui  re- 
présentant que  par  ses  serments  elle 
s'était  engagée  à  maintenir  l'inté- 
grité du  royamc,  Massalski  et  Kossa- 
kowski,  autre  evêqne  traître  à  sa  pa- 
trie, osèrent  dire  qxi'il  v  avait  des 
circonstances  ou  l'on  pouvait  tran- 
siger avec  la  religion  du  serment.  La 
justice  divine  ne  permit  point  que 
Massalski  jouit  long-temps  du  fruit 
de  ses  ti-ahisons  et  de  son  impiété. 
Les  habitants  de  Varsovie  s'étant  sou- 
levés, le  18  avril  1794,  contre  leurs 
oppresseurs,  on  trouva  dans  les  bu- 
reaux du  général  russe  Igelstrom,  la 
liste  des  hommes  vendus  à  la  Russie. 
On  pense  bien  que  le  nom  de  Mas- 
salski y  occupait  une  des  premières 
places.  Il  fiit  arrêté;  et  le  peuple 
demanda  sa  mort  à  gi-ands  cris.  On 
crut  que,  sous  prétexte  d'instruire  son 
procès,  on  avait  intention  de  le  sau- 
ver; le  peuple  l'arracha  de  la  prison 
oii  il  était  enfermé,  et  le  pendit  de- 
vant l'église  des  Rernardins,  le  "21  juin 
1794.  G— V. 

MASSARD  (Jea.n),  graveuien 
taille-douce,  né  en  1740  à  Belesme 
(département  de  l'Orne),  semblait 
destiné  à  la  vie  obscure  d'un  labou- 
reur, quand,  trouvant  l'occasion  de  se 
readreàPari»,  avec  un  de  ses  parents, 
il  se  hâta  de  la  saisir.  Arrivé  dans 
cette  capitale,  il  s'y  plaça  chez  un  li- 
braire, qui  employait  à  l'embellisse^ 
meut  de  ses  éditions  beaucoup  de 
gravem-s  en  vignettes.  La  vue  de  ces 
petites  estampes,  que  le  talent  spiri- 


280 


^us 


tuel  et  fin  des  Cochin  et  tle^  Ahamet 
avait  alors  mises  à  la  mode,  inspira 
ati  jeune  Massard  le  désir  d'étudier  les 
arts  du  dessin.  Cène  fut  pas  sous  d'ha- 
biles maîtres  qu'il  apprit  à  manier  le 
crayon  :  il  s'y  exerça,  de  lui-même, 
avec  une  admirable  persévérance,  et, 
après  avoir  i-eçu  quelques  leçons  d'un 
graveur  médiocre,  nommé  Martinet, 
il  tiavailla  avec  succès  aux  nombreu- 
ses vignettes  dont  celui-ci  avait  l'en- 
treprise. Mais  ce  genre  d'occupation, 
quoique  assez  lucratif,  ne  pouvait  con- 
venir long -temps  à  un  jeune  artiste 
qui  avait  le  sentiment  du  beau,,«t 
J.  Massard  eut  bientôt  l'heureux  cou- 
rage d'entiepiendre,  poiuvson  propre 
compte,  des  travaux  plus  dignes  de 
lui.  Les  estampes  de  ta  famille  de 
Charles  P'  et  de  /a  plus  Belle  des 
Mères,  d'après  Van-Dyck,  le  placè- 
rent, dès  son  début,  au  rang  de  ses 
plus  célèbres  émules,  les  Strange,  les 
VVille,  les  Porporati.  il  grava  ensuite 
avec  une  égale  habileté  plusieurs  ta- 
bleaux dcGreuze,  entre  autres  la  Mère 
bien  aiinécy  la  Dame  bienfaisante,  la 
Cruche  cassée,  la  f^ertu  chancelante; 
et,  quelques  années  après,  il  mit  le 
sceau  à  sa  réputation  par  la  Mort  de 
Sacrale,  d'après  un  des  plus  beaux 
tableaux  de  David.  On  ignore  pour- 
(pioiun  artiste  dont  le  burin  avaitpro- 
duit  des  ouvrages  si  remarquables,  et 
f|ue  l'ancienne  Académie  de  peinture 
avait  admis  dans  son  sein ,  sous  le 
règne  de  Louis  XV J,  ne  fut  pas  nom- 
mé membre  de  l'Institut  en  1796, 
époque  où  ce  corps,  créé  par  la  Gon 
vention  nationale,  reçut  sa  première 
organisation.  On  suppose  (jue  les  opi- 
nions religieuses  de  cet  homn/e  mo- 
deste et  sans  ambition,  lui  avaient  nui 
dans  I  opinion  des  gouvernants.  Jl  ne 
lut  pas  d'udlcius  le  seul  académicien 
en  rëjputation  qui  éprouvât  cette  in- 
ustice  :  l«îS  c\-(onvrntionnels   Sieyi  s 


Ci  Lâkanal  entrèrent  des  premiers  à 
l'Institut,  etni  Deinie,niMarmonteln'Y 
furent  alors  appelés.  Les  événements 
de  1814  ayant  permis  à  J.  Massard 
de  reprendre  le  titre  de  graveur  du. 
roi,  qu'il  avait  eu  avant  la  Révolution, 
ce  vieillard  crïit  devoir  le  mériter  de 
nouveau  par  des  marques  de  son 
attachement  à  la  famille  royale.  Ce 
fut  dans  cette  intention  qu'il  6t  pa- 
raître les  portraits  de  Louis  XVIII, 
de  Monsieur,  comte  d'Artois,  et  de 
lempereur  Alexandre,  qui  avait  si 
puissamment  conU'ibué  au  retour  des 
Bourbons  en  France.  Grâce  à  une  santé 
robuste,  il  put  continuer  ses  travaux 
jusqu'à  un  âge  trés-5«vancé ;  et,  sans 
une  chute  grave  quil  fit  un  jour,  au 
sortir  de  la  messe,  il  aurait  proba- 
blement prolongé  son  existence  au- 
delà  de  l'année  1822,  qui  fut  celle  de 
sa  mort.  Il  a  laissé  pour  héritiers  de 
son  nom ,  plusieurs  enfants,  qui , 
long-temps  avant  de  l'avoir  perdu, 
s'étaient  distingués  dans  l'art  de  la 
gravure,  notamment  M.  Raphaël-Ur- 
bain Massard ,  qui ,  par  ses  belles 
planches  ,  s'est  placé  au  premier 
rang  des  graveurs  modernes.  Aux  ou- 
vrages de  Massard  père,  <jue  nous 
avons  cités,  il  faut  ajouter  Adam  et 
Eve,  d'après  Ciguani  ;  Agar  et  Abra- 
ham, d'après  Girardon;  Ziri^oie,  d'a- 
près Micris;  le  Ruvissement  de  saint 
Paul,  d'après  le  Doniiniquin;  /</ 
Fierqe  an  betreau,  d'après  Raphaël, 
cl.  enfin ,  un  certain  nombre  «le  pot  - 
traits,  dont  Van-Dyck  et  Rembrandt 
lui  avaient  fourni  les  «lodèlesw  Cet 
artiste,  qui,  dans  ses  travaux,  employait 
hardiment  rcau-forte,sans  jamais  abu- 
ser de  ce  njoven  expéditif,  joignait  à 
la  correction  du  dessin  une  riche  va- 
liété  <le  tailles,  toujours  appropriées 
a  la  natuie  des  objets,  et  il  possédait 
à  un  très-haut  degré  le  sentiment  de 
In  rotilcîu-.  CVsl   par    celle    dernière 


MA6 

qualité  qu'il  se  distingue  des  autres 
graveurs  de  son  temps,  qui  attachaient 
plus  de  prix  à  l'éclat  du  burin  qu'à 
la  vérité  de  l'imitation.         F.  P — t. 

MASSARI  (  Ltao  ),  peintre  bo- 
lonais, né  en  lb69,  fut  élève  de  Pas- 
serotti  et  des  Carraches.  Doué  d'un 
esprit  agréable,  adonné  au  théàtte  et 
à  la  chasse  plus  qu'aux  études  sérieu- 
ses de  la  peinture,  il  ne  se  livrait  au 
travail  que  par  inspiration,  f.'est 
pourquoi  ses  ouvrages  sont  peu  nom- 
breux; mais  ils  sont  faits  de  verve, 
gracieux,  finis,  et  d'une  couleur  plei- 
ne d'éclat  et  de  goût.  Sa  manière  se 
rapproche  davantage  de  celle  d'An- 
nibal  Carrache ,  que  de  Louis.  Il  co- 
pia, avec  une  grande  supériorité,  les 
ouvrages  du  premier.  A  l'exemple  de 
ce  maître,  il  s'était  rendu  à  Rome  où 
il  demeura,  pendant  quelque  temps , 
occupé  à  copier  les  plus  beaux  restes 
de  la  sculpture  grecque.  On  voit  par- 
fois briller  dans  ses  ouvrages  l'inspi- 
ration et  la  chaleur  de  Passerotti,  son 
premier  maîne  ;  mais  on  v  remarque 
le  plus  souvent  cette  amabilité  qu'il 
tenait  de  l'Albane,  son  intime  ami, 
avec  lequel  il  fut  uni  d'études,  de 
travaux,  et  habita  long-temps.  Le 
Saint  Gaétan  qu'il  a  peint  pour  les 
Théatins  présente  une  gloire  d'auges 
d'une  gi'âce  exquise  et  qui  semble 
peinte  par  l'Albane.  Les  beautés  que 
rassemble  son  Noli  me  tanière,  que 
Ion  voit  aux  Célestins,  placent  ce  ta- 
bleau parmi  les  plus  remarquables 
de  ce  maître.  Son  Mariage  de  sainte 
Catherine^  qui  existe  dans  l'église  de 
Saint-Benoît ,  ne  lui  est  pas  inférieur. 
Les  divers  tableaux  quil  a  peints 
dans  le  cloître  de  Saint-Michel-aux- 
Bois  sont  remplis  de  parties  de  la  plus 
grande  élégance.  Lorsqu'il  eut  à  exé- 
cuter des  sujets  tragiques  ou  terribles, 
il  les  traita  sans  cette  grande  étude  du 
nu  et  du  raccourci  dont   la    plupart 


MAS 


281 


des  artiste*  font  vanité:  mais  avec 
une  véritable  intelligence  de  l'art.  Il 
v  déplova  une  belle  composition,  nn 
coloris  plein  de  force,  un  esprit  grand 
et  fier,  et  il  sut  en  diminuer  l'hor- 
reur en  y  introduisant  des  figures  de 
femmes  sveltesr  et  pleines  de  grâce. 
Tel  est  son  Massacre  des  Innocents 
dans  le  palais  de  BuonBgliuoli,  et  la 
Venue  du  Christ,  aux  Chartreux,  ta- 
bleau terrible  par  la  quantité,  la  va- 
riété et  l'expression  des  figures,  le  feu 
pittoresque  qui  règne  dans  tout  l'en- 
semble; et  auquel  il  n'est  aucune  pro- 
duction de  l'Albane  qu'on  puisse 
préférer.  On  connaît  encore  de  Mas- 
sari  plusieurs  tableaux  de  chevalet, 
d'un  dessin  toujours  satisfaisant  et 
d'un  coloris  qui  n'est  pas  dépourvu 
d'agrément,  bien  que  l'on  désire 
parfois  une  dégradation  plus  gran- 
de des  teintes  dans  le  fond  de  ses 
tableaux.  Parmi  ses  nombreux  élèves, 
on  cite  Sébastien  Brunetto,  qui  an- 
nonçait les  plus  heureuses  disposi- 
tions, mais  qui  mourut  à  la  fleur  de 
son  âge,  et  le  bolonais  Antoine  Renda. 
Massari  mourut  en  1633.        P — s. 

MASSÉ  (1)  (Pierbk),  démonogra- 
phe,  naquit,  dans  le  XVI'  siècle,  au 
Mans, où  il  exerçait  la  profession  d'avo- 
cat. Il  s'était  retiré,  durant  les  guerres 
de  religion,au  château  de  Bois-Dauphin, 
appartenant  à  M.  de  Laval  son  pro- 
tecteur; et,  comme  il  le  dit  lui-même, 
«  pour  tromper  les  ennuis  et  éviter 
"  la  molle  oisiveté,  mère  de  tous  les 
"  vices  et  peste  des  bons  esprits,  il  se 
"  mit  à  lire  et  feuilleter  divers  auteurs 
«  dont  icelle  maison  était  fort  bien 
a  meublée  et  garnie.  "  Des  notes  qu'il 
avait  recueillies ,  il  composa  l'ouvra- 
p^e  suivant  :Z)e  F  imposture  et  tromperie 

(1)  Et  non  Macé,  comme  récrit  Lacroix  du 
Maine,  dont  la  distraction  est  d'autant  pluâ 
singulière  qu'il  avait  sous  les  yeux  l'ou^rag^ 
de  son  compatriote. 


282 


iMAS 


MAS 


des  diables,  devins,  enchanteurs  ,  sor- 
ciers, noueurs  d'aiguillettes,  chevilleurs, 
nécromanciens ,  chiromanciens  et  au- 
tres qui,  par  telle  invocation  diaboli- 
que, arts  magiques  et  superstitions  abu- 
sent le  peuple,  Paris,  1579,  in-8°.  Cet 
ouvrafjc  rare  et  curieux  est  divisé  en 
deux  livres.  Dans  le  premier,  Massé 
traite  des  diverses  sortes  de  divina- 
tion, de  leur  origine  et  des  moyens 
employés  par  les  anciens  pour  décou- 
vrir l'avenir;  dans  le  second,  il  prou- 
ve que  ces  pratiques  sont  condamnées 
par  la  religion  et  par  la  saine  philo- 
sophie. L'auteur  montre  à  la  fois 
beaucoup  d'érudition  et  de  crédulité. 
A  l'ouvrage  de  Massé ,  l'imprimeur  a 
réuni  les  deux  opuscules  suivants  : 
Traité  des  maléfices,  sortilèges  et  au- 
tres sciences  diaboliques,  avec  les  Sco- 
liessur  te  livre  de  Tobie,dontse  veulent 
aider  et  fonder  les  sorciers,  par  René  Be- 
noît, et  la  Déclamation  contre  l'erreur 
desdits  maléficiers  et  sorciers,  par  le  P. 
Nodé,  minime.  Massé  promettait  une 
suite  à  son  ouvrage,  dans  laquelle  il 
traiterait  de  la  Divination  légitime, 
c'est-à-dire  permise.  Il  avait,  en  ou- 
tre, composé  un  livre  contre  les  a- 
thées,  juifs  et  autres  sectes,  lequel , 
dit  Lacroix  du  Maine ,  il  avait  intitu- 
lé :  les  Cinq  points  d'erreur:  Massé  vi- 
vait en  1581;  mais  on  ignore  la  date 
de  sa  mort.  W — s. 

MASSE  (  CHARLES-lsiuonK)  uaquit 
aux  Herbiers,  et  fit  ses  premières 
études  à  Poitiers,  il  embrassa  ensuite 
la  carrière  du  barreau  et  se  fixa  à 
Nantes,  où  il  partageait  son  temps 
entre  les  devoirs  de  sa  [>rofession  et 
des  recherches  littéraires,  il  écrivit 
tians  plusieurs  joinnaux,  tels  que  le 
Lycée  armoricain,  l'Ami  de  la  Charte, 
lu  Jievue  vendéenne,  et  mourut  «lans 
sa  patrie,  le  20 décembre  1831.  On  a 
«le  lui  :  I.  Discours  sur  l'éducation  des 
campagnes  vendéennes,  iNanteSj  1821, 


in-8''.  11.  La  Vendée  poétique  et  pit- 
toresque, ou  Lettres  descriptives  et 
historiques  sur  le  Bocage  de  la  Vendée, 
depuis  Jules  -  César  jusqu'à  l'année 
1791  exclusivement,  Nantes,  1829,  2 
vol.  in-S"  avec  pi.  —  Massé  (A.-J.), 
né  à  Maignelay  (Oise),  le  30  avril 
1771,  fut  notaire  à  Paris,  oîi  il  mou- 
rut le  12  janv,  1837.  Il  a  publié  plu- 
sieurs ouvrages  de  jurisprudence , 
entre  autres  ,  le  Nouveau  parfait 
notaire,  Paris  ,  1804  ou  1807,  2  vol. 
in-8'».  Z. 

MASSEI  (Barthélemi),  cardinal, 
naquit  à  Montepulciano,  le  2  janvier 
1663;  son  père  était  trompette  de  la 
ville  de  Florence.  Il  entra  fort  jeune 
au  service  du  prélat  Albanl  (  depuis 
Clément  XI);  ce  fut  l'origine  de  sa 
fortune.  Il  devint  successivement  cha- 
noine de  Sainte-Marie-Majeure ,  puis 
de  Saint-Pierre -du -Vatican  ,  et  fut 
chargé,  en  1715,  de  porter  la  barette 
au  cardinal  de  Bussy.  Il  avait  telle- 
ment plu  à  la  corn-  de  Louis  XIV, 
que,  six  ans  plus  tard,  le  pape  le  nom- 
ma nonce  en  France.  Voici  comment 
il  a  été  jugé  par  Saint-Simon ,  dont 
les  portraits,  comme  on  le  sait ,  n'ont 
pas  le  défaut  d'être  flatteurs  :  «  Mas- 
«  sei  avait  été  petit  garçon  parmi  les 
«  bas  domestiques  du  pape,  alors  sim- 
«  pie  prélat.  Son  esprit  et  sa  sagesse 
K  percèrent;  il  s'éleva  peu  à  peu  dans 
«  la  maison  ,  et ,  de  degié  en  degré 
«  devint  le  secrétaire  confident  de 
<•  son  maitre,  et  enfin  son  maître 
«  de  chambre,  quand  il  fut  cardinal. 
«  Sa  douceur  et  sa  modestie  le  firent 
«  ainjcr  dans  la  cour  romaine.  Il  per- 
.<  dit  son  emploi  à  l'exaltation  du  car 
..  dinal  Albani  ;  il  était  de  trop  bas 
«  aloi  pour  être  maître  de  chambre 
«  du  pape  ;  mais  il  en  conserva  toute 
.<  la  faveur  et  la  confiance.  Le  pape  lui 
"  parlait  presque  detout,  le  consultait 
«  et  se  trouvait  bien  de  ses  avis.  Il  le 


MAS 

..  fit,  en  1726,  aicbevêque  dAtUèiies 
«  in  partibus;  pour  le  metue  à  portée 
»  d'une  grande  nonciature.  Massei  se 
"  conduisit,  durant  le   grand  feu  de 
"  la  constitution,   avec  beaucoup  de 
"  modération  ,    d'honneur ,    de  sa- 
»  gesse ,  et  se  fit  généralement  aimer 
"  et  estimer,  il   languit  long-temps 
.<  nonce,  parce  qu'il  n'y  eut  point  de 
«  promotion  pour  les  nonces  pendant 
»  le  reste   du  pontificat  de  Clément 
«  XI,  et  que  Benoit  XIII,   qui   était 
••  si  fort  singulier,  ne  voulut  jamais 
-  faire  aucun  nonce  cardinal ,  disant 
qu'ils  n'étaient  que  des  nouvellistes. 
«  Massei    ne  montia  pas  la  moindre 
»  impatience;  mais,  en  attendant,  il 
.  mourait  de  faim,  car  les  nonces  ont 
'.  fort  peu,  et  à  ce  qu'était  celui-ci, 
■'  son  patrimoine  ni  les  bénéfices  n'y 
«  suppléaient  pas.  Il  ne  s'endetta  pas 
«  le  moins  du  monde,  supporta  son 
«  indigence  avec  dignité ,  mais  il  l'a- 
n  vouait  pour  faire  excuser  la  fruga- 
«  lité  de  sa  vie,  et  s'en  alla  sans  rien 
«  devoir,  véritablement  regretté   de 
"  tout  le  monde.  Il  ne  quitta  la  Fi-an- 
«  ce  qu'avec  larmes,  et  aurait  désiré 
"  y  passer  le  reste  de  ses  joms.  Le 
•>  nouveau   cérémonial   des  bâtards, 
"  dont  Gualtiero  s'était  si  mal  trouvé, 
«  car  ils  étaient  rétablis  alors,  euipé- 
«  cha  que  la  calotte  lui  arrivât  à  Pa- 
«  ris.  Dès  que  la  promotion  fut  sur 
«  le  point  de  se  faiie,  en  1730, Massei 
«  reçut  ordre  de  prendre  congé,  de  par- 
a  tir  et  d'arriver  dans  un  temps  fort 
«  court  à  Forli.'Il  fut  à  la  fin  nommé 
cardinal-prêtre,  sous  le  titre  de  Saint- 
Augustin  ,  et  légat  de  la  Romagne.  Le 
siège  d'Ancône  étant  devenu  vacant, 
par  la  translation  du  cardinal  Prosper 
Lambertini  à  l'archevêché  de  Bologne, 
fut  donné  à  Massei  dans  le  consistoire 
secret  du  21  mai  1731.  Il  moiu-ut  dans 
son  évêché,  le  20  novembre  1748. 
C'était  un  homme  droit,  modeste,  et 


MAS 


283 


qui,   toute   sa   vie,  avait  eu  de  fort 
bonues    mœurs.  Z. 

JkLlSSEXBACH'Je  baron  C.:r.b- 
Ti£>de),  naquit,  en  17o8,  àSmalkalde 
en  Hesse,  où  son  père  était  maître  des 
forêts  au  service  du  prince.  Son  bis- 
aïeul, né  à   Merael  en   1652,  s'était 
transporté  dans  cette  contrée  avec  sa 
famille   originaire    de    Souabe.   Une 
branche   resta  en  Prusse ,  et  c'est  de 
celle-là    qu'était    issu    Chrétien     de 
Massenbach.  il  fut  élevé,  sous  les  yeux 
d'une   tendre  meie,  à    Massenbach, 
terre  considérable  qui   appartenait  à 
sa  famille,  et  y  passa    les  premières 
années  de  sa  vie,  occupé  uniquement 
de    la  chasse ,  qu'il  aimait  avec  pas- 
sion. Ayant  eu  le  malheur  de  blesser 
grièvement,  par  imprudence,  un  de 
ses  oncles,  il  y  renonça  pour  toujoiurs, 
et  se  tourna  vers  les  études   classi- 
ques qu'il  fit  à  Ludwisbourg,  sous  le 
professeur  Jahn.  De  là,  il  passa  à  l'A- 
cadémie militaire  de  la  .Sohtude ,  et 
finit   par  l'École  Caroline  (karhchuU) 
de  Stuttgard.  Dans  ce  dernier  établis- 
sement, dû  à  la  munificence  des  ducs 
de  Wurtembei^  dont  U  porte  le  nom, 
le  jeune  Massenbach  s'initia  aux  étu- 
des mihtaires,  c'est-à-dire  aux  mathé- 
matiques, au    tiacé  des   plans,  à  la 
tactique,  en  même  temps  qu'à  toute» 
les  sciences  qui  élèvent  et  fortifient  l'in- 
teUigence.  Sorti  de  cette  Académie  à 
l'âge  de  vingt-deux  ans,  il  enUa,  com- 
me lieutenant,  dans  la  garde  du  duc 
de   Wurtemberg,  et  y  fut,  presque 
aussitôt,  chargé  de   l'instruction  des 
soldats.  Mais,  soit  ambition ,  soit  mé- 
contentement d'avoir  été  ti-aité  dure- 
ment par  le  duc  Charles  lui-même,  il 
voulut    changer  de  position,    et  de- 
manda un  congé  qui  lui  fut  refusé. 
Mécontent   de  ce  refus,  et  ne  se  re- 
gai'dant  point  comme  sujet  wiurtem- 
bergeois ,  il  partit  furtivement ,  et  se 
rendit  en  Prusse,  où  il  arriva  dans  le 


284 


MAS 


mois  de  novembre  1782.  L'image  de 
Frédéiic  II  maîtrisait  depuis  longtemps 
ses  pensées;  il  avait  dëdié  au  grand 
roi  un  plan  du  camp  devant  Sous- 
theim,  et  une  traduction  du  traité  de 
Bezout  sur  la  nature  de  la  ligne  cour- 
be que  forment  dans  leur  marche  les 
boulets  de  canon.  Il  reçut,  à  cette 
occasion ,  du  monarque  ,  une  let- 
tre d'encouragement.  Il  a  lui-même 
consigné,  dans  un  petit  écrit  intitulé  : 
3fon  entrée  au  service  de  Prusse,  les 
plus  minutieuses  circonstances  d'un 
événement  qui  fut  si  décisif  pour  son 
avenir.  On  lui  fit  d'abord  subir  un 
examen  devant  le  colonel  de  Sfau  et 
lo  lieutenant-colonel  d'Heinze.  Il  eut 
ensuite  du  roi  une  audience,  où  ce 
prince  lui  fut  très-gracieux ,  mais  ne 
lui  épargna  pas  les  questions  sur  les 
causes  de  son  départ  de  Wurtem- 
berg. Ses  réponses  ne  satisfirent  pas 
entièrement  Frédéric,  et  il  chargea 
sa  légation  à  Stuttgaid  de  prendre 
des  renseignements  qui  furent  assez 
favorables  pour  que  Massenbach  fût 
admis  dans  le  corps  du  génie  prus- 
sien. Cette  faveur  le  combla  de  joie , 
et  il  en  a  conservé  toute  sa  vie  une 
vive  reconnaissance.  Dès-lors  il  ne 
s'occupa  plus  que  d'étudier  et  d'ad- 
mirer ses  bienfaiteurs.  Dans  tous 
ses  écrits  se  retrouve  l'éloge  de  Fré- 
déric-le-Grand  et  de  ses  généraux".  Ses 
Souvenirs  de  tjrands  hommes  (  Ams- 
terdam ,  1808),  son  Eloge  de  Frédé- 
iic II  et  du  prince  J  lenri ,  prononcé 
le  24  janvier  1803  devant  une  nom- 
breuse assemblée,  montrent  à  quel 
|)oint  il  s'était  passionné  pour  eux.  On 
ne  doit  pas  s'étonner,  après  cela, 
que,  dès  que  le  grand  roi  fut  mort, 
il  ait  trouve  tout  mauvais  dans  le  ci- 
vil <:onmic  dans  le  militaire.  D'un  ca- 
ractère frondeur  et  tranchant,  il  ne 
garda  plus  aucune  mesure,  et  on 
l'entendit  souvent  s'exprimer  avec  la 


MAS 

plus  grande  liberté,  sans  acception  de 
personnes  ni  de  choses.  Si  un  pareil 
rôle ,  assez  rare  et  difficile  à  soutenir 
en  Prusse,  lui  fit  des  ennemis ,  d'un 
autre  côté  ,  il  lui  valut  des  par- 
tisans, et  quelques  puissants  protec- 
teurs, entre  autres  le  prince  Henri  et 
le  duc  de  Brunswick ,  qui  avaient 
adopté  un  système  analogue.  Cette 
circonstance  força  le  gouvernement 
à  le  ménager;  et  comme  d'ailleurs  on 
ne  peut  nier  qu'il  ne  fût  un  bon  of- 
ficier, son  opposition  ne  nuisit  point 
à  son  avancement.  Il  était  capitaine 
en  1787 ,  et  fit  en  cette  qualité , 
sous  le  duc  de  Brunswick,  la  campa- 
gne d'invasion  de  la  Hollande,  où  il 
fut  blessé  en  se  défendant  bravement 
contre  des  hussards  patriotes  qui  lui 
coupèrent  trois  doigts  de  la  main 
ganche.  Il  reçut,  pour  cet  exploit,  la 
décoration  du  Mérite  de  Pi-usse,  et 
bientôt  après  le  grade  de  major.  C'é- 
tait cependant  contre  son  avis  et  ses 
opinions  qu'il  avait  concouru  à  ré- 
duiie  les  révolutionnaires  hollandais. 
Ce  fut  encore  malgré  lui  qu'en  1792, 
la  Prusse  se  mit  à  la  tête  de  la  coali- 
tion contre  la  révolution  de  France. 
En  bon  militaire  et  en  sujet  soumis, 
il  accompagna  encore  une  fois  le  duc 
de  Brunswick  dans  cette  mémorable 
expédition.  Toujours  très-haut  placé 
dans  la  confiance  de  ce  prince,  il  est 
probable  qu'il  ne  resta  pas  étranger 
à  ses  secrets  politiques.  Ce  qu'il  y  a 
de  sûr,  c'est  que  le  duc  lui  confia 
plusieurs  missions  occultes  auprès  de 
Dumouriez,  et  qu'à  son  retour,  Mas- 
senbach rendit  compte  au  roi  de  ce 
qu'il  avait  observé  dans  le  camp  fran- 
çais, de  telle  façon  qno  ce  prince  se 
montra  foit  mécontent,  et  qu'il  or- 
donna des  dispositions  tontes  con- 
traires à  celles  du  généralissime. 
Après  la  retraite  de  (>hampagne , 
Massenljach   suivit  encore  le  duc  de 


Brunswick  sur  les  bords  du  Rhin  ;  et, 
lorsque  ce  prince  fut  près  de  perdi'e 
le  commandement,  i(  l'envoya  à  Berlin 
pour  conjurer  l'orage.  Cette  mission 
n'eut  point  de  succès,  et  MoUendorff 
remplaça  le  duc  à  la  tête  de  l'arméedu 
Rhin.  Mais  Massenbach  réussit  à  se 
faire  donner  par  le  roi  la  terre  de 
Bialokosz  dans  la  Pologne  pi-ussienne, 
et  il  vint  reprendre  ses  fonctions  au- 
près de  MbllendorflF,  où,  tout  en  ser- 
vant assez  bien,  il  recommença  son  rôle 
d'opposition  et  de  controverse.  Voici 
comment  il  raconte  lui-même  ce  qui 
se  passa  à  cette  époque  (179-i).  D'a- 
bord, il  se  donna  beaucoup  de  mou- 
vement pour  s'opposer  à  la  paix  ;  mais 
on  ne  tint  compte  de  ses  représenta- 
tions, et  l'on  traita  à  Kreutznach.  «  Je 
"  puis  aujourd'hui,  dit-il,  proclamer 
"  hautement  que  j'ai  toujours  tra- 
"  vaille  à  la  non-conclusion  de  cette 
>•  paix,  et  que  mes  efforts  étaient  ap- 
M  puyés  par  le  duc  de  Brunswick. 
«  Tant  qu'il  a  été  possible  de  faire  à 
«  la  France  une  guerre  couronnée  de 
»  succès,  j'ai  été  pour  laguerre;  mais 
'•  une  fois  les  Pays-Bas  autrichiens 
"  peidus  et  la  Hollande ,  le  Rhin , 
«  Mayence  enveloppés  dans  cette  per- 
"  te,  la  guerre  était  devenue  fort  dif- 
«  ficilc.  Elle  n'eût  pas  non  plus,  je 
«  crois,  domié  beaucoup  de  résultats, 
«  si  nous  nous  étions  adjoints  à  la 
«  grande  coalition  de  1799.  Enfin 
»  quand  Napoléon  se  ftit  mis  à  la  tête 
<•  de  l'armée  française,  la  seule  voie 
«  de  salut  pour  la  Prusse  fut  de  s'at- 
»  tacher  étroitement  à  la  France...  Il 
«  y  a  trois  points  sur  lesquels  je  n'ai 
«  cessé  jusqu'ici  de  prodiguer  des  re- 
«  présentations  depuis  1800  :  i*  con- 
•<  solider  la  Prusse  dans  l'est  ;  2*  or- 

•  ganiser   l'état-major-général  (c'est 
«  l'objet  d'un  mémoire  que  j'envoyai 

•  au   roi,    mais    qui    resta   plusieurs 
«  mois  dans  les  caitons  de  )f.  Hol* 


MAS  âSS 

•«  zendorf  Sans  parvenir  )  ;  3"  diriger 
-  l'éducation  du  prince  héréditaire 
»  d'après  une  idée  que  j'ai  lue  dans 
»  la  biographie  d'Épaminondas.  - 
Ainsi,  glosant  et  controversant  sur 
l'administratiot),  sur  la  politique  et 
sur  la  guerre,  Massenbach  était  ce- 
pendant paivenu  au  grade  de  colo- 
nel, et  le  gouvernement  qu'il  traitait 
si  mal  l'employait  encore  comme quai- 
tier-maître-général  de  l'armée  dans  la 
terrible  guerre  de  1806  contre  Napo- 
léon, dont  il  n'avait  pas  plus  approu- 
vé le  but  que  les  préparatifs.  Dès  que 
la  campagne  fiil  ouverte,  a-t-il  dit 
dans  ses  Mémoires,  voyant  l'armée 
prussienne  dans  une  si  mauvaise  po- 
sition ,  au  nord  de  la  forêt  de  Tbu- 
ringe,  et  craignant  qu'elle  ne  fut  pri- 
se en  flanc  par  sa  gauche,  son  avi*  fut 
pour  une  offensive  vigoureuse,  par 
la  Franconie  ,  en  occupant  Wurti- 
bourg  et  Bayreudi  ;  et  il  ajoute  :  »  Le 
«  7  octobre,  il  était  facile  et  avanta- 
.'  geux  de  passer  la  Saaie  ;  le  9  c'était 
a  encore  possible  :  le  10  il  était  trop 
«  tard.  •  A,près  le  combat  de  Saal- 
feld,  où  les  Prussiens  avaient  eu  le 
dessous,  Massenbach  opina  pour  l'oc- 
cupation de  la  ville  d'Ettersberg ,  si- 
tuée sur  la  route  de  Weimar  à  Erfurt 
et  dont  la  possession  assurait  le  pas- 
sage de  l'Unstrult  et  le  chemin  le  plus 
court  qui  conduisît  à  l'Elbe  et  à  Mag- 
debourg.  Déjà  une  colonne  Blait  sur 
le  chemin  d'Eckaitsberga ;  le  mouve- 
ment allait  s'exécuter  suivant  sa  pro- 
position ,  lorsque  arriva  un  ordre  du 
duc  de  Brunswick  qui  enjoignit  au 
prince  de  Hohenlohe  de  ne  rien  faire 
de  son  chef,  et  de  ne  se  laisser,  en 
aucun  cas,  séparer  du  quaitier-géné- 
ral;  de  plus,  il  voulait  qu'on  lui  en- 
voyât le  colonel  de  Massenbach  pour 
causer  avec  lui  des  dispositions  à 
prendie  d'après  les  vues  probables  de 
r«nnemi ,  qui  semblait  vouloû-  se  con- 


286  MAS 

centrer  sur  la  rive  droite  de  la  Saale. 
On  sait  que  le  duc  chargea  Holzen- 
dorf,  Hohenlohe  et  Rùchel  d'attaquer 
le  premier  l'aile  gauche,   le  dernier 
l'aile  droite,  et    Hohenlohe  le  centre 
de    l'armée   de  Napoléon.  Les  seuls 
torts  que  se  reproche  Massenbach  en 
cette  occasion,  sont  de  ne  pas  s'être 
péremptoirement  opposé   à   ce    que 
l'on  assignât  à  Hohenlohe  la  position 
qui   lui   fut  donnée,  et   surtout  à  ce 
qu'on  se  reposât  si   pleinement,    la 
nuit  du  13  au  14,  sur  le  corps  qu'il 
commandait.  Dornberg  avait  été  éva- 
cué dans  la  nuit  du  12  au  13,  à  l'in- 
su  et  contre  le  vœu  du  prince ,  et,  ni 
les    quatorze   vedettes,  ni  les  recon- 
naissances envoyées   à  Prenzlau,  ne 
purent,  tant  était  grande  leur  fatigue, 
parvenir  à  leur  but,   d'où  il  résulta 
que  Napoléon   atteignit,  sans  qu'on 
l'aperçût,  la  vallée  de  la  Saale,  où, 
contrairement  aux  prévisions  de  Mas- 
senbach, il  s'engagea  ime  affaire  d'a- 
vant-poste très-importante.  «  Au  mi- 
»  lieu  de  ce  combat,  dit-il,  il  y  eut 
»  un  moment  où  une  attaque  intré- 
»  pide  pouvait  seule  être   de  quelque 
Il  secours  :je  donnai  l'ordre  de  fon- 
«  dre  sur  l'ennemi ,  la  baïonnette  en 
<.  avant.  Mais  il  eût  fallu  être  soutenu 
"  par  le  général  Riichel;  ce  secours 
«  nous  fit  défaut ,  et  la  bataille  déci  - 
H  sive    fut  perdue.   On  donna    bien 
»  ordre  aux  troupes  dispersées  de  se 
«'  réunir   à  Weimar  et  à  Liesdstadt; 
«  mais  le  désordre  universel  empêcha 
»  de  suivre  cet  ordie.    «  Massenbach 
se  rendit  alors  en  course  à  Magde- 
bourg,  où    il    espérait  recevoir  des 
ordres  du  roi  :  le  roi  était  parti!  La 
retraite  qui  suivit  et  les  événements 
de  Prenzlau,  ont  servi  de  texte  à  bien 
des  reproches  adressés  soit  à  Massen- 
bach ,  soit  à  son  chef,  le  prince  de 
Hohenlohe.  Voici  ce  cjue  Massenbach 
a  allégué  pour  ^»  défense:  «Lesntiou- 


MAS 

"  vements  opérés  par  l'armée  fran- 
■■  çaise  du  9  au  13,  et  l'occupation 
«  de  la  route  de  Naumburg  avaient 
«  coupé  les  Prussiens  de  la  route  qui 
f  mène  directement  à  Berlin.  Cette 
li  route,  qui  passe  par  Leipzig  et  Wit- 
«  temberg,  était  ouverte  aux  Fran- 
i.  çais;  les  faibles  restes  de  l'armée 
i<  d'Auerstœdt  dirigèrent,  en  consé- 
«  quence,  leur  retraite  sur  le  Harz, 
«  pour  gagner  l'Elbe  et  Magdebourg. 
«  Sur  toute  l'étendue  de  cette  route 
"  (laquelle  passe  par  Soramerda,  Son- 
<'  dershausen,  Nordhausen,  Stolberg, 
«  Quedlinbourg  ) ,  nous  eûmes  con- 
»  tinuellement  l'ennemi  sur  le  dos. 
«  Comme  la  plus  grande  partie  de 
"  l'artillerie,  du  bagage,  des  voitures 
«  à  pain,  étaient  perdus  et  qu'on  ne 
"  payait  plus  la  solde,  on  peut  se 
«  figurer  dans  quel  état  se  trouvait 
«  l'armée,  quand,  après  une  marche 
«  de  6  jours,  elle  atteignit  son  premier 
<■  but,  Magdebourg.  Mais,  là  même, 
■'  pas  de  magasins  ;  et  il  fallut  encore 
«  diriger  la  retraite  des  troupes  dé- 
«  moralisées,  désorganisées,  vers  l'O- 
«  der,  que  l'ennemi  victorieux  et  en 
»  bon  ordre  pouvait  atteindre  par  xino 
»  route  plus  courte  de  quinze  milles; 
"  Dans  cet  état  de  choses,  l'isolement 
»  de  la  cavalerie,  à  Neustadt,  était 
a  particulièrement  funeste  au  corps 
"  du  prince  de  Hohenlohe.  Bienti't 
u  on  n'eut  plus  de  rapports  sur  cette 
"  cavalerie  que  commandait  Rlûcher, 
«  et  on  fut  encore  moins  instruit  des 
«  mouvements  de  l'enneuii.  Comme 
■>  nous  mettions  toute  notie  confiance 
«  dans  la  cavalerie,  et  (pic  l'cspoii-  de 
«  la  voir  se  joindre  à  nous  fut  anéan- 
«  ti  i)ar  la  résolution  que  Rliicher 
«  avait  prise  de  se  porter  sur  Liibeck; 
..  quand  ensuite  on  ronit  la  nouvelle 
..  décourageante  que  le  détachement 
"  de  Schimmcipennig  n'était  point 
..  resté  à  Prenzlau,  et  qu'on  dut  pré- 


MAS 

«  sumer  que  les  environs  de  Prenzlau 
«  étaient  occupé» par  les  Français; 
«  quand  enfin  on  les  vit  des  hauteurs 
«  de  Boitzenbourg,  alors  il  ne  sem- 
«  bla  plus  convenable  de  se  mettre 
«  en  marche,  ce  qui ,  à  la  vérité,  au- 

•  rait  pu  sauver  le  corps  d'armée, 
i.  Il  fallut  aussi  renoncer  à  l'idée  de 
«  prendre  la  route  la  plus  courte  qui 
•I  menât  à  Stettin  (celle  de  îJieden, 
u  près  de  Lcecknitz),  et  la  sacrifier, 
«  quelque  convenable  qu'il  fût  de  la 
«  prendre,  à  la  nécessité  de  s'appro- 
«  visionner  à  Prenzlau.  En  arrivant 
«  à  Schœnemark  ;  on  rencontra  un 
»  régiment  de  cavalerie,  et  Ion 
u  envoya  sur  Prenzlau  des  reconnais- 
«  sances  qui  ne  revinrent  pas.  Ce 
«  mécompte  s'explique  par  l'extrême 

•  lassitude  des  troupes.  Un  officier  du 
••  général  commandant,  lequel  s'était 
u  offert  à  conduire  la  reconnaissance, 
«  revint  et  dit  que  l'ennemi  n'avait 

•  point  encore  paru  à  Prenzlau.  Ce- 
u  pendant  au  moment  même  où  le 
«  coi'ps  d'armée  décampait,  les  Fran- 
«  çais  paraissaient  devant  cette  ville. 
«  Dès-lors,  si  l'on  voulait  gagner  la 
«  route  de  Stettin,  il  fallait  prendre 
«  possession    au   plus   vite  des  deux 

•  portes  dites  de  Stettin  etd'Anger- 
«  miinde  ,  avant  que  l'ennemi  les 
"  occupât.  »  Dans  cet  instant  criti- 
que, Massenbach  fut  envoyé  au  camp 
français ,  accompagné  du  premier 
parlementaire  qu'avait  reçu  le  prince 
de  Hohenlobe.  Le  but  avoué  de  cette 
mission  était  de  s'entretenir  avec 
le  marquis  de  Lucchesini,  qui  était  à 
l'arrière-garde  et  qui  devait  se  trou- 
ver avec  l'empereiu-  en  personne. 
Massenbach  passa  sur  un  pont  qu  il 
crut  être  celui  de  l'Ucker.  Aux  pre- 
miers postes  français,  il  trouva  les 
maréchaux  Lannes  et  Victor,  qui  lui 
proposèrent  une  capitulation  ;  mais 
il  n'était  point  autorisé  à   laccepter. 


MAS 


987 


Sur  l'entrefaite,  il  aperçut,  dans  la 
campagne  de  Grunow,  un  corps  de 
cavalerie;  et,  par  suite  de  1  erreur  qui 
lui  faisait  penser  qu'il  était  sur  la 
droite  de  lUcker,  il  crut  que  c'était 
une  colonne  en  marche  sur  la  route 
de  Stettin.  En  revenant,  il  vit,  devant 
Prenzlau,  des  canons  et  des  fourgons 
de  munitions  abandonnés;  dans  le 
faubourg  même  des  moru^  et  des  ai- 
mes ;  enfin,  dans  U  ville,  dont  les  por- 
tes auraient  du  être  occupées  par  les 
Prussiens,  Murât  lui-même  à  la  tête 
de  ses  escadrons,  menaçant  de  sabrei 
tout  ce  qui  se  présenterait.  Alors  Mas- 
senbach demanda  qu  il  lui  fût  per- 
mis de  parler  a  son  général.  On  le  lui 
accorda;  mais  quel  fut  son  etonne- 
ment,  tandis  que  le  corps  prussien 
aiirait  dû  être  à  la  porte  de  Stettin , 
de  le  trouver  à  cette  même  porte  de 
Pasewalk,  rangé  de  la  manière  la  plus 
désavantageuse  (  en  cari-és  remplis  de 
fourgons  et  de  chevaux),  et  obc;ei-vé 
par  deux  officiers  firançais,  qui  étaient 
là  tout  prés  !  Dans  ce  moment,  le  co- 
lonel commandant  l'artillerie,  Ueu- 
ser,  notifia  que  les  gibernes  étaient 
vides ,  et  que  chaque  canon  n'a- 
vait que  cinq  coups  à  tirer.  Le  dé- 
couragement se  peignit  soudain  sur 
toutes  les  figures  ;  personne  ne  pou- 
vait songer,  en  de  telles  circonstan- 
ces, à  résister  ni  à  atteindre  Lcecknitz 
avec  des  troupes  épuisées;  on  eût 
couru  grand  risque  d'être  jeté  dans  le 
lac  de  Blindow  ou  dans  les  matais  de 
l'Dcker.  C'est  alors  que,  pour  la  pre- 
mière fois,  Massenbach  proposa  mie 
capitulation;  il  la  i-édigea  lui-même, 
et  le  corps  du  pnnce  de  Hohenlobe 
tout  entier  posa  les  armes.  Il  comptait 
dix-neuf  escadrons  et  la  plus  belle 
infanterie  de  l'armée  prussiennje,  oellie 
de  la  gaide  royale,  en  tout,  dix-sept 
mille  hommes  (  voy.  Uohenlouk-/^»* 
genhourgj  LXVlI,262j.  Lesimpoitan- 


288 


MAS 


tes  et  tristes  suites  de  cet  événement 
sont  assez  connues.  Une  commission 
fut  nommée  plus  tard  à  Kœnigsberg 
pour  informer  sur  la  capitulation  de 
Prenzlau  et  sur  d'autres  incidents  de 
la  campagne  de  1806.  Massenbach  fit 
parvenir  un  compte-rendu  des  opéra- 
tions ,  et  il  s'efforça  de  se  justifier,  ce 
qui  n'était  pas  facile.  Nous  en  avons 
extrait  la  substance.  Il  avoue,  du 
reste,  que  ni  lui  ni  son  chef  ne  se 
regardaient  comme  exempts  de  fautes. 
C'en  fut  une,  dit-il,  d'avoir  conféré 
d'une  manière  si  imprévoyante  avec 
des  officiers  français;  c'en  fut  une 
autre,  bien  excusable  selon  lui,  d'a- 
voir cru  à  tort  l'ennemi  sur  la  rive 
droite  de  l'LJcker.  Par  une  des  clau- 
ses de  la  capitulation,  Massenbach 
était  prisonnier  de  guerre;  mais  la  re- 
connaissance d'un  officier  français ,  à 
l'égard  duquel  il  avait  fait  observer 
les  prescriptions  du  droit  des  gens, 
lui  obtint  la  permission  de  passer 
l'hiver  à  Berlin.  Diverses  brochures 
qu'il  publia  vers  cette  époque  (  Fré- 
déric Il  et  Napoléon  I" ,  ÏÉtut  du 
monde  et  de  la  Prusse  vincjt  ans  apiés 
la  mort  de  Frédéric  If),  indiquent  as- 
sez quelles  émotions  excita  en  lui  la 
crise  qui  allait  décider  du  destin  de  la 
Prusse.  Vers  le  printemps  de  1807,  il 
se  rendit  à  sa  terre  de  liialokosz ,  où 
la  paix  de  Tilsitt  fit  bientôt  de  lui  un 
sujet  du  grand-duc  de  Varsovie.  C'est 
là  qu'il  écrivit  ses  Som>euirs  de  grandit 
hommes  et  ses  Mémoires.  ïje  gouver- 
nement polono-saxon ,  dont  il  relo- 
vait, lui  fit  savoir,  en  1810,  sans 
doute  à  l'instigation  du  roi  de  Prusse, 
qu'il  ne  répontlait  pas  de  sa  sûreté 
personnelle  s'il  persévérait  à  faire 
connaître  les  circonstances  de  sa  vie 
publii^uc.  Kn  conséquence,  a-t-il  dit, 
l'édition  toute  imprimée  de  ses  Mé- 
moires fut  achetée  par  lui  et  détruite. 
On  verra  plus  tard  comment  le  gou- 


MAS 

verneraent  prussien  a  lui-même  expli- 
qué ces  faits.  Le  prince  Poniatowski  lui 
proposa  alors  de  le  faire  entrer  dans 
l'état-major-général  ;  mais  ses  affec- 
tions étaient  pour  la  Prusse.  Il  donna 
connaissance  de  la  proposition  à  Har- 
dcnberg,  qui  lui  répondit,  par  des 
assurances,  de  songer  à  lui  plus  tard  ; 
et  on  ne  lui  envoya  point  son  congé, 
bien  qu'il  ne  reçût,  depuis  la  fin  de  la 
guerre,  ni  paie  ni  pension.  Pendant 
ce  temps  ,  ses  ennemis  le  représen- 
taient sous  des  couleurs  fâcheuses 
(notamment  l«;s  Mémoires  de  Lombard 
pour  les  années  1806  et  1807,  et  une 
espèce  de  justification  qui  parut  dans 
la  Galerie  des  caractères  prussiens,  ou- 
vrage composé  sous  l'influence  de  la 
France  ,  mais  qui  aggravait  ses  torts 
plus  qu'il  ne  le  justifiait).  Attaqué 
ainsi  dans  son  honneur  et  gêné  dans 
sa  fortune,  Massenbach  prit  le  parti 
d'attendre  un  moment  plus  opportun 
pour  se  justifier  aux  yeux  du  monde 
et  de  son  roi.  Vint  l'année  1813:  il  of- 
frit ses  services  à  sa  patrie,  mais  ne 
les  vit  point  accepter;  toutefois  son 
fils  combattit  dans  les  rangs  des  dé- 
fenseurs de  la  Prusse.  Vers  la  fin  de 
1816,  des  circonstances  de  famille  le 
décidèrent  à  faire  im  voyage  en  Wur- 
temberg, et,  en  1817,  il  parut  à  l'As- 
semblée des  États  de  ce  pays,  comme 
représentant  sa  famille,  à  laquelle  le 
feu  roi  avait  donné  une  voix.  Déjà 
ses  principes  publiquement  expri- 
més l'avaient  fait  coimaître  comme 
partisan  des  innovations  constitution- 
nelles; il  ne  démentit  point  ses  pré- 
cédents. Quand  la  ci-devant  no- 
blesse immédiate  d'empire  présenta 
au  roi  de  Wurtemberg  son  adresse 
de  remercîment  pour  le  projet  de 
statuts  sur  la  noblesse,  noiivellement 
proposé  aux  États ,  il  refusa  de 
s'associer  à  cet  acte,  qu'il  regardait 
r4)mmi'  un   uianifcsK'    de  séparation 


MAS 

entre  les  nobles  et  le  reste  des  sujets 
(ce  qui  était  la  vérité).  Deux  autres 
nobles  seulement  imitèrent  son  refus. 
<  omine  membre  de  la  commission,  il 
ambattit  sui-  nombre  de  points  le 
projet  de  constitution  présenté  par  le 
gouvernement,  et  voulut,  par  exem- 
ple, que  la  i-eprésentation  nationale 
tut  une  et  non  par  ordre.  Il  voulut 
encore  ime  convocation  périodique  et 
de  droit  des  États,  pour  voter  l'impôt 
et  les  dépenses;  l'obligation  pour  le 
(gouvernement  de  rendre  compte  de 
la  gestion  des  finances  et  non  de  re- 
mettre un  compte  (quelconque  ;  enfin 
la  liberté  de  la  presse,  et  la  sincérité 
des  franchises  électorales.  Ce*  vues 
exprimées  en  un  style  passionné,  eu- 
rent pour  résultat  la  proposition,  de 
la  part  du  gouvernemeut,  de  refondre 
totalement  le  projet  de  constitution 
dont  la  nouvelle  élaboration  dut  être 
confiée  à  des  commissaires  choisis  les 
mis  par  le  cabinet,  les  autres  par 
les  États.  Mais  l'esprit  presque  répu- 
blicain, éveillé  par  Massenbach,  ne 
laissa  pas  subsister  long-temps  1  union 
entre  le  cabinet  et  TAssemblée.  Les 
ttats  furent  congédiés ,  et  il  fut  au 
nombre  de  ceux  que,  dès  la  dissolu- 
tion, on  bannit  de  la  capitale.  Les 
violences  de  la  police  le  suivirent 
jusqu'à  dix  lieues  de Stnttgard.  Il  pai- 
vint  cependant  à  Heidelberg,  où  un 
de  ses  fils  était  allé  achever  ses  études 
et  où  la  police  locale  lui  accorda  un 
permis  de  séjour.  Mais,  quelques  jours 
après,  un  ordre  supérieur  vint  le  lui 
retirer,  et  toutes  les  questions  qu'il 
adressa  sur  les  causes  de  ce  traite- 
ment demeurèrent  sans  réponse.  A 
Francfort-sur-le-Mein,  où  il  se  ren- 
dit, il  rédigea  une  réclamation  à  la 
Diète  fédérative,  contre  le*  mesures 
prises  à  son  égard.  I^  jour  même  où 
ce  document  paraissait,  arriva  un  of- 
ficier prussien  (le  capitaine  de  Kflel- 


chea)  qui  demanda  son  arrestation  et 
son  exti-adition,  an  nom  du  roi  de 
Pnisse.  Mas^enbach  fut  ainsi  conduit 
à  lafoiteresM.'deCustrin,  et  l'on  don- 
na mission  d'instruire  sur  lui  aux  lieu- 
tenants-généraux de  Diericke  et  Boga- 
lowsky,  puis,  ce  dernier  étant  mort, 
au  géneral-major  de  Hoizendorf  et  au 
conseiller  criminel  Grattuader.  Cette 
détention  inexplicable  et  lextradition 
à  une  puissance  dont,  depuis  dix  ans, 
Massenbach  avait  cessé  d'être  le  su- 
jet, produisit  une  sensation  d'autant 
plus  vive,  que  le  rôle  tout  récent  de 
Massenbach  en  Wurtemberg  avait 
fixé  les  yeux  sur  lui.  Divers  défen- 
seurs otfrirent  de  plaider  sa  cause , 
entre  autres  Martin  et  Ilornthal.  Le 
premier  était  conseiller  de  justice  à 
léna,  et  le  second  conseiller  supéiieui 
de  jusdce  à  Bamberg ,  en  Bavière.  On 
blâma  la  conduite  du  gouvernement 
tie  la  ville  libre  de  francforl  à  l'égard 
d'un  homme  qui  était  venu  deman- 
der la  protection  de  la  confédération 
germanique  ;  qui  ,  comme  membre 
des  États  de  Wurtemberg ,  était  sujet 
wurtembourgeois  ,  et  qu'on  livrait  à 
im  état  étranger,  dont  les  prétendons 
à  le  compter  comme  citoyen,  et  les 
droits  sur  sa  personne  étaient  péri- 
més depuis  dix  ans.  Quant  à  la  cause 
de  sa  captivité,  on  ne  pouvait  que 
soupçonner, et  lessoupçons  variaient. 
Suivant  les  uns,  la  manière  libre  dont 
Massenbach  s'était  exprimé  aux  États 
de  Wurtemberg  avait  donné  lieu  à 
ces  rigueurs  ;  selon  d'autres,  on  allait 
recommencer  l'enquête  relative  à  la 
capitulation  de  Prenzlau  ;  enfin  d'au- 
tres (  qui  ne  pouvaient  concilier  cette 
célérité  inusitée  avec  un  fait  de  si 
ancienne  date,  quand  il  s'agissait  d'un 
sexagénaire  qui  n'avait  jamais  pensé 
à  fuir)  croyaient  au  bruit  répandu 
chez  quelques  personnes,  que  Mas- 
senbach, contrairementà  son  serment 
i9 


MAS 


de  fidélité,  aurait  livré  à  la  publicité 
des   pièces  ,    des    documents  qui  lui 
avaient  été   confiés  sous  le  sceau  du 
secret.  A  cela  on  peut  répondre  qu'il 
est  peu  probable  qu'un  gouvernement 
aussi  prudent  et  aussi  régulier  que 
celui  de  la  Prusse  ait  laissé  dix  ans , 
sans  les  faire  redemander,  des  pièces 
de  haute  importance  aux  mains  d'un 
disgracié,    d'un   valétudinaire,  d'un 
prévenu.  Ce  gouvernement  refusa  les 
interventions  offertes,  par  deiuc  mo- 
tifs :  1°  les  lois  du  pays  n'admettaient 
point    de   défenseurs    étrangers;  2» 
Massenbach  n'avait  à  rendre  compte 
que    de    sa    conduite    militaire.    Le 
colonel  lui-même,  lorsqu'il  apprit, 
dans   le  cours  de  l'enquête,  la  gé- 
néreuse   proposition    des    deux   dé- 
fenseurs ,  déclara ,  par  un  écrit  daté 
du   7    novembre    1817,    «  que   ce 
..  n'étaient  point  ses  opinions  et  ses 
«  plans  politiques,  mais  une  infrac- 
«  tion  aux  règlements  du  service  mi- 
«  litaire ,  qui  avait  donné  lieu  à  l'in- 
«  formation,  conduite,  du  reste,  avec 
«  justice  et  humanité.»  Cette  déclara- 
tion ne  tranquillisa  point  les  esprits  ; 
et  on  lut  dans  la   Gazette  dAltona , 
dans  ceUe  de  Mayence,  dans  la   Mi- 
nerve, des  articles  où   l'on  prétendit 
qu'il  fallait  porter  à  la  connaissance 
du  public  ce  en  quoi    consistait  l'in- 
formation contre  un  homme  dont  le 
sort  avait  intéressé  toute  l'Allemagne. 
La  commission  ne  l'en  condamna  pas 
moins  à  la  détention.  Et  quand,  i)lus 
tard,  la  clémence  du  roi  de  Prusse  le 
rendit  à  la  liberté,  ses  forces  étaient 
brisées  et  il  n'avait  pas  long-temps  à 
jouir  du   don  qui  lui  était  fait.   Une 
prompte  et  douce  mort  (l'apoplexie) 
mit  fin  à  sa   vie,  le  10  janvier  1827, 
dans  sa  terre   de  Kiatokos/..  Quelque 
incertitude   que   piésentcnt  ces  don- 
nées biographiques,  les  opinions,  les 
tendance»  politiques  de  Massenbach 


MAS 

ne  sont  point  un  mystère  :  ses  nom- 
breuses publications  en  font    foi.  Il 
savait  beaucoup  de  choses,  et  possédait 
sans  doute  des  secrets  dont  la  révéla- 
tion dut  inquiéter  un  cabinet  aussi 
ombrageux    que  celui    de   Berlin.  Il 
possédait  en  outre  un  talent  oratoire, 
qui,  s'il  n'a  pas  exercé  beaucoup  d'in- 
fluence sur  les  événements  politiques, 
lui  a  donné,  et  long-temps  encore  lui 
donnera  des  lecteurs  charmés  par  la 
chaleur  de    son  style.  Nulle  part  il 
ne   répudie    ses    affections   pour    la 
Prusse    qu'il    appelle  sa    seconde    et 
sa  vraie  patrie.   Professant  un   culte 
profond    pour  Frédéric  II  ,   il  loue 
aussi  Napoléon,  tant  que  celui-ci  n'est 
pas  l'ennemi  de  la  Prusse  ;  il  le  pré- 
sente comme  un   second  sauveur  du 
monde,  auquel  nul  ne  doit  re'sister,  et 
dont   la  mission ,  comme  autrefois  ce 
fut  celle  de  Luther,  est  d'opérer  uue 
salutaire   réforme   dans    l'administia- 
tion  et    la  politique.    Les  jugements 
militaires  et  pohtiques  parsemés  dans 
ses  Mémoires  ne   sont  point  d'une  é- 
vidence  démontrée  ;  mais  on  ne  saurait 
oublier  qu'il  a  eu  dessein  d'observer 
et    de  narrer  aussi    exactement  qu'il 
en  a  eu  l'occasion ,  qu'il  ne  tait  point 
ses  propres  fautes.  Il  a  tiacé  le  tableau 
des  travers  et  des  vices  de  caractère 
de  personnages  importants,  en   hom- 
me qui  croit  que  les  événements  s'ex- 
pliquent, non  par   les  faits  des  ac- 
teurs, mais  par  leuis  caractères.  Ces 
révélations  lui  ont  coûté  cher;  mais  il 
pense  que  son  honneur  les  lui  com- 
mandait. Le  gouvernement  prussien 
ne  pensait  point   ainsi ,  et  il  fit    pu- 
blier, dans  le  temps,  par  les  journaux, 
une  explication  où  les  faits  sont  pré- 
sentés   d'une    manière    bien     diffé- 
rente :  "  On   sait,  y  était-il  dit,  que 
u  M.  de  Massenbach,  dès  1809,  lors- 
..  qu'il  habitait  I5ialokosz,  publia  des 
..  mémoires    sur   ses    lapports  avec 


MAS 

.'  l'État  prussien.  On  ne  veut  pa-, 
"  rappeler  que ,  dans  ces  mémoires , 
«  il  a  manqué,  d'une  manière  tout  à 
»  fait  coupalile,  aux  égards  dus  au 
t.  chef  de  l'État ,  parce  qu'un  ordre 
»  da  cabinet,  du  22  septembre  1817, 
*>  a  prononce  un  pardon  généreux 
"  relativement  à  tous  les  écrits  for- 
«  maiit  la  matière  de  l'enquête.  Mais 
"  ce  que,  dans  aucun  temps  ,  on  ne 
•  peut  et  on  n'a  pu  voir  d'un  œil  in- 
»  différent,  c'est  que,  dans  ces  me- 
u  moires,  il  ait  fait  imprimer  plu- 
«  sieurs  papiers  relatifs  au  service, 
K  et  plusieurs  actes  empruntés  des 
»  archives  secrètes,  et  qui  conccr- 
"  naient  les  rapports  militaires  et  po- 
"  litiques  de  la  Prusse.  Le  quatrième 
"  volume  était  déjà  imprimé  ,  à  deux 
'  feuilles  près,  ainsi  que  les  trois 
"  premiers,  et  l'on  ne  put  le  sous- 
u  traire  à  la  publicité  qu'en  achetant 
«  à  la  librairie  toute  l'édition,  ce  qui 
u  coûta  quatre  à  cinq  cents  écus  à  Œ- 
»  tat.  M.  de  Massenbach,  qui  s'excuse 
u  maintenant  sur  ce  qu'il  avait  cru 
<•  ne  pouvoir  plus  préjudicier  par  là 
«  à  l'État  prussien,  dont  l'existence 
a  politique  était  d'ailleurs  déjà  minée 
«  dans  ses  fondements,  reçut  alors 
"  la  défense  la  plus  sévère  de  con- 
f  tinuer  l'impression  de  ses  mémoi- 
»  res,  mesure  à  laquelle  il  se  soumit 
"  volontairement.  Malgré  cela ,  il  ti-a- 
«  vailla,  depuis  1813,  soit  à  Bialo- 
«  kosz,  soit  dans  le  Wurtemberg,  où  il 
u  s'était  rendu,  le  10  août  1816,  d'a- 
"  près  un  congé  de  six  mois,  pour 
«  prendre  possession  du  bien  de  fa- 
i.  mille  de  Massenbach,  à  un  manus- 
"  crit  de  nouveaux  mémoires  en  huit 
u  volumes ,  que  l'on  a  trouvé  parmi 
u  ses  papiers,  lors  de  la  saisie  qui  en 
i.  a  été  faite.  Une  commission  de  l'é- 
-  tat-major-général,  établie  pour  exa- 
»  miner  la  chose  à  fond,  a  été  d'avis 
"  que,   dans    les   anciens  mémoires 


MAS 


f91 


-  imprimes  en  quatre  volumes,  nom- 
<•  mémeut  dans  le  premier,  le  troisiè- 
•.  me  et  le  quatrième,  il  se  trouvait 
■•  un  nombre  considérable  de  papier.- 

■  de  service  et  d'actes  tirés  des  archi- 

-  ves  secrètes;  que  les  mêmes  pièces 
••  et  plusieurs  autres  papiers  impor- 

•  tants  se  trouvent  également  dans 
u  le  manusci-ît  des  notiveaux  mémoi- 
u  res  ;  que  la  publication  de  ces  papiei  > 
i.  et  actes  était  de  nature  à  causer  un 
.'préjudice  réel  à  la  monarchie  prus- 
sienne. C^est  ce  manuscrit  des  nou- 

'  veaux  mémoires  que  M.  de  Massen- 
"  bach  offrit  de  vendre  an  gouvernt- 
u  ment  pnissien,  moyennant  la  son.- 

•  me  de  1 1 ,500  Frédérics  d'or.  Il  ajouta 
«  qu'une  maison  decoinmerce  anglaise 
"  lui  en  avait  déjà  offert  cette  somme,  et 
u  menaça,  dans  le   cas  où  l'on   itne- 

-  terait  sa  proposition ,  d'envoyer 
^  le   manuscrit  à    Fimpression.    Une 

-  telle  prétention,  dictée  par  le  plus 
«  vil  intérêt,  la  prétention  de  faire 
»  acheter  une  trahison  d'État,  dut 
a  déterminer  le  gouvernement  à  lui 

-  rappeler  ses    rapports  et  le  senti- 

-  ment  de  son  devoir.  Il  était  sujet 
«  prussien,  ofBcier  prussien,  quoique 
«  non  en  activité;  il  avait  été  soumi- 
••  à  une  enquête  pour  avoir  violé  lc',> 
"  devoirs  de  sa  place;  il  s'était  déjà 

■  rendu  coupable  de  haute  trahison 
"  et  il  avait  rendu  inutile  le  pardon 
»  obtenu  de  S.  M.,   en  déclarant  lui- 

•  même  son  plan  d'une  nouvelle  tra- 
>  bison  d'État  encore  plus  étendue.  Le 
'•  gouvernement    résolut,  en    conse- 

-  quence,  de  le  faire  ariêter  et  de  le 
»  soumettre  à  une  enquête  ;  il  fut ,  en 

-  effet,  arrêté  à  Francfort-sur-le-Mein, 
•i  dans  la  nuit  du  18  au  19  août  1817, 
«  sur  la  réquisition  de  M.  Schoitz  , 
"  ministi'e  résident  de  Prusse,  au  Sé- 
"  nat  de  cette  ville,  qui  ne  fit  aucune 
u  difHculté  de  reconnaître  la  légitimi- 

•  té  de  cette  ("équisition,  et  on  le  con- 

19. 


292 


MAS 


«  duisit  à  Custrin,  pour  y  être  soumis 
«  à  une  enquête...  «  Indépendamment 
des  ouvrages  indiqués  dans  le  cours 
de  cet  ai-tlcle,  on  lui  doit  :  I.  Premiers 
éléments  des  calculs  différentiel  et 
intégral,  1784.  II.  Éclaircissements 
sur  quelcjues  passages  du  Bombardier 
prussien ,  1785.  III.  Premiers  éléments 
de  la  mécanique  à  l'usage  du  génie  et 
de  l'artillerie,  1785.  IV.  Courte  re- 
lation de  la  campagne  de  1793,  entre 
le  Rhin  et  la  Sarre,  1794.  V.  Campa- 
gne du  maréchal  de  Turenne  contre  le 
comte  de  Montecucculi,  1794,  trad.  de 
l'Histoire  militaire  de  Beaurain.  VI.  Es- 
sai d'un  éloge  deJean-Joach.  de  Zieten, 

1805.  VII.    Marc-Aurèle    et  Sully, 

1806.  VIII.  Éloge  du  duc  Ferdinand 
de  Bninswick,    1806.  IX.    Mémoires 
siir  les  rapports  du    colonel  de  Mas- 
icnhach,  avec  le  gouvernement  prus- 
sien, notamment  avec  le  duc  de  Bruns- 
loick,  depuis  l'année    1783;   1808,20 
cartes.    X.    Souvenirs    de    la    vie  des 
grands  hommes,  1808.    XL    Frédéric 
Il  et  Napoléon  l".  XII.  Le  monde  et 
la  Prusse  vingt  ans  après   la  mort  de 
Frédéric    II.    XIII.     Mémoires     pour 
l'histoire    du    gouvernement    prussien 
pendant  les  règnes  de  Frédéric-Guillau' 
me  II  et  de  Frédéric-Guillaume  III, 
1809.  XIV.    Ilerrensehwand,   sur    les 
moyens  de    restaurer   le    crédit    d'u?». 
État  dont  la  situation  économique  est 
bouleversée,  trad.  en  allemand,  1810. 
XV.  Le  colonel  de  Massenbarh  à  tous 
les  Allemands,  1817.  XW.Ve  l' éduca- 
tion   des    princes  dans    un  gouverne- 
ment   représentatif,    1817    (ce  n'est 
qu'un    discours  )  ;  et  Discours  à   l'As- 
semblée des  États   de    Wurtemberg  le 
jour  de  leur  dissolution  par  la  force , 

1818.  XVII.  Aux  trônes,  aux  palais, 
aux  chaumières  de  l'Allemagne,  1817. 
XVIII.  Galerie  comparative  de  carac- 
tères prMSsiens^dana  la  Minerve  d'Ar- 
chenholz,  mars   1808,  p.  210-252); 


MAS 

et  Eclaircissements  sur  cet  article,  "p. 
430-452  :  Sur  un  reproche  fait  à  Fré- 
déric-l'Utiique,  dans  \e  Deutsch.  mo- 
natsch,,  juin  1790,  p.  119-126;  Deux 
vœux,  dans  le  Recueil  des  Etats  de 
Wurtemberg,  et  quelques  articles 
dans  la  Gazette  militaire  mensuelle , 
qui  ne  parut  que  de  janvier  à  juin 
1797.  —  Le  général  du  même  nom, 
qui  commandait  un  corps  prussien, 
sous  Macdonald,  en  1812,  et  qui  prit 
part  à  la  défection  du  général  Yorck, 
était  son  frère,  M — n  j. 

MASSERANO  (le  prince   Char- 
les FEmiEno -Fieschi)  ,  d'une  des  plus 
anciennes  maisons  du  Piémont,  dont 
les  ancêtres  s'établirent  en  Espagne, 
fut  capitaine   des  gardes -du- corps 
de  la  compagnie  flamande,  sous  les 
rois  Charles  III  et  Charles  IV.  Il  ac- 
cueillit et  protégea,  pendant  la  révo- 
lution, les  Français  que  le  malheur 
des  circonstances  avait  jetés  hors  de 
leur  patrie.  Nommé,  en  1805,  ambas- 
sadeur d'Espagne  auprès  de  Napoléon, 
il  fut  chargé  de  lui  remetttre,  ainsi 
qu'à  ses  frères ,   de  la  part    de   son 
maître,  l'ordre  de  la  Toison-d'Or,  en 
échange  duquel  il  reçut  pour  toute  la 
famille  royale  d'Espagne  celui  de  la 
I.-égion-d'lIonneur.  Au  mois  de  mars 
1808  ,    Ferdinand    VII     lui   envoya 
de    nouvelles    lettres    de    créance  , 
comme  ambassadeur  ;  ujais   les  dé- 
marches  de    Masserano    auprès    du 
gouvernement     français  ,    pour    le» 
faire     accepter     ayant     été    infruc- 
tueuses ,    il  demanda  ses  passeports 
pour   Bayonne,    où    il   voulait   aller 
prendre  les  ordres  de  son  souverain 
(lue  la  trahison  venait  d'y  entraîner. 
Ces  passeports  lui  furent  refusés  ;  dès 
lors  il  cessa  d'être  ambassadeur,  et 
resta  à  Paris  sous  la  surveillance  de 
la  police.  En  1809,  Joseph    Bona- 
parte, qui  cherchait  dans  son  nou- 
veau royaume  à  8c  faire  des  partisans, 


MAS 


Mis 


»9 


nomma  le  prince  de  Masserano  son 
grand-maître  des  cérémonies,  en  lui 
enjoignant  de  se  rendre  à  Madrid.  Le 
désir  de  conserver  à  ses  enfants  sa 
fortune,  déjà  séquestrée  par  ordie  du 
gouvernement  français,  lui  fit  accep- 
ter cette  place  ;  mais  il  évita  de  re- 
toufuer  en  Espagne,  et  continua  de 
viaiDe  au  milieu  de  sa  famille  à  Paris, 
oiiîl  raouiut  en  1837.  G — c — t. 

HiiSSEBIA  (Joseph),  avocat,  né 
à  Ajaccio  (Corse)  vers  i725,  a  mé- 
rité, par  son  courage,  une  place  par- 
mi les  martyrs  de  la  liberté  de  sa  pa- 
uie.  Averti,  en  1763,  que  Paoli  était 
sur  le  point  de  se  mettre  en  marche 
pour  attaquer  la  citadelle  d'Ajaccio, 
Masséria  écrivit  à  ce  général  que, 
depuis  long-temps,  il  méditait  de  se 
rendi'e  maître  de  cette  forteresse  par 
un  coup  de  main,  et  que  maintenant 
plus  que  jamais  il  avait  espoir  de  voir 
son  projet  couronné  de  succès,  puis- 
que Paoli  voulait  y  concourir.  Il  a- 
jouta  dans  sa  lettre  qu'il  croyait  utile 
qu'en  attendant,  le  général  fit  rappro- 
cher ses  bandes  armées  des  environs, 
et  suitout  des  érninences  qui  domi- 
nent la  ville,  afin  d'êti-e  à  même 
d'accourir  à  son  secoui-s  an  premier 
signal.  Cette  proposition,  aussi  auda- 
cieuse qu  inattendue,  embarrassa  sin- 
gulièrement Paoli  ,  habitué  depuis 
long-temps  à  se  tenir  en  garde  contre 
les  pièges  de  ses  ennemis,  et  à  se  dé- 
fier des  offres  téméraires  que  lui  fai- 
saient chaque  jour  des  esprits  exaltés 
ou  même  des  traîtres.  Il  garda  le  si- 
lence sur  cet  étonnant  message,  es- 
pérant pénétrer  plus  tard  les  vé- 
ritables intentions  de  Masséria.  Mais 
celui-ci,  décidé  à  tout  braver  pour  at- 
teindre son  but,  et  non  découragé 
par  le  silence  de  Paoli ,  renouvela 
avec  plus  d'énergie  ses  instances  et  ses 
offres  dans  une  nouvelle  lettre  qu'il  fit 
présenter  par  sa  femme  accompagnée 


de  deux  de  ses  enfants  encore  en  bas 
âge,  et  destinés  à  rester  en  otage  au- 
[W«s  de  hii,  comme  garantie  de  sa  pa- 
role. En  outre,  pour  détruire  tout  soup- 
çon dans  l'esprit  de  Paoli  et  lui  donn«- 
une  idée  non  équivoque  de  son  patrio- 
tisme et  de  l'élévation  de  son  âme ,  il 
lui  Ht  dire  qu'il  ne  demandait  ni 
promesses  ni  récompenses  ;  mais  qu'il 
réclamait  pour  sa  ville  natale  un 
privilège  quelconque,  propre  à  éto*- 
niser  le  souvenir  de  Iheureux  événe- 
ment qui  devait  la  réunir  à  la  patrie 
commune.  Touché  de  tant  de  dé- 
vouement, Paoli  accueillit  alors  ,  avec 
la  plus  vive  effusion ,  et  la  famille  et 
les  propositions  de  Masséria.  Il  dcmna 
aussitôt  l'ordre  à  ses  bandes  de  se 
diriger  vers  la  ville  d'Ajaccio,  et  de  se 
tenir  prêtes  à  tenter  l'investisseaent, 
Masséria  satisfait  de  la  rémwtn  clcson 
message,  et  persuadé  qu'enfin  son 
entreprise  serait  secondée,  ne  songea 
plus  qu'a  accélérer  le  moment  de 
l'exécution  ;  et  pour  cela  il  s'introdui- 
sit dans  la  citadelle  sous  prétexte  de 
visiter  un  détenu  qui  réclamait  son 
ministère.  Il  était  accompagné  de  son 
fils  aîné  et  d'un  ecclésiastique  tous 
deux  initiés  au  complot.  Il  les  chai'gea 
de  mettre  le  feu  aux  pièces  d'artillerie 
dirigées  sur  la  ville ,  tandis  que  lui- 
même  se  précipitait  vers  le  magasin 
à  poudre  et  en  brisait  la  porte  avec 
une  hache  qu'il  avait  cachée  sous 
son  habit.  En  ce  moment,  quelques 
soldats  de  garde  dans  la  maison  du 
commissaire  génois,  s'étant  mis  à  la 
croisée  ,  aperçurent  le  jeune  Mas- 
séria et  le  prêtre,  qui  exécutaient  l'or- 
dre reçu.  Crier  aux  armes,  pren- 
dre leurs  fusils,  faii'e  feu  sur  les  deux 
hommes  désignés,  fut  l'effet  d'un  mo- 
ment. Le  prêti*e  expira  immédiate- 
ment criblé  de  blessures  ,  et  le  jeuue 
Masséria  ,  mortellement  frappé ,  n'eut 
que  le  temps  de  se  traîner,  tout  couvert 


294 


MàB 


de  sang,  jusqu'auprès  de  son  père ,  el 
il  tomba  sans  proférer  un  seul  mot. 
M  la  mort  de  son  enfant,  ni  le  bruit 
(les  armes,  ni  les  cris  sinistres  des  sol- 
dats, ni  le  danger  imminent  auquel  il 
était  impossible  d'échapper,  n'eurent 
le  pouvoir  d'arrêter  le  bras  de  Mas- 
séria.  Déjà  il  avait  brisé  la  porte  du 
magasin  et  tenait  à  la  main  une  mè- 
che enflammée ,   quand  il  fut  atteint 
par  les  soldats  de  la  garnison  qui  le 
percèrent  de  coups.  Traîné  mourant , 
en  présence  du  commissaire  génois  , 
il  trouva  encore  assez  d'énergie  et  de 
force  pour  souffrir,  sans  se  plaindre 
et   sans  dévoiler   ses  complices,  les 
tourments  les  plus  atroces.  Les  bour- 
reaux ne  purent  lui  arracher  que  ces 
paroleis  :  Je    n'emporte  en    mourant 
qu'un  seul  regret,  c'est  de  n'avoir  pai 
eu  le   bonheur  de  rendre  la  liberté  à 
ma  patrie.  Il   expira  en   prononçant 
ces  mots,  le  19  octobre  1763.  Paoli 
honora  sa  mémoire  en  se  chargeant 
de  l'éducation  de  ses  enfants,  auxquels 
il  servit  de  père.  G — ry. 

MASSERIA  (Piulippk),  fils  du 
précédent,  se  trouvait  auprès  du  gé- 
néral Paoli,  quand  échoua  l'audacieuse 
tentative  qui  le  priva  de  son  père,  et 
de  l'aîné  de  ses  frères.  Attaché  au  gé- 
néral corse  par  les  liens  de  la  recon- 
naissance et  la  conformité  de  l'opi- 
nion politique,  il  prit  non  seulement 
une  part  active  aux  événements  qui  se 
succédèrent  dans  sa  patrie  pendant  les 
années  1768  cl  1769  ,  mais  il  suivit 
encore  volontairement  dans  l'exil  son 
illustre  protecteur.  De  ictour  en 
Corse  avec  Paoli,  au  commencement 
(le  la  révolution  française,  Masséria 
ne  tarda  pas  à  attirer  l'attention  pu- 
blique, et  à  être  mis  an  rang  dos 
hommes  les  plus  distingués  de  sa 
ville  natale.  Une  réputation  bien  ac- 
quise, et  le  nom  (ju'il  avait  favanta;;»- 
de  porter    Im     ouvrirent   bientôt  la 


MaS 

carrière  des  honneurs,  et  lui  valu- 
rent les  suffrages  de  ses  concitoyens 
qui  l'élurent  d'abord  pour  leur  repré- 
sentant   à    l'assemblée   d'Oresa ,    et 
plus  tard  pour  présider  le  club   des 
amis  de  la  constitution  ,  sur  l'invita- 
tion    duquel     Napoléon     écrivit    à 
Mathieu   Buttafuoco  (  voy.  ce  at^ , 
LIX,  466).  Lorsque ,  pour  repo^JÉT 
les  décrets   de  la  Convention  n^fc- 
nale,  le  général  PaoU  releva  le  vieil 
étendard  de  la  liberté  de  sa  patrie , 
Masséria  se  fit  remarquer  parmi  ses 
plus  ardents    défenseurs.  C'est  à  "lui 
qu'appartient  presque  exclusivement 
la  gloire  d'avoir  repoussé  l'attaque  ten- 
tée, contre  la  ville  d'Ajaccio,  par  deux 
frégates  françaises,  dans  l'expédition 
dirigée  par  Salicetti,  alors  représen- 
tant du  peuple,  et  par  Napoléon  Bo- 
naparte qui  se  trouvait  à  bord  de  l'une 
d'elles  et   qui,   malgré  la  différence 
d'opinions   politiques ,  et  bien    que 
blessé  profondément  dans  ses  affec- 
tions par   les  malheurs  dont   il   fut 
alors  témoin,  n'en  conserva  pas  moins 
pour  Masséria  des  sentiments  d'estime 
et  d'amitié.  Ce  fut  à  ces  sentiments 
que  le  dernier  fut  redevable  des  mis- 
sions secrètes  dont  le  ministère  an- 
glais le  chargea,  en  1799  et  1801,  au- 
près du  premier  consul;  missions  que 
rendit  inutiles  l'imprudence  des  mi- 
nistres anglais.  Cependant    il  paraît 
hors  de  doute  ,   d'après  un  mémoire 
présenté  par  Masséria  à  lord  Buckin- 
"ham  ,    que  Bonaparte  et  sa  famille 
étaient  dans  les  meilleures  dispositions 
pour  conclure  la  paix  avec  l'Angle- 
terre ,  paix  destinée  à  assurer  le  soit 
du   premier  constd    et    à  mettre  nu 
terme  rfux  calamités  de  fLuropc.  Vi- 
vement contrarié  par  la  légèreté  du 
ministre  anglais,  Masséria  déclara  sans 
h,  sit.r  que,  s'il  avait  été  chaigé  des 
n.g.Miations  qui  précédèrent  lo  traité 
d'Amiens  ,    il    aurait  obtenu  .   pour 


MAS 

l'Angleterre,  des  conditions  plus  avan- 
tageuses et  qui  eussent  rendu  la  paix 
plus  durable  .  Dans  ces  deux  circons- 
tances de  sa  vie ,  Masséria  reçut  des 
téinoignage«bienveiIlants  de  la  famille 
Bonaparte;  mais  il  résista  aux  ofFres 
les  plus  séduisantes,  pour  rester  fidèle 
à  la  cause  qu'il  avait  défendue ,  el 
surtout  à  la  haute  réputation  d'inté- 
grité qu'on  avait  droit  d'attendre  du 
fils  de  Joseph  Masséria.  Lors  de  l'éva- 
cuation de  la  Corse  par  les  Anglais , 
il  avait  pris  du  service  dans  l'armée  de 
la  Grande-Bretagne  ;  et  il  justifia ,  sur 
le  champ  de  bataille  ,  le  vif  intérêt 
que  lui  portait  Paoli.  Masséria  mourut 
en  Angleterre  peu  de  temps  après 
l'illustre  bienfaiteur,  qu'il  n'avait  pas 
quitté  dans  l'exil.  Il  est  auteur  de 
deux  brochures  politiques  ,  accueil- 
lies avec  faveur  au  moment  de  leur 
publication.  G — by. 

MASSIEL'  (Jeas-Bawiste),  évê- 
que  constitutionnel,  né  à  Vemon  eu 
1742,   était   curé  de  Sergy ,  village 
de  la  Picardie ,    et  y  jouissait   de  la 
considération   publique  lorsqu'il  fut 
nommé  député   du    clergé  du  bail- 
liage de  Senlis  aux  États-Généraux.  Il 
vota  dès  le  commencement  avec  le 
parti   révolutionnaire  ,   et  devint,  eu 
décembre   1789 ,  secrétaire  de  l'As- 
semblée.  Le  31    mai   1790,    il  vota 
pour  la  constitution  civile  du  clergé, 
et  lui  prêta  ensuite    serment.    Dans 
le  mois  de    février    1791,  il  fut  élu 
evéque  constitutionnel  de  l'Oise  (Deau- 
vais),  et   sacré    le   6   mars  suivant. 
Nommé,  en  septembre  1792,  député 
de   ce  département  à  la  Convention , 
il  vota  la  mort  de  Louis  XVI  en  ces 
termes  :    «  Je  croirais    manquer  à  la 
«  justice,  à  la  sûreté  présente  et  fu- 
"  ture  de  ma  patrie  si,  par  mon  suffrage, 
•»  je  contribuais  à  prolonger  l'existence 
«  du  plus  cruel  ennemi  de  la  justice,  des 
■'  lois,  de  l'humanité;  en  conséquence 


MAS 


29o 


..  je  vote  pour  la  mort.  »  Sur  la  ques- 
tion  de   fappel    au    peuple,    il  dit  : 
«  Je  crains  non  seulement  les  guinécs 
«  anglaises,  mais  les  florins  d'Allema- 
.  gneetlespiastresd'Espagne;  je  crains 
«  la  guerre  civile,  et  je  dis  noiu..  " 
Le  11  novembre  1793,  il  écrivit  à  la 
Convention    qu'il    renonçait    à    ses 
fonctions   épiscopales    et   qu'il  allait 
se  marier;  ce  qu'il  fit  en  épousant  la 
fille  d'un  nommé  Lécole,  maire  de 
Givet.  Il  était  alors  en  mbsion  dans 
les  Ardeunes.  Le  17  novembre,  ainsi 
que  nous  l'apprenons  parles  Annales 
même    de    Desbois,    son    confrère, 
(tom.  I",  pag.  166),  U  se  joignit  aux 
clubistes   de   Mézières  et  de  Cbaile- 
ville  pour  promener  sur  un  âne  un 
mannequin  représentant  le  pape.  On 
pilla  les  églises  et  on  profana  les  vases 
sacrés.  Il  écrivit  le  II  mars  1794  ,    à 
l'Assemblée,  qu'il  avait  prononcé  dans 
l'église  de  Bcauvais  un  discours  propre 
à  préserver  pour  jamais  les  peuples  dtt 
fanatisme.  De  là  les  reproches  qu'on 
lui  fit  d'avoir  rendu  les  prêtres,  le 
églises,  et  tout  ce  qui  avait  rapport 
au  culte,    l'objet   particulier    de  ses 
fureurs.  En   1793,  les  habitants  de 
Reims  laccusèrent  d'avoir  provoqué, 
dans  leur  ville,  au  meurtre  et  au  pil- 
lage; d'avoir  sommé  le  comité  révo- 
lutionnaire de  multiplier  les  arresta- 
tions, sous  peine  d'encourir  sa  dis- 
grâce,   enfin    d'avoir    contribué    au 
meurtre  des  membres  de  la  munici- 
palité de  Sedan,  et  de  beaucoup  d'au- 
Ues  citoyens,   ce   qui    avait   détruit 
les  manufactures  d'une  ville  essentiel- 
lement industrielle.  Les  habitants  de 
Beauvais  le  déuoucèrent  aussi  comme 
avant  formé  chez  eux  une  troupe  de 
brigands,  pour  persécuter  et  égorger 
la  population ,  et  ceux  de  Vitry-sur- 
Marne  écrivirent  contre  lui  une  lettre 
plus  violente  encore  ;  «  Furieux,  di- 
«  salent-ils,   de  trouver   dans  notre 


296 


MAS 


«  ville  de  la  vertu,  ce  prêtre  apostat 
«  déclama  à  la  société  populaire 
«  contre  la  religion  chrétienne,  as- 
«  surant  que  les  prêtres  étaient  tous 
«  des  imposteurs,  des  scélérats;  qu'il 
«  les  connaissait  mieux  que  person- 
«  ne  puisqu'il  avait  fait  pendant  tren- 
»  te  ans  nombre  avec  eux,  et  qu'il 
«  était  devenu  leur  colonel.  «  A  la 
suite  de  ces  accusations,  l'Assemblée 
le  décréta  d'arrestation  le  9  août 
1795,  comme  ayant  fait  assassiner  les 
meilleurs  citoyens  du  département 
des  Ardennes,  exercé  des  vengeances 
particulières,  etc.  il  fut  ensuite  am- 
nistié par  la  loi  du  4  brumaire,  et  à 
la  honte  des  gens  qui  dirigeaient  l'en  - 
seignement  à  cette  époque,  il  obtint, 
en  1797,  une  chaire  à  l'École  cen- 
trale de  Versailles.  Foi'cé  en  1816  de 
quitter  la  France,  comme  régicide, 
il  se  retira  à  Bruxelles,  où  il  mourut 
le  6  juin  1818,  dans  le  plus  grand 
déruiemcnt.  On  a  de  lui  une  traduc- 
tion des  OEuvres  de  Lucien,  Paris, 
1781-87,  6  vol.  in-12.  Sa  traduction 
de  l'Histoire  de  Hollande  par  H.  Gro- 
tius  est  restée  manuscrite.     M — n  j. 

MASTJCCI  (AtorsTis),  peintre  ro- 
main, né  en  1691,  fnt  le  dernier  élève 
de  Charles  Maratta  {v.  ce  nom,  XXVI, 
565).  Ce  n'est  point  par  l'esprit  que 
brillent  ses  compositions  ;  les  sujets 
qu'il  aimait  à  traiter  en  exigent  peu. 
Dans  ses  petits  tableaux  de  vierges,  il 
le  disputa  à  son  maître,  auquel  les 
Tionibreux  tableaux  de  ce  genre  ont 
valu  le  tlom  de  Chmlex  délie  Mu- 
donne.  Ainsi  que  Maiatta,  Masiicci 
donne  à  ses  vierges  une  physionomie 
remplie  plutôt  de  majesté  et  de  sé- 
rieux, que  de  douceur  et  d'affabiliti". 
Cependant,  dans  les  tableaux  de  ga- 
lerie, il  renonçait  quehpiefois  à  ce 
système;  mais  il  Fallait  le  lui  recom- 
mander fortement.  Il  eut  un  talent 
remarquable  pour  la  peinture  à  fros- 


MAS 

que,  et  il  exécuta,  à  la  satisfaction  de 
Benoît  XIV,  la  décoration  d'un  ap- 
partement du  Casin,  qui  existe  dans 
les  jardins  du  palais  Quirinal.  Il  a 
composé  un  grand  nombre  de  ta- 
bleaux d'autel  où  l'on  ne  peut  trop 
admirer  la  grâce  qu'il  a  su  donner  à 
ses  figures  d'anges  et  d'enfants.  Le 
tableau  de  Sainte  A^ine ,  dans  l'é- 
ghse  du  Sacré-Nom-de-Marie ,  est 
une  de  ses  meilleures  peintures. 
On  cite  encore  un  Saint  François , 
aux  Observantins  de  Maceratta ,  et 
une  Conception  ,  à  Saint-Benoît  de 
Oubbio.  Le  Sainl  Bonaventure,  qu'il  a 
exécuté  dans  la  ville  d'Urbin,  est  la 
plus  vaste  de  ses  compositions;  il  y  a 
introduit  une  foule  de  portraits,  et  l'en- 
semble en  est  conduit  avec  un  soin 
exquis.  Ce  peintre  mourut  en  1753, 
laissant  un  fils  nommé  Laurent.,  qui 
cultiva  comme  lui  la  peinture,  mais 
sans  atteindre  son  talent.        P — s. 

MASUCCIO,  architecte  et  sculp- 
teur napolitain  ,  né  en  1230  et  mort 
en  1305,  termina  le  Château-neuf  et 
l'église  Sainte-Marie  délia  Nuova  , 
qu'avait  commencée  Jean  de  Fisc.  Il 
érigea  l'édifice  gothique  de  l'archevê- 
ché., mais  il  montra  plus  de  goût  dans 
l'église  de  Saini-Dominique-te-MaJeur. 
Celle  de  Saint- Jean -le- Majeur  est 
construite  dans  de  meilleures  propoi  - 
tions  encore.  Parmi  les  nombreux  pa- 
lais qu'il  éleva ,  celui  qui  appartient 
aujourd'lmi  au  prince  Colombiana 
jouit  de  la  plus  grande  réputation.  — 
Etienne  Mastcx.io.  surnommé  i7  îf- 
condo,  né  à  Naples  en  1291,  fut 
élève  du  précédent  et  montra  un 
goût  plus  épuré.  Il  alla  étudier  à 
Borne  les  monuments  antiques  échap- 
pés aux  barbai-es,  et  y  perfectionna 
son  talent.  Rappelé  à  Naplcs  par  le 
roi  l\oberl  pour  y  élever  rjglise  de 
S„inte-Clnire,  mais  n'ayant  pu  se  ren- 
dre sur  le  champ  à  cette  invitation,  il 


MAS 

trouva  à  son  arrivée  une  grande  partie 
de  cet  édifice  déjà  construite  dans  un 
style  gothique.  Un  de  ses  élèves  nomraé 
Jacques  de'  Sanctis ,  mort  en   1435, 
s  étant  servi  du  même  style  pour  Fé- 
glise  de   Sainte -Marie   délie    Grazie . 
Masuccio  ne  put  en  cacher  son  dépit 
et  tâcha,  autant  qu'il  dépendait  de  lui, 
de  corriger  les  défauts  de  cet  édifice. 
Il  fit  ensuite  l'église  et  le  monastère  de 
la  croix  du  palais,  l'immense  fabrique 
de  la  Chartreuse  de  Saint-Martin  et  le 
Château  de Saint-Enno. \\ierm\n3i  té- 
glise  de  Saint- Laurent ,   commencée 
par  le  premier  Masuccio,  et  bâtit  en 
outre  téglise   de   Saint-Jean  à    Car' 
honaro,   dans  laquelle  il   sculpta  un 
grand    nombre   de  tombeaux  ;    car  . 
suivant  l'usage  de  la  plupart  des  ar- 
chitectes de  cette  époque,  il  était  en 
même  temps  sculpteur.  Le  clocher  de 
Sainte-Claire  est  également  son   ou- 
vrage. Il  l'avait  divisé  en  cinq  étages, 
de  manière  à  ce  qu  il  servît  conune 
de  type  aux  cinq  ordres  d'architecture. 
Le  premier  plan  devait  être  d'ordre 
toscan,  le  second  dorique,  le  troisiè- 
me ionique,  le  quatrième  corinthien, 
et   le  cinquième  composite.   Mais  il 
n'éleva  cette  tour  immense  que  jus- 
qu'au troisième  ordre.  Il   est  curieux 
d'observer  que,  dans  l'étage  d'ordre 
ionique,  le  gorgerin   du  pilastre  est 
abaissé  de  la  hautem-  d'un  modide, 
ainsi   que    le    pratiqua  Michel-Ange 
long-temps  après.  Masuccio  mounH 
en    1388.    Voy.    Milizia  ,     Memorie 
degli    architetti  antichi  e  moderni. 
P— s. 
MASUCCIO,  célèbre    novclUere 
ou  conteur  italien,  était  né  dans  le  XV"^ 
siècle  à  Salerne,  d'une  des  principales 
familles  de  cette  ville.  C'est  lui,  suivant 
Nicodemo,  Addiz.  alla  Bibliot.  Napo- 
litan.  172,  que  Mazzella,  dans  sa  Ves- 
cript.  du  }-OY<Hi>ne  de  Naples,  a  nom- 
mé Masuzo  tjuardato.  D'après  quel- 


MAS 


297 


ques  passages  de  ses  nouvelles  ,  on 
peut  conjecturer  qu'il  vivait  très-fà- 
milièrement  avec  les  plus  grands  sei- 
gneurs. Dans  la  14%  il  nous  apprend 
qu'il  était  le  neveu  de  Tomaso  Maii- 
conda,    vaillant    et    gentil  chevalier 
(notabile    e   leggiadro    cavalière).    En 
parlant,  dans  la  onzième,  de  Philippe- 
Marie  Visconti ,  duc  de  Milan ,  il  le 
nomme  son  maître  (suo  signoie),   et 
l'on  en  conclut,  avec  assez  de  vrai- 
semblance, qu'il  avait  passe  quelque 
temps  au  service  de  ce  prince.  Masuc- 
cio vivait  encore  en  1476,  année  de 
la  première  édition  de  ses  nouvelles; 
mais  on  ignore  la  date  de  sa  mort. 
Pontano,  son  ami,  lui  fit  une  épitapho 
en  six  vers  latins  pentamètres  et  hexa- 
mètres ,    rapportée    par    Nicodemo 
dans  les  Addizzioni ,  et  par   Prospei 
Marciiand,  dans  son  Dictionnaire,  l^s 
nouvelles  de  Masuccio    sont  écrite» 
en   dialecte     napolitain.    Si    l'on    en 
croit  l'auteur ,  tous  les  sujets  qu  il  a 
traités  lui  avaient  été  fournis  par  des 
événements  contemporains.  Dans  sa 
Libraria,  Doni  le  raille  très-finemenl 
sur  la  grossièreté  de  son  stvie,  en  di- 
sant que  Masuccio   n'a   pas  pris  un 
seul  mot  à  Boccace:  et  qu'il  peut  se 
flatter  que  son  recueil  est  à   lui  tout 
entier   (il    quale  è  tulto  suoj.  C'est 
encore  par  moquerie   que   Doni   lui 
attribue  un  commentaire  sur  la  pre- 
mière journée  du  Décaméron,  dans  la 
Seconda  Libraria,  ouvrage  entièrement 
compose,  comme  Prosper  Marchand 
en  a  fait  la   remarque ,  de  titres  de 
livres    imaginaires.    Vjl   plupart    det; 
nouvelles   de  Masuccio  sont    semées 
de    détails    licencieux     et    de  traits 
piquants  contre  les  moines  ;  mais  on 
ne     peut  pas    lui    en    faiie   un  re- 
proche particulier.  Les  conteurs  pa- 
raissent avoir  le  privilège  de  ne  gar- 
der aucune    mesure  dans  leurs   ré- 
cits :  et   Masuccio  n'est  pas  le  seul 


«JW 


MAS 


qui  en  ait  usé  largement.   Son  recueil 
intitulé  :  //  Novellino  con  le  L  argo- 
menti   e   morati   conclusioni  d'alcunl 
esempll,  etc.,  fut  imprimé,  comme  on 
l'a  déjà  dit,  à  Naples ,  1476,  in-fol., 
avec  une  dédicace  à  la  princesse  Hip- 
polyte,  duchesse  de  Calabre,  qui  paraît 
avoir  honoré  l'auteur  de  sa  protec- 
tion (1).  il  reparut  dans  le  même  for- 
mat, Milan,  1483,  et  Venise,  1484. Ces 
trois   éditions    sont  si  rares    qu'elles 
n'ont  pas  été  connues  de  la  plupart 
des  bibliographes  italiens,  qui  citent 
comme  la  première  celle  de  Naples  , 
1492,  in-fol.  On  en  compte  sept  ou 
huit  du  seizième  siècle  ;  et  toutes  sont 
à  peu  près  également  recherchées. 
Dès  1555  ,  il  parut  dix-neuf  nouvel- 
les de  Masuccio  traduites  en  français 
dans  le  volume  intitulé  :  Les  comptes 
du  monde  aduentiireux,  par  A.  D.  S.  D. 
Le  Novellino  a  été  traduit  en  italien, 
Genève  (Lucques),  1765,  2  vol.  in-8^ 
Le  choix  de  nouvelles  publié  par  Jé- 
rôme Zanetti,  Venise,  1754,  sous  le 
titre  de  il  Novelliero,  en  contient  onze 
tic  notre  auteur,  sur  lequel  on  trou 
ve,  dans  la  préface  du  tome  II ,  des 
détails  qui  manquent  d'exactitude,  et 
qui  ne  sont  pas  aussi  complets  qu'on 
devait  les  attendre  d'un  homme  aussi 
versé  que  l'éditeur  dans  l'ancienne  lit- 
téiature  italienne.  Les  conteurs  mo- 
dernes, ne  se  sont  pas  conduits  à  l'é- 
gard de  Masuccio,  comme  il  l'avait  fait 
pour  Boccace;  ils  se  sont  appropriés 
sans  scrupule   toutes  ses  nouvelles, 
mais  en  lui  laissant  son  mauvais  style. 
On  ne  peut  (juc   leur  en  savoir  gré. 

(1)  Si  le  nom  de  la  duchesse  de  Calabre 
n'eût  pas  été  reUatiché  des  éditions  suivantes, 
Jérôme  Zanetti  n'aurait  pas  été  si  fort  em- 
barrassf!  pcmr  découvrir  le  nom  tle  la  daine 
à  qui  ce  recueil  est  dédié.  Jl  conJecturo  que 
ce  devait  ("■ire  l'une  des  deux  épouses  de 
Ican  ,  roi  de  Sicile ,  RlaucUe  de  Navarre  ou 
leanne  de  Gastille,  on  bien  enfin  Isabelle,  leur 
))eUe-llUe.  \oy.iFi-ff.  du  \omUiero. 


MAT 

L'art.  Mascccio,  dans  le  Dict.  de  Pros- 
per  Marchand,  renferme  beaucoup  de 
particularités  intéressantes.  W — s. 
HLVSUUIUS.  Fojez  Sabincs  , 
XXXIX,  436. 

MATAFLORIDA  (le  marquis 
D.BERNARno-MozoRosALÈsde),  homme 
d'État  et  général  royaliste  espagnol,  na- 
quit en  1761,  àSéville,oii  il  exerça  d'a- 
bord la  profession  d'avocat.  Représen- 
tant de  sa  patrie  aux  cortès  de  1814,  il 
se  mita  la  tête  des  soixante-neuf  dépu- 
tés que  l'on  désignait  par  le  sobriquet 
de  perses  ou  serviles.  Ce  fut  lui    qui 
rédigea  et  présenta  en  leur  nom,  à 
Ferdinand  VII,  lorsqu'il  arriva  à  Va- 
lence, la  fameuse  déclaration  qui  dé- 
cida ce  prince  à  dissoudre  les  cortès 
et   à  retirer  la  constitution.  Rosalès, 
créé  marquis  de  Mataflorida,  devint, 
en   1819,  ministre  de  la  justice,  en 
remplacement  de  Lozano  de  Torrès. 
Après  le  rétabhssement  de  la  constitu- 
tion, en  1822,  il  se  rendit  à  Urgel, 
prit  le  titre  de  général  des  armées 
du  roi,  bien  qu'il  n'eiit  jamais  porté 
les  armes,  et  forma   la  junte  connue 
sous  le  nom  de  régence  d'Urgel.  Celle- 
ci  se  composait  du  marquis  de  Ma- 
taflorida, président,  du  baron  d'Eroles 
et  de  don  Jaime  Creux,   archevêque 
de  Tarragone.  Assez  mal  accueilli  par 
Ferdinand,  à   son   retour  à  Madrid, 
en  1823,  sans  qu'on  en  puisse  cona- 
prendre  les  motifs,   le    marquis  de 
Mataflorida   se   retira  en  France,  et 
mourut  à  Agcn,    le  3  juillet  1832, 
après    une    longue    et    douloureux. - 
maladie.  A — y. 

MATCIIASI  (Georoe),  voyageui 
anjjlais,  était  le  Hls  unique  d'un  sur- 
intetulantdclamarinede  la  Compaq  h 
des  Indes,  doyen  du  conseil  de  la  \m 
dencede  Bombay.  Né  vers!  75i,  ilcntn. 
«le  bonne  heiue,  c'est-à-dire  immédia- 
tement au  sortir  de  l'école  de  U  Char- 
treuse, au  service  de  l'opulente  Corn- 


MAT 

pagnie ,  et  il  parvint  à  la  position  de 
résident  à  Baroche.  La  paL\  de  Tra- 
vancor    (1789),   en    donnant  cette 
place  aux  Mahrattes.    mit  naturelle- 
ment Matcham  en  retraite.  Il  ne  cher- 
cha point  à  se  faire  installer  ailleurs. 
Son  père  lui  avait  laissé  une  belle  for- 
tune ;  il  ne  tarda  point   à  revenir  en 
Angleterre.  Déjà  il   y  avait  fait    un 
premier  voyage,  presque  tout  entier 
par  terre,  et  son  retour  s'était  effec- 
tué de    même,  mais  par  ur>e  autre 
route.  Il  avait  exploré  successivement 
la  Perse,  l'Arabie,   l'Egypte,   l'Asie- 
ilineure,   la   Turquie,     la  Grèce;  il 
avait  loué  un  vaisseau  pour  parcou- 
rir à  son  aise  les  lies  de  l'Archipel  ;  et 
plusieurs   mois    s'étaient  passés  dans 
cette  navigation  autour  des  Cyclades , 
de  Rhodes  et  de  Metelin.  Il  avait  tra- 
versé le  désert  pour  se  rendre  d'Alep 
à  Bagdad ,  puis  avait  descendu  le  Ti- 
gre, afin  d'atteindre  Bassora.  Disant 
adieu  à  l'Inde,  il  reprit  encore  la  rou- 
te   de   teiTe  pour  revenir  en  Angle- 
terre :  il  fit  à  cheval  le  trajet  de  Bagdad 
à  Fera,  travei-sant  le  Kourdistan,  l'Al- 
jézireh,  l'Arménie,  les  anciennes  pro- 
vinces de  Cappadoce  et  de  Bithynie. 
Dans  le  premier  de  ces  pays,  il  put 
se   convaincre   par  ses  yeux  de  l'im- 
mobilité de  l'esprit  oriental  en  voyant 
les  descendants  de  ces  terribles  Car- 
douques,   si  bien   décrits  par  Xéno- 
phon,  offirir  encore  trait  pour  ti-aitli- 
mage  vivante  de  ce  qu'ils  étaient  au 
temps  des  Dix-Mille.  Rendu   à  l'Eu- 
rope, Matcham  se  paitagea  entre  le 
séjour  de  Londres  on  de  ses  enx-irons. 
et   le  beau  domaine  d'AhsfoId-Lodge 
(comté    de  Susses)    lequel   était  de 
plus  de  mille  acres,  et  dirigea  l'édu- 
cation de  ses  enfants.  Il   s'occupait 
aussi  d'objets  d'utilité  pubhque.  Il  fut 
patenté,  en  1802,  pour  avoir  imaginé 
un  appareil  à  dessein   de  préserver 
les  vaisseaux  de  naufrage  ;  il  proposa 

\ 


MAT 


299 


aux  bureaux  de  l'amirauté  le  mode 
destacade  à  piles,  qui,  selon  lui,  eiit 
ajouté  notablement  à  la  sécurité  des 
poits  (toutefois  ce  mode  ne  fut  point 
adopté).  Il  contribua  ti-ès-puissam- 
ment  à  la  convereion  de  la  partie  du 
parc  de  Saint^ames,  voisine  du  nou- 
veau Palais,  en  jolis  jardins  et  autres 
lieux  de  plaisance.  Sa  mort  arriva  à 
Kensington,  le  3  fe\Tier  1833.  Il  avait 
soixante-dix-huit  ans  accomplis.  Con- 
nu d'un  grand  nombre  de  personn.a- 
ges  les  plus  importants  de  l'Europe, 
il  laissa  des  regrets  très-vifs.  On  n  a 
de  lui  que  peu  d'ouvrages;  ce  sont  ; 
I.  un  Voyage  d  Alep  à  Bagdad  ,  au. 
travers  du  désert  d  Arabie  en  1781, 
imprimé  dans  les  Voyages  d'Eyles  b- 
win.  \\.  Anecdotes  d'un  Croate.  III.  Ca- 
quets de  famille.  Ces  deux  derniei-s 
ne  «ont  que  des  opuscules  où  l'auleui 
expose  diverses  idées  d'araéhorations 
qui  traversent  son  cerveau.  Le  premiei 
décèle  un  vrai  talent  d'observation  el 
une  manière  originale.  P — ot. 

MATELIEF  (Corneuxe),  naviga- 
teur néerlandais,  fut  choisi,  en  160o, 
pour  commanderenquaUté  d'amiral, 
une  escadre  de  onze  vai*>eaux,  montée 
d'environ  1,400  hommes  et  destinée 
|)our  les  Indes-Orientales,  ^ous  avons 
raconté,  dans  l'article  Hoctman  (XX, 
622/  comment  le  coumierce  a'. 
contrées  lointaines  fut  fondé  en  ^ 
lande.  Le  Foi  d'Espagne,  alors  matue 
du  Portugal ,  qui  avait  de  si  riches 
possessions  dans  les  Indes ,  publia  en 
1605  une  déclaration  poitant  défense 
aux  habitants  des  Provinces-Unies , 
sous  peine  de  punition  corporelle,  de 
commercer  soit  en  Espagne,  soit  aux 
deux  Indes.  Au  lieu  d'intimider  la 
compagnie  qui  s  était  établie  en  ^éei- 
lande,  cet  édit  impérieux  releva  son 
courage.  Elle  fit  équiper  aussitôt  les- 
cadre  dont  elle  confia  la  conduite  à 
Matelief.  Quoique  l'airteur  du  journal 


300 


MAT 


de   celle    expédition   n'explique  pas 
quelles  instructions  particulières  lui 
avaient  été  données ,  on  recueille  de 
son  récit   que   les   deux  principales 
portaient  d'attaquer  les  Portugais  sur 
terre  et  sur  mer,  et  de  faciliter  l'ou- 
verture du  commerce  à  la  Chine.  Ma- 
telief  partit  du  Texelle  12  mai  1605, 
mouilla   le  4  juillet  à  l'île  de   Maio, 
dans  l'archipel  du  Cap  Vert,  et  le  27, 
à  celle  d'xinnobon,  dans  le  golfe  de 
Guinée,  où  il  eut  ses  premières  ren- 
contres avec  les  Portugais,  auxquels 
il  causa  plus  de  craintes  que  de  mal. 
Le  1"  janvier  1606,  il  était  sur  la  rade 
de  l'île  Maurice;  il  y  rencontra  son  com- 
patriote Van  der  Hagen  qui  revenait  de 
Rantam,  port  de  l'île  de  Java,  et  lui  ap- 
prit l'état  des  affaires  des  Indes.  Elles 
étaient  favorables,  sauf  ce  qui  concer- 
nait Malaca,  principal  objet  du  voyage 
de  Matelief.  Quoiqu'il  tînt  encore  ses 
vues   secrètes  ,   Van  der  Hagen    lui 
avoua  que,  malgré  tous  ses  elForts,  il 
n'avait  pu  réussir  à  y  faire  une  des- 
cente ;  que  Furtado  de  Mendoza,  qui 
y  commandait  depuis  six  ans  ,  avait 
fortifié  la  place,    et    que  sans   doute 
elle  opposerait  une  vigoureuse    résis- 
tance à  une   attaque.    Il   ajouta    que 
Furtado  s'était  cru   assez   fort    pom- 
déclarer  la  guerre  au    roi  de   .lohor, 
ami  des  Néerlandais,  et  qu'il  le  tenait 
assiégé.  Matelief,  sans  découvrir  son 
projet ,   se   contenta   d'annoncer  un 
grand  dessein,  par  dos   prières  géné- 
rales sur  toute  son  escadre.    Il   leva 
l'ancre  le  27;  deux  mois  apiès,  il  pa- 
rut devant  Achem  «lans    l'île    de  Su- 
matra.  Comme  les  équipages  ne  s'é- 
taient engagés   (pi'à  servir  sur  mer, 
ils  ne  pouvaient  ^tre  employés  sur 
terre  sans  leur  consentement  :  il  eut 
recoins   à  un  movcn    iiulirect  pour 
l'obtenir.  Ce  fut  de  déterminer  d'a- 
borJ  la  récompense  qui    serait   ac- 
cordée, dans  le  cas  où  Malaca  serait 


MAT 

pris  ou  se  rendrait  :  ensuite  de  pro- 
poser l'attaque  de  cette  ville..  Le  30 
avril ,  l'escadre  ne  s'en  trouva  plus 
qu'à  une  demi  -  lieue.  Les  hostilités 
commencèrent  aussitôt;  des  navires 
portugais  furent  brûlés.  Les  assiégés 
firent  bonne  contenance;  ils  étaient 
encouragés  par  l'espoir  de  voir  ar- 
river à  leur  secours  une  escadre  de 
Goa  ;  en  attendant,  ils  recevaient  de 
temps  en  temps  des  i-enforts.  Le  roi 
de  Johor  amena  du  monde  à  Matelief, 
mais  ces  gens  furent  peu  utiles  à  cause 
de  leur  extrême  poltronnerie.  Le  13 
août,  la  nouvelle  de  l'approche  de 
l'escadre  portugaise  décida  l'amiral 
néerlandais  et  son  conseil  à  laisser  à 
terre  tout  ce  qui  avait  été  débarqué, 
et  à  retourner  pi'omptement  à  bord. 
Le  16,  un  combat  terrible  s'engagea 
entre  les  deux  flottes  ;  chacune  souf- 
frit beaucoup,  cependant  les  Néer- 
landais eurent  le  dessus  ;  ensuite  le 
vent  leur  devint  si  contraire  que  le 
lendemain  ils  ne  pm-ent  engager  de 
nouveau  l'action  pour  terminei-  la 
querelle,  et  les  Portugais  délivièrent 
Malaca.  Matelief  entra  le  13  sept, 
dans  la  rivière  de  Johor,  y  fit  élever 
des  fortifications,  et  eut  beaucoup  de 
peine  à  s'arranger  avec  le  roi,  pour 
la  cession  d'un  terrain  propre  à  for- 
mer un  établissement  ;  le  prince ,  de 
son  côté,  demandait  qu'on  lui  prêtât 
de  l'argent  et  que  l'on  tînt  toujours 
des  forces  navales  prêtes  à  le  secourir. 
Enfin  ,  on  tomba  cl'accord ,  et  Mate- 
lief quitta  Johor  pour  aller  combattre 
les  Portugais.  Il  trouva  encoi-e  une 
partie  de  leurs  vaisseaux,  en  brûla  plu- 
sieurs, et  au  mois  de  décembre  se  bat- 
tit, près  deKédah,  avccceUx  qui  res- 
taient. Désespérant  de  recueillir  (luef- 
ques  fruits  de  tous  ses  efforts,  il  abttr- 
da,  le  1"  janvier  1607,  sur  la  côtt 
de  Poulo-Pinang,  île  du  détroit  de 
Malaca,  et  fit  la   reviu;  de    ses  neuf 


MAT 

vaisseaux  dont  les    équipages   mon- 
taient encore  à  837  hommes.  Il  en 
mit  une   partie  sur   les  six   navires 
qu'il    voulait  conserver;    les    autres 
restèrent  sur    les  Uois    plus  grands, 
qu'il  renvoyait  en  Europe  chargés  de 
poivre,  et  qui  firent  voile  pendant  la 
nuit.  Le  lendemain,  ils  étaient  hors  de 
\'ue.  Alors  s' avançant  vers  Malaca  ,  il 
continua  de  se  diriger  au  sud-est  vei"S 
Bantara  ;  s'y  étant  raWtaillé,  il  mouilla 
le    H    fé\Tier   à   Jacatra,   où  depuis 
s'éleva  Batavia ,  et  le  2  mars  devant 
Rakeka    dans    l'île   de   Célèbes.    'S'y 
ayant  reçu  aucun  éclaircissement  sur 
l'escadre  espagnole  qui,  avait-on  dit, 
menaçait  les  Moluques  ,  il  reprit   la 
route    d'Amboine.    Des  députés    du 
roi  de  Temate  vinrent  lui  demander 
du   secours   contre     les    Espagnols. 
Après  s'être  concilié  les  insulaires  ,  il 
se  montra  devant  Ternate  avec    huit 
vaisseaux.  La  supériorité   des    forces 
ennemies  ,  la  lenteur  du  roi  de   cette 
île  à  rassembler  les  siennes  et  la  mu- 
tinerie de  ses  propres  soldats,  rédui- 
sirent Matelief  à  quelques  faibles  ten- 
tatives, qui  n'eurent  pas  de    résultat. 
Il  résolut  du  moins  de  bâtir  un  fort 
où  les  facteurs  de  son  pays  fussent  à 
couvert   d'insultes  sous  la  protection 
du  roi  ;  l'ouvrage  fut  fini  en  cinq  se- 
maines, malgré  les  obstacles  que  Ma- 
telief rencontra  dans  la   parosse  des 
insulaires  et  dans  la  mauvaise  volonté 
de  ses  troupes,  il  y  mit  une  forte  garni- 
son ;  puis  il  rédigea  ses  dépêches  pour 
la  compagnie,  qu  il  sollicitait  d'envoyer 
de  puissants   renforts  à  Ternate ,  et 
accompagna  ses  lettres  d'un  mémoire 
sur  l'état  et  le  commerce   des  Indes. 
Il  ne  lui  restait  plus  qu'à  remplir    la 
dernière  partie  de  sa  commission,  qui, 
dans  les   idées   de  la    compagnie  et 
dans  les  siennes,  n était  pas  la  moins 
importante  :  c'était  de  chercher  à  ou- 
vrir un  commerce  avec  la  Chine.  Plu- 


HAÏ. 


301 


sieurs    essais    avaient   manqué   leur 
effet    Matelief  jugea    très-sensément 
que  la  réussite  d'un  tel  projet  exigeait 
surtout  de  l'adresse  et  de  la  prudence. 
Il  ne  prit  donc  avec  lui  que   quatre 
vaisseaux    avec  environ    trois  cents 
hommes  et   vingt-cinq  Chinois,  qu  il 
avait  enlevés  dans  une  jonque  et  dont 
il  espérait  se  faire  des  guides  et  des 
médiateurs  pour  obtenir  ce  qu  il  de- 
manderait. En  passant  prés  de  Min- 
danao,  la  plus  méridionale   des  Phi- 
lippines, il  se  procura  un  pilote  chi- 
nois qui  le  conduisit  près   d  Emoui 
sur  la  côte  occidentale  de   l'empire  , 
puis  jusqu'à  Siueng  Tchéou-fou,  dans 
la  province  de  Fo-kien.  Les  réponses 
vagues  des  mandarins  ne  satisfaisant 
pas  MateUef,  il  gagna  la  rivière   de 
Canton.  Son    apparition  y  causa   de 
vives  alarmes   aux  Portugais  de  Ma- 
cao  ;  on  lui   apprit  qu'ils  armaient  en 
secret  des  vaisseaux  arrivés  depuis  peu 
de  jours    de  Malaca,  et  on  lui  con- 
seilla d'aller  mouiller  à  l'île  de  Ling- 
Ling.  De  là  ,  il  annonça  son  arrivée 
au  gouverneur  de   Canton  ,    lui  de- 
manda la  permission   de  se  rendre 
dans  cette  ville ,  et  le  pria  de  lui  in- 
diquer eu  quel  lieu  il  pourrait  jeter 
l'ancre.  La  réponse   se  fit   attendre  -. 
des  officiers  inférieurs  profitèrent  du 
délai  pour  pressurer   les  Néerlandais 
qui  étaient  surveillés  de  près  et  très- 
gênés  dans   tous  leurs  mouvements. 
Sur  ces  entrefaites,  six  vaisseaux  por- 
tugais s'approchèrent  de  Matehef  qui, 
abandonnant  son  mouillage  ,    fit  ses 
préparatifs    pour    les  combattre.    Le 
conseil  ne  partagea  pas   cet  avis;  on 
s'éloigna  donc;  les  Portugais  retour- 
nèrent à  Macao ,    satisfaits   de   cette 
bravade.  Matehef  gagna  lîle  de  San- 
tchouan,    près    de  l'entrée  de  la  ri- 
vière, afin  d'y  faire    de  l'eau   et   du 
bois.  Il  était  extrêmement  chagiin  du 
peu  de  succès  de  ses  efforts  pour  ou- 


302 


MAT 


vrir  le  commerce  de  la  Chine   à  ses 
compatriotes,  mais  il  pouvait  se  con- 
soler en    réfléchissant    qu'il    n'avait 
rien  négligé  pour  y  parvenir  ,  et  que 
des    obstacles    insurmontables     l'en 
avaient  empêché.  Il  donna  donc  avis 
de  ce  qui  s'était  passé  aux  directeurs 
de  la  compagnie  ,  afin    qu'à  l'avenir 
ils    envoyassent  dans    ce  pays   une 
flotte  assez  forte    pour    imposer  aux 
Portugais.  Il  fit  des  présents  à  divers 
Chinois  qui  étaient    encore  sur  ses 
vaisseaux,  et  leur  donna,  pour  la  re- 
mettre   au   gouverneur    de   Macao , 
une  lettre  par  laquelle,  après  lui  avoir 
exposé  le   motiF  de  sa  venue   et  de 
son   départ  ,    il   lui    indiquait    dans 
le  cas  où  il  désirerait    que  les  Néer- 
landais vinssent  trafiquer  à  Canton  , 
les  iTioyens  de  les  en  instruire,  parce 
t^u'alors  ils    reviendraient    avec   des 
forces    qui  ôteraient    aux  Portugais 
l'envie  de  les   attaquer.  Il  finissait  en 
lui    disant   :  «  Je  vous  renvoie  dix 
«  Chinois  que  j'ai  délivrés  des   fers 
"  des  Japonais.  C'est  le  seul  service 
>i  que  je  puisse  vous  rendre.  Cepen- 
u  dant,  soyez  persuadé  que  les  Néer- 
«  landais   seront   toujours   amis   des 
»  Chinois  ».  Le  lo  septembre,  il  mit 
à  la  voile,  laissa  des  facteurs  sur  plu- 
sieurs points  de  la  côte  orientale   de 
la  presqu'île  Malaïe,  et,  le  27  décem- 
bre ,  il  entra  dans  le  port  de  Bantam 
ôii  il  trouva  quelques  vaisseaux  de  sa 
nation.  Il  régla   tout  ce   qui    concer- 
nait les  affaires  de  la  compagnie  dans 
ces    contrées ,    expédia  des   navires 
pour  divers    points,    et  termina  plu- 
sieuis  difficultés  importantes  «jui  s'é- 
taient élevées  entre  ses  compatriotes 
et  le  percepteur  du  roi  de  Bantam  sur 
les    droits   à    payer.    Le   28  janvier 
1608,  il  mit  à  la  voile  {»our  revenir 
en  Europe,  amenant  avec  lui  des  am- 
bassadeurs du  roi   de  Siam.  Le  12 
avril,  on  s'arrêta   dans  la  baie  de  la 


MAT 

Table,  au  nord   du   cap  de  Bonne- 
Espérance  :  ce  ne  fut  pas  sans  diffi- 
culté que  l'on  eut  quelques  rapports 
avec  les  Hottentots.  Le  2  septembre, 
Matelief  laissa  tomber  l'ancre  devant 
le  fort    de  Bamekens,   dans  l'île  de 
Walcheren,  en  Zélande.   Le  12,  il  fit 
aux  États  de  Hollande  le  rapport  de 
son  expédition,  et  reçut  par  l'organe 
du   grand  -  pensionnaire    Bameveldt 
(III,    395),    les    remercîments   des 
États,  ainsi  que  l'éloge  de  sa  bonne 
conduite  et  de  son  courage.   L'après- 
midi,  il  se  présenta  dans  l'assemblée 
des  États-Généraux  qui  lui  adressè- 
rent aussi    des  remercîments.  Enfin 
il  fut  régalé  par  le  prince  Maurice, 
stadthouder,   auquel,   dit   le   narra- 
teur de  sa  campagne,   il  fit  un  détail 
particulier    des   principales    circons- 
tances de  son  voyage.  Quoique  Ma- 
talief  n'eût   pas   réussi  dans    toutes 
ses  entreprises,  on  peut  dire  qu'il  n'a- 
vait pas  laissé  de  préparer  la  con- 
quête des  Moluques  et  celle  de  Ma- 
laca.  La  relation  de  son  voyage  est 
imprimée  dans  le  tome  \\l  du  Recueil 
des  voyages   qui  ont  servi  à  l'établis- 
sement  de  In   Compagnie  des    Indes- 
Orientales  (Amsterdam,  1705).   Bien 
qu'elle  soit    consacrée  spécialement 
aux  opérations  militaires,  elle  offre 
aussi  de  bonnes  notions  géographi- 
ques sur  les  îles  et  les  pays  visités  par 
l'escadre.  Ces  renseignements  vieillis 
n'en  sont  pas  moins  curieux  à  con- 
sulter,   en    ayant    soin   de    corriger 
l'orthographe  défectueuse  des  noms 
propres.  Elle  est  suivie  de  la  Copit 
des  lettres  d'un  oj^cier  de  l'cscadn 
son  ;)ère,  contenant  plusieurs  circons- 
tances   du    siège    de   Malaca ,    avec 
d'autres  particularités.  Ces  lettres  sont 
rcconmiandables  par  d'excellentes  ré- 
flexions. E — s. 

AIATIIAM  (le  P.  Jacques),  dessi- 
nateur et  graveur  au  burin,  naquit 


MAT 

à  Harlem ,   en  1571,  et  fut  élève  de 
Henri   Goitzius,  dont  par  la  suite  il 
devint  le  gendre.  Les   progrès  qu'il 
fit  sous  cet  habile  maître  furent  rapi- 
des, mais  le  désir  de  se  perfectionner 
encore  le  conduisit  en  Italie,  où  il 
séjourna   pendant   quelques   années, 
et  grava  un  grand  nombre  de  piè- 
ces d'après  les  plus  célèbres  maîtres. 
De   retour  dans    sa  patrie,  son  bu- 
rin s'exerça  sur  les  meilleures  produc- 
tions de  ses  compatriotes  et  son  ta- 
lent fit  rechercher  ses  ouvrages,  re- 
marquables par  la  liberté,  la  facilité 
du  burin ,  et  sous  ce  rapport  il  égala 
presque  son  beau-père;  mais  ses  es- 
tampes   manquent     quelquefois    de 
force   et   de    couleur.    Il    mourut   à 
Harlem,   en    1631.  Son  œuvre  est 
considérable   et   contient  7  portraits 
d'après  ses  dessins,  16  stijels  histori- 
ques d'après  divers  maîtres  italiens; 
34  d'après  Goitzius,  et  18  d'après  dif- 
férents maîtres  flamands.  Parmi  ces 
dernières  pièces,  les  cinq  qu'il  a  gra- 
vées d'après  Laugepier  ou  Pierre-le- 
Ix»ng  sont  recherchées,  et  il  est  rare 
d'en  rencontrer  de  belles  épreuves (wo)'. 
le  Manuel   des  Amateurs ,   de  Huber 
etRost).  — T}iéodoie    MiTH.\si,    fils 
du  précédent ,  peintre  et  graveur  au 
burin,  naquit  a  Harlem,  vers  1600. 
Son  père  lui  enseigna  les  principes  de 
l'art;  et,  comme  lui,  il  alla  se  perfec- 
tionner à  Rome,  où  il  gi-ava  conjoin- 
tement avec  Bloemaert,  Persyn,  Na- 
tahs,  et  quelques  autres  de  ses  compa- 
triotes, les  statues  de  la  galerie  Giusti- 
niani.  Ses  gravures  sont  faites  au  burin, 
mais  on    voit  qu'il  s'est  souvent  aidé 
de  la  pointe.  Ses  autres  ouvrages  con- 
sistent en  treize   portraits    fort  bien 
exécutés.    On    fait    un   cas    particu- 
lier  de  ceux  de   Philippe  -Guillaume 
et  ff^olfgang- Guillaume,  comtes  pa- 
latins   du  Rhin  ;  de   la  princesse  Ca- 
therine, femme  de  ce  dernier,  et  d'c- 


MAT 


3^ 


tienne  Vacht,  doyen  de  Sarten  ,  tous 
quatre  d'après  Jean  SpUber^.  Ses  su- 
jets historiques  sont  an  nombre  de 
six.  Celui  qu'il  a  gravé  d'après  Gi- 
rard de  Leyde  et  qui  représente  Le 
Christ  descendu  de  la  croi'jc,  et  pleuré 
par  saint  Jean,  Joseph  d'Arîmathie. 
et  les  saintes  femmes,  passe  pour  son 
chef-d'œuvre.  Comme  peintre,  on 
ne  connaît  de  lui  que  quatre porfniito 
équestres,  que  l'on  voit  dans  une  des 
salles  du  château  royal  delà  Vénerie, 
près  de  Turin.  —  Adrien  Matham, 
dessinateur  et  graveur  ,  naquit  à 
Harlem,  vers  1600,  de  la  même  fa- 
mille que  les  précédents.  On  connait 
de  lui,  dans  le  genre  grotesque,  qua- 
tre pièces  d'après  Goitzius  et  Adrien 
Vander  Venue.  Il  a  en  outre  gravé 
quelques  portraits  et  une  grande  par- 
tie des  planches  d'un  traité  d'escrime, 
intitulé  Académie  de  Fépée,  1  vol. 
in-fol. ,  publié  à  Anvers,  en  1628, 
par  Girard  Thibaut.  P — s 

MATHER  (le  rév.  Richard),  ne 
en  1596,  dans  le  comté  de  Lancas- 
tre,  embrassa  l'état  ecclésiastique  el 
passa  en  Amérique  où  il  devint  mi- 
nistie  de  Dorchester,  dans  le  Massa- 
chussets  ;  c'était  un  bon  prédicateur.  Il 
mourut  en  1669.  On  a  de  lui  :  Cn 
Discoun  sur  V Eglise  presbytérienne  ; 
une  Modeste  et  fraternelle  réponse  au 
livre  de  Herle,  1646;  un  Catéchis- 
me; un  Traité  de  la  justification , 
1652;  une  Lettr-e  a  M.  Hooker,  dans 
laquelle  il  prouve  qu'il  est  permis  à 
un  ministre  d'administrer  les  sacre- 
ments hors  des  limites  de  sa  juridic- 
tion; une  Réponse  au  livre  de  Da- 
venport  contre  la  proposition  du  Sy- 
node de  1662.  Richard  Mather  lais- 
sa trois  fils,  Samuel,  ^atljanaël  et 
Éléazar,  qui  tous  embrassèrent  Fétat 
ecclésiastique  et  se  firent  connaître 
par  d'utiles  publications.  —  Mather 
{Samuet).  né  en  1626,   fils  du    pré- 


mk  MAT 

cèdent,  suivit  son    père   en    Amé- 
rique et  se  fit  recevoir  docteur,  en 
1643,  au  collège  d'Harvard.  U  passa 
ensuite  en  Irlande  et  devint  ministre 
à  Dublin.  U  mourut  en  1671,  après 
avoir  acquis  la  réputation  de  grand 
prédicateur.  On  a  de  lui  :  Avertisse- 
ment  salutaire  pour  un  temps  de  li- 
berté,   1652;   Défense  de    la  religion 
protestante  contre  le   papisme,    1671; 
frenicum,  ou  Essai  pour  funion  con- 
tre les  presbytériens,  les  indépendants 
et  les  anabaptistes;    Traité  contre  les 
liturgies   forcées;     Pamphlet     contre 
Valentin    Greatrakes,    qui  prétendait 
guérir  les  malades  en  les  frappant; 
recueil  de   Sermons  sur  des  sujets    de 
l Ancien-Testament  ;   Discours    contre 
les  superstitions   du   papisme.  — M.\- 
THKR  {Nathanaél),  né  en  1630,  fut, 
comme  son  aîné,   gradué  au  collège 
d'Harvard  et  passa  en  Angleterre  où 
il   obtint  de  Cromwell,  en  1656,  un 
bénéfice  à  Barnstable.  Mais  il  le  per- 
dit à  la  rentrée  des  Stuarts,  et  fut  obli- 
gé de  fuir  en  Hollande.  Après  avoir 
été  quelque  temps  ministre  à  Rotter- 
dam, il  fut  appelé  en  1671  à  Dublin 
pour  remplacer  son  frère.  De  là  il  se 
rendit    à    Londres;   devint   ministre 
d'une   église    congrégationnelle  ,    et 
mourut  en  1697.  Ses  ouvrages  sont  : 
La  justice    de  Dieu    pour    tous  ceux 
qui  croient,  1694;  Discussion   sur  le 
pouvoir  qu'a   le   pasteur  d'une  église 
d'officier  dans  une  autre;  23  Sermons 
prêches    à    Pinners- Hall.  —  Matheb 
{Éléazar),    troisième  fils  de  Richard, 
naquit  en   1637,  fut  gradué  an  col- 
lège d'Harvard,    prit    les   ordres  en 
1661,  et  devint  pasteur  d'une  église 
nouvellement  établie  à  Northamplon. 
Il  mourut  en  1669.  Un  abrégé  de  ses 
sermons  fut  publié  en  1671,  sous  le 
titre  de  Sérieuse    exIiorUilion  au  peu- 
ple de  lu  Nouvelle-Angleterre  et  à  lu 
(jénération    suivante.  —  MkTHH»    (  /»- 


MAT 

creuse),  théologien  puritain,  né  à  la 
Nouvelle- Angleterre,  en  1644,  vint  à 
Londres  pendant  le  protectorat  de 
Cromwell,  et  fut  employé  comme 
desservant  d'une  chapelle,  à  Gloces- 
ter.  Lorsque  Charles  H  fut  rétabli  sur 
le  trône  de  ses  ancêtres,  Mather  re- 
tourna en  Amérique  et  mourut  en 
1722.  Il  a  public  un  grand  nom- 
bre d'ouvrages,  parmi  lesquels  on 
distingue  :  I.  Histoire  abrégée  des 
guerres  avec  les  Indiens  de  la  Nou- 
velle-Angleterre, 1676,  in-8^  IL 
Droit  divin  du  baptême  des  enfants, 
in-8°.  m.  Discours  sur  la  personne  de 
Jésus-Christ,  in -8°.  IV.  Diatribe  de 
signo  Filii  hominis  et  de  secundo 
Messitv  adventu,  in-8".  V.  Desuccessu 
Evangelii  apud  Indos  in  Nova-An- 
qlia,  in-8°.  VL  Discours  sur  les  co- 
mètes, in-8".  L. 

MATHEWS  (Charles),   célèbre 
comédien  anglais,  naquit  en  1776,  a 
une  époque  de  prédication  aussi  bur- 
lesque que   fervente,   à  l'époque   où 
Horissaient    Huntington  ,   Whitfield  , 
Wesley,  IlamahMore.  Il  était  fils  du 
libraire  chez  lequel  se  publiaient  les 
sermons   et  les   traités   théologiques 
des  dissidents,  figures  d'une  origina- 
lité bizarre  qui  semblaient  faites  ex- 
près pour    servir    de    modèle    à   la 
scène   comique.    Le  jeune  Mathews 
avait  été,   sous  le  rapport  physique, 
peu  favorisé  de    la  nature.    Sa   vue 
seule  suffisait  pour  exciter  le  rire.  Il 
se  consola  de  sa  laideur  native,  en 
songeant  à  s'en  venger  sur  les  prédi- 
(  a  leurs  qui  frétjuentaient  la  librairie 
de  son  père.    Tout  enfant  (ju'il  était, 
voulant    rire    «l'cux  à    son    tour,    il 
s'étudia,  et  réussit  admirablement  à 
parodier  leur  théâtrale  gravité,  leiu-8 
{jiands  mouvements  d'enthousiasme, 
leurs  sermons  sur  les  tréteaux.  Tou- 
lefois  cet  inslinirt  mimique  lui  coûta 
([uelques  peines,  et  lui  valut  maintes 


MAT 

fois  les  verges  pendant  la  durée  de 
ses  études.  «  Si  le  fouet  donnait  la  sa- 
«  gesse,  a-t-il  dit  dans  ses  mémoires, 

•  je  serais  bien  certainement  plus  sage 
>•  que  les  sept  sages  de  la  Grèce;  on 
••  ne  m'épargnait  pas.  Aussi,  je  jetais 
■•  souvent  un  regard  d  envie  sur  les 
»  cbérubins  de  chêne  noir,  dont  la 

•  salle  d'étude  était  garnie,  deman- 
"  dant  au  ciel  pourquoi  il  ne  m'avait 
••  pas  ci"éé  comme  eux,  tête  et  ailes, 

•  rien  de  plus.  «  Mathews  avait  à 
peine  dix  ans,  lorsque  les  dissidents 
lui  conseillèrent  de  parodier  une 
hymne  de  Pope,  qui  était  le  chant 
favori  des  anglicans.  Il  obéit  trop 
fidèlement,  et  pava  cher  cette  nou- 
velle incartade.  De  jeunes  angli- 
cans l'emmenèrent  aux  courses  d'Ep- 
som,  le  firent  boire  de  manière  à 
lui  rendre  impossible  l'usage  de  ses 
jambes,  et  le  promenèrent,  dans  cet 
état,  par  la  ville,  en  chantant,  avec 
grand  orchestre  d'instmments  culi- 
naires, l'hymne  qu'il  avait  parodiée. 
Son  humihation  fui  grande  sans  doute, 
le  lendemain  de  cette  scène  de  scan- 
dale; mais  ni  les  verges,  ni  cette 
aventure  ne  purent  le  corriger.  Il 
avait  déjà  quatoive  ans,  et  n'avait 
encore  assisté  à  aucune  représenta- 
tion théâtrale;  son  père,  guidé  paj- 
des  motifs  religieux,  avait  jusqu'a- 
lors veillé  avec  beaucoup  de  soin  à 
l'en  détourner,  mais  cette  surveillance 
même  avait  excité  davantage  la  curio- 
sité de  Charles.  Un  soir,  au  lieu  de 
prendre  sa  leçon  de  français,  il  sut 
habilement  s'esquiver ,  et  courut 
plein  d'enthousiasme  au  théâtre.  La 
première  représentation  dont  il  fut 
spectateur,  produisit  sm-  son  esprit 
une  impression  profonde.  «  Le  bruit 
•  des    applaudissements    m'enivrait 

«  déjà,  a-t-il  dit  depuis,  et  ma  joie 
»  fut  si  bruyante,  que  mes  voisins 
«  m'imposèrent  silence.  >•  Dès-lors  sa 


MAT 


305 


vocation  fut  déterminée,  et  il  la  pour- 
suivit avec  une  persévérance  capable 
de  résister  à  tous  les  déboires  que  ren- 
contrent les  jeunes  artistes  à  l'entrée 
de  la  carrière.  En  attendant  le  moyen 
de  débuter  comme  acteur,  il  jouait  la 
comédie  avec   ses  camarades,  faisait 
la  critique  tliéàtrale   dans  une  feuille 
périodique,    et    traduisait,   pour  une 
Revue,    la     Princesse    de    Clèves   de 
M""  de  la  Fayette.   Bientôt  il  aban- 
donna définitivement  la  maison  pa- 
ternelle et  se  rendit  à  Dublin,  avec 
un  directeur,  dont  il  reçut  la  pro- 
messe, séduisante  pour   son  amour- 
propre,  d'émoluments   proportionnés 
à  son  succès  :  condition  fallacieuse, 
à  laide  de  laquelle  le  directeur  put 
à  son  gré  le  laisser  dans  la  détresse. 
Il  fit  sa  première  apparition  dans  Ri- 
chard the  third,  par  le  rôle  de  Biclie- 
mondy  et  par  celui  de  Bowkett^  dans 
The  son  in  law.  Il  oubhait  son  état 
précaire,  en  étudiant  ses  rôles,  et  en 
jouant  quelques    airs  de  flûte  et  de 
noion.  L'hôte  impitoyable  chez   le- 
quel  il  logeait    s'avisa  un   joor  de 
confisquer  la  flûte  et  le  violon,  pour 
se   payer  des  termes    du    loyer,    et 
ferma  dès  ce  moment  sa   porte  au 
jeune  artiste.   Mathews  trouva  l'hos- 
pitalité chez    un  barbier  charitable. 
Malgré  lindigence    dans   laquelle  il 
languissait,    il   ne    tarda   pas   à  en- 
chaîner sa  liberté  (1797)  par  un  ma- 
riage, qui  lui  apporta    de  l'afFection 
sans  doute,  mais  aussi  un  surcroît  de 
charge  ;  il  épousa  miss  E.-K.  Shong, 
auteur  de  plusieurs  volumes  de  poé- 
sie et  de    quelques    nouvelles    assez 
bien  faites,  mais  qui  n'était  pas  beau- 
coup plus  avancée  que    lui  dans  la 
voie  de  la  fortune.  Long-temps  en- 
core, Mathews  traîna  ainsi  son  exis- 
tence de  ville  en  >'ille,  sans  argent  et 
même  sans  pain.  Il  aimait  plus  tard 
à   raconter  le  singulier  et  découra- 
20 


306  MAT 

géant  accueil  que  lui  fit  aloi'S  le  di- 
recteur du  théâtie  d'York  :  «  — Com- 
K  ment  vous  appelez-vous  ?  —  Ma- 
«  thews.  —  Ah  !    ah  !  bonjour,  mon- 
«  sieur  Mothers.  —  Monsieur,   mon 
«  nom  est  Mathews.  —  Vous  venez 
«  de  me  le  dire  ;  ah  !  ça,  vous  êtes 
«  singulièrement  long  :   quelle  per- 
«  che!    vous  êtes    trop  grand,    mon 
«  cher,  pour  les  petits  emplois.  —  Il 
»  est  viai  que  je  suis  très-maigre  !  — 
■)  Comment  diable  avez-vous  le  cou- 
«  rage  d'oser  vivre  ? — Je  fais  de  mon 
«  mieux  pour  cela.  —  Et  vous  mar- 
«  chez  ?  —  A  peu  près.  —  Vous   êtes 
«  bien  hardi  !  ah  !  ça,  monsieur  Mor- 
tt  dews,  le  premier  coup  de  sifflet  va 
«  vous  renverser  :  —  Je  tâcherai  de 
«  ne  pas  le  mériter. — Vous  tâcherez  ! 
M  Garrick,  le  grand  Garrick,    a  été 
«  sifflé  ;    entendez  -  vous  ,    monsieur 
«  Montagne.  —  Mathews  ,    s'il  vous 
«  plaît. — Comme  vous  voudrez,  mon- 
«  sieur  Mathieu   Montagne.  —  Ce  ne 
«  sont  pas  là  mes  noms.  — Avez-vous 
u  de  la  mémoire,  monsieur  Mattocks. 
«  —  Oui,  monsieur,  et  je  me  nomme 
«  Mathews.  —  Nous  verrons    cela  ; 
«  avez-vous  femme   et   enfants  ?  — 
»  Oui,  monsieur!  —  Tant  pis,  mon- 
«  sieur  Montaigu.  —  »  L'artiste  fut 
foicé  d'entendre  patiemment  ces  im- 
pertinences ;  encore  se  trouva-t-il  fort 
heureux  d'être  engagé  dans  la  tioupe 
du  théâtre  d'York  (1798).  En  s'obser- 
vant  de  près,  il  réussit  à  ne  pas  mou- 
rir de  faim.  Madame  Mathews  avait 
cruellement  souffert  de  cette  vie  de 
privations;  elle  ne  put  y  résister  ;  mais 
avant  d'expirer,  elle  se  montra  vive- 
ment préoccupée  du  bonheur  de  Ma- 
thews. Liée  par  une  vive  amitié,  aune 
actrice  de  la  troupe,  miss  Jackson, 
elle  la  fit  venir  auprès  de  son  lit  de 
souffrance,  et  lui  confia  ses  derniers 
vœux  :  »  Je  ne  puis  espérer  de  vivre 
«  plus  long-temps,  lui  dit-elle,   c'est 


MAT 

«  pour  moi  un  devoir  de  vous  ouvrir 
«  mon   cœur;    l'amertume    de    mes 
u  derniers  moments  s'accroît,  lorsque 
u  je  pense  à  l'isolement  dans  leque 
«  je  vais  laisser  mon  mari;  remplis- 
«  sez  donc  mes  derniers   désirs,    et 
«  promettez-moi  de  ne  pas  tromper 
«  l'espoir  d'une  femme  mourante.  » 
Alors  elle  prit  la  main  de  son  mari, 
la  plaça  dans  celle  de  miss  Jackson, 
et  les   convia   d'une   manière  solen- 
nelle à  s'unir  après  sa  mort.  L'éton- 
nement  de  Mathews  et  de  miss  Jack- 
son fut  grand,  c'est  cette  dernière  qui 
parle  elle-même  ;  Mathews,  honteux 
de  l'étrange  situation  dans  laquelle  il 
se  trouvait  placé,  désapprouva  hau- 
tement et  même  durement  l'intention 
que  sa  femme  venait  de  manifester. 
Miss  Jackson   tomba  à    genoux    au 
pied  du  lit,  priant  son  amie  de    lui 
pardonner,  et  l'assurant  qu'il  lui  était 
impossible  de  se  soumettre  à  ses  dé- 
sirs. M'"=  Mathews  mourut  en  effet 
(1809);  et,  malgré  la   froideur  qui 
avait  régné  après  cette  scène  entre 
les  deux  artistes,  ils  s'unirent  au  bout 
d'une  année.  Jusqu'alors  Mathews  n'a- 
vait point  encore  obtenu  de  véritable 
succès  ;  relégué  le  plus  souvent  dans 
des  rôles  secondaires,  il  n'avait  point 
trouvé  l'occasion  de  montrer  ce  qu'il 
y  avait  en  lui  d'énergie  comique ,  de 
naturel ,  et  de  goût.    Peut-être  aussi 
avait-il  épuisé  une  partie  de  ses  for- 
ces à  souffrir.  A  dater  de  son  second 
mariage,  une  ère  plus  heureuse  com- 
mença. U  parut  avec  avantage  devant 
le  public  de  Londres,  et  reçut  enfin 
les  applaudissements  qu'il   cherchait 
vainement  depuis  si  long-temps.  Mais 
à  cette  époque,  parmi  les  contem- 
porains, il  n'y  avait  plus  de  sérieux 
auteurs  comiques,   partant  plus   de 
rôles    à    la  hauteur    de    l'originaUtë 
de  Matliews.  D'ailleurs,    il  sentait  en 
lui  une  puissance  créatrice  si  forte. 


MAT 


MAT 


307 


qu'il  crut  pouvoir  se  passer  des  au- 
teurs ;  mal  à  son  aise  dans  un  cadre 
qu'il  ne  «e  traçait  pas  lui-même,  il 
voulut  être  à  la  fois  auteur  et  acteur, 
il  voulut  faire  parler  à  sa  manière  les 
types  qu'il  avait  observés  à  sa  ma- 
nière. Il  alla  même  plus  loin  ;  il 
pensa  que  la  réplique  était  une  en- 
trave à  son  jeu  ;  il  imagina  des  re- 
présentations à  un  seul  acteur,  dans 
lesquelles  il  fit  passer  les  originaux  les 
plus  ridicules,  et  reproduisit  les  scè- 
nes les  plus  burlesques;  tels  furent 
tout  d'abord  son  Old  scotch  Lady,  sa 
Mail-coach,  etc.;  et  plus  tard,  après 
un  premier  voyage  en  Amérique , 
son  Trip  to  America,  et  Jonathan  in 
England.  Il  appelait  ces  représenta- 
tions ses  At  home  (cbez  lui).  Elle» 
firent  bientôt  les  délices  de  Londres 
et  de  Kew-York.  Mathews  nécrivait 
point  ses  rôles;  il  improvisait  peu 
cependant;  ses  créations  étaient  le 
fruit  d'une  patiente  observation  et 
d'une  longue  étude  ;  jamais  il  ne  dé- 
passait les  limites  du  vrai  comique, 
jamais  il  ne  provoquait  l'ennui;  ses 
At  liome  ne  manquaient  jamais  de 
soulever  un  rire  homérique.  Quel- 
que gi-ands  que  fussent  alors  ses 
succès,  il  ne  parvint  que  lentement 
à  une  modeste  fortune .-  ses  recettes 
ne  profitaient  guère  qu'au  spéculateur 
habile  à  qui,  dans  son  imprévoyance 
d'artiste,  il  s'était  livré  par  un  con- 
trat sévère.  La  dureté  de  son  escla- 
vage produisit  sur  sa  santé  de  fâ- 
cheux effets  :  ce  fut  alors  seulement 
que  le  souverain  maître  auquel  il 
s'était  affermé,  se  relâcha  un  peu  de 
ses  rigueurs  premières,  et  lui  accorda 
quelque  libeité.  Déjà  Mathews  était 
venu  à  Paris,  en  1818  ;  il  y  avait  vu 
avec  la  plus  giande  satisfaction 
Talnia  et  Potier,  Potier  surtout,  qui 
avait  avec  lui,  assure-t-on,  plusieurs 
traits  de  ressemblance.  Il  n'avait  pas 


été  non  plus  médiocrement  surpris 
du  spectacle  si  animé  de  la  capitale  ; 
}\  n'avait  rien  trouvé  de  plaisant 
conune  cette  agitation  tumultueuse , 
ces  costumes  si  divers,  et  si  bizarres, 
ces  têtes  parfois  si  singulières.  Cecoup- 
d'œil  avait  été  pour  lui  une  scène  de 
camax-al.  Il  alla  de  même  en  Amé- 
rique, où  il  trouva  d'abondants  sujets 
d'observation  ;  il  revenait  de  son  se- 
cond voyage  dans  ce  pays,  lorsqu'il 
tomba  malade ,  et  cessa  de  vivre 
(1835),  emportant  avec  lui  les  rôles 
qu'il  avait  créés,  et  les  regrets  mé- 
rités de  ses  compatriotes.  Il  avait 
commencé  à  écrire  ses  mémoires  ;  sa 
veuve  les  a  continués  (Londres,  4  vol. 
in-S").  C'est  un  tableau  varié,  spi- 
rituel, quelquefois  philosophique,  des 
épreuves  par  lesquelles  Mathews  a 
passé  avant  d'arriver  à  une  répu- 
tation solide.  On  y  recueille  des  do- 
cuments précieiLx  sur  la  vie  des  co- 
médiens anglais  dans  les  comtés  et  à 
Londres  ;  et,  si  l'on  veut  y  chercher 
des  enseignements  plus  élevés,  on  y 
voit  l'abnégation  et  le  courage  de 
l'homme  qui,  avant  la  conscience  de 
sa  vocation,  marche  devant  lui  sans 
s  inquiéter  des  obstacles.  D — z. 

MATUIAS  de  Saint -Jean  (  k- 
père),  dont  les  noms  de  famille  étaient 
Jean  Eos ,  naquit  à  Saint-Malo,  fit 
profession  dans  l'ordre  des  Carmes 
de  Rennes,  le  18  février  1618,  et  fut 
successivement  prieur  de  plusieurs 
couvents  de  son  ordre,  notamment  de 
celui  des  Billettes  à  Paris.  Jiommé 
provincial  de  Touraine  et  de  Gas- 
cogne, puis  procureur-général  des 
couvents  de  toute  la  province  de 
France,  il  se  fit  remarquei-  par  son 
zèle  à  maintenir  ou  à  rétabUr  la  ré  - 
gularité  de  la  vie  monastique.  Son 
élection  aux  fonctions  de  provincial 
de  Touraine,  qui  eut  lieu  à  Angers,  le 
23  avril    1655  ,    suscita  de  longues 

2a 


308 


MAT 


contestations,  et  il  ne  fallut  pas  moins 
qu'un  bref  du  pape  Alexandre  VII  pour 
les  terminer.  Le  père  Mathias  mourut 
à  Paris ,  au  couvent  du  très-Saint-Sa- 
crement, le  4  mars  1681.  Il  est  auteur 
des   ouvrages   suivants  :   I.  Le  com- 
merce   honorable  ,  ou  Considérations 
politiques  contenant  les  motifs  de  né- 
cessité, d'honneur  et  de  profit  qui   se 
trouvent  à  former  des  compagnies  de 
personnes   de    toutes  conditions  pour 
C entretien  du  négoce  de  mer  en  France, 
par  un    habitant  de  Nantes,   Nantes, 
Guillaume  Lemonnier,  1646  et  1651, 
in^".  Déjà ,  en  1645 ,  il   était  sorti 
des  presses  du  même  éditeur  un  ou- 
vrage enVrs  français,   composé  par 
Jacques  Denan,  notaire  de  Nantes,  et 
intitulé  :  Le  commerce  fidèle  et  la  cha- 
rité hospitalière.  Le  titre   d'habitant 
de  Nantes,  sous  lequel  le  père  Mathias 
se  cacha  dans  les  deux  éditions  de  son 
ouvrage,  a  fourni  carrière  aux  conjec- 
tures. La  dédicace,  adressée  au  maré- 
chal de  la  Meilleraie,  gouverneur  de 
la  Bretagne ,  et  signée  seulement  des 
initiales  F.  M.,  a  donné  lieu  de  croire 
que  l'ouvrage  était  de  F.  de  Monlau- 
douin,  quia  écrit,  au  commencement 
du  XV  IIP  siècle,  l'éloge  deSéraphique 
Bertrand,  poète  nantais  ;  ou  de  Gabriel 
Montaudouin,  mort  à  Nantes  en  1786, 
et  connu  par  plusieurs  ouvrages  sur 
le  commerce  et  l'économie  politique, 
notamment  par  sa  coopération,  avec 
Abeille,  à  la  rédaction  du  Corjys  d'ob- 
servations de  la  Société  d'agriculture, 
de  commo-ce  et  des  arts  ,  établie   par 
les  États  de  Bretagne,  pour  les  années 
1757, 1758,  1759  et  1760,  Bonnes, 
Jaccpics  Vatar,  et  Paris  ,  veuve  de  II. 
Brunot,  1760  et  1762,  in-8".  La  «lato 
seule  du  livre  repousse  l'une  et  l'autre 
supposition  ;  quant  aux  mots  habitant 
de  Nantes  <lans  lesquels  on  doit  lire, 
selon  nous,  frère  Mathias,  ils  s'expli- 
quent par  l'espèce   de  mystère  dont 


MAT 

il  aura  cru  convenable  de  s'envelop- 
per en  écrivant  sur  des   matières  si 
peu  en  harmonie  avec  sa  profession. 
Ce  qu'il  y  a  de  certain,    c'est  que  la 
Bibliothèque  des  Carmes,  dont  le  ré- 
dacteur devait  être  bien  informé,  et, 
après  elle,  Barbier,  (Dictionnaire  des 
Anonymes,  art.  2545),  attribuent  for- 
mellement le  Commerce  honorable  au 
père  Mathias  de  Saint-Jean.  M.  Lu- 
dovic Chapplain,  de  Nantes,  y  a  puisé 
le   texte    d'une    dissertation  intéres- 
sante, insérée  dans  le  9*  volume  des 
Annales  de  la  Société  académique  de 
Nantes  et  de  la  Loire-Inférieure.  Les 
citations  qu'il  en  a  faites  prouvent  que 
le  père  Mathias  n'était  pas  seulement 
un  écrivain  érudit  et  habile  :  ses  vues, 
grandes  et  élevées  ne  seraient,  de  nos 
jours,  désavouées  par  aucun  négociant 
expérimenté.  Quand  on  songe  que  ce 
fut  peu  de  temps  après  l'appaiition  de 
ce  livre,  que  des  associations  commer- 
ciales se  formèrent  en   Bretagne  et 
surtout  à  Nantes,  que  le  commerce  y 
sortit  de  l'état  de  langueur  auquel  il 
était  alors  réduit ,  pom-  prendre  une 
extension    rapide,  il    est  permis   de 
croire  que  son  énergique   appel  ne 
contribua  pas  peu  à  arracher  les  Nan- 
tais à  une  apathie  funeste,  à  une  in- 
souciance désastreuse  pour  le  pays.  Le 
père  Mathias  a  distribué  son  ouvrage 
en  trois  parties.  Dans  la  première,  il 
expose  l'état     du    commerce    de    la 
France  qu'il  monUe  presque  anéanti  ; 
il  entre,  à  cet  égard,  dans  des  détails 
desquels  il  résulte  que  les  profits  faits, 
tous  les  ans,  en  France,  par  les  Hol- 
landais, les  Anglais  ,  les  Écossais,  les 
Irlandais,    les    Portugais   et  les  Ita- 
liens, s'élevaient,  année  moyenne,  à 
9,317,421     livres  ,    somme    énorme 
pour  le  temps,  eu  égard  surtout  à  l'in- 
fériorité des  profits  recueillis  par  les 
Français  eux-mêmes.  Dans  la  seconde 
partie,  il  expose  les  motifs  qui  doivent 


MAT 

porter  les  Français  au  rétablissement 
de  leur  commerce;  et  dans  la  troisième, 
appuyée  de  documents  statistiques 
fort  curieux,  il  propose,  en  dévelop- 
pant les  avantages  de  l'association,  l'é- 
tablissement de  sociétés  et  de  bourses 
commerciales.  Il  a  été  publié  un  Ex- 
trait de  cet  ouvrage,  Paris,  1659,  in- 
4°.  Kous  ignorons  quels  rapports  il 
existe  entre  cet  Extrait  et  celui  du 
même  ouvrage  qui  a  été  inséré  dans 
le  Conservateur  du  mois  d'août  1757, 
pages  67  et  suivantes.  II.  Lettre  cir- 
culaire envoyée  à  tous  les  Carmes  du 
royaume  de  France  ,  au  sujet  de  fhis- 
toire  de  Notre-Dame  du  Mont-Carmel 
qu'on  se  propose  déctire  ,  Angers, 
1643,  in-4''.  III.  La  véritable  dévotion 
du  sacré  scapulaire  de  Notre-Dame  du 
Mont-Carmely  Paris,  1656,  in-S".  IV. 
Histoire  panégyrique  de  l'ordre  de 
Notre-Dame  du  Mont-Carmel,  où  Con 
montre  l'origine  et  la  succession  héré- 
ditaire de  cet  ordre,  depuis  le  grand 
prophète  saint  Elie,  son  premier  au- 
teur, jusqu'à  notre  temps,  Paiis,  1658- 
1665 ,  2  vol.  in-fol.  Le  premier  vo- 
lume, publié  du  temps  que  l'auteur 
était  provincial  deTouraine,  contient 
le  récit  de  l'institution  religieuse  pri- 
mitivement fondée  par  le  propbète 
Elie,  et  continuée  par  ses  successeurs 
jusqu'à  la  naissance  de  la  B.  V.  Ma- 
rie. Le  second  volume,  qui  parut  pen- 
dant que  Mathias  était  provincial  de 
Gascogne ,  renferme  l'bistoire  du 
Mont-Carmel  depuis  que  la  mère  de 
Dieu  en  est  devenue  la  patronne.  V. 
L'esprit  de  la  réforme  des  Carmes  dans 
la  France,  ou  le  Cannel  refleurissant, 
Bordeaux,  1666,  in-4°.  VI.  L'hon- 
nête religieux,  ou  préceptes  de  morale 
pour  [honnêteté  religieuse  ,  ouvrage 
inédit  dont  L.  Jacob  (  Bibliothèque 
manuscrite  des  Carmes,  p.  306  ),  dit 
avoir  eu  le  manuscrit  en  sa  posses- 
sion. P.  L T. 


MAT 


309 


.\L\THIAS  de  Saint-Bernard  {\e 
père),  dont  le  nom  de  famille  était  de 
Sérent ,  appartenait  à  une  m^son 
noble  de  Bretagne.  Ayant  fait  profes- 
sion, le  19  mars  1631,  dans  l'ordre 
des  Carmes  de  Rennes,  il  se  distin- 
gua par  son  érudition,  son  zèle  et  sa 
piété.  Après  avoir  été  prieiur  de  divers 
couvents,  et  définiteur  de  sa  pro- 
vince, il  se  rendit  en  Irlande,  afin  d'y 
faire  recouvrer  à  son  ordre  plusieurs 
monastères  dont  les  hérétiques  s'é- 
taient emparés,  et  pour  raffermir  les 
catholiques  dont  la  foi  chancelait; 
mais  l'animosité  à  laquelle  ceux-ci 
étaient  en  butte  de  la  part  de  leurs 
adversaires,  ne  lui  permit  pas  de  re- 
tirer de  sa  mission  d'autres  fruits  que 
de  grandes  fatigues  et  de  grands  dan- 
gers. Revenu  à  Rennes,  il  y  mourut 
le  28  juillet  1652.  On  lui  doit  Le 
triomphe  de  sainte  Anne  dans  sa  vie 
cachée,  Paris,  1651,  in-4''.  L.  Jacob 
(Bibliothèque  manuscrite  des  Carmes, 
p.  304) ,  et  tous  les  écrivains  de  l'or- 
dre des  Carmes  font  de  lui  un  grand 
éloge.  P.  L — ^T. 

MATIUAS  (  Thomas  -  James  ) , 
membre  de  la  société  royale  de  Lon- 
dres, naquit  à  Cambridge  en  1776.  Il 
commença  son  éducation  à  Eton  et  la 
termina  au  collège  de  la  Trinité,  dans 
sa  ville  natale,  où  il  devint  boursier. 
Il  se  fit  ensuite  connaître  dans  la  lit- 
térature, en  soutenant  avec  chaleur 
l'authenticité  des  poèmes  de  Rowley. 
(roy.  Chattebtox,  VIII,  282.)  En 
1794  parut  en  Angleterre  la  première 
partie  d'un  poème  anonyme,  intitulé 
Hostilités  littéraires  (The  PursuitS  O  f 
literature).  Ce  poème  attira  l'attention 
générale,  particulièrement  à  cause  des 
notes,  qui  montrent  dans  l'auteur  un 
vaste  et  profond  savoir  joint  à  une 
critique  éclairée  sur  les  hommes  pu- 
blics et  sur  leurs  opinions.  On  a  ob- 
servé avec  raison  que  la  cause  de  la 


^b  MAT 

monarchie,  de  la  morale,  et  celle  de 
la  saine    littératme  n'avaient  jamais 
été  défendues,  dans  ces  temj*'  de  cor- 
ruption, avec  des  principes  -î'Ius  purs 
et  un  talent  plus  approprié  au  sujet. 
Les  démagogues  et  les  incrédules  y 
sont  signalés  et  livrés  à  l'indignation 
et  au  ridicule.  La  voix  publique,  qui 
avait  d'abord  attribué  cet  ouvrage  à 
plusieurs  écrivains  d'une  grande  dis- 
tinction,  se  fixa   enfin  sur  Mathias, 
qui  paraît  avoir  été  aidé  dans  sa  com- 
position par  quelques-uns  des  chefs 
du  collège  de  la  Trinité.  Cet  écrivain 
avait  été  vice-trésorier  de  la  reine,  et  en 
cette  quàtité  il  était  pourvu  d'une  pen- 
sion ass'fë' (considérable.  Il  mourut  en 
1 837,  pendant  un  voyage  en  Italie.  Ses 
productions  avouées  sont  :  I.  Odes  runi- 
ques  (Runic  odes),  imitées  de  la  langue 
crse,in-4",1781 .  H.  Sur  les  témoignages 
relatifs  aux  poèmes  attribués  à  Thomas 
Rowley,  in-8°,  1783.  IIL  Le  Drama  - 
turge  politique  de  la  chambre  des  com- 
munes (Political   dramatist),   in-8''5 
1795.  IV.  Épîtres  au  docteur  Randolph 
et  au  comte  de  Jersey,  in-8°,  1797.  V. 
Épître  de  l'empereur  Kien-Long  au  roi 
Georges  III,  in-8%1794.  VI.  Lettre  au 
marquis  de  Buckingham,  au  sujet  du 
grand  nombre  de  prêtres  français  émi- 
grés, par  un  laïque,  in-S",  1796.  VII. 
fS Ombre    d'Alexandre    Pope   sur    les 
bords  de  la  Tamise,  poème  satiriqne, 
avec  des  notes,  in-4",   1798.  VIIL 
Odes  anglaises  et  latines,  nouvelle  é- 
dition,  in-8",  1798.  IX.  Componimenli 
lirici  de    più.  illustri  poeti  d'Italia,  3 
vol.  in-12,  1802,  X.  Commcntarj  in- 
lorno  ail'  istoria  délia  poesia  italiana, 
per  Crescimbeni,  3  vol.   in-12,  1802. 
XI.  Tiraboschi,  Storia  délia  poesia  ita- 
liana, 3  vol.  in-12,  1813,  XII.  Can- 
zoni  e  prose  toscane,  in-8"  ;  Àggiunta 
ai  Componimenti  lirici  de' più  illustri 
poeti  d'Italia,  3  vol.  in-8",  1808.  XIII. 
Saffà,  dramma  lirico,  tradotto  dalV  in- 


MAT 

glese  di  Mason,  in-8»,  1809.  XIV.  Li- 
cida  di  Giov.  Milton,  tradotto  dalt  in- 
glese,  in-8%  1812.  XV.  Délia  ragian 
poetica,  di  Gravina,  in-8",  1805.  XVI. 
Canzqni  toscane,  in-4°,  1805.  XVII. 
OEuvres  de  Thomas  Gray,  avec  sa  vie 
et  des  additions,  publiées  aux  frais  de 
l'université  de  Cambridge,  2  vol.  in- 
4",  1814.  Dans  le  second  volume  des 
Anecdotes  littéraires  de  Nichols,  se 
trouve  une  lettre  latine  de  Mathias 
au  docteur  Lort,  par  laquelle  il  lui 
demande  son  vote  pour  une  place 
au  collège  de  la  Trinité;  cette  lettre 
est  regardée  comme  un  morceau  par- 
fait Z. 

MATHIAS.    Foy.   Matthias,  ci- 
après. 

MATHIEU  d'ALBAKO,  cardinal, 
néà  Reims,  d'une  famille  noble,  vers  le 
milieu  du  XI'  siècle  ,  embrassa  à 
Laon  l'état  ecclésiastique,  et  fut  bien- 
tôt pourvu  d'un  canonicat  dans  l'é- 
glise de  Reims.  Ayant  ensuite  résolu 
de  quitter  le  monde,  il  renonça  à 
ce  bénéfice  et  entra  dans  l'ordre  de 
Cluny,  au  prieuré  de  Saint-Martin-des- 
Champs  à  Paris.  Son  mérite  ne  permit 
pas  qu'on  l'y  laissât  long-temps  sim- 
ple religieux,  et  il  fut  fait  prieur  de 
ce  monastère  dans  les  premières  an- 
nées du  douzième  siècle.  On  le  compte 
pour  le  troisième  prieur  de  cette  mai- 
son. Il  en  occupait  la  place  en  1119. 
Pierre -le -Vénérable  l'ayant  conduit 
avec  lui  àRome,pour  défendre  sa  cause 
contre  Ponce,  abbé  de  Cluny,  qui  fit 
tant  de  bruit  dans  ce  siècle  ,  le  pape 
Honorius  II  conçut  une  telle  estime 
de  sa  personne,  qu'il  le  retint  près  de 
lui,  et  en  1125  ,  le  créa  cardinal  et 
dvéque  d'Albano.  Son  élévation,  loin 
de  nuire  à  sa  piété,  augmenta  son  zèle. 
Sa  vie  était  aussi  régulière  que  celle 
du  religieux  le  plus  exact.  Il  servit 
l'église  dans  plusieurs  affaires,  et  se 
conduisit  toujours  avec  beaucoup  de 


MAT 

sagesse.  Ses  grandes  occupations  ne 
l'empêchèrent  cependant  pas  d'être  en 
relations  avec  Pierre-le-Vénérable  et 
avec  saint  Bernard.  On  trouve  des 
lettres  de  l'un  et  de  l'autre  qui  lui  sont 
adressées;  il  était  aussi  lié  d'amitié 
avec  Raoul-le-Vert ,  archevêque  de 
Reims.  Légat  en  France  vers  l'an 
1128,  Mathieu  convoqua  un  concile 
à  Troyes,  où  se  trouvèi-ent  les  arche- 
vêques et  évêques  de  la  province  de 
Champagne  et  plusieurs  auties.  Il 
assemhla  encore  un  concile  à  Rouen, 
où  il  s'était  rendu  pour  saluer  Henri 
I'-,  roi  d'Angleterre  et  traiter  avec  lui 
des  affaires  de  l'Église.  En  1131,  le 
pape  Innocent  II,  qui  était  alors  en 
France,  ayant  appris  la  mort  hmeste 
de  Philippe,  fils  aîné  du  roi  Louis-le- 
Gros,  envoya  le  cardinal  à  ce  monar- 
que affligé,  pour  lui  faire  de  sa  part 
des  compliments  de  condoléance.  La 
même  année,  Innocent  donna  la  léga- 
tion d'Allemagne  à  Mathieu,  qni  tint 
un  concile  à  Mayence,  où  Brunon, 
évêque  de  Strasbourg,  fut  contraint 
de  renoncer  à  son  évêché.  Il  accom- 
pagna en  1134  à  Milan,  saint  Bernard 
et  les  autres  députés  chargés  de  ti'a- 
vailler  à  réconcilier  Innocent  II  avec 
les  Milanais  qui  avaient  pris  le  parti 
de  l'anti-pape  Anaclet  ;  et  la  réconci- 
liation eut  lieu.  Le  cardinal  Mathieu 
mourut  à  Pavie  le  26  décembre  11 35. 
On  lui  attribue  les  ouvrages  suivants  : 
I.  De  perfectione  tnonachorum.  II.  De 
vanitate  mundi.  Ul.De  votismonasticis. 
rv.  Sennonei  in  Evatigelia.  Pierre-le- 
Vénérable  fait  un  grand  éloge  de  ses 
vertus.  Saint  Bernard  dans  son  Histo- 
ria  regalis  monasterii  Sancti-Martini 
de  campis ,  libro  tertio ,  en  a  parlé 
d'une  manière  fort  honorable.  L-oj. 
MATHIEU  (François -Jacques - 
Antoise;,  dit  de  Reichshoffen,  du 
nom  d'une  terre  qu'il  possédait  en 
Alsace,  et  afin  de  le  distinguer  de  ses 


MAT 


311 


trois  frères  (Michel  Mathieu,  conseil- 
lera la  cour  deColmar,  mort  en  1840: 
Mathîcu-Favier ,  intendant  militaire, 
mort  en  1835;  et  le  colonel  Louis 
Mathieu,  mort  en  1842),  naquit  le 
4  janvier  1755,  à  Strasbourg,  où 
son  père  était  membre  du  conseil 
des  Treize  et  syndic  de  la  noblesse  de 
la  basse  Alsace.  Un  de  ses  aïeux  pa- 
ternels, Alexandre  Mathieu,  originaire 
de  Metz,  avait  été  chargé  de  l'organi- 
sation du  conseil  souverain  de  Cal- 
mar, lors  de  la  réunion  de  l'Alsace  à 
la  France,  et  y  siégea  en  qualité  de 
conseiller;  son  aieul  maternel  Fa- 
vier  y  fut  nommé  avocat-général. 
Jacques  Mathieu,  après  avoif  terminé 
ses  études  à  l'université  de  sa  ville 
natale,  entra  au  service  du  prince 
de  Hohenlohe,  et  fit  dans  cette  petite 
cour  la  connaissance  d'un  ancien  pré- 
sident de  la  chambre  impériale  de 
\Vetzlar.  Il  a  souvent  avoué  qu'il  a- 
vait  puisé  dans  ses  entretiens  avec  ce 
président,  non  moins  que  dans  les 
cours  des  universités  et,  dans  les  li- 
vres, ses  connaissances  sur  l'histoire 
du  dioit  public  germanique.  Loi^s 
de  la  révolution  de  1789,  Mathieu 
qui  en  avait  adopté  les  principes 
rentra  en  France,  fut  élu  procureur- 
général  syndic  du  département  du 
Bas-Rhin  en  1791,  et  à  la  fin  de  la 
même  année,  député  à  l'Assemblée 
législative.  Il  vota  constamment,  avec 
son  ami  Ramond  et  le  professeur 
Koch,  pour  la  monarchie  constitu- 
tionnelle, et  fut,  avec  ce  dernier,  mem- 
bre du  comité  diplomatique,  dont 
Rewbell  et  Ruhl  faisaient  aussi  par- 
tie. Après  le  10  août  et  pendant  toute 
la  durée  de  la  terreur,  il  se  tint  ca- 
ché afin  d'échapper  aux  persécutions, 
et  probablement  à  la  mort.  Après  le 
9  thermidor,  il  fut  employé  au  mi- 
nistère de  la  guerre  jusqu'en  1796,  et 
devint  sous-chef  de  division  au  mi- 


MAT 

nistère  des  relations  extérieures,  puis, 
en    1803,   conseiller  de  légation  de 
France   près    la    diète  germanique, 
et  publiciste    du  ministère  jusqu'au 
mois    d'août  1805.    Pendant  tout  le 
temps    que  Mathieu  fut  attaché    au 
ministère,  il  soutint   avec    force   et 
habileté  les   doctrines  du   droit   des 
jTcns  contre  les  maximes  fiscales  du 
Directoire;    et   même,  sous    le  con- 
sulat sa  fermeté  ne  céda  jamais.  Sou- 
vent le  ministre  adoucissait  ou  suppri- 
mait ce  qu'il  y  avait  de  trop  incisif 
dans  ses  rapports,  lorsqu'ils  devaient 
être  mis  sous  les  yeux  du  pouvoir. 
Ses  connaissances  dans  le  droit  public 
germanique  avaient  d'abord  fait  son- 
ger à  lui  pour   le  travail   qui  devait 
assurer    l'exécution   des   articles  des 
traités  de  Campo-Formio  et  de  Luné- 
ville,  relatifs  à  la  cession  de  la  rive 
gauche  du  Rhin  à  la  France.  Mais  l'in- 
flexibilité de  son  caractère  et  la  sévé- 
rité  de  ses  principes  en  matière  de 
droit  public,  firent  hésiter  entre  d'au- 
9       très  diplomates  et  lui.  On  s'adressa  à 
Gaillard ,  ancien  ministre  plénipoten- 
taire  près  la  Diète,  à  Rosenstiel,  qui 
avait  été  secrétaire  de  légation  du  plé- 
nipotentiaire  français  au  congrès  de 
Rastadt,  et  au  savant  Pfeffel,  auteur  de 
['Histoire   du  droit  public  d'Allema- 
gne ,    qui    revenait  de  l'émigration. 
PfefFel  refusa  de  concourir  à  la  dé- 
molition de  l'empire  germanique  ;  les 
plans   des  deux  autres   furent  jugés 
inexécutables.  On  fut  obligé  de  reve- 
nir à   Mathieu,  qui    présenta    deux 
projets    (1)  ;   le  dernier  fut   adopté 
par  le  premier  consul;  et  plusieurs  do 
ses  dispositions  furent  converties  en 
stipulations  dans  une  convention  con- 

(1)  Dans  le  premier  projet,  Mathieu  pro- 
posait le  réublisseinent  du  royaume  <le  Polo- 
gne en  fav(!ur  des  princes  de  la  inaison  de 
Bourbon.  On  ignore  si  le  rejet  de  cette  pro- 
position fut  le  fait  du  premier  consul  ou  de 
son  ;>0UYCl  allié. 


MAT 

due  entre  la  France  et  la  Russie,à  la  sui- 
te de  conférences  qu'eurent  en  présence 
de  Mathieu  le  ministre  Talleyrand  et 
le  comte  de  Markoff  (voy.  ce  nom,  ci- 
dessus,    p.  192),   ambassadeur  du 
czar.  Mathieu  fut  envoyé  à  Ratisbonne 
et  attaché  au  plénipotentiaire  français 
qui  devait,  conjointement  avec  les  plé- 
nipotentiaires russes,  diriger,  comme 
médiateur,  les  délibérations  de  la  diète 
germanique,  pour  la  cession  de  la 
rive  gauche  du  Rhin  et  le  règlement 
des  indemnités  des  princes  que  cette 
cession  dépossédait.  On  peut  donc  re- 
garder le  deuxième  projet  rédigé  par 
Mathieu  comme  ayant  été  en  grande 
partie  la  base  du  recès  de  1803.  Ma- 
thieu de  ReichshofFen  mourut  à  Tou- 
louse, le  8  octobre  1825.  Homme  de 
beaucoup  d'esprit,  il  avait  une  prodi- 
gieuse instruction  en  droit  public,  en 
histoire,  en  chronologie,  et  il  était 
même  versé  dans  les  hautes  mathé- 
matiques et  l'astronomie.      G — ^r — ^d. 
MATHIEU-Mwan;ja/  (J.-B.-Chab- 
LEs),  conventionnel,  né  à  Compiègne 
vers  1764,   fut,    au   commencement 
delà  révolution, rédacteur  du  Journal 
de  l'Oise  et  député  de  ce  département 
à  la  Convention  nationale,  en  1792. 
Dès  l'ouveiture  il  proposa  de  jurer, 
par  la  force  du  sentiment,  d'établir  la 
liberté  et  l'égalité.  Il  contribua,  le  29 
septembre,  à  faire  exclure  les  députés 
du  ministère.  Il  vota  ensuite  la  mort 
de  Louis  XVI,  le  rejet  de  l'appel  au 
peuple  et  celui  du  sursis.  Il  s'opposa, 
le  5  mars  1793,  à  ce  que  l'on  admît  une 
exception  en  faveur  des  jeunes  filles 
émigrées;  et,  suivant  l'avis  de  Robes- 
pierre, il  fit  décréter  que  toutes  celles 
qui  étaient  â{;ée8  de  plus  de  quatorze 
ans,  fussent  di^portées,  si  elles  ren- 
«raient,  et  la  seconde  fois  mises  à  mort. 
Après  le  31   mai  1793,  Mathieu  fut 
envoyé  à  Rordeaux  et  dans  la  Dordo- 
gne,  d'où  il  fut  bientôt  rappelé  par  un 


MAT 

motif  qui  lui  fait  honneur;  ce  fut 
comme  attiédissant  l'esprit  public. 
Nommé  ,  le  1"  septembre  1794  , 
membre  du  comité  de  sûreté  géné- 
rale, il  fit  décréter  l'oi^anisation  d'u- 
ne commission  de  police.  Le  2  dé- 
cembre, il  prit  la  parole  au  nom  de 
ce  comité,  le  disculpa  devoir  accordé 
trop  de  soins  aux  enfants  de  Ix>uis 
XVI,  et  prouva  facilement  que  ses 
mesures  n'avaient  pour  but  que  de 
s'assurer  de  leurs  personnes.  Il  ajouta 
•«  que  le  comité  savait  comment  on 
«  fait  tomber  la  tête  des  rois;  mais 
«  qu'il  ne  savait  pas  comment  on  fait 
•'  leur  éducation.  »  Cet  horrible  pro- 
pos est  d'autant  moins  excusable  qu'a- 
lors la  puissance  de  Robespierre  était 
tombée,  et  qu'il  n'y  avait  plus  aucun 
danger  à  exprimer  des  opinions  géné- 
reuses. En  février  1795,  Matliieu  fut 
réélu  au  même  comité  ;  le  8  du  même 
mois,  il  fit  un  rapport  contre  les  ter- 
roristes, et  annonça  l'arrestation  de 
Babeuf  et  la  fermeture  des  clubs  qui 
voulaient  défendre  les  bustes  de  Ma- 
rat,  renversés  alors  de  toutes  parts. 
Pendant  la  crise  du  12  germinal  an 
III  (avril  1793),  il  fijt  encore  le  rap- 
porteur des  mesures  prises  contre  les 
Jacobins,  et  entra  ensuite  à  la  com- 
mission créée  pour  préparer  les  lois 
organiques  de  la  constitution.  Il  vota, 
le  15  avril,  la  restitution  des  biens 
des  condamnés  ;  le  9  mai,  il  annonça 
les  massacres  qui  se  commettaient  à 
Lyon,  et  proposa  des  moyens  de  ré- 
pression. Il  contribua  aussi  à  délivrer 
la  Convention,  assiégée  au  1"  plairial, 
et  il  en  fut  nommé  président  le  25 
mai.  Devenu  membre  du  Conseil  des 
Cinq-Cents,  il  s'attacha  au  parti  direc- 
torial, et  sortit  du  Corps-Législatif  en 
mai  1797.  Il  devint  alors  commissaire 
près  l'administration  du  département 
de  la  Seine,  et  fut  réélu,  en  1798,  au 
Conseil  des  Cinq-Cents  par  le  dépar- 


MAT 


313 


teraent  de  l'Oise  et  par  l'assemblée 
électorale  scissionnaire  de  Paris,  qu  il 
présida.  Après  le  18  brumaire,  Ma- 
thieu fut  l'un  des  membres  de  la  com- 
mission législative  qui,  avec  celle  des 
Anciens,  prépaia  la  constitution  con- 
sulaire. Il  entra  ensuite  au  tribunat, 
où  il  disait  en  1801  :  «  Ce  serait  votre 
«  devoir,  tribuns,  de  faire  entendre 
«  chaque  jour  le  langage  austère  de 
"  la  vérité  ;  vous  ranimeriez  par  là  et 
«  sans  efforts  les  sentiments  républi- 
«-  cains  :  c'est  une  lyre  qui  lésoune 
«  presque  spontanément,  mais  ce  so- 
«  rait  pour  se  courroucer,  si,  contie 
«  toute  apparence,  des  vibr^^^^^s  des- 
«  potiques  venaient  ébranlei;*|'yair  qui 
«  l'environne.  »  Les  vibrations  que 
craignait  Mathieu  ne  tardèrent  pas  à 
se  faire  entendre;  et  il  fut  éliminé, 
c'est-à-dire  que  Bonaparte  le  chassa  du 
Tribunal  en  1804  ;  mais  il  fut  nommé 
directeur  des  droits-réunis,  dans  le 
département  de  la  Gironde.  Il  passa, 
en  1806,  avec  la  même  qualité,  dans 
le  département  de  la  Marne,  où  il  res- 
ta jusqu'en  1812.  Il  quitta  la  France 
en  1816,  comme  régicide,  et  rentra 
après  la  révolution  de  1830.  Il  s'était 
retiré  à  Condat  près  Libourne,  où  il 
mourut  subitement  le  31  octobre 
1833. —  Un  autre  Mi-nuEu,  ex-capi- 
taine et  plus  ardent  révolutionnaire 
encore  que  son  homonyme,  fut,  après 
le  10  août  1792,  un  des  membres  de 
cette  affreuse  commune  de  Paris,  qui 
organisa ,  sous  la  direction  de  Danton 
et  de  Billaud-Varenne,  les  massacres 
de  septembre.  Ce  fut  ce  même  Ma- 
thieu, qui  le  2  de  ce  mois,  se  pré- 
senta devant  Louis  XVI  et  l'accabla 
de  menaces  et  d'outrages,  afin  de  lui 
faire  signer  la  fameuse  lettre  pour  le 
roi  de  Prusse  {voy.  Billaud-Var£»e, 
LVIII,  280).  Ce  Mathieu  périt  sur  l'é- 
chafaud  au  9  thermidor  avec  Robes- 
pierre et  tous  ses  collègues.     M — o  j. 


314 


MAT 


MATHIEU  DB  LA  Redobte  (le 
comte  Maurice-David-Joseph),  géné- 
ral français ,  né  à  Ste- Affrique  le  20  fëv. 
1768,  d'une  ancienne  famille  de  pro- 
testants du  Rouergue,  entra  au  service 
en  1783,  comme  cadet  dans  un  régi- 
ment suisse  deMeuron.  Il  passa  ensuite 
dans  la  légion  de  Luxembourg ,  ser- 
vit dans  l'Inde,  et,  de  retour  en  France, 
fit  partie  du  régiment  de  Royal-Dra- 
gons, et  prit  part  à  toutes  les  campa- 
gnes de  l'armée  du  Rhin  ,  en  1792  , 
et  dans  les  années  suivantes.  Il  était 
adjudant  -  général  lorsqu'il  fut  em- 
ployé, en  1798,  en  Italie,  fit  la  cam- 
pagne de  Rome  et  de  Naples ,  et  mé- 
rita le  grade  de  général  de  brigade,  à 
la  suite  de  la  prise  de  Terracine,  où 
il  eut  un  cheval  tué  sous  lui.  Le  gé- 
néral Mathieu  continua  de  servir  en 
Italie,  après  la  reprise  des  hostilités 
entre  les  Napolitains  et  les  Fi-ançais, 
et  contiibua  beaucoup  à  la  capitula- 
tion de  Calvi.  Il  fut  blessé  au  bras 
d'un  coup  de  canon,  à  une  recon- 
naissance devant  Capoue,  et  quitta 
pendant  quelque  temps  le  service, 
pour  se  guérir  de  cette  blessure.  Il 
était  encore  en  Italie  quand  il  reçut 
les  portraits  du  roi  de  Naples  et  du 
pape  de  la  part  de  ces  deux  souve- 
rains ,  comme  une  marque  de  leur 
reconnaissance  pour  la  discipline  dans 
laquelle  il  avait  maintenu  les  troupes 
françaises  durant  leur  séjour  à  Naples 
et  dans  l'État  romain.  Elevé  ,  le  17 
avril  1799 ,  au  grade  de  général  de 
division,  il  passa,  en  septembre  de  la 
même  année,  au  commandement  de 
la  11'  division,  à  Bordeaux.  En  juil- 
let 1803,  il  alla  présider  le  collège 
électoral  de  l'Aveyron.  En  1805 ,  il 
fut  employé  au  corps  d'armée  du 
maréchal  Augereau,  dans  le  Brisgau, 
et  conclut  avec  le  général  Jellachich 
la  capitulation  de  l'armée  autrichien- 
ne ,  qui   fut   prisonnière.    Il    servit 


MAT 

en  1806  et  1807,  dans  la  campagne 
de  Prusse  et  de  Pologne,  fit  aussi  la 
guerre  d'Espagne,  se  distingua  à  Tu- 
dela  et  y  fut  blessé.  Il  secourut,  en 
1812,  le  fort  de  Balaguer  et  la  ville  de 
Tarragone,  et  fit  lever  le  siège  de  cette 
place.  Rentré  en  France,  en  1814,  il 
envoya  de  Blois  son  adhésion  à  la 
déchéance  de  Bonaparte.  Le  général 
Mathieu,  grand-officier  de  la  Légion- 
d'Honneur  depuis  1804,  fut  fait  che- 
valier de  Saint -Louis,  en  1814.  Em- 
ployé à  Toulouse,  en  1815,  il  com- 
manda la  10"  division  dans  le  mois  de 
juin  de  cette  année  ,  et  se  retira  en- 
suite dans  sa  terre  d'Horedorve.  Par 
ordonnance  du  9  avril  1817,  il  fut 
autorisé  à  ajouter  à  son  nom  propre 
le  surnom  de  De  La  Redorte ,  et  suc- 
céda ,  à  la  même  époque,  au  géné- 
ral Canuel  dans  le  commandement  de 
Lyon.  Il  fut  nommé  pair  de  France 
dans  la  fournée  des  soixante  en  1819 
(y.  Barthélémy,  LVII,  241).  Mis  en  dis- 
ponibilité en  1823,  il  mourut  en  1833. 
Mathieu  avait  épousé  une  demoiselle 
Clary ,  sœur  de  l'épouse  du  roi  Jo- 
seph, et  il  a  laissé  un  fils  qui  a  déjà 
acquis  quelque  célébrité.       M — d  j. 

ÂLA.T1VA  (MARics-EMMAsrEL),  issu 
d'une  des  anciennes  et  illustres  fa- 
milles de  la  Corse,  connues  au  moyen 
âge  sous  le  nom  de  famicilie  di  ca- 
jmrali,  naquit  à  Moita,  arrondisse- 
ment de  Corte,  en  1724-  Sa  famille  , 
qui  depuis  des  siècles  avait  figiu-é 
dans  tous  les  événements  mémora- 
bles dont  la  Corse  fut  le  théâtre,  se 
fit  remarquer,  lors  de  l'insurrection 
de  1729 ,  par  son  dévouement  à  la 
République  de  Gènes,  de  laquelle  elle 
tenait  une  immense  propriété  située 
dans  le  territoire  d'Aleria ,  propriété 
qui  avait  jadis  appartenu  à  cette  fa- 
mille ,  mais  que  le  gouvernement 
avait  confisquée  et  cédée  depuis  en 
emphythéose  à  un  des   ancêtres  de 


MAT 

Marius-Emmanuel.  Cette  propriété 
fut  probablement  la  cause  des  mal- 
heurs qui  plus  tard  vinrent  fondie 
sur  cette  famille.  L'insurrection  de 
1729 ,  instantanément  apaisée  par 
des  traités  qui  ne  furent  que  des  trê- 
ves, existait  encore  en  1754,  avec 
pins  d'animosité  que  jamais ,  lorsque 
Jean-Pierre  Gaffori ,  qui  commandait 
les  insurgents,  fut  assassiné  en  trahi- 
son par  son  propre  frère  Antoine- 
François  ,  poussé  à  ce  crime  par  des 
agents  de  la  répubUque.  Les  Corses 
élurent  pour  le  remplacer  Pascal 
PaoH  (voy.  ce  nom,  XXXII,  507). 
Matra  avait  paru  approuver  et  même 
favoriser  cette  élection.  Mais  il  fnt 
sollicité  par  les  Génois  de  se  présen- 
ter pour  partager  le  commandement 
avec  celui-ci.  Ils  espéraient  introduire 
par  ce  moyen  la  discoi-de  dans  l'île 
et  comprimer  par  là  ce  grand  mou- 
vement populaire.  Les  Génois  au- 
raient en  effet  atteint  ce  but ,  si  Pas- 
cal Paoli,  dans  sa  haute  prévision, 
n'eût  ouvertement  déclaré  qu'il  refu- 
sait d'accepter  un  collègue  au  géné- 
ralat,  alléguant  que  l'insurrection  ne 
pouvait  être  bien  dirigée  que  par  une 
seule  volonté  ,  et  qu'il  fellait  en  con- 
séquence opter  entre  son  compétiteur 
et  lui.  Matra,  comme  on  devait  s'y 
attendre ,  fut  écarté;  mais,  dès  ce  mo- 
ment ,  il  jura  à  Paoli  une  haine  qui 
plus  tard  devait  être  si  funeste  à  ce 
coupable  jeune  homme.  Voici  la  cir- 
constance qui  lui  servit  de  prétexte 
pour  faire  éclater  un  ressentiment  qu'il 
avait  de  la  peine  à  maîtriser.  Peu  de 
temps  après  l'élection  de  Paoli,  Matra 
sollicita  de  ce  général  la  grâce  d'un 
criminel  condamné  pour  meurtre  au 
dernier  supplice.  Paoli,  qui  tenait  à 
déployer  au  commencement  de  son 
administration  une  sévérité  nécessai- 
re, refusa  quoique  à  regret  la  faveur 
i-éclamée  par  son  ancien  compétiteur. 


MAT 


31' 


Ce  dernier,  considérant  ce  refus  com- 
me un  outrage  personnel ,  et  cédant 
à  un  ressentiment  fomenté  par  les 
agents  génois,  prit  les  armes,  s'entou- 
ra de  parents  et  d'amis,  appela  à  la 
révolte  les  cantons  dans  lesquels  sa 
famille  exerçait  le  plus  d'influence,  et, 
par  une  marche  rapide,  surprit  le 
général  Paoli  au  couvent  de  Bozio.  Ce 
coup  de  main,  aussi  audacieu  sèment 
conçu  qu'habilement  exécuté ,  mit 
dans  le  plus  grand  danger  les  jours 
de  Paoli,  qui,  assiégé  par  un  ennemi 
bien  supérieur  en  nombre,  et  repousse 
après  une  résistance  désespérée  jusqu'à 
la  partie  la  plus  reculée  de  l'édifice , 
n'avait  plus  qu'à  attendre  une  mort  glo- 
lieuse.  Alors  parut  sou  frère  Clément 
suivi  d'une  bande  de  guerriers  d'O- 
ressa,  qui  tombèrent  à  l'improviste  sur 
les  assaillants,  et  les  forcèrent  à  pren- 
dre la  fuite  avec  une  perte  considéra- 
ble. Matra  légèrement  blessé ,  voyant 
SCS  soldats  dispersés,  se  jeta  au  milieu 
des  fuyards  pour  les  rallier  et  les  ra- 
mener au  combat;  mais,  accablé  pai"  le 
nombre,  il  succomba  après  avoir  lutté 
avec  une  bravoure  au-dessus  de  tout 
éloge,  et  vraiment  digne  d'une  meil- 
leure cause  (1736).  Paoli  regretta 
amèrement  sa  mort;  il  avait  peut-être 
l'espoir  de  le  rallier  un  jom-  à  la  cau- 
se nationale,  et  de  se  servir  du  cou- 
rage et  des  talents  de  cet  infortuné 
jeune  homme.  G — ry. 

MAT  SYS  5  Met  ou  Me- 
TE-Nsis  (  CoRSEiLLE  )  ,  gravcur  ,  né 
dans  les  Pays-Bas  vers  1500,  fut  con- 
temporain d'Albert  Durer  et  de  Lucas 
de  Leyde ,  et ,  à  ce  qu'on  croit ,  élève 
de  Marc-Antoine.  On  a  de  lui  un 
assez  grand  nombre  de  pièces ,  soit 
de  son  invention,  soit  d'après  les 
maîtres  italiens.  Ses  figm-es  tiennent 
du  goût  de  cette  dernière  école  ;  elles 
ont  de  l'élégance  et  de  la  proportion , 
et  elles  laisseraient  peu  de  chose  à  de- 


Slf 


MAT 


sirer,  s'il  donnait  plus  d'expression  à 
ses  têtes.  Ses  ouvrages  sont  encore  re- 
marquables par  la  netteté  et  la  finesse 
duburin,  etleur  raretéles  rend  extrê- 
mement précieux.  Quoique  les  pièces 
attribuées  à  cet  artiste  soient  signées 
tantôt  Matsys ,  tantôt  Met  ou  Meten- 
sis,   l'opinion    générale  est  que  ces 
deux  noms  ne  désignent  qu'un  même 
individu.  On  connaît  de  lui  :  I   et  II. 
Traits  de  YHistoh-e  de  Samson,  mar- 
qués G  et  M  avec  la  date  de  1549. 
m.    Samuel  consacré  par    Héli.    IV. 
Melchisédech  bénissant  Abraham.  V. 
Le   vieux   Tobie  faisant    enterrer  les 
morts.  Ces  trois  pièces  sont  signées 
Cor.  Matsys.  VI  à  XI.  Six  sujets  de  la 
vie  de  Tobie;  pièces  d'une   extrême 
l'areté.    XII.  Ernest,  comte  de  Mans- 
feld  ,  in-4''.  XIU.  Cléopâtre  avec  l'as- 
pic, petite  pièce  en  travers,  1550.  XIV. 
Un  vieux  homme  et  une  vieille  femme 
dont  l'un  tient  un  panier  d'œufs  ,  pe- 
tite  pièce    datée    1549.   XV.   Judith 
avec  la  tête  d'Holopherne,  petite  pièce 
datée  1539.  XVI.  Une  bataille,  d'après 
Georges  Pentz,  petite  pièce  en  tra- 
vers. XVII.  La  Sainte-Famille  de  Ra- 
phaël, qui  fait  partie  du  Musée  du 
Louvre  et  qui  depuis  a  été  gravée  par 
Franc.  Porlly.  XVIII.  La  pêche  mira- 
culeuse, d'après    un   dessin    de  Ra- 
phaël, pour  les  tapisseries  du  Vatican, 
où  l'on  voit  sur  le  devant  des  grands 
oiseaux  aquatiques,  Corn.  Met  sculp., 
in-fol.  en  travers.  XIX.  La  peste,  pièce 
connue  en  Italie   sous  le  nom  de  il 
morbetto ,  gravée  par  Marc-Antoine  et 
regravécdu  même  côté  par  Corn.  Met, 
avec  son  monogramme  et  le  nom  de 
Raphaël,  in-folio  en  travers.  XX.  Le 
Christ  au  tombeau,  d'après  une  eau- 
forte  du  Parmesan,  in-4".     P — s. 

MATTEACCI  (Ange),  juriscon- 
sulte itahen,  né  eu  1535  à  Marostica 
dan8  le  Viccntin ,  étudia  le  droit  à 
l'Université  de  Padouc  et  se  rendit  à 


MAT 

Venise,  où  il  se  fit  un  nom  comme 
avocat  et- comme  savant.  Il  fréquen- 
tait assidûment  les  réunions  littéraires 
qui  se  tenaient  chez  le  nonce  Fachi- 
netti  et  chez  le  sénateur  Veniera.  Mat- 
teacci  possédait  les  talents  les  plus  op  - 
posés;  habile  avocat,  il  était  encore 
mécanicien  consommé.  Il  exécuta  plu- 
sieurs machines  de  son  invention. 
Appelé  à  l'Université  de  Padoue  pour 
y  expliquer  les  Pandectes,  il  ne  reçut 
le  titre  de  professeur  qu'en  1589  et 
ne  cessa  d'enseigner  qu'à  sa  mort, 
arrivée  le.  10  février  1600.  Sixte-Quint 
l'avait  deux  fois  appelé  à  Rome  pour 
le  consulter,  et  l'empereur  Rodol- 
phe II  lui  avait  conféré  successive- 
ment les  titres  de  chevalier  et  de 
comte.  Matteacci  a  laissé  :  I.  De  via  et 
ratione  artijiciosa juris  universi,  libri 
duo,  Yenise,  1591,  1593  et  1601. 
II.  Apologia  adversus  Bonifacium  Ro- 
gerium  ,  etc.,  Padoue,  1591.  III.  Ttac- 
tatus  de  partu  octrimestri  ,  et  ejus 
natura  adversus  vulgatam  opinionem  , 
libri  X,  Francfort,  1601.  IV.  Epitome 
legatorum.  et  jideicommissorum  me- 
thodo  ac  ratione  digesta,  Venise,  1600, 
et  Francfort,  1601.V.  De  jure  Veneto- 
rum  et  jurisdictione  maris  Adriaùci, 
Venise,  1627.  A— v. 

MATTILEUS  (A>toisk),  pro- 
fond jurisconsulte  et  savant  histo- 
rien, naquit  le  18  décembre  1635  à 
Utrecht,  d'une  famille  originaire  de 
la  Hcsse,  qui  a  produit  un  grand  nom- 
bre de  professeui's  distingués.  Son 
aïeul,  le  Papinien  de  son  temps,  et 
son  père  avaient  joui ,  comme  juris- 
consultes, de  la  plus  grande  réputa- 
tion, .laloux  de  marcher  sur  leurs 
traces ,  le  jeune  Antoine,  en  termi- 
nant ses  cours,  se  présenta  pour  le 
doctorat;  il  dédia  sa  thèse  aux  magis- 
trats d'Utrecht,  qui  lui  firent  délivrer 
par  le  trésorier  cent  florins  pour 
acheter  des  livres.   En  1660,   il   fut 


MAT 

nommé  professeur  extraordinaire  ;  et, 
comme  il  désirait  consacrer  ses  talents 
à  sa  patrie,  il  refusa  long-temps  les 
différentes  chaires  qui  lui  furent  of- 
fertes. Cependant  il  finit  par  accep- 
ter celle  de  droit  à  l'Académie  de 
Leyde;  il  la  remplit  dune  manière 
brillante,  et  mourut  le 25  août  1710, 
à  75  ans.  On  lui  doit  un  grand  nom- 
bre d'ouvrages  dont  on  trouvera  les 
titres  dans  le  Trajectum  eruditum ,  de 
Burmann,  et  dans  V  Onomasticon  de 
Sax,  V,  75.  Ceux  qui  ne  traitent  que 
du  droit  ont  vieilli  comme  tous  les 
ouvrages  du  même  genre,  et  ne  sont 
plus  guère  consultés.  Mais  on  recher- 
che encore  les  suivants  :  I.  De  nobi- 
litate,  de  principibus ,  de  ducibus  ,  de 
comitibus,  de  baronibus,  etc.,  Amster- 
dam, 1686,  in-i".  Ce  volume,  plein 
d'érudition,  contient  des  documents 
très-curieux  sur  l'origine  et  l'établisse- 
ment des  dignités  militaires,  civiles 
et  ecclésiastiques  au  moyen-âge.  II. 
De  jure  gladii,  et  de  toparchis  qui 
id  exercent  in  diocesi  ultrajectina , 
Leyde,  1689,  in-4°.  III.  Feteris  œvi 
analecta,  seu  vetera  aliquot  monumen- 
ta,  ibid.,  1698-1710,  10  vol.  in-8\ 
Cette  collection,  précieuse  pour  l'his- 
toire des  Pays-Bas,  a  été  réimprimée, 
La  Haye,  1738,  en  5  vol.  in-4°.  On 
trouve  la  liste  des  différentes  pièces 
dont  elle  se  compose  dans  le  Trajec- 
tum eruditum,  222.  IV.  Manuductio 
ad  jus  canonicum ,  Leyde,  1706.  C'est 
de  tous  ses  ouvrnjjes  celui  que  Mat- 
tliœus  regardait  comme  le  meilleur. 
Suivant  Struve,  Bibl,  juris. ,  chap. 
Xin,  parag.  17,  il  est  très-érudit.  V. 
Fundationes  et  fata  ecclesiarum  ul- 
trajecti  diocesis^  ibid. ,  1704  ,  in-4''. 
W— s. 
MATTHLE  (Georges)  ,  méde- 
cin allemand,  né  le  20  mars  1708  à 
Schwesing,  duché  de  Sleswig ,  fit  ses 
premières  études  au  gymnase  de  Ham- 


MAT 


317 


bourg  et  passa  ensuite  aux  universités 
de  Helmstaedt  et  de  Berlin.  Après 
avoir  exercé  quelque  temps  dans  sa 
patrie ,  il  fut,  en  1736,  nommé  con- 
servateur de  la  bibliothèque  de  Goet- 
tingue  ,  où  il  fit  en  outre  un  cours 
public  de  grec  et  de  latin.  L'univer- 
sité de  cette  ville  lui  conféra,  en  1741, 
le  grade  de  docteur  et  l'appela  onze 
ans  plus  tard  à  une  chaire  qu'il  con- 
serva jusqu'à  sa  mort,  arrivée  le  9 
mai  1773.  Il  s'était  occupé  surtout  de 
l'histoire  de  la  médecine.  On  a  de  lui  : 
Idea  professorum  académies  Georgeœ 
Augustœ,  quœ  Gœttingue  est.  Gœttin- 
gue,  1737  et  1738,  in-i".  IL  Conditor 
academiœ  minister,  carmen,  ib.,  1738, 
in-4''.  III.  De  habitu  mediciiue  ad  reli- 
gionem  secundum  Hippocratem,  ibid., 

1739,  in-4^^^^  TractatusphUosophid 
medici  Hippocratis,  quem  recensuit,  ib., 

1740,  in-4''.  V.  Dissertatio  de  praxi 
medicinali  secundum  theoriam  insti- 
tuenda,  ibid.,  1741,  in-4"'.  VI.  Allo- 
cutio  ad  medicinœ  cultores  in  univer- 
sitate  Georyia  Augusta,  ibid.,  1742,  in- 
4".  VIL  Disquisitio  de  cognitione  veri- 
tatis  in  medicina,  ibid.,  1743,  in-4*. 
VIII.  Recherche  sur  cette  question  : 
Le  christianisme  est-il  d'une  utilité 
particulière  en  médecine,  en  allemand, 
Helmstaedt,  1743,  in4<'.  IX.  Recher- 
ches sur  un  traité  d'Hippocrate  en  alle- 
mand, même  année  et  même  format. 
X.  Novum  locupletissimum  manuale 
lexicon  latino  - germanicum  et  ger- 
manico-latinum ,  Halle  ,  1748,  2  vol. 
in-S".  XI.  Programma  de  laude  Dei 
in  Hippocrate ,  Gœttingue,  1755,  in- 
4".  XII.  Conspectus  historiœ  medico- 
rum  chronologicus,  in  usum  prœlectio- 
num  academicarum  confectus ,  ibid. 
1761,  in-8*'.  Dissertatio  de  vera  sani- 
tatis  humanœ  notione,  ibid.,  1765 
in-4*'.  Xm.  Dissertatio  de  A.-C.  Celsi 
medicina  continens  additiones  ad  D. 
Clericumy    J.-A.    Fabricium.     J.-U. 


318 


MAT 


Schulzium,J.-B.  Morgagnum  et  alios, 
ibid.,  1766,  m-4».  Z. 

MATTHIAS  (Jean -André),  sa- 
vant allemand,    né  à    Magdebourg, 
le  9  avril  1761,   était  fils    d'un   fa 
bricant  de  draps,  qui  voulait  en  faire 
un  artisan,  et  qui,  à  cet  effet,  le  mit 
en  apprentissage  chez  un  chapelier, 
puis  chez  un  tisserand-  Mais  les  arts 
mécaniques  ne  lui  plaisaient  point,  et 
il  trouva  heureusement  dans  la  bien- 
faisance   d'un     proche     parent     les 
moyens  de  fréquenter  le  collège  de 
Notre-Dame  de  Magdebourg.  Il  y  fit 
des    progrès    si    rapides,    que,  dès 
l'âge  de  dix-sept  ans,  il  avait  passé 
par  toutes  les  classes  de  cet  établisse- 
ment; et  ,  aussitôt  après,  il  se  ren- 
dit à  l'Université   de  Halle  où  il  se 
livra  à   l'étude  de  la  théologie,  qu'il 
termina   en  1783.    Revenu   dans   sa 
ville  natale,  il  fut  nommé,  en  1784, 
professeur  de  langue  latine  et  de  lan- 
gue grecque  au  même  collège,  oh  il 
avait  commencé  son  éducation  scien- 
tifique. Lorsque,  en  1793,  la  place  de 
recteur  du  séminaire  de  la  cathédrale 
de  Magdebourg  fut  devenue  vacante 
par  la  mort  du  docteur  Funck,  Mat- 
thias l'obtint ,   et  en  même  temps  la 
fabrique  de  cette   église    le  nomma 
premier  conservateur  de  sa  riche  bl- 
bUothèque,  fonctions  dont  il  resta  in- 
vesti jusqu'à  l'époque  de  la  création 
du  royaume  de  Westphalie.  En  1814, 
le  roi  de  Prusse  lui  conféra  le  titre 
de    conseiller    d'instruction    scolaire 
{schulrath),  et  le  chargea  de  réformer 
tous  les  établissements  publics  d'édu- 
cation de  la  j)rovincc  de  Saxe,  d'après  le 
nouveau  plan  qui  venait  d'être  adopté 
pour  toutes   les    institutions    de    ce 
genre.  C'était   une   mission  difficile, 
dans  un  pays  habité,  comme  la  Saxe 
prussienne  ,     par    des     populations 
d'origine  et  de  croyances  diverses,  et 
répies  par  des  lois  différentes  ;  car  il 


MAT 

fallait  combattre  un  grand  nombre 
de  préjugés  enracinés  depuis  des  siè- 
cles, concilier  des  opinions  et  des  ma- 
nières de  voir  diamétralement  oppo- 
sées, et  établir  en  quelque  sorte  des 
rapports  nouveaux,  entre    les  auto- 
rités ,    pour  tout  ce  qui  concernait 
l'enseignement.   Matthias  ,    grâce    à 
son     zèle  ,    à    son     savoir  ,    et    à 
la  douceur  de  son    caractère,    par- 
vint à  surmonter  peu  à  peu  tous  les 
obstacles,   et  en  moins  de  cinq  ans 
plus  de    deux   mille    établissements 
d'éducation  furent  réorganisés  et  de- 
vinrent des  modèles  dans  leur  genre. 
Le  roi,  pour  récompenser  de  tels  ser- 
vices, nomma  Matthias  chevalier  de 
l'ordre  de   l'Aigle-Rouge,    troisième 
classe,  et,  peu  de  temps  après,  l'Uni- 
versité de  Halle,  où  il  avait  étudié  la 
théologie,   lui  décerna   le   grade    de 
docteur  en  cette  science.  Malgré  les 
nombreux  travaux    et  les  fréquents 
voyages  que  la  réforme  des  écoles  lui 
imposa,  il  avait  conservé    sa   place 
de  recteur  du  séminaire  au  Gymnase 
de  la  cathédrale  de  Magdebourg,  et 
il  l'occupa  jusqu'à  sa  mort  qui  arriva 
le  25  mai  1837.  On  a  de  lui  :  L  Une 
traduction  allemande  des   Eléments 
d'Euclide,  Magdebourg,  1799,  in  8°. 
IL    Géométrie  élémentaire  ,    Magde- 
bourg,   1811,    in-8''.    III.    Guide   de 
l'enseignement   dcx   écoles  primaires, 
Magdebourg,  1814,    in-8''.  Ce  livre 
eut  six  éditions,  dont  la  dernière  est 
de  1834'.  IV.  Exfdication  relative  au 
précédent    ouvrage ,     Magdebourg , 
1828,   in-8".  V.    Mémoires    péda- 
(fogiques   et  littéraires^    suivis    d'une 
notice     historique    sur  le     séminaire 
de  la  cathédrale  de  Magdebourg, 'ihitl., 
1824-1829,  3  vol.  in^".    M— a. 

MATTIIISSOi\     (FnKDKRIC  dk), 

célèbre  poète  lyrique  allemand,  né  le 
23  janvier  1761,  à  liohendodeleben, 
près  de  Magdebourg,  perdit  de  bonne 


MAT 

heure  son  père,  qui  était  baiili  de  dis- 
trict, et  fut  élevé  jusqu'à  sa  quator- 
zième année  chez  son  aïeul  paternel, 
ministre  protestant  dans  sa  ville  na- 
tale. Il  fréquenta  ensuite  le  Lycée 
(le  Kloster-Bergen,  et  plus  tard  l'Uni- 
versité de  Halle  ,  où  il  commença 
d'étudier  la  théologie  ;  mais  bientôt 
il  abandonna  cette  science,  et  cul- 
tiva avec  zèle  la  philologie  et  les  lit- 
tératures modernes.  Il  accepta ,  en 
1783,  une  place  de  professeur  à  l'Ins- 
titut d'éducation  de  Dessau  ;  et ,  en 
1783,  il  devint  précepteur  de  deux 
jeunes  Livonais,  avec  lesquels  il  voya- 
gea, et  séjourna  successivement  à  Al- 
tona  ,  à  Heidelberg  et  à  Manheim. 
Puis  il  alla  passer  deux  années  auprès 
de  son  ami,  le  philosophe  Bonstetten, 
à  Nyon  sur  le  lac  de  Genève  (voyez 
BossTETTïTs,  LVIII,  579).  De  là,  il  se 
rendit  à  Lyon,  où  il  fut  chargé  de  l'é- 
ducation du  fils  d'un  négociant,  et 
après  Fa  voir  terminée,  en  1792,  il  re- 
vint dans  sa  patrie.  En  1794,  la  prin- 
cesse d'Anhalt-Dessau  le  choisit  pour 
son  lecteur,  et  en  cette  qualité  il  l'ac- 
compagna pendant  les  années  1796- 
1808,  dans  ses  voyages  à  Rome,  à 
Kaples,  dans  le  Tyrolet  dansla  Suisse. 
Après  la  mort  de  cette  princesse ,  en 
1812,  il  entra  an  service  du  roi  de 
Wurtemberg,  qui  lui  conféra  le  titre 
de  conseiller  intime  de  légation  .  le 
nomma  intendant  des  théâtres  de  la 
cour,  premier  conservateur  de  la 
bibliothèque  royalo  de  Stuttgard,  et 
lui  accorda,  en  1818  ,  des  lettres  de 
noblesse  héréditaire.  Il  suivit,  en  181 9, 
le  duc  Guillaume  de  Wurtemberg 
en  Italie,  et  passa  avec  lui  plusieurs 
mois  à  Florence.  Le  roi  actuel  de 
Wurtemberg  le  créa,  en  1825,  che- 
vaher  de  l'ordre  de  la  Couronne  de 
Wurtemberg.  Matthisson  est  mort  à 
Woertlitz,  le  12  mars  1831,  âgé  de  70 
ans.  Ses  poésies  lyriques,  ont  acquis 


MAT 


319 


une  grande  célébrité  partout  où  l'on 
aime  et  cultive  la  littérature  alleman- 
de :  elles  se  distinguent  à  la  fois  par 
l'exquise  délicatesse  avec  laquelle  l'au- 
teur traite  les  sentiments  les  plus  in- 
times du  cœur  humain,  par  leur  verve 
et  leur  chaleur,  par  leur  correction 
et  leur  élégance,  qualités  devenues 
extrêmement  rares  chez  les  poètes  de 
notre  époque.  Matthisson  a  aussi  pu- 
blié quelques  ouvrages  en  prose,  qui 
ont  en  grande  partie  pour  objet  ses 
nombreux  voyages,  et  ses  relations 
avec  des  personnes  célèbres,  telles  que 
Bonstetten,  madame  Frédérique  Brun 
(voy.  ce  nom,LIX,  353^  l'évéque  Mun- 
ter,  de  Copenhague,  etc.  Voici  la  liste 
de  ses  œuvres  :  I.  Chansons,  Breslau, 
1781;  2«  édit.,  1783,  1  vol  in-8».  n. 
La  famille  heureuse ,  comédie  en  5 
actes  ,  Dessau ,  1783.  III.  Poésies,  Man- 
heim, 1787,  in-8''.  IV'.  Lettres,  Zurich, 
1795  et  1796  ;  nouvelle  édition,  ibid., 
1800,  in-8».  V.  Bas-reliefs  au  sarco- 
phage du  siècle,  Tubingue,  1798,  in- 
4".  VI.  Aventures  dAlin,  Tubingue, 
1 799,in-8''.Vin.Po<^ii>s,  en  société  avec 
M.  J.-G.  de  Salis,  Zurich,  1808,  un 
vol.  in-8''.  VIII.  Poésies  complètes,  Tu- 
bingue, 1811, 2  vol.  in-8°.  IX.  La  fête 
de  Diane  à  Bebenhausen,  avec  gravu- 
res et  musique,  Zurich,  1814,  in-4''. 
X.  Souvenirs,  Zurich,  1811-1816,5 
vol.  in-8'*.  XI.  Œuvres  posthumes,  et 
correspondance  avec  ses  amis  intimes, 
Berlin  ,  1830  ,  4  vol.  in-12.  Il  a  lui- 
même  publié  une  édition  complète  de 
ses  œuvres,  qui  a  été  imprimée  à  Zu- 
rich, 1825-1829,8  vol.  in-8».  M— a. 
MATTIOLI  (Loris),  peintre  et 
graveur  à  Feau-forte,  naquit  en  1662 
à  Crevalcuore ,  dans  la  principauté  de 
Masserano.Venu  fort  jeime  à  Bologne, 
il  suivit  l'école  de  (^b.  Cignani;  mais  son 
talent ,  comme  peintre ,  n'aurait  pu  le 
sauver  de  l'oubli  ;  il  se  mit  alors  à  des- 
siner à  la  plume  des  vues  et  despaysa» 


320 


MAT 


^es.  La  perfection  qu'il  apporta  dans  ces 
ouvrages  ne  tarda  pas  à  le  faire  con- 
naître, et  ils  furent  avidement  recher- 
chés. Mattioli  conçut  alors  le  projet 
d'en  graver  quelques-uns  à  l'eau-forte 
et  ne  réussit  pas  moins.  Lié  d'une 
étroite  amitié  avec  Crespi ,  surnommé 
lo  Spagnuolo,  il  grava,  d'après  ce 
maître ,  vingt  estampes  destinées  à  or- 
ner le  poème  de  Bertoldo,  Bertoldino 
eCacasenno;  la  Présentation  au  tem- 
ple ;  le  martyre  de  saint  Pierre;  saint 
Antoine,  et  saint  Vincent-Ferrier.  Il 
grava  également ,  d'après  les  Carra- 
ches,  la  Circoncision,  l'Adoration  des 
Mages,  l'Annonciation,  etc.  Cette  der- 
nière pièce  est  très-rare  et  fort  esti- 
mée ;  et  enfin,  d'après  le  Guerchin,  une 
suite  de  quinze  paysages, y  compris  le 
titre,  ornés  de  figures  et  de  fabriques, 
etc.  Mattioli  mourut  à   Bologne  en 

1741.  P— «• 

MATTIUS    ou    MATIUS 

(Cn«cs),  poète  distingué  du  siècle 
d'Auguste,  fut  le  protégé  et  l'ami  de 
Jules-César,  il  cultiva  ,  avec  un  suc- 
cès égal,  la  poésie  épique  et  la  poésie 
dramatique  ;  il  traduisit  en  vers  latins 
l'Iliade  d'Homère,  comme,  long-temps 
avant  lui,  Livius  Andronicus  avait 
traduit  l'Odyssée.  Varrou  ,  son  con- 
temporain ,  et  Aulu-Gelle  nous  ont 
transmis  plusieurs  beaux  vers  de 
cette  traduction  (voy.  Varr.,  de  ling. 
latin.,  lib.  VII,  cap.  4;  et  Aul.  GeU., 
lib.  VI,  cap.  6).  Mais  Cnaeus  Mattius 
s'est  rendu  surtout  célèbre  par  des 
mimiambcs,  qui  sont  souvent  ci- 
tés. Il  ne  subsiste,  pourtant,  de  ces 
compositions  qu'une  vingtaine  de 
vers,  épars  dans  Aulu-Gelle,  Ma- 
crobe,  Terenlianus  Maurus  et  les 
gramtiairiens  Nonius  et  Priscien. 
L'exquise  délicatesse  qui  brille  dans 
ce»  fragments  fait  vivement  déplorer 
qu'ils  soient  en  aussi  petit  nombre.  Il 
est  remarquable  (jue,  dans  presque 


MAT 

tous  les  passages  oii  les  anciens  par- 
lent de  Mattius,  ce  soit  avec  l'épi- 
thète  de  docte  ;  ce  qui  vient  proba- 
blement de  ce  qu'il  était  fort  versé 
dans  la  lecture  des  anciens  poètes, 
dont  il  aimait  à  rajeunir  les  expres- 
sions les  plus  heureuses.  Il  excel- 
lait aussi,  suivant  Aulu  -  Celle  ,  à 
créer  de  nouvelles  et  ingénieuses 
locutions.  D'habiles  critiques  veulent 
que  l'on  distingue  Caïus  Mattius  dont 
ii  reste  une  belle  et  noble  lettre 
adressée  à  Cicéron  après  le  meurtre 
de  Jules-César  fAd  famil.,  lib.  XI, 
Epist.  28),  de  Cnseus  Mattius,  le  mi- 
mographe.  Mais  les  raisons  sur  les- 
quelles ces  critiques  appuient  leur 
opinion  ne  paraissent  que  médiocre- 
ment probantes.  Dans  le  peu  que  nous 
savons  de  Caïus  et  de  Cnaeus  Mattius, 
il  n'y  a  rien  qui  ne  puisse  fort  bien 
se  rapporter  à  un  même  homme.  Ce 
qui  nous  semble  prouver  que  l'ami 
du  dictateur  doit  avoir  été  le  célèbre 
poète,  c'est  1"  la  protection  éclatante 
que  César  ne  cessa  d'accorder  aux 
mimographes;  2"  la  nullité  du  rôle 
politique  qu'aurait  joué  ce  prétendu 
homme  d'État,  qui  ne  fut  revêtu 
d'aucune  magistrature  et  qu'on  voit, 
seulement  dans  une  occasion ,  chargé 
par  César  du  soin  de  certains  jeux 
(Cicev.,  Ad  famil.,  lib.  XI,  Epist.^); 
3"  enfin,  ce  que  rapporte  Suétone  du 
témoignage  demandé  à  Caïus  Mattius, 
au  sujet  de  la  naissance  d'un  fils  de 
César  et  de  Cicopàtre  (Suetou. ,  Cws., 
cap.  52).  Cette  circonstance  s'appli- 
que, à  notre  avis,  beaucoup  moins 
convenablement  à  un  personnage  po- 
litique qu'à  un  poète,  homme  de  plai- 
sir, commensal  do  César  et  confident 
naturel  des  bonnes  fortunes  <lc  son 
tout-puissant  protecteur.  M — i; — s. 
MATTIjSCIIIîA  ( Hkmu-Gode- 
Knoi,  comte  de)  botaniste  silésien , 
naquit  à  Jauer  le  22  fcvrici-  173*.  Il 


\1  \  !  MAI 

la  juri»-     e(.  lui  U|s«a  la  chai 


321 


conouiic 

-  ■        lies  il  ac- 

I  grande  réputation.  Il  mou- 

i  '.>  nov.  1779.  On  lui  doit  ime 

■  Silésie  (Fi  na),  ùè*- 

'  -  -  •  -  I  mi 't;,  Brcslau, 

77;  III,  1779. 

S'.  Z. 

:^f  ATTIUX  ;;  ;    .  .RLKs-R.> 

li'te    ut   10; 
e.i  1782.  ^ 


os.  Son  père  occupait  un  em- 

Moet  lucratif,  et  il  ne  né- 

0111   lui  donner  une  édii- 


isie\u*s  prix,  sans  annoncer  toute- 
-  1'"  talent  qu'il  déploya  dans  1  ■ 
peine  sorti  des  bancs  de 
t.oif.   il  épousa   Henriette  Ki     ' 
jeune  personne  qu'il  avait  ar 

'  ■     e  et  qui  le  i-endit  père  de  plu- 
iifants.  il  entra  dans  les  ordres 
et  tut  attaché    comme    desservaii 
!a  paroisse  de   Sain^-Pierre.   A  ci 
oque  son  père,  accusé  de   mal\ 
•^  ,ior^.    l'exercice  de  sa  chai gc, 
•t  ne  put  ensuite,  mai- 
gre la  pieuvt    '     -       i        , 

tenir  d'être  ii 

un  état  de  gêne  d'autant  plu.*  ; 
qu'il  avait  le  goiit  de  la  dej. 
du  luxe,  et  ^jue  les  modiques  ap- 
pointements de  son  ministère  étaient 
loin  d"y  suffire,  Maturin  tâcha  de  re- 
médier au  malheur  qui  frappait  sa 
famille  en  fondant  un  pensionnat 
pour  de  jeunes  élèves.  Cet  établisse- 
ment était  en  voie  de  prospérité, 
lorsqu'une  circonstance  le  força  d'y 
renoncer  ;  un  ami  qu'il  avait  impru- 
demment   cautionnr    pi  if    li     fiii*.  . 


JO)i    f.     c. 


théâtre  de  Crow-Street,  une  tragédie 

■..~</e. 

■  e, 

et  cet  éthec  lie  le  i  a- 

tit  pour  Londres  et  ;  u,. 

lit  avoir 

Celui-ci  reconi 

dais  '~  '"-'  ■' 
du  . 

.  -  I    '  lie, 

kea»    iii  le 

,  ,  ,  eut  im  suc.    ^^ju- 

se  :  elle  attira  un  grand  concours  de 


—      '    ■  _.-  du 

tre,  il  revint  à  i  publia 

■ssivement  p'-;-  -,  qui 

-irent.  Qui  ,. 

vaux   ne    -      '  ,|^. 

avec  l'exi  ,. 

nrin  en  iemplis;>ait  > 
i    les  devoiis;    il  pu,  .(x 

fs  et  prononça,  pendant  le  ca- 
<-..LC  de  182i,  six  sermons  de  con- 
troverse -T|ui    sont   fort    estimés.     Il 


mourut  le  30   octob 
plupart  de  ses  ouvi 


turelle»,  <i 
crimes  et  1 1        . 
qui  fit  donner  à  lé*: 
titre  '1*-   *-VJ..A/ M-' 


iiiL   La 
écrit» 

On 

-ts-,  det> 


mi-meiue  le 
me.  Cepen- 
21 


m 


MAT 


dant,  malgï-e  quelques  exagérations 
dans  les  pensées  et  le  style,  les  meil- 
leurs critiques  s'accordent  à  lui  re- 
connaître des  beautés  de  premier 
ordre.  On  a  de  lui  :  I.  La  famille 
Montoiio,  ou  la  fatale  vengeance,Dn- 
blin,  1807,  3  voj.  in-12;  trad.  en 
français  par  J.  Cohen,  Paris,  1822, 

3  vol.  in-12.  II.  Le  petit  Irlandais, 
Dublin,  1808,  3  vol.  in-12.  IH.  Les 
Milésiens,  Dublin,  1811,  3  vol. 
in-12.  IV.  Bertram,  ou  le  château 
de  S. - Aldobrand ,  Londres,  1816, 
in-S"-,  tragédie,  trad.  en  français  par 
MM.  Taylor  et  Charles  Nodier,  Pa- 
ris, 1821,  in-8°.  V.  iîfa»iue/,  tragé- 
die, Londres,  1817,  in-8^  VI.  Eve,  ou 
amour  et  religion^  Londres,  1817,  3  V. 
in-12  ;  trad.  on  français,  Paris,  1818, 

4  vol.  in- 12  VU.  Pour  et  contre,  ou 
les  Femmes,  Dublin,  1818,  3  vol. 
in-12.  VIII.  Fredolpho,  tragédie,  Lon- 
dres, 1819,  in-8».  IX.  Melmoth  le 
vagabond,  Dublin,  1820,  4  vol.  in- 
12;  trad.  en  français  par  J.  Cohen, 
Paris,  1821,  6  voi.  in-12.  X.  L'Uni- 
vers, poème,  Dublin,  1821,  in-8°.  XI. 

^  Les  Albigeois,  Dublin,  1824,  3  vol. 
in-12;  trad.  en  français,  Paris,  1825, 
4  vol.  in-12.  Z- 

MATUSZEWIC  (Thadék),  né 
dans  le  palatinat  de  Brzesc-Litewski 
v(rs  1764,  fut,  en  1788,  élu  nonce  de 
son  palatinat  pour  la  diète  de  quatre 
arié.  Il  y  apporta  une  figure  prévenan- 
te, une  voix  sonore,  une  élocution 
lucide,  énergique,  et  une  si  grande 
facilité  de  travail,  que,  sans  avoir 
préparé  ses  discours  ,  il  entraînait 
par  l'ordre  de  ses  idées,  par  les  char- 
mes de  son  débit,  la  justesse  et  l'élé- 
gance de  ses  expressions.  Il  fut,  dans 
cette  diète,  qui  vit  paraître  de>;  hom- 
mes si  éloquehts  ,  un  des  oral 
plus  distingués.  Ce  fut  lui  (im  i  - 
séance  du  3  mai  1791 ,  lut  le  uii.p'.ii 
de  la  députalion  qn  (  hargée 


MfT. 

de  rédiger  l'acte  fondamental.Laconr 
fédération  de  Targowitze  ayant  dé- 
truit toutes  ses  espérances,  Matuszewic 
abandonna  les  affaires.  En  1794,  Kos- 
ciuszko  l'appela  au  conseil  de  l'admi- 
nistration civile.  La  Pologne  ayant 
cessé  d'être,  il  rentra  dans  la  retraite, 
et  épousa  une  comtesse  Przebendows- 
ka ,  parente  du  prince  Adam  Czarto- 
ryski,  ce  qui  établit  des  liaisons  intimes 
entre  les  deux  familles.  Matuszewic, 
dont  les  possessions  étaient  situées  dans 
la  partie  autrichienne  de  la  Pologne , 
ne  prit  aucune  part  aux  mouvements 
de  1806  et  1807.  En  1809,  U  reparut 
et  accompagna  le  comte  Potoçki,  qui 
se  rendit  à  Vienne  pour  plaider  prè? 
de  Napoléon  la  cause  des  Polonais. 
Frédéric-Auguste  ,  grand-duc  de  Var- 
sovie, l'appela  au  conseil  d'État,  et  il 
lui  confia  le  ministère  des  finances. 
Ce  poste  devint  extraordinairement 
pénible  en  1812,  lorsque  les  armées 
françaises,  marchant  vers  Moscou,  se 
jetèrent  comme  un  torrent  sur  la  Po- 
logne. Le  roi  de  Saxe  résidant  alors  à 
Dresde,  Matuszewic  lui  écrivait  tous 
les  jours  pour  lui  rendre  compte  de 
ce  qui  s'était  passé  dans  le  conseildes 
ministres,  à  la  diète  et  dans  le  grand- 
duché.  Le  jouinal  et  la  copie  de  cette 
correspondance  sont  entièrement  de 
sa  main.  Il  ne  se  faisait  aider  quepour^ 
les  détails  de  l'achninistration.  Une 
diète  hit  convoquée.  Le  pr  n 

Czartoryski  ayant  été  noiin  ,  - 
dent,  Matuszewic  fut  chargé  de  com- 
poser le  discours  pour  l'ouverturf, 
qui  devait' avoir  lieir*Ie  26  juin 
L'abbé  de  Pradt  a   ^  ■;  'f^t'^ 

circonstance   quelqu  '''  ''"" 

Histoi 

,lurL.  ■     ■■ 


.  '  M.  >  m    ,.i.i....v<nvi< 
M  il.    endormit  tc"^ 


prétend  que  li   (ii>- 

lii  dans  Ir  ((ill- 


{ 


MAU 


ine  un  aut 


.nsporta  d'ad- 

it(    .  ^-c^;;.blée,  mais  qui. 
:'olëon  par  le  prélat  ;» 
ijassaaeur.    t^ut    trouvé  trè*-raauvai>. 
Après  avoir    passé   quelques  années     pour  suivre  l'armée  du  (! 

lourut  à  Tubinguc,  en 
!  d    a\-nit   ptiMié  .    de 


la  cour  de  Stuttgard,  il  fu 

anneli'   à    la    cliairr  d'nn.* 

111(11?  Il  uiifi  1  uiiiini  nt_'u\  ! 


323 


éta 
d'à 

dit 


it  tenue  api 
(lu    royaii' — 
jrée;    la    t 


■ne,   178ri 


:nedico- 


;reuse  de 


manuscrit  1 


oat 

il    avait  aussi 
Jésus-Christ, 


pai 

parlai  tement 
traduit    l'Lr. 
dont  il  légua  le  manuscrit  à  la  com- 
tp„c.>  KiVli  «a  fille,  qui, pour  it^nnln 
-  volontés  de  so! 
1  tif'  le  publier.  Cette  dame  riiou- 

t    peu  après,    en    1822.    L'empe- 
reur A^ 
comte 
doi  im- 

ba>^    __::__  _  -ic  à 

!a  cour  de  Londres.  <i — ^ 

MAUCHARD  (Burkh^rd-Dan 
médecin    allemand,   né    le  19    a 
1696,  était  fils  d'un  médecin  di>ti!i- 
gué  de  Marbach.  Il  fit  ?e«  pi-einière* 
études  au  collège  de  Sti  ' 
sa  ensuite  à  l'université 
puis  à  celle  d'Altdorf.  Revenu  auprès 
de  son  père,  il  exerça  la  médecine, 
mais  il  quitta  de  nouveau  sa  patrie 
pour  TON  '   0  rendit  à  Strasbourg, 

puisai  pendant  deux  ans, 

il  s'appliqua  surtout  à  l'observa- 
tion des  maladies  de  l'œil.  Après 
avoir  été  quelque  temps  médecin  de 


jy/nniema  ctiii  urnicutn  de  extraclionc 
catàractté  ultra  per^cienda,  Tubin- 
gne.  '"    ■/■         ■'      ''     '  ■(- 

bingue,  1762.  in-i". 
MATTTrRFSTfFA 

>ille.  V. 

MAl'liiU        '^  .iKA>-AMOIN! 

que  constitutionnel ,  naquit  \< 
'"'-  >mp    (dépa! 

-    avoir  t' 


mei  I 

roi-- 


:ia- 

-    --^.,-..de 

~   compatriotes,  et 

"   —  1-'>f    Au 


(  onduit,  '  en  brigade,  jus- 

qu'à Pari  lissait  depuis  sept 

mois  dai] 
gerie,  loi -^ 

dit  à  la  liberté.  De  retour  à  Saint-Dié, 
il  assembla,  le  26  juillet  1797.  v"  <^' - 
node  diocésain.  Peu  de  temp- 
il  assista  au  premiti  '  uai 

qui  ftit  tenu  à  Pari-  nu 

à  Saint-Dié,  il  fi.it 
tribunal  correction!; 
l'accusation   d'avoir     i^    pui 

21* 


MAU 

Lettre  synodique  du  concile  général  de 
France  aux  pères ,  aux  mères  et  à 
tous  ceux  qui  sont  chargés  de  l éduca- 
tion de  la  jeunesse  ;  2"  d'avoir  occa- 
sionné des  troubles  par  ses  discours 
pastoraux,  et  fait  l'office  publique- 
quementdans  une  église,  sans  la  sou- 
mission préalable  à  la  loi  du  serment. 
Condamné  pour  ces  faits,  le  6  germi- 
nal an  IV,  à  cent  francs  d'amende  et 
à  six  mois  d'emprisonnement,  il  en 
appela  au  tribunal  criminel;  mais  une 
lettre  de  François  de  Neufchâteau , 
alors  membre  du  Directoire,  fit  cesser 
les  poursuites.  Maudru  ayant  repris 
ses  fonctions  ,  convoqua,  à  la  fin  d'a- 
vril 1800,  un  second  synode  à  Mire- 
court,  et  se  rendit  l'année  suivante  à 
Paris,  pour  assister  au  2"  concile  natio- 
nal Après  le  concordat,  ilfit  preuve  de 
soumission  au  Saint-Siège  en  se  dé- 
mettant de  son  évêché,  et  il  accepta  la 
cure  de  Stenay,  qu'il  conserva  jus- 
qu'en 1815.  S'étant  déclaré  pour  Na- 
poléon, pendant  les  Cent-Jours,  il  fut, 
à  la  seconde  restauration,  obligé  de 
renoncer  à  sa  cure,  et  exilé  à  Tours. 
Après  l'ordonnance  du  5  sept.  1816, 
il  alla  se  fixer  à  Belleville,  près  Paris, 
et  y  mourut  le  13  sept.  1820.  Gré- 
goire prononça  un  discours  sur  sa 
tombe.  Outre  plusieurs  Mandements^ 
Lettres  et  Instructions  pastorales,  Mau- 
dru avait  publié  :  I.  les  Brefs  at- 
tribués à  Pie  yi,  convaincus  de  sup- 
position, OU  Lettre  à  Thumery,  prêtre 
à  Saint-Dié,  1795,  in-8».  II.  Sur  les 
rétractations,  1797,  in-8°.  III.  Statuts 
du  synode  de  Mirecourt,  1800,  iu-8°. 
IV.  Précis  historiijue  des  perséculions 
dirigées  par  l'esprit  de  parti  dans  l'É- 
tat et  dans  l'Église,  contre  M.  Mau- 
drUf  etc.,  Paris,  1818,  in-4».       Z. 

MAUGRAS  (Je/^n-Baptiste),  pro- 
fesseur de  pliilosophie ,  naquit  au 
mois  de  juillet  1762 ,  au  village  de 
Fresnes,    çn   Franche-C.omt<=.    Après 


m, 

avoir  fait  ses  premières  études  chez 
un  oncle,  instituteur  laïque  à  Jussey, 
ville  de  la  même  province,  il  vint  les 
achever  à  Paris  ,  au  séminaire  du 
Saint-Esprit.  Là,  se  décida  sa  voca- 
tion pour  l'enseignement.  En  1787, 
au  concours  de  l'agrégation  pour  la 
philosophie,  il  obtint  la  première 
place,  à  la  suite  d'une  lutte  brillante, 
dont  le  souvenir  s'est  conservé  long- 
temps dans  la  mémoire  des  vieux 
universitaires.  Il  avait  pour  concur- 
rent M.  Labitte,  qui  est  encore  au- 
jourd'hui libraire  à  Paris.  Pendant 
deux  années,  Maugras  suppléa  fab- 
bé  Royou,  dans  la  chaire  de  philoso- 
phie ,  au  collège  de  Louis-le-Grand. 
En  1789,  il  fut  nommé  titulaire  de 
la  même  chaire  au  collège  de  Montai- 
gu.  L'année  suivante ,  le  ministre  de 
l'intérieur,  Cahier  de  Gerville,  ayant 
adressé  au  recteur  de  l'Université  de 
Paris,  Binet,  une  lettre  où  il  expri- 
mait le  désir  de  voir  introduire,  dans 
l'enseignement,  les  modifications  exi- 
gées  par  les  besoins  du  temps  et  par 
le  changement  de  constitution,  Mau- 
gras fut  chargé  de  ce  travail.  Bien 
qu'il  ne  se  fût  point  refîisé  à  prêter  le 
serment  à  la  constitution  civile  du 
clergé,  il  était  loin  d'abonder  dans 
les  idées  nouvelles;  aussi  son  cours 
se  fit  remarquer  à  cette  époque  d'en- 
traînement et  d'illusions,  par  une 
raison  haute,  sage  et  ferme,  ennemie 
de  tout  excès.  (Vêtait  néanmoins,  pour 
un  professeur  de  trente  ans,  une 
belle  occasion  de  se  faire  un  nom 
populaire,  que  d'avoir  à  traiter,  dans 
une  chaire  publique,  les  questions 
du  jour,  en  présence  d'un  pouvoir 
sans  force  et  d'une  révolution  dont 
les  conquêtes  audacieuses  s'étendaient 
chaque  jour.  Maugras  fut  assez  sage 
pour  éviter  cet  ëcueil  ;  il  combattit 
couiageuscment  toutes  les  erreurs, 
comme  toutes  les  violences  ;  la  jus- 


MAD 

tesse  de  son  esprit  le  maintint  dans 
cette  ligne  de  modération  ,  où  ré- 
side la  vérité  en  philosophie.  Aa»«i 
il  eut  le  sort  des  modérés  :  les 
hommes  de  parti  ne  le  craignaient 
ni  ne  Faimaient  assez  pour  lui  offrir 
des  distinctions ,  et  il  demeura  dans 
l'obscurité  qu'il  chérissait.  Il  conser- 
va, du  moins,  le  privilège  si  rare  de 
ne  pas  changer  d'opinion ,  et  il  put, 
en  1830,  publier,  en  l'imprimant 
textuellement,  son  cours  de  1791, 
sous  ce  titre  :  Cours  élémentaire  de 
Philosophie  morale  (Paris,  1  vol.  in- 
8").  Déjà  Maugras  en  avait  fait  impri- 
mer le  résumé,  en  1796,  d'après  les 
cahiers  d'un  de  ses  auditeurs.  Il  l'in- 
titula modestement  :  Dissertation  sur 
les  principes  fondamentaux  de  l  as- 
sociation humaine  (  broch.  in-S"  de 
200  pages,  Paris,  an  IV  ).  Dans  cette 
pubhcation,  il  avait  inséré  quelques 
tirades  nouvelles  contre  les  jacobins, 
ne  craignant  pas  de  donner  pour  titre 
à  Tun  de  ces  nouveaux  paragraphes  . 
Jacobins  ;  horrible  turpitude  de  cette 
corporation.  Quelques  maximes  anti- 
sociales professées  par  Danton ,  Ba- 
rère  et  Robespierre  étaient  aussi  atta- 
quées de  front  par  le  professeur.  Mau- 
gras continua  ses  leçons  jusqu'au  10 
août.  Alors  tout  enseignement  de- 
vint impossible.  Il  vécut  dans  la  re- 
traite jusqu'en  1800,  qu'il  fut  appelé 
à  professer  la  philosophie,  dans  deux 
grandes  institutions  récemment  fon- 
dées à  Paris  ,  celle  de  Dubois-Loy- 
seau,  et  îe  collège  Sainte-Barbe,  relevé 
par  de  Lanneau.  Vers  la  même  épo- 
que, il  fut  nommé  professeur  d'éco- 
nomie politique  dans  un  autre  éta- 
i -.sèment,  connu  sous  le  nom  d' A- 
démie  de  législation ,  et  qui  a 
subsisté  jusqu'au  rétablissement  de 
FÉcole  de  droit,  par  Napoléon.  Ce  fut 
surtout  au  collège  de  Sainte-Barbe, 
que  le   cours  de  Maugras  prit  une 


MAU 


3â| 


grande  importance.  Chaque  année 
scolaire  était  terminée  par  des  dis- 
cussions publiques,  dont  le-  li- 
mes, imprimés,  donnaien  '  «le 
la  doctrine  du  professeur.  En  1808, 
l'évéque  de  CasaL,  Villaret,  chance- 
lier de  rUniversité,  qui  avait  assisté 
à  l'un  de  ces  exercices  ,  en  fit  au 
grand- maître  Fontanes  un  rapport 
si  favorable,  que  celui-ci  se  décida  à 
établir  les  chaires  de  philosophie 
dans  les  lycées,  et  à  oflFrir  à  Mau- 
gras celle  du  Lycée- Impérial  (  au- 
jourd'hui comme  autrefois  collège 
IvOuis-le-Grand),  qu'il  remplit  pendant 
dix-sept  ans,  avec  une  supériorité 
attestée  ]>  es  de  ses  élèves 
aux  conc'n  laux.  Il  se  faisait 
remarquer  dans  son  enseignement 
par  la  sagesse  de  «es  principes,  jointe 
à  une  indépendance  de  jugement  qui 
ne  reculait  devant  la  célébrité  d'aucun 
nom,  devant  la  vogue  d'aucune  doc- 
trine. Aussi  se  fit-il  dans  la  nouvelle 
école  philosophique  des  ennemis  qui 
ne  lui  pardonnèrent  jamais.  Tous  les 
svstèmes  anciens  et  modernes,  toutes 
les  doctrines  nouvellement  venues  de 
l'étranger,  passaient  au  creuset  de  sa 
logique  sévère  et  inexorable.  Cepen- 
dant Maugras  était  loin  d'avoir  une 
doctrine  rétrograde.  En  rétabUssant 
l'enseignement  de  la  philosophie  , 
après  la  tourmente  révolutionnaire, 
il  avait  été  le  premier  à  le  faire  sor- 
tir des  habitudes  routinières  de  la 
vieille  école,  en  y  introduisant  d'heu- 
reuses innovations.  Il  écarta  toutes 
les  subtilités  stériles,  et  les  oiseuses 
générahtés  de  l'onfo/o^ie,  qui ,  après 
avoir  amusé  les  esprits  contempla- 
tifs du  moyen  âge ,  occupent  beau- 
coup trop  aujourd'hui  certains  dis- 
coureurs vides  et  systématiques.  En 
1821,  Maugras  fut  nommé  membre 
de  la  Légion-d'Honneur  ;  puis  ,  en 
1823,  chargé  de  remplir,  comme  pro- 


326 


MÀti 


fesgeur  suppléant ,  la   chaire  d'his- 
toire de  la  philosophie  ancienne   à 
la  Faculté  des  lettres,  dont  le  titulaire 
était  Millon,  Maugras  professa  pen- 
dant cinq   ans  ce  cours  avec  zèle  et 
talent;  mais  comme  son  mode  d'en- 
seignement incisif,  clair,  souvent  pi- 
quant, et  toujours  exempt  de  charla- 
tanisme ,   était  antipathique  à  l'école 
philosophique,  qui  jouissait  alors  do 
la  popularité,  le  cours  de  MaugTas, 
a  la  Faculté  des  lettres,  ne  fut  ni  prô- 
né par  les  coteries,   ni  favorisé  par 
les  puissances.  De  là  des  préférences 
injurieuses  qui    empoisonnèrent   les 
derniers  moments  de  sa  vie.  En  1825, 
il  avait  été,  sans  l'avoir  sollicité,  ad- 
mis à  faire  valoir  ses  droits  à  la  re- 
traite comme   professeur  au  collège 
Louis-le-Grand.  On  lui   savait  mau- 
vais gré  d'avoir,  en  lisant  la  distribu- 
tion des  prix,  protesté  contie  le  ren- 
voi   des    cent   cinquante   plus   forts 
élèves  de  cet  établissement.  Vannée 
a  joerdu  son  printemps,    avait -il   dit. 
En  1828,  il  fut  brutalement  évincé  de 
la  Faculté,  et  l'autorité  disposa  de  sa 
suppléance   en  faveur  de   Théodore 
Jouffroy,  traducteur  des  Œuvres  com- 
plètes de  Reid,   et   l'un   des  adeptes 
les  plus  distingués  de  cette  école  phi- 
losophique, que  MaiJgi'as  avait  com- 
battue toute  sa  vie.  Celui-ci  se  plaignit 
vivement  dans  une  lettre  insérée  au 
Journal   des  Débats,  le  27  décembre 
1828,  de  n'avoir  appris  que   par  les 
journaux  cette  disposition  de  l'auto- 
liic.   "    Quoique  je  .tienne  très-peu, 
<'  disait-il,   à   un  emploi  que  je  n'ai 
«  jamais  ambitionné,  et  que  je  n'ai 
H  (  cptc  que  par  esprit  de  subordi- 
!ion   uni'iersilaire,   cependant  il 
hle   qu'on   ne    pouvait  en 
en  faveur  d'un  tiers,  sans 
u  préalablement  m'avoir  demandé  un 


«  modeste  épithète  de  démissionnaire. 
"  Toute  auti'e  manière  de  procéder 
"  est   inconciliable    avec    îè   respot 
«  pour  l'ordre  légal,  avec  les  usages 
«  de  la  simple  poHtesse,  et  avec  le 
<>  noble   caractère   de  notre   grand- 
"  maître  (1) ,  trop  attaché  aux  droiu^ 
>'  acquis  par   les   nominations  anté- 
»  rieures,  et  par  l'ancienneté  des  sei- 
"  vices  pour  faire  publier  par  la  voie 
«  des  journaux,    la  destitution  d'un 
K  professeur  assez  âgé  pour  avoir  ét( 
«  destitué,  une  première  fois,  par  \c> 
u  révolutionnaires  de  1793.  «L'auto- 
rité, au  lieu  de  réparer  ce  tort,  fait  à 
un   honorable  fonctionnaire,    tiouva 
plus  commode  de  lui  faire  écrùe  p^r 
Millon,  le  titulaire  que  Maugras  avait 
suppléé,  une  réponse  dans  laquelle  il 
aiticulait,  que  celui-ci  n'étant  pas  pro- 
fesseur à  la  Faculté  des  lettres,  n'a- 
vait pu  être  destitué,  et  qu'on  n'avait 
pas  besoin  de  lui  demander  son  dé- 
sistement, «  car  n'étant  que  mon  sup- 
«  pléant  provisoire,  ajoutait  Millon, 
«  il  n'avait  aucun   titre,  et  n'appai 
"  tenait  point   à  la  Faculté.    J'avais 
..  donc  le  droit  de  remercier  M.  Mau- 
«  gras,  comme  je  l'ai  fait,  etc.  »  Cette 
réponse,  qui  ne  tendait  à  rien  moin? 
qu'à  avilir  le  professorat,  affligea  vi 
vement  tous  les  universitaires.  Mai; 
gras  n'oubha  jamais  ces  étranges  \<. 
cédés  d'une  autorité    injuste  à   son 
égard  (2),  procédés  qui  devaient  de- 
venir des  précédents  funestes   poui 
d'autres  que  pour  lui;   mais  ceux -<i 
n'ont  réclamé   mille  part  :  il  est  < 
hommes  que  la  persécution  et  l 
justice  irritent  et  rendent  frondcm 
il  en  est  d'autres  qui  se  tr>i-'n'  <•(  (lui 
se  consolent  par  le    nu  >    il 


.1.^;.:»,., 


qu'indiiicltiiuMii  tlan 
Kreiicc  doninic    par 
Maugras  venait  de  ct^  m'" 
oirm  à  Millon  de  lu  suim'IOu 


ipait 


fallait  entendre  avec  quelle  inépuisa- 
ble faconde,  avec  quelle  piquante 
vérité,  Maii^ras  drapait  les  hommes 
de  plaindre.  Tout  fai- 

s;,r  Molonfjerait  encore 

ne  courte 

... lier  1830. 

Se»  amis  ont  conservé  le  sotivenir 
de  Fagréraent  de  son  commerce,  de 
ses  saillies  originales  ,  et  de  l'art 
de  conter  qu'il  possédait  au  suprême 
degré.  En  1806,  à  l'orcasion  d'une 
question  proposée  pai'  1  '  des 

sciences  de  Berlin,  il  av      _  une 

Dissertation  sur  l'analyse  en  Philo- 
sophie (1  vol.  in-8°).  Cet  ouvrage  re- 
marquable eut ,  en  1808,  une  se- 
conde édition,  enrichie  de  réflexions 
sur  les  jugements  portés  par  les  jour- 
nalistes. En  1822,  Maugras  fit  im- 
primer, sous  ce  litre  Cours  de  Philo- 
sophie (1  vol.  in-8'),  un  ouvrage  spé- 
cialement destiné  à  ses  élèves.  Il 
contient  le  tableau  synoptique  de  la 
doctrine  de  l'auteur,  la  logique  élé- 
mentaire et  la  collection  des  sujets 
dé  dissertation  qu'il  proposait  dans 
son  cours.  D — r — r. 

MAULÉATIIER  (Édocard-Yic- 
tcrsie5-Cu\rles-Re>é  Colbert,  comte 
de),  né  en  1754,  de  l'une  des  plus 
illustres  familles  de  France,  entra  au 
service  sous  le  nom  de  comte  de 
Maule'vner.  Il  était,  à  22  ans,  officier 
supérieur  dans  le  régiment  de  Luné- 
ville.  Toutefois,  la  carrière  militaire 
n'était  pas  celle  de  son  choix;  il  vou- 
lait entrer  dans  la  diplomatie,  et,  s'il 
occupa  une  place  dans  Tarmée,  ce 
fut  pour  obéir  à  un  sentiment  com- 
mun alors  à  toute  là  noblesse.  A  z7 
ans,  il  fut  nommé  ministre  plénipo- 
tentiaire du  roi  près  l'électeur  de  Co- 
logne, frère  de  l'empereur.  Ce  poste 
devint  bientôt  des  plus  importants. 
Placé  à  la  porte  de  la  France,  le  comte 
de  Maulévrier  ressentit  un  des  pre- 


BfAU 


327 


miers   les    tristes  conséquences    des 
troubles  révolutionnaires.  Lors     de 
la  disette  de  1789,  son  crédit  person- 
nel fut  tel  qu'il  fit  parvenir  d'Allema- 
gne à  Metz  une  quantité  considérable 
de  grains,  et  préserva  ainà  de  la  fa- 
mine cette  cité  populeuse.  La  ville  de 
Metz  inscrivit  ce  bienfait  sur  ses  re- 
gistres, et  en  témoigna  sa  reconnais- 
sance au  comte  de  Maulévrier ,  par 
une   lettre    que    sa  famille    regarde 
conune  un  de  ses  plus  beaux  titres. 
Un  peu  plus  tard,  lorsque  les  princes 
d'Allemagne,    intimidés  par    la    ré- 
publique  française ,    refusèrent  aux 
émigrés  l'entrée  de  leurs  états  {voy. 
HESSE-G-iSsia,  C  Georges  -  GuillaumeJ , 
LXVn,  167),  le  comte  de  Maulévrier 
ne  craignit  pas  d'aller   au  devant  de 
Monsieur,    depuis    Louis  XVIII ,    et 
de  lui   rendre  tous  les  honneurs  dus 
à    un    prince    du    sang    de    France. 
Quelque  temps  après,  ce  même  prince, 
le  présentant  au  roi  de  Prusse,  disait  : 
K  C'est  le  serviteur  auquel  je  dois  le 
plus  de  reconnaissance.  »  A  cette  épo- 
que, le  comte  de  Maulévrier  épuisa  ses 
ressources  personnelles,  pour  secourir 
de  nombreuses  infortunes  :  il  versait 
des  fonds  à  la  caisse  de  la  marine,  à 
celle  des  officiers  d'Anjou  et  de  Poi- 
tou ;  tandis  qu'il  laissait,  dans  la  Ven- 
dée ,  le  brave  StofBet ,  autrefois  son 
garde-cbassc.  '        ;  ^  de  tous  les  re- 
venus de  sa  te  :  lévrier.  Lors- 
que le  trône  eut  succombé,  le  comte 
de  Maulévrier  donna  sa  démission,  et 
fol  déclaré  émigré.  Rentré  en  France 
en  1800,  ce  ne  fut  que  trois  ans  a- 
près,  en  1803,  qu'il  fut  rayé  de  la 
liste.  Cette  attente  d'une  faveur  ac- 
cordée à  tant  d'autres,  était  la  consé- 
quence d'une  rancune  qi!    T   :    :  arte 
gardait  à  Maulévrier,  qii.  fusé 
diverses    ambassades.   Cette   fidélité 
à  ses    serments    lui    fit  perdre  une 
inscription  de  300,000  fi-ancs  sur  la 


ville  de  Paris,  et  Bonaparte  ne  con- 
sentit jamais  à  lui  restituer  sa  forêt  de 
Maulévrier.  A  leur  retour  les  Bour- 
bons ratifièrent  son  grade  de  maré- 
chal-de-camp, et  lui  rendii-ent  ses  fo- 
rets. En  1815,  il  se  consacra  à  la  cor- 
respondance de  la  Vendée  avec  le  roi 
exile,  pendant  que  ses  deux  fils  aînés 
étaient  l'un  en  Espagne  avec  le  duc 
d'Angoulêrae,  le  second  à  Gand  par- 
mi les  officiers  qui  avaient  escorté  le 
drapeau  blanc.  La  restauration  le 
trouva  uniquement  occupé  à  des  soins 
de  famille,  continuant  l'œuvre  qu'il 
avait  commencée  avant  la  révolution, 
le  progrès  de  l'agricultui'e  dans  la 
Vendée,  où  il  a  introduit  le  premier 
la  culture  de  la  pomme  de  terre,  celle 
des  prairies  artificielles  et  l'emploi  de 
la  cbaux  comme  engrais.  Le  comte  de 
Maulévrier  se  rappelait  continuelle- 
ment son  garde-chasse  Stofflet,  au- 
quel il  avait  dû  la  vie  ;  il  conservait 
sa  bandoulière  et  sa  plaque  comme 
un  des  oraements  des  armoiries  de 
sa  maison,  et  il  fit  élever  au  géné- 
ral vendéen  un  monument  qu'on 
voit  encore  dans  l'avant-cour  du  châ- 
teau, oii  l'on  remarque  une  pyramide 
avec  l'insciiption  suivante  :  J  la  mé- 
moire de  Stofflet,  ne  le  3yèvnV/1753, 
à  Sarthelemont ,  anondissement  de 
Lunéville  ;  général  en  chef  de  Varmév 
joyale  du  Bas-Anjou,  mort  h  Angers^ 
le  23  février  1796.  Toujours  fidèle  ci 
Dieu  et  au  roi,  il  mourut  en  ohéisfant. 
(^ommc  la  statue  de  Cathelineau,  ce 
monument  fut  attaqué  par  la  solda- 
tesque on  1830;  mais  le  comte  de 
Maulévrier  montra  en  cette  circons- 
tance tant  d'énergie,  que  les  profana- 
teurs se  dispersèrent,  il  mourut  au 
mois  d'août  1839,  dans  son  château 
de  Maulévrior,  qu'à  «on  retour  de  l'é- 
rnigralion  il  avait  trouvé  presque 
rntièremeul  «létruit ,  et  qu'il  avait 
reconstruit  |Mii(I;iiit  les  dernières  an- 


nées de  sa  vie.  Sa  vénération  pour 
la  mémoire  de  son  garde-chasse  était 
d'autant  plus  fondée,  que  le  brave 
Stofflet  n'oublia  jamais  qu'il  avait  été 
son  serviteur,  et  qu'une  des  clauses 
expresses  du  traité  qu'il  conclut  avec 
la  République,  le  2  mai  1795,  fut 
que  son  ancien  maître,  alors  émigré, 
pomrail  rentrer-  en  France,  et  que  ses 
biens  lui  seraient  rendus;  ce  qui  ne 
fut  point  exécuté  par  le  gouverne- 
ment de  ce  temps-là  {voj.  Stofflbt, 
XLIII,  582).  M— Dj. 

MAUMONT  (JjEA^  de),  MauU 
mont  ou  Malmont,  car  ce  nom  est 
écrit  de  ces  trois  manières  dans  les 
anciennes  chartes.  Nous  ne  connais- 
sons point  l'époque  de  sa  naissance  ni 
de  sa  mort;  mais  nous  trouvons,  dans 
les  manuscrits  de  l'abbé  Vitiac,  qu'en 
1584,  Jean  de  Maumont  était  princi- 
pal du  collège  de  Saint-Michel,  autre- 
ment appelé  de  Chanac,  qui  avait  été 
fondé  en  1530  par  la  maison  Pompa- 
dour,  pour  les  étudiants  Limousins, 
avec  la  réserve  que  le  principal  et  le 
procureur  de  la  maison  devaient  êtie 
aussi  Limousins.  La  notice  des  ouvn;- 
ges  de  cet  auteur  et  les  écrivains  qui 
en  ont  parlé  annoncent  qu'il  était  de 
la  même  famille  que  Bertrand  de 
Maumont,  évêque  de  Poitiers.  Cette 
famille  tue  son  nom  du  château  de 
Maumont,  (Jean  y  reçut  le  jour),  an- 
cienne baronnie  du  Limousin,  située 
siu'  la  paroisse  de  ce  nom ,  et  réunie 
maintenant  à  la  paroisse  de  Saint-Ju- 
lien, canton  de  Meissac,  arrondisse- 
ment de  Brives,  dépailement  de  la 
(lorrèze  ;  c'est  do  cette  baronnie  que 
provient  la  noblesse  de  la  famille 
Maumont,  dont  plusieurs  branches 
existent  encore  dans  cette  ancienne 
proviiK-e.  î^ous  croyons  devoir  rap- 
porter ici  cotte  origine,  qui  remonte 
à  l'an  1119,  pour  mieux  faire  connaî- 
tre et  l'auteur  et  l'évéquc  dont  nous 


avons  à  entretenir  nos  lecteurs.  La- 
croix-du-Maine,  Bibl.  franc.,    page 
248,  rq)résente  Jean  de  Maidmont 
comme  un  homme  très-docte  èz  lan- 
gues et  principalement  dans  celle.de 
la  Grèce,  grand  théologien  et  oi-ateur 
fécond.  Ce  bibliographe  donne  pour 
preuve  de  cet  éloge,  la  traduction  de 
l  histoire  grecque  de  Jean  Zonare,  aug- 
mentée et  enrichie  des  rechetxhes  du 
traducteur.    Duverdier-de-Vauprivas , 
BibL  franc.,  p.  725,  nous  a  conservé 
la  liste  des  ouvrages  de  Jean  dcMau- 
mont    :  I.  Les  OEuvres  de  saint  Jus- 
tin, philosophe  et  martyr,  contenant 
plusieurs  traités,  savoir  :  1"  t^ne  épi- 
tre  consolatoire  ù  Zenex  et  à  Sirène  ; 
2"  Concion  parenélinique  aux  Grecs, 
fidèles   et  gentils;    3"   Dialogue  az^ec 
Trjphon,juif;  4"  Apologie  en  défense 
pour  les  chrétiens,  au  sénat  de  Rome; 
S"  Apologie  seconde  pour  les  chrétiens, 
à   Cempereur    Antonin  dit  le  Débon- 
naire ;  6°  De    la  monarchie  de  Dieu; 
7'  Exposition  de  la  foi  selon  la  vraie 
et   droite  créance,  ou  de  la  sainte  et 
consubstantielle  Trinité  ;  8*  Constitu- 
tions de  certaines  maximes,  ou  Propo- 
sitions    aristotéliques;    9°    Interroga- 
tions chrétiennes  aux  Givcs  ;   10"  Lei 
réponses  grecques,  et  la  confutation  d  i- 
celles  réponsa  ;  11"  Réponses  aux  chré- 
tiens et  orthodoxes  sur  certaines  ques- 
tions importantes;  12°  Interrogations 
qrecques  et  ethniques,  faites  aux  chré- 
tiens, touchant  Vessence  incorporelle, 
et   touchant    Dieu    et    la    résurrection 
des  morts  ;  13"  Réponse  auxdites  inter- 
rogations, avec  additions  etcotrections 
mises  à   la  fin  desdites  œuvres  en  un 
extrait  à  part;  ensemble,  un  prologue 
du  même  auteur  au   très-chrétien  roi 
de  France,  Henry  II,  de   ce  nom.  A 
Paris,  chez  Vascosan,  1538,  in-ftJio. 
II.    Les      histoires    et    chroniques    du 
monde,  tirées  tant  du  gros  volume  de 
Jean  Zonare,  auteur  byzantin,  que  de 


MâU 


329 


plusieiu-s  autres  scripteurs  hébreux  et 
grecs,  mises  de  leurs  primes  et  nayfves 
langues  hébraïque  et  grecque  en  la 
Françoise,  avec  annotation  sur  la  mar- 
ge pour  les  diverses  lectures  grecques, 
le  tout  par  Jean  de  Maumont,  à  Paris, 
chez   Vascosan,    1563,   in-folio.  III. 
Les  graves  et  saintes  remontrances  de 
l'empereur  Ferdinand  à  notre  S.  Père 
le  pape,  Pie  IF,  sur  le  sujet  du  con- 
cile de  Trente  et  des  choses  proposées 
en  icelui.  A  Paris,  chez  Nicolas  Ghes- 
neur,  1563,  in-S".  IV.  Remontrances 
chrétiennes  en  forme  d'épuré  à  la  reine 
d'Angleterre,  contenant  un    beau   et 
docte  discours  touchant  les  affaires 
dn  monde,  et  principalement  sur  le 
gouvernement  politique  des  royaumes 
et  républiques,   et  rétabliss«nent  de 
l'ancienne  et  catholique  rebgion,  se- 
lon la  doctrine  des  SS.   Pères  et  an- 
ciens Docteurs  de  l'église    de   Dieu, 
traduit  du  latin  de  Hiérosme  Oserias, 
évesque  portugalois.  A  Paris,  chez  ÎNi- 
colas  Chesneur,  1563,  in-8".  Goujet, 
Bibl.  franc.,  tome  XII,  p.  12  et  27, 
expose  que  dans  le  recueil  des  œuvres 
de  Hugues  Salet,  imprimé  en  1693, 
sont  deux  sonnets  italiens  de  Jean  de 
Maulmont,  avec  une  réponse  de  Salet 
à  la  louange  de  ce  dernier.  Lacroix- 
du-Maine,  Bibl.  franc.,  pag.  434,  dit 
que  Jean  de  Maumont,  gentilhomme 
limousin,  avait  écrit  en  italien    une 
églogue  et  un  bien  ample  discoiu-s 
de  la  vie  de  René  de  Birague,  chan- 
celier de  France,  mort  en  1583.  On  lit 
dans  le  Gall.  Christ.,  tom.  6,  col.  571, 
que  cette  vie  est  écrite  avec  exactitu- 
de.—  Bouchel  {Ann.  d'Aquitaine,  4* 
part.,  ch.  6  et  7),  Chenu,   de   episc. 
Pictav.,  pailent  de  Bertrand  de  Mall- 
M05T,  docteur  en  théologie,  prédica- 
teur renommé,   que  ses  talents  éle- 
vèrent  à   l'évêché   de  Poitiers.   Son 
installation  fut  faite  en  1375.  Il  fut, 
selon  l'ancienne  coutiune,  porté  sur 


m 


MAU 


les  épaules  de  Jean  de  Berry,  comte 
du  Poitou,  des  seigneurs  de  Ltisigrnan, 
de  la  Vauguyon  et  de'  ïlomeneuil, 
pour  le  vicomte  du  château  d'Ardes. 
Ce  prélat  mourut  en  138S.        T— d. 

MATJIVOIR  (Charles-Théophile), 
chirurgien,  naquit  à  Genève  en  1775. 
il  devint  successivement  membre  de 
la  société  de  physique  et  d'histoire  na- 
turelle ;  chirurgien  en  chef  de  l'Hôpital, 
correspbndant  de  la  Société  de  méde- 
cinié  de  Paris  et  professeur  dans  la 
Faculté  des  sciences  de  Genève.  Il 
mourut  à  la  fin  de  février  1830,  dans 
sa  maison  de  campagne  à  Mareuse. 
Outre  plusieurs  articles  insérés  dans 
les  recueils  périodiques  de  Genève  et 
dans  les  Mélanges  de  chirurgie  étran- 
gère ,  il'  avait  publié  :  Diiîertntion  sur 
la  section  de  l'artère  entre  deux  liga- 
tures, dans  [opération  de  Hanévrisme, 
soutenue  à  l'Ecole  de  médecine  de 
Paris,  1804,  *in -4".  Il  était  frère  de 
M.  Jean -Pierre  Maunoir,  l'un  des  chi- 
rurgiens les  plus  distingués  de  notre 
époque.  Z. 

MAUPERCHÉ  (Henri),  peintre 
de  paysages  et  graveur,  né  à  Paris, 
en  1606,  imita  le  style  d'Hermann 
Swanevelt,  d'après  lequel  il  a  gravé 
plusieurs  paysages.  On  présume  qu'il 
alla  se  perfectionner  en  Italie.  Il 
était  de  l'Académie  de  peinture  et, 
quoique  simple  paysagiste,  il  fut 
ndmmë  professeur  en  1655.  Mais 
après  sa  mort,  il  fut  arrêté  que  les 
peintres  de  genre  seraient  exclus 
du  professorat,  règlement  injuste , 
puisqu'il  permit  à  B(Hiclier  et  à 
Pierre  d'éti"e  professeurs  a  liixclusion 
d'un  Vernet  et  d'un  Gicu/c.  On  voit 
ail  châlcnu  (I:  ! ontainebleau  douze 
paysages  peints  par  MauperchiJslutcs 
murs  de  la  chambre  où  naquit  Louis 
Xin.  Le  temps  les  à  tellement  en- 
dommagés, (pi'il  est  difficile  d'appré- 
clci'   leur   nii'iiti,';  iii.iis   !;  .^   ■muvum's 


MÀTJ 

à  la  pointe  que  cet  artiste  a  exécu- 
tées ,  d'après  ses  propres  composi- 
tions, attestent  son  talent  pour  le  pay- 
sage. Elles  sont  d'une  pointe  ferme, 
savante,  et  forment  une  collection 
recherchée  :  I.  Une  suite  de  six  feuil- 
les représentant  Ykistoire  de  Tobie. 
II.  Six  feuilles  de  Vhistoire  de  la  Vier- 
ge depuis  V Annonciation  jusqu'à  la 
fuite  en  Egypte.  III.  Deux  sujets  de 
la  Bible:  \  Enfant  prodigue  chassé  par 
les  courtisanes ,  et  le  retour  de  '  FEn- 
fant  prodigue.  IV.  Deux  paysages 
ornés  de  ruines,  et  de  figures.  V.  Deux 
paysages  montagneux  ornés  de  fabri- 
(jues  et  défigures,  et  un  autre  ;ja/xajc 
avec  la  fable  de  Marsyas.  Tous  ces  su- 
jets sont  de  l'invention  de  Mauper- 
ché;  ceux  qu'il  a  gravés  d'après  Swa- 
nevelt, consistent  en  une  suite  de  12 
paysages  in-4",  en  travers.  Il  mourut 
à  Paris  en  1686.  P — s. 

MAUREILLAN  (Casimir  Poite- 
vin, vicomte  de),  général  français, 
né  à  Montpellier  le  14  juillet 
1772 ,  s'adonna  de  bonne  heure  à 
l'étude  des  mathématiques,  et  fut, 
après  un  brillant  examen,  admis,  le 
12  février  1792,  à  l'École  d'applica- 
tion de  Mézièrcs.  Envoyé  bientôt 
à  l'armée  du  Nord,  il  devint  capitaine 
du  génie,  en  1793,  et  fit,  en  cette 
qualité,  les  campagnes  de  Prusse  et 
des  Pays-Bas.  Il  se  distingua  surtout 
aux  batailles  de  Nerwindeetde  Cour- 
tray  où  il  fut  nommé  chef  de  bataillon. 
Il  était  seul  officier  du  génie  au  siéj;i 
deVenloo,  où  une  année  plus  faible  que 
la  garnison  prit,  avec  des  fusils,  une 
place  hérissée  de  160  pièces  de  ca- 
nons. Il  ^servit  avec  la  même  distinc- 
tion dans*  rai-mce  du  Rhin,  et  se 
signala  pendant  la  fameuse  retraite 
de  Moreau.  Nommé  colonel  en  1796, 
il  fut  attaché  à  l'expédition  d'Egypte, 
et  (liri;;en  l'es  fariles  attaques  qui  sou- 
iiiiiv  Malte  au  pouvoir  des 


MAT 

.   Remarq:. 
en   cliet   Bon,.  lu"-  cui^.u-y- 

dans  les  ocra  plus    irapor- 

tar  -  il   cui   le    malheur  de 

tom  ■  les   mains    du    fameux 

Ali,   jiacha  de  Janitia  ,  qui 
{.riïoiinicr    à  Constantinopk  , 
hit  f  îii;  1  m.  aux  Sept-Toûrs,  pendant 
près  de   trois    ans.   A  son  retour .  il 
eut    le  conunandement  du    génie    i 
"uitoue,  durant  i  -   1802  ei 

S03.  Il  servit  av  qualité, 

sous    les    ordres     «lu    général    Là- 
grange,   qui  fut,   en  1804,  charj^t- 
d'une  expédition  aux  îles  sous  le  \ 
L'année  suivante,  il  commanda  le  , , 
nie  du  quatrième  corps  de  la  grande 
armée  dans  la  cai;  '  \u8teriitz  , 

contribua   à   la   ;  n  et   fut 

nommé  général  de  Lnyade,  le  30  dé- 
cembre  1803,  à  la  suite  du  combat 
dHollabrûn.  En  1806,  il  remplaça  le 
duc  de  Raguse,  comme  gouverneur 
de  la  Dalmatie,  et  fit  honorer  son 
administration.  Commandant  du  gé- 
nie dans  le  corps  du  prince  Eugène, 
pendant  la   campagne    de  Russie,   il 
fut   un  de  ceux  dont  l'âme   trempée 
cfacier  supporta  bravement  les  cala- 
mités inouïes  de  la  retraite.  Chai-gu 
ensuite  de  la  défense  de  Thom  avcv 
une  garnison   composée   de    troupe^ 
étrangères ,  il  la  maintint  fidèle,  au 
milieu  de  la  défeclîon  générale,  sou- 
tint quatre   mois   de    blocus,   douzi 
joiu^  de  tranchée  ouverte,  et  ne  capi- 
tula que  le  7  avril  1813,  à  la  suite  de 
l'explosion  de  son  magasin  à  poudre. 
Après  avoir  pris  une  part  active  aux 
principales  opération»  de  la  campa- 
f|ne    de    Saxe  jusqu'à  la  bataille  de 
Leipsick ,   il    fut   attaché    au    corps 
du  général  Maison,  et  l'un  des  pre- 
miers à  saluer  Louis  XVIII  à  son  dé- 
barquement à  Calais.  Créé  lieutenant- 
général  par  ce   prince,   le  26  avril 
1814,  il  reçut  quelque  temps  après 


MAU 


3S1 


le  titre  de  Vicomte  de  Maureillan.  Il 
.itaW  rViarffp  A(>  la  (ItTimitation  des 
J  il  mourut 
presciue  -luiufui'jiii  ^i  .Metz,  le  —o 
mai  1829.  par  suite  d'ime  fièvre  cé- 
rébrale. T  -  Beaufi)rt  d'Haut- 
pbol,  a!'  du  3'  régiment 
du;  al 
Poil.  ^ 
laquelle  ^  '''^' 
tails.                               -     -  j- 

MAUREL   (l'abbé  Birthîxemi). 
né  en  juin  17""         '  'as  (départe- 
ment du  Tàn  's   ordres  à 
très,  et  de> 
;,  de  philos 
ÎSommé,  en  1  te  de  la  pa- 
roisse de  Saii  me,   il  se  fit 
connaître  par                  rences  sur  la 
reb'gion.  Pendant  la  lerreur,  il  passa 
en  Italie,  et  visita  successivement  îiicc, 
Rome  et  Ancône.  Il  revint  en  France 
au  commencement   de  1796  ;  puis  il 
prêcha  avec   succès    dans  plusieurs 
villes.  Il  se  fixa  plus  tard  à  Bordeaux 
où    l'archevêque    d'Aviau    lui  avait 
donné  un  canonisât,  et  où  il   con- 
courut à  former  un  établissement  de 
raissionnaii-es.  L'abbé  Maurel  motirut 
le  18  mai  1829.  On  a  de  lui  un  ou- 
-timé,  sous  ce  titi-e  :  Relmii'; 

_, slique.  ou  Choix  (Tinstruction: 

sur  les  princij 

--■■-■'-    -i'un  tAiio.cfc   i...  ....,.,■ 

■ments  des  Pères  et  .: 
les    sur    le  '       ■    Toulouse    i-i 

Paris,  1833.  .  ..—  François 

Maurex,  auteur  d  ua  ouvrage  remar- 
quable sur  la  langue  espagnole,  mou- 
rut à  Paris,  en  janvier  1839.       Z. 

MAURICE  (Sirrr),  dont  le  nom 
de  famille  était  Dtouh ,  naqidt  dans 
là  paroisse  de  LcM^jajg^^iiâfe  de 
Saint-Bricuc  .   ei^nlHH^Pl^NHrie 

P,  '.■>**rr 

l'apprend  dom  Lobineau.  il  étudia 


1  >  \  :  1  i  sctn- 
uous 


332 


MAU 


belles  lettres  à  l'Université  de  Pa- 
ris, où  il  reçut  le  titre  de  maîtie-ès- 
arts.  Préférant  l'humilité  à  l'élévation 
et  aux  avantages  temporels  qu'aurait 
pu  lui  procurer  son  méi'ite ,  il  se  dé- 
roba au  monde  et  vint,  en  1140, 
prendre  l'habit  de  l'ordre  de  Cîteaux, 
à  l'abbaye  de  Langonet ,  en  Cor- 
nouailles,  fondée,  en  1136,  par 
Conan  m,  duc  de  Bretagne.  Il  n'y 
avait  pas  encore  trois  ans  qu'il  prati- 
quait les  lois  de  son  institut,  quand  la 
communauté  de  Langonet  le  choisit 
pour  abbé.  Il  gouverna  cette  abbaye 
pendant  trente  ans,  au  bout  desquels 
il  obtint  qu'on  lui  nommât  mi  succes- 
seur. Le  duc  Conan  IV,  attiré  par  sa 
réputation ,  allait  souvent  le  voir, 
écoutant  ses  saintes  instructions ,  et 
suivant  bien  souvent  ses  conseils.  Ce 
fut  par  considération  pour  lui,  et 
d'après  son  avis,  qu'il  fonda  une 
nouvelle  abbaye  de  l'ordre  de  Cî- 
teaux, au  même  diocèse  de  Cor- 
nouailles ,  dans  la  forêt  de  Carnoët. 
Maurice  y  mena  douze  religieux  de 
Langonet,  et  devint  leur  abbé.  Le 
duc  étant  mort  avant  d'avoir  pu 
mettre  la  dernière  main  à  son  œu- 
vre, Maurice,  aidé  de  la  piincesse 
Constance,  fille  de  Conan,  le  sup- 
pléa. Il  mourut  le  5  octobre  1191, 
après  avoir  gouverné  quinze  ans  sa 
nouvelle  abbaye,  qui  a  toujours  été 
appelée  du  nom  de  Saint-Maurice , 
avant  comme  après  la  bulle  d'IIono- 
rius  m  qui  lui  donna,  eu  1225,  celui 
de  JN.-D.  de  Coruoct.  La  vie  de  saint 
Maurice,  écrite  d'abord  par  Albert 
Legrand,  d'après  une  histoire  ma- 
nuscrite de  la  maison  de  Kohan  par 
MM.  de  La  Coudraye  père  et  fils ,  l'a 
été  ensuite,  d'uoe  manière  plus  exacte, 
par  dom  Lobineau.  Ces  deux  écri- 
vains s'étaient  servis  aussi  des  actes 
manuscrits  du  saint  ,  rédigés  pai- 
Guillaijipoej   abbé   de   Carnoct,   q\»i 


MAU 

vivait  en  1323.  Les  BoUandistes,  qui 
font  une  mention  assez  incomplète  de 
Maurice,  t.  VI  d'octobre,  expriment 
le  regret  d'avoir  perdu  une  Vie  ma- 
nuscrite de  ce  saint ,  dont  ils  avaient 
été  possesseurs.  Manrique  (Annales 
de  Cîteaux),  Benoît  XlVf  de  Seatifi- 
catione  servorum  DeiJ,  et  le  Propre  de 
Saint-Brieuc,  de  1783,  fournissent 
des  détails  sur  ce  saint.  P.  L — t. 

MAURICE  (Frédéric-Gl'illalme), 
magistrat  et  agronome ,  naquit  à  Ge- 
nève, le  23  août  1750,  d'une  famille 
de  réfugiés   français  (yoy.  Maurice  , 
XXVII,  555).  Après  avoir   fait  son 
cours  de  droit,  il  devint  successive- 
ment juge,  membre  du  grand-conseil 
et  administrateur  de  l'hôpital.   Il   fut 
chargé,  en  1787,  de  la  direction  su- 
périeure   des  travaux    publics  ,    et, 
en  1792,  d'un  commandement  dans 
la  milice  nationale.  Pendant  l'invasion 
des  troupes   françaises,  Maurice  vé- 
cut loin  des  affaires,  et  se  livra  tout 
entier  à  des  travaux  d'économie  agri- 
cole. Après  le  couronnement  de  Napo- 
léon, il  accepta  les  fonctions  de  maire 
qu'il  conserva  jusqu'en  1814.  A  cette 
époque  il  fut  élu  membre  du  Conseil 
représentatif,    souverain,   et    refusa 
d'entrer  au  conseil   d'État.   Il  passa 
dans  la  retraite  les  dernières  années 
de  sa  vie,  et  mourut, après  une  com'te 
maladie ,  le  10  octobre  1826.  Il  était 
chevalier   de    la   Légion -d'Honneur, 
membre  de  plusieurs  sociétés  savan- 
tes ,  et  avait  été  un  des  fondateurs  de 
la  bibliothèque  britannique.  On  a  de 
lui  :  I.    Nouvelles    observations   bota- 
nico-météotvlo(ji(iues ,  Genève,  1789, 
in-4".  II.  Sur  une  manière  économique 
de  nourrir   les   chevaux   de  façon     à 
suppléer  à  la  rareté  et  à  la  cherté  des 
fourragci.  III.  Traité  des  engrais,  tiré 
des  différents  rapports  faits  au  dépar- 
tement d'agriculture  tTAntjletenc,  avec 
d«t   notes;  suivi  do  la  tiadurtion  du 


Mémoire  deKirwan  sur  les  engrais,  et 
Je  /',  '■  ■  '  >  principaux  termes 
chii:  i  dans  cet  ouvrage, 

Genève,  1800;  2'  édition,  1806; 
3' édition,  Genève  et  Paris,   1825. 

S  '. — M.  Maurice,  de  l'Acadi 
nces,  qui  a  rédigé,  pour  en 

phie  universelle,  l'article  du  géo- 
mètre La^ange,  est  de  la  même  fa- 
mille. M — D  j. 

MAURICE    (  Thomas  )  ,  ^  hi.to- 

a  et  poète  anglais,  naquit  à  Hert- 
ford,    le  ''    '<•   Com- 

me sa  faii  galloise, 

il  prétendait  quelle  avait  ."té  des  plus 
■  -hies  et  qu'elle  s'était  alliée  aux  an- 

!is  princes  de  Po-wis.  Nous  n'avons 
iUendu  dire  que  jamais  on  ait 
lui  prouver  le  contraire.  Ce- 
pendant son  père  n'étaii 
de  pension  ,  d'abord  dai—        i 
ville  en  province  (à  Clapliam),  en- 
^>v.te  à  Hertford,  où  il  dirigeait  un  éta- 
lement au  compte  de  l'hôpital  du 
i.iirist.  Mais  Denis  le  jeune  fut  maî- 
tre d'école  à  Corinthe.  Malheurease- 

1  ur  le  pauvre  Thomas  Mau- 
,  .  w  père  mourut  en  1763,  lais- 
sant plusieiu-s  enfants  en  bas  âge, 
avec  une  jeune  veuve  très  -  faible 
de  tête  ;  et,  plus  malheureusement 
encore ,  la  naïve  fpmmp  sV'urit  du 
méthodisme  au  poi!  se- 

condes noces  un  mitiistiL-  tut  iinjuiste. 
Wright  (c'était  le  nom  du  nouveau 
mari)  était  un  homme  des  moins  ho- 
norables. Les  choses  en  \-inrent  au 
point  qir  ■  Wright  dut  de- 

mander ui  -,  ition,  etqu'ellel'ob- 
tint  ;  mais  ce  qu'elle  avait  encore  de 
fortune  passa  au  greffe,  et  l'éduca- 
tion de  son  fils  aîné,  alors  entrant  dans 
l'adolescence,  faillit  en  ressentir  le 
contre- coup.  Il  quitta  les  bancs  de 
VAthénée  des  î  •'■  ' 

Bristol  (sanctudn  .:  ■  .■  i. ,<.--<  ,,  - 
thbdiste)  pour  l'étude  de  M.  Brown 


l^tJ 


333 


d'Inner  Temple,  et  il  y  faisait  son  ap- 

pr-^.iti.c'.rre  (Je  jurisconsulte,  en  Usant 

i  Ovide  etTibulle  autant  que 

LioKc  ei  tiiakstone,  quand  lagénéreuse 

bienveillance  d'un  docteur  Pair  chan- 

~on  sort.  Cet  humaniste,  qui  ve- 

nlors  d'ouvrir  un  pensionnat,  l'y 

reçut,  le  dirigea  dans  ses  études  et 

mt*nip  subvint  à  son  piitnticn,  en  ne 

ant   que   i  ut    de 

ses  iiL-pciises  par  l'utilut:  qu  11  pouvait 

tirer  de  son  élève.  Dès  l'enfance   et 

jusqu'à  son   enti         "         'î  m, 

Maurice  avait  <  •  ,\ 

'\ford, 
.     .  -    .       i'S  col- 

lèges de  S.-Jean  et  de  l'Université.  On 
y  remarqua  surtout  son  talent  poé- 
tique, et  de  1775  à  1778,  il  mit  au 
0  la  traduction  de  YOEdipe 
'es  petites  pièces  de  vers 
qui    lui    il!  nneur 

dans  la  spli  .us  pa- 

raître en  opposition  avec  la  gravité 
ecclésiastique.  Aussi,  à  peine  eut-il 
pris  le  degré  de  bachelier  et  reçu 
les  ordres ,  qu'il  fut  nommé  à  la 
cure  de  Woodford  ;  et,  quelque 
temps  après,  il  n'eût  tenu  qu'à  lui  de 
la  changer  contre  celle  de  Fosworth. 
Il  ne  le  vo!  le  pa- 

rente lui  ay  ;    -  1        jge  de 

quinze  mille  francs,  il  acheta  un  titi-e 
d'aumônier  au  97*  régiment  (ces  pla- 
ces se  vendent  comme  on  sait,  ainsi 
que  toutes  les  commissions,  en  Angle- 
terre; et  ce  ne  sont  guère  pom-  ceux 
qui  en  sont  pourvus  que  d'heureuses 
sinécures  ).  Maurice  cumula  d'abord 
et  garda  Woodford  avec  son  aumô- 
nerie,  qui  ne  l'empêcha  pas  de  faire 
paraître  plusieurs  autres  pièces  de 
1778  à  1784  ,  époque  à  laquelle  le 
régiment  fut  i-éformé  ;  ce  qui  lui  va- 
li  désormais  sa  vie  du- 

Miption  de  tout  travail, 
moitié  des  appointements  qu'il  aurait 


334  MAU 

eus  si  son  activité  eût  continué.  Il 
faut  bien  qu'il  se  trouvât  assez  à  l'aise 
puisque,  dès  l'année  suivante,  1785, 
il  résigna  la  paroisse  plus  lucrative 
de  Woodford   pour   celle   d'Epping 
(qui  ne  demandait  sa  présence  que  le 
dimanche);  et  en  1786  ,  il   épousa 
miss   Pearcc,  fille  d'un   capitaine  au 
service   de  \a   compagnie  des  Indes. 
Ily  avait  trois  ans  alors  qu'il  songeait 
à  composer  l'histoii-e  de  cette  contrée 
depuis  les  temps  les  plus  reculas  jus- 
qu'à   l'époque    actuelle.    Mais    pour 
qu'un  travail   de    ce   genre  marchât 
rapidement  et  que  l'auteur  n'eût  d'au- 
tre embarras  que  celui  de  recueillir  et 
d'utiliser  les  immenses  matériaux  que 
les  progrès  de   la  conquête  anglaise 
allaient  sans  cesse  amoncelant,  il  eût 
fallu  qu'il  trouvât  un  Mécène.  Il  espé- 
rait que  la  compagnie  des  Indes  pour- 
rait consentir  à  lui  en  servir;  et  il  lui 
adressa,  dans  ce  but,  une  lettre  qui  fi- 
gure parmi   ses   ouvrages  ;  mais  les 
hauts  seigneurs  de  Leadenball-street 
n'accordèrent    point    leur  concours. 
Maurice  n'en  eut  pas  moins  le  mérite 
de  se  mettre  courageusement  à  l'oQU- 
vre,  et  le  mérite  plus  grand  encore  de 
commencer  la  publication  à  ses  dé- 
pens ,  en  1795.  Sa  hardiesse  fut  ré- 
compensée par   d'honorables  suflxa- 
ges  :  U  vit  les  achats  se  succéder  en 
assez  grand  nombre  pour  le  détlom- 
mager  plus  que  suffisamment  de  m  s 
frais;  et  il  en  fut  de  m^me  des  deux 
volumes  suivants,  lesquels,  avec  le 
premier,  constituaient   ÏHi^i 
cienne  de  l'Inde.  L'Histoin 
de  l'Inde  fut  accueillie  avec  uu  peu 
moins  de  favciu-;  ce  n'est  (>as  (iii'ellc 
soit  au   dessous  de  fantic  uKii^  ia 
bienveillance  du  public  se  porta  (fim 
autre  côté.   La    critique  y   fut   au  m 
pour  quelque  chose.  1 
<lo  la  l^evue  d'ivdimboi. 
rent  point  I  iies    a   Ihislu- 


MAU 

rien  ,  et  la   réponse  qu'il   leur  fit, 
quoique  satisfaisante    sur    bien    des 
points,  ne  fut  ni  aussi  répandue,  ni 
aussi  goûtée  que  la  critique.  Les  in- 
faillibles Écossais    du   reste   avaie 
enveloppé,  dans  leur  censure,   l'an- 
cienne comme  la  moderne  histoire  de 
l'Inde.  L'ancienne  n'en  eut  pas  moins 
l'honneur  de  la  réimpression  en  1820. 
Maurice  était ,  depuis  1789,bibhothé- 
caire-ad  joint  du  British  Muséum;  nom- 
mé vicaire  de  Wormleighton  (Worces- 
ter)8ur  la  présentation  du  comte  Spen- 
cer, 1798,  il  l'était  devenu  de  Cudhani 
(Kent),  1804,  sur  celle  du  lord-chan 
celier.  Les  recommandations  réitérée 
de    l'évêque  Tomshyne    lui    avaioi 
valu,    vers  1801  ,  la  réversion  de  ! 
pension  jadis  payée  au  poète Cowpci; 
U  avait  pris,  en  1808  ,  le  degré  <!. 
maître  ès-àrts.  Il  passa  les  dernier^ 
années  de  sa  vie  à  composer  des  Me 
moires  dont  une  partie  parut  de  8011 
vivant,  mais  dont   la  fin  manque  < 
manquera  probablement  toujours.  > 
mort  eut  lieu  le  30  mars  1824.  Il  H' 
laissait  qu'un  neveu;  sa  femme  étaii 
morte  dès  1790,  c'est-a-dnc  an  lunit 
de  quatre  ans  de  mariage.  Mauiict-, 
sans  être  au  nombre  des  grands  écri- 
vains soit  en  prose  soit  en  vers,  nu 
rite  un  ranf;  distingué  parmi  les  bi 
toriens  çt 

sont  d'uni    _  ^ 

<.>!(»iis,  des  images,  de  la  gr; 

lu    chaleur,  SOllv-i.l    lu-m.nni, 

nesse,  souveni 

toujours  chaqu<'   ([iiauu'  a   ^;l  im,i< 

L'épitaphc    qu'il    composa    pour 

femme  est  ra\  1 

de  même  la  pin 

élocution  vive,  une  imagina;) 

l)ik'  «'(    riche  :  il  y  joint  lr>     ^ 

plu-,  cssiMiticllcs  à  f historien  cl   pii 


ou  Uu  UIOU) 


v^ 


conde  ma' 
recueils  ii 
composée 


M^D 


335 


L  Druidismp,   tandis 
lelative  qu'au  com- 


,  a  Calcutta,     aaïqii 

u  du  monde      manu: 


-  mo- 


").  Le  grand  Lut  de   Tauleui  était 

donner  une  introduction  à  Fhis- 
toire   de  l'Inde;  il  vou!  ne 

t.mps  ruiner  l'opinion  d  d- 

,)hique  française  (  ti  le 

niui  à  dans  la  Grande-^-  ies 

emprunts  faits   pai  .ne 

.  religions  des  Iii' 

donné  à  cette  i 
qui  serait  la  plus  pui  e  et  la  plu*  haute, 
on  ne  saurait  nier  qu'il  nait  exécuté  la 
tâche  spéciale  qu'il  se  traçait,  celle  de 
montrer  que  le  christianisme  n'a  point 
fait  d'emprunt  à  l'Inde.  Peut-être 
"'nîacre-t-ilunpoi.  t        ^' 

\  olume  contieni 
loppements  sur  la  TnmoLuti,  les  Tria- 
des, les  Trinités,  et  au  5%   il  y  re- 
vient encore.  Le  reste  du  volume  do: 
ne  des  détails  sur  les  inima.dnal^ 
pénitences  des  HinJ 


I  onnue  aiijoui  u  : 
du  Code  iui-mêi: 
originale    et  dana  pluaiems  idi 
modernes,  mais  qui  alors  était  ! 
ijue  tous  1< 


re     l'anah 


!;t.'iit 
i'ûuvra^e  qui,  ai: 
par  la  clarté  de 

tude  (]  i 

la  vai  il 

oublii  i 

aient    tn„     ijiaA->iii,j    jui     la   i^iantii,^     ut  — 

puis  que  l'Inde  est  véritablement  ac- 
' -le  à  TEm-ope.  Bien  q . i     ''     -û 
Hiicoup.  il  n'est  pas  di 

e,  et  nou 
-  ju  testamci 
laent  recc  i 


-    pniicipi: 
stoire  de  l 


ITU, 

ip 


l)eràmiGns  uouQaniques  sont  compa- 


336 


MAU 


taux,  de  l'Ayen  Akbary,   des  Asiatic 
Researches,  etc.,  etc.  ;  et  il  faut  y  join- 
dre :  3°  un  Supplément  à  l'Histoire  de 
(Inde  ,  Londres,  1810,  ïn-^° ;  4"  la 
défense  de  l'Histoire  de  l'Inde   con- 
tre les  critiques  erronées  de  la  Revue 
d'Edimbourg.    L'Histoire    ancienne , 
seule  réimprimée  (1821),  offre  de  nom- 
breuses améliorations.  La  dissertation 
sur  les  Trinités  orientales  l'avait  déjà 
été  à  Paris,  en  1800.  HL  Mémoires  de 
Thomas  Maurice,  Londres,  1819-22, 
3  vol.  in-S".  Le  premier  eut  une  se- 
conde édition  en  1821  ;  le  troisième 
ne  mène  encore  la  vie  de  l'écrivain 
que  jusqu'en  1796.  Les  ajjgressions, 
comme  on  le  présume  bien,  n'y  man- 
quent pas ,  mais  elles  se  lisent  volon- 
tiers :  Maurice  s'y  peint  naïvement  et 
on  croit  le  voir.  On  parcourt  d'ail- 
leurs avec  plaisir  l'Histoir-e  des  pro- 
grès de  la  littérature  indienne  et  les 
Anecdotes  des  beaux-esprits  britanni- 
ques pendant  treille  ans  (tome  I),  et  le 
Koyage  dans  les  comtés  de  Derby,  de 
fVestmoreland,  de  Cumberland  (tome 
II).  IV.  Des  mélanges  de  critique  et 
d'histoire  :  1"  Fragments  sanscrits,  ou 
Extraits   de    différents   ouvrages    des 
Brahm.es  sur  des  sujets  intéressants  pou- 
les Iles  Britanniques,  Londres,  1799, 
in-S";  2"  Le  rideau  levé  sur  la  frau- 
de des  Brahmes  (Brabminical   fraud 
detected),  etc.   (série  de   lettres  au 
Banc  des  évéques) ,  Londres  ,1812, 
in-8°.  Mam-ice   y  va  plus  loin   que 
dans  son  Histoire  ancienne  de  l'Inde, 
et  il  prétend  que  la  caste  sacerdotale 
de  l'Inde  a  prêté  à  son  Krichna  les 
attributs  et  les  actions  du  Christ,  dont 
elle  avait  connu  la  vie  par  l'Évangile 
de  l'enfance  qui  fut   apporté   dans 
l'Inde  au  plus  tard  dans  le  6'  siècle. 
3*  Observations  astronomiques  et  his- 
'        V   sur   les  ruines  de  Babylonc, 
,j,. ,    la  récente  description  du  voya- 
geur Claude- J  m  <f.  liirh  ,  T,orifl..1816, 


MAU 

in-^";  4*  Observations  sur  les  restes  de 
l'ancienne  grandeur  et  de  l'ancienne 
superstition  égyptiennes,  en  tant  que 
liées  à  celles  de  l'Assyrie,  Londres, 
1818,  in-4*',  planches.  Ces  deux  ou- 
vrages font  corps  ensemble,  o"  Deux 
articles  dans  le  ,Morning-Herald  de 
1795  (l'un  est  un  éloge  de  sir  Wil- 
liam Jones ,  l'autre  a  pour  titi^e  Anna, 
et,  sous  ce  nom,  Maurice  y  esquisse 
en  traits  charmants  la  mélancolique 
histoire  de  sa  mère);  6°  Lettres  aux  di- 
recteurs de  la  compagnie  des  Indes 
orientales  pour  leur  proposer  d'impri- 
mer /'Ilistoiie  des  révolutions  de 
l'empiie  hindou ,  etc.,  avec  une  Es- 
quisse du  plan  de  l'ouvrage,  un  Court 
aperçu  des  auteurs  à  consulter,  et  un 
Coup-d'œil  sur  l'histoire  générale,  Lon- 
dres, 1790;  1°  Un  sermon  prononcé 
à  Woodford  en  1777,  et  le  seul  qu'il 
ait  jamais  imprimé  à  part.  V.  Des  poé- 
sies que  nous  partagerons  en  deux 
masses  :  1"  La  tiaduction  de  XOEdipe 
roi  de  Sophocle,  1778;  une  tiagédie 
originale,  Pantée  ,  ou  la  Fiancée  cap- 
tive, 1789,  et  la  Chute  du  grand  Mo- 
gol,  1806,  qui  est  aussi  une  tragédie; 
2°  des  Poésies  diverses  consistant  en 
poèmes  (l'Écolier,  imitation  du  Shil- 
ling brillant,  1775,  in-4"';  tOxonien, 
où  il  décrit  les  scènes  alors  fréquen- 
tes dans  l'université  d'Oxford  qu'on  ve- 
nait de  réorganiscr,1776,  in-i";  Nether- 
by,  1776,  'm-4'';Hagley,  1777,  in4''; 
la  Crise,  1798;  Grove  Hill,  1799, 
Richmond  Hill,  poème  descriptif  et 
pittoresque,  1807);  eu  odos  (Jcrne 
rediviva,  1782;  l'Ode  à  Mithra,  1799, 
etc.);  en  élégies  ou  poèmes  élégiaqucs 
(l'Abbaye  de  Ji'estminster ,  1784,  2' 
édition,  iSVi  ;  A  la  mémoire  de  sii 
fVilliam  Joncs,  1795;  Monodie  à  la 
mémoire  de  la  duchesse  de  Northum 
berland,  1778;  Éloge  à  la  mémoire  du 
duc  de NorOuimbcrland ,  1789,  Ctc),  et 
une   satire  intiliilcr    H'arley  ,   1778 


MAU 

in-4",  Maurice  donna,  en  1800,  une 
nouvelle  édition  de  ses  Poèmes  et 
poésies  lyriques,  élé^iaques,  etc.,  en  3 
parties.  L'Abbaye  de  ff^estmimter  re- 
parut en  1813,  suivie  de  direrses 
poésies  fugitives  et  de  ia  traduction 
de  ïiHidipe  roi.  P— or. 

MAURICE  (jEâH-Iknirrs),  lié  à 
lSioymn,em4t7iiidun  artisan,  etarti- 
sMl  b>t«i1ii)i partit  en  1792  avec  un 
4/MbilaiUons  de  TYonne.  .Sa  belle 
émàlBÊrmet  son  goût  pour  la  géogra» 
phie  le  iirmA  reaiarqner  par  le  géné- 
rai tiaràff  tfn  TAttacha  à  son  état- 
im§ÊmttkMmam)iy3i  étudier  les  matbc- 
uAdyies  è^Taris,  ou  il  se  lorma  sou» 
les  TardJeu  et  Poirson  au  desnn  et 
à  la  gravure  de  la  carte.  Peu  de  temps 
après,  il  entra  dans  le  coi-ps  des  in- 
génliaur»^éegraphes  et  en  devint  un 
d«»flMBibres  les  plus  distingués,  il 
r<i|Hi  ti<[  de  l'expédition  de  Saint-Do- 
niMgiie  et  y  hit  attemt  de  la  Hèvre 
jame  dont  il  ne  guérit  jamais  com- 
plètement. Employé  plus  tard  à  la 
carte  de  Savoie,  il  a  fait  insérer  dans 
le« archives  géogiaphiques  de  Malte- 
Bran  une  description  de  la  perte  du 
Rhône.  Il  mourut  veis  1816.  —  M. 
Maurice-Sain t-Aguet  ,  qui  a  donné 
quelques  articles  dans  let>  i«^ues,  *»t 
son  fils.  /■ 

MAURLLLE  'Saint),  ai-chevê- 
que  de  Rouen,  né  a  Reims  dans  le 
XI*  siècle,  fut  d'abord  prévôt  d'Hal- 
berstadt,  dans  le  cercle  de  la  Basse - 
Saxe,  passa  après  en  Italie,  puis  entra 
dans  un  monastère  à  h'iorence,  et  en 
devint  abbé.  Le  relâchement  des  re- 
ligieux l'ayant  forcé  de  quittei-  cette 
place,  ilrevinten  France  et  entra  dans 
le  monastère  de  Fécamp,  dont  il  fut 
tiré  Tan  1055  pour  être  mis  sur  le 
siège  archiépiscopal  de  Rouen.  Il  a»* 
sembla  la  même  année  an  concHe 
des  évêques  de  sa  pro\'ince,  dans  le- 
quel il  condamna  l'ciTçur  de  Béren 
txxin. 


MAU 


m 


ger,  dressa  une  profession  de  foi  por- 
tant que  le  pain  et  le  vin  étaient  chan- 
gés après  la  consécration  au  corps 
etaaUttg^tidJf^Mk-CMK,  et  ordon- 
nw^f  MwtnAr  emwpM/ftmon  de  foi 
serait  signée  par  les  évf  i- 

tàt  afn^èsiem- ordination.  !  ia 

eiM«rc  un  autre  concile  à  Caen ,  l'an 
1061.  et  mourut  ie  9  août  1065.  Il 
est  révéré  conine  saint  dans  le  dio- 
cèse de  Rouen,  où  Ion  célèbre  sa 
fête  le  13  septembre.  7. 

M.iLRUS  (Ti^  t- 

mairien  et  poète  di(L<      ^  uie 

Ion  croit  né  à  Carthage.  vivait  a  la 
Hn  do  I"  siècle,  et  probablement 
son»  le  règne  de  Ti-ajaa.  Il  hit  en- 
voyé, comme  gouverneur  romain,  a 
Syéne,  aujourd'hui  Açouan.  ville  la 
phn  niëridionale  ile la  Haute-Ég^pte, 
cuneowsluMW «appelée  par  Martial  (1). 
Déjà  ^aWiMHJ  111  âge,  il  composa  sui 
la  pnMn4ici'4atine  un  petit  poème 
dont  les  anciens  faisaient  grand  cas. 
.Saint  Angostin  ,  le  rhéteur  Ma- 
rius  Victorimi»  et  beaucoup  d'autres, 
le  citent    «  ■.  On  ne  le  con- 

naissait   p  [tar    les    passages 

qu'en  ont  lapportés  différents  au- 
teurs, lorsque  Georges  Merula  (voy. 
te  nom>  XXVIH,  393  )  en  décou- 
vrit un  manuscrit  dans  la  bibliothè- 
que de  l'abbaye  de  Bobbio  ,  en  Pié- 
mont. Fabiicius  (  Bibliotfi.  latina  , 
Uï,  749),  dit  qu'il  le  publia,  mais  c'est 
une  erreur;  car  Merula  mourut  en 
t  W4  ,  et  le  poème  de  Terentianus 
Maorus  fut  imprimé  pour  la  pre- 
mière fois  ,  en  1497  ,  par  les  soins 
du  Georçins  Galbiatus,  sdus  ce  titre  : 
De  litteris,  syliabis  et  metris  Horatii , 
Milan,  Ulric  Scineenzeler,  petit  in- 
foL,  très-rare  et  très-recherché.  Par- 
mi les  éditions  publiées  dans  le  XVI' 

(1)  Tam  longe  est  mihi  quam  Terentianus. 
Qui  Bvnc  niliacuin  régit  Syenen. 

Epigr,  87,  lib,  I. 

â2 


338 


MAU 


siècle,  on  distingue  celles  de  Venise, 
1503,  in^o;  Paris,  1531,  m-¥;  Ve- 
nise,  1533,  in-S»;    lieidelberg,  Jér. 
Coramelin,  1584,  in-S"  (avec  le  Trai- 
té de  Orthographia,  de  Marius  Victo- 
rinus).    Cette    édition    est    regardée 
comme  la    meilleure.  Le  poème  de 
Terentianus  Maurus  a  été  inséré  dans 
les  Grammaticœ  latinœ  auctores  anti- 
()ui  de  Putschius,  dans  le  Corpus  ve- 
terum  poetarum  de  Maittaire,  et  autres 
recueils.  Il  ne  contient  pas  seulement 
les  règles  de  la  prononciation   et  de 
la  versification  latines,  il  donne  en- 
core des  détails  intéressants  sur  l'es- 
pèce de  vers  qui  convient  à  chaque 
genre  de  poésie.  Ce  qu'il    y  a  sur- 
tout de  remarquable,  c'est  que   les 
préceptes   métriques    sont  expliqués 
dans  le  rhythme   même  dont  il  est 
question  ;  ainsi,  par  exemple,  le  poè- 
te parle  du   vers  hexamètre  en  vers 
hexamètres,    du  vers   iambique    en 
vers  iambiques,  etc.  ;  et  il  s'exprime 
avec    un    clarté,   une   élégance   que 
Tannegui  Lefévre  et    Vossius  admi- 
raient. C'est  dans  Terentianus  Maurus 
qu'on  trouve  ce  vers  que  beaucoup 
de  personnes  citent  sans  en  connaî- 
tre l'auteur,  et  qu'on  a  quelquefois 
attribué  à  Ovide  ou  à  Manilius  : 

Pro  captu  lectoris  habent  sua  fau  libelli. 
Van  Santen ,  savant  philologue  hol- 
landais, était  sur  le  point  de  publier 
une  édition  in -4°  du  poème  de  Te- 
rentianus Maurus,  cl  l'impression  en 
était  déjà  commencée ,  lorsque  la 
mort  l'enleva  en  1798  (  voy.  Sabten  , 
XL,  364).  P— RT. 

MAURUS  (Marcos  Vertbamus), 
jurisconsulte  et  littérateur,  est  cité 
par  Hubert  Goltz,  dan»  son  édition 
de  Jules-César,  IJourge»,  1563,  in- 
fol.,  parmi  les  amateurs  d'antiquités 
le»  plu»  éclairé»  de  Lyon.  Mai»  on  ne 
connatt  ni  son  nom  en  langue  vul- 
gaire, ni  le  lieu,  ni  la  date  de  sa  nais- 


MAU 

sance  et  de  sa  mort;  on  sait  seulement 
qu'il  avait  voyagé  en  Italie  pour  col- 
lationner  des  manuscrits,  et  qu'il  était 
allé   à  Lyon  pour  y   taire  imprimer 
quelque    ouvrage.    M.    Breghot    du 
Lut   (Nouveaux  mélanges  pour  servir 
à  l'histoire  de  la  ville  de  Lyon,  1829- 
1831,    in -8")    pense     que    Maurus 
était  correcteur  d'imprimerie.  On   a 
de  lui  :  L  Des  notes  sur  le  traité  de 
Lingua  latina  de  Varron,  Lyon,  1563, 
in-8",  d'après  les  manuscrits  de  Flo- 
rence et  de  Rome,  que  l'annotateur 
avait  collationnés.   IL  Des  notes  sur 
Tacite,  imprimées  ou  peut-être  réim - 
primées  à    Paris,   en    1608,    in-fol. 
III.    Liber  singularis   de  jure    libero' 
rum,  Venise,  1584,  in-fol.,  réimpri- 
mé dans    le  t.  lll  du  Thésaurus  Juris 
d'Otton. — M.\tmts  (François),  né  à 
Spolette ,    en  Ombrie,  dans  les  pre- 
mières  années   du  XVP  siècle,  était 
déjà  avancé  en  âge  lorsqu'il  embrassa 
la  règle  des  Frères-Mineurs.  Tout  en 
s'acquittant  de   ses  devoirs  monasti- 
ques avec  zèle  et  piété,  il  consacrait 
ses  loisirs  à  la  poésie  qu  U  avait  cul- 
tivée dans  sa  jeunesse,  et  il  composa, 
sur   la    vie   de   saint    François  d'As- 
sise (1),  fondateur  de  son  institut,  un 
poème  épique  en  treize  livres,   qu'il 
intitula  Francisciados,  etc.  ,  et  qui  lui 
valut  les   plus  grands   éloges    de  la 
part  de  ses  contemporains.il  le  dédia 
à  Cosme  I",  de  Médicis,  grand-doc 
de  Toscane.  Ce  prince,  qui  était  son 
Mécène,   fit  placer  son  portrait    par- 
mi ceux  des  poètes  célèbres,  ornant 
la  galerie  de  Florence,   l^  poème  de 
Maurus  fut  d'abord  imprimé  à  Flo- 


(1)  I^  vie  de  saint  François  d'Assise  est 
aussi  le  siyet  de  deux  pc-  ■•«  f"'>.ais  fort 
nuMiocrcs,  ch.icun  en   il  •  L'un, 

im\lu\é  :  ta  Sainte  Frauo  a  pottf 

auteur  Jacques  Corbin ,  avocat  ;  lautie,  dont 
Ip  titre  est  l'Ègyptiadc .  1776,  1786,  fut  com- 
posé par  le  P.  Joly,  capucin  [voy.  CORBt»,  IX, 
561,  et  JOLT,  XXI,  608). 


MAD 

rence,  en  1570  ;  puis  à  Anvers,  chez 
Planùn,  en  1572.  Après  sa  mort,  un 
religieux  du  même  oidre,  Louis  Ga- 
valli,  en  donna  une  nouvelle  édition, 
avec  un  argument  à  chaque  livre,  des 
notes ,  des  éclaircissements  et  un 
abrégé  de  la  vie  de  l'auteur,  Rouen, 
1634,  dédiée  à  François  de  Harlay, 
alors  aicbevêque  de  cette  ville,  et  de- 
puis archevêque  de  Paris.  —  Macbls 
{ Hortensius)j  poète  latin,  ne  à  Vé- 
rone^ en  1632,  embrassa  l'état  ec- 
clésiastique ,  et  résida  long-  temps 
auprès  de  Ferdinand  de  Furstemberg, 
évêque  de  Paderborn  ,  protecteur 
éclairé  des  gens  de  lettres,  ^prés  la 
mort  de  ce  prélat,  il  alla  se  fixer  à 
Hanovre,  où  il  mourut  le  1 4  septem- 
bre 1724,  âgé  de  92  ans,  et  fut  in- 
humé dans  réglise  des  catholiques. 
Il  comptait  de  nombreux  amis  parmi 
les  savants  d'Allemagne.  On  ti-ouve 
dans  la  collection  des  poètes  alle- 
mands de  Boeenickius  quelques  poé- 
sies de  Maurus.  L'abbé  \Veissembach, 
qui  les  avait  reunies  et  publiées  sé- 
parément, les  inséra  ensuite  dans  le 
recueil  intitulé  .-  Selecta  veterum  et 
Tecentiorum  poemata,  Bàle,  t782  , 
ia-12.  P — ^RT. 

MALRVILLË  (le  comte  Bide 
de),  né  à  Rochefoit,  le  17  novem- 
bre 1752 ,  appartenait  à  une  ancien- 
ne famille  noble  de  la  Bi'etagne,  dont 
plusieurs  membres  se  distinguèrent 
au  service  de  la  marine.  Son  grand- 
père  succomba  glorieusement  dans  le 
combat  livré,  le  24  septembre  1704, 
entre  Malaga  et  Gibraltai',  par  le 
comte  de  Toulouse,  à  la  flotte  an- 
glo-hollandaise. Son  père,  lieutenant- 
général  ,  se  Bt  plus  dune  fois  re- 
marquer par  sa  bravoure  dans  la 
guerre  de  Sept  Ans.  Ces  exemples  ne 
furent  pas  perdus  pour  le  jeune 
Maurville.  Il  était  depuis  douze  ans 
dans  la  marine,  lorsque  fut  livré,  le 


MAD 


:m 


27  juillet  1778,  le  combat  d'Oues- 
sant  auquel  il  prit  une  part  honora- 
ble. JNommé  lieutenant  de  vaisseau 
Tannée  suivante,  il  exerça  succes- 
sivement ,  pendant  la  guerre  de 
l'Indépendance  américaine,  quatre 
commandenioits  sous  les  ordres  su- 
péiieurs  de  MM.  de  Guichen ,  de  la 
Molle-Picquet ,  de  Vaudreuil  et  de 
Soulanges,  qui,  tous  quatre,  signalè- 
rent sa  brillante  conduite  et  lui  don- 
nèrent les  témoignages  les  plus  flat- 
teurs de  leur  estime.  Il  commandait 
le  lougre  le  Chasseur^  faisant  partie 
de  l'escadre  de  la  Motte-Picquet,  lors- 
qu'il rencontra,  le  26  avril  1781, 
hors  de  vxie  de  cette  escadre,  un 
corsaire  anglais  qu'il  força  d'amener 
son  pavillon.  Peu  de  jours  après,  l 'es- 
cadre ayant  rencontré  un  convoi  de 
34  bâtiments  marchands  anglais  , 
convoyé  par  deux  vaisseaux  et  deux 
frégates,  vingt-deux  de  ces  bâtiments 
tombèrent  au  pouvoir  des  Français  ; 
le  Chasseur  y  seul,  en  captura  quatre. 
Le  Maliiv,  cutter  de  dix-huit  canons, 
qu'il  commanda  ensuite,  fut  attaqué, 
le  17  janvier  1783,  près  de  Porto- 
Rico,  par  une  frégate  anglaise  qu'il 
contraignit  à  1  abandonner  après  deux 
heures  d  un  combat  acharné.  A  la 
paix  de  1783,  il  commanda  la  fré- 
gate [Active  à  Boston.  iSommé  capi- 
taine de  vaisseau  en  1792,  il  quitta 
la  France  la  même  année,  et  ne  re- 
vint qu'en  1802  ;  Bdele  à  ses  convic- 
tions et  à  ses  souveniis,  il  ne  servit 
pas  sous  l'empire.  3tlais,  en  1814,  il 
rentra  dans  la  marine  avec  son  an- 
cien grjftie.  En  1816,  il  fut  promu  à 
celui  de  contre  -  amiral  et  appelé  suc- 
cessivement aux  fonctions  de  major- 
général  et  de  commandant  de  la  ma- 
rine au  port  de  Rochefort.  Il  ne  le 
quitta  quen  1827,  après  s'y  être 
concilié,  par  son  impartialité  et  l'af- 
fabilité de  ses  manières ,  l'estime  et 
22. 


340 


MAU 


l'attachement  de  ses  suborcTonnés. 
Admis  à  la  retraite,  le  31  août  1830, 
il  mourut  à  Paris,  le*ll  mars  1840.  Il 
était  officier  de  la  Légion-d'iionneur 
et  grand-croix  de  l'ordre  de  Saint- 
Louis.  P.  L — ^T. 

MAUSSIOIV  (Louis  de),  né  vers 
1750,  d'une  famille  noble,  était  pré- 
fet du  département  de  la   Meuse  en 
1816,  lorsque  le  ministre  de  la  police 
fit  enlever  les  papiers  du  conventionnel 
Courtois  {voy.  ce  nom,  LXI,  494).  Ne 
s'étant  pas  prêté  avec  beaucoup    de 
docilité  à  cet  acte  arbitraire,  Maussion 
fut  destitué  de  sa  préfecture;  mais 
comme  c'était  un    homme  de  bien 
très-connu  et  qu'il  tenait  à  une  fa- 
mille alors  puissante,  on   lui  donna 
un  autre  emploi ,  celui  de  conseiller 
de  l'Université,  qui  fut  pour  lui  jus- 
qu'à la   fin   de  sa  vie  une  véritable 
sinécure.  C'était  un  homme  lettré,  et 
il  a  rédigé  quelques   articles   de   la 
Biographie  universelle,  par  zèle  pour 
la  science.  Maussion  mourut  à  Fos- 
soy,  près  Château-Thierry,  le  4  no- 
vembre  1831.  —  M""   de  Maussion , 
femme  du  précédent,  est  auteur  de 
quelques  ouvrages    pour  l'éducation 
de  l'enfance;  elle  a,  en  outre,  publié 
dés  Lettres  sur  l'amitié  entre  les  fem- 
mes,   précédées  de  la  traduction   du 
Traité  de  l'Amitié,  de  Cicéron,  1825, 
in-18;  des  Lettres  sur  la  vieillesse  des 
femmes  ,  précédées  de  la   traduction 
du    Traité  de  la  f^ieillesse ,  de  Cicé- 
ron ,  1825,  in-18.  Cet  ouvrage  avait 
paru,  en  1822 ,  sous  le  titre  de  Caton 
l'ancien,  ou    Dialogue   sur   la  vieil- 
lesse,.... suivi  de  quatre  lettres,   etc. 
— •  Leur  fils  aîné,  colonel  d'élat^Vnajor 
à  l'armée  d'Afrique,  fut  tué  en  com- 
battant glorieusement  dans   le  mois 
de  nov.  1840.  M — d  j. 

MAIIVEL.  roy.  Catinat,  VII, 
398.  C'egt  par  faute  d'impression  que, 
dans  cet  article  et  au  tome   XXVII , 


MAU 

p.  578 ,  le  nom  de  ce  personnage  est 
écrit  Maurel  au  lieu  de  Mauvel. 

MAUZUXHO  Quebedo-de-Castel- 
lo-Branco,  célèbre  poète  portugais , 
naquit  à  Sétubal ,  dans  le  XVI*  siècle. 
Il  fit  de  bonnes  études  à  l'Univer- 
sité de  Coïmbre.  Son  premier  ou- 
vrage fut  un  discours,  publié  en 
1596 ,  sur  la  vie  et  la  mort  de 
sainte  Isabelle,  reine  de  Portugat. 
Le  second  lui  fit ,  comme  poète , 
une  réputation  durable  et  brillante. 
Il  s'agit  du  ^ohmenCL  A Iphonse-V Afri- 
cain, monument  précieux  élevé  à  la 
gloire  antique  du  Portugal.  Dans 
cette  épopée,  qui  ne  parut  qu'en 
1611,  Mauzinho  chante  la  conquête 
de  Tanger  et  d'Arzila,  villes  d'Afri- 
que ;  son  héros  est  l'illustre  vainqueur 
de  ces  villes ,  Alphonse  V,  dit  l'A- 
fricain. Il  a  tiré  le  merveilleux  de 
son  poème  de  la  religion  chrétienne 
et  de  la  mythologie  grecque  ,  dont  il 
fait  quelquefois  un  monstrueux  mé- 
lange. Dans  son  premier  chant,  il 
peint  l'enfer  d'une  manière  qui  ne 
manque  ni  d'énergie  ni  de  noblesse. 
Le  quatrième  chant,  où  il  introduit 
une  jeune  princesse  africaine,  qui  a 
pris  sous  sa  protection  les  captifs 
chrétiens,  fait  voir  qu'il  Uaite  les 
sujets  qui  demandent  de  la  grâce , 
moins  habilement  que  ceux  qui  exi- 
gent de  la  force.  Le  plus  intéressant 
épisode  du  poème  est  celui  où  Mau- 
zinho retrace  la  gloire  et  les  infor- 
tunes de  dom  Ferdinand,  prince  qui, 
resté  en  otage  entre  les  mains  des 
Arabes,  termina  sa  vie  à  Alcaçar.  Fi- 
dèle à  l'esprit  de  son  temps,  le  poète 
montre,  au  neuvième  chant,  un  guer- 
rier chrétien  qui  veut  conveiiir  un 
ennemi  qu'il  a  vaincu,  et  auquel  il 
n'accorde  la  vie  que  sous  la  condi- 
tion de  recevoir  le  baptême.  Lorsque 
Mauzinho  décrit  des  batailles,  on 
sent  que,  s'il  n'y  a  point  assisté,  il  a 


MAV 

consulté  les  plus  6dèles  relations.  On 
ne  peut  lire,  sans  un  douloureux  at- 
tendrissement ,  un  passage  admirable, 
dans  lequel  un  père  et  un  fils  cou- 
verts de  blessures,  se  rencontrent,  se 
reconnaissent,  s'embrassent  et  meu- 
rent. Cet  épisode  annonce  un  génie 
véritable.  Mauzinho  possède  l'art 
précieux  de  varier  ses  tableaux  et 
de  ranimer  des  images  cent  fois  em- 
ployées pai'  le  tour  nouveau  qu'il 
sait  leur  donner.  Ce  poète  toutefois 
n'est  pas  sans  défauts.  En  général , 
ses  descriptions  sont  longues  et  trop 
multipliées  ;  son  style  est  souvent 
incorrect  ;  son  action  principale  est 
lente  et  fréquemment  interrompue. 
Mais  tous  ces  vices  sont  rachetés  par 
des  pensées  grandes  et  énergiques, 
par  des  images  vives  et  majestueuses, 
des  comparaisons  pleines  de  justesse 
et  d'éclat.  Mauzinho  jouit  d'une  gran- 
de estime  chez  ses  compatriotes ,  et 
plusieurs  critiques  judicieux  de  sa  na- 
tion ont  fait  de  brillants  éloges  de  son 
talent.  F — a. 

MAYOR  (le  rév.  William  FoRDY- 
ce),  littérateur  anglais,  né  le  1"  août 
1758,  près  d'Aberdeen  en  Ecosse, 
quitta  de  bonne  heure  le  lieu  de  sa 
naissance,  et  fut,  dès  l'âge  de  17  ans, 
sous-instituteur  du  collège  de  Burford, 
dans  le  comté  d'Oxford.  Il  s'occupa 
ensuite  à  diriger  l'éducation  des  reje- 
tons de  l'illustre  famille  de  Marlbo- 
rough,  et  ce  fut  par  leur  protection 
qu'il  entra  dans  les  ordres,  en  1781. 
Il  était  en  même  temps  maître  d'éco- 
le à  Woodstock.  En  1797,  le  duc  de 
Marlborough  lui  donna  la  vicairie  de 
Hurley  ,  dans  le  comté  de  Berk  ;  la 
même  année,  l'université  d'Aberdeen 
lui  conféra  les  degrés  de  docteur  ès- 
lois.  Plus  tard,  il  rempht  les  fonctions 
de  curé  de  Stonefield  ,  et  devint  ai- 
suite  curé  et  maire  de  Woodstock.  Le 
docteur  Mavor  s'adonna  très-jeune  à 


MAV 


341 


la  poésie,  et  mit  an  joar  des  poèmes 
qui  obtinrent  un  succès  pour  ainsi 
dire  populaire.  Dans  un  âge  plus 
avancé,  il  cultiva  les  hautes  sciences 
et  y  réussit  également;  il  s'attacha 
surtout  aux  ouvrages  destinés  à  l'é- 
ducation de. la  jeunesse.  Mavor  mou- 
rut en  183a  On  a  de  lui  :  I.  Mé- 
langes poétiques  f  in -8°,  1779.  II. 
La  Sténographie  universelle ,  in-S", 
1779;  sixième  édition,  1806.  III.  Le 
guide  poétique  de  Cheltenham^  in-12, 
1781.  IV.  Magasin  géographique, 
pubhé  sous  le  nom  de  Martyn,  2  vo- 
volumes  in-4",  1781.  V.  Dictionnaire 
d'histoire  naturelle,  sous  le  même 
nom,  2  vol.  in-fol,  178i.  VI.  Élégie 
à  la  mémoire  du  capitaine  James 
King  ,  in-4°  ,  1785.  VIL  Bleinheim, 
poème,  in-4°,  1787.  VIII.  Nouvelle 
description  de  Bleinheim,  in-8°,  1789; 
T  édition,  1806.  IX.  Vindiciœ  landa- 
venses,  ou  Défense  de  Cévèque  de  Lan- 
daff,  in-8o  ,  1792.  X.  Poèmes,  in-S», 
1793.  XI.  Les  Politiques  chrétiens, 
sermon,  in-8°  ,  1793.  XIl.  Appendix 
a  la  Gratnmaire  latine  d'Eton,  in-12, 
1796.  XIII.  Mélanges  pour  la  jeunesse, 
ou  Présent  d'un  père  à  ses  enfants, 
in-12,  1776  ;  réimprimés  depuis  en 
2  vol.  in-8»,  1804.  XIV.  Le  devoir  des 
actions  de  grâces,  sermon,  in-8"',1797. 
XV.  Récit  historique  des  voyages,  de- 
puis Colomb  jusqu'à  nos  jours,  23  vol. 
de  1796  à  1801.  XVI.  Le  Voyageur 
anglais,  ou  le  Petit  compagnon  de 
voyage  du  voyageur  en  Angleterre, 
pays  de  Galles,  Ecosse  et  Irlande,  6 
vol.  in-12,  de  1798  à  1800.  Cet  ou- 
vrage est  le  précédent  ont  été  réim~ 
primés  ensemble,  Londres,  1810  ,  31 
vol.  in-18,  fig.;  puis,  avec  des  aug- 
mentations, Londres  ,  1814  -  15, 
28  vol.  gland  in-18,  fig.  XVII.  Le 
Cornélius  Népos  anglais,  ou  Vies  des 
illustres  Bretons,  in-12,  1798.  XVIII. 
Eléments  d'histoire  naturelle,  à  Cusage 


3*2 


MAV 


des  eco/es,  in-12,  1799;  traduits  en 
français,  par  M.  J.-B.-J.  Breton,  sous 
le  titre  suivant:  le  Buffon  des  enfants, 
ou  Histoire  naturelle  calquée  sur  la 
classification  des  animaux  par  Linné ^ 
avec  des  descriptions  familières,  com- 
me celles  de  Goldsmith,  Buffon  et 
Pennant,  Paris,  1802,  1807,  2  vol. 
in-12.  XIX.  Magasin  des  jeunes  gens 
des  deux  sexes,  2  vol.  in-12,  1799. 
XX.  Livre  de  poche  sur  la  botanique  , 
pour  les  dames  et  les  messieurs,  in-12, 

1800.  XXI.  Collection  des  Vies  de 
Plutarque,  abrégées  pour  les  écoles,  in- 
12,  1800.  XXII.  Le  voyageur  tnoder- 
ne,  avec  des  notes  explicatives,  4  vol. 
io-12.  1800.  XXin.  Poésie  anglaise 
classique,  à  l'usage  des  jeunes  person- 
nes, conjointement  avec  M.  Pratt,  in- 
12,  1801.  XXIV.  Le  Nouvel  orateur^ 
ou  le  Livre  classique  anglais,  in-12, 

1801.  XXV.  L'Abécédaire  anglais, 
in-12, 1801  ;  ce  petit  livre  dlémentaire 
n'a  pas  obtenu  moins  de  succès  que 
notre  grammaire  de  Lhomond  et  a  eu 
plus  de  300  éditions.  XXVI.  His- 
toire universelle  ancienne  et  moderne  , 
25  vol.  in-18,  1802.  XXVII.  L'Jr- 
mure  complète  du  chrétien  ,  sermon  , 
in-S",  1803. XXVIII.  Proverbes  divers, 
ou  la  Sagesse  de  toutes  les  nations,  in- 
12,  1804.  XXIX.  Bhétorique  d'Hol- 
mes, améliorée  ,  in-12  ,  1806.  XXX. 
JjC  Cercle  des  arts^et  des  sciencçs,  in- 
12,  1808.  XXXI.  Grammaire  latitte 
d'Éton  avec  des  notes  explicatives, 
in-12,  1809.  XXXII.  Vue  générale  sur 
l'agriculture  du  comté  de  Berh,  in-8'', 
1809.  XXXIII.  Collection  de  Catéchis- 
mes, 2  vol.,  1810.  XXXIV.  Abrégé  du 
Tableau  de  l'Espagne,  par  IJourgoinf;, 
in-12,  1812.  XXXV.  Nouvelle  édition 
de  l'ouvrage  sur  l'Économie  rurale  de 
Tusscr  (Points  of  Hushundry),  in-l", 
1812.  XXXVI.  Les  fruits  de  la  persé- 
vérance, en  trois  sermon.s,  in-8'*,  1814. 
Mavor  a  aussi  publié  des  Histoire;» 


MAW 

d'iVngleterre,  de  Rome  et  de  la  Grèce, 
et  a  inséré  plusieurs  articles  dans  les 
journaux  scientifiques.  Z. 

MAWE  (Jea!«),  voyageur  anglais, 
naquit  et»  1764,  dans  le  comté  de 
Derby,  province  montagneuse,  re- 
marquable par  la  richesse  et  la  va- 
riété de  ses  productions  minérales. 
Le  spectacle  tie  ces  curiosités  éveilla 
de  bonne  heure  dans  l'esprit  de  Mawe 
le  désir  de  les  étudier,  et  d'en  faire 
des  collections.  Ayant  tiré  un  parti 
avantageux  de  ses  travaux  et  de  ses 
courses  dans  divers  cantons  de  la 
Grande-Bretagne,  il  établit  à  Londres 
un  commerce  de  minéraux,  et  en 
publia  des  descriptions.  La  réputation 
qu'il  s'acquit  le  fit  employer  à  exa- 
miner les  principaux  échantillons  du 
riche  cabinet  de  Madrid.  En  1804, 
ses  succès  lui  inspirèrent  le  projet  de 
visiter  l'Amérique  méridionale,  où  il 
devait  espérer,  avec  raison,  de  con- 
naître et  de  se  procurer  beaucoup  de 
choses  nouvelles  et  lucratives.  Il 
obtint  de  son  souverain  une  licence 
pour  aller  au  Rio-de-la-Plata,  sur  un 
navire  espagnol,  qu'il  devait  fréter 
pour  son  compte  ;  précaution  que 
rendait  nécessaire  d'un  côté  la  guerre 
avec  la  France,  de  l'autre  l'appré- 
hension continuelle  d'une  rupture 
prochaine  avec  l'Espagne.  La  licence 
était  spéciale  et  très-  précise.  En  cas 
de  guerre  avec  ce  dernier  pays,  elle 
protégeait  tout  ce  qui  appartenait  à 
Mawe,  sous  le  pavillon  espagnol,  s'il 
lui  arrivait  d'fître  pris  par  un  vais- 
seau de  guerre  ou  un  corsaire  bri- 
tannicjuc.  Mawe  partit  de  Londres,  le 
!'■  août  1804,  et  entra  dans  le  port 
de  Cadix  ,  après  une  Uaversée  très- 
heureuse.  S'étant  conformé  aux  règle- 
ments de  la  douane  espagnole,  con- 
cernant les  marchandises  étrangères 
destinées  pom-  les  colonies,  il  n'at- 
tendait plus  que  le  moment  de  faire 


MAW 

voile,  lorsque  la  nouvelle  de  l'attaque 
et  de  la  prise,   en  pleine  paix,  à  la 
hauteur  du   cap  Finistère,  par  une 
escadre  britannique,   de  quatre  fré- 
gates espagnoles  richement  chargées, 
rendit  très-critique    la   position  des 
Anglais  demeurant  à  Cadix.  Bientôt 
la    guerre    éclate     entre    ces    deux 
pays,     et    cette    ville    est    bloquée. 
A  ce  malheur  en  succède  un  autre 
pour  Mawe.  Il  est  atteint  de  la  fièvre 
jaune,  qui  alors  sévissait  avec  fureur 
dans  le  sud  de  la  Péninsule  ibérique  ; 
heureusement  il  guérit  de  cette  ter- 
rible maladie,  dont  il  a  très-bien  dé- 
crit les  symptômes  ;  et,  dans  les  der- 
niers jours  de  mars  1805,  son  navire 
appareilla.  Comme  il  s'y  attendait,  il 
est  arrêté  par   1  esi;adre  de  ses  com- 
patriotes, et  conduit  à  l'amiral,  qui, 
après  l'examen    de    ses  papiers,   lui 
délivre  un    certificat   pour    que    les 
vaisseaux  le  laissent  passer  sans  obs- 
tacle, et  lui  prêtent  aide  et  assistance 
en  cas  de  besoin.  »  Cette  pièce  me 
n  fut  très-utile,  ajoute   le   voyageur, 
«  ayant  été    abordé,    peu    de  jours 

•  après,  par  une  frégate  britannique, 

•  et  successivement   par   deux   cor- 

•  saires  de  Guernesey.  L'un  d'eux  se 
«  conduisit    très-brutalement   envers 

•  nous;  son  équipage  n'était  com- 
H  posé  que  de  bandits.  Je  fris  pen- 
"  dant  deux  heures  exposé  à  leurs 
»  insultes  et  à  leurs  menaces.  L'autre 
»  au  contraire,  que  je  rencontrai  à 
«  quatre  lieues  de  TénéritFe,  fut  très- 
«  poli,  avantage  inappréciable  et  très- 
«  rare.  »  Cette  aventure  rappelle  les 
chances  diverses  de  l'exercice  du  droit 
de  visite.  Toujours  dominé  par  sa 
passion,  Mawe  profita  de  la  permis- 
sion de  débarquer  à  Ténériffe,  pour 
y  ramasser  des  échantillons  de  miné- 
raux. Après  une  traversée  difficile, 
des  tribulations  d'un  autre  genre  l'at- 
tendaient à  Montevideo.  Le  capitaine 


MAW 


343 


fit  sur  son  compte  un  rapport  inexact 
et  malveillant  au  gouverneur;  les  ma- 
telots affirmaient  qu'il  était  Anglais, 
et  qu'ils  avaient  passé,  sous  pavillon 
espagnol,    au    milieu   d'une   escadre 
britannique.     Quoique    Mawe     eût 
rendu  service  à    la    colonie,    en    y 
apportant  une  cargaison  d'objets  dont 
elle  avait  besoin,  il  fut  an  été  et  en- 
voyé  prisonnier   à    bord    d'un    mé- 
chant petit  navire  de  guerre.  Il  avait 
tout  de  suite  écrit  au  négociant  de 
Buenos-Ayres    auquel   sa    cargaison 
était  consignée.  Celui-ci  se  joignit  à 
ses  persécuteurs,  afin  de  ne  pas  per- 
dre Foccasion  de  faire  un  gain  consi- 
dérable.  Il   fournit  caution,   la  car- 
gaison lui  est  délivrée  ;  il  la  vend,  et 
en  retient  le  produit,  sous  prétexte 
qu'il  ne  peut  le  remettre  à  un  détenu. 
Enfin  un  honnête  citoyen  de  Lima, 
qui  avait  eu    soin    de    lui    à    CadLx 
pendant  sa   maladie,  qui  était  venu 
sur  son  navire,  et  qui  seul  avait  la 
permission  de  le  voir,  réussit  à  in- 
téresser une   vieille  dame  en    faveur 
du    captif.    Elle    trouva    deux   cau- 
tions qui  répondirent  de  Mawe,  pour 
comparaîtie  en  justice   quand   il  se- 
rait cité.   Il  avait   à   peine  recouvré 
sa   liberté,    qu'il   la  perdit  de  nou- 
veau, pour  une  imprudence  insigni- 
fiante, et  subit  six  semaines  de  rigou- 
reuse   captivité.  Enfin   un  ordre  du 
vice- roi  de  Buenos-Ayres  le  fit  relâ- 
cher, mais  il  dut  payer  une  amende  de 
trois  cents  piastres.  Une  aventure  im- 
prévue, dans  la  campagne,  faiUit  à  le 
faire  encore  jeter  dans  un  cachot.  Il 
ne  l'aurait  pas  évité  lorsque  l'expé- 
dition  anglaise,   commandée    par    le 
général  Beresford,  entra  dans  le  Rio- 
de-la-Plata,  si  son  avocat  n'eût  obtenu 
qu'il  irait  demeurer  à  quarante  lieues 
de  distance,  dans  l'intérieur  du  pays. 
Un  brave  Espagnol  lui  donna  l'hos- 
pitalité. Mawe  vivaùt  depuis  six  mois 


3U 


mkw 


dans  ee  canton  recu'ld  ,  quand  la 
nouvelle  de  la  prise  de  Montevideo, 
par  les  Anglais,  lui  permit  de  re- 
tourner dans  celte  ville.  Ensuite  il 
obtint  du  général  Whitelocke ,  '  lia 
faculté  de  suivre  l'armée  qui  allait 
faire  voile  pour  Buenos-Ayres.  Il  ex- 
plique très-bien  les  causes  qui  ame- 
nèrent le  mauvais  résidtat  de  cette 
expédition.  L'armée  fut  forcée  di- 
se rembarquer  poui'  Montevideo. 
Comme  elle  avait  été  pendant  quel- 
ques jours  en  possession  des  fau- 
bourgs de  Buenos-Ayres,  •  Mawe  ren- 
dit des  services  importants  à  plusieurs 
personnes.  Revenu  à  Montevideo,  que 
les  Anglais  s'étaient  obligés  à  rendre, 
il  ne  perdit  pas  un  instant  pour  faire 
les  préparatifs  d'un  voyage  au  Bi'ésil, 
et,  le  11  septembre  1807,  il  s'etn- 
barqua  sur. un  navire  portugais  qu'il 
avait  frété.  I.c  29,  il  visitait  l'île  Sainte- 
Catberine.  Il  passa  ensuite  sur  la  partie 
du  continent  brésilien  qui  en  est  voi- 
sine, suivit  la  côte  jusqu'à  Santos, 
traversa  la  cliaîne  de  montagnes  qui 
borde  l'Océan,  et  s'avança  jusqu'à 
Saint-Paul,  jolie  ville  de  l 'intérieur. 
Il  fit,  avec  le  gouverneur,  une  excur- 
sion aux  mines  d'or  de  Jaragua,  et 
revint  à  Santos,  oii  il  reprit  la  voie  de 
mer.  Ayant  débarqué  à Zapitira,  il  s'a- 
chemina par  terre  vers  Rio-de-Janeiro. 
Grâce  aux  lettres  de  recommandation 
de  l'ambassadeur  de  Portugal  à  Lon- 
dres, Maw  e  fut  très-bien  reçu  par  le 
vice-roi  du  Brésil.  Chargé  d'examiner 
divers  établissements  publics  exis- 
tants on  cjuc  l'on  avait  dessein  de 
former,  il  put  même  en  fonder  poul' 
des  particuliers.  Après  que  le  prince- 
régent,  depuis  le  roi  .ïean  VI  {vfi'y.  ce 
nom,  LX VIII,  122),  fut  Venu  chcj- 
cher  un  asile  au  Brésil,  Mawé,  qui 
naturellement  désirait  voir  par  lui- 
même  les  mines  de  diamants,  ne  sol- 
licita  pa«  inutilement  la   faoïiltt-    de 


satisfeire  sa  curiosité.  Cfette-  rave«r 
n'avait  jamais  été  accordée  à  un 
étranger,  et  aucun  Portugais  n'avait 
pu  visiter  le  district  où  est  située  l'ex- 
ploitation de  cette  pierre  précieuse, 
à  moins  que  ce  ne  fût  pour  des  affaires 
qui  y  fussent  relatives  ;  encore  était- 
ce  avec  de  si  grandes  l'estrictions. 
qu'elles  mettaient  dans  l'impossibilité 
d'en  publier  une  description  conve- 
nable. Avant  son  départ,  Mawe  eut 
un  libie  accès  dans  les  bureaux  dés 
archives  du  gouvernement,  avec  la 
faculté  '  d'examiner  toutes  les  cartes 
manuscrites,  et  de  copier  ce  qu'il  ju- 
gerait utile  pour  le  guider  dans  sa 
l'oute.  Muni  des  passeports  néces- 
saires, il  partit,  le  27  août  1809*. 
sous  la  protection  d'une  escorte 
militaire.  A  Villa-Rica  ,  capitale  de 
la  province  de  Minas-Geraës,  il  com- 
mença ses  explorations .  puis  fit  des 
excursions  de  divers  côtés;  ensuite 
contiimant  à  cheminer  au  nord ,  il 
entra,  le  17  septembre,  dans  Tijuco, 
chef-lieu  du  district  des  Diamants.  Il 
vit  à  trente  milles  plus  loin  l'ex- 
pWitation  la  plus  considérable,  à 
Mandanga,  sur  les  bords  du  Jighi- 
(onhonha.  Une  indispo.«itiOn  subite 
l'empêcha  de  pousser  ses  courses 
plus  avant;  il  était  «le  retour  à  Rio- 
de-Janeiro  ,  vers  le  milieu  de  février 
1810.  Il  présenta  au  ministre,  quel- 
ques jours  après,  un  rapport  sur  son 
voyage,  el  eut  ensuite  l'honneur  de 
paraîtie  devant  le  prince-régent,  qui 
eut  la  bonté  de  lui  témoigner  son 
approbation  du  compte  qu'il  avait 
rendu,  et  de  l'engager  à  ptiblicr  sa 
1  elalioVi.  La  santé  de  Mawe  était  trop 
altérée  pour  qu'il  songeât  à  prolonger 
«on  séjour  au  Brésil;  il  revint  en 
Angleterre.  Il  mourut  à  I^ondres,  le 
26  octobre  1829.  C'était  un  homme 
(Fun  caractère  enjoué,  se  fai.sant  gé- 
néralement aimer  et  estimer  ;  on  pre- 


MAW 

liait  plaisir  à  sa  conversation  toujours 
instructive,  parce  que  se»  connais- 
sances étaient  très-variées.  On  a  de 
lui,  en  anglais  :  I,  Minéralogie  du 
Derbyshire,  accompagnée  d'une  des- 
cription des  mines  les  plus  intéres- 
santes de  r Angleterre  septentrionale, 
de  rÉcosse  et  du  pays  de  Galles, 
Londres,  1800,  in-S".  figures.  C'est 
un  bon  répertoire  qui  aide  à  con- 
naître les  productions  minérales  des 
pays  eités  dans  le  titre.  L'auteur  y 
traite  aussi  des  échantillons  les  plu» 
remarquables  du  cabinet  de  Madrid. 
II./  'uns  l'intérieur  du  Brésil-, 

part  ifiit  dans    les  districts  de 

for  et  du  diamant,  faits  avec  iautoti- 
satioh  du  prince  régent  de  Portugal, 
en  4809  et  1810,  contenant  aussi  un 
vage  au  Rio-de-la-Plata,  et  un  essai 
torique  stir  la  révolution  de  Bue- 
-Ayres,  Londres,  1812,  in-4°. 
!  tes  et  figures.  L'auteur  donne  dans 
ce  récit  beaucoup  de  détails  intéres- 
sants sur  les  contrées  qu'il  a  parcou- 
rues. Il  porte  de  bons  jugements 
sur  les  choses  qu'il  a  vues.  Il  est  le 
premier  étranger  qui  ait  pénétré 
dans  les  cantons  du  Brésil  les  plus 
renommés  par  leui^s  richesses  miné- 
rales; aussi  son  livre  obtint-il  tout  de 
suite  une  grande  vogue,  tant  à 
cause  des  renseignements  importants 
qu'il  contient,  que  delà  manière  dont 
ils  sont  présentés,  et  il  mérite  de 
tenir  \va  rang  parmi  les  ou\Tages 
instructifs.  Il  a  eu  plusieurs  éditions 
en  Angletern:,  a  été  reimprimé  aux 
États-Unis  de  l'Amérique  du  nord, 
traduit  en  portugais  au  Brésil,  en 
allemand,  en  russe,  en  suédois,  en 
français,  par  l'auteur  de  cet  article, 
Paris,  1816,  in-8*',  cartes  et  figures. 
Cette  version  contient  un  Mémoire 
sur  les  diamants  du  Brésil,  pai 
M.  d'Andrada,  savant  portugais,  qui 
l'avait   inséré  dans  le   tome  I"   des 


MAX 


34S 


Actes  de  la  Société  d'histoire  natu- 
relle de  Paris;  et,  à  la  fin  du  IP  vo- 
lume, on  lit  une  Description  des  tlés 
Açores,  par  J.-Y.  Hebbe,  officier  de 
la  marine  suédoise,  traduit  en  fran- 
çais. En  1816,  on  n'avait  encorfe 
qu'un  très-petit  nombre  de  relations 
de  cet  archipel.  III.  Traités  des  dia- 
mants et  des  pierres  précieuses^  conte- 
nant leur  histoire  naturelle  et  celle 
de  leur  commerce,  et  une  notice  sur 
les  meilleures  méthodes  de  les  tailler 
et  de  les  polir.,  Londres,  1813,  in-8", 
fig.  IV.  Leçons  familières  sur  la  mi- 
néralogie et  la  géologie,  expliquant 
les  méthodes  les  plus  faciles  de  dis- 
tinguer /e>  minéraux  et  les  substances 
terrestres  ordinairement  appelées  ro- 
ches, qui  composent  les  formations 
primitives,  secondaires,  tertiaires  et 
alluviales  :  avec  une  description  de 
l'appareil  des  lapidaires.  Londres, 
1819,  in-8'',  fig.;  livre  qui  a  obtenu 
un  grand  succès  et  a  été  réimprimé 
plusieurs  fois.  V.  Nouveau  catalogue 
descriptif  des  minéraux,  avec  des  dé- 
linéations  de  leurs  formes  simples, 
destiné  a  l'usage  des  étudiants,  pour 
la  classification  des  minéraux  et  Far- 
rangement  des  collections.  La  qua- 
trième édition,  entièrement  refondue 
et  considérablement  augmentée,  est  de 
1821,  Londres,  in-8'',  fig.  VI.  Intro- 
duction de  Woodward  a  l'étude  de  la 
conchyliologie,  décrivant  les  ordres, 
les  genres  et  les  espèces  des  coquilles, 
avec  des  observations  sur  la  nature  et 
les  propriétés  des  animaux,  et  des 
instructions  pour  recueillir,  conserver 
et  nettoyer  les  coquilles;  troisième 
édition,  publiée  avec  des  additions  et 
des  changements  considérables,  par 
Mawe,  Londres,  1822,  in-8'»,  %. 
E— s. 
MAXIMILIËX  -  JOSEPH  , 
premier  roi  de  Bavière,  fut  un  des 
princes    les  plus  heureux   de  notre 


M6 


MAX 


époque,  et  dut  ce  bonheur  beaucoup 
moins  à  son  habileté  et  à  son  coura- 
ge qu'à  la  flexibilité  de  sa  pohtique . 
mais,  avant  tout,  à  la  fortune  qui  se 
plut  à  réunir  sur  sa  tête  l'intégralité 
des  droits  de  souveraineté  de  la  mai- 
son de  Wittelsbach ,  pai'  l'extinction 
de  tous  les  princes  qui  y  étaient 
.appelés  avant  lui.  Il  naquit  le  27 
mai  1756  ,  frère  puîné  du  duc 
Charles  -  Auguste  de  Deux  -  Ponts  , 
chef  de  la  branche  de  Bischwei- 
1er  -  Birckenfeld  ,  qui  n'était  que 
cadette  de  la  ligne  Palatine  du  Rhin, 
dite  Rodolphine,  ou  de  Sulzbach. 
Charles-Théodore  ,  dernier  chef  de 
cette  hgne  ,  ne  recueillit  que  le  30 
décembre  1777,  la  succession  de  la 
ligne  dite  Ludovicienne,  ou  de  Baviè- 
re, éteinte  par  le  décès  sans  postérité 
de  Maxirailien-Joseph ,  électem-  de 
Bavière,  fils  de  l'infortuné  empereur 
Charles  VJI.  Charles-Auguste  avait 
succédé,  en  1775,  à  son  oncle  Chré- 
tien IV,  dans  le  duché  de  Deux-Ponts, 
et  avait  eu,  en  1776  ,  un  fils  qn'ii  ne 
perdit  qu'en  1785.  Il  était  ,  avant  la 
révolution ,  colonel  du  régiment  de 
Boyal  Deux-Ponts  ,  au  service  de 
France  (1);  son  frère  MaximiUen  y 
était  lui-même  colonel  du  régiment 
d'Alsace.  On  peut  juger,  par  les  dé- 
tails dans  lesquels  nous  venons  d'en- 


(1)  Le  riSgiment  de  Royal-Deux-Ponts  in- 
fanterie avait  été  créé  en  17i2 ,  et  il  avait 
combattu  à  la  bataille  tle  Fontenoy  sous  les 
ordres  du  duc ,  son  colonel  propriétaire.  H 
avait  ensuite  fait  la  guerre  de  Sept  Ans  en  Al- 
lemagne ;  puis  celle  de  l'indépendance  améri- 
caine, oîi  il  se  distingua  particuliÈrcment  au 
siège  de  New-York,  en  s'emparant  de  deux 
obusiers  que  le  roi  lui  laissa ,  avec  la  permis- 
sion de  les  traîner  à  sa  suite  ;  et  il  lui  donna 
en  outre  le  titre  de  Royal,  ce  qui  était  alors 
une  favtur  très-rare  et  très-honorable.  Ce  ré- 
giment, mis  sur  le  pied  français  en  1790,  ser- 
vit avec  éclat  dans  les  armées  de  la  Républi- 
que sous  la  désignation  du  numéro  99.  Du- 
mouriez  en  parle  plusieurs  fois  avec  éloge 
doas  ses  Mémoires. 


MAX 

trer,  combien  il  était  peu  probable  , 
daiîs  la  jeunesse  de  ce  dernier  prince, 
qu'il  devînt  un  jour  l'unique  rejeton 
de  cette  antique  maison  de  Wittels- 
bach. Sa  branche  n'était  pas  riche,  et 
c'est  par  ce  motif  qu'elle  s'était 
mise  au  service  de  France  ;  aussi , 
indépendamment  du  traitement  que 
recevait  Maximilien  comme  colo- 
nel ,  il  jouissait  d'une  pension  de 
40,000  francs  sur  la  cassette  du  roi, 
somme  qui  était  loin  de  suffire  à  ses 
habitudes  de  dépense,  puisque  Louis 
XVI  fut  obligé  de  payer,  en  1788 , 
pour  945,000  francs  de  ses  dettes.  Si 
le  cabinet  de  Versailles  avait  de  tels 
égards  pour  le  prince  MaximiUen, 
c'est  qu'il  prévoyait  que  la  mort  de 
son  frère  aîné,  qui  n'avait  plus  d'en- 
fant, lui  donnerait,  non  seulement  la 
possession  du  duché  de  Deux-Ponts 
et  celle  du  régiment  de  ce  nom,  mais 
encore  l'expectative  de  l'électoral 
palatin  de  Bavière  ,  dont  le  posses- 
seur, déjà  fort  vieux,  n'avait  d'auU'e 
héritier  que  la  branche  palatine  des 
ducs  de  Deux-Ponts  (voy.  Cuahles- 
Théodohe,  VIII,  178).  Dans  cette  po- 
sition le  jeune  MaximiUen,  devait  se 
montrer  foi't  ennemi  de  la  révolution 
de  1789,  et  il  émio[ra  l'année  suivante. 
Il  se  rendit  d'abord  dans  le  duché  de 
Deux-Ponts,  que  gouvernait  son  frère, 
qui,  tout  eu  faisant  le  meilleur  accueil 
à  plusieurs  officiers  qu  il  avait  connus 
en  France,  s'cdorçait  de  se  maintemr 
eu  paix  avec  la  république  française. 
Mais  ces  efforts  furent  inutiles; le  du- 
ché de  Deux-Ponts  fut  envahi  des  la 
fin  dç  1792  par  les  Français.  Lea  deux 
frères  se  mirent  alors  à  la  tête  du 
faible  contingent  qu'ils  durent  four- 
nir aux  armées  de  l'empire,  et  ils  par- 
ticipèrent ainsi  assez  obscurément  aux 
premières  campagnes  d'une  guerre 
qui  devait  être  si  longue  et  subir  tant 
de  vicissitudes.  Le  duc  Charles-Au- 


MAX 

guste  étant  mort  le  1"   avril  1795, 
Maximilien  lui  succéda  dans  la  sou- 
veraineté   nominale    du    duché    de 
Deux-Ponts,  alors  tout  entier  au  pou- 
voir de  la  répubbque  française,  qui 
Favait  incorporé  dans   son  territoire 
et  qui    bieutôt   devait   le  constituer 
en    département.    Cette    succession 
n'eut  donc  pas  alors  une  grande  im- 
portance poiu-  le  prince  Maximilien, 
mais,  ce  qui  en  eut  beaucoup  plus,  ce 
fut  l'expectative  de  la  succession  de 
Bavière  qui  ne  pouvait  êue  éloignée. 
Cependant  elle  se  fit  attendre  jusqu'au 
16  février  1799.  Le   xienx  électeur 
mourut  dans  le  moment  même  où  les 
armées  de  la  seconde  coalition  allaient 
envahir  ses  états  et  le  contraindre  a 
combattre  la  France  avec  elles.  Maxi- 
milien, en  prenant  possession  de  l'é- 
lectorat,  dut  suivre  cette  impulsion,  et 
remplir  des  engagements  antérieurs. 
Dans  le  mois  de  janvier  1800,  il  con- 
clut avec  l'envoyé  anglais  Wickam 
un  traité  de  subsides,   et  resta  dans 
l'alliance  de  l'Autriche  jusquà  la  paix 
de  Lunéville  en  1802.   Profitant  de 
cette  paii,  qui  fut  alors  générale  sur 
le    continent  européen,    et,   secondé 
par  son  ministre  Montgelas,  il  intro- 
duisit de  grands  changements  dans 
l'administration  de  ses  États.  A  l'exem- 
ple de  la  France,  il  abolit  quelques 
immunités  et  pri>-iléges  de  la  noblesse 
et  du  clergé,  obligea  ces  deux  ordres 
à  payer  une  partie  de  l'impôt ,  sup- 
prima diflFérentes  maisons  de  rehgieu^ 
mendiants,  et  fonda  plusieurs  établis- 
sements de  bienfaisance.  Ces  innova- 
tions   furent    généralement   approu- 
vées; une  seule   excita  des  réclama- 
tions de  la  part  des  hommes  pieux . 
toujours  nombreux  en  Bavière,  ce  fut 
la  suppression  de  quelques  fêtes  or- 
données par  lëglise.  Maximilien  était 
ainsi    exclusivement  occupé  à  réor- 
ganiser l'administration  de  ses  États, 


MAX 


347 


et  il  paraiiisait  vouloir  rester  étranger 
à  toutes  les  guenes  qui  pourraient 
survenir,  lorsque   éclatèrent  le»  pre- 
miers   symptômes    d'une    troiàème 
coaUtion  conue  la  France.  Décidé  à 
demeurer  neutre,  l'électeur  avait  fait 
pom-  cela  un  grand  sacrifice,  celui 
de  renvoyer,    de    Munich,    sur   les 
plaintes  de  la  France,  l'ambassadeur 
anglais  Drake;  ce  qui  avait  amené  par 
1  epresailles  le  renvoi  de  l  ambassadeur 
de  Bavière  près  la  com    de  Londres. 
Cette  première  concession  au  nouvel 
empereur    des    Français,    devait  en 
amener  beaucoup  d'autres.   Des  né- 
gociations secrètes    s'ouvrirent  alors 
enu-e  le  cabinet  de  Munich  et  celui 
de  Paris.  L'Autriche  en  eut  des  soup- 
çons, et  elle  fit  tous  ses  efforts  pour 
les  pénétrer.  Voici,  selon  les  curieux 
Mémoires  tii-és  des  papiers  d'un  hom- 
me d'État  (y  in,  W8),  quel  moya»  fut 
employé  par  l'empereur,  il  écrivit  à 
Maximilien,  pour  lui  faire  connaître 
son  aUiance  avec  la  Russie,  et  l'inviter 
à  réunir  ses  troupes  a  celles  de  La  coa- 
lition. A  cette  condition,  le  prince  de 
Schw aizemberg,  portem-  de  la  lettre, 
était  chargé  de    lui  gaiantir  l'inté- 
grité de  ses  États-  L'électeur  répondit 
lui-même,  le  7  septembre,  à  l'envoyé 
autrichien,  par  uue  lettre  conçue  en 
ces  termes  :  •-  Je  suis  décidé,  abou- 
«  chez-vous   demain  avec  le  baron 
«  de  Montgelas  ;  il  vous  informera  de 
«  mes  demandes.  N'y  soyez  pas  con- 
«  traire,  je  compte   sui-  votre  ami- 
.  tie.  •  Et  le  lendemain,  il  écrivit  à 
Vienne  d'une  manière  plus  explicite 
encore.  S'adressant  à  l'empereur  lui- 
même,  il  lui  promit  formellement  de 
réunir  ses  troupes  aux  armées  impé- 
riales, protestant  que   toutes  {es  me- 
naces de  la  France  ne  pourraient  le 
faire   changer  de   résolution.   Cepen- 
dant, il  terminait  sa   lettre  par  une 
considération  personnelle  qui  donnait 


3)18 


MAX 


à  penser  ;  «  Permettez  que  j'en  ap- 
«  pelle  à  votre  cœur  paternel,  dit-il 
".  à  l'empereur.  Le  prince  électoral 
«  est  en  France,  et  si  je  suis  obligé 
«  de  faire  marcher  mes  troupes 
«  contre  les  Français,  mon  fils  est 
«  perdu  !  »  L'exemple  récent  du 
duc  d'Enghien  était  fait  pour  ef- 
frayer. Mais,  comme  l'empereurd'Au- 
triche  le  lui  avait  mandé,  dès  le  14 
septembre,  «  N'eût-il  pas  été  pos- 
<■  sible,  en  envoyant  un  courrier  au 
«  prince  électoral,  de  le  mettre  en 
«  état  d'effectuer  son  départ  de 
«  France,  avant  qu'il  dût  pu  être  pris 
«  aucune  mesure  violente  à  son 
«  égard.  »  Lorsqu'il  donnait  de  pa- 
reils avis,  l'empereur  François  ne  fai- 
sait que  soupçonner  les  liaisons  qui 
existaient  déjà  entre  la  France  et  la 
Bavière.  Bientôt  il  ne  lui  fut  plus 
possible  d'en  douter.  Dès  le  2  octo- 
bre, un  corps  de  troupes  bavaroises 
se  réunit  à  ceux  de  Bernadette  et 
de  Marmont,  «  Si  quelque  chose, 
«  ajoute  le  judicieux  publiciste  que 
«  nous  avons  cité,  peut  excuser  la 
«  duplicité  et  le  manque  de  foi  d'un 
«  prince  bon,  mais  faible,  c'est  que 
«  la  Bavière,  accoutumée  dès  long- 
«  temps  aux  prétentions  usurpatrices 
«  de  l'Autriche,  ne  devait  accorder 
«  aucune  confiance  à  des  promesses 
u  dictée»  par  l'intérêt....  »  Tandis 
que  l'électeur  ordonnait  à  ses  trou- 
pes de  se  réunir  à  l'armée  françai- 
se,  il  se  retirait  lui-même  à  Wurtz- 
Lourg,  avec  sa  famille.  Ce  fut  de  là 
qu'il  adressa  à  ses  peuples  une  pro- 
clamation énergique,  dans  laquelle  il 
exprimait,  sans  déguisement,  sa  re- 
connai.ssance  pour  Napoléon,  et  son 
attachement  à  la  France,  qu'il  nour- 
rissait, dit-il,  depuis  sa  jeunesse.  Déjà 
la  honteuse  capitulation  d'Ulm  (  voy. 
Mack,LXXII,  288)  avait  assuré  l'op- 
portunité de  ces   manifestations.  La 


MAX 

prise  de  Vienne  et  la  bataille  d'Aus- 
terlitz  complétèrent  bientôt  le  triom- 
phe de  Napoléon  et  de  Maximilien, 
dont  les  troupes  marchaient  désor- 
mais sous  le  même  drapeau.  Alors 
l'électeur  de  Bavière  rentra  dans  sa 
capitale,  où  il  reçut  bientôt  son  puis- 
sant allié,  qui  venait  de  lui  faire 
accorder  dans  le  traité  de  Presbourg, 
avec  le  titre  de  roi,  des  additions 
considérables  à  ses  États  héréditaires, 
notamment  le  Tyrol,  dont  la  cession 
avait  dû  tant  coûter  à  l'Autriche  !  J 
Napoléon  commençait  ainsi  ces  créa-  1 
tions  de  royautés,  dont  il  fit  une 
sorte  de  grade  dans  ses  armées,  et 
que  l'on  appelait  avec  raison  des 
promotions  de  rois.  Il  mit  le  comble 
à  ses  faveurs  en  faisant  épouser  l'une 
des  filles  de  Maximilien  par  le  jeune 
Beauharnais,  son  fils  adoptif  {voy. 
Beauharnais,  LVII,  376);  et  il  as- 
sista lui-même  avec  l'impératrice  Jo- 
séphine aux  solennités  du  mariage. 
Jamais  la  Bavière  n'avait  été  si  glo- 
rieuse et  si  puissante.  L'Autriche 
parut  se  résigner  à  de  si  énormes 
sacrifices,  et  le  nouveau  roi  put  se 
livrer  paisiblement,  pendant  plusieurs 
années,  aux  vues  de  philanthropie  et 
de  perfectionnement  qu'il  avait  pui- 
sées à  l'école  française.  Le  caractère 
insoumis  de  quelques-uns  de  ses 
sujets,  surtout  des  Tyroliens,  qui  té- 
moignèrent toujours  pour  l'Autriche 
plus  d'attachement  que  cette  puis- 
sance ne  leur  en  montra  elle-même, 
donna  seul  à  Maximilien  quelques 
sujets  de  trouble  et  d'inquiétude.  Ses 
essais  de  réformes  et  d'innovations, 
auxquelles  le  poussait  encore  davan- 
tage, sans  doigte,  son  alliance  avec  la 
France,  excitèrent  au  dernier  point  le 
mécontentement  de  ce  peuple,  simple 
et  religieux,  toujours  soumis  et  fidè- 
le, mais  exigcantcn  revanche  beaucouj» 
d'égards  et  de  ménagements.  Il  faut 


MAX 

avouer  qu'en  ce  moment,  le  gouver- 
nement bavarois  en  manqua  tout-à- 
fait.  «  Non  content  d'enlever  les 
«  caisses  et  d'exiger  de  lourds  im- 
«  pots,  dit  l'historien  que  nous  avons 

-  cité,  il  bouleversa  la  constitution  à 
«  laquelle  les  Tyroliens  étaient  atta- 
«  chés,  abolit  les  couvents,  objet  de 
«  leur  vénération,  et  vendit  les  biens 
«  ecclésiastiques  depuis  long-temps  la 
«  ressource  et  l'appui  de  l'indigence 
«  et  de  l'infirmité.  Il  leur  ôta  enfin  le 
<■  nom  de  leur  province,  trésor  de 
»  souvenirs  qui  leur  était  cher,  pour 
•  y  substituer,  par  une  puérile  imi- 
«  tation,  ceux  des  rivières  et  des  tor- 

-  rents.  Ils  s'en  plaigniient,  et  Ton 
«  punit  cruellement  leurs  inoffensifs 

-  regrets...  »  Puis  après  trois  ans  de 
souffrances,  lorsqu'ils  virent  la  guerre 
près  d'éclater,  en  1809;  lorsque  des 
agents  de  l'Autriche  vinrent  secrète- 
ment les  exciter  à  la  révolte,  ils  cru- 
rent que  le  moment  de  leur  déli- 
vTance  était  arrivé;  ils  se  levèrent 
tous  en  masse  pour  la  défense  com- 
muncj  et  battirent  complètement, 
dans  les  journées  des  10  et  11  avril, 
un  corps  de  vingt-sept  mille  Français 
et  Bavarois,  que  l'on  avait  fait  mar- 
cher contre  eux,  et  qui  s'était  engagé 
témérairement  dans  les  montagnes. 
Ils  s'emparèrent,  dans  cette  occasion, 
de  beaucoup  d'armes,  d'artillerie; 
firent  prisonniers  plusieurs  généraux, 
et  s'avancèrent  jusqu'aux  portes  de 
Munich.  Quelques  jours  après,  ils 
battirent  encore  les  divisions  de  Rusca, 
de  Marmont  ;  et  lorsque  le  maréchal 
Lefebvre  arriva  au  secours  avec 
\-ingt-cinq  mille  hommes,  la  lutte  ne 
devint  que  plus  terrible.  Obligés  d'a- 
bandonner le  pays  le  plus  découvert, 
les  insurgés  se  léfiigièrent  au  sommet 
de  leurs  montagnes,  et  là,  réunis  à 
quelques  soldats  échappés  aux  désas- 
tres de  l'armée  autrichienne,   on  les 


MAX 


34». 


vit  combattre  encore  long-temps  a- 
prés  que  cette  armée  eut  mis  bas  les 
armes.  Ce  fut  dans  cette  mémorable 
guerre  que  s'illustra  le  brave  Hofer, 
ce  héros  de  la  fidélité  et  du  dévoue- 
ment à  des  maîtres,  qui  le  laissèrent 
périr,  quand  ils  auraient  pu  le  sau- 
ver, et  qui,  vingt  ans  après  sa  mort, 
lui  dressèrent  d'inutiles  statues.  Sur 
ces  entrefaites,  de  grands  événements 
avaient  eu  Ueu  vers  le  Danube,  et  les 
victoires  de  Ratisbonne,  d'Essling  et 
de  Wagram,  quoique  très-meurtrières 
et  long-temps  disputées,  avaient  mis 
l'Autriche  tout-à-fait  à  la  merci  du 
vainqueur  {yoy.  Napoléos,  au  Supp.). 
Au  début  de  cette  guerre,  l'armée 
autrichienne,  sans  avertissement  et 
sans  déclaration,  avait  encore  en- 
vahi subitement  les  États  bavarois, 
et  l'archiduc  Charles,  qui  la  com- 
mandait, avait  somme  le  roi  Maxi- 
milien  de  réunir  ses  troupes  à  l'ar- 
mée impériale.  Mais  cette  fois,  ce 
prince,  voyant  la  France  mieux  pré- 
parée à  le  soutenir,  se  réunit  à  elle 
d'une  manière  plus  franche,  plus 
prompte  qu'en  1S05.  Aussi,  dés  que 
la  bataille  de  Wagram  et  le  traité  de 
Vienne  eurent  réduit  F  Autriche  à  un 
plus  grand  abaissement,  à  de  nou- 
veaux sacrifices,  il  eut  encore  une 
grande  part  aux  dépouilles.  Alors 
fut  complété  en  sa  faveur  le  système 
de  sécularisation  et  de  renversement 
absolu  de  l'empire  germanique,  et  il 
fut  définitivement  considéré  comme 
le  chef  de  cette  confédération  du 
Rhin,  destinée  à  remplacer  l'ancien 
édifice.  Il  était,  en  effet,  le  plus  puis- 
sant des  princes  que  Napoléon  y  avait 
fait  entrer.  Peu  de  temps  après,  plein 
de  reconnaissance  et  de  dévouement 
pour  son  bienfaiteur,  il  fit  un  voyape 
à  Paris,  et  fut  reçu  à  la'  cour  des 
Tuileries ,  avec  beaucoup  d'em- 
pressement et  d'égards.  U  donna,  à  la 


3!$0 


MAX 


même  époque,   la   main  d'une  prin- 
cesse de  sa  famille  à  l'un  des  {géné- 
raux  les  plus    attachés   à  Napoléon 
(voy.  Berthieb,  LVIII,  111).  Son  gen- 
dre Beauharnais  devint  vice-roi  d'I- 
talie, et  parut   encore  appelé  à  de 
plus  hautes  destinées.  Enfin,  uni  de 
plus  en  plus,  et  par  les  liens  les  plus 
durables  en  apparence,  à  la  famiUé 
impériale  de  France,  rien  ne  semblait 
devoir  altérer  la   prospérité  de  Maxi- 
milien,   quand  survint  la  gueire  de 
Russie,  en  1812.  Comme  toujours,  il 
dut  fournir  son  contingent  de  troupes, 
qui  seconda  franchement  et  loyale- 
ment les  efforts  de  Napoléon,  et  souf- 
frit beaucoup  dans  la  déplorable  re- 
tiaite.  Leur  général  lui-même  y  périt 
(voy.  Deroi,   LXII,    355).    «    Toute 
»  l'armée    bavaroise    composée    de 
«  ti-ente  mille  hommes,  fut-il  dit  plus 
«  tard  dans   un  manifeste,    et  huit 
«  mille  hommes   de   renfort  qui  l'a- 
«  vaient  rejointe,  furent  anéantis.  Il 
«  est  peu  de   familles   que  ce  cruel 
«  événement  n'ait  plongées  dans  les 
«  larmes;  ce  qui  était  d'autant  plus 
«  douloureux  pour  le  cœur  paternel 
«  de  S.  M.,  que  tant  de  sang  avait  été 
«  versé  pour  une  cause  qui  n'était  pas 
«  cellede  la  nation...  «  Malgré  ces  per- 
tes, et  beaucoup   d'autres  qu'essuya 
alors  la  Bavière,  elle  resta  encore  fidèle 
à  Napoléon,   et  lui  donna,  en  1813, 
un  corps  d'armée  considérable,  et  qui 
lui  fut  très-utile  dans  sa  campagne 
de  Saxe.  Mais  enfin  quand  la  fortune 
parut  l'abandonner  entièrement ,   et 
surtout  quand  l'Autriche  se  léunit  à 
se»  ennemis,    Maximilien  se  hâta  de 
reprendre  son  rôle  d'observation  et 
de  duplicité.  Il  ne  tarda  pas  à  se  met- 
tre  en  relation   avec    le  cabinet  de 
Vienne,  et  il  eut  de  secrètes  conféren- 
ce» avec  le  prince  de  Keuss,  envoyé 
de  rÀutriche.  Tandis  que  son  général 
en  chef,  Wredc,  communiquait  avec 


MAX 

d'autres  généraux  de  la  même  puis- 
sance ,    Maximilien     écrivait   à   son 
parent ,    le   maréchal   Berthier,  que 
S071  attachement   pour-   l'empereur   et 
la  cause  de  la  France  n'avait  jamais 
varié  un  instant.  Dans  le  même  mo- 
ment, la  plus  grande  partie  de  ses 
troupes  restait  inactive  en  présence 
des  Autrichiens,    sur    les   bords   de 
l'inn,  et  il  faisait  tous  ses  efforts  pour 
retirer  de    l'armée  française  le  con- 
tingent   bavarois    qui    s'y    trouvait 
encore.  Cette  pohtique  de  ruses  et  de 
dissimvilation  dura  jusqu'à  l'issue  de 
la  bataille  de   Leipsick.   Lorsque  ce 
grand  événement  fut  connu  à  Mu- 
nich, le  roi  Maximilien  leva  tout-à- 
fait  le  masque;    il  pubUa  un  mani- 
feste énergique,  qui  finissait  par  cette 
phrase  remarquable.  «  Réunie  doré- 
"  navant  d'intérêt  et  d'intention  avec 
H  ses  illustres  et  puissants  alliés,  S. 
"  M.    ne  négligera    rien    de   ce   qui 
«'  peut    serrer    plus    étroitement  les 
"  liens  qui  l'attachent  à  eux,  et  pour 
«  faire  triompher  la  plus  juste  et  la 
.  plus  noble  des  causes.  »  Et,  dans  le 
même   instant,    ses    troupes   eurent 
ordre  de  se  séparer  des  Français  sur 
tous   les   points.    Le   corps   le   plus 
nombreux,  celui  qui  se  Uouvait  sur 
les  bords  de  l'Inn,  sous  les  ordres  de 
Wrede,   marcha  vers    la  Francouie, 
poui-  y  couper  toute  retraite  à  l'armée 
française,  revenant  de  Leipsick,  sou» 
les  ordres  de  Napoléon.   Ciette  atta- 
que imprévue  pouvait  avoir  les  con- 
séquences les  plus  graves,  car  Napo- 
léon   lui-même  devait   tomber   dans 
les  mains  de  ses  ennemis;  mais,  bien 
(ju'il    ne   fût    suivi    que    d  un    petit 
nombre  de  troupe»,  ce»  troupe»  j)ar- 
tiouUèrement  composée»  de  la  garde 
impériale,  déployèrent  tant  de  force 
et  de  courage,  qu'elles  battirent  com- 
plètement l'année  bavaroise,  sou»  les 
murs   d'Hanau  ,   et    qu'elle»  purent 


i  MAX 

continuer  leur  retraite  ;  le  général 
VVrede,  lui-même,  fut  grièvement 
blessé  (30  oct.  1813).  Dés-lors,  cette 
Eu-mëe  bavaroise,  qui  avait  combattu 
si  bravement  et  depuis  tant  d'années 
sous  les  drapeaux  de  la  France,  se 
troava  irrévocablement  placée  dans 
le»  rang6  de  ses  ennemis,  et  fit  la 
campagne  d'hiver,  qui  fut  si  bril- 
lante et  néanmoins  si  funeste  pour  Na- 
poléon. Après  la  chute  de  l'empe- 
reur, le  roi  Maximilien,  comme  les 
autres  princes  de  la  coalition,  ne 
négligea  rien  pour  avoir  part  aux 
dépouilles,  et  poiu-  cela,  il  se  rendit, 
avec  toute  sa  famille,  au  congrès  de 
Vienne,  où  il  fut  parfaitement  ac- 
cueilli par  les  souverains  ses  alliés, 
et  reçut  de  l'empereur  François  I" 
le  don  d'un  régiment  autrichien.  En- 
fin, dès  l'année  suivante,  son  union 
avec  l'Autriche  fijt  encore  resserrée 
par  le  mariage  de  l'empereur  avec 
une  de  ses  fille»  {yoy,  Frawçois  I", 
LXIV,426).  Toutes  ces  circonstances 
élevèrent  ta  Bavière  à  un  rang  qu'elle 
ne  devait  pas  espérer,  dans  un  mo- 
ment où  tant  d'autres  puissances 
marchaient  à  leur  ruine.  Il  lui  fallut, 
il  est  vrai,  restituer  le  Tyrol;  mais  en 
revanche,  le  congrès  de  Vienne  lui 
garantit  la  possession  d'Augsbourg, 
d'Anspach,  de  Bayreutli,  et  surtout  du 
berceau  de  la  famille  de  Maximilien, 
du  duché  de  Deux-Ponts.  Toutes  ces 
concessions  ne  satisfirent  pas  cepen- 
dant complètement  le  nouveau  roi, 
car  un  peu  plus  t;'id,il  voulut  y  ajou- 
ter encore  ;  prétention  qui  donna  lieu  à 
de  vives  réclamations  de  la  part  de  ses 
voisins.  Nous  citerons  quelques  notes 
de  la  lettre  que  lui  écrivit,  à  ce  sujet,  le 
grand-duc  de  Bade,  le  13  mars  1818: 
«  Je  suis  menacé  depuis  trois  ans, 
«  lui  dit  ce  prince,  de  me  voir  en- 
«  lever  une  partie  de  mes  États;  et 
"  tandis  que  mon  pays  a  fait  les  plus 


MAÎf 


3# 


"  grands  efforts  pour  me  mettre  en 
•'  état  de  soutenir,  d'une  manière 
«  énei^que  et  honorable,  la  dernière 
"  lutte  pour  Findépendance  de  l'Alle- 
"  magne,  mes  alliés  cherchent  à 
"  m'arracher  mes  plus  belles  pro- 
"  vinces,  et  disposent  même  de  mon 
«  vivant  de  taz  succession.  Je  croM"* 
»  avoir  prouvé  an  monde  entier,  lor»  ' 
"  des  différentes  négociations  qui  ont 
•  eu  lieu,  l'insuffisance  des  motifs 
u  dont  on  voudrait  colorer  cette  vio- 
"  lation  de  mes  droits  les  plus  sacré», 
•«  et  l'opinion  publique  a  déjà  jugé" 
'<  ma  cause,  avant  même  que  l'on". 
"  connût  l'étendue  de  l'injustice  dont' 
"  je  dois  être  la  victime.  S'il  est  pëni- 
«  ble  pour  mon  cœur  de  voir  que 
-  des  puissances  qui  ont  déclaré  à  la 
<  face  du  monde  qu'elles  n'ont  pris 
«  les  armes  que  pour  renverser  un 
«  pouvoir  illégitime,  pour  introduire 
"  en  Europe  un  système  politique  ' 
«  basé  sur  les  principes  de  la  mo- 
«  raie,  se  laissent  entraîner,  par  le» 
"  fausses  révélations  qu'on  leur  fait,  à 
'•  consentira  ce  qu'on  paie  leurs  dette» 
'•  avec  des  provinces  qui  m'appar- 
«  tiennent,  et  dont  j'ai  acheté  la  con- 
«  ser>'ation  au  prix  du  sang  de  me» 
"  sujets  ;  quel  sentiment  douloureux 
"  ne  dois-je  pas  éprouver  en  voyant 
"  mes  plus  chers  parents  à  la  tête  de 
"  ceux  qui  cherchent  à  m' opprimer, 
«  et  qui,  non  contents  d'accepter  ce 
"  qu'on  veut  m' enlever,  pressent 
u  l'exécution  des  mesures  auxquelles 
"  ils  n'auraient  jamais  dû  donner  leur 
"  consentement.  »  A  un  langage 
si  ferme,  si  fondé  en  droit ,  le  roi 
Maximilien  fit  une  réponse  très-poDe, 
mais  sans  conclusions,  et  dont  le 
grand-duc  fut  loin  de  se  contenter.  Il 
fallut  donc  fléchir  et  s'arrêter  devant 
de  nouvelles  usurpations.  L'Autriche 
elle-même  fut  obligée  de  céder,  et 
chaque  puissance  put  conserver  en- 


352 


MAX 


core  ce  qui  lui  appartenait.  Dans  le 
même  temps,  Maximilien  entraîné  par 
les  idées  de  beaucoup  d'autres  États 
européens,  et  par  l'exemple  de  quel- 
ques souverains,  accorda  à    ses  su- 
jets une  constitution  représentative  j 
mais  cette  concession,  faite  dans  une 
juste  mesure,  n'eut  que  des  résultats 
peu  importants,  et  dont  les  artisans 
de  troubles  et  de  révolutions  ne  pu- 
rent jamais    profiter.     Aucun   autre 
événement  de  quelque  importance  ne 
marqua  les  dernières  années  du  règne 
de  ce  prince,  et  il  mourut  en  paix,  à 
Munich,  le  13  octobre  1825,  laissant 
la  couronne  à  son  fils,  Charles-Louis- 
Auguste,  qui  règne  aujourd'hui.    Ce 
prince  lui  a  fait  ériger,  en  1842,  sur 
la   grande    place    de    Munich,   une 
statue  équestre  en  bronze,  modelée 
par  le  sculpteur  bavarois,  Schwant- 
haler,  et  fondue  à  la  fonderie  royale, 
par  M.  Stiglomayer.  Maximilien-Joseph 
avait  épousé,    en    premières   noces, 
une  princesse    de  Hesse-Darmstadt, 
dont  il  eut  deux   fils  et  deux  filles; 
puis,  en   secondes  noces,   une  prin- 
cesse de  Eade,  qui  lui  donna  six  filles, 
dont  quatre  en  deux  couches  jumel- 
les ;  l'une  de  ces  jumelles  est  mainte- 
nant l'impératrice  douairière  d'Autri- 
che. M — D  j, 

MAXWELL  (Muhray),  capitaine 
de  vaisseau  de  la  marine  royale  de  la 
Grande-Bretagne,  chevalier  du  Bain, 
membre  de  la  Société  royale  de 
Londres,  naquit  dans  le  comté  de 
L&nark,  en  Ecosse.  Il  commença  do 
bonne  heure  sa  carrière,  sous  les 
auspices  de  l'amiral  Ilood  {voy.  «je 
nom,  XX,  531),  et  fut  nommé  lieute- 
nant, en  1796.  Commandant,  en  1803, 
ut^e  corvette  dans  la  mer  des  Antilles, 
il  contribua  efficacement  à  la  réduc- 
tion de  l'île  de  Sainte-Lucie,  au  mois 
de  juiir» ,  ce  qui  lui  valut  le  grade  de 
càpiàithe,  et  il  passa  sur  un  vaisseau  de 


MAX 

ligne.  L'automne  suivante  lui  fournit 
l'occasion  de  se  signaler  à  la  prise  de 
Tabago,  et  à  celle  des  colonies  néer- 
landaises deDémeraii  et  d'Essequébo, 
en   Guyane.    En  1804  il    fit   partie 
de  l'expédition  de  Surinam.  Au  mois 
de   juin  il  fut  chargé  de  porter  en 
Angleterre  les  dépêches  du  chef  de 
l'escadre.  A  son  retour  dans  la  mer 
des  Antilles,  il  se  joignit  à  la  station 
de  la  Jamaïque.  En  1805,  ayant  deux 
bâtiments  sous   ses  ordres  ,  on  le  vit 
se  distinguer   dans    l'attaque   d'une 
flotte  espagnole,  près  de   Cadix,  et, 
malgré  le  feu  d'une  flottille  de  cha- 
loupes canonnières  et  des  batteries  de 
terre,    s'emparer    de    sept   tartanes 
chargées  de    bois    de   construction. 
Pendant  les  quatre  années  suivantes, 
il  fut  employé  sur  les  côtes  d'Italie, 
depuis  Nice  jusque  dans  la  mer  Adria- 
tique,   et  força  plusieurs  bâtiments 
français  de  se  rendre  après  des  com- 
bats acharnés.  En  1813,  il  convoyait 
une  flotte  de  vaisseaux  de  la  Compa- 
gnie des  Indes  allant  à  Madras,  lors- 
cpie   la     frégate     le    Dédains,     qu'il 
montait,  eut  le  malheur  de  se  perdre 
sur  un  écueil  voisin  de  l'île  de  Ceylan. 
Cet    accident    ne   diminua    point    la 
confiance  que  l'on  avait  dans  ses  ta- 
lents j  car,  au  mois  d'octobre  1815, 
U  fut  appelé  à  commander  la  frégate 
l'Alceste  qu'il  avait  déjà  eue  sous  ses 
ordi'es.  Ce  fut  à  la  demande  de  lord 
Amherst,   qui   venait  d'être   désigni' 
comme  ambassadeur  de  la  Grandi 
Hretagne  près   de    l'empereur  de  la 
Chine.  Il  fil  >oile,  le  18  février  1816, 
de   la   rade    de    Spithead,    près  de 
Portsmoutli,  avec  la  Lyre,   brick  de 
guene,  qui  avait  pour  capitaine,  Ba- 
sil-Hall, marin  exj)ériœenté;  un  vais- 
seau tic  la  Compagnie  des  Indes  com- 
plétait la  petite  escadre,qui,aprè8avoir 
touché   à  Uio-de-Jaueiro,   au  cap  do 
Itonne-Espémnce  et   à   Batavia,   vint 


MAX 

mouiller,  le  29  juillet,  à  letubouchurc 
du  Pei-ho,  dans  le  golfe  de  Pé-tchi-li. 
L'ambassade  devait  remonter,  dans 
des  embarcations  du  pays,  ce  fleuve 
qui  coule  à  peu  de  distance  de  Péking. 
Comme  il  était  vraisemblable  que  plu- 
sieurs mois  se  passeraient  avant  que 
lord  Amherst  pût  quitter  cette  capi- 
tale pour  aller  s'embarquer  à  Can- 
ton, il  fut  décidé  que  ce  temps  serait 
employé  à  relever  les  côtes,  des  pa- 
rages septentrionaux  de  Fcmpire  chi- 
nois. Deux  vaisseaux  de  la  Compagnie 
des  Indes  s'étaient  joints  à  l'escadre  ; 
il  fut  convenu  que  la  Lyre,  avçc  l'un 
d'eux,  explorerait  la  paiiie  méridio- 
nale du  golfe  de  Pé-tchi-li  ou  Lia-o- 
Toung,  tandis  que  VAlceste,  accom- 
pagnée de  l'autre,  se  dirigerait  vers 
sa  partie  septentrionale.  La  partie 
occidentale  n'avait  encore  été  ex- 
plorée par  aucun  bâtiment  européen. 
Maxwell  longea  la  côte  de  très-près, 
et  il  aperçut  rextréniitc  de  la  grande 
muraille  de  la  Chine  qui  se  termine 
de  ce  côté.  Plu^  loin,  dans  le  pays 
des  Mantchoux,  que  le  narrateur  ap- 
pelle la  Tartarie  chinoise,  les  habitants 
qui  probablement  n'avaient  jamais 
vu  un  navnre  européen,  s'attroupèrent 
sur  le  rivage  pour  le  considérer,  mais 
ne  témoignèrent  nulle  envie  de  venir 
à  bord.  L'u  officier  anglais,  qui  s'a- 
vança vei-s  des  villages  peu  éloignés 
de  l'endroit  oti  avait  abordé  un  canoi 
pour  faire  de  l'eau,  excita  la  plus 
vive  curiosité.  L'.^/ce.îfe,  continuant 
sa  navigation,  parvint  au  cap  le  pin-; 
méridional  de  cette  côte,  et  lui  im- 
posa le  nom  bizaire  de  Prince  Re- 
ffent's  Stvord  (épée  du  prince  régent). 
Ensuite  Maxwell  longea  la  côte  «le 
Corée,  et  fut  rejoint  par  les  autres  bâ- 
timents; mais  ceux  de  la  Compagnie, 
des  Indes  ne  tardèrent  pas  à  le  quit- 
ter. L'exploration  de  la  côte  de  Corée, 
dans   laquelle   notio    navigateur   fut 

LXXIII. 


M^X.  35.1 

[tuis^auiment  secondé  par  le  capitaim- 
llall,  fit  connaître  qu'elle  est  située  u 
plus  de  cent  milles  plus  à  l'est  que 
les  cai  tes  ne  la  plaçaient.  Oa  eut  de 
fréquentes  entrevues  avec  les  habi- 
tants; ils  vinrent  à  bord,  mais  ils 
s'opposaient  à  ce  que  l'on  fit  quelque-» 
pas  sur  te  continent  on  dans  les  îles. 
i3e  là,  on  gagna  la  gi-andc  Lieou- 
Kieou,  et  l'oQ  y  passa  quinze  joui's 
nous  avons  donné,  à  l'article  de  Mac- 
Leod  (LXXn,  30i),  les  détails  du  sé- 
joui-  des  .\nglais  dans  cette  île.  Arrivé 
au  commencement  de  novembre  à 
l'emboucliure  du  Tigre,  ou  fleuve  de 
Canton,  Maxwell  demanda  par  écrit 
aux  mandarins  chinois  la  pennission 
de  le  remonter,  afin  de  conduire  sit 
frégate  à  un  mouillage  où  il  pût  la 
faire  radouber.  Des  réponses  évasi- 
vcs,  accompagnées,  suivant  les  rela- 
tions anglaises,  d'insidtes  grossières, 
prouvèrent  seules  que  sa  requét<; 
avait  été  reçue.  Il  résolut  donc  da- 
\ancer  sans  explicatioti  ultérieure  ; 
tuais  il  fut  à  peine  arrivé  près  du  point 
oii  le  fleuve  se  rétrécit,  qu'an  man- 
darin d'un  rang  inférieiu',  montant 
a  bord,  le  somma  de  jeter  l'ancre 
à  l'instant ,  sinon  les  batteries  al- 
laient faire  feu  et  le  couler  à  fond. 
Pei"suadé  que  la  complaisance  exces- 
sive des  Eiux)péens  a  singulièrement 
contribué  à  rendre  les  Chinois  airo- 
gants  et  insolents,  Maxwell  oitlpuna 
([ue  le  mandarin  fût  retenu,  et  que 
\  Alceste  s'approchât  le  plus  possible 
du  fort  principal.  Aussitôt  les  batteries 
de  teirc,  et  à  peii  près  18  jonques  de 
guerre,  ouvrirent  im  feu  très-vif,  mais 
mal  dirigé.  Un  seul  coup  de  canon  tiré 
{)ar  la  frégate  fit  taire  la  flottille,  ei 
une  bordée ,  accompagnée  de  trois 
acclamations,  suffit  pour  imposer  si- 
lence aux  antagonistes  plus  formida- 
bles. Les  autres  batteries  ayant  été 
réduit'^*  M  ne   lias  récidiver,  fAlre^Ur 

-23 


3S4 


MAX 


parvint  sans  aucun  empêchement  à  la 
seconde  barre,  et  enfin  à  Whampoa, 
où  elle  resta  fort  tranquillement.  La 
conduite  ferme  de  Maxwell  produisit 
un  bon  résultat.  Des  vivres  de  toute 
espèce  lui  furent  apportés,  les  ex- 
pressions de  bienveillance  et  de  poli- 
tesse lui  furent  prodiguées.  Les  man- 
darins annoncèrent  officiellement  que 
l'affaire  du  Bocca-Tigris  avait  été 
tout  simplement  un  tching-tching 
(salut).  Cependant  il  était  notoire, 
d'après  les  rapports,  que  quarante 
soldats  chinois  avaient  été  tués,  et  un 
grand  nombre  blessés.  Le  1"^  janvier 
1817,  lord  Amherst  fit  son  entrée  dans 
la  ville  de  Canton,  et  s'embarqua,  le 
20,  sur  ÏAlceste,  qui  partit  dès  le 
lendemain,  s'arrêta  pendant  une  se- 
maine à  Macao,  et  le  29,  quitta  défi-* 
nitivement  la  Chine.  I«e  3  février, 
elle  était  dans  le  port  de  Manille.  Les 
autorités  espagnoles  de  cette  capitale 
des  Philippines  se  montrèrent  très- 
polies  et  très-obligeantes  envers  la  lé- 
gation britannique.  Maxwell  partit 
de  l'île  de  Luçon,  le  9  février:  sa  na- 
vigation fut  d'abord  très- heureuse.  Il 
avait  dirigé  sa  route  de  manière  à 
éviter  les  rocheis  et  écueils,  nom- 
breux et  encore  peu  connus  alors, 
qui  se  trouvent  dans  cette  partie  de 
la  mer  de  Chine,  où  il  allait  navi- 
guer, notamment  à  l'ouest  des  Phi- 
lippines, et  au  nord-ouest  de  Bornéo. 
Le  14,  il  les  avait  tous  passés,  et 
suivait  le  chemin  ordinaire,  pour 
prendre  soit  le  détroit  de  Rarica,  soit 
celui  de  Gaspar  ou  d'entre  Banca  et 
Billiton;  il  préféra  ce  dernier,  conmie 
plus  direct  et  moins  sujet  aux  calmes 
que  le  premier.  On  les  regardait 
tous  deux  comme  également  sûrs, 
d'après  les  reconnaissances  et  le» 
cartes  les  plus  récentes  que  l'on  avait 
ù  bord,  et  dont  quelques-unes  avaient 
été   dressées  par    ceux   qui   avaient 


MAX 

eux-mêmes  exploré  ces  parages.  Le 
18,  au  point  du  jour,  on  eut  con- 
naissance de  l'île  Gaspar,  juste  dans 
le  moment  où  l'on  s'y  attendait,  et 
l'ayant  doublée,  on  s'avança  vers  le 
détroit.  Toutes  les  mesures  de  pré- 
cautions usitées  quand  on  approche 
d'une  côte  ou  d'un  passage  quelcon- 
que, surtout  de  ceux  que  l'on  ne 
connaît  pas  exactement,  avaient  été 
prises.  On  marchait  avec  la  plus 
grande  circonspection;  les  sondes  don- 
nftient  un  résultat  conforme  à  celui 
que  les  cartes  marquaient,  et  on  sui- 
vait rigoureusement  la  ligne  qu'eUes 
prescrivaient  pour  éviter  le  dernier 
écueil  qui  se  rencontrât  encore  sur 
la  route  d'Angleterre,  quand,  vers 
sept  heures  du  matin  ,  la  frégate 
toucha,  avec  un  craquement  épou- 
vantable ,  sur  un  récif  de  rochers 
caché  par  les  eaux,  et  y  resta  im- 
mobile. Bientôt  il  fut  évident  que 
toute  tentative  pour  la  tirer  de  cette 
triste  position  aurait  les  conséquen- 
ces les  plus  fâcheuses.  On  recourut 
donc  aux  moyens  les  plus  prompts 
pour  embarquer,  sur  les  canots  et 
les  chaloupes,  l'ambassadeur,  sa 
suite ,  et  toutes  les  personnes  dont 
la  présence  n'était  pas  indispensa- 
ble, et  les  transporter  sur  la  partie 
la  plus  proche  de  Poulo-IJt,  petite 
île  que  l'on  apercevait  à  trois  milles 
et  demi  de  distance.  Ensuite  Max- 
well s'occupa  de  sauver  tout  ce 
(jui  pouvait  être  utile  dans  cette  si- 
tuation déplorable,  et,  s'étant  con- 
certé avec  lord  Amherst,  il  fut  con- 
venu que,  comme  on  était  alors  dans 
ce  qu'on  appelle  la  mousson  du  nord- 
ouest,  et  que  l'on  avait  d'ailleurs  le 
courant  en  sa  faveur,  Ic«  embar- 
cations pourraient  atteindre  Batavia 
on  trois  jours.  L'ambassadeur  partit 
donc  le  19,  dans  la  soirée,  avec  qua- 
rante-sept personne»  ;  Maxwell  resta 


MAX 

aui  l'île  avec  deux  cent»  hoinnoei, 
tant  matelots  que  mousses  et  une 
femme.  Il  songea  d'abord  à  creuser 
un  puits  dans  un  endroit  qu'une  réu- 
nion de  circonstances  fit  regarder 
comme  celui  où  1  on  devait  le  plus 
probablement  trouver  de  l'eau  douce, 
puis  il  fit  transporter  le  camp  *ur  le 
sommet  d'une  butte,  où  1  on  pouvait 
respirer  un  air  plus  frais  et  plus  pur. 
et  qui  ofFi-ait  plus  de  facilité  poui  >e 
défendre  en  cas  d'attaque.  Ce  poste  fut 
entouré  d'une  palissade,  que  l'on  for- 
ma d'arbres  abattus,  lesquels  furent 
renforcés  par  des  pieuv.  Cette  espèce 
de  reti-ancbcment  eufiisait  pour  arrêter 
la  marche  d'un  ennemi  dépourvu  d'ar- 
tillerie. Les  .\nglais  n'avaient,  pour 
se  défendre,  que  trente  fusils  munis 
de  baïonnettes,  une  douzaine  de  sa- 
bres, et  des  piques  qu'ils  avaient  fa- 
briquées de  branches  d'arbres,  gar- 
nies à  une  extrémité  de  morceanx  de 
fer.  Des  pirates  malais,  qui.  dés  le 
lendemain  du  naufrage  de  la  frégate, 
étaient  venus  roder  autour  de  lîle, 
eidevèrent  de  ce  bâtiment  tout  ce 
qui  leur  convint,  et  y  mirent  le  feu. 
ils  reparurent  à  divers  intervalles;  on 
essava  inutilement  d'avoir  des  com- 
munications amicales  avec  eux  ;  Icui 
nombre  et  celui  de  leur  près  ou  bâ- 
timents s'accrurent  par  degrés.  Le  3 
mars,  les  Anglais,  qui  s'attendaient 
à  une  attaque,  firent  bonne  conte- 
nance. Maxwell  venait  de  leur  adres- 
ser un  discours  qui  leur  avait  inspiré 
un  nouveau  courage,  lorsqu  un  offi- 
cier, qui  était  en  vigie,  annonça  l'ap- 
proche d'un  navire  qui  lui  paraissait 
plus  grand  que  ceux  des  Malais. 
Ceux-ci  l'avaient  égalejuent  décou- 
vert, ce  qui  occasionna  beaucoup  de 
mouvement  parmi  eux.  On  voulut 
profiter  de  la  circonstance  et  de  la 
marée,  qui  baissait,  pour  s'emparer 
de  quelques-uns    de   le%ns   prôs-,   la 


MAX 


'^'6 


teiilative  manqua  ;  cependant  tous 
disparurent,  le  blocus  fut  ainsi  levé  : 
et  le$  Anglais  purent  aller,  avec  un 
canot,  reconnaître  le  navire  qui  avait 
été  obligé  de  re>ter  à  l'ancre  à  douze 
milles  de  leur  camp.  Us  virent  que 
c'était  le  Ternate,  bâtiment  de  la 
Compagnie  des  Indes,  envoyé  à  km 
recours  par  lord  .Vmherst.  le  7,  le 
fort  Maxwell  ttjl  totalement  aban- 
donne :  le  9,  les  naufragé»  entrèrent 
<ian<  le  ytorl  de  Batavia.  Le  12  avril, 
l'ambassade  fut,  ainsi  que  1  équipage 
de  Y.^lceUe,  embarquée  sur  un  vai>- 
■>eau  de  la  Compagnie  des  Indes, 
qui,  le  27  mai.  jeta  l'ancre  dans  la 
baie  de  Simon,  à  Test  de  la  pointe  du 
cap  de  Bonne-Espérance,  eu  sortit  It- 
■11  juin,  et  le  27,  était  devant  l'ile  dt- 
Sainte-Hélène.  Lord  .\mlierst  prééenta 
Maxwell  à  Napoléon,  qui  salua  trèt>- 
poliment  cç  navigateur,  et  lui  dit  ; 
"  Votre  nom  ne  m  est  pac>  inconno  ; 
vous  commandiez  dans  une  affaire, 

-  où  1  luie  de  mes  frégates,  la  Po- 
•  mone,  fut  prise   dans  la  Méditer- 

-  ranée.  f''oiis  étiez  très-méchant.  Eb 
«  bien,  votre  gouvernement  ne  doi« 
"  pas  vous  blâmer  de  la  perle  del'AI- 
'■  ceste.  car  vous  avez  pris  une  de  me» 
•»  frégates.  »  Le  2  juillet,  on  fit  voile 
de  Sainte-Hélène;  le  7,  on  toucha  a 
l'ile  de  l'Ascension,  et  le  17  août  , 
le  vaisseau  mouilla  sur  la  rade  de  ijpi- 
thead.  Traduit  devant  une  cour  mar- 
tiale, à  cause  de  la  perte  de  Wdlcestr. 
Maxwell  fut  honorablement  acquitté, 
et  les  jug&i  déclaiérent  qu  il  avait 
montré,  dans  cette  funeste  occasion, 
un  sang-froid,  une  présence  d esprit 
et  une  activité  exemplaires.  En  1818, 
ayant  consenti,  d'après  la  demande 
de  se»  amis,  à  se  présenter  poiu-  can- 
didat à  la  députation  de  Westminstei 
au  Parlement,  il  éprouva  l'affreux  dé- 
sagrément d'être  en  butte  aux  injures, 
aux  insultes,    aux  outrages  de  la  viU- 


956 


MAY 


populace  qui,  selon  l'expression  du 
journal  mensuel  anglais  Tlie  gentle- 
mans   Macjazine,  entoure   ordinaire- 
ment le  lieu  de  l'élection,  sur  la  place 
du  marché   de  Covent-Garden.  Les 
atteintes   répétées     de    trognons   de 
choux  et  de  fruits  pourris  qu'on  lui 
jetait,   lui  causèrent   de  graves  acci- 
dents. L'estime  et  la  considération  de 
tous  les  honnêtes   gens,  qui  partout 
composent  véritahlement  le  peuple, 
le   dédommagèrent   de  cette   cruelle 
avanie.  L'année  suivante,  la  Compa- 
gnie des    Indes    lui    fit    don    d'une 
somme  de  1,500  livres  sterUng,  pour 
les  services  qu'il  avait  rendus  à  l'am- 
bassade de  Chine.   Il  obtint  plus  tard 
un   commandement   dans   la   station 
navale  de  l'Amérique  méridionale.  A 
son   retour,   il  venait  d'être  désigné 
poiu-  gouverneur  de  l'île  du  Prince- 
Edouard  (jadis  St-Jean),  dans  le  golfe 
Saint-Laurent  ;  et  il  se  préparait  à  se 
rendre  à  son  poste,  quand  une  courte 
maladie  termina  ses  jours,  le  26  juin 
1831.  Les  détails  de  son  voyage  dans 
la  mer  de  Chine  ont   été  publiés  par 
Mac-Leod,    et  aussi  par    Basil-Hall, 
qui  l'avait  aidé  dans  ses  travaux,  et 
dont  l'ouvrage  est  intitulé  :  Relation 
d'un  voyaye  de  découvertes,    à  la  côte 
occidentale  de  Corée  et  à  la  grande  île 
de  Lieou-Kieou,  Londres,  1818, 1  vol. 
10-4",  avec  cartes.  E — s. 

MAY,  poète  dramatique,  com- 
posa une  trentaine  d'ouvrages  tant 
tragiques  que  comiques,  sans  avoir 
pu  réussir  à  en  faire  un  qui  méritât 
la  représentation.  Il  avait  cent  mille 
livres  de  patrimoine;  et,  voulant  voir 
comment  on  vivait  avec  vingt  mille 
Hvres  de  rente,  il  exjïédia  de  cette  fa- 
çon toute  sa  fortune  en  ciiH(  ans.  Les 
comédiens  eurent'  l'humanité  de  lui 
faire,  dans  ses  dernières  aimées,  une 
penRÏon  de  <;cnt  écus.  il  siq>porta  sa 
misère  avec  une  constance  héroïque. 


MAY 

Un  de  ses  amis  l'ayant  rencontré,  pen- 
dant le  grand  hiver  de  1709,  avec  un 
habit  de  tirctaine  doublé  de  toile,  lui 
dit  :  «  Eh!  que  faites-vous  là  en  un 
pareil    moment ,   vêtu  comme  vous 
l'êtes?  »  May  lui  répondit  tranquille- 
ment :  «  Je  gèle.   >■    Cette  réponse  a 
fourni  vraisemblablement  l'idée  des 
vers  suivants,  qu'on  trouve  dans  l'Al- 
manach  de^^  Muses  de  l'année  1780^, 
et  qui  sont  de  M.  de  La  Place: 
Un  jour  d'hiver  très-rigoureux 
Un  vieux  courtisan  très-frileux, 
Au  coin  de  la  place  Daupliine, 
Avisant  im  jeune  aigre-fln , 
Couvert,  ainsi  qu'au  mois  de  juin, 
De  la  plus  légère  étamine, 
S'en  approche  et  lui  dit  :  Comment 
Avec  ce  simple  vêtement, 
Et  cette  bise  si  cruelle, 
Comment  donc  faites-vous?— Je  gOle. 

Quoique  secouru ,  notamment  pa|-  le 
duc  dcVentadour,tout  ce  que  le  poète 
May  pouvait  attraper  était  pom  lesfd- 
les  de  joie  et  pour  Bacchus.  On  le  trouva 
mort,  couché  sur  une  botte  de  foin.  Z. 

MAYEll    (Jkan).    Foy.   M.mrs, 
XXVIÏ,  184,  et  ci-dessus,  p.  191. 

MAYET  (Étiemne),  né  à  Lyon , 
le  6  juin  1751,  de  parents  honorables, 
peu  favorisés  de  In  fortune,  s'appliqua 
à  perfectionner  la  fabrique  des  étoffes 
de  soie  et  la  culture  du  niiu'ier.  En 
1777,  il  fut  appelé  à  Berlin,  par  Fré- 
déric II,  qui  le  nomma  directeur  des 
fabri(|ues  et  manufactiues  du  royau- 
me. Il  on  remplit  les  fonctions  avec 
tant  de  zèle,  d'intelligence  et  do  désin- 
téressement, qu'il  se  concilia  en  pou 
de  temps  l'estime  générale  et  la  con- 
fiance illimitée  du  premier  ministre, 
le  comte  de  llerzbcrg  ,  et  mérita  1 1 
bienveillance  du  prince  Henri.  Los 
malheurs  (piéprouva  la  Prusse  vw 
1806  ,  ayant  amené  des  chango- 
monts  dans  le  régime  des  fabriipies  . 
Mayet  obtint  sa  retraite  avec  une 
pension;  dès  lors  il  vécut  pour  sa 
famille,  ses  amis  et  les  lettres,  il  avait 


:siAY 

été,  en  1776,  nommé  membre  Je 
l'Académie  de  Villefranche;  en  1785, 
correspondant  de  celle  de  Lyon ,  et 
plus  tard  de  la  Société  d'agriculture 
de  Paris.  M""'  de  Genlis,  dans  ses 
Mémoires  (t.  IV,  p.  322),  en  parle 
ainsi  :  «  Au   nombre  des    personnes 

-  que  je  vis  à  Berlin ,  chez  made- 
«  moiselle  Bocquct ,  pendant  l'émi- 
«  pration,  je  compte  M.  Mayet,  di- 
«  recteur  des  manufactures,  homme 

-  aussi  estimable  que  spirituel,  et  qui 
»  faisait  des  vei-s  charmants.  >-  Mayet 
mourut  à  Berlin,  au  mois  de  juillet 
182i.  Voici  la  liste  complète  de  ses 
ouvrages  :  I.  Divertissement  dmmaii- 
que  et  lyrique  pour  M"'  Clotilde, 
princesse  de  Piémont,  lors  de  son  pas- 
sage par  Lyon  pour  se  rendre  a 
Turin  ,  Lyon  ,  1778.  IL  Épi- 
tre  à  M.  de  f^oltaiiv,  suivie  de  quel- 
ques bagatelles  politiques,  Genève. 
1776,  in-8''.  IH.  Pièces  fugitives  en 
vers,  Berlin  et  Paris,  1783,  in-8°.  IV. 
Recueil  de  poésie^  Berlin,  1785,  in-8''. 
V.  Discours  prononcé  a  Berlin  le  28 
septembre  1786,  dans  la  loge  la  Rnyal- 
Forck  de  C Amitié^  a  l'anniversaire  de 
Frédéric -Guillaume  II,  par  E.-F. 
Klein,  trad.  de  l'allemand,  Berlin, 
1786,  in-8*'.  VI.  Mémoire  sur  les  ma- 
nufactures de  Lyon,  Lonfkes  et  Paris, 
1786,  in-8".  Ce  mémoire  avait  ob- 
tenu laccessit  à  l'académie  de  Lyoji 
en  1784.  Vil.  Mémoiiv  sur  les  manu- 
factures de  soie  en  Brandebouig ,  tra- 
duit en  allemand  par  le  baron  de 
Bock ,  sur  le  manuscrit  de  Mayet , 
Berlin,  1788,  in-8''.  VIIL  Crispin  de- 
venu riche,  ou  C agioteur  puni ,  Paris, 
1789,  in-8".  Ceite  pièce,  quoique  fai- 
ble d'intrigue  et  de  composition  dra- 
matique, otfie  néanmoins  quelques 
bonnes  scènes.  Le  passage  suivant , 
qui  caractérise  un  des  fléaux  les  plus 
funestes  de  notre  âge,  di>nnera  uue 
idée  du  style  de  l'auteui-  : 


>L\Y 


337 


Vous  ne  connaisse!  pointée  n<'an  dingereux. 
Qui  porte  parmi  nous  le  nom  d'agiotige. 
Cest,  des  plus  vils  moyens,  et  Tétudc  et  l'usage 
Pour  mettre  la  cherté  dans  les  effets  royaux. 
Ou  les  faire  tomber  au-dessous  de  leiu-  Uux  ; 
Et  pour  s'approprier,  par  l'une  ou  l'antre  ruse. 
Les  dépouilles  des  gens  qu'on  trompe  et  qu'on 

abuse. 
Xm\k  l'agiotage  et  cet  art  destructeur 
Que  des  gens  de  tous  rangs  exercent  sans 

pudeur. 
,  IX.  Mémoire  sur  la  culture  du  mûrier 
en  Allemagne,  principalement  dans  les 
États  prussiens ,  traduit   du  français 
en  allemand,  Berlin,  1790,  in-8°.  X. 
Mémoire  sur  la  question  :  Le  sol  et  le 
climat  des   Étals    du    roi  de  Prusse, 
sont-ils  favorables  à  la  culture  du  mû- 
rier?  Berlin,    1791,  in-S".    XL  Mé- 
moire sur  les  moyens  de  mettre  en  cul- 
ture la  plus  avantageuse,   les  terrains 
secs  et  arides,  principalement  ceux  de 
la  Champagne,   qui  a   obtenu  le  pre- 
mier  accessit   de  l'Académie  de  Châ- 
lons-sur- Marne,    Paris    et    Bnixclles, 
1790,  in-S".  XII.  Traité  sur  la  cultu- 
re et  les  fabriquas  de  soie  dans  les  Etats 
prussiens,  traduit   en  allemand,   par 
S.-M.  H.   sur  le   manuscrit  de  l'au- 
teur, Berlin,  1796,  2  voL  in-8".  XIIL 
Derwil,  pièce  tragique,  en  trois  actes 
et  en  vers,  composée  en  1801,  et  qui, 
reçue   au   Théâtre-Français ,   ne    fut 
pas  représentée,   à  Ciiusc   de  la  mort 
de  Dazinconrt  :   imprimée  à  Berlin  , 
in-8'',  en  182^,  quelques  moi.s  seule- 
ment avant  la  mort  de  l'auteur.  Mayet 
a  en  outre  pris  part    à   la  rédaction 
du   Conservateur  ou  Gazette  littérdre 
de  Berlin,  i79-2,  in-8''.  et  fourni  de 
nombreux  articles  à  ÏAlmanach  des 
iluses,  aux  Étrennts  du  Parnasse,  au 
Mercure  de  France,  à  la  Feuille  litté- 
raire et  au  Journal  Je  Lyon.   Oz- — m. 
MAYEL'R   (?ii«M,.\s),   voyageur 
et  interprète  du  gouvernement  fran- 
çais à  Madagascar,  naquit  en  1718. 
Il  n'avait  que  deux  ans  lorsque   ses 
parents  allèrent  habiter  l'Ile-ile-Fran- 
ce.  En  1774,  il  fit  partie  de  l'expédi- 


358 


.MAY 


lion    <Ui    baron   de   Bétiiowsky,  qui 
avant  fondé  l'établissement  de  Louis- 
bour{j,  dans  l'île  de  Madagascar,  le 
nomma  lieutenant  et  premier  inter- 
prète. Un   bomme    aussi  versé   que 
l'était  Mayeur  dans  la  connaissance 
de  la  langue  et  des  mœurs  raidga- 
clies,  ne  pouvait  nianquer  de  rendic 
au  gouvernement  de  grands  serviceï>  ; 
aussi  Béniowsky  l'employa-t-il  à  par- 
com-ir  les  diverses  parties  <le  l  île ,  a 
conclure  des  alliances  avec  les  chefs, 
à  établir  des  relations  de  commace, 
enfin  à  recueillir  des  renseignements 
sur  l'bistoirc    el    la    géographie    de 
cette  contrée  peu  connue.    Le   pre- 
mier voyage  entrepris  par  Mayeur, 
d'après  les  ordres  de  Béniowsky,  eut 
pour  but  d'explorer  le  pays  des  Sa- 
klaves  el  d'établir  luio  communica- 
tion entre  la  baie  d' Antongil  et  celle 
de  Moringano,    U  partit  le  29  avril 
4774,  avec  une  escorte  d'Européens 
et  de  naturels.  Quelques  jours  apics 
une  partie  de  ses  compagnons  tom- 
bèrent malades,  en  sorte  qu'il  mit  un 
mois   pour  se   rendre  à  Antanghin, 
village  saklave,  où   il    aurait  dû  ar- 
river en  dix  jours.  Sa  présence  ins- 
pira une  inquiétude  mortelle  au  pe- 
tit   chef  soumis  au  joug  despotique 
du  puissant  roi  des  Saklaves.  Mayeur 
avait  jugé  l'endroit  convenable  poiu- 
l'établissement  d'une  traite,  mais   il 
ne  put  obtenir   le  consentement  du 
chef  ({ui,   malgré  son  désir  de  taire 
amitié  avec  les  Français,  n'osait  rien 
décider  avant  de  comiaître  le  senti- 
ment  du    roi.   îSotre    voyageur    prit 
sur  lui  d'y  faire  construire  les  maga- 
sins et  d'y  laisser  ses  marchandises 
sous    la  garde  '  d'une   partie   de  son 
escorte;  puis  il  se  dirigea  vers  Bom- 
bétok,   oîi    résidait  le  roi,  mais  il  ne 
put  atteindre  ce  village.  Les  obsta- 
cles surgissiiienl  à  chaque  j)as  sur  s;» 
rovil<!.   Les    rliets  lui  nîftjsaient   des 


MAV 

guides,  ou  le   trompaient  soi-  b  di.s» 
tance  qu'il  avait  encore  à  parcourir.il 
s'en  plaignit  un  jour  avec  véhémen- 
ce; voici  la  réponse  qu'il  reçut  d'un 
Malgache  :  «  Je  crois  bien  que  tu  as 
"  des   ordres  pour   faire  diligence, 
fi  mais  ceux  qui  te  les  ont  donnés  ne 
..  savaient  pas  qu'il  y  a  dans  ce  pays 
«  un  grand  chef  qui  donne  aussi  des 
.'  ordres   chez  lui.   Quand    lu  scra>. 
«  avec    ton   chef^    lu  feras    ce  qu'il 
-  t'ordonnera;  tu  es  ici,  tu  ne  feras 
i>  point   à  sii   volonté,    mais  bien  à 
j  celle  du  roi.  Il  ne  faut  point  que 
"  les  étrangers  fassent  la  loi  chez  ks 
i>  autres,  la  chose  n'est  pas  dans  l'or- 
"  dre.  Jene  puis  te  donner  de  guides, 
«  attends-nous,  ou   retourne  sur   tes 
..  pas."  Mayeur  eut  bientôt  la  preuve 
qu'il  y  avait,  en  effet,  une  volonté  uni- 
que et  ferme  dans  le  gouvemement 
saklave.  Ayant,  malgré   les  a\-is  de> 
naturels,   continué  sa  marche,  il  re- 
crut, à  environ  cinq  journées  de  Bom- 
bétok,  l'ordre  de  rétrograder  sur  le 
champ.    Le    message  était  conçu  en 
ces  termes  :  "  Le  roi  ayant  appris  ton 
a  arrivée,  a  lait  assembler  iramédia- 
u  ment  ses  principaux  chefs  el  leui 
»  a  demandé  si  jamais,  sous  le  régne 
«  de  ses  ancêtres,  il  était  venu,  par 
!  terre,  des  Français  dans  ses  États, 
u  Les  chefs  lui  ont  répondu  :  x\on  ;  il 
«  sont    toujours    venus   par   mer.  ■ 
Alors  le  roi  a  dit  :  "  Que  ce  blanc  s'en 
.1  retourne  donc  sur  le   champ.  Je 
.'  lui  pardonne  cette  fois,  parce  qu'il 
u  ignorait    la    coutume.    S'il    lait  la 
»  moindre   résistance,  je    le  fais  za- 
«  gaïer,lui,  étions  ceux  qui  sontavc( 
,'  lui.  Telle  est  la  volonté  du  roi.  »  Force 
fut  au  voyageur  de  s'y  soumettre.  Il 
reprit    donc    le    chemin   de    Louis- 
bourg.  A  peine  avait-il  fait  quelques 
jounnjes  de  marche,  qu'il  fut  rejoint 
par  des  émissaires  du  roi  <]ui  Im  ap- 
prirent la  mort  dun  régent,  auquel. 


MAY 

dirent-ils,  devaient  être  attribué*  les 
ordres  rigoureux  qu'il  avait  reçus  ;  le 
jeune  roi  était,  au  contraire,  plein  de 
bonnes  dispositions  pour  les  blancs,  et 
désirait  les  recevoir.  Mayeur,qui  con- 
naissait la  perfidie  du  gouvernement 
saklave,  eut  des  doutes  sur  la  bonne 
foi  du  prince;  il  apprit  en  effet,  pen- 
dant la  nuit,  qu'on  attribuait  la  mort 
du  régent  à  un  maléfice  dont  on 
l'accusait  d'être  l'auteur.  Les  émis- 
saires étaient  chargés  de  massacrer 
toute  l'expédition  ;  mais  la  vigilance 
de  Mayeur  fit  avorter  ce  projet  ;  il  im- 
posa par  sa  fermeté  aux  naturels,  et 
leur  échappa  en  accélérant  sa  marche. 
Arrive  à  Antanghin ,  il  releva  le 
poste  en  toute  hâte,  et  se  remit  en 
route  pour  Louisbourg ,  où  il  arriva 
le  20  septembre.  Le  14  novembre 
suivant,  Mayeur  eut  la  mission  d'ex- 
plorer 1«  nord  de  Madagascar,  depuis 
la  baie  d'Antongil  jusqu'au  cap  d'Am- 
bre, de  visiter  la  côte  et  les  îles  si- 
tuées entre  ce  cap  et  la  baie  de  Pas- 
sandava,  de  faire  connaître  le  nom 
français  sur  tous  ces  points  et  de  con- 
clure partout  des  alliances.  L'exposé 
seul  des  objets  de  ce  voyage,  qui 
dura  plus  d'un  an,  suffit  pour  en  in- 
diquer l'importance.  Mayeur  explora 
les  embouchures  de  toutes  les  rivières 
qui  se  jettent  à  la  côte  Îi.-E.,  visita  les 
baies  d'Andrava,  de  Louké,  etc.,  dont, 
un  siècle  auparavant,  les  forbans 
avaient  eu  seuls  connaissance ,  et, 
traversant  l'ile  au  nord  de  ces  grands 
ports,  il  parcourut  la  côte  N.-O.,  se 
rendit  dans  les  îles  voisines,  parmi  les- 
quelles il  signala  celle  de  Ts'ossébé,  où 
la  France  vient  de  former  un  établisse- 
ment. Le  troisième  voyage  de  Mayeur 
eut  lieu  du  20  janvier  au  2  décembre 
1777.  Béniowsky,  abandonné  par  la 
métropole ,  avait  été  reconnu  am- 
panzaka-bé  par  les  principaux  peu- 
ples de  Madagascar,  et  s'occupait  avec 


MAY 


.139 


son  génie  ardent  et  audacieux  de  ré- 
gulariser ce  singulier  empire,  il  char- 
gea Mayeur  d'une  mission  secrète 
chez  les  peuples  du  sud  et  du  centre 
de  l'île  qui  n'avaient  pas  souscrit  à 
son  élévation.  L'infatigable  interprète 
pénétra  donc ,  à  travers  les  forêt*  et 
les  montagnes  désertes  de  l'intérieur, 
jusque  chez  les  Betsilos,  conclut,  au 
nom  de  son  gouvernement,  avec  le 
chef  de  ce  peuple  intéressant,  une  al- 
liance scellée  par  les  cérémonie* 
solennelles  du  serment-de-ian^  ,  puis 
se  dirigea  vers  la  province  d'Ankova, 
dont  le  prince  désirait  aussi  faire  le 
serment  d'alliance.  Le  peuple  hova 
annonçait  déjà  ce  qu'il  devait  être 
plus  tard  sous  la  direction  d'un  hom- 
me de  génie.  Ses  lumières  et  son  in- 
dustrie se  montraient  en  tout,  dans  la 
culture  difficile  du  riz,  dans  l'éduca- 
tion des  vers  à  soie,  dans  le  tissage 
et  la  teinture  des  étoflFes  de  soie,  de 
coton  et  de  fils  de  bananier,  dans  la 
fonte  et  le  travail  du  fer.  dans  la  cons- 
truction des  maisons,  etc.  Mayeur 
vit  avec  admiration  les  marchés  pu- 
blics établis  dans  chaque  canton  et 
où  se  rendent  en  affluence  des  mar- 
chands de  provinces  éloignées.  Après 
avoir  fait  le  serment  d'amirië  a^ec  le 
roi  et  enrichi  son  journal  d'obserr»- 
tions  nombreuses  et  intéressantes,  il 
quitta  Ankova  ;  et,  traversant  le  pay» 
des  Bézonzons,  il  arriva  dans  celui 
des  Bétanimènes,  d'où  il  gagna  Foul- 
poinfe.  Deux  autres  vovages  furent 
entrepris  à  Ankova  par  Mayeur,  tant 
comme  envoyé  du  gouvernement  que 
comme  particulier,  pendant  lesquels 
il  assista  aux  guerres  qui ,  précédè- 
rent l'avènement  de  Dian-Ampouine, 
le  père  de  Radama.  En  1786,  à  peine 
de  retour  d'un  de  ses  voyages,  3 
reçut  de  l'Ile-de-France  l'ordre  de 
se  rendre  chez  les  peuples  du  nord 
pour   les  détourner  de  l'obéissance 


:\m 


MÀ\ 


qu'ils  avaient  jurée  à  leur  ampanza- 
ka-bé  Bëniowsky.    Cette  mission  eut 
un  plein  et  fatal  succès  ;  Béniowsky, 
abandonne  parles  Malgaches  abusés, 
tomba    sous   les  balles  des  Français 
qui,  sans  le  savoir,  arrêtèrent  ainsi 
pour  un  siècle,  peut-être,  les  progrès 
de  la   civilisation  à   Madagascai.  l.a 
conduite  de  iMayeur  l'ut  en  cette  cir- 
constance unftexception  à  la  droiture 
ordinaire  de  ses  sentiments  :  il  devait 
beaucoup   à  Bëniowsky;  et,  quelque 
péremptoires  que  fussent   les  ordres 
émanés   du   gouvernement  de  l'Ile- 
de-France,  la  leconnaissancc lui  pres- 
crivait de  ne  point  se  charger  de  leur 
<;xécution.   Il  est   probable   qu'il   fut 
poussé  par  des  raj^ports  mensongei  s 
à    servir    contie    sou   ancien   chef. 
Peut-être  aussi  se  laissa- t-il  entraîner 
par  le  plaisir  qu'il  éprouvait  à  faire 
fies  harangues  dans  la  langue  mal- 
gache. En  1794,  il  fut  envoyé  à  Ma- 
dagascar, pour  apaiser  les  dilfércnds 
qui  s'étaient  élevés  entre  le    roi   de 
Foulpointe,  Zakavola,  et  les  traitants 
Européens  :   "  Je  ine  trouvais  alors  à 
»  Foulpointe,  dit    un  voyageur  dans 
.'  ses  notes  inédites,  et   j'assistai   au 
"  grand  kabar   (assemblée)    qui    eut 
'  lieu  à   cette   oecasioti.   M.  Mayeur 
.'  présida  cette  nombreuse  assemblée 
'1  et  je  pus  me  convaincre  qu'il  avait 
-  non-seulement  uneparfaite connais- 
•  sance  de  la  langue  du  pays,  mais  eii- 
.<  core  qu'il  avait  ac(juis  la  conHance 
■'  dctoute  la  poiiulalion,car  les  natn- 
■  rels  luidonnaienl  le  surnom  de  Lahe- 
"  soa  (homme  juste).  Dans  ce  fameux 
«•  kabav,  il  ])érora  en  malgache  avei 
'■  imc  teHe  éloquence,  <|ue  le  roi  Za - 
"  k  avola ,  qu'on  n'avait  jamais  vu  ém  u , 
'  en  répandit  des  larmes.  ••    Depuis 
cette  épotjue,  Mayeur  demeura  jifllc- 
de-France,  où  il  mourut  en   1813.  Il 
avait  l'habitiulc  de  porter  le  costume 
plttorcs(|ut'  «les  fhefs  malgaches.  En 


1804,  M.  Barthélémy  de  Froberville, 
alors  à  la  tête  du  journal  de  l'Ile-de- 
France,   se  chargea  de  la  rédaction 
des  voyages  de  Mayeur,   qui,   étant 
tout-à-fait  illettré,  n'avait  gardé  que 
des  notes  presque  inintelligibles.  Ce 
travail,  qui  forme  un  volume  in-fol. 
d'environ  800  pages,  est  en  la  posses- 
sion de  l'auteur  de  cette  notice. 
Fk — K. 
*  MAYEUR  de  St-Paul   (Fr..v>- 
t.;(j)s-MARiE)  ,  comédien  et  auteur  dra- 
matique, né  à  Paris  en   17o8,  entra 
en  1770  au  théâtre  de  l'Ambigu,  oii 
il   remplit  les  emplois    des  amoureux 
et  des  niais  dans  la  comédie,  et  les 
jnemien   rôh-i    dans  la  pantomime . 
pailiculièremeut  dans  le  Braconnier, 
la  Belle  au  bois  doiinimt,  Alceste^  les 
.Imours  de  Henri  iF,   les  Ouattvjil^ 
Aymon,  etc.,  pièces  qui  firent  la  foj  - 
lune  d'Audinot,  alors  directeur  de  n 
ihéâtie.  En  1779,  il  passa  au  diéàti 
de  iSicolet,  oii  le  rôle  de  Claude  Ba- 
gnolet  lui   valut  les   honneurs  de  la 
gravure,  avantage  extiaordinaire,   .i 
cette  époque,  pour   un  acteur  d'un 
théâtre  secondaire.  En  1789,  il  s'em- 
barqua poui'  aller  jouer  la   comédie 
en  Amérique;  mais  la  révolution  qui 
étendait  ses  ravages  sm-  tous  les  points 
i\u    globe,    le   conliaignit  bientôt    à 
revenir  en    France.    Arrivé   à    Boi 
deaux,  il  v  Ht  bâtir  une  jolie  salli. 
sous    le   noui    de   théâtre    du   Faiide-    ! 
ville-Variétés.  Dénoncé  par   l'un  <!'• 
ses   confrères    comme    mauvais   p 
triote,  et  traduit  devant  une  conmu^- 
siou  militaire!,   il   fut  heureusemeni 
acquitté,  et  revint  à  Paris,  oii  il  s'en-    j 
gagea,  en  1795,  au  théâtre  de  la  Cité.    , 
Ce  théâU-e  était  occupé  par  la  troupe 
des  Variétés  -  Montausier  ,   qui    vint 
ensuite  au  Palais-Hoyal.  Ce  fut  dan 
cette  dernièic  .salle  (jue  \htyeur  cr<  < 
le  rôle  de  Jocrisse  chmujé  de   condi 
lion,  après  avoir  créé  celui  de  Vilaii:. 


MA¥ 

au  théàue  de  la  CiUr,  dans  la  pièce 
de  Ducancel  (voy.  ce  nom,  LXlll, 
19),  intitulée  :  L'Intérieur  des  co- 
tnités  révolutionnaires.  Il  s'embarqua 
ensuite  pour  l'ile-de-l-rance ,  et  y 
demeura  deux  ans.  De  retour  dans 
sa  patrie,  en  1801-.  il  se  mit  à  la  tête 
du  théâtre  de  la  Gaîté.  Mais  il  aban- 
donna encore  cette  administration, 
en  1802,  pour  le  Théïtre  Olympujxie, 
où  il  attira  la  foule,  dans  le  rôle  de 
Daniètvs  {de  l'Auberge  pleinej ,  puis 
il  retourna  à  Bordeaux  et  parcounit 
les  villes  du  Midi.  Il  resta  à  Lyon  en 
({ualité  de  directeur-gérant  dutbéàtie 
des  Célestins,  en  1808,  et  fut  succes- 
sivement régisseur  du  théâtre  de  Ver- 
sailles et  directeui-  de  celui  de  Uim- 
kerque.  Reveim  à  Paris  en  1815,  il 
obtint  la  direction  du  théâtre  de  Bas- 
lia,  on  il  se  rendit  en  sept.  1817, 
tnais  n  ayant  pas  eu  le  succès  ariquel 
il  s  attendait,  il  revint  à  Paris,  en  juin 
oe  Tannée  suivante,  et  mourut,  le  18 
décembre,  à  la  veille  d'obtenii-  une  pen- 
sion. Le  principal  mérite  de  Mayem 
était  d'être  l'acteur  île  la  nature,  ce 
qui  le  fit  surnommer  le  niais  de  la 
honne  compagnie.  Coinme  auteur,  il 
a  composé  un  très-grand  nombre  de 
[>ièces,  entre  autres  :  la  Pomme,  ou  le 
prix  de  la  beauté,  en  trois  actes,  mê- 
lés de  musique,  1777:  l'Optimiste,  on 
tout  est  au  mieux,  comédie  en  un 
acte;  au  théâtre  de  Zsicolet  .-  l'Oiseau 
de  Lubin,  vaudeville  en  un  acte; 
FElève  delà  nature,  ou  le  Sauvage  ap- 
privoisé par  iamour[yi%\).. — Le  jeune 
homme  du  jour^  comédie  en  2  actes. 
—  Dorval ,  ou  ijionnête  procureur, 
comédie  en  2  actes.  —  Le<t  Adéldides, 
parodie  des  Dandides,  vaudeville  en 
3  actes.  —  Jeanne  Hachette  ,  ou  le 
Siège  de  Beauvais,  pantomime  en  3 
actes  (1784).— En  1788,  le  Trouvère 
moderne,  ou  Vactenr  poète,  proverbe 
à  travestissements-  à  un  seul  acteur; 


MAY 


361 


test  le  premier  ouvi-age  de  ce  genre 
qui  fut  représenté  aux  boulevarts.  — 
Le  baron  de  Trenck^  pièce  historique 
en  3  actes  et  en  vers.  —  En  1795, 
Charette  à  A'antes,  ou  la  paix  de  (« 
Vendée ,  pantomime  en  1  acte.  — 
En  1799,  Goburge  dans  lile  des  Fa l- 
lots ,  parodie  de  Panurgc,  en  3  actes 
et  en  vaudevilles. — CUmènc,  parodie 
de  Chimènef  en  1  acte,  et  ea  vaude-» 
villes.  — 1804,  Cassandre  polygraphe^ 
ou  le  célèbre  Feuillelon  ,  vaudeville 
en  1  acte.  —  Le  Journal  de  Paris, 
pièce  épisodique,  en  un  acte.  —  Clo- 
pinette,  parodie  de  Philoctète ,  en  un 
acte,  en  vers,  mêlée  de  vaudevilles. 
—  L'Enrôlement  volontaire,  divertis- 
sement mêlé  de  vaudevilles.  —  Bi- 
zarre, parodie,  en  deux  actes  et  en 
vaudevilles,  de  Pizarre,  opéra.  — La 
Veuve  de  Clamart,  vauilevdle  en  mi 
acte,  parodie  de  la  f'euve  du  Mala- 
bar.—  Cent  UH  coups  de  canon,  ou 
le  Signal  désiré,  diveilisscment,  à 
i  occasion  de  la  naissance  du  roi  de 
Kome,  Paris,  1811. — farineUiy  ou 
l'Artiste  à  la  cour  de  Ferdinand  IF, 
opéra  en  nn  acte,  musique  de  Ro- 
land (1812). —  Le  Terroriste^  OU  les 
Conspirations  Jacobites,  à-propos  en 
un  acte,  mêlé  de  vaudevilles,  mipri 
nié  a  Bordeaux,  en  l'an  V  (1797). — 
(Au  théâtre  de  lile-de-trancx,  en 
1800)  :  L'Apothéose  du  général  Ma- 
lartic,  intermède,  musique  de  Lamou: 
roux.  Pendant  son  séjour  dans  cette 
colonie,  il  rédigea  un  journal  litté- 
raire et  politique,  intitulé  :  Le  Chm- 
uiqueur  colonial,  ou  Journal  politi- 
ijue  et  littéraire  des  îles  de  France  et 
de  Bourbon.  Ses  autres  ouvrages  sont  : 
Hymne  à  l'Amour,  poème  en,  vers, 
suivi  d'une  Ode  sur  lu  Calfonnie, 
in-8'%  1781.  —  Base  </'amour,.ou  la. 
Belle  et  la  Bête,  conte  en  prose, 
mêlé  de  vers,  Paris,  1813,  in -18.  — 
Vie  de    M'"'    de   la   Favette.    Paris. 


362 


MAï 


lol^,  in-  18.  —  La  Renaissance  des 
lys,  hommage  lyrique,  Paris,  1814, 
in- 18. — L'Itinéraire  de  Buonaparte, 
depuis  son  départ  de  la  Malmaison, 
jusqu'à  son  embarquement  pour  Sainte- 
Hélène,  1815,  in-8'*.  Mayeur  a  encore 
rédigé  les  Etrennes  du  Parnasse,  re- 
cueil de  poésies  suivies  de  notices  sur 
les  ouvrages  nouveaux,  pendant  les 
années  1783,  84,  85,  86  et  87;  puis 
le  Réveil  d'Apollon,  1796,  2  cahiers 
in-12.  Il  a  publié,  sous  le  voile  de  l'a- 
nonyme :  1°  Xe  Chroniqueur  désœuvré, 
OU  l'Espion  des  boulevarts,  Londres, 
1782-83,  2  vol.  in-S".  —2°  L'Autri- 
chienne en  goguette,  ou  l'Orgie  royale, 
opéra-proverbe  composé  par  un  garde- 
du-coiys,  et  publié  depuis  la  liberté  de 
la  presse,  et  mis  en  musique  par  la 
reine,  1789,  in-8'*  de  16  pages.  C'est 
un  pamphlet  ordurier  où  Louis  XVI, 
la  reine,  le  comte  d'Artois  et  la  du- 
chesse de  Polignac  sont  mis  en  scène. 
3"  (  Avec  Villiers  )  Portefeuille  d'un 
chouan  (n<*  1'^'),  Pentarchipolis,  de 
l'imprimerie  des  honnêtes  gens,  1796, 
in-8''  de  96  pages.  Barbier  CDict.  des 
anonymes)  distingue  à  tort  François 
Mayeur  de  Mayeur  de  Saint-Paul; 
c'est  le  même  personnage,  il  a  traduit 
de  l'anglais  de  mistriss  Parsons  :  Les 
trois  Bibles,  ou  Lucy  et  Maria,  Paris, 
1816,  2  vol.  in-12.  Il  fut  un  des  cor- 
respondants de  la  Gazette  de  Deux- 
Ponts,  l'un  des  collaborateurs  de  la 
Petite  Bibliothèque  des  Théâtres,  et 
membre  de  la  Société  lyrique  des  Sou- 
pers de  Momus,  de  celle  des  Anu's 
du  roi,  etc.  —  On  lit  de  lui  plusieurs 
pièces  de  poésie  dans  les  Almanachs 
des  Muses,  dans  les  journaux  et  dans 
divers  recueils.  Z. 

MAYN ARD-la-Fatette  (Pierhk- 
Amdikk  de) ,  ne  à  Gramot  (départe- 
ment du  Lot),  était  capitaine  au  régi- 
ment d'Annagnac,  avant  la  révo- 
lution. Il  éuiigra  en  1790,    et  servit 


MAZ 

dans  l'armée  des  princes  avec  le 
grade  de  colonel.  En  1795,  il  quitta 
l'Allemagne,  emportant  la  recomman- 
dation la  plus  pressante  du  prince 
de  la  Trémouille,  frère  du  prince  de 
Talmont,  à  M.  de  Puisaye.  Il  était 
même  chargé  par  ce  prince  de  le  re- 
présenter en  qualité  de  baron  de 
Vitré,  et  de  commander  en  son  nom 
ses  anciens  vassaux.  Il  débarqua  sur 
les   côtes   de  Bretagne,  le  15  juillet 

1795,  et  fut  conduit,  de  poste  en 
poste,  par  un  détachement  de  l'armée 
de  Puisaye,  jusqu'au  quartier-géné- 
ral de  ce  chef,  alors  dans  les  envi- 
rons de  Fougères.  Peu  de  temps 
après  so'n  arrivée,  il  se  brouilla  avec 
Puisaye  et  passa  dans  l'armée  de  Scé- 
peaux.  Forcé  de  la  quitter  lors  de  la 
reddition  de  ce  dernier,  il  joignit 
l'armée  de  Frotté,  la  seule  qui  tînt 
ferme  et  qui  n'eût  pas  posé  les  ar- 
mes. Après  le  départ  de  Frotté  pour 
l'Angleterre,  Maynard,  décidé  à  res- 
ter en  France,  prit  un  habit  de  garde 
national;  à  la  faveur  de  ce  dégui- 
sement ,  d'un  billet  d'hôpital  et 
d'une  feuille  de  route  qu'il  se  fabri- 
qua lui-même,  il  voyagea  dans  les 
départements    de   l'Ouest,    jusqu'en 

1796,  époque  à  laquelle  il  se  fixa 
dans  la  commune  de  Saint-Lambert, 
conservant  des  intelligences  avec 
l'Angleterre  et  le  parti  royaliste,  et 
toujours  prêt  à  reprendre  les  armes 
pour  la  cause  rovale;  ce  qu'il  fit 
avec  beaucoup  de  zèle,  en  1814;  mais, 
au  mois  de  juin,  on  le  trouva  mort 
dans  un  fossé  où  son  cheval  l'avait 
jeté.  B — p. 

MAZO-.1f<irM'n«  ( Jeai»  -  Baptisi  k 
Di-x) ,  paysagiste  et  peintre  de  por- 
traits, fut  l'élève  le  plus  habile  Ay 
Jacques  Vélasquer.  Il  naquit  à  Ma- 
(hid  au  commencement  du  XVII*  siè- 
cle. Ses  progrés  furent  rapides  et  il 
sut  telletuent  imiter    la  manière   de 


MA2 

son  martre,  que  les  connaisseurs  led 
plus  éclairés  s'y  trompaient  eux- 
mêmes.  Il  peignait  le  portrait  avec 
une  rare  perfection,  mais  ce  sont  sur- 
tout ses  paysages  qui  ont  fondé  sa  ré- 
putation. La  composition  en  est  lar- 
ne;  la  couleur  pleine  d'une  vigueur 
qui  n'exclut  jamais  la  vérité.  On  ad- 
mire les  tableaux  de  ce  genre  dont  il  a 
décore  la  salle  des  gardes  à  Aranjuez, 
et  surtout  ses  f'ues  de  Pampelune  et 
de  Sarragossc,  qui  se  trouvent  dans 
la  collection  du  roi  à  Madrid.  Ces 
derniers  tableaux  peuvent  aller  de 
pair  avec  ce  qu'ont  produit  les  plus 
rélèbres  pavsagistcs  de  tous  les  pays: 
8on  talent  fut  tellement  apprécié, 
que,  malgré  son  manque  de  fortune, 
Vélasquez ,  son  maître,  décoré  du 
titre  de  chevalier,  et  l'un  des  pre- 
miers personnages  de  la  coui\  ne 
balança  pas  à  lui  donner  sa  fille  en 
mariage.  A  la  mort  de  son  beau- 
père,  Mazo  obtint  le  titre  de  peintre 
du  roi.  Il  avait  un  talent  particulier 
pour  peindre  des  aquarelles  ;  et  l'on 
connaît  de  lui,  en  ce  genre,  un  grand 
nombre  de  pièces  charmantes.  Cet 
habile  artiste  mourut  à  Madrid,  le  10 
février  1687.  P — s. 

MAZOIS  (Fkasçois),  né  à  Lo- 
rient ,  le  12  octobre  1783,  passa  son 
enfance  à  Bordeaux,  ou  son  père  rem- 
plissait les  fonctions  de  directeur- 
,«;énéral  des  paquebots  du  roi.  Placé 
à  l'Ecole  centrale  de  cette  dernière 
ville,  il  y  fit  dexcelleiites  études  qui 
lui  permirent  de  subir  avec  succès 
son  examen  d'admission  à  l'École  po- 
lytechnique. Mais,  atteint  depuis  l'dge 
de  quinze  ans  d'une  suidité  causée  par 
une  maladie  de  rougeole,  il  ne  put 
suivre  la  carrière  militaire  à  laquelle 
son  père  le  destinait.  Cet  obstacle 
contraria  beaucoup  le  professeur 
Monge  qui,  I  avant  lui-même  scrupu- 
leusement examiné.-  s'était  assuré  de 


MAZ 


363 


i  étendue  et  de  la  sobdité  de  ses  con- 
naissances mathématiques.  L'aptitn- 
de  toute  particulière  qu'il  montrait 
pour  les  arts  du  dessin  le  détermina  ii 
étudier  l'architecture,  et  il  entra  dans 
la  célèbre  école  de  Percier,  dont 
il  devint  bientôt  1  un  des  élèves  les 
plus  distingués.  Pendant  les  neuf  an- 
nées qu'il  étudia  sous  ce  maître,  il 
prit  part  à  presque  toutes  les  luttes 
académiques,  et  il  v  fut  assez  souvent 
vainqueur  pour  qu'il  dût  s'attendre 
à  trouver,  dans  le  grand  prix  de 
Kome,  la  récompense  de  son  talent  et 
de  ses  efforts;  mais,  impatient  de  se 
perfectionner  par  l'étude  des  chefs- 
d'œu\Te  de  lltaUe,  il  devança  l'épo- 
(|n€  où  cette  recompense  lui  eût  in- 
failliblement été  décernée.  A  son  ar- 
rivée à  Rome,  son  premier  soin  fut 
de  se  livrer  à  une  nouvelle  étude  des 
langues  anciennes,  dont  la  connais- 
sance lui  semblait ,  avec  raison  ,  in- 
dispensable à  quiconque  veut  explo- 
rer avec  sûreté  le  vaste  domaine  de 
I  archéologie.  Celte  étude  porta  promp- 
tement  ses  fruits.  Le  rang  que  l'opi- 
nion publique  lui  assigna  bientôt  par- 
mi les  artistes  de  Rome,  détermina 
Murat  à  l'appeler  à  ISaples ,  pour 
l'adjoindre  à  ses  architectes  dans  les 
grands  travaux  qu'il  avait  entrepris 
pour  l'embellissement  de  sa  capitale. 
Mazois  prit  part  à  la  construction  de 
plusieurs  établissements  et  à  la  restau- 
ration de  tous  les  palais  de  la  cou- 
ronne ;  de  ce  nombre  fut  celui  de 
Portici.  On  pense  que  les  ruines  de 
Pompéi  l'attirèrent  fort  souvent;  mais, 
ce  ne  fut  d'abord  quà  la  dérobée  qu'il 
put  en  dessiner  quelques  vues,  l'Aca- 
démie de  Naples  avant  seule  le  pri- 
vilège d'en  faire  dessiner  les  monu- 
ments pour  le  grand  ou\Tage  qu'elle 
préparait.  Le  bonheur  voulut  qu'il 
fût  admis  à  présenter  à  la  reine  Ca« 
roline  ses  dessins  et  le  texte  explica- 


364 


MAZ 


tif  qu'il  y  avait  joint.  Celte  princesse, 
protectrice  éclairée  des  arts,  admira 
la  hardiesse  et  la  pureté  du  dessin  de 
l'artiste  ,   en  même  temps  que  l'élé- 
gance du  style  de  l'écrivain.  Elle  le 
nomma  dessinateur  de  son  cabinet, 
fit  lever  l'interdiction  qui  l'empêchait 
de  coritinuer  son  ouvrage   dont  elle 
accepta  la  dédicace,  et,  voulant  qu'il 
s'en  occupât  exclusivement,  elle    lui 
accorda  une  pension  de  douze  mille 
francs  par   an.  Alors  les  ruines  de 
Pompéi  devinrent,  en  quelque  sorte, 
son  domicile;  de  1809  à  1811,  il  ne 
les  quitta  que  fort  rarement  :  monu- 
ments publics,  maisons  particulières, 
peintures,  sculptures  et  autres  orne- 
ments,   il  mesura    et  dessina    tout. 
C'est  ainsi  qu'il  parvint  à  rassembler 
les  immenses  matériaux  de  son  bel  ou- 
vrage des  Ruines  de  Pompéi,  dont  les 
planches,  mises  au  net  par  lui  sur  les 
lieux  mômes,  furent  ensuite  gravées, 
en  partie,  sous  ses  yeux,  par  les  meil- 
leurs artistes  de  Rome.  La  première 
livraison  de  cet  ouvrage,  publiée  en 
1813,  obtint  les  suffrages  de  l'institut 
de  France  qui,  dans  sa  séance  du  2 
octobre    de    celte    année ,    constata 
que    «  les  planches  étaient  dessinées 
«  avec  goût  et^ravécs  largement;  que 
«  le  texte,  qui  les  accompagnait,  était 
«  clair,  rapide,  pittoresque,  qu'il  était 
•<  semé  de  traits  d'érudition  prouvant 
«  chez  l'auteur  des  connaissances  so- 
.'  lides  dans   l'art  de  l'architecture, 
•'  etc.,  etc.  »  Mazois,  avide  d'accroî- 
tre la  riche  moisson  qu'il  avait  déjà 
jccueillie,  (juitta  les   ruines  do  Pom- 
]iéi  pour  celles  de  Piestum,  et,  nou- 
vel  ermite,  il  yint,   à  lioi.s  reprises, 
s'enlonccr  dans  les  déserts  de  cette 
Thébaide  de  la  science.  Les  débris  de 
l'antique  cite  des  Sybarites  fiircnt  ex- 
plorés avec    la  même   ardeur    çt   le 
même  succès  que  ceux  de  Pouqiéi. 
•Son  gymnase,  son  théâtre,  ses  palais, 


MAZ 

ses  aqueducs,  tout  fut  également  des- 
siné et  mesuré  par  Mazois, que  l'insa- 
lubrité du  climat  ne  put  jamais  dé- 
tourner de  ses  longues  et  patientes 
investigations.    Elles    lui    fournirent 
tous  les  éléments  de  son  ouvrage  des 
Ruines  de  Pœstiim,  qu'on  peut  con- 
sidérer comme  la  suite  du  précédent, 
ainsi   que  les  deux  qu'il  avait  prépa- 
Eés  sur  les  antiquités  de  Pouzzoles  et 
d'Herculanum.  Les   planches   de  ces 
trois  derniers   ouvrages  avaient    été 
lithographiées  sous  sa  direction,  et  le 
texte,  qui   devait  les   accompagner, 
était  fort    avancé  quand    sa    mort 
vint  en  arrêter    la    publication.  En 
1 81 3,  le  premier  volume  des  Ruines  des 
Pompéi    avait   déjà   paru  ;   mais   les 
événements  politiques  le  privèrent  de 
ses  protecteurs  et  des  ressources  qu'il 
avait  trouvées  auprès  d'eux.  Il  vint 
alors  à  Rome,   où  le  duc  de  Rlacas, 
ambassadeur  de  France ,   le  chargea 
de  la  restauration  et  de  la  décoration 
intérieure  de  l'éghsc  française  de  la 
Trinité-des-Monts,   et  se  l'attacha  en- 
suite en  qualité  d'architecte   des  éta- 
blissements français  et  du  palais  de 
l'ambassade.  Mazois  offrit  ime  preuve 
de  son  bon    goût,    lors  d'qne  fête 
que  le  duc  de  Blacas  donna  à  Rome, 
en  oct.t818,  pour  célébrer  le  passage 
du  roi   des   Deux-Siciles,  (jni  venait 
visiter  le  Saint-Père  et    le   roi  d'Es- 
pagne    Charles     IV.     L'ordonnance 
de   cette  fête   fut   confiée   à  Mazpis. 
Le  beau  local  de  l'Académie,  disposé 
et  agrandi  poiu'  cette  solernnité,  une 
route  tracée  dans   les  jardins  illumi- 
nés de  la  villa,   et  laissant  découvrir 
une  longue  sujte  d(>  cliol^    d'oeuvre 
des  arts,  éclairés  d'un  jour  ma{;i(jue 
et  placiis  siu-  deux  li{;ncs  «le  quatre- 
vingt-dix  pas,  (jui  ^conduisaient  nn\ 
appaitcments     intérieurs    du    [vtUu^ 
doinièrcul  à  celte  fêle  un  aspect  fjic 
riquo.  De  la  tente  somptueuse,    qui 


MAZ 

servait   de  salle  de  bal,  on  ai^erce- 
vait   le   giand   péristyle  de  la    villa 
transformé  en  salie  de  souper  ;  une 
construction   semi  -  circulaire ,    assise 
sur  le  pen-on  du  palais,    feimait  ce 
vestibule  du  côté  des  jardins  et  eu  avait 
augmenté  la  dimension.  Par  cet  in- 
génieux moyen,  le  portique  était  de- 
venu une  colonnade    intérieure   tjui 
séparait  du  plan    général    l'estrade, 
où    les    fauteuils    et    le   couvert   des 
deux  rois  écaient  posés.  L'architecte, 
«|ui  Joignait    au  sentiment   des  arts 
l'amour  des  gloires  nationales,  avait 
placé  dans  une   pièce  voisine  de  la 
salle  de  jeu,    meublée  elle-même  de 
tentures  des  Cobelins,  un  choix  des 
meilleurs  tableaux  composés  par  les 
peintres   français    résidant  à  Rome, 
pfin  que  les  augustes  botes  de  notre 
ainbassadeur  pussent,  à  chaque  pas, 
admirer    la  perfection  qu'atteignent, 
en  tout  genre,  l'industrie  et  le  génie 
français.  Les   artistes  de  Rome,  les 
deux  rois  eux-mêmes,  complimentè- 
rent Mazois  sur  le  goût  éclairé  et  le 
talent  réel   quil  avait  déployés  dans 
l'ordonnance  de  cette  fête,  pour  ainsi 
dire  improvisée.  Déjà,  grâce  à  lap- 
pui   de   M.  de  Blacas,   Mazois   avait 
lepi-is  la  continuation  de  son  gi-and 
ouvrage  sur  Pompéi.  Lors  d'un  voya- 
ge   qu'il    fit  à   Paris,    en  1819,    M. 
Deoazes,   ministre   de  l'intérieur,  l'y 
rétinien  le  nommant  lun  des  quatre 
inspecteurs-généraux   des    bâtiments 
civils,  et  membre  du  CÀ)nseil  des  bâ- 
timents. J»i  1  artiste,  ni  le  ministre  ne 
iilurent  pourtant  que  ces  fonctions 
j.ussent  nuire  à  la  publication  d'un  ou- 
viage  utile;  et  Mazois  obtint  un' congé 
d'un  an  afin  d'en  compléter  et  d'en 
coordonner  les  matériaux.  Il  profita  de 
son  séjour  à  Paris  pour  publier  son 
ouvrage  intitulé  :  Le  palais  de  Scau- 
rus  ,  ou  Description  d'une  maison  ro- 
maine ;  frafjmenl  d'uv   voraije  fait  à 


MAZ 


365 


Rome,    vers   la  fin  de   la  république, 
par  Mét^vir,  prince  des  5uèi'ef,  Paris, 
1819,   in-8°,    avec   douze    planches 
gravées.    Des    exemplaires    de    cette 
édition  furent  tirés  in-^",  sur  grand 
papier  vélin.  Le  succès   de   ce  livre 
détermina    les    libraires  Treàttel   et 
Wurtz  à  en  donner,   en  1822,  une 
seconde  édition  in-8°.   De  retour  à 
Naples  au  mois  d'octobre  1819,  Ma- 
zois dit,  l'année  suivante,  un  dernier 
adieu  aux  lieux  qui ,  pendant  douze 
années,  avaient   été  témoins  de  son 
ardeur  à  recueillir  les  derniers  vesti- 
ges du  génie  antique.  A  peine  arrivé 
à  Paris,  il  s'occupa  avec  activité  de  la 
continuation  de  son  ou\Tage  sur  Pom- 
péi, dont  les  nouvelles  livraisons  Ri- 
rent accueillies  avec  la  même  faveur 
que  les  premières.  Le  11  août  1823, 
il  fut  nommé  chevalier  de  la  Légion- 
d' Honneur.  Au  mois  de  mai  1825, 
lors  du  sacre  de  Charles  X,  il  fut  un 
des  architectes  chargés  d'approprier 
l'archevêché  de  Reiras  à  la  réception 
du  roi  et  de  sa  suite.  Ce  travail  olfrait 
des  difficultés  nombreuses  et  presque 
insurmontables  ,    si    l'on    songe    au 
court  espace   de    temps    qui    devait 
s'écouler   jusqu'à    la    cérémonie.    Le 
bâtiment  de  l'archevêché  était  en  rui- 
nes ;  Mazois  commença  par  refaire  , 
sans   la  démonter   entièrement,   ime 
chaipente  détériorée   dans  plusieurs 
de  ses  parties ,  la  récépa  et  fe  fit  re- 
poser  sur  des    bases   nouvel  les.    Il 
creusa  le  sol  dans  ime  longueur  de 
cent  vingt  toises  de  développement, 
calcidala  distribution  des  eaar,  com- 
bina et  étabUt  des  communications 
nouvelles  ;  la  salle  du  banquet  royal 
était  irrégulière;  elle  présenta  à  l'œil 
un  plan  uniforme.  La  cheminée  go- 
thique,  ou\Tage  curieux,  ornée  des 
armes  dn  cardinal  Briçonnet,  et  bâtie 
en  1499,  fut  restaurée  dans  le  style 
du  temps.   Pour  qu'on  se  fasse  une 


366 


MAZ 


MAZ 


idée  des  travaux  qu'il  fallut  exécuter, 
il  suffira  de  dire  que  cent  vingt-cinq 
milliers  de   plâtre   furent   employés 
dans  la  seule  salle  du  festin  royal  et 
que   quatre  cents  ouvriers  y  furent 
occupés  pendant  un  mois.  A  la  res- 
tauration  de  l'archevêché  se  joignit 
celle  de  l'abbaye  de  Saint-Rémi,  dé- 
diée, en  1049  ,  au  patron  de  Reiras, 
par  le  pape  Léon  IX.  Les  premiers 
fondements  en  avaient  été  jetés  vers 
le  milieu  du  X'  siècle.  Les  dégradations 
de  l'abbaye  étaient  arrivées,  à  l'époque 
du  sacre,  à  un  point  tel  qu'elles  com- 
promettaient la  sûreté  publique.  La 
beauté  et  l'antiquité  du  monument  en 
auraient  seules  exigé  la  conservation , 
alors   même  qu'il  n'eût  pas  été  né- 
cessaire à    l'exercice  du   cujte  pour 
une  grande  partie  de  la  ville.  Cepen- 
dant le  conseil   municipal,  s'il  avait 
été  réduit  à  ses  propres  ressources, 
n'eût  pu  sauver  le  monument  le  plus 
ancien   de  Reiras,  auquel    se   ratta- 
chent, entre   autres   souvenir.';,  celui 
d'un     des    premiers    apôtres    de    la 
Gaule  et  celui  de  la  conversion  de 
Clovis.  La  munificence  royale  vint  en 
aide  à  la  ville  de  Reiras.  Charles;  X 
ordonna   que    les    ministères    de    la 
maison   du  roi  et  des  affaires  ece  lé- 
siastiques  supportassent  les  deux  tl  ers 
de  la  dépense,  évaluée  à  deux  ct'nt 
vingt-cinq   mille   francs ,    et  que     la 
ville  acquittât  seulement  l'autic  ù ers 
d'une  dépense  dont  elle  devait  se'  ule 
profiter  dans  l'avenir.  Cette  d<3cisi  on 
détermina  l'exécution  des  travaux;  et, 
grâce  à  l'activité  et  aux  talents  «les 
architectes,  l'abbaye  menacée ,  de  ux 
mois    auparavant,    d'une   ruine   i 'e- 
gardée   comme    iumiédiate,   surt<  lut 
vers  le  portail  «l'une  des  pointes   de 
la  croix;  l'abbaye,  disons-nous,  étjait 
en  état  de  recevoir  le  cortège  ro'j  al 
qui,  selon  un  usage  immémorial,  »  l'y 
rendit   le  lendemain  de  lu  tenue  «  lu 


grand  chapitre  de   l'ordre  du  Saint- 
Esprit.  La  croix  d'officier  de  la  Lé- 
gion-d'Honrieur  fut  la  récompense  de 
Mazois.  Une  apoplexie  foudroyante, 
l'enleva  le  31  décembre  1826,  sano 
qu'il  pût  proférer  une  seule  parole, 
il  était  marié,  depuis  six  ans,  à  l'une 
de  ses  parentes,  fille  d'Alex.  Duval  : 
de  cette  union  était  née  une  fille  en- 
core en   bas-âge.   Le  roi  s'associa  u 
la  douleur  de  sa  famille,   en  accor- 
dant à  sa  veuve,  le  12  janvier  1827, 
une  pension  de  1200  francs   sur  sa 
cassette.    Mazois    avait  été   proposé 
deux  fois  à  l'Institut  (classe  des  Beaux- 
Arts),  la  première  en  1823,  après 
la  mort  de  Heurtier,  et  la  seconde 
en   1825  ,     pour    remplacer  Poyet; 
mais  ses  compétiteurs  l'avaient  ton-; 
jc>urs  emporté.  Il  laissa  inachevé  son 
grand   ouvrage    sur    les    ruines    de 
Po  mpéi,  dont  les  deux  premiers  vo- 
lumes avaient  seuls  paru.  Ils  étaient 
relatifs,   l'un  aux   tombeaux,  l'autre 
aux  habitations  particulières,  et  con- 
tenaient les  notices  les  plus  positives 
et  les  plus  curieuses  sur  l'histoire  de 
la  vie   privée    des  ancieus  telle  que 
l'ont    révélée    les   découvertes    faites 
de  1757  à  1821.  Nous  avons  déjà  dit 
qu'une  partie   des    planches  avaient 
été  gravées  à  Rome  par  les  meilleurs 
artistes  de  cette  ville;  le  reste  le  fut  à 
Paris.  Mazois  avait,  en  outre,  publié 
les  trois  premières  livraisons  du  troi- 
sième volume,  consacré  aux  monu- 
ments publics.  Cinq  autres  livraisons, 
entièrement  gravées,  étaient  près  de 
paraître,   lorsque  sa    mort   inopinée 
vint   interrompre    ses    travaux.   Les 
matériaux  qu'il  laissa,  et  parmi  h's- 
quels  se  trouvaient  454  dessins  n 
dits,   furent  remis  pai"   sa  veuve  <  ■ 
par  MM.  l'irniin  Didot,  éditeurs  de  <  • 
magnifique  ouvrage,  à  M.  Gau  ,  son 
ami  ,  architecte  comme  lui,  et  déjà 
("onnu  p«r  âCS  Antiquités  <fe  la  Nubir. 


MAZ 

ou  Afonutnents  inédits  des  bords  du 
-Vi7,  etc.  MM.  Clarac  et  Letronne 
aidèrent  M.  Gau  dans  l'accomplisse- 
ment de  sa  tâche,  qui  devait  con- 
tribuer à  la  perfection  de  l'ou- 
vrage ,  puisqu'il  se  chargea  de  l'en- 
iichir,  au  moyen  de  planches  sup- 
plémentaires et  coloriées,  de  ses  nom- 
breuses recherches  personnelles  sur 
Pompe'i,  notamment  de  détails  inté- 
ressants relatifs  à  la  peinture  et  à 
l'ornementation  des  monuments  de 
cette  ancienne  ville.  Grâce  à  cet  heu- 
reux concours,  dix -sept  livTaisons 
(21*  à  37°  comprise),  pubUées  de 
1827  à  1838,  nous  ont  dotés  des 
Buines  de  Pompéi ,  dessinées  et  me- 
surées pendant  les  années  1809  à 
1811  (et  depuis  jusqu'en  1821),  Paris, 
1813-1838,  37  livraisons  in-foL,  for- 
mat atlantique.  Mazois,  depuis  son 
retour  en  France,  exécuta  un  grand 
nombre  de  travaux  à  Paris  :  de  ce 
nombre  sont  quatre  maisons  de  la 
plus  élégante  construction,  dans  le 
quartier  de  François  I",  aux  Champs- 
Elysées;  les  passages  Choiseul,  Bourg- 
l'Abbé,  et  Saucède.  Indépendamment 
de  ses  ouvrages  déjà  cités,  il  a  laissé  : 

I.  Discours  prononcé  aux  funérailles 
de  M.  Hurtault,  membre  du  conseil 
des  bâtiments  civils  et  de  l'Institut 
royal  de  France,  Paris,    1824,  in-8''. 

II.  Un  assez  grand  nombre  de  rie> 
d'architectes,  de  peintres  et  de  sculp- 
teurs célèbres,  insérées  dans  la  Gale- 
rie française.  III.  Des  Dissertations 
publiées  tant  en  italien  qu'en  fran- 
çais, dans  divers  recueils  périodi- 
ques, et  relatives  à  des  questions  ar- 
chéologiques. IV.  Des  considérations 
sur  les  théâtres  des  anciens,  placées 
dans  le  premier  volivne  du  Théâtre 
complet  des  Latins.  Présentées  sous 
ime  forme  neuve  et  piquante,  elles 
ont  servi  à  résoudre  bien  des  ques- 
tions embarrassante*  sur   le  plan  et 


>UZ 


367 


la  construction  de  ces  antiques  me- 
numentâ.  V.  Quelques  articles  fournis 
à  \ilievue  encyclopédique.  VI.  Un  mé- 
moire (inédit)  sur  les  em.bellissements 
de  Paris,  depuis  1820,  auquel  la  mort 
empêcha  l'auteur  de  mettre  la  der- 
nière main.  Si  Mazois  était  estimable 
comme  artiste,  et  comme  écrivain, 
il  ne  1  était  pas  moins  comme  hooune 
privé.  Aussi,  tous  ceux  avec  lesquels 
il  avait  eu  des  rapports  applaudirent 
au  portrait  que  M.  Béraud  traça  de 
lui  dans  le  discours  qu'il  prononça 
sur  sa  tombe,  le  5  janvier  1827, 
discours  auquel  nous  empruntons 
le  passage  suivant  :  i^  Éclairer  ses 
«  semblables  et  leur  être  utile  par 
«  toutes  sortes  de  bienfaits,  telle  fut 
«  sa  tâche  constante;  et^  pour  par- 
"  venir  à  ce  but  éminemment  phi- 
«  lanthropique,  il  n'épargna  ni  veilles, 
'  ni  soins,  ni  sacrifices  pécuniaires.  Ses 
'  manières  douces  et  affectueuses,  ses 
•  principes  de  justice  et  d'honneui- 
«  lui  acquirent  une  grande  considéra- 
«  tion  pubUque,  depuis  le  monarque 
"  jusqu'à  l'indigent;  peu  d'hommes 
"  ont  autant  joui  de  cette  con^dé- 
"  ration  qui  répand  tant  de  charmes 
u  sur  la  vie.  En  France,  comme  en 
«  Italie,  M.  Mazois  fut  honoré  de  l'es- 
"  time  et  de  la  confiance  de  plusieurs 
y  souverains  :  Louis  XVm,  Je,  plus 
«  érudit  de  nos  rois,  s'entretint  plu- 
"  sieurs  fois  avec  lui;  Charles  X,  à 
»  Reims,  lui  témoigna,  de  la  manière 
'•  la  plus  giacieuse,  son  contente- 
«  ment  pour  la  bonne  disposition  et 
«  l'élégance  des  travaux  qui  enxbel- 
"  lirent  les  fêtes  de  son  sacre,  et 
"  dont  il  lui  avait  confié  une  partie. 
-  Depuis  sa  naissance  jusqu'à  sa 
"  mort,  sa  bonté  ne  se  démentit  ja- 
"  mais.  Élevé  avec  lui,  dès  la  plus 
«  tendre  jeunesse,  dans  le  même 
"  collège;  plus  tard,  étudiant  ensem- 
"  ble  la  même  profession,  j'ai  pu  m'a- 


368 

Cl 


MAZ 


percevoir  de    l'amitié    particulière 
«  que  lui  portaient  tous  ses  condisci- 
«  pies;  et,  lorsque  le  sort  dés  évène- 
«  ments   nous   eut    séparés  pendant 
*^  seize  ans,  je   le  retrouvai  à  Paris, 
«toujours  le  même;  c'est-à-dire  que, 
«  loin  d'être  ébloui  par  sa  position 
«  brillante,  il  me  tendit  la  main  en 
«  m'embrassant,  et  m'offrit  un  emploi 
«  honorable  dans  ses  travaux.  »  L'A- 
cadémie royale  des  sciences',   lettres 
et  arts  de  Bordeaux,  dont  Mazois  était 
membre,  fit  sculpter  son  buste  par 
son  ami  David,  et  confia  à  M.  Rarre 
le  soin  de  graver  une  médaille  qui, 
d'un  côté ,  représentait  son  portrait , 
et ,    de    l'autre  ,    une    couronne  de 
lauriers,  avec  les  titres  de   ses  prin 
cipaux  ouvrages.  —   Mazois  {Marc- 
Antoine  -  François)  ,    père   du    pré- 
cédent, exerçait    à   Loricnt  la   pro- 
fession   de    négociant    lorsque    na- 
quit  son    fils.   Il  y    avait  antérieu- 
rement  rempli    les  fonctions  de  di- 
recteur-général   des    paquebots    du 
roi.  Quelque  temps  avant  la  révolu- 
tion ,    il    alla  s'établir   à    Bordeaux , 
oîi  il  continua  de  s'acquérir  ,  comme 
négociant  ,   une   réputation  de  pro- 
bité et  de  capacité.  Ses  connaissances 
le    firent    nommer    membre    hono- 
raire de  l'Académie  de  cette  ville.  Il 
succomba  dans  un  âge  avancé,  le  21 
janvier  18-28,    à  une  longue  maladie 
qu'avait   aggravée   le   souvenir,  ton- 
jours  présent,  de  la  mort  de  son  fil.'!:. 
On  lui  doit  l'onvrage   suivant  :   De 
Saint-Domingue.    Réflexions  extraites 
(l'un  tnémàlfc  sur  le   càmmerce  Ma- 
ritime' et    /r-s    enfnnies.  "Paris,  1824, 
in-8-  ■   •'Pii^-hr:''^ 

MAZl'IVE  (T'.-A.-.l-.),  liftéraU'ur, 
né  à  Paris  en  1776,  fut  ,  à  l'âge  de 
vinf^t  ans,  attaché  à  l'école  centrale  de 
N1bl«t,  et  devint  snccossivemcMit  ins- 
pecteur, puis  recteur  de  rAc.ldémic 
d'Angers.  Nommé,  en  1817,  inspcc- 


teur-général  des  études ,  il  fit  partie . 
trois  ans  après,  de  la  commission  de 
censure  des  journaux.  Pendant  le  mi- 
nistère Pasquier,  Mazure  publia,  en  su 
faveur,  une  série    d'articles   dans    le 
Moniteur,  et  fut,  en  1820,  un  des  ré- 
dacteurs dn  Pub  liais  te  ,  journal   qui 
était  sous  l'influence  du  ministre  de 
Serre.   Nommé  l'année  suivante  che- 
valier de   la    Légion-d'IIonneur ,    il 
mourut  à  Paris  le  8  novembre  1828. 
On  a  de  lui  :  I.  Rudiments  des  petites 
écoles,  ou  Traite  de  F  instruction  pn- 
inaire,  Angers,  1812,  in-12.  La  se- 
conde édition  a  paru  sous  ce  titre  : 
Leçons  choisies    à  l'usage   des  écoles 
primaires  de  France,  Paris,  1822,  in- 
18.  II.   Fie  de  Voltaii-e ,  Paris,  1821, 
in-8''.  III.  De  la  représentation  natio- 
nale et  de  la   souveraineté  en  Angle 
l'erré  et  en  France,  Paris,  1821, in-8". 
C'est  un  exposé  des  opinions  politi- 
ques de  l'autenr.  IV.  Histoire  de  /.. 
révolution  de    1688    en   Angleterre  . 
Paris,  1825,  3  vol.    in-8".  Mazuiv 
s'efforçait  de  prouver  qu'une  révolu 
tion    semblable  était    impossible  en 
France,  à  cause  de  la  différence  do 
époques  et  des  deux  nations.  Il  panii. 
en  1829,  une  Notice  nécrologi<iuc  sur 
Mazure  ,  in  -  8"    d'une  feuille ,  sans 
no'm  d' auteur.  ^• 

MAZZA  (le  P.  A.ndrk),  sav;.ni 
philosophe  et  antiquaire,  natpiit  a 
Parme  ,  en  172V.  Son  père,  bien  que 
chargé  d'une  nombreuse  famille,  cul- ^ 
tivait  les  lettres,  et  en  inspira  le  gofit 
à  soii  fils.  Après  avoir  achevé  ses  ëui- 
des  à  Uegi'io,  celui-ci  prit  à  dix-sept 
ans  l'habit  de  Saint-Bcnoîl,  dans  la 
cotigréffatîôn  du  Mont-tassiri,  et  lut 
enVoyé  par  «es  Supériems  à  Rouk 
poin-  y  faire  ses  cours  de  phîlosoplu. 
et  de  théologie,  tlevenu  à  Parme,  i! 
lut  chargé  de  l'enseiGncmcut  de  se^ 
jeunes  confrères,  et  s'accpiittà  de  ccM 
einploi    de    manière   à   se    concilier' 


>uz 


MAZ 


Mi^ 


l'eïtiiue  de  aes  ëlèves.  Aouifin;  con- 
servateur de  la  bibliothèque  de  son 
couvent,  il  la  rail  en  ordre,  l'aug- 
menta d'un  grand  nombre  d'ouvrages 
importants,  et  en  dressa  le  catalogue. 
Dans  ses  loisirs,  il  étudia  1  histoire  et 
les  antiquités.  D'après  l'invitation  du 
marquis  de  Felino  U'oj.  ce  nom  ci- 
dessus),  ministre  de  Parme,  il  s'occupa 
de  préparer  une  nouvelle  édition 
des  Mémoires  de  Vittorio  Siri  {yoy.  ce 
nom  ,  Xl.ll,  423);  mais  lorsque  lou- 
vrage  allait  être  mis  sous  pre8.se.  le  mi- 
nistre crut  devoir  en  arieter  la  publi- 
cation, par  égard  [)our  le  marccbal 
de  Richelieu,  qui  pouvait  ne  pas  voir 
avec  plaisir  la  reproduction  d'un 
HvTe  dans  lequel  son  grand -oncle,  le 
cardinal,  n'e^t  pas  ménagé.  Felino 
dédonnnagea  le  P.  Mazza  rie  la  jmîi  te 
d  un  travail  qui  lui  avait  coiité  quatri' 
années  (t7.')9-62}.  Peu  de  temps  après, 
il  fut  envové,  par  le  ministre,  à  .Mi- 
lan, pour  traite)',  au  nom  du  dur  de 
Parme,  de  l'acquisition  de  la  magnifi- 
que bibliothèque  du  comte  Perlusali. 
Il  venait  de  conciiire  le  mai  clié  à  des 
conditions  très-avantageu-'es,  lorsque 
l'impératrice  Marie-Thérèse  défendit 
que  ces  livres  s(»itis.sent  de  Milan,  et 
les  acheta  pom-  en  taire  prêseni  au 
gouverneur  de  la  I.omhardie.  Furieux 
d'avoir  perdu  cette  occa.sion  d'enri- 
chii  la  bibliothèque  royale  de  Parme, 
Paciaudi  (lov.  ce  nom,  XXXII,  33i-. 
s'emporta  contre  le  malheureux  né- 
gociateur, et  lui  voua  dês-'ors  une 
haine  implacable.  Opendatii  le  mar- 
quis de  Felino,  rendant  plus  de  jns- 
tice  au  zèle  et  a«\  talents  du  P. 
Mazza,  ne  cessait  de  l.ui  donner  des 
preuves  de  sa  bienveillaiice.  Il  le 
nomma  l'un  ties  consorvatenrs  de  la 
bibliothèque  royale,  et  le  chargea  de 
rendre  compte,  dans  la  Gazette  litté- 
raire, qui  sinq)rimait  alors  à  Paris 
(wor.    .Arsm  II .    II.    10 i  .     .-f   Sc.uu». 


XLH'  .  I2t>)  ,  dt's  meillem"»  ouvrage*- 
publiés  en  Italie.  Après  la  disgrice  d«- 
Fehno,  le  P.  Mazza  remplaça  Paciau- 
di ,  conmie  bibhdthècaire  en  chef. 
.Mais,  Paciaudi  ayant  été  létabU  daa^ 
se.s  fonctions,  le  P.  Mazza  fut  congédia- 
par  une  lettre,  dont  la  sécheresse  ér^ii 
a  peine  déguisée  sous  les  foitnule> 
de  la  plus  simple  politesse.  Un  jeune 
religieux  de  .se*  aroit»  s'étant  avisé 
d'annoncer,  à  son  insu,  dans  la  Gn- 
zcite  de  Florence,  tpie  Mazza  conseï  - 
vait  la  direction  du  musée  roval,  on 
en  courhu  quil  intriguait  |k)iu-  ob- 
tenir cette  place  ;  et  ses  adversaire^, 
à  la  tète  desquels  on  regrette  de 
trouver  toujours  le  P.  Paciaudi,  pro- 
iitèi'ent  de  cette  occasion  pour  pro- 
diguer les  injures  a  ce  modeste  et 
paiaiblc  savant.  Ils  allèrent  jusqu'à  l'ac- 
cuser d'avoir  sj)olié  le  médailler,  tan- 
dis qu'au  «ontraire,  il  l'avait  enrichi 
d'mi  grand  nombre  de  pièces  lare,-  : 
et.  par  une  suite  de  circonstances  im- 
possibles à  détailler,  le  P.  Mazza  se 
trouva  forcé  de  rester  «eus  le  poids 
de  cette  odieuse  accusation,  jusqu'à 
ce  qu'il  eut  obtenu  1  autorisation  de 
produire  les  preuves  qui  devaient 
confondre  ses  accusateurs.  La  justiti- 
lation  fut  complète;  et  cependant 
quelques  personnes  refusèrent  dv 
croire,  tant  il  est  vi-ai  que  les  calom- 
nies les  plus  absurdes  laissent  toujoun- 
des  traces'.  >'ommé,  en  1780,  abbé 
du  monastère  de  Saint-Jean,  à  Parme, 
le  P.  .>la/za  s'oih  upa  de  faire  refleurir 
les  bonnes  éludes,  et  mourut,  re- 
gretté do  tons  ceux  qui  le  connais- 
saient, le  23  sept.  1797.  Il  était  membre 
de  plusieurs  académies,  et  comptait 
un  grand  nombre  d'amis,  entre  autres 
Tiraboschi,  auquel  il  a  foiuiii  l)eau- 
coup  de  notes  pour  la  Storia  delLi 
tetterat.  italiatia  ,  mais  sans  lui  pti  - 
mettre  de  le  nonmier.  Il  donna  imc 
preuve  de  .•*on  ;uuour  «claire  poni  le» 
24 


370 


MAZ 


arts,  en  faisant  graver  à  ses  frais,  les 
Tableaux  du  Corrègc,  qui  tkîcoraient 
l'église  de  son  abbaye,  A  1  érudition 
la  plus  vaste  il  joignait  beaucoup 
d'esprit  et  des  talents  variés.  Il  ex- 
cellait dans  le  style  lapidaire.  On  n'a 
de  lui  que  quelques  opuscules  :  His- 
toriœ  ecclesiasticœ  délecta  capita  , 
Parme,  1780  ;  une  Lettre  aux  auteurs 
de  la  Gazette  littéraire,  en  réponse 
à  celle  que  Deleyre  avait  publiée  sur 
le  caractère  des  Italiens,  et  en  parti- 
culier des  Parmesans,  avril,  1763;  une 
sur  l'Histoire  de  Parme  ,  de  Bonav\ 
Angeli  ,  publiée  par  Affo  ,  dans  le 
tome  IV  des  Scrittori  Parmigiani  ; 
deux  Sur  les  véritables  motifs  de  l'exil 
d'Ovide^  dans  le  Gioniale  di  Modena, 
1788-1789.  Il  a  laissé,  en  manuscrit, 
des  Mémoires  sur  le  poète  Basinio;  une 
Notice  sur  le  P.  Benoît  Bacchini,  dont 
AfFo  a  profité  pour  rédiger  son  article 
dans  les  Scrittori  Parmigiani;  de  nom- 
breuses additions  pour  la  Bibliot. 
italian.  de  Haym  ;  dçs  observations 
sur  le  Cours  d'études  de  Condiliac, 
SJir  le  Voyage  en  Italie  de  I.alande, 
sur  la  Description  des  tableaux  du 
Cortège,  par  Ratti  ;  et  aussi  deux  cor- 
rections importantes  de  l'inscripliou 
relative  à  Trajan ,  publiée  par  Mura- 
tori.  L'Éloge  du  P.  Mazza,  par  Cérati, 
se  trouve  dans  ses  Opuscules,  II,  lOo; 
un  autre  par  le  P.  Pompilio  Pozzetti, 
a  été  publié  à  Carpi.  W — s. 

MAZZA  (Anok),  un  des  plus 
grands  poètes  contemporains  do  l'Ita- 
lie, naquit  à  Parme  d'une  famille  no- 
ble, le  21  novembre  1741.  Il  fit  ses 
premières  études  à  RcgG'o^  o"  il  «^"t 
pour  professeur  de  pbilosopbic  et  de 
grec,  le  célèbre  Spallair/ani.  Il  rom- 
})08a  dès-lors  plusieurs  pièces  do  vers 
qui  se  répandirent  en  pou  de  temps 
dans  les  principales  villes  de  l'Italie, 
et  plurent  tellement  à  l'abbé  Salandri, 
professeur  de  Padouo,  fjii'il  vint  o\- 


MAZ 

près  à  Reggio,  afin  de  connaître  le 
jeune  poète.  Mais  si   grand  que   fût 
le  succès  de  ces  premiers  essais,  ils 
étaient   encore    trop    empreints    du 
mauvais  goût  qu'av;tit  introduit  l'école 
de  Frugoni,  pour  laisser  deviner  jus- 
qu'où s'éleveiait  le  génie  de  leur  au- 
teur. Après  avoir  terminé  son   cours 
de  collège  ,   Mazza  se  rendit  à  l'uni- 
versité de  Padoue,  et  s'y  livra  à  l'étude 
de  l'hébreu  et  de  l'anglais.  Ayant  tra- 
duit  en    vers   le  poème   d'Akenside 
(  voy.  ce   nom ,    I  ,    364  )    sur    les 
Plaisirs     de    l'imagination,    il    porta 
son  manuscrit  à  l'inquisiteur  chargé 
de  la   censure  des  livres ,   afin  d'en 
obtenir     l'approbation.      Celui   -    ci 
était    un   moine    ignorant  ;    il    par- 
courut rapidement    le   titre  ,   toisa  le 
traducteur    avec    dédain    et    lui    dit 
brusquement  :  "  Il  s'agit  des  plaisirs 
.>  de  l'imagination  ,  l'auteur  est  an- 
«  glais,  le  traducteur  un  jeune  hom- 
»  me;  l'on  n'imprimera  point  ».  Maz- 
za eut  beau  prier,  et  supplier  sa  pa- 
ternité de  lire  au  moins  le  manuscrit, 
comme  il  était  de  son  devoir,  lui  as- 
surant qu'il  n'y  trouverait  rien  de  con- 
traire à  la  religion  ni  aux  mœurs:  tout 
fut   inutile  ;    le    moine   entêté  répli- 
»pia  :  «  l-'on  n'imprimera  point  ».  — 
«   Je  m'incline  jusqu'à    terre  devant 
<i  votre  paternité ,  répartit  le   poète  ; 
»  mais  ce  livre  sera  imprimé,  et  j'au- 
«  rai   même    l'honneur   de   vous  en 
«  offrir  un  exemplaire.  »  Cela  dit ,  il 
prit  congé  de  l'inquisiteur  qui  Irépi- 
{jnait  décolère.  (^.  race  à  l'intervontiou 
<lc  i)as[)ard  Gozzi  aupr«'S  du  goiivor- 
noment  véniti(!n,  le  livre  fut  en  elFei 
imprimé,  mais  avec  la  rubrique  sup- 
posée de  Paris.  Happolé  dans  sa  pa- 
trie, en    1768,    i)ar    le  ministre    du 
Tillot  ,    Mazza    hit    «l'abord    nommé 
secrétaire  de  l'université,  puis  profos- 
.sour   de  liltératiue  grec(iuo.    'l'andis 
qu'il   poursuivait  avec  éclat  le  cour> 


MAZ 

de  ses  leçons,  il  obtint  unsucccsd'un 
autre  genre,  non  moins  flatteur  san« 
doute,  mais  qui  faillit  lui  devenir  fu- 
neste. Jeune  et  beau  (on  l'appelait  le 
beau  poète),  il  avait  inspiré  une  vivo 
passion  à  une  {pratide  dame  :  mal- 
heureusement il  avait  pour  rival 
un  militaire,  qui  se  vengea  des 
dédains  dont  on  l'accablait  ,  en  se 
portant  contre  lui  aux  voies  de  fait 
les  plus  outrageantes.  Mazza,  ne  n)a- 
niant  pas  l'épéc  avec  autant  d'habileté 
que  la  plume ,  céda  le  terrain  à  son 
adversaire,  et  se  retira  à  Bologne.  Là, 
lout  entier  à  ses  travaux  littéraires,  il 
agrandit  encore  le  cercle  de  ses  con- 
naissances, suivit  les  cours  de  l'abbé 
Steilini,  étudia  les  sciences  exactes, 
le  droit  et  la  théologie.  Il  prit  mémo 
en  1777  l'habit  ecclésiastique,  et  ren- 
tra peu  après  dans  sa  patrie  ;  mais 
étant  tombé  gravement  nralade,  il 
«rUt  s'apercevoii-  que  sa  mort  n'au- 
rait pas  inspiré  une  ;;rande  douleur 
à  ses  héritiers.  Pour  tromper  leiu' 
aviditéjSon  premier  soin,  àpeineguéri, 
fut  de  quitter  l'habit  ecclésiastique  cl 
d'épouser  Catherine  Strocchi,  une  dos 
plus  charmantes  personnes  de  Parme. 
L'étude  approfondie  qu  il  avait  faite  do 
la  langue  et  de  la  littérature  anglaises, 
avait  répandu  sur  ses  poésies  im- 
médiatement postérieures  à  la  ti-adnc- 
tion  d'Akenside,  une  légère  teinte 
britannique  qui  lui  attira  d'amère» 
critiques.  Ses  ennemis  dirent  que  se- 
poésies  étaient  un  chaos.  Gozzi  répon- 
dit que  de  ce  cljaos  sortirait  l'ordre. 
En  effet,  Mazza  publia  bientôt  quel- 
ques odes  qui  obtinrent  les  applau- 
dissements universels:  son  hvmne  sur 
l'Harmonie  hu  particulièrement  goii- 
té,  et  lui  valut  d'abord  le  titre  do 
chantre  de  l'haf'nonie,  puis  le  sur- 
nom d'Armonide  Elideo,  lorsqu'il  fut 
reçu  à  fAcadéniie  des  Arcades  do 
Rome.  Il  entreprit  en-^uito  la  traduc- 


MAZ 


.Î7I 


tion  des  odes  de  Pindaro,  et  en  publia 
une  partie;  mais  Cesarotti  et  Métas- 
tase lui  avant  repi-ésentc  qu'avec  son 
génie,  au  lieu  de  s'atnuser  à  ce  genre 
de  travail,  il  devait  s'occuper  unique- 
ment de  compositions  originales,  Maz- 
za ,  qui,  du  reste,  avait  bien  la  cons- 
cience de  son  talent  ,  composa  do 
nouvelles  odes  qui  mirent  le  sceau  à 
sa  réputation.  Toutefois  sa  gloire  ue 
grandit  pas  sans  obstacle;  elle  avait 
rencontré,  dès  le  début,  de  nom- 
breux et  puissants  détracteurs,  parmi 
lesquels  Jean  -  Baptiste  Fontana  et 
Vincent  Monti  furent  les  plus  achar- 
nés. On  regrette  pour  l'honneur  de 
ce  dernier  tpi'il  se  soit  abaissé  jusquà 
traiter  son  rival  de  «  poète  de  quativ 
sous,  "  et  qu'il  n'ait  {)as  craint  d'em- 
ployer même  les  armes  de  la  calom- 
nie. Plus  Mazza  usait  de  modération 
et  de  dignité  dans  ses  réponses,  plu? 
Monti  mettait  de  fureur  dans  ses  in- 
vectives. Malgré  l'intervention  du 
père  AIfo,  de  Féditeur  Bodoni  et  d'au- 
tres personnes  influentes,  fanimosité 
«les  deux  grands  poètes  durait  depuis 
plusieurs  années  et  s'envenimait  cha- 
que jour  davantage,  lorsqu'une  cir- 
constance fortuite  amena  tout-à-coup 
leur  réconcihation.  Monti  arrive  un 
matin  à  Parme,  et  descend  à  l'hôtel  de 
la  Poste  pour  changer  de  chevaux  et 
continuer  sa  route  ;  quelqu'un  court 
annoncer  son  arrivée  à  Mazza  ,  qui , 
au  lieu  de  Monti  comprend  Pinde- 
monte.,  avec  lequel  il  était  fort  lié.  Il 
se  hâte  donc  d'aller  à  sa  rencontre  , 
et  demande  oîi  est  \c poète.  Monti,  qui 
était  déjà  remonté  en  voiture,  se  mon- 
tre à  la  portière  ;  "  eh!  qui  m'appelle, 
•  dit-il?  —  C'est,  lépond  Mazza  ,  un 
•■■  poète  que  vous  haïssez.  —  Je  ne 
■  hais  personne,  reprend  3lonti,  et 
■•  vous  moins  que  tout  autre.  <.  A  ce> 
mots,  ils  se  jettent  dans  les  bi as  lun 
de  rautre .  s'embrassent  à  plusieurs 
24. 


372 


MAZ 


MAZ 


reprises  comme  d'anciens  amis  ;  et, 
après  un  court  entretien,  ils  se  sépa- 
rent parfaitement  réconciliés  ,  du 
moins  en  apparence.  Quoique  depuis 
ils  se  soient  donné  des  marques  réci- 
proques d'estime,  on  peut  croire  que 
Monti  conserva  au  fond  du  cœur  un 
reste  de  rancune;  car  lorsque  Mazza 
eut  réimprimé  sa  Grotte  Platonique, 
il  parut,  dans  le  Polycjraphe  de  Milan, 
un  article  peu  bienveillant,  que  tout 
annonce  avoir  été  écrit  par  l'auteur 
de  la  Bassvilliana.  Le  père  Bettinelli 
s'était  aussi  montré  hostile  à  notre 
poète.  Lisant  un  jour,  dansune  assem- 
blée publique,  l'ode  intitulée  \Aura 
armonica ,  il  maltraitait  déjà  les  pre- 
mières strophes  ,  quand  arrivé  à  ces 
deux  vers  : 

M'aprirà  il  varco  c  tacqucro 

E  le  ttmpeatc  e  il  tuono 

(  Je  m'ouvrirai  le  passage,  et  les  tcmpôtes 
et  le  tonnerre  se  tairont)  , 

la  plume  lui  tomba  des  mains,  et  il 
avoua  n'avoir  pas  la  force  de  critiquer 
un  si  beau  poème,  l'n  effet,  cette  ode 
est  admirable  d'un  bout  à  l'autre.  Mé- 
tastase considérait  les  vers  que  nous 
avons  cités,  comme  difjnes  d'être  mis 
au  rang  des  exemples  du  sublime 
proposés  par  Longin,  Hors  les  petites 
tracasseries  que  lui  suscitait  l'envie 
de  ses  rivaux,  Ma/za  lécut  heureux 
au  sein  de  sa  famille,  et  parfaitement 
étranger  à  toutes  les  commotions  po- 
litiques. Fra[)pé  de  paralysie  dans  sa 
vieillesse,  il  languit  deux  ans,  et  mou- 
rut à  Parme ,  dans  la  nuit  du  10  au 
H  mai  i817.  Ses  funérailles  furent 
magnifiques;  on  prononça  son  orai- 
son funèbre  ,  on  fit  graver  son  por- 
trait ,  et  quelques  années  pins  lard, 
son  buste  fut  placé  solennellement 
dans  le  vestibule  de  l'université.  On 
peut  le  regarder  comme  le  régé- 
nérateur de  la  poésie  italienne;  il  la 
ramena  dans   la  voie  du  beau  et   du 


vrai,  loin  de  laquelle  l'avaient  jetée  les 
écrivains  du  XVII*  siècle.  Ses  poésies 
théologiques  ut  philosophiques  occu- 
pent la  première  place  après  celles  de 
Dante;  mais  la  recherche  des  rimes, 
les  difficultés  étudiées  pour  se  donner 
le  plai.>ir  de  les  vaincre,  l'âpretc  de 
cei  tains  sujets  faisaient  dire  à  Cesa- 
rotti  que  «  Mazza  voulait  danser  avec 
"  les  ceps  aux  pieds,  et  voler  avec  les 
>'  ailes  liées!  «Aussi  plusieurs  passages 
de  ses  poèiries  sont  inintelligibles  pour 
ceux  qui  n'ont  pas  de  profondes  con- 
naissances en  philosophie  et  en  théo- 
logie. Le  même  Cesarotti  lui .  écrivait 
que  son  style  n'était  point  fait  pour 
le  menu  peuple,  ni  pour  les  petits-maî- 
tres du  Parnasse.  Cette  qualité ,  ou  si 
l'on  veut  ce  défaut,  s'il  n'ôte  rien  à 
la  gloire  du  poète  ,  nuit  beaucoup  à 
sa  popularité;  et  Mazza  le  savait  bien 
lui-même,  car  il  a  écrit  quelque  part  : 
«  J'ai  vécu  content  de  peu  de  lec- 
"  teurs  «.  Voici  les  principales  édi- 
tions de  ses  ouvrages  :  Les  plaisirs  de 
l'imagination,  traduits  d'Akenside, 
Paris  (Padoue),  1764,  in-S"; — Poésies, 
Pise,  1790,  3  vol.  in-S";  —  l'eis  sur 
tharmonie,  Florence,  1795,  in-i"; — 
Sonnets  sur  l'harmonie ^  Parme,  1801, 
in-S".  —  Stances  à  Cesarotti,  Plaisan- 
ce, 1809,  in-i»,  et  Parme  ,  1810,  in- 
8";  _  Odes,  Parme,  1815,  in-8";  — 
OEuvres  poétiques ,  Parme  ,  1819  ,  5 
vol.  111-8"; —  OEuvres  complèteSyVar- 
me,  Paganini,  18:>l  ,  6  vol.  ip-8».  M. 
Pez/.ana,  littérateur  distingué,  a  in- 
séré une  intéressante  biographie  d'An- 
ge Mazza,  dont  il  avait  été  l'ami, 
dans  sa  continuation  de  l'ouvrage  du 
père  Affo  .sur  /<•*  écrivains  parmesans. 

A— Y. 

MAZZAXTI  i^Ie  chevalier  Un  is), 
peintie  romain,  originaire  d'Orvielo, 
naquit  on  1674,  et  fut  élève  du  lla- 
cicci.  Sa  réputation  le  fit  appeler  ù 
rSapIes,  où  il  fut  chargé  de  piusicius 


MAZ 

tableaux  conjointement  avec  Solimène. 
A  Rome,  il  avait  exécuté  un  grand 
nombre  d'ouvrages  tant  à  fresque 
qu'à  rhuile,  notamment  dans  l'église 
de  Saint-Fgnace.  On  en  voit  encore 
quelques-uns  dans  la  petite  église  inté- 
rieure de  la  Rafinella,  au-dessus  de 
Frascati,  qui  appartenait  aux  Jésuites. 
Ils  se  distinguent  par  uiie  certaine 
grâce  de  dessin,  et  une  bonne  cou- 
leur. Mazzanti  mourut  h  Viterbc  , 
en  1766.  P— s. 

MAZZOLA  (JosKTii),  professeur 
de  peinture,  et  directeur  de  la  ga- 
lerie impériale  de  Milan,  naquit  le  o 
décembre  1748,  à  Valduggia,  dans 
le  Vercellais.  Il  étudia  les  premiers 
éléments  de  son  art,  à  Varallo,  qui 
avait  été  la  patrie  de  plusieurs  artistes 
distingués,  et  passa,  en  1770,  à  l'é- 
cole de  Ferrari,  à  Parnie.  Les  succès 
qu'il  V  obtint  attirèrent  l'attention  du 
roi  de  Sardaigne,  Victor- Amédée  III, 
qui  lui  fournit  les  moyens  d'aller, 
en  1774  ,  se  perfectionner  à  Kome, 
sous  la  direction  du  célèbre  Antoine 
Mengs  {voy.  ce  nom,  XXVIII  ,  299). 
Pour  témoigner  sa  reconnaissance, 
Mazzola  offrit,  en  1780,  une  A'(ij»/e 
Famille  à  ce  prince,  qui  la  plaça  dans 
son  cabinet.  Il  envoya  peu  après  un 
grand  tableau  de  YJssomption  de  la 
yierge,  a  Grignasco,  petit  village  à 
quelques  lieues  de  sa  patrie.  Depuis 
lors,  il  produisit  un  grand  nombre 
d'ouvrages,  qui  le  mirent  au  pre- 
mier rang  des  peintres  contempo- 
rains. iSommé  peintre  du  roi.  en 
1789  ,  il  fut  cbargé  d'exécuter,  pour 
l'Académie  des  sciences,  le  portrait  de 
Victor-Amédée.  Quand  le  roi  Charles- 
Emmanuel  IV  ,  son  successeur,  fut 
chassé  deses  Étals  (1798),  Mazzolasc 
retira  dans  sa  patrie,  et  s'y  livra  pai- 
siblement à  son  art.  Il  se  rendit,  en 
1802,  à  Milan,  où  il  employa  son 
talent  à  faire  des  portraits,  et  obtint 


MAZ 


373 


en  peu  de  temps  une  grande  répu- 
tation. L'année  suivante,  il  fut  atteint 
d'une  tumeur  à  la  main  droite,  et  bien- 
tôt la  gangrène  se  déclara.  L'amputa- 
tion du  poignet  devenait  indispensable. 
L'artiste  qu'une  telle  calamité  venait 
surpi"cndre  a  l'apogée  de  son  talent, 
eut  préféré  la  mort  à  une  telle  nmti- 
lation;  aussi,  avant  de  s'y  résoudre,  il 
essaya  de  peindre  avec  la  main 
gauche,  et  ce  ne  fut  qu'après  s'être 
assuré  de  la  réussite,  qu  il  abandonna 
la  main  droite  aux  bistouris  du  chi- 
rurgien. Deux  mois  après,  il  peignait 
le  Génie  de  l'art  pleurant  sa  disgrâe*. 
Mazzola  fut  présenté  à  Napoléon,  lors 
de  son  couronnement  a  Milan,  en  1805, 
et  nommé  plus  tard  professeur  à  l'école 
de  Brera ,  puis  vice-directeur  de  la 
grande  galerie.  Il  devint  directeur, 
en  1814,  après  le  rétablissement  de 
la  domination  autrichienne,  et  mou- 
rut le  26  nov.  1838,  à  l'âge  de  qua- 
tre-vingt-dix ans.  G — c — \. 

MAZZOLIM  (Loiis),  peintre 
ferrarais,  né  vers  1487,  ne  doit  pas 
être  confondu  avec  Mazzolino,  sur- 
nom doimé  au  Parmeian,  par  Lo- 
mazzo,  dans  son  Idée  du  Temple  ou 
du  Tliéàtre  de  la  peinture.  Vasari  le 
nomme  Matini,  d'autres  liistorien^i, 
Marzolini,  ce  qui  est  cause  qu'on  en 
a  fait  deux  peintres  différents,  tous 
deux  nés  à  Ferrare,  et  tous  deux  élè- 
ves de  Costa.  Enfin,  pour  comble  de 
mésaventure,  Raruffaldi,  lui-même, 
parait  l'avoir  peu  connu,  puisqu'il  ne 
le  mentionne  que  comme  un  élève 
de  Costa  qui  n'est  pas  a  dédaign.T.  Il 
paraîtrait,  d  après  ce  jugement,  qu'il 
ne  l'avait  apprécié  que  d'après  ses 
productions  les  plus  faibles.  Il  est 
vrai  qu'il  ne  réussit  point  égatcuient 
dans  les  grandes  compositions;  mais 
dans  les  figures  de  petite  dimension, 
il  eut  le  talent  le  plus  remarquable. 
On  vovait  à    Saint-François  de  Bo- 


m 


MAZ 


logne,  un  tableau  représentant  Jésus- 
Christ  enfant  an   milieu  des  docteurs 
de  la  loi,  dont  les  connaisseurs  fai- 
saient le  plus  grand  cas,  mais  qui  a  ëtt- 
j-etouché  par  Cesi.  Plusieurs  do  ses  pe- 
tits tableaux,  qui   sont  une  répétition 
du  précédent  et  d'une  Nativité  de  Jé- 
msrChnst,  se  trouvent  dans  la  galerie 
Aldobrandini,  à  Rome,  où  ils  ont  été 
apportés    par    le    cardinal     Alexan- 
dre ,  qui  était  légal  du  pape ,  à  Fer  • 
rare,  du  temps  de  Mazzolini.  On  en 
voit  quelques  autres    dans  le  musée 
du  Capitole.  Son   exécution  est  d'nn 
Hni    presque    incioyable;    ses    petits 
tableaux  semblent  des  miniatures,  et 
cette  finesse  de  pinceau  se  lait  re- 
marquer, non-seulement  dans  les  li- 
gures,   mais    dans    rarcliitecture.    le 
paysage  et  jusque  dans  les  moindres 
accessoires.    Ses  têtes  ont  une  viva- 
cité    d'expression    qu'aucun    de   ses 
i;ontemporains  na    surpassée;     elles 
sont  pleines   de   naturel,    mais   d'un 
choix  un  peu  commun;   surtout  ses 
têtes  de  vieillard,  qui  tombent  quel- 
quefois dans  la  caricature.   Sa  couleui 
est  bien  empâtée,  quoiqu'elle  ne  soit 
pas  toujours  exempte  de  sécheresse. 
Il  a    introduit,   avec    sobriété  cepen- 
dant, de  la  dorure  dans  ses  draperies. 
Sa  manière,  et  peut-être  aussi  le  nom 
de   sa  patrie,    sont  cause  que    plu- 
sieurs de  ses   ouvrages  ont  été  attri- 
bués à  (Jaudenzio  l'crrari.  C'est  ainsi 
(|ue  l'on  a  donné  ;i  ce  dernier  peintre 
un  petit  tableau  de  la  galerie  de  i'Io- 
lence,  représentant  la  Vierge  et  I  en- 
fant Jésus  ,  auquel  sainte   Anne  ollre 
des  fruits  et  qu'adorent  saint  Joachim 
et  un  autre  saint.  Il  suffit  de  le  com- 
parer avec  les  tableaux  authentiques 
de  Mazzolini,  pour  être  convaincu  de 
l'erreur,  (^ct  habile  artiste  mourut  en 
1530.  l'-"'- 

MAZ;£l'(:C:ilELLl  (le  chevalier 
PrKnRB-FRANçois),  peintre  italien,  sur- 


MAZ 

nommé  le  A/oiazzone,  du  nom  de  sa 
ville  natale,   naquit  en  1571.  Après 
avoir  acquis    les   premiers  élément 
de  l'art,  il  alla  à  Rome,  où  pendant 
plusieurs    années     il     s'exerça     sur 
les  meilleurs  modèles.  Revenu  à  Mi- 
lan, il  ouvrit   une  école  et  améliora, 
par  son   exemple,  le  style  suivi  jus- 
({uà   ce  moment.   Il  suffit,   pour  s'en 
convaincre,  de  comparer  ['Epiphanie 
qu'il    avait    primitivement   peinte    a 
fresque  dans  une  chapelle  de  Sahit- 
Silvestre  in  eapile  à  Rome,  avec  une 
antre  Epiphanie  quil  peignit   par  la 
suite  à  Milan,  dans  l'église  de  Saint- 
Antoine,  abbé.  La  première  n'a  de  rt- 
jnarquable  que  la  beauté  de  la  cou- 
leur, la  seconde  semble  être  d'un  tout 
autre  pinceau;  elle  brille  par  le  des- 
sin, par  l'effet,  par  l'éclat  et  la  pornjye 
des  draperies  ;  on  la  prendrait  pour 
un  tableau  vénitien.  Aussi  dit-on  que 
ce  peintre  avait  fait  une  étude  parti- 
culière du  Titien  et  de  Paul  Véronèse. 
On  connaît  aussi  de  lui  quelques  ta- 
bleaux où  .  a  l'exemple  du    l'intoret, 
il    a   un  peu   ouUé  la   longueur  des 
bras  et    des  jambes    de   ses  figures 
d'anges.    t;énéralemenl    parlant  ,    le 
génie  du  \lora7zone  est  plutôt  porté 
vers  le  fier  et  le  gramliose  que  vers 
I  aiinable  et   le    délicat,   ainsi   quon 
peut  en  juger  par  son  Saint  Michel 
rainqueui  de*,  anges  rebelles,  à  Saint - 
.»ean-de-(Jomo,  et    par  sa    Flagella- 
tion de  J.-C.  qu'il  a   peinte  dans  une 
chapelle  à  Varèse.  lui  1(526,  il  fut  en- 
{jagé  ;«  venir  peindre  la  grande  <ou- 
{)ole  de  la  cathédrale  de  Plaisance; 
mais  la  mort  le  surprit  au  moment  où 
il  commençait  cet  important  ouvrage, 
qui   fut  terminé  par  le  (îuerchin.  Il 
avait  déjà  peint  deux  figures  de  pri>- 
phètes,  qui  partout  ailleurs  jouiraient 
dune  grande    réputation  ,    mais  qui 
sont  ellacées  par  le  voisinage  de   son 
successeur,  «le  ce  magicien  de  la  pcin- 


MAZ 


MEA 


375 


lure,  qui  a  laissé  dans  cet  ouvrage  la 
preuve  la  plus  éclatante  de  la  puis- 
sance de  son  art.  Le  Morazzone,  ou- 
tre ses  tableaux  d'église,  en  a  fait  un 
grand  nombre  pour  diverses  galeries. 
Il  a  surtout  travaillé  pour  le  cardinal 
Frédéric  et  pour  le  duc  de  .Savoie 
qui  lui  conféra  le  titre  de  chevalier. 
P— s. 
MAZZl  CCIIELLI  (l  abbé  Pieii- 
bk),  philologue  et  antiquaire  italien, 
naquit  à  Milan,  le  22  juillet  1762. 
Après  avoir  fait  ses  études  au  collège 
de  Saint-Alexandre,  dirigé  alors  par 
les  Barnabites,  il  passa  a  l'université 
de  Urera,  où  il  subit  avec  la  plus 
grande  distinction  les  examens  requis 
pour  le  doctorat  en  théologie.  Il  s'é- 
tait adonné  de  bonne  heure  à  l'étude 
des  langues,  ce  qui  lui  valut  detre 
attaché,  en  1785,  au  département  des 
manuscrits  de  l'Ambroisiennc,  et  d'ê- 
tre choisi  pour  secrétaire  de  1  habile 
orientaliste  J.-B.  Branca  ;  il  n'était 
alors  que  diacre.  Après  avoir  été  or- 
donné prêtre,  il  refusa  un  bénéfice 
que  l'archevêque  Visconti  lui  offrait. 
ne  voulant  pas  renoncer  à  une  place 
peu  lucrative  sans  doute,  mais  tout  à 
fait  conforme  à  ses  goûts.  Cependant, 
sa  famille  avant  éprouvé  des  mal- 
heurs, Mazzucchelli  se  fit  journaliste 
en  1804.  Dégoûté  bientôt  du  métier, 
il  se  chargea  de  diriger  et  de  classer 
le  cabinet  d'antiquités  et  la  bibliothè- 
que du  marquis  Jacques  Trivulce. 
auquel  il  dédia  depuis  la  plupart  de 
ses  ou\Tages.  En  1823,  il  succéda  à 
l'abbé  Cighera  dans  la  place  de  pré- 
fet de  l'Ambroisienne.  Une  atta- 
que d'apoplexie  jeta  un  tel  trouble 
dans  le  cerveau  de  cet  homme,  qui 
connaissait  un  grand  nombre  de  lan- 
gues et  avait  déchiffré  une  foule  de 
manuscrits,  qu  il  ne  savait  plus  hre. 
c'est  à  peine  s  il  pouvait  épeler  quel- 
ques mots.  Il  fut  enlevé  par  une  se- 


conde attaque,  le  8  mai  1829.  Maz- 
zucchelli  a  publié  en  italien  :  1.  Histoire 
des  écoles  de  la  doctrine  chrétienne, 
fondées  à  Milan  et  propagées  ailleurs, 
Milan,  1800,  in-4''.  U.  ^'ouvelles  po- 
litiques. Milan,  1804.  111.  Recherches 
sur  les  monnaies  de  Jean-  Jacques 
Trivulce,  marquis  de  Vi(jevano  et 
maréclial  de  France,  Milan,  1806,  in- 
8".  IV.  Courte  explication  des  gravures 
qui  ornent  l'ouvrage  de  Bosminij  sur 
les  entreprises  militaires  et  la  vie  de 
Jean-Jacques  Trivulce,  dit  le  Grand, 
Milan,  1815,  2  vol.  in-fol.,  avec  pi. 
Y,  La  bulle  de  Marie,  femme  de  l'em- 
pereur Honorius,  qui  existe  au  musée 
Trivulce,  >Ulan,  1819,  in-4».  M.  Pas- 
sages des  auteurs  cités  par  Dante  dans 
le  Convivio,  Milan,  1826,  in-8°.  VII. 
Observations  sur  l'essai  historico-criti- 
que  du  j-it  ambroisien,  contenu  dans 
la  viut]t-cinquiètne  dissertation  des  an- 
tiquités lomburdo-milanaises.  Milan, 
1828,  in-4*'.  Mazzucchelli  a  été  l'édi- 
teur des  ouvrages  suivants  :  I.  Flavii 
Cresconii  Corippi  Johannidos,  scu  de 
Iwllis  lybicU  libri  Fil,  Milan,  1820, 
iu-4°.  II.  Lettere  ed  altre  prose  di 
Torquato  Tasso,  Milan,  1822,  inS". 
m.  Lettere  inédite  di  Annibal  Caro, 
Milan,  1827,  in-8''.  Mazzucchelli  avait 
recueilli  plusieui-s  fragments  inédits 
de  classiques  grecs  et  latins,  mais  la 
mort  ne  lui  a  pas  laissé  le  temps  de 
les  publier.  L'illustre  cardinal  Mai 
avait  été  son  élève,  et  lui  a  plusieurs 
fois  rendu  hommage  dans  ses  écrits. 
G — G — Y. 
M£  AD  (Joseph),  capitaine  de  vais- 
seau anglais,  mort  en  1799  à  Sber- 
bonrne  près  Warwick,  à  l'âge  de  92 
ans,  est  l'inventeur  d'une  machine 
pour  nettover  lintérieur  [the  bottom) 
des  vaisseaux  en  mer.  Cet  appareil  est 
connu  parmi  les  matelots  sous  le  nom 
de  Mead's  hog.  Mead  est  auteur  d'un 
Essai  sur  les  courants  en  mer  (an  Es- 


376 


MEA 


>rcA 


«iv  on  cnrrents  al  sea),  qui  lui  valut 
4es  reraercîments  de  l'amirauté. — ■  Un 
AUtTC  Mead  {Robert)  fut  médecin  de 
Charles  II ,  et  agent  de  ce  prince-en 
Suède,  vers  le  milieu  tlu  XVII'  siècle. 
U  a  donné  ;ui  théâtre  (juelques  co- 
médies. Z. 

MEADLËY    (Gkokok   WiLSos), 
écrivain  atïglais,  né  en  1774,  à  Sun- 
<{«rland,  dans  le  comté  de  Durharn  , 
reçut  3on  instruction   classique  à  1  •;- 
cole  d'un  village  voisin,  et  se  fit  re- 
marquer   surtout    par    sa    mémoire 
prodigieuse,  ainsi  que  par  son  esprit 
d'ordre  et    de  classification.  H  em- 
ploya plusieurs  années  de  sa  jeunesse 
à  voyager  en  Italie  et  dans  le  Levant, 
puis  en  Allemagne,  et  habita  pendant 
ffuelquc  temps  sur  les  bordsduRhin. 
Dans  l'intervalle  de  ces  divers  voya- 
'ges,  et  durant  urj  séjour  (ju'il  levini 
l'aire  sous  le  toit  paternel,  à  liisho})- 
Wearmouth,  il  entra  en  relation  avec 
le  doctein-  AVilliam  Paley  ,  alors  rec- 
teur  de  cette  paroisse  .    et  continua 
d'entretenir  avec  ce  célèbre   théolo- 
gien, un  commerce  presque  familier, 
dans  lequel  il  put   recueillir  les  par- 
ticularités précieuses  consi|,'née8  plus 
fard  dans  des  mémoires  sur  l'auteur 
de  la   Théolof/ie  natnrellv    (voy.  Pa* 
m;t  ,    XXXn,   407).    Meadiey    avait 
«dopté  en  politique  les  opinions  des 
whigs,  et  en  religion,  celles  des  uni- 
taires. Il  n'a  guère  pris  la  plume  que 
poursoutenir  les  idées  les  plus  libéra- 
♦  les,  et  ordinairement  dans  des  notices 
biographiques  sur  des  hommes  illus- 
tres ou  sur  des  personnes  avec  les- 
quelles il  s'était  trouvé   en    contact. 
Ses  productions  se  distinguent  par  la 
hardiesse  des   pensées,    par    le    soin 
des  recherches,  l'exactitude  des  laits, 
et  par  l'énergie  pluti\t  que  par  l'élc- 
gance  du   style,  Un  a   do  lui ,    indé- 
pendanmieut    de    sa    coopération    à 
des  ouvriiges  périodiques  notamment 


au    Mûgosi»    me.nsii.el  (the  iSlonthlv 
Magazine)  :  l.    Mémoires  de   H^iUiani 
Paley,  1809,  in-8",  réimprimés  l'an- 
née suivante.  Ce  théologien  est  connu 
fin  France  par  la  traduction  qui  a  été 
laite  de  ses   olkvrages.    II.   Mémoircf' 
d'Jtgernon  Sydney,  181  U,  in-S".    III. 
Mémoires  sur  mistrisi  Jvbb,  veuve  du 
docteur  John   .lebb,    brochure    qui. 
destinée  à  être  distribuée  à  des  amis, 
n'a  pas  été  livrée  a«>  commerce.  M"* 
.lebb  était    une  feniuie  d'un   esprit 
cultivé  et  d'un  caractère   énergique. 
Elle  avait  adopté  les  opinions  de  son 
mari  ,   et  elle  les  soutint    dans  los 
journaux,  sous  le  nom   de  Priscilla , 
contre    les     éveques     anglicans.    IV. 
Résumé  de  diverses  propositions  faites 
pour  une  réforme  constitutionnelle  du 
Parlement,  de  1770  à  1812.  V,    Ma- 
tériaux pour  écrire   la  vie    de   JoIdi 
Ilampdeu  (incomplets  et  partant  iné- 
dits). Meadiey  avait  également  com- 
jneucé  d'écrire  la  vie  de  John  Disney, 
ecclésiastique  ,  son   ami,  auquel  il  a 
dédié  les  mémoires  d'A.  Sydney.  H 
mourut  le  18    novembre  1818,  âgé 
de  45  ans.  I- 

MEADOWCOIJRT  (Hichabu), 
critique  anglais,  né  en  1697  dan»  le 
comté  de  StrafFord,  fit  ses  principale» 
études  dans  l'université  d'Oxford ,  y 
fut  agrégé  au  collège  de  Mcrton,  et 
devint  chanoine  de  l'église  de  Wor- 
cester.  Il  cultiva  les  lettres  avec  suc- 
cès. On  a  dt;  lui  quelques  petits  traités 
contenant  des  remarques  critiques  sur 
les  poètes  anglais ,  notamment  une 
Dissertation,  accompagnée  de  notes, 
sur  le  Paradis  reconquis,  <lc  Milton. 
imprimée  eu  1732,  et  dont  une  se- 
conde édition  parut  en  1748.  L'évo- 
que iScwlon  a  Kiit  de  ct;s  remarques 
un  usage  utile ,  ainsi  qu'il  s'est  em- 
pressé de  le  reconnaftre  dans  la  pré- 
face qui  précède  ec  poème  de  l'IIo- 
UM'^re  anglais.  Onze  sermons  de  Mea- 


MEA 

dowcourt  ont  été  publié*.  M  e»t  mort 
i*  Worcester,  en  1769.  L. 

MEARA  (ô).  roY.  O-MtvBA,  au 
•Supplément. 

^EARES  (Jt\s;,  navigateur  an- 
QÏaxs,  avait  fait  ses  premièies  cam- 
pag^nes  sur  des  bâtiments  employés 
a  la  pèche  de  la  morue,  au  banc  de 
Terre-Neuve,  dans  la  partie  septen- 
trionale de  l'Océan  Atlantique  :  il 
servit  ensuite  pendant  la  jjuerre  de 
1776  à  1783,  sur  les  grands  lacs  du 
Canada.  Il  déclare  que  ce  fut  à  cette 
école  qu'il  prit  l'habitude  de  sup- 
porter les  travau.\,  et  d'affronter  les 
périls  de  la  vie  navale  ,  et  qu'il 
iippritque,  pour  les  surmonter,  il 
faut  unir  le  sang-froid,  la  patience 
et  la  persévérance  aux  connaissan- 
ces pratiques.  De  ces  parages  bru- 
meux il  passa  dans  les  mers  de 
l'Inde,  et  y  acquit  la  réputation  d'un 
marin  habile.  Des  négociants  du  Ben- 
gale jetèrent  alors  les  yeux  sur  lui 
pour  une  expédition  à  la  côte  nord- 
ouest  de  l'Amérique.  Le  troisième 
voyage  de  Cook.  avait  fait  connaître 
les  profits  considérables  que  procu- 
rait le  commerce  des  peaux  de  loutre 
marine,  achetées  dans  cette  contrée, 
•  t  apportées  en  Chine.  Des  arme- 
ments considérables  avaient  déjà  eu 
lieu  à  Macao;  cet  exemple  fut  bientôt 
suivi  à  Calcutta  ;  une  compagnie  s'v 
forma,  et  équipa  deux  navires  :  le 
Xootka,  de  trois  cents  tonneaux, 
commandé  par  Meares;  le  Sea-Otter 
(la  loutre  de  mer),  par  Guillaume 
Tipping,  lieutenant  de  la  marine 
royale.  Meares  fit  voile  le  12  mars 
1786,  toucha  à  Madras,  puis  à  Ma- 
laca,  et  le  1"  août,  aperçut  les  lies 
d'Amlac  et  d'Atcha,  dans  l'archipel 
des  Alcoutiennes.  Il  tiiorda  à  la 
première,  où  il  eut  des  rapports  avec 
les  indigènes  et  avec  les  Russes. 
YAznt   allé   plus   loin,    il   ne  put    se 


\tEA 


S77 


procurer  des  peaux  à  cause  nu  hant 
prix  que  l'on  en  demandait.  La  navi- 
gation fut  difficile  et  pénible,  au  mi- 
lieu ^d'nne  brume  épaisse  et  conti- 
nuelle, dans  une  mer  parsemée  d'é- 
cueils.  Avant  ensuite  mouillé  assez 
avant  dans  le  Cook's-River ,  Meares 
traita  pour  quelques  peaux.  Ayant  en- 
tendu les  Indiens  répéter  avec  un  air 
de  satisfaction  le  mot  ^ingtais.  An- 
glais .  il  pensa  que  des  navires  de  sa 
nation  avaient  récemment  visité  cet 
endroit  :  la  suite  prouva  qa'il  ne  se 
trompait  pas.  Des  Russes  qui  avaient 
achevé  leur  trafic,  retournaient  pas- 
ser l'biver  à  Codiak,  ile  située  plus 
au  sud  ;  on  était  au  20  septembre, 
les  coups  de  vent  se  succédaient 
presque  sans  interiuption.  Il  fal- 
hit  quitter  la  rivière  ,  gagner  le 
WiUiam's-Sound  ,  qui  est  plus  à 
l'est,  et  hiverner  dans  une  anse. 
Meares  y  fut  à  l'abri  des  accidents 
de  mer,  mais  non  des  attaques  des 
indigènes,  qui  le  volèrent,  le  harce- 
lèrent, l'attaqueront.  Contraint  de 
faire  feu  sur  eux  pour  ne  pas  devenir 
leur  victime.  Meares  ne  fut  plus  in- 
quiété, et  pour  plus  de  sûreté,  l'équi- 
page resta  sur  le  bâtiment,  qui  était 
pris  par  la  glace.  La  rigueur  exces- 
sive de  l'hiver,  l'obscurité,  la  pri- 
vation d'aliments  frais,  causèrent  un 
découragement  général  ;  le  scorbut 
exerça  des  ravages  affreux  parmi 
l'équipage;  le  chirurgien  et  vingt- 
trois  hommes  moururent.  Quand,  au 
mois  de  mai  1787,  un  chef  indien 
eut  annoncé  que  deux  vaisseaux 
avaient  paru  dans  le  voisinage,  Mea- 
res vit  airiver,  le  19,  des  canots  du 
Quecn  -  Charlotte  ,  que  commandait 
Dixon.  Meares  eut  a  se  louer  de  ce 
capitaine  :  il  n'en  fut  pas  de  même 
de  Portlock,  chef  de  l'expédition,  et 
capitaine  du  King-Georgc.  Celui-ci, 
abusant  de  la  triste  position  de  son 


»378 


MEA 


MEA 


compatriote,  se  conduisit  envers  lui 
de  la  manière  la  plus  dure,  la  plus 
sordide ,  et  finit  par  exiger  d»  lui 
un  engagement,  par  e'crit,  de  fle  pas 
traiter  dans  la  baie.  Ce  fut  avec  bien 
de  la  joie  que  Mcares  la  quitta,  le  2 
juin,  pour  gagner  les  îles  Sandwich, 
dont  il  s'éloigna,  le  2  septembre, 
avec  Tianna,  un  des  chefs  et  frère 
du  roi  d'Otouaï.  Le  20  octobre,  il 
attérit  à  Macao.  Le  Sea-Otter,  qui 
avait  appareillé  de  Calcutta  peu  de 
jours  après  lui,  était  arrivé  aussi  à  la 
baie  du  prince  Guillaume  ;  des  na- 
vires anglais  l'y  avaient  rencontré  en 
décembre  1786.  Il  en  partit  bientôt, 
et  depuis  on  n'en  entendit  plus  parler. 
Meares,  que  son  premier  voyage  avait 
mis  à  même  d'acquérir  des  notions 
pi'écises  sur  les  parages  où  l'on  pou- 
vait se  procurer  le  plus  avantageu- 
sement les  peaux  de  loutre,  s'associa, 
en  1788,  avec  plusieurs  négociants 
anglais  établis  dans  l'Inde,  et  équipa 
deux  navires  pour  une  nouvelle  en- 
treprise. Il  commandait  la  Felice, 
Douglas,  VIphigenia  :  les  équipages 
étaient  composés  d'Européens  et  de 
Chinois  ;  les  capitaines  furent  très- 
contents  de  ces  derniers.  Meares  em- 
barqua sur  son  navire  Tianna ,  et 
plusieurs  de  ses  compatriotes  pour 
les  j'amener  dans  leur  patrie,  puis  fit 
voile  de  Macao,  le  22  janvier,  tra- 
versa l'archipel  des  Philippines,  eut 
des  rapports  avec  les  Espagnols  de 
Samboïngan,  siu-  la  côte  méridionale 
de  Mindanao,  où  l'on  avait  relâché 
])Our  réparer  des  avaries  de  l'fphi- 
(jenia:  comme  elles  devaient  prendre 
un  certain  temps,  les  deux  capitaines 
convinrent  de  se  séparer.  Meares  con- 
tinua sa  route,  le  12  févriei',  eut 
beaucoup  de  peine  à  gagner  le  sud- 
est,  et  à  sortir  du  labyrinthe  d'îles 
qui  s'étendent  de  Mindanao  à  la 
|if'nc.  En   doublant  les  îles  Ereewill 


de  Carteret  {v.  VII,  230),  il  échangea 
du  fer  contre  des  cocos,  avec  les  in- 
sulaires qui  vinrent  à  bord,  et  dont 
quelques-uns  firent  entendre,  par 
leurs  gestes,  qu'un  de  leurs  compa- 
ti'iotes  s'était  embarqué  avec  ce  navi- 
gateur. En  avan«;ant  au  nord-oucsl, 
Meares  eut  beaucoup  à  souffrir  du 
mauvais  temps;  plusieurs  animaux  ci 
la  plupart  des  plantes  qu'il  avait  pro-  S 
jeté  de  porter  aux  îles  Sandwich, 
périrent  par  l'intempérje  du  climiit. 
Il  découvrit  des  îles  arides  dont  les  ^ 
brisants  l'empêchèrent  d'approcher ,  ' 
et  qu'il  nomma  îles  Grampus,  parce 
que  l'on  avait  aperçu  tout  auprès  ' 
un  gros  marsouin,  ce  qui  n'est  pas 
commun  dans  cette  partie  du  Grand- 
Océan.  Les  écueils  y  sont  nombreux, 
et  à  cette  époque  elle  était  encore 
peu  fréquentée,  il  devenait  indispen- 
sable d'y  naviguer  avec  beaucoup  de 
précaution,  surtout  quand  des  amas 
de  goémons  flottants  mdiquaient  le 
voisinage  des  rochers,  dont  la  vio- 
lence des  vents  les  avaient  arrachés.  ] 
Le  9  avril,  Meares  et  tout  l'équipage  ' 
crurent  découvrir  un  vaisseau  qui 
faisait  force  de  voiles;  c'était  im  ro- 
cher immense,  isolé  au  milieu  de  la 
mer  .•  il  fut  apjiclé  la  Eemme  de 
Loth.  Le  11  mai,  Meares  eut  con- 
naissance de  Nootka-Sound,  et  le 
lendemain,  laissa  tomber  l'ancre  dans 
Friendly-Cove,  dans  le  King-Georges- 
Sound,  vis-à-vis  du  village  deKoutkit. 
Il  ramenait  ave(!  lui  un  des  chois  du 
pays,  ce  qui  facilita  beaucoup  ses 
opérations.  Il  ne  perdit  pas  un  mo- 
ment j)our  faire  de  l'eau  et  du  bois, 
radouber  son  navire,  et  mettre  sm 
le  chantier  un  petit  bâtiment  destiin 
à  l'aider  Aam  la  traite  des  pelleterio 
le  long  de  la  côte.  Cette  construction 
exigea  autant  de  temps  (]u'elle  éprouva 
de  didicultés;  mais  les  cll'oils,  les  res- 
sources et  la  [ïersévérancc  de  Meares 


les  siimnoiitèreiii.  En  même  temps. 
î»elevait  une  maison  pour  nielUe  son 
monde  à  l'abri  de  l'intempérie  du 
climat,  qui  précédemment  lui  avait 
été  si  falale.  Ces  travaux  allant  bon 
train,  Meares  quitta  ?soutka.  le  1 1 
juin,  pour  aller  avec  son  vai8;iean 
traiter  des  pelleteries,  et  reconuaîlie 
la  côte,  au  sud,  que  Cook  n'avait  pa^ 
explorée.  Le  premier  chef  avec  le- 
quel il  traBqua,  avait  vu  ce  yraml 
navigateur  à  Noutka,  mais  les  Euro- 
j)éens  et  leurs  navires  étaient  in- 
connus de  sa  peuplade.  La  nature 
des  affaires  de  Meares  ne  lui  avait 
[>as  permis  d'examiner  cotte  c6t«; 
aussi  soigneusement  qu'il  l'aurait  dé- 
siré; il  supposa  que.  depuis  jNoutka. 
elle  est  coupée  de  canaux  nombreux, 
<|ui  la  séparent  «les  îles  dont  elle  e>t 
bordée  ;  les  découvertes  faites  posté- 
rieurement ont  confirmé  cette  con- 
jecture (  voy.  Va>cocvkf.  .  XLVIl , 
i20).  Meares  découvrit  quelques  ports 
(jui  n'avaient  pas  encore  été  vus  des 
vaisseaux  européens,  et  voulut  s'as- 
surer de  l'existence  du  détroit  de 
Jean  de  l'uca,  déjà  retrouvé,  en  1786, 
par  le  capitaine  Berklay.  \jc  29  juin, 
il  reconnut  l'entrée  de  ce  bras  de 
mer  telle  que  Fuca  l'avait  décrite 
{voy.  Fit:%,  XVf,  137).  et  poursuivit 
sa  route  au  sud,  jusqu  à  un  cap  situé 
par  45"  30'  de  latitude  nord,  et  qu'il 
nomma  cap  Look-Out.  Jugeant  que  la 
prudence  lui  commandait  de  s'arrêter, 
afin  de  n'être  pas  surpris  par  les 
coups  de  vent  d'équinoxe,  le  long 
d'une  côte  où  il  ne  connaissait  pas 
de  port  qui  lui  offrit  un  jefuge,  il 
retourna  vers  le  nord.  Lorsqu'il  re- 
passa devant  fentiée  du  détaoit  de 
Jean  de  Fuca,  il  voulut  la  faire  vi- 
siter par  sa  chaloupe  :  il  dit  qu'elle 
y  pénétra  jusqu'à  une  distance  de 
trente  milles  de  fouverture  ;  mais  à 
l'instant  oij  ses  gens  se  disposaient  à 


MEA 


379 


descendre  a  terre,  ils  furent  attaqués 
très-vivement  par  deux  pirogues 
remplies  d'Indiens.  Plusieurs  i-eçurent 
des  blessures  graves,  soit  des  coups 
de  massue,  soit  des  flèches,  de  ces 
barbares,  qui,  en  outre,  fii^ent  pleu- 
voir siu-  eux  une  grcle  de  pierres. 
\jC^  Anglais,  meurtris  pour  la  plu- 
pait,  ne  sauvèrent  leur  vie  qu'avec 
beaucoup  de  peine.  Midgré  cette  mé- 
saventure, Meares.  "  suivant  un  droit 
"  qui,  ainsi  que  l'observe  Fleurieu 
»  {voy.  XV.  o8),  peut  être  celui  de  la 
•*  convenance,  mais  que.  sans  doute, 
•'  un  n'ap|)ellera  pas  le  droit  des 
"  gens,  prit  possession,  au  nom  du 
-  roi  d  Angletctie,  d'un  f>ays  qu'as - 
>  sûrement  les  propi  iétaires  ne  pa- 
k  raissaient  pas  disposés  à  partager 
«  avec  sa  majesté  britannique  ». 
ijcXXe  formalité  rem|>lie,  Meares,  qui 
ne  se  dissimulait  pas  limpossibilité 
de  reconnaître  l'étendue  du  détroit, 
se  bâta  de  rejoindi-c  son  monde  :  le 
26  juillet,  il  revit  le  Friendly-Cove. 
La  construction  du  petit  navire  était 
fort  avancée.  Ce  travail,  qui  avait 
excité  au  plus  haut  point  la  curiosité 
«les  Indiens,  fut  complètement  fini  le 
20  septembre.  Ce  jour-la,  Meares 
eut  la  satisfaction  de  jouir  du  fruit 
de  ses  efforts  persévérants  ;  le  petit 
na\iré  fut  lancé  à  leau,  après  avoir 
reçu  le  nom  de  Xorth-U'est-America 
(l'Amérique  nord-ouest).  Ce  succès  le 
consola  des  fréquents  désagiéments 
que  lui  causa  la  mauvaise  conduite 
de  ses  matelots.  Dès  les  premiers 
temps  du  voyage,  ils  avaient  montré 
des  symptômes  d  insubordination.  Les 
njeneurs  avaietit  été  punis  ;  mais  le 
prolongement  de  séjour  à  ?>outka, 
dans  im  pavs  d  un  climat  désagréa- 
ble, et  au  mibeu  d'un  peuple  de 
cannibales,  avait  de  nouveau  dispose 
les  esprits  à  la  mutinerie.  Un  com- 
plot se  forma  :  le  dessein  des  factieux 


380 


MEA 


était  de  s'emparer  de  la  Felice,  et  de 
la  conduire  aux  îles  Sandwich,  pour 
s'y  refaire  de  leurs  fatigues.  Heureu- 
sement Meares  avait  pris  d'avance 
des  précautions,  qui  empêchèrent  les 
révoltés  d'achever  l'exécution  de  leur 
dessein.  Les  moins  ardents  se  rangè- 
rent à  leur  devoir;  huit  des  plus 
obstinés  étant  restés  sourds  à  toutes 
les  exhortations  d'en  faire  autant, 
Meares  put  aisément  en  finir  sans 
effusion  de  sang:  il  laissa  aux  cou- 
pables l'alternative  d'être  mis  aux 
fers,  ou  envoyés  à  terre  pour  y  rester 
avec  les  sauvages  ;  comme  ils  choisi- 
rent ce  dernier  parti,  ils  furent  dé- 
barqués avec  les  effets  qui  leur  aj)- 
partenaient,  et  toute  communication 
avec  eux  fut  interdite.  Un  chef  les 
reçut  dans  sa  maison,  après  y  avoir 
été  autorisé  par  le  capitaine.  Alors 
on  vit  ces  hommes,  naguère  si  pré- 
somptueux et  si  insolents  ,  s'occuper 
de  besognes  auxquelles  les  seuls  es- 
claves des  sauvages  étaient  employés; 
ils  ne  pouvaient  quitter  la  maison  du 
chef  sans  être  accompagnés  dln- 
diens  d'un  rang  supérieur,  qui  leur 
donnaient  des  ordres.  Les  Indiens 
ayant  annoncé,  le  7  septembre,  que 
sous  peu  de  jours  ils  partiraient  pour 
leurs  quartiers  d'hiver,  à  trente  mil- 
les de  la  côte,  les  bannis  sentant 
qu'ils  allaient  être  dénués  de  toutes 
ressources,  supplièrent  Meares  de  les 
reprendre  à  bord.  Comme  ils  avaient 
expié  leur  mauvaise  conduite  ])ar  de 
longues  souffrances ,  il  actjuiesça  à 
leur  demande,  mais  en  leur  décla- 
rant qu'ils  perdraient  neuf  mois  de 
gages  qui  leur  étaient  dus,  et  que 
ceux  (ju'ils  recevraient  à  l'avenir,  st;- 
raient  proportionnés  à  leur  manière 
de  se  comporter.  Ils  acceptèient  avec 
joie  ces  conditions  qui  n'étaient  que 
justes.  Lorsqu'on  entra  dans  le  port 
de  Canton.  Mc;mts  eut  pitié  d'eux,  et 


MEA 

leur  fit  payer  tout  ce  qui  leur  revenait. 
Quand  ils  l'avaient  quitté,  Meares  avait 
promis,  pour  calmer  les  esprits, 
qu'aussitôt  après  l'arrivée  de  l'Jplii- 
genia,  il  partirait  pour  les  îles  Sand- 
wich. Ce  navire,  dont  le  sort  commen- 
çait à  lui  causer  des  inquiétudes,  le 
rejoignit  le  26  août.  Plus  tard,  quand  < 
le  petit  bâtiment  fut  sorti  de  dessus  les  ] 
chantiers,  Meares  le  gréa,  et  le  pour- 
vut d'un  équipage  et  d'un  capitaine 
qu'il  plaça  sous  les  ordres  de  Dou- 
glas, pour  continuer  les  achats  de 
pelleteries  dans  ces  parages,  où  la 
quantité  des  navires  attirés  par  ce 
trafic  augmentait  sans  cesse.  Le  24 
septembre,  il  appareilla;  le  18  octo- 
bre, il  attérit  à  Ovaïhy,  la  principale 
des  îles  Sandwich,  et  le  23,  à  Atouai, 
où  il  apprit  aux  insulaires  que  Tianna 
reviendrait  bientôt.  Le  5  décembre, 
il  mouilla  devant  Macao,  où  il  ren)il 
sa  riche  cargaison  aux  arraateiu's  de 
son  navire.  On  ;f  de  Meares,  en  an- 
glais :  Forages  faits  dans  les  années 
1788  et  1789,  de  Chine  à  la  côte 
nord  -  ouest  d'Amérique  ;  précédés 
d'une  introduction  contenant  la  rela- 
tion d'un  voyage  fait,  en  1786,  du 
Bengale  sur  te  navire  le  Nootka,  et 
suivis  d  observations  sur  l'existence 
probable  d'un  passage  par  le  noixl- 
ouest ,  ainsi  que  de  détails  sur  le 
commerce  entre  la  côte  nord-ouest 
d'Amérique  et  la  Chine,  et  entre  < 
dernier  pays  et  lu  Grande- Bretagr<' 
LofKlres,  1790,  in-i",  cartes  et  fig.  ; 
ibid.,  1791,  2  vol.  in-8°,  caries  ot 
fîg.  Quoique  les  opérations  de  coui- 
merce  prissent  la  plus  grande  partie 
du  temps  <pie  Meares  passa  sur  la  '■ 
côte  nord-ouest  d  Amérique,  il  sut  'J 
néamnoins  en  trouver  encore  pour  ■' 
rédiger  ses  observations  sur  les  diflV 
rent»  pays  où  il  fit  un  si  long  séjour 
et  sur  les  habitants,  (^ook,  qui  l'y  avait 

préci'flé.    }<••   •^•-   il>>lll;ii|    |>;n    (p^iI.sf^I^- 


MEA 


MEA 


381 


M*nt anthropophages.  Meares en  acquit 
la  preuve;  ils  en  convinrent.  Cepen- 
dant ils  se  nrjontraient  constamment 
doux,  poHs,  obligeants  dans  leurs  re- 
lations journalières  avec  les  Anglais, 
et  extrêmement  sensibles  aux  repro- 
ches qui  leur  citaient  adresst'S  quand 
un  les  surprenait  en  faute.  Meares 
décrit  très-bien  les  mœurs  de  ces 
sauvages,  dont  quelques  tribus  mani- 
festent des  dispositions  pour  la  sculp- 
ture. Ses  remarques  sur  la  géographie 
physique  s'accordent  arec  celles  de 
[jook,  et  ont  été  confirmées  par  les 
navigateurs  venus  après  lui.  Dixon, 
t)lessé  de  ce  que  Meares  avait  écrit 
de  sa  conduite  peu  bienveillante  en- 
^•ers  lui  et  d'autres  navigateurs  ses 
compatriotes,  publia  :  Fiemarques  sur 
les  voyages  de  Jean  Meares,  etc.,  Lon- 
dres, 1790,  in-4°.  Meares,  à  son  tour, 
fit  paraître  :  Réponse  à  M.  G.  Dixon, 
Londres,  1791,  in-i".  Dixon  répliqua 
par  youvelles  remaujues  sur  les  voya- 
tjes  de  Jean  Meares,  etc.,  Londres, 
1791  ,  in  -  4°.  Aussitôt  après  son 
arrivée  à  Noutka,  Meares  avait  a- 
cheté,  du  chef  du  canton  voisin,  un 
terrain  sur  lequel  il'  bâtit  une  maison 
dont  il  a  été  question  précédemment, 
afin  d'y  séjourner  quand  il  revien- 
drait dans  ce  lieu,  et  de  pouvoir  tra- 
fiquer plus  commodément  avec  les 
indigènes.  Il  v  arbora  le  pavillon  bri- 
tannique, et  la  fit  entourer  d  un  i-etran- 
chement  sur  lequel  il  plaça  une  pe- 
tite pièce  d'artillerie,  il  obtint  de 
deux  autres  cbeis,  demeurant  plus  au 
sud,  eu  échange  de  présents  considé- 
rables, la  faculté  de  trafiquer  libre- 
ment et  exclusivement  sur  leur  teiri- 
toire,  et  la  permission  d'v  construire 
des  magasins  ou  tout  autre  bâtiment 
qu'il  jugerait  nécessaires.  On  a  vu 
plus  haut  que  \  Iphigenia  ,  montée 
par  Douglas,  était  restée  à  Samboïn- 
gau  .    lor>ique   Meares    poursuivit  sa 


route  vers  la  côte  nord-ouest  Dou- 
glas appareilla  de  ce  port  le  22  fé- 
vrier 1788,  et,  du  2  au  6  mai,  se  trou- 
va entouré  d'un  archipel  d'îlots  et  de 
rochers,  qui  s'étend  sous  les  4°  Itf 
de  latitude  nord.  Il  arriva  près  d'une 
petite  île  qu'il  nomma  île  Johnstone, 
que  d'autres  navigateurs  virent  en- 
suite ,  et  à  laquelle  chacun  imposa 
un  nom.  Des  matelots  nord-araéii- 
cains,  qui  ont  fait  naufrage  sur  ses 
cotes  et  y  sont  restés  long-temps,  nous 
ont  appris  que  les  habitants  la  nom- 
maient Tobi.  Elle  est  située  par  3*  11' 
N.  et  131°  12'  E.  de  Creenwich.  Les 
insulaires  semblaient,  à  leur  air  étonné, 
n'avoir  Jamais  aperçu  de  navire  euro- 
jtéen  ;  ils  Ninrent  à  bord  de  Ifphige- 
nia,  et  obtinrent  des  morceaux  de 
fer  en  échange  de  cocos.  Conti-arié 
par  les  vents ,  Douglas  n'avançait 
qn  avec  lenteur,  le  2  avril,  manquant 
de  bois,  il  rallia  deux  terres  basses, 
couvertes  d'arbres,  et  reconnut  que  la 
plus  grande  éuit  composée  d'un 
groupe  d'îles.  Plusieurs  pirogues  ac- 
costèrent le  navire  ;  comme  les  insu- 
laiies  répétaient  souvent  le  mot  en- 
(flish  (anglais),  Douglas  supposa  que 
Meares  avait  passe  par  là.  Cependant 
il  continuait  sa  route  ;  une  embarca- 
tion le  suivit  bien  plus  loin  que 
les  autx-es,  et  de  temps  en  temps  un 
des  insulaires  criait  de  toute  sa  force  ; 
Libou,  Libou,  en  faisant  des  signes 
pour  que  le  navire  rebroussât  che- 
min. Lorsqu'il  vit  l'inutilité  de  ses  ef- 
forts ,  il  se  livra  au  plus  violent  dé- 
sespoir. Un  instant  après ,  une  autre 
pirogue ,  montée  d'environ  viur/t 
hommes,  s  avança  à  force  de  rames  • 
Douglas  crut  d'abord  qu'elle  amenait 
un  Européen,  et  mit  en  travers  poui' 
l'attendre,  mais  ayant  recoimu  qu'elle 
n'en  avait  pas,  il  fit  de  la  voile  parce 
que  son  navire  allait  en  dérive  sur 
les  lochcrs.  L'insulaire,  qui  témoigna 


382 


iMEA 


une  douleur  si  vive,  était  probable- 
ment Abba-ThuUe  (voy.  LYI,  3),  chef 
le  plus  puissant  de  l'archipel  des  îles 
Pelew.  Douglas  ignorait  que  des  An- 
glais y  avaient  reçu  la  plus  bienveil- 
lante hospitalité  {foy.  Wn.sos,  L,  608)  ; 
combien  il  dut,  plus  tard,  regretter 
de  n'avoir  pas  cédé  aux  désirs  de  ces 
hommes  si  compatissants  !  Le  30  mai, 
il  était  en  vue  d' Amlac;  ensuite  il  traita 
des  pelleteries  à  Cook's-River  et  à  Wil- 
liam's-Sound.  En  redescendant  la  côte, 
il  visita  plusieurs  points  qui  n'étaient 
pas  encore  connus  ,  un  entre  autres 
vers 5S  degrés  de  latitude,  qu'il  nom- 
ma Port  de  Meares;  il  est  situé  du 
côté  septentrional  du  détroit  qui  sépa- 
re du  continent,  par  le  nord,  les  terres 
découvertes  par  I.a  Pérouso  en  1786, 
les  îles  de  Oiiccn-Charlotte  des  cartes 
anglaises.  Il  paraît  que  Douglas  est 
le  premier  navigateur  connu  qui  ait 
passé  par  ce  détroit,  et  aiiisi  pénétré, 
par  la  côte  du  nord ,  dans  le  golfe 
ou  canal  qui  se  trouve  situé  entre 
les  îles  de  l'ouest  et  l'archipel  de 
San  -  Lazaro  (l'oy.  Im'kstes,  XVI, 
146  ).  Douglas  prolongea  ce  canal 
sur  toute  sa  longueur,  sans  jamais 
voir  la  terre  de  deux  bords  ;  et  il  des- 
cendit jusqu'à  ISoutka-Sound ,  où  il 
rejoignit  Meares.  Quand  celui-ci  eut 
quitte  ce  port,  Douglas,  conformé- 
ment au:c  instructions  qu'il  lui  avait 
laissées,  y  resta  jusqu'au  liG  octobre 
1788.  Alors  il  partit  avec  sou  navire 
et  la  goélette  1(î  North-lVest-Amvrico. 
Le  6  décembre,  les  pirogues  de  Mowi, 
l'une  des  îles  Sandwich,  accostèrent 
X  Iphujenia\,'ï\A\i  lia  fut  mené  à  Ovaïhy, 
où  Tauiiuéaiuéa  {v.  XLIV,  487),  qui 
exerçait  l'autorité  suprême,  lui  con- 
céda une  grande  étendue  de  terrain. 
Après  avoir  visite  les  îles  voisines, 
.Douglas  fit  voile  avec  sa  «onaerve  le 
18  mars  1789;  découvrit  l«'  lende- 
main, par  '1^'  r  S.  cl  ins"  10'  !•:.. 


MEA 

i\nt'  petite  île  inhabitée,  quil  nom- 
ma Bird-Island  (île  des  oiseaux);  et , 
souffrant  du  manque  de  beaucoup 
de  choses  nécessaires  dans  une  lon- 
gue trav'erséc ,  il  revit  Xoutka  le 
24  avril.  La  goélette  y  arriva  peu  de 
jours  après;  le  29,  elle  fut  expédier 
au  nord  pour  traiter  des  pelleteries, 
et  examiner  le  détroit  où  Meares  était 
entré  l'année  précédente.  Le  6  mai, 
la  Princesa,  frégate  espagnole  dr 
26  canons,  commandée  par  Ét.-Jos. 
Martinez,  vint  mouiller  à  Xoutka  ;  le 
1 3  ,  elle  fut  rejointe  par  la  Gueiidii 
(la  Favorite),  corvette  de  16  canons. 
Douglas  ne  savait  que  penser  de  l'ap- 
parition des  Espagnols  ;  cependant 
tout  se  passa  d'abord  avec  beaucoup 
de  politesse,  et  Martine/,  lui  fournil 
même  des  vivres.  Dès  le  lendemain, 
la  scène  change;  Douglas  reçoit  l'or- 
dre de  venir  à  bord  de  la  frégate,  et 
quelle  est  sa  surprise  en  entendant 
Martinez  lui  déclarer  qu'en  vertu  dos 
instructions  de  son  souverain,  le  mi 
d'Espagne,  seul  possesseur  légitime 
de  cette  côte,  il  l'arrête  prisonnier, 
et  va  se  saisu'  de  son  navire,  ce  qui 
est  exécuté  à  l'instant,  et  les  Anglais 
sont  amenés  sur  la  frégate.  Dans  l<- 
premier  moment,  Martinez  avait  fait 
arrêter  deux  bâtiments  américains 
destinés  à  faire  le  tour  du  globe,  ci 
nu  portug-ais  ;  tous  les  trois  hu'cni 
lelàcliés ,  après  qu'il  eut  proclanu' 
hautement  que  toutes  les  terres  com- 
prises ciitie  le  cap  Ilorn  au  sud  et 
le  60'"'  degn-  de  latitude  nord,  ap- 
parlenaient  au  roison  souverain,  p;ii 
ce  (jue  tlilFérents  navigateurs  espagnol 
en  avaient  pris  possession  en  son 
nom;  il  commanda  d'arborer  le  pavil- 
lon esj)agnol  et  de  pratiquer  toutes 
lc>j  cérémonies  usitées,  cnKu  de  re- 
nouveler l'acte  de  prise  de  possession. 
Il  était  le  plus  fort;  il  n'éprouva  pas 
de  contradiction.  Ce  coup  (fantoriti 


SIEA 

effectué,  il  s'occupa  de  remplir  l'objet 
de  sa  mission,  qui  était  de  former  à 
Noutka  un  établissement  fixe.  Il  fit 
élever  des  maisons  de  bois  et  des 
magasins,  et,  à  l'entrée  du  port,  une 
batterie  de  canons,  couverte  par  un 
j^arapet  dont  une  palissade  défendait 
l'entrée.  L'équipage  de  VIphigeuia 
fut  contraint  de  travailler  avec  les 
Espagnols.  Les  hommes  qui  es- 
sayaient de  résister  étaient  puiiis  sé- 
vèrement. Martinez  extorqua  de  Dou- 
glas, par  menaces  et  par  promesses, 
une  obligation,  au  nom  de  ses  arma- 
teurs, de  payer  la  valeur  à  laquelle 
son  navire  et  sa  cargaison  seraient  esti- 
més, si  le  vice-roi  de  la  Kouvelle-Es- 
pagne  le  déclarait  de  bonne  prise.  Le 
26  mai,  il  lui  renditle  commandement 
de  son  navire,  en  lui  défendant  tou- 
tefois de  partir  avant  le  retour  du 
Xorth-lfest- America  ,  et  insistant 
pour  qu'il  lui  vendît  cette  corvette 
pour  400  piastres  ,  prix  auquel  les 
capitaines  américains  l'avaient  esti- 
mée. Douglas  retourné  sur  son  bâti- 
ment, trouva  qu'il  avait  été  dépouillé 
de  tout ,  à  l'exception  de  douze  bar- 
res de  fer  ;  les  cartes  et  les  instru- 
ments nautiques  même  avaient  dis- 
pai'u.  Il  demanda  que  divers  objets 
et  des  vivres  lui  fussent  fournis;  il  ne 
les  obtint  qu'à  un  prix  exorbitant,  et 
fut  obligé  de  donner  une  lettre  de 
change  sur  ses  propriétaires.  Cepen- 
dant la  goélette  tardant  à  reparaîti-e, 
Martinez  dit  à  Douglas  que,  s'il  or- 
donnait quelk'  lui  fut  livrée,  il  pour- 
rait partir.  Douglas  écrivit  donc  au 
capitaine  de  ce  petit  navire  une  lettre 
conçue  en  termes  moins  précis  que 
ne  le  désirait  Martinez,  qui,  par  son 
ignorance  de  l'anglais,  ne  put  s'en 
apercevoir.  Le  1"  juin,  Douglas  appa- 
reilla ,  fit  route  au  nord ,  s'engagea 
de  nouveau  dans  le  détroit  qu'il  avait 
déjà  vu,  et  y  reconnut  plusieurs  bras 


MEA 


383 


de  mer.  Le  22,  étant  mouillé  dans  un 
port  de  la  cote  orientale  des  îles  de 
la  Reine  Charlotte,  il  n'échaDpa  que 
par  sa  vigilance  à  un  coi^lot  des 
Indiens  pour  le  piller.  Le  20  juillet , 
il  était  devant  Ovaihv,  où  peu  s'en 
fallut  qu'il  ne  devînt  victime  de  la 
perfidie  des  insulaires.  Le  5  octobre, 
il  fut  de  retour  à  Macao.  Cependant, 
le  North-fVest- America  fut  saisi  par 
Martinez  au  moment  où  il  reparut 
devant  Noutka;  deux  autres  na\ires 
anglais,  expédiés  de  Macao  à  Noutka 
par  la  même  compagnie  pour  la- 
quelle Meares  travaillait,  subirent  un 
sort  pareil.  Les  équipages  furent  en- 
voyés prisonniers  à  San-Blas,  port 
du  Mexique  sur  le  Grand-Océan.  Mea- 
res, instruit  de  ces  faits,  se  hâta  de 
passer  en  Angleterre.  Il  présenta,  le 
13  mars  1790,  à  la  Chambre  des 
Communes,  une  pétition  dans  laquelle 
il  les  exposait.  Déjà,  comme  dans  toute 
lEurope,  ils  avaient  excité  une  vive 
fermentation  en  Angleterre  et  en 
Espagne;  ils  ftirent  sur  le  point  d'oc- 
casionner une  rupture.  La  conven- 
tion, signée  le  28  oct.  au  palais  de 
FEscurial,  stipula  que  les  côtes  de 
FAmérique  septentrionale  situées  au 
nord  des  possessions  espagnoles  , 
étaient  ouvertes  au  commerce  de  tou- 
tes les  nations.  Les  bâtiments  saisis 
furent  vendus  ,  et  une  somme  de 
210,000  piastres  fut  payée  par  l'Es- 
pagne, comme  dédommagemeuL  I^ 
relation  de  Meares ,  écrite  dune  ma- 
nière intéressante,  est  suivie  d'un 
supplément  qui  contient  les  morceaux 
annoncés  par  le  titre.  Nous  devons 
dire ,  quant  aux  Observations  sur  le 
passage  du  uord-ouest.que  les  décou- 
vertes faites  dans  le  XIX'  siècle  ont 
prouvé  qu'une-  mer  ouverte  par  la 
nature,  mais  fermée  par  la  rigueur 
du  climat ,  borne  l'Amérique  au 
nord.    Les    Xoiire^  sur    le    romiin-n;- 


384 


MEA 


entre  la  côte  nord-ouest  d' Amérùjue  et 
la  Chine  offrent  des  renseignements 
utiles.  Cou  dans  ce  supplément  que 
l'on  peut  lire  la  pétition  de  Meares 
concernant  la  saisie  des  navires  an- 
glais. Son  livre  a  été  traduit  en  alle- 
mand ,  en  néerlandais  et  en  français. 
Cette  dernière  version  de  Billecoq  {voy. 
ce  nom,  LVIII,  286)  est,  U  faut  le 
dire,  mauvaise  et  quelquefois  défigu- 
rée par  des  contre-sens.  E — s. 

MÉAULLE  (.JEAS-'Xicoi.As) ,  con- 
ventionnel, né  en  1757,  fut  d'abord 
administrateur  du  département  de  la 
Loire-Inférieure,  puis  président  du 
tribunal  de  Châteaubriant,  et  nom- 
mé député  suppléant  de  ce  départe- 
ment à  l'Assemblée  législative ,  où  il 
ne  prit  point  séance.  Député  a  la 
Convention  nationale  en  1792,  il  y 
vota  la  mort  de  Louis  XYI  de  la  ma- 
nière suivante  :  "  Je  ne  puis  sous- 
>.  traire  le  plus  grand  des  coupables 
,,  à  la  peine  qu'il  a  méritée  :  je  vote 
»  pour  la  mort,  et  point  de  sursis  ->. 
MéauUe  fut  souvent  envoyé  en  niis- 
sion,  et  il  seconda  particulièrement 
les  opérations  révolutionnaires  qui 
eurent  lieu  à  Lyon  et  dans  la  Vende-. 
Aussi  fut-il  accusé,  après  le  9  tber- 
midor  (27  juillet  1794),  de  dépréda- 
tions et  d'excès  en  tout  genre.  Il  s'était 
cependaut  déclaré  contre  Robespiene, 
au  9  tbermidor  ,  et  il  était  devenu 
par  suite  membre  du  comité  de  sûreté 
générale.  U  tenta,  dès  les  premiers 
symptômes  de  la  réaction  ,  de  com- 
battre ce  nouveau  système;  se  plai- 
gnit, en  septembre  1794,  des  pour- 
suites dirigées  contre  les  patriotes;  prif, 
le  27  février  1795,  la  défense  des 
membres  du  comité  révolutionnaire 
de  Nantes,  complices  de  Carrier,  que 
l'on  voulait  faire  traduire  à  un  nou- 
veau tribunal,  à  Ir»  suite  du  jugement 
qui  les  acquittait.  Après  le  l.'J  vendé- 
miaire (H  octobre  179.HV  il  nklania  U 


MEC 

mise  en  liberté  de  tous  les  patriote^ 
qui  n'avaient  fait  qu'exécuter  les  ordre* 
des  représentants  en  mission;  et  ayant 
passé  au  conseil  des  Cinq-Cents,  il  y 
embrassa  vivement,  le  19  mars,  la 
défense  des  terroristes,  qu'on  accu- 
sait de  commettre  des  crimes  dans  le 
Midi.  Il  sortit  du  Corps  législatif  en 
mai  1797;  entra  au  tribunal  de  cassa- 
tion, et  devint  ensuite  procureur-im- 
périal prés  le  tribunal  criminel  de 
Gand,  et  membre  de  la  Légion-d'Hon- 
neur.  En  1811  ,  lors  de  la  recompo- 
sition des  tribunaux  ,  Méaulle  fut 
nommé  substitut  du  procureur-géné- 
ral de  la  Cour  de  Bruxelles,  et  il  rem- 
I)lit  ces  fonctions  jusqu'à  l'évacuation 
de  la  Belgique  ,  en  1814.  Il  s'y  réfu- 
gia en  1816,  par  suite  de  la  loi  contre 
les  régicides,  et  se  fixa  à  Gand,  où  il 
mourut  le  10  octobre  1826.     M — u  j. 

MEAUME  (Frasçois),  docteur  en 
tbéologie ,  fit  imprimer  à  Niort,  en 
1626,  un  ouvrage  intitidé:ia  royau- 
té inviolable  contre  les  injustes  armes 
des  rebelles  de  ce  temps,  in-8".  Cet  ou- 
vrage fut  fait  à  foccasion  de  la  révolte 
des  Rochellais,  et  fauteur  s'y  occuj-ye 
beaucoup  de  controverse.  Cet  ouvrage, 
consacré  à  la  louange  du  pouvoir, 
était  une  apologie  sans  réserve  de  la 
politique  de  Bitbelieu.  F-t-k. 

MECIIEL  (CiiRtiuî.  de),  graveur 
suisse,  né  à  B;de  le  4  avril  1737, 
devint  sénateur  de  cette  ville ,  et  fut 
en  même  temps  graveui-  en  taille- 
douce  et  niarchand  d'estampes.  On  a 
de  lui  :  \.  La  galerie  électorale  de  Dun- 
seldorf,  OU  Caloloyue  raisonné  et  figu- 
ré de  ses  tublcunx,  avec  te  texte  impri- 
mé qui  en  donne  l'explication  ,  Bâie. 
1778,  2  vol.  in-fol.  oblong.  IL  Lettivs 
de  M.  CI,. -L.de  H'indisch  sur  le  joueur 
d'échecs  de  Kemjielen  ,  trathiit  de  l'al- 
lemand, Bàle,  1783,  in-8".  IlL  Cata- 
logne  raisonné  des  tableaux  de  la  ga- 
liric    iwpénolc    dt-    Cicinir.    compo^., 


MEC 

d  après  t  arrangement  qui  a  été  fait  de 
cette  galerie  en  1781  ,  Bâle,  178i, 
in-8".  Mechel  en  a  donné  en  même 
temps  une  édition  allemande.       Z. 

MÉCHEVOT.  Vdy.  MESCinsm, 
au  Supplément,  tom.  LXXW. 

MÉCHITAR.  VoY.  MEKHWiB  / 
XXVIII,  172. 

If ECKEL  (Jeas-Frédébic),  méde- 
cin allemand,  naquit  à  Halle,  en  1781, 
d'une  famiHe  illustfe  dans  les  anna- 
les de  la  médecine  {voy.  XXVIll ,  56 
et  57).  Il  étudia  dans  l'université  de 
sa  patrie,  où  il  se  fit  recevoir  docteur. 
I.atbèse  qu'il  soutint  à  cette  occasion, 
avait  pour  titre  De  conditionibus  ror- 
dis  ahnormibwi  ,  et  elle  annonçait 
les  talents  que  Meckel  déploya  dans 
la  suite.  .\près  avoir  voyagé  en  Alle- 
magne, en  Italie  et  en  France,  il  se 
livra  tout  entier  à  l'étude  de  l'anato- 
mié  comparée,  et  fut  nommé  profes- 
sem'd'anatomie  et  de  physiologie  à  l'u- 
niversité. Meckel  employait  ses  nioîs 
fie  vail&nceàdes  voyage»  scientifiques 
dans  les  principales  ville*  de  l'Euio- 
pe,  et  il  travailla  constamment  à  com- 
|>léter  le  magnifique  musée  anatomi- 
que  fondé  par  son  aïeul  et  continué 
par  son  père.  Il  mourut  à  Halle,  le  31 
octobre  1833.  On  a  de  lui  :  I.  Une  tra- 
duction allemande  de  l\4natomie  com- 
parée de  Cuviev, Leipzig,  1809, 1810, 
i  vol.  in-S".  II.  Matériaux  pour  servir 
à  l'étude  de  i'auatoniie  comparée,  Leip- 
zig, 1809-13,  2  vol.  in-S».  III.  Manuel 
d  anatofaie  patliblogique  ,  Leipzig  , 
1812-18,  3  vol.  in-8'».  IV.  Manuel 
d'anatomie  humaine.  Halle,  1815-20, 
i  vol.  in-8".  Cet  ouvrage  a  été  traduit 
avec  des  notes  par  M^I.  .lourdari  et 
Breschet,  Paris,  1824,  3  vol.  in-8". 
V.  Tabulœ  anatomico  - pathologicœ , 
modes  omnes  quibus  pattium  norfyoris 
liumaniom^niufn  forma  externd  atque 
tntemti  a  norma  recedit ,  exhibentes  , 
I^ipzig,  t817-26,    \  fasr.  in-i".  Vï. 

LXKIII. 


MEC 


.m¥- 


Svstéme  d'anatomie  cbmparce.  Halle, 
1821-25,  2  vol.  in-S";  ouvrage  «icel- 
lent,  qui  a  mis  le  sceau  à'Ia  réputation 
de  Meckel,'  et  a  été  tfaduiten  français 
avec  des  notes  par  M>f.  Schuster  et 
\lph.  San,Wn,  sous  ce  titre  :  Traité 
général  d'anatomie  comparée  ,'  Paris  , 
1827-1838, 10  vol.  iil-8".  Meckel  a  de 
plus  continué  l'excellent  recueil  qui 
prit,dépuis,  le  titre  d'Archives  physio- 
logiques de  '»/pcfp/.  Halle,  1815  et 
années  suivantes.  R — d — >-. 

.%IECKLEXBOrRG-STRÉ  - 

LÏTZ  (Chaules- Frédéric -'ArcrsTE  . 
duc  de),  haquit  à  Hano>Te,  le  30 
novembre  .1TO5.  îlétatit  second 'fils 
,  d'un  feld-maréchal  dans  l'armée  de 
la  Grande-Bretagne  et  du  Hanovre. 
frère  puîné  du  duc  régnant  de  Meck- 
lenbom-g-Strélitz.  branche  cadette  de 
cette  illustre  maison  de  Mecklen- 
bourg ,  la"  plus  ancierme  maison  ré- 
î;inmte  d'Europe,  et  qui  fait  remonter 
«a  fjénéalogie  josquà  Aribert,  roi  des 
Wendes,  contemporain  de  Charlema- 
[;iie  et  descendant  au  septième  degré 
<ie  Genséric.  Entré  fort  jeune  au  ser- 
vice de  Prusse,  il  était  capitaine  d'é'tal- 
niajor  en  180i,  et,  deux  ans  après, 
/uajor  dit  i"  bataillon  de  la  garde 
royale.  ïl  donna  des  preuves  de  bra- 
voure et  de  talents  milifàii^s  dans  la 
<ampagne  de  1806,  qui  fut  si  funeste 
au  roi  Frédéric  -  Guillaume  II.  En 
1813.  il  commandait,  sous  le  général 
Yordi,  une  brigade  dans  l'armée  de 
Silésie.  Après-  la  rupture  de  l'armis- 
tice au  mois  d'août,  il  se  distingua 
dans  diverses  rencontres  et  particu- 
lièrement à  la  bataille  de  la  Katsbacti. 
Chargé  ensuite  d'opérer  sa  jonction 
avec  les  généraux  Langeron  (  voy.  ce 
nom,  LXX,  182)  et  Sacken  ,  il  eut 
à  soutenir  le  choc  de  trois  colonnes. 
Comme  ses  troupes  commençaient  à 
plier,  il  saisit  un  drapeau,  se  pré- 
cipita à  la  tête  d'un  bataillon,  .t  le-' 


386 


MED 


poussa  les  Français.  Le  3  octobre,  il 
reçut  Uordre  de  tomner  le  flanc  de 
l'ennemi,  passa  l'Elbe  et,  remontant 
ce  fleuve,  il  s'empara  du  village  de 
Bleddin ,  maigrie  la  plus  vive  résis- 
tance. Grièvement  blessé  au  combat 
livré  le  16  octobre  près  de  Makern, 
où  les  Prussiens  laissèrent  172  offi- 
ciers et  6,500  sous-officiers  et.  sol- 
dats sur  le  champ  de  bataille,  il  allait 
être  transporté  dans  une  voiture, 
lorsque  les  gémissements  d'un  offi- 
cier, qui  gisait  parmi  les  niorts  cou- 
vert de  blessures,  parvinrent  jusqu'à 
lui  :  «  Arrêtez,  dit  le  prince  Charles 
«  à  ceux  qui  l'entouraient,  soignez 
«  d'abord  celui  dont  j'entends  les 
«  plaintes  ».  Il  fut  nommé,  en  1815, 
lieutenant-général,  puis  commandant 
des  grenadiers  de  la  garde  prus- 
sienne, et  enfin  président  du  conseil 
d'état.  Dans  l'exercice  de  ces  der- 
nières fonctions,  il  s'acquit  la  réputar 
tion  de  l'un  des  hommes  les  plus 
attachés  aux  principes  du  pouvoir 
absolu.  Il  mourut  à  Berlin  le  20  sept. 

1837.    ~      MeCKLENBOUBG  -  SCHWERIN 

{Frédéric-François,  grand-duc  de), 
naquit  le  10  décembre  1756.  Il  succé- 
da le  24  avril  1785,  à  son  oncle  Fré- 
déric {voy.  ce  nom,  XXVIII,  58)  qui 
n'avait  pas  eu  (i'pnfants.  il  mourut  en 
1842. —  Frédéric-Louis,  prince  héré- 
ditaire, fils  aîné  du  précédent,  né  le 
13  juin  1778,  fut  enlevé  par  un  coup 
d'apoplexie  le  29  novembre  1819. 
La  princesse  Hélène,  duchesse  d'Or- 
léans, était  sa  fille  (1).        I^s— d. 

MÉBA  (Chaules- André  Merda  (2), 
dit) ,  général  fiançais,  était gendaiwe 
en  1794,  et  se  distingua  lors  de  l'ar- 

(1)  La  reine  Louise  de  Prusse  {voy.  XXV, 
861)  éuit  de  la  ligne  de  Slréiilx,  ainsi  que  la 
reine  de  Hanovre,  sa  sœur,  et  leur  tante,  fcni- 
ine  du  roi  d'AnglnteiTe  (ieorgcs  III. 

(3)  Il  avait  rctranclié  un  r  de  son  non»,  pour 
Se  «oustrwrc  aux  ma  uvaises  plaisanteries. 


MED 

restation  de  Robespierre  dans  la  jour- 
née du  9  thermidor.  Léonard  Bourdon 
l'enunena  trois  jours  après,  le  12  ther- 
midoran  II  (30juill.  1794),  dans  la  salle 
de  la  Convention  nationale,  et  ayant 
obtenu  de  le  faire  nfonter  à  la  tribune 
avec  lui,  il  parla  en  ces  termes  :  «  Ce 
«  brave  gendarme  que  vous  voyez, 
«  ne  m'a  pas  quitté;  il  a  tué  deux  des 
«  conspirateurs...  Nous  avons  trouvé 
»  Robespierre  aîné^  armé  d'un  cou- 
ci  teau  ;.ce  brave  gendarme  le  lui  a  ar- 
u  raché;  il  a  frappé  Couthon  qui  était 
«  aussi  armé  d'un  couteau.  Je  deman- 
«  de  qu^  le  président  donne  l'accolade 
«  à  Méda,  «  ce  qui  fut  fait  au  milieu 
des  applaudissements  de  l'assemblée. 
Le  président  répéta  ensuite  les  paro- 
les que  Méda  venait  de  lui  dire  :  »  Je 
u  n'aime  pas  le  sang,  cependant  j'au- 
«  rais  désiré  verser  le  sang  des  Prus- 
«  siens  et  des  Autrichiens;  mais  je  ne 
«  regrette  pas  de  n'être  point  à  l'ar- 
<i  mée  ,  car  j'ai  aujourd'hui  versé  le 
«  sang  des  traîtres.  "  La  Conveo^tion 
décréta  qu'il  serait  fait  mention  ho- 
norable de  son  dévouement,  et  char- 
gea le  comité  de  salut  public  de  lui 
donner  de  l'avancement.    Le  Direc- 
toire prit  aussi  des   mesures  en  ger,- 
minal,  an  VI  (août  1798),  pour  le  ré- 
compenser. Parvenu  ainsi  au  grade 
de  capitaine,  Méda  fut  nommé,    en 
1807,  chef  d'escadron,  et  l'année  sui- 
vante,   colonel   du    1"  régiment  de 
chasseurs  à  cheval,  il  fit  avec  beau- 
coup de  distinction  toutes  les  guerro 
de  l'empire  ,   et  mourut  général   di- 
brigade,  pendant  la^  retraite  de  Mos- 
cou. Napoléon    l'avait  fait  baron   et 
officier  de  la  Légion-d'llonneiu-.  On 
publié,  sous  le  nom  de  Méda,  un  /V. 
cis   histori(jue  des  évéïiemcnts  qui  se 
sont  passés  dans    lu  soii^e  du  9  ther- 
midor, adressé  au  ministrt  de  lu  (jucrv 
en  l'an  ^,  avec  une  notice  sur  l'au- 
teur, i)ar  J.-J.  »•   (Berville),   Paris ^ 


MED 

tfâS,  in-S".  Ce  précis,  réimprimé  la 
même  année,  fut  inséré  dans  la  Col- 
lection des  mémoires  relatifs  à   la  re- 
volution  française.  Les  éléments  de 
cette  publication  avaient  été  fournis 
par   les   sœurs  de  Méda,  lesquelles 
demandaient  à  Louis  XVIII  une  pen- 
sion qui  leur  fut  refusée.  On  y  trouve 
quelques  inexactitudes  dans  les  détails 
relatifs  à  la  mort  de  Robespierre,  que 
l'on  sait  bien  n'avoir  pas  été  tué  du 
coup,  puisqu'il  fut  porté  vivant  sur 
l'échafaud.   Il    avait  seulement  reçu 
une  grave    blessure  ,    que   quelques 
personnes  ont   cru  qu'il   s'était   faitr 
lui-même  d'un  coup  de  pistolet. 
M— D  j. 
MÉDER    (P.-J.).     minéralogiste 
russe,  né  en    1763  ,  entra  à  1  âge  de 
17  ans  dans  l'école  des  mines  de  St- 
Pétersbourg,  oîi  il  fit  de  rapides  pro- 
grès. Après  quelques  années  d'études, 
on  lui  confia  des  travaux  dans  l'Oural 
sous  la  direction  de  l'ingénieur  Kat- 
chki.  Il  était  de  retour  en  1792,  char- 
gé de  remettre  à  l'hôtel  des  moimaies 
de  St-Pétersbourg ,  300  pounds  d'or 
et  d'argent.   L'année  suivante,  il  alla 
étudier  aux  fiais  du  gouvernement  à 
Freiberg,  où    enseignait  le    célèbre 
Wemer,  dont  il  devint  l'ami.  Méder 
visita  ensuite  les  mines  de  la  Saxe,  de 
la  Bohême,  de  l'Autriche,  du  Tyr©l. 
de  la  Hongrie,  de  la  Moravie,  de  la 
Transilvanic,  de  la  Prusse,  et  retourna 
à  Saint-Pétersbourg  en  1797.   Il   fut 
nommé  successivement  professeur  a 
l'Institut  pédagogique  ;   chevalier  de 
Saint-Waldimir,  i*"  classe;  inspecteur- 
général  des  mines  du  gouvernement 
de  Perm  -,  commandeur  du  corps  des 
mines  de  Saint-Pétersbourg,  chevalier 
de  Sain  te- Anne,  seconde  classe,  et  dé- 
coré   des   insignes    en    brillants   du 
même  ordre.  Cet  homme  savant  et 
laborieux  mourut  à  St-Pétersbourg 
le  15  avril  1826.  Ses  ouvrages  sont  : 


MED 


mi 


I.  Annales  de  chimie ,  insérées  en 
grande  partie  dans  le  journal  de  Krell 
et  autres  recueils  ;  il  y  traite  surtout 
des  nouveaux  minéraux  trouvés  en 
Russie;  ce  qui  rend  son  écrit  très- 
curieux  et  très  -  important  pour  la 
science.  IL  Guide  des  salpêtriers  rus- 
ses. M — DJ. 

MÉDICIS    ou    MEDIGI    (le 

chevalier  don  Loris  de),  ministre  na- 
politain, un  des  hommes  qui  ont  eu 
le  plus  de  part  aux  événements  de 
notre  époque  en  Italie  ,  naquit  à 
Naples,  au  mois  d'avril  1739  ,  des 
princes  d'Ottajano  (1).  Cadet  de  fa- 
mille, don  Louis  était  destiné  à  l'état 
ecclésiastique;  mais  des  goûts  actifs 
et  l'instinct  d'une  ambition  précoce,  à 
laquelle  la  perspective  du  cardinalat 
ne  suffisait  point .  le  poussèrent  vers 

(1)  •  La  famille  des  Médicis  d'Ottajano , 
dit  M.  le  marquis  de  Salvo,  dans  ses  Mé- 
I anges  politiques  et  littiraires  { Paris , 
1832,  in-8°),  était  établie  à  Naples  depuis 
l'année  1532.  Charles  -  Quint ,  à  son  passage 
à  Florence ,  avait  engagé  Bemardette  de 
Médicis ,  fils  d'Octavien  et  frère  du  pape 
Léon  XI,  à  s'établir  dans  la  ville  de  Naples. 
L'empereur  aimait  la  famille  de  Médicis;  il 
avait  beaucoup  fait  pour  Alexandre  de  Médi- 
cis ,  et  il  donna  à  Bemardette  une  somme 
considérable  d'argent,  pour  le  décider  àpren- 
drc  racine  dans  la  ville  ou  le  royaume  de  Na- 
ples.  Connaissant  l'influence  que  cette  famille 
avait  en  Italie ,  et  surtout  à  Rome  et  à  Flo- 
rence ,  il  voulait  faire,  des  Médicis ,  des  par- 
tisans servant  d'appui  à  son  énorme  puis- 
sance. Bemardette  consentit  à  l'émigration 
que  l'empereur  lui  proposa ,  et  vint  s'établir 
à  Naples,  oJi ,  avec  l'argent  qu'il  avait  reçu 
de  Charles ,  il  acheta  la  terre  d'Ottajano.  n  y 
avait  alors  à  Rome  le  cardinal  Hippolyte  de 
Médicis,  son  oncle,  qui  le  raffermit  dans  cette 
idée ,  et  c'est  depuis  cette  époque  que  la  fa- 
mille des  Médicis  d'Ottajano  se  trouve  établie 
dans  le  royaume  de  Naples.  •  Nous  regrettons 
que  M.  de  Salvo  n'ait  pas  encore  publié  le 
Tableau  de  l'histoire  politique  du  royaume 
des  Deux  -  Siciles  ,  après  l'avènement  de 
Charles  III,  dans  lequel  il  devait  donner 
la  continuation  du  Prècit  historique  de  la 
vie  du  chevalier  de  Médicis,  travail  qui  nous 
eût  été  plus  utile  que  les  matériaux ,  souvent 
contradictoires,  épars  dans  les  historiens  mo- 
dernes de  lltalie,  tels  qu«  Botta,  CoUetu,  etc. 

23. 


MÉD 


Une  autre  carrière.  Devenu  orphelin 
de  bonne  heure,  il  fut  envoyé  par  sa 
mère  à  l'université  de  Turin,  pour  y 
étudier  la  théologie,  sous  la  direction 
d'un  Oncle  qu'il  avait  dans  cette  capi- 
^\e.  Médicis   parut  d'abord  se  con- 
former aux  désirs  de  ses  parents  ;  mais 
sa  vocation  l'emporta  bientôt,  et  il 
obtint  de  venir  faire  son  droit  à  Paris. 
Il  y  passa  trois  années,  de  1784  à  87. 
Le  nom  illustre  qu'il  portait  joint  à  ses 
qualités   personnelles,     lui  valurent 
l'accueil  le   plus  flatteur  à  la  cour  et 
dans  la  haute  société,  si  brillante,  de 
cette  époque.  On  était  à  la  veille  d'une 
révolution;  et  les  idées  philosophi- 
ques quicomptaientparmi  leurs  adep- 
tes les   hommes  les  plus  distingués 
par  le  rang,  l'esprit  et  la  fortune,  ne 
devaient   pas    rester    étrangères   au 
jeune  Médicis.  Mais,  après  avoir  fré- 
quenté   quelque  temps  les  réunions 
à  la    mode  ,  il  fut  effrayé   de  l'im- 
piété qu'elles  affichaient  et  ne  voulut 
plus  y  reparaître.  Revenu  à    Naples, 
il  fut  nommé  juge  au  palais  (giu- 
dice  al  Palaz^oJ.En  1791,  le  gouver- 
nement ayant ,  à  la  suite  d'une  conspi- 
ration ,  pris  des    mesures  extraordi- 
naires pour  la   sûreté  de  la  capitale, 
confia  la  direction  de  la    police  au 
chevalier  de  Médicis  ,    avec    le  titre 
de  régent  de  la  Ficaria.  Cette  charge 
lui  conlérait  des    pouvoirs   presque 
illimités ,  et  servait  plus  que    toute 
autre  à  mettre  en  relief  son  aptitude 
aux  affaires.   Aussi  ,   bien  qu'il   eût 
rétabli  la  peine  du  fouet,  ordonné  le 
dépôt    préalable    des   prévenus  dans 
les  bagnes,  et  montré  assez  de  rigueur 
comme  membre  de  la  junte  chargée 
de  poursuivre  les  délits  politiques  ,  il 
acquit  en  peu  de  temps  beaucoup  de 
popularité  et  un  crédit  immense.  Dès 
1794,  ou  le  prônait  conune    devant 
succéder  prochainement  àActonqui, 
odieux  à  tout  le  monde,  n'étaiî  soutenu 


MÉD 

que  par  la  faveur  de  la  reine  Caroline. 
Cette  princesse  avait ,  dans  plusieurs 
circonstances ,  manifesté  son  estime , 
sa  sympathie  même  pour  Médicis,  et 
elle  était  entretenue  dans  ces  dispo- 
sitions par  la  marquise  de  San- 
marco  ,  sœur  du  chevalier;  et  qui , 
occupant  auprès  d'elle  une  des  pre- 
mières places ,  avait  pénétré  fort 
avant  dans  son  intimité.  Actun  com- 
prit tout  ce  qu'il  avait  à  craindre 
d'un  tel  rival ,  et  il  résolut  de  le 
perdre.  Voici  par  quels  moyens. 
Au  nombre  des  condamnés  pour  cri- 
mes d'État,  se  trouvait  un  professeur 
de  mathématiques  ,  nommé  Annibal 
Giordano,  qui  avait  été  fort  lié  avec 
la  famille  de  Médicis.  C'était  un  hom- 
me d'esprit,  mais  pervers;  Acton  le 
choisit  pour  l'instrument  de  ses  pro- 
jets. Il  lui  promit  sa  grâce,  s'il  voulait 
accuser  Médicis  d'être  son  complice. 
Giordano  ne  se  fit  pas  prier,  et  il  en- 
voya au  ministre  une  déposition  par 
écrit  contre  le  régent  de  la  Vicaria. 
Celui-ci  était  positivement  accusé  d'a- 
voir entretenu  des  intelligences 
avec  La  Touche  -  Tréville  (  voy. 
ce  nom,  XLVI,  317),  dont  l'esca- 
dre s'était  montrée  devant  Naples  en 
1792,  et  qui,  après  avoirobtenu  la  sa- 
tisfaction qu'il  exigeait,  s'était  mis  en 
ra|)port  avec  les  autorités  napolitai- 
nes. Une  société  littéraire,  dont  l'abbé 
MonticeUi  était  le  président,  crut  pou- 
voir lui  donner  un  banquet,  et  Médicis 
y  assista.  Bien  que  la  politique  eût  été 
tout-à-fait  étrangère  à  cette  réunion, 
Acton  feignit  de  la  considérer  comme 
un  club  révolutionnaire  ,  foyer  des 
intrigues  et  des  complots  qu'il  venait 
d'éventer.  Il  se  procura,  par  les  mê- 
mes moyens,  de  nouvelles  délations; 
puis,  muni  de  ces  pièces,  il  (lenuinda 
une  audience  particulière  à  Ferdinand 
IV  et  à  son  épouse.  Après  un  long 
cxorde  ,  propre  à  jcUr  le  trouble  et 


MED 

la  crainte  dans  leur  esprit,  il  dévelop- 
pa tous  les  fils  de  la  prétendue  con- 
juration,  et  quand  il  crut  les  voies 
assez  bien  préparées  ,  1  astucieux  mi- 
nistre prononça  le  nom  de  Médici», 
l'accusant  d'avoir  corrompu  plusieurs 
jeunes  gens  des  meilleures  familles, 
d'avoir  assisté  à  un  club  de  Jacobins, 
d'avoir  correspondu  avec  les  républi- 
cains de  France  ;  enfin ,  pour  combler 
la  mesure,  il  ajouta  que  le  chevalier 
avait  proféré  des  paroles  outrageantes 
contre  le  roi  et  la  reine.  Son  discours 
finissait  ainsi  :  «  Je  ne  vois  que  deux 
"  partis  à  prendre,  fort   dangereux 
"  l'un  et  l'autre,  celui  dç  la  clémence 
"  et  celui  de   la  rigueur.  Au  milieu 
»  des  objections  qui  se  balancent ,  il 
"  m'est  venu   à   l'esprit  l'idée  d'une 
»  solution,  plus   utile  peut-être  que 
"  juste;  leurs   majestés  en  jugeront. 
"  C'est  l'ambition  qui  fait  agir  leche- 
X  valier  de  Médicis  ;  ce  jeune  homme 
»  impatient  ne  sait  pas  attendre  et  se 
"  résigner  aux    chances  d'un  avenir 
"  incertain.  Si  votre  majesté  l' élevait 
"  au  rang  de  ministre,  il  renoncerait 
"  sur  l'heure  à  ses  coupables  pensées, 
"  et  un  jour  lui  suffirait  pour  anéan- 
«  tir  une  conspiration  dont  il  connaît 
«  tous  les  secrets.  »  A  ces   mots  (Ac- 
ton  s'y  attendait  bien) ,    la  colère  de 
Carohne  -éclate  :   «  Quoi  !    s'écrie-t- 
"  elle,  sommes-nous  réduits  à  la  tris- 
>  te  nécessité  de  récompenser  la  tra- 
»  hison  ?  »  Puis  se  tournant  vers  le 
roi  :  «  Sire ,  mon  avis  est  bien  diffé- 
»  rent!  que  le  chevalier  de  Médicis 
■'  et  ses  complices,  quelles  que  soient 
>'  leur  richesse  et  leur  naissance,  su- 
»  bissent  la  commune  loi ,   et  qu'un 
>•  tribunal    d'État  les    condamne.    » 
Alors,  Ferdinand  se  leva,  en  ordon- 
nant d'assembler  son  conseil  pour  le 
surlendemain  au   palais  de  Caserta. 
Là  ce  fut  encorq  Acton  qui  exposa  les 
faits,  et  l'on  décida,  à  l'unaairaité,  que 


HÈD 


389 


Médicis  serait  mis  en  jugement,  ainsi 
que  tous  ceux  que  le  ministre  avait 
nommés.  De  crainte  que  les  mem- 
bres de  l'ancienne  junte  ne  montras- 
sent quelque  indulgence  pour  un 
homme  qui  avait  siégé  au  milieu  d'eux, 
on  en  forma  une  nouvelle,  composée 
de  juges  vendus  à  Acton  et  d'enne- 
mis personnels  du  chevalier.  Jusque- 
là,  tout  avait  été  conduit  dans  le  plus 
grand  secret,  afin  d'ôter  à  Médicis 
tout  moven  de  justification.  Mais  la 
reine  ne  put  se  taire  ,  et  confia  à  la 
marquise  de  Sammarco  le  résultat  de 
la  conférence  de  Caserta  ;  elle  lui  dit 
même  que  son  frère  «  était  un  jaco- 
»  bin,  et  que,  si  on  le  laissait  faire,  il 
"  deviendrait  un  petit  Robespierre.  >• 
Cette  indiscrétion  faillit  déconcerter 
toutes  les  machinations  du  premier 
ministre.  Médicis,  averti,  court  au 
palais  roval  ;  mais  la  reine  refuse  de 
le  voir,  et  ce  n'est  qu'à  grand'peine 
qu'il  parvient  jusqu'au  roi,  qui  reste 
sourd  à  ses  explications  et  à  ses  pni^ 
res.  Le  même  jour,  Médicis  était  des- 
titué et  conduit  à  la  forteresse  de 
Gaëte.  Il  y  était  encore  quatre  ans 
après ,  et  rien  n'annonçait  que  le 
procès  marchât  à  une  solution.  Ce- 
pendant le  public  commençait  à  mur- 
murer, ne  comprenant  pas  que  l'on 
tardât  tant  à  condamner  des  hom- 
mes contre  qui  Acton  avait  dit  pos- 
séder des  charges  accablantes,  des 
preuves  irréfragables.  De  son  côté 
Ferdinand,  touché  des  plaintes  et  des 
supplications  que  lui  adressaient  les 
parents  des  accusés,  écrivit  à  la  junte 
pour  presser  l'instruction  du  procès. 
«  Ces  lenteiu-s,  disait -il,  nuiseqt  à 
«  lajustice,  c'est  un  exemple  fâcheux, 
i>  et  peut-être  un  grand  nombre  de 
«  malheureux  souffrent-ils  sans  le 
«  mériter.  »  La  junte,  effrayée  d'un 
tel  langage,  s'assembla  aussitôt,  et 
comme  les  preuves  recueillies    ne  p 


390 


MÉD 


raissaient  pas    suffisantes  pour  mo- 
tiver une  condamnation,   Vanni,  qui 
remplissait  les    fonctions    d'accusa- 
teur, s'exprima  en   ces    termes  :»  Si 
u  les  preuves  ne  sont  pas  complètes  , 
«•  c'est     que    nous     avons     négligé 
«  un    moyen    que    prescrivent     de 
'.  sages    législateurs    dans    les  cau- 
u  ses  de   lèse -majesté  :    ce  moyen  , 
«  c'est  la  torture.  Je  demande  donc 
«  qu'elle  soit  appliquée  au  chevalier 
..  de  Médicis  de  la  manière  la  plus 
«  rigoureuse,  que  la  loi  a  fixée  par 
«  cette    formule    :    Torqueri     acriter 
«  adhibitis    quatuor  funicuUs.    »    Le 
prince    de    Castelcicala   appuya    vi- 
vement cette  proposition  ;  mais  il  ne 
put,  malgré  tous  ses  efforts,  la  faire 
adopter  par  ses  collègues.  L'instruc- 
tion terminée,  le  roi  nomma  une  nou- 
velle junte  pour   prononcer  le  juge- 
ment; et,  cette  fois  encore,  Vanni  en  fit 
partie  comme  procureur  fiscal.  Après 
avoir   longuement    insisté    sur    les 
iangersd'un  acquittement,  il  exposa, 
avec  une  exagération  révoltante,  les 
dénonciations,  les  délits,  les    preu- 
ves, et  conclut  de  nouveau  à  l'appli- 
cation de  la  torture  avec  des  rigueurs 
aussi    impitoyables  que   s'il    se    lût 
agi  de    cadavres   {tonnenù    spietati 
come   sopra   cadaveri).   Quand    ^an- 
ni  eut  fini  de  parler,  la  junte  examina 
les  pièces  dont  se  composait  le  dos- 
sier  de    l'accusation.    La    principale 
était  une  lettre  adressée  par  les  répu- 
blicains   français    à  Médicis,     dont 
elle    attestait    ainsi    la    conniven«;e. 
Mais    Chinigo,  Kun  des  juges,  ayant 
prouvé  jusqu'à  l'évidence  que  le  papier 
de  cette letUe était  de  fabrique  napoli- 
taine, fit  soupçonner  l'origine  mémcdu 
procès-,  jeta  du  disci'édit  sur  les  autres 
chefs  de  l'accusation,  et  Médicis  fui 
acquitté.  Lorsque  les  Français  s'em- 
parèrent   de    ISaples,    en  1799  ,  ils 
lui    bffritent    une    place   inJportan- 


MÉD 

te ,    persuadés   que  les  persécutions 
qu'il  avait  subies  le  rendraient  Ros- 
tile    au    gouvernement  royal  ;   mais 
il    refusa,    ce    qui    lui    valut  d'être 
emprisonné  une  seconde   fois.  Fer- 
dinand ne    tarda    pas  à    revenir    à 
Naples,    et    Médicis  ,     dont   il  était 
alors  impossible    de    méconnaître  le 
dévouement,  reprit  tout  son  crédit  à 
la  cour.  Après  la  retraite  du  minis- 
tre Zurlo,    il  fut  nommé  vice-prési- 
dent du  conseil  des  finances,  et  mon- 
tra,  pour  la  première  fois,  sa  capa^ 
cité  dans  cette   branche  importante 
de  l'administration.  On  peut  dire  qu'il 
sauva  le  trésor  d'une  banqueroute. 
Il   liquida  la   dette   des  banques   et 
appliqua  au  paiement    les   biens  de 
l'État,  ensuite  ceux  de  l'KgUse,  et  en 
dernier  lieu  les  dotations  même  des 
banques  ,  mais    il  ne  toucha  pas  aux 
biens  de    la    couronne  ni    aux   re- 
venus de  la  maison  royale.  Cepen- 
dant le  sort  des  armes  s'était  déclaré 
contre  Ferdinand,  et  ce  prince  était  en- 
core forcé  de  chercher  un  refuge  en 
Sicile,  derrière  les  vaisseaux  de  l'An- 
gleterre. Médicis  l'y  suivit  et  fut  con- 
sulté dans  toutes  les  affaires  impor- 
tantes, mais  il  ne  devint  ministre  dcs 
finances  qu'en  1810.  Malgié  les  subsi- 
des anglais ,  le  ftésor  était  épuisé  ,  et 
chaque  jour  rendait  la  pénurie  plus 
grande.  Pour  faire  face  aux  besoins, 
Médicis  décida  le  roi  à  convoquer  le 
parlement,  espérant  le  diriger  à  son  gré 
et  en  obtenir  des  subsides  extraordi- 
naires.  Ses    démarches  furent    heu- 
reuses auprès  du  bms  domanial;  plu- 
sieurs des    représentants,    librement 
élus  par  les  villes ,  se  lendirent  à  ses 
promesse»  ou  à  ses  présents  ;  d'autres 
Kirént  notnméë  sous    son   influence 
particulière:  il  obtint  même, et  c'était 
un  des  plus  grand»  vices  de  la  cons- 
titution du   pays  ,  il   obtint  que  le 
même  individu  réunît  le  mandat  de 


BffÉD 

pltisietirs  villes.  Ces  députés  étaient 
fort  nombreux,  devaient  tout  à  la 
faveur  de  Medicis,  et  se  trouvaient  par 
conséquent  dans  sa  dépendance.  Le 
ministre  avait  encore  habilement  ma- 
nœuvré aupi^è»  du  bras  ecclésiasti- 
que, dont  beaucoup  de  membres  pa- 
raissaient disposés  à  favoriser  ses 
desseins.  Se  croyant  sur  de  ces  deux 
portions  de  l'assemblé*,  il  crut  pou- 
voir braver^a  troisième,  c'est-à-dire, 
le  bras  baronnal,  et  fit  proposer 
l'impôt  direct  qui  devait  particuliè- 
ment  retomber  sur  les  seigneurs. 
Ceux-ci  opposèrent  la  plus  vive  ré- 
sistance, et  ISmpét  fut  rejeté.  Alors 
Médias  voulut  convoquer  un  se- 
cond parlement  ,  mais  Ferdinand 
avant  préféré  imposer  un  pour  cent 
par  ordonnance,  le  ministre,  qui  pré- 
voyait les  conséquences  de  cette  me- 
sure, donnîf  sa  démission  et  partit  pour 
4' Angleterre.  C'était  à  la  fin  de  1811. 
Pendant  le  séjour  de  dix-buit  mois 
qu'il  y  fit,  il  s'appliqua  surtout  à  étudier 
cette  constitution  tant  vantée,  que 
l'on  voulait  à  cette  époque  introduire 
chez  tous  les  peuples  et  qui  avait  été 
récemment  transplantée  en  Sicile.  Ce 
voyage  fixa  ses  idées,  et  fut  pour  ainsi 
dire  le  complément  de  son  éducation 
gouvernementale.  Après  une  longue 
maladie,  qui  faillit  le  conduire  au  tom- 
beau, Médicis  revint  en  Sicile,  où  l'ap- 
pelaient les  intérêts  de  son  souverain 
dans  la  crise  universelle  qui  se  prépa- 
rait On  sait  que  par  un  traité  signé  avec 
TAutriche,  le  11  janvier  1814,  Mui-at 
avait  conservé  le  trône  de  îïaples, 
moyennant  des  indemnités  conve- 
nables pour  le  roi  de  Sicile.  Mais  Fer- 
dinand ne  voulut  accéder  à  aucun 
arrangement  et  envova  au  congrès 
de  Vienne  le  commandeur  Rufo  et 
Médicis,  chargés  de  protester  con- 
tre la  convention  du  mois  de  jan- 
vier ,    et   d'en  'faire  sentir  à    l'em- 


391 

pereur  tout  le  danger  et  Vinjustecx;, 
Leurs  efforts  forent  couronnés  d'un 
pjein  succès  ;  ils  conclurent,  Wj  mois 
de  févrter  1815,  tm  traité  secret  par 
lequel  François  I"  s'engag-aait  à  réta- 
blir Ferdinand  IV  sur  le  trône  de 
Kaples.  On  attendait  le  moment  fa- 
vorable pour  le  mettre  à  exécution, 
lorsque  arriva  la  nouvelle  que  Na- 
poléon, échappé  de  fîle  d'Elbe,  avait 
débarqué  en  France." Craignant  que 
Murât,  inspiré  par  la  prudence  ,  ne 
fit  cause  commune  avec  les  sou- 
verains alliés  ,  ce  qui  eût  compromis 
le  succès  des  négociations  dandes- 
fines,  Médifcis  chargea  M.  le  mar- 
quis de  Salvo,  un  des  secrétaires 
de  la  légation  sicilienne  de  com- 
muniquer le  traité  secret  au  duc 
de  Campochiaro  ,  ministre  plénipo- 
tentiaire du  roi  de  tapies  à  Vienne. 
Alors  Joachim  ,  se  voyant  joué  par 
l'Autriche,  ne  garda  pluâ  aucune  me- 
sm'e;  il  prié  les  armes  et  tomba  ainsi 
dans  le  piège  qu'on  lui  tendait.  La 
bataille  de  Tolentino  fut  son  Wa- 
terloo. Le  jour  même  où  Caroline 
Murât  quitta  Naples,  Médicis  y  ar- 
riva, muni  des  pleins  pouvoirs  de 
son  souverain,  et  prit  aussitôt  toutes 
les  mesures  qu'exigeaient  les  circons- 
tances. Le  point  le  plus  important  était 
de  connaître  les  plans  ultérieiu-s  de 
l'ex-roi,  qui,  bien  que  vaincu  et 
réfugié  en  Cx>rse  ,  conservait  rni 
grand  nombre  de  pai-tisans.  Médi- 
cis envoya  auprès  de  lui  un  cer- 
tain Carabelli  ,  Corse  d'origine  , 
personnellement  connu  de  Joachim 
et  qui  avait  été  employé  par  lui  en 
différentes  circonstances.  On  a  dit 
que  Murât  ne  s'était  décidé  à  mie 
descente  dans  le  royaume  de  Naples, 
qu'à  la  suite  de  perfides  conseils  des 
agents  de  la  police  napolitaine.  C'est 
une  erreur.  Médicis,  soit  loyauté,  soit 
crainte  des   résultats,  avait   chargé 


392 


lâliËD 


Carabelii  de  ie  détouinei'  par  toutes 
sortes  de  moyens  de  cette  folle  en- 
treprise. En  même  tempsg  la  plus 
grande  surveillance  était  exei'fcéc 
le  long  de  toute  la  côte ,  et  une 
escadre,  commandée  par  le  comte 
de  Prévilie,  cherchait  dans  la  Médi- 
terranée la  flottille  sortie  de  la  Corse. 
On  connaît  le  dénouement  de  l'aven- 
tureuse expédition  de  Muiat  (2).  La 

(2)  Voici  comment  le  général  Colletta  en 
rend  compte  dans  sou  Histoire  du  royamnc. 
de  N aptes  de  1734  à  1825  :  L'accueil  popu- 
laire que  Murât  reçut  en  Corse ,  lui  rendit  les 
illusions  de  la  royauté ,  et  il  lui  sembla  que 
la  fortune  recommençait  à  lui  sourire.  Aussi, 
disait-il  souvent  :  «  Si  des  peuples  qui  ne  me 
connaissent  pas  prennent  les  armes  pour  moi, 
que  ne  feront  pas  les  Napolitains  ?  J'en  accepte 
l'augure.  »  C'est  alors  qu'il  forma,  sans  le 
révéler  à  d'autres  qu'à  ses  plus  sûrs  et  lidèl<  s 
amis,  le  projet  de  débarquer  à  Salehie ,  où  se 
trouvaient  réunis ,  et  dans  l'inaction ,  3,000 
hommes  de  son  année,  qu'il  savait  mécon- 
tents du  gouvernement  des  Bourbons.  De  Sa- 
lerne  il  passerait  à  Avellino  ;  son  armée  se 
grossirait,  sur  la  route,  de  ses  partisans  et  (l<i 
ses  anciens  soldats.  11  gagnerait  trois  jours 
de  marche  dans  la  Basilicate  sur  les  troupes 
autrichiennes  ,  qui,' de  Naples,  s'avanceraient 
probablement  à  sa  rencontre.  Il  ne  prévoyait 
pas  de  malheurs ,  et  se  souciait  peu  des  dan- 
gers, grâce  à  son  intrépidité  naturelle ,  à  sa 
longue  habitude  de  la  guerre  et  isa  confiance 
dans  la  fortune.  En  se  livrant  à  ces  calculs , 
il  rassembla  une  petite  troupe  de  250  Corses, 
et  loua  six  barques  pour  se  transporter  avec 

eux  sur  les  côtes  du  royaume  de  P<aples 

Cette  petite  flotte  eut  six  jours  de  navigation 
heureuse  ;  ensuite  elle  fut  tlispersée  par  une 
tempête  qui  dura  trois  jours.  Deux  bâtiments 
sur  l'un  desquels  se  trouvait  l'ex-roi,  erraicni 
au  hasard  dans  le  golfe  de  Sainte-Euphémie , 
deux  autres  en  vue  de  Policastro ,  un  cin- 
quième dans  les  parages  de  la  Sicile ,  et  li- 
sixif-me  à  l'aventure,  trfes-loin  des  autres.  I,a 
Providence  voulut  que  le  débarquement  pro- 
jeté à  Salerne  ne  pût  avoir  lieu Joachim 

hésita  quelque  temps,  et  puis,  ranimé  par  le 
désespolf,  il  prit  la  résolution  hardie  de  des- 
cendre sur  la  plage  de  Piiio,  (!t  de  marcher, 
à  la  K^tc  de  28  soldats,  à  la  conquête  d'un 
royaume. . .  C'était  le  8  octobre  1815,  un  jour 
de  fétc,  et  les  mnii:cs  urbaines  étaient  ran- 
gées sur  la  place,  oK  elles  faisaient  l'exercic*', 
quand  arrivl-rent  Mural  et  les  siens,  enseignes 
déployées.  .\  la  vue  des  habitants,  ils  criè- 
rent ausiltOt  :  t  Vive  le  roi  Murât!  •  A  ce  cri 
la  population  reste  muette,  prévoyant  le  fu- 


MED 

postéiité  appréciera  la  conduite  de  ce 
prince  et  celle  de  ses  juges  ;  quant  à 

nesie  dénouement  de  cette  entreprise  témé- 
raire. La  froideur  de  cet  accueil  détermine 
Murât  îi  précipiter  sa  marche  vers  Monteleone, 
grande  ville  et  capitale  de  la  province,  qu'il 
espérait  trouver  prête  à  le  recevoir.  Alais  il  \ 
avait  à  Pizzo  un  capitaine  Trentacapilli  et  un 
agent  du  «lue  de  l'Infantado  ,  dévoues  tous 
deux  à  la  maison  dd  Bourbon;  l'un  par  opinion 
et  par  sentimeat ,  l'autre  par  d'anciens  ser- 
\  ices.  Ils  réunissent  en  toute  hâte  des  hom- 
mes de  leur  parti ,  se  mettent  à  la  poursuite 
de  Joachiiu,  l'atteignent,  et  font  sur  sa  petite 
troupe  et  sur  lui  une  décharge  do  coups  de 
fusil.  Murât  s'arrête  ,  et ,  au  lieu  de  leur  ré- 
pondre sur  le  même  ton  ,  les  salue  pour  les 
attirer  sous  son  drapeau.  Mais  cette  généro- 
sité donne  du  cœur  aux  plus  lâches  ;  une  nou- 
velle décharge  tue  le  capitaine  Moltedo  et 
blesse  le  lieutenant  Pernice  ;  les  autres  se  dis- 
•  posent  à  combattre  ;  mais  l'ex-roi  le  leur  dé- 
fend, et  relève  de  sa  main  leurs  armes  diri- 
gées sur  l'ennemi.  Cependant  la  foule augnien 
tait;  des  gens  armés  couraient  la  campagn 
et  liarraient  le  chemin  •.miUftseiraite possible 
.-,1  ce  n'est  par  la  mer,  et  encore  fallait-il  pas 
ser  par  dessus  des  crêtes  de  hiontagncs.  Ce- 
pendant Murât  s'élance  de  ce  côté ,  et  anKc 
sur  le  rivage;  mais  il  voit  le  navire  qui  l'avait 
apporté  gagner  le  large.  Alors  il  appelle  de 
toutes  ses  forces  Batbara,  Barbara  (c'était  Ir 
nom  du  capitaine)  :  celui-ci  l'entend,  mai- 
s'éloigne  au  plus  vile  pour  rester  en  posses- 
sion des  sommes'  considérables  et  autres  ri- 
chesses que  portait  le  navire  :  ce  qui  était 
.'i-la-fois  un  vol  et  le  comble  de  l'ingratitude. 
Joachim,  régnant  à  Naples,  avait  tiré  ce  misé- 
rable du  métier  de  corsaire ,  et,  quoique  Mal- 
tais, l'avait  fait  entrer  dans  sa  marine,  et  en 
peu  de  temps  élevé  au  rang  de  capitaine  de 
frégate,  avec  les  titres  successifs  de  clu^valicr 
et  de  baron.  Privé  de  cette'  ressource,  et  sans 
espoir  du  côté  de  Barbara,  il  essaie  de  pous- 
ser dans  la  mer  une  petite  barque  laissée  sur 
la  plage  ;  mais  la  force  lui  manque  à  lui  et  à 
sr»  compagnons,  et  pendant  qu'il  s'épuise  on 
%ains  efforts,  survient  TrenlacapiHi  avec  la 
foule  d'hommes  armés  qui  l'avaient  suivi  ;  ils 
entourent  Mural,  se  saisissent  de  lui,  lui  ai 
radient  les  bijoux  qu'il  i^rtait  sur  son  vh.- 
peau  et  sur  sa  poitrine ,  le  blessent  au  visai;. 
l'accablent  d'outrages  cl  de  mauvais  train 
mcnts.  Ce  fui  sans  doute  le  moment  le  pin- 
cruel  de  sa  vie  et  la  plus  grande  rigueur  d. 
la  fortune  ;  car  les  insultes  d'une  vile  popu- 
lace sont  pinis  que  la  mort.  Ils  remmenèrcni 
dans  cet  état,  et  l'incarcérèrent  dans  le  petit 
château  de  Pi7,io,  avec  ceux  de  ses  conflin- 
gnons  qu'ils  avaient  faits  prisonniers  et  mal- 
traités de  la  même  manière.  La  renommée 


MU) 


4«|||dici»  ,   on  peut  aâsurer,  àèi  au- 
sjpurdhui,  qu'il    fut   digne   d'éloge. 


d'ai 


7.iO, 


la    !  1  .;iu-,.i./iii    .1   ;    aj...... 

géh  lUe.  commandant  des  Cala- 

bn  ~  aussiioi  sur  les  lieux  le  capi- 

taine Siraui  et  quelques  soldats.  Arrivé  à 
Pitio,  Stratti  se  rendit  au  rliâtean,  et  se  mil 
eu  devoir  de  di'-  iers, 

ne  croyant  pa^  ''  du 

nombre.  Après  u     ..    -,   il 

passa  au  troisième  prisonnier,  et  lui  deniand;t 
le  sien  :  ccltii-ci  répondit  :  •  Joacbim  Murât , 
roi  -  •  Ces  mots  fmppèrent  le  capi- 

tal tonnenient  et  de  respect;  il 

bai»bd  ics  jruA  ,  invita  celui  ''■•■  '  -  -"^■'  pro- 
{loocés  %)passer  dans  un   '  plu-« 

con\enal)Te,  eut  pour  lui  qu'    ;  liions 

bi' •  et  alla  jusqu'à  lui   donner  lo 

tit;  .  Niinxiante.  qi»  l'avait  suivi 

de  pr»;»,  arii\.i  -  '  "   ■•  res- 

pectueuseiucni  .>  ;  jU'- 

ses  besoins.  Ce  -  ,   allant 

la  courte ca|Éi^  ni,  ses  devoirs  de 

fidélité  envers  .■  i  légiiiinc  avec  le 

respect  dû  à  la  liautt  lufui  lujie  de  Murau  Le 
gouvernement  reçut,  par  le  télûgraplre  et  par 
,  un  courrier,  les  nouvelles  de  Pizzo.  Le  roi  et 
les  ministres  frémirent  à  l'idée  du  danger 
qu'ils  avaient  couru.  Aux  premiers  sentiments 
se  mêlèrent  aussitôt ,  dans  quelques  esprits , 
de  vieilles  haines  et  des  désirs  de  vengeance. 
On  voulut  jeter  en  prison  les  muratistes  les 
plus  connus  : 'on  se  borna,  pour  le  moment, 
à  envoyer  dans  les  provinces  et  en  Calabre  , 
av^  des  pouvoirs  illimités,  le  prince  de  Ca- 
nosa  ;  on  doubla  les  gardes  du  palais,  et  on 
prit  toutes  sortes  de  précautions.  Mais  ces 
inquiétudes  ne  devaient  pas  survivre  à  Li 
niort  de  Murât  :  on  le  savait  bien ,  et  l'on  prit 
tous  les  moyens  d'arriver  à  ce  but.  L'ordre 
fut  transmis  par  le  télégraphe  et  par  courrier. 
Cn  tribunal  militaire  dut  juger  l'ex-roi  com- 
me ennemi  public.  Pendant  ce  temps, Murât, 
prisonnier  au  château  de  Pi/.zo,  ttait  dans  la 
plus  parfaite  sécurité ,  soignant  sa  per- 
sonne comme  à  l'ordinaire  ,  et  causant  avec 
Nimziante,  à  qui  il  disait  qn'im  arrange- 
ment n'était  pas  di£Bcile:  que  Ferdinand  n'a- 
vait ^'à  lui  céder  le  royaume  de  Naples  ,  et 
qu'il  lui  abandoimerah  la  Sicile.  11  en  était  là 
quand  l'ordni  fatal  vint.  C'était  dans  la  nuit 
du  12  octobre  que  la  résolution  avait  été  prise. 
On'twmma  sept  juges,  trois  desquels,  ainsi  que 
le  procureur  du  roi,  étaient  de  ceux  qtie  Mu- 
rat,  pendant  son  règne,  avait  tirés  de  la  poiLs- 
sière,  et  qu'il  avait  comblés  de  biens  et  d'hon- 
neurs. Le  tribunal  se  réunit  dans  une  salle 
du  château  ,  lorsque  l'ex-roi  donnait  encore 
dans  une  autre  salle  voiùne.  Jl  était  jour 


MiiD  393 

Fidèle  à  ses  devoirs  .  il  se  mon- 
tra conséquent  avec  ses  principes  et 

quand  Nimziante  entra  ;  mais,  par  pitié ,  il  ne 
voulut  pa3  l■é^eiller,  et  il  attendit  auprès  de 
son  lit.  Muratouvrit  enfi"  i"~  w-nv  .-t  alors 
le  général  lui  dit,  d'un  ;  le  gou- 

vernement avait  dono'-  le  faire 

juger  par  un  tribunal  miliLuic.  •  £b  bien  ! 
répondit  Murât ,  je  suis  perdu  ;  c'est  tm  arrêt 
denMMt.  >  Une  lanne  obscurcit  ses  Teox:  mais, 
rougissant  de  sa  bibiesse,  il  la  dévora,  etde- 
manda  »i  on  lui  permeurait  d'écrire  à  sa 
femme.  Nuniiante ,  trop  ému ,  et  incapable 
de  proDoncer  un  mot .  n^pondlt  par  un  si- 
gne afiinnatif;  su;  ":  nvit  à  «a 
femme,  coupa  en  icles  de 

ses  cheveux,  et  !i      ;—..    le  papier 

qu'il  remit  et  recommanda  au  général  Nim- 
ziante.  Le  capitaine  Stratace,  nonuué  son 
défenseur,  se  présenta  pour  lui  anuoDcer  le 
douloureux  oCTice  dont  ou  l'avait  chargé  au- 
près de  ses  juges.  «M"  '  r  '  répondit 
Murât,  il»  ne  sont  pas  i  -ont mes 

sujets:  les  rois  ne  soin  ,  ,  :.<bles  de 
simples  particuliers  ;  ils  n'ont  d'autres  juges 
que  les  peuples  et  Dieu. . . .  •  Cependant  Stra- 
tace insistait  poiu*  qu'il  se  laissât  défendre. 
Joachim  reprit  d'un  air  déterminé  :  «Vous  ne 
pouvci  pas  sauver  ma  vie  ;  faites  au  moins 
que  je  sauve  mon  hoimeur  de  roL  II  n'est  pas 
question  ici  de  méjuger,  mais  de  me  con- 
damner; ceux  qu'on  appelle  mes  juges  ne 
sont  que  des  bourreaux  ;  vous  ne  parlerei  pas 
pour  ma  défense,  je  ne  le  veux  pas.  •  Le  dé- 
fenseur se  retira  Uistement,  et  laissa  entrer 
le  Juge  chargé  de  Pinstruciion  du  procès. 
C^ii-ci  demanda ,  selon  l'usage ,  le  nom  du 
prisonnier,  et  allait  ajouter  quelque  chose, 
quand  Joachim  lui  coupa  brusquement  la  pa- 
role ,  en  disant .  t  Je  suis  Joachim ,  roi  des 
Deux-Siciles,  et  le  vôtre.  Sortez,  délivrez -moi 
de  votre  présence.  •  Resté  seul,  la  tête  iucli- 
riée  vers  la  terre ,  et  les  bras  croisés  sur  la 
poitrine  ;  il  avait  les  yeux  fixés  sur  les  por- 
traits de  sa  famille ,  et  ne  pouvait  les  en  déta- 
clier.  A  ses  fréquents  souvenirs,  à  sa  profonde 
tristesse ,  on  sentait  qu'une  pensée  affreuse 
pesait  sur  son  coeur.  Le  capitaine  Stratti,  son 
bienveillant  gardien,  le  trouva  dans  cette  at- 
titude, et  n'osait  lui  adresser  la  parole  ;  mais 
Joachim  lui  dit  :  •  A  Pizzo,  on  se  réjouit  de 
mes  malheurs  (  il  le  savait  ou  le  supposait] , 
et  qu'ai-je  donc  fait  aux  Napolitains  pour  avoir 
en  eux  des  ennemis?..  Capitaine  Stratti,  re- 
prit-il ensuite  ,  j'ai  besoin  d'être  seul;  je 
vous  remercie  de  l'affection  que  vous  me 
montrez  dans  mon  malheur,  et  je  ne  puis  vous 
en  témoigner  autrement  ma  reconnaissance , 
scivez  hem-eux.  »  Joachim  se  tut,  et  le  capi- 
taine Stratti  s'éloigna ,  les  larmes  aux  yeux , 
pour  le  laisser  seul.  Murât  ne  coiuiaissait  pas 


394 


MED 


les  actes  de  sa  vie  passée  ;  lui,  au 
moins,  n'avait  jamais  été  le  courtisan 
du  malheui-eux  Joachin».  Après  le 
retour  de  Ferdinand  à  Naples,  Mé- 
dicis,  appelé  au  ministère  des  finan- 
ces, s'occupa  de  les  réorganiser.  Fer- 
dinand avait  contracté  de  grandes 
obligations  par  son  adhésion  aux 
actes  du  congrès  de  Vienne;  il  devait  à 
l'Autriche  vingt-six  millions  de  francs, 
pour  prix  de  sa  conquête  ;  cinq  mil- 
lions au  prince  Eugène,  à  titre  d'in- 
demnité; neuf  raillions  à  des  diplo- 
mates influents  du  congrès,  à  titre  de 


encore  son  arrêt,  quand  le  prêtre  Masdea  en- 
tra peu  après  dans  sa  chambre.  «  Sire ,  lui 
dit  cet  ecclésiastique ,  c'est  la  seconde  fois 
que  je  parle  à  votre  majesté  :  lorsqu'elle  est 
venue  à  Pizzo,  il  y  a  cinq  ans  ,  je  lui  ai  de- 
mandé un  secours  pour  terminer  les  cons- 
tructions de  notre  église ,  et  V.  M.  m'a  donné 
plus  que  je  n'avais  osé  l'espérer.  Ma  voix  n'est 
donc  pas  malheureuse  auprès  d'elle  ;  et  au- 
jourd'hui, j'ai  l'assurance  qu'elle  écoutera  mes 
prières ,  qui  n'ont  d'autre  but  que  le  repos 
éternel  de  son  âme.»  Joachim  accomplit  alors, 
avec  résignation ,  tous  ses  devoirs  de  chré- 
tien ,  et,  sur  la  demande  de  Masdea ,  écrivit 
en  français  :  «  Je  déclare  mourir  en  bon  chré- 
tien. J.  M.  »  Tandis  que  ces  scènes  touchan- 
tes se  passaient  dans  une  pièce  du  château , 
le  tribunal    militaire  accomplissait  sa  gais- 
sion,  dans  une  autre  salle    en  déclarant   que 
0  Joachim  Murât ,  replacé  par  la  fortune  des 
armes  dans  la  condition  de  simple  particu- 
lier, où  il  était  né ,  avait  formé ,  avec  vingt- 
huit  complices  ,  une   entreprise  téméraire , 
comptant,  non  plus  sur  la  guerre,  mais  sur 
la  sédition;  qu'il  avait  excité  le  peuple  à  la 
révolte ,  attaqué  le  souverain  légitime ,  tenté 
de  bouleverser  le  royaume  et  l'Italie  :  qu'à 
ces  causes,  ennemi  public,  il  était  condaumé 
à  mort ,  en  vertu  d'une  loi  rendue  pendant 
l'occupation  décennale.  »  C'était  Murât  lui- 
même  qui  avait  rendu,  sept  ans  auparavant , 
cette  loi  invoquée  contre  lui.  Le  prisonnier 
entendit  froidement  cette  sentence.  Conduit 
aussitôt  dans  une  petite  cour  du  château ,  il 
y  trouva  une  compagnie  de  soldats,  en  ligne 
sur  deux  rangs.  On  voulait   lui  bander  les 
yeux,  il  s'y  refusa,  envisagea  d'un  œil  serein 
tout  cet  appareil  de  mort,  se  mil  en  position, 
présenta    sa   poitrine ,  et  dit  aux  soldats  : 
«  Épargnez  le  visage,  lirez  au  cœur,  o  II  toni- 
ha  mort  à  la  première  décharge,  tenant  serrés 
dans  la  main  les  portraits  de  sa  famille.  On 
les  ensevelit  avec  ses  restes. 


ÀfÉt) 

gratifications  et  comme  témoignage 
de  reconnaissance,  ou  même  comme 
prix  convenu  de  leurs  suffrages,  il 
fallait  pourvoir  à  l'entretien  de  l'armée 
autrichienne,  de  l'armée  sicilienne 
qui  avait  suivi  le  roi,  et  des  débris 
de  celle  de  Murât.  Les  émigrés  vou- 
laient des  récompenses,  les  victimes 
de  leur  fidélité  à  l'intérieur,  pendant 
l'occupation  française,  demandaient 
du  pain ,  et ,  comme  toujours ,  les 
courtisans  étaient  avides  de  faveurs 
et  de  richesses.  Médicis,  gfjjfce  à  ses 
habitudes  d'économie,  pourvut  à 
tout,  et  les  fonds  publics,  qui  étaient 
tombés  à  40,  s'élevèrent  à  1 00,  au  bout 
de  trois  mois.  Il  est  cependant  trois 
actes  de  son  administration  qui  ont 
prêté  à  la  critique.  Ce  sont  :  la  resti- 
tution aux  émigrés  des  biens  même 
vendus  :  la  révocation  de  l'impôt  des 
patentes,  qui  était  une  source  abon- 
dante de  revenus  pour  le  trésor;  et 
enfin  l'impôt  exorbitant  dont  il  frap- 
pa les  livres  étrangers.  Cette  der- 
nière mesure  excita  les  clameurs  des 
libraires,  qui  envoyèrent  au  ministre 
une  députation  pour  lui  représenter 
combien  le  nouvel  impôt  était  con- 
traire même  aux  intérêts  du  trésor. 
Médicis  qui,  sans  doute,  ne  voulait  pas 
découvrir  le  fond  de  sa  pensée,  se 
débarrassa  d'eux  p?r  ce  singulier  di- 
lemme :  «  Les  livres  sont,  ou  bons,  ou 
«  mauvais  :  s'ils  sont  bons,  on  ne  sau- 
.<  rait  les  payer  (top  cher;  et,  s'ils  sont 
«  mauvais,  il  faut  les  empêcher  d'en- 
«  trer.  »  Il  est  juste  cependant  dédire 
que,  pendant  son  administration,  le 
nombre  des  Imprirrteries  s'accrut  rapi- 
dement dans  le  royaume  ;  la  ville  de 
Naples  en  acquit  à  elle  seule  quatorze 
nouvelles  dans  l'espace  de  quelques 
années.  En  1818,  Médicis  se  rendit  à 
Tcrracine,  chargé  de  régli  f  les  con- 
dition» d'un  concordat  entre  la  colir 
de  Rbme  Bt  le  gouvernement  napo- 


MED 

litain.  Il  montra  tant  de  fermeté  dans 
ses  négociations  avec  le  cardinal  Con- 
salvi,  que  celui-ci  céda  sur  plusieurs 
points  en  litige,  et  le  concordat  fut 
signé   le     16   février  1818.    Revenu 
à  Naples,    il  mit   en  vigueur  le  sys- 
tème monétaire  qu'il  avait  déjà  ébau- 
ché en    1805.   La  nouvelle  loi,  pro- 
mulguée  le  20    avril    1818,   établit 
l'argeut   comme  base  de  toute  ti-an- 
saction  financière  et  fit,  par  consé- 
quent, hausser  le  prix  des  eifets  pu- 
blics. A   cette    époque,    les    bagnes 
regorgeaient   de   criminels;    Médicis 
conclut  mi  traité    avec   la   cour   du 
Brésil,  par  lequel  le  gouvernement 
napolitain    remit  à  celai  de  Rio-Ja- 
neiro  2000  galériens,  pour  les  em- 
ployer comme   bon   lui    semblerait. 
Plusieurs  améliorations  proposées  par 
ce  ministre  ne  purent  être  développées 
que  lentement,  en  Sicile  surtout,  oii 
les  privilèges   de  la   noblesse  et  du 
clergé    leur    opposaient    de    grands 
obstacles.  Un  nouvel   impôt  foncier 
(fundaria)  qu'il  intioduisit  rencontra 
beaucoup   d'opposition.    Au    mécon- 
tentement du  peuple,   accru   encore 
par  les  mesures  de  rigueur  que  pre- 
nait le  prince  de  Canosa,  ministi-e  de 
la  police,  se  joignit  bientôt  celui  de 
l'armée,   à   laquelle  le  général  Ju- 
gent  venait  d'imposer   le  règlement 
autiichien,   et  la   révolution   éclata. 
Médicis    n'avait    jusque-là    professé 
que  du  mépris  pour  toutes  les  sectes 
maçonniques;  il  s'était  contenté,  étant 
ministre  de  la  police,   de  faiie  en- 
fermer les    plus   fougueux  dans  des 
rnàisons  de  fous,  et  il  avait  toujours 
représenté  au   roi    le  carbonarisme 
ctitpme   un    enfantillage.    Après    les 
^V^ements  de  ISola ,    ou  plutôt  de 
Mohteforte,    et   le    progrès    toujours 
croissant  de  F  insurrection,  Médicis  et 
Nugent  conseillèrent  à  Ferdinand  de 
s'embarquer    avec    sa    fainille,    pour 


MÉD 


395 


lAdriatique,  et  de  revenir  à  la  tête 
d'une  armée  autrichienne,   qui  réta- 
blirait l'ancien  oi-dre  de  choses.  Le 
roi  parut  d'abord  céder  à  leurs  con- 
seils,   mais    gagné    ensuite    par    les 
prières  de  son  fils,  le  duc  de  Calabre, 
il  se  décida  à  i  ester.  Alors  Médicis 
eut  le  tort  de  donner  sa  démission  ; 
aussi  Ferdinand  ne  lui  pardonna-t-nil 
jamais  de  l'avoir  abandonné  dans  ces 
pénibles  conjonctures.  L'ex-ministie 
vivait  à  Naples,  fort  retiré,  lorsqu'il 
apprit  que  les  carbonari,  dans  un  con- 
ciliabule nocturne,  avaient  décide  la 
mort  d'un  grand  nombre  de  person- 
nages importants.  On  faisait  courir 
plusieurs  listes  de  proscription,  et  pres- 
que toutes  portaient  à  leur  tête  le  nom 
de  Médici*.  Celui-ci,  effrayé,  se  sauva 
par  mer,  à  Cività-Vecchia,  et  de  là  se 
rendit  à  Rome.  La  fuite  d'un  homme 
aussi  influent,  ne  contribua  pas  peu 
à  jeter  du  discrédit  sur  la  révolution 
napolitaine,    auprès   des    puissances 
étrangères.  Après  un  séjour  de  qud- 
qnes  mois  dans  la  capitale  du  monde 
chrétien,  Médicis  partit  pour  Paris. 
S' étant  présenté,  un  matin,  au  lever 
de  Louis  XVllI,  il  resta   confondu 
dans  la  foule  des  couilisans,  et  sortit 
sans  avoir  été  remarqué.  Mais  le  mo- 
narque, ayant  été  averti,  le  fit  venir 
auprès  de  lui,  et  s'excusa  ainsi  de  son 
oubli  involontaire  -.  »  Il  n'est  pas  éton- 
«  nant  que  je  ne  vous  aie  point  aper- 
»  çu,  car,  vous  le  savez  bien,  cheva- 
»  Uer,  les  rois  souvent  sont  aveugles.  • 
Sur  les  instances  du  prince  de  Metter- 
nich,  Médicis  revint  à  Rome,  où  Fer- 
dinand se  trouvait.  IMais  ce  prince  lui 
gardait  rancune,  et  refusa  de  le  voir  ; 
ce  qui  l'affecta  beaucoup,  et  l'empêcha 
d'entrer  dans  une  nouvelle  combinai- 
son ministérielle.  Cependant  les  der- 
niers événements  avaient  jeté  le  plus 
grand  désordre  dans  les  finances.  Un 
emprunt  devenant  indispensable,  on 


396 


MED 


s'adressa  au  banquier  Rothschild,  qui, 
manquant  de  confiance  dans  l'habileté 
des  hommes  alors  investis  du  pou- 
voir, s'y  refusa  positivement.  Le  roi  fut 
ainsi  force  de  renouveler  le  ministère, 
et  malgré  son  antipathie  pour  Médicis, 
il  l'appela  au  département  des  finan- 
ces. Le  banquier,  rassuré  sur  l'admi- 
nistration des  deniers  publics,  prêta  la 
somme  demandée.  Quand  Ferdinand, 
accompagné  du  prince  Alvaro  Eufo, 
se  rendit  à  Vérone,  et  de  là  à  Vienne, 
Médicis  fut  nommé  président  du  con- 
seil des  ministres,  et  conclut,  au  mois 
de  février  1824,  avec  la  maison  Roth- 
schild, un  nouvel  emprunt  de  2  mil- 
lions et  demi  sterling,  somme  qui  fut 
hypothéquée  sur  le  produit  des  doua- 
nes et  autres  impôts  indirects'.  Après 
la  mort  du  marquis  de  Circello,  il 
cumula  trois  ministères,  les  finan- 
ces, les  affaii'es  étrangères  et  la  po- 
lice. Il  conserva  son  poste  éminent 
sous  le  règne  de  François  l",  et  con- 
tribua beaucoup  à  délivrer  le  royaume 
de  l'occupation  autrichienne.  Lorsque 
ce  prince  conduisit ,  à  Madrid ,  sa 
fille  Marie-Christine,  qui  allait  épou- 
ser Ferdinand  VII,  Médicis  l'y  suivit. 
Ce  voyage  aevait  lui  être  fatal.  Le  24 
janvier  1830,  après  s'être  livré  à  un 
travail  pressé  pour  expédier  des  cour- 
riers, il  fut  obligé  de  se  metfrc  au 
lit,  et  le  lendemain  il  n'existait  plus. 
Comme  il  avait  eu  quelques  temps 
auparavant  la  visite  d'un  membre  de 
l'inquisition,  à  laquelle  il  s'était  ren- 
du odieux,  par  les  conseils  de  réfor- 
mes qu'il  avait  donnés  au  roi  d'Espa- 
gne, les  journaux  de  l'opposition  li- 
bérale firent  courir  le  bruit  d'un  em- 
poisonnemcnl.  Mais  la  <!ausc  réelle  de 
sa  mort  fiit  la  rigueur  insolite  do  la 
saison,  qui  aggrava  un  asthme  dont 
il  soufiVait  depuis  vingt  ans.  Cette 
nouvelle  produisit  à  Naplcs  une  sen- 
sation profonde,  rt    Kf   baisser    subl- 


MED 

teraent  le  cours  des  effets  pubUct.. 
François  P'  n'était  pas  fort  attache 
à  Médicis,  mais  il  rendait  justice  à 
ses  talents,  et  il  suivait  aveuglément 
ses  conseils.  «  J'ai  perdu,  dit-il  en 
»  apprenant  la  mort  de  son  ministre, 
«  le  seul  conseiller  qui  pût  rétablir 
«  l'ordre  dans  les  finances.  »  Le 
corps  de  Médicis  fut  embaumé  et 
transporté  à  Naples,  où  ses  funé- 
railles furent  célébrées  avec  la  plus 
grande  pompe.  Voici  le  portrait  qu'a 
tracé,  de  ce  ministre,  un  journal  napo- 
litain :  "Doué  par  la  nature  d'une  in- 
«  telligence  vive  et  prompte,  il  avait 
«  encore  accru  cette  qualité  par  une 
'<  longue  expérience  des  affaires.  Re- 
«  cherchant,  avant  tout,  l'utilité,  il 
"  préférait  le  solide  au  brillant.  Son 
«  expression  était  nette  et  précise 
«  comme  ses  pensées.  L'habitude  du 
«  commandement  s'était  si  bien  con- 
«  vertie  en  lui,  en  nature,  que  dans 
•<  sa  bouche,  le  commandement  pér- 
it dait  tout  ce  que  d'ordinaii'e  il  a 
«  d'âpre  et  de  sévère.  La  simplicité 
«  de  ses  manièies  était  telle  que,  qui 
«  ne  l'eût  pas  vu  revêtu  des  insignes 
«  de  ses  fonctions,  ou  entendu  parler 
«  des  grandes  affaires  qu'il  traitait,  ne 
«  l'aurait  pris  que  pour  un  homme 
«  ordinaire.  Sûr  de  sa  gloire  future, 
«  il  s'inquiétait  peu  de  l'approbation 
«  du  temps  présent,  et  méprisait  la 
«  louange  aussi  bien  que  la  calom- 
"  nie.  Il  vécut  célibataire,  aimant  vi- 
i<  vement  sa  famille,  affectueux  avoe 
«  ses  pi'ochcs,  généreux  envers  .«;e> 
«  serviteurç.  Quel  que  soit  le  juge 
"  ment  que  la  postérité  porte  à  son 
«  égard,  elle  ne  poiura  lui  refuser 
«  une  place  distinguée  parmi  les  nii 
.'  nistres  qui  oiU  mérité  de  vivre  dan 
X  les  annales  de  notre  monarchi^',  ei 
«  dans  celles  de  tputcs  les  natipn|  ci 
«  vîlisées.  «  —  MlÎDicis  (Camille  ac). 

nrobalilenirnl    de     la     même    famille 

iT.iit. 


MED 

que  le  précédent,  était  avocat,  à 
Naples,  dans  le  XVII*  siècle,  et  publia 
deux  ouvrages  de  droit,  intitulés:  l'un 
Juris  responsa,  l'autre  de  la  Jundic- 
lion  royale,  en  italien,  1  vol.  in-S". 
A— Y. 
MEDEXA  de  Medinilla  (Pedro 
ue),  poète  espagnol  du  XVI'  siècle, 
sur  lequel  on  n'a  que  des  renseigne- 
ments incomplets.  Madrid  et  Séville 
se  disputent  l'honneur  de  lui  avoir 
donné  le  jour  ;  mais  Lope  de  Vega  , 
son  ami  le  plus  intime,  lui  ayant  , 
dans  son  Laurel  de  Apollo,  donne 
le  titre  de  Sevîlan,  il  semble  qu'un 
pareil  témoignage  devrait  suffire  pour 
fixer  le  lieu  de  sa  naissance.  Engagé 
dans  ïa  profession  des  armes,  Médina 
Fut  envoyé  dans  les  colonies  espagno- 
les de  l'Amérique.  Son  départ ,  que 
Lope  a  déploré  dans  une  pièce  de 
vers  très-touchante,  et  la  vie  aventu- 
reuse qu'il  mena  depuis,  l'empêchè- 
rent de  tiavailler  à  des  productions 
de  longue  haleine,  et  même  de  re- 
cueillir ses  ouvrages  qui  sont  épars 
dans  diverses  collections.  Sa  compo- 
sition la  plus  célèbre  est  VÉglogue^ 
sur  la  mort  d'Isabelle  de  Trbina  , 
la  première  femme  de  Lope.  Cette 
pièce,  réimprimée  ^ans  le  Pamaso  es- 
panol,  VII,  133,  suffit  pour  donner 
à  son  auteur  une  place  distinguée 
parmi  les  poètes  de  sa  nation.  — Me- 
DiXA  (SalvadoT-Jacinlo-Polo  dej,  poète 
espagnol,  naî|uit  à  Murcie,  dans  les 
premières  armées  du  XVII'  siècle. 
Son  penchant  l'entraîna  de  bonne 
heure  vers  la  poésie  ;  et  quoiqu'il 
ait  vécu  dans  un  temps  peu  favorable 
à  la  littérature,  il  n'a  pas  laissé  de  se 
faire  une  assez  grande  réputation. 
Mediha  n'est  pas  un  poète  du  pre- 
mier, ni  même  du  second  ordre  ;  mais 
il  avait  un  talent  très-remarquable 
pour  la  poésie  badine  (Pamaso  espa- 
tiol,  ni,    24).   On    conjecture' qu'il 


MED 


397 


mourut  vers  1660.  Ses  ouvrages  sont  : 
l.  Las  academîas  del  jardin. — ;  El 
buen  hiimor  de  las  musas.  —  Fabula 
de  Apollo  y  Dafne. — Fabula  de  Pan, 
y  Sy  ring  a,  Madrid,  1630,  in-8°.  Un 
choix  des  pièces  qui  composent  ce 
volume,  a  été  publié  par  Josepn  M- 
fues  sous  ce  titre  :  Bureo  de  las  mu- 
sas, ibid.,16a9.  L'éditeur  du  Pamaso 
espanol  en  a  tiré  la  Fable  d'Apollon 
et  Daphné  en  vers  burlesques  et 
quelques  épigrammes  quil  compare 
aux  meilleures  pièces  eu  ce  genre 
des  anciens  et  des  modernes.  II. 
Gobierno  moral  o  Lelio ,  Murcie, 
1656,  in-S";  c'est  une  suite  de  douze 
discours.  Les  œuvres  de  Médina  ,  en 
prosa  Y  en  verso ,  ont  été  recueillies, 
Saragosse,  1664,  in-4'';  et  reproduites 
par  un  de  ses  admirateurs,  Madrid, 
1715,  in-4''.  Dans  la  préface  du  Go- 
bierno moral,  il  promettait  deux  au- 
tres ouvrages  qui  n'ont  point  paru  : 
Descanso  de  las  veras;  et  Irène  y  Carlos 
(voir  la  Biblioth,  hisp.  nova  de  Nicol. 
Antonio).  W — s. 

MEDINILLA  (BiLTHAZ  AR-EUSIO), 

poète  espagnol,  naquit  en  1585,  à 
Tolède.  Disciple  du  célèbre  Lope  de 
Vega,  il  est  comparable  à  son  maître 
par  l'érudition  et  la  pureté  du  style- 
Son  épîtie  à  Lope ,  sur  les  agréments 
que  la  campagne  offre  aux  poètes,  est 
un  chef-d'œuvre  d'élégance  et  de 
simplicité.  Medinilla  serait  devenu  l'un 
des  premiers  écrivains  de  sa  natiori  s'il 
eût  poussé  plus  loin  sa  canière ;  mais 
une  mort,  qui  paraît  avoir  été  tragi- 
que, l'enleva  lorsqu'il  avait  à  peine  32 
ans.  Lope  a  consacré,  dans  le  Laurel 
d' Apollo,  le  souvenir  de  son  disciple; 
et  a  déploré  sa  mort  dans  une  tou- 
chante élégie.  Cette  pièce  se  trouve  à 
la  suite  de  l'épître  de  Medinilla,  dans 
les  éditions  récentes  des  œuvres  de 
Lope  ;  et  Sedano  les  a  recueillies 
dans  le  Pamaso  espanol,  IX,  354-68. 


398 


MED 


Les  critiques  citent  avec  éloge  le 
poème  de  Medinilla  sur  la  conception 
de  la  Vierge  .•  La  lîmpia  concepcion 
de  la  Virgen  nuestra  senora,  Madrid, 
1618,  in-S";  il  est  en  cinq  chants, 
distribués  par  octaves.  L'auteur  a  lais- 
si'lBMinuscrits  un  recueil  de  Rimas  y 
■prosas,  in-4",  et  un  Discurso  del  re- 
medio  de  las  cosas  de  Toledo,  in-fol. 
W— S. 
MEDJD  el  Daulah.  Voy.  Mawj- 

EdD ALLAH,  XX VT,  94. 

MEDOWS  (sir  William),  géné- 
ral anglais,  petit-fils  de  sir  Philippe 
Medows,  chevalier,  maréchal,  et  ne- 
veu du  dernier  duc  de  Kingston,  na- 
quit le  31  décembre  1738.  Son  frère 
aîné,  qui  prit  le  nom  de  famille 
de  Pierrepoint ,  fut  pair  d'Angleterre 
et  connu  sous  le  nom  de  lord  vicomte 
Nevyart.  Sir  William  Medows  entra 
d'abord  comme  enseigne,  en  1756, 
dans  le  5°'"  régiment,  et  obtint  une 
sous-lieutenance  l'année  suivante.  A- 
près  avoir  servi,  en  1758,  dans  une 
des  expéditions  contre  les  côtes  de 
France,  comme  aide-de-camp  de  lord 
Ancram,  il  fit  la  guerre  en  Allema- 
gne en  1760,  sous  les  ordres  du  prince 
Ferdinand  de  Brunswick  et  du  mar- 
quis de  Grandby,  et  s'y  distingua,  li 
servit  ensuite  en  Irlande,  comma 
capitaine  de  dragons  et  lieutenant-co- 
lonel. En  1775,  il  entra  dans  le  55« 
régiment  en  qualité  de  lieutenant-co- 
ipneï,  et  le  conduisit  eu  Amérique. 
Il  fit  preuve,  pendant  la  guerre  de 
l'indépendance,  d'un  grand  courage 
et  de  beaucoup  d'habileté,  surtout  à 
la  bataille  de  Ihandywiu  où  il  fut 
blessé.  Il  rentra  eu  1777  <lans  le  5' 
régiment,  et  obtint,  quelques  mois 
après,  le  grade  de  colonel  par  brevet. 
lit  France  ayant  pris  le  parti  des  in- 


surgés 


américains ,    le    colonel   Me- 


dows, devenu  bngadier-général,  fui 
envoyé  sous  le  major-général  Grant, 


Mî» 

pour  coopérer  à  une  attaque   contre 
les  îles  des  Indes-Occidentales.  Il  se 
fit  particulièrement  remarquer  à  la 
prise  de  l'île  de  Sainte-Lucie,    et  y 
fut  blessé.  Sa  conduite  lui  fit  accor- 
der, en  1780,  le  commandement  du 
89"  régiment.  Il  reçut  ordre  de  reve- 
nir en  Angleterre,  et  s'embarqua  avec 
le  Commodore  Johnston  pour  aller 
attaquer  le  cap  de  Pjonne-^Espérancc; 
mais   l'arrivée  du   bai^lli  de    Suflfren 
ayant  arrêté  l'exécution  de  cette  en- 
trepinse ,  une  partie  de  la  flotte  an- 
glaise se  rendit  dans  l'Inde,  où  le  gé- 
néral Medows  contribua  à  sauver  le 
Carnatic,   alors  attaqué  par  Tippoo- 
Saëb.  En  juin  1781 ,  il  fut  nommé 
major-général  dans  l'Inde,  et,  peu  a- 
près,  gouverneur  de  Madras  et  com- 
mandant en  chef  de  toutes  les  trou- 
pes de  cette  résidence.  Il  s'opposa  ;< 
toutes  les  entreprises  de  Tippoo  et 
les  déjoua  habilement.  Lord  Cornwal- 
lis,  ayant  été  promu  à  l'emploi  de 
gouverneur-général,    prit   en  menu- 
temps  le  commandement    de  toutes 
les  troupes,  ayant  Medows  pour  se- 
cond. En  mars  1791,  Cornwallis  r. 
solut  de  porter  le  théâtre  de  la  gueri  i 
sur  le  territoire  de  Tippoo  et  com- 
mença par  Tattaque  de  Bangalore.  Il 
fut  vivement  secondé    par  Medows. 
qui  s'ei^ipara  du  fort  de  Nundridoo}; 
après  être  monté  le  premier  à  l'assaut, 
et  servit  avec  sa  bravoure  accoutumée 
jusqn'à  la  cessation  des  hostilités,  le 
19  mars  1792.  A  cette  époque,  >Ic- 
dows  revint  en  Angleterre,  fut  fait 
lieutcnant-généi'»!  en  octobre  1793. 
avec  le  commandement  du  septicnu 
régiment  des  dragons  de  la  garde,  ou 
il  avait  d'abord  servi  comme  capitaiiu 
et  comme  major.  En  juin  1801,  il  sur 
céda  au  marquis  de  Cornwallis  dans 
la  vice-royauté  d'Irlande,  et  fut  nom- 
mé membre  du  Conseil  privé  de  S.  M. 
Il  conserva  peu  de  temps  cet  emploi, 


MEE 

dans  lequel  il  fut  remplacé  par  le 
général  Fox.  Medows  mourut  dans 
un  âge  avancé,  étant  gouverneur  de 
l'hôpital  de  Kilmainham  en  Irlande. 
D — T. — s. 
MEECKREEX  (Job  va»),  et  non 
Mekereen^  chirurgien  hollandais,  né 
dans  les  dernières  années  du  XVI' 
siècle ,  fut  chirurgien  de  l'hôpital  et 
de  l'amirauté  d'Amsterdam.  Il  inventa 
plusieurs  Instruments,  tels  que  le  se- 
ringotome,  l'aiguille  cannelée,  et  per- 
fectionna le  Iroicart,  instrument  qui 
sert  à  percer  loeil  plein  d'eau  ou  de 
pus.  Meeckreen  mourut  en  1660, 
après  avoir  formé  plusieurs  bons 
élèves.  Ce  médecin  avait  l'habitude  de 
consigner,  dans  un  journal  particulier 
les  résultats  de  toutes  ses  cures,  qui 
furent  imprimés  plusieurs  fois  après 
sa  mort,  sous  Ip  titre  d'Histoires  mé- 
dico-chirurgicales, en  hollandais,  Ams- 
terdam ,  1668 ,  ifi-^"  ;  en  latin,  par 
Abraham  Blasius,  1682,  in-S",  et  en 
allemand,  Nuremberg,  1775,  in-8''. 

Z. 
M£EX  (Saikt),  en  latin  Mevennus, 
que  la  légende  nomme  toujours  Co- 
nard-Méeiu,  et  que  les  Bas-Bretons  dé- 
signent aussi  sous  les  noms  de  saint 
Méven  et  de  saint  Neven ,  naquit 
dans  \ft.  province  de  Cambrie,  vers 
l'an  540.  Allié  de  saint  Samson,  il 
l'accompagna  en  Arraorique ,  et  prit 
part  à  tous  ses  Uavaux  évangéliques. 
On  croit  qu'après  la  mort  de  Sam- 
son,  il  continua  de  résider  dans  le  mo- 
nastère de  Dol,  et  qu'il  y  passa  un 
grand  nombre  d'années  dans  la  pra- 
tique des  vertus  religieuses.  Un  joui- 
qu'il  se  vendait  auprès  du  comte  de 
Vannes,  avec  lequel  il  avait  une  af- 
faire à  traiter,  il  lui  fallut  traverser 
une  grande  forêt  qui,  divisée  en  plu- 
sieurs cantpns,  forme  aujourd'hui  les 
forêts  particulières  de  Pain^pont,  de 
Brécilien,  de  la  Hardouinaie,  de  Lou- 


MEE 


399 


déac  et  de  la  Nouée.    Elle   séparait 
alors  la  Bretagne   en  deux  parties, 
dont  lune  se  nommait   le  pays  en 
deçà,  et  l'autre,   le  pays   au-delà  de 
la   forêt.    Méen    y   rencontra ,   non 
loin  du  bourg  de  Pacata  ,  un  riche 
seigneur,  nommé   Caduon,   proprié- 
taire de  presque  tout  le  canton.  Ce 
seigneur,  qui  lui  donna  l'hospitalité, 
passa  la  nuit  à  l'écouter;   le  lende- 
main, ne  pouvant  consentir  à  se  sépa- 
rer de  Méen,  dont  les  discoiu-s  l'a- 
vaient vivement  touché,  il  lui  oflFrit 
tous  ses  biens  pour  fonder  un  mo- 
nastère ,    à    la  condition  de  venir  le 
bâtir  et  l'habiter.  Méen  lui  promit  de 
satisfaire  ce  désir   si   ses  supérieurs 
n'y    mettaient  pas    obstacle.    Après 
avoir  heureusement  accompli  la  mis- 
sion qui  l'appelait  à  Vannes,  il  revint 
chez  Caduon,  qui  lui  fit  alors  dona- 
tion des  meilleures  terres  qu'il  possé- 
dait des  deux  côtés  de  la  rivière  de 
Meu,  terres  dont  la  réunion  formait 
une  seigneurie  nommée  Tre-Foss.  Le 
supérieur  du  monastère   de  Dol  ne 
consentit  qu'avec  beaucoup  de  peine 
à  se  séparer  de    Méen;  toutefois,   il 
le  laissa  partir  avec  quelques  religieux 
dont  il  le  nomma  abbe.  Caduon  n'é- 
pargna   rien   pour    l'aider    dans     la 
construction    d'une    église    et    d'un 
monastère ,     où     la    réputation    de 
sainteté  de  Méen  et  de   ses  compa- 
gnons   attira    assez     de     personnes 
pour    que    la    communauté    devînt 
promptement   nombreuse    et   floris- 
sante. Telle  fut,  vers  l'aa  600,  l'ori- 
ginp  de   l'abbaye  de   Saint-Jean-de- 
Gaël,  (Ile-et  Vilaine),  appelée  d'abord 
ainsi  parce  que  l'église  fut  dédiée  à 
Saint-Jean-Baptiste,  mais  nommée  de- 
puis   Saint-Méen,    du    nom    de   son 
premier  abbé.  Il  fallait  que  la  règle 
observée   dans   cette  maison  eût  lé- 
gitimé    sa    réputation    de    sainteté 
puisque,  dans  un   temps  où  la  Bre- 


400 


MEE 


tagne  renfermait  un  grand  nombre 
de   maisons  religieuses,   ce  fut  celle 
de  Saint-Méen  que  Judicaèl,  roi  de 
Bretagne ,  choisit  pour   sa   retrtiite , 
lorsqu'il  échangea  la  pourpre  contre 
le  cilice.  Les  actes  de  saint  Mëen  ren- 
ferment peu  de  détails  sur  la  vie  de 
cet  abbé;  mais  la  tradition  rapporte 
que,  comme  son  maître  Samson,  il  se 
soumit  aux  plus  rudes  austérités ,  et 
que,  comme  lui,  il  employait  le  jour 
à  catéchiser  le  peuple,  et  la  majeure 
partie  des  nuits  à  prier.  Il  fit  un  voya- 
ge à  Rome  pour  y  visiter  les  tom- 
beaux des  SS.  apôtres  ;  à  son  retour, 
il  passa  par  Angers,  où  il  prêcha.  Une 
dame  de  la  viUe,  édifiée  par  sa  parole, 
ou,  suivant  la  légende,  pénétrée  de 
reconnaissance  de  ce  qu'il  avait  chassé 
de  ses  terres  un  serpent  monstrueux, 
lui  fil   don  de    ses  terres,   oîi   Méen 
fonda  un  monastère  qu'il  peupla  de 
religieux  tirés  de  celui  de  Saint- Jean - 
de-Gaël.  Ce  nouveau  monastère,  sitité 
en  Anjou,  est  appelé  dans  la  légende 
Monopalium   ou    Monopahn.  Depuis 
cette  époque,  saint  Méen  résida  alter- 
nativement dans  les  deux  monastères; 
mais  le  plus  fréquemment  dans  relui 
deGaël,  où  il  mourut  le  21  juin  617. 
P.  L— T. 
MEER  (Jeas  Van  dêr)  le  jeûfte, 
peintre  et  graveur  né  à  Schoonhoîven 
en  1627,  fut  élève  de  Jean  Broers  et 
de    Berghem.    Un    voyage  en  Italie 
perfectionna    ses    talents.    Après    un 
séjour  prolongé  à  Home,  il  revint  dans 
sa  patrie,. où  il  épousa  une  jeune  veti- 
ve  fort  riche  qui  dirigeait  une  nla- 
nufacture  de  blanc  de  plomb  très-ac- 
créditée.   Ce    changement    d'état    et 
d'occupation  lui  fit  pendant  qirelque 
temps  négliger  son  ;irt;maissamaini- 
iacturc  ayant  été  détruite  et  sa  maison 
pillée  et  brûlée  pcndatit  la  guerre  de 
1672,  il   se  remit  à  ses  anciens  tra- 
vaux, et  son  talent  lu»  f'MUuit  desios- 


MEE 

sources   suffisantes  pour  réparer  en 
partie  ses  pertes.  Il  peignait  le  paysa- 
ge avec  un  succès  remarquable.  Les 
figures  et  les  animaux  dont  il  ornait 
ses  tableaux  étaient  touchés  avec  es- 
prit et  finesse ,  et  la  perfection   avei 
laquelle  il  peignait  les  moutons  l'avait 
placé  même  au-dessus  de  Berghem  , 
et  de  tous  les  peintres  ses  (Compatrio- 
tes. Mais  quelque  parfaits  que  soient 
ses  paysages,  on  estime  encorfe  plus 
ses  marines.  Sa  couleur  est  chaude  et 
brillante,  ses  tompositions  soniP  pi- 
quantes ,    et  le  seul  reproche  qu'on 
|)uisse  lui  faire,  c'est  d'avoir  quelque- 
lois  tenu  ses  fonds  trop  bleus,  t^omme 
graveur  à  l'eau-forte,  on  connaît  de 
lui  quatre    beaux  paysages    avec    </<".■ 
moutons    et   un   agneau   qui    tette   so 
mère,  pièce  marquée  J.  V.  der  Meci- 
(leJoughfecit,  1685,  d'une  exécution 
spirituelle  et  d'un  grand  effet.  Cet  ha- 
bile artiste  mourut  à  Harlem  en  1691. 
il  ne  faut  pas  le  confondre  avec  Fun 
lier  Meeu  le  fils,  et  un  autre  Jean  Fan 
der  Mp;er  ,   tous    deux  peintres,  mais 
d'un  talent  moins  distingué.  Ce  der- 
nier, néversfl66o,  fut  élève  de  Berg- 
hem, et  joignit  d'abord  à  d'hetireuses 
dispositions  im  tiavail' assidti  qui  lui 
mérita  de  la  vogue.  Il  épousa  alors  la 
sœur  de  Du  Sart;  mais,  quoique  ses 
ouvrages  fussent  recherchés  et  payés 
fort  cher,  son  incondnite  déthiisit  la 
fortune  que  lui  avaient  obtenue  st;s 
talents,  et  abrégea  ses  joiu\s.  Il  nion- 
rut  à  Harlem  dans  la  misère.  Ses  pre- 
miers paysages  sont  estimés  ;  ils  sont 
peints  d'une  manière   spirituelle ,  el 
ornes  de  figures  et  d'animaux  excHin- 
lés  atec  finesse.  Mai»  ses  derniers  ^a- 
hleatix  se  ressentent  de  son  genre  de 
\ie;  ils  sont  peints  avec  une  telle  pié- 
cipitation,  qu'on  les  croirait  d'un  autre 
maître.  Parmi  ses  meilleures  produc- 
tions on  cite  une  Vue  du  Rhin  qui  se 
trouve  :t  la  llavr.  P — s. 


NIEE 

MEERVELPTCH«w«»-ifc>,  boni- 
te de),  général  antrichien,  né  dans  la 
Westphalie,  en  1766,  entra,  dès  l'âge 
de  seize  ans,  au  service  de  lAutricUç, 
dans   le    régiment    des    dragons   de 
l'empereur,  avec  lequel  il fit^a  guern 
de  Turquie,    et   celle   des   Pays-Bas. 
Nommé  ensuite  lieuteTjant,  puis  ca- 
pitaine dans  les  hussards  de  Graeven, 
en  1787,  il   fut  attache   au  général 
Wartensleben,  coulrae  aide-de-camp . 
fit  la  seconde  campagne  avec  son  ré- 
giment, et  fut  souveiit  employé  dan^ 
(les  opérations  difficiles  et  périlleuses. 
S'étant  fait  remarquer  du  maréchal 
l^scy,  il  fut  désigné  pour  l'etat-major- 
généi-al,  ou  il  entra,  comme  major, 
en  1790,  et  ftu  attaché  en  cette  qualitt 
à  la  personne  diif  maréchal  Laudou. 
qui  commandait  larmec  autiichiennc 
en  Moravie.  I^  guerre  de  la   revolu- 
tion fi-ançaise  lui  fournil  une  occasion 
de  développer  ses  talents  ;  il  sei^it  d'a- 
bord comme  aide-dc-canip  du  prince 
ele  Cçbomg,  qui,  après  la  bataille  de 
Jemmapes,  le  chargea  d'une  juission 
auprès  de  Dumouriez,  en  apparence 
pour    V     convenir     d'mic     ligne    de 
i[uartiers  d'hiver,  mais  piobablement 
pour    d  autres   motifs.   Le    18    mar.-> 
1793,  Meerveldt   contribua    au  gain 
de  la  bataille  de  Nerwinde,  en  re- 
poussant,  avec    deux   bataillons,    les 
Français  qui  cherchaient  à  enfoncer 
l'aile  droite  de  l'armée  autrichienne, 
sur  la  route  de  Saint-Trond.   Envoie 
à  Vienne  jwur  p-orter  la  nouvelle  de 
cette  victoire,   il    fut  nommé  lieute- 
nant-colonel par  l'empereur.    A   aou 
retour,    le    pirince    dp    Cobourg   le 
chargea  d'alUx    presser   les  trpupe» 
alUëes  de  hâte.r  leur  marche.  Peu  de 
temps  après,    le  duc  d  York  l'ayanr 
demandé  au  p»  ince  de  Cobourg  pour 
f employer  auiprès  de  lui,  Meerveldt 
sut  par  sa  coi  iduite,   à  la  bataille  de 
Famars,  au  si  ége  de  Valenciennes  et 

LXXJH. 


M^ 


¥A 


dans  d'auti-es  occasions,  mériter  la  con- 
Ôjnce  du  général  de  l'armée  britan- 
nique, et  fut  envoyé  en  Angletareave» 
une  mission  importante.  Il  se  distin- 
gua encoie-  '  iL\  de  1  empereur, 
dans  la  cai  179i,    au  siège 

de  Lanth-ecie»,  et  surtout  à  la  bauille 
du  2à.avril,  ou  la  défense  de  la  po- 
sition de  l'aile  droite  lui  fut  conHée. 
Nommé  colonel  d' état-major,  et  dé- 
coré de  la  croix  de  Marie-Thérèse . 
après  la  bataille  de  Tournav  où  il  s  e- 
tait  thstingue,  il  rendit  encore  de 
^ands  services  alai'        -  \1.- 

vaux  et  de  Tmcoiug.  '  >     -.<  [m 

sonnier.  Bientôt  échange,  il  quitta  iv 
service  pénible  de  létat-major,  que 
l'afFaibhssement  de  sa  santé   ne  lui 
permettait  plus  de  continuer,  et  prit 
le  cominandement  du   i-egiment  de» 
thevaux-légersdllaraczay,  qu'il  con- 
duisit avec  tant  de  talent  et  de  bra- 
voure, a  l'affaire  de  Wetzlai  (1796), 
qu'on  lui  dut,  en   grande  partie,  le 
sBCces  de  la  jouiTiée.  Près  d'Okerath. 
il   contribua,   avec   une   division,    a 
sauver  l'artillerie  et  l'infanterie   qui 
étaient    tort    compromises.    Nommé 
géneral-major,  quelque   temps  après, 
'  il  devint  colonel  titulaire  du  régiment 
de    Mezaros,    et    fut    élevé  à   la  di- 
^  gnité  de  chambellan.  Dans  la  même 
aimée,  il  conclut,  avec    Bonaparte, 
une  suspension  d'armes  de  dix  jours, 
près  de  Judenbourg,  et  fut,  avec  le 
marquis  de  Gallo,.  fun  des  plénipo- 
tcntiaiies  qui  assistèrent  aux  prélimi- 
iiaii-es  de  Leoben,   et  au   traité  défi- 
nitif de  Caiiipo-:Formio    (17  octobre 
1797).  Chafgé   den   porter  la  ratifi- 
cation  à  Rastadt,  il .  resta  dans  cette 
ville,  en  qualité  d'envoyé  près  de  la 
Diète,  et  y  donna  des  preuves  de  son 
habileté   en   diplomatie.     La  guerre 
avant  éclaté  de   nouveau,   en  1799, 
■It  se  tiouva  encore  lunde* 
^  sur  le  champ    de  bataUle. 

26 


m 


MEE 


Il  se  distingua  près  d'OfFenbourg,  et 
força  la  division  française  du  général 
Legrand  à  se  retirer  sur  Kehl.   L'an- 
née suivante  il  se  distingua  également 
près  de    Schwabmiinchen.    Il   avait 
occupé  Augsboûrg,  le  6  juin,  et  porté, 
dans  la  soirée,  son  quartier-général  à 
Goggingen,   lorsque  le    lendemain  il 
fut  informé    que    l'arriére-garde    de 
Lecourbe  occupait   encore   Schwab- 
miinchen. Il  fit    aussitôt  sommer  le 
commandant   de  ces    troupes  d'éva- 
cuer la  ville  ;  mais  cet  officier  s'y  étant 
refusé,  Meerveldt  fit  avancer  sa  cava- 
lerie, attaqua  les  avant-postes  fran- 
çais, et  les  ctilbuta  malgré  une  vive 
canonnade.  La  ville  fut  investie,  et 
2i  3  hommes  et  8  officiers  supérieurs 
furent  faits  prisonniers.  Nommé  feld- 
maréchal-Heutenant ,  vers  la  fin   de 
1800,    Meerveldt    conclut   avec  Mo- 
reau  une  suspension  d'armes,  près  de 
Kiemsmnnster.  En  1805,  ilfut  chargé 
d'une  mission    diplomatique  près  le 
cabinet  de  Berlin  ;  mais   il  ne  resta 
que  peu  de  temps  dans  cette  capi- 
tale, et  revint  prendre  Te  commande- 
ment d'une  division,  près  de  Brau- 
nau,  sous  les  ordres  du  général  l'usse 
KoutousofF,  qui  alors  avait   le    com- 
mandement en  chef  de  l'armée  aus- 
tro-russe. Ces  deux  armées,  trop  fai- 
bles pour  résister,  se  replièrent  der- 
rière la  Traun  et  l'Eus  ;  mais  les  Fran- 
çais ayant  forcé  le  passage  de  cette 
rivière,   l'infanterie  d(;  Meerveldt  se 
sépara  des  RusSes,  et  alla  dans  la  iSty- 
rie.  Attaque  le  4  nov.,  et  obligé  de  se 
retirer  sur  Maria-Cellc,   il  y  soutint 
un  combat  opiniâtre  contre  le  maré- 
chal Davoust,  et  se  replia  sur  Gratz, 
avec   quatre     mille    hommes,   apiès 
avoir  éprouvé  des  pertes  considéra- 
bles. Ayant  contunié  son  nioiivcmciit 
dft  retraite,  il  passa  en  Hongrie  et  se 
porta    sur     l'resbourg,    où    il   reçut 
l'ordre  d'agir  sur  le  llauc  de  l'ennemi, 


MEE 

et  de  couper  ses  communications  avec 
Vienne.   Il   avait  exécuté   ce  mouve- 
ment, lorsque   la- paix   fût  conclue. 
Nommé  ambassadeur  près  la  cour  de 
St-Péte"rsbourg,  où  il  résida  pendant 
plus  de  deux  ans,  il  y  reçut  sa  nomi- 
nation de  conseiller  intime,  et  épousa 
la  comtesse  de  Dretrichstein.   A  son 
retour,    en    1808,     il    fut  employé 
comme  divisionnaire  en  Gallicie,  et 
chargé,  en  1809,  de  couvi'ir,  avec  un 
corps  nombreux,  la  Bukowina  et  une 
partie  de  la  Gallicie.  Sa  conduite  ho- 
norable dans  cette  province,  lui  mé- 
rita l'estime  de  tous  les  habitants.  Il 
resta  trois  ans  en  Moravie,  et  fut  nom- 
mé général  de   cavalerie ,  et  gouver- 
neur de  Théresienstadt.  Lorsque  l'Au- 
triche se  réunit  à  la  grande  coalition 
contre  la  France,  en  1813,  Meerveldt 
fut  d'abord  employé  à  la  frontière  de 
Silésie,  et  il  prit  le  commandement 
du  de,uxième    corps.    Il   repoussa   la 
gauche  des  Français,  au  combat  du 
17  septembre,  sur    les    hauteurs  de 
Nollendorf.  Dans  la  première  journée 
de  la  bataille  de  Leipzig  (  16  octobre 
1813),   il   hit   chargé   d'effectuer    le 
passage  de  la    Pleisse,  sur  les   der- 
rières de  l'aile   droite   ennemie,  près 
de  Konnewitz.   Après  de  grands  ef- 
forts le  village  de  Dossen  fut  occupé 
dans   l'après-midi,   par   deux  batail- 
lons,  tandis  quun   troisiènle  passait 
la    rivière    sur   de.i  planches  ,   pour 
aller  s'établir  de  l'autre  côté;  mais, 
attaqué  par  la  garde,  'il  fut  repous- 
sé. "Meerveldt ,   qui  était  à  la  tête  (te 
ces  troupes,  eut  son  clieval  tué  sous 
lui,  et  reçut  une  blcssune  à  la  cuisse. 
Resté   seul,   il   gagna    un  arbre,  s'y 
adossa,  et  s'armant  <îc  son  sabre  et 
de  ses  pistolets,  il  résolut  de  se  dé- 
fend i-e  jusqu'à  la  dennière  extremite. 
iMiasieurs  officiers    ft'amçais   s'appi'o- 
<h  èrent  alors  de  lui  p  otu-  le  soïniner 
<]«•    se  rendre,    ni;ii«    re  ne  "fttt  que 


MEE 

orsquil  se  vit  coittJie  en  joue  ^At 
douze  gi-enadierb,  qu'il  consentit  à 
émettre  ses  armes.  Conduit  auprès 
le  •Napoléon,  il  en  fut  reça  avec  dis- 
linction,  et  renvoyé  le  lendemain  sui 
parole,  après  une  loqgue  toavei-sa- 
lion  que  le  baron  Fain,  secrétaire  de 
lîonaparte,  a  ainsi  rapportée:  -  Cette 

querelle  devient  bien  sérieuse,  dit 
»  celui-ci,    vous    voyez    eomme   on 

m'attaque,  et  comme  je -me  défends. 

-  Votre  cabinet  ne  pense-t-il   pas  a  . 
a  prévenir     les    suites    d'un     pareil 

"  acharnement.  S'il  est  sage,  il  doit 

-  y  songer,  il  peut  encore  tout  arre- 
■^  ter;  il  le  peut  ce  soir,  mais  demain, 
^  peut-être,  ne  le  pourra-t-il  plus; 
>'  car  qui  sait  les  événements  de  de- 
■•  main?  Kotre  alliance  politique  est 
"  rompue,'  maLs  entre  -votre  maître 
"  et  moi  une  autre  alliance  subsiste  ; 
"  et  celle-là  est  mdissoluble.  C  est 
»  elle  que  j  invoque  ;  car  j'aui-ai  tou- 
<•  jotirs  confiance  dans  les  sentiments 
:  de  mon  beau-père,  c'est  à  lui  cjue 
•'  je  ne  oesserai  d'eu  appeler  de  tout 

-  ceci.  Allez  le  trouver,  et  repoiiez- 
•  lui  ce  que  je  lui  ai  déjà  fait  dire 

-  par  Bubna.  On  se  trompe  sur  mon 
«  compte,  je  ne  demande  pas  mieux 

-  que  de  me  reposer  en  {>aix...  Et 
••  cependant  votre  maître  sacrifie  à  la 
t  peur  qu'il  se  fait  de  moi,  non-seu- 
>.  ïement  les  affections  les  plus  natu- 
u  i^ellcs,  mais  ses  {Jus  chers  intérêts. 
«  Vous  craignez  jusqu  au  sommeil  du 
"  lion  ;  et  vous  ne  croyez  pouvoir 
«  être  tranquilles,  que  lorsque  vous 
«  lui  aurez  coupé  les  griffes  et  la' 
u  crinière....  Vous  ne  voyez  pas  que, 
«  depuis  vingt  ans,  tout  est  changé 
•'  autour  de  vous,  que  désormais 
"  pour  l'Autriche,  gagner  aux  dépens 
«  de  la  France  ,  c'est  perdre...  Ce 
"  n'est  pas  trop  de  la  France,  de 
»  l'Autriche  et  même  de  la  Prusse, 
"  poiu-  arrêter,  sur  la  Vistule.  le  d«- 


VIÊE 


4oa 


bordement  d  un  peuple  essenlielJe- 
.  ment  conquàr^t,  et  dont  l'immense 
empire  s'étend  depcds  nous  jusqu  à 
la  Chine.  Au  smplas,  je  dois  finir 
par  faire  des  sacrifices,  je  le  sais, 
^  je  suis  prêt  à  en  faire...  »  Quelle  que 
fut  la  confiance  de  Napoléon  dans  le 
comte  de  Meervcldt,  quil  avait  déjà 
tant  de  fois  rencontré  sur  son  che- 
min, il  fallait  en  vérité  que  son  «in- 
quiétude  fut  bien  grande  sur  la  jour- 
née du  lendemain,  pom- qu'il  lui  parlât 
ainsi.  Il  alla  mêmf  plus  loin,  et  lui 
indiqua  les  conditions   auxquelles   ii 
était  disposé  à  traiter.  Si  l  on  en  croit 
son  secrétaire,  il  renonçait  alors  sin- 
cèrement a  la  Pologne,  à  la  confédé- 
ration du  Rhin,  et  consentait  à  l'in- 
dépendance de  l'Espagne,  de  la  Hol- 
lande, même  à  celle  de  l'ItaUe,  et  se 
soumettait    a   évacuer   sm-le-champ 
lAllemagne,  à  se  retirer   derrière  le 
Pdiin.  Il  congédia  Meerveldt,  en  l'in- 
vitant a   revenir   avec   une  prompte 
réponse.  Meerveldt  ne  revint  pas,  et 
le  lendemain,  18,  ce  général  combat- 
tait aux  côtés  de  son  maître,  le  com- 
mandement de  sa  division  ayant  passé 
au  général  -Aloys  de  Lichtenstein.  Il 
fit  bientôt  la-  campagne  de  France. 
et  il  y    reçut,  des  mains  de  l'empe- 
reur de  Russie,  la  croix  d'Alexandre 
Newsky.  Envoyé,  le  1  i  janvier  1814, 
comme    ambassadem-  à    Londres,  il 
mom-ut,  dans  cette  ville,  le  5  juillet 
suivant,  à  l'âge  de 49  ans.  Le  ministère 
anglais,  pour  honorer  sa  mémoire  d'u- 
ne manière  éclatante,  voulait  qu'il  fiit 
enterré   aux  frais    de  l'État,  et  avec 
tous  les  honneurs  dus  à  son  rang,  dans 
labbave  de  Westminster;  mais,  con- 
lormément  à  ses  dernières  volontés, 
son  corps  fut  rendu   à   sa  veuve  et 
transporté  à  Vienne.   La  carrière  mi- 
litaire et  poUtique  du  comté  de  Meer- 
veldt offre  de    nombreuses  preuve> 
de  ses  taletit'^  distingués.   Son  étude 
26. 


40*  MÉG 

assidue  de  l'histoire  et  de  l'art  de  la 
guerre,  sa  parfaite  connaissance  du 
terrain,  sa  grande  expérience  dans- le 
service  de  la  cavalerie  et  de  l'ëtat- 
major,  lui  acquirent  la  réputation  de 
l'un  des  plus  habiles  dans  l'armée 
autrichienne.  Sa  bravoure  était  au- 
dessus  de  tout  éloge  ;  elle  approchait 
même  de  la  témérité,  lorsqu'il  s'agis- 
sait d'une  grande  entreprise.  Les  ré- 
sultats de  ses  travaux  diplomatiques 
sont  encore,  en  grande  partie,  cou- 
verts d'un  voile  impénétrable  ;  mais 
les  fréquentes  missions  qui  lui  furent 
confiées,  prouvent  assez  qu'il  les  lem- 
plissait  à  la  satisfaction  de  son  sou- 
verain. .  M DJ. 

MÉGACLÈS5  riche  citoyen  d'A- 
thènes,  dont    la   fortune  s'augmenta 
considérablement   par    son    mariage 
avec  la  fille  de  Chsthène,  tyran  de 
Sicyone,  fut  redevable  à  ce  mariage 
opulent  de  la  considération  attachée 
à  la  fortune,  et  devint  le  chef  du  parti 
modéré,  au  moment  où  Pisistrate,  aidé 
parle  peuple,  voulait  usurper  l'auto- 
rité souveraine.  Mégaclès  flotta  quel- 
que temps  au  gré  d'une  humeur  ca- 
pricieuse ,  fut  d'abord  subjugué  par 
le  génie  de  Pisistrate ,  parvint  ensuite 
à  renverser   le  tyran,    s'en  repentit 
bientôt  après ,   puis  rappela  les  parti- 
sans de  la  démocratie ,  se  brouilla  de 
nouveau  avec  eux,  et  fut  enfin  chassé 
d'Athènes.  Il  y  revint  cependant,  et 
mourut  dans    le   mépris  et  l'oubli, 
sort  commun  des  hommes  sans   ca- 
ractère (de  594  à  584  avaut  J.-(^.). 
H— p. 
MÉGLIIV    (J.-A.),   médecin ,  na- 
quit en  1756  à  Sultz,  en  Alsace.  Il  Eut 
nommé  corresponcbnt  de  lAthétiée 
de  médecine  (le  Paris,  et  mourut  à 
Calmar  le  13  mars  1824.    On  a   de 
lui:  I.  Analyse  dea  eaux  de  SulUinatt 
en  Haute- Alsace,  1779,  in-S».  II.  Rc- 
cherchct  tt  obiervatiom  sur  la  m'vral- 


MEH 

g ie  faciale ,  maladie  contre  laquelle 
il  inventa  des  pilules  qui  portent  son 
nom,  Strasbourg,  1816,  in-8°.  m. 
Mémoire  sur  l'usage  des  bains  dans  le 
tétanos-,  Strasbourg  et  Paris,  1822, 
in-8".  Il  a,  en  outre,  publié  avec  des 
notes  l'opuscule  suivant  :  Notice  his- 
to}'ique  sur  l'état  ancieti  de  la  ville 
de  Sultz,  département  du  Haut-Rhin, 
par  l'abbé  Grandidier,  historiogra- 
phe de  France,  Strasbourg,  1817, 
in-S".  Z. 

MÉHÉE  de  la  Touche  (  Jea^- 
Claude-Hippol-ïïe)  ,  l'un  des  hommes 
les  plus  méprisables  que  nos  révo- 
lutions aient  mis  en  évidence,  na- 
quit à  Meaux  vers  1760  ,  fils  d'un 
médecin  de  cette  ville ,  qui  passait 
pour  habile  (1).  Après  avoir  fait 
d'assez  bonnes  études,  au  collège 
Mazarin,  à  Paris,  il  se  trouva  lancé 
fort  jeune  dans  le  tourbillon  des 
vices  de  la  capitale.  INé  avec  des 
passions  vives  et  des  goûts  de  dé- 
penses beaucoup  au-dessus  de  ses 
facultés,  il  se  mit  aux  gages  de  la  po- 
lice. Après  l'avoir  servie  dans  Paris, 
il  passa  en  Pologne,  où  les  ministres 
de  Louis  XVI  envoyaient  alors,  au 
lieu  de  secours  efficaces,  des  agents 
secrets  fort  inutiles  et  dont  les  servi- 
ces se  résumaient,  le  plus  souvent , 
en  des  frais  sans  objet.  Méhée  fut,  sans 
nul  doute,  un  des  plus  coûteux  et 
des  moins  utiles  de  ces  émissaires. 
Après  avoir  séjourné  sur  différents 
points  de  lu  Pologne,  il  se  rendit, 
chargé  probablement  d'un  rôle  ana- 
logue, «i  Saint-l'étersbourg,   où   il  s»- 

(1)  Jean  Mehéf.  de  la  Touche,  père,  lui 
professeur  à  l'hOpital  militaire  ri'instruciion 
du  Val-tle-Grâce,  à  Paris,  après  avoii"  <Hétlii- 
rurgii.'ii-major  l't  chirurgien  en  chefde  dilTé- 
reiils  hôpitaux  de  France.  On  a  de  lui  :  1. 
Traite  des  lisions  à  la  tête,  ?)«>•  eontn 
coups,  Menux,  1T73,  iii-12.  11.  TraitC  di - 
plaies  d'arincs  à  fev ,  dans  lequel  on  di 
montre  l'inutilité  de  l'amputation  des  mcm- 
Ores,  Paris,  «TOO.in-S". 


fit  connaître  sou«  le  nom  de  chevalier 
de  la  Touche,   qu'il  a  repris  ensuite 
dans  plusieurs  occasions.  Il  se  trou- 
vait encore  dans  cette  capitale,  vers 
la  fin  de  1791,  désespéré  de  ue  pas 
être  en  Irauce,  où  il  voyait  s'accom- 
plir une  révolution  qui  devait  favo 
riser  son  penchant    pour  la  dépense 
et  l'intrigue.  Comme  tous  les  gens  de 
son  espèce,   il  se  hâta  d'accourir,  et 
vint  à  Paris,  au  commencement  de 
1792,  dans  le  plus  foit  de   la   cri^e. 
S'étant  aussitôt  lié  avec  les  meneurs 
de  la  faction  la  plus  exaltée,  il  prit 
part  à  tous  ses  complots,  et  fit  pa- 
raître, sous   le  titre   d'Histoire  de  la 
prétendue  révolution  de  Pologne,  avec 
Vexamen  de  sa  nouvelle  constitution, 
une  brochure  dans  laquelle   il  traita 
avec  peu  d'égards  les  révolutionnaires 
polonais,  qu'il  mettait  fort  au-dessous 
de  ses  compatriotes.  Celte  publication 
lui  valut  la    faveur  et   l'intimité   de 
Tallien,  de  Danton  et  de  Marat.  Il  con- 
courut avec  eux  auxrévolte§du20juin 
et  du  10  août,  et  lorsque  la  révolution 
eut  définitivement  triomphé  dans  cette 
dernière  journée,  il  fut  nonmié  secié- 
taire  de  cette  commune  de  Paris,  qui, 
sans  autre  droit  que  la  violence,  s'em- 
para du  pouvoir  au  milieu  de  la  nuit, 
et  l'exerça  pendant  près  de  deux  ans, 
avec  un  despotisme,  une  audace,  qui 
firent  souvent  ti'embler  la  Convention 
nationale  elle-même.    Les   premiers 
actes  de  cet  odieux    pouvoir  furent 
consacrés  aux  anestations  et  aux  mas- 
sacres, qui  devaient  en  être  la  suite 
dans  les  premières  journées  du  mois 
de  septembre.   La  part    que    Méhée 
prit  à  ces  cruautés  fut,  pour  le  reste 
de  sa' vie,  et  malgré  ses  dénégations, 
une  tache  indébile.  Comme  beaucoup 
d'autres,  en  pareils  cas,  il  a  dit,  plus 
tard,    qu'il     avait    sauvé     un   grand 
nombre  de  prêtres   et   de  royalistes, 
en  leur  délivrant  des  passeports;  mais 


mm 


40o 


plusieurs  écrivains,  Sénart  entre  au- 
tres, ont  révélé,  dans  des  publica- 
tions ultérieures,  qu'en  effet  il  vendit 
fort  cher  des  passepoi-ts  à  des  émi- 
grés, à  de  malheuieux  prêtres,  qu'il 
fit  ensuite  arrêter  aux  barrières.  Et 
ces  mêmes  écrivains  ont  ajouté  leurs 
témoignages  à  ceux  qui  déjà  avaient 
établi  que  Méhee  avait  signé  et  même 
rédigé  la  fameuse  circulaire  destinée  à 
faire  imiter,dans  toutes  les  communes 
de  France,  l'exemple  donné  par  les 
égorgeurs  de  Paris.  On  sait,  et  il  faut 
le  dire  à  l'honneur  de  la  France  de 
cette  époque,  que  cette  exhortation 
sanguinaire  n'eut  de  résultats  que  dans 
deux  ou  trois  communes,  notamment 
à  Meaux,  ville  natale  de  Méhéc,  et  dans 
laquelle  on  doit  penser  que  ses  rela- 
tions personnelles  lui  donnaient  quel- 
que influence.  Une  autre  preuve  de  sa 
participation  aux  massacres  de  Paris 
existe  dans  les  bons  de  paiement  dé- 
livrés aux  massacreui^s  par  le  secré- 
taire de  la  commune,  bons  signés  par 
lui,  et  que  plusieurs  amateurs  d'au- 
tographes ont  conservés.  Si  après 
tout  cela  on  pouvait  encore  avoir 
quelques  doutes,  on  trouverait  une 
nouvelle  preuve  dans  la  description 
que  lui-même  fit  de  ces  massacres, 
lorsque,  après  la  réaction  du  9  ther- 
midor, il  voulut  en  rejeter  tout  l'c- 
dieux  snr  Bara-e ,  Billaud-Varenne 
et  d'autres  montagnards  dont  il  s'é- 
tait séparé.  Cette  description  qu'il 
publia,  en  1795,  dans  une  brochure, 
intitulée  :  La  vérité  tout  entière  sur 
les  vrais  auteurs  de  la  journée  du  2 
septembre  1792,  complète  d'ailleurs 
le  tableau  que  nous  en  avons  pré- 
senté dans  l'article  Billaùd-Varcnne 
(l'oj.  ce  nom,  LVIII,  272).  Il  ne 
faut  pas  oublier  que  c'est  comme  té- 
moin oculaire  ,  que  parle  le  secié- 
taire  de  la  commune.  «  ...  A  peine 
<•  Billaud-Varenne   était-  il    sorti   du 


406 


MÉH 


..  comité,  que  les  opérateurs  fondent 
.  en  masse,  et   demandent  à  grands 
"  cris,   la  somme  de  24  francs  par 
"  jour,   qu'il  vient  de   leur   allouer. 
..  Jamais  position,     ni  spectacle   ne 
»  furent  plus   horribles.    I/un  a  un 
«  sabre,  une  baïonnette  ensanglantée; 
.>  l'autre   une  pique   cassée  et  cou- 
u  verte  de  cervelle  humaine;  un  autre 
.<  a  arraché  un  cœur  palpitant,  qu'il 
"  porte   au    bout   d'une   hallebarde 
«  brisée  ;  l'autre  a  coupé  des  parties 
"  viriles,  qui  lui  servent  à  faire  aux 
..  femmes    des   plaisanteries     outra- 
..  géantes.  Voilà  les  trophées,  les  jus- 
..  tifications    abominables,    sur    les- 
..  quels   ils    fondent   leurs   réclama- 
.<  tions  menaçantes...  Croyez-vous  ijv<' 
H  je  n'aie  gagné  cjue  24  livres':'  disait 
»  hautement   un   garçon    boulanger, 
a  armé   d'une   massue.    JV>»    ai    tué 
«  plus  de  quarante  pour  ma  part....   ■ 
Certes  il  faut  avoir  vu  de  bien  près 
des  faits  aussi  hideux,  pour  les  ren- 
dre  avec  tant  de    vérité.  Méhée  ne 
s'en  défend  pas  ;   et,  dans  son  éton- 
nante   brochure  ,     il    semble     dire 
comme  le  héros  de  l'Enéide  :  Quœquc 
ipse  miserrima    vidi    et  quorum   pars 
magna  fui.  Cependant,  l'aspect  de  tant 
de  sang  lui  fit  quelque  impression,  et 
s  il  n'en  fut  pas  extrêmement  touché, 
il  en  conçut  du   moins  iine  grande 
épouvante.  Depuis   cette  époque,  on 
ne  voit  plus  son   nom  figurer  parmi 
les   bourreaux,  il  paraît   même  qu'il 
ne  resta  pas  long-tenq)s  à  la  com- 
mune. Certainement  il  ny  était  plus, 
lorsque  son  ami  Danton   périt   sous 
les    coups  de   Robespierre.   Devenu 
lui-même    alors    suspect,  et   arrêté, 
pendant  queUpies  jours,   par   ordre 
(lu  comité  de  sûreté  générale,  il  ne 
s'en    tira    (\ui\    l'aide    de    nouvelles 
bassesses ,  et  en  déniant  ses  amis  et 
ses  opinions.  C'est  dans  cette  position 
difficile  et   périlleuse   qui!  «e  trou- 


MÉH 

vait  encore,    quand  Itobcspierre  lut 
vaincu,  au  9  thermidor,  par  le  parti 
dantoniste.  Ce  grand  événement  était 
pour  Mehée  un   fort  heureux, jour  , 
et  on  le  vit  se  jeter  aussitôt  dans  le 
parti,  de  la  «éaction.  Mieux  qu'aucun 
autre,  il  pouvait  dévoiler  les  crimes 
de   cette    époque  ,  et  il   le   fit  avec 
quelque  franchise,  dans  sa  brochure 
sur  les  massacres  de  septembre,  dont 
nous  avons  parlé.  Il  publia ,  dans  le 
même  esprit,  La  queue  de  Robespierre, 
Rendez-moi    ma    queue,    Défends    ta 
queue,  Lettres    de    Sartine  à  Thuriot, 
etc.;  qu'il  signa  de  son  anagramme 
Felheviesi    ou   Méhée  fils,    il   écrivit 
encoredans  le  même  sens  dans  di- 
vers journaux.  Mais  il  s'aperçut  bien- 
tôt que  les  coups  qu'il  portait  ainsi  à 
ses    anciens    amis  lui  deviendraient 
funestes,  en  excitant  de  plus  en  plus 
à   la  haine  contre  les  auteurs  de  la 
révolution,   il    reprit   donc  sa  place 
dans  leurs  jangs,  et,  lors  de  rétablis- 
sement du  Directoire,  il  travailla,  avci' 
Real,  à  la  rédaction  du  Journal  des 
patriotes  de  1789.  S'étant  trouvé  com- 
promis dans  la  conspiration  de  Ba- 
beuf, il  lefusa  d'êtie  le  défenseur  de 
Drouet,  qui  l'en  avait  prié  ,  et  prit  la 
fuite.  Revenu  dans   la    capitale,  par 
suite  de  la  révolution  «lu  30  prairial, 
an  VU  (1799),  faite  au  profit  du  parti 
le  plus  exalté,  il  parut  à   la   société 
du  Manège,  et  rédigea  le  Journal  des 
hoinmes    libres  ,    avec    Antonellc    et 
Vatar.  il  obtint  même  un  emploi,  au 
ministère  de  la  guerre,  par  l'influence 
de  Rernadotte,  et  fut  ensuite  pendant 
queUptes  mois  chef  d'une  division  aux 
affaires  éUangères.  Après  le  18  bru- 
maire, où  il  s'était  peu  montre,  il  cul 
encore   un  moment  de  crédit;    iqais 
ayant  été  surpris  dans  quelques  intri- 
gues du  parti  démagogique  par   la 
police  consulaire,  qui  ne  cessait  de  1« 
surveiller,  il  fut  «nis  en   arrestation 


MEH 

par  une  ordonnance,    tlans  laquelle 
il  était  qualifié  positivement  de   sep- 
tembriseur. Le  ministre  de  la  police, 
Foucbé,  qui  le  connaissait  bien,  l'en- 
voya, en  surveillance,  à  Dijon  ,  puis 
en  prison  à  l'ile  d'Oléron,  d'oii  il  s'é- 
chappa en  1803,  et  se  sauva  dan*  l'ile 
de  Guemesey.  C'est  là  que,  changeant 
encore  une  fois  de  rôle  et  de  couleur, 
ou  plutôt  reprenant  son  ancien  mé- 
tier d'espion  diplomatique,  il  se  pré- 
senta  au  général  Doyie,   gouvenieur 
de  l'île,   comme  un  royaliste  persé- 
cuté,  comme  un    ennemi   de   Bona- 
parte, et  en  obtint  de  l'argent  et  des 
recommandations  pour  le  ministère 
anglais.  Muni  de  tout  cela,  il  se  bâta 
de  passer  à  Londres  ;  mais  il  ne  trou- 
va pas,  dans  les  ministres  britanni- 
ques, autant  de  crédulité  qu'en  avait 
eue  le  gouverneur  de  Guernesey.  On 
ne  le  repoussa  pas  cependant  entiè- 
rement, parce  quau  fond,  l'on  pen- 
sait qu'il  pourrait  être  utile,  mais  on 
se  garda  bien  de  lui  confier  des  se- 
crets, comme  il  l'a  prétendu,  et  .si  on 
lui  donna  de  l'argent,  ce  nefiil  qu'en 
petite  quantité,   car  après    quelques 
mois  de  séjour  dans  la  capitale   de 
l'Angleterre ,    il  fut   obligé   de  vivre 
d'emprunts,   et  finit  par  être  mis  en 
prison  pour  dettes.  Il  n  en  sortit  que 
par  les  secours  de  quelques  royalistes 
crédules,  et  pai- 1  assurance  qu  il  don- 
na effrontément,  que,  si  on  le  laissait 
retomner   en  ^^rance  ,    il   se   faisait 
fort,  à  la  tête  de  ses  nombreux  parti- 
sans, de  renverser  le  gouvernement 
impériaLSans  avoir  beaucoup  d&cou- 
fiancc  en  ses  discours,  les   ministres 
lui  furent  encore  remeltie   quelques 
sommes,  et  ils  chargèrent  M.  Drake, 
agent    de    1  Angleterre    à    Munich  , 
d'entrer  en  rapport  avec  lui ,  et   de 
•ecevoir  les  communications  qu'il  en- 
verrait de  France.  S  étant  rendu  aus- 
sitôt en  Bavière,  Méhée  se  fit  encore. 


MtH 


,407 


selon  sa  coutume,  donner  de  l'argent 
par  Drake,  à  qui  il  prodigua  de  plus 
en  plus  les  mensonges   et   les  pro- 
messes; puis  arrivé  à   Paris,  il  alla 
rendre   compte  à   la   police  de  tout 
son  vovage ,  arrangé  sans  doute  de- 
puis long-temps  avec  elle.  Pour  preuve 
de  satisfaction,  cette  police  lui  accor- 
da une   gratification  ;   et  Méhée  re- 
cevant ainsi  de  deux  ou  trois  mains  à 
la  fois,  se  trouva  dans  une  sorte  d'o- 
pulence. Comme  c'était    le  moment 
oii  venait  d  éclater  la  conspiration  de 
Georges    et   de   Pichegru,    la  police 
voulut  eu  rattacher  quelques  circons- 
tances à  ces  intrigues;  et,  dirigé  par 
elle,  Méhée  ne  craignit  pas  de  recon- 
naître, eu  public,  le  rôle  méprisable 
qu'il  avait  joué  ;  il  s'en  vanta  même 
hautement  dans  les  journaux,  et  dans 
une  brochure  qu'il  publia  sous  le  ti- 
tre d'Alliance  des  Jacobins  de  France 
avec  Je  ministère  anglais,  1804,  in-S". 
Cette  publication  lui  valut  encore  de 
l'argent  de  la  part  de  la  police  impé- 
riale, qui  l'autorisa  à  recevoir  même 
celui  qu'il  avait  obtenu  des  Anglais 
par  ses  impostures,  il  reprit  alors  son 
ancien  nom  de  la  Touche.  Mais  avec 
ses  goûts  de  dépense,  tout  fut  bientôt 
dissipé,  et  il  ne  lui  resta  que  la  mo- 
dique pension  qu'en  pareil  cas  le  mi- 
nistère ne  manqu^amais   de   faire. 
JjC  temps  des  intrigues  était  passé  ; 
et,  sous  le    gouvernement   impérial. 
Méhée  ne  pouvait  guère  compter  sur 
des   révolutions  qui  vinssent  rétablir 
ses  finances.  Il  fallut  que  la  Restau- 
ration survînt,  en  1814,  pour  faire 
sortir  l'ancien  secrétaire  de  la  com- 
mune du  néant  et  de  l'oubli  oîi  il  était 
tombé.  Toujours  prêt  à  se  ranger  du 
parti  vainqueur,  ce  ne  fut  pas  sans 
étonneraent  qu'on  le  vit  alors  essayer 
de  paraître  royaliste  et  assurer  avec 
effironterie  qu'en  septembre  1792,  il 
avait  sauvé  beaucoi|p  de  prêtres  et 


408  MÉH 

'd'émigrés.  Comme  après  le  9  thermi- 
dor, le  voile  fm  biefttôt  soulevé.  On 
renouvela  contre  lui,  dans  plusieurs 
écrits,  l'accusation  de    scptembriseiu  , 
puis  les  plaintes,  les  injures  s'accru- 
rent bien  davantage  encore,  lorsqu'on 
le  vit  publier,  avec  son  nom,  contre  le 
gouvernement  de  la  Restauration,  une 
brochure  fort   audacieuse,    sous    ce 
litre  :   Dénonciation  au   roi  des  actes 
'par  lesquels  les  ministres    de    S.  M. 
ont   viole'  la    constitution.    Alors  ou 
ajouta  aux  premières  accusations  celle 
d'avoir  contribué  à   la  mort  de  Pi- 
chegru  et  du  duc  d'Enghien,  par  sa 
niission  d'espionnage  en  x\ngleterre, 
et  à  Ettenheim  où  il  était  allé  recon- 
naître les  lieux  pour  préparer  l'arres- 
tation du  malheureux  prince.  Le  Jour- 
nal Royal,  dont  l'imprimeur  Gueffiei 
était  éditeur,  se   montra  surtout  fort 
acharné  contre  lui.  Mais  à  son  tour  le 
secrétaire  de  la  commune  de  1792,  le 
principal  agent  des  massacres  de  sep- 
tembre, ne  craignil;  pas  d'attaquer,  de- 
vant les  tribu1:iaux,  des  royalistes  con- 
nus, que  l'on   croyait   en  possession 
de  toute  la  faveur  du  gouvernement 
royal,  et  même  de  les  poursuivre  de- 
vant la  Cour  royale,  quand  il  eut  suc- 
combé au  tribunal  de  première  ins- 
'  tance.  Ce  qui  doit  étonner,  c'est  qu'il 
triompha  devant  la  Cour  suprême, . 
et  que  le  procuieur  du  roi  l'appuya 
de  ses  conclusions,   se  fondant  sur 
une  loi  faite  au  proîit  de  la  révolu- 
lion,  oubliée   depuis  long-temps,   ci 
qui  fut  alors  exhumée  par  les  Mont- 
»'aillard,  les  Méhée  et  d'auties  misé- 
rables   flétris    dans    l'opinion,    mais 
dont  il  n'était  pas  permis  de  rappe- 
ler le»  crimes  sans  en  produire  mic 
preuve  légale,  c'est-à-dire,  sans  avoir 
entre  les  mains  un  arrêt  pomappuyei 
un  aïitre  arrêt.  Ainsi,  malgré  Vvvi- 
dencè   et  contre  l'opinion   publique, 
contre  l'opinion    dé»  juge»  oux-mé- 


MEH 

mes,  l'imprimeur  Gueffier  fut  cou- 
damné  comme  calomniateur  ;  et  Mé- 
hée de  La  Touche,  triomphant,  pul 
insulter  ses  adversaires.  Il  publia 
un  mémoire  apologétique,  où  il  les 
ménagea  peu,  et  dans  lequel  il  s'ex- 
cusa des  signatures  qu'il  avait  don- 
nées aux  assassins  de  septembre,  a 
peu  près  '  comme  Carnot  s'est  ex- 
cusé de  sa  participation  aux  crimes 
du  comité  de  salut-public ,  alléguant 
le  grand  nombre  de  signatures  ei 
la  'nécessité  de  les  donner  de  con- 
Hance  et  <!ans  examen.'  Alois  Méhée 
plus  audacieux,  se  lança  dans  de  nou- 
velles intrigues,  et  il  prit  part  aux 
coAiplots  qui  préparèrent  le  retour 
(le  Bonaparte  en  1815.  Compris  en 
conséquence,  après  le  second  retour 
de  Louis  XVIII,  dans  l'ordonnance 
d'exil  dtl  -2i  juillet,  il  se  réfugia  en 
Allemagne,  i)uis  à  Bruxelles,  et  enfin 
il  Liège.  Il  publia  dans  cette  der- 
nière vaille,  en  1818,  sur  le  Mémo- 
rial de  Sainte- Hélène,  attribué  à  Bo- 
naparte,'  tine  brochure  assez  bien 
caractérisée  par  son  titi-e  :  Cest  lui 
mais  pas  de  lui.  La  police  des  Pays- 
Bas  l'ayant  obligé  de  s'éloigner  en- 
core ,  il  se  rendit  à  Kœnigsberg. 
et  ne  revint  qu'en  1819,  a  Paris, 
aVec  une  permission  de  la  police. 
Il  y  resta  dans  une  profonde  obscu- 
rité jusqu'au  moment  où  l'ancien  mi- 
nistrt-  de  la  police  impériale,  Savary, 
ayant  pubUé  des  mémoires  dans  les- 
(juels  il  essayait  de  se  justifier  de  .«-ii 
participation  à  la  mort  du  du«-  d  En- 
ghîen,  Méhcie  reprit  la  plume  poiu 
le  réfuter,  et  fit  paraître  une  nouvelle 
brochure  sous  ce  titre  :  Extrait  de 
mémoires  inédits  sur  la  Bévolutiou 
française.  Ce  fut  la  derrière.  Méhec 
mourut  en  1826,  dans  l'oubli  et  la 
misère  ,  quoique  tdnjours  pensionna 
par  la  police.  Outre  les  ouvrag. 
hilC  nous    .ivdiis    rih-.      on  a  de  lui 


MEI 

1.  Antidote  ou  l'année  philosophique 
et  littéraire,  Paris,  1801,  in*".  H. 
Mémoires  particuliers  extraits  de  la 
rorrespondékté  ■  d'un  voyageur,  avec 
feû  M.  lC^mn'"'de  Beaumarchais  , 
sur  la  PtUg-êè,  Iti  Lithuanie,  lu 
Russie-Blanche,  Pétersbourg ,  Mos- 
cou, la  Crimée,  etc.,  publiés  par  M. 
D.,  Hambourgf  et  Paris,  1807.  Cet  ou- 
vrage parut  sous  la  protection  du 
gouvernement  impérial,  au  moment 
de  la  première  invasion  de  Napo- 
léon en  Pologne.  III.  Lettre  à  M. 
l'abbé  de  Montesquiou,  Paiis,  1814. 
in-S".  IV.  Mémoire  à  consulter  et 
consultation  ,  par  J.-C.-H.  Méhée  , 
contre  les  auteurs  de  libelles  anony- 
mes, et  de  l'article  communiqué  aux 
journaux,  qui  se  mêle  à  t affaire  de 
M.  Caulaincourt,  relative  à  tarresta- 
tion  de  monseigneur  le  duc  d'En- 
ghien,  Paris,  1814,  in-S".  V.  Contes, 
novftfelles  et  autres  pièces  posthumes. 
de  G.-C.  PfefFel ,  traduction  de  l'alle- 
mand, précédée  d'une  lettre  détlica- 
toire  à  M.  de  Chateaubriand,  et  suivie 
de  réflexions  sur  l'état  actuel  de  la  li- 
brairie et  de  l'imprimerie  en  France, 
1815,  in-S".  VI.  Touquetiana,  ou  Bio- 
graphie pittoresque  d'un  grand  hom- 
me, en  réponse  à  la  question  :  (^t'est- 
ce  que  c'est  que  M.  Touquet?  Paris, 
1821  .  in-18,  publié  sous  le  pseudo- 
nyme de  Molto-Curante.  biographe 
a  demi-solde,  membre  de  trente  ou 
quarante  sociétés  plus  ou  moins  sa- 
vantes. M — D  j. 

MElLi  (Jeax-Giill4i;me),  graveur 
à  la  pointe,  naquit  à  Altenbourg,  le 
23  octobre  1732.  il  se  livra  d'abord 
à  l'étude  des  sciences,  dans  les  villes 
de  Bayreuth  et  de  Leipzig;  mais  étant 
allé  à  Berlin  en  1753,  sa  vocation 
pour  les  arts  se  révéla.  Bien  qu'il 
travaillât  sans  maître,  il  fit  de  si  ra- 
pides progrès,  qu'il  fut  placé,  dès  son 
début,  au  rang  des  meilleurs  gra- 


HEI 


409 


veurs.  il  commença  par  dessiner  pour 
les  orfèvres,  les  joailliers  et  les  bro- 
deurs. Ces  travaux  continuels  lui  don- 
nèrent dans  rexécntion  une  facilité 
extrême,  et  une  grande  pratique  dans 
l'invention.  Il  travailla  alors  pour  les 
libraires,  et  le  nombre  de  vignettes  et 
d'ornements  de  livres  qui  lui  furent 
confiés,  est  très-considérable.  Toutes 
ses  petites  ««tamjjes  sont  gravées  d'u- 
ne pointe  légère  et  spirituelle.  Il  a- 
vait  pris  délia  Bella  pour  modèle,  et, 
comme  ce  maître,  il  est  remarquable 
par  la  grâce  exquise  de  ses  figures. 
Huber  et  Rost,  dans  le  Manuel  des 
amateurs  de  l'art,  donnent  la  liste  de 
133  de  ses  pièces:  mais  on  p«it  en 
voir  une  nomenclature  pfaas  étendue 
et  plus  détaillée  dan»  le  Catalotfue 
raisonné  du  cabinet  d'estampes  de 
Brandes.  Meil  mourut  à  Berlin,  le  2 
février  1805;  il  était  vice-directeur 
do  l'académie  des  lUîaux-Arts,  dans 
les  mémoires  de  laquelle  il  a  publié 
un  opuscnle  sur  les  Écoles  de  dessin. 
—  Jean-Henri  Meii  ,  son  frère  aîné, 
aussi  habile  sous  le  rapport  de  l'in- 
vention ,  lui  est  inférieur  pour  le 
goût.  Il  s'était  établi  à  Leipag,  où  il 
travailla  pour  les  libraires.  Parmi  ses 
ouvrages,  on  distingue  une  suite  de 
112  sujets,  tirés  des  fables  de  Gellert. 
P— s. 
MEIXECKE  (Jiax  Hem\i-Fbédé- 
Ric),  savant  allemand,  né  le  11  jan- 
vier 1745,  à  Quedlinbourg,  embrassa 
l'état  ecclésiastique  et  devint  pasteur 
de  l'église  protestante  de  Saint-Biaise, 
dans  sa  patrie.  Outre  plusieurs  ou- 
vrages tbéologiques  et  des  mémoires 
sur  des  questions  d'histoire  naturelle, 
qui  ont  été  imprimés  dans  la  collec- 
tion de  ta  société  de  Berlin,  il  a  pu- 
blié un  grand  nombre  de  travaux 
littéraires,  dont  voici  les  principaux: 

I.  Traduction  d'Elien,  avec  des  notes. 

II.  Recueil  de  fables,  III.  Synopsis  eru- 


410 


MEl 


ditionis  universœ.  IV.  Traduction  de 
Lucrèce.  V.  Synonymes  allemande. 
IV.  La  métrique  des  Allemands.  Mei- 
necke    mourut  à   Quedlinbourg,    en 

1825.  Z. 
MEISSEL  (AuGustE-HEsni) ,  di- 
plomate allemand,  naquit  à  Dresde 
en  1789.  Après  s'être  fait  recevoir 
docteur  en  droit,  il  embrassa  la  car- 
rière diplomatique  et  remplit  avec 
succès  plusieurs  missions.  Secrétaire 
de  légation  en  1818,  il  fut  envoyé 
quelque  temps  après, à  Madrid,  avec 
les  mêmes  fonctions.  De  letour  à 
Dresde,  il  en  repartit  bientôt  pour 
voyager  en  Italie  et  en  Grèce.  Il 
mourut  à  Missolonghi,  le  22  octobre 
1824.  Outre  plusieurs  travaux  esti- 
mables insérés  dans  l'Allemagne  sa- 
vante, Meissel  a  publié  :  I.  Etat  -poli- 
tique de  la  révolution  d'Espagne,  par 
un  témoin  oculaire,  Dresde,  1821, 
in-8''.  II.  Matériaux  pour  l'histoire  de 
la  révolution  française.  III.  Cours  de 
style  diplomatique,  Dresde,  1823-24, 
2  vol.  in-S"  ;  trad.  en  français,  Paris, 

1826,  2  vol.  Z. 
MEISSONNIER    (  Juste  -  Au  - 

BÊLE),  architecte,  peintre  et  sculp- 
tem-,  naquit  à  Turin  en  1695.  Doué 
d'une  imagination  féconde,  il  mani- 
festa dans  ces  diverses  parties  une 
grande  facilité  d'exécution,  mais  c'est 
surtout  comme  orfèvre  que  sa  répu- 
tation est  le  plus  solidement  établie. 
Il  obtint  de  Louis  XV  le  titre  de  des- 
sinateur du  cabinet,  et  d'orfèvre  du 
roi,  et  les  pièces  d'orfèvrerie  qu'il  a 
exécutées  ont  long-temps  passé  pour 
des  morceaux  achevés.  Mais  ils  n'ont 
rien  de  la  simplicité  et  du  goût  anti- 
que que  les  artistes  de  nos  jours 
ont  fait  renaître  dans  cette  branche 
de  l'industrie.  Comme  peintre,  on  con- 
naît de  lui  les  portraits  du  vicomte  de 
Turenne  et  du  baron  J.-V.  de  Jicscn- 
nal,  colonel  des  gardeS'Suisses.  Le  pre- 


MEI 

mier  a  été  gravé  par  Larmessin,  et  le 
second  par  Cl.  Drevet.  Lorsqu'il  fut 
question  de  rebâtir  l'église  de  Saint- 
Sulpice,  Meissonnier  présenta  un  plan 
qui  n'eut  aucun  saccè^^'et  qui  suffit 
pour  démontrer  qup  V«M"chitecture 
était  la  partie  faible  de  son  talent. 
Milizia  {voy.  ce  nom,  au  Suppl.),  dans 
son  Histoire  des  architectes,  regarde 
ce  plan  comme  im  des  ouvrages  les 
plus  extravagants  qu'il  soit  possible 
d'imaginer.  Lors  du  mariage  du  Dau- 
phin, fils  de  Louis  XV,  Meissonniei 
donna  les  dessins  du  feu  d'artifice  qui 
fut  tiré  à  Versailles.  Il  a  composé  un 
grand  nombre  de  livres  d'oi'nements, 
gravés  la  plupart  par  Huquier.  Les 
plus  remarquables  sont:  1.  Livre  d'or- 
nements en  30  pièces  de  différentes 
formes ,  gravés  par  Desplaces,  Du- 
brentie,  Iluquier  et  Laureolli.  II.  Li- 
vre d orfèvrerie  d'église  en  G  pièces.  lU. 
Livrç  d'ornements  pour  décoration  de 
salles  à  manger,  en  15  pièces.  IV. 
Ornements  de  la  carte  chronologique 
du  roi,  CQmposée  de  trois  pièces, 
gravée  en  1733  par  Huquier.  Babel, 
Chenu  et  Audran  ont  aussi  gravé  d'a- 
près lui.  Il  moui'ut  à  Paris,  en  1750. 
P— s. 
MËISTER  (JACQUES-HE>ni),  fils 
lie  Jean-Henri  et  cousin  de  Léonard 
[voy.  Meister,  XXVIII,  168  et  169), 
na(piit  à  Zurich,  le  6  août  1744.  Il  s? 
destina  d'abord  aux  fonctions  ecclé- 
siastiques, pour  lesquelles  il  s'était 
préparé  par  des  études  solides,  sou> 
la  direction  de  son  père;  mais  un 
essai  historico-philosophique,  intitule 
Esprit  des  religions,  (piil  publia  très 
jeune,  sous  le  voile  de  l'anonyme, 
ayant  excité  des  doutes  sur  son  or- 
thodoxie, il  quitta  cette  carrière,  et 
se  voua  exclusivement  aux  lettres  et 
à  la  philosophie.  Il  se  chargea  d'une 
éducation  particulière,  et  vécut  à 
Paris  de  1770   à   1789.   Lié   intime- 


MEI 


MO 


«11 


ment  avec  Diderot ,  le  bai-on  d'Hol- 
bach et  Gritnm,  doritil  fut  secrétaire, 
ses  opinions  le  rapprochaient  cepen- 
Hsmt  beaucoup  plus  de  M.  et  de  M"^' 
Necker.  auxquels  il  ne  cessa,  jusqu'à 
ieur  mort,  de  donner  des  preuves 
dune  amitié  constante.  On  lui  doit, 
en  grande  partie,  la  traduction  des 
Œuvres  de  Salomon  Gessner,  sou- 
vent imprimée ,  mai»  particulière- 
ment en  deux  tomes ,  Zurich ,  1 777. 
grand  in-V  et  in-8*,  ayec  de»  plaii- 
rhes  et  des  vignettes  gravées  par  l'ii- 
iustre  poète  lui-même.  Elle  réunit 
'lt';ancc  à  la  Bdélitè.  .Ses  propres 
uiiviages  sont  aussi  nombreux  que 
vaiies.  On  ne  peut  détermitier  la  part 
qai  lui  revient  dans  la  Correipondani  e 
de  Gritnm  ;  mais  on  a  lieu  de  croire 
qu'il  V  a  fourni  un  grand  nombi-e 
d  articles  instructifs  et  piquants.  Après 
que  Grinim  eut  quitté  Paris,  Meister 
continua  cette  correspondance  ,  et 
prit  des  mesures  pom*  lui  donner  ime 
suite,  depuis  son  retoiu-  dans  sa  pa- 
trie, en  1789  ou  1790,  au  moyen  des 
renseignements  confidentiels  et  précis 
qu'il  sut  se  procurer  par  ses  amis  de- 
meurant en  France.  Son  Traité  de  la 
morale  naturelle  a  eu  plusieurs  édi- 
tions :  la  première  est  de  Paris,  1788. 
grand  in-12.  On  a  de  lui  différents 
antres  essais  de  philosophie  et  de  mo- 
rale ,  remplis  d'observations  fines . 
cl  dans  lesquels  il  revient  aux  prin- 
cipes religieux  dont  l'influence  de  la 
société  où  il  passa  une  grande  partie 
de  A  vie,  et  cet  empire  des  opinions 
dominantes  ,  auquel  les  esprits  le> 
plus  sages  ne  peuvent  se  sousti-aire  . 
avaient  paru  l'éloigner  dans  sa  jeu- 
nesse. On  reconnaît  cette  tendance 
dans  ses  Lettres  sur  l  imagination  , 
Zurich,  1794,  iu-12;  ses  Entretietfi 
sur  l'immortalité  de  iàme  ,  Paris,  Re- 
nouard,  1807;  sur  la  Fieillesse,  ihid.. 
1810;  ses  Etudes  sur  Phomme,  1811, 


ibid..  écrit    p'  s  grandes  et 

consolantes  ,  -     ,,  at  exprinȎes, 

et  suivi  d'un  exposé  succinct  et  lu- 
mineux des  bases  de  la  morale  de 
Kant.  Meister  fit  paraître,  en  1816 
et  1817,  des  Heures  on  Méditations 
religieuses  .  dans  lesquelles  le  pieux 
spectateur  des  événements  contem- 
porains s'élève  à  cx^tte  providence,  qui 
a  su  tirer  tant  de  bien  et  de  si  «ilu- 
taires  leçon»  de  tant  de  maux  et  de 
penersité.  Dans  one  autre  classe  des 
productions  de  la  ptnme  de  Meister, 
on  peut  comprendre  les  Souvenirs  de 
mes  voyaqes  en  Angleterre ,  Zunch  , 
1795,  2  vol.  in -12:  Souvenirs  de 
mon  dernier  voyaqe  à  Pari^,  Lausanne, 
1797,  in-12:  Poésies  fugitives.  1798, 
in-8°:  plusieurs  naorceanx  d'érudition, 
semés  de  réflexions  intéressantes  , 
insérés  dans  des  ouvrages  périodi- 
ques, par  exempi'  "  ^Archives 
littéraires,  où  l'oi  i  des  Re- 
marques sur  les  propi  le'és  <le  la  lan- 
gue grecque:  dans  le  Publiciste,  dans 
le  Journal  Général  de  1817,  deux 
articles  piquants  sur  Homère ,  anquel 
Meister  attribue  le  tlessein  de  rendre 
ridicule  la  ravthologie  grecque,  et 
dont  les  poèmes  lui  paraissent  appar- 
tenir au  genre  héroi -comique.  L'in- 
sertion de  ces  deux  articles  est  le  der- 
nier objet  littéraire  dont  ait  été  oc- 
cupé Suard  ;  il  les  avait  reçus  peu  de 
temps  avant  sa  mort ,  de  Meister,  un 
de  ses  plus  anciens  amis  (1).  Nous 
devons  encore  faire  mention  particu- 

(1)  Cest  de  J.-H.  Meister  que  M.  Suarë  re- 
cul eu  1812  le  uianuscrii  de  la  deuxième 
portion  qui  fut  alors  publiée  de  la  Corres- 
pondance de  Grimni  et  Diderot.  Celui  qui 
signe  cette  note  a  conservé  le  billet  par  lequel 
cession  en  éuit  faite,  et  c'est  lui  qui  fut 
chargé  du  soin  de  retraiKher  du  manuscrit 
les  inutilités ,  et  surtout  des  passages  bles- 
sants potu-  des  individus  et  des  familles.  M. 
Suard  lui-même  n'y  était  pas  ménagé,  et  s'il 
eût  prétendu  dissimuler  ici  sa  participaU'oii, 
comme  éditeur,  il  nierait  eu  peut-être  qu'à 


412  MEI 

lière  d'un  écrit  intitulé  ;  Aux  maries 
de  Diderot ,  qui  a  été  imprimé  deux 
fois  ;  la  dernière  édition  est  augmen- 
tée d'une  comparaison  de  Diderot  et 
d»  Lavater.  Si  la  vivacité  d'imagina- 
tion et  l'enthousiasme  qui  distinguè- 
rent ces  deux  hommes  célèbres,  d'ail- 
leurs si  dissemblables,  ne  motivent 
pas  suffisamment  ce  singulier  paral- 
lèle, il  ne  laisse  pas  de  faire  honneur 
au   caractère  de    Meiater.  Ayant  eu 
autrefois  à  se  plaindre  de  Lavater,  il 
ne  cessa  pas  cependant  de  rendre  jus- 
tice à  ses  vertus  et  devint  un  de  ses 
amis  zélés.  Attaché  à  la  mémoire  de 
Diderot ,  et  constant  dans  le  culte  de 
l'amitié,  il  aurait  voulu  jeter  dans 
l'oubU   les   erreurs,  ou  atténuer  les 
torts  du  philosophe ,  en  relevant  ce 
qu'il  y  avait  de  noble   et  d'aimable 
dans  l'homme.  Il  manqueiait  à  cette 
notice  sur  Meister  une  partie  essen- 
tielle ,  si  nous  ne  rappelions  les  écrits 
du  publiciste  etla  conduite  du  citoyen, 
au  milieu  des  dissensions  civiles  qui 
agitèrent  la   Suisse    après  l'invasion 
française.  Fédéraliste  de  sentiment  et 
d'opinion,    mais   animé  d'un   esprit 
conciliateur,  il  défendit  sa  cause  sans 
aigreur    et  avec    luodération.    C'est 
dans  ces  principes  que  Meister  l'édi- 
pea    un    écrit   sur    le    Gouverncmenl 
fédérât  if  de  la  Suisse  ,  publié  eu  1800. 
Lorsqu'en   1802 ,    Bonaparte    rendit 
à  la  Suisse  ses  formes   fcdoratives, 
Meister  dut  à  la   considération  per- 
sonnelle dont  il  jouissait,  d'être  appelé 
à  présider    la     conunission    chargée 
de  mettre  le  nouiveau  pacte  en  acti- 
vité dans  le  canton  de  Zurich.  S'étant 
acquitté  de  ces  fonctions  à  la  satis- 
faction de  se»  concitoyens ,  iî  fut  porté 
par  leurs  voeux  à  une  place  dans  le 
gouvernement  ;    mais    il   s'y    refusa 

laisser  subsister  certains  traits  plus  ou  moins 
inalins  ;  mais  il  n'a  pas  voulu  employer  ce 
moyen  d«  se  déguiser.  L. 


MEJ 

constamment,  et  rentra  dans  la  vie 
privée,  où  il  ne  cessa  de  se  livrer  à 
des  travaux  utiles,  jusqu'à  sa  mort, 
arrivée  le  9  octobre  1826.  Outre  les 
ouvrages  dont  nous  avons  parlé,  Meis- 
ter a  publié  :  I.  Logique  à  mon  usage, 
Amsterdam,    1772,    iQ-8«.   II.   Les 
premiers  principes  du  système  social 
appliqués    à    la  révolution    présente, 
INice  et  Paris,  1790,  in-8".  III.  Vnklc 
et  Yariko,  supplément  aux  œuvres  de 
Gessner,  traduit  de  l'allemand,  1790, 
in  18.  IV.  Traduction  de  la  Fie  de  Gess- 
ner, par  Hottinger,    1797,  in-12.  V. 
Entretiens  philosophiques  et  politiques 
suivis  de  Betzi,  ou   l' Amour  comme  il 
est,  Hambourg  (Paris),    1800,  in-i2; 
réimprimés  en  1801  et  en  1803.  VI. 
Essai    de    poésies   religieuses ,  Paris  , 
1801,   in-12.  VIL  Cinq  nouvelles  hel- 
vétiennes,    Paris,    1805,   in-12.  VIII. 
Traité  sur  la  physionomie ,  par  le  so- 
phiste Adamantif.s,  ou  Extrait  des  phi- 
losophes anciens  et  physiotiomistes  mo- 
dernes, suivi   d'un  éloge  de   Lavater, 
comparé  avec  Diderot,    Paris,   1806. 
in-8''.  IX.  Voyage  de  Zurich  à  Zurich 
par  un  vieil  habitant   de    cette  ville  , 
Zurich,  1818  et  1825,  in-12.  X. 
Mon  voyage  au-delà  des  Alpes,  Berne, 
1819,  in-8''.  XL  Berne  et  les  Bernois, 
Zurich,  1820,  in-12.  XII.  Mélanges  de 
philosophie,de  morale  et  de  littérature, 
Genève  et  Paris,    1822,   2  vol.  in-8". 
Meister  s'est  servi  de  préférence  de  lu 
langue  française,  qu'il    écrivait  ^vei 
élégance  et  pureté.  U — i. 

MEJAN(MAiuiCK),  né  vei|fel765. 
était,  avant  la  révolution,, aVocat  au 
Parlement  de  Provence;  il  partit  en- 
suite pour  Paris  oii  il  exerça  sa  pio- 
fession  pendant  plusieurs  années, 
et  devint  avocat  à  la  Gour  de  cas- 
sation. Il  fut  un  des  hommes  qui  se 
prononcèrent  avec  le  pli^s  denergit> 
pour  le  rétablissement  des  «our- 
bons,    en  1814,  et  publia,   pondant 


MEL 

les  Cent-Jours,  quatre  brochures  qu'il 
ne  craignit  pas  de  signer.  Maurice 
Mejan  mourut  à  Provins  en  1823. 
On  a  de  lui  :  I.  Code  du  divorce  et  de 
l'état  civil  des  citoyens,  avec  formules 
et  notes  instructives,  1793  ,  in-12  et 
in-8°.  II.  Recueil  des  causes  célèbres 
et  der,  arrêts  qui  les  ont  décidées ,  Pa- 
ris, 1809  et  années  suiv.,  21  vol.  in- 
8*.  m.  Histoirr  du  procès  de  Louis 
XVI,  dédiée  à  S.  M.Louis  AT///,  Pa- 
ris, 1814,  2  vol.  in-8''.  IV.  Quelques 
réflexions  sur  les  deux  discours  pro- 
noncés à  la  Chambre  des  pairs  par  M. 
le  maréchal  duc  de  Tarente ,  relative- 
ment aux  biens  des  émigrés  et  aux 
dotations  ,  Paris,  1815,  deux  éditions 
in-8*-  V.  Réflexions  sur  les  dangers  de 
l'impunité  et  sur  les  moyens  dé^termi- 
uer  la  révolution ,  Paris  ,  1815,  in-8". 
V^I.  Réfutation  de  F  opinion  de  M.  le 
comte  Lanjuinais ,  sur  la  loi  concer- 
nant les  mesures  de  sûreté  contre  les 
prévenus  d'attentats  politiques.  Paris. 
1815,  in-8°.VII.  Réponse  au  mémoire 
justificatif  de  M.  le  comte  Lanjuinais. 
Paris,  1815,  in-8°.  VIÏI.  Histoire  du 
procêi  du  maréchal-de-camp  Bannaire 
et  du  lieutenant  Miéton,  Paris,  1816, 
il*^".  IX.  Plaidoyer  prononcé  en  fa- 
veur de  la  dame  Dumont.  devant 
le  tribunal  correctionnel  de  Rouen, 
Rouen,  1818,  in-i".  X.  Histoire  du 
procès  de  Louve l ,  assassin  du  duc  de 
Berry,  Paris,  1820,  2  vol.  in-S».  XI. 
Petit  catéchisme  politique  à  l'usage 
des  habitants  îles  campagnes  ,  Paris, 

1820,  in-12.  XII.  Histoire  du  procès 
de  la  conspiration  du   19  août,  Paris, 

1821,  in-8".  Z. 
MEL  AIXE  (Saist),  né  »  Platz ,  à 

peu  près  dans  l'endroit  qu'on  nomuie 
aujourd'liui  Brains,  près  Redon ,  dans 
le  diocèse  de  Vannes,  en 462.  suivant 
Albert  Legrand  :  et ,  suivant  d'au- 
tres, en  452,  ou  456,  appartenait  a 
iMie  des  premières  familles  de  la  Bre- 


MEî. 


419 


tagne.  Il  fat  élevé  dans  la  maison  pa- 
ternelle, et  confié,  jusqu'à  l'âge  de 
quinze  ans,  à  un   vertueux  précep- 
teur dont   les  soins   furent  secondés 
par    ceux    de   plusieurs    évêques    et 
abbés,  également  versés  dans  les  let- 
tres divines    et    humaines.   Aussitôt 
que   ses  études  furent  achevées ,  ses 
parents  l'envovcrent  à  la  cour  du  roi 
Hoël ,  qui  résidait  à  Rennes.  Melaine 
y   passa  trois  ans  en  qualité  de  page 
de  ce  prince ,  et  se  perfîectionna  dans 
tous  les  exercices  auxquels  se  livraient 
les  jeunes  seigneurs.  Mais ,  loin  d'être 
st>duit  par  les  plaisirs  du  monde,  il 
chercha  promptement  à  s'en  déga- 
ger pour  se  vouer  exclusivement  au 
service  de   Dieu.   Les  délices   de   la 
cour,  les  faveurs  du  roi,  les  honneurs 
<lont  il  était  comblé,  tout   lui  devint 
importun;  son  seul  bonheur  était  de 
visiter  les  églises,   de  fréquenter  les 
monastères,  les  hospice»,  dy  assister 
les  malades,  et  de  méditer  les  saintes 
écritm  es.  Le  roi,  voyant  que  ses  solli- 
citations et  les  avantages  qu'il   offrait 
à  Melaine  ne  pouvaient. le  retenir  au- 
près de  lui ,  consentit  à  ce  qu'il  quittât 
la  cour.  Il  se  retira  aussitôt  dans  le 
monastère  de  Platz,  à  i'insu  de  sa  fa- 
mille, qui  tenta  vainement  de  le  faire 
changer  de  résolution.  Son  noviciat 
terminé,  il  se  livra,   pendant  quatre 
ans,  à- l'étude  de  la  théologie,  et  fut 
ordonné  prêtre   lorsqu'il  eut  atteint 
sa   25*  année  ;  l'abbé  du  monastère 
étant  mort  peu  après .  il  fut  nommé 
son  successeur  à  l'unanimité.  Pendant 
qu'il  gouvernail   cette   maison,  à  la 
grande  édification   de   Rennes  ,  saint 
Amand,  évéque  de  cette  ville,  attaqué 
par  la   maladie  qui  devait  l'enlever, 
manda  le  saint  abbé  qu'une  révéla- 
tion lui  avait  indiqué  comme  son  suc- 
cesseur, et  auquel  il  recommanda  son 
troupeau.    La    désignation    de   saint 
Amand  jeta  la  consternation  dans  le 


414 


MEfc 


monastère  de  Platz,  désolé  de  perdre 
son  guide  spirituel  ;  il  en  fut  tout  au- 
trement dans   la  ville,    car,  aussitôt 
qu'on  eut  célébré    les  obsèques  de 
saint  Amand  ,   les   principaux  habi- 
tants et  le    clergé    allèrent   trouver 
Melaine,  l'enlevèrent  malgré  sa  résis- 
tance,   et  l'élurent,    d'un    commun 
consentement,  pour  leui   évéque.  Il 
fut  sacré  peu  de  temps  après ,  eu  pré- 
sence du  roi   Hoël  II  et  de  toute  sa 
cour,  en  l'an  48o.  Malgré   son  désir 
de  rester  étranger  aux  affaires  tempo- 
relles, il  remplissait  les  fonctions  de 
chancelier,    quand  Clovis,    sollicité 
par   le   pape  Symmaque,  assembla, 
en  511,  à  Orléans,  un  concile  de  32 
ëvêques  ayant  pour  mission  de  main- 
tenir  la  pureté  de  la  foi  et  de  préve- 
nir le  schisme  ou  l'hérésie  qui  mena- 
çait  d'envahir  la   foi   naissante  des 
Francs.  Saint  Melaine    fut   l'âme  de 
cette  assemblée.   «  Effectivement,  dit 
"  l'auteur  anonyme  de  ses  actes ,  in- 
»  sérés  dans  Bollandus(t.  1^*^,  p.  327- 
«  333),   la  préface  de  ce  concile  fait 
"  foi  que  notre  saint  évcque  se  dis- 
"  tingua   d'une  manière  particulièie 
«  entre  tous  les  autres ,  soit  en  réfu- 
u  tant  les  objections  des  hérétiques , 
"  soit  en  établissant  solidement  les 
"  dogmes  sacres  de  l'Eglise.  Au  reste, 
«  si  l'on  veut   savoir   plus  en  détail 
«  quels  ont  été  les  chapitres  dont  on 
u  est  redevable  en  particulier  à  saint 
»  Melaine  ,  on  n'a  qu'à  consulter  les 
"  actes  de  ce  concile ,  etc.,  on  verra 
«  qu'il  fut  le  principal  auteur  de  ces 
«  saints  canons.    >•     Cette    opinion, 
dont    nous  ne    pouvons  aujourd'hui 
vérifier   l'exactitude   par  suite  de  la 
perte  des  actes  de  ce   concile ,   a  été 
confirmée  par  plusieurs    hagiologues 
qui  avaient  lu  ces  ruônies  actes  dans 
le  légendaire  de  l'abbaye  de  la  (cou- 
ture,  et    dans  les   manuscrits  de  la 
reine  de  Suède ,  au  Vatican  ,  n"  1280: 


MEL 

ils  y  étaient  plus  étendus  que  ceux 
qu'a  rapportés  Bollandus  sur  une  co- 
pie défectueuse.  Toutefois,  il  existe 
encore  trente-un  canons  du  concile 
d'Oi'léans,  soit  dans  le  tome  l"  des 
preuves  de  l'histoire  de  Bretagne,  par 
doua  Morice  (col.  186-187),  soit  dans 
la  vie  de  saintMelaine,  par  domLobi- 
neau.  Après  la  séparatio»  du  concile, 
Melaine  retourna  à  Rennes,  et  fit  une 
tournée  dans  son  diocèse  pour  y  veil- 
lei'  à  l'exécution  des  décrets  qui  ve- 
naient d'êtie  rendus.  Mais  Clovis , 
informé  du  zèle  et  du  talent  dont  il 
avait  fait  preuve  à  Orléans,  désira  se 
l'attacher  et  le  fit  prier,  par  le  roi 
Hoël,  de  se  rendre  auprès  de  lui. 
Malgré  toute  sa  répugnance  à  s'éloi- 
gner encore  de  son  diocèse,  Melaine 
accéda  à  la  demande  de  Clovis,  qui  le 
fit  entrer  dans  son  conseil  et  le  char- 
gea, coucm'remment  avec  saint  Rémi, 
de  plusieurs  affaires  importantes  (1). 
Pendant  les  tleux  années  qu'il  passa 
a  la  cour  de  Clovis ,  Melaine  se  livra 
avec  ardeur  à  la  prédication  et  à  la 
conversion  des  Francs  qui  n'avaient 
pas  enooie  embrassé  la  religion  ckré- 
tienne.  Revenu  dans  son  diocèse,  Me-, 
laine  y  fit  de  nombreux,  miracles ,  9\ 
continua  son  œuvre  de  conversio» 
dans  la  Bretagne,  qui,  à  cette  épo- 
(jue,  n'avait  ])as  encore  entièrement 
abjuré  l'idolâtrie.  Les  légendaires  cl 
les  biographes  ne  s'accordent  pas  sur 
l'cpotiue  précise  de  sa  mort  :  don»  • 
I^bineau  la  met  au  6  novembre â3c>, 
.Vlbert  Legrand  au  6  janvier  567,  et 
le  P.  Lecointe  assure  qu'elle  eut  lieu 
à  Plat/,  le  ()  novembre  5.30.  VA. —  i. 

AlELAJN'DEll  (Otto.n  St^wART/- 
M\N.s ,  plus  comiu  sous  le  nom  grécisé 
de),  jiuisconsulte,  fil  ses  études  à  la- 
it) Laiiouc,  dans  son  Syntagvia  de  aanctis 
Prancitt  canccUariis  ,  Paris,  1634,  in-û°,  ei 
Strasbourg,  m."»,  place  saint  Melaino  en  tf te 
(tes  chanceliers  de  France. 


MEL 

t  adeinie  de  Marbourg  ,  où  il  soutint, 
en  1593  pour  le  doctorat,  une  thèse 
De  tutelis.  Ayant  abjuré  le  prot«tan- 
tisme,  il  fut  nommé  conseiller  im- 
périal, et  mourut  en  1640,  à  69  ans. 
Outre  quelques  traités  de  dioit  ,  ou- 
bliés depuis  long-temps,  on  a  de  lui  : 
Joconim  àtque  seriorum  tuni  novorum 
tum  telectorum  liber  utius,  Licha , 
1602,  in-g";  ibid.,  1604,  in-8".  Cette 
édition  est  augmentée  d'un  second 
livre.  Melander  s'est  justifié  d'avoir 
composé  ce  recueil,  par  une  pièce  de 
vers,  à  la  suite  de  laquelle  il  donna  la 
la  liste  de  vingt-deux  personnes  gra- 
ves qui,  comme  lui,  ont  publié  des 
facéties  pon*  se  distraire  de  travaux 
sérieux.  Le  livre  de  Melander  a  été 
réimprimé,  Marbourg,  1609, 1617,  et 
Francfort,  1626.  Ces  difïercntes  édi- 
tions sont  également  recherchées  des 
curieux.  W — s. 

MELAXDRI-COXTESSl  (Jé- 
rôme), médecin  italien  ,  naquit  en 
1784,  à  Bagnacavallo,  dans  les  États 
pontificaux.  Après  avoir  étudié  la  chi- 
mie à  Ravenne ,  puis  à  Bologne ,  il 
passa  à  l'université  de  Pavie.  oii  il  se 
fit  recevoir  docteur  en  1806.  L'année 
suivante,  il  publiait ,  avec  Moretti , 
plusieurs  Mémoires  qui  lui  valurent 
la  chaire  de  chimie  à  l'université  de 
Padoue.  Il  ne  cessa  d'enseigner  avec 
distinction  jusqu'à  sa  mort,  arrivée  le 
22  fév.  1833.  Outre  un  grand  nom- 
bre de  Mémoires  insérés  dans  le  Jour- 
nal de  chimie  et  Ue  physique  de  Pa- 
vie, dans  les  Mémoires  de  [Académie 
de  Padoue ,  dans  les  Annales  des 
iciences  du  ivyaume  Lombardo-Véni- 
tien,  et  autres  recueils,  Melandri  a 
publié,  en  1826,  un  Traité  de  chimie, 
qni  contient  plusieurs  expériences 
nouvelles.  Z. 

MELCHIORIS  (  Albert  -  Gta- 
licme).  Foy.  Wessbliso,  L,  396,  no- 
te â. 


MEL 


ill» 


MELCHISEDECH   (dont  le 
nom,  en  hébreu,  signifie  roi  de  jus- 
tice), préti-e  du  'Près-Haut  et  roi  de 
Salem  .  oiFrit  à  Abraham  du  pain  et 
du  vin,  après  la  \'ictoire  que  ce  pa- 
triaixhe  avait  remportée  sur  Chodor- 
lahomor  (1912  avant  J.-C.);  il  le  bé- 
nit ;  et  Abraham  lui  donna  ia  dîme 
du  butin  pris  à  l'ennemi  (voy.  Abra- 
ham ,  1 ,  104).  Cest  tout  ce  que  l'Écri- 
ture  rapporte  de  Melchisédech  ,  que 
les  saints  pères  ont  regardé  comme 
la  figure  de   .tésus-Christ    instituant 
l'eucharistie.  On    ne   connaît  aucune 
auti'e  circonstance  de  sa  vie.  Les  rab- 
bins ont  prétendu  que  c'était  le  pa- 
triarche Sem,  qui  vivait  encore  à  cette 
époque  ;  Origène  a  cru  que  c'était  un 
ange.  Enfin  des  hérétique»  soutinKnt 
que  Melchisédech  était  le  Saint-Esprit, 
d'autres  le  Messie,  etc.  :  ils  furent  con- 
damnés par  l'Église,  et  appelés  mel- 
chisédéciens.  Quant  à  la  ville   de  Sa- 
lem ,   dont  Melchisédech   était    roi  , 
quelques  interprètes  l'ont  confondue 
avec  Salim,  ville  des  Sichimites,  où 
.lacob  s'arrêta  en  revenant  de  la  Mé- 
sopotamie (Genèse,  ch.  33),  et  qtù  est 
citée  aussi  dans   l'évangile  de  saint 
Jean  (ch.  3);  mais  on  croit  commu- 
nément que  Salem  était  la  même  ville 
que  Jérusalem.  Z. 

MELI  (Jeaîi),  célèbre  poète  sici- 
lien, naquit,  le  4  mars  1740,  à  Paler- 
me ,  d'une  famille  honorable  et  fut 
élevé  dans  le  collège  des  Jésuites. 
Doué  de  limagination  la  plus  vive,  et 
noiu-ri  de  la  lecture  des  meilleurs  é- 
crivains,  anciens  et  modernes,  il  ne 
tarda  pas  à  faire  connaître  son  talent 
pour  la  poésie.  A  dix-huit  ans,  il  pu- 
blia la  Fata  galante,  poème  regarde 
par  ses  compatriotes  comme  une  es- 
pèce de  prodige.  Quelques  années  a- 
près,  il  reçut  le  laurier  doctoral  à  la 
Faculté  de  médecine,  et  alla  exercer 
pendant  cinq  ans  à  Cinisi,  petit   vil- 


/  416  MEL 

lage  appartenant  aux  Bénédictins.  Ce 
fut  là   qu'il    écrivit    les  poèmes  des 
Quatre  saisons,  da  Polémon  ,  et   qu'il 
conçut  l'idée  d'un   ouvrage   médico- 
philosophique,  intitulé  :   Mécanisme 
de  la  nature.  Nommé  ensuite  profes- 
seur de  chimie  à  l'académie  de  Pa- 
lerme,  les  devoirs  que  cette  place  lui 
imposait  ne  ralentirent  point  son  ar- 
deur pom-  les  lettres.  Dans  ses  diver- 
ses compositions,  Meli  n'employa  ja- 
mais que  le  dialecte  sicilien ,  et   l'on 
peut  le  regarder  comme  le  premier 
qui  ait  fait  connaître  les  grâces  de  ce 
langage  naif  et  les    ressources  qu'il 
offre  à  la  poésie.  Ses    Bucoliques   et 
ses    Canzoni,    dans    lesquelles   il   se 
montra  l'heureux  imitateur  de  Théo- 
crile   et    d'Anacréon  ,   présentent  de 
gracieux  tableaux,  de  riantc>s  images, 
des  pensées  naturelles,  revêtues  d'un 
style    à  la    fois  simple  et  éloquent. 
Dans  son  Pou  Quichotte ,  poème  ber- 
nesque,  Meli  jeta  le  ridicule  à  pleines 
mains  sur  ces  novateurs  orgueilleuxe) 
fanatiques  qui,  sous  prétexte  de  faire 
la  guerre   aux  abus ,  troublent    sans 
cesse  l'ordre  établi.  Il    s'est    permis, 
dans  ce  poème,  des  personnalités,  et 
on  lui  en  a  fait  un  reproche  ;    mais 
dans  ses   Capitoli,  comme  dans  ses 
Satires,  il  a  constamment  observé  le 
précepte  d'Horace,  qui  recommande, 
en  attaquant  le  vice  ,   d'éparguer   le 
vicieux.   Le   talent    flexible    de  Meli 
se  pliait  à  tous  les  genres.  Il  composa 
des  Fables  qui  renferment  d'utiles  le- 
çons, et  qui  peuvent  être  mises    en 
parallèle  avec  les  meillem  es  de  Vltalie. 
Son  dithyrambe,  imité  de  Bacco   de 
Redi,  est  supérieur  à  son  modèle;  en- 
lin,  quoique  son  caractèie  lui  fît  don- 
ner la  préférence  aux  sujets  gais,  il  ■> 
fait  des  élégies   pleines  d'pne  douce 
sensibilité.   Le»  ouvrages  de  Meli,  ar- 
cuei'lis   avec   enthousiasnie    par   ses 
compatriote»  à  mesure  <|u'ils  parai.s- 


MEL 

saient,  ont  été    Uaduits    en    italien 
néanmoins  un  grand  nombre  de   ht- 
tératour»  toscans  apprirent  le  dialecte 
de   Sicile,  pour  goûter  le  plaisir  de 
lire  dans   l'original    ces   charmantes 
productions.  Visité  par  tous  les  voya- 
geurs qui  parcouraient  la  Sicile,  sa 
réputation  s'était  étendue  dans  toute 
l'Europe,  et  cependant  il  était  à  peme 
connu  de  la  cour  de  Naples.  Jamais 
le  bon  et  modeste  Meli  n'avait  reçu 
la  moindre  faveur  de  son  sonjireraiu. 
Ferdinand  IV,  expulsé  de  Naples  pai' 
les  Français,  en  1798,  vint  cberchei 
un   asile    à   Palerme ,    et   s'empressa 
de    réparer    ses    torts    involontaires 
à  l'égaid  de  Meli,  en  \m  assignant 
une    pension  de  trois    cents    ducats. 
Le  prince  de  Salcrne  fit  frapper  une 
médaille  en,  l'honneur  de  ce   grand 
poète.  Meh  ne  jouit  que  peu  de  temps 
(les  bienfaits  de  son  souverain  ;  il  mou- 
rut d'une  maladie  de   poitrine,  le  ;20 
décembre   1813.  Ses  obsèques  furent 
célébrées  avec  la  plus  grande  pompe 
Son  buste  a  été  placé  dans   une  sali.' 
de  la  Bibhotbèque   de  Palerme   avei 
une  inscription.  La  première  édition 
des  œuures  do  Meli  est  celle   de  Pa- 
lerme, 1814,  7  vol.  pcl.  in-8".  Cctir 
édition,  revue  et  augmentée  par  l'au- 
teur, est  accompagnée  de  notes  gram- 
maticales propres  à  faciliter  l'intell. 
pence  du  texte  aux  personnes  qui  ii. 
sont  pas  familiarisées  avec  le  dialect. 
sicilien.  U  tome  premier  contient  l<> 
//uco/iV/ufs;  lesccoïKl,    les    Odes   ou 
Camoni   et  les  5o«ner>-;  le  troisième, 
les  Satires  et    les  Capitoli:  le  quatiiè 
me,  la  l'ée  galante,   poème   en  huu 
chants  j  le  ciiuiuièmc  et  le  sixième,  I. 
Don     Quichotte,    poème    en    dou/< 
chants;  et  enfin  le  septième,  les  /•:/< 
rjies,  les  Épiires    et  les  Fables.  Il  hun 
y  joindre  im  huitième  volume,  publn 
\  c;n  18-26,  par  Augustin  Gallo,   l'éK-N- 
'  de  Meli,  cl  qui  contient  les  Opuscuh- 


MEL 

inédits  du  poète,  dout  plusieiu's  ont 
trait  aux  dernières  révolutions  du 
royaume  de  Naples.  Il  a  paru  de- 
puis, à  Païenne,  deux  autres  éditions 
des  Œuvres  complètes  de  ce  poète,  la 
première  en  1830,  8  vol.  in-12;  la 
seconde  en  i839,  augmentée  de  plu- 
sieurs pièces  inédites  en  vers  et  en 
prose.  On  tiouve  une  notice  sur  Meli 
dans  la  Storia  délia  letterat.  italiatta, 
par  Lonibardo.  W — s. 

MELIK  EK-ILVHIM  (Aboi- 
Nasr  KiiosRor  FvRoiz),  11*  sullhan  de 
Baghdad ,  de  la  dynastie  des  Bowaï- 
des.  Ayant  appris  que  son  père  Abou 
Kalindjar  Mai-zaban  Ezz-el-Molouk 
était  mort  le  ï'  djoumadv  I"^  440  (lo 
octobre  1048),  dans  le  Kerman  oi«  il 
était  allé  combattre  le  gouverneur 
révolté,  il  se  fit  prêter  serment  de  fi- 
délité par  les  troupes  de  Baghdad,  et 
obtint  du  klialyfe  Caim,  l'investiture 
et  les  marques  honorifiques  de  la  di- 
gnité d'Emyr  al-Omrah  {voy.  Badv- 
BiLLAH,  XXXVI,  o33}.  Maître  de  l'irak- 
Araby,  il  le  devint  aussi  du  Khouzis- 
tan  et  du  Farsistan ,  la  même  année, 
par  la  défaite  de  son  frère  Abou-Man- 
sour  Foulad-8otoun ,  qu'il  fit  enfer- 
mer, ainsi  que  sa  mère  :  mais  ce  der- 
nier s'évada  de  sa  prison  et  entra 
dans  Chyraz ,  l'année  suivante.  La 
guerre  ,qul  eut  lieu  entre  les  deux 
fi'ères,  les  troubles  excités  à  Baghdad, 
par  les  rixes  fréquentes  des  Chvites 
et  des  Sunnites,  l'ambition  du  fameux 
Bessasiry,  commandant  des  milices 
turkes,  qui  se  saisit  d'Anbar  et  de 
Waseth  ,  et  les  progrès  de  Tbogrul 
Beygqui,  par  la  prise  d'Ispahan.  a- 
cheva  la  conquête  de  l'hak-adjem, 
et  affermit  la  dynastie  des  Seldjouki- 
des,  préparaient  la  chute  des  Bo- 
waïdes.  Des  troupes  fournies  par  Tho- 
gi'ul,  envoyéespar  Melik  Er-Bahimet 
commandées  par  Abou-Saïd,  un  de 
ses  frères,  reprirent  Chyraz  en  445 , 

LSXUI. 


MEL 


417 


et  le  nom  de  ces  trois  princes  v  fut 
prononcé  dans  la  Khothbab.  Cepen- 
dant le  khalvfe,  alarmé  des  menaces 
et  des  hostilités  de  Bessasirv,  et  ne  pou- 
vant compter  sur  la  protection  de  son 
Émyr  al-Onirah  qui  s'était  tx)n tenté  de 
déposer  ce  factieux,  implora  le  secour> 
•de  Thoghrul.  Ce  prince  entra  dans 
Baghdad,  le  25  ramadban  447  (17  dé- 
cembre 1055X  après  avoir  juré  de  re- 
connaître Caïm  pourkhalyfe  et  de  n'at- 
tenter ni  à  la  personne  ni  aux  préro- 
gatives de  Mélik  Er-Rahim.  Mais  quel- 
ques -  uns  de  ses  soldats  ayant  pris 
querelle  avec  des  marchands  de  co- 
mestibles ,  il  en  résulta  une  sédition 
générale  qui  fit  couler  beaucoup  de 
.sang  de  part  et  d'autre.  L'ordre  ré- 
tabli, MeUk  Er-Bahim,  par  le  conseil 
du  khalyfe  et  sur  l'invitation  de  Tho- 
ghrul ,  se  rendit  au  quartier  de  ce 
prince,'  pour  lui  prouver  qu'il  n'a- 
vait eu  aucime  part  à  la  sédition  ; 
mais  il  fut  aussitôt  arrêté  'aveC\ton.s 
les  émyrs  qui  l'accompagnaient,  ren- 
fermé dans  le  château  de  Siravan, 
piiis  transféré  dans  la  citadelle  de 
Reï,  où  il  mourut  en  état  de  démence, 
l'an  450  (1058).  La  charge  d'Emvr 
al-Omrah  et  la  sulthanie  de  Baghdad 
qu'il  avait  possédées  un  peu  plus  de 
sept  ans,  et  qui  étaient  restées  dans  la 
maison  de  Bowaiah  pendant  113  ans. 
passèrent  alors  dans  celle  de  Seldjouk 
û:  MoEzz-ED-DArLAH,  XXIX,  209,  et 
Phoghrul-Beig,  XLV,  43o).Abou-Mau- 
sour,  frère  de  Mélik  Er-Bahim,  remon- 
ta sur  le  tiônC de  Chvraz,  après  avoir 
/aincu  son  frère  Abou-Saïd,  qui  pé- 
rit dans  la  bataille,  l'an  448  ;  mais  il 
lut  bientôt  lui-même  détrôné,  em- 
prisonné et  mis  à  mort  pas  son  vezyr 
Fadhlovvyah  ibn-Chebankarèh  ,  fon- 
dateur de  la  dynastie  des  Cheban- 
karides  qui  régna  près  d'un  siècle 
dans  le  Farsistan,  comme  tributaire 
des  sultans  Seldjoukides.  Abou-.Aly 
27 


418 


MEL 


Kaï-Khosiou,  le  plus  jeune  des  prin- 
ces Bowaïdes ,  après  avoir  disputé 
plusieurs  années  le  Farsistan  à  l'u- 
surpateur, se  soumit,  l'an  455  (1063), 
au  sultan  Alp-Arslan,  successeur  de 
Thoghrul,  et  se  retira  à  la  cour  de  ce 
prince  qui  lui  céda  la  ville  et  le  terri- 
toire de  Naubendjan,  avec  le  privilège 
de  marcher  précédé  de  l'étendard 
et  des  timballes.  Abou-Aly  mourut 
dans  cette  retraite,  l'an  487  (1095),  et 
fut  le  dernier  de  la  famille  des  Bo- 
waïdes, qui  avait  régné  en  Perse  133 
ans  (voy.  Imvd  Ed-Uax3lah  ,  XXI,  196, 
et  Ai.p-AnsL\N,  I,  607).  A — t. 

MÉLISSUS  (Caïus),  grammairien 
dont  Suétone    a  fait  une    honorable 
mention.  De  illustr.  grammaticis,  na- 
quit à  Spolète,  en  Ombrie,  de  parents 
libres.    Comme  ceux-ci    vivaient  en 
mauvaise  intelligence,  le  pauvre  en- 
fant, victime  de  leurs  querelles   do- 
mestiques, fut  exposé,  suivant  l'impi- 
toyable droit  que  la  loi  romaine  don- 
nait au  père  de  famille.  Recueilli  et  é- 
levé  par  un  citoyen  dont  on  n'a  pasgar- 
dé  le  nom,  il  profita  si  bien  de  l'éduca- 
tion qu'on  lui  donna,  qu'il  devint  un 
grammairien     assez    distingué   pour 
être  offert  au  premier  ministre  d'Au- 
guste, à   Mécène,  qui  aimait  à   s'en- 
tourer d'esclaves  lettrés.    Honoré  de 
la  confiance  de  son  maître,  cjui  l'associa 
même  à  ses  travaux  d'administration, 
Mélissus  fut  reconnu  et    réclamé  par 
sa  mère  ;  mais  lui  ne  voulut  pas  re- 
connaître celle  qui  l'aVait  abandonné, 
^         et  il  préféra  la  servitude  à  la  liberté, 
qui  était  pourtant  un  droit  de  sa  nais- 
sance. Touché   du  dévouement    que 
révélait  cet  esclavage  volontaire,  Mé- 
cène affranchit  son  serviteur,  (jui  res- 
ta son  ami,  qui  devint    ménie  celui 
d'Auguste.  En  témoignage  de  son  ami- 
tié, reuipereiu'  lui  confia  le  soin  d'or- 
ganiser sa  grande  bibliothc(jue  du  por- 
tique d'Octavie.  C'est  là  qu'à  soixante 


MEL 

ans ,  et  comme  pour  se  distraire  de 
ses  travaux  politiques  et  littéraires, 
Melissus  composa  un  petit  recueil 
de  plaisanteries,  Jocorum  libellus.  Il 
avait  auparavant  composé  des  comé- 
dies, d'un  nouveau  genre,  dans  les- 
quelles les  chevaliers  romains  jouaient 
les  principaux  personnages.  Il  les  a- 
vait  de  là  appelées  trabeatœ  ,  le  vê- 
tement des  chevaliers  s' appelant  tra- 
bea.  La  nouveauté  du  genre  et  la  ré- 
putation de  Melissus  rendent  la  perte 
de  ces  pièces  infiniment  regrettable. 

D II — E. 

MELISSUS  (Pal-i.),  l'une  des 
gloires  de  la  savante  Allemagne ,  na- 
quit le  20  décembre  1539,  à  Mel- 
richstadt,  en  Franconie.  Son  père  s'ap- 
pelait Balthazar  Schede,  en  latin  Sche- 
dius,  et  sa  mère  Attilia  Mélissa.  Il  prit 
le  nom  de  sa  mère  (1),  probablement 
parce  qu'il  était  d'origine  grecque  et 
poétique  ;  et  de  bonne  heure  il  l'illus- 
tra dans  la  poésie  et  dans  la  musique, 
dans  la  poésie  surtout,  car,  au  sortir 
de  ses  classes,  parcourant  les  acadé- 
mies de  l'Allemagne,  il  fut ,  en  1 564, 
à  Vienne,  proclamé  poète  lauréat  par 
l'empereur  Ferdinand  I",  Peu  d'exis- 
tences ont  été  plus  agitées.  Après  la 
mort  de  co  prince,  Melissus  quitta 
Vienne,  et,  j)our  se  distraire  de  sa 
douleur,  parcourut  la  Bohême,  d'où 
par  l'Elbe  il  descendit  jusqu'à  Wittem- 
bcrg.  Il  entendit  les  professeurs  de 
cette  ville  et  ceux  de  Leipzig.  L'évéquc 
de  Wurtzbourg,  charmé  de  ses  talents, 
voulut  se  l'attacher  par  un  emploi  ho- 
norable; mais  il  fut  bientôt  rapp<'l>- 
par  renipercnr  Maximilien,  qu'il  ac- 
compagna dans  son  expédition  de  Hon- 
grie, et  ensuite  à  la  diète  d'Augsbourg. 
En  1567,  Melissus  vint  à  Paris,  et  s'y 
lia  d'une  amitié  particulière  avec  W 

(l)  MïjrpsOfj  xx^-ùviict,  voyc7.  siircct  11 
«e  de  quelques  peuples  anciens,  lléroiloi 
I.  1 ,  ch.  173. 


xMEL 

mus,  Dorat  et  Lambin.  Il  était  à  Or- 
léans lorsque  la  guerre  civile  se  ral- 
luma ;  ne  voulant  pas  s'exposer  inu- 
tilement à  des  dangers  qu'il  pouvait 
éviter,  il  se  dirigea  sur  Genève.  Dans 
le  trajet,  il  fut  arrêté  deux  fois,  l'une 
à  la  Charité-sur-Loire  par  les  Français, 
et  l'autre  à  Dole  par  les  Espagnols, 
dont  il  paraît  qu'il  eut  beaucoup  a  se 
plaindre.  Il  s'arrêta  trois  mois  à  Be- 
sançon pour  se  reposer  et  attendre 
des  nouvelles  d'Allemagne.  Enfin,  il 
gagna  Genève,  où  il  reçut  un  accueil 
très-flatteur  des  savants  réfugiés  dans 
cette  \'ille  pour  leurs  opinions  re- 
ligieuses, tels  que  Fr.  Portus,  P.  Pithou, 
H.  Estienne,  etc.  Rappelé  par  l'em- 
pereur, en  1570,  ille  suivit  à  la  diète 
de  Spire.  Il  profita  de  cette  occasion 
pour  présenter  ses  bomniages  a  I  É- 
lecteur  palatin;  et,  sur  la  demande  de 
ce  prince,  il  fit  une  traduction  des 
Psaumes,  en  vers  allemands,  adaptés 
à  la  musique  de  Goudimel  (v.  ce  nom, 
XVIII,  169).  Depuis  long-temps  Me- 
lissus  désirait  de  voir  l'Italie;  à  la 
mort  de  l'Électeur  (  1577  )  ,  il  put 
satisfaire  sa  curiosité.  Pendant  son 
séjour  à  Padoue  ,  en  1579,  il  fut  créé 
comte,  cbevalier  doré,  et  citoyen  ro- 
main par  Ferdinand  Amadis,  qui  te- 
nait de  l'empereur  Charles-Quint  le 
pouvoir  de  conférer  ces  différents  ti- 
tres. En  quittant  l'Italie  ,  il  avait  le 
projet  de  traverser  la  France  pour  se 
rendre  en  Angleterre;  mais  il  changea 
d'idée  et  reprit  la  route  de  l'.-^llema- 
gne:  il  assistait,  en  1582,  à  la  diète 
d'Augsbourg.  L'âge  n'avait  point  af- 
faibli son  goût  pour  les  voyages  ;  en 
1584,  il  revint  en  France,  s'arrêta 
quelque  temps  à  Metz  près  de  Bois- 
sard,  fameux  antiquaire  ,  et  se  rendit 
ensuite  à  Paris,  oii  Bayf  lui  trouva, 
dans  un  des  faubourgs,  un  logement 
agréable  et  commode,  il  était  venu  à 
Paris  avec  l'intention  de  publier  une 


MEL 


419 


nouvelle  édition  de  ses  poésies.  Dès 
qu'elle  fut  terminée,  il  s'embarqua 
pour  l'Angleterre  vers  la  fin  de  1585. 
.\dmis  à  l'audience  de  la  reine  Elisa- 
beth, dans  son  château  de  Richmond, 
il  eut  l'honneur  de  lui  présenter  un 
exemplaire  de  ses  œuvres.  I-a  reine  le 
retint  à  sa  cour  pendant  Ihiver,  et 
lui  fit  des  offres  avantageuses  pour  le 
fixer  dans  ses  États.  Mais,  après  avou' 
visité  les  académies  d'Oxford  et  d« 
Cambridge,  Melissus  soHicita  la  per- 
mission de  retourner  en  Allemagne , 
et  finit  par  l'obtenir.  Fatigué  des  tra- 
verses et  des  faveurs  de  la  bonne  et 
de  la  mauvaise  fortune,  il  chercha 
pour  le  reste  de  sa  vie,  un  refuge  dans 
la  ville  ou  plutôt  dans  la  bibliothèque 
palatine  d'Heidelberg.  Il  avait  alors 
M  ans.  Son  immense  savoir,  ses  ser- 
vices politiques,  de  puissantes  ami- 
tiés, lui  obtinrent  la  garde  et  l'fcdmi- 
nistration  de  cette  magnifique  biblio- 
thèque, et  il  en  fut  jusqu'à  sa  mort, 
.3  février  1602,  le  conservateur,  bi- 
bliothecariiis  palatinus  ,  avec  toute 
l'intelligence,  toiUe  l'obligeance  d'un 
homme  dévoué  aux  lettres  et  sans  en- 
vie. Aussi  regarde-t-on  comme  une  ca- 
lomnie ce  que  Joseph  Scaliger  a  écrit 
quelque  part  (Scaligerana,  p.  262)  : 
"  Melissus,  qui  était  bibliothécaire 
<•  de  la  bibliothèque  palatine ,  n'y 
«  laissait  entrer  personne  ».  Ses  con- 
temporains, en  effet,  Sylburge  entre 
autres,  Gruter,  son  successeur  dans 
la  place  de  bibliothécaire  ,  tous  les 
princes  de  la  critique  d'alors,  ont 
laissé  des  témoignages  bien  diffé- 
rents et  plus  authentiques  ;  dans 
leurs  correspondances  latines  ,  tous 
célèbrent  son  aménité,  sa  bienveil- 
lance et  son  immense  érudition,  qui 
embrassait  toute»  les  langues  et  tou- 
tes les  Uttératures  de  l'Europe.  Com- 
me poète,  surtout  dans  le  genre  ly- 
rique, ses  œuvres  latines  et  alleman- 
27. 


Jm  MEL 

des  ont  été,  dans  leur  temps,  recueillies 
avec  enthousiasme  (2)  et  justifient  en- 
core aujourd'hui  l'estime  qu'en  firent 
ses  contemporains  et  le  titre  glorieux 
qu'ils  lui  donnèrent,  en  l'appelant  le 
Pindare  de  la  Germanie.  Boissard  a 
publié  la  vie  de  Melissus,  précédée 
de  son  portrait,  dans  la  Bibl.  illustr. 
viror.,  II,  30-34,  ainsi  que  Frédéric 
Creuzer  dans  la  préface  de  Sylburgi, 
Epistotœ'quinqiœ  ad  Melissum,  Fran- 
cofurtl,  in  8°.  D— h— e. 

MELLET  (.Te4n),  théologien  pro- 
testant, né  à  Oron  ,  dans  le  pays  de 
Vaud,  devint,  en  1650,  curé  de  l'é- 
glisQ  allemande  reformée  de  Sainte- 
Marie,  dans  l'Alsace.  U  travailla,  de 
concert  avec  Dury,  à  la  réunion  des 
églises  réformées,  et  il  publia  diffé- 
rents écrits  sur  cet  objet.  On  a  en- 
core de  lui  :  Jrtificium  vere  catholi- 
cuin,^ua  arsconjugativa,  7wvaetmiri- 
fica.ita  tradituruta  tirone  idoneopau- 
cis  addici  possit,  etc.,  Genève,  1672, 
in-12.  U— I. 

MELLINET  (François),  conven- 
tionnel,  naquit,    en    1741,  à  Nan- 
tes, où  son  père  exerçait  la  profession 
d'apothicaire.  Comme  tant  d'autres,  à 
cette  époque,    il    fut    élevé  dans   des 
sentiments  peu  favorables  au  pouvoir. 
Ils  lui  avaient  été  inspirés  par   l'irri- 
tation qu'avait  causée  dans  sa  famille 
la  persécution  exercée,  en  1728,  con- 
tre son   oncle,  docteur  en   théologie, 
et  auteur  d'Obseruattuns  sur  les   reli- 
ques de  saint  Germain  d'Auxerre.  Ar- 
rêté à  Nantes,  en  1728,  comme  jansé- 
niste opposant  à  la  bulle  Unifjcnitus, 
cet  oncle  fut  conduit  à  la  lîastille,  où 
il  resta  pendant  plusieurs  années,  et 
fut  ensuite  exilé  à  Auxejre.  Ces  per- 
sécutions,  qui  s'étendirent    à   beau- 


(2)  Melisiii  Cavmina ,  l'rancofuili ,  IS^ft. 
^  ï;iusdcm  Schcdiasmala  poctira  muKo 
auctiora,  Luu-lia; ,  1580.  -  Kjusdein  mc.lc- 
temata,  \^'->-u  dit.  nova,  llala-,  1025.— Voir 
aussi  tome  IV,  Dcliciœ  poct.  germ.,  p.  2^(9. 


MEL 

coup  d'autres  Nantais,  laissèrent  dans 
les   familles  des  semences  de   haine 
contre   la    royauté,    encore    vivaces 
quand  éclata  la  résolution.  Elles  ex- 
pliquent  la  part  active  que  prit  Mel-  i 
linet  aux  événements  qui  en  signalé-  ^ 
rent  le    début  dans   sa    ville   natale.  ; 
D'un  esprit  actif,  entreprenant,  il  se  ; 
livra    fort    jeune    aux     spéculations 
commerciales,   à   une  époque  où  la    ^ 
prospérité  de  la  place  de  Nantes  était 
immense  et  s'augmentait  chaque  jour, 
grâce  à  la  probité  proverbiale  de  ses 
négociants.   Mellinet   semblait  possé- 
der cet  esprit  d'entreprises  utiles,  si 
répandu    de    nos   jours   par  la  force 
bien  comprise  de  l'association,  lors- 
qu'elle ne  se  déshonore  ni  par  l'intri- 
gue ni  par  l'improbité.  Aussi  s'appli- 
qua-t-il  à  en  favoriser  le  développe- 
ment, par  la  création  de  plusieurs  é- 
tablissements    manufacturiers.     L'un 
d'eux  est  le  vaste  édifice  qu'il  fit  bâtir 
dans  les  marécages  desséchés  de  la 
Chézine,  et  qui,  désigné  sous  le  nom 
d'Entrepôt  des  cafés  ,    a    donné    nais- 
sance au  quartier  de  l'Entrepôt.  Il  se- 
conda aussi  Graslin,   son  ami,  dans 
l'exécution  de  presque   tous  les  pro- 
jets qui  ont  immortalisé  le    nom    de 
xet  homme  estimable.  Si,  dans  la  dis- 
tribution bien  entendue  des  établisse- 
ments (lu'il  fonda,  on  reconnut  le  fa- 
bricant habile  et    prévoyant,  on  ap- 
précia l'homme  de  goût  dans  ce  déli- 
cieux  Jardin  chinois   qu'il  avait  créé 
sur  les  bords  de  la  Chézine,  et  dans 
lequel  il   reçut,  en  1790,    le  célèbre 
peintre  David,  appelé    â  Nantes  par 
une  délibération  du  conseil,  pour  fane 
le  portrait  du  maire  Kervégan.  On  se 
disputa  David,  c'était  à  qui  le  fêterait, 
et  sa  présence  devint  l'occasion  dune 
suite  de  dîners,  où  les  santés  à  la  li- 
berté vi  au    Rubens  du  siècle  se  suc- 
cédèrent sans  interruption;   mais  où 
des  contestations  très-vives  s'élevèrent 


MEL 

aussi;  et  il  fallut  tonte  la  prudence 
de  Mellinet  pour  qu'elles  n'eussent 
pas  de  fâcheux  résultats.  Au  reste  ,  il 
n'avait  pas  attendu  cette  époque  pour 
manifester  son  zèle  en  faveur  de  la 
révolution.  Le  4  novembre  1788 , 
le  conseil  conamunal  s'étant  assem- 
blé pour  arrêter  la  rédaction  des  do- 
léances qui  devaient  étie  présentées 
par  les  députés  de  la  province  aux 
États -Généraux,  au  moment  même 
de  la  signature  du  cahier  qui  les 
contenait,  un  grand  nombre  de  nota- 
bles habitants,  dont  Mellinet  faisait 
partie  ,  remirent  au  conseil  une  re- 
quête où  leurs  vœux  étaient  consi- 
gnés. La  communauté  insaivit  cet  ac- 
te sur  ses  registres,  et  déclara  qu'elle 
le  joindrait  à  ses  remontrances;  mais 
lenvoi  de  ces  remontrances,  tardant 
trop  au  gré  de  limpatiente  jeunesse, 
elle  nomma  elle-même  des  députés, 
charges  d  aller  porter  au  roi  le  tueu 
d'uH  peuple  plein  d'amour  et  de  vé- 
nération pour  Sa  personne  sacrée.  La 
commune  n'osa  ni  approuver  ni  im- 
prouver cette  élection  extra-légale. 
Les  électeurs  s'enhardirent ,  et,  vers 
la  fin  du  mois,  un  second  conseil  mu- 
nicipal, formé  en  dehors  du  seul  qui 
fut  légalement  institué,  approuva  le 
choix  qu'avaient  fait  les  députés  de 
plusieurs  personnes,  avant  mission 
d'entretenir  avec  eux  une  correspon- 
dance pendant  le  temps  de  leur  dé- 
putation.  Mellinet  fut  un  de  ces  cor- 
respondants. Les  membres  du  nou- 
veau conseil  se  substituèrent  eux- 
mêmes  à  l'ancien,  en  le  prévenant 
officiellement  que  la  commune  (c'est 
le  titre  qu'ils  se  donnaient)  s'assem- 
blerait, le  lendemain,  à  Ihotel-tle-vil- 
le.  L'ancienne  commune,  docile  à  l'in- 
jonction que  renfermait  cet  avis,  li- 
vra les  clefs  du  lieu  de  ses  séances.  Le 
parlement  ne  se  montra  pas  aussi  bé- 
névole; il  prononça  la  suppression  de 


MEL 


421 


la  requête  de  la  nouvelle  commune , 
qui,  de  son  côte,  déclara  qu'elle  en  ré» 
térerait  au  roi,  et  chargea  douze  nou- 
veaux députés  de  cette  mission.  Mel- 
linet y  fut  encore  compris.  Toutefois, 
cette  levée  de  boucliers  n'eut  aucune 
suite,  parce  que,  vingt  jours  après,  la 
commune  donna  de  nouveaux  pou- 
voirs à  ses  députés,  et  Mellinet  fut  un 
de  ceux  qu'elle  envova  exlraordinaire- 
ment  aux  États  de  la  province.  Le  1" 
avril  1789,  il  fut  nommé  l'un  des 
«louze  délégués  chargés  de  rédiger  le 
cahier  des  doléances  et  demandes  du 
Tiers-État  de  la  sénéchaussée  de 
Nantes.  Le  1"^  juillet  suivant,  une  im- 
mense réunion,  provoquée  par  le  fa- 
meux serment  du  jeu  de  paume,  eut 
lieu  à  la  halle  neuve  de  Nantes.  Le 
serment  à  la  Constitution  y  fut  prêté, 
et  Mellinet  fut  choisi,  avec  trois  de 
ses  compatriotes,  pour  porter  à  l'As- 
semblée nationale  une  adresse  où 
elle  était  félicitée  de  l'énergie  qu'elle 
avait  déployée  dans  une  circonstance 
si  importante.  La  nouvelle  de  la  prise 
de  la  Bastille  accrut  l'effervescence 
populaire,  et  le  commandant  du  châ- 
teau fut  sommé  de  le  livrer  ;  il  céda, 
en  mettant  pour  condition  que  le  ser- 
vice serait  fait  par  la  bourgeoisie  con- 
jointement avec  la  garnison.  Un  corps 
de  volontaires  se  forma  spontanément, 
en  dehors  de  la  garde  bourgeoise,  qui 
fut  néanmoins  augmentée.  Pendant 
que  ces  événements  se  passaient,  des 
lettres  du  sénéchal  de  Paimbœuf  vin- 
rent accroître  les  craintes  qu'on  avait 
conçues  relativement  à  la  disette  des 
grains,  craintes  d  autant  plus  fondées, 
qu  il  en  était  descendu  de  Nantes  au 
bas  de  la  rivière,  destinés  à  être  ex- 
portés ,  et  il  offrait  de  les  faire  saisir, 
si  les  besoins  de  la  ville  1  exigeaient. 
Dans  ces  conjonctures  difficiles,  Mel- 
linet se  dévoua,  avec  plusieurs  mem- 
bres de  la  commune  et   de  la  milice 


JSÛA 


MEL 


bourgeoise,  pour  travailler  à  calmer 
l'irritation  populaire  et  arrêter  les  me- 
sures propres  à  prévenir  les  malheurs 
qu'on  redoutait.  Ce  fut  vers  cette  é- 
poque  que    se    formèrent   plusieurs 
cinbs,  dont  l'un  prit  le  nom  de  So- 
ciété des  amis  de   ta  Constitution.  Eta- 
bli dans  un  moment  d'exaltation,   il 
ne  tarda  pas  à  se  modifier  et  à  subs- 
tituer la  théorie   à  l'action,  par   la- 
quelle il  avait  d'abord  gêné    l'admi- 
nistration. L'un  de  ses  rêves  était  l'al- 
liance des   peuples.  Les    amis   de  la 
Constitution    s'enthousiasmèrent    en 
apprenant  qu'une  société,  à  l'instai 
de  la  leur,  s'était   formée  en  Angle- 
terre, pour  rendre  hommage  à  la  ré- 
volution française.  Ils  décidèrent,  sur 
la  proposition  d'un  membre  qui,  de- 
puis, se  fit  connaître  sous  le  nom  de 
Français  de  Nantes,  que,  pour  expri- 
mer leur  gratitude  de  cette  sympa- 
thie, ils  offriraient,  le  23  août  1790, 
une    fête   à  tous    les    Anglais    rési- 
dant à  Nantes.  Mellinet  paya,  com- 
me les    autres,    son  tribut  à  la   fiè- 
vre d'anglomanie  alors  régnante.  »  Il 
«  pourra  donc,  dit-il   à    cette   fête,  il 
"  pourra  donc   enfin   se  réaliser,    ce 
«  projet  de  paix    perpétuelle  et  uni- 
"  verselle,  cette  sainte   union  que  la 
"  France  régénérée  désire  !  Montrons- 
«  le  ce  pacte,  ainsi  qu'une  nouvelle 
"  législation,  à  tous   les  peuples    de 
«  l'univers,  comme  le  gage  assuré  de 
"  notre   bonheur,   qui   ne   peut  être 
»  parfait  et  durable  que  lorscju'ils  se- 
"  ront    tous   appelés    à    le  partager. 
.  Qu'au  nom  de  cette  imposante   fé- 
»  dération,  les  philosophes  de  toutes 
»  les  nations  ,  Stanhopc  et  la  société 
"  qu'il  préside,    l'ami   des   Français; 
«  Fox,   l'ami  des  peuples;  Priée,  l'a- 
..' mi   des    hommes  ;  Smith   et  Sheri- 
n  dan,  leins  défenseurs  et  leurs  flam- 
.  beijux -,  Raynal,  Bernardin  de  Saint- 
•  Pierre  et  Barthélémy,  nos  maîtres 


MEL 

«  dans  les  études  de  la  philosophie , 
'<  de  la  nature  et  de  l'antiquité  ;  Fran- 
"  klin,  que  je  devais  nommer  le  pi-e- 
«  mier,  lui  qui  arracha  la  foudre  ait 
'<  ciel  et  le  sceptre  aux  tyrans;  que 
«  ces  philosophes,  tous  amis  des  pre- 
II  mières  lois  et  de  la  liberté  ;  que 
«  nos-  courageux  législateurs  ,  qui 
<  viennent  de  fonder  ces  lois  et  cette 
"  liberté,  reçoivent  nos  hommages  et 
'  nos  vœux ,  dans  la  personne  de  ces 
«  illustres  philanthropes,  leurs  collè- 
"  gués,  les  nôtres,  comme  nous  leurs 
<■  admirateurs,  et  que  nous  avons  ici 
"  le  bonheur  de  posséder  !  Qu'ils  di- 
"  sent  à  tous  les  peuples,  qu'ils  di- 
.<  sent  à  leurs  concitoyens,  ces  illus- 
«  très  rivaux,  que  nous  appellerons 
.  désormais  nos  frères ,  que  l'Angle- 
"  terre  et  la  France  réunies  veulent 
.1  répandre  sur  toute  la  surface  du 
u  globe  leurs  lois  et  leur  liberté; 
«  qu'ils  disent  qu'ils  ont  marché  sous 
..  la  bannière  qui  est  peut-être  le 
•■  présage  du  pacte  universel  qu'ils 
«  vont  jurer  de  porter  jusqu'aux  dcr- 
»  nières  limites  du  monde.'  •>  Com- 
posé de  l'élite  de  la  bourgeoisie  nan- 
taise, le  club  des  Amis  de  la  Cousti 
tution,  s'il  faisait  de  la  propagande 
extérieure,  n'était  nullement  dispose 
à  favoriser  les  excès  intérieurs;  aussi, 
quand  trois  mois  après,  une  scis- 
sion entre  la  garde  nationale  et  les 
volontaires  donna  lieu  d'appréhendn 
de  funestes  résultats  ,  s'empressa-t-il 
d'inviter  la  municipalité,  par  forgaïu- 
de  Mellinet  ,  à  opérer  une  fusion 
des  différents  corps  armés  pour  l;i 
sûreté  de  Nantes.  Déjà  pluscfim  mou- 
vement séditieux  s'était  manifesté  lor-^ 
qu'il  accepta,  en  novembre  1790, 
les  difficiles  fonctions  d'officier  mu- 
nicipal, dans  l'exercice  dcsciuelles  i! 
oui  le  bonheur  de  concourir  à  att«  - 
nuer  les  effets  de  nouveaux  désoi 
dres.   Ce  fut  pour  prévenir  les  pro- 


MEL 

jets   de  leurs  auteurs  et  assurer   la 
liberté   des  votes,  que  l'élection  des 
députés  fut  transférée  à  Ancenis ,  où 
Mellinet  fut  de  nouveau  élu.  Les  sen- 
timents   qu'il    apporta    furent    ceux 
d'un  homme   consciencieux  et   mo- 
déré, aux  yeux  duquel  le  maintien  de 
l'ordre  et   celui  de  la  liberté  récla- 
maient   une  égale    énergie.  Indigné 
de  voir    la  Convention  donner  elle- 
même,  dans  ses    séances,    l'exemple 
de    la  licence,  il  s'efforça  de  la  ré- 
primer,  dès  les   premiers  jours  du 
mois  de  janvier  1793,  par  une  motion 
sur  les  tnoYens  de  faire  cesser  le  trou- 
ble presque  habituel  de  ses  séances.  Il 
proposa    la    formation    d'un    comité 
censorial,  composé  d'un  membre  par 
département.  L'impression  de  sa  mo- 
tion  fut  votée,  mais  quelques  mem- 
bres des  extrémités  en  demandèrent 
le   renvoi  au   comité  d'aliénation  ! — 
Cette  ironie  fut  accueillie  par  de  vio- 
lents  murmures,  et  l'assemblée  dé- 
cida que  le  projet  de  Mellinet  serait 
discuté.  Il  n'en  fut  pourtant  rien  ;  la 
minorité  domina  les  hommes  d'ordre, 
et  le  tumulte  des  délibérations  s'accrut 
de  jour  en  jour.  Dans  le  procès  de 
Louis  XVI,  Mellinet  vota  pour  l'appel 
au  peuple  et   pour  la  réclusion  pen- 
dant la  guene,  avec  le  bannissement 
à  la    paix.   Sur  la  question   préjudi- 
cielle :  Louis  XYI  peut-il  être  jugé?  il 
prononça  un  discours,  remarquable 
par  les  principes  de  droit  et  d'équité, 
dont  l'impression  fut  ordonnée.  Vi- 
vement alarmé  par  le  résultat  des  vio- 
lences auxquelles  avaient  cédé  un  grand 
nombre  de  députés,  il  écrivit  aux  ad- 
ministrateurs de  la  Loire-Inférieure,  le 
jour  même  de  la  mort  du  roi ,  pour 
leur  exposer  la  situation  politique  du 
moment.  Pressentant  que  la  Conven- 
tion serait,  avant  peu ,  débordée  elle- 
même  par  les  factions,  il  exprima  le 
désir  que,  dans   le  cas  d'un  danger 


MEL 


423 


imminent,  les  départements  envoyas- 
sent des  députés  suppléants  à  Bour- 
ges,  qu'il  regardait  comme  la  ville 
la  plus  centrale    et  la  mieux   appro- 
visionnée, pour  que  la  nation  ne  res- 
tât   pas   un   instant  sans  gouverne- 
ment. L'administration  départemen- 
tale   répondit  à  cet  appel  par  un  ar- 
rêté prescrivant  éventuellement  cet- 
te mesure.  Le  31  mars  suivant,  Fou- 
ché,  comme   lui  député  de  Nantes, 
ayant  exposé  la  situation  effrayante 
du   département   de    la    Loiie-lnfé- 
lieure,  où  il  était  en  mission,  Melli- 
net compléta,  par  les  détails  suivants, 
le  sinistre,   mais    véridique    tableau 
que  Fouché   avait   fait  de  la  guerre 
civile    à    laquelle    cette    partie     de 
l'Ouest  était  en  proie.  •  J'annonce  à 
«  la  Convention,  dit-il,   que,   depuis 
"  Ingrandes  jusqu'à  Mauves,  la  rive 
«  gauche  de  la  Loire   est   couverte 
..  de  révoltés   qui  y  ont   établi  des 
«  batteries  de  canon,   lis  étaient  rc- 
u  tranchés,  au  nombre  de  3,000,  à 
«  Pornic,    où  ils  avaient  des  pièces 
>.  de  canon  de  36  :  ils  ont  été   atta- 
«  qués  avec  une  vigueur  qui  aurait 
K  dû  leur  en  imposer.  Quatre-vingt- 
"  cinq    patriotes   leur  ont   livré  ba- 
i  taille,  en  ont  tué  deux  cents  et  fait 
«  ti'ois  cents    prisonniers,  que,  dans 
»  leur  fureur,   ils   ont  aussi    mis  à 
»  jnort.     Malgré    un    aussi    terrible 
«  exemple,  ils  sont  revenus  à  la  char- 
«  ge   avec  une  telle  force,   que    les 
M  quatre-vingt-cinq  patriotes  sont  ac- 
»  tuellemcnt  leurs  prisonniers,  etc.  « 
Mellinet  représenta  qu'il    était  d'au- 
tant plus  important  de  porter  à  ces 
derniers  de  prompts  secours,  qu'une 
descente    des    Anglais    était    immi- 
nente,  et  que  le   cri   vivent  les  cin- 
glais était  alors  le  signal  de  ralliement 
des    royalistes,  commandés  par  des 
chefs  expérimentés,    qui  avaient  en- 
foré  des  canons  précédemment  en- 


424^ 


MEL 


cloués.     Sa     motion    fnt    accueillie, 
et  xm  décret   prescrivit  au  ministie 
(le  la  marine  de  lendre compte,  dans 
les  vingt-quatre  heures  ,  des  mesures 
qu'il    aurait    prises    pour   préserver 
de    l'inVasion   les  côtes  de  la  Breta- 
gne et  du  Poitou.  I,c  lendemain,  un 
décret,  provoqué  par  Mellinet,  sur 
la    demande    des    communes   et   de 
Nantes,  admit  les  bâtiments  des  Etats- 
Unis  et  ceux  des  autres  nations  qui 
n'étaient  pas  en  guerre  avec  la  répu- 
blique,   à  la  traite  de  la  gomme  du 
Sénégal,  pourvu  qu'ils  lussent  armés 
dans  les  ports   de  France  et  pour  le 
compte  de  négociants  français.  Le  24 
avril ,   il    demanda    que  des  forces 
imposantes    fussent    envovécs    dans 
les  départements  de  la  Mayenne  et 
de  la  Loire,  afin  qu'au  lien  detuerles 
hommes    égarés     qui      participaient 
à  la  guerre  civile,  on  les  subjuguât, 
ce  qui  ne  se  pouvait  faire  qu'en  leur 
opposant    des  forces  supérieures.    Il 
indiquait  l'envoi  d'une  grande  armée 
comme  moyen  de  faire  cesser  promp- 
tement,   et  sans  effusion  de  sang,  la 
guerre  intérieure  dont  la    prolonga- 
tion   lui  semblait   devoir  livrer  nos 
côtes  à    l'ennemi,   en    même    temps 
qu'elle  aurait  amené  la  famine  et  la 
dévastation  des  campagnes.  Le  2  mai, 
une  députation  de  la  ville  de  Nantes 
s'étant  présentée  à  la  barre  pour  pres- 
ser l'envoi,   de  plus  en  plus  urgent, 
des  sefcours  pronùsetcontre-mandcs, 
la    Convention ,    sur    la    motion    de 
Mellinet ,     ordonna     «  que    le    récit 
«  déchirant  des  deux  administr;iteurs 
<•  de   la  Loire -Inférieure  serait    im- 
"  primé,  affiché,  inséré  au  bulletin, 
-  envoyé    aui    départements;     que 
«  mention    honorable  y  serait    faite 
<t  de  leur  courage,  et  que  le  Conseil 
«  exécutif  aui-ait   à   rendre    coui[)te 
•  des  persomies  ou  des  causes  aujf- 
quelles   étaient  dus  les   coiitre-or- 


MEL 

"  dres  qu'avaient  reçus  les  gardes 
"  nationaux  de  la  Meuse,  de  la  Dor- 
"  dogne,  de  la  Manche  et  des  autres  '  j 
«  départements  qui  marchaient  au 
«  secours  de  la  Vendée.  •  Étranger 
aux  luttes  des  partis,  absorbé  par  les 
préoccupations  qu'excitaient  en  lui 
les  déchirements  du  département  de 
la  Loire- Inférieure  et  des  départe- 
ments voisins ,  Mellinet  s'occupait 
activement  de  l'exécution  des  décrets 
de  la  Convention  qui  les  concernaient. 
L'anarchie  sanglante  de  l'Ouest , 
prélude,  à  ses  yeux,  d'une  prochaine 
invasion  étrangère,  lui  semblait  au- 
trement grave  que  celle  de  Paris  ;  il 
s'abusait  même  sur  la  nature  de 
celle-ci,  lorsque,  le  19  mai  1793,  il 
écrivait  aux  administrateurs  de  la 
Loire-Inférieure  «pi'elle  approchait 
fie  son  terme.  »  Le  masque  des  faux 
•  patriotes,  disait-il.commence  àtom- 
«  ber,  et  les  traits  hideux  de  l'anar- 
"  chie  exciteront  bientôt  l'indigna- 
«  tioii    de   ceux    qu'un     picstige    fu- 

«  neste    avait    abusés Ma    santé 

«  délabrée  n'a  jamais  ralenti  mon 
"  zèle,  et  je  vous  proteste  que  j'ai 
<  bien  nuirité,  par  mes  démarches  et 
"  mes  sentiments ,  d'être  compris 
«  dans  la  liste  de  proscription  qui 
«  sei-a  un  jour  le  meilleur  brevet 
»  de  patriotisme  que  nous  ayons  à 
X  opposer  à  nos  ennemis  et  à  ceux 
.•  de  la  république.  «  Épuisé  par  les 
fatigues  de  la  dépi\tation,  il  succom- 
ba à  Paris,  dans  le  courant  de  juin, 
à  une  maladie  «prelles  avaient  dévelop- 
pée. Il  était  â{;c  de  51  ans.  Sa  mon 
l'enipêcha  de  monter  sur  l'échafaud  ; 
mais  elle  ne  calma  pas  les  terroristes 
de  Nantes  qui  ne  lui  pardonnaient 
passa  courageuse  modération,  car, au 
mois  d'oct.  1793  ,  la  Commission  des 
.Sept(c'estaiusique8e  nommait  l'espèce 
de  tribtmal  secret,  i>n'(urseur  de 
Carrier),    envahit   le  domicile  de  sa 


MEL 

veuve.  Accusée  d'accaparement,  privée 
de  l'appui  de  son  fils,  alors  aux  armées, 
d'où  il  ne  devait  revenir  que  pour 
être  le  premier  accusateur  de  Car- 
rier, elle  trouva  dans  ^on  énergie 
la  force  nécessaire  pour  intimider 
ses  sanguinaires  visiteui-s.  Mellinet 
offrait  beaucoup  de  charmes  dans  la 
conversation  ;  son  urbanité  et  son  ins- 
tniction  lui  avaient  pi-ocuré  lamitié 
des  hommes  les  plus  marquants  de 
l'époque.  Florian,  secrétaire  des  com- 
mandements du  duc  de  Penthièvre , 
ayant  été  envoyé  à  liantes,  par  ce  prin- 
ce, en  1774,  pour  v  remplir  une 
mission  toute  de  bienfaisance,  v 
contracta  avec  Mellinet  une  éti'oite 
liaison,  suivie  d'une  cori-espondance 
qui  fut  long-temps  conservée  dans  la 
famille  et  brûlée  comme  suspecte 
pendant  la  terreur.  Quand,  en  1777, 
Joseph  II  vint  à  Nantes,  incognito, 
aucune  réception  ne  lui  fut  faite.  Il 
descendit  à  l'hôtel  de  Bretagne,  rue 
de  Garges,  et  désira  voir  le  port. 
Mellinet,  auquel  on  l'avait  adressé  , 
raccompagnant  dans  cette  prome- 
nade, l'empereur  lai  dit  :  «  Vous 
"  avez  là.  Monsieur,   une  belle  ri- 

-  vière.  »  —  «  Oui,  M,  le  comte, 
«  mais  elle  n'est  pas  aussi  belle  que 

-  le  Danube,  n  —  -  Ne  nous  enviez 
»  pas  le  Danube,  répliqua  le  prince. 
"  il  ne  vaut  pas   à  mon  pavs  ce  que 

-  la  lK)ire  vaut  à  la  France;  el!e  en 
•.  est  la  veine-cave  :  c'est  la  principale 
••  source  de  sa  ri.-hesse  et  de  sa  pros- 
«  périté.  » — MelUnet  laissa  deux  fils, 
François-Aimé  (et  non  pas  Antoine, 
comme  l'ont  écrit  quelques  biogra- 
phes), et  Charles.  Ce  dernier,  livré 
a  la  carrière  administrative,  fut  long- 
temps chef  du  bureau  de  la  guerre  à 
la  inùrie  de  Nantes ,  et ,  après  avoii* 
pris  sa  retraite,  il  s'est  occupé  d'hor- 
ticulture. Il  est  parvenu  a  acclimater 
de  nombreuses  plantes  exotiques,  et 


MEL 


i2W 


ses  serres  sont  visitées  par  tous  Ics-i 
étrangers.  Son  frère,  né  en  1770,:>' 
prit  une  part  active  aux  premiers 
événements  de  la  révolution.  Fait 
lieuteiant- colonel  sur  le  champ  de  ba- 
taille, en  1792.  pour  sa  belle  défense 
du  pont  de  (kiret,  dont  il  disputa  seul 
le  pa««age,  puis  adjudant-général  {)eu 
après,  il  fut  momentanément  profes- 
seur d'histoire  à  l'école  centrale  lie  Nan- 
tes. Rentré  dans  la  caiTière  militaire, 
il  obtint  un  avancement,  du  à  de 
nombreux  ti-aits  de  courage,  plutôt 
(juà  la  faveur  de  Napoléon,  qui  ne 
lui  pardonnait  pas  son  étioite  liai- 
son avec  Sieves.  Exilé  en  1815,  il  se 
li\a  à  Bruxelles,  oii  il  soccupa  de  la 
rédaction  et  de  la  mise  eu  ordre  de 
nombreux  mémoires  sur  l'art  mili- 
taire. Il  a  publié  quelques  ouvrages 
sur  cette  partie  des  sciences.  — Son 
fils,  Camille  Mellinet.  est  imprimeur  à 
Nantes.  P.  1^ — t. 

MELLIXG  (  Antoine  -  Iosace)  , 
peinti-e pavsagiste,  naquità  Carlsriihe, 
le  27  avril  1763.  Neveu  de  Joseph 
Melling,  peintre  de  l'académie  de 
Strasbourg,  qui  lui  donna  les  pi-e- 
niières  leçons  de  l'art,  il  passa  ensuite 
à  Clagenfurt  en  Carinthie  où  son 
frère  était  ingénieur,  ce  qui  le  dé- 
cida à  se  livrer  aussi  à  l'étude  des 
mathématiques  et  de  l'architectme. 
A  peine  âgé  de  dix-neuf  ans,  il  par- 
tit pour  l'Italie,  quil  parcourut  en 
artiste;  puis  son  goût  voyageur,  1  en- 
traîna en  Egypte ,  à  Smyrne,  et  enfin 
à  (Àjustantinople ,  ou  il  se  fixa.  De 
la,  il  fit  de  longues  et  fréquentes 
excui-sions  dans  les  îles  de  l'Archipel, 
dans  lAsie  mineure  et  dans  la  Crimée. 
Nommé  en  1795,  architecle  de  la  sul- 
tane Hadidgé,  sœur  de  Sélim  lll,  il 
rempht  ces  fonctions  pendant  cinq 
ans,  et  s'efîbrca  de  régénérer  l'archi- 
tecture sur  les  rives  du  liosphore. 
Ses    moments   de  loisir  étaient  em- 


426  MEL 

ployés  à  un  ouvrage  qui  devait  con- 
tenir les  principales  vues  de  Constan- 
tinople.  Quand  il  eut  recueilli  assez 
de  matériaux,  il  vint  en  France  et 
commença  la  publication  de  son  tra- 
vail qui  eut  beaucoup  de  succès,  et 
valut  à  l'auteur  le  titre  de  peintre 
paysagiste  de  l'impératrice  Josépbine. 
Quelques  tableaux  qu'il  exposa  au 
Louvre  lui  obtinrent  une  médaille 
d'or.  Il  était  attaché  au  ministère  des 
affaires  étrangères  en  qualité  de  pein- 
tre dessinateur,  lorsque  la  restaura- 
tion arriva.  Il  fut  alors  nommé  pein- 
tre paysagiste  de  la  chambre  et  du  ca- 
binet du  roi,  puis  chevalier  de  laLé- 
gion-d' Honneur,  après  la  publication 
de  son  Voyage  pittoresque  dans  les 
Pyrénées  françaises.  Melling  mourut 
à  Paris  dans  les  premiers  jours  de 
juillet  1831,  à  la  suite  d'une  longue 
et  douloureuse  maladie.  On  a  de  lui  : 
I.  Voyage  pittoresifue  de  Constanti- 
nople  et  des  rives  du  Bosphore,  Paris, 
1807-1824,  1  vol.  in-fol.  Le  texte  est 
de  M.  Lacretelle.  Cet  ouvrage  est  un 
des  plus  beaux  que  l'on  connaisse  en 
ce  genre.  II.  Voyage  pittoresque  dans 
les  Pyrénées  françaises  et  les  dépar- 
tements adjacents,  Paris,  1825-30, 
in-fol.  oblong.  Le  texte  est  de  M. 
Ccrvini.  Melling  a  compose  avec  sa 
fille  deux  tableaux,  représentant,  l'un 
\ Entrée  de  Louis  XVIII  dans  Paris, 
Vautre  la  Distribution  des  drapeaux 
de  In  garde  nationale.  On  a  encore 
de  lui  les  Vues  des  châteaux  de  fVar- 
wick,  de  Go.tfiste,  d'Hartwel,  en  An- 
gleterre, avec  l'épisode  du  départ  do 
Louis  XVIII  de  ce  dernier  château 
pour  la  France,  et  une  vue  peinte  à 
l'aquarelle  du  château  et  du  jardin  des 
Tuileries.  Z. 

MELLO  (Gtii,i,ArMK  de),  pr^'tre 
et  chanoine  de  l'église  rolh-gialc  de 
JNotre-Damc,  à  Nantes,  naquit  en 
cette  ville ,   où   l'un  de  ses  parents, 


MEL 

peut-être  son  père,  était  docteur  ré- 
gent de  la  faculté  de  médecine,  lors 
de  la  maladie  contagieuse  qui  désola 
Nantes,  en  1625,  maladie  suc  la- 
quelle il  publia  un  écrit.  Nous  n'a- 
vons aucun  détail  sur  la  vie  du  cha- 
noine Mello,  qui  ne  nous  est  connu 
que  par  ses  ouvrages.  Ce  sont  :  I.  Les 
élévations  de  l'âme  à  Dieu  par  les  de- 
grés des  créatures ,  tirées  du  latin  de 
l'éminentissime  cardinal  Bellarmin , 
et  réduites  en  forme  de  paraphrase^ 
Nantes,  1666,  in-4°.  Dans  la  préface 
de  ce  volume  de  théologie  ascéti- 
que, dédié  à  très-haute  et  très-puis- 
sante dame  Louise  de  Balzac,  com- 
tesse d'Avaugour,  de  Vertus ,  de 
Goelo,  etc. ,  Mello  annonce  que  cet 
ouvrage  est  le  premier  qui  soit  sorti 
de  sa  plume,  mais  qu'il  espère 
traduire  les  quatre  autres  petits 
traités  de  Bellarmin.  Il  ne  semble  pas 
qu'il  ait  exécuté  ce  projet.  II.  Le  de- 
voir des  pasteurs,  extrait  des  senti- 
ments des  pères  de  l'église,  traduit  du 
latin  de  D.  Barthélémy  des  Martyrs, 
Paris,  1672,  in-12.  III.  Les  divines 
opérations  de  Jésus  dans  le  cœur  d'une 
âme  fidèle,  par  G.  D.  M.  (que  Barbier 
appelle,  à  tort,  Gabriel  de  Mello), 
docteur  en  théologie,  Paris,  1673, 
in-12.  IV.  Le  prédicateur  évangéliqur, 
Paris,  1685,  7  vol.  in-12.  On  le  croit 
aussi  l'auteur  d'un  recueil  hagiogra- 
phique qui  parut,  en  4  vol.  in-8",  à 
Paris,  en  1688,  sous  ce  titre  :  La  vie 
des  Saints  pour  tous  les  jours  de  l'an- 
née,  cl  idée  de  la  vie  chrétienne. 

P.   Ir—T. 

MELLO  Frcirc  dos  ik-U  (Pascoai.- 
.losK  de),  publicistc  portugais,  naquit 
le  6  avril  1736,  au  bourg  d'Anriao, 
d'une  fauiillc  honorable.  Envoyé  à 
l'université  de  Coimbre,  où  un  de 
SCS  oncles  était  chanoine,  le  jeune 
Mello  fit  de  rapides  progiès,  et  fut 
reçu  docteur  en  droit   avant  d'avoir 


atteint  sa  vingtième  année.  H  avait 
montré,  dans  les  épreuves  académi- 
ques, tant  de  science  et  de  talent  que 
les  examinateurs  étonnés  le  déclarè- 
rent diçne  d'occuper  une  place  par- 
mi eux.  Ce  ne  fut  cependant  que 
plusieurs  années  après,  en  1765,  qu'il 
concourut  pour  une  chaire  de  droit 
romain  ;  mais,  quoiqu'il  l'eût  emporté 
de  beaucoup  sur  tous  ses  rivaux,  il 
se  vit  préférer  un  homme,  dont  tout 
le  mérite  était  l'ancienneté  de  grade. 
Pombal  avant  réformé,  en  1772.  les 
études  universitaires,  Mello  fut  con- 
sulté sur  le  choix  des  professeurs,  et 
nommé  en  même  temps  à  la  chaire 
de  droit  portugais  que  l'on  venait  de 
ti'éer.  H  enseignait  depuis  deux  ans 
•  avec  la  plus  grande  distinction,  lors- 
que Marie  ^{voy.  ce  nom,  ci-dessus, 
p.  174)  l'appela  à  Lisbonne  pour  faire 
partie  de  la  commission  des  dix  ju- 
risconsultes chargés  de  la  révision 
<les  lois.  Mello  rencontr.x,  dans  ce  tra- 
vail, plusieurs  obstacles  qui  ne  lui 
j)ermirent  pas  de  le  rendre  aussi  par- 
fait qu'il  en  eût  été  capable.  Il  obtint, 
en  récompense,  des  titres  honorifi- 
ques et  des  places  importantes,  mais 
ses  dernières  années  furent  empoi- 
sonnées par  d'odieuses  tracasseries. 
Mello  mourut  à  Lisbonne  le  24  sep- 
tembre 1798.  Il  était  membre  de 
l'académie  des  sciences  de  cette  ville. 
On  a  de  lui  :  L  Historiœ  juris  lusi- 
(ani  liber  singularis,  ouvrage  qui  a 
obtenu  plusieurs  éditions  ;  la  troisiè- 
me parut  en  1820.  IL  Institutionum 
juris  civilis  lusitani  libri  quatuor.  III. 
Juris  criminali^  lusitani  liber  singu- 
laris. IV.  Mémoire  sur  les  jurisconsul- 
tes portugais.  V.  Mémoire  sur  l'inter- 
prétation des  lois.  F — a. 

MELLO  (dom  JosÊ-MiRu)  était 
evêque  de  l'Algarve,  lorsqu'il  fut 
choisi  pour  confesseur  de  la  reine 
Marie  I"  (»'oy.  ce  nom,  dans  ce  vol., 


MEL 


♦27 


p.  174),  et  nommé  en  même  temps 
grand-inquisiteur.  Dans  cette  posi- 
tion éminente,  il  appuya  de  tout  son 
pouvoir  la  demande  en  réhabiUtation 
que  ne  cessaient  de  réclamer  le  mar- 
quis de  Tavova  et  les  autres  personnes 
condamnées  pour  l'attentat  commis 
en  1758  {voy.  Joseph  I",  XXII,  27)  ; 
mais,  malgré  son  influence  sur  l'es- 
prit de  la  reine,  il  n'obtint  qu'un  de- 
mi-succès. Quand  Marie  eut  tout-à- 
fait  perdu  l'osage  de  sa  raison,  MeHo. 
accusé  assez  ridiculement  d'y  avoir 
contribué,  fiit  exilé  de  Lisbonne  par 
le  prince-régent.  Il  vécut  dans  la  re- 
traite jusqu à  linvasion  française.  A 
cette  époque,  il  fit|)artie  de  ladéputa- 
tion  portugaise  qui  se  rendit  à  Bayon- 
ne,  chargée  de  demander  à  Napoléon 
un  roi  de  son  choix.  Mello  soutint  avec 
assez  bonne  grâce  les  plaisanteries 
de  l'empereur  sur  sa  qualité  de  grand- 
inquisiteur,  et  s'acquit  ainsi  la  répu- 
tation d'homme  facile  et  tolérant.  Il 
habitait  Bordeaux,  quand  les  événe- 
mens  de  1814  le  rappelèrent  à  Lis- 
bonne, où  il  mourut  vers  1817.  On 
a  de  lui  une  Lettre  pastorale,  tra- 
duite en  français  par  l'abbë  Blan- 
chard, Londres,  in-8''.  F — a. 

MELLO  (  Pedbo  de  ),  diplomate, 
naquit  à  Lisbonne,  vers  1760,  d'une 
famille  illustre.  Il  embrassa  la  carriè- 
re de  la  magisti^ature  et  parvint  aux 
premières  chaînes.  Avant  accepté, 
pendant  l'occupation  française  ,  la 
place  de  secrétaire  des  finances,  il 
fut  destitué  au  retour  de  Jean  VL 
MeHo  rentra  en  grâce  quelque  temps 
après,  et  fut  nommé  ambassadeur  à 
Rome.  Suspendu  de  ses  fonctions 
pendant  les  événements  de  1821,  il 
les  reprit  à  la  contre-révolution  ,  et 
les  exerça  jusqu'en  1825;  alors  il  fut 
envové  à  Paris  en  qualité  de  minis- 
tre. Il  quitta  cette  capitale  en  1827, 
pour  aller  remplir  à  Lisbonne  le  pos- 


428 


MEL 


te  de  ministre  de  justice.  Mais,  un 
mois  après  son  arrivée,  il  fut  obligé, 
par  les  intrigues  de  ses  collègues  et  de 
l'ambassadeur  d'Angleterre ,  sir  A. 
Court,  de  donner  sa  démission.  Par 
compensation,  on  le  nomma  conseiller 
d'État  effectif,  Mello  était  fort  attaché 
à  la  constitution  que  dom  Pedro  avait 
donnée  au  Portugal  ;  ne  pouvant  ca- 
cher son  antipathie  pour  dom  Mi- 
guel, il  fut  emprisonné  par  ordre  de 
ce  prince,  à  la  tour  de  Saint-Julien  , 
malgré  son  âge,  ses  infirmités  et  une 
cécité  presque  complète,  il  y  mourut 
le  31  décembre  1830.  "      F— a. 

MELLO  e  Castro.  Voy.  Almeida, 
LVI,231. 

AIELVILL  (le  baron  Pieurk  de 
Car^bée),  amiral  hollandais,  naquit  à 
Dordrecht,  le  2    avril  1743.   Entré 
comme  volontaire  au  service  de  la  ma- 
rine, le  22  février  1757,  il  fut  nommé 
premier  lieutenant  en   1765   et  capi- 
taine en  1777.  Il  obtint,  l'atmée  sui- 
vante, le  commandement  du  Castor, 
frégate  de  36  canons,  avec  laquelle  il 
fit  un  voyage  à  Surinam,  puis  à  Alger; 
croisa  ensuite  dans  la  Méditerranée  , 
et  fut,  le  30  mai  1781,  attaqué  avec 
le  capitaine  hollandais  Oorthuis,  com- 
mandant de  la  frégate  le  Briel  égale- 
ment de  36  canons,  par  les  frégates 
anglaises  la  Flora  et  le  Crescent,  près 
du  détroit  de   Gibraltar.  Le   combat 
fut  sanglant  :  pendant  plus  d'une  de- 
mi-heure,   le   capitaine    Melvill     se 
trouva  engagé  à  une  portée  de  pis- 
tolet avec  les  deux  bâtiments  anglais, 
et  ensuite,  pendant  plus  de  deux  heu- 
res, avec  lu  Flora  senle,  armée  de  44 
pièf-cs  de  gros  (talibre,  et  qu'il  com- 
battit, bord  à  bord,  avec  un  acharne- 
ment incroyable.  Après  avoir  eu  pres- 
que toute  son  artillerie  démontée,  ses 
agrès  hacliéa  et  son  navire  dénj.^lé, 
et  sur  le  point  de  couler  bas,  il   fut 
obligé  d'amener    pavillon ,  ayant  eu 


MEL 

35  morts  et  70  blessés.  La  conduite 
honorable  de  Melvill  en  cette  occasion 
lui  valut,  de  la  part  de  son  gouverne- 
ment, la   permission  de   porter  deux 
épaulettes  d'honneur  et  un  panache 
blanc  au  chapeau.  Cet  officier  fit  en- 
suite différentes  croisières,  fut  nom- 
mé contre-amiral  en  1789 ,   et  em- 
ployé, en  1793,  contre  l'invasion  de 
Dumouriez,  auquel  il  disputa  l'entrée 
de  la  Hollande  par  tous  les  moyens 
en  son  pouvoir.  Il   contribua  puis- 
samment à  la  défense  deWillemstadt, 
dont  les  Français  furent  obligés  de 
lever  le  siège.  Dans  la  même  année, 
le  gouvernement  des  Provinces-Unies 
lui   confia  le  commandement  d'une 
escadre  de  huit  vaisseaux ,   avec  la- 
quelle il  conduisit  d'abord  une  flotte   . 
marcliande  de  90  voiles  dans  la  Mé- 
diterranée, et  partit  ensuite  pour  Al- 
ger, afin  d'y  négocier  la  paix  avec 
le    dey.    Après    avoir    réussi     dans 
cette  mission,  il  fut ,   vers  la  fin  de 
1794,  chargé  une  seconde  fois  de  la 
défense  de  la  république  sur  les  fleu- 
ves qui  lui  servent  de  boulevart.  Les 
Français  s'étantrcndus  maîtres  du  I5ra- 
bant  septentrional ,  le  contre-amiral 
Melvill  forma  une  ligne  de  chaloupes 
canonnières  sur  la  Meuse,  pour  empê- 
cher l'enneuii  de  pénétrer  plus  avant. 
Secondé  |)ar  le  général  anglais  Aber- 
cromby,  il  prit  d'assaut   le  fort    de 
Saint-André,  et  repoussa  les  Français 
au-delà  de  lierwaarden.  il  se  main- 
tint dans  cette  position  jusqu'à  la  fin 
de  décembre,   époijue  a  latiuolle  les 
Hollandais,  abandonnés  par  leurs  al- 
liés ,   ne  purent  plus   défendic  leur 
toiritoire  contre  l'invasion,  favorisée 
»!ncore   j)ar  une  gelée  sans  exemple 
dans  les  annales  (les  Pays-Has,  et  qui 
rendit  nulle  la  défense  par  eau.  Fi- 
dèle à  la  maison  de  Nassau,  Melvill 
renonça  alors  à  tout  emploi.  Mais , 
lor8(]u'au   mois  de  novembre  1813 


MEL 

les  événements  de  la  guerre  firent 
naître  l'espoir  du  rétablissement  de 
cette  maison,  il  prit  une  part  active 
aux  opérations  qui  en  turent  l'objet, 
et  fut  particulièrement  chaîné  des 
afïaires  de  la  marine.  En  récompense 
de  ses  services  ,  le  prince  souverain 
des  Pays-Bas  le  nomma  vice-amiral 
en  1814,  et  commandeur  de  l'ordre 
militaire  de  Guillaume,  l'année  sui- 
vante. Il  mourut  quelques,  années 
plus  tard,  dans  un  âge  fort  avancé. 
M— D  j. 

MELY-JAXEX.  f^oyez  Jam>, 
LXVIII,  81. 

MELZI  (TEril  (François),  duc  de 
Lodi,  né  à  Milan,  le  6  max-s  1753, 
d'une  famille  illustre  dans  les  armes 
et  dans  les  lettres,  fut  élevé  au  collège 
des  nobles  de  cette  ville.  Kommé,  à 
l'âge  de  vingt-trois  ans,  chambellan 
de  l'impératrice  Marie-Thérèse,  il  fit 
bientôt  partie  de  la  municipalité  de 
Milan;  d'abord, comme  un  des  soixan- 
te décurions  nobles,  et,  plus  tard, 
comme  un  des  douze,  dits  délia  ca- 
meretta.  En  1782,  il  partit  pour  Ma- 
drid, où  il  venait  d  hériter  du  majo- 
rât d'Eril  qui  lui  donnait  le  titre  de 
grand  d'Espagne  de  1"  classe.  Il  re- 
vint ensuite  à  Milan,  mais  il  ne  s'y 
arrêta  que  le  temps  nécessaii-e  aux 
préparatifs  d'un  long  voyage  qui  de- 
vait embrasser  presque  toute  l'Eu- 
rope. Il  visita  successivement  l  Espa- 
gne, le  Portugal,  l'AngleteiTC ,  l'E- 
cosse, l'Irlandf.  et  retourna  en  Italie 
par  la  France.  Lorsque  les  armées  de 
la  république  française  conquirent  le 
Milanais,  Melzi  fiit  misa  la  tête  d'une 
députation  que  les  Etats  de  Lombar- 
die  envoyèrent  à  Bonaparte,  et  con- 
tribua puissamment  à  l'établissement 
de  la  république  cisalpine.  Envoyé 
par  celle-ci  au  congrès  de  Rastadt, 
il  se  condnisit  avec  tant  d'habileté 
qu'il    obtint  de    Cobentzl    la    note 


MEL 


429 


par  laquelle  lempereur  prenait  une 
sorte  d'initiative  pour  la  recon- 
naissance de  la  nouvelle  républi- 
que :  «  Le  soussigné,  ministre  {Jéni- 
«  potentiaire  de  S.  M.  I.  et  R.,  n'a 
«  pas  manqué  de  faire  par%"enir  à  son 
"  auguste  maître  les  différentes  notes 
«  qui  lui  ont  été  remises  par  le  ci- 
"  toyen  Melzi  dEril;  et,  en  consé- 
K  quence  des  ordres  formels  qu'il  a 
»  reçus,  il  est  autorisé  à  assurer  te 
"  citoven  Melzi  d'Éril  que  S.  M,  a 
«  reçu,  avec  beaucoup  de  satisfàc- 
»  lion,  l'expression  des  sentiments  de 
«  la  république  cisalpine  envers  elle.» 
Peu  de  temps  après,  le  congrès  fut 
dissous  et  les  hostilités  recommencé^ 
retit  Aloi-8  Melzi  \int  à  Paris,  et  se 
rendit  ensuite  à  Sarragosse ,  auprès 
de  la  comtesse  de  Palafox ,  sa  sœur. 
Il  comptait  fixer  sa  demeure  dans 
cette  ville  lorsque  Bonaparte  l'appela, 
en  1801,  à  Paris,  pour  v  traiter  des 
affaires  de  l'Italie.  Melzi  refusa ,  d'a- 
bord, en  prétextant  le  mauvais  état 
de  sa  santé:  mais  il  partit,  en  1802, 
sur  les  instances  du  prince  de  la  Paix 
et  du  roi  d'Espagne,  que  le  premier 
consul  avait  fait  intervenir.  Il  assista 
à  la  consulta  de  Lyon,  qui  transforma 
la  cisalpine  en  république  itahenne , 
dont  il  fut  nommé  vice-président.  Il 
fit  chérir  son  adminisn-ation,  qui  ré- 
tablit Tordre,  l'économie ,  la  justice 
et  la  tranquillité.  Lorsqu'une  députa- 
tion d'italiens  vint  offrir  a  Mapoléon 
le  titre  de  roi  d'Italie,  le  18  mars 
1805,  Melzi  adressa  au  nouvel  em- 
pereur un  discours  dont  les  e-xpresh 
sions  contrastaient  péniblement  avec 
les  actes  de  sa  vie  passée.  Le  vice- 
président  de  la  république  italienne 
espérait,  sans  doute,  devenir  viee-roj 
honneur  dont,  au  reste,  il  n'était  pas 
indigne,  et  auquel  il  eût  été  appelé 
si  l'on  avait  consulté  le  vœu  de  la  na^ 
tion.    Aussi  ,  quand   la  vice-rovauté 


430 


MEL 


eut  été  donnée  au  prince  Eugène,  le 
comte  Melzi  ne  put  cacher  son  res- 
sentiment. Ni  la  charge  de  grand-chan- 
celier d'Italie,  ni  le  titre  de  duc  de 
Lodi ,  qu'il  reçut  en  1809,  ne  lui  pa- 
rurent une  compensation  suffisante, 
et  il  voua,  dès-lors,  une  haine  secrète 
à  Napoléon,  L'administration  fran- 
çaise en  Italie,  malgré  les  bonnes  in- 
tentions du  prince  Eugène,  était  pro- 
pre à  aliéner  les  esprits  ;  Melzi  entre- 
tint ce  mécontentement  par  une  dé- 
sappi'obation  silencieuse,  mais  visi- 
ble ,  ou  par  des  plaisanteries  qui 
furent  bientôt  dans  toutes  les  bou- 
ches. Né  dans  le  pays  qu'il  avait  gou- 
verné pendant  quatre  ans  avec  le  plus 
grand  succès,  il  avait  appris  à  le  con- 
naître ,  et  pénétrait  facilement  les 
actes  du  prince  qui  lui  avait  succédé. 
Lorsque,  dans  les  occasions  impor- 
tantes ,  on  lui  demandait  des  conseils, 
il  ne  les  donnait  qu'avec  une  certaine 
réserve,  et  ruinait  ainsi,  sans  paraî- 
tre le  vouloir,  le  crédit  du  vice-roi. 
Mais  ce  fut  surtout  en  1814,  après 
l'abdication  de  Napoléon,  qu'éclata 
son  antipathie  pour  le  prince  Eugène. 
Celui-ci ,  menacé  de  tous  côtés ,  et 
connaissant  le  crédit  et  l'influence  de 
Melzi,  le  fit  prier,  par  son  secrétaire 
Méjan  ,  de  solliciter  l'intervention  du 
sénat  auprès  des  souverains  alliés. 
Melzi ,  prétextant  un  accès  de  goutte, 
adicssa,  à  ce  premier  corps  de  l'Étal, 
un  message  conçu  eu  termes  équivo- 
ques ,  ou  il  l'invitait  à  envoyer  une 
députation  à  l'empereur  d'Autriche 
pour  demander  l'indépendance  du 
royaume,,  son  intégrité,  et  Eugène 
pour  roi  ;  démarche  qui  devait  faire 
écliouer  cette  dernière  demande.  Les 
Autiichiens  entrèrent  à  Milan  peu 
après,  et  Melzi  se  déclara  un  de  leurs 
plus  dévoués  partisans  ;  aussi ,  tandis 
que  l'ambassadeur  d'Autriche  intri- 
guait à  Paris,  afin  d'enlever  aux  hom- 


MEM 

mes  de  l'empire  les  titres  empruntés 
aux  pays  étrangers,  Melzi  était  con- 
firmé dans  celui  de  duc  de  Lodi,  que 
lui  avait  donné  Napoléon,  et  il  con- 
servait sa  dotation.  Cet  homme,  aussi 
remarquable  par  son  caractère  que 
par  les  circonstances  dans  lesquelles 
il  s'est  trouvé,  mourut  à  Milan,  en 
1816.  Passionné  pour  les  lettres,  il 
forma  une  magnifique  bibliothèque , 
riche  surtout  en  éditions  italiennes 
du  XV"  siècle,  et  donna  une  splen- 
dide  édition  de  de'Marchi,  qui  lui 
coûta  plus  de  15,000  sequins.  Un  de 
ses  ancêtres,  Louis  Melzi,  mort  en 
1617,  est  auteur  des  Regole  militari 
sopra  il  governo  e  servizio  particolare 
délia  cavalleria.  A — y. 

MÉMOll  (Sc:.cta),  poète  latin, 
frère  de  Turnus ,  naquit  à  Arunca , 
dans  le  premier  siècle  de  l'ère  chré- 
tienne. Il  avait  composé  une  tragédie 
d'Hercule,  dont  un  seul  vers  nous  est 
resté,  grâce  au  grammairien  Fulgen- 
tlus  Planciades ,  qui  le  cite  dans  son 
livre  de  Prisco  sermone.  Joseph  Scali- 
gcr,  dans  une  lettre  écrite  à  iJaumaisc 
en  1607,  attribue  à  Mémor  la  tragé- 
die (XOctavie,  qui  a  toujours  été  mise 
au  nombre  de  celles  de  Sénèque.  Mar- 
tial a  consacré  des  épigrammes  à  ce 
poète;  elles  ont  été  traduites  en  vers 
par  M.  Rregot  du  Lut,  dans  ses  Nou- 
veaux Mélanges  pour  setvir  à  l'his- 
toire de  Lyon.  La  première  est  une 
inscription  pniu'  le  portrait  de  Mé- 
mor : 

Ccinl  (rime  coiironiic  immoricllf, 
Honneiu-  du  cothurne  romain , 
MOinor  rcspiro  on  ce  tableau  Odèle 
Qu'un  Apclles  moderne  a  tracé  de  sa  main. 

Voici  la  seconde  : 

Turnus  (|ue  l'on  a  vu,  prenant  un  noble  essor. 
Donner  h  la  satire  un  ton  m.llc  et  sévère , 
Aurait  pu  du  th(5.1tre  agrandir  la  carrière  ; 
Mais  il  aurait  été  le  rival  de  Mémor. 
El  ce  Mémor  était  son  frère. 

Il  est   donc  certain  <nic  Mémor  avait 


composé  plusieurs  pièces  pour  le  théâ- 
tre, et  qu'il  était  en  giande  réputation, 
car  Sidoine  Apollinaire  ne  craint 
pas  de  le  citer  à  côté  de  Lucrèce  et 
de  Catulle.  On  ignore  l'époque  de  sa 
mort.  Z. 

IfENA  (Philippe  Gil  de),  peintre 
de  Valladolid,  naquit  en  1600,  et  fut 
élève  de  Vander  Uamen,  peintre  fla- 
mand établi  à  Madrid.  Il  surpassa 
bientôt  tous  ses  condisciples  ;  son 
maître,  charmé  de  ses  progrès  et  de 
ses  rares  dispositions  ,  lui  donna  des 
soins  particuhers  et  lui  confia  même 
l'exécution  deplusieurs  de  ses  ouvrages. 
Sa  réputation  s'étendit  tellement,  qu'il 
Trouvait  à  peine  suffire  à  tous  les  travaux 
qu'on  lui  demandait.  Il  excellait  dans 
le  portrait;  ses  tableaux  en  ce  genre 
sont  pleins  de  vie  et  d'un  naturel 
admirable.  Appelé  dans  sa  ville  na- 
tale, il  fut  chargé  d'exécuter  plusieurs 
compositions,  parmi  lesquelles  on 
distingue  celles  qu'il  peignit  pour  la 
communauté  des  Orphelines  et  le 
couvent  de  Saint-François  de  Valla- 
dolid. Il  avait  transformé  sa  maison 
en  académie  ouverte  à  tout  le  monde, 
et  où  il  se  plaisait  à  donner  les  soins 
et  les  conseils  les  plus  désintéressés. 
Il  avait  fait,  pour  cet  établissement, 
un  grand  nombre  de  dessins  et  de 
modèles,  qui,  après  lui,  furent  vendus 
plus  de  mille  ducats.  Il  mourut  en 
1 674. — Don  Pierre  de  Me>  a,  sculpteur 
natif  d'Adra,  dans  l'Alpujurra,  vers 
1620,  et  mort  à  Malagaen  1693,  fut 
élève  de  son  père,  qui  l'envoya  ensuite 
à  Grenade,  pour  se  perfectionner  à  l'é- 
cole d'Alonzo  Cano.  Le  1^"^  ouvrage 
qui  le  mit  en  réputation  fut  un  groupe 
de  la  Conception  de  la  Vierge,  qu'il  fit 
pour  l'église  d'Algendin,  près  de  Gre- 
nade. Les  travaux  qu'il  exécuta  suc- 
cessivement pour  Grenade,  Malaga, 
Madrid,  Cordoue,  Tolède,  etc.,  aug- 
mentèrent la  vogue  que  lui    avaient 


MEN 


431 


méritée  ses  premières  productions. 
Les  plus  remarquables  sont  un  Saint 
Antoine  de  Padoue,  teriant  dans  ses 
bras  l'Enfant-Jésus ,  que  l'on  voit  à 
Grenade  ;  une  Madeleine  pénitente  , 
placée  dans  la  maison  professe  des 
jésuites  de  Madrid,  et  dont  on  admire 
l'expression  et  la  vérité.  Il  avait 
peint,  pour  le  prince  Doria,  un  Christ 
à  l'agonie,  qu'il  regardait  comme  la 
plus  parfaite  de  ses  œuvres ,  et  qu'il 
envoya  à  Gênes  ap^  y  avoir  mis  la 
dernière  main.  Doué  d'une  grande 
facilité  d'exécution ,  il  a  fait  un  nom- 
bre considérable  d'ouvrages  qui  jouis- 
sent de  l'estime  de  ses  compatriotes. 
Plusieurs  de  ses  élèves  se  sont  distin- 
gués; le  plus  connu  est  Michel  de 
Zayas,  qui  termina  quelques  travaux 
que  Mena  avait  laissés  imparfaits. 
P— s. 
MEIVARD  (Piebre),  seigneur  d'I- 
zemay  et  des  Grands -Champs,  né  à 
Tours  en  1606,  fut  l'un  des  hommes 
de  son  temps  qui  passa  pour  avoir 
le  plus  d'érudition  et  de  connaissances 
aussi  variées  que  solides  en  mathé- 
matiques et  en  histoire  ;  possédant  à 
la  fois  les  langues  grecque  et  latine, 
italienne,  espagnole  et  allemande;  il 
faisait  même  ,  de  la  poésie  latine, 
l'objet  de  ses  délassements.  Exer- 
çant la  noble  profession  d'avocat  au 
Parlement  de  Paris,  son  habileté  dans 
les  affaires  lui  fit  confier  la  direction 
de  celles  des  maisons  d'Aiguillon  et 
de  Bassompierre.  Le  maréchal  de  ce 
nom  lui  portait  une  afiection  particu- 
lière; Menard,  de  son  côté,  ne  lui 
portait  pas  moins  d'attachement,  et  il 
le  lui  prouva  surtout  pendant  sa  lon- 
gue détention  à  la  Bastille.  Dans  les 
noms  de  François  de  Bassompierre , 
il  avait  tiouvé  :  France,  je  sors  de  yna 
prison.  Il  avait  fait  de  cet  anagramme 
un  sonnet  qu'il  présenta  au  maréchal 
le  jour  de  sa   sortie  de  prison,  pour 


432 


MEN 


rentrer  en  grande  faveur,  après  la 
mort  du  cardinal  de  Richelieu,  Il  ré- 
duisit plus  tard  son  sonnet  en  ces 
quatre  vers  : 

Enfln,  sur  l'arrière-saison, 
La  fortune  d'Armand  s'accorde  avec  la  mienne; 
France,  je  sors  de  ma  prison, 
Quand  son  âme  sort  de  la  sienne. 

Ayant  amassé  une  grande  fortune, 
l'amour  de  l  étude  et  le  besoin  de  la 
ti-anquillité  le  ramenèrent  dans  sa  pa- 
trie, où  il  épou^  Madeleine  Houdry, 
d'une  famille  très -distinguée.  Il  en 
fut  nommé  maire  en  1665,  et  y  mou- 
rut généralement  regretté  en  1701, 
âgé  de  95  ans.  Il  a  publié  :  I.  L'Aca- 
démie des  Piincex ,  Paris,  1678,  in-8". 
IL  La  nouvelle  science  des  tetnps,  ou 
Moyen  de  concilier  les  chtonologies, 
Paris,  1675,  in-12.  Il  mit  depuis  ce 
même  ouvrage  en  latin,  en  y  ajoutant 
le  traité  de  la  Chronologie  d'Ératos- 
thènes  ;  mais,  quoiqu'il  l'eût  promis, 
il  ne  l'a  pas  fait  imprimer.  III.  Elo- 
qium  Gahrielis  Michel  de  la  Roche- 
Maillet.  Ce  morceau  a  été  imprimé 
dans  la  Bibliothèque  des  coutumes. 
IV.  Fita  beati  Mattini  per  annos  di- 
gesta  ex  Sulpicio  et  Greijorio  quorum 
concordia  declaratur.  V.  Gregorii  Tu- 
ronensis  chronologia  cum  notis.  Ces 
deux  derniers  travaux  ont  été  insérés' 
dans  [Ecclesia  Tui-onensis  de  Maan, 
pu  le  nom  de  l'auteur  est  latinisé  par 
celui  de  Petrus  Menandcr.  Menard 
d'Izernay  a  en  outre  laissé  plusieurs 
ouvrages  manuscrits,  notamment  Us 
Vies  des  philosophes  grecs,  un  l'x- 
posé  de  la  philosophie  de  l'ythago^c, 
îift  Commentaire  latin  sur  Aulu-Cello 
„ne  partie  a-'  l'Anthologie  grecquv 
traduite  en  vt-rs  latins,  un  livre  d> 
pigrammes  latines,  dédie  au  du.- 
François .  de  «aiut-Aignan  ,  gouver- 
nem-  de  Touraine.    i\Uis   pu    ignore 


ce  que 


CCS  dilFérents  maimscrits  sont 


devenu». 


L — s — I». 


MEIS 

MÉiVARD  (Jkas)  ,  prieur  d'Au- 
bord,  et  membre  de  l'Académie  de 
Nîmes,  naquit  dans  cette  ville  en 
1637.  Il  jouit  de  l'estime  et  de  la  con- 
fiance de  l'évêque  Séguier,  qui  le  fit 
promoteur  de  son  diocèse.  Ayant  ac- 
compagné ce  prélat  dans  sa  visite  é- 
piscopale,  Ménard  en  écrivit  le  jour- 
nal que  Léon  Ménard,  son  neveu ,  a 
inséré  dans  les  preuves  de  l'histoiro 
de  INîmes.  Cette  pièce  est  un  docu- 
ment curieux  ;  elle  fait  connaître  le 
rapport  de  la  population  protestante, 
avec  la  population  catholique  ,  dans 
les  nombreuses  paroisses  qui  alors 
appartenaient  toutes  à  l'évêché  de  iSÎ- 
mes  ,  et  qui ,  depuis ,  ont  été  partagées 
entre  ce  diocèse  et  celui  d'A lais.  Mé- 
nard a  écrit  un  ouvrage  de  morale 
intitulé  :  Paraphrase  sur  lEcclésiasli- 
que,  1710,  in-S",  dont  l'imijression  jk 
l'ut  achevée  qu'après  sa  mort.  Ce  li- 
vre fut  mis  en  parallèle,  dans  le  temps, 
avec  la  paraphrase  des  Proverbes  et  di- 
l'Ecclesiasie,  que  Marie  de  Roban,  ab- 
besse  de  Malnouë,  avait  publiée  quel- 
ques années  auparavant  sous  le  titre 
de  Morale  du  Sage,  et  qui  jouissait 
d'une  grande  réputation.  Ménard  a- 
vait  composé  quelques  autres  ou- 
vrages du  même  genre  restés  inédits, 
et  un  recueil  de  sermons  et  d'oraison  > 
funèbres  prononcés  en  divers  lieux. 
Les  talents  de  Ménard  furent  appré- 
ciés par  l'iéchier,  successeur  de  Séguier 
dans  le  siège  épiscopal  de  Nîmes,  cl 
ce  n'est  pas  un  faible  titre  de  gloire 
pour  le  prieur  d'Aubord,  que  d'avoir 
été  le  confident  le  plus  intime  et  l'ann 
le  plus  cher  de  cet  illustre  prélat,  dont 
la  fin  fut  accélérée  par  la  doulcm 
qu'il  ressentit  «le  la  perte  de  Méiwrd, 
mmt  le  6  janvier  1710.        V.  .S.  L, 

MEXCi  (N.  de),  né  on  rrovence. 
d'une  ancienne  cl  bonne  famille,  vei  n 
1740,  éiait  conseiller  au  Parlemem 
d' AiN   »l<>iMiis  six   années,  lorsque    la 


MEK 

révolution  opérée  dans  la  magislra- 
tare,~  pai-  le  chancelier  Maupeou,  le 
contraignit  à  suivre  une  autre  direc- 
tion. Il  acheta  une  changé  de  maître 
des  requêtes,  en  1774,  et  déploya, 
dans  «es  nouvelles  fonctions,  une 
aptitude  qui  fut  bientôt  appréciée 
par  le  ministère.  On  lui  confia  le 
rapport  de  plusieurs  affaires  impor- 
tantes ou  délicates,  et  le  garde-des- 
sceaux  le  choisit  pour  faire  partie 
d'une  commission  chargée  de  la  re- 
cherche, «le  l'interprétation,  et  de  la 
réunion  en  un  corps,  des  .ordon- 
nances des  rois  de  Fiance,  et  de  toas 
les  autres  documents  relatifs  à  la  1^ 
ijislation  et  an  droit  public  de  la  mo- 
narchie'française  (l,.  Mais  il.no  prit 
paît  que  pendant  peu  d armées  aux 
travaux  de  la  comœissiofj.  Il  périt, 
par  suite  d'un  accident,  chez  son 
ami,  Laurent  de  Villedeuil.  au  mois 
de  novembre  1784.  I.e  pan>j»lilétaire 
Baudouin  de  Guemadeuc  (  voy.  ce 
nom,  LXVI,  20o).  qui  a  tracé  le  ta- 
bleau le  plus  hideux  de  ses  confrères 
les  maîtres  des  requêtes,  ne  reproche 
à  Mène  que  d  avoir  été  mis  au  cor[>s- 
de-garde,  pour  s'être  battu  avec  le 
suisse  de  la  Comédie-Française  (2). 
Une  imputation  plus  grave  lui  a  été 
faite  dans  les  MénioUvi  secrets.  On 
prétend  que  le  défaut  de  fortune  /"« 
fait  plusieurs  fois  gauchir  dans  ses 
fonctions  de  magistrat  (3).  il  faut  se 
garder  d'ajouter  foi  entière  aux  pro- 
pos recueillis  fort  légèrement  par  les 
auteurs   de   ces    mémoires,    dans   le 

(1]  Cette  coininission  fut  composée  de  qua- 
tre magistrats  (MM.  de  Saint-Géniès,Pastoret, 
Le  Coigneux  et  Mène  ; ,  de  quatre  membre.s 
de  l'Académie  des  Inscriptions  et  Belles-Lettre> 
(MM.  La  Porte  du  Theil,  Bréquigny,  Paulmy 
et  aément},  et  de  quatre  Bénédictins  (dom 
Poirier,  dora  Brial .  dom  Labbat  et  dom  Liè- 
ble). 

(2)  Espion  dévalisé,  1782,  in-8°,  p.  217. 

(3)  Mémoires  seci-cts  pour  servir  à  l'his- 
toire de  la  République  des  Lettres ,  1786,  in- 
la,  p.  2. 


MIN 


133 


but  d'amuser  la  malignité  publiqtie. 
Mène  était  d'ailleurs,  disent  les  mê- 
mes Métnofa-es,  tm  homme  d'esprit 
et  de  méiite.'  On  a  de  lui  une  tra- 
duction estimée  des  Réflexions  dt- 
Machiavel,  sur  la  première  décade  de 
Tite-Live,  axec  un  discours  prélimi- 
naire, Paris,  1782.  2  vol.  in-8°.  I.e 
traducteur,  dans  ce  discours  remar- 
quable par  la  jtrofondeur  des  vue.'^, 
a  devancé  lopinion,  généralement  re- 
çue aujourdhui,  qui  absout  Machia- 
vel du  reproche  d'avoir  cherché  h 
propager  des  principes  pernicieux  eu 
politique.  —  .Mk«c  (le  P.  Paul-An- 
toine )  ,  prieur  des  Dominicains  de 
Marseille,  .sa  patrie,  .-.'est  fait  con- 
naître par  plusieurs  ouvrages  qui  ont 
remporte  le  prix  à  l'Académie  de 
celte  ville  :  1"  en  1753,  sur  cette 
question":  /.e  bonheur  est  plus  com- 
ihun  chez  les  petits  <jue  chez  la 
grands  ;  2"  en  17o6,  sur  celle-ci  : 
L'homme  est  plus  grand  par  l'usage 
des  talents,  que  par  1rs  talents  eux- 
mêmes;  .3**  en  1766,  pour  son  Eloge 
d^  Gassendi,  qui  a  été  imprimé  à 
Marseille,  1767,  in-12;  4"  en  1767. 
sur  cette  question  :  Quelles  sont  les 
causes  de  lu  diminution  de  la  pèche 
sur  les  côtes  de  Provence,  et  queli 
sont  les  moyens  de  la  rendre  abon- 
dante. Ersch  (France  littér.,  2'  supp., 
1806,  p.  360),  et  M.  Quérard,  aprè.s 
lui,  fixent  la  date  de  la  mort  du  P. 
Mène  a  l'année  1784.  Mais  sa  vie  ne 
s'est  pas  prolongée  jusque-là.  C'est 
au  maître  des  requêtes  que  cette  in- 
dication doit  s  appliquer.     L — m — x. 

MEXCKEX.    rover    Me>cke, 
XX VIII,  269. 

MEXDOÇA  ou  MEXDOZA 

AsuRÉ  Hlrtai>o  de) ,  général  portu- 
gais, issu  d'une  illustre  famille,  na- 
quit vers  le  milieu  du  X\'l'  siècle. 
Doué  dnn  grand  courage,  d'une  rare 
intelligence  et  d'une  expérience  pro-' 
28 


MEN 

fonde ,    il    se    distingua    de   bonne 
heure  par  de  brillants  exploits,  il  s'é- 
tait fait  une   telle   réputation,   que, 
dans  toutes  les  Indes,  théâtre  de  ses 
immortelles  expéditions,  oji  ne  s'en- 
tretenait que  de  sa  valeur  et  de  son 
audace.   Au  commencement  du  rè- 
{>ne  de  Philippe  lien  Portugal  (1581), 
aidé  de  deux  braves  oHiciers,  il  pour- 
suivit   plusieurs     pirates    Malabares 
qui  croisaient  aux   environs  de    l'île 
de  Goa,  et  leur  enleva, trois  galiotes. 
En  quelques   années,    il    purgea   les 
mers  de  MalaJDar  des  corsaires  Cali- 
cutiens.  il  n'y  eut  aucune  partie  des 
Indes,  oii    les  Portugais   possédaient 
des    établissements,   qui   ne  sentît  la 
puissance  de  ses  armes.    Chargé  en 
1589,  par  le  vice-roi  des  Indes,  Ma- 
thias  d'Albujquerque ,   d'aller   humi- 
lier   les   rois  de  Jafarnapatan  et  de 
Candéa,  il  réussit    pleinement  dans, 
cette  expédition.   Depuiç  long-temps 
toutes  les  côtes  des  Indes  étaient  in- 
festées par  un  audacieux  corsaire,  que 
tous  les  autres    foi'bans    reconnais- 
saient pour  leur  chef,  il  était  secrè- 
tement favorisé  par  les  princes,  in- 
diens, à  cause  «les  dommages  qu'il 
causait  aux  Portugais,  il  avait  obtenu 
du  Zamorin,   empereur   de   Calicut, 
la  permission  de  bâtir  une  forteresse 
dans  ses  États.  Ce  fut  encore  Mcn- 
«loça     que    le    vice-roi   choisit   pour 
aller  briser  la  dan{;ereu.se  puissance 
de  ce  corsaire,  au  sein  même  de  sa 
forteresse,  appelée  de  son  nom  Cu  - 
gnal.  Le  3  décembre  1599,  Mendoça 
s'éloigne  du  poit  de  Goa,    à  la    tête 
d'une  flotte  puissante.  .Sur  sa   route, 
il  rc'concilie  deux  princes  dont  la  di- 
vision pouvait  nuiicà  ses  desseins,  et 
s'empare,  dans  le  royaume  de  Cana- 
nor,  d'uH  port  (Mulaim)  où  il  trouve 
trois   mille  sacs  de  riz,  qu'on  allhit 
(lanspçrier  dans  la  lorleresse  de  Cu- 
;;u.il.  Apiès    15  jours  de  iiavij;alion, 


MEN 

il  arrive  en  vue  de  ce  repaire    quil 
a  juré  de  détruire.  Bientôt  il  voit  ve- 
nir à  sa  rencontre  Icmpereur  de  Ca- 
licut lui-même.    Il    s'entretient   lon- 
guement avec   ce  prince,  et  cherche 
à  lui  persuader  qu'il  est  de- son  in- 
térêt de  se  réunir-  aux  Portugais,  pour 
abattre  un   insolent  corsaire  qui  la 
menacé   lui-même,  ije  Zamorin,  'en- 
traîné par  les  paroles  de   Mendoça, 
Fait  alliance  avec  lui,  et,  pour  garan- 
tie de  sa  Foi,   lui  remet  deux  otages 
choisis  parmi   les  princes  mêmes  de 
sa  famille.  Mendoça    lui   en    donne 
deux  à  son  tour.  Dès  iors  il  n'est  plus 
occupé    que    des     moyens    de    faiie 
réussn-    son    importante,  entreprise. 
Vêtu   en   simple   soldat,   il  parcourt 
avec  soin  tous  les  heux  qui  environ- 
nent la.  Forteresse  de    Cugnal.    il   S(< 
présente   sous  ce   costume,   au  palais 
du  Zamorin,  et,  par  cet  acte,  ne  lui 
permet  piu«>  de  douter  de  sa  bomu 
foi.  Il  s'adresse  ensuite  à  Uois prince-. 
Arioles  qu'il  force,  en  les  menaçant, 
a  entrer-  dans  ses  vues,  il  en  obtient 
du  bois,  des  charpentiei's,  des  pion- 
niers et  des  éléphants,  et,  ce  (|ui  était 
plus  important,  un  édit  par  lequel  ils 
interdisaient  à  tous  leurs  «ujets  d'en- 
voyer le  moindre  secours  à  Cugnal. 
il  cherche  ensuite,  et  réussit  a  se  mé- 
nager   dos    intelligences    dans   cette 
place.  Il  apprend  de  trois  cents  Turcs, 
qui  en  sont  sortis  à  sa  sollicitation, 
tju  elle  manque  de  vivres  et  qu'elb  n'c-i 
défi-nduc  que  par  huit  cents  honun< 
lùdin,    le    1 G  janvier  KiOÛ,  il  coui 
inepce  les  opérations  du  siège  de  Cu- 
gnal, n'ayant    sous    ses    ordres   lyv 
douze   cents    Portugais   cl  cjuelqu. 
tn»tq)e.s    fournies     par     se^      allu- 
Cette     forteresse  ,    située    dans     uni' 
p(ininsu(e  d  ouvir<>n  iU'Uk  mille  ]>as  de 
ciicuit,  était  défendue,  du  côté  de  la 
terre  ferme,  pn»'  «ne  palissade  et  w 
iiiuraillo     flunquée    <!.•    dnix    l»>uh 


MEN 


435 


;  et  du  côté  dn  port  par  un 
fconlevart  d'une  grande  solidité.  Un 
bour^,  au  milieu  duquel  s'élevait  une 
raosquée,  avaiî  '  *  autour  de  la 
forteresse.  Cu  un    corsaire 

plein  de  valeur,  il  expérience,  d'ha- 
bileté, et  qui  aavait  né{jligé  aucune 
précaution  pour  assurei  sa  retraite. 
I^  général  portugais  par\-ient  d'a- 
bord a  se  rendre  maître  de  la  rivière 
sur  laquelle  le  fort  était  construit. 
Malgi-é  les  chaînes  de  fer,  Mes  gros 
mâts  et  les  ancres,  avec  lesquels  l'en- 
nemi a  fermé  l'entrée  du  port,  il  y 
fait  entrer  dix-sept  vaisseaux.  Il  s'em- 
pare en  même  temps  de  tons  les 
points  environnants  d'où  Cugnal 
poun-ait  tirer  quelques  secours.  Un 
assaut  donné  le  7  mars .  et  où  il  paie 
de  -,  "  1(1  maître  des 

fort,.  lerB  le  bourg 

et  du  bourg  Uii-uiême.  il  ne  lui  reste 
plus  que  la  forteresse  à  emporter.  Cu- 
gnal tremble;  il  fait  offrir  au  Zamo- 
rin  cent  mille  écu*,  s'il  veut  favoriser 
son  évasion.  Informé  d'une  proposi- 
tion qu'il  croit  pouvoir  séduire  le  t^- 
licutien,  Mendoça  va  le  trouver  et  lui 
adresse  ces  énergiques  paroles  -.  "  .le 
»  suis,  par  la  grâce  de  Dieu,  celui  qui 
"  sait  faire  trancher  la  tête  aux  rois 
'  parjures,  et  qui  sait  remettre  leur 
"  sceptre  en  des  mains  plus  dignes 
•  de  le  porter.  Ne  vous  abusez  donc 
'-■  point.  Jejure^par  le  sang  de  Jésus- 
^  Christ  que,  si  vous  favorisez  l'éva- 
■i  sion  de  Cugnal,  j'irai  (il  lui  nion- 
.'  trait  ses  compagnons)  avec  ces  Por- 
"  tugais  porter  le  fer  et  le  feu  jusque 
"  dans  Calicut.  »  Le  Zamorin  intimi- 
dé signe  à  l'instant  une  promesse  par 
laquelle  il  s'engage  à  livrer  au  terri- 
ble général,  Cugnal  mort  ou  vif  et 
quarante  de  ses  compagnons.  Men- 
doça et  l'empereur  s'embrassent  en- 
suite. Peu  de  jours  après,  Cugnal, 
forcé  de  se  rendre,  frit  remis  aux  Por- 


tugais, et  condiùt  à  Goa  où  il  eut  la 
tête  tranchéé«avec  ses  compagnons. 
Mendoça  vola  bientôt  à  de  nouveaux 
combats  :  le  vice-roi  des  Indes  l'avant 
ftbargé  de  châtier  les  faibles  rois  de 
Java  et  de  Sumatra  dont  il  avait  à  se 
plaindre,  mais  surtout  de  combattre 
l?s  Hollandais,  qui  cherchaient  à  ren- 
verser la  puissance  portugaise  dans 
les  Indes,  il  partit  de  Goa,  au  moi> 
de  mai  1601,  à  la  tête  d'une  flotte  de 
6  gros  galions,  de  18  galiotes  et  d'une 
galéace.  En  faisant  voile  vers  le  détroit 
de  la  Sonde ,  il  aperçoit  7-  vaisseaux 
hollandais,  vers  lesquels  il  se  di- 
rige ;  mais  ceux-ci  profitent  du  vent 
pour  disparaître.  Alors,  changeant  de 
route,  Mendoça  se  rend  à  l'île  d'Am- 
boine,  dont  la  citadelle  allait  tomber 
au  pouvoir  des  Hollandais  ;  il  la  dé- 
livre, la  fortifie  de  nouveau,  fait  ra- 
douber les  vaisseaux  que  contenait 
le  port,  et  s'éloigne  rapidement  pour 
aller  punir  les  habitants  d*Itto  et  de 
Rosatel,  de  l'alliance  qu'ils  avaient  con- 
tractée avec  les  Hollandais.  Peu  de  jours 
lui  suffisent  pour  soumettre  ces  deux 
villes,  quoiqu'elles  soient  munies  de 
fortifications  solides,  et  défendues  par 
des  hommes  dévoués.  Après  cette 
double  victoire,  l'infatigable  général 
vole  à  l'île  de  Varinula  où  les  Hol- 
landais et  lesTernatlns  occupaient  cha- 
cun un  fort.  A  son  approche,  la  ca- 
pitale de  l'île  est  abandonnée  par  ses 
habitants;  il  la  pille,  la  brûle,  et  rase 
les  deux  forteresse?.  De  là,  Mendoça 
fait  voile  vers  les  Moluques,  où  les  Por- 
tugais avaient  continuellement  à  se 
défendre,  dans  File  de  Tidor,  contre 
les  efforts  combinés  des  Hollandais  et 
des  Ternatins.  Selon  les  ordres  qu'il 
avait  reçus,  il  commence  aussitôt  le 
siège  de  Ternate,  mais  il  est  forcé  d'y 
renoncer,  parce  que  la  sai^nest  avan- 
cée, que  son  armée  est  en  proie  aux 
tnaladies.  et  surtout  parce  qu'il  man- 
28. 


m  MEN 

que  de  munitions.  Depuis  trois  ans 
que  duraient  ses  expéditions,  il  n'avait 
reitu  de  secours  d'aucune  espèce.  E- 
Xait-ee  négligence  ou  envie  de  la  part 
du   vicc-i-oi  .des  Indes  ?  Mendoça  se 
retira    proniptcment  à  Malaca  dont 
il  prit  le  commandement.  A  peine  y 
ëtait-il  arrivé,  qu'un  ordre  du  vice- 
roi  Martin-Alphonse  de   Castro  l'o- 
bligea de  détacher  de  sa  flotte  quatre 
vaisseaux  de  guerre,   pour  escorter 
en  Europe  la  flotte  qui  revenait  de  la 
Chine.  Cet  ordre  le  privait  de  ses  meil- 
leurs soldats  et  du  peu  de  munitions 
qui  lui  testait.  Ainsi  affaibli,  Mendoça 
se  vit  attaqué  le  29.  avril  1606,  dans 
Malaca,  par  une  armée  hollandaise, 
grossie  des  troupes  de  plusieurs  prin- 
ces indiens.  La  place  était   sans  vi' 
vres,  s.ans  munitions,  et  ne  contenait 
plus  que  cent  quarante-cinq  Portu- 
gais  et    quelques  Japonais.    Cepen- 
dant il   ne  perdit  pas  courage,  et  fit 
brûler  toutes  les  maisons  qui  entou- 
raient Malaca,   puis,  passant  en  re- 
vue le  petit  nombre  de  ses  soldats, 
il  les  exhorta  à  combattre  avec  cou- 
rage. Chaque  jour,  il  leur  permettait 
de  faire  des  sorties,  pour  aller  cueil- 
lir dans  la  campagne  des  racines  et 
des    herbes.    Ils   rentraient    souvent 
vainqueurs,  et  chargés  du  butin  qu'ils 
avaient. fait  sur  l'ennemi.  Mais  les  as- 
siégeants   s'emparèrent     successive- 
ment des  retranchements  qu'il  avait 
fait  élever.  Son  opmiàtro  défense  du- 
r.iit  depuis  trois  mois,  et  le  moment 
approchait  oii  il  allait  être  contraint  de 
rapitider,  lorsqu'il  fut  délivré  par  le 
vice-roi  lui-même,  qui,  infoiuié  des 
dangers    que    courait    Malaca  ,    sé- 
tait  mis  en  route  pour  venir  la  secou- 
rii'.  Mendoça  reçut  les  éloges  et  les 
récompenses  (ju'avait  mérites  sa  va- 
leur. Qut^ltjuc  tenq)S  après,    larche- 
vâque  de  (Joa,  successeur  de  Castro 
dans  la  vice-royauté  des  Indes,  se  dé- 


MEN 

mit  de  sa  charge  en  faveur  de  l'illus- 
tre général.  Ce  ne  fut  pas  sans  jalou- 
sie qu'on'  le  vit  élevé  «à  une  si  haute 
dignité.  Des  hommes ,  animés  de  ce 
vil  sentiment ,    cherchaient  tous   les 
moyens  de   le  décréditer   dans  l'es- 
prit public ,   en  assurant  que  Mert— 
doça   n'était  bon  que   pour  obéir  et 
pour  combattre,  qu'il  manquait  des 
talents  nécessaires  à  l'homme  d'tîtat, 
et  qu'en  conséquence  un  pareil  poste 
était  au-dessus  de  ses  forces.  Le  .nou- 
veau vice-roi  des  Indes  savait  tous 
CCS  discours,  et  s'en  inquiétait  peu.  Il 
préparait  un  armement,- dont  il  atten- 
dait de  grands- avantages,  quand  il  fut 
remplacé  dans  la    vice -royauté    des 
Indes  par  Laurent  de  Tavora.  Il  quit- 
ta ses  fonctions  sans  regrel,  comme  il 
les  avait  prises  sans  orgueil,  et  partit 
pour  retoqinCT  en  Portugal.  Ce  grantl 
homme  fut  privé  de  la  douceur  de 
revoir  sa    patrie;  il  mourut  dans  la 
traversée.  On  transporta  ses  restes  a 
Lisbonne,  oii  ils  furent  inhumés  avec 
une  ponqje  digne  de  sa  naissance  et 
de  ses  nobles  services. — Dom  Frau- 
c'uco  de  Mendoça,  commandant  de  la 
ville    de  l'Assomption ,    capitale    du 
Paraguay,   fit  procéder,  en  1549,   à 
l'élection    d'im    nouveau    chef  pour 
toute  la  colonie,  aimaginant  réunir  les 
sutfrages  ;  mais  ses  compatriotes  ayaiu 
élu   Diego   Abreu,  son  compétiteur, 
qui  prit  possession  à  l'instant  même, 
Mendoça,  trompé  dans  ses  esi^éran- 
ces,  publia  que  l'élecl-iou  étëit  null»-. 
et  se  fit  (juelques  partisans  au  moyeu 
desquels    il    voulut    chasser    Abreu, 
(jui   le   prévint  ,    et   le    fit    pendre 
(looO). —  Mk:<i)oça  y  Bios,  capitaine 
de  la  marine  espagnole,  mort  a  Lon- 
dres le  22  janvier  1816,  avait  public 
plusieurs  ouvrages  en  anglais  et  en 
espagnol.  Un  seul  a   été  traduit  en 
français  ;  il  a  pour  titre  :  Becherches 
sur  les  solutions  (/'•>  priniipati.x  pro- 


MEN 


MBI 


mn 


blêmes  de  l'aitronomie  nautique,  Ii: 

àr  la  société  royale  de  tendres,  Loii- 

dres,  1797,  in-4".  Ses  «Table*  pour 

de  la   navi>»ation   sont 

.  R — p. 

MENDOÇA.    '  ^.  LXi. 

MEM  ul- 

homtnc  L.  > .  lu 

Guerlesquaiii. 
Louis  XI,  qui 
hommes  d'an. 
ren- 
dra 
tien 

roi   1      . 
lui    cou  ; 
ainsi  quu  ic 
De  plas  en  |  >  I 

vice-.     î  ■  ■':'- 

fiir 

îtijj  et  le 
^  :  I  .  dont  il 

jouit  jusquà  la  mort  de   n 
Il  abandomia   peu  après  le    .,;..  ,^ 
de  la  France,   pour  reprendre  cekii 
du  duc  de  Bretagne,   Fi,'^      -  M 
fut  à  la  suite  de  liésordi 
vi'nii.  j  i'        ."-,      .  :      tait  cantoi:; 
Tiii.  îi'.'il  romni 

da: 
bal 
«o 

de  Mené  furent  punis»  quant  à  lui,  il 
tomba  en  dis;:'   t    ji       -    '     ' 
et  s'estima    t 
(  iieilli  par  le 
fi'  capitaine    ■ 

lent 
-  '■  '  '  :  .  >  :..;;-_u5  .;_  .a  v.l  de  ce 
prince  et  la  nfinorité  de  la  duchesse 
Anne,  sa  fille.  Mené  embrassa  le 
parti  dstmaréchal  de  Rieux.  il  était 
dans  l'armée  du  duc,  en  1487,  lors- 
que les  Français  mirent  le  siège  de- 
vant Ploërmel.  Mené  fit  entendre  aux 


IIS,  qu'il  V  avait   '  ;pnces 

.....L'  les  Français  de   .  .....;_c  du  roi 

et  ceux  de  l'armée  du  duc;  et  qu'aus- 
sitôt qu'on  en  viendrait  airx  mains, 
ils   se    tourneraient   tous   contre   les 


qu  lis  désertèrent  \n>  - 1  ijuc. 

(le  sei/e  mille  homm     .  ii  resta 

re   mille,    avec    lesquels    le 
duit  à  se  jeter  dans  Van- 
ii  laissa  Ploërmel  sans  dé- 
'"      ne   tint-elle 
lit   desquels 
n. 
•■\f- 
tonne, 
,,..;,  il  ce  sur 
i  à  déserter, 
'  -  menait 
1 1   était 
par  1  i  qu  il  en  soit,  il 

ne  j  >  propos  de  Mené 

^ité  quon  leur  a  attri- 
duc  continua  de   l'cm- 
plover.  soit   dans  son  armée,   où  il 
,..,„. i.„..;*  .  „„,.  oourage  à  la  bataille 
i-CormieY.  soit  comme 
■ibcUan.  Après  la  mort  de  ce  prin- 
'  joififuit  les  deux  emplois  succes- 
■litainc  deMorlaix  et  de  Jos- 
eliii  de  capitaine  des  gardes 
de  la  "duchesse  Anne,  dont   il  quitta 
le  parti,  en  1489,  pour  commander, 
sur  les  côtes  de  Bretagne,  le  débar- 
'   -     \      !ais.    qu'elle   avait 
iirs.   I^  maréchal 
'!  avait  ces^é  d'être 
wit  de   la   tiédeui 
quii  nrtee- dans  sa  mission, 

voulu  r     rentrer   en  grâce  au- 

près de  la  jeune  princesse,  et  le 
chargea  de  veiller,  dans  l'évêchie  de 
ComouaiHes,  à  ce  qu'il  ne  s'v  flt 
Itùt  retarder  la  pacification 
.;nait  alois  de  désirer.  Mais 
Aune,   se   défiant   d'im    honunc  qui, 


m 


MEN 


depuis  peu  d'années,    avait  embrasse 
tant  de  partis,  se  refusa  à  ratifier  le 
choix    du  maréchal,    en   prétextant 
que   les  rois    d'Angleterre   et   d'Es- 
pagne   décideraient    si    Mené    était 
digne  de  cette  marque  de  confiance. 
Il  contribua   au   mariage  de   la  du- 
chesse Anne  avec  Charles  VIII,  et  ce 
prince,  pour  le  récompenser  de  ses 
bons  offices,   lui  donna  la  terre  de 
Duault-Quélen.  Devenu  vieux,  il  se 
retira  à  Garhaix,   dans  une  maison 
qu'il  avait  bâtie  depuis  1478,  suivant 
Ogée,  et  où  il  exerça  lui-même  l'iios- 
pitahté,  en  expiation,  dit  d'Argentré, 
de  ses  fautes  passées  et  du  saccage- 
ment  de  Pontoise.  On  ignore  l'époque 
pi'écise  de  sa   mort  ;  mais   elle  dut 
être  postérieure   à    1493,     puisqu'il 
fig.ure,  cette  année,  pour  une  réduc- 
tion de  100  livres,    sur  un  état  de 
diminution   des    gages     et   pensions 
dressé  afin  de  subvenir  aux  frais  de 
la  conquête  de  Naples.   C'est  dans  la 
maison   fondée    par   Mené,    que   les 
Dames  hospitalières  vinrent  s'établir, 
en  1663,  à    la  demande    des  habi- 
tants,   et  avec  l'agrément  de  M.  du 
Mené   du  Perrier,   l'un   des  descen- 
dants du  fondateur.   Elles  y  restèrent 
jusqu'en  1665,  qu'elles  furent  transfé- 
rées   dans   la  maison   qui   fut    bâtie 
pour   elles,   et  qu'dles  ont  toujours 
occupée  depuis.  P.  L — t. 

MENEIVDEZ  (  MiCiiKL-HxAciK- 
thk),  peintre  d'Oviédo ,  naquit  en 
1679,  et  alla  étudier  la  peinture  à 
Madrid,  oii  il  fit  des  progrès  rapides 
dans  toutes  les  parties  de  cet  art.  Il 
devint  aussi  savant  dessinateur  qu'ha- 
bile coloriste,  et  ne  se  distingua  pas 
moins  sous  le  rapport  de  l'invention. 
En  1712,  Philippe  IV  lui  accorda  le 
titre  de  peintre  tlu  roi.  C'est  à  Ma- 
drid que  l'on  voit  la  plupart  de  ses 
productions.  Les  plus  rcnonunées 
«ont  le»  deux  tableaux  de  la  fie  du 


MEK 

tirophète    Élie,    qu'il  a.  peints    pour 
les  Carmes-Chaussés  ;  la   Madeleine, 
qu'il   fit   pour    les  Récollets,    et   les 
Jpôtrei  pour  l'église  Saint-Gilles-  Il 
avait  ébauché  les  peintures  de  l'église 
de  Saint-Philippe-le-Royal.   La  mort 
l'empêcha  de  mettre  la  dernière  main 
à  ces  tableaux,  qui  furent  terminés  par 
André  de  la  (jolieja,  son  élève.  Jean- 
Barnabé  Palomino  a  gravé,  d'après  lui, 
une  estampe  leprésentant  Saint  Isi- 
dore à  chgval  et  revêtu  de  ses  habits 
pontificaux,  exterminant  les  Maures. 
— François- A  n  toine  Men  endez,  pein  tre 
de  genre  et  de  portraits,né  à  Oviédo, 
en  1682,  était  frère  du  préctklent,  et 
étudia,   comnie   lui,    à  Madrid.    Une 
occasion  d'aller  en  Italie  s'étant  présen- 
tée en  1699,  il  la.saisit  avec  empres- 
sement^ ^t  visita  successivement  Gê- 
nes, Milan,  Venise,  Rome  et  Naples. 
Mais  il   avait     entrepris   ce  'voyage 
avec  trop    peu  de   réflexion.    Dénué 
de   fortune   et    de   {uotecteurs,    son 
talent  ne  put  le   tirer   de  la  misère  ; 
réduit,  à  ÎNaples,  aux  plus  dures  ex- 
trémités,  il   ne   trouva   d'autie   res- 
source pour  vivre   que  de  se  faire 
soldat.  Il  s'engagea  donc,  en  1700; 
dans  finfanterie  espagnole.   Mais  les 
devoirs   de    son    nouvel    état,    qu'il 
remplissait  avec  la   plus  scrupuleuse 
exactitude,  ne   lempèdièn'nt  ])as  d<' 
suivre  les  leçons  des  plus  habiles  ar- 
tistes de  Naple»;   il  fit   des  connais- 
sances avantageuses,  et  il  se  vil  enfin 
en  état  de  tirer  parti  de  son  talent. 
Les   changements    qui  survinrent  a 
cette   époque,  dans  le  gouvernenuiit 
napolitain,  lui  rendirent  la  liberté  ;  il 
reviiU  à  Home,   oii   il   put   se  livrer 
sans  obstacle  à   ses  étndes.  (^noiqur 
marié  et  ayant  plusieurs   enhuils.   il 
ne  put  résister  au  désir  de  revoir  sa 
|)atrie.  U  retourna  donc  à  Madrid , 
on  1717,   abandonnant  le  bien  de  sa 
femme,  afin  iyu-  i i>ii  ne  pût  l'an-êter. 


m 


été  r 
ilr. 
on    : 

lîto' 


■iiiK^        /'iii,  ciivf,  coirrilil»  ^m,'^  Miinllo, 
irie.  et.      et  jxir   !a   suite  il»  se  plurent  à  tra- 


T  homieii 


>if"t)<  ne 
dont  il 


a  CCI 


tant  la  tpui;>ru'  .|' 
ni»nt  rlltalie.  T>es  > 


tit'd  ane 


an- 
phBCipéis  <rî 


bons 


tier,  et 
;    la  re- 
n  cousin,  auprès 
ou,  pour  prê- 
tre  la  Tiir- 


-flol 


xvm 


la  prêttS'  de  "son   coloi 

iiti 

t;i 


.  a  la  révolution  de  et; 

:ent  où  les  troupes  ft-an- 

énélrèrent.  Il  exigea  d'abord 

1  cApui-Mou  du  ministi-e  anglais  Wic- 

kam,  et  le  renvoi  des  émigrés.  «  Les 

roix    sont   affiliés  aux  Ven- 

t'crivait-il  à  la  régence  :  ceux 

»  qui    souffriront    qu'on    porte    ces 


m 


MEN 


«  croix  seront  envisagés  comme  favo- 
u  risant  des  conspirations.  «  Il  fixa 
un  terme  à  la  régence  de  Berne  pour 
l'acceptation  du  projet  d'une  répii- 
plique  helvétique;  et  quând  la  révo- 
lution fut  opérée  dans  cette  ville, 
il  adressa  un  discours  au  peuple , 
et  pressa  le  gouvernemeiil  de  Schal- 
house  de  briser  le  joug  aristocrati- 
tjue.  Lorsqu'il  fut  accrédité  comme 
chargé  d'affaiies  auprès  du  corps 
helvétique,  il  répondit  aux  félicita- 
tions du.  général  Dufour  :  «  Tu  l'as 
"  dit,  Dufour,  le  Directoire,  en 
«  m'appelaut  au  poste  honorable  et 
«  délicat  do  son  représentant,  a  cru 
«  leconnaître  dans  moi  un  civisme 
"  bien  prononcé.  En  te  demandant 
«  l'accolade  fraternelle  ainsi  qu'à 
"  l'état-major  d'Huningue,  je  provo- 
«  que  de  ta  part  et  de  la  sienne  l'exa- 
ct men  le  plus  sévère  de  ma  conduite  ». 
S'étant  ensuite  trouvé  en  opposition 
avec  Rapinat,  autie  envoyé  du  Direc- 
toire, et  beau-frère  de  Rewbell,  Men- 
gaud  approuva  que  le  gouvernement 
helvétique  fît  apposer  son  sceau  sur 
les  caisses  publiques,  pour  les  sous- 
traire à  la  raj)acité  de  sop  wval.  Mais 
ses  efforts  ne  purent  empêcher  l'enlè- 
vement du  c.eiy  caisses  ;  il  fut  rappelt:, 
et  Rapinat  resta  maître  du  pays.  En 
1799,  après  la  crise  de  prairial  (19 
juin),  Mengaud  adressa  aux  Conseils 
législatifs  une  accusation  contre  Sché- 
rer  et  le  counnissaire  Rivaud.  Il  fut 
nommé,  eu  1801,  counnissaire  dans 
les  ports  de  la  Manche,  «;t  s'y  fit  re- 
douter par  sa  rigueur.  Les  réclama- 
tions qui  s'élevèrent  contre  lui  le  fi- 
lent (îestituei  en  1304.  Depuis  ce 
temps,  il  vécut  dans  l'obscurité,  et 
mourut  vers  le  conunenccment  de  la 
restauration,  il  a  pubhé  quelques  bro- 
chures politi(jues,  entie  autres  :  En- 
cotv  un  mot  <iu  peuple  suisse,  Râle  , 
1798,  in-8".  M— uj. 


MEN 

MENGOÏTI  (Fraxçois),  célèbre 
ingénieur  hydrauhque,  naquit  vers  le 
milieu  du  XVIll'  siècle,  dans  les  États 
de  Venise.  Il  étudia  d'abord  dans  sa 
patrie  la  jurisprudence  et  les  lettres 
avec  un   succès  brillant.    Ayant  ac- 
quis  une  grande  réputation    comme 
jurisconsulte,  il  se  fit  presque  aussitôt 
un  nom  dans  les  lettres  par  deux  Mé- 
moires qui  remportèrent  les  prix  pro- 
posés  par  des  académies  françaises: 
le   premier  sur   le  Commerce  des  Eo- 
mains,et  lesecond suri  Administration 
du  grand  Colbert,  dans  lequel  il  dis- 
cuta la  question  de  savoir   s  il   valait 
mieux  protéger  l'agriculture   que  le 
commerce,  et  conclut  par  l'affirma- 
tive. Lors  de  la  réimion  des  Etats  de 
Venise  au  nouveau  royaume  d'Italie, 
Mengotti  fut  invité  a  se  rendre  à  Mi- 
lan, et  placé  dans  le  Sénat  dès  la  for- 
mation de    ce   corps,   le  19  février 
1809.  Il  avait  déjà  reçu  la  décoration 
de  la  Couronne-de-Eer;  et  alors  il  fut 
créé  comte.  En  1810,  il  publia  le  pre- 
mier tome  in-'i"  d'un  grand  ouvrage 
scientifique,   tpii,  les  armées  suivan- 
tes, fut  porté  à  trois  volumes,  sous  le 
titre  modeste  de.  ^'aggio  sulle  rtc</«r 
conenti.  Dans  cet  écrit,  non-seulement 
il  offrit  tout  ce  que    les    Italiens  ses 
j)rédécesseurs ,    <pii  ont   donne  nais- 
sance à  la  science  de  régler  et  niaitri- 
ser  les  fleuves  impétueux,  avaient  en- 
seigné pour  empêcher  leurs  ravages; 
il  y   ajouta  encore    tics    idées   nou- 
velles, et  l'on  jugea  qu'il  avait  sur- 
passé les   Cornaro  ,  les  Lupicini,  le.». 
(  ".artelli ,   par  la  profondeur  des  vui  ^ 
ot  surtout  jiar  l'agrément  et  l'élégance 
du  style.  Le  second  lome  parut  en 
1811.  Dans  le  troisifcmc,  qui  fut  pu- 
blié en  1812,  lauteui  exposa  diverses 
expériences  laites  sur  le»  cours  des 
fleuves,  sur  leurs  confluents,  leurs 
déviations,   les   causes  de  f élévation 
et  de  la  vélocité  qu'ils    accpiièrent  en 


diverses  circonstasçe».  Cest  là  qu'il 
fait  sentir  combien  il  imT">rfe  de  re- 
monter jusqu'au  b  fleuve*, 
sur  les  monta                          nmencer 
à  les  maîtristi                          i onnant 
d'obstacles  teU  que  (ic.s  arbres  et  das 
arbuste&,  comme  la   niture  y  anât 
pourvu  dans  l'origine:  par   où   l'on 
comprend  que  Mengotti  se  récriait  fort 
contre  la  cupidité   si  ardente  à  dé- 
pouiller les  montagnes  de  ces  orne- 
ments utiles.  Ce  dernier  v«lume  est 
enrichi  de  cin^  mMnin  a^ilfcMéÉ^w, 
où  sont  calcidéa,  ^tpaitt^tÊtWÊf^ 
rien  ces,  les  hauteurs  «t  h»  MmMs 
diverses  des  eaux  coujuaint  Ka  Al- 
lemagne, on  se  hâta  de  tradaÏM  «rt 
inip'^r*-"'  'Mtvrage,  qui  mérittrah  êe 
1 1                  loais.  Notre  coHaborateur 
Proiiy,  i|iii  e»MJUta  «arit  Pô,  en  mê- 
me temps  qt»  Mm^fMàfé»  travaox 
analogues,  fêuMilikHlpeaii^  d»  cas  de 
sou  livre.  MeagBfltk^Êà^kiéfatfae  de 
la   chute  de  WÊftàfmt^  ^pmt-éÊà  M> 
crétaires  du  Séaat«l  wHKmàim^Tkm- 
titut  de  Milan.  Il  est  mort  depuis  quel- 
ques années.                         M — DJ. 

MEXGOZZI  (BERHim)),  chan- 
teur et  compositeur  italien,  naquit  a 
Florence,  en  1758.  Après  avoir  par- 
couru les  juiru  ijnuix  théâtres  de 
ritalie,  il  fit  p;uîii  .  <n  1788,  de  la 
troupe  des  boutVt-  au  théâ- 

tre de  Monsieur,  a  1  ^; ...  L.elte  tioupe 
ayant  été  dissoute,  le  11  août  1792. 
Mengozzi,  qui  avait  épousé  une  ac- 
trice française,  Sarah  Louvain,  con- 
tinua de  résider  à  Paris,  et  donna 
des  leçons  de  chaiit.  ÎSommé  pro- 
fesseur au  Conservatoire,  il  forma  de 
bons  élèves,  et  mourut  en  mars  1800. 
Outie  plusieurs  morceaux  de  sa  com- 
position, qu'il  avait  intercalés  avec 
bonheur  dans  les  opéras  de  Pai- 
siello  et  d«  Cimarosa ,  il  donna  aux 
théâtres  de  Monsieur,  Montansier. 
Fcvdeaii  et  Favart.  plusieurs  opéras 


MEN  Ut 

qui  eurent  éà  ^Mito  :  •£'hoàtHèkm' 
hitata  (rîte<abll)r^^«/«'***^^*** y 

—  Jsabetie  rf#  AIÙli«»y^i-'**  »" 
bteau  fHi^imm»;  ^£#ri*lÉ»«*birffi- 

—  Ptmmitmfn\  f  t  —  Làmf^fdw  m  ; 
êéëco;  —  LâS^Êtumiê^Èi^^^hiumn^^ 

MHe   Faute    pé^iikuèàtS  *  m'^tMmt 
et  C^rdlir.  Dtmg  ¥^^;  — 

Let  Habita  v  -   infuse.         '  Z. 

imiiixMJMAliD'  (  Fiuȍ<W' 

4e«MMliife  de 

tlorge, 

de  Fursteinboç,'* 

Chavignv,  au  siég»  d«  Anw<ei>'le  9 


ii- 


an,* 


ifettt- 
à 

■2»,    et 
t  1799. 


il 

Je 
ir. 
.  à 


juill 

fils, 

Lisieux,    le  1) 

mourut  à  Lonci 

fttfemwpagnc  de  17i7 
laquelle  il  obtial  «^  ^pé 
A  la  sortie  des  pages, 
nne  compagnie  de  cavalerie  qui  loi 
fut  offerte,  entrer  i^lKmfi^  «Jiinàre 
du  nénic  ,  pour  v  IfMfcefcMMr  «es 
[iilitaires.  Ce  fut  alors  qu'il 
;„  ...;,i.  avec  cette  ardeur  féconde 
qui  lui  était  naturelle,  à  la  lectare 
et  à  la  méditation  de  nos  grands 
tacticiens.  Eniplové  aux  fortification.s 
du  Ha\Te,  et  ne  pouvant  se  livrer 
suffisamment  à  ses  étude»  favorites. 
il  se  retira  à  sa  campagne  (à  Ménil- 
Durand-sur  Vie ,  près  de  Livarot). 
C'est  dans  cette  agréable  retraite  qu'il 
composa,  à  l'âge  de  vingt -deux 
ans,  sOn  grand  travail  :  Projet  d'un 
ordre  français  en  Tactique,  il  était, 
dit-il,  dans  des  mémoires  qu'il  a  lais- 
sés, vivement  frappé  de  plusieurs  ré- 


kUÊt  MEiN  * 

flexions  auxquelles  il   se   livra  avee 
toute  la   vivacité  et*  la  hardiesse  de 
son  âge.  Dans  le    cours   de  l'année 
1753,  durant  laquelle  il  s'occupa  de 
son  ouvrage  ,  il   fut  encourage    j>ar 
plusieurs   généraux   distingues,    tels 
que  Cbevcrt  et  Maillebois.  Deux  ans 
après,  il  fit  imprimer  le  tuit  de  ses 
veilles,  à  Paris,  en  1735  (chez  Bou- 
det ,    1    vol.  in-4"),  sous  le  titre  de 
Projet  d'un  ordre  f)xtnçais  en  tactique, 
OU    la   phalange   coupée  et  idoublée^ 
soutenue  par  le   mélange  des  armes, 
proposée    comme     système    général, 
«  dont  on   prouve  l'excellence  et  la 
«  supériorité,  en  la  comparant  pQrpé- 
»  tuellement  à  la   méthode  .actuelle- 
«  ment  eu  usage,  celle-ci  qpi  n'est 
«  autre  chose  que  le  système  de  Fo- 
«  lard  étendu  et  développé,  auquel 
A  oh  a  joint  les  idées  des  plus  grands 
«  maîtres,  particulièrement  du  maré- 
..  chai  de  Saxe;  fortifiant  le  tout  par 
«  un    grand   nombre    de    nouvelles 
«  preuves,  autorités,  et  réponses  aux 
"  objections  ».  Ce  savant  .{projet,  di- 
visé £n  quinze  chapitres,  a  pour  ob- 
jet de  substituer,  pour  l'ordre  de  ba- 
taille, au  système  qui  était  en  p 
des  bataillons   minces    compo 
685  honiii 
colonnes   <• 
ftont  et  32  de  hani^ 
compagne  chacune    ..  _ 
(qwil  désigne  sous    le  nom  ( 

sions)  de  deux  pelotn-i  :  r' 

formés  chacun  de  4; 
hauteur,  et  qjui  sélabiu.i 
(jues  pa^  un  arrière,  sur 
plésifu».  Il  place  ensuiit  ■ 
t loupes  de  cavalerie,  cha 
liommes  sur  deux  rangs^  en  arrière 
des  grenadiers.  U   dunna  «i  ce  pro- 
jet une  Suite  en  175G  (^  vol.  in- '«■',)• 
(jomnte    les    (lélails   de   ce   ayslenie 
ne  peuvent  intéresser    <jue  des  tacti 
cieusi  de  prolession ,  Duu»  les  rcu- 


mm 

voyons  à  i  ouvrage  n>eine  qui  fut  bien 
accueilli  par  un  grand  nombre  d  hom- 
mes habiles  en  s  tr^tégie.  .Au  surplus, 
cette  grave  question ,  dan»  laquelle 
Ménil-Dmand   avait    pom-  objet   de 

faire  valoir  la  SU]      "      '       '     •'*  : 

l'UoiosD  sur  lOi'.i 

par  !e  comte    de    Guibci  t ,   ne  larda 
guère  à  partager  les  plus  savants  tac- 
ticiens de  l'époqiK 
vement  ot  avec  eu 
Projet.    U    recueillit  de  S( 
Thonneur  d'ê""  "...'>■."  ■>.; 
cernent  de  h  ii;  '^  pi- 

Ans,  aide-d( 
trées,  aux  t; 

au  passage  du  Wéser  et  a  la  bataille 
de  Hastembeck,  on  1757.  Le  duc  de 
Bioglie  a^ant  succédé  au  maréchal 
d  Estr('<-  \"./'!,;i.V)urand  fut,  en  i759, 
attaciii  !at-major,  en  quaUté 

d'aide- liiajoi -ycnéral  '  !  is  de 
l'armée.  Ce  fut  à  cett<'  i  juil- 

let 1739)  qu'il    . 
beth-î\icole   de 

maison   d  Oraison,   iai 

I'ioveni:e,  dont  le  non;  ,    : 

mille  de  djivanot.   Toujours    ocoiipi- 

1  ..  :  .   j  ..  „.;     il'eQt  le  bon 

!e  temps  détu- 


ions de  Isauteiu 


urenl 


vol.  égalemant 

1762,  Ménil-Duriiiiu  .ir.u.  «t>  ...i. 

colonel    d'un   régiment    {|u  »i  devait 
former  sni\  ''   - 


MEN 

siens  ;  «ais  il  hil  bientôt  après  enve- 
loppé da^s  les  intrigues  àa  duc  d'Ai- 
guillon .contre  le  maréchal  de  Bra^iie, 
covaiq0j0tf>m9affose  d'ui»  naétneire 
conttwJ»-*»»»**  di«|jrâce  du  nmré- 
chn'  '  Ménil-Dnrand 

fut  i  ;'!«   si  f«*»- 

les  qui   tourmentaient   i  nt 

la  cour  de  Louis  XV.    ]  int 

été  rappelé  en  1768,  le  baron  fut 
nommé  enfin  colonel  d  état-major, 
employé  immédiatement  en  cette 
4|iial  ^[lectan- des  c6te«, 

pori  ^e  k  BiBBche ,  ci 

deux  ans  aprè^iaaSM 
r]p  Saint-LiHM4  a»-kMI 

-.  travaux  de  tout  genre.  Ce  int  en 
i  772  qu'il  mit  au  jour  ses  Observa- 
tions sur  le  canon  par  rapport  à  fim- 
fammU^m^éi'     'la 
p«tW<»iffl  f^  SI-  (f 

traits  de  fetsai  su^  Fnrttlle' 

««,  Paris,!  vol.  iii  i  ue  ou  l'a 

vu,  il  nttm^atÊÎftà^viÊmmufÀm  que 
de  substifet  il  i— lil^rc  de  ba 
taille  à  celui  qui 
à  la  Fra^"      '  • 

de  lEyi  n#« 

temps  attaque  le  systeiuc  tloiniiiant. 
parce  <pi'il  avait  cru  voir,  dans  la  pm- 
fondeur  de  lordonnance  de  bataille 
des  Grecs,  la  i>iiniMi)ale  cause  de  la 
supériorité  s* 

tCNt    durant    la    paiv    qui    ^^ulv!: 
gnerre  de  1741,   que  cette  opii 
du  commentateur  de    Poiybe  o< 
sionna    une    grande    discussion  . 
VippItlIMBe  de  laquelle  donna  piiu- 
I  i|pliiwnt  lieu  l'ouvrage  quf>  le  lua- 
rëcbal  de  Saxe  intitula  :  Me 
cpi'il  avait  composé  en  treize  min^  c, 
qnil«vait  fini  en  décembre  1732  (im- 
primé  en    1757).  Apres   le   svstème 
proposé  et  détendu  par   le  baron  de 
Ménil-Durand,  la  polémique  se  rani- 


me:^ 


ortant 

tifiiie 


ma  plus  vive  sur  ce 
où  Maizeroy,  auteur 
discutée  pûMéé  en  iTI'S,  i 

•«•défeaseor  de  l'onin  pr^..».».,  4ui 
avait  4aaBé  au  pnl>liMp<cn  MTM^ite» 
Ohaerwmtioms  sur  le  canon  ;  en  ITTfj 
»eê  Fragments  de  tacti^ue^  et  en  lT7t> 
des  MéÊHéitm  et  des  Fifmtnu  mm 
le  mén»i«^M^-4*.  toor  véiModie* 
c«8  dea  Miiftw4HtieiMtt,4»  iiHMilw 
Tronwa^BrOwwiwiyft  iwfiimwvw 
1776i,  ■nMpiAMNnhOBVilM  qui  avait 


t^  lÊÊOÊCf^éBttSIlIfÊtlt^ 


î>C'est  la 

lé  le  foi.o  o- 
,    tort    de 


'f*^rmi 


pu- 


blia 

Tap 


a\aiil  aequi?  j  et 

objet  plus  d  im  ■  h- 

veri  :a   à   livrer  aux  é- 

preu  ,    :  ience  publique  les 

deux  svstèmes  stratégiques  ;  il  ordon- 
na la  réunion  de  30,000  hommes  en 
un  camp  de  manœuvrcis,  à  Vaussieux 
dans  le  voisinage  de  la  ville  dé 
Baveux,  sous  les  ordres  du  maréchal 
de  Broglie,  pàrtis^an  de  ce  qu'il  a  plu 


Wk 


MEN 


MES 


au  baron  de  Bésenval  d'appeler  légè- 
rement «  la  difficile  et  diffuse  tacti- 
«  que  de  M.  de  Ménil-Durand  ».  Le 
Aiaréchal  fit   donc  essayer  les  deux 
ordres   au   camp    de   Vaussieux,"  en 
1778,  et,  comme  disait  Guibert,  mit 
ainsi  un  poids  immense  dans  la  ba- 
lance. Toutefois  cette  grande  influen 
ce  ne  fit  pas  réussir  autant  qu'on  s'y 
attendait  les  nouvelles  doctrines  pro- 
posées, dont  l'essai  ne  fut  peut-être 
pas  fait  comme  devait  l'e.spérer  l'au- 
teur. Quoi  qu'il  en  fût ,   le  maréchal 
de  Bi"ogiie  commanda  lui-même  au 
camp  de  Vaussieux  l'Ordre  profond, 
avec  une  armée  supérieure  qui  n'en 
fut  pas   moins  battue  constamment 
par  le  général  Lnckner  auquel  avait 
été  conBë  le  commandement  de  l'Or- 
dre Mince.  Ménîl-Durand  dit  quelque 
part  que  son  système,  essayé  en  1775, 
dédaigné  en  1776  par  l'effet  du  ca- 
ractère futile  du  ministre  Saint-Ger- 
main, avait  été  pratiqué,  en  1778,  par 
une  armée,  lorsque  les  défenseurs  de 
la  méthode  en  usage  virent  l'affaire 
devenue  sérieuse  et  l'objet  d'attaques 
plus  vives  que  jamais.  Le  défaut  de 
succès  ne  découragea  pas  Ménil-Du- 
rand,   et  la  protection  constante  du 
maréchal  ne  ferma  pas   la  bouche  à 
Guibort,  qui  se  crut  obligé  de  défen- 
dre et  qui  défendit  habilement  l'opi- 
nion de  l'armée  contre  celle  de  son 
général ,,  dans  ut\  livre    dont    nous 
donnerons  le  titre  plus  bas.  En  1779, 
la  polémique  continuait  dans  les  ou- 
vrages périodi(|nes,  tels  que  le  Jour- 
nal militaire,  le  Journal  des  sciences 
et  des  beaux-arts,  et  le  Journal  ency- 
clopédique. On  lit  dans  la  Gorrcspon- 
dancc  do  Gnnuu,à   la.  date   de  mai 
177Î)  :  «  Ce  fuit  à  la  suite  du  catnp  de 
Bayeux  (|ue  cotte  grande  (]ue8lion  fut 
agitée  avec  le  plus  «le  vivacité,  M.  de 
Guibcrt  a   réveillé  les  esprits  sur  cet 
objet  intéressant  \y.\r  un  ouviagc  inti- 


tulé :    Défense   du   système  de  guerre 
moderne^   ou  Réfutation  complète  du 
système  de   M.  de  Ménil-Durand,  M. 
de  Broglie  continue  de  favoriser  le 
système  de  l'Ordre  profond,"  malgré  la 
réclamation   presque   universelle    de 
l'armée.  »  On  sait  ausui'plus  que  cette 
discussion  brouilla  Guibert    avec   le 
maréchal.  Le  baron  de  Ménil-Durand 
ne  se  tint  pas  pour  battu,  quoiqu'il 
lui  fallût  combattre  contre  foi-tc  par- 
tie. Il  publia,  en  1780,  une  Collection 
de  diverses  pièceS'  et  mémoires  pour 
achever  d'iiistruiie  la  grande  affaire 
de    tactique,    et  donna   les   derniers 
éclaircissements   sur    l'ordre  fiançais 
proposé  (Paris,  1780.  3  vol.  in-8»-). 
(j' était  le  fruit,  bien  élaboré  assuré- 
ment, de  27  années  de  réflexions  sé- 
rieuses   et    d'études    assidues.    Nous 
avons  laissé  Ménil-Durand,  en  1770, 
décoré  do  la  croix  de  Saint-Louis  :  en 
1776,  Saint-Germain  le  nomma  color- 
nel  en  second  du  régiment  de  Navar- 
re; mais  h  la  mort  de  ce  ministre,  il 
rey)rit  son  emploi  d'inspecteur.  Aidc- 
maréchal-des-logis  de  l'armée  rassem- 
blée sur  les  côtes  de  Normandie,  le 
savant  tacticien  reçut,  en  1779,  le  gra- 
de de  colonel  d  un  régiment  de  gre- 
nadiers royaux.  Le  brevet  de  niaré- 
chal-de-camp,  fut,  en  1784,  le  juste 
prix  doses  longs  et  consciencieux  tra- 
vaux. iNommé  connnandant  de  la  pro- 
vince de  Normandio,  en  1787,  il  con- 
tribna  puissaniment  à  ces  travaux  im- 
portants dn  port  de  ('.lu  rlxmig,  qui 
avaient    pour  but,   en    réalisant    les 
vues  du  maréchal  de   Vauban,  d'as- 
suret  dans  la  Manche  une  i-etraito  qui 
avait  manqiui.  eu    169:2,    à   la  flotte 
liancaisc  après  la  bataille  de  La   flo- 
(;u(',  et  de  pouvoir  plus  ccrtainemcînt 
et  de  plus  prcs  im  narer  l'Angleterre. 
\\(iv  h;  niêinc  titre  il  se  tiouvait  au 
Havre    lors(pie    la  nivolution   éclata. 
Ayant  <piitt('  m-s  lotictioiis,  il  crut  de- 


MEN 

voir  émigrei  cri  qualité  de 

maréchal -de  1" armée  des 

^inc^-durant  la  <  le  IT^S» 

B^tiré  en  Anglejeiii.,   ^ -  le  coufs 

de  1793,   il   y  fit  impriiuei-  (179T. 
in-S"  de  i^  '   -  Lettres  sur  les  sys- 

tèmes et  <ystemati(fues  4o^ns 

désir,  et  les  m-  >'•  Nftus 

devons  rapp'-l  ^       ^lénil-J)u- 

rand  s'était  occupé  dun  projet 
pont  sur  le  Graud-Vé,  où  il  étaii  o. 
dangereux  de  traverser  à  j^ue  la  ri- 
vière de  Vire  :  «•  iiot»  d  une 
haute  importani  ■  p,randr 
difEcuIté,  et  «l 
ble,  c|UL,  depu       .. 

^etit-Vé  st  qu  il  était   donna  a  noue 
époque  de  yoii'  complètement  exécu- 
ter. Dutre  les  productions  que  nous 
avons   fait    connaître,  Ménil-''"' 
avait  composé  une  brochure  ( 
très-rare  ,   imprimée  .en   17^ 
semblablement  à  Lisieux,  ei 
tral);  elle  a  pour  tjtie  -.  Joo 
traordinaiit-    fit    un    stiil  volu       ; 
Extrait  uvrages    asst^ 

înte'ressujiif.    ir.>    ,  ./-.  .,.w.,    ,.  ■ 

les  autres  militaii' 

^officiers    français,     deiieve,    1  vol. 
in-S",  de  269  p.  Ces  extraits,  an  nom- 


etc,  et  principalement  sur  des  ouvra- 
ges de  tactique  du  baron  de  Bohau, 
du  général-major  ^Var^en,  du  comte 
d'Hodicq  et  du  chevalier  de  Buffon. 
Le  neuvième  et  dernier  articleest  un 
conte  allégorique,  intitulé  :  Tactiijue, 
par  ***,  brigadier  des  armées  du  roi. 
—  Des  deux  fils  du  baron  dt 
Durand,  l'un,  ancien  collabora 
Actes  des  ajiôtres ,  faussement  accusé 
de  conspiration ,  fi^t  exécuté  à  Paris , 
le  6  thermidor  an  II  (24  juillet  1794;; 
l'autre,  rentré  de  l  émigration  sous  le 


MBIi 


4lfi 


consulat,  vit  encore  et  a  pàar  J&U  M- 

Gastoa   Giaindorge    d'Otg^'"''®    ^ 

■orwJÉÉi  litt«r«h-f  AkWdtillÊÈ* 

sieux-  D — • — s. 

MËKJAXJD,  peinue,  fils  dfifi 
notaire  de  Paris,  naquit  vers  171Â 
Il  fut  pensionnaire  àa  gouvernement 
à  RjCNue,  et  mourut  à  Paris,  le  27  fé- 

haéi,  le  J'iuloret  et  l\drétin  ;  et  en 

i>î27,  Ftauçois  \"  tenmt  un  sanglier: 

les  adieux   de   Girodet    4  *«>f»  atelier. 

'm  urs  t4J|^Mia*<*"^  ^  Tasse 

.  t  la  fumi— inii.  Z. 

AltM^OES  (Dax      "  ur 

de   physique   expéru.  ui- 

versité  <le  Lund,  mourut  vers  le  imlieu 
du  dernier  siècle,  il  -s'était  apphqué 
surtout    à   l'hydraulique ,    et   il    fut 

'  -  -   a   lexécutiou   de   plusieurs 

-    impoi tantes,  en   iîueUe. 
'••".■..     "     '  .  "^     lit 

Um  a  de  lui  un  grand  numbi^e  de  dis- 
sertations, et  un  Traité  de  l  usage  et 
de  l'utilité  de  la  balance  hydrostati- 
ijue ,  imprime  eu  'suédois  à  Sto*^ 
ekJiolm,  en  1728.  C-t-ac. 

i;r\\ESSOX     ^    ■-■..  .-.k- 

.norat,  <\<  .  .   II- 

uattouale,  naquit 
le  1"  avnl  1761- 
Daus  k  procès  de  Lsuis  XVI,  il  pro- 
nonça    im    «li^'f^m-     t' ès-courageux 
poui  1  était  pas  à 

"  la  (.(uiveiiuoii .  mais  au  peuple 
"  à  juger  le  roi  ».  Il  vota  cependant 
la  mort,  mais  avec  appel  au  peuple , 
et  sursis  à  lexécution  jusqu'à  ce 
que  le  duc  d'Orléans,  contre  lequel 
il  fit  une  sortie  assez  vive,  fût  dé- 
porté, ainsi  que  toute  la  famille  des 
Bourbons.  Mennesson  est,  par  consé- 
quent, un  des  quarante-six  dont  le 
vote   fut    compris   dans  la   minorité 


4|I|B  MEN 

qui  se  déclara  contre  l'arrêt  de  mort. 
Il  donna  sa  démission  après  les  évé- 
nements du  31  mai  1793,  et  fut  de- 
puis administrateur  du  département 
de  la  Marne.  Il  mourut  à  Hautvilliers 
près  d'Épernay,  en  août  1807.  On  a 
<le  lui  :  I.  Déclaration  d'un  député  dea 
Ardennes  à    l'Assemblée   convention- 
nelle, Paris,  1792,  in-8°.  L'auteur  s'y 
élève  avec  force  contre  les  journées 
des  2  et  3  septembre,  qu'il  faudrait, 
dit-il,  effaeer  des  jours  de  l'année, 
et  comme    le 'disait  ,  de  celui  de   la 
Saint-Barthëlemi  ,    le    chancelier  de 
Lbopital  ,  "  n'attribuer  à  aucun  siè- 
«  cle  » .  Il  demandait  en  même  temps 
que  les  septembriseurs  fussent  pour- 
suivis  pardevant    les    tribunaux.   II. 
Coup  d'œil  sur  les  premiers  temps  de 
la  Convention  nationale,   pour  sennr 
d'introduction   à  l'histoire  du  régime 
révolutionnaire,  Reims,    1793,  in-8". 
Mennesson  rend  compte  à  ses  com- 
mettants des  motifs  de  sa  démission, 
et  prédit  une  partie  des  malheurs  que 
produisit  la  journée  du  31   mai.  IIÏ. 
L'Instituteur  français,  ou  Instructions 
familières  sur  la  religion  et  la  morale, 
considérées  dans  leurs  principes  et  dans 
leurs    rapports,    lipernay    et    P&ris , 
1802,  in-i2.  IV.  Le  Conservateur,  ou 
/es  Fondcntenis  de  la  morale  publique 
comparés  avec' les  systèmes  de  la  phi- 
losophie   moderne  et  considérés   dans 
leurs  rapports  nécessaires  avec  i'exis' 
tence  et  le  bonheur  des  peuples,  Paris, 
180S,  4  vol.  in-12.  V.  L'Observateur 
rural  de  la  Maine,  Kpernay,  1806, 
in-12. —  Mk>ne8Son    ou    Menesson  , 
aiiteur     draniati(jiir  ,     fut   secrétaire 
de     T)upué-l!a{înols,     intendant    de 
Flandres,  et  mourut  à  Paris,  en  1742, 
âgé  de  80  ans.    il    avait    publié  :  I. 
Manto  la  fée,  trayêdic-lyriqueen  cinq 
acte»  et  en  vers  libres,  Paris,  1712, 
in-4";  el  Amsterdam,  même  année, 
in-12.  H.  fes  Plaisirs  de  In  paix,  bal- 


let en  trois  entrées  avec  un  prologue 
en  vers,  Paris,  1715,  in-4".  III.  Ajax, 
tragédie  lyrique  en  cinq  actes  et  en 
vers  libres,  Parîs,  1716,  in-i";  Lyon, 
1742,  même  format.  A — r. 

MEIVON  ,  écrivain  culinaire  ,  est 
auteur  d'un  grand  nombre  d'ou- 
vrages ,  que  n'ont  pas  fait  oublier 
les  travaux  plus  récents  de  Beau- 
villiers  et  de  Carême  {voy.  ces  noms, 
LVII,  424,  et  LX,  157).  ÎNous 
n'avons  pu  recueillir  aucun  détail 
sur  la  vie  de  ce  savant  gastronome  ; 
mais  on  peut  dire  qu'aucun  auteur 
n'a  obtenn  plus  d'éditions.  Ses  écrits 
sont,  sans  contredit,  ceux  que  l'on 
consulte  le  plus  souvent  ;  les  voici  : 
I.  Nouveaic  traité  de  la  cuisine,  sans 
nom  d'auteur,  Paris,  1739,  1742,  3 
vol.  in-12.  II.  La  Cuisinière  bour- 
geoise, suivie  de  l'office,  à  fusage  de 
tous  ceux  ijui  se  mêlent  de  la  dépense 
des  maisons,  etc.,  Paris,  1746,  2  vol. 
in-12.  Ce  livre  est  encore  aujourd'hui 
un  <le  ceux  qu'en  France  on  réim- 
prime le  plus  souvent:  HI.  La  Science 
du  maître-d'hôtel  cuisinier,  avec  (/cv 
observations  sur  la  connaissance  et  i 
propriété  des  alimenis,  sans  nofa 
d'auteur,  Paris,  1749,  1768,  1776; 
in-12.  IV.  Les  Soupers  de  la  cour,  ou 
l'art  de  travailler  toute»  sortes  d'ali- 
ments, pour  servir  les  meilleures  ta- 
bles, suivant  les  quatre  saisons,  srin- 
nom  d'auteur,  Paris,  1755,  4  vol 
in-12:  1778,  3  vol.  in-12.  V.  Cùisiu, 
et  office  de  santé,  propres  à  ceux  qui 
rivent  avec  économie  et  régime,  snn> 
nom  d'auteur,  Paris,  1758,  1767, 
in-12.  VI.  Traité  historique  et  pra- 
tique de  ta  cuisine,  sans  nom  d'au- 
teiu-,  Paris,  1758,  2  vol.  in'12.  VU. 
Le  nouveau  Cuisinier  français,  3  \o\. 
in-12.  VIII.  Le  Manuel  des  officin 
de  bouche,  sans  nom  d'autetu-,  Paris, 
1759,  in-12.  IX.  Ahnanach  de  cui- 
sine   pour    l'année    1761,     in-24.    X. 


m 


.4àMapwsi|<<f  0]$iar  pour  l'an  née  i761  ■ 
\LlAlmaMtekr  éat  tableau  de  Uni- 
vers, 1763.   XII.  Le  petit  tableau  de 
l'Univers,  1763,  in-12.  XIB.  Étrennes 
qéographitfue^  1760,  in-12.  XJV.  Lfi 
'      -  '  '     <l  vonfiteur,  à 
•  des  observa- 
lions  sur  la   L  e  et  les  pro- 
priétés des  frii                  nom  d'autcnr, 
1768,  1777,  ia-\±-^y\r 
correspondant    àe     lAcadiji....     ..-. 

sciçnces,  a  inséré  deux  Mémoires  sur 
le  bleu  de  Prusse,  daiis  le»  tome  I^' 
tlu»Recueil  des  séants  étrangers  de 
iiiie  des  sriences,  publié  en 
-  Mr^oN  'M"''  a  traduit  de 
I  italien  ■  >e  d'Al- 

ffarotti,  I .  siLoUis- 

Fruncois-Utiiri),    narefum   de    Tur- 
billy,   est  auteur  de.  la  Pratiifue  de-: 
défrichements,    dont    la  V  édition   a 
paru  en  1811,   Paris,    in-S".       Z. 
ME.\TELLE    {  FR*>rois-Si>»- 
inr; 
pu. 

12)  .  naquit  a  k'aris  en  1731.  Aha 
Je  suivre  avec  le  plus  de  fruit  pos- 
sible la  cari-ière  vers  laquelle  il  «e 
sentait  a r  '  : -ifriiit  aux  leçons  de 

rtuachf  lie  'Vl,  188)  celles 

de  l'astjouon.e  Lalande  (XXIII.  215), 
sachant  que,  sans  la  connaissance  du 
ciel,  il  est  impossible  de  détenniner 
avec  précision  la  position  des  lieux 
4^>  la  surlace  du  glol>e.  Ce  zèle 
trouva  sa  récompense,  car  Mentelle 
fut  emplovô  n  coopérer  au  beau  tra-» 
vail  de  la  cai  le  de  France  de  C.-F. 
Cassini  (Vil  .  .303 1.  Pendant  qu'il  y 
était  oi  I  nt  arrêta 

le  projvi  iiopéens  à 

la  Guvane.  Mentelie  reçut  i  ordre  de 
(lai'tir  clans  la  première  expédition, 
qui  n'attérit  à  Cayenne  qu'en  juillet 
1763.  Arrivé  à  la  tête  d'une  compa- 
gnie douvrio-s,  Mentelle  les  conduisit 
iiîitot  à  K<Mirou  pour   exécuter  les 


travR'  '^toires  et  les  maisons 

destii  ;  voir  les  émif^nts  qui 

ilçvaieifl  successivement  v  être  en- 
voyés, il  traça  d'abord  le  camp  de 
kourmi  sur  un  plan  régulier  et  des- 
tiné à  être  celui  de  la  ▼ille  qui  serait 
bâtie  plus  tard.  Ces  travaux  multiplift 
et  pénibles  n'étaient  pas  encore  arfje- 
vés,  que  les  navires  qui  ft^nsportaîent 
les  nouveaux  colons  et  les  approvi- 
sionnements sonrinrent  coup  sur 
conp,  de  sorte  que  les  hommes  furent 
entassé*  dans  les  logements  et  que  les 
vivres,  exposés  en  plein  air,  ne  tardè- 
rent pas  à  se  corrompre.  On  sait 
quelle  fiit  l*îssue  désastreuse  de  cette 
tentative  (fov.  Tvkcot,  XLVH,  Si), 
qui  a  rendn  le  nom  de  Ronron  tris- 
tement fameux.  -Mentelle  échappa  an 
tvphus  épouvantable  qui  moissonna 
pi-esquc  tous  les  colons  ;  il  se  réfugia 
HP,  et  remplit  ses  fonctions 
!'.  «e  livrant  anx  opérations 
!'S  Iqni 
l'iressér 
et  a  perfectioiiueT  les  cartes  de  la 
Guyane.  Vers  cette  époque ,  il  fut 
chargé  de  la  Toirie  et  des  aligne- 
ments de  la  nouvelle  ville.  Après 
beaucoup  de  sollicitations  inutiles 
pour  obtenir  de  faire  un  voyage  dans 
la  Guvane  centrale,  dont  on  ignorait 
a  peu  près  la  géographie,  il  put  enfin 
satisfaire  son  désir  en  1766.  Les  In- 
diens vivant  sur  la"  rire  droite  "du 
Maroni,  qui  coule  au  nord-nord-ouest 
de  Cayennie.  envoyèrent  une  députa- 
tionau  gouverneur  de  la  colonie,  pour 
réclamer  sa  protection  contre  les 
nègres  marrons  de  Surinam  qui.  fran- 
chissant le  fleuve,  les  désolaient  par 
leurs  incursions.  Mentelle  fut  associé 
an  détachement  de  militaires  expédie 
pour  secourir  les  Indiens.  La  route 
que  l'on  suivit  peut  paraître  singu- 
lière .  car  on  partit  par  mer,  le  19 
mars,  pour  vT^gner  l'embouchure  de 


^^  MEJN 

l'Oyapok  qui  est  au  sud-est  de  Cayen- 
ue  ;  puis  on  remonta  ce   fleuve  jus- 
qu'au point  où    il  reçoit  le  Camopi, 
ensuite  cette  rivière  jusqu'à  son  con- 
fluent avec  la  Tamouri,  enfin  celle-ci 
jusqu'à  l'endroit  où  elle  cesse  d'être 
navigable.    Alois    on   débarqua  ,    et 
après  un  long  portage  à  ti-avers    un 
pays  désert  et  presque  inconnu ,  on 
descendit  par  les  ruisseaux  de  Tau  et 
d'Araoua,  vers  le  Maroni.  On  revint  à 
Cayenne  le  13  juin,  ayant  ainsi  par- 
couru  ttne   distance    de      cinquante 
lieues  dans  l'intérieur  des  terres,    et 
avoir  reconnu  que  les  sources  du  Ma- 
roni n'étaient  éloignées  que  de  quinze 
lieues  de  celle  de  lOyapok ;  mais  il 
fut  impossible  d'entrer  eu  communi- 
cation avec  les  indigènes,  qui  s'en- 
fuyaient aussitôt  que  les  Européens 
s'approchaieot.Ce  voyage,  rapporté  à 
l'année    1790  dans   quelques    livres 
sur  la  Guyane,  n'offrit  pas  d'incident 
remarquable.  Les  nègres  marrons  s'é- 
taient déjà  retirés  avant  lapparition 
du  détachement.   On    ressentit  dans 
le  territoire  des  Aramichaux  une  se- 
cousse   de     tremblement    de    terre. 
Mentelle  faillit  se  noyer  à  Yroucan- 
porti,  sur  la  côte  de  la  mer  à  peu  de 
distance  à  l'est   de  l'embouchure  du 
Maroni,  mais  il  avait  pris  les  piécau- 
tions  requises  pour  qu'en  cas  de  nau- 
frage ,  son  travail  ne  fut  pas  perdu. 
Chaque  soir,  il  faisait  deux  copies  de 
ses  notes  du  jour,  et  les  j)la(,;ait  dans 
deux   canots  différents  ;  quant  à  sa 
boussole,  elle  ne  le  quittait  pas.  «  îNoua 
«  étions  inséparables  ,  dit-il  dans  son 
a  journal ,    et    en   cas   d'événemenl, 
X  nous  devions  nous   perdre  enseni- 
«  ble.  »  .Il  dressa  la  carte  de  ce  voya- 
ge, qui  existe  au  dépôt  de  Cayeinu-. 
Dans  sa  route ,  il  reconnut  plusieurs 
arbres  de  la  fauiille  des  rubiacée^  et 
des  simaroubécs,  et   en  conclut  qu'il 
n'était  pas  in»po.ssiblc  de   leucontrer 


MEN 

dans  ces  forets  le  genre   quinquina 
conjecture  qui  ne  manque  pas  de  pro- 
babilité, M.  Auguste  de  Saint-Hilaire 
ayant  trouvé  ce  végétal  au  Brésil  dans 
les  régions  analogues  de  la  Guyane 
fiançaise,  à  une  très-petite  élévation 
au-de6sus  du  niveau  de  la  mer.  Jue- 
qu'en  1777,  les  relevés  du  terrain,  les 
plans  et   tous  les  matériaux  géogra- 
phiques relatifs  au  pays  étaient  dis- 
persés dans  les  archives  du   gouver- 
nement et  dans  les  papiers  des  ingé- 
nieurs, des  arpenteurs  et  des  géogra- 
phes. Mentelle  qui,  malgré   ses  ser- 
vices, venait  d'être  mis  à  la  réforme  , 
conçut  l'idée  de  les  conserver  dans 
un    dépôt    dont  il   devint  le  garde. 
Grâce    à    une  circonstance   fortuite, 
Malouet  (f.  XXVI,  404),  nommé  or- 
donnateur à  Cayenne,  apprécia  bien- 
tôt le, mérite  de  Mentelle,  et  se  plai- 
gnit au  ministre  de -ce  qu'il  était  mis 
de  côté  et  laissé  sans  récompense  ;  il 
demanda  pour  lui  «ne  place  d'ingé- 
nieur, garde  du  dépôt  iles  cartes  de 
la  Guyane  et  des  mémoires  géogra- 
phiques, avec  un  traitement  de  deux 
mille  livres.  Mentelle  en  reçut  le  bre- 
vet au  mois  de  juillet.  Il  accompagna 
Malouet  dans  son  voyage  à  Surinam, 
qui  avait  pour  but  de  reconnaître  les 
méthodes  de  culture  des  iSéerlandais, 
dans  les  tenes  basses ,  et  les  perfec- 
lionnements  de  leur  agriculture.  En 
novembre  1777,  Mentelle  dressa fvla 
carte  de  ce  voyage,  qui  a   été  gravée 
pour  les  mémoires  de  Malouet.   En- 
suite il  fit   les  plans  de  tous  les   tra- 
vaux publics  (jui  furerU  entrepris.   Il 
aurait  voulu  pousser,  jusqu'à  la  mon- 
tagne d'Argent,  qui  sert  de   point  dv 
recoiuiaissance  pour  l'embouchure  th 
l'Oyapok  et  au  cap  d'Orange  ,  à  I  esi 
de   ce  fleuve  ,  la    triangulation  de  la 
Guyane,  qui,  eu  1785,   ne   s'étendait 
guère  qu'à  dix  lieues  au  nord-est   et 
au   sud -ouest    de  Ca  venue.    Mais    le 


MEN 

concours  du  gouvernement  lui  man- 
qua dans  cette  circonstance,  de  même 
que  dans  quelques  autres  :  il  de- 
manda inutilement  une  montre  à 
longitude  pour  faciliter  se«  opérations. 
Malgré  ces  contrariétés ,  son  zèle  ne 
diminuait  pas.  Depuis  long-temps  il 
n'existait  à  Cavenne  aucun  moyen 
pour  le  public  do  régler  les  mon- 
tres et  les  horloges;  la  méridienne 
tracée  par  la  Condamine  (IX,  383) 
au  couvent  des  jésuites,  avait  été  dé- 
truite. Mentelle,  pour  la  remplacer, 
construisit,  dans  la  cour  de  l'inten- 
dance, un  cadran  solaire  horizontal  qui 
remplissait  toutes  les  conditions  requi- 
ses pour  la  position  géographique  du 
lieu.  Ses  longs  et  utiles  services  fu- 
rent récompensés  en  1788  ;  le  roi  lui 
donna  la  croix  di?  Saint-Louis.  Indé- 
pendamment de  ses  travaux  géogra- 
phiques, Mentelle  fit,  pendantplus  de 
trente  ans,  des  observations  sur  la 
météorologie  et  sur  les  marées.  Elles 
ne  hirent  jamais  interrompues,  par- 
ce qu'il  avait  eu  la  précaution  de  se 
faire  remplacer  lorsqu  il  était  obligé 
de  s'absenter.  Cette  longue  suite  d'ob- 
servations se  trouve  aux  archives  de 
1  Obsei-vatoire  de  Paris:  elle  a  souvent 
été  consultée  avec  fruit.  Pendant  plus 
detrente  ans,  Mentelle  a  rédigé /'.^/nio- 
nach  de  Cavenne,  dans  lequel  il  an- 
nonçait la  force  des  marées  pour  les 
nouvelles  et  les  pleines  lunes ,  et  que 
les  planteurs  de  Surinam  et  de  Dé- 
merarv  recherchaient  beaucoup,  par- 
ce que  cette  indication  leur  était  ex- 
trêmement utile  pour  les  travaux  d» 
dessèchement  des  terres  basses ,  et 
pour  la  navigation  des  rivières.  Men- 
telle avait  observé  que  la  déclinaison 
de  l'aiguille  aimantée  variait,  àCaven- 
ne,  depuis  zéro  de  degré  jusqu'à  5" 
vers  le  nord-est,  et  que,  parvenue  a 
son  maximum,  elle  rétrogradait  jus- 
qu'à son  point  de  (!•  iilirno 
tisiu. 


449 

mène,  resté  jusqu'ici  sans  explication 
comme  tant  d'autres,  a  été  aussi  ob- 
servé dans  ces  derniers  temps,  ainsi 
qu'on  peut  le  voir  dans  les  Annales 
maritimes  (182.3-1827).  Cette  coïnci- 
dence d'observations  constate  un  fait 
jusqu'alors  inconnu;  c'est  un  jalon 
dans  l'espace  pour  arriver  à  la  con- 
naissance de  la  théorie  du  magnétis- 
me. On  a  aussi  de  Mentelle  des  ob- 
servations barométriques  pour  les  lé- 
,<Tions  équinoxiales,  qui  ont  une  grande 
conformité  avec  celles  d'autres  au- 
teurs exacts.  On  a  vu  précédemment, 
qu'il  n'avait  pas  tenu  à  lui  que  la 
France  ne  possédât  une  carte  géné- 
rale de  ses  possessions  enGuvane  cons- 
truite d'après  des  observations  ligou- 
reuses  et  des  méthodes  savantej.  En 
1798,  les  déportés  du  18  fructidor 
venaient  d'arriver  :  ils  apprennent 
qu'il  existe  dans  la  colonie  un  savant 
homme,  simple  et  laboneus,  auprè.s 
duquel  ils  pourront  se  procurer  des 
livres  et  des  notions  exactes  sur  le 
pays.  Mentelle,  qu'ils  font  prier  de 
venir  les  voir,  s'empresse  de  courir 
à  eux;  il  a  de  longs  entretiens  avec 
(  es  infortunés,  notamment  avec  Bar- 
thélémy, Barbé-Marbois  et  Brotier. 
Il  eut  avec  ce  dernier  de  fréquentes 
conversations  sur  l'astronomie,  et  lui 
prêta  des  instruments  pour  observer  ; 
èi  tous  il  prêta  des  li\Tes,  directe- 
ment et  indirectement.  Plus  tard,  lors- 
qu'ils furent  transportés  sur  les  ri- 
ves duSinamary,à2o  Ueues  au  nord- 
ouest  de  Cavenne.  Mentelle  entra  en 
correspondance  avec  plusieurs  d'en- 
tre eux,  malgré  le  danger  qu'il  cou- 
rait de  la  part  des  agents  d'un  gouver- 
nement soupçonneux  et  vindicatif.  Le 
commerce  de  lettres  de  Mentelle  fut 
surtout  très-actif  avec  Marbois:  nulle 
question  de  politique  n'y  était  traitée. 
En  1799.  Mentelle,  constamment  oc- 
cupai dps  movens  de  rendre  la  Guvane 
■2^ 


^  MEJN 

française    florissante  ,    était  en  train 
de  rédiger  un  mémoire  sur  la  possi- 
bilité d'établir    des   cultivateurs  eu- 
ropéens dans  celte  colonie.  Il  tomba 
malade  :  le  conseil  de  revision ,  dont 
il  faisait  partie,  devait  se  réunir  à  jour 
fixe  ;  afin  de  ne  pas  ajourner  sa  con- 
vocation, 11  poussa  fort  avant  dans  la 
nuit  le  travail  du  rapport  dont  il  était 
chargé.  Cet  excès  de  zèle  lui    coûta 
la  vie;  il  expira  le  lendemain,  21  dé- 
cembre, dans  les  convulsions  affreu- 
ses d'une  colique  de  miserere,  sans 
que  tout  l'art  des   médecins  pût  ap- 
porter du    soulagement   à  ses  dou- 
leurs atroces.  Le  cimetière  qui  reçut 
sa  dépouille  mortelle  fut  abandonné 
et  concédé  par  le  gouvernement  por- 
tugais, lorsqu'on  1809  il  s'empara  de 
Cayenne.  Ce  ne  fut  pas  le  seul  désas- 
tre qui  fondit  sur  Mentelle  après  sa 
mort.  Formé  par  ses  soins,  le  dépôt  des 
cartes  avait  pris  une  grande  extension. 
Le  nombre  des  pièces  qu'il  contenait 
s'élevait  à  plus  de  2o0,  dont  Mentelle 
avait  levé  et  construit  plus  du  quart. 
Des  copies  de  toutes  les  cartes,  de  tous 
les  plans,  de  tous  les  mémoires,  étaient 
expédiés  exactement  au  ministère  de 
la  marine  à   Paris.  Le  gouvernement 
portugais  viola  et  pilla   le  dépôt  de 
Cayenne  ainsi  que  les  autres  archives 
qui,  par  la  capitulation  du    12  jan- 
vier, devaient  être  mises  à  la  dispo- 
sition   de  l'adminislration    française. 
Il  ne  reste  plus  de  cette  précieuse  col- 
lection que  des  débris,  qui  sont  main- 
tenant réunis  aux  archives  du  gouver- 
nement.    Néanmoins    ils     suffiraient 
pour  fournir  d'excellents  matériaux 
à  la  composition   d'une  carte  de  la 
Guyane.  Les  ravages   des    Portugais 
s'étendirent  aussi   a»  cailrau   solaire 
de  Mentelle;  il  fut  mutilé  «-t  l'on  n'en 
voit  plu»  la  umindre  trace.  Mentelle 
n'u   pas   laissé    d'ouvrage    imprimé; 
tous  le»  livres  qui  traitent  de  laGuya- 


MEN 

ne  font  une  mention  honorable  de 
ses  travaux  :  on  cite  notamment  son 
mémoire  qui  porte  la  date  de  1799, 
et  dans  lequel  il  démontie  qu  il  se- 
rait injuste   d'attribuer  au  cUmat  de 
la  contrée  les  désastres  de  l'expédition 
de  Kourou.  iSous  avons  puisé  les  prin- 
cipaux détails  de  cet  article,  dans  une 
Notice    sur  la  vie  et    les  travaux   de 
S.  Mentelle,   par  M.  Noyer,  insérée 
dans  les  Annales  maritimes  (mars  et 
avril  1834).  Nous  avons  aussi  con- 
sulté les  relations  de  la  Guyane  qm 
ont  été  à  notre  portée.  Toutes  s'ac- 
cordent à.  parler  de  Mentelle  comme 
d'un  ingénieur  très-habile,  très-labo- 
rieux et  très-modeste  ,  de  mœurs  ex- 
trêmement simples,  habitant  seul  la 
maison  où  étaient  ses  bureaux,  n'ayant 
point,  de  domestiques,  couchant  tou- 
jours dans  un  hamac,  et  ne  se  mettant 
dans  un  lit  que  lorsque  la  maladie  l'y 
contraignait;  d'ailleurs  gai,  enjoué  et 
affable.  E— »• 

MEÎVTON  (François),  peintre,  né 
en  1550,  à  Alckmaer,  fut  élève  de 
Franc-Flore,    et  ne   tarda   pas   à  se 
faire  une  grande  réputation,  il  dessi- 
nait avec    grâce,   facilité,  et  sa  cou- 
leur donnait  un  nouveau  prix  à  ses 
ouvrages.  Ses    compositions,    pleines 
d'esprit,    sont  remarquables   par  la 
finesse  et  le  piquant,    il  abandonna 
cependant  le  genre  de  l'instoire,pour 
le  portrait  (jui  lui  semblait  plus  lu- 
cratif. Menton  acquit ,  par  ses  travaux 
multipliés,  une  fortune  indépendante. 
Kgalcmcnt    habile,  comme   graveur, 
il  a  laissé  en   ce  genre  plusieurs  pic- 
ces   qui   se    font    distinguer    par   le 
goût  et  la  finesse.  Sa  réputation  lui 
.îvait  procuré  un  grand  nombre  d'é- 
lèves. Il  mourut  en  1605.       P— s- 
MEXZOCCllI  (F.u^mls),   \u 
tre,  né  à  Forli,  vers  1550,  manilcc.i 
presque   au    sortir    de   l'enfonce  ,  le 
goût    le    plus    vif   pour     le     dessin. 


Avant  d'avoir  reçu  aucun  prinéipe, 
î!  s'amusait  à  dessiner  deux  tableaux 
de  Marc  Parmigiano,  de  Forli,  placé» 
dans   le  dôme    de    l'église  de  cette 
ville,  et  qui  passaient  pour  les  meil- 
leures productions  de  ce  temps.  Jé- 
rôme Genga,  étant   venu  dans  cette 
église,  pour  y  peindre  la  chapelle  de 
Saint-François,  aperçut  le  jeune  Men- 
zoccïii  ;  il  s'approcha  de  lui,  et,  fi  appé 
de  ses  rares  dispositions,  il  le  reçut 
au  nombre  de   ses  élèves,  lui  voua 
depuis  une    amitié    particulière,    le 
logea    dans   sa    maison,     et   s'en   fit 
aider  dans  la  plupart  de  ses  travaux. 
Les  villes  de  Forli,    d'Urbin  et   de 
Pesaro  possèdent  plusiem-s  ouvrage-» 
de  Menzocchi,  qui  jouissent  de  beau- 
coup  d'estime.    On    cite    aussi,  avec 
éloge,  les  tableaux  tirés  de  l'histoire 
de  Psj-che,   qu'il   a  peints   à  Venise, 
pour  le  patriarche  Grimani,   et  qui 
ne  le  cèdent  point  à  un  morceau  de 
Salviati,  auprès  duquel  ils  sont  pla- 
cés. Mais  ce  qui  a  mis  le  sceau  à  sa 
réputation  ,    ce    sont    les  peinture»; 
de   la   chapelle    du  Saint-Sacrement, 
dans  l'église  de  Notre-Dame-de-Lo- 
rette.  Elles  consistent  en  deux  fres- 
ques, représentant  fa  rencontre  d'A- 
braham   et    de    Mvlchisédech,     et    le 
Miracle  de  la   Tnan7ie  dans  le  désert. 
Il  exécuta,  en  outre,   sur  la   voûte, 
quinze  petits  sujets  tirés  de  la  vie  de 
Jésus-Christ  ;  dont  neuf  sont  peints, 
et  six   en   ronde-bosse.  Chaque  ta- 
bleau forme  un  compartiment  sépare 
des   autres    par   des    ornements   en 
stuc   de   sa    composition,  d'un   efFet 
riche  et  bien  entendu.  Cet   ouvrage 
eut  un  tel  succès,  qu'on   le  chargea 
d'orner  de  la  même  manière,  la  cha- 
pelle de  la  Conception  qui  fait  face  à 
la  précédente.  Il  y  peignit  à  fresque, 
-ur  les  murs  latéraux,  la  Nativité  de 
l.i  Vierçje,  et  sa  Présentation  au  Teni- 
l'Ie.  il  peignit  aussi  le  nja!tre-aatel. 


MEO 


m 


et  V  représenta  Sainte  Anne  et  la 
Vierge  ayant  sur  ses  genoux  F  Enfant 
Jésus  que  deux  anges  couronnetit.  Il 
avait  un  fils,  nommé  Pierre-Paul, 
auquel  il  apprit  l'art  de  travailler  en 
stuc  et  dont  il  se  fit  aider  dans  Texë- 
cution  des  travaux  de  cette  chapelle. 
Ce  fils  obtint,  dans  ce  genre,  une  ré- 
putation due  à  une  très-grande  pra- 
tique.  "  P — s. 

MÉOX  (DoMiMqLE-M\p.Ti>},  litté- 
rateur, naquit  le  l*'  septembre  1748, 
à  Saint-Nicolas,  en  Lorraine.  D'abord 
attaché   au   service    administratif  de 
l'armée,   il   fut   destitué  à   la  fin  de 
1799,   et  obligé,   jxjur  subsister,  de 
vendre   sa    bibliothèque     formée  de 
livres  rares  et  précieux.  Les  connais- 
sances qu'il  avait  acquises  en  biblio- 
graphie le  firent  employer,  comme 
surnuméraire,  à  la  section   des  ma- 
nuscrits de  la  Bibliothèque  impériale, 
où  il  fut  chargé  de  dresser  le  cata- 
logue des   manuscrits   français  et  en 
langues   modernes  ;  mais  son  travail 
laisse  beaucoup    à    désirer    sous   le 
rapport  de  Fe^actitude.  Susj>endu  de 
ses  fonctions  pendant  quelque  temps, 
par  suite  d'une  décisîon  des  conser- 
vateurs, Méon  fut  réintégré  par  ordre 
supérieur,  et  nommé,  en  1826,  con- 
servateur-adjoint de  la  Bibliothèque 
royale  ;  il   reçut  en  même  temps   la 
croix  de  la  I^gion-d'Honneur,  et  une 
pension    de  1,200    francs.    Il   mou- 
rut, à  Paiis.  le  'i  n)ai  1829.  On  lui 
doit  plusieurs  éditions  d'anciens  ou- 
vrages, tels  que  :  I.  Blasons,  poésies 
anciénnei    des    XV*    et  XVI'   siècles, 
1807,  in-8".  L'obscénité'  de  quelques- 
unes   de  ces    poésies    a   obligé  d'v 
mettre  des  cartons,    n.  Fahliaux  et 
contes    des  poètes   français    des    XT. 
X1I%  XIII',   XR'  et  XV'  siècles,  re- 
cueillis par  Barbazan,    i  vol.  in-S". 
m.  Le  roman  de   la  Rt)se,  par  Guil- 
laume de  T.orris  et  Jehan  de  Meung, 
29. 


m 


MER 


Paris,  1815,  4  vol.  in-S",  ornés  de 
vingt  gravures  en  bois.  Lenglet-Du- 
fresnoy  avait  donné,  en  1725,  une 
édition  de  ce  roman.  Une  seconde 
parut  en  1799,  5  vol.  in-8",  et 
dans  celle-ci,  comme  dans  celle  de 
Dufresnoy,  la  ponctuation  était  très- 
défectueuse.  L'édition  de  Méon  est 
le  résultat  de  quinze  années  de  tra- 
vaux. IV.  Nouveau  recueil  de  Fa- 
bliaux et  contes  inédits  des  poètes 
français  des  Xn%  XIIP,  XIV=  et  XV^ 
siècles,  182i,  4  vol.  in-8°.  V.  Le 
roman  du  Renard,  d'après  les  ma- 
nuscrits de  la  bibliothèque  du  roi, 
des  XIIP,  XIV"  et  XV''  siècles,  et 
collationné  sur  dix  exemplaires,  Paris, 
1824,  in-8''.  Méon  prit  aussi  part  à 
l'édition  du  Roman  du  Rou,  donnée  en 
1826,  et  prépara  l'édition  des  Lettres 
de  Henri  FUI  à  Anne  de  Boleyn, 
imprimées  par  Crapelet.        M — »  j. 

ME11A1\0  (Fkasçois),  surnommé 
il  Paggio,  peintre  génois,  naquit  vers 
l'an    1620  ,    d'une    famille   pauvre, 
mais  honorable.  Dénué  de  tout  moyen 
d'existence,  il  fut  obligé  d'entrer  en 
qualité  de  page  dans  la  maison  Pavesi. 
H   y   manifesta   de  bonne  heure   un 
goût  décidé  pour  la  peinture,  que  son 
patron  se  plut  à  seconder  en  le  re- 
commandant  à    Dominique  Fiaselli, 
bon  peintre ,  surnommé   le  Sarzana. 
Il  se  ht  bientôt  remarquer  par   ses 
progrès  ;  une  grande  composition  re- 
présentant la  Paix  terrassant  le  Dieu 
de  la  guerre,  lui  ht  le  plus  grand  hon- 
neur, et  on  le  char{;ea  de  l'exécution 
de  plusieurs  tableaux,  pai  lui  lesquels 
on    distingue   le    Maityre  de  Sainte 
Année,    placé    dans    l'église    de   ce 
nom  à  Gènes.  A  un  talent  remarqua- 
ble il  joignait  une  modestie  bien  ra- 
re chez  les  artistes.  Parmi   i)hisieius 
traits  que  l'on  en  lapporte,  le  suivant 
mdrite  d'être  cité.  Vu  riche  négociant 
de  Gène»  lui  avait  connuandé  «in  ta- 


MER 

bleau  ;  lorsqu'il  fut  terminé,  le  pein- 
tre le  lui  envoya;  mais  comme  il  n'é- 
tait point  entièrement  sec,  le  porteur 
en  effaça  une  partie.  Il  fallut  le  ren- 
voyer à  l'artiste,  et  le  porteur  n'ayant 
pas  voulu  dire  le  motif  de  ce  renvoi, 
il  crut  que  l'amateur,  peu  satisfait  du 
tableau,    l'avait   elTacé    par    mépris. 
Loin  d'être  irrité  d'une  telle  insulte, 
il  se  disposait  à  rendre,  sans  se  plain- 
dre, le  prix  qu'il  en  avait  reçu,  lors- 
qu'on lui  donna  l'explication  de  ce 
qui  s'était  passé.  Merano  se  serait  fait 
un  nom  plus  célèbre,  s'il  n'avait  suc- 
combé, jeune  encore,  à  la  peste  qui 
ravagea   Gênes  ,  en   1657.  P — s. 

MÉUAT(LArRENT-GEr,MAis)naquit 
à  Auxcrre  ,   en  janvier   1712,  d'une 
ancienne  famille  de  robe.   Il    fit  de 
bonnes  études  chez  les  PP.  de  la  doc- 
trine chrétienne,  à  ISoycrs.  Ses  huma- 
nités terminées,  il  s'appliqua  à  l'étu- 
de de  l'histoire  natun^lle  et  de  la  mé- 
decine.   La   botanique   avait  surtout 
pour  lui  un  attrait  particulier;  aussi, 
vint- il  à  Paris  se  perfectionner  dans 
cette  science,  sous  le  célèbre  Bernard 
de  Jussieu ,  complétant  d'ailleurs  son 
éducation  nu-dicale  dans  cette  grande 
ville  ,   oii  les  cours    de  toute  espèce 
abondaient  déjà,  il  y  joignit  l'étude 
du    dessin,   et    s'y    «listingua    telle- 
ment,   qu'Aubriet  l'indiqua    comme 
propre,  pour  cette  partie,  à  accom- 
pagner   au    Pérou    les    académiciens 
qui,  sous  la  direction  de  la  C'.ondami- 
ne,    allèrent  mesurer  un    degré   du 
méridien.  Mais  lorsqu'on  le  chercha 
pour  le  charger  de  cette    mission,  il 
était   dans    les  Alpes  ,    herborisant. 
Dans  le  même  but ,  il  visita  successi- 
vement la  Suisse; ,   la  Savoie,   l'Italie, 
l'Allemagne,  la   Hollande,  les  Pyré- 
nées, l'ivspagTie,  toujours  à  pied;  sui- 
vant la  reromman<Iation  de  Tourne- 
fort,  l'un  de  ses  guides  les  plus  chers. 
Au  retour  de  ses  courses  lointain<*s  . 


MEll 

qui  lui  prirent  deux  années,  il  levint 
à  Paris,  et  fit  part  de  ses  découvertes 
et  de  ses  observations  à  ses  maîtres, 
dont  il  devint  Fami.  Il  résida  aussi 
quelque  temps  à  Montpellier  pour 
en  connaître  la  faculté  ,  alors  la  plus 
célèbre  de  l'Europe.  Mérat  fut  lié  de- 
puis cette  époque  ,  non-seulement 
avec  Bernard  de  Jussieu,qui  ne  l'ap- 
pelait que  notre  ami,  mais  encore  avec 
MM.  Geoffroy,  Salerne,  Thouin,  Bùf- 
fon,  Daubenton,  etc.  En  1738,  il  eut 
l'avantage  d'herboriser  avec  le  grand 
Linné ,  durant  le  séjour  que  fit  à 
à  Paris  l'illuslre  Suédois.  Cependant, 
le  besoin  d'une  profession  et  l'amour 
do  pavs  portèrent  Mérat  a  retour- 
ner à  Auxerre  pour  s'v  établir,  en 
1739.  Il  choisit  la  pharmacie,  parce 
qûé  l'étude  de  sa  chère  botanique 
en  était  la  partie  essentielle.  Il  re- 
fusa alors  des  offres  avantageuses, 
pour  obéir  à  la  voix  de  sa  patrie.  En 
1731,  il  fut  reçu  membre  de  la  So- 
ciété des  sciences  et  belles- lettres 
d'Auxerre,  et  occupa  successivement 
la  plupart  des  fonctions  municipales, 
accordées  à  la  haute  estime  qu'avaient 
pour  lui  ses  concitovens ,  auxquels 
d'ailleurs  il  pro«liguait  son  savoir  et 
ses  conseils ,  avec  un  désintéresse- 
ment nuisible  à  sa  fortune.  Pendant 
les  loisirs  de  sa  profession,  Mérat 
étudia  les  plantes  de  la  contrée  qu'il 
habitait,  dans  un  rayon  de  5  à  6  lieues, 
les  décrivit  et  en  composa  un  ti-aité, 
fruit  de  40  ans  de  recherches.  Il  est  in- 
titulé :  Histoire  des  plantes  qui  croissent 
dans  le  comté  aM.verroJs,  etc..  ofné  de 
planches.  Cet  ou\Tage,  qui  renferaie 
plus  de  trois  mille  plantes,  est  sur  le 
plan  du  Botanicon  parisiense  'de  Vail- 
lant. Il  est  fort  savant  pour  son  temps, 
et  il  est  à  regretter  que  les  bornes 
commerciales  de  h  localité  n'aient  pas 
permis  de  l'imprimer  :  car.  rédigé  a- 
près  la  première  édition  du  Species 


MER 


4SS 


plantarum  de  Linné,  il  offre  plus 
de  facilité  que  l'ouvrage  du  bota- 
niste parisien ,  qui  lai  semt  de  modèle, 
pour  la  reconnaissance  des  plantes. 
Mérat  cite  souvent  les  phrases  dia- 
gnostiques de  l'auteur  du  système 
sexuel  qui,  à  la  vérité,  n'avait  pas  en- 
core ajouté  les  noms  f» /«'«a ma-,  qu'il  ne 
mit  qu'à  partir  de  la  deuxième  édi- 
tion. Il  employa  le  plus  communé- 
ment les  phrases  des  Bauhin,  comme 
il  était  d'usage  encore  avant  1762, 
date  de  l'apparition  de  la  deuxième 
édition  du  Species.  >'otie  floriste  en 
fit  une  seconde  copie  qui  a  passé 
dauii  la  bibliothèque  publique 
d'Auxerre ,  à  laquelle  elle  a  été  don- 
née par  son  petit-fils  ,  F.  -  V.  Mé- 
rat ,  auteur  de  la  Xoui'elle  Flore  des 
enviivns  de  Paris,  et  de  cet  article, 
avec  quelques  autres  manuscrits 
du  propre  fils  du  botaniste  auxer- 
rois,  l'abbé  Mérat,  dont  il  sera  men- 
tion plus  bas.  Merat  a  composé  un 
autre  traité  bien  plus  volumineux 
qui  comprend  toutes  les  plantes  con- 
nuesalors,  c'est-à-dire  plus  de  7  mille, 
décrites  dans  la  première  édition  du 
Species  de  Linné,  avec  les  caractères 
des  genres  du  même  auteur,  dont  le 
Gênera  avait  paru  dès  1737,  caractè- 
res placés  en  tête  des  espèces,  traduit 
du  latin.  Cet  important  ouvrage,  qui 
eut  eu  le  plus  grand  succt'S,  car  il 
manquait  à  la  science  à  cette  époque, 
est  aussi  resté  manuscrit  par  la  même 
raison  que  la  Flore  d'Auxerre.  On  doit 
encore  au  même  la  traduction  du  traité 
de  Magnol  :  Xavus  caracter plantarum. 
Il  a  donné  farticle  f'ijne  au  Dic- 
tionnaire d'histoire  naturelle  (  XV  , 
39  )  de  Valmont  de  Bomare  ,  à  la 
condition  de  n  être  désigné  que  par 
lépithètc  d'un  auteur  bourguignon. 
Mérat ,  instruit  eh  chimie,  a  analysé 
plusieurs  sources  mmérales  des  en- 
virons d'Auxerre ,  et  a  aidé  M.  Ber- 


1^  MËB 

ryat     dans  ï Analyse    de    l'eau   mi- 
ncrale    d'Jppoigny  ,   près    Auxerre. 
Ce  savant   modeste  mourut  dans  sa 
ville  natale  ,1e  14  mai  1790,  regretté 
de  ses    concitoyens  ,  qui  pleuraient 
en   lui    le    Fir  probus    par    excel- 
lence.  Les    travaux  de  Mérat ,  bien 
qu'inédits  ,     n'ont    point     été    inu- 
tiles à  la  science.  M.  Bureau,  auteur 
d'une    Flore     centrale    de    la  France 
publit'e  à  Paris,  en  1840,  2  vol.  in-8° , 
en  a  profite   pour  la  composition  de 
son  ouvrage  :  la  Flore  auxerroise  lui 
ayant  été  communiquée  par  l'auteur 
de  cet  article,  il  y  a  pris  l'habilalion 
de  la  plupart  des  plantes  des  environs 
d' Auxerre,   et  de  la  portion  du    dé- 
partement de    la  iNièvre   qui   en  est 
voisine;  quoiqu'il   ait    jeté    quelques 
doules  sur  la  sûreté  de  l'indication  de 
quelques-unes  d'entre  elles,  et  qu'il 
ait  reproché  à  ce  religieux  scrutateur 
de  la  nature  d'avoir  admis,  dans  son 
travail  ,    quelques    plantes    cultivées 
(voyez  l'introduction  à  la  Flore   cen- 
trale de  la  France,  p.  42) ,  on  ne  sau- 
rait justifier  M.   Borcau  de  s'être  ex- 
primé ^vec  si  peu  de  reconnaissance 
sur  un  botaniste  qui  avait  herborisé 
60  ans   dans   un  pays  où   lui  avait  à 
peine  passé,  et  dont  il  a  tant  profité , 
car  nous  avons  vérifié  que  la  plupart 
des  habitat  de  L.-G.  Mérat  sont  dans 
l'ouvrage   de    M.    Bureau.  —  Mkrat 
(Pierhk-Gkum.vis),  curé  de  Chitry-lo- 
l'ort,  près  Auxerre,  était  l'aîué  des  4 
fils  de  Laurent-Germain  ;  il  devint  cor- 
respondant de  l'académie  des  sciences 
d'Orléans,,et   njembre  du  Lycée  de 
l'Yonne.  Né  en  1742  à   Auxerre,  il 
mourut  dauiSsa/ure,  eu  182G,  après 
plus    de    50    ans  d'exer>:ice     du  sa- 
cerdoce.  Il  cultivait   en    philosophe 
chrétien    les  sciences  et   les  letties. 
Il  étudia  la  botanique  sou»  son  pèr»;, 
et    laissa,  sur  o«;t te  science,  un  Petit 
Manuel    qui   n'a   pas   c'té   inq>rimé. 


JIER 

ainsi    que    des    mémoires    sur   plu- 
sieurs   points    d'histoire     naturelle  , 
dont   un    sur  le  lait,   inséré   dans  le 
tome    I"  (le   seul    qui  ait  paru)  des 
Mémoires   du    Lycée   de    l'Yonne.  — 
Mkrat-Guiluw,  petit-neveu  et  cousin 
des  précédents  ,  né  à  Auxerre  le.  22 
novembre  1776 ,  et  mort  dans  cette 
ville  en  octobre  1839  ,  y  exerça  avec 
distinction  la  pharmacie  et  la  chimie. 
Instruit  dans  le    laboratoire    du  cé- 
lèbre   Vauquelin  ,  il   a  fait  l'analyse 
de    plusieurs  substances    usitées   en 
médecine   ou  dans  les  arts  ;    se?  tra- 
vaux sont  insérés  dans   les   Annales 
de  chimie  et  dans  le  Journal  de  phar- 
macie.  C'était  un  homme   de  bien., 
jouissant  de  l'estime  générale  de  ses 
concitoyens,    qui   lui  en  donnèrent 
des   preuves,  en   le  nommant  à  plu- 
sieurs magistratures  importantes. 

M — R— T. 
MÉllAULT  de  Bizy  (  Atuanasb- 
René),  né  à  Paris  en  1744,  était  issu 
d'une  famille   de  la   haute  magistra- 
ture. Son  père  faisait  partie  du  grand 
conseil;  son  oncle,  Mérault  de  Ville- 
ron,  était  maître  des  requêtes;  pour 
lui,  on  le  destinait  à  la  marine.  Toute- 
fois, ses  parents   voulurent  lui  don- 
ner, avant  tout ,  une  éducation  reli- 
gieuse  et   le  mirent  au  collège    de 
Juilly.  C'était  alors  le  plus  distingue 
de  ceux   que  dirigeaient    les  Orato- 
riens.  Le  jeune  Mérault  se  fit  remar- 
quer dans  SCS  études,  autant  par  son 
amour  du  travail ,  sa  facilité  et  son 
imagination  ,  que  par  son  caractère 
aimable.  Connue  élève  ,  il  avait  laissé 
à  Juilly  des  souvenirs  que  plus  d'un 
demi-siècle   n'avait  pu  eflaccr.  Com- 
me uïerabre  de  la  congrégation  dont 
il  recevait  son  éducation ,  il  devait 
çn  laisser    de  plus  durabhs  encore. 
N'ayant  que  sei/.e  ans  à  la  sortie,  du 
collège,  sa  vocation  se  prononça  ,  et 
il    entra    «Lins     la    congrégation    de 


MER 

l'Oratoire  avec  la  détermination  de  se 
vouer  à  l'enseignement.  Il  débuta  par 
une  «baire  de  théologie  au  collège 
de  Montmorency,  qu'on  n'hésita  pas 
à  lui  confier,  malgré  sa  jeunesse.  Feu 
après  ,    le   poste   de  supérieur  de  la 
maifon  de  linstitution   de   l'Oratoire 
à   Paris  étant  devenu  vacant,   on  l'y 
appela,   quoiqu'il    n'eût  pas   encore 
vingt-cinq  ans.  Cette  maison   était , 
en  quelque  sorte,  l'école  normale  de 
fOratoire.    Là   se   formaient  les  fu- 
turs régents  que  l'on  envoyait  ensuite 
dans  les    divei"s  collèges  de  l'ordre. 
On  comprend  que,  pour  les  bien  diri- 
ger, il  fallait  unir  a  des  connaissances 
étendues    une    piéle    et    des    vertus 
exemplaires.  La  religion  et  la  science 
étaient ,   en  effet ,  inséparables  dans 
ces  établissements,  dont  on  ne  saurait 
assez  admirer  l'organisation  ,  ni  trop 
regretter  la  perte.  Le  1*.  Mérault  se 
montra  à  la  liauteur  de   sa  mission. 
Il  sut  se  faire  aimer  de  tous  ses  élè- 
ves,  comme  autrefois    il  s'était   fait 
aimer  de  ses  maîtres.  Il  les  soutenait 
de  ses  avis,  et.  au  besoin  même  ,  les 
aidait  de  sa  bourse.  Parmi  ceux  aux- 
quels il  avait  témoigné  une  bienveil- 
lance particulière  et  qui  s'en  montrè- 
rent reconnaissants ,   il  faut  compter 
louché  {v.  ce  nom,  LXIV.  291).  La 
révolution   trouva  Mérault  encore   à 
la  tête  de  l'institut   de   lOratoire.   Il 
crut ,  comme  beaucoup  d'autres  ec- 
clésiastiques ,  pouvoir  souscrire  à  la 
déclaration  de  liberté  et  d'égalité  de- 
vant la  loi  ;  mais  là  se  bornèrent  ses 
concessions   aux  exigences  de  l'épo- 
que,  et,  plus  tard,  il  refusa  le  ser- 
ment à  la  constitution  civile  du  cler- 
gé. Enfin ,  lors  de  la  suppression  de 
l'Oratoire,  enveloppé  dans  la  commu- 
ne abolition  de  toutes  les  congréga- 
tions religieuses,  soixante  oratoriens 
avant  protesté  contre  cette  mesure, 
Mérault  joignit  sa  signature  à  celles 


MEn 


455 


de  ses  confrères.  Le  séjour  de  Paris 
devint  bientôt  si  dangereux  pour  les 
prêtres  insermentés ,   qu'il   dut    s  en 
ëloigner.  fl  chercha  un  asile  à  Orléans 
où  il  avait  des  parents.  Mais,  la  aussi , 
la  persécution  vint  l'atteindre,  et  il  eut 
à  subir  une  incarcéi^ation  d'une  an- 
née. A  celte  détention  se  rattache  un 
trait  de  bienfaisance  qui  le  peint  tout 
entier.  Un   des    geôliers  de  la  prison 
ou  il  avait  été  enfermé  ,  fut  lui-même, 
quelque  temps  après  la   ten-eur,  ar- 
rêté comme   prévenu    d'un  détour- 
nement de  deniers  publics.  I^e  hasard 
voulut  que Méiauk  se  trouvât  sur  son 
paSsage  au  mofnent  où  on  le  condui- 
sait en  prison.  Cet  homme  implora  le 
secours  de  son  ancien  captif,  dont  il 
connaissait  la  charité.  Mérault  s'em- 
pressa, en  effet,  de  faire  les  démar- 
ches les  plus  actives  en  sa  faveur,  et, 
se   portant  sa  caution    de  la  somme 
détournée  ,  il  le  fit  mettre  en  liberté. 
Sa  conduite  était  d'autant  plus  géné- 
reuse dans    cette  circonstance  ,  qu'il 
s'en  fallait  de  beaucoup  qu  il  eût  eu  à 
se  louer  de  cet  homme ,  lorsque  lui- 
niéme  avait  été  son  prisonnier.  Mais 
faille  le  bien  était  pour  ce  digne  prêtre 
un   besoin  impérieux  et  en   quelque 
sorte  irrésistible.  Il  donna  bientôt  de 
nouvelles   preuves   de   ce  penchant. 
Dès  le  concordat  de  1802  ,  le  nouvel 
évéque   d'Orléans  ,  Bernier,   nomma 
l'abbé  Mérault  chanoine  de  la  cathé- 
drale d  Orléans  et  lui  confia  la  direc- 
tion du  séminaire.  Tout  était  à  créer 
pour  cet  établissement  que  la  révolu- 
tion avait   entièrement  dépouillé.  Le 
nouveau  supérieur  parvint  à  lui  ren- 
dre non-seulement  l'existence ,  mais 
•  encore  un  état  prospère,  grâce  au  zèle 
avec  lequel  il  sut  exciter   la  bienfai- 
sance publique,  et  surtout  à  l'exemple 
qu'il  donnait  lui-même.  Il  consacra  à 
ce  noble  emploi  sa  fortune  entière , 
et  elle  était  considérable.  En  1805,  il 


m 


MER 


fut  nommé  grand-vicaire  d'Orléans, 
et  il  prit,  à  ce  titre,  beaucoup  de  part 
à    l'administration  du  jdiocèse  pen- 
dant plusieurs  vacances  du  siège  épis- 
copal,  et  à  celle  du  diocèse  de  Blois 
alors  réuni  à  l'évêché  d'Orléans.  Sa 
conduite    tolérante    et    mesurée    le 
tira  heureusement  de  plusieurs  con- 
jonctures  délicate*   où  il   se   trouva 
placé.  C'est  ainsi  qu'à  Blois  il  eut  à 
lutter  contre  les  partisans  dç  ce  qu'qii 
appelait  la  petite  Eglixe,  et,   à  Or- 
léans,   avec   un  évéque  nommé  par 
Napoléon  ,   au  plus  fort   de  ses  dé- 
mêlés   avec  le  pape,    et  qui    man- 
quait de   l'institution    canonique.  •  Il 
sut   adoucir ,    par    l'aménité  de   ses 
relations  avec  ce  prélat,  les  froisse- 
ments auxquels  l'exposait  une  situation 
précaire,  sans  faire  d'ailleurs  aucune 
concession    préjudiciable   aux   droits 
du  chef  de  l'ilgllse.  Sa  réputation  l'a- 
vait fait  désigner  depuis  long-temps 
comme  un  des  hommes  les  plus  ca- 
pables d'occuper  un  siège  épiscopal. 
Celui  de  Vannes  ,  entre  autres  ,  lui  fut 
offert   peu  après  le  concoidat.  Mais 
il   refusa  toujours    cet  honneur  par 
modestie  et  par  dévouement  à   son 
séminaire.  I;n   1815 ,   le  gouvernp- 
ïnent  des  Cent-Jours  ayant  eu  l'idée 
d'étendre    jusqu'ijux     ecclésiastiques 
l'obligation  dn  serment  (ju'il  exigeait 
de   tous  les   fonctioimaires    publics, 
Fouché,  qui,    probablement,  n'ap- 
prouvait  pas  cette   mesure,  imagina 
de  consulter,  sur  reflet  qu'on  pouvait 
en  attendre,  1  abbé  Mèrault.  Celui-ci 
répondit  au  ministre  par  les   repré- 
sentations les  plus    capables    de    la 
combattre.    '^   Très-peu  de  prêtres , 
dit-il  en  terminant,  consentiraient  au 
serment,  et  je  répondrais  plutôt  de 
la  tranquillité  de  ceux  qui  refuseraient 
que  de  celle  des  honnups  qui  l,e  prê- 
teraient.  »    Cette  réponse   fut    mise 
par  Fouclié   sous    les  yeux   de    Aa- 


MER 

poléon  ,  qui   la  lut  s&ns    humeur  et 
dit  :  Laissons   les   prêtres    tran(juiltes. 
En  1819 ,  le  long  intérim  de  l'épis- 
copat  ayant    cessé  à    Orléans  ,    par 
la  nomination  de  M.   de  Varicourt; 
l'abbé   Mérault  devint   l'intime  ami 
du    respectable     prélat ,    auquel    il 
remit   le    gouvernement   du  diocèse 
qu'il    avait  .gardé    si    long  -  temps. 
Ce  ne  fut  que  sous   le  successeur  de 
Varicourt,  et  en  1824,  que  l'abbé  Mé- 
rault cessa  d'être  supérieur  du  sémi- 
naire. Son  grand   âge,  son  excessive 
bonté,  qui  avaient  laissé  introduite 
quelques    désordres  dans  l'adminis- 
tration matérielle  de  l'établissement, 
pouvaient  faire  désirer   qu'on  lui  en 
allégeât  la  responsabilité.  Mais  le  sé- 
minaire lui  devait  tout,  il  l'avait  tiré 
du  néant,  et,  à  ces  titres,  il  avait  droit 
d'en  garder  jusqu'à  la  moit  la  direc- 
tion morale.  La  mesure  qui  la  lui  en- 
leva ne  fut  donc  pas  bien  accueillie      ! 
du  public.  Pour  lui,  aussi  incapable     , 
de  ressentiment  que   de  renoncer -à      \ 
ses  penchants  charitables ,  il  ne  cessa 
pas  de  donner,  à  une  hislitution  qu'il 
avait  relevée  de  ses  ruines  ,  les  mar- 
ques du  plus  vif  intérêt.  Devenu  pres- 
que pauvre  à  force  d'aumônes  de  tout 
genre  ,  l'abbé  Mérault  recueillit,  dans 
ses  dcrniçres    année»,   la    succession 
d'un  neveu  et  celle  de  son  frère.  Il 
put  donc  encore  se  livrer  à  de  nou- 
velles bonnes  œuvres.  Ainsi ,  il  fonda, 
à  sa   terre    de  Villcvandé ,    en    Brie, 
moyennant   1,200  fr.,   une  école  de 
charité  et  la  dota  de  800  fr.  de  rejUe. 
En  1828 ,    il  doima  ,  5,Ô00  fr.  poui 
rebâtir  la  chapelle  et   la  maison   des 
Carmélites  «le  Blois.  Il  mourut  à  Oi 
léans  le  13  juin  1835,  à{;éde91  an.s. 
dans  la  niaison  même  qu'avait  habi- 
tée Pothier,  et  qu  il  avait  acquise  «1» 
puis  [Jusieurs  années.  C*-*tle  (  ircon- 
tance  a   fourni  ,    aux  panégyristes  et 
bio{;K«phes  de   Mérault .    f  idée  d'un 


MER 


MER 


4SY 


I  approchenient  entre  lui  et  le  célèbre 
jurisconsulte,  dont  la  bienfaisance  fat 
aussi  la  vertu  dominante.  On  doit  à 
Merault  :  I.  Les  apologistes  involon- 
taires, ou  ia  religion  chrétienne  prou- 
vée et  défendue  par  les  écrits  des  phi- 
losophes, in-12,  1806,  anonyme; 
1820,  in-S"  avec  nom  d'auteur.  IF. 
Les  apologistes  ,  OU  la  religion  chré- 
tienne prouvée  par  ses  ennemis  cofnme 
par  ses  amis,  in-8°,  1821.  111.  Conju- 
ration de  l'impiété  contre  rhumanité . 
in-8*,  1821.  IV.  Instructions  pour  la 
première  communion,  in-12.  1825. 
V.  f^oUaire  apologiste  de  lu  religion 
chrétienne,  in-8°,  1826.  VI.  Ensei- 
gnement de  la  religion.  '6  vol.   in-12. 

1829.  VII.  A/ères  chrétiennes  :  com- 
bien leur  zèle  est  nécessaire  au  sttccèi 
de  féducation,  in-12,  1830.  VIII. 
Preuves  abrégées  de  la  religion,  offer- 
tes à  la  jeunesse  avant  son  entrée 
dans  le  monde ,  in-12  ,  1830.  IX.  Jie- 
cueil  de  mandements  sur  f  instruction 
des  peuples,  ou  Méthode  à  suivre  pour 
renseignement  de   la  reliaion,   in-12. 

1830.  X.  Jux  Français,  in-12,  1832. 
XL  Cours  d' histoire  et  de  morale,  in-12. 
1834.  XJI.  Instruction  pour  les  fêtes 
de  l'année.  La  plupart  de  ces  écrits 
datent ,  comme  on  voit ,  de  l'extrême 
vieillesse  de  fauteur.  La  fraîcheur  des 
idées  et  une  certaine  chaleur  de  dic- 
tion sont  loin  d  accuser  cette  circon- 
stance; mai»,  en  général,  ces  compo- 
sitions manquent  de  plan  et  de  mé- 
thode, et  il  y  a  peu  d'originalité.  La 
mémoire  de  l'abbc  Mérault  a  été  l'ob- 
jet de  plusieurs  horamaffcs  publics. 
Kous  indiquerons,  entre  autres,  un  ar- 
ticle nécrologique  de  l'Ami  de  la  Re- 
ligion, n°  2529;  une  Notice  biogra- 
phique par  M.  ,1.  Zanolc,  1835  ,  in- 
8*;  en6n,  un  Eloge  historique  lu,  en 
1836, à  la  Société  rovale  des  sciences, 
belles-lettres  et  arts  d'Orléans,  par 
l'auteur  de  cet  article ,  et  inséré  dans 


le  tome   XFV  des  Annales  de  cette 
Société.  C  D — s. 

MERCADIER  ou  MARCHA- 

DEE,  en  latin  Marchadarius ,  fa- 
meux chef  d'ime  de  ces  nombreuses 
bandes  de  brigands  qui,  dans  les 
guerres  continentales  du  XII*  au 
XIV'  siècle  .  infestant  surtout  la 
France,  sous  les  noms  de  routiers,  de 
brabançons,  d'écorcheurs,  de  reton- 
deurs, de  cottereaux,  de  bandouil- 
1ers,  furent  des  auxiliaires  si  impor- 
tants pour  les  princes  qui  les  em- 
ployèrent, soit  les  uns  contre  les 
autres,  soit  contre  leurs  barons  indo- 
ciles et  toujours  disjwsés  à  la  révol- 
te. I^s  principaux  de  ces  chefs  de 
routiers  sont  Caduc,  devenu  seigneur 
deGaillon  et  qui,  durant  quinze  ans, 
ser^-it  Philippe»Auguste,  auprès  du- 
quel il  fut  eu  grande  faveur  ;  le  pro- 
vençal Louvart,  qui  changea  plu- 
sieurs fois  de  drapeaux;  son  compa- 
triote Algaïs,  que  Simon  de  Mont- 
fort  fit  pendre,  pwcc  qVi'après  avoir 
quitté  l'armée  de  ses  croisés,  il  était 
passé  au  service  du  comte  de  Tou- 
louse; Rrandin,  resté  constamment 
attaché  aux  rois  anglais;  le  nor- 
mand Falcaise.  qui  mourut  croisé,  en 
Italie,  vers  la  fin  de  1226;  et  le  plus 
remarquable  de  tous ,  Mercadier , 
sujet  de  cet  article.  On  ignore  le  lieu 
o\\  il  naquit  en  Provence;  on  ne  sait 
pas  non  plus  la  date  de  sa  naissan- 
ce ;  mais  les  historiens  le  font  con- 
naître comme  cher  et  agréable,  au- 
tant que  fidèle,  à  ce  Richard-Cœur- 
de-Lion.  digne  rival  de  Philippe- Au- 
guste a\ec  lequel  il  fut  toujours  en 
guerre.  Malheureusemeut,  dans  cette 
longue  péripétie  de  travaux  belli- 
queux qui  signalent  la  fin. du  XIP 
siècle,  le  monarque  anglais  crut  de- 
voh"  recourir  à  l'assistance  auxiliaire 
et  si  coùteu.i^e  tles  bandes  de  rou- 
tiers,   alors    coin    .  -    [lar    trois 


"m 


MER 


chefs  provençaux,  Algaïs,  Louvart  et 
Mercadier,  que  Mathieu  Paris  repré- 
sente comme  se  faisant  un  jeu  du 
pillage,   de  l'incendie  et  de  l'assassi- 
nat; il    aurait  pu  dire   de  tous  les 
crimes.    De  ces  trois  chefs  le   plus 
fameux  est  le  dernier  :  il  semble  avoir 
fait  ses    premières  armes   sous   Ri- 
chard,    aloi's     duc    d'Aquitaine    et 
comte  de  Poitiers  ;  du  moins  c'est  à 
ce  prince  qu'il  dut  sa  renommée  et  sa 
fortune.  Lorsque  Richard  passa  en  Pa- 
lestine, il  ne  paraît  pas  que  le  fameux 
routier    l'y     ait    suivi.    On   le    voit 
seulement  accourir  près  de  son  maî- 
tre, après  sa    délivrance  des  prisons 
de  l'empereur  Henri  VI,  au  commen- 
cement de  1194.  Désormais  les  deux 
guerriers,  les  deux  fidèles  amis,  ne  se 
séparent  plus.  Quand  le  héros  tombe 
sous  les  murs  de  Chalus,  Mercadier 
se  trouve  à   ses  côtés  pour  l'assister 
et  le  venger.  Revenons  aux  premiers 
exploits  connus  du  redoutable  chef 
d'une   des   bandes    mercenaires    des 
routiers.  Le  Limousin  fut  le  premier 
théâtre    de   ses    exploits.   C'était    en 
octobre  1183.  Ses  formidables  com- 
pagnies se  ruent  dans  les  campagnes, 
pour  les  couvrir  de  sang  et  de  rui- 
nes, à   la  grande  désolation  de  l'hu- 
manité,   massacrant  partout,  et  sans 
distinction,    comme   sans  pitié,  fem- 
mes, enfants  et  vieillards.  Ces  atten- 
tats n'étaient  pas  moins  l'effet  de  la 
barbarie    habituelle    de    ces  bandes 
que  de  loir  ressentiment  contre  Ar- 
chambauld   de    Comborn,    seigneur 
du  pays,  (pii  avait  eu  de  graves  dé- 
mêlés   avec     Henri    Plantagenet    au 
sujet  de  la  tutelle  du  vicomte  de  Li- 
moges, et    qui    en   outre  s'était  uni 
aux  associations  que  l'Auvergne  avait 
vues  se  former,  avec  plu«  de  courage 
qu(;  (le  succès,  contre  les  implacables 
l)andc8    des    routiers.    L'anné(ï    sui- 
vante,  le   26  février  i\SÏ,   Merca- 


MER 

dier,    ayant  pénétré    à    l'improviste 
dans  le   comté  d'Angoulême,    s'em- 
para du  faubourg  d'Excideuil,  dont  il 
massacra  les  habitants.  Depuis  cette 
époque,  pendant  le  cours  de  dix  ans, 
les  renseignements  qu'eût  pu  fournir 
Geoffroi    de  Vigeois    manquent   en- 
tièrement,  et  rien  ne    peut  les  sup- 
pléer.   Toutefois   il    y     a     lieu     de 
croire  que  le  cours  des  dévastations 
et   des    massacres  ne  fut  guère  sus- 
pendu de  1184  à  1194;  qu'en  1186, 
Mercadier     prit    part   à    la     guerre 
qui    s'alluma    entre    Richard-Cœur- 
de-Lion  et    le   comte  de     roulouse  ; 
et  qu'il  contribua  puissamment  à  la 
prise  des  17   châteaux    du  territoire 
toulousain,  dont  parle  Raoul  de  Dicet. 
En  effet  Richard,  à  son  départ  pour  la 
Palestine    en    1190,    confia  la  garde 
de  ces  importantes  forteresses  à  Mer- 
cadier, comme  à  l'homme  sur  la  fidé- 
lité et  le  dévouement  duquel  il  comp- 
tait  avec   le   plus  d'assurance.  Il  est 
à  peu    près    certain   que  ce  chef  de 
routiers    rendit    à    son     maître,    en 
cette   circonstance,    les   services    les 
plus  remarquables   :  car  Richard  lui 
fit  don  des  biens  d'Adémard  de  Rai- 
nac.  C'est  ce  que  pense  M.  Géraud, 
auquel    nous  devons    plusieurs    des 
détails  et  des  preuves  de  cet  article. 
Quoi    cju'il    en   soit    du    silence    des 
chroniques  sur  les   expéditiotis  aux- 
quelles Mercadier  a  dù^)rend^!  pari 
dans   l'intervalle   de    1184    a   119i, 
nous  le  retronvons  tout-à-coup  dans 
cette  dernière  année  marchant   avn 
ses  redoutables  bandes,  toujours  vi 
torieuses,  à   côté   de   Richard  contre 
Philippe-Auguste,   qu'ils    altaquèi-ent    ; 
et  battirent    le  5  juillet,    entre  lUois    ; 
et  FrétevaL  Environ  cinq  mois  après, 
le  vaillant  capitaine  s'ouvrit  un  pas- 
sage dans  le  Herri,  v  prit  et  détruisit 
un'faubourg  d'Isuoudun,  mais  ne  piit 
s'emparer  de  h  ville  au  seoeors  de 


MER 

laquelle  le  roi  de  France  accourut, 
tandis  que,  de  son  côté,  le  roi  d'An- 
gleterre arrivait  à  l'improviste.  Une 
bataille    paraissait    imminente    entre 
les   deux    redoutables    adversaires  : 
une  suspension  d'armes    eut  lieu,  et 
peu  d*  temps  après  (1195),  un  traité 
de  paix  fut  signé  entre  Gaillon  et  le 
Vau-de-Reuil.   Mercadier    profita  de 
cette  circonstance  pour  aller  en  Pé- 
rigord.  visiter  ses  terres  et  faire  (  le 
10  raar^  1195)  des  donations  à  l'ab- 
baye de  Cadouin.  En  1196,  les  hos- 
tilités,   suspendues  par    le  traité    de 
l'année   précédente,  recommencèrent 
entre  les  deux  monarques  rivaux.  Le 
tlîéàtre  de  la  guerre  fut  d'abord  por- 
té en     ÎHormandie,    point   intermé- 
diaire entre  les  États  de  ces  princes; 
mais    l'élection  simultanée    de  deux 
empereurs  pour  succéder  à  Henri  VI, 
déplaça  la  lice  des  batailles.  Richard 
eut  l'habileté  de  la  reporter  dans  les 
plaipes  de  la  Flandre.  Philippe  tenta 
une   diversion  en  Normandie,  et  ga- 
gna  Gisors    où  il    ne  pénétra,  le  29 
septembre,  qu'après  avoir,  au  passa  • 
ge   de   l'Epte,    perdu    beaucoup   de 
monde  et  failli  lui-même  se  noyer. 
Quelques  mois    avant    cet   engage- 
ment,   Mercadier  était  parvenu  à  li- 
vrer à  son  maître   Henri  de  Dreux, 
évêque  et  comte  de  Beauvais,  cousin - 
germain   du   roi  de   France,  person- 
nage important  contre  lequel  Richard 
avait  de  grands   et  nombreux  griefs, 
entre  autres,  l'aggravation  de  ses  fers 
dans  les  prisons  de  Henri  VI.  Ce  pré- 
lat,  qui,  en   sa  qualité  de  comte,  se 
croyait  obligé  de  prendre  les  armes, 
fut  fait  prisonnier    dans    une   sortje 
malheureuse  qu  il  hasarda  de   Milli- 
Notre-Dame,    en    Beauvalsis,   contre 
les  routiers  qui  l'assiégeaient.  En  re- 
mettant l'évêque   et  son  archidiacre 
au    monarque  anglais,    le   chef  des 
routiers  lui  dit  :  «  Jai  pris  et  je  vous 


MER 


459 


a  donne  l'homme   aux  antiennes  et 
n  l'homme  aux  répons.  »  {Cepi  et  do 
tibi  cantorem  et  reaponsorem    :    Ma- 
thieu  Paris,   ann.  1196).  La  guerre 
s'était    un    moment  ralentie,   quand 
toul-à-coup  Phihppe-Auguste  fit  une 
nouvelle     invasion     en     Normandie, 
arène  sanglante  où  les  deux  monar- 
ques semblaient  prendre  plaisir  à  se 
donner  reude/.-vous  ;  mais  Richard  ne 
tarda  pas    à    paraître    avec  le  fidèle 
Mercadier  et    toute    son    effroyable 
bande.  Alors  les  Français  voulurent 
opérer  leur  retraite,  mais  le  t«mble 
Mercadier  se  jeta   sur  eux  à  peu  de 
distance  du  pont    de  Vemon,  et  les 
battit  à  plate  couture.   Cependant,  le 
comte  de  Flandre,  Baudouin,  s'étant 
mis  en  campagne   pour  reconquérir 
celles  de  ses  places-fortes  dont  le  roi 
de  France    s'était   emparé,   Richard 
envoya  au  secours  de  son  allié  Merca- 
dier qui  se  signala,   comme  à  l'ordi- 
naire, par   des  exploits   et  des  atio- 
cités  :  c'était  en  1198.  Pendant  cette 
année  le  monarque  anglais  fit  passer 
son   chef   de   routiers    en   Bretagne, 
avec    une   armée   considérable    qui, 
suivant  la  chronique  de  l'abbaye  de 
Painpont,    fit    une  guerre  viçlente, 
désastieuse    et    sanglante.    La    paix 
ayant  mis  fin  pour  quelques  mois  à 
l'effusion  du  sang,  Mercadier,  comme 
en  1195,  alla  dans  le  Peiigord  visiter 
ses  riches  domaines.  "  Il  s'y  rendait, 
u  dit    M.    Géraud,     lorsque    quatre 
«  comtes  français,  dont  il  traversait 
«  les  terres,  l'attaquèrent  les  armes  à 
»  la  main,  le  battirent  et  lui  tuèrent 
"  beaucoup    de    monde.  »    Sur    la 
plainte  de  Richard,  Philippe-Augus- 
te  se  borna  à  protester  que  le  fait 
avait  eu  lieu  sans  sa  participation.  A 
propos  d'un    trésor   découvert    dans 
une  fouille    au   château   de    Chalus, 
Richai-d,  qui  voulut  se  le  faire  livrer 
tout  entier,   alla   avec   Mercadier  et 


460 


MER 


ses  bandes  assiéger    cette   forteresse 
que  défendait  AdhémarV,  vicomte  de 
Limoges,  près  de  laquelle  était  situé 
Chalus.  «  Le  26  mars  11 99,  le  roi  ac- 
«  compagne  de  son  fidèle  routier,  con- 
«  tinue  M.  Géraud,  faisait  le  tour  du 
"  château  pour  reconnaître  l'endroit  le 
«  plus  favorable  à  l'attaque,  lorsqu'il 
»  fut  atteint  à  l'épaule  gauche  d'un  trait 
«  lancé  par  une  arbalète.  »  La  bles- 
sure était  grave  et  ne  tarda  pas,  com- 
me on  sait,  à  avoir  une  funeste  issue, 
malgré  les  soins  du  médecin  de  Mer- 
cadier    Çchirui-gicus   ex   iiefanda    illa 
familia     impiissimi    Mqrchadei ,    dit 
Raoul  de  Coggeshall).  Mercadier  fut 
chargé    par    le    héros    mourant    de 
continuer     le     siège   :    il     s'empara 
bientôt   de   la  place,    dont    la   gar- 
nison fut  pendue,  à    l'exception    de 
l'arbalétrier  qui  fut  réservé  aux  tor- 
tures. Pourtant  le  prince  expirant  lui 
avait    généreusement    pardonné    sa 
mort;  mais,    dès  qu'il  eut  fermé  les 
yeux,     l'impitoyable    routier,     sans 
égard  pour  les  dernières  volontés  de 
son  maître.  Ht  écorcher  vif  et  atta- 
cher au  gibet    la   malheureuse  vic- 
time, que    Roger   de   Iloveden    pré- 
tend s'appeler  Bertrand  Gourdon,  et 
que   le   grand    nombre   des   chroni- 
queurs désignent,  avec  plus  de  vrai- 
semblance, sous  le  nom  de  Pierre  Ba- 
sile. Après  la  mort  de  son  illustie  ami, 
Mercadier  n'en  continua  pas  moins 
de   servir   l'Angleterre.    Pendant    les 
divisions  qui    eurent    lieu    en  1199, 
dans  l'Acjuitaine  cl  ie  Poitou,  entre 
les  partisans  et  les  eimemis  de  JciUi- 
sans-Terre,  la  ville  ainsi  (jue  le  châ- 
teau d'Angers,  qui  avaient  été  livrés 
aux  Bretons,  fuient  repris  le  19  avril 
de  cette  mfîme  année  par  la    reine 
Éldoiiore  et  Mercadier.  G.e  fut  peu  de 
temps  après  que  ce  chef  de  partisans 
fat  envoyé ,   par  Jean-sans- Terre,  en 
Gascogne,   avec   ses  bandes  de  rou- 


tiers, que  le  pape  Innocent  III  dési,- 
gne  comme  jetés  dans  le  monde  par 
l'ennemi  du  genre  humain  pour  être 
sur  la  terre  les  instruments  de   son 
iniquité.    Hélie,   archevêque  de  Bor- 
deaux, n'employa  pas  moins  ces  re- 
doutables brigands    si     bien    quali- 
fiés par  le  pape,  et  qui  n'eurent  rien 
de  plus  pressé  et  de  plus  important  à 
faire  que  de  piller  les  terres,  d'enlever 
les  hommes  et  les  femmes,  de  dépouil- 
ler les  abbayes  et  les  églises,  mais  qui 
partagèrent  leur  odieux  butin  avec  le 
prélat,    tes  horreurs   durèrent  plus 
d'une  année  :  c'est  du  moins  ce  qu'on 
lit   dans   une    lettre   qu'hmocent  III 
écrivit  le  28  janvier  1204,  très-peu 
d'années  après    les    événements.    Au 
printemps  de  1200  eut  lieu  l'arrivée 
de   Blanche   de  Castille,   fille    d'Al- 
phonse  IX,  dans    la    capitale  de   la 
Guienne,  où  la   reine  Éléonore  l'ac- 
compagnait pour  l'unir  à  Louis  (fils 
aîné  de  Philippe-Auguste,  et  qui  fut 
le  père  de   Louis  IX),    mariage   fait 
en  conséquence  des  conventions  si- 
gnées, à  la  fin  de  1199,  entre  les  rois 
de  France  et  d'Angleterre.  Les  prin- 
cesses s'étant  arrêtées    à    Bordeaux, 
pour   célébrer    la   solennité  de    Pà- 
«pjcs  qui  se  trouvait  le  9  avril,  Mer- 
cadier  accourut  pour  saluei-  sa  sou- 
veraine. C'est  là  qu'au  lieu  de  fêtes, 
il  trouva  la  mort  :   le  lundi  10  avril 
1200,  en  plein  jour,  le  chef  des  rou- 
tiers fut  assassiné  par  un  homme  qui 
était  connu   pour  ^tre  aux  gages  du 
chef  d'une  autre  bande  de  ces  bri- 
gands, de  lirandin  tjui.  (puiiquc  for- 
tement soupçonné,  n'en  continua  pas 
moins  d'être  em[)loyé  par  le  roi  d'An 
glrterre.  Ainsi  périt  le  plus  fameuK 
des   chefs   des  grandes  compagnies, 
treize   mois   a^>i-è8   la   mort   du  roi 
puissant**  qu'il  avait  si  bien  servi  et 
aimé,    laissant   la  réputation   d'avoir 
olVert    un    mélange    d'arrogance,   dr 


>nsîi 

courage,  de  fidélité,  de  cruauté  et  de 
superstition  ,  et  réunissant  en  lui- les 
bonnes  et  les  perverses  qualités  des 
militaires  de  son  temps.     D — b — s. 

MERCADIER  de  Bélestat(3Kss- 
Baftiste),  ingénieur,  né  en  1748,  fut 
dès  sa  jeunesse  voué  à  l'élude  des 
sciences,  et  entra  dans  la  carrière  des 
ponts-t^t-chaussées,  oii  il  était  officier 
avant  la  révolution  de  1789.  Ayant 
continué  de  servir  il  parvint  bientôt  aux 
premières  places,  et  fut  long-temps 
emplové  comme  ingénieur-architecte 
a  Montpellier  ,  puis  dans  le  départe- 
ment de  l'Amége.  Il  mounit  à  Fois, 
le  14  janvier  1816.  On  a  de  lui:  I. 
Nouveau  système  de  Musique,  théori- 
que et  pratique,  Paris,  1776,  in-8".  II. 
Recherches  sur  les  ensablements  des 
ports  de  mer  et  sur  Jes  moveiis  de  les 
empêcher  à  l'avenir,  particulièrement 
dans  les  ports  du  Languecfoc.  ouvrage 
qui  remporta  le  prix  proposé  en  1784 
et  1786  par  la  société  royale  des  scien- 
res  de  Montpellier,  au  nom  des  états- 
qénéraiix  de  Lanijuedoc.  Montpellier, 
1788  ,  in-4",  III.  Une  Statistique  et 
une  Description  du  département  de 
1  Arriége.  Il  a  laisse  manuscrite  une 
Histoire  générale  des  mouvements  de 
ta  mer  et  de  ratmosphère.  ou  Météo- 
rologie   universelle,  en  9  vol.        Z. 

MERCATI  (Jea^-Baptiste),  dessi- 
nateur et  graveur  à  l'eau-forte,  né  à 
Sienne  vers  l'an  1600,  se  rendit  de 
bonne  heure  à  Rome,  où  il  habita 
toujours  de  préférence.  Il  dessinait 
avec  une  graiide  facilité .  avec  beau- 
coup de  goût,  et  ses  ouvrages  sont  jus- 
tement estimés.  Cependant  il  trouva 
encore  le  temps  de  graver  à  la  pointe 
un  nombre  considérable  d'estampes, 
d'après  ses  propres  compositions  et 
celles  des  maîtres  les  plus  célèbres. 
Toutes,  se  font  remarquer  par  tme 
exéciuion  facile  et  spiritueile.  Les 
plus  estimées ,  sont  :  I.  Cinquante- 


MER 


4€i 


deux  morceaux  représentant  des 
Ruines  et  des  Sites  d'Italie,  gravés 
dans  la  manière  de  Sylvestre,  in-^"  en 
travers.  Cette  suite  est  complète  et 
numérotée.  II.  Quatre  sujets  de  Figu- 
res antiques,  tirées  de  tare  de  Constan- 
tin, gravées  dans  la  manière  de  Gal- 
lestrucci,  in-fol.  en  rond.  III.  Le  ma- 
riage de  sainte  Catherine ,  d'après  le 
Corrége,  in-foL  Rome,  1620,  IV. 
Sainte  Bibiane  refusant  de  sacrifier 
aux  idoles  ,  d'après  P.  de  Cortone, 
in-fol..  Rome,  1626.  P — s. 

MERCIER  (Iérôme),  né  à  Saint- 
Junien,  petite  ville  du  Limousin, 
était  très-renommé  an  parlement  de 
Paris ,  où  il  exerçait  comme  avocat 
en  1656.  Il  a  composé ,  dit  Colin  , 
Lemov.  multipl.  ernd.  illust.,  pag.  65, 
des  commentaires  sur  les  Institutes 
de  Justinien ,  imprimés  à  Paris  en 
1659.  Mais  il  fut  plus  connu  par  Tou- 
vrage  intiUilé  :  Le  parfait  Prati- 
cien français  réformé  suivant  l'usage 
qui  se  pratique  à  présent  par  toute  la 
France,  contenant  la  manière  de  trai- 
ter toutes  les  questions  en  matière  ci- 
vile, criminelle,  bénéficiale,>de finan- 
ces, domaines  du  roi,  aide-tailles  et  ga- 
helles,  lods  et  ventes,  et  de  criées,  tirée 
des  Ordonnances  et  des  Arrêts  des  cou- 
tumes de  France ,  très-nécessaire  aux 
juges,  procureurs,  plaideurs,  traitants, 
commis  ei  généralement  à  toutes  per- 
sonnes qui  veulent  s'instruire  dans  la 
pratique ,  dans  les  procès ,  Paris , 
1685,  in-4-°.  —  Jean  Mercier  ,  né  U 
Limoges,  fut  conseiller  et  maître  des 
requêtes  de  Madame,  sœur  du  roi. 
Il  composa  :  Traité  pour  le  Baptême 
des  petits  enfants,  contre  fAnabap- 
tisme  des  ministres  de  Paris,  1604, 
in- 16.  T— -D. 

MERCOElR(ÉusA),  poète,  née 
a>antes,  le  24  juin  1809.  trouva 
dans  la  bienveillance  éclairée  de 
M.     Barré,    avoué    de    cett«*    ville. 


462 


MER 


les   soins  d'un  second  père,  qui  lui      ' 
procura  une  éducation  dont  elle  eût     < 
probablement  été  privée,   si  les  res-      < 
sources  de  sa  mère  avaient  dû  seules 
y  faire  face.  Elle  répondit  au-delà  de 
toute    attente    à  ce  touchant  intérêt  ; 
car,  s'il  faut  en  croire  un  de  ses  bio- 
graphes ,  elle  faisait  à  sa   mère ,  dès 
l'âge  de    huit    ans  ,    des    analyses , 
et  arrangeait    de    petits    apolo^es, 
de  petites    scènes    dramatiques.    Ce 
serait   même    à    cette   époque    qu'il 
faudrait  faire  remonter  la  première 
conception  de  sa  tragédie  des  Jben- 
cerrages.  Son  désir  d'apprendre  était 
si   vif  ,    sa   volonté  si    tenace  ,  que 
ce    fut    seule  ,     pour     ainsi    dire  , 
qu'elle    s'initia    ensuite    à     la    con- 
naissance du  latin  et  de  l'anglais ,  de 
manière  à  en  traduire  facilement  les 
auteurs.  A  cette  ardeur  succéda  une 
sorte  de  réaction ,  et  elle  dut  cesser 
toute  étude  abstraite.  Grâce  à  un  re- 
pos  prudent,   ses  facultés,  rentrées 
dans  leur  état  normal,  reçurent  bien- 
tôt une  impulsion  que  révélèrent  une 
Nouvelle  en  prose ,  et  un  Portrait  en 
vers,  suivis  de  quelques  autres  essais. 
Le  succès  éphémère  qu'ils  obtinrent 
lit  craindre  à  sa  mère  et  à  son  bien- 
faiteur que  l'enivrement  produit  par 
une  louange  complaisante  ne  vînt  la 
détourner  d'occupations  plus  utiles. 
MeUinet,  imprimetn-  à  Mantes,  hom- 
me de  goût   et  de  talent,   partagea 
leurs  appréhensions,  et,  lorsque  Eh- 
sa,  qui  avait  alors  seize  ans,  lui  ap- 
porta ses  premiers  vers ,  il  crut  de 
son  devoir  de  l'éclairer  sur  les  dan- 
gers dont  est  semée  la  carrière  litté- 
raire  pour  une   femme  ,  sintout  en 
province.  Les  conseils  qu'il  lui  donna 
se  lient  trop  intimement  a  sa  vie  pour 
que  nous  ne  les  consignions  pas  ici. 
<.  L'âge  de  M""  Mcrcœur,  dit-il,   ex- 
u  pliquera  facilement  l'intérêt  que  je 
u  dus  lui  témoi^'ner  lorscpi'eH*'  m'ap- 


porta   ses   premiers    vers...  L'iso- 
lement avait  été  la  vie  de  ses  pre- 
mières années.  Sans  prendre  le  rôle 
de  pédant,  le  plus  sot  de  tous,  ce- 
lui de  pédant  moraliste  ,  je  causai 
avec  elle  de  ses  projets,  de  ses  espé- 
rances, de  son  avenir.  Elle  n'y  avait 
pas  songé  ;  à  sei«e  ans ,  elle  s'avan- 
■  çait  confiante  dans  l'avenir;  elle  ne 
I  se  nourrissait  que  des   pensées  du 
'  présent,  pensées  toutes  d'enthou- 
!  siasme...  Au  risque  de  décolorer  ce 
«  présent  qu'elle  aimait  avec  l'aban- 
i  don  de  son  âge,  j'essayai   de  lui 
»  faire  comprendre  ce  qu'il  y   avait 
u  de  dangereux  pour  elle,  sans  nom, 
»  sans  fortune, à  entrer  dans  lemon- 
a  de  avec  ce  qui  pouvait  n'être  que 
»  le  métier  de  faire  des  vers,  {)arrf 
«  que,  au  résultat,  ses  premiers  vers 
a  étaient  faibles,  quoique  fort  remar- 
"  quables  pour  un  début.  Je  ne  me 
a  rappelle  pas  si  mes  avis  furent  sé- 

u  vères,  mais   on  pleura .Te  n'en 

«  restai  pas  moins  persuadé  que  rrion 
«  devoir  était  d'être  sincère,  et  je  dis  à 
0  mademoiselle  Mercœur  que,  si  faire 
u  des  vers  était  pour  elle   un  simple 
«  amusement  de  vanité ,  le  rapide  et 
«  scabreux  plaisir  de  Rechercher  la 
u  louange,  d'entendre  proclamer  son 
«  nom,  il   fallait  l'abandonner;  car, 
•  cet  amusement,  ce  serait  pour  elle 
«  la  misère  ou  le  chagrin  ;  qu'elle  eût 
..  donc  à  y  bien  réfléchir,  à   s'inter- 
u  ro{;er    elle-même ,    à    essayer    de 
«  comprendre  sa  destinée,  à  sonder 
"  toute  son  âme    sans   faiblesse    hu- 
..  maine  ;  qu'en  province ,  la  proffcs- 
«  sion   de  femme  auteur  était   bien 
a  précaire  ,   bien  en   dehors  de  nos 
u  mœurs,  de  nos  préjugés  sintout  ; 
a  (pie  si,  au  contraire,  elle  s<'ntait  en 
..  elle,   mais  sérieusement,  le   génie 
..  du  poète,  je  n'oserais  lui  conseiller 
a  un  abandon  auquel ,   d'ailleiu  s  ,   il 
..  lui  serait  impossible  de  se  i-ésigner. 


MER 

•  J'ajoutai  qu'avec  son .  instruction  , 
9  elle  avait  à  choisir  une   profession 

•  honorable  :   celle   d'institutrice 

«  Elle  me  comprit  ;  elle  vit  que  je  lui 
«  parlais  de  cœur;  elle   ne  se  sentit 

•  pas  repoussée  par  la  froideur  du 
a  conseil  indifférent  ;  elle  sécha  ses 
«  pleurs-,  me  remercia  d'effusion,  me 

•  dit  qu'elle  réfléchirait,  et  me  le  dit 
•»  avec   une  expression    de    douleur 
^  que  je  n'oublierai  de  ma  vie,  etc.  » 
Ces  sages  conseils  firent  sur  Élisa  une 
impression  profonde,  et  elle  se  rési- 
gna §  les  suivre.  Mais  elle  luttait  en 
vain  contre  un  penchant  irrésistible. 
Aussi,' dans  une  seconde  visite  à  Mel- 
linet,  trahit-elle  la  pensée  qui  l'obsé- 
dait. «  Ma  destinée ,  lui  dit-elle ,   est 
"  d'être  poète;  que  ma  destinée  s'ac- 
^  complisse,  et  que  Dieu  décide  de 
o  mon  existence  à  son  gré.  quevi'im- 
u  porte  !  '   Elle    répéta   souvent   ces 
dernipres  paroles  lorsque  son  interlo- 
cuteur et  elle  reprirent,  à  divers  in- 
tervalles,  le   sujet  de  leur  première 
conversation.  Toutefois,  elle  ne  s'a- 
bandonna pas  immédiatement  à  son 
enthousiasme  poétique  ;  quelque  fas- 
tidieux, quelque  fatigants  que  fussent 
pour  elle  les  arides  travaux  de  l'en- 
seignement, elle  donna  avec  ardeur 
et  conscience  des  leçons  de  grammai- 
re, bientôt  accompagnées  de   leçons 
d'histoire  ,  de  géographie   et  de  lan- 
gue anglaise.  De  courts  loisirs  étaient 
seuls  consacrés   à    ses   délassements 
poétiques.    Tne   petite  pièce     qu'elle 
inséra  ,  au  mois  d'octobre  18:23,  dans 
le  Lycée  armoricain^  recueil  périodi- 
que, publié  à  Nantes  de  182.3  à  1832, 
causa  ,   dans  cette  ville ,    un  certain 
émoi.  On  parla  jusqu'à  la  Bourse  de 
cette  petite  fille  de  seize  ans  qui  ne 
craignait  pas  de  livrer  ainsi  à  la  pu- 
blicité un  nom  inconnu.  La  critique 
fut  d'abord  peu  bienveillante  ;  les  ri- 
valités locales  s'insurgèrent;  et  peut- 


US 

être  l'envie,   traînant  à    sa   suite  le 
découragement,  eût  fini   par  obtenir 
d'Élisa  le  désistement  solhcité  par  l'a- 
mitié,  si  une    circonstance   fortuite 
n'avait  ranimé  le  feu  qui  la  dévorait. 
Ce   fut  à  l'issue  d'une  représentation 
donnée  sur  le  théâtre  de  Nantes ,   oi» 
madame  Allan  -  Ponchard  reçut   les 
honneurs   d'une   ovation    destinée  à 
lui  faire  oubher  l'accueil  bien  diffé- 
rent et  bien   immérité  qui  lui  avait 
été  fait  la  veille.  Vivement  impres- 
sionnée et  par  cet  événement,  et  par 
les  accents  de  la  cantatrice,  mademoi* 
selle   Mercœur  ne  put  reposer  de   la 
nuit:  et,    s  arrachant  à  son   lit,  elle 
improvisa,  pour  ainsi   dire,  au  clair 
de  lune  ,  des  stances  auxquelles  ma- 
dame Allan-Ponchard  répondit   par 
des  vers  charmants.  A  partir  de   ce 
moment,   le   torrent  déborda  et  ne 
put  plus   être   contenu.  Il  faut  dire 
aussi  que  les  amis  d  Élisa,  reconnais- 
sant désormais  en  elle  une  vocation 
prononcée ,  un  talent  moins  incertain, 
ne  cherchèrent  plus  à  comprimer  une 
tendance  qui  eût  brisé  tous  les  obsta- 
cles. Les  stances  adressées  à  madame 
Allan  -  Ponchard   furent    immédiate- 
ment  suivies   de    lEpitre    au    chien 
d'une  jolie  femme.  A  ces  essais     que 
publia  successivement   le  journal  de 
la  Loire-Inférieure,   et  dont  l'auteur 
elle-même  fit  justice  plus  tard  en  ne 
les   reproduisant  pas  dans  les  deux 
éditions  de  ses  poésies ,  en  succédè- 
rent   quelques     autres    qu  accueillit 
le    Lycée  armoricain ,  notamment  Un 
morceau  dune  exquise  naïveté,  com- 
mençant par  ces  mots  :  A'e  le  dis  pas. 
La  critique  s'adoucit  devant  la  réputa- 
tion croissante  d'Élisa;  les  honneurs  qui 
lui  furent   ensuite  décernés  réduisi- 
rent peu  à  peu  ses  détracteurs  au  si- 
lence. Admise,  en  1826,   au  nombre 
des  membres  de  l'Académie  de  Lyon, 
qui  venait  d'être  rétablie.  ^\e  consigna 


461^ 


MER 


sa  reconnaissance  dans  une  charmante 
pièce,    la    Pensée.   La    Société  aca- 
démique de  la  Loire-Inférieure,  déro- 
geant à  ses  statuts  qui  excluaient  les 
femmes,  suivit,  au  mois  de  mai  1827, 
l'exemple  de   Lyon ,    en   lui   confé- 
rant le  titre   d'associée,   qui  lui  fut 
aussi  accordé  par  la  Société  polyma- 
thique   du  Morbihan.  Les   journaux 
confirmèrent  les  éloges  que  ces  trois 
Académies  faisaient  ainsi  du  nouveau 
poète.    L'un   d'eux,   assez   avare    de 
louanges  pour  les  productions  de  la 
province ,  s'exprima  ainsi  sur  la  pièce 
intitulée  la    Gloire  :  «  On  est   frappé 
«  d'étonnement  quand  on  songe  qu'une 
«  poésie  si  élevée,  si  vigoureuse,  une 
u  versification  si  mélodieuse  et  si  sa- 
«  vante  ,    se  trouvent  sous  la  plume 
«  d'une   demoiselle   de  dix-huit -ans, 
«  élevée  loin  de  la  capitale,    et  hors 
«  du  cercle    du  mouvement  littérai- 
«  re.  C'est ,  plys   que  jamais ,  le  cas 
«  de  s'écrier  :  Nascitur-poeta.  Made- 
u  moiselle  Mercœur  se  place ,  dès  le 
«  début,  au  premier  rang  des  femmes 
«  poètes  de  notre  siècle.  »  —  Capti- 
vée par    la   louange,  Élisa   songeait 
peu  à  ses  intérêts  matériels,  et  pour- 
tant  les   leçons   (|u'ellc  doimait  avec 
persévérance  ne  lui  procuraient  que 
de  modiques  ressources.  Ses  amis,  ses 
admirateurs  conçurent  alors  le  pro- 
jet de  recueillir   ses   poésies  éparses 
dans  divers  recueils,  et  d'en  faire  un 
volume   qui  fût  imprimé  au  moyen 
d'une  souscriptioïi  ;  »e  projet,  réalisé 
en  peu  de  jours ,    produisit  une  col- 
lecte d'environ    3,000    fr.    Mellinet 
prêta  ses  presses  à  «a  jeune  compa- 
triote, dont  les  poésies,  ainsi  publiéch 
pour  la  première  fois  ,  à  Nantes  ,  eu 
1827  (grand  in-18  avec  pi.),    furent 
pronqitcmeiil  eulevi'es  «lans  le»  dé- 
partements de  rancieniie  Hretagne.  Le 
produit  que,  grâce  il  II  désintéressement 
de  l'éditeur,  maïUîmoiselle    iVIercoenr 


MER 

retira  de  cette  publication  lui  permit 
de  suppléer,  pendant  quelque  temps, 
à  l'insuffisance  du  lucre  provenant 
de  ses  leçons.  Son  talent  avait  mûri  ; 
auss»  son  volume  rencontra-t-il  un 
appui  plus  favorable  encore  que 
les  fragments  qui  en  étaient  déjà 
connus.  Ce  succès  était  mérité.  Les 
poésies  d'Élisa  Meix;œur ,  où  le 
classique  et  le  romantique  se  trou- 
vent associés  avec  bonheur  ,  sont 
semées  de  traits  d'érudition  qui  dé- 
cèlent que,  si  les  études  habituelles 
de  l'auteur  la  guidaient  instinctive- 
ment vers  le  premier  genre,  son 
imagination  et  l'influence  de  l'esprit 
alors  dominant  fentraîrtaient  à  sa- 
crifier au  second.  La  grâce,  la  sensi- 
bilité sont  les  caractères  particuliers 
de  ces  poésies  ,  dont  quelques-unes 
portent  le  cachet  d'une  suave  mélan- 
colie. Inspirée  par  le  sentiment  de 
nationalité  qui  fait  des  Bretons  . 
grands  ou  petits,  un  peuple  de  frères, 
elle  avait  dédié  son  livre  à  M.  de 
Chateaubriand  et  lui  avait  adressé,  en 
tête  de  ses  poésies,  des  stances  dont 
nous  citerons  la  suivante  : 

Songe  au  peu  de  saisons  que  j'ai  puvoireiicoi . 
Et  combien  peu  ma  bouche  a  puis»'  d'oxistenc' 
Dans  le  vase  rempli  dont  je  presse  le  l»rd; 
Tends»  une  main  propice  à  celui  qui  chancellf. 
•l'ai  besoin,  faible  enfant,  <iu'on  veille  .'k  nio!' 

berceau 
i:t  l'aigle  peut  du  moins,  à  l'ombre  de  son  ail> 
Protéger  le  limide  oiseau. 

Le  patronage  sous  la  noble  et  puis 
santé  égide  duquel  Klisa  s'était  pla- 
cée ne.  fut  pas  stérile.. A  }>eine  ses 
poésies  eurent  -  elles  paru  qu'eIK' 
reçut  mic  lettre  cucourngeante  de  h 
duchess»;  de  Herrv.  Le  ministre  <l< 
linterieur  lui  envoya  mie  gnatification. 
et  le  roi  lui  accor<la  une  pension  de 
300  fr.  sur  sa  cassette.  Le  18  juillet 
1827,1e  Chantredes  Martns  luiatlrcs 
^a  la  lettre  suivante  :  ■•  Si  la  célébrité, 
..  mademoiselle ,  est  quelque  chose  de 


MER 

»  désirable,  on  peut  la  promettre, 
"  sans  crainte  de  se  tromper ,  à 
«  l'auteur  de  ces  vers  charmants  : 

Mais  il  est  des  moments  où  la  harpe  repose, 
Où  l'inspiration  sommeille  au  fond  du  cœur... 

«  Puissiez- vous  ,  seulement  ,  made- 

-  moiselle,  ne  regretter  jamais  cet 
«  oubli  contre  lequel  réclament  votre 
«  talent  et  votre  jeunesse  !  Je  vous 
»  remercie  de  votre  confiance  et  de 
•>  vos  éloges;  je  ne  mérite  pas  les  der- 
>>  niers  ;  je  tâcherai  de  ne  pas  trom- 
"  per  la  première.  Mais  je  suis  im 

•  mauvais  appui  ■  le  chêne  est  vieux, 
"  et  il  s'est  si  mal  défendu  des  tem- 

•  pètes  qu'il  ne  peut  offrir  d'abri  à 
V  persoime.  "  A  ce  suffrage  s'en  joi- 
{jnirent  d'autres  non  moins  honora- 
bles. M.  de  Lamartine  écrivit  de  Flo- 
rence :  «  J'ai  lu  avec  autant  de  sur- 
»  prise  que  d'intérêt  les  vers  de  ma- 
«  demoiselle  Mercœur,  que  vous  ave/, 

-  pris  la  peine  de  me  copier.  Vous 
>*  savez  que  je  ne  crovais  pas  à  lexis- 
-.  tence  du  talent  poétique  chez  les 
«  femmes;  j'avoue  que  le  recueil  de 
-•  madame  Tastu  m'avait  ébraçlé  ; 
~  cette  fois,  je  me  rends,  et  je  pré- 
-.  vois,  mon    cher,  que  cett^lj^ettV^- 

-  JiUe  nous  effacera   tous  tant    que 

•  nous  sommes.  ■>  On  a  prétendu  que. 
depuis,  l'auteur  dos  Méditations  a- 
vait  rétracté,  ou  tout  au  moins  mo- 
<lifié ,  ce  qu'il  pouvait  v  avoir  de  trop 
absolu  dans  sa  prophétie,  qui  mit 
le  comble  à  l'enivrement  de  l'Isaure 
nantaise.  Persuadée, qu'affranchie  des 
entraves  de  ses  prosaïques  occupa- 
tions, elle  trouverait  désormais  dans 
son  talent  poétique  des  ressources 
qui ,  suppléant  aux  fruits  de  son  la- 
t>eur  quotidien,  lui  permettraient  de 
subvenir  aux  besoins  de  sa  mère,  et  de 
satisfaire  ce  désir  de  gloire  qui  l'agi- 
tait, elle  ne  rêvait  plus  qu'au  bonheur 
de  venir  habiter  Paris.  Là,  elle  se  flat- 
tait de  s'assurer  sou$   peu  une  celé- 

Lxxnr. 


MER 


4€6 


bi  itë  durable,  en  même  temps  qu'elle 
trouverait  cette  placidité  d'esprit  que 
ses  illusions  de  jeunesse  lui  représen- 
taient comme  inséparables  de  la  cul- 
ture des  lettres  et  des  arts.  Ses  vœux 
furent  bientôt  exaucés.  Le  petit 
poème  de  la  Gloire,  qu'elle  envoya 
à  M.  de  Martignac ,  lui  valut  ^  la  ré- 
ponse suivante  de  ce  ministre  :  «  J'ai 
»  lu  avec  beaucoup  d'intérêt ,  made- 

•  moiselle  ,  i' ouvrage  que  vous  avez 

•  bien  voulu  me  faire  connaître;  et 

-  je  vous  adresse  à  la  fois,  et  mes  re- 
«  mercîments   et    mes   compliments 

empressés.  La  Gloire,  que  vous 
■■■  avez  si  noblement  chantée,  ne  sera 
"  point  ingrate  ;  vous  vous  êtes    ar- 

-  rangée  de  manière  à  en  jouir  long- 
«  temps ,  et  vous  devez  espérer  de 
"  désarmer  l'envie,  parce  que  .votre 
"  jeunesse  obtiendra  grâce  pour  votre 

-  talent.  »  Cette  lettre  fut  accom- 
pagnée du  présent  dune  collection 
du  Jfuse'e  fmnrais  ,  par  Filhol,  et  de 
l'envoi  d'une  somme  justement  pré- 
levée sur  les  fonds  destinés  à  lencou- 
ragement  des  lettres.  Forte  de  ces  ho- 
norables suffrages  ,  et  confiante  daas 
la  bienveillante  assistance  de  ses  pro- 
tecîeuis,  elle^partit  avec  sa  mère  pour 
Paris,  en  1828.  Rien  ne  dut  d'abord 
la  faire  se  repentir  d  avoir  abandonné 
sa  province.  Présentée  à  M.  de  Mar- 
tignac, elle  en  reçut  le  brevet  d'une 
pension  de  1, 200  f.  Assurée  ainsi  de  son 
avenir,  elle  écrivit  à  Crapelet,  qui 
s  était  chargé  de  publier  une  seconde 
édition  de  ses  poésies  :  «  Je  vais  tra- 
^  vailler  à  force  ;  j'ai  du  courage 
"  à  présent.  -  Cette  seconde  édition, 
augmentée  de  nouvelles  pièces,  pa- 
rut en  1829,  in-18,  grand-raisin  vélin. 
Elle  est  précédée  d'une  préface,  où 
l'éditeur  a  donné  quelques  détails  sur 
1  auteur.  M"'  Mercœur  eut  Ihonneur 
d'en  présenter  un  exemplaire  à  Char- 
le*  X.  Vers  la  même  époque ,   elle 

30 


466 


MER 


conçut  l'idée  d'écrire  pour  le  théâtre, 
oîi  elle  se  flattait  d'actjuérir  une  illus- 
tration que  nulle  femme  n'avait  en- 
core obtenue.  Ayant  commencé  une 
ti-agédie  dont  elle  emprunta  le  sujet 
au  Gonzalve  de  Florian,  elle  en  com- 
muniqua les  deux  premiers  actes    à 
M.  MeUinet.  C'est  la  pièce  qu'elle  ter- 
mina sous  le  titre  des  Ahencerrages, 
ou,  suivant  un  de  ses  biogrtiphes,  sous 
celui   de    Boabdil,    roi   de    Grenade, 
dédiée    à    madame    Récamier.     Elle 
écrivit    en    même     temps    quelques 
actes  d'une  tragédie  historique  dont 
Cromxvell  était  le    héros.   Des  frag- 
ments qu'elle  en  lut  à  quelques  Nan- 
tais  étaient  empreints  d'une    poésie 
mâle  et  vigoureuse,  que  ne  semblaient 
pas    promettre  ses    premiers    essais 
élégiaques.    A   l'abri  des  besoins  les 
plus  pressants,  en  possession  déjà  de 
cette  célébrité  qu'elle  avait  convoitée, 
rien  ne  semblait  manquer  à  son*  bon- 
heur ;  mais  ce  bonheur  dura  peu,  elle 
reconnut  bientôt  la  justesse  des  con- 
seils de  M.  MeUinet.  Les  succès  avaient 
réveillé  l'envie;  la  médisance,  la  ca- 
lomnie   même     empoisonnaient    ses 
joies.  Incapable  du  mal  ,  elle  ne  le 
soupçonnait  pas  même    chez  les  au- 
tres. Quand  une  triste  expérience  lui 
eut  dessillé  les  yeux,  son  âme  fut  bri- 
sée; elle  tomba  dans  le  découragement 
et  se  prit  à  désirer  la  mort,  l'eu  après 
survinrent  les  événements  de  juillet, 
qui  entraînèrent  la  perte  de  sa  pen- 
sion  sur    la    liste    civile  et  de  celle 
({u'elle    touchait   sur    les    fonds    du 
ministère  de    l'intérieur.   Cette  der- 
nière seule,  réduite   de  300  francs  , 
lui  fut  restituée  à  la    sollicitation    de 
M.  Casimir  T)elaviRne.  Accueillie  dans 
les   salons  <le  l'arîstocratie  littéraire, 
M""  Mercœur  avait  t^ontracté  des  ha- 
bitudes qui    faisaient    toute    sa    vit), 
maiji  qti'il  hn   eût  été  désormais  im- 
pos»ible  de  éatisfaiie,  m  «11»-  '»'  f-^'  ^"* 


MER 

de  nouveau  résignée  à  travailler  pour 
vivre.    Elle  ne   fut    donc  plus  poète 
qu'à   de  rares   intervalles    d'inspira- 
tion,  et  fit  de  la  prose  qu'elle  vendit. 
Son  premier  essai  en  ce  genre  fut  une 
nouvelle   intitulée  :   La    comtesse  de 
Fillequiers.  insérée  en  1833  dans  le 
tome  1"   des    Heures  du    soir.  Cette 
composition  prouva  que  M"'  Mercœur 
n'avait  pas    besoin   de   recourir  aux 
charmes  de  la  poésie  pour   captiver 
ses  lecteurs.  Aussi  M.  Henri  Richelot 
ne  fut-il  que   l'écho  de  l'opinion  pu- 
blique ,  lorsqu'il   apprécia,   dans  les 
termes  suivants,  l'essai  que    sa  com- 
patriote venait  de  faire  dans  le  roman 
liistorique.   «  Cette  nouvelle  de   M"' 
«  Mercœur,  le  morceau  fondamenlal 
«  du  premier   volume  du    Livre  des 
«  femmes  ,  révèle  une  autre  face  jus- 
u  qu'ici  inconnue  de  son  talent,  une 
^  grande  puissance  dramatique  et  une 
«  vigueur  de  pensée    extraordinauc. 
»  La  donnée  historique  était  peu   de 
r.  chose  :  c'était,  sans  autres  détails.  I  a- 
«  troce  lâcheté   du  comte  de   Villo- 
«  quiers,  faible  germe  qu'une  imagma- 
u  tion  puissante  et  riche  a  puissam- 
"  meiHA^condé.  U  y  a  dans  la  nouvelle, 
u  comme  dans  toute  nouvelle  histo- 
<^  rique,  deux  choses,  f  histoire    et  le 
..  roman.  Le    roman  et    l'histoire   se 
.  sont   admirablement     pénétrés     et 
«  fondus  sous  la  plume    de  fauteur. 
»  L'époque  est  bien  comprise ,  fidèle- 
>.  ment  représentée;- et  c'est  merveille 
«  de  voir  avec  quelle  facilité  et  quel 
..  art  les  événements  ont  été  plies  à 
..  la  fable,  et  servent  à   son  dévelop- 
.  pement .  loin  tle  le  gêner.  Pour  le 
«  roman ,  c'est  une   composition   vi 
>.  goureusc  et  pure  ,  où  chaipie  pei 
.  sonnage  n  «a  physionomie  propre  et 
.  vivement  caractérisée,  où  toutes  lc> 
„  scènes   sont  habilement  amenées 
..  c'est  un  vaste  tableau,  i>lein  démon 
4  veroentetdevic,  oii  tout  est  dispo«^. 


MEE 

dans  l'ordre  le  plus  artistique  possi- 
ble. »  M"'  Mercoeur  n'avait pouitant 
las  entièrement  renoncé  à  la  poésie  ; 
ar,  à  1  époque  même  oii  elle  écrivait 
1  Nouvelle  dont  nous  venons  de  rap- 
lorter  l'analyse  ,  elle  adressait  à  la 
ociété  académique  de  Kantes,  sous 
?  titre  de  Souhaits  à  la  France^  des 
ers  dictés  par  l'amour  désintéressé 
ie  la  patrie.  Ces  vers,  que  la  Société 
Nantaises  empressa  d  insérer  dans  scr 
innales,  après  une  lecture  en  assem- 
ilée  générale  ,  accusaient  la  même 
orce  et  la  même  richesse  que  le  di- 
liyrambe  qui,  précédemment ,  lui  a- 
ail  été  inspiré  par  les  événements  de 
uillet.  L'année  suivante,  elle  publia, 
lans  le  Livre  rose  (III,  i834-)  ,  une 
lutre  nouvelle  intitulée  :  /.«  double 
nois.  Le  profit  pécuniaire  que  lui  pro- 
urèrerit  ces  nouveaux  travaux  étant 
nsufEsant.  elle  foiunit  simultanément 
les  articles  au  Conteur,  à  l'Opale,  au 
ielatn  ,  aux  Annale^  rnmaiitiifues  ,  à 
a  France  littéraire  ,  à  la  Revue  de 
Ouest  ,  au  Journal  des  femmes .  au 
Journal  des  jeunes  Personnes ,  au 
'^rotée,  etc.,  etc.  plie  avait  accepté 
ivec  courage  sa  nouvelle  position,  et 
ion  énergie  morale  eût  fini  par  lui 
aire  oublier  Icn  amères  déceptions 
mxquelles  elle  avait  un  mouient  failli 
uccombeijsi  une  maladie  de  poitrine, 
léveloppée  par  les  veilles  et  lf;s  fa- 
igues,  n'était  venue  l'enlever,  le  7 
invier  18.35,  à  une  mère  éplorée  et 
lux  nombreux  amis  fjuelle  s'était  ga- 
inés par  l'aménité  de  son  caractère, 
l'oublions  pas  de  dire  que  M.  Guizot, 
épondant  à  l'appel  que  M"""  Merçoeur 
li  fit,  de  son  lit  de  mort,  dans  des 
ers  oi»  respirait  une  douloureuse 
mertume,  s'empressa  d'adoucir  ses 
erniers  instants,  en  lui  envoyant  les 
îcours  qu'elle  sollicitait  pour  "une 
lère  que  sa  mort  allait  réduire  à  l'ih- 
igenc*»  !  >î''»  Mercfvnr  a  lais.'ié  ,   in- 


MER 


46: 


dépendammcnt  des  ouvrages  déjà 
cités  :  1"  Les  Italiennes  ;  2°  Louis  XJ 
et  le  Bénédictin,  chronique  du  XV*" 
siècle,  conception  remarquable  ,  .d^t  , 
un  de  ses  biographe»  ,  par  sa  puù"  . 
sauce  dramatique  e(  son  narre  concis 
et  brillant;  3"  J^s quatre  Amours,vo- 
man  de  mœurs; 4"  que  iques  Souvelles^ 
dont  plusieurs  inédites  ;  o"  Un  Chant 
ébau<^^lié  pour  ie  bel  ouvrage  de  la 
l'ieille  Pologne,  publié  par  Charles 
Forster.  Ces  différents  travaux,  joiuts 
aux  Poésie <:  et  aux  articles  dissémluc-s 
dans  divers  recueils,  devaient  former 
l'édition  complète  des  oeuvTes  d'tlisa, 
dont  sa  mère  annonça,  plus  tard,  la 
publication  encore  attendue.  Une 
partie  de  l'intérçt  dont  M"'  Mer- 
cœur  avait  été  l  objet,  se  rama  un 
moment  en  faveur  de  sa  uière.  Un 
•  onceit,  dont  le  produit  lui  était  ré- 
servé, fut  organisé  par  les  soins  de 
M'"*  Mélanie  Waldor,  en  même  temps 
qu'une  souscription  couvrit  pour  l'é- 
rection d'un  monupient.  M.  Alfred 
de  Montferrand  eut  1  ingénieuse  idée 
de  venir  au  secours  de  |a  mère  en 
per()étuant  le  souvenir  do  la  fille. 
Tel  fut  le  but  du  recueil  vendu  au 
profit  de  M""-  Mercœur,  et  qui  parut 
sous  ce  titre  :  Fleui-^  sur  une  tombe, 
A  Elisa  .y/ercirur,parM.  Alfred  de 
Montferrand^  directeur  de  la  Bioara- 
plue  des  femmei.  rei m-il  composé  de 
pièces  inéditi  ins  de l  époque. 

Paris,  1836.  àii-t>  .  aiec  un  portrait 
fie  M""=  Mercdniï,  ùp  fac-similé  ai- 
son  écriture,  reproduisant  dans  son 
entier  la  charmante  pièce  du  Cen- 
tenaire, et  une  notice  biographique 
sur  elle,  par  M.  Alfre<l  de  Montfer- 
!  and.  Ce  recueil  >e  termine  par  une 
pièce  de  vers  de  M"'  Mélanie  Wal- 
dor, qiii  avait  déjà,'dans  le  feuilleton 
du  Journal  des  Débats  du  13  janvier 
1835,  consacré  à  la 'mémoire  île  sa 
jrnne  émule,  nn  Koiivenir  empreini 
in 


46d 


MER 


d'un  touchant  intérêt.  M.  Mellinet, 
qui  avait  été  le  premier  confident  des 
inspirations  poétiques  d'Élisa ,  com- 
posa une  notice  qu'il  inséra  dans  le 
t.  IX  des  Annales  de  la  Société  Aca- 
démique de  Natites,  avec  cette  épigra- 
phe :  La  nature  l'avait  douée  d'une 
de  ces  (imes  ardentes  qui  n'ont  d'au- 
tres ressources  que  les  passions  ou  les 
arts.  P-L--r. 

MEllCY-ARGENTEAU  (  le 

comte  François  de),  diplomate  autri- 
chien, descendait  d'une  famille  origi- 
'  naire  de  France  (voy.  MfcRcv,  XXVIIÏ, 
362).  Il   était,  à  l'époque  de  la  ré- 
volution ,    ambassadeur    de   la  cour 
de  Vienne  à  Paris,  depuis  plusieurs 
années.    En    1791  ,    il    se    concerta 
avec  le    ministre    Montmorin ,    afin 
d'obtenir  des  puissances  une  inter- 
vention purement  conciliatoire,  etfity 
dans   ce  but,   plusieurs  voynges    à 
Bruxelles  et  à  La  Haye.  Les  lenteurs 
de  la  diplomatie  ayant  rendu  nulles 
ces  négociations,  Mercy,  d'accord  en 
cela  avec  M.  de  (Jalonne  ,  pressa  Louis 
XVI  de  s'entuir.   Après  l'arrestation 
de  ce  prince  à  Varennes  ,  il  sollicita 
l'Angleterre  et  la  Prusse  de  s'unir  à 
l'empereur  dans  les  mesures  que  ce- 
lui-ci proposait  en  faveur  du  monar- 
que français,  il  alla  lui-mCme  à  Loff- 
dres,  vers  la  fin  d'août  1791  ,  ponr 
activer  les  négociations  ;  mais  les  m- 
trigucs  et  les  vues  secrètes    des  ca- 
binets empêchèient  que  l'on  obtînt 
aucun  résultat  satisfaisant.  La  cour 
de  Vienne  s'opposa  à  la  propositioa 
(ju'avait  faite  le  conseil  des  prince» 
français  émigrés,  <le  nonuner  une  ré- 
gence pendant  la    captivité  de  Louis- 
XVI.  Elle  suivait  en  cela ,  disent  le.* 
Métnoitcs  tirés  das  papiers  d'un  hom- 
me d'État,  les  erre  ments  du  comte  <\c 
Mercy,  qni,  homme  de  confiance  et 
principal  conseil  de  Maric-Antoinctlc, 
tt^ublait  l'esprit  -^e  cette  priiKe»9c^ 


liER 

en     lui    inspirant    des    craintes  sur 
l'ambition  des    comtes  de  Provence 
et  d'Artois.  Ce   furent  donc  les  in- 
trigues du  comte  de  Mercy  qui ,  op- 
posant le  roi  à  ses  frères  ,    jetèrent 
la  défiance    dans   une   famille  qui  , 
pour  son  salut,  devait  être  unie,  em- 
pêchèrent Léopold  de  donner  suite  à 
sa  circulaire  de   Padoue,  et  trompè- 
rent l'Angleterre  sur  la  situation  réelle 
de  Louis  XVI  et  de  la  France.  Mada- 
me Elisabeth ,  écrivant  à  cette  occa- 
sion à  madame  de  Raigcourt,  plaignait 
sa  belle-sœur  d'être  la  dupe  des  me- 
nées   de    l'ambassadeur    autrichien  ; 
et,  traitant  celui-ci  de  vieux  renard  , 
la   sœur  de  Louis    XVI    ajouta    ces 
prophétiques    paroles  :  Ce  qu'il  y  a 
à  craindre,    c'est    quelle  n'en  soit   ia 
victime   tout  comme  un  autre.  Quand 
Marie-Antoinette  eut  été  transférée  à 
la  Conciergerie  le  5  septembre  1793, 
pour   comparaître  ensuite  au  tribu- 
nal révolutionnaire ,   Mercy  ,    retiré 
alors  à  Bruxelles,  dépêcha  un  émis- 
saire à  Danton,    afin   de  l'en^ger   a 
épargner  l'auguste  victime,    s'imagi- 
nant  que  ce  chef  de  parti  avait  tou- 
jours une  grande  influence.  Il  s'abu- 
sait; Danton  ne  faisait  déjà  plus  par- 
tie du   comité  du  salut  public,  et  sa 
TKjpularité    déclinait.    Toutefois    on 
assure  qu'il  promit  son  appui,  et  que 
même  il  rejeta  l'ollVe   dune    somme 
considérable  pour  prix  de  ce  servi- 
ce  Plein  de  confiance  tlans  cette  pro- 
tection ,  Mercy  crut  d'autant  mieux 
qu'elle  suffirait  pour  sauver   la  reine 
,ue,  pendant  plus  d'un  mois,  l  illustre 

captive  parut  oubliée  à  la  Concierge- 
rie. Mais  on  vit  bientôt  tout  le  vide  et 

l'inefficacité  de  cette  négociation  clan- 
destine. Le  comte  de  Mercy  ,  qui 
dans  ce  moment  suivait  à  Bruxelles  , 
de  concert  avec  le  comte  de  Trautt- 
mansdorff ,  une  né,;ociation  du  plu^ 
haut  intérêt  avec  le  comité  du  salui 


MER 

public,  aurait  pu  sauver  cette  prin- 
cesse par  des  voies  directes  et  plus 
efficaces.  Mais  il  est  évident  que  le 
cabinet  de  Vienne  ,  alors  dirigé  par 
Thugut,  ne  le  voulait  point,  puisqu'il 
repoussa,  à  la  même  époqne,  les 
offres  que  lui  fit  Maret ,  de  la  part 
du  comité  qui  réunissait  tous  les 
pouvoirs  {voY.  Mahet,  dans  ce  volu- 
me, et  KiLMAi>E,  LXVIIIj  519,  note). 
Après  les  revers  de  Wattignles  et  de 
Weissembourg,  le  comte  de  Mercy, 
qui  était  l'âme  du  parti  autrichien  à 
Bruxelles,  sollicita  vivement  l'empe- 
reur de  paraître  en  Belgique ,  sous 
prétexte  de  vaincre  la  résistance 
des  États  du  pays  aux  demandes 
de  l'Autriche.  Il  regardait  comme 
indispensable  qu'on  s'occupât  de 
resserrer  les  liens  de  l'alliance  avec 
l'Angleterre ,  et  qu'après  avoir  aug- 
menté la  grande  armée ,  on  prît 
immédiatement  l'offensive.  Ce  fut 
lui  qui  décida  l'empereur  à  re- 
mettre le  baron  de  Mack  (  voy. 
LXXII,  284),  à  la  tête  de  l'état-major, 
comme  étant  le  seul  capable  de  con- 
cevoir un  plan  d'opérations  combi- 
nées. Le  comte  de  Mercy  s  étant  ren- 
du à  Londres,  en  1794,  pour  confé- 
rer avec  Pitt,  mourut  dans  cette  ville 
le  25  août  de  la  même  année.  A^— v. 
MERCY  -  ARGEXTEAU  (le 
comte  FtORiMOND-CLivoE  de),  général 
autrichien,  frère  du  précédent,  com- 
mandait un  régiment  a  l'armée  d'Ita- 
lie, lors  de  la  première  campagne,  en 
1794.  Après  avoir  remporté  quelques 
avantages  sur  les  Français,  à  Orméa, 
le  16  mai  1795,  et  à  Palestrino,  le  1" 
octobre  suivant,  il  se  laissa  surprendre 
à  Loano ,  ce  qui  décida  la  perte  de 
cette  bataille  (  voy.  Scherer  ,  XLI , 
112).  Le  général  en  chef  de  Vins, 
ayant  été  soumis  à  un  conseil  de 
guerre,  rejeta  toute  la  responsabilité 
sur  Mercy,  qui  dat  à  son  tour  rendre 


MEB 


469 


compte  de  sa  conduite  devant  un  con- 
seil de  guerre  assemblé  à  Milan.  D  a- 
près  le  choix  des  juges  et  le  résultat 
de  l'enquête,  il  y  a  lieu  de  croire  que 
ce  général  n'avait  fait  que  suivre  les 
instructions  secrètes  de  la  cour  de 
Vienne ,  dont  il  possédait  toute  la 
confiance.  En  effet,  non-seulement 
Mercy  fut  acquitté,  mais  il  obtint 
même,  peu  de  jours  après,  le  grade 
de  feld-maréchal-lieutenant.  Chargé, 
en  1796,  d'un  commandement  sous 
les  ordres  de  Beaulieu,  il  joua  le  mê- 
me rôle  que  Tannée  précédente.  A- 
près  avoir  porté  son  quartier-général 
à  Novi,  disent  les  Mémoires  tirés  dei 
papiers  d'un  homme  d'État,  Beaulieu 
partagea  son  armée  en  trois  corps  : 
la  droite,  composée  de  Piémontais 
commandés  par  Colli,  ayant  son  quar- 
tier-général à  Céva,  défendait  la  Stu- 
ra  et  le  Tanaro  ;  le  centre,  sous  les 
ordres  de  Mercy,  établit  son  quartier- 
général  à  Sascello,  qui  est  à  portée 
de  Montenotte.  Beaulieu  se  réserva 
de  diriger  lui-œênà/e  son  aile  gau- 
che,  destinée  â  couvrir  Gènes.  Son 
projet  consistait  à  charger  le  centre 
des  Français  à  Montenotte,  à  les  cul- 
buter et  â  se  porter  en  force  à  Savonc. 
et  là  ,  s^arant  farmée  française  en 
deux  pendant  sa  marche  sur  Gênes, 
d'enlever  les  troapes  postées  à  Vol- 
tri.  Mais  trompé  par  l'attaque  simu- 
lée de  Bonaparte  sur  Gênes,  et  plein 
de  l'idée  que  ce  général  voulait  dé- 
boucher en  Lombardie  par  les  dé- 
filés de  la  Bocchetta,  Beaulieu  se  porta 
en  personne  sur  Voltri  avec  les  dix 
mille  hommes  de  sa  gauche,  et  s'éloi- 
gna ainsi,  du  point  d'attaque  princi- 
pal qu'il  confia^à  Mercy,  en  lui  or- 
donnant de  se  trouver  avec  sa  divi- 
sion à  Dégo.  le  5  avril,  pour  de  là 
marcher  sur  Montenotte  le  6  et  l'at- 
taquer dès  le  point  du  jour,  de  concert 
avec  le   général  Iloccavina.  Quant  â 


,470 

lui  ,  iiiarcliant  en  toute  liâle  sur 
Vortri,  à  là  tété' de' ^ix  mille  hommes 
d,"élite,    il  y   attaqua    à   rimproviste 

^  Cérvoni  qui,  sui-pris,  abandonna  la 
ville  avec  précipitation  et  avec  perte. 
Mais  du  côté  de  Savone,  au  mépris  de 
l'ordre  qu'il  avait  reçu  de  marcher 

'  siir  Monteriôtte, 'le  6,  Mercy  ne  for- 
tna  son  attaque  que  le  10  au  matni. 

^  Cependant,  malgré  les  renforts  que  les 
Français  avaient  reçus  la  veille,  toutes 
leurs  positions  furent  enlevées, exce{)té 
la  dernière  redoute,  vaillamment  dé- 
fendue par  le  chef'  de  brigade  Ram- 

.  pon.  Cet  officiel*  avait  repoussé  trois 
attaques,  dank  l'une  desquelles  Roc- 
caviria  reçut  une  blessure  grave.  Au 

'  moment  d'être  transporté  de  Monte- 
notte  à  Dégo  pour  y  être  patisé,  ce 
général  recommanda  avec  instance  à 
Mércy  de  livrer  l'assaut  à  la  re- 
doute pendant  la  nuit,  et  de  s'en 
mettre  en  possession  avant  l'arrivée 
des  renforts  qu'attendaient  les  Fran- 
çais. Mercy  en  donna  l'assurance, 
mais  il  n'agit  point ,  et  cette  faute 
éribrme  décida  du  sort  de  Ifi  canj- 
pagne,  peut-être  de  celui  de  l'Eu- 
rope. En  effet ,  marcliaiit  dans  la 
nuit  même  avec  les  divisions  Au- 
gereau  et  Masséna ,'  c'est-à-dire  avec 
des  forces  supérieures,'  Bonaparte 
déboucha  en  personne  an  point  du 
jour  derrièie  Monieiiotte.  Là,  Mercy, 
se  laissant  envelopper  de  tous  côtés, 
tint -à  peine,  et  sa  retraite  précipitée 
dégénéra  en  d^éi  oùte.  il  courùl  s'iso- 
lei"  par  iiit  cîrciJiV,'a  Parçto,'  à  tiois 
lipues.  derrière  Dego,  pouit  si  essen- 
tiel à  couvrir,  et  il  ouvrit  ainsi  l'I- 
talie aux  Fran<^.ais.  Cette  nouvelle  fut 
un  coup  de  ftuidire  piitil- Roiravina, 
blessé  et  gisaiit  à  Dé-go.  •  iVh?icY. 
..'  drt-il  à  ses.ariiis,  a  fait  trois  fautes 
..  plus  graves" le»  une»  <\iw  l«s  autres. 
.  Il  a  manque  d'attaquer  Monlenotte, 
•  le  jour  prescrit  par  le   général  en 


MER 

■■^  chef.;  il  n  a  pas  redonné  l'assaut  a 
«  la  dernière  redoute,  et  voici  quil 
<■  laisse  à  découvert  le  poste  de  Dégo, 
"  qui,  dans  ce  moment,  est  la  clef  de 
>  notre  ligne  d'opérations.  »  Mercy, 
qui  n'était  pas  dépourvu  de  talents, 
ni  étranger  au  métier  de  la  guerre , 
commit  sciemment ,  sans  doute ,  les 
fautes  qu'on  lui  reprocfiait  et  qui  eu- 
rent pour  résultat  de  livrer  l'armée 
piémontaise  au  vainqueur.  Aussi 
nous  n'hésitons  pas  à  regarder  ce 
général  comme  un  dés  instruments 
de  la  politique  tortueuse  du  cabinet 
autrichien  à  cette  époque,  politique 
dont  on  trouve  de  nombreuses  traces 
dans  les  négociations  secrètes  que 
cette  puissance  ne  cessa  d'entretenir 
avec  tous  les  pouvoirs  qui  se'  succé- 
dèrent en  France,  depuis  1792.  Mer- 
cy, accusé  par  Reaulieu  et  par  toute 
l'armée,  fut  mis  aux  fers  et  conduit 
à  Mantoue  pour  y  être  jugé  par  uu 
conseil  de  guerre;  mais  un  ordre  de 
la  cour  de  Vienne  suspendit  les  pour- 
suites, et  l'on  se  borna  à  lui  ôter  mo- 
mentanément son  commandement. 
F.ri  1808,  il  fut  de  nouveau  mis  en 
activité,  puis  nommé  général  d'ai 
tillerie.  Il  mourut  quelques  annc. 
plus  tard.  A     v. 

MÉUÉ.    /'())•.   c.vKNAflp  ,■  T-XVI, 

207. 

de),  couqwsiteur  de  musique,  naquii 
à  Paris,  en  17io.  Après  avoir  acquis 
la  n'putation  dhabile  organiste,  il 
s'adonna  à  la  composition  et  débuta. 
eii17f>7,  parla  cantate d'^/»»jc,  n-inr 
,fé  Golconde.  Il  écrivit  ensuite  des 
mf)tcts  et  des  oratorios  qui  curent 
beaucoup  de  succès,  surtout  son  /■^ 
ther  à  trois  voix,  morceau  d'une  mé- 
lodie élégante  et  d'une  liarmonie  pit- 
toresque. Mércaux  a  donné  au  Th'éA- 
tre  Italien  tiois  opéras  :  h;  retour  de 
la  tendreatc,  en  1780,  U  ressource  co- 


MER 

mique,  et  Laurette  ^  en  1783.  Deux 
de  ses  partitions  furent  représentées 
à  l'Académie  Royale  de  musique  : 
Alexandre  aux  Indei  ,  en  1785;  et 
OEdipe  etJocaste,  en  1797.  il  a  lais- 
sé manuscrites  trois  autres  pièces  : 
i'>  Les  Theimopyles,  paroles  de  Du- 
moustier;  2"  Scipion,  ou  la  Chute  de 
Carthage,  paroles  de  Lacombe;  3°  un 
sujet  persan,  paroles  de  Saulnier.    Z. 

MEREDITIl  (ÉboiARD),  né  en 
16t8,  était  Hls  du  curé  de  Landulp 
dans  le  comté  de  Cornouailles.  Il  fit 
ses  premières  études  au  collège  de 
Westminster,  et  alla  les  continuer 
dans  l'université  d'Oxford.  Guillaume 
Godolpbin  l'emmena  en  Espagne,  en 
qualité  de  secréuire  d'ambassade. 
Aussitôt  qu'ils  eurent  tous  les  deux 
embrassé  la  religion  catbolique  dans 
ce  pays,  Mereditb  revint  en  Angle- 
terre, oii  il  se  distingua  par  différents 
écrits.  Après  la  révolution  de  1688, 
il  passiT-sur  le  continent  et  mourut 
en  Italie.  On  a  de  lui  .  I.  Des  Be- 
marques  sur  le  Julien  [Apostat^  de 
Samuel  Jolmson,  Londres,  1682.  II. 
Relation  de  la  conférence  entre  le 
docteur  StilUngfieel  et  Pierre  Goodin, 
1687,  in-i".  m.  Remarques  sur  une 
conférence  entre  Tenison  et  Putton. 
IV.  Remarques  ultérieures  sur  la  re- 
lation que  Tenison  a  donnée  de  cette 
conféreuie,    1687,   in-4°.      T — d. 

MEREDITH  (Hknri),  voyageur 
anglais,  avait  fait  un  long  séjour  à  la 
(Jôte-d'Or,  comme  employé  de  la 
compagnie  d  Afrique.  ?5ommé  gou- 
verneur du  fort  d'Ouinnébah,  à  lest 
d'Aurom  dans  le  pays  d'Assim,  il  em- 
ploya ses  moments  de  loisir  à  décrire 
le  pays  qu'il  habitait  depuis  si  long- 
temps. A  peine  le  livre  venait  de  pa- 
raître, au  commencement  de  1 8  i  2,  que 
l'on  apprit  la  mort  tragique  de  l'auteur. 
I^s  Achantins  ayant  envahi  le  terri- 
toire des  Fantins  en  1811,  les  habi- 


MEE 


471 


UnU  d'Ouinnébah  allèrent  rejoindre 
ces  derniers  dont  ils  dépendaient. 
Presque  tous  les  guerriers  d'Ouinné- 
bah perdirent  la  vie  sur  le  champ  de 
bataille,  entre  autres  Assibarla,  un  de 
leurs  chefs.  Six  mois  après,  ses  héri- 
tiers vinrent  demander  au  sergent  du 
fort  un  grand  coffre  fermé,  qui  lui 
avait  été  remis  par  le  défunt  avant 
son  départ.  Il  le  leur  rendit,  mais 
deux  jours  après  ils  le  renvoyèrent  au 
sergent,  avec  cette  déclaration  :  •  Puis- 
que tu  as  gardé  les  mille  once»  d'or 
que  le  coffre  contenait,  garde-le  aus- 
si. »  Le  sergent  nia  l'accusation.  Di- 
vers messages  et  pourparlers  eurent 
lieu  relativement  à  cette  affaire,  et 
n  amenèrent  aucun  résultat.  Il  fut 
convenu  que  la  décision  de  ce  dif- 
férend serait  dévolue  au  gt  and  féti- 
che ou  prêtre  du  pays  de  Braffou. 
Le  sergent  ,  ayant  reçu  de  Mere- 
ditb une  avance  sur  sa  paie,  envoya 
des  messagers  à  Braffou.  L'oracle 
prononça  contfe  lui  :  celui-ci^  fort  de 
sa  conscience,  protesta  contre  la  ré- 
ponse rendue.  Le  fétiche,  consulté  de 
nouveau,  se  fâcha  de  ce  qu'un  témé- 
raire osait  douter  de  son  infaillibilité, 
et  lui  I  appela  qu  il  avait  porté  l'or  k 
Mereditb  en  lui  disant  de  le  bien  gar- 
der et  promettant  de  partager  avec 
lui.  Le  sergent  ayant  persisté  à  se  dé- 
clarer innocent,  les  paymings  ou  ma 
gistrats  vinrent  au  fort  pour  annon- 
cer ofliciellement  à  Mereditb  le  ju- 
gement prononcé  par  le  fétiche.  Me- 
reditb leur  demanda  si  réellement 
ils  crovaient  qu'il  eût  volé  cet  or  : 
i.  Xous  n'avons  jamais  entendu  dire, 
•■■  répondirent-ils,  qu'un  blanc  ait  ja- 
«  mais  volé  un  noir;  mais,  ajouterent- 
-  ils,  ce  n'est  pas  nous,  c  est  le  fétiche 
•  qui  l'a  dit.»  Le  lendemain  matin,  6 
février  1812,  pendant  que  Mereditb 
se  promenait  dans  son  jardin,  les  nè- 
gie*  y  pénétrèrent  et  se  saisirent  de 


472 


MER 


IVŒR 


lui,  ainsi  que  du  sergent.  Ils  arrachè- 
rent  de    ce  dernier  tous  les  aveux 
qu'il  leur  plut  d'exiger,  en  le  mena- 
çant de  le  tuer  avec  toute  sa  famille. 
Aussitôt  que  l'on  sut  dans  le  fort  que 
Meredith  avait  été  arrête  par  les  nè- 
gres de  la  ville,  un  employé  alla  les 
trouver  pour  les  exhorter  à  relâcher 
leur   prisonnier.  -Ce  ne   fut  qu'avec 
bien  de  la  peine,  et  après  avoir  par- 
couru une   distance  de  trois  milles, 
qu'il  obtint  la  permission  de  lui  par- 
ler.  Ils    l'avaient    entraîné    tête  et 
pieds    nus    à    travers   un   champ    à 
rfaerbe     duquel   ils   avaient    mis   le 
feu.  Ils  s'opposèrent  long-temps  à  ce- 
que  Meredith  remît  à  l'employé  les 
clefs  de  son  secrétaire,  craignant  que 
celle  du  magasin  à  poudre  ne  se  trou- 
vât dans  le  nombre,  ce  qui  eût  mis 
à  même  de  canonner  la  ville.  Enfin  , 
après   bien  des   difficultés,  l'employé 
retourna  au  fort;  peu  s'en  était  fallu 
que  les   nègres  ne  le  retinssent  pri- 
sonnier. Aussitôt  qu'il  fut  rentré,   il 
mauda  bette    triste  aventure  à  Jean 
Hope  Smith,  gouverneur  du  fort  de 
Tantum.  Smith,  arrivé  le  lendemain 
malin  à  Ouinnébah  ,  apprit  que  déjà 
les  nègres  avaient  sommé  l'employé 
de  leur  fournir  des  marchandises.  Il 
voulut    aller   voir    son    malheureux 
compatriote  ;  ils  exigèrent  de    lui  la 
promesse  de   leur  payer  une  grosse 
somme  en  or;  et  ne  le  laissèrent  re- 
partir   qu'ail    bout  de   24    heures  . 
après  qti'il  se  fut  engagé  à  leur  comp- 
ter, pour  la  rançon  de  Meredith,  225 
onces  d'or  et  beaucoup  d'objets  ,   le 
tout  formant   un    total  d'onze   cents 
livres  sterling.  Les  bourreaux  de  Me- 
redith avaient  consenti  à  le  ramener 
dans  une  maison   de  la  ville  ;  l'em- 
ployé y  accourut,  et  le  trouva  dans  un 
«îiat  désespéré.  Meredith ,  qui  sentait 
sa  fin  approcher,   fit  à  la  hâte  quel- 
ques changements  à  son  testament. 


et  mourot   après    une  torture  de  48 
heures.  Quand  la   nouvelle  en  par- 
vint au  fort,   les  nègres  qui  étaient 
occupés  à  recevoir  la  rançon  promise, 
sortirent  précipitamment,  sans  rien 
emporter.  Le    corps    de    Meredith, 
transporté  dans  le  fort,  y  fut  enterré 
avec  tous    les  honneurs  dus   à    son 
rang.  Les  nègres  retournèrent  ensuite 
chercher  leur  or.  Cet  attentat  ne  tarda 
pas  à  être  puni  ;  une  frégate  anglaise 
mouilla    devant  Ouinnébah  ,   prit  à 
bord  les  employés  de  la  compagnie, 
détruisit  cette  ville  et  en  dispersa  les 
habitants  dans  les  forêts  voisines.  De- 
puis  ce  temps,  l'emplacement  qu'elle 
occupait  est  abandonné,  malgré  les 
soUicitations  des' nègres  pour  que  les 
Anglais  s'y  établissent  de  nouveau. 
On  a  de  Meredith  en  anglais  :  Rela- 
iion  de  la  Côte-d'Or  en  Afrique,  avec 
une  hislott'c  succincte  de  la  conipacjnie 
d'Afrique,  Londres,  1812,  in-8°,  car- 
te. Ce  livre  est  tm  de  ceux  qui  ren- 
ferment sur  la  Cûte-d'Or  les  notions 
les  plus  exactes  et  les  plus  complètes. 
Il  fait  commencer  ce  pays   à  Issiny. 
à  20  lieues  à  l'ouest  du  oap    ApoUo- 
nia ,  et  le  termine  à  Accra ,  estimant 
son  étendue  à   260  milles.  Dans  un 
autre  endroit    de  l'ouvrage,  clic  va 
du  même  endroit  jusqu'à   l'embou- 
chure du  Rio-Volta,ce  qui  lui  donne 
une  longueur  de  350  milles;  la  carte 
est  conforme  à  cette  dernière  énon- 
ciation.  Quoique  Meredith  répète  né- 
cessairement beaucoup  de  choses  di- 
tes avant  lui  par  d'autres  voyageurs, 
sa  relation  contient  néanmoins  des 
observations  nouvelles  et  intéressan- 
tes sur  la  nature  du  pays»,  les  mœurs 
deshabitants  et  l'histoire  de  leurs  guer- 
res. Eu  parlant  de  la  ville  d'Ouinnébah 
ou  Simpah,  à  laquelle  le  fort  anglaises! 
contigu,  il  expose  les  inconvénients  et 
les  dangers  de  cette  position,  sans  se 
douter  que  bjentôl  il  en  serait  la  vie- 


MER 

time.  Il  remarque  aussi  que  le  nom- 
bre des  soldats    de  la   garnison  est 
insuffisant  pour   se   défendre  contre 
les  nègres  qui  sont  turbulents  et  fé- 
roces ;  il  cite  plusieurs  exemples  de 
leur  caractère  farouche  et  perfide,  et 
ajoute'  qu'un   gouverneur   doit  s'as- 
treindre à  ne  pas  s'éloigner  du  fort, 
s'il  ne  veut  pas  couiir  le  risque  d'étie 
attaqué  et  pris.  Comment  a-t-il  suc- 
combé à  un  péril  qu'il  avait  si  bien 
prévu?  Au  sujet  de  Cluistiansbourg, 
fort  des  Danois,  Meredith   note  que 
ces  Européens  ont,  les  premiers  sur 
h  Côte-d'Or,   aboli   la  traite  des  es- 
claves et  se  sont,  les  premiers,  adon- 
nés à  l'agriculture  et  aux  plantations. 
Meredith   avait  fait  passer   son  ma- 
nuscrit à  l'institution  africaine,  dans 
le   mois   de  novembre  181i.  L'An- 
glais  à  qui   ce   manuscrit  fut  confie, 
avait   lui-même  séjourné  H  ans  en 
Afrique.  Il  a  ajouté  quelques   note>^ 
fort  judicieuses  à  l'ouvrage  ;  malheu- 
reusement, elles  sont  en  trop  petit 
nombre.  Comme  Meredith   avait  en- 
vové  une  addition  à  son  manuscrit, 
pendant  qu'on  l'imprimait,  on  ne  put 
la   fondre  dans    l'ouNTage  ;    elle    se 
trouve  à  la  suite  ;  de  sorte    que  ces 
deux  parties   présentent  parfois  des 
répétitions  ,    des  contradictions  ,    et 
qu'il  est  très-difficile  de  démêler  ce 
qui  doit  être  adopté  comme  exact.  La 
catastrophe  de  Meredith  est  racontée 
par  Guillaume  Huttpn,  ancien  consul 
en  Achanti,  dans  le    livre    intitulé  : 
Voyacje  en  Afrique,  contenant    la  re- 
lation dune    ambassade   envoyée,    eu 
1810,  dans  un  des  royaumes  de  l'inté- 
rieur, Londres,  1821,  in-S".  carte  et 
figures  coloriées  ;  traduit  en  français, 
par  Torel    de  la  Trouplinière,  Paris, 
1823,  in-S",  carte  et  fi{jures  coloriées. 
E— s. 

MEREZ    (Gt-ILàUME-ICNACE     dp', 

abbé   de  Sauve,    prévôt  de  l'éçlise 


MER 


473 


cathédrale  d'Alais,  naquit  à   Nîmes 
le   14   octobre    1653.    Il    avait   été 
pourvu  dans  Féglise    de  cette  ville, 
au  sortir  du  séminaire  de  Saint-Sul- 
pice,   d'un    canonicat    que   lui  avait 
résigné  un  de  ses  oncles,  surnommé 
le  juste  à  cause  de  sa  haute  vertu. 
Merez    s'adonna    particulièrement    à 
l'étude  des  matières  de  controverse. 
Il  les  prêcha  d'abord  à  ISîmes,  et  fut 
ensuite   envové    dans    les    Cévennes 
pour    y    convertir    les    protestants. 
On   assiu"e  qu'aidé  par  les  rigueur* 
du  gouvernement ,    il    y    obtint   de 
grands   succès,  il  devint  vicaire-gé- 
néral   du   diocèse    d'Alais,    au   mo- 
ment de    rércction  de  cet  évéché , 
en  1694.  Les  fonctions  de  la  dignité 
dont  il  fut  revêtu  dans  la  même  égli- 
se, frn  1701,   et  sans  doute  aussi  la 
guerre  des   Camisards,  ne  lui  per- 
mirent plus  de  répandre  lui-même 
sa  doctrine  dans  les  campagnes;  il 
tacha  encore  de  l'v  faire  pénétrer  au 
moven  d'un  livre  qu'il  composa  sous 
le      titre      d'Entretiens    d'Arquée    et 
Néotère  sur  les   divers  sujets  qui  re- 
gardent la   religion,   Lyon,  1706,  2 
vol.  in-12.  Cet  ouvrage  eut  une  se- 
conde édition.  Il  fit   aussi  imprimer 
trois  Lettres  spirituelles,  l'une  sur  la 
vérité  de   la  religion  ;    l'autre  sur  tes 
moyens  de  concilier   les  devoirs  reli- 
gieux avec  ceux   de   la   société  civile  ; 
la  troisième,  sur  les  pratiques  de  dé- 
votion pendant  toffice,  pour  les  per- 
sonnes qui   n'entendent   pas  le  latin. 
Il  a  laissé  inédit  un  traité  sur  la  vé- 
rité   de  la  religion  chi-étienne,  inti- 
tulé :  Entretien  deHliéodule  et  Cormo- 
phile.  Pour   récompense  des  travaux 
de  l'auteur,  on  lui  offrit  le  siège  épis- 
copal  d'Alais,  à  la  mort  du  premier 
évêque ,    mais    il   le    refusa  et  opta 
pour  une  abbaye.  \a  théologie  n'é- 
tait pas  le  seul  objet  de  ses  médita- 
tions ;  il  se  dédommageait  de  l'aridité 


474 


MER 


de  cette  science  par  quelques  incur- 
sions dans  le  champ  de  l'éloquence 
profaneetdans  celui  de  la  poésie.  Ses 
compositions  en  ce  genre,  tant  lati- 
nes que  françaises,  sont  honorable- 
ment mentionnées  dans  les  registres 
de  l'Académie  royale  de  INîmes,  dont 
il  fut  membre.  Il  mourut  dans  cette 
ville,  le  3  janv.  1721.         V.  S.  L. 

MERFELDT.  Foy.  Meerveldt, 
dans  ce  vol. 

MÉRIADEC  (Saint),  en  (atin 
Mereadocus,  descendant  de  Conan 
Mériadec,  premier  roi  de  la  Breta- 
gne Armorique,  naquit  dans  ce 
pays,  vers  le  commencement,  du 
VU'  siècle.  Il  passa  les  premières  an- 
nées de  sa  jeunesse  à  la  cour  de 
Hocl  III.  Mais  dégoûté  bientôt  de  ce 
séjour,  où  sa  piété  n'avait  pourtant 
reçu  aucune  atteinte,  il  vint  trouver 
Hingueten,  évêque  de  Vannes,  qui 
lui  conféra  le  sacerdoce  et  l'admit 
dans  son  clergé.  Bien  que  sa  nais- 
sancCvCt  sa  fortune  lui  assurassent  les 
plus  hautes  dignités  ecclésiastiques,  il 
leur  préféra  la  vie  solitaire  ;  et,  entière- 
ment dégagé  du  monde,  il  se  démit  de 
tous  ses  bénéfices,  distribua  son  patri- 
moine aux  pauvres,  et  se  retira  dans 
un  lieu  désert  de  la  paroisse  de  Stival, 
près  du  cjiâleau  de  Fontivy.  Résis- 
tant aux  instances  de  ses  parents  et 
de  ses  amis  qui  voulaient  le  faire 
rentrer  dans  le  monde,  ou,  tout  au 
moins,  le  dJteiiuiner  à  adopter  un 
autre  genre  de  vie,  il  simposa  les 
plus  rudes  austérités.  Il  vivait  ainsi 
depuis  (|uclque  temps,  quand  mou- 
rut l'évêque  de  Vannes.  Le  clergé  et 
les  principaux  habitants,  l'ayant  élu 
à  runanimilé,  lui  envoyèrent  une  dé- 
putation  chargée  de  rinforincrde  son 
élection;  mais  ils'obstinaà  ntuserlé- 
piscopat,  alléguant  «pi'il  en  était  indi- 
gne. On  obtint  alors  par  la  contrainte 
ce  qu'on  n'avait  pu   obtenir  par  la 


MER 

persuasion.  Tout  le  clergé  de  Vannes, 
auquel  se  joignirent  les  évêques  de  la 
province,  le  tira  par  force  de  sa  soli- 
tude, et  l'emmena  à  Vannes,  dont  il 
consentit  enfin  à  occuper  le  siège  épis- 
copal.  il  mourut  vers  666.  Il  y  a  en 
Bretagne  plusieurs  lieux  dédiés  à 
saint  Mériadec,  entre  autres,  la  cha- 
pelle du  château  de  Pontivy  et  une 
ancienne  chapelle  appelée  Traoun- 
Mériadec,  c'est-à-dire  le  Val-de-Mé- 
riadec,  en  la  paroisse  de  Plougasnou, 
dans  l'ancien  diocèse  de  Tréguier; 
elle  était  située  dans  l'endroit  où  est 
maintenant  la  chapelle  de  Saint- 
Jean-du-doigt.  Une  autre  chapelle 
lui  est  consacrée  dans  la  paroisse  de 
Stival ,  et  une  troièsime  à  Plumergat. 
La  vie  de  .saint  Méiiadec  se  trouvait 
dans  un  très-ancien  lectionnaire  de 
Vannes,  d'où  elle  a  passé,  revue  et 
corrigée,  dans  le  Bréviaire  de  la  même 
église  de  1589,  et,  plus  tard,  dans 
le  recueil  des  Bollandistes,  au  7  juin, 
t.  II,  p.  36.  Le  P.  Albert  Legrand  et 
1).  Lobineau  lui  ont  aussi  consacré 
des  notices  dans  leurs  Fies  des  Saints 
de  Bretagne.  P-  L — T. 

MÉRIAGE  (le  baron  Loris-Ai:- 
cusTK- François  Majuaok,  connu  sous 
le  nom  de),  général  hançais,  né  à  Va- 
lognes,  le  8  juillet  1767,  était  entre  au 
service  comice  simple  soldat  avant 
la  révoluton.  Après  s*éli-e  distingué 
dans  plusieurs  campagnes  et  avoir 
passé  par  tons  les  grades,  il  fut  nom- 
mé colonel  et  chargé  d'une  mission 
en  Turcjuie,  où  il  ht  preuve  de  ca-r 
jUtcité.  Il  devint  niarét  liai- de -camp 
le  19  octobre  181-2.  iMessé  à  KrasT 
iioï,  pendant  la  retraite  de  Moscou, 
il  tomba  dans  les  mains  des  Russes, 
et  fut  conduit  prisonnier  de  guerre 
dans  riJkrainc,  d'où  il  ne  revint  en 
Irance  qu'après  la  Beslauialion.  il 
commanda,  en  juin  18L'>,  les  gardes 
nationales  de  la  3*  division  militaire. 


MER 


MER 


475 


Kii  1823,  il  remplit,  à  larmée  de;» 
Pyrénées,  les  fonctions  d'aidc-major- 
général  et  se  retira  ensuite  à  Paris, 
où  il  mourut  le  8  décembre  1827. 
Le  généial  Mériage  était  baron  de 
l'empire,  grand-olHcier  de  la  Légion- 
d'Honneur  et  commandeur  de  l'ordre 
de  Saint-Louis.  M-t-d  j. 

MERIAX  (le  baron  A>dré-Adoi.- 
puK  de),  philologue,  né  à  Bàle  en  1772, 
vint,  jeune  encore,  à  Saint-Péters- 
bourg, et  entra  dans  les  biueaux  du 
ministère  des  affaires  étrangères  ; 
nommé  à  la  place  de  conseiller  d'É- 
tat, ir  remplit  d'une  manière  distin- 
guée les  devoirs  qu'elle  lui  imposait. 
Constamment  em[>lové  dans  la  car- 
rière diplomatique,  il  visita  plusieurs 
cours  de  lEurope,  et  fit  surtout  un 
long  séjour  à  Paris,  où  il  mourut  le  2o 
avril  1828.  L'étude  et  la  conversation 
des  savants  étaient  les  .seuls  délasse- 
ments qu'il  prit.  Sans  jouer  le  rôle  de 
protecteur  ,  il  encourageait  et  aidait 
de  ses  conseils  les  hommes  qui,  par 
goût,  s'adoiment  aux  lettres;  et,  grâce 
à  son  discernement,  il  a  ainsi  pro- 
duit un  bien  qui  honore  sa  mémoire. 
Personne  n'était  moins  prévenu  que 
lui  en  faveur  de  son  propre  mérite, 
et  tous  ceux  qui  l'ont  connu,  diront 
que  son  savoir  n'était  égalé  que  par 
son  extrême  modestie.  Jamais  il  n'a 
mis  son  nom  aux  ouvrages  qu'il  a  pu- 
bliés; peu  jaloux  de  la  renommée,  il 
cultivait  les  lettres  par  le  seul' désir 
d'être  utile  à  la  science,  s'inquiétant 
peu  que  l'on  sût  les  obligations 
dont  elle  lui  était  redevable.  On  a  de 
lui  :  I.  Tripartitum  :  seu  de  analoqia 
linguarum  Libellua,  Vienne  (en  Au- 
triche, 1820  à  1823,  folio  oblong). 
Kloproih  (i'.  LXVIII,  ,532)  fut  son  col- 
laborateur dans  la  composition  de  ce 
livre.  IL  Synglosse  oder  Grundsaetze 
der  Spracliforschung ,  von  Junius  Fa- 
ber  (Synglosse,  ou  principes  de  l'étude 


comparative  des  langues,  par  Junius 
FabeV),  Garlsruhe,  1826,  in-8».  uî. 
Le  même  ouvrage  en  français,  por- 
tant son  nom,  et  suivi  d  Observations 
sur  les  racines  des^  langues  séniitiijues 
par  Klaproth,  Paris,  1828,  in-8''.  La 
dernière  femlle  de  ce  livre  allait  être 
mise  sous  presse  ,  lorsque  l'auteur 
fut  enlevé  brusquement  par  la  rou- 
geole, après  quelques  jours  de  mala- 
die. Le  but  de  ce  livre  est  de  mon- 
trer que  les  racines  de  toutes  les  lan- 
gues du  monde  sont  originairement 
les  mêmes,  et  que  des  formes  sem- 
blables se  montrent  dans  les  idiones 
des  peuples  qui  présentent  entie  eux 
les  plus  grandes  différences  sous  les 
rap|x>rts  des  traits  du  visage  et  de  ia 
conformation  du  crâne.  Plusieurs  phi- 
lologues et  des  philosophes  avaient 
énoncé  la  même  opinion  avant  Mé- 
rian:  il  les  cite  et  leur  rend  justice. 
Ses  méditations  s'étaient  constam- 
ment portées  sur  l'étude  comparative 
des  langues,  et  on  peut  dire,  avec 
vérité,  qu'il  a  fait,  dans  cette  partii'de 
la  science ,  des  découvertes  impor- 
tantes ,  qu'il  a  considérsdilement  a- 
grandi  le  domaine  que  d'autres  avaient 
exploité  avant  lui,  et  que  ses  aperçus 
neufs  et  remarquables  parleur  finesse 
ont  révélé  des  vérités  qui  n'avaient 
pas  été  reconnues,  ni  même  entre- 
vues. Un  des  rédacteurs  d'un  journal 
littéraire  d'Allemagne,  avant  fait  de 
la  Synglosse  une  critique  qui  parut 
mal  fondée  k  Klaprotli,  s  attira  de  la 
part  de  celui-ci  une  réponse  dans 
laquelle  il  fut  tancé"  vertement  pour 
ses  assertions  hasardées.  Klaproth, 
chargé  par  Mérian  de  surveiller  la 
publication  de  son  ouvrage,  véiifia, 
autant  qu'il  lui  fut  possible,  tous  les 
faits  qui  y  sont  présentés.  Les  savants 
qui  avaient  examiné  les  langues  avec 
l'œil  scrutateur  du  philosophe,  s'é- 
taient  aperçus,  sans  peine,  que  les 


476 


MER 


radicaux  de  tous  les  idiomes  sont  de 
nature  monosyllabique.  Les  préten- 
dues racines  sémitiques  semblaient 
seules  faire  exception  à  cette  règle. 
Afin  d'éclaircir  Ce  point  important  de 
philologie,  Klaproth  s'occupa,  sur 
l'invitation  de  Mérian,  de  soumettre 
ces  racines  à  un  nouvel  examen;  et  il 
résulta  de  ce  travail  la  preuve  que 
les  véritables  radicaux  sémitiques  ne 
diffèrent  en  rien  de  ceux  des  autres 
langues.  Klaproth  a  dédié  à  Mérian 
son  Jsia  poljglotta  ;  hommage  hono- 
rable pour  tous  deux.  E — s. 

ME  11  ICI.  Voy.  ANGÈI.E,  LVI, 
318. 

MÉRIMÉE    (J.-F.-L.),    peintre 
d'histoire,  secrétaire  perpétuel  de  l'A- 
cadémie des  beaux-artSj  fut  chimiste 
aussi   habile  qu'artiste  distingué.  I-a 
science  lui  doit  un  livre  plein  d'ex- 
cellentes recherches   et  qui  a  pour 
titre  :  De  la  peinture  à  l'huile,  ou  des 
procédés  matériels  employés  dans    ce 
genre     de    peinture,    depuis    Hubert 
et  Jean  van  Eyck  jusqu'à   nos  jours, 
Paris,    1830,  in-S".  Comme  peintre, 
Mérimée   possédait  le  talent  rare  de 
rendre  avec  précision  les  nuances  les 
plus  délicates  de  la  pensée.  Ce  mérite 
brille    surtout   dans    le  tableau    qui 
représente     des    voyageurs    décou- 
vrant dans  une  forêt  les    ossements 
de  Milon  de  Crotone  et  «'expliquant, 
par  la  position  du  bras^  le  genre  de 
mort  du   célèbre    athlète.   Tout   le 
monde  connaît  son  tableau  de  I'/h- 
nocencc,  qui  a  été  si  bien  reproduit 
par  le  burin  de  licrvic.  Mérimée  mou- 
nil  à  Paris  le  26  sept.  1836.  Z. 

MEIVLE  ,  riche  propriétaire  de 
Màcoii,  fut  nonuné,  j)ar  le  Tiirs- 
îitat  de  cette  vill»;,  député  aux  Ktats- 
Géncraux  de  1789.  11  s'y  déclara  dés 
le  commencement  en  faveur  de  la 
révolution  et  fut,  en  cons('quence, 
élu ,  en  1790,  maire  do  Mâcon,  aux  ap- 


MER 

plaudissements  de  tous  les  habitants, 
qui  donnèrent  à    cette  occasion  des 
fêtes ,  des  bals ,  et  illuminèrent  leurs 
maisons.  Mais  cette  popularité  dura 
peu,  bien    que  Merle   continuât   de 
donner  à  l'Assemblée  nationale,  où  il 
était  membre  du  comité  des  recher- 
ches, des  preuves  du  plus  ardent  pa- 
triotisme.   Retourné  dans    sa    patrie 
aussitôt  après  la  session  et  ayant  es- 
sayé de  s'opposer  à  quelques  excès, 
il  vit  son  crédit  décroître  de  jour  en 
jour.  Ayant  manifesté  plus  vivement 
encore  son  opposition  à  la  révolu- 
tion du  31  mai  1793,  et  s'étant  par 
conséquent  montré  favorable  à  l'in- 
surrection de  Lyon,  il  fut  arrêté  dans 
le  mois  de    décembre   de  la  même 
année,    par  ordre    du    représentant 
Albitte.  Transféré  à  Lyon  avec  d'au- 
tres victimes,  et  condamné  à  i^ort  par 
l'atroce   commission    qui    ordonnait 
les  assassinats,  il  fut  conduit,  le  5  dé- 
cembre, dans  la  plaine  des  Brotteaux, 
avec     mille    autres    infortunés    que 
l'on  attacha  à  des  arbres  pour  y  être 
immolés    par     la     mitraille.     Merle 
n'ayant  d'abord  reçu  qu'une  blessure 
au  bras,   qui  lui  rompit  le  poignet, 
parvint   à  se  sauver  dans  la  campa- 
gne; mais  ayant  été   aperçu, par  des 
cavaliers  de  l'armée  révolutionnaire- 
il  fut  impitoyablement  achevé  à  coups 
de  sabre.  M— d  j. 

MERLEMOIXT  (Chahi-es  de  ou 
des  Courtils,  ou  Courtilz),né  au  cliâ- 
teau  de  Merlemont,  près  Beauvais, 
en  1*737,  appartenait  à  une  famille 
noble  et  ancienne,  originaire  du  Lim- 
bourg,  mais  établie  ilans  le  Beau- 
vaisis  vers  le  milieu  du  XIV'  siècle 
{voy.  ConniLZ  de  Sandrus,  X,  114). 
Destiné  par  sa  naissance  à  la  car- 
rière des  armcsç  Charles,  (pii  l)orta 
le  nom  de  Des  Courtils  jusqu'à  la 
mort  dû  son  père,  entra  fort  jeune 
au  service,  dans  le  régiment  de  Royal- 


MER 

Lorraine,  cavalerie,  fit  avec  distinc- 
tion   toutes    les    campagnes    de   la 
guerre  de  Sept- Ans,   et  se  trouva,  à 
la  paix,  chevalier  de  Saint-Louis  et 
capitaine  dans  le  même  corps.  Il  y 
avait  seivi    près   de  trente    années, 
lorsque,  ayant  perdu  son  père,  il  se 
maria,  et  se  retira  au  château  de  Mer- 
lemont.  Là,  pendant  le  peu  d'années 
qui  précédèrent  la  révolution ,  il  ga- 
gna, par  son  esprit  conciliant  et  par 
la  fermeté  bien  connue  de  son    ca- 
ractère,  une  telle  influence  dans  le 
pays  qu'à  la  création  des  gardes  na- 
tionales,  les  habitants   de    Beauvais 
furent  unanimes  pour  le  mettre  à  leur 
tête.  Dans  cette  nouvelle  position,  et 
malgré  la  difficulté  des  temps,  Mer- 
lemont  sut  toujoiu"s    se    faire  obéir, 
et  préserva   la  ville  de  Beauvais   des 
excès   et  des  troubles  qui  désolaient 
alors  la  France.  Cependant  son  aver- 
sion pour  les   idées  révolutionnaires 
n'était    un   mystère   pour   personne. 
Le   voyage  du    roi    à    Varenncs    lui 
fournit    une    nouvelle    occasion  de 
la  manifester.   A  peine  en  fut-il  in- 
formé, par  un  exprès  arrivé  de  Paris 
au   milieu  de  la  nuit,   que   tout  de 
suite  il  se  rendit  au  palais  de  l'Évê- 
ché,  pour  s'assurer  de  la  personne 
de  l'évêque    constitutionnel  Jlassieu 
{voyez  ce  nom,  dans  ce  volume),  et 
(le  celle   de   Stanislas   Girardin,  tous 
les  deux  ardents  révolutionnaires.  Ce 
dernier,   alors   président  de  l'admi- 
nistration du  département  de  l'Oise, 
raconte,  dans  ses  mémoires,  les  dé- 
tails de  cette  scène,  et  paraît  croire 
que  Massieu  avait  été  fort  effrayé  de 
la    démarche    et    des   intentions   du 
commandant  de  la  garde  nationale. 
Mais  la  nouvelle  de  l'arrestation  du  roi 
vint  bientôt  les  rassurer,  et  détruire 
au  contraire  les  espérances  de  îklerle- 
mont.  Malgré  son  royalisme  si  hau- 
tement avoué,  les  habitants  de  Beau- 


MER 


477 


vais  le  réélurent  une  seconde  fois  pour 
leur  commandant;  mais  il   se  refusa 
alors  à  un  choix  d'ailleurs  si  flatteiu-, 
motivant  sa  démission  sur  le  serment 
qu'il  avait  prêté  comme  chevaUer  de 
Saint-Louis,  lequel,   disait-il,    ne  lui 
permettait  pas  d'exercer  de  pareilles 
fonctions,  tant  que  la  volonté  du  roi 
ne  serait  pas  libre.  Un  tel  courage,  à 
une  époque  où  si  peu  de  gens  en  §- 
vaient,  ne  pouvait  être  oublié  par  la 
terreur  ;  aussi  Merlemont  fut-il  arrêté 
avec  sa  famille  et  incarcéré  au  château 
de  Chantilly,  dont   on  avait  fait  la 
prison  de  tous  les  honnêtes  gens  du 
département  de  l'Oise.    Déjà   l'ordre 
fatal  de  le  tiansfércr  à  Paris,  pour 
être  traduit  devant  le  tribunal  révo- 
lutionnaire, était   arrivé,    lorsque  la 
mort  de  Robespierre    le  rendit  à  la 
liberté.  Rentré  dans  ses  foyers,  la  re- 
connaissance des  services  passés,  et 
aussi  le  retour  vers  les  idées  monar- 
chiques qui  se   manifesta  à  l'époque 
du  Directoire,  firent  nommer  Merle- 
mont  an  Conseil  des  Anciens,  comme 
représentant  du  département  del'Oise. 
Il  y  siégea  au  milieu  de  cette  minorité 
royaliste   qui   aspirait  à  rétablir  les 
Bourbons  sur  le  trône,  mais  dont  les 
efforts  prématurés  échouèrent  à    la 
révolution  du  18  fructidor.  Il  faisait 
alors  partie  de  la  commission  des  ins- 
pecteurs ;  arrêté  par  le  général  Ché- 
rin,  il  fut  conduit  au  Temple   avec 
douze  de  ses  collègues,  saisis  comme 
lui  dans  le  lieu   ordinaire    de    leurs 
séances.    C'étaient     Rovère,    Pérée, 
Tupinier ,   Jarri    des   Loges,    de  l.i 
Métherie,  Pichegru,  VCillot,  DelarOe. 
Danché,  de  Rumare,  Wyolle  et  Bon'  - 
don  de  l'Oise.  Une  liste  de  déport^i- 
tion,  dressée  par  le  Directoire,  con- 
tenait le  nom  de  Merlemont,  et  ce  ne 
fiit  qu'au  zèle   et  aux  sollicitations 
d'un  de  ses  compatriotes,   Borel  de 
Brétizel,  alors  employé  par  le  Direc- 


478 


MER 


toire,  qu'il  dut  d'élre  mis  en  liberté, 
après  quelques  jours  de  captivité.  De- 
puis lors,  retiré  au  château  de  Merle- 
mont,  il  refusa,  malgré  les  offres  qui 
lui  furent  faites  sous  l'empire,  de  se 
mêler  aux  affaires  publiques.  Les  évé- 
nements aussi  glorieux  qu'étonnants 
de  cette  époque  n'avaient  pu  lui  en- 
lever complètement  sa  plus  plus  chère 
espérance,  celle  de  revoir  ses  souve- 
rains légitimes ,  lorsqu'il  mourut,  à 
Paris,  en  1810,  vivement  regretté  des 
habitants  de  Beauvais,  qui  n'ont  pas 
encore  perdu  la  mémoire  du  courage 
avec  lequel  il  les  préserva  des  fureurs 
révolutionnaires,  tant  qu'il  fut  à  la  tête 
de  la  garde  nationale.         M — d  j. 

MERLET  rie  la  Boulaye  (Gabbiej,- 
Éléonore),  naturaliste,  naquit  à  An- 
gers, le  3  avril  1736.  Devenu  maître, 
à  l'âge  de  vingt-cinq  ans,  d  une  for- 
tune considéi*able,  et  passionné  pour 
les  arts  et  les  sciences,  il  résolut  de 
visiter  le  pays  qui  en  est  le  berceau, 
et  partit  pour  l'Italie.  Il  la  parcou- 
rut en  tout  sens,  et  s'arrêta  à  Rome, 
où  il  fut  reçu  membre  de  fAcadé- 
mie  des  Arcades.  Après  avoir  forme 
une  précieuse  collection  d'objets 
d'art  et  d'histoire  naturelle ,  il  se 
rendit  à  Paris,  et  passa  de  là  en  An- 
gleterre, où  il  se  lia  d'amitié  avec  h; 
célèbre  botaniste  Smith.  De  retour  à 
Angers,  il  fut,  après  la  révolution, 
nommé  professeur  de  grammaire  gé- 
nérale à  l'École  centrale ,  et  ensuite 
directeur  et  professeur  au  jardin  des 
plantes.  Merlet  de  la  lîoulaye  possé- 
dait une  riche  }?ibliothèque  et  un  pe- 
tit musée  qui  furent  vendus  et  disper- 
sés après  sa  mort,  arrivée  le  17  février 
1807.  Il  a  laissé  plusieurs  manuscrits, 
entre  autres  im  petit  traité  intitulé  : 
Connaissance  ilr  lu  physionomie.  Ses 
élèves  publièrent,  d'après  un  herbier 
qu'il  avait  formé,  les  Ilerhorisations 
dansUJ^parleinrtU  tij'  Maine-il-Lnirc. 


MER 

et  aux  environs  de  Thouars  dans  la 
Deux-Sèvres ,  par  feu  M.  Merlet  de  la 
Boulaye,  Angers,  1809,  in-8°.     Z. 

MERLI  (Joseph),  ingénieur  hy- 
draulique, naquit  à  Milan,  d'une  fa- 
mille aisée,  en  août  1739.  Il  reçut 
une  éducation  soignée,  et  étudia  les 
mathématiques  sous  l'habile  Frisi. 
Après  avoir  occupé  diverses  places 
importantes,  il  était,  dans  les  derniè- 
res années  du  royaume  d'itahe,  surin- 
tendant des  fortifications  avec  le  grade 
de  colonel,  puis  directetu-  des  études 
à  l'hospice  des  Orphelins  de  mili- 
taires. Il  avait  publié  fort  jeune  un 
travail  estimé  sur  la  table  parabo- 
lique de  Régis,  et  plus  tard  un  savant 
Mémoire  pour  la  solution  de  questions 
sur  la  conduite  des  eaux  ;  c'est  un 
appendice  à  l'ouvrage  de  l'illustre 
Romagnosi  sur  le  même  sujet.  Merli 
mourut  à  Milan,  le  28  avril  1829, 
laissant  plusieurs  manuscrits ,  que 
son  héritier,  l'ingénieur  J.  R.  Maz- 
zeri,  était  chargé  de  publier,  et  dont 
le  plus  important  a  })our  titre  :  Traité 
sur  différents  genres  de  courbes.  A — y. 

.MEKLI\'  (Charles),  né  au  dio- 
cèse d'Amiens,  vers  la  fui  du  XVU' 
siècle ,  entra  <lans  la  Compagnie  de 
.lésus,  et  fut,  suivant  l'usage  de  son 
ordre,  employé  à  l'enseignement  dans 
les  collèges.  Il  professa  ensuite  la 
théologie  avec  beaucoup  de  succès. 
Consacrant  le  reste  d<!  sa  vie  à  l'étu- 
de, il  s'occupa  dans  son  cabinet  des 
matières  qu'il  avait  traitées  dans  ses 
chaires.  Le  fruit  de  ses  veilles  enri- 
chit quelquefois  K-  journal  de  Tré- 
voux. On  remarque,  parmi  les  arti- 
cles qu'il  a  fournis,  une  Défense  (hx 
pape  llonorius,  où  la  sagacité-  de  la 
<riti(pie  est  jointe  à  la  pureté  de  la 
dot'trine,  et  une  nouvelle  Exposition 
relative  à  la  prédestination  ,  où  il 
cherche  à  concilier  les  deux  senti- 
m«'nts    principauv   qui    avaient    jus- 


MER 

qu'alors  partagé  les  théologiens  ca- 
tholiques. Mais  ce  qai  a  fait  la  ré- 
putation de  Merlin  ,  c'est  l'ouvrage 
qu'il  composa  sur  la  forme  des  sa- 
crements ,  et  qui  est  intitulé  :  Traité 
hislorique  et  doqmatique  sur  les  paroles 
ou  les  formes  des  sacrements  de  l'éifiise, 
Paris,  1743,  1  vol.  in-12.  Ce  savant 
traité,  important  surtout  pour  le  sa- 
crement de  confirmation  et  l'histoire 
dû  secret  des  mvstères,  a  été  inséré 
par  M.  l'abbé  Migne  dans  le  tome  21 
de  son  Cours  complet  de  théologie,  Pa- 
ris, 1840.  Le  P.Merlin  mouiutà  Pa- 
ris, au  collège  Louis-le-Grand,  en 
1747.  B— D— E. 

MERLDÎ  de  Douai  (  Philippe - 
A>TOiNE,  comte),  surnommé  pendant 
la  révolution  .'iferliu-suspert  ["i),  pour 
avoir  attaché  son  nom  a  la  plus  atroce 
de  nos  lois  révolutionnaires,  naquit  le 
30  octobre  175i,  a  Aricux,  petite  ville 
du  Cambrésis(Nord}.  Son  père,  cul- 
tivateur aisé ,  aurait  pu  suffire  seul 
aux  frais  de  l'éducation  classique 
qui  lui  fut  donnée  ;  mais  les  dispo- 
sitions (le  cet  enfant  avant  été  remar- 
quées par  les  moines  de  l'abbave 
d'A  ichin,  ces  bons  religieux  lui  ap- 
prirent à  lire  et  à  écrire  ,  puis  l'en- 
voyèrent au  collège  qui,  dans  la  \nl!t^ 
de  Douai,  portait  le  nom  de  leur  mai- 
son. Après  avoir  terminé  ses  classes, 
à  l'âge  de  dix -sept  ans,  Merlin  étu- 
dia le  droit,  vers  lequel  l'entraînait 
sa  vocation,  et  fut  reçu  à  21  ans  iivo- 
cat  au  Parlemr^nt  de  Douai,  il  eut  pour 
premiers  clients  ses  bienfaiteurs,  qui 
le  chargèrent  de  la  direction  des  af- 
faires de  leur  opulente  abbaye,  obtin- 
rent pour  lui  la  même  faveur  du 
chapitre  de  Cambrai ,  et,  après  avoir 
ainsi"  assuré  sa  fortune ,  lui  firent 
épouser  mademoiselle  Dumonceaux , 
sœur  de  l'un  d'eux.  Laborieux,  doué 

(1)  Quelques  pamphlets  du  temps  l'appellent 
iiusii  Merlin-po'tncr.' 


MER 


479 


d'un  esprit  pénétrant,  et  d'une  grande 
facilité  pour  rédiger  ses  idées  et  sur- 
tout les  idées  des  autres,  Merlin  se 
livra  à  l'étude  de  la  jurisprudence 
avec  une  ardeur  infatigable.  Levé 
chaque  jour  à  quatre  heures  du  ma- 
tin, il  ne  cessait  son  travail  que  fort 
avant  dans  la  nuit.  A  23  ans ,  il  était 
déjà  cité  comme  une  des  lumières  du 
barreau  de  Douai,  et  sa  réputation 
franchit  rapidement  l'enceinte  du 
Parlement  de  Flandre.  A  30  ans,  son 
opinion  était  invoquée  comme  une 
autorité,  même  au  barreau  de  Paris. 
Beaumarchais  et  le  président  Dupât v, 
auteur  des  Lettres  sur  f  Italie,  sont  au 
nombre  des  clients  qui  eurent  alors 
recours  à  ses  lumières.  Ce  n'est  pas 
qu'il  possédât  le  talent  de  la  parole; 
jamais  il  ne  sut  improviser  d'une  ma- 
nière brillante;  mais  comme  avocat 
consultant,  il  le  disputait  déjà  aux  ju- 
risconsultes lespiusexpérimentés.  Mer- 
lin excellait  surtout  à  trouver  des  ar- 
guments, des  précédents  et  des  exem- 
ples pour  les  causes  les  plus  équivo- 
ques. Comme  il  se  faisait  paver  fort 
cher  ses  consultations ,  il  fut  bientôt 
assez  riche  pour  acheter  une  charge 
de  secrétaire  du  roi.  Le  mouvement 
imprimé  à  la  science  du  droit  par  les 
ouvrages  de  Domat,  dePolhier,  et  par 
les  travaux  du  chancelier  d  Aguesseau, 
portait  tous  les  bons  esprits  à  apj>cler 
dans  la  législation  française  une  ré- 
forme essentiellement  fondée  sur  le 
principe  d'unité.  De  là  ces  dictionnai- 
res d'arrêts  qui  avaient  pour  but  d'é- 
clairer la  pratique,  en  mettant  en 
présence  les  jurisprudences  si  diverses 
du  royaume,  travail  dont  le  résultat 
nécessaire  devait  être  cette  simplifia 
cation,  cette  uniformité  si  désirables. 
Merlin  fut  un  des  plus  actifs  encvclo- 
pédistes  en  ce  genre.  Dès  làge  de  24 
ans,  il  avait  été  appelé  à  coopérer  an 

fii^perlnire    universel    et    misonné    </>• 


4«0  MER 

jurisprudence,  dont  Guyot  commença 
la  publication  en  1776.  Les  nombreux 
articles  du  jeune  avocat  de  Douai  se 
font  remarquer  pour  l'exactitude  des 
rechercbes  ,  la  métbode  et  la  clarté 
du  style.  Enhardi  par  le  succès  du 
Répertoire  y  Guyot  conçut  la   pensée 
d'un  Traité  des  droits,  fonctionsy  fran- 
chises, exemptions,  prérogatives  etpri- 
viléges,  annexés  eu  France  à  chaque 
dignité,  a  chaque  office,  à  chaque  Etat, 
soit  civil,  soit  ecclésiastique,  soit  mili- 
taire. Merlin  a  composé  dans  cet  ou- 
vrage le  premier  article,  intitulé  :  Du 
Roi    et    de    la  couronne    de  France , 
qui  forme  presque  tout  le  premier 
volume.  L'auteur,  appuyé  sur  Lebret 
et  Montesquieu,  recherche   l'origine 
et    les   développements   du    pouvoir 
royal  en  France,  définit  la  souverai- 
neté et  lés  droits  qui  en  dérivent.  Les 
3  volumes  suivants,  presque  tous  sor- 
tis de  sa  plume ,  sont  consacrés  aux 
intendants  de  province,  aux  tribunaux 
et  offices  de  judicature ,   enfin  à  la 
chancellerie.    Merlin   y    fait   preuve 
d'érudition,  d'une  grande    netteté   de 
rédaction,  et  de  cette  vigueur  de  dé- 
duction qu'il  porta  depuis  jusqu'à  l'a- 
bus et  au  sophisme  dans  ses  réquisi- 
toires. On  commence  à  sentir  la  ma- 
turité  de   son    talent;   on  y    remar- 
(lue  surtout    une   modération   d'opi- 
nions qui,  certes,  n'annonce  pas  l'au- 
teur futur  d'un  vole  régicide  et  de  la 
loi  des  suspects.  L'année   1789,  en 
ouvrant  l'ère  de  nos  révolutions,  ar- 
rêta la  publication  du  Traité  des  of- 
fices ,    à  son  (luatrièmc  volume.    Les 
États-Généraux  furent  convoqués,  et 
les  électeurs  du  Tiers-État  de  Douai, 
oubliant  que  Merlin  avait  (juitté  leurs 
rangs  pour  aspirer  à  la  noblesse,  le 
nommèrent  député  à  l'Assemblée  cons- 
tituante. Ge  fut  alors  que  le  duc  d'Or- 
léans appela  Merlin  à  son  conseil,  et 
lui  confia  l'administration  d'une  par- 


MER 

tie  de  ses  biens,  ce  qui  a  fait  dire, 
avec  vraisemblance,  que  le  nouveau 
conseiller  ne  fut  pas    étranger  à   la 
conduite  du  prince.  Cependant,  Mer- 
lin était  trop  circonspect  pour  avoir 
déjà    une    direction    politique    bien 
tranchée.   Il  attendait  ;   il   se  borna 
donc  au  rôle  d'observateur  pendant 
les  premiers  mois.  Occupé  d'exami- 
ner les  événements  et  d'en  calculer 
les  suites,  il  ne  se  pressa  pas  de  pa- 
raître à  la    tribune.  Lors  de  l'appel 
fait  par  jSecker  pour  une  contribution 
patriotique,  il    offrit  le  quart  de  son 
revemi,  consistant   en  mille    livret   à 
prendre  sur  ses  gages  de  secrétaire  du 
tvi.   «  Il  regrettait,   disait-il,    de   ne 
pouvoir    présenter  une  somme  plus 
considérable;  mais  il  espérait  l'aug- 
menter dès  qu'il  serait  rendu  à  sou 
cabinet,  d'où  ses  devoirs  actuels  l'a- 
vaient éloigné.  "  La  première  fois  qu'il 
parla  (le  19  nov.  1790),  ce  fut  pour 
demander  que  les  membres  des  Etats 
du  Cambrésis  fussent  cités  à  la  barre 
de  l'Assemblée  comme  ayant  pris  un 
arrêté   contraire  à  ses  décrets.  «  Les 
»  États  du  Cambrésis,  ajouta-t-il,  sont 
u  je  ne  dirai  pas  le  gouvernement  le 
u  plus   aristocratique,  mais  le   plus 
..  théocra tique.  Toute  l'autorité  repose 
«  dans  les  mains  de  l'archevêque  de 
..  Cambrai  et  de  quelques  abbés  com- 
..  niendataircs.  »   Ainsi  pour  son  dé- 
but,  celui  dont  la  carrière  politique 
avait  alors  tant  de  rapports  avec  celle 
de  Robespierre,  conunençait  par  in- 
criminer ce  mÉme  clergé  à  cpù  il  de- 
vait  son    éducation   et    sa    fortune. 
(Quelques  jours    après,   Merlin  et  la 
minorité  des   députés  de  Flandre  et 
(lu    Cambrésis    adressèrent    à    leurs 
commettants  une  lettre  dans  laquelle 
ils  exaltaient  les  bienfaits  de  l'Assem- 
blée envers  ces  deux  provinces,  et 
qualifiaient  ainsi  les  auteurs  de  l'ar- 
rêté en  question.  .-  Ces  esprita  per- 


BfEH 

-  vers,  fl^espëreâ  de  ne  pouvoir  raaiu- 
«  tenir  par  la  force  les  abus  dont  iU 
«  se  sont  engiaisses  si  long-temps  . 
*  cherchent  à  les  reconquérir  pai 
^  la  ruse,  n  II  est  a  remarquer  quf 
cette  lettre  se  terminait  pai  les  ex- 
pressions de  l'admiration  et  du  dé- 
vouement pour  Louis  XVI .  ce  mo- 
narque ehéri,  ce  roi  citoyen,  ce  prince 
vertueux,  (fui  fait  si  bien  faire  aimci 
les  lois  dont  I exéiution  lui  est  con- 
fiée. Un  tel  langage  devait  bientôt  éin' 
proscrit,  et  Merlin  ne  tarda  point  a 
s'exprimer  dans  des  termes  bien  dit- 
térents.  Au  reste,  son  rôle  ié^jislatit' 
ne  commença  véritablement  qu  aver 
cette  fameuse  nuit  du  i  aotit  dans  la- 
quelle tous  Us  membres  de  rassem- 
blée, même  ceuv  du  côté  droit,  s^ni- 
ticrent,  ainsi  qu'on  le  disait  alors,  sur 
l'Autel  de  la  Patiie  tous  les  tities  c\ 
privilèges  féodaux.  Comme  Merlin 
était  fort  instruit  dans  cette  partie 
de  notre  ancienne  léjfislation  ,  il  fut 
nommé  membre  du  comité  char- 
gé de  régulariseï'  les  résultats  com- 
pliqués d  une  décision  si  spontani- 
ment  prise,  (le  qui  restait  alors  du  ré- 
gime féodal  pouvait  se  diviser  en  trois 
chefs:  1°  les justiros  seigneuriales;  ii" 
les  servitudes  personnelles,  ou  le.*- 
redevances  qui  en  représentaient  l'a- 
bolition ;  3"  les  contrats  d"inféodatio?i 
en  Vertu  desquels  les  terres  avaient 
été  concédées,  à  la  condition  d  ac- 
quitter un  cens  annuel  en  nature',  en 
argent  ou  en  tiavail.  D'après  le-s  prin- 
cipes de  la  majorité  de  l'assemblée, 
de  ces  trois  sortes  de  droits  féodaux, 
les  premiers  attentaient  à  la  souverai- 
neté de  l'État,  les  seconds  étaient  con- 
traires à  la  liberté  des  citoyens,  les 
troisièmes  seuls  étaient  conformes  a 
l'ordre  commun.  Le  comité,  dont 
Merlin  fut  rapporteur,  décida  que 
les  premiers  et  les  seconds  se- 
raient aboUs  sans  indemnité  ;  mais  il 


admit  le  rachat  }>our  les  troi&ièBMt, 
qui  étaient  de  \  .     w^. 

ayant  pour  ori{;i  3- 

pectables,  malgré  la  forme  féodale 
qu  ils  avaient  revêtue.  Le  rapport 
dans  lequel  MerUn  exposa  ce  systèinc 
se  faisait  remarquer  p-"  ■"-  *irce  de 
logique  et  surtout  pn  ision 

rare  <I  Au  uioujcnt  où 

"'On  .'«.  Il  <\e  Ih  tribune. 

.Mirabeau  ^  > 

dit  en  lemin  >i 

»  exceileot,  et  la  preuve,  cest  qoc 
Sieves ,  qui  ne  trouve  bon  que  c*- 
-  qu'il  fait,  en  juge  comme  mm. 
Toutes  les  mesures  particulières  poui 
abolir  enticrenienl  le  régime  féodal 
dans  les  provinces,  ainsi  que  la  légis- 
lation nouvelle  sur  la  chasse,  furent 
provoquées  «t  rédigées  par  Merlin. 
Dans  ces  divers  travaux.  il< frappa  sou- 
vent sans  pitié  les  droits  imprescripti- 
bles de  la  propriété  qu'il  ne  cessait 
pourtant  d'invoquer.  Il  faut  rappeler 
toutefois  que,  par  un  de  ces  semblants 
de  respect  et  de  déférence  envers  le 
trône,  dont  les  révolutionnaires  n'a- 
vaient pas  encore  osé  s'écarter  à  la 
tribune,  Merlin,  avant  de  faire  son 
rapport  sur  la  chasse,  proposa  de  dé- 
créter que  le  président  de  l'assemblc-e 
se  retirerait  par  devant  le  roi  ,\  pont 
le  supplier  dindiquer  les  lieux  qu'il 
désirait  conserver  pour  ses  plaisirs  de 
chasse,  ce  qui  fut  unanimement  adopté. 
l!  demanda,  à  la  ice,  que  les 

évéques  étranger-  tenus  d'éta- 

blir dans  la  portion  française  de  leurs 
diocèses  tles  vicaire*  -  généraux  nés 
et  domiciliés  dans  le  royaume.  A  ce 
propos,  il  se  plaignit  dtr.  évéques 
d'Y' près  et  de  Tournai,  qui,  selon  lui, 
répandaient  le  trouble  dans  les  pro- 
vinces du  nord  de  la  France,  il  fut  .1 
la  même  époque  nommé  commis- 
saire pour  l'ahénation  des  biens  do- 
maniaux ecclésiastiques  .  et  prit,  en 
31 


MER 

cette   qualité,    la  part  principale  à 
presque   tous  les  dt:crets    destinés  à 
consacrer  cette    aliénation.  Indépen- 
damment de    la    commission    légis- 
lative,   1  Assemblée   formg  alors    un 
comité  composé  *h  vingt  membres 
pour  l'aliénation  de  ces  biens.  Chacun 
d'eux  avait  dans  ses  attributions  plu- 
sieurs départements,  et  Merlin  ceux 
des  Ardennes,  du  Nord  et  du  Pas-de- 
Calais,  Le  29  juillet,  il  fit  enjoindre 
aux  États  du   Cambrésis    de  cesser, 
sur-le-champ,  leurs   fonctions   et   de- 
retnettre,  au   directoire  du   départe- 
ment du  Nord,  tous  les  titres  et  pièces 
afférents    à   l'administration.   Le    21 
septembre,  il  fit  admettre  aux  hon- 
neurs de  la  séance  les  députés  du  peu- 
ple liégeois.  Nommé,  le  10  octobre, 
président,  Merlin  en  quittant,  dès  le 
25,  le  fauteuil,  adressa  à  l'Assemblée 
un  discours  pour  la  féliciter  du  choix 
de  Barnave,   son  successeur.  Des  re- 
meï-cîments  furent  votés  à  Merlin,  qui, 
reprenant  le  cours  de  ses  fonctions  au 
comité  féodal,  présenta,  dès  le  28,  un 
projet  de  décret  concernant  la  sup- 
pression des  droits  seigneuriaux  des 
princes  d'Allemagne  en  Alsace,  sauf 
indemnité.   Son  rapport  est   curieux 
en  ce  qu'il  donne  l'historique  exact 
des  traités  qui,  depuis  le  commence- 
ment du  XVII'  siècle ,  garantissaient 
les  droits  que  venait  abolir  la  révo- 
lution. A  la  séance  du  5  novembre, 
il    sollicita   un  décret  pour  livrer  à 
toute  la  rigueur  des  lois  les  membres 
du  chapitre  de  Cambrai,  qui  avaient 
repoussé    les    commissaires    envoyés 
afin  de  saisir  les  effets  mobiliers  du 
chapitre.  Au   mois  de  février  l791  , 
lorsque  le  comité  de  constitution  pro- 
posa  une  loi  contre    les  émigrants, 
et  que  Mirabeau,  rapproché    de    la 
cour,  jura   que,  si  l'Assendjlée  ren- 
dait un  preil  décret,  il  n'obéirait  pas, 
Merlin  ,  s'autoiis^ut  Uu  l'opinion   de 


J,-J.  RoHçsegu  (2),  parla  avec  véhé- 
mence pour  la  loi,  et  fut  signalé  parmi 
les  trente  voix,  qui,  ce  jour-là,  furent 
apostrophées  par  Mirabeau  avec  tant 
de  hauteur.  Depuis  ce  moment,  on  voit 
Merlin  pousser  à  toutes  les  mesures 
révolutionnaires  :  tantôt  il   demande 
la  mise  en  accusation  du   cucé  Le- 
grand,  pour  avoir  publié  dans  sa  pa- 
roisse a  Dunkerque  un  mandement  de 
févêque  d'Ypres,  son  diocésain;  tan- 
tôt il  soutient   les    mesures   acerbes 
des  administrateurs  du  Nord,  nom- 
més sous  son  influence  et  qui  ne  sont 
que  ses  instruments.  Au  mois  de  mai 
1791,   il  appuya   la  proposition   de 
réunir  Avignon  à  la  France.  Quelques 
jours  après    (16  mai),  il  combattit 
avec  circonspection  la  motion  de  Ro- 
bespierre tendant  a  ce  que  les  dépu- 
tés actuels  ne  pussent  être  réélus  a  la 
prochaine  législature.  Dans  une  dis- 
cussion qui.  alors,   s'engagea  sur  l'a- 
bohtion  de  la  peine  de  mort ,   il  de- 
manda qu'elle  fût  réservée  pour  les 
criminels  de  lèse-nation,  les  assassins, 
les  empoisonneurs,  les   incendiaires 
et  les  faux-monnayeurs.  Le  21  juin, 
après  la  lecture  du  procès-verbal   de 
la  séance  de  la  veille,  oii  il  était  dit 
que  le  curé  de  Saiut-Germain-L'Auxer- 
rois  avait  invité  l'Assemblée  à  assister 
à  la  procession  de  la  Fête-Dieu,  Mer- 
lin fit  ajouter  que  le  roi  .avait  promis 
également  d'y  assister  :   or,  comme 
Louis  XVI  venait  dTare  arrêté  a  Va- 
rennes  et  ramené  à  Paris,  cette  n>en- 
tioB  n'avait  d'autre  motif  (pie  de  mé- 
nager uuc  nouvelle  insulte  a  l'infor- 
tuné monarque.  Ainsi,  dans  les  moin- 
dues    occasions,  se  manifestait  cette 
bassesse  de  caractère  qu»,  ehuz  le  dé- 
puté de  Douai,  contrastait  si  uislcmept 
avec  l'étendu*'  de  son  savoir.  Ix-  ien- 


.2)  Uousscau  a  dit  dans  le  Contrat  social  : 
Dans  li'S  momtnts  de  U-oubles,  1rs  émigra- 
lions  peuvent  *trc  défendue-»». 


demain,  Tauteur  futur  de  la  loi  des 
suspects  t'annonça  en  demandant 
que,  va  la  fuite  du  roi,  personne  ne 
pût  sortir  de  Paris  sans  passeports.  A 
la  fin  de  la  session,  il  aurait  voulu 
placer  le  maintien  des  institutions 
nouvelles  sous  la  sauve-parde  de  ceux 
qui  les  avalent  fondées;  et  il  ne  parta- 
gea point  l'enlraînenientqui  porta  les 
membres  de  la  Constituante  a  décider, 
par  une  abnégation  maladroite,  leur 
propre  exclusion.  Il  soutint  la  liberté 
illimitée  des  choix,  et  prononça,  à 
cette  occasion,  ces  paroles  prophé- 
tiques :  «  Je  crains  qu'une  nouvelle 
^  législature  ne  change  la  constitu- 
c  tion,  et  que,  si  elle  ne  la  change 
•  pas,  elle  la  laisse  jwrir.  r  Cn  an 
.s'était  à  peine  écoulé,  et  l'Asseuiblée 
législative  décrétait,  au  bruit  du 
ranon  du  10  août  (1792),  la  fin 
de  cette  débile  monarchie  que  lui 
avait  confiée  la  Constituante.  Mer- 
lin fut  nommé  par  les  électeurs 
de  Paris,  président  d'un  des  douze 
tribunaux  de  district  ;  mais  il  opta 
pour  la  présidence  du  tribunal  cri- 
minel de  Douai,  auquel  l'avait  appelé 
le  suffrage  tle  ses  compatriotes.  Dans 
ce  nouveau  poste,  on  ne  le  vit  pas 
moins  occupé  d'intrigues  révolution- 
naires que  du  soin  de  rendre  la  jus- 
tice. Ce  fut  alors  qu'il  enti-a  en  cor- 
respondance avec  Merlin  de  Thion- 
ville ,  député  de  la  Moselle  ,  jacobin 
non  moins  ardent  que  lui;  et  tous 
deux  s'appliquèrent  à  exalter  l'opi- 
nion populaire  dans  les  départements 
du  ÎSord  et  de  lEst.  Leurs  lettres  fu- 
rent plus  d'une  fois  rendues  publi- 
ques par  les  journaux,  témoiu  celle 
ou  Merlin  (de  Douai)  scxpliquait  sur 
!e  bruit  d'un  prochain  départ  du  roi, 
et  sur  la  réunion  imminente  d'un  con- 
grès en  .\Uenaagne (3).  Le  général I^uis 

0)  Voy.  le  Patriote  Français  «>t  le  Moni- 
tfnr  du  24  iaiiTJir  llOî. 


mit 

de  Noaîlfes,  ayant  cru  devoir  exposer 
dans  les  joumau\  s   qui  l'a- 

vaient porté  à  se  d.  .::..  ^u  comman- 
dement, après  la  malheureuse  affaire 
de  Mons,  Merlin  publia  une  réponse, 
ou  plutôt  une  véritable  dénonciation 
contre  cet  ai  suis 

-  pas  milita  -  mo- 
'                                   i II  ont  fait  pres- 

-  ^  s  intentions  que 

-  les  plus  ombrageux  de  nos  anciens 
■•■  collègues  vous  prêtaient,  au  milieu 

-  de  vos  sorties  patriotiques  dans  l'As- 
j  semblée  constituante.  «  Au  mois  de 
sept.  1792,  élu  défiuté  de  Douai  à  la 
<  vierlin  n  hésita 
p  idant  une  des 
dernières  r^  ^r  lui  émises  à 
r.Vssemblée  mte,  avait  con- 
sisté à  appuver  la  motion  de  Dandré, 
a-"'-"'  ■  '  pnr  Tronchet,  et  d'après 
Il  •'•  .Assemblée  déclara  à  la 
natiun  quelle  1  invitait  à  suspendie, 
pendant  trente  ans  ,  l'exercice  du 
droit  de  former  une  (Convention, 
déclaration  qui  fut  faite  à  l'unani- 
mitë  des  voix  ;  mais  de  telles  incon- 
séquences n'arrêtèrent  jamais  Merlin 
et  les  révolutionnaires  de  sa  sorte. 
Éssavant  toujours  d'être  prudent  dans 
les  circonstances  difficiles,  il  ne  se 
pressa  pas  de  se  rendre  à  son  poste. 
Il  attendit  que  la  Convention  eût  fait 
rounaîtro  son  but  et  ses  principes. 
Déjà  la  ràpubtiqne  avait  été  votée,  et 
Merlin  qui,  dans  l'Assemblée  consti- 
tuante .  s'était  prononcé  pour  la  mo- 
narchie constitutionnelle,  adhéra,  sans 
hésiter,  à  la  destruction  de  cette  cons- 
titution, à  l'établissement  de  laquelle 
il  avait  pris  une  si  grande  part.  I^  2 
«octobre,  il  donna  un  premier  gage  au 
uouvel  ordre  de  choses,  en  dénonçant 
le  général  Moreton-Chabrillant,  ainsi 
que  toutes  les  autorités  de  la  ville 
de  Saint-Amand,  et  en  demandant 
cnnti-c  eux    un    mode   de  procédure 

31. 


484.  MER 

plus  expéditif.    «  Vous  ne  trouverez 
a  pas,  disait-il,  un  seul  juge  de  paix, 
0  dans  tout  le  département  du  Nord, 
u  qui  ne  soit  infecté  d'aristocratie.  » 
Quelques  jours  après  (10  octobre),  il 
appuya  le  décret  d'accusation  contre 
le  général  Arthur  Dillon,  qui,  disait- 
il,  vient  de  trahir  lâchement  In  répu- 
blique, ce  qui  était   une  cruelle  im- 
posture; puis  il   ajouta  de  nouvelles 
inculpations  qu'il  garantit  sur  sa  tête. 
Le  7  décembre,  lors  des  débats  sur 
la  dénonciation  faite  contre  Fauchet 
et  Roland,  Merlin  se  montra  des  plus 
ardents    pour   qu'aucune  chance  de 
salut  ne  leur  fût   laissée.  Une    telle 
véhémence  n'avait  d'autre  motif  que 
la  peur,  ce  sentiment  abject  qui  Ht  de 
Merlin,  homme  du  reste  assez  moral 
dans  sa  vie  privée ,  un  monstre    de 
cruauté.  Il  avait  appris,  dès  son  arrivée 
à  Paris,  qu'il  était  question  de  lui  dans 
les  papiers  de  la  fameuse  armoire  de 
fer.  La  peur  le  saisit  à  cette  nouvelle, 
et  il  n'en  fallut  pas  davantage  pour 
le  rendre   un  des    ennemis  les  plus 
acharnés,  non-seulement  du  roi,  mais 
de  Rolland,  qui  avait  trouvé  cette  ca- 
chette, et  des  républicains  modérés 
qui  professaient   les  principes  de   ce 
ministre.  Le  7  déc,  il  se  justifia,   en 
prouvant  que  loin  d'avoir  été  favorable 
à  Louis  XVI,  dans  son  rapport  sur  la 
clôture  des  chasses  royales,   il  avait 
demandé  que  cette  clôture  fût  faite 
aux  dépens  de  la  liste  civile,   et  non 
de  l'État,   comme  l'avaient   proposé 
les  intendants  du  roi  et  la  minorité 
de  la  commission.  Ce  fut  alors,  selon 
quelques   biographes,    (pi'il   engagea 
Philippe  Égalité  {\v.  duc  d'Orléans)  à 
céder  au  vœu  manifesté  par  un  assez 
grand   nombre    de    UMunbres   de  la 
Convention,  et  à  se  retirer  aux  Etats- 
Unis    d'.Vmérique  ;    conseil   qui    htt 
adopté  d'abord,  puis  rejeté  le  lende- 
muin,  ce  qui  devint  doublement  fu- 


MBR 

nestc  au    prince,  en  faisant   de  lui 
un    régicide  ,    puis  ,   en   le  condui- 
sant à    l'échafaud.   Rien   ne    prouve 
cette  anecdote  ;  ce  qui  paraît  hors  de 
doute,  c'est  que,  lorsque  le  duc  d'Or- 
léans mit  en  délibération ,  dans  son 
conseil   privé ,    comment    il  voterait 
dans  le  procès  du  roi,  Merlin  insista 
fortement    pour    qu'il   envoyât    son 
malheureux  cousin  au  supplice.  On 
sait  que   lui-même  fut   un  des  plus 
ardents  à  poursuivre  cet  odieux  pro- 
cès.   Merlin  vota    contre  l'appel  au 
peuple,   pour  la   peine  de   mort  et 
contre  le  sursis.   Le  17  janvier,  l'ap- 
pel  nominal  sur  l'application   de  la 
peine  n'ayant  constaté  qu'une  majo- 
rité  de    cinq    ou    six   voix   pour    la 
mort,  Malesherbes,  Tronchet  et  De- 
sèze  parurent  à  la  barre,  pour  repré- 
senter combien  serait  cruelle  l'exécu- 
tion d'un  tel  arrêt,   rendu  à   une  si 
faible  pluralité.   Desèze,  qui  parla  le 
premier,  invita  l'Assemblée,   dans  les 
termes  les  plus  pressants,   a  réfléchir 
sur  les    incalculables     malheurs   qui 
pouvaient  être  la  conséquence  de  sa 
décision.   Tronchet    rappela   ensuite 
que   la    procédure    par  jurés  était, 
dans  toute  la  France,    la  règle  des 
jugements  criminels;  qu'il  fallait,dans 
ce  svstème,   les  deux  tieis   des  voix 
pour  condamner  im  accusé,  et  que  la 
(Convention  ne  pouvait  faire  une  ex- 
ception contre  le  seul  Louis  XVL  Ces 
observations    produisirent  beaucoup 
d'elfet  sur  «juelques  députés  :  Robiîs- 
pierre  en  fut  effrayé;  il  prit  la  parole, 
et,  d'un  ton  dominateur,  gourmanda 
séTèremenl    Tronchet.    Guadet    de- 
manda    rajonrn«ment,   pour    avoir, 
dit-il,   le   temps  de  répondre  au  dé- 
fenseur, mais  en  réalité  pour  sauver 
le  roi,  dont  il  regrettait    «léja  d'avoir 
voté  la  mort.  MerUn  vint  alors  en  aide 
aux  régicides,  et  déploya  sa  doctrine 
«le  légiste,  toujours  prête  à  pallier,  à 


MER 

légaliser  le  crime  :  il  prétendit  que 
Tronchet  avait  avancé  une  erreur 
grossière,  et  que  les  principes  do  la 
procédure  parjures  ne  pouvaient  pas 
t.'appliquer  à  la  Convention,  qui  rem- 
plissait, dans  ce  procès,  les  fonctions 
d'un  tribunal  extraordinaire.  Le  san- 
guinaire jurisconsulte  appuya  son  opi- 
nion de  plusieurs  arguments  captieux, 
et  la  tourbe  conventionnelle  demanda 
la  question  préalable;  tout  espoir  fut 
perdu.  Robespierre  se  montra  plus 
franc  que  son  collègue  ;  il  n'eut  point 
recours  à  de  misérables  sophis mes,  et 
déclara  nettement  qu'il  ne  devait  pas 
être  question  d'un  jugement  dans 
celte  affaire,  mais  d'une  simple  me- 
sure de  salut  public.  Envoyé,  à  la  fin 
de  janvier,  en  Belgique,  avec  Gossuin 
et  Treilliard,  Merlin  annula  un  arrêté 
des  représentants  de  la  commune  de 
Louvain,  qui  voulaient  y  maintenir 
les  anciens  droits  de  finance ,  et  il 
ordonna  au  général  Moreton-Cha- 
brillant,  chef  des  troupes  françaises 
dans  ce  pays,  de  protéger  les  opé- 
rations révolutionnaires  du  citoyen 
Chépy,  commissaire  national.  De  re- 
tour à  Paris,  Merlin  annonça  qu  il 
avait  fait  arrêter  plusieurs  personnes 
connues  pour  leurs  liaisons  et  leurs 
intrigues  avec  Dumouriez  (  3  avril 
1793);  puis  il  ajouta  que  le  départe- 
ment du  Nord  ,  qui  s'était  fait  gloire 
de  donner  naissance  à  ce  général, 
le  vouait  ^aaintenant  à  l'exécration. 
Le  7  du  même  mois,  il  fut  nom- 
mé membre  suppléant  du  comité 
de  salut  public.  La  Convention  avant 
décrété,  ce  jour-là,  l'an-estation  du 
duc  d'Orléans,  un  membre  demanda 
que  cette  mesure  s'étendît  a  tous 
les  agents  de  la  maison  de  Bourbon. 
"  Cette  proposition,  faite  ainsi  d'une 
a  manière  générale,  tomberait  sur 
«  moi,  s'écria  Merlin  à  la  tribune. 
•  Il   y  a  trois  ans  que  Philippe  Éga- 


«ai 

-  lité  m'avait  donné  l'administration 
'  en  chef  d'une  partie  de  sesbiins; 

•  je  m'âi  suis  acquitte  sans  me  mêler 
'  des  opinions  politiques,  et  sitôt  que 
«  j'eus  connaissance  de  la  conduite 
'  du  général  Égalité,  je  pris  le  parti 

-  de  quitter  cette  administration  ;  et 
"  à   mon  arrivée  ici,  j'écrivis  à  Phi- 

-  lippe  pour  lui  donner  ma  démis- 
^  sion.  Il  demanda  à    me  voir  et  je 

•  m'y  refusai.  •'  Gossuin ,  collègue 
de  Merlin,  attesta  le  fait,  et  l'incident 
n'eut  pas  de  suite.  On  voit  par  les 
anecdotes  qui  précèdent  quelle  foi  il 
fallait  ajouter  à  ces  dénégations  de  Tun 
des  hommes  le»  plus  lâches  que  nos  ré- 
volutions aient  fait  connaître.  I.à  se 
peint  en  entier  le  caractère  caute- 
leux et  perfide  de  Merlin ,  qui  alors 
même  se  rendait  quelquefois  au  Pa- 
lais-Royal, mais  bien  secrètement,  et 
où  personne  du  reste  n'avait  en  lui 
la  moindre  confiance.  Envoyé  en  mis- 
sion dans  la  Vendée,  avec  Oillet  et 
Cavaignac,  à  l'époque  du  31  mai , 
et,  se  trouvant  loin  du  théâtre  des 
événements,  il  rédigea  ,  de  concert 
avec  ses  deux  collègues,  une  protes- 
tation qui  fut  affichée  dans  toutes  les 
municipalités  de  la  Bretagne  ;  mais 
bientôt  dominés  par  le  sentiment  de 
leurs  dangers  personnels ,  les  trois 
commissaires  écrivirent  à  la  Conven- 
tion une  lettre  ambiguë ,  où  ils  ap- 
prouvaient la  proscription  des  Giron- 
dins. Quelques  jours  après  (30  juin), 
Merlin  adressa  a  la  Convention  des 
détails  sur  le  siège  de  Nantes,  puis 
(8  juillet)  sur  l'occupation  d'Ancenis 
par  les  républicains.  H  annonçait  en 
même  temps  la  mise  en  état  de  siège 
de  cette  ville,  et  les  mesures  les  plus 
sévères  contre  les  royalistes.  «  Il  s'a- 
•<  git.  disait-il,  de  porter  de  grands 
«  coups  ;  il  faut  exterminer  cette 
.-  horde  de  brigands.  ^  Merlin  fut 
alors  rappelé  pour  coopérer  au  nou  • 


i6 


MER 


veau  Code  civil,   dont  s'occupait  le 
comité  de  législation.  A  la  §éance  du 
17  août,  il  s'opposa  à  ce  qu'un  sursis 
fût  accordé  à  Grémont,  condamné  à  la 
peine  de  mort  comme  fabricateur  de 
faux  assignats,  bien  qu'un  de  ses  co- 
accusés, condamné  à  la  môme  peine, 
eût  déclaré  que  Grémont  était  inno- 
cent. Limpitoyable    législateur    fon- 
dait son  refus  sur  ce  principe  :  que 
quand  les  jurés  ont  prononcé,  leur  dé- 
claration est  irrévocable.  Il  fut  élu  se- 
crétaire le  22  août.  L'organisation  du 
tribunal  révolutionnaire  avait  été  sui- 
vie de  plusieurs  décrets  sur  le  désar- 
mement et  l'arrestation  des  suspects. 
Le   12    août,    la    Convention    avait 
demandé,  au  comité  de  législation, 
un  travail  sur  le  mode  d'exécution  de 
ses  décrets.  Toutes  ces  mesures  étaient 
l'œuvre  de  Danton,  dont  l'audace  se 
traduisait  alors  en  lois  révolutionnai- 
res, en  attendant  que  la  réflexion  sur 
ses  propres  excès  le  rendît  le  modé- 
rateur impuissant  du  mouvement  ter- 
rible qu'il  avait  imprimé.  A  son  arri- 
vée au  comité,  Merlin  eut  une  veWéhé 
de  pudeur  et  de  courage;  il  protesta 
contre  cette  législation   monstrueuse 
qui  mettait  hors  la  loi  la  société  pres- 
que entière,  et  refusa  d'en  être  le  rajv 
porleur.  Mais  ses  collègues ie  mena- 
cèrent de  dénoncer  le  lendemain,  à  la 
tribune,  sa  protestation  contre  le  31 
mai.  C'était  une  menace  de  mort.  Mer- 
lin tremblant  pi  ésenla,  le  31  août,  un 
décret  où   l'on    vit   encore  la  cons- 
cience lutter  contre  la  peur.  U>s  dé- 
finitions n'ep  étalent  pas   trop  arbi- 
traires; il  pouvait  n'atteindie  que  les 
ennemis  de  la  révolution  :  c'était  un 
dernier  et  timide  hommage  rendu  à 
lesprit  de  l'égalité,  exilé  de  l'Assem- 
blée avec  la  Gironde  :  aussi  souleva- 
t-il  un  violent  orage.  I-a  Montagne  le 
traita  de  projet  dangereux,  jiayé  par 
Coblentz;  l'ajournement  fut  prononcé  ; 


-JÊÊUU 

et  Mffl-lin,   toujours  asservi  aux  sug- 
gestions de  la  peur,  parut  à  la  tribune 
quelques  jours   après,   avec  un  nou- 
veau  décret  propre  à   satisfaire    les 
plus  rigoureuses  exigences.  Il  confon- 
dit, dans  ses  larges  catégories,  tout  ce 
qui  ne  servait  pas  avec  fureur  la  cause 
révolutionnaire.    Ombrageux  comme 
la  tyrannie,    ce  décret,   qui  valut  à 
Merlin    son   odieux   surnom ,    pros- 
crivait la  richesse  et  la  pauvreté,  in- 
criminait les  larmes,    les  regrets   et 
l'accomplissement  des  devoirs  les  plus 
sacrés  de  la  nature;  enfin  selon  les 
paroles  d'une  trivialité  terrible,  qui 
furent  dites  alors  à  l'Assemblée   sur 
ce  trop  fameux  travail  :  Cette  fou  le 
filet  est  si  serré  qu'il  n'y  passerait  pas 
un  <ioiijon.  Il  ne  faut  pas  croire  que, 
dans  ce  court  intervalle,  l'infatigable 
metteur  en  œuvre  des  criminelles  pen- 
sées des  Danton  et  des  Robespierre 
fût  demeuré  oisif.  Le  5  août,  un  seul 
tribunal   révolutionnaire   à  Paris  ne 
suffisant  pas  pour   condamner  assez 
promptement  les  innombrables  sus- 
pects, Meriin  fit  adopter   la  division 
de   ce  tribunal   en    (juatre  sections, 
opérant  simultanément.  La  veille,  il 
avait  fait  décréter  la    peine  de  mort 
contre  toute  personne  prévenue  d'a- 
voir acheté  ou  vendu  des  assignats, 
ou  tenu  des  discours  tendant  à  les  dis- 
créditer, de  les  avoir  refusé  en  paie- 
ment, ou  donné  ou  ret,;u  à  une  perte 
quelconque.  Ix;  jour  même  qu'd   pré- 
senta sa  loi  âes  suspects,  devenue  si 
bien  sienne,  quoique  Danton  en  eût  été 
le  promoteur,  Merlin  fit  décréter  l'ar- 
restation des  autorités  de  Valenciennes 
qui,  selon  lui,  avaient  contribué  à  la 
reddition  de  cette  ville  (4).  Le  3  octo- 
bre,   il  fit  annuler  une  loi  de  1791, 

m)  On  fait  que  ctie  reddition  n'eut  Hou 
que  par  suite  de  plusieurs  émeutes  des  habi- 
tants, qni  y  contraiKnireni  >"  «"«""lé*; 
comme  l'a  dit  M.  Tbiers  dans  son  UUtoire  de 


MER 

qui  poruit  qu'en  cas   de  partage  des 
voix    pour   un   jugement    criminel  , 
l'avis  le  plus  doux  serait  suivi.  Dans 
une  nouvelle  loi   sur    le  jury    qu'il 
fil  adopter,  il  n'exigea  plus   que  25 
ans  d'â{;e,  et  il  ne  fut  plus  nécessaire 
d'être  citoyen   actif,    comme    l'avait 
voulu   l'Assemblée    constituante.   La 
loi  sut  le  divorce  lui  parut  alors  trop 
sévère,  et  sur  sa  proposition,  l'Assem- 
blée décréta  que  l'époux  divorcé  au- 
rait la  faculté  de  se  remarier  immé- 
diatement après  la  déclaration  du  di- 
vorce, et  l'épouse  six  mois  plus  tard. 
Le  12  janvier  1794,  il  fit  rendre  un 
décret   qui  .donna   aux    représentants 
du  peuple,  en  mission  dans  les  dépar- 
tements, la  faculté  de  faire  juger  re- 
voluùonnairement ,  par  les  tribunaux 
ordinaires ,    les    conspirateuis   et   les 
royalistes.  Le  22  avril  suivant,  il  fut 
avec  Cambaccrcs  et  Couthon  cbargc  de 
rédiger  en  un  code  succinct  et  complet 
les  lois  rendues  jusqu'à  ce  jour.  Tout 
occupé  de  ce  travail,  Merlin,  jusqu'au 
mois  de  juin,  parut  peu  a  la  tribune. 
A  cette  époque,  Couthon,  appuyé  par 
Robespierre,  ayant  imaginé  un  nou- 
vel acte  de  proscri[)tion  ,  appelé   loi 
du  22  prairial,  qui,  jysqu'au  9  ther- 
midor, fit  immoler  un  si  grand  nom- 
bre de  victimes,  Merlin  craignant  que 
ces  mesures,  qui  avaient  déjà  frappé 
beaucoup  de  conventionnels,   n'arri- 
vassent jusqu  a  lui,  fit  décréter  le  len- 
demain (Il    juiu)  ,    à    la  suite    d'un 
considérant,  adroitement  libellé,  que 
les  députés  ne  pourraient  être  traduits 
au  tribunal  révolutionnaire  qu'après 
avoir  été    décrétés  d'accusation  «par 
l'assemblée.  Robespierre,   qui  voulait 
se    débarrasser  de  ses  rivaux    pour 
donner  a  la  révolution  une  direction 
différente,  s  irrita  d'une  telle  propo- 
sa RùfoliUion ,  bien  qu'il  ait  prétendu  le  con- 
traire à  la  Chambre  des  députés,  dans  son 
discours  sur  les  foriiGcations  de  Paris. 


sition.  Couthon  prit,  comme  lui,  un 
ton  menaçant,  et  un  redoublement 
de  terreur  saisit  Met  lin,  qui  s'excusa 
en  disant  a  la  tribune  que ,   «   si  son 
»  esprit  avait  erré,  il  n  en  avait  pas 
«  été  de  même  de  son  cœur.  >•  Robes- 
pierre, de  son  côté ,  se  hâta  de  dire 
que  les  observations  qu'il   avait   pré- 
sentées étaient  des   observations  gé- 
nérales, et  non  pas  des  réflexions  m- 
dividuetles  qui  ne  pouvaient  regarder 
Merlin.  L'exception  qu'avait  deman- 
dée celui-ci,   par  son  considérant,  ne 
fut  donc  point  admise.    Depuis   lors 
jusqu'au  9  thermidoi ,  il  garda  le  si- 
lence sm'  toutes  les  questions  révolu- 
tionnaires, ne  paraissant  guère  à   la 
tribune  que  pour  provoquer  des  dé- 
crets  de  législation  civile  ou   crimi- 
nelle, la  chute  de  Robespierre  rendit 
à   leurs   sentiments   naturels   Merlin, 
Cambaceres  et  une  foule  d'autres  con- 
ventionnels non  moins  lâches  qu  am- 
bitieux ou  cupides,  qui  s'étaient  mon- 
trés féroces  par  peur.  Cinq  jours  après 
la  chute   du  dictateur  (1"  août),  le 
député  de  Douai  fut  nommé  président 
de  l'Assemblée  ;  puis,  au  mois  de  sep- 
tembre, appelé  au  comité  de  salut  pu- 
blic, dont  il  ne  ces^a  d'être  membre 
jusqu'à  la  fin  de  la  session  conven- 
tionnelle. Ce  fut  alors  qu'également 
ennemi  des  royalistes  dont  il  craignait 
le  retour,  et  des  sanguinaires  déma- 
gogues qu'il  avait  toujours  redoutés, 
tout  en  se  faisant  leur  acolyte,  le  mé- 
ticuleux jurisconsulte  mit  en  activité 
ce  svstcme  de  bascule  auquel,  dans  le 
temps,  on  donna  son  nom,  et  qui  a 
servi,  depuis,  de  régulateur  à  la  plu- 
part des  gouvernements  qui  ont  régi 
la  France.  Le  12  septembre,  il  pré- 
senta,  au  nom  des  comités    de  salut 
public,  de  sûreté  générale  et  de  légis- 
lation, un  projet  de  décret  pour  la  sus- 
pension des  procédures  diiigées  con- 
tre les  individus  arrêtés  le  10  ihernii- 


MER 

dof .  C'était  MeauUe  qui  avait  fait  cette 
proposition,  en  se  plaignant  que,  de- 
puis cette  époque,  il  y  avait  eu  des  ar- 
restations de  patriotes  sans  examen,  et 
des  élargissements  d'aristocrates  éga- 
lement sans  discussion.  Le  rapport  de 
Merlin  excita  les  murmures  d'une  par- 
tie de  l'Assemblée  qui  crut  y  trouver  la 
censure  de  plusieurs  actes  de  la  révolu- 
tion.Le  lendemain,  à  la  société  des  Jaco- 
bins, Vadier  dénonça  Merlin,  hii  repro- 
chant surtout  d'avoir  fait  la  critique 
de  la  révolution  du  31  mai,  et  d'être 
l'auteur  d'un  plan  combiné  pour  per- 
dre les  patriotes  énergiques.  Deux 
jours  après,  Merlin,  dans  une  lettre 
adressée  au  Moniteur,  se  discidpa 
ainsi  de  cette  imputation  :  «  En  re- 
«  tranchant,  dans  mon  discours, 
«  ce  qui  avait  été  dit  avec  beau- 
•  coup  plus  de  force  dans  la  réu- 
«  nion  des  trois  comités  ,  sur  la  di- 
•-  vergence  et  la  contrariété  des  ar- 
"  rêtés  pris  par  les  différents  repré- 
«  sentants  du  peuple  dans  les  dépar- 
-  tements,  j'ai  exposé  qu'il  en  était 
a  résulté  une  sorte  de  législation  fé- 
«  déralisée,  de  manière  qu'au  mépris 
"  des  principes  conservateurs  d'un 
"  gouvernement  qui  doit  essentielle- 
«  ment  être  homogène  comme  il  est 
«  indivisible,  on  avait  vu  punir  au 
<•  nord  ce  qui  était  commandé  au 
M  midi,  et  proscrire  à  l'est  ce  qui 
«  était  permis  à  l'ouest.  Je  me  rap- 
K  pelle,  en  efïct,  qu'a  ces  mots  le<jis' 
«  talion  fédérulisée,  quelques  voix  s'é- 
«  crièrent  que  je  parlais  au  nom  du 
.  fédéralisme.  (.>.  reproche  ne  me 
«  parut  alors  que  plaisant  ;  mais  je 
.V  vois  bien  que  les  i)assions  ne  plai- 
K  santent  jamais.  «  (5)  QueUpies  jours 
plus  tard  (5  oct.).  il  panil  à  la  tribune 
pour  annoncer,  d'a'pres  la  correspon- 
tlancc  du  comité  de  salut  public,  que 

(5)  Voici  la  date  de  celte  lettre  :  "  Paris , 
V  sana-culottidc  ,  l'an  2  dt;  la  rtîpiiblique.  • 


MER 

les  rois  de  l'Europe,  et  spécialement 
le  pape,  ainsi  que  Pitt,  étaient  déses- 
pérés de  la  catastrophe  qui  avait  fait 
tomber  la  tête  de  Robespierre.  En 
dépit  de  ces  manifestations  révolu- 
tionnaires, Merlin  s'occupa  active- 
ment de  briser  les  instruments  de  la 
tvrannie  renversée.  Les  trois  princi- 
paux de  ces  instruments  étaient  le  club 
des  Jacobins,  la  municipalité  de  Paris, 
letribunal  revolutionnaire.il  s'occupa 
d'abord  de  faire  fermer  la  société  des 
Jacobins,  qui  conservait  les  maxi- 
mes et  les  regrets  du  régime  dé- 
truit, et  dont  les  séances  provoquaient 
dans  Paris  une  guerre  {permanente. 
Les  trois  comités  en  demandèrent  la 
clôture  à  la  Convention,  qui  passa  à 
l'ordre  du  jour.  Par  une  interpréta- 
tion hardie,  Merlin  prétendit  que  c'é- 
tait là  un  acte  de  gouvernement  et 
non  une  mesure  législative,  et  il  per- 
suada aux  comités  assemblés,  dans  la 
nuit,  de  faire  fermer  le  club  sous  leur 
responsabilité.  Il  en  signa  le  premier 
l'ordre,  qui  fut  exécuté  une  heure 
après  (13  novembre  1794).  Le  len- 
demain, la  Convention  approuva,  de 
la  part  de  ses  comités,  l'énergie  qu'el- 
le n'avait  pas  osé  avoir  elle-même.  Ce 
fut  dans  le  même  esprit  que,  le  19 
déc.  suivant,  Merlin  proposa  à  l'As- 
semblée de  rappeler  dans  son  sein 
les  73  déjiutés  proscrits  au  31  mai  ; 
mais  (]uol(jues  joins  après  (19  décem- 
bre), il  s'opposa  fortement  à  ce  que 
cette  mesure  de  clémcnces'étendttaux 
députés  Defermon  ,  Isnard  ,  Louvet 
(du  Loiret),  Gustave  Doulcet  (comte 
de  Pontécoulant),  Lanjuinais  et  au- 
tres qui  avaient  été  frai)j)és  par  les  dé- 
crets du  28  juillet  et  du  3  oct.  l'793. 
u  Voulez-vous,  dit-il  à  ceux  qui  im- 
.  prouvèrent  son  rapport ,  donner  à 
..  l'opinion  piibliipie  une  <liiection 
.  subversive  «le  la  révolution  ?  Vou- 
«  Icz-vous    faire  dire   à    la    malveil- 


»  lance  que  vous  n'avez  fermé  les 
'  portes  des  Jacobins  que  pour  faire 
^  ouvrircelles  du  Temple  (6)?.  Cepen- 
dant, le  7  mars  1795,  il  crut  pou- 
voir faiie  prononcer,  sans  dangfer, 
le  rappel  «les  mêmes  députés,  au  nom 
du  comité  de  législation.  Dans  son 
rapport,  il  s'excusa  de  ce  qu'on  ren- 
dait si  tard  à  ces  derniers  ••  le  carac- 

-  tère  sacré  que  l'injustice  n'avait  pu 

-  leur  enlever,  et  qui  avait  reçu  un 
.  nouvel  éclat  de  leurs  malheurs  et 
«  de  Kur  courage;  mais  le  moindre 
«  oubli  des  précautions,   ajouta-t-il , 

-  aurait  fourni  a  la  tvrannie  terrassée 
«  les  movens  de  se  relever...  Aujour- 
«  d'iiui  que  vous  n'avez   plus   rien  à 

-  redouter,  ni  des  tyrans,  ni  des  fac- 
s  tieux  :  aujourd'hui  que  les  portes 
«  des  Jacobins  sont  fermées,  sans  que 
«  nous  ayons  à  craindre  qu'ils  aillent, 
«  en  nous  accusant,  ouvrir  celles  du 
«  Temple,  vous  pouvez,  dans  toute  la 
"  plénitutle  de  votre  Force  ,  combler 
"  celle  de  votre  justice.  «  Le  27  dé- 
cembre précèdent,  il  avait  fait  pas- 
ser, au  nom  des  comités  réunis,  contre 
Barère  ,  P.illaud  -  Varenne  ,  Collot- 
d'Herbois  et  Vadier,  un  décret  qui 
donna  quelque  satisfaction  à  l'opi- 
nion pubhque.  Quelques  jours  après 
(3  janvier  1795),  il  proposa  une  nou- 
velle organisation  du  tribunal  révo- 
lutionnaire, auquel  furent  imposées 
quelques  formes  protectrices  des  ac- 
cusés. Le  7  janvier,  il  demanda  que 
les  autorités  eussent  ordre  de  pour- 
suivre les  émigrés  et  les  prêtres.  Ja- 
mais, au  reste ,  Merlin  ne  varia  sur 
cet  article;  les  émigrés  et  les  prêtres 
n'eurent  jamais  d'ennemi  plus  achar- 
né ni  plus  constant.  C'est  lui  qui  , 
de  concert  avec  Cambacérès  et  Guy- 
ton  de  Morveau  ,  écrivait  alors  à 
l'ambassadeur   de  la    république   en 

v6)  Les  enfants  de  Louis  XVI  éuient  encore 
dans  cette  prison. 


\S9 

Suisse,  Barthélémy  :  «  Nous  te  char- 
«  geons ,  citoven  ,  de  dire  à  tous 
«  les  canton»  que  les  émigrés  ne 
'  cesseront  jamais  d'être  traîtres  , 
■I  et  notre  justice  en  France  les  pour- 
«  suivra  partout  oii  elle  pourra  les 
"  atteindre.  -■  Le  12  février,  il  pré- 
senta à  la  ratiHcation  de  l'Assemblée 
le  traité  de  paix  fait  avec  la  Toscane. 
C  est  ici  le  cas  de  rappeler  que,  com- 
me membre  du  comité  de  salut  pu- 
blic .  Merlin  exerça  une  certaine  in- 
fluence sur  les  affaires  extérieures  de 
la  république,  influence  qui  eut  pour 
résultat  de  mettre  à  profit  l'indif- 
férence ou  le  mauvais  vouloir  des 
puissances  pour  la  maison  de  Bour- 
bon ,  afin  d'arriver  à  la  dissolution 
de  la  coalition  européenne.  l.e  5 
mars,  il  annonça  que  le  comité  de 
salut  nubiic  avait  ouvert  des  négocia- 
tions pour  effectuer  l'échange  des 
quatre  représentants Drouet.  Quinctte, 
Camus.  Bancal  et  du  ministre  Beur- 
nonv.lle,  détenus  en  Autriche.  Le  16 
mars,  il  donna  lecture  à  la  Conven- 
tion nationale  des  lettres  de  créance 
du  comte  Carletti.  ministre  plénipo- 
tentiaire de  Toscane,  et  proposa  de 
l'admettre  le  lendemain  dans  le  sein 
de  l'assemblée  pour  être  reconnu  en 
cette  qualité.  Le  28  mars ,  il  présenta 
un  décret  sur  l'organisation  des  au- 
torités constituées,  et  porta  un  coup 
décisif  à  la  commune  de  Paiis  en  dé- 
clarant, par  im  des  articles,  qu'au 
Corps  législatif  seul  appartenait  la  po- 
lice immédiate  et  la  direction  de  la 
force  armée  dans  la  commune  où  il 
tenait  ses  séances  ;  ensuite  que,  dans 
les  communes  dont  la  population 
excède  cent  mille  âmes,  1  administra- 
tion municipale  serait  divisée  en  au- 
tant de  sections  indépendantes  les  unes 
des  autres  qu'il  v  aurait  d'aiTondis- 
scments  de  cinquante  mille  âmes.  Far 
là  ,  cette  puissante  commune  de  Pa- 


êOA 


MER 


as ,  qui  avait,  pendant  six  années , 
dominé    les    gouvernements    et    les 
assemblées,    se    trouva    entièiement 
dissoute  ;    et  il  n'y  eut  plus  aucune 
autorité  qui  ne  fléchît  devant  la  Con- 
vention.   Le  même  jour,  Merlin  ré- 
clama la  mise  en  activité  de  la  cons- 
titution de  1793,  que  Hérault  de  Sé- 
chelles  avait  rédigée  dans   l'intention 
avouée    den  rendre  l'exécution  im- 
possible;   et   Merlin,    alors   nommé 
membre  de  la  commission  des  lois 
organiques,  fit  adopter  par  la   Con- 
vention ,  quelques  jours  après  ,  sous 
le  titre  de  Principes  essentiels  de  l'or- 
dre social  et    de   la  république ,   une 
déclaration  qui  modifiait,  dans  un  sens 
restrictil'  de  la  licence,  la  trop  funeste 
déclaration  des  droits  de  1789.  A  côté 
de  l'égalité  devant  la  loi  était  placée 
l'inégalité  naturelle  du  talent,    de  la 
vertu ,  du  travail ,  de  la  richesse,  etc. 
La  souveraineté  populaire  ne  pouvait 
s'exercer  que  par  des  assemblées  au- 
torisées par  la  loi,  et  il  était  défendu 
à  tout  rassemblement  partiel  de  s'ap- 
peler le  j)euple.  Enfin ,  le  droit  d'in- 
surrection devait,  sous  peine  d'être 
une  rébellion  punissable,  s'appuyer 
sur  une  décision  de  la  majorité  des 
assemblées  primaires    régulièrement 
convoquées,  et  qui   eussent  reconnu 
que   les   lois  avaient  été   violées  par 
le   gouvernement.    L'esprit  de   cette 
déclaration,  qui  fut  adressée  à  tou- 
tes les  administrations ,   et   qui    de- 
vait être    lue  dans   toutes  les  écoles 
primaires,    était   exprimé    dans    les 
phrases  suivantes,  qui  terminent  l  ar- 
ticle 1"  :  >»  (>;lui    qui  parle  aux  ci- 
..  toyens  de   leurs   vertus ,   sans   les 
"  avertir  de  leurs  erreurs;  ou  de  leurs 
K  droits,  sans  leur  rappeler  leurs  de- 
«  voirs,  est,  ou  un  flatteur   qui  les 
«  trompe,    ou     un    fripon    qui     les 
"  pille,  ou  un  ambitieux  qui  cherche 
..  à  les  asservir.  Le  véritable  ami  du 


MER 

a  peuple   est    celui   qui   lui  adresse 
«  courageusement  des  vérités  dures.  " 
On  voit,  par  ces  citations,  qu'à  l'exem- 
ple de  tous  les  gouvernements  usur- 
pateurs  qui  cherchent  à  se  consoli- 
der, la  Convention  invoquait  alors  ces 
principes  conservateui  s,  sans  la  vio- 
lation et  l'oubli  desquels  elle  n'aurait 
jamais  existé.  A  cette  époque,  Merlin 
fit  déciéter  les  honneurs  qui  seraient 
rendus    a    l'anittassadeur    de    Suède 
(Staël-Holstein),  qui,  placé  sur  un 
fauteuil  en  l^ce  du  président  (  Boissy 
d'Anglas)  et  parlant  assis  et  couvert, 
renouvela,  dans  un  langage  empha- 
tique, la  vieille  amitié  dfe  la  France 
et  de  la  Suède.  Grégoire  ayant ,  ce 
jour- là,   proposé   une   assez  ridicule 
utopie  sous  le  titre  de  Déclaration  du 
droit  des  yens  ,  Merlin    en  demanda 
ironiquement    le  renvoi   au  congrès 
général  de  l'Europe;  puis,  le  lendc- 
rriain ,  en  proposa  purement  et  sim- 
plement le  rejet   conune  contenant 
des  principes  honorables,  sans  doute, 
pour   les  intentions   de   son   auteur, 
mais  dangereux  dans  lappliealion.  Le 
21  mai ,  toujours  au  nom  du  comité 
de  salut  public,   il  annonça  la  con- 
clusion  des    négociations  ouvertes  à 
La  Haye  avec  la  république  des  Fro- 
vinces-Unie» ,   et  la   communication 
prochaine  d'un    trait^  siffné  à   Râle 
avec  la  Suisse.  Le  3  juin,  il  fit,  en  pré- 
sence des  ambassadeuis   bataves  ad- 
mis aux  hoiuieurs  de  la  séance  ,  rati- 
fier par  rassemblée  le  premier  de  ces 
traités,  l'eu  de  jours  après,  envoyé  en 
mission  dans  le  département  du  Nord 
avec  Delamaire,  il  y  poursuivit,  par 
dos  mesures  d'exécution ,  cette  réac- 
tion convcntionnelie  dont  il   avait  été 
un  des  promoteurs  dans  le   sein  des 
comités.  Il  fit  fermer  la  société  popu- 
laire de  Lille,  et  dissi|>a,  par  la  foiK 
des  iuines,  une  lUieute  tl'ouviiersoi 
casionnée ,  à  Arras.  par  la  cherté  du 


pWER 

''mii.  AfiMi  telaar  dans  le  isein  de  la 
Convention,  il  demanda  qu  un  n[>- 
port  fût  fait  sur  la  conduite  des  habi- 
tants de  Vai  .  «  où,  aj««U- 
t-Hl,  les   iimu..,.,    citoyens   étaient 
loin  d'être  en  majorité,  puisque  cette 
e  a  soutena  un  siège  trois 
plus  que  Vauban    ne   1  a- 
va.i   jiijJi;    possible;  et  sans  doute 
r  Vauban  s'y  connaissait.  «  Le  même 
jour,  voulant  confisquer  au  proHt  de 
la  Convention  le  pouvoir  judiciaire .  il 
appuya  le  projet  de  décret  de»  comi- 
tés portant   création  d'une  commis- 
sion extraordinaire,  tirée  de  la  Con- 
vention ,   pour  juger  les    terroristes 
détenu» ,  et  l'on  entendit  ce  juge  san  ■ 
glÉiHMlf«<«ef  rnifier    par   cette  déclara- 
tMM  t»lrien  démentie   par   le«    faits  : 
>  L'action   des  tribunaux    criminels 
«  est  teUement  favorable  a  l'accasé, 
«  qu'étant    président    d'un   tribonai 
«  criminel,  j'ai   bien   vu    sauver   des 
«  coupables,  mais  jamais  condamner 
»  des  innocents.  »  De  tels  actes  firent 
rappeler  Merlin  au  comité  de   salut 
public  {'2  août),  qui  appuya  ou  pro- 
voqua toutes  les  mesures  de  rigueur, 
soit  contre  les  émigrés,  soit  contre  les 
terroristes.  Il  fut,  à  la  même  époque, 
adjoint    à    la    commission   des   onze 
pour  préparer  la  constitution.  Le  :ii 
septembre,  il  proposa  la  réunion  de 
la  Ht]                          "ce.  A  cette  épo- 
que, i- ^                   taris  demandaient 
à  grands  cris  que  la  Convention  termi- 
nât enfin  son  règne  ;  et  celle-ci,  pour 
le  perpétuer  sous   une  autre  forme, 
avait  décrété  .  addidonnellement  à  la 
nouvelle    constitution   qui   était  son 
ouvrage,  que  les  deux  tiers  des  mem- 
bres des  deux  nouveaux  conseils  des- 
tinés   à   la    remplacer    seraient    pris 
parmi  ses  membres.  Merlin  fut  des 
premiers  à  dénoncer  la  ville  de  Paris, 
qui ,  dans  toutes    les  sections,  en  ac- 
ceptant la  constitution  qu'on  lui  avait 


MER 


^^1 


proposée,  déclarait  ne  voidoir  point 
de  conventionnels,  et  les  repoussait 
avec  énergie.  Pour  assurer  le  triomphe 
des  siens,  il  fit  décréter,  le  30  sept. 
1795  ,  qne  la  force  armée  serait  a  la 
disposition   exclusive    des    représen- 
tants du  peuple,  et  que  toute  personne 
ou   tout    fonctionnaire    qui  la  ferait 
ag.r  serait  puni  de  mort.  Ce  fut  alors 
(li  vendémiaire,  4  octobre)  que  tou- 
tes les  sections  marcliérent  en  armes 
contre  l'Assemblée.  Jamais  insurrec- 
tion n'avait  semblé  plus  formidable- 
Dans  ce  danger,  la  Convention  char- 
gea un  comité  de  cinq  membres   de 
pourvoir  à  sa   sûreté.    Merlin  *n  fit 
partie  :  il   trouva  dans  l'excès  de  la 
peur  tes  ressources  d  une  activité  et 
d  un  courage  dont  on  le  crovait   peu 
capable.  C'est  sur  sa  pi-oposition  que 
Barras   reçut  le  commandement  des 
troupes  conventionnelles.  Il  paraît  en- 
core que  ce    fut  lui  qui   désigna  le 
véritable   défenseur    de   la    Conven- 
tion attaquée.  Quelque  temps   aupa- 
ravant  le  général  de  brigade   Bona- 
parte que.  dans  le  mouvement  réac- 
tionnaire. Aubry  avait  privé  de  tout 
commandement,   s  était   présenté   au 
comité  de  salut  public  jfin  de  deman- 
der des  fwsseports  pour  aller  en  Tur- 
quie   servir   dans   Tannée  ottomane. 
Merlin  auquel  il  s'ailressa.  lui  refusa 
ces  passeports,  l'engageant  a  ne  pas 
quitter  son  pays  et  promettant  de  lui 
faire  rendre  jusdce.  Il  se  souvint  alors 
de  sa  promesse;  et  Barras  ayant  de- 
mandé un  commandant  en   second, 
il  préposa  et  fit  agréer  Bonaparte.  On 
sait  comment  celui-ci  s'acquitta  de  sa 
mission,  et  comment,  par  ses  habiles 
dispositions,   les  sections  furent  mi- 
traillées,   dispei-sées.    Ce  fut    Merlin 
qui,  dans  la  soirée  du  13  vendémiaire, 
annonça  à  la  Convention  la  victoire 
qu'elle  venait  de  remporter,  et  fit  de- 
'  créter  que  ceux  qui  avaient  combattu 


MER 


MER 


pour  elle  avaient  bien  mérité  de  la 
"      patrie.  Le  lendemain,  il  fit  ordonner 
larrestation  des  émissaires  que  la  ville 
de  Paris  avait  envoyés  dans  les  dé- 
partements ;  enfin,  dans  la  séance  du  7, 
il  appuya  de  toutes  ses  forces  le  pro- 
jet de  son  collègue  Delaunay,  pour  la 
formation  de  trois  conseils  militaires, 
chargés  de  juger  les  vaincus.  Le  o 
brumaire  (27  octobre),  il  se  présenta 
à  la  tribune  avec   un  énorme  cahier 
contenant   un  code  des  délits  et  des 
peines.  Depuis  dix-huit   mois  (  avril 
1794),    en  exécution  du   décret  qui 
avait  ordonné  la  refonte  de  toutes  les 
lois  émanées  des  trois  assemblées  re- 
présentatives, Merlin  travaillait  à  ce 
code,  qui  contenait  646  articles  et  qui 
fut  décrété  en  deux  séances,  sans  au- 
cune idiscussion.  Cette  loi,  malgré  ses 
lacunes  et  ses  imperfections,  fut  ce- 
pendant, à  cette  époque,  un  véritable 
bienfait.  Ce  qui  avait  surtout  disparu 
dans  la  tempête  révolutionnaire,  c'é- 
taient la  notion  et  l'habitude  de  la  jus- 
tice. Chaque  parti  avait  eu  son  règne, 
ses  lois,  ses  définitions  des  crimes  et 
délits,  ses  tribunaux  et  ses  formes  ;  et 
le  juge  criminel  cherchait  en  vain  sa 
route  au  milieu  de  cette  masse,  con- 
fuse  de    décrets    abrogés    l'un    par 
l'autre.    «  Il  n'y  a  point  d'état  pire, 
»  dit  Merlin  dans  son  exposé  des  mo- 
«  tifs,  que  celui  d'un  gouvernement 
«  dont  Us  magistiats  ne  savent  pas, 
'<  ou  sont  exposés  à  ne  savoir  (pi'im- 
«  parfaitement  ce  qu'ils  ont  à  taire.  » 
Le  code  de  brumaire  était  moins  une 
loi    pénale     qu'une  loi    d'instruction 
criminelle  ;  mais;  réuni  mi  code  de  la 
constituante ,  il  suffisait  aux  besoins 
de  la  société;  et  il  a  fait  loi  jusqu'en 
1811.  .\lors  la  législation  criminelle 
de  remj)ire,  tout  en  empruntant  au 
code  <le  Merlin  mu;  partie  considéra- 
ble de  sa  procédure,  corrigea  les  dé- 
fauts qui    s'y    trouvaient;   mais  d'un 


autre  côté  se  montra  •  plus  impé- 
rieuse, plus  défiante,  et  eut  surtout 
le  tort  de  rétablir  la  confiscation. 
La  Convention  termina  ses  travaux  en 
fondant  flnstitut  national,  dont  Mer- 
lin fut  élu  membre ,  pour  la  section 
des  sciences  morales  et  poHtiques.  En 
même  temps,  les  sufl rages  de  80  as- 
semblées électorales  l'appelèrent  au 
Conseil  des  Anciens.  Mais  il  n'y  siégea 
qu'un  Jour;  le  Directoire  lui  ayant 
confié  par  son  premier  arrêté  le  por- 
tefeuille de  la  justice  (14'  nov.  1795). 
A  peine  fut-il  installé  que  son  influence 
révolutionnaire  se  manifesta  de  nou- 
veau- Les  chants  de  la  Marseillaise 
et  du  Réveil  du  peuple  se  faisaient  al- 
ternativement entendre  ,  et  les  alter- 
cations ,  les  combîts  avec  les  roya- 
listes devinrent  plus  fréquents.  Dans 
ces  circonstances,  le  commandant  de 
Paris,  Bonaparte,  avait  occasion  de 
réprimer  par  la  force,  tantôt  une  fac- 
tion ,  tantôt  une  autre.  Quand  les 
choses  avaient  été  poussées  trop  loin, 
et  qu'il  pouvait  craindre  les  réclama- 
tions des  journaux  ou  de  la  tribune, 
que  faisait-il?  Il  allait  trouver  le  mi- 
nistre de  la  justice  qui,  avec  sa  mer- 
veilleuse facilité  d'approprier  la  lé- 
galité aux  besoins  du  jour,  trouvait, 
dans  l'arsenal  des  lois  révolution- 
naires, la  justification  des  actes  les 
plus  arbitraires.  Nous  tenons  celte 
particularité  d'un  personnage  encore 
existant  ,  et  qui  dînant  alors  chez 
Barias,  avec  le  général  de  vendé- 
miaire, entendit  celui-ci  se  féliciter 
tout  haut,  de  la  science  complaisante 
de  Merlin.  Du  reste,  sous  le  rapport 
de  la  bureaucratie  et  de  rap[)iica- 
tion  des  lois,  on  peut  dire  que  <lans 
son  court  passaçfp  au  ministèie  de  la 
justice ,  le  légiste  de  Douai  mon- 
tra une  {jrunde  puissance  de  tra- 
vail. Rien  alors  n'était  plus  confus 
que  la  législation  ;  tous  les  tribunaux. 


MER 

tous  les  directeurs  du  jury,  tous  les 
officiers  du  ministère  public,  tons  les 
juges  de  paix,  recoururent  à  lui  pour 
qu'il  en  expliquât  le  sens,  ou  qu'il  en 
fixât  les  formes.  Rien  n'égalait  la  célé- 
rité de  sa  correspondance  et  la  pré- 
cision de  ses  avis.  Aucune  lettre  ne 
restait  plus  de  huit  jours  sans  ré- 
ponse. Toutes  les  affaires  importantes 
étaient  traitées  par  lui,  et  il  ne  don- 
nait sa  signature  aux  actes  qu'après 
les  avoir  ronsés.  Au  mois  de  janvier 
i79o,  le  Directoire,  ayant  obtenu  des 
deux  conseils  la  création  d'un  minis- 
tère de  la  police,  crut  devoir  char- 
ger Mffl-lin  de  son  organisation.  Il 
n'hésita  pas  d'accepter;  mais,  dans  ce 
nouveau  poste,  il  n'obtint  aucun  suc- 
cès. Sous  hii,  la  police  se  montra  tra- 
cassière ,  inquisitoriale  ,  violente.  Il 
remplit  ses  bureaux  de  démagogues, 
dont  l'influence  devait  s'y  perpétuer 
non -seulement  sous  lempire,  mais 
même  sous  la  restauration  ;  et  il  prit 
pour  employés  secrets  et  ostensibles, 
les  mêmes  agents  qui,  dans  les  co- 
mités de  sûreté  générale  et  de  salut 
public,  avaient  dirigé  les  arresta- 
tions et  dressé  Jes  listes  de  proscrits. 
Les  lois  contre  les  émigrés  étaietit 
alors ,  selon  l'expression  d'un  acadé- 
micien (7)  ,  aussi  passionnées  que  les 
partis  eux-mêmes.  Merlin  en  exagéra 
la  rigueur  à  l'égard  des  émigrés;  il  ne 
se  montra  pas  moins  impitoyable  en- 
vers les  prêtres.  Deux  conspirations 
ayant  éclaté  <  n  même  temps,  celle  de 
Babeuf  et  celle  de  Brotier  et  La  Yil- 
leurnoy,  il  prétendit  que  les  auteurs 
de  celle-ci,  dont  aucun  n'était  mili- 
taire, devaient  cependant  être  jugés 
par  un  conseil  de  guerre,  attendu 
qu'ayant  cherché  à  soulever  des  sol- 

Çl)  M.  Mignet ,  secrétaire  perpétuel  de 
l'Académie  des  sciences  morales  et  politiques. 
Notice  historique  sur  la  vie  et  les  travaux 
de  M.  k  comte  Merlin,  lue  le  ]5  mai  1841. 


ÏVRSfl 


493 


dats ,  il  était  juste  de  les  considérer  ^ 
comme  embaucheurs;  et  ce  fut  dans 
ce  sens  que,  le  10  février  1797,  il  fit 
un  rapport  au  Directoire,  qui  adopta 
ses  vues.  Le  tribunal  de  cassation 
jugea  qu'un  conseil  miQtaire  était  in- 
compétent, et  communiqua  son  arrêt 
au  Conseil  des  Cinq-Onts.  Merlin 
dénonça  ce  tribunal  ,  et  fit  passer 
outre,  malgré  les  réclamations  de 
Pastoret.  Le  conseil  militaire  fut  éta- 
bli, et  Merlin  le  pressa  d'accélérer  le 
jugement  par  une  lettre  où  l'on  re- 
marquait ces  paroles  froidement  atro- 
ces :  =•  Les  jugements  militaires  doi- 

-  vent  être  prompts;  ceux  qu'ils  frap- 
«  pent  doivent  être  exécutés  sur  l'heu- 
'  re,  à  l'instant  sur-le-champ.  »  Puis 
il  ajoutait  :  «  Si  Ion  ne  tue  pas  les 

conspirateurs    royalistes,    on   sera 
•  forcé  de  laisser  aussi  échapper  les 

-  babouvistes.  »  Pastoret  dénonça  au 
Conseil  des  Cinq-Cents  cette  lettre, 
digne  d'un  cannibale.  Cependant  tous 
les  écrits,  tous  les  joiu-naux  prirent 
en  main  la  cause  des  accusés  avec 
la  plus  grande  chaleur;  ceux-ci  se  dé- 
fendirent eux-mêmes  avec  une  grande 
énergie;  et  ils  apostrophèrent  de  la 
manière  la  plus  vive,  en  présence  de 
leurs  juges,  le  cruel  ministre  {voy.  Vil- 
lEtusov,  XLIX  ,  88).  Enfin  l'opinion 
publique  se  manifesta  avec  tant  de 
force  en  leur  faveur,  qu'on  nosa  pas 
les  envoyer  à  i  échafaud.  Le  conseil 
de  guerre  prononça  la  peine  de  mort 
pour  la  forme;  mais,  usant  de  la  fa- 
culté que  la  loi  lui  accordait,  il  la 
commua  en  quelques  années  de  pri- 
son. Le  ministre  ne  se  tint  pas  pour 
battu  ;  il  profita  plus  tard  de  la  révo- 
lution du  18  fructidor  et  fi.t  déporter 
les  principaux  d'entre  eux  à  Sinnama- 
rv.  Quelques  jours  avant  cette  révolu- 
tion, le  député  Jourdan,  des  Bouches- 
du-Rbône,  dénonça  Merlin  pour  avoir 
déféré,  au  tribunal  de  cassation  ,  un 


494 


MER 


jugement  militaire  qui  avait  acquitté 
quelques  émigrés  jetés  par  la  tempête 
sur  les  côtes  de  France,  près  de  Ca- 
lais. Là  presse  alors  tout-à-fait  libre, 
fit  au  moins  justice  de  tant  d'atrocité, 
et  il  se  vit  en  butte  aux  attaques  de 
tous  les  partis.  Babeuf  s'était  chargé 
de  le  décrier  en  le  louant,  et  lorsque 
Merlin    fit  saisir  ses  papiers ,   on  y 
trouva  ces  mots  :  '  Il  faut  que  je  dise 
«  du  bien  de  Merlin,  afin  que  chacun 
«  lui  tombe  dessus.  «  Les  journaux  de 
l'opinion  royaliste  employaient   con- 
tre lui  les  plus  sanglantes  ironies  ;  l'un 
de  leurs  rédacteurs  eut    un  jour   la 
bonne  foi  de  lui  dire  :  <^  Quand  il  nous 
«  manque  quelque  chose  pour  rem- 
'<  plir   nos  colonnes,  vous  êtes  notrf 
'.  ressource  et  nous  vous  attaquons. 
Le  lendemain  du  18  fructidor  (4  sep- 
tembre 1797),   dont  il  fut  un  des 
plus  ardents  provocateurs,  Merlin  fut 
nommé  membre    du  Directoire,  en 
remplacement  de  Barthélémy.  Il  for- 
ma, avec  Rewbcll  et  La  Bévellière- 
Lépaux,  cette  odieuse  et  ridicule  ma- 
jorité du  Directoire  à  qui  la  France 
eut.  à  demander  compte  de  tant  de 
fautes,  de  revers  ,  et  que  Bonaparte 
appelait    le   gouvernement    des    avo- 
cats.   Un  de   s<;s    premiers  acleà    fut 
de  réclamer  la  déportation  des    nau- 
fragés de  Calais,  pr(>sdu  Conseil  des 
Cinq-Cents,  qui,   avant  son   épura- 
tion violente,  avait  prononcé  leur  ren- 
voi et  leur  embarquement.  Président 
du  Din^ctoii'o ,  à  Fépocjue  de  la  fête 
funéraire  célébré(;  en    l'hoimeur  des 
plénipotentiaires    français    assassinés 
à   Rastadt,  il    prononça  un   discour? 
où  l'on  remarquait  le  passage  suivant  ■ 
»  ïj:  peuple  français  proclame  legou- 
u  vernenient    d'Autriche  ,   l'irrécon- 
■<  ciliable  ennemi  des  nations.  Mal- 
"  heur  ,    opprobre    éternel ,  guerre 
-  implacable  à  l'atroce  maison  dont 
«  les  attentats  ont  dé.shonoré  le  siècle 


MER 

«  de  la  raison  et  des  lumières  !  Que 
"  ce  gouvernement  soit  exclu   de  la 
«  communication  des  sociétés  humai- 
•<  nes;  frappons  sur    lui!  Anathème 
»  éternel!  »  Merlin  et  ses  deux  collè- 
gues régnèrent  par   le  triomphe  du 
plus  honteux  système  de  bascule,  jus- 
qu'au mois  de  juin  1799.  Alors  les 
fautes  désastreuses  de  Schérer  eu  Ita- 
lie, et  de  Jourdan,  en  Allemagne  don- 
nèrent des  armes  contre  le  Directoire 
et  particulièrement  contre  ce  Merlin 
auquel  on  supposait  la  plus  haute  in- 
fluence. Bertrand  du  Calvados,  mem- 
bre du  Conseil  des  (>inq-Cents,  de- 
manda que  le  premier  fijt  expulsé  du 
Directoire.  Boulay  de  la  Meurthc  ap- 
puya cette  proposition  ,   et   chercha 
surtout    à  déconsidérer  le  directeur 
en  le  peignant  comme  un  homme  à 
petites  vues,  à  petites  passions.  Mer- 
lin, épouvanté,  céda,  selon  sa  coutu- 
me, avec  beaucoup  de  docilité,  se  re- 
tira du  Directoire. le  18  juin  1799,  et 
retourna  à  Douai.  On  a  prétendu  que 
Barras  était  le  meneur  secret  du  parti 
puissant  qui  se   forma  contre  Meilin 
et  ses  deux  collègues.  Ce  parti,  sans 
se  douter  du  but  cle  son  chef,  qui , 
s'il   faut  en  croire  les  Mémoira  de 
FauclxvBovel,  étisit  alors  l'agent  secret 
des  Bourbons ,  marchait  à  la  conue- 
rcvolution.  Les  ennemis  de  Merlin  le 
poursuivirent  dans  sa  ntraile  ;  ils  dre-- 
sèrent  contre  lui  un  acte  d'accusation 
dont  le  prin«  ipal  chef  était  «/'ûi'oij- rfc- 
pnrté  Bonapartf  en  Éi^yptr,  ce  qui,  à 
lëgard  de  Merlin,  était  absurde. puis- 
qu'il   avait  donné  son  fils  pour  aide- 
de-camp  à  ce  général.   Mais  on  avait 
tant  (Vautres  reproches  à  lui  faire, 
que  ce  n'était  assurément  pas  lapt;in«- 
de  le  calomnier.  Quoi  (ju'il  en  soiu  il 
brava  tous  les  cris,  et  demeura  paisi- 
ble dans  sa  reli-aite,  paraissant  n'avoii 
survécu  aux  faction»  dont  il  avait  été 
l'iine  nu  VinstrunK'nt.  que  pour  acctt- 


ser  la  providence.  De  tous  ses  emploifi, 
il  n'avait  conservti  que  le  titre  de  mem- 
bre de  l'Institut.  Six  mois  après ,  18 
brumaire,  il  lut  à  la  deuxième  classe 
un  mémoire  sur  la  iwcessilé  d'un  code 
universel  pour  toute  la  France.  En  ef- 
fet, rien  de  plus  .confus  que  la  législa- 
tion lé{juée  au  pays  par  les  cinq  légis- 
latures révolutionnaires.  Au  droit  ro- 
main, aux  ordonnances  des  rois,  aux 
arrêts  gcnéraux  des  parlements,  dont 
le  décret  du  21  septembre  1792  avait 
maiurenu  toutes  les  dispositions  qui 
n'avaient  pas  été  abrogées,  il  fallait 
joindre,  et  les  lois  étrangères  qui  régis- 
saient les  pavs  nouvellement  annexés 
au  territoire  par  la  conquête,  >•  «t  les 

-  trente  ou  quarante  mille  lois  por- 

-  tées,  disait  Merlin,  dans  des  assem- 
«  blées  ou  chaque  membre  .avait  le 
'  droit  d'initiative,  et  où  tel  homme 
«  se  serait  cru  déshonoré,  sil  n'avait 

eu,  à  la  fin  de  la  session,  au  moins 
cinq  ou  six  lois  de  sa  façon  à  pré- 
senter pour  certificats  de  ses  talents 
et  de  son  influence.  »  Il  pressait  le 
gotivernement  consulaire  d  établir 
l'uniformité  de  législation  dans  un 
pays  que  la  révolution  avait  rendu 
homogène.  Ce  vœu  fut  accompli  ; 
mais  Merlin  ne  fut  pas  appelé  avec 
les  Portalis,  les  Tronchet,  les  Caniba- 
rerès.  les  .Siraéon,  les  Treilhard,  les 
Malleville,  les  Bi>jot  de  Préameqeu,  à 
coopérer  a  l'œuvre  de  uos  codes. 
Frappé  à  si  bon  droit  de  la  défaveur 
publique  et  vivant  à  l'écart  depuis  sa 
sortie  du  pouvoir,  il  avait  de  plus 
encouru  T  inimitié  des  frères  de  Bo- 
naparte. Celui-ci,  selon  l'expression 
d'un  biographe,  trouva  plaisant  de 
faire  substitut  du  commissaire  du 
gouvernement,  auprès  du  tribunal  de 
cassation,  un  homme  qui,  quelques 
mois  auparavant,  avait  partagé  le 
pouvoir  suprême.  Merlin  ne  pensa 
pas  pouvoir  refuser;  mais  depui.s  lors. 


40» 

il  Qo^o^ha  rapidement  à  une  fortune 
nouvelle,  plus  réellement  utile  que  la 
précédente  et  surtout  plus  appropriée 
à  sa  vocation  coran»e  jurisconsulte. 
Des  1801.  il  fut  nommé  commissaire 
du  gouvernement,  c'est-à-dire,  pro- 
cureur-général près  de  cette  même 
cour  de  cassation.  En  180i  ,  il  fut 
fait  commandant  de  la  Légion-d'Hoa- 
neur  ;  puis,  lors  de  la  création  des 
nouveaux  titres ,  il  reçut  celui  de 
comte,  ce  qui  donna  lieu  a  quelques 
réflexions  de  la  part  de  ceux  qui  se 
rappelèrent  1  ardeur  qu'il  avait  mon- 
trée naguère  à  détruire  les  bases  et 
les  titres  de  la  féodahté.  Enfin,  en 
1806,  il  passa  au  Consed  d'État,  où  il 
acquit  beaucoup  d  influence.  Il  fut 
encore  nommé  grand-officier  de  la 
Légion-dUonneur ,  commandant  de 
l'ordre  de  la  Réunioiv,  membre  du  co- 
mité pour  les  affaires  contentieuses  de 
la  couronne  et  pour  celles  du  domai- 
ne privé  de  l'empereur.  On  peut  dire 
que  .  dans  cette  partie  de  sa  vie , 
Merlin  effaça  jusqu'à  un  certain  point 
les  taches  de  sa  conduite  politiqiie. 
Les  nombreux  réquisitoires  et  les 
plaidovers  plus  nombreux  encore 
prononcés  par  lui,  durant  les  treize 
années  qu'd  a  occupé  le  siège  du 
ministèi-e  public,  se  trouvent  potu-  la 
plupart  dans  son  recueil  des  Questions 
de  droit ,  et  dans  les  nouvelles  édi- 
tions du  Répertoire  de  jurisprudeucfi. 
On  s'étonne  que  Merlin  ait  pu  sqffire 
à  des  travaux  si  étendus.  Ce  qui  est 
certain ,  c'est  qu'ds  lui  ont  acquis , 
dans  les  tribunaux,  une  autorité  doot 
peu  de  jurisconsultes  avant  lui  avaieqC 
joui  de  leur  vivant.  Ses  réquisitoire:» 
servaient  de  giiides  aux  tribunaux, 
ses  livres,  de  manuels  aux  membres 
du  baneau  ;  et  l'on  a  dit  que  ses 
conclusions  devaient  être  la  dernière 
raison  de  la  loi.  En  1813,  le  Conseil 
d'État. Cour  de  cassation  du  royaume 


496 


MEB 


de  Westphalie,  se  trouvant  partagé 
d'opinion  sur   une   question   impor- 
tante,   choisit  unanimement  Merlin 
pour  arbitre,   et  régla  son  arrêt  sur 
son  :  avis.    Toutefois    on   doit  ajou- 
ter  que   son   influence    ne  fut    pas 
sans  inconvénients  près  de  la  Cour 
de  cassation.  La  lecture  de  ses  plai- 
doyers nous   le  montre,  en  général, 
plutôt  adversaire  de  la  partie  qu'il  a 
résolu  de  faire  succomber,  qu'appré- 
ciateur impartial  des  moyens  respec- 
tifs ;  se  passionnan».  pour  ou  contre, 
et  recourant  à  la   déclamation,  à  l'i- 
ronie, au  sarcasme,  à  la  pointillerie 
du    raisonnement    et    au   sophisme. 
Personne  plus  que   lui  n'a  concouru 
à  introduire,  dans  le  barreau,  l'abus 
de   donner    des    opinions    pour  des 
moyens,  abus  qu'il  a  porté  jusqu'au 
point  que  les  mêmes  autems    qu'il 
cite  avec  éloge  et  comme  une  sorte 
d'autorité   infaillible,    lorsquils    sci- 
vent  d'appui   à  son    sentiment,   ne 
sont  plus,  dans  le  cas  contraire,  que 
de  médiocres  jurisconsultes,  dont  les 
ouvrages  fourmillent  d'erreurs.  C'est 
à    de  pareils  traits    (jue    l'on  recon- 
naît bien  la  conscience  élastique  de 
l'homme  cpii  liit  successivement  ami 
et  conseil  d'Orléans,  de  Robespierre, 
de  Brissot,  de  Danton,  do  La  P.evel- 
liére,  de  Chabot,  de  Hailleul,  de  Bar- 
ras ,  <le  l'.arère,   etc.   A  l'époque   de 
la  nouvelle  organisation  de  l'Institut, 
en  180.3,   Bonaparte,   en   supprimant 
la  classe  des  sciences  morales  et  po- 
litiques, fit  passer  Merlin  dans  celle 
de  la  langue  et  de  la  littérature  fran- 
çaises (l'Académie   française).  Ce  fut 
en  quaiit(;  de  président  de  cette  classe 
qu'en    1810   il  répondit  au  dis«:ours 
de  réception    de    Néponuu-ènc     Le- 
mercicr.  On  fut  tout  étonné  d'enten- 
dre   l'ex-conventionnel ,   qu'on   avait 
vu  l'ennemi  acharné  des  prêtres,  se 
prononcer  contre   les  systèmes   n<m 


MER 

moins  anti-sociaux  qu  anti-religieux 
de  Naigeon,  auquel  succédait  le  réci- 
piendaire, et  donner   à  celui-ci  une 
sévère   leçon    sur    les    licences   peu 
classiques  qu'il  s'était  permises  dans 
plusieurs   de  .ses    drames.   «    Aussi, 
"  ajoutait  Merlin,  je  dois  vous  le  dire, 
«  avec  toute  la  franchise  qui  convient 
u  à  la  jJlace  que  j'ai  l'honneur  d'oc- 
«  cuper,  si  tout  récemment,  dans  des 
"  leçons  savantes  sur  l'art  dramati- 
"  que,   vous  n'aviez  pas  solennelle- 
*  ment    professé  une    doctrine    ré- 
"  paratrice  de  l'exemple    que   vous 
»  aviez  donné,   l'Académie   n'aurait 
«  pas  pu,   malgré  vos  titres  liltérai- 
«  re»,  vous  admettre  dans  son  sein. 
.'  elle  aurait  appréhendé  qu'en  élisant 
<•  l'auteur   (ÏJgaTnemnou,  elle   n'eut 
.;  l'air  d'élire  l'auteur   do   Christophr 
«  Colomb,  et  elle  aurait  sacrifié  son 
^.  estime    pour    vous    à    la    crainte 
«  d'encourager  les  jeunes  élèves  <lf 
u  Melpomène  et  de   Thalie  à  suivre 
«  la  route  que  vous  leur  aviez  si  im- 
«  prudemment  ouverte.  »  Au  retour 
de  Louis  XVIII,  en  181  i,  MerUn,  qui 
avait  adhéré  à  la  déchéance  de  Ma- 
poléon.    n'eut  pas   l'esprit  de  serUir 
que  fhommc  qui  avait   montré  tant 
d'acharnement     contre    Louis     XVI 
ne  pouvait  plus   être  le   délégué  de 
son  frèi  e  auprès  de   la  première  cour 
du  royaume.  Exclu  d'abord  du  Con- 
seil  d'Ltat,    il    fut,    après    plusieurs 
tentatives   inutiles,   faites  pour  obte- 
nir de  lui  sa   diniission,  destitué   de 
la  place    de  procureur-général,    par 
ordonnance  du  15  février  1815,  mais 
en  recevant  une  pension  de  retraite. 
Il  ouvrit  alors  un  cabinet  de  consul- 
tations.  Dès    le  2i   mars  suivant,  il 
rentra   au   par(piet    de    la    Cour  de 
cassation,  oii  ^apoléon,  à  son  retour 
de   l'île    d'I-.ibe,  l'avait   rappelé    pai 
un  décret   d.ité   de  Lyon,  il   le  nom- 
ma, en  outre,   un   de    ses  nnnistre.-- 


MER 

d'État,  et  ce  fut  en  cette  qualité  que 
Merlin    signa    la    fameuse    délibéra- 
tion  qui   proscrivait  à  jamais   la  fa- 
mille des  Bourbons.  Élu  membre  de 
la  Chambre  des   représentants,    par 
le   département   du    Nord,   il  obtint 
quarante  -  une  voix    pour    la  prési- 
dence. Pendant  la    courte  existence 
de  cette  assemblée,  il  'ne  parut  à  b 
tribune  qu'une  seule  fois,  le  29  juin, 
et  ce  fut  pour  se  couvrir  de  ridicule. 
Se  croyant  environné  de  pièges  et  de 
périls,  il  annonça,  comiue  un  grand 
complot,  la  visite  de  deux  individus 
auxquels    M"'   la    comtesse    Merlin 
n'avait  pas  voulu  ouvrir  la  porte  pen- 
dant la  nuit,   i    il  est  bien  évident, 
-■  dit-il,   qu'on    a  fait  une   tentative 
■  d'enlèvement  de  ma  personne,   et 
'  peut-être  de  quelque  chose  de  plus 
"  grave.  Je  n'aurais  point  parlé  de 
n  ce  fait  qui  m'est  personnel,  si  je 
'=  n'y  avais  été  engagé  par  mon  col- 
'  l-'f^ue  Regnaud-de-.Saint-.lcan-d'An- 
ly,  et  si  je  n'avais  pas  cru  que 
cette  aventure  pouvait  se  rattacher 
"  â  quelque  complot.  ^  Plusieurs  dé- 
putés, entre  autres  Duu)oIard,  virent 
aussi  le  signal  d'un  grand   complot 
dans    la    tentative    d'enlèvement    de 
Merlin,  et  demandèrent  que  le  gou- 
vernement rendît    compte   des   me- 
sures qn'il  avait  dû  prendre  contre 
les   auteurs    d'nn   tel   attentat  ;   mais 
Houlay  de  la  Menrthe  qui,  seize  ans 
auparavant,  s*(<tait  égayé  aux  dépens 
lie  Merlin  ,    fit    encore  rire   de    ses 
craintes  puériles  dans  cette  occasion, 
en  prouvant  que  ces  prétendus  ravis-  * 
seurs  n'étaient  autres  que  des  messa- 
gers du  gouvernement,  et  que  les  deux 
niémes  indiddus    lui  avaient  remis 
une  dépêche,  disant  qu'ils  allaient  en 
[►orter  une   pareille  a  Merlin.  Toute 
l'assemblée  partit  d'un  long  éclat  de 
rire.  Merlin  reparut  a  l.i  tribune  pour 
>'ercnser  comme  il  put,  n)ais  sa  pre- 

LSUUlk 


h^' 


1^ 


sence  ne  fit  que  redoubler  l'hilarité. 
Les  journaux   s'emparèrent  de  cette 
aventure,  et  s'accordèrent  à  dire  qu'il 
n'était   pas  étonnant  que  Merlin    vît 
partout  des   suspects,  que  chez  lui, 
■i  c'était  une   maladie   trop  ancienne 
3  pour  qu'il  restât  le  moindre  espoir  de 
j  guérison  '.8^.  >•  Enfin  un  poète  fit,  à 
ce  sujet,  une  chanson  fort  gaie,  intitulée- 
la  yicrlinade^  ou  la  peur  de  soi-même. 
(Compris  sur  la   liate  des  38  bannis 
par  l'ordonnance  du  24  juillet  1815, 
et  ensuite   dans   la  loi   qui  expulsait 
les  régicides,  Merlin   se  réfugia  d'a- 
bord en  Belgique  ;  mai&  un  ordre  des 
])uissances  alliées  enjoignit  au  roi  des 
Pays-Bjis  de   lexpalser  de  ses  États. 
Il  écrivit  en  Angleterre  pour  v  ob- 
tenir un   asile;  on   lui  répondit   par 
un  refus,  .\loi-»,  .se  tournant  vers  la 
Prusse,  il  s'adiessa  au  prince  de  Har- 
denberg ,   avec   lequel  il  était  entré 
en  communication  à  l'époque  du  trai- 
té de   Bàle.  Ne  recevant  aucune  ré- 
ponse, il  s'embarqua  pour  les  États- 
l'nis,  avec  son  fils  le  général.  Le  na- 
vire qui  les  }>or(ait  fit  naufrage  sur 
Its   cotes    de  Flessingue ,  comme    si 
les  hommes  et  les  éléments  eussent 
été   d'accoixl   pour    repousser    celui 
qui  avait  poursuivi  avec  tant  d'achar- 
nement les  naufragés  de  Calais.  Il  eut 
beaucoup  de  j>eine  à  se  sauver,  et 
supplia  le  roi  des  Pays-Bas  de  ne  plus 
voir  en  luiqu'im  étranger  que  la  mer 
avait  jeté  sur  ses  côtes,  et  ce  prince 
laissa  \ivre  Merlin  d'abord  à  Harlem, 
•  nsuite  à  Amsterdam,  sous  un  nom 
suppose.  Plus    tard .  il   put    habiter 
ostensiblement   Bruxelles  (9).    Là,  il 


;8;  Martainville ,  letu-e  au  Jovvnal  dr 
Paris  ,  du  30  juin  1815. 

9}  «  Les  richesses  qu'il  a  amassées  durant 
sa  longue  «rrière  politique,»  disaient  en 
1S20  les  auteurs  de  la  Biographie  des  Con- 
(emporaiiia  (Rabbe  et  Boisjolln),  «lui  ser- 
î  vent  aujourd'liui  à  étaler  le  luxe  des 
"  grands  de  IVuinir».  au  vin  de  l'exiJ ,  k  c&xï- 

32 


4^ 


MER 


reprit  ses  travaux  de  jurisprudence, 
donna  des  consultations,  et  refondit 
ou  compléta    son   Répertoire   de  ju- 
risprudence et  ses  Questions  de  droit. 
Quoique   en  France    il  fût  alors  dé- 
fendu de  citer  le  nom  de  Merlin  de- 
vant les   tribunaux,    les   vingt  mille 
exemplaires  de  ces  deux  ouvrages  s'é- 
coulèrent rapidement,  et  l'un  des  plus 
célèbres    professeurs  des    Écoles    de 
droit ,    Toullier,    commentateur    du 
Code  civil,  donnait  à  Merlin  le  titre  de 
prince  des  jurisconsultesAl  faut  ajouter 
que  sous  cette  restauration,  où  une 
opinion  si  puissante  s'était  élevée  con- 
tre les  Bourbons,  grâce  à  la  faiblesse 
maladroite  de  leur  gouvernement,  la 
renommée  de  Merlin  comme  révolu- 
tionnaire ne  contribua  pas   peu  à  la 
popularité  de  ses  ouvrages,  qui  ne 
sont  aujourd'hui    estimés   qu'à   leur 
juste   valeur.    En   1826,  une  légère 
attaque  de  paralysie  le  força  de  res- 
treindre   ses   travaux  ;  il  avait  alors 
soixante-douze  ans.  Les  événements 
de  1830  le  ramenèrent  en   France. 
On  a  dit  que  l'âge  et  les  vicissitudes 
qu'il  avait  éprouvées  l'avaient  rendu 
fort  modéré.  Rentré  dans  l'Académie 
des  sciences  morales,  il  s'y  montrait 
fort  assidu,  il  mourut  le  26  décem- 
bre 1838.  Sa  dernière  volonté  pres- 
crivit de  ne  prononcer  aucune  parole 
sur  sa   tombe  ;   mais  il  n'en   a   pas 
moins  obtenu    les    honneurs    d'une 
notice  apologétique,  delà  part  du  se- 
crétaire-perpétuel de  l'Académie  de» 
sciences   morales  et    politiques,   qui 
conclut  en    ne  voyant  en  lui  qu'u« 

,  de  quelqui's  compagnons  d'infortune  qui 
.  éprouvent  toutes  sortes  de  privations  ;  et 
«  l'on  \oll  ainsi  l'aristocratie  pénétrer  jus- 
«  qu'au  milieu  des  malheureux  condamnés  A 
«  mourir  sur  imc  terre  étrang^^e,  pour  s'flre 
«  montrés  trop  ardents  démocrates.  Il  estce- 
«  ncitdant  juste  de  dire  que  Merlin  secourut 
a  alors  quelques-uns  de  ses  anciens  collè- 
«  gucs.  • 


MER 

savant  égare'  dans  une  révolution.  On 
a  deMeiHn:  l.  Opinion  sur  la  nécessité 
de  rendre    le    Tribunal    de   cassation 
sédentaire,    1790,   in-8''.  II.  Rapport 
sur  les  événements  du  ià'  vendémiaire, 
fait  à  la  Convention  nationale,  1795, 
in-8°.  m.  Plusieurs  autres  rapports  à 
la  même  législature.  IV.  Merlin  {Ph.- 
Antoine)  au    Conseil  des   Cinq-Cents^ 
1799,  in-S".  V.  Répertoire   universel 
et  raisonné  de  jurispriulence.  Cet   ou- 
vrage fut  originairement  publié  par 
Guyot,  qui  en  donna  deux  éditions: 
la  première  en  1777  et   années  sui- 
vantes, 18  vol.  in-8»  ;  la  seconde  en 
1781  et  années  suivantes,  17  vol.  in-i". 
Merlin,  qui  avait  été  un  des  princi- 
paux collaborateurs  de  ce  recueil  , 
en  devint   propriétaire;    et  en  1807 
et  années  suivantes,  il  eu  donna  une 
nouvelle  édition  (la  troisième), en  13 
vol.  in-4°,  où    il    intercala  le  droit 
nouveau  et  supprima  des  choses  qui 
n'appartenaient   qu'au    droit   ancien. 
Une  cinquième  édition  de  ce  grand 
ouvrage  a    paru  en    1827,    18   vol. 
in-4",  sous  ce  titre:  Répertoire  univer- 
sel   et    raisonné  y    etc.,     ouvrage    de 
plusieurs  jurisconsultes,    réduit    aux 
objets  dont    la   connaissance  peut  en- 
core être  utile,  et  augmenté  :  1"    des 
changements  apportés  aux  lois  ancien-      , 
nés  pat  les  lois  nouvelles  ,  tant  avant     1 
que  depuis  l'année  1814  ;  2''  de  disser- 
tations, de  plaidoyers  et  de  réquisitoires 
sur  les  unes  et  sur  les  autres,  cinquiènu' 
c<lition    revue  ,    corrigée    et  fondue 
avec  les  additions  faites  depuis  1815 
aux    éditions    précédentes.    Tarrible 
et  Henrion  de  ï'ansey  y  ont  fourni 
des   articles    importants.    On   ajoute 
aux  deux  recueils  de  Merlin  un  vo- 
lume do  tables,  publié  par  Uondon- 
neau,  en  1829,   in-4M\oussel,  avo- 
cat à  Lille,  a  également  publié  un  ou- 
vrage ayant  pour  litre  :   Jnnotatio»- 
sur  c7»«7uf  article  des  cinq  Codes,  d> 


MER 


MER 


499 


toutes  les  questions  de  droit  traitées  dans 
le  nouveau  Répertoire  (Lille,  1826, 
in-4'').  VI.  Recueil  alphabétique  des 
questions  de  droit  qui  se  présentent  le 
plus  fréquemment  dans  les  tribunaux  ; 
ouvrage  dans  lequel  sont  classés  et 
fondus  la  plupart  des  réquisitoires  de 
l'auteur,  avec  le  texte  des  arrêts  de 
la  Cour  de  cassation  qui  s'en  sont 
suivis,  Paris,  1804  à  1810,  13  vol. 
in-^";  qoatrième  édition,  reviie  et 
considérablement  augmentée,  Paris, 
1827,  8  vol.  in-4°.  On  peut  com- 
pléter les  trois  précédentes  éditions 
au  moyen  d'un  t.  VII  qui  parut  aussi 
en  1827.  Le  Recueil  alphabétique 
des  Questions  de  droit  a  été  impri- 
mé à  Bruxelles,  de  1827  à  1830,  en 
16  vol.  gr,  in-8*.  VU.  Consultation 
sur  la  </em<iAle  du  sieur  Chancerel,  en 
cassation  d'un  arrêt  de  la  Cour  roya- 
le de  Caen.  du  13  juillet  1820,  qui 
dédare  légales  les  poursuites  d'of- 
fice faites  contre  lui,  pour  raison 
d'un  prétendu  délit  d'usure,  délibéré 
à  Bruxelles  4e  i  septembre  1820 
(  Paris,  de  l'imprimerie  de  Leblanc, 
1820,  in-i"  de  20  pages).  Enfin ,  ce 
qu'on  aura  de  la  peine  à  croire,  c'est 
que  Merlin  s'était  aussi  occupé  de 
vers ,  même  de  vers  élégiaques ,  et 
'qu'il  avait  traduit  dans  un  style  beau- 
coup plus  plat  que  celui  de  ses  arrêts  et 
de  ses  lois,  l'admirable  élégie  de  Grav 
sur  un  cimetière  de  campagne.  Malgré 
les  éloges  exagérés  de  ses  partisans, 
cet  homme  eut  plus  d'érudition  et  de 
mémoire  que  de  sens;  et  c'est  plutôt 
un  légiste  qu'un  jurisconsulte.  Pour 
mériter  ce  titre,  il  faut  avoir  dans  l'es- 
prit une  rectitude,  et  dans  la  conscien- 
ce une  droiture  qui  lui  manquaient. 
Caoir  lâche  et  faible  comme  homme 
politique,  il  fut,  selon  le  jugement 
de  (îarnot,  plus  adroit  que  fort,  et 
doué  d'une  opiniâtreté  d'esprit  qui 
n'est  pas  le  caractère,  mais  qui  sou- 


vent en  tient  lieu.  On  peut  consul- 
ter sur  Merlin  les  Mémoires  de  Car' 
not^  sa  Notice  académique,  par  M. 
Mignet  ;  son  Eloge  historique ,  pro- 
noncé à  la  séance  d'ouverture  de 
l'ordre  des  avocats,  le  23  nov.  1839  , 
par  Aug.  Mathieu,  1839,  in-8°  ;  enfin 
Merlin,  par  M.  Ch.  Paulraier,  avo- 
cat; extrait  de  la  Gazette  des  Tribu- 
naux, Paris,  1839,  inS".  D — r — r. 
MERLIX  (Astoise-Chbistophk), 
dit  de  Thionville,  naquit  en  cette 
ville,  le  13  septembre  1762.  Son 
père,  ancien  huissier,  le  destinait  à 
l'état  ecclésiastique  ;  mais,  après  avoir 
fait  ses  études  au  séminaire  de  Saint- 
.Sulpice  à  Paris,  le  jeune  Merlin  quitta 
la  soutane  et  retourna  dans  sa  patrie 
pour  v  suivre  la  carrière  du  droit.  Il  é- 
tait  avocat  au  parlement  de  Metz,  lors- 
que la  révolution  éclata.  L'ardeur  avec 
laquelle  il  en  embiassa  la  cause  le  fit 
passer  des  fonctions  d'officier  muni- 
pal  à  celles  de  député  à  l'Assemblée 
législative,  en  1791,  pour  le  dépar- 
tement de  la  Moselle,  et,  en  1792,  à 
la  (invention  nationale.  D'im  carac- 
tère emporté  et  fougueux  à  l'excès, 
mais  beaucoup  plus  franc  que  son 
liomonyme  dans  ses  plus  coupables 
erreurs,  Merlin  de  Thionville  s'élança 
dans  la  lice  révolutionnaire,  sans 
calcul  et  sans  réflexion.  Dès  son  ar- 
livée  à  l'Assemblée  législative,  il 
contracta  avec  le  capucin  Chabot  et 
l'avocat  Bazire  une  intimité  sur  la- 
quelle on  fit,  dans  le  temps,  des  chan- 
sons et  des  épigrammes,  parmi  les- 
quelles on  remarque  celle-ci  : 

Fut-il  jamais  rien  de  plus  sot 
Que  Merlin,  Bazire  et  Chabot'.' 
Mon,  je  ne  connais  rien  de  pire 
Que  Merlin,  Chabot  et  Bazire  ; 
Et  n'ai  rien  vu  de  plus  coquin 
Que  Chabot,  Bazire  et  Merlin. 

Mais   les  injures  et  les   épigrammes 
nempêchèrent  pas  les  trois  révolu- 
tionnaires, qu'on  apjiela  le  Triocorde- 
32. 


soo 


MER 


lier,   d'avoir   une  grande    influence 
sur  les  ëvënements  de  la  plus  haute 
importance.  Leur  méthode  était  d'at- 
taquer sans  cesse  les  gens  en  place , 
de  parler  à  tout  propos  des  conspi- 
rations de  la  cour  et  des  ministres, 
qui,    pour   la   plupart,   timides,    et 
n'ayant  point  d'appui  dans  la  masse 
du   peuple,  ne  pouvaient  repousser 
ces   attaques.    En    arrivant   à   Paris, 
Merlin  se  fit   recevoir    au  -club  des 
Jacobins  ,    et    se    montra    l'un    des 
plus  ardents  adversaires  de  celui  des 
Feuillants,    où    se    réunissaient    les 
constitutionnels.    Chaque  jour  ,    les 
Jacobins  soulevaient  la  populace  pour 
insulter  les  timides  Feuillants.  Merlin, 
voyant  que   ces  attaques  ne  produi- 
saient pas  assez  proniptcment   l'efFet 
désiré,  entra  lui-même  un  jour,  dans 
le  club,  la  tête  un  peu  échauffée  par 
le  vin,  et  se  mit  à  attaquer  seul   la 
société  et  les  sociétaires,  par  les  apos- 
trophes les  plus  vives;  ce  qui  lui  at- 
tira   de  violentes  récriminations,  an 
point  qu'il   fut  obligé  de  sortir  après 
avoir    été    réellement   battu.    Merlin 
raconta  cette  aventure  à  ses  collègues, 
qui    dénoncèrent  comme  très-crimi- 
nelle cette  conduite  des  Feuillants  eu- 
vers  un  membre  de  la  représentation 
nationale  ;    et    l'Assemblée    décréta 
qu'aucune   société  politique  ne  pour- 
rait se  réunir  dans  les  bâtiments  sou- 
mis à  sa  police  particulière.  Obligés 
de   s'éloigner,   les  Feuillants    perdi- 
rent toute  leur    influence,    et  ils  en 
auraient  eu    beaucoup,   si   alors  de 
grands  talents  eussent   été  comptés 
pour    quelque  chose.   Kn  novembre 
1791,  Merlin  s'opposa  à  l'envoi  des 
troupes  dans  les  colonies,  représen- 
tant c<lte  mesure  conune  Ubcrticidv. 
l^uelciues  jours  après,  il  combattit   la 
proposition    d'accorder    dos   secours 
pécuniaires  à  ces  mêmes  colonies,  et 
UH-siua  fine  \f  romiiu  icc   Hnitait  par 


MER 

devenir  fatal  à  la  France,  en  avilis- 
sant  l'esprit  national.     "  Je  pense  , 
«  ajouta-t-il,  que,  pour  être  libre,  il 
u  ne  faut  pas  être  riche.  »  Le  29  du 
même  mois,  il  proposa  la   mise  en 
accusation   des    princes,   frères     du 
roi,  proposition  qui  fut  rejetée,  mais 
qui  ne  tarda  pas   à  être  reprise  {voy. 
GtTADET,   XVIII,    381,    et   GE^-so^^■É, 
XVIl,  94).  En  février  1792,  il  vota 
pour  faire    séquestrer  les  biens  des 
émigrés,  et  contribua  à  l'adoption  de 
cette  mesure  -  afin,   dit-il,  de  faire 
a  payer  les  frais  de  la  guerre  à  ceux 
a  qui  la  suscitent.  »  Le  28  mars,  il 
fit  décréter  d'accusation  M.   de  Cas- 
tcUane,  évêque  de  Mende,   qui,  livré 
ainsi  à  la    haute-cour   d'Orléans,  fut 
ensuite  massacré  à  Versailles.  Le  13 
avril,  il  se  plaignit  dmj||llu  de   soin 
qu'on  mettait  à  propagerles  lumières, 
et  proposa  d'envoyer  dans  les  cam- 
pagnes, aux  frais    de  l'Etat,  XAlma- 
nach   du   père  Gérard,   composé    par 
Collot-d'Herbois.  Le  21   avril,  il  de- 
manda que   le  roi,  les  ministres  et 
tous  les  fonctionnaires  publics  fussent 
tenus  de  donner  le  tiers   de  leurs  re- 
venus, comme    contribution  patrioti- 
que; et  le  23,  il  fit  la  motion  de  dé- 
porter en  Amérique  tous  les  piètres 
insermentés.  Le  28,  il  attacpia  assez  • 
maladroitement  les  généraux  en  chef, 
demandant    qu'on    ne   leur  accordAt 
plus  50,000  livres  pour  leurs  dépen- 
ses  particulières    et    leurs   premiers 
frais  ,    en      entrant    en     campagne. 
Cette  proposition,    qu'il  soutint  for- 
tement, excita  un  gratid  tumulte,  ei 
il    fut   rappelé   a   l'ordre.   Le   30,    il 
avança  que,  ptiisque    la   nation  était 
en  guerre,  on  ne  devait  pas  se  borner 
à  sé(picstier  les  biens   des  émigrés, 
mais    en   prononcer   la  confiscation. 
Le  9  mai,  il  s'tileva  contre  un  projet 
de  loi    sur  la  discipline  militaire,  et 
jMwha  si  vivement  rinsunection,  que 


MER 

l'Assemblée  lui  ùta  la  j>aroie  par  un 
décret.  Trois  jours  après,  il  proposa  de 
nouvelles  violences  contre  les  prêtres 
insermentiîs.  Lors  de  l'invention  du 
comité  autrichien ,  il  chercha  à  accré- 
diter cette  fablç,  de  concert  avec  ses 
deux  amis  Bazrre  et  Chabot,  I>e  juge 
de  paix  Larivière  ayant  eu  le  courage 
d'attaquer  sur  ce  fait  les  trois  députés, 
comme  calomniateuis ,  et  de  lancer 
contre  eux  un  mandat  d'amener,  .Mer 
lin  le  dénonça  à  son  tour,  et  sollicita 
violemment  contre  lui  un  décret  d'ac- 
cusation, qu'il  obtint  malgré  l'oppo- 
sition la  plus  énergique  de  M.  de 
Vaublanc  et  des  principaux  membres 
du  coté  droit.  Et  le  malheureux  juge 
de  paix,  arrêté  par  suite  de  ce  décret, 
et  envoyé  à  Orléans,  fut  assassiné  a 
Versailles,  le  9  septembre  1792...  Le 
25  mai,  Merlin  dénonça  tous. les  mi- 
nistres à  la  fois,  et,  le  '2S^  il  accusa 
Laporte,  intendant  de  la  liste  civile, 
d'avoir  fait  brûler  les  papiers  du  co- 
mité autrichien.  Ce  ministre  s  étant 
justifie  à  linstant  même,  son  accusa- 
teur porta  toute  sa  colère  sur  des  sol- 
dats suisses,  qu'il  prétendit  si  rididule- 
ment  avoir  arboré  la  cocarde  blanche; 
et  il  termina  la  séance  en  faisant  ac- 
corder «les  gratifications  à  quelques 
■lardes  du  roi  qui  avaient  dénoncé 
leurs  camarades.  Le  1"^  juin,  il  vou- 
lut recommencer  ses  inculpations 
contre  les  ministres,  mais  l'Assem- 
blée refusa  de  l'entendre.  Le  4,  il  fut 
de  nouveau  im prouvé,  pour  avoir 
voulu  produûe  contre  le' ministre 
Duport  du  Tertre  une  déposition 
écrite  de  sa  main,  et  signée  par  deux 
gai'des  nationaux.  On  reçut  tout  aus- 
si mal  une  nouvelle  dénonciation 
qu'il  hasarda,  le  18  juillet,  contre 
TeiTÏer  de  Monciel,  ministre  de  l'in- 
térieiu-.  I^  10  août,  il  se  fit  remar- 
quer, arme  d'un  pistolet  et  d'un  poi- 
gnardj  à  la  tête  des  assaillants  duchâ- 


MEB 


501 


teau  des  Tuileries.  On  a  dit,  ce  qui  est 
peu  probable,  que  ce  fut  lui  qui  déter- 
mina Rtjederer  à  conduire  le  roi  dans 
la  salle  de  l'Assemblée.  Le  14,  il  fit 
décréter  d'accusation  son  collègue 
Blangilly,  député  de  Marseille,  et 
le  15,  en  annonçant  que  les  ennemis 
allaient  attaquer  Thionville,  il  de- 
manda que  Louis  XVI,  sa  famille  et 
les  parents  d'émigrés  fussent  déclarés 
responsables  de  la  sûreté  des  parents 
des  membres  de  la  législature.  Jâ^ 
23,  il  renouvella  cette  proposition, 
en  pressant  ses  collègues  de  décréter 
que  les  femmes  et  enfants  d'émigrée 
fussent  arrêtés  comme  otages.  Le  2ft 
août ,  il  fit  décréter  que  tous  les 
membres  du  conseil  de  la  commune 
de  Sedan  seraient  mis  en  arrestation, 
pom'  avoir  fait  airêter  les  commis- 
saires de  l'Assemblée ,  à  l'instigation 
de  Lafayette.  Le  24,  il  demanda  que 
la  maison  de  ce  général  fût  rasée, 
afin  d  éterniser  le  souvenir  du  crime 
qu'il  avait  commis  en  défendant  le 
roi.  Le  26,  il  offrit  d'aller  servir  dans 
le  corps  des  Tyrannicides  proposé  par 
Jean  Debry,  et  fut  alors  envové  dans 
les  départements  de  la  Somn)e  et  de 
l'Aisne,  pour  y  provoquer  l'adhésion 
à  la  nouvelle  révolution.  Il  y  leva 
sept  mille  hommes,  qu'il  conduisit  à 
l'année.  Accusé,  vers  la  même  épo- 
que, dans  les  journaux  étrangers,  par 
lex-ministre  îSarbonne.  d'avoir  par- 
ticipé à  des  distriljutions  de  fonds 
faites  par  ce  ministre  lui-même  à 
plusieurs  députés,  pour  les  attacher  à 
la  cour,  il  ne  répondit  point  à  cette 
inculpation.  Réélu  à  la  Convention, 
par  son  département,  il  annonça,  le 
24  septembre  1792,  que  Lasource 
l'avait  instruit  la  veille  qu'il  se  for- 
mait un  parti  dans  l'Assemblée  pour 
nommer  un  dictateur,  et  il  somma 
ce  membre  de  lui  désigner  le  tyran, 
afin  qu'il  pût  le   poignarder  dans  la 


S^  MER 

salle  même.  Le  1"  octobre,  il  accusa 
Louis  XVI,  qu'il  appela  infâme,  d'a- 
voir voulu   verser  à  grands  flots  le 
8ang  du  peuple  ;  demanda  que  lui  et 
ses  partisans  portassent  leur  tête  sur 
l'échafaud,   et  que,  dans  ce  procès, 
ses  collègues  s'attribuassent  à  la  fois 
les  fonctions    de  juges  et   celles   de 
jurés.  Dans  le  courant  du  même  mois, 
il  les  pressa  d'ordonner  à  l'accusa- 
teur public  de  dénoncer  la  reine  au 
tribunal  criminel.   Il  se  montra    en- 
suite   l'un    des   plus    chauds    défen- 
seurs   de   Robespierre,    lorsque   ce 
député  fut  accusé    par   Louvct;   et, 
afin    de  le  venger,   il   dénonça  aux 
Jacobins  le   ministre  Roland,  et  les 
engagea   à  le  poursuivre.   Quelques 
jours  après,  il  annonça,  au  milieu  de 
l'Assemblée ,    "  que  le  seul  reproche 
"  qu'il  eût  à  se  faire  dans  la  révolu- 
u  tion,  était  de  n'avoir  pas  poignardé 
u  Louis    XVI,  le  10    août,  »    et   des 
personnes    qui    se    trouvaient    îi    la 
séance   dans  ce  jour  fatal,  assurent 
qu'elles  le  virent  hésiter  s'il  ne  com- 
mettrait pas  cet  attentat.  Il  avait  été 
amené  à  cette  profession  de  foi  par 
la  défaveur  que  rencontra  sa  proposi- 
tion, d'ajouter  à  un  décret  de  peine  de 
mort  coutre  toute  provocation  à  la 
royauté  cet  amendement  singulier  : 
«  A  moins  que    la    provocation    ne 
u  soit  faite  en  assemblée  primaire.  •> 
Des    murmures  violents   avaient  ac- 
cueilli cette  exception.  Le  11  décem- 
bre, Merlin  s'opposa  à  ce  qu'il  fût 
accordé  des  conseils   au  roi.  -Vyant 
été  nommé  quelques  jours  après  com- 
missaire près    l'armée    (jui  occupait 
Mayence,    il    écrivit,    le    6  janvier 
1793,  de  cette  ville,  pour  annoncer 
qu'il  votait  la  mort  du  tyran.  Il  resta 
dans  cette  place  lorsqu'elle  fut  assi('- 
gée    par    les     Prussiens ,    contribua 
beaucoup  à  sa  défense,  se  montra  à 
la  tête  de  toutes  les  sorties  avec  une 


MER 

bravoure  qui  allait  jusqu'à  la  témé- 
rité ,  et  qui  lui  fit  donner  par  les  Al- 
lemands le   surnom  de  Diable-de-feu 
(Feuer-Tetifcl).   Cependant  on  l'ac- 
cusa   alors,   tantôt    d'avoir  reçu    de 
l'argent  du  roi  de  Prusse,  tantôt  d'a- 
voir détourné  à  son'^roht  une  partie 
des  eifets  et  de  l'argenterie  de  l'élec- 
teur.  Ce  qui  est   certain,  c'est  qu'il 
aflicba  un  grand   luxe  pendant  ses 
missions,  et  qu'il  acheta   ensuite  de 
très-belles  maisons  de  campagne  et  de 
magnifiques  équipages.  Il  avait  dirigé, 
de  concert  avec  son  collègue Rewbell. 
les    négociations    qui    amenèrent    la 
capitulation;   événement  qui  pentiit 
à  la  république,  dans  cette  circons- 
tance décisive,  de  transporter  de  fort 
bonnes  troupes  d'une  place  où  elles 
étaient  inutiles,  où  elles  ne  pouvaient 
plus  tenir  et  où  elles  devaient  rester 
prisonnières,   sur  un  point  où  elles 
allaient  écraser  les  royalistes  et  sau- 
ver   la  capitale  d'une    invasion    ini- 
minente   de  l'armée    vendéenne.   Le 
i  août,    il    reparut  à   la  Convention 
nationale,  lut  un  rapport  sur  le  siège 
de    Mayence,  et  fit  révoquer  «m  dé- 
cret d'arrestation  contre  les  généraux 
qui  avaient  défendu  cette  place.    Il 
avait  été  attaqué  lui-même  très-vive- 
ment pour  sa  conduite,  par  son  «!^ 
lègue   Montant  ;    mais    Rarère  ,    qoi 
nneux  qu'un  autre  connaissait  les  se- 
crets de  la  capitulation  de  Mayence  , 
le  justifia  de  la  part  du  comité  de  sa- 
lul  public,  rburiot   et  Chabot  firent 
valoir  ses  services  au  10  août ,  où. 
armé  de  deux  pistolets,  il  avait  porti 
l'effroi  dans  le  <;bàteau.  Merhn  sortit 
donc  triomphant  de  ces  attaques.  Quel 
ques  jours  plus  tard ,  il  fut  nonmic 
secrétaire  ;    puis    il    alla    rejoindre 
dans  la  Vendée,  en  qualité  de  repré- 
sentant, cette  formidable   armée  de 
Mayence,  qui  devait  y  périr  presque 
tout  entière  ,    mais    qui   porta    des 


MER 

coups  Si  terribles  aux  VendéfeU*. 
Merlin,  pendant  cette  mission,  se  con- 
duisit avec  la  bravoure  quon  ayait 
déjà  remarquée  en  lui.  De  retour,  il 
défendit  chaudement  Westermann , 
qu'on  voulait  faire  arrêter,  et  rap- 
pela, comme  preuve  de  son  patrio- 
tisme, qu'il  avait,  le  10  août  1792, 
conduit  les  bandes  du  faubourg  Saint- 
Antoine  contre  les  Tuileries.  Le  8 
janvier,  il  demanda  que  toutes  les 
places  prises  aux  ennemis  fussent 
démantelées ,  et  que  les  richesses  des 
pays  envahis,  telles  que  les  bestiaux, 
les  denrées,  l'or  et  l'argent,  fussent 
transportées  en  Fiance  :  »  Les  peu- 
«  pies  s'en  plaindront,  s'écria-t-il,  eh 
B  bien  !  qu  ils  abattent  leurs  rois...  « 
Les  vœux  de  Merlin  ne  furent  alors  que 
trop  exaucés  par  les  armées  de  la 
répubUque,  surtout  dans  le  Palatinat 
où  elles  smpassèrent,  dans  l'hiver  de 
1794,  les  horreurs  autiefois  ordon- 
nées par  Louvois,  »ur  la  demande  de 
Turenne  (voy.  Tcresne,  XLVII,  56). 
Le  21  janvier  1794,  Mei  lin  fit  jurer 
à  la  Convention  d'établir  la  républi- 
que Mlle  et  indivisible  (1),  et  la  dé- 
termina à  assister  à  l'anniversaire  de 
l'assassinat  de  Louis  XS'L  Le  23  fé- 
vrier, il  proposa  d'exclure  tous  les 
'  nobles  des  emplois  militaires.  Néan- 
moins, sa  violence  révolulionnaiie 
parut  un  peu  se  calmer.  Robespierre 
frappait  ses  plus  intimes  amis:  Bazirc, 
Chabot,  et  d'autres  coixleliers  avaient 
péri.  Les  atrocités  qui  se  commet- 
taient chaque  jour  Tépouvantèrent , 
et  il  s'effrava  sur  les  bords  de  l'a-^ 
bime,  où  il  allait  être  précipité.  Alors 
on  l'enteudit  faire  des  réclamations 
qui  annonçaient  un  retour  à  quel- 
ques sentiments  de  justice  et  d'hu- 

(1)  Ces  mots,  une  et  indivisible ,  étaient 
une  attaque  contre  les  Girondins ,  qu'on  ac- 
cusait d'aToir  Toalu  instituer  ime  r^pulilicpie 
(édératîTe.        . 


o03 

manité  ;  mais  ces  réclama mation«  fu- 
rent timides ,  et  il  garda  le  silence 
pendant  la  lutte  qui  se  préparait  entre 
Robespieire  et  ses  rivaux.  .\près  le 
dénouement,  il  embrassa  le  parti  ther- 
midorien avec  une  grande  chaleur, 
et  se  sépara  sans  retour  de  ses  anciens 
amis  4es  Jacobins  de  la  Montagne.  Il 
fut  même  un  des  hommes  qui  com- 
battirent leurs  intrigues  avec  le  plu^ 
d  énergie.  Le  9  thermidor  au  soir, 
il  annonça  qu'Henriot  lui  avait  ap- 
puyé son  pistolet  sur  la  poitrine,  et 
l'avait  arrêté,  mais  qu'ensuite  il  l'a- 
vait fait  arrêter  lui-même.  Apré> 
l'exécution  de  Robespierre  et  des 
soixante-dix  municipaux  qui  avaient 
siégé  avec  lui  à  l'Hôtel-deVille,  Barè- 
re,  sans  proposer  de  loi  qui  servît  de 
règle  au  nouveau  tribunal  révolu- 
tionnaire, dont  il  demanda  la  création 
au  nom  des  comités,  plaça  sur  la  liste 
des  jurés  presque  tous  les  bourreaux 
qui  avaient  figuré  dans  l'ancien  tri- 
bunal ,  et  jusqu'à  Fouquier  -  Tain- 
ville  lui  -  même.  Fréron  commença 
l'attaque ,  et  fit  décréter  l'arresta- 
tion de  Fouquier  ;  mais  Parère  re- 
vint bientôt  à  la  charge,  en  insistant 
sur  l'exécution  de  toutes  les  mesures 
atroces  que  la  mort  de  Robespierre 
devait  faire  cesser,  et  notamment  la  loi 
des  suspects.  Les  membres  modérés  de 
la  Convention  étaient  encore  frappés 
de  terreur;  beaucoup  d'autres  avaient 
leurs  raisons  pour  continuer  la  tvtan- 
nie,  et  Barère  allait  uiompher,  lors- 
que MerUn  se  leva  et  cria  de  sa  place 
d'une  voix  forte  :  «  Quel  est  donc  ce 
u  président  des  Feuillants  qui  pré- 
>c  tend  ici  nous  faire  la  loi  (2;?  "  On 
applaudit,  on   rit.   et  Barère,  stupe- 


(2)  B.  Barère  avait  été  royaliste  constitu- 
tionnel ou  Feuillant,  avant  la  révolution  du 
lo  août,  et  il  assistait  probablement  k  la 
séance  de  ce  club  où  Merlin  avait  reçu  des 
coups  de  bâton. 


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MEK 


fait,  quittant  la  tribune  ,  retourna 
honteux  à  sa  place,  Merlin  fut 
nommé,  le  1"  août,  membre  du 
nouveau  comité  de  sûreté  générale, 
et  le  17 ,  piésident  de  la  (Conven- 
tion nationale.  Le  3  du  même  mois, 
il  avait  fait  suspendre  l'exécution  d'un 
décret  rendu  la  veille  contre  les  no- 
bles et  les  prêtres.  A  la  nouvelle  d'un 
assassinat  tenté  sur  la  personne  de 
son  collègue  Tallien,  il  prononça  un 
discours  véhément  contre  les  Jaco- 
bins, qu'il  signala  comme  les  conti- 
nuateurs de  Robespierre,  et  huit  jours 
plus  tard,  il  renouvela  ses  attaques 
contre  leur  société,  qu'il  appela  un 
repaire  de  brigands,  déclarant  qu'il 
périrait  plutôt  que  de  les  laisser  pré- 
valoir. Il  demanda  que  les  scellés  fus- 
sent mis  sur  leur  correspondance,  et 
fut  un  de  ceux  qui  contribuèrent  le 
plus  à  leur  dissolution.  Cependant 
il  s'éleva  contre  la  rentrée  des  dé- 
putés proscrits  par  suite  du  31  mai, 
révolution  dont  il  avait  été  le  parti- 
san ,  mais  qu'il  condamnait  à  cette 
époque.  En  février  179o  ,  ii<  parla 
en  faveur  de  l'armée,  qu'il  regardait 
.comme  pouvant  seule  ramener  la 
paix  après  tant  de  violences  et  de 
troubles.  Au  12  germinal  (avril  1795), 
il  fut  adjoint  à  l^ichegru  pour  conte- 
nir les  flots  de  la  populace  soulevée 
en  faveur  de  Collot d'ilerbois  ,  de  15il- 
laud-Varenne  et  de  Vadier.  (iest  vers 
I»;  temps  que,  dans  une  discussion  sur 
la  nouvelle  constitution,  il  répondit 
énergiquemeni  à  Mercier,  qui  ne  vou- 
lait pas  (jue  l'on  interdît  tf)nte  U(;go- 
^iatiou  avec  l'ennenii  c»ccnpant  une 
partie  du  territoire,  et  qui  disait  à 
ses  collègues  :  «  Ave/.-vous  donc  fait 
un  traité  avec  la  victoire?  »  JNou»  en 
avons  fait  un  avec  la  mort.  Bientôt 
renvoyé  à  l'arniéo  du  lUiin  ,  Mer- 
lin ne  reparut  prescjue  plus  à  l'As- 
oemblùc  ;   et  >  dès  ce   tcuips-là  ^  non 


MER 

crédit  y  diminua  singulièrement.  Il  eut 
encore  moins  d'influence  au  Conseil 
des  Cinq-Onts ,  dont  il  devint  mem- 
bre par  suite  de  l'élection  forcée  des 
deux  tiers  de  la  Convention,  après  le 
13  vendémiaire.  Harcelé  par  les  jour- 
naux républicains ,  il  ne  fut  pas  dé- 
fendu par  les  rovalistes.  Fidèle  à  son 
système  contre  les  Jacobins,  il  deman- 
da, dans  la  journée  du  18  fructidor, 
la  déportation  de  Félix  Lepelletier, 
d'Amar  et  d'Antonelle  ,  qu'il  qualifia 
de  chefs  de  l'anarchie.  Il  refusa  de 
prendre  part  aux  persécutions  contre 
les  royalistes,  et  dit  dans  l'assemblée, 
à  cette  occasion,  qu'il  connaissait  trop 
les  révolutions  pour  en  courir  de 
nouveau  les  terribles  chances.  Effec- 
tivement, il  ne  se  montra  plus  sur  la 
scène  politique  depuis  cette  époque. 
Etant  sorti  du  Conseil  des  Cinq-Cents 
en  1798,  il  fut,  par  l'influence  de 
Barras ,  nommé  l'un  des  adminis- 
trateurs des  postes  ;  emploi  qu'il 
perdit ,  quand  le  parti  des  démago- 
gues les  plus  exaltés  triompha  au  30 
prairial.  Il  fut  même  alors  dénoncé 
pour  sa  fortune,  qu'on  disaitt  immense, 
mais  qui  se  réduisait  à  peu  de  chose, 
parce  que,  né  avec  des  passions  très- 
vives  et  un  goût  eftréné  pour  la  dé- 
]>ense,  il  avait  presque  tout  dissipé. 
Cette  dénonciation  n'eut  pas  de  sui- 
te. Plus  tard,  Merlin  remplit  pendant 
quelque  temps  les  fonctions  de  com- 
missaire-ordonnateur à  l'armée  d'I- 
talie; mais,  s'étant  prononcé  contre 
le  consulat  à  vie,  il  donna  sa  démis- 
sion, vendit  sa  propriété  du  Mont- 
Valerien  qu'il  avait  achetée  comme 
bien  national,  et  il  actjuit  tme  terre 
en  Picardie.  Fendant  l'invasion  de 
1814,  il  leva  à  Amiens  un  corps  de 
partisans  destiné  à  combattr»  le  colo- 
nel russe  Gnesmard,  qui  commandait 
un  corps  pareil,  et  servait  d'éclaireur 
à  l'armée  des   alliés.   Merlin,  à  qui 


MER 

Napoléon  avait  envové  un  brevet  de 
colonel,  eut  peu  de  succès  dans  cette 
lutte,  et  les  deux  partisans  ne  firent 
guère  que  s'observer.  Après  l'éta- 
blissement du  çouverneiuent  provi- 
soire, il  *.e  hâta  d  envoyer  son  adhé- 
sion à  Talleyrand ,  qui  en  était  le  prési- 
dent; et  refusa  pendant  les  Cent-Jours 
de  I8I0,  de  se  mettre  de  nouveau 
à  la  tête  don  corps  fi-anc.  r,omrae  il 
n'était  point  à  Paris,  lors  du  ju{je- 
raent  de  I^uis  XVI.  et  que  son  opir 
nion  contre  ce  prince  n'avait  pas 
compté  pour  un  vote  ,  il  ne  fiit 
pas  atteint  par  la  loi  portée  contre 
les  régicides  en  1816.  Voulant  pré- 
venir contre  lui  toute  interprétation 
funeste,  il  avait  envové  aux  ministres 
de  Louis  XVIH.  un  mémoire  curieux 
[>our  Ihistoire,  et  dont  nous  rrovons 
devoir  citer  les  phrases  les  plus  remar- 
quables. •  Messeigneurs .  depuis  dix- 
o  huit  ans  je  vis  retiré  à  la  campagne, 
«  étranger  au  gouvernement  et  à  tous 
«  les  partis.  Monseigneur  le  prince  de 

-  liénevent  me   rendra  la  justice  de 

-  dire  pourquoi,  en  1814,  je  quittai 
«  mes  fovers.  L'un  des  premiers  j'ai 
"  donné  mon  adhésion  au  gouverne- 
«  ment  provisoire.  Je  nai  re«u  ni 
»  emploi  ni  décoration  de  Bonaparte. 
«  Je  n'ai  pas  voté  les  articles  addi- 
<«  tionnels  aux  constitutions  ;  je  n'ai 
"  signé  qu'une  hste  des  habitants  de 
«  ma  commune  pour  voter  aux  élcc- 
«  tions  municipales,  et  j  y  ai  refusé 
«  toutes  les  places.  Persomie  ne  peut 
«  m  accuser  de  l'avoir  vesiî,  soit/lans 
u  sa  personne,  soit  dans  sa  propriété, 

-  durant  la  révolution.  Je  ne  parlerai 
point  du  9  thermidor;  plusieurs 
braves  gens  veulent  bien  se  rappe- 

«  1er  qu  ils   me   doivent  la  vie  et  la 
liberté.  A  la  reddition  de  Luxem- 
bourg, j'ai  sauvé,  en  exposant  ma 
«  tète,  tous  les  émigrés  (jui  étaient 
&  dans  la    place.  Il  ne  peut  entrer 


MER  SOo 

a  dans  les  >nies  de  S.  M.  d'étendre  les 

•  dispositions  d'une  loi  qu'elle  dési- 
«  rait  elle-même  moins  sévère.  t.ette 
»  loi  ne  peut  atteindre  que  les  régi- 
«  cides;  or,  ceux-là  seuls  le  sont,  dont 
"  le» voix  comptées  ont  contribué  a 

•  la  mort.  Mais  il  est  constant ,    au 

•  pixîcès  même,  que  je  n'ai  fait  par- 

•  tie  d'aucun  des  appels  nominaux, 
«  que  je  n'ai  pas  été  compté,  fpie  cou- 

•  séquemment  je  nai  pas  contribué 
a  à  la  mort.  Or,  celui-là  seul  est  régi- 
a  cide  qui  v  a  contribué  ;  donc  la  loi, 
«  ne  condamnant  que  les  régicides, 
«  ne  peut  m'atteindre Mais  liu- 

•  tention  ?....  I^  loi  ne  parle  pas  de 
«  lintention...  J'avais  27  ans  lorsque 
"  j'écrivais  de  Mavence  ;  j'en  ai  plus 
"  de  50  aujourd'hui ,  et  mes  opinions 

•  sont  bien  changées,  ie  m'en  rapporte 
»  à  la  clémence  de  S.  M.  et  à  sa  jus- 
«  tice.  "  Ce  recours  à  la  clémence 
rovale  ne  fut  pas  inutile;  et  MerUn 
put  rester  en  paix  dans  son  domaine 
de  Commenço,  près  de  Cbauny.  Afin 
de  prouver  de  plus  en  plus  qu'il  était 
venu  à  résipiscence  ,  il  réclama  pu- 
bliquement en  1822  contre  im  passa- 
ge des  Mémoires  de  madame  Cam- 
pan  ,  qui  l'accusait  d'avoir  insulté 
la  reine  dans  la  journée  du  10  août. 
Merlin  de  Thionville  mourut  le  14 
septembre  1833.  il  avait  épousé,  par 
des  motifs  de  reconnaissance,  une 
femme  aveugle,  et  M.  Bégin,  dans  sa 
Biographie  de  la  Moselle,  assure  qu  il 
l'entoura  constamment  des  soins  les 
plus  touchants.  B — u  et  M — oj. 

MEiiLI\  (le  baron  (^uristopue- 
Antois*:),  frère  du  precédent ,  naquit 
a  Thionville  le  27  mai  1771.  il  par- 
tit comme  volontaire  dans  un  des 
bataillons  de  la  Moselle,  et  par- 
vint rapidement  au  grade  d'adjudant- 
major.  Peu  de  temps  après,  il  fut 
nommé  colonel  de  hussards ,  et  fit , 
en  cette  qualité ,  la  campagne  d  ita- 


506 


MER 


lie  ,    sous   les    ordres   de    Massëna. 
Crée  général  de  brigade  et  officier  de 
la  Légion-d'Honneur,  en  1804,  Mer- 
lin fut  ensuite  attaché  à  la  personne 
de  Joseph  Bonaparte,  qu'il  suivit  à 
Naples,  puis  à  Madrid.  Employé  en 
1808  dans  la  guerre  d'Espagne,  il  se 
distingua  en  plusieurs  occasions,  no- 
tamment au  mois  d'août  de  la  même 
année.  Les  habitants  de  Bilbao  s'étant 
soulevés ,  il  marcha  contre  cette  ville 
avec  deux  escadrons  et   deux  régi- 
ments d'infanterie,  après  avoir  enlevé 
de  vive  force  deux  couvents  que  l'on 
avait  transformés  en  forteresses.    Il 
désarma  la   population  et  rétablit  le 
gouvernement  de  la  province.  Reve- 
nu en  France,   il  fut  nommé  lieute- 
nant-général le  5  janvier  1814;  com- 
battit pour  la  défense  du  territoire  ; 
et  fit  éprouver  à  Reims,  le  13  mars, 
une  perte  de  plusieurs  centaines  de 
prisonniers  au  corps  russe  commandé 
par  le  comte  de  Saint  -Priest.  S'étant 
soumis  à  la  i-estauratiou  en  1814 ,  il 
fut  créé  chevalier  de  Saint-Louis  le  19 
juillet,  et  employé  en  juin  de  l'année 
suivante,  par  Napoléon,  reveim   de 
l'île  d'Elbe ,  dans   la   7'   division  de 
cavalerie,  à  l'armée  du  Rhin.  Mainte- 
nu au  nombre  des  lieutenants-géné- 
raux en  activité,   il  exerça,  juscju'en 
1825,  les  fonctions  d'inspecteur-géné- 
ral de  cavalerie.  Se  trouvant  à  Paris  en 
juilletl830,  il  concourut  à  la  révolu- 
tion qui  s'y    opéra,  et  niourul   dans 
cette  ville  le  8  mai  1839.  Le  maréchal 
Clausel  prononça  ini  discoiu-s  sur   sa 
tombe. —  Mkhi-in  (le  baron  Jenu-Hnp- 
tistc-Gahriel),  frère   des   préoédents, 
né  à  Thionvillcle  17  avril  1768,  s'en- 
gagea ,  en  1787,  dans  le  régiment  de 
Royal-Cravates,  qui  tenait  alors  garni- 
son à  Tliionville.   Parvenu   au  grade 
de  capitaine  dans  la  première  aimée 
de  la  révolution,    il    passa  capitaine 
dans  un  régiinent  de  dragons,   puis 


MER 

dans  la  garde  du  Directoire  comme 
chef-d'escadron.  Il  fut  ensuite  colo- 
nel de  cuirassiers,  et  enfin  général  de 
brigade,  en  1809,  après  la  bataille 
de  Wagram.  Il  fut  conservé  par 
Ijouis  XVin  dans  ces  fonctions  et  ob- 
tint, après  la  seconde  restauration, 
la  lieutenance  du  roi  de  première 
classe,  à  Strasbourg.  Mis  à  la  retraite 
par  une  ordonnance  du  19  septem- 
bre 1821,  le  général  Merlin  se  retira 
à  Versailles  et  y  mourut  le  27  janvier 
1842.  —  Merlin  {François- Antoine), 
frère  des  précédents,  devint  général 
de  brigade  et  fut  envoyé  à  l'armée  du 
Rhin-et-Moselle ,  en  1798.  Arrêté  à 
Coblentz,  comme  complice  de  la  cons- 
piration, tendant  à  approvisionner  la 
forteresse  d'Ehrenbrcitstein ,  occupée 
par  les  Autrichiens ,  afin  d'en  reuir- 
der  la  reddition ,  il  dut  au  crédit  du 
son  frère  d'être  acquitté;  mais  son 
incapacité  l'empêcha  d'être  employé 
de  nouveau.  INous  croyons  quil  vit 
encore.  ^'^     "j* 

MERLIN  (Anne),  digne  émule  de 
la  sœur  Marthe  {voy.  ce  nom  ci-dessus, 
p.  225),  et  que  tout  annonce  n'être 
pas  de  la  famille  des  précédents ,  est 
plus  connue  sous  le  nom  de  sœur 
Camille  Sainl-Fincent.  Toute  sa  vie 
fut  consacrée  au  soulagement  dos 
malheureux.  Pendant  les  invasions  de 
1814  et  1815,  elle  accourut  plusieurs 
fois  sur  les  champs  de  bataille,  pour 
soigner  les  bl.;ssés,  et  lorsque  la  fiè- 
vre jaune  eut  éclaté  à  Rarcelone  en 
1821,  elle  sollicita  et  obtint  d'accom- 
pagner dans  cette  ville  les  docteurs 
Pariset,  Hally  et  François.  De  retoui 
à  Paris  ,  elle  reçut ,  par  décret  des. 
Chambres  ,  à  titre  de  récompense  na- 
tionale ,  une  pension  annuelle  et  via- 
gère de  500  fr.,à  laquelle  Louis  XVIll 
ajouta  luie  décoiation.  La  sœur  Aune 
Meilin  mourut  à  Saint-Arnaud  (tiher), 
le  17  mars  1829,  ne  tcmoignaia  quim 


MEH 

seul  regret ,  celui  de  ne  pouvoir  ac- 
complir le  vœu  qu'elle  avait  fait  de 
mourir  au  champ  d'honneur,  en  soi- 
gnant les  blessés.  M — o  j. 

MEKLLXO  (Jevx-I- kançois-Mabik), 
né  à  Lyon  en  1738 ,  fut  nommé,  en 
1792,  député  du  départenicnt  de 
l'Ain,  à  la  Convention  nationale,  oii 
il  vota  la  mort  de  Louis  XVI,  sans 
appel  ni  sursis,  et  oii,  changeant 
chaque  jour  de  parti,  il  ne  se  fit 
l'emarquer  dans  aucun,  si  ce  n'eiî 
par  son  exagération  ,  son  inconsé- 
quence et  son  incapacité.  Envoyé. 
en  1793,  dans  son  département  . 
avec  Araar,  il  s'attii-a  l'animadver- 
sion  générale  ,  et  donna  sujet  à  de 
nombreuses  et  fréquentes  accusa- 
tions. Après  la  session  convention- 
nelle ,  il  passa  au  Conseil  des  An- 
ciens, dont  il  devint  secrétaire.  Le  2o 
janvier  1796 ,  il  prit  l'initiative  du 
décret  odieux  prononçant  la  conH.-»- 
cation  immédiate  de  tous  les  biens 
qui  devaient  échoir  un  jour  aux 
enfants  des  émigrés.  Étant  sorti,  en 
1798,  du  Conseil  des  Anriens,  il  fut 
aussitôt  réélu  à  celui  des  Cinq-Cents, 
d'où  il  fut  exclu  au  18  brumaire, 
comme  appartenant  à  l'opposition 
des  anarchistes.  Merlino  se  retira 
dans  son  dépaitement ,  et  mounU 
en  1805.  M— Dj. 

MER3IET  (Locis-Fra>çois-Emma- 
mel),  littérateur,  naquit  le  23  janvier 
1763,  dans  un  hameau  dépendant  de 
la  paroisse  des  Bouchoux,  près  Saint- 
Claude.  Il  avait  terminé  ses  études  a 
vingt-un  ans.  et  sa  réputation  était 
déjà  si  bien  établie,  qu'il  eut  à  choisir 
entre  quatre  chaires  de  philosophie. 
Il  fo  décida  pour  celle  du  collège  de 
Saint-Claude,  qu'il  remplit  d'une  ma- 
nière brillante.  Avant  pris  les  or- 
dres peu  de  temps  après  ,  il  fut 
pourvu  d'une  cure  sans  avoir  passé 
par  les  épreuves  du  vicariat.  Quoi- 


MER  SdV 

qu'il  eût  prêté  le  serment  à  la  consti- 
tution civile  du  clergé,  il  ne  s'en  vit 
pas  moins  en  butte  aux  persécutions 
des  agents  de  la  terreur.  Arraché  de 
sa  paroisse  en  1793,  et  jeté,  par 
loi^dre  du  représentant  Albitte,  dans 
les  prisons  de  Bourg ,  il  ne  put  en 
sortir  qu'en  se  mariant.  Otte  union 
n'eut  aucune  suite  ;  et ,  six  mois  plus 
tard,  elle  fut  annulée  du  consente- 
ment des  deux  époux,  qui  ne  s'étaient 
pas  revus  depuis  le  joui'  de  la  céré- 
monie. Libre  de  ce  funeste  lien,  Mer- 
n»et  se  hâta  de  réparer  le  scandale  in- 
volontaire qu  il  avait  donné  par  sa 
conduite,  tu  se  réconciliant  avec  H.- 
glise,  et  il  fut  rétabli,  pai"  ses  supé- 
rieuni,  dans  ses  fonctions  sacex'dota- 
les.  Bientôt  il  rentra  dans  l'enseigne- 
ment; et,  après  avoir  professé  les 
belles-lettres  aux  écoles  centrales  des 
départements  de  l'Ain  et  de  l'Allier, 
il  fut  nommé  censeur  des  études  au 
Lycée  de  Mouhns.  S'étant  démis  de 
cette  place,  en  1809,  il  revint  dans 
sa  famille,  où  il  passa  plusieurs 
années,  cherchant,  dans  l'étude,  la 
seule  distraction  qu'il  pût  goûter. 
En  1814,  sur  la  présentation  de 
l'ancien  évéque  de  Saint-Claude  (M.  de 
Chaboz),  il  fut  nommé  chanoine  ho- 
noraire à  Versailles.  Il  accepta  ce 
titre  qui  devait,  en  le  rapprochant 
de  Paris,  lui  faciliter  les  moyens  de 
cultiver  la  société  des  gens  de  lettres 
avec  lesquels  il  entretenait  une 
correspondance  suivie;  mais  les  trou- 
bles qui  éclatèrent,  peu  de  temps 
après,  le  décidèrent  à  se  i-etirei'  en- 
core dans  les  montagnes  du  Jura. 
L'isolement  auquel  il  s'était  con- 
damné ne  put  le  mettre  à  l'abri  de 
la  haine.  Pendant  deux  années  en- 
tières, elle  ne  cessa  de  le  poursuivre. 
Enfin,  accablé  de  chagrins,  il  mourut, 
à  .Saint-Claude,  le  27  août  1823,  à 
soixante-deux  ans.  Par  son  testament. 


808  MER 

il  institua  les  pauvres  de  cette  ville 
ses  héritiers.  Il  était  membre  de  plu- 
sieurs .acadéiriies  et  sociétés  litté- 
raires. On  a  de  lui  un  assez  grand 
nombre  d'ouvrages,  dont  on  ti'ouve 
les  titres  dans  la  notice  que  lui  a 
consacrée  M.  D.  Monnier,  son  exécu- 
teur testamentaire,  Dôle,  1826,  in- 
8°.  Outre  les  Éloges  de  La  f^allette, 
grand-raaître  de  Malte,  et  de  JuL- 
Ces.  Scaliger,  conservés  par  l'Aca- 
mie  de  Montauban,  ainsi  qu'un  dis- 
cours Sur  la  nécessité  de  faire  con- 
courir la  morale  avec  les  lois,  on  se 
contentera  de  citer  :  I.  Leçons  de 
bel  les- lettres,  pour  servir  de  supplé- 
ment aux  Principes  de  littérature  de 
l'abbé  Batteux,  Paris,  1802,  4  vol. 
in-12.  C'est  un  ouvrage  utile,  mais 
d'un  style  peu  agréable.  On  trou- 
ve à  la  fin  du  second  volume  :  Dis- 
cours sur  cette  question  proposée  par 
l'Institut  :  l'Émulation  est-elle  un  bon 
moyen  d'éducation  (1)  ?  Le  troisième 
volume,  qui  ne  se  rattache  que  par  le 
titre  aux  deux  premiers,  contient  un 
Traité  des  devoirs  de  t historien  ;  une 
table  des  principales  époques  de  l'his- 
toire ;  de  la  manière  de  distribuer  les 
diverses  parties  d'une  bibliothèijue  ; 
des  modèles  de  traduction  ;  et  enfin, 
un  discours  sur  celte  question  :  Pour- 
quoi la  littérature  des  nationsniodenies 
a-t-clle  eu  jusqu'à  présent  si  peu  d'in- 
fluence sur  l'esprit  national?  II.  Nou- 
velles observations  sur  Jioileau,  ibid., 
1801),  in-12.  Ces  observations,  que 
l'auteur  appelle  n-nivelles,  sont  tirées 
vn  grande  partie,  comme  il  eu  convient 
lui-même,  des  Eléments  de  littérature 
de  Marmontel,  et  du  Cours  de  ha 
Harpe.  Elles  sont  précédées  d'un  dis- 
cours sur  ce  sujet  :  6o»i6«Vu  la  critique 
amère  est  nuisible  aux  progrès  des 
talents,  cl  suivies  de    ['Eloge  de  J.-C. 

(1)  C<;  fui  M.  IVuilIft,  iinjoiiid'Iiiil  bihlio- 
tbécaire  de  l'Institut,  qui  rciii|>oru  lu  prix. 


MER 

Sealiger,  dont  on  a  déjà  parlé.  111. 
Eloge  de  Louis  XFI,  ibid.,  1825, 
in-8°.  L'abbé  Merraet  a  laissé  plu- 
sieurs ouvrages  manuscrits,  entre  au- 
tres un  Examen  critique  des  OEuvres 
de  madame  de  Staèl-Holstein.  W — s. 
jIIERMET  (le  vicomte  Julien- 
AuGuSTiN-JoSKPii),  lieutenant-général, 
naquit  le  9  mai  1772  au  Quesnoy,  fils 
du  colonel  de  ce  nom,  qui  fut  tué, 
le  29  fructidor  an  II,  à  l'aiFaire  de 
Fretigné.  Il  entra  au  service,  le  18 
mai  1788,  s'étant  enrôlé  dans  un  ré- 
giment de  cavalerie.  Après  avoir 
passé  par  tous  les  grades,  il  devint 
chef-d'escadron,  au  7"-'  régiment  de 
hussards,  le  12  nov.  1793  ;  colo- 
nel du  10"  régiment  un  mois  après, 
puis  aide-de-camp  et  chef  d'état-ma- 
jor du  général  Hoche,  à  l'armée  de 
l'Ouest;  maréchal-de-camp,  le  18 
nov.  179o  ,  et,  enfin,  lieutenant- 
général,  le  1"^  février  1805.  Depuis 
1792,  il  avait  fait  toutes  les  campa- 
gnes de  l'armée  française,  aux  avant- 
gardes.  Il  fit  aussi  celle  d'Italie  , 
et  y  déploya  \\ï\  brillaut  courage, 
notamment  au  passage  du  TagUa- 
mento.  Employé  à  l'armée  d  Espa- 
gne, en  1808,  il  se  distingua,  le  15 
janvier  1809,  à  l'attaque  «ie  Villaboa, 
où,  secondé  par  la  division  Merle,  il 
culbuta  l 'avant-garde  ennemie.  Le  16, 
il  battit  de  nouveau  les  Anglais,  au 
village  d'iUvina,  et  se  signala  au  siège 
de  Ciudad-lloilrigo,  qui  se  reudit  le 
10  juin  1810.  Chargé,  en  novembre 
1813,  de  faire  ilos  reconnaissances 
sur  les  bords  de  l'Adijic,  il  culbuta 
plusieurs  postes  ennemis,  et  se  dis- 
tingua à  lalfaire  du  Mincio,  le  8 
février  1814.  il  fut  nominé,  succossi- 
vemcnt,  inspecteur-général  de  cava- 
lerie, dans  les  6' ,  7"  et  19'  divisions  : 
chevalier  de  Saint-Louis,  le  27  juin, 
et  grand-olficier  de  la.Lèjpon-d'Ilon 
neur,  le  23  août,   il  éUut  à  Lons-Ie- 


MER 

.■>aulnier.  lorsque,  Ie-i3  mars  1815,  il 
reçut  du  maréchal  Ney  l'ordie  de 
se  rendre  à  Besançon,  pour  en  pren- 
dre le  cominandemenl  au  nom  du 
roi.  Le  14,  au  moment  de  son  dé- 
part, il  fut  averti,  pai-  un  aide-de- 
camp  du  général  Jarry,  que  le  ma- 
réchal avait  d'autres  onlres  à  lui 
donner,  et" en  effet  il  lui  fut  enjoint 
le  même  jour  de  se  rendre  à  Besan- 
<*on,  pour  y  commander  au  nom  de 
poléon.  Sur  son  refus  d'obéir  a 
ite  injonction,  le  maréchal  Ney  lui 
ordonna  les  arrêts.  Ces  détails  sont 
tirés  de  la  déposition  faite  par  le 
générai  Meimet  Ini-même,  lois  du 
procès  du  maréchal  à  la  Chambre  des 
pairs.  Il  ne  servit  donc  point  pendant 
les  Cent-Jours  :  et  après  la  rentree 
du  roi ,  il  fut  rappelé  aux  Jonctions 
d'inspecteur  -  général  de  cavalerie  , 
nommé  commandant  supérieur  au 
camp  de  Lunévillc,  et.  enfin,  aide-de- 
camp  de  Charles  X.  Mis  à  la  retraite 
après  la  révointion  de  1830  ,  le  gé- 
néral Mermet  mourut,  à  Paris,  le  28 
octobre  1837.  M~nj. 

MÉRODE  (le  comte  de),  marquis 
(le  Westerloo ,  prince  de  Rubempré  et 
d'Evcrbergh,  etc.,  né  en  1763  de 
l'une  des  plus  illustres  familles  des 
Pavs-Bas,  était  aussi  l'un  des  plus 
grands  propriétaires  de  cette  contrée, 
Kntré  fort  jeune  au  ser\-ice,  sous  le 
règne  de  Marie-Thérè?e .  il  le  quitta  , 
•après  quelques  années  ,  pour  la  di- 
plomatie. Nommé,  par  l'empereur  ,To- 
s<îph  II,  ministre  plénipotentiaire  au- 
pi%  des  États-Générairv  des  Provinces- 
Unies,  le  mauvais  état  de  sa  santé  le 
força  de  faire  un  voyage  en  Italie. 
Les  troubles  de  la  Belgique  ayant 
éclaté  pendant  son  absence,  il  prit  la 
résolution  de  venir  se  joindre  aux  in- 
surgés; et  les  instances  que  lui  fît,  à 
ce  sujet,  le  grand-tluc  de  Toscane, 
héritier  présomptif  de  la  mon-irrhie 


IHER 


909 


autrichienne,  ne  purent  le  détourner 
de  ce  projet.  Lorsque  la  Belgique  fat 
rentrée  sous  la  domination  de  l  empe- 
reur, le  comtede  Mérode  se  soumit  éga- 
lement ,  et  quand  l'empereur  Fran- 
çois 1"  vint  dans  les  Pays-Bas,  enl794, 
il  fit  don  volontairement  à  ce  prince 
d'une  somme  de  40,000  florins  pour 
les  frais  de  la  guerre  contre  la  Fran- 
ce. Émigré  dès  que  les  répubUcains 
français  eurent  envahi  la  Belgique, 
il  n'v  rentra  qu'en  1800.  Kommé  en 
1805,  maire  de  Bnixelles,  il  remplit 
avec  t^t  de  zèle  et  de  sagesse  ces 
importantes  fonctions,  que  son  ad- 
mmistration  est  encore  aujourd'hui 
présente  à  la  mémoire  des  habi- 
tants de  cette  ville .  qui  '  n<Kit  pas 
oublié  qire  c'est  à  ses  soins  constants 
qu'ils  durent  le  paiement  des  intérêts 
de  leurs  rentes ,  qui  était  suspendu 
depuis  si  long-temps.  Appelé  an  sénat 
par  l'empereur  Naj)olcon ,  le  6  mars 
1809,  le  comte  de'Mérodey  fut  nom- 
mé membre  de  la  commission  desti- 
née à  préparer  la  réunion  des  États 
du  parpe  à  l'empire  français,  et  il 
déplova  le  caractère  le  plus  noble, 
en  s'opposant  à  la  spoliation  et  a 
l'asservissement  de  l'Eglise.  Cette  op- 
position n'ayant  point  «npéché  le 
projet  d'être  adopté,  le  comte  de 
Mérode  déclara  à  la  commission  que, 
si  (e  rapport  énonçait  l'unanimité  des 
votes,  il  réclamerait  hautement  dans 
le  sénat.  Après  la  chute  de  Napoléon, 
il  continua  de  montrer  le  même  carac- 
tère d'indépendance.  Etant  retourné 
dans  les  Pavs-4}as  locsque  cette  con- 
trée fut  séparée  de  la  France,  il  oc- 
cupa quelque  temps  la  place  de  grand- 
maréchal  de  la  cour,  auprès  du  roi 
des  Pays-Bas.  .\vant  donné  sa  démis- 
sion de  cette  charge,  il  reçut  la 
grand'croix  de  1  ordre  du  Lion-Belgi- 
que. Ses  dernières  années^  consacrées 
uniquement  à  sa  familie  et  à  léser- 


SIO 


MER 


cice  des  vertus  chrétiennes,  couron- 
nèrent dignement  son  honorable  vie. 
Il  mourut  à  Bruxelles  dans  le  mois  de 
iévrier  1830.  —  MÉnonE  (  le  comte 
Wemer),  membre  de  la  Chambre  des 
représentants  de  Belgique,  mourut  le 
2  août  1840  ,    à  l'âge  de  43  ans. 
M— D  j. 
MERSAN    (  Denis-Frasçois  Mo- 
REAt!  de),  fils  d'un  procureur  au  par- 
lement de    Paris  ,  naquit   dans  cette 
ville  en  1766.  Il  adopta  d'abord,  mais 
avec  modération,  les  principes  de  la 
révolution ,  et  fut ,  en  conséquence , 
nommé ,  en  1790,  procureur-syndic 
du  département  du  Loiret,  puis  dé- 
puté de  ce   département  au  Conseil 
des  Cinq-C<2nts,  en  septembre  1795. 
Ayant  déclaré  ,  le  17  novembre,  qu'il 
se  trouvait  compris  dans  les  disposi- 
tions de  la  loi  du  3  brumaire ,  qui 
excluait,  dans  certains  cas,  du  Corps 
législatif,   on   rechercha   aussitôt  sa 
conduite  passée  et  l'on  découvrit  qu'il 
avait ,  en  vendémiaire  an  IV  (octobre 
1795),  signé  une  déclaration  par  la- 
quelle il  inculpait  la  Convention  na- 
tionale et  approuvait   le   mouvement 
insurrectionnel  qui   s'était  manifesté 
contre  elle ,  au  moment  de   l'accep- 
tation de   la  constitution.  Il  fut,    en 
conséquence  ,    exclu   du     Corps   lé- 
gislatif iuJ»qu'à   la  paix  ;    mais  ,    en 
mai  1797,  le  nouveau  tiers   des  dé- 
putés ayant  donné  la  majorité  à  son 
parti  ,    Mcrsan    fut    rappelé.    Après 
la  révolution  du  18  fructidor   an  V 
(sept.  1797),  il  fut  compris  dans  la 
loi  de  déportation,  à  laquelle  il  réus- 
sit à  se  soustraire.  Rappelé  parle  gou- 
vernement consulaire,  après  le  1 8  bru- 
maire ,  il  fut  employé  qiielque  temps 
au  ministère  de  la  guerre,  pui*nommé 
référendaire  à  la  Coin-  des   (•onq)tes. 
[.es  déclarations  de  IJuverue-de-Pres- 
le  en  1797,  l'avaient  présenté  connue 
un  royaliste   très-dévoué,   et  même 


MER 

comme  un  agent  des  Bourbons.  Ce 
qu'il  y  a  de  sûr,  c'est  qu'en  1814  il 
fut  un  des  premiers,  parmi  les  habi- 
tants de  Paris,  à  se  déclarer  pour  la 
restauration.  On  pensait  qu'il  en  ob- 
tiendrait un  emploi  important,  et  lui- 
même  l'espérait  probablement  aussi  ; 
il  le  méritait  à  tous  égards,  et  les 
Bourbons  devaient  une  récompense  à 
son  zèle;  cependant,  il  n'avait  encore 
rien  obtenu ,  si  ce  n'est  le  ruban  de  la 
Légion-d'Honneur,  lorsqu'il  mourut 
subitement  d'une  attaque  d'apoplexie, 
en  revenant  du  spectacle,  le  20  janvier 
1818.  Il  avait  publié  :  I.  Pensées  de 
Nicole  de  Port-Rojal ,  jnéccdéef  d'une 
introduction  et  d'une  iwtice  sur  sa  per- 
sonne et  ses  écrits,  Paris,  1806  et 
1811,  in-18.  II.  Pensées  de  Balzac , 
précédées  d'obsei-vations  sur  cet  écri- 
vain et  sur  le  siècle  où  il  a  vécu,  Pa- 
ris, 1807,  in-12.  III.  Des  articles  dans 
divers  journaux  et  dans  les  premiers 
volumes  de  la  Biotfraphie  universelle^ 
entre  autres  celui  de  Balzac.  M — n  j. 
MERSCIÏ.  Foy.  Vander-Mersch, 
XLVII,43t. 

MEUÏENS  (CH.VRLES  de),  méde- 
cin, né  à  Bruxelles  en  1737,  alla  étu- 
dier, à  18  t»i)s,  la  médecine  à  Stras- 
bourg, reçut  le  grade  de  docteur  en 
1758,  et  soutint,  à  cette  occasion,  une 
thèse  qui  a  pour  titre  :  De  vulnere 
pcctoris  complicato  cum  vulnere  dia- 
phragmatis  et  arteriœ  mesentericiv  in- 
ferioris.  Il  se  rendit  ensuite  à  Vienne, 
en  Autriche,  où  il  exerça  pendant. 
plusieurs  années.  En  1767,  il  fut 
nomme  médecin  de  la  maison  ies 
enfants-trouvés  de  .Moscou.  Quatre 
ans  après  son  arrivée,  la  peste  éclata 
dans  cette  capitale  et  fit  près  de  cent 
mille  victimes.  Mcrtens  s'y  distingua 
par  son  zèle  envers  les  malades,  et  il 
parvint  à  préserver  de  la  contagion 
la  maison  des  enl^nts-trouvés.  Malgré 
les  services  qu'il  avait   rendus  dans 


MER 

une  si  grande  calamité,  il  trouva 
des  ennemis  en  Russie  ;  et  le  docteur 
Samoïlowitz,  chirurgien-major  du  sé- 
nat de  Moscou,  auteur  d'un  ouvrage 
sur  la  peste  de  cette  ville,  se  permit  di- 
verses allégations  contre  lui.  Mertens 
quitta  la  Russie  en  1772 ,  et  retour- 
na à  Vienne,  il  fut  présent  à  la  mort 
de  Stoll,  en  1788 ,  et  le  suivit  peu  de 
mois  après, dans  la  tombe.  Ses  ouvra- 
ges sont  :  I.  Observationes  medicœ  de 
febribus  putridis,  de  peste,  nonnuUis- 
qun  atiis  mortw,  Vienne,  1778  et  1784, 
2  vol.  in-8°;  traduit  en  allemand , 
Gœttingue  et  Leipzig,  177^  et  1785, 
2  vol.  in-S".  C'est  1  ouvrage  d'un  bon 
observateur.  Dans  le  tome  1",  l'au- 
teur décrit  d'abord  les  maladies  épi- 
démiques  qui  ont  précédé  la  peste  de 
Moscou,  et  ensuite  cette  peste  elle- 
même  ;  le  2=  volume  traite  de  diver- 
ses maladies  épidémiques  ou  autres 
observées  à  Vienne.  II.  Traité  de  la 
peste  ,  contenant  l  histoire  de  celle  qui 
a  régné  à  Moscou  en  1771,  Vienne  et 
Strasbourg,  1784,  in-Sfi^'est  la  tra- 
duction faite  par  l'auteur  lui-même 
de  ses  observations  sur  la  peste ,  con- 
tenues dans  l'ouvrage  précédent.  Il  y 
a  Joint  une  instruction  et  quelques 
pièces  justificatives,  pour  réfuter  les 
allégations  de  Samoïlowitz  contre  lui. 
I^  traité  de  la  peste  de  Mertens  est 
une  des  meilleures  monographies  qui 
aient  paru  sur  cette  maladie.  L  auteur 
a  su  en  exclure  toute  hypothèse,  et 
s'en  tenir  à  la  simple  exposition   des 

MERWARIDY  (  Khodja-Sche- 
HAB-ED-DVN  Abdall\h-Beyasi,  sumom- 
mé  Al)  ,  poète  et  historien  persan , 
était  fils  de  Khodja  Schems  ed-Dyn 
Mohammed ,  issu  d'une  famille  noble 
du  Kerman,  et  qui,  après  avoir  été 
vezyr  d'un  descendant  de  Tamerlan, 
avait  renoncé  à  ses  emplois  pour  em- 
brasser la  vie  de  derviche.  Abdallah  se 


«If 

distingua  de  bonne  heure  par  se*  ta- 
lents politiques  et  poétiques,  et  rem- 
plit, dès  sa  jeimesse ,  diverses  places 
dans  le  divan,  il  fut  envoyé,  avec  le  ti- 
tre de  vezyr,  à  El-Catif  et  Bahrain,  en 
Arabie,  par  Mourad,  lun  des  fils 
d'Abou-Said,  autre  prince  de  la  race 
de  Tymour.  A  son  retour,  il  présenta 
à  son  souverain  quelques  vers  de  sa 
composition ,  et  dut  autant  à  leur 
beauté  qu'à  celle  de  son  .écriture  le 
surnom  de  Mertvaridy  (le  marchand 
de  perles).  Doulet-Chah,  qui  écrivait 
l'an  892  de  Ihég.  (14«7  de  J.-C.), 
comparait  déjà  ses  vers  à  ceux  d'An- 
wary  et  d'Ansar^.  Il  s'attacha  bientôt 
au  sulthan  Houceui  Mirza ,  prince 
de  la  même  famille  (  voy.  Houceis, 
LXVII,  357)  ,  et  souverain  du  Khora- 
çan  et  du  Mazanderan.  Il  l'accom- 
pagna dans  toutes  ses  expéditions ,  et 
parvint  de  grade  en  grade  jusqu'à  la 
dignité  d'émir.  Il  succéda,  dans  la 
charge  de  chancelier,  au  célèbre  Aly- 
Chyr  {voy.  ce  nom  ,  1 ,  655  ).  Après 
la  mort  du  sulthan,  l'an  911  (1506), 
Merwaridy,  étranger  aux  révolutions 
qui  firent  perdre  aux  enfants  de  ce 
prince  ce  qui  leur  restait  des  débris 
de  l'empire  de  Tanierlan ,  disparut  de 
la  scène  politique,  et  s'occupa  unique- 
ment de  la  lecture  du  Coran,  jusqu'à 
la  conquête  du  Khoraçan,  sur  Schaï- 
bek,  khan  des  Ouzbeks  ,  l'an  916 
(1510),  par  Chah  Ismaël  Sofy,  roi  de 
Perse.  Alors  il  se  rendit  à  la  cour  de 
ce  prince  qui  lui  confia  l'éducation  de 
Sam  Mirza,  l'un  de  ses  fils.  Mais  sa 
mauvaise  santé  l'obligea  de  demander 
au  roi  la  permission  de  rentrer  dans 
la  retraite ,  et  il  y  mourut  au  mois  de 
redjeb  922  (août  1516).  Merwaridv 
a  écrit  en  prose,  sous  le  titre  de  7a- 
rikh  Chahy,  l'histoire  de  Chah  Ismaël 
qui  est  achevée,  quoiqu'elle  ne  com- 
prenne pas  la  fin  de  la  vie  de  ce  mo- 
naïque,  qui  survécut  huit  ans  à  soa 


é^  MES 

historien.  L'auteur  composa  aussi  en 
vers  une  autre  vie  d'hmaé%  qui  est 
restée  imparfaite,  ainsi  que  son  roman 
de  Khosrou  et  Schirin.  Il  a  laissé,  en 
outre,  un  recueil  de  chansons,  d'odes 
et  de  quatrains  ,  intitule  :  Mounis  al 
ahbah  ,  et  des  lettres  fort  estimées  par 
les  amatcurt  de  la  vie  spirituelle.  Il 
existe  à  la  bibliothèque  royale  de 
Paris  ,  sous  le  n"  22i,  un  manuscrit 
persan  intitulé  :  Kittab  inschâifarsy. 
C'est  im  recueil  de  lettres  écrites 
tant  par  Merwaridy  que  par  quel- 
ques personnages  célèbres  dé^  son 
temps,  et  qu'il  a  publiées  comme mo- 
<lè!es  de  style  épistolaire.  —  Son  fils, 
Mir^a  Mouraen ,  trés-babile  écrivain  , 
après  avoir  occupé  une  des  premières 
dignités  ecclésiastiques  à  »  Héf  îrt  et  à 
Sebzwar,  s'attacha  au  roi  de  Perse, 
et  alla    mourir  dans   l'Inde  .  en  9  W 

MESCHIXOT  (.ha:*),  sieur  des 
Mortières,  connu  sous  le  nom  de  tiav- 
Hi  de  Liesse,  qu'il  se  donne  Ini-mè- 
më'dans  une  requête  en  prose  pré- 
sentée à  François  II,  dernici-  duc  de 
BrétàVï'ne,  entra  fort  jeune  au  service 
du  fine  Jean  V,  en  qualité  de  niaître 
d'h«)tel.  Il  exerça  cette  chargf;  pendant 
pins,  de  '  soixante  ans,  tant  auprès  de 
,,-e'princp-  et  de  ses  successeurs, 
qu'auprès  de  la  duches.se  Anne  et  dos 
I  ois  Charles  VTU  et  Louis  XJI.  De  là  ' 
vient  le  titre  de  inaisttv  d'hostcl  de  la 
royne  de  France,  qu'il  prend  en  tête 
de  ses  poésies.  Hien  (jue  dans  sa  re- 
quête au  duc  Irançois  II,  et  dans 
pluSitlnrîi  passafiesdi;  ses  poésies,  il  se 
pW^c'  des  nialhem-s  <pi'il  aurait 
••prburés,  et  qui,  d'après  lui.  ;iuraienl 
justîfin  shP  surnom,  il  n'est  fjuèrc  vrai- 
s'Mnblablé  qu'un  service  lonfj  et  non 
iirt'érrompù.  «lans  la  maison  «les  ducs 
«le  I^rr'tafine,  ait  élé  as.V'/  peu  n'-com- 
pcnsé  pour  lo  laisser,  connue  il  le 
prt'tPnH."d>ins  un   état  do  misère  et 


MES 

d'indigence.  On  doit  plutôt  voir  dans 
ces  plaintes,  ou  une  morosité  fâ- 
cheuse, ou  une  cupidité  que  ne  pu- 
rent satisfaire  les  libéralités  dont  il 
convient  lui-même  avoir  été  l'objet. 
ISé  vers  1430,  il  mourut  le  12  sep- 
tembre 1509.  On  a  de  lui  un  recueil 
de  poésies ,  intitulé  :  les  Lunettes  des 
princes.  Ces  Lunettes  étaient  spécia- 
lement destinées  au  nez  des  papes  , 
des  empereurs,  des  rois,  etc.;  aussi 
l'auteur  assure-t-il  : 

Que  jamais  l'œil  ne  vit  telles  besicles, 
Néanmoins,  quoique  Meschinot  eût 
principalement  pour  but  de  dicter 
aux  princes  des  préceptes  de  gouver- 
nement, les  moralités  que  renferme 
son  livre  n'étaient  pas  tellement  ex- 
clusives; qu'elles  ne  pussent  convenir 
aux  hommes  de  tous  les  états.  C'est 
ce  qu'il  déclare  lui-même  dans  les 
motifs  qu'il  déduit  pour  expliquer  le 
titre  qu'il  a  adopté  :  «  S^achez,  Itli 
<>  dit  la  Haison,  en  lui  présentant  les 
'  lunette  allégoriques  dont  il  s'agit. 
«  que  je  letlir^y  donné  à  nom  les 
«  Lunettes  des  Princes^  non  pour  ce 
«  que  tu  soy es  prince  ou  grand  sei- 
"  gneur  temporel;  car  trop  plus  que 
•  bien  loin  es-tu  d'un  tel  état,  valertr 
'.  ou  dignité,  mais  leur  ay  principa- 
..  lement  ce  nom  imposé,  pour  ce 
"  qtie  tout  homme  peut  estre  dict 
.<  prince .  en  tant  qu'il  a  reçu 
.  (le  Dieu  gouvernement  d'âme.  - 
Apres  (pièlques  rélloxions  générales 
sur  l<*s  misères  iannaines,  il  déplore 
t;i  mort  de  plusieurs  <les  ducs  (pi'il  a 
servis.  témoig!»e  sa  reconnaissance  des 
bienfaits  (ju'il  a  reçus  de  Itm  d'eux, 
et  laisse  entrevoir  q\U'  ses  ih-sordres 
personnels  auraient  contributi,  plus 
(|ne  toute  autre  «anse,  au  dérange 
ment  de  sa  fortune.  Son  affliction 
redoublant,  la  Raison  vient  à  son 
aide,  lui  prouve,  par  des  exemples 
(irés  de  l'histoire,  de  la   fable  et  du 


MES 

t^jman  dt  la  Rose,  que  tout,  sur  ia 
terre,  est  fragile  et  périssable,  et, 
afin  qu'il  puisse  faire  un  bon  usage 
de  ses  instructions,  elle  lui  présente 
un  petit  livret  intitulé  Conscience^  puis 
des  lunettes  destinées  à  en  faciliter 
la  lecture  <?t  à  le  rendre  profitable. 
Sur  l'un  des  verres  est  écrit  Prudence  ; 
>ur  l'autre.  Justice  ;  l'ivcire  qui  les 
enchâsse,  se  nomme  Force,  et  le 
fer  qui  les  joint,  Tempérance.  Le  li- 
vret contient  des  réflexions  morales 
sur  ces  quatre  vertus.  \  la  suite  de  ces 
poésies,  on  trouve  vingt-cinq  pièces 
sous  le  non»  de  Georges  iadventurier. 
serviteur  du  duc  de  Bourgogne ,  per- 
^nnage  qui  n  est  autre  que  Georgep 
Cbastelain,  surnommé  l'Aventurier, 
à  cause  de  sa  vie  agitée  et  de  ses 
faits  d'arme j.  Ces  petites  pièces  ont 
pour  titre  les  Princes ,  parce  que 
chacune  d'elles  commence  par  ces 
mots  et  contient  une  instruction  luo- 
rale  qui  peut  convenir  aux  princes. 
Ce  sont  des  envois  de  six  vers  cha- 
cun, que  Georges  avait  adressés  n 
Meschinot,  et  sur  lesquels  celui-ci  fil 
autant  de  ballades  qu  i!  termine  par 
le  dernier  vers  de  lenvoï.  On  remar- 
que encore  dans  ce  recueil  une  piè- 
ce dont  le  litie  annonce  suffisam- 
ment le  sujet  :  c'est  la  Commémora- 
tion de  Iz  Pastion  de  Xotre-Seiqneur 
fésus-Christ.  Elle  est  suivie  de  la  Sup- 
plication (fuil  fit  au  duc  de  Bretai- 
gne  f  François  H) ,  son  souverain  sei~ 
gne'trf  nous  en  avonâ  déjà  parlé. 
Parmi  les  autres  poésies .  il  n'y  a 
que  deux  pièces  de  vers  qui  offrent 
tpjelque  intérêt.  Lune  est  la  Briefvc 
tutnentation  et  complainte  de  lit 
mort  de  madame  de  Bourgogne,  fait-c 
à  la  requête  de  monseigneur  de  Croûy, 
ffttand  il  vint  en  Bretaigne  (levers  le 
duc,  lequel  piteusement  se  doutait  du 
as  advenu.  L'autre,  intitulée  :  Proso^ 
popée   de  la    ville  de   liantes,  <fui  «• 


MES 


313 


plaint  de  l'interdit,  est  relative  à  l'in- 
terdit quAmauri  d'Acigni,  évéquede 
Nantes,  jeta  sur  cette  ville,  après  que 
lui-même  eut  été  mis,  en  1471,  au 
ban  du  duché  par  le  duc  François  I**, 
à  la  suite  des  démêlés  survenus  en- 
tre le  prince  et  le  prélat,  à  l'occasion 
de  la  régale.  Plusieurs  des  ballades 
de  Meschinot  ont  des  refrains  asser 
licureiw,  tels  que  ceux-ci  : 

G«ns  sans  argent  ressemblent  corps  sans  fme. 
On  dit  lr*5-bicn,  mais  on  bit  le  contraire. 

J.  Bpuchet  et  P.  Grognet,  contempo- 
rains de  notre  poète,  en  parlent  d'une 
manière  avantageuse ,  et  Marot  l'a 
rangé  parmi  les  meilleurs  poètes  de 
son  temps  dans  son  épigramme  a- 
dressée  à  Salel,  où  on  lit  ce  vers  •■ 


Nantes  la  Brette  06  Meschinot  se  baigne..... 

Néanmoins,  le  plus  souvent,  ses  p€)é- 
.sies  se  ressentent  de  ia  gêne  produite 
par  le  puer.il  et  stérile  mérite  de  la  dif- 
ficulté vaincue.  On  y  voit  entre  autres 
deux  huitains  fort  originaux  en  leur 
genre.  En  tète  de  l'un  deux,  on  lit  : 
Les  huit  vers  ci-dessous  écrits  se  peu- 
vent lire  et  retourner  en  trente-huit 
manières.  L'autre  est  précédé  de  l'ob- 
ijervatiou  suivante  :  Cette  oraison  se 
peut  dire  par  huit  ou  par  seize  vers, 
tant  en  rétrogradant  qu'aultrement^ 
tellement  quelle  se  peut  dire  en  tren- 
te-deux manières  différentes;  et  à 
chascune y  aura  sens  et  rime;  et  com- 
mencer toulours  par  mots  différents 
qui  veult.  Les  poésies  de  Meschinot 
ont  été  imprimées  bien  souvent;  il 
en  existe  plusieurs  éditions  sans  date, 
dont  voici  les  principales  :  Les  Lu- 
nettes des  Princes,  etc.,  Paris,  Jehan- 
not,  in-S",  goth.;  — Pari;*,  Pierre  Le 
Caron,  petit  in-4"  goth.  ; —  Paris,  Le 
Petit  Laurent,  iu-4"  goth.; — -Rouen, 
Richard  Auzoult  pour  Robinet,  Macé, 
in-4''goth.  de 86 feuilles, signât. 
33 


S14 


MES 


à  39  lig.  par  p.,  fîg.  en  bois.  Sur  le 
titre  et  au  verso  du  dernier  feuillet 
se   trouve  la  marque  de  Macé ,  où 
l'on  voit  une  ancre  soutenue  par  un 
dauphin,    comme  dans   les   éditions 
aldines;  —  Lyon,   Jacques   Araollet, 
in-i"  çoth.  (il   imprimait  à   Lyon  , 
en  1496);  —  Lyon,  Olivier  Arnoul- 
let,    in-S"; — Paris,    Jehan  du  Pré, 
in-i"  goth.;  de  88  feuilles,  sign.a— 1, 
avec  fig.  en  bois,  32  lig.  par  page. 
Maittaire,    dans   ses  Annales   Typo- 
graphùfues,   et  Marchand,  dans  son 
Histoire   île    l'Imptimerie,    mention- 
nent une  édition  in-i"  qui  aurait  été 
imprimée  à  Nantes,    en    1488,    par 
Etienne  Larcher.  Ces  deux  bibliogra- 
phies  sont  les  seuls  qui  parlent  de 
cette  édition  dont  l'existence  est  fort 
problématique,    et  qu'ils    ont,    selon 
toute  apparence,  confondue  avec  la 
première    de   celles  dont  la  nomen- 
clature   suit.   Ce   qui  donne  lieu  de 
croii-e  qu'ils   se   sont  trompés,   c'est 
la   forme  singulière  de   \'x  dans   la 
souscription,  forme  qui  les  aura  en- 
traînés à  lire  VIII  pour  XIII.  Quant 
.ai  Guimar  qui  a  reproduit  cette  indi- 
cation  dans  ses  Annales  de   Naittes, 
son   erreur  vient    sans    doute  de  ce 
qu'à  l'exemplaire  sans  date,  que  pos- 
sède la  bibliothèque  de   Nantes,  et 
qu'il  a  dû  consulter,   on  a  joitit  un 
ouvrage  anonyme,  auquel  Meschinot 
est  tout-à-fait  étranger,  et  qui  a  pour 
titre  :  Chroniques  de  Fmnce,  abn'çjée.u 
avec    la    génération   d' Adam  ,    d  Eve, 
de    Noé  et  de    leurs    ijénérationf ,    ei 
les  villas  et  cités  qtte  fondèivnt  ceulx 
(fUi  yssirent  d'eulx,   chroniques   qui 
portent  la  date  de  1488.  Aux  éditions 
précédentes  il  faut  joindre  celles  qui 
suivent  :  I.  Les  Lunettes  des  Princes, 
av^cque  aulcuncs  haludcs,  Nantes,  Es- 
ticnnc  I-irchrrr,    le  XV   iour  d'apvril 
mil  CCCC  I.XK  e   XIII  (1473),  petit 
hx'ï"   ffoth.    OiU'    l'/litioo   e»f    fort 


MIS 

rare,  et  assez  bien  imprimée;  elle  est 
divisée  en  deux  parties,  la  première 
de  64  feuillets,  et  la  seconde  de  44. 
Au  verso    du  titre   de    la  première 
partie,  il  y  a  une  gravure  en  bois, 
assez  bien  exécutée  ;  le  premier  feuil- 
let   de  la  seconde  partie  porte,    au 
recto,  une  autre  vignette  en  bois,  et, 
au  verso,  le  titre  suivant  -.  S'ensuy- 
vent    XXV    balades    composées   par 
ung  gentil  home   nomé  Jehan  Mes- 
chinot, sur  XXV  pièces  de  balades  lui 
envoyées   de  Messire   Georges    l'Ad- 
venturier,    serviteur  de  Môseigneur 
de    Bourgogne  et  trouverez  au  c6- 
mencement  de  chacune  des  balades 
le   refrain   et  à  la  fin  le  prince  fait 
par  ledit   Georges.    II.  Les    mêmes, 
avec  aulcunes  balades    et  addicions, 
Paris,    Ph.    Pigoufchet  ou    Mignard, 
1495,  in-S^goth.  III. l^s  mêmes,  etc., 
Paris,  Pigouchet  pour  Simon  Vostre, 
1499,  in-8°  goth.  Ces  trois  édition» 
sont   les  plus  recherchées,  bien  que 
chacune  des  suivantes  contienne  de 
nouvelles    poésies.  IV.    l^s  mêmes, 
Paris,  Michel  Lenoir,  1501  ou  1505, 
in-4''    goth.   V.    I^s    mêmes,    Paris, 
Nicolas  Higman,    pour  Nicole  Vos- 
tre,  1522,  in-8''    goth.    VI.  Les  mê- 
mes, Paris,    Gallyot  du  Pré,    1528, 
in-8°.   VII.  Les  mêmes,    Rouen,  Mi- 
chel Angcr,  1 530,  in-S»  goth.  VllI.Les 
mêmes,  Paris,  Alain    Lotrian,  1534, 
in-S».  IX.  Les  mêmes,  ensemble  plu- 
sieurs additions    et  ballades ,   Paris, 
Jean  Hi|pîori  ou  Piern:  Sergent,  1539, 
petit  in-12;  jolie  édition  en    lettres 
rondes.  U'  catalogue  de  la  bibliothè- 
que de  la   maison   professe   des  Jé- 
suites de  Paris,  attribue  encore  à  Mes- 
chinot :  La    jeunesse    du     banni    de 
Liesse,  Paris,  1541,  in-12.    P.  L— t. 
MESMON   (  Gkrmain  -  HYAcmTHJ; 
de  IV)MA>cK,  marquis   de),    naquit  à 
Paris  le  23  nov.  1745.  Appelé  dans 
(-,   jeunesse  chevalier  de  Romance, 


uom  qu'il  portait  encore  qnaod  paru- 
rent la  Lettre  a  Sénèque  ,  \ Eloge  de 
Quesnay^  et  XEloge  de  Suger,  il  prit 
ensuite  le  titre  de  marquis  de  Mes- 
mon  qu  avait  eu  avant  lui  un  frère  de 
son  père.  D'abord  page  à  la  grande 
écurie,  puis  enseigne  au  régiment  des 
Gardes-Françaises,  il  était,  lors  de  la 
révolution,  lieutenant-colonel  de  ca- 
valerie. Il  cmigra  et  fut  promu  au 
grade  de  major-général  de  l'avant  • 
garde,  à  l'armée  des  princes.  .^prq|  le 
licenciement  de  cette  armée ,  il  se 
réunit ,  à  Hambourg ,  à  madame  de 
Mesmon  ,  née  de  Baynast ,  qui,  déjà 
atteinte  d  une  maladie  de  langueur, 
y  succomba  au  commencement  de 
l'année  1800.  Fendant  son  séjour  dans 
cette  ville,  Mesmon  fut  successive- 
ment collabora  leur,  pour  la  partie 
littéraire  ,  au  Spectateur  du  Xord, 
feuille  périodique  publiée  par  Bau- 
dus;  puis  auteur  d'un  journal  hebdo- 
madaire intitulé,  le  Beveit,  qui  a  for- 
mé trois  .volumes  ;  enfin  éditem*  d  un 
autre  journal  hebdomadaire  intitulé, 
le  Censeur ,  dont  il  rédigeait  seul  la 
partie  politique.  Il  y  insérait  quelques 
articles  littéraires  ,  de  peu  d  inqjor- 
tance,  dont  la  rédaction  était  confiée 
à  Bertin  d'Antillv  (  fils  naturel  de 
Bertin,  des  parties  casuelles ,  et  de 
M"*  Hus,  actrice  du  Théâtre-fran- 
çais). .Dans  ce  dernier  journal,  quel- 
ques articles  très-virulents  contre  le 
premier  consul  Bonaparte,  donnèrent 
lieu  à  l'ariostation  de  Mesmon ,  or- 
donnée par  le  sénat  de  Hambourg,  eu 
août  1800.  Incarcéré  à  la  grande  garde 
dans  la  même  chambre  où  lavait  été, 
qudqucs  années  auparavant,  ]Napper 
Tandy,  il  traça  ce  distique  sur  le  mur 
de  sa  prison  : 

AsaertorUgum,etRegumdefenaor  acerbtts., 
Lapsus  hic  ipsc  lubens  et  fidesi  pcrca. 

Le  premier  consul  avait  fait  deman- 
der au  sénat,  par  un  agent  diploma- 


tique,  l'extradition  de  Mesmon;  elle 
aurait  sans  doute  eu  lieu,  si.  par  suite 
des  démarches  actives  de  M.  de  Thou- 
venet,  agent  de  Louis  XVIIL  à  Ham- 
bourg, M.  de  Moura\-iew,  ministre  de 
Kussie  dans  la  même  ville,  ne  l'avait 
pas  réclamé  au  nom  de  son  souverain. 
Voici  comment  cette  réclamation  s'o- 
péra, daprès  le  rapport  d  un  témoin 
aussi  hoDoi  able  que  véridique,  qui  se 
trouvait  alors  à  Saint-Pétersbourg.  Le 
chevalier  d  Augard  ,  émigré  avigno- 
nais  ,  informé  de  la  détention  de 
Mesmon,  qu'il  ne  connaissait  pas, 
mais  animé  du  désir  de  prévenir  urne 
injustice,  et  peut-être  un  assassinat, 
pria  madame  la  comtesse  Rostopchiu 
et  sa  sœur  madame  la  princesse  Ga- 
liizin  de  s  intéresser  à  Mesmon  auprès 
de  l'empereur  ,  qui  d  abord  répondit 
qu'il  ne  voulait  aucunement  interve- 
nir dans  celte  alfaire.  Toutefois  ces 
dames  avant  réitéré  loui'»  instances  , 
en  alléguant  que  madaïue  Roslb'p- 
chin  le  destinait  à  faire  léducatiou 
de  ses  enfants,  Paul  I"  consentit  en- 
fin à  ce  qu'il  fût  réclamé  en  son  nom 
par  M.  de  Mouraview.  Le  témoin 
ajoute  que,  dans  la  suite,  Mesmon  ne 
reconnut  pas  comme  il  le  devait ,  le 
service  important  que  d  Augard  lui 
avait  rendu  dans  cette  circonstance. 
Arrive  a  Saint-Pétersbourg,  Mesmon 
obtint  de  Paul  1"  le  titre  de  conseiller 
actuel,  avec  le  rang  de  général-major, 
puis  le  cordon  de  l'ordre  de  Sainte- 
Anne,  2°'  classe.  D  abord  secrétaire 
de  l'empereur  au  ministère  de  l'ins- 
truction pubUque,  sous  le  comte  Sa- 
vadowski,  il  fut  ensuite  attaché  au 
ministère  des  affaires  étrangères,  sous 
les  ministres  Czartoryski,  Budberg,  et 
Romanzow.  Il  y  rédigeait  une  feuille 
officielle  intitulée  :  Journal  du  A'orrf, 
dans  laquelle,  outre  la  partie  politi- 
que, il  plaçait  quelques  articles  littér 
raires.  Il  dut  alors  résister  au&  efforts 


316 


MES 


que  firent,  pour  s'immiscer  dans  !a 
r(idaction  de  ce  journal  ,  un  comte 
Potoçki,  un  conseiller  Divow,  et  le 
comte  Joseph  de  Maistre.  Mesmon  ne 
put  donner  la  démission  de  ses  em- 
plois ,  entre  les  mains  de  l'empereur 
Alexandre,  qu'en  1817,  à  la  rentrée 
de  ce  prince  dans  sa  capitale.  De  re- 
tour à  Paris,  il  fut  ddsijjné  par  le  roi 
pour  l'ambassade  deDanemarck,  qu'il 
ne  put  accepter,  étant  dès-lors  frappé 
de  cécité;  mais  il  fut  promu  au  grade 
de  maréchal-de-camp  en  retraite.  Il  a 
vécu  depuis  fort  retiré ,  d'abord  à 
Paris,  ensuite  à  Neuilly-sur-Seine  où 
il  mourut  le  2  mars  1831;  il  fut  en- 
terré dans  le  cimetière  du  Mont- Galé- 
rien, où  il  avait  acheté  sa  sépulture. 
On  a  placé  sur  sa  tombe  l'épitaphe 
suivante  ,  composée  par  lui-même  ; 

D,  0.  M. 

Hic. 

Vermis  homo  annos  exult; 

Tcnuis  sine  corpore  vita  evolavit  ad  Deum, 

Villicationis  suae  rationein  redditura... 

Tremende  Judes,  optime  Pater, 

Ml&erere  peccatoris  sanguini  tantum  Christi 

Se  credentis  ' 

Aura  dum  vescebar  aethérea 

Dicebar  Gennanus  Hyacintlius  ex  Romatico- 

Mesmon. 

Mesmon  possédait  des  connaissances 
très-éteudues  ;  il  était  d'ailleurs  doué 
d'un  esprit  fort  remarquable,  niais 
caustique;  il  se  plaisait  à  se  com- 
parer, sous  ce  rapport,  au  duc  de 
Saint-Simon  dont  il  avait  lu  dans  sa 
jeunesse  les  mémoires  ttoniplets,  sur 
le  manuscrit,  alors  déposti  aux  ar- 
chives des  affaires  étrangères ,  et  il 
ne  se  fâchait  point  quand  on  lui  di- 
sait, en  employant  ime  expression  de 
cet  écrivain,  <jfu'i7  tétait  sans  charnières. 
Il  avait  d'abord  projeté  d'embrasser 
la  carrière  diplomatique ,  et  il  avait 
été  recommandé  à  cet  effet  par  Mau- 
, -repas  à  Vergcnnes.  secrétaire-d'étit 
au  ministère  des  affaires  étrangères  : 
tnais  mal  accueilli  par  ce  ministre, 


MES 

qui ,  dans  l'Éloge  de  Suger,  avait  cru 
remarquer,  sur  diverses  questions  de 
haute  administration  ,  un  ton  docto- 
ral bien    éloigné    des   intentions  de 
l'auteur,  il  y  renonça  et  continua  de 
suivre  la  carrière  des  armes.  On  peut 
diviser    la    vie    de  Mesmon  en  trois 
périodes  distinctes  :  dans  sa  jeunesse, 
il   fut  ardent  zélateur  de  la  doctrine 
économiste  et  de  la  nouvelle  philo- 
sophie :  les  Éloges  de  Qucsnay  et  de 
Sugfer  en  portent  bien  le  cachet.  Il  s'a- 
donna, dans  l'âge  mûr,  et  plus  spé- 
cialement pendant  son  séjour  à  Ham- 
bourg, à  la  culture  des  belles-lettres 
et  de  la   saine  métaphysique.  Enfin, 
devenu  sexagénaire,  et  ayant  eu  l'oc- 
casion de  se  lier  avec  les  Jésuites,  à 
Saint-Pétersbourg,  il  se   livra   à   des 
exercices  de  piété,  mais  finit,  dans  les 
derniers  temps,  par  tomber  dans  un 
ascétisme  que  révèle  parfois  son  opus- 
culede  la  liberté  Je  pi'tiscrct  Je  la  liberté 
Je   la  presse,  ascétisme  qu'on  trouve 
plus  fortement  prononcé  dans  quel- 
ques ébauches   restées   nianuscriteJ« . 
qui  ne  sont    pas    toujours  exemptes 
d'idées  bizarres ,  et  même  peu  ortho- 
doxes, notamment  sur  les  puis.san- 
ces  de  l'air ,  sur  la  chute  du  premier 
homme,  ainsi  que  sur  la  dégradation 
des  animaux  résultée   de  cette  chute 
et  comparée  avec  leur  état  primitif; 
mais,    à  cet  égard,  il  n'hésita  jamais 
à  se  soumettre  au  jugement  de  l'E- 
glise. L'esprit  de  la  société  de  Jésus 
conserva   d'ailleurs   sur  lui   une  in- 
fluence  telle,    qu'ayant   eu   le  désir, 
dans  les  dernières  années  de  sa  vie, 
d'acheter  l'édition  complète  des  Mé- 
moires de  Saint-Simon,   duquel  il  a 
toujours  conservé  la  plus  haute  opi- 
nion, il   en  fut  détourné,  parce  que 
cet  écrivain,  entaché  de  jansénisme  , 
n'avait  pas  épargné  le»  Jésuites.  Ajou- 
tons que  l'un  d'eux,  profitant  de  cet  as- 
cendant, obtint  de  Mesmon  xm  don  à 


MES 

la  Société  de  presque  tous  ses  travaux 
manuscrits,  ainsi  que  des  exeiAplaires 
qu'il   possédait  de   ses   compositions 
littéraires  et  périodiques,  imprimées 
tant  avant  que  durant   son   émigra- 
tion. Indépendamment  des  nombreux 
articles   de  littérature,   insérés,    par 
Mesmon,  dans  les  feuilles  périodiques 
que   nous  avons   désignées   (aiticles 
parmi   lesquels   on   doit    surtout  re- 
marquer ;  Idées  sur  le  beau;  Essai  sur  la 
politesse  des  maurs  ;  Essai  sur  l'amour 
et  l'amitié;  Des  avantages  qu  une  na- 
tion peut  retirer  de  ses  malheurs;  Con- 
ûdérations  sur  la    pensée,    influence 
qu'a  sur  elle   la    culture   de  [esprit  ; 
Du  goût  de%  vrais  plaisirs  ;  Du  carac- 
tère et  de  la  philosophie   de  Cicéron  ; 
etc.)  ,•  on  a  de  lui  :  I.  Dans  sa  première 
jeunesse.  Lettre  à  Sénèque,  auteur  dont 
il  est  resté  toute   sa  vie  l'admirateur, 
et  dont,  jusqu'à  ses  derniers  jours,  il 
citait  de  longs  fragments  philosophi- 
ques, tant  son  excellente  mémoire  s'é- 
tait bien  conservée. H.  Élogedu  docteur 
Quesnaj ,    177^ ,    in-8».     III.    Éloge 
de  Suijer,  discours  qui  concourut,  en 
1779,  pour  le  prix  annuel  de  l'Aca- 
démie  française,    dont     nous   avons 
déjà  parlé,  et  qu'il  enrichit  de  savants 
éclaircissements,  1779,  in-12  tiré  à  100 
exemplaires   seulement.   IV.    Oraison 
funèbre  de  ma  petite  chienne,  modèle 
de  fine  plaisanterie,  Bruxelles,  1784, 
in-8'%  de  seize  pages.  V,  De  la  lecture 
des   romans,    fragment   d'un    manus- 
oit  sur  la   sensibilité,    suivi   du  Por- 
trait de  Cléobuline   et  la  Maison    de 
Myrtho,  autre  joli  badinage  de  société, 
1785,    in-12.  VI.   Bechetxhes  philoso- 
phiques sur  le  sens   moral  de  la  fable 
de    Psyclié   et  Cupidon,   Hambourg, 
1798,    in-S".   VIT.    De   la    liberté   de 
penser   et  de    la   liberté  de    la  presse, 
Varis,   1817,   in-S".    Enfin,  Mesmon 
avait  traduit  de  l'anglais  :  1°  l'oyage 
en  Espagne  et  Portugal,  dans  Fannér 


M£S 


317 


1774,    par  W.  Dalrympte,  BrUldU», 
1783,  in-8»;  2°  Introduction  à  l'his- 
toire de  la  guerre  en  Allemagne^  en 
1736,  ou  Mémoires  militaires  et  poli- 
tiques du  général  Lloyd,   traduiu  de 
[anglais  et    augmentés   de    notes    el 
d'un  précis  de    la    vie  de  ce  général, 
par  un  officier  f-.vinçais  (1),  Londres, 
17W,  in-4%  tome  I",  qui  traite  spé- 
cialement de  la  partie  militaire.  Il  *e 
proposait   de    ppblier    le    tome  11  , 
traitant  de  la   partie  historique;   le 
manuscrit   complet  s'en   trouvait  «u 
château  de  Mesmon,  près  Rethel  ;  il 
fut  saisi,  après  l'émigration  de  l'au- 
teur, avec  deux  mille  exemplaires  du 
tome  I",  ainsi  que  toutes  les  planches 
qu'il  avait  fait  graver  pour  ces  deux 
volume».   Les  exemplaires   du  tome 
I"  ont  disparu  en   distributions  gra- 
tuites, dans   les  armées  de  la   répu- 
blique, et  sont  maintenant  asse^  ra- 
res (2).   Le  manuscrit  du  tome  II   a 
été  perdu;    à    l'égard   des  planches, 
elles  existent  encore  au  dépôt  de  la 
guerre   (  voy.   Lloyd  ,  XXIV,  386  ). 
Guill.  Imbert    de    Boudeaux   a  pu- 
blié :    La  philosophie  de    la  guerre  ; 
extrait     des     Mémoires     du     général 
Lloyd,    traduits  par  un  officier  fran- 
çais, Paris,  1790,  Barrois  l'aîné,  in- 
18.    Mesmon  a    conservé  l'anonyme 
dans  toutes  ses  productions.  La  plu- 
part même  n'ont  été  tirées  qu'à  un  petit 
nombre  d'exemplaires,  distribués  dans 
la  société  par  l'auteur,  ce  qui  nous 
porte  à  croire    qu'il  n'eut,  comme  il 
l'assurait   lui-même,   aucune   préten- 
tion à  la  célébrité.  Il  avait  projeté  un 
ouvrage  important   qu'il  aurait  inti- 
tulé :  Principes  métaphysiques  de  phi- 

(1)  Barbier,  Dict.  des  anouymes  et  pseudo- 
nymes.V édit.,  182S,  t.  U,  p.  ISi,  a"  8832,  a 
dit  :  //  existe  un  exemplaire  de  cet  ouiraçe 
sur  lequel  yapolron  a  écHt  bcavcovp  tie 
notes,  pendant  son  séjour  à  Saintc-Hélènc> 

(i)  Ce  tome  i*'  fat  réimprimé  en  ISWiJa^*. 
àParis,  parMagimeL  'Wj^f 


S18 


MES 


losophie  morale,  dont  les  trois  articles 
précités  :  Idées  sur  le  beau;  Essai  sur 
ta  politesse  des  mœurs;  Des  avantages 
qu'une  nation  peut  retirer  de  ses  mal- 
heurs, peuvent  être  considérés  comme 
des  fragments.  L'état  d'agitation  dans 
lequel  s'écoula  la  seconde  période  de 
sa  vie,  et  la  cécité  dont  il  fut  atteint, 
dans  un  âge  plus  avancé,  l'empêchè- 
rent d'exécuter  ce  travail.     li — s — d. 
MESNARD  de  la  Cxardc  (Char- 
les) ,  naquit,  en  1715  ,  dans   le  vil- 
lage de  i'Argeasse    (  Deux- Sèvres  )  , 
fit  ses  études  à  Niort,  au  collège  des 
Oratoriens,  et  prit  le  parti  des  armes. 
Après  le  traité   de  paix  de  1736,  il 
entra  au  service  de  l'empereur,  par- 
vint, dans  cette  position,  à  mettre  en 
évidence  les   talents   qu'il    possédait 
dans  plus  d'une  partie,  et  fut  nommé 
directeur  de  la  monnaie  à  Florence 
par  l'archiduc  François,  qui  avait  re- 
cueilli l'héritage  des  Médicis.  Ce  fut 
alors    que   Mesnard  ,    ayant    acquis 
de  grandes  Connaissances  en  physi- 
que, se  mit   en  relation   avec  l'abbé 
Nollet  qui  le  proclama  le  plus  grand 
éleciriscurAe  toute  lltalie.  Désireux  de 
retourner  dans  sa  patrie  où,  du  reste, 
des  affaires    de  famille   l'appelaient, 
ce  savant  fit  agréer  sa  démission  au 
grand-duc ,  qui  lui  donna  des  témoi- 
gnages de  sa  satisfaction.  Peu  après 
.son  retour  en  France,  il   ftit   nonuné 
directeur    de    la  monnaie   à  La  Ro- 
chelle, et  l'Académie  de  cette  ville  oîi 
siégèrent  Uéaumur,  Diipaty,C.hassiron 
et  d'autres  hommes  célèbres,  s'em- 
pressa de  l'admettre  dans  son  sein,  en 
1756  :  il  y  lut  deux  mémoires,  qui  ont 
été  imprimiis  dans  les  recueils  de  cette 
.•société;  l'un  sur  l'affinage  de  l'or  au 
cimenf,  et  l'autre  sur  la  pn'paration  des 
minéraux  et  sur  leur  fusion.  La  santé 
de    Mesnard   de    la    Garde    dcvemie 
mauvaise,  l'ayant  obligé   de    quitter 
la  direction  de  In  monnaie  do  la  Ho- 


MES 

chelle,  il  se  retira  dans  son  pays 
natal ,  ^'abord  chez  son  frère ,  no- 
taire au  Busseau  ,  ensuite  dans  le 
village  de  Scillé,  sur  la  terre  de  la 
Tour-du-Pin,  dont  il  avait  fait  l'acqui- 
sition. Ce  fut  là  qu'il  mourut,  le  23 
mai  1775,  regretté  des  savants  dont 
beaucoup  étaient  en  relation  avec 
lui  ;  et  jouissant,  en  France  qt  à  l'é- 
tranger, de  la  réputation  d'un  homme 
très-habile  dans  l'art  de  traiter  les 
métaux.  Ou  lui  doit  aussi  l'invention 
ou  le  perfectionnement  de  plusieurs 
machines  employées  dans  les  arts. — 
Le  marquis  de  Mesnard,  gentilhomme 
poitevin,  dont  .un  des  ancêtres  concou- 
rut à  la  conquête  de  l'Angleterre,  ayec 
Guillaume  le  Bâtard,  et  fils  du  comte 
de  Mesnard,  colonel-commandant  des 
gardes  de  la  porte  du  comte  d'Artois, 
avait  épousé  une  des  filles  du  duc  de 
Caumont  -  La  -  Force.  Ayant  émigré , 
il  rentra  en  France,  et  servit  quel- 
que temps  dans  l'armée  vendéeniu* 
d'Anjou  et  du  Haut-Poitou,  lise  rendit 
ensuite  à  Paris,  où  II  vit  souvent  Bar- 
ras, avec  qui  il  avait  eu  d'anciennes 
relatiot's,  et  qui  le  traita  d'abord 
assez  bien,  mais  le  laissa  ensuite  hi- 
siller  comme  émigré,  ne  voulant  pas 
se  compromettre  pour  le  sauver. 

MESSEY  (Lol:IS-FRA^çolS-AsTOl- 
>K-ISicoL\s,  marquis  de),  jic  au  châ- 
teau de  Braux  en  Champagne,  le  14 
janvier  1748,  entra  au  service  com- 
me sous-lieut(;nant  de  cavalerie ,  à 
l'âge  de  dix-sept  ans,  en  sortant  de 
riicole  militaire,  fit  la  guerre  d'Amé- 
rique sous  Bochambeau ,  parvint  au 
grade  de  capitaine  et  fut  fait  chevalier 
de  Saint-Louis,  le  10  mars  1787.  Il 
émigra  en  1791,  se  rendit  à  l'armée 
des  princes,  rentra  en  France  en 
1800,  et  trouva  tous  ses  biens  ven- 
dus. Kn  avril  1814,  il  contribua  à 
former  la  garde  nationale  parisienne 


MET 

à  cheval,  et  il  exerça  saccessivemeiit 
dahs  ce  corps  les  fonctions  de  chef 
d'escadron,  de  colonel,  et  enfin  d'ad- 
jadant-commandant  à  l'état  -  major - 
çénéral.  Nommé  par  Louis  XVIII 
chevalier  de  la'  Légion -d'Honneur, 
il  suivit  le  19  mars  1815,  ce  prince 
à  Gand,  où  il  fit  partie  de  l'état- 
raajor.  Rentré  en  1816,  le  roi  lui 
confia  la  place  de  prévôt  de  Paris.  A 
l'installation  de  la  Cour  prévôtale,  il 
prononça  le  discours  suivant  :  ««Vou- 
lant mériter  l'estime  publique,  ain- 
si que  celle  d'une  cour  aussi  bien 
a  composée,  je  me  bornerai  à  dire 
"  qiie,  revêtu  de  la  confiance  du  roi, 

-  je  jure  sur  mon  épée  de  me  cou- 

-  former  à  sa  volonté,  de  rechercher 
■>  et  de  poursuivre  sans  relâche  tous 
"  les  séditieux  et  tous  les  traîtres  qui 

-  se  rendront  indignes  de  sa  clémen- 
•<  ce,  et  de  mourir  à  mon  poste  plutôt 
^  que  de  violer  mon  serment.  "  Le 
marquis  de  Mes^ey  tint  parole;  il 
donna  dans  toutes  les  occasions  des 
preuves  de  son  entier  dévouement  à  la 
monarchie.  Les  arrêts  que  prononça 
la  cour  prévôtale  qu'il  présidait , 
>ans  être  sévères  ni  trop  nombreux, 
concoururent  beaucoup  au  maintien 
de  l'ordre.  Il  mourut  à  Paris  le  24 
novembre  1821.  On  a  de  lui  :  L  3fe^ 
souhaits  pour  l'année  1816,  Paris, 
1815,  !n-8^  IL  Foy-age  d'un  fugitif 
français  dans  les  années  1791  et  sui- 
lantes,    Paris.    1816,    3    vol.    in-12. 

M— Dj. 

METELLI.  Voy.  MiTELLi,  XXIX, 
149. 

METHOLD  (GciLLàiME),  voya- 
geur anglais  du  XYII'  siècle,  passa 
cinq  ans  à  Masulipatan,  sur  la  côte 
de  Coromandel,  comme  employé  du 
comptoir  de  la  Compagnie  anglaise 
des  Indes  orientales,  fondé  par  Floris 
(voY.  ce  nom,  XV',  99),  séjourna  pen- 
dant quelque  temps  à    Golconde  ou 


MET 


Sf9 


Haïderaba,  capitale  d'un  royaume  qai 
fut,  vers  la  fin  du  siècle,  conquis  par 
Aureng-Zeyb  (voy.  ce  nom,  ni,  85) , 
et  qui  forme  aujourd'hui  l'État  du 
Nizara.  Il  ne  manqua  pas  de  visiter 
les  fameuses  mines  de  diamants  aux- 
quelles Golconde  donne  son  nom, 
quoiqu'elles  en  soient  éfoignées  de 
50  lieues  dans  le  sud  ;  il  visita  aussi 
Caddapah  qui  en  est  beaucoup  plus 
proche,  et  alla  les  examiner.  Il  décrit 
les  procédés  employés  pour  les  exploi- 
ter, et  apprend  des  détails  curieux 
sur  cet  objet.  Il  parle  également  des 
castes  et  des  cérémonies  religieuses  des 
Hindous,  ainsi  que  des  différences  qui 
existent  entre  la  religion  des  Persans 
et  celle  des  Turcs.  Nous  avons  de  Me- 
thold  :  Relation  des  royaumes  de  Gol- 
conde, Tannasery,  Pégu,  Aracan  çf 
autresEtats situes  sur  les  bords  dugotfe 
de  Bengale.  Elle  se  trouve  dans  le 
recueil  de  Purchas  (  v.  XXXVI,  324). 
Thévenot  l'en  a  extraite  et  l'a  tra- 
duite 'pour  finsérer  dans  le  sien 
{voy.  Thévesot,  X^V,  379)  (1).  Nous 
avons  dit,  dans  cet  article,  que  la 
relation  de  Méthold  est  malheureuse- 
ment trop  succincte.  Son  long  séjour 
dans  les  Indes  orientales  ,  l'avait  mis 
à  même  de  fournir  beaucoup  de  ren- 
seignements sur  cette  contrée,  qui  a 
éprouvé  de  si  grands  changements 
depuis  le  temps  qu'il  la  parcourut  ;  il 
la  quitta  vers  1619.  Il  était  allé  au 
Bengale  en  remontant  le  Hougly. 
Quant  à  sa  description  de  l'Aracan, 
du  Pégu  et  du  Tannaserim,  il  déclare 
qu'il  a  recueilli  à  Masulipatan  les  ma- 
tériaux qui  la  composent.  Les  noms 
propres  sont  parfois  estropiés.  Il 
convient  de  noter  que  cette  relatioi 
est  seulement  dans  le  tome  de  Pur- 
chas intitulé  :    Purchas' s  his  Pilgrim, 

(1)  -Nous  devons  faire  remarquer  une  faute 
d'impression  dans  cet  article  ;  on  y  lit  Johon- 
4a,  au  licH  d^  Golcû»dff\ 


5âO 


MET 


Londres,  1623, 1626.  C'est  aussi  dans 
ce  volume  que  se  trouve  celle  de  Flo- 
rU.  La  traduction  française  est  très- 
fautive,  et  ferait  commettre  des  er- 
reurs graves  si  on  la  prenait  pour 
base  d'un  travail  sur  ces  deux  voya- 
geurs. E — s. 

MÉTILIL     (ANTOnE-M.il.IE-THÉ- 

rèsk),  avocat  et  littérateur,  né  à  La 
Motte,  près  de  Chambery,  le  25  oc- 
tobre 1778,  fit  son  droit  à  Grenoble, 
et  plaida  ensuite  avec  distinction  au 
barreau  de  cette  ville.  .Son  Mémoire 
fur  une  naissutice  tardive  lui  valut 
une  ei>pèc«  de  célébrité,  et  fut  in- 
séré, par  Maurice  Méjan,  dans  ses 
Causes  célèbres  de  1809.  Métrai  re- 
nonça au  barreau,  au  commencement 
de  1814,  afin  de  se  livrer  tout  entier 
à  ia  littérature,  il  vint  se  fixer  à 
t»aris,  et  y  travailla  à  la  rédaction  de 
plusieurs  journaux  ou  recueils,  tels 
que  le  3Ioniteiir,  le  Magasin  encyclo- 
pédique ,  le  Bulletin  universel  des 
scierrces  de  Férussac,  et  la  Revue  en- 
cyclopédique, auxquels  il  fournit  un 
grand  nombre  d'articles.  Il  mourut 
dans  cette  ville  le  31  août  1839.  On 
a  de  lui  :  \.  Cantate^  de  Métastase, 
traduites  de  l'italien,  Grenoble,  1807, 
in-12.  II.  Eugénie  de  H'crmoiu  ro- 
man, sans  nom  dauteur, Paiis,  1810, 
2  vol.  in- 18.  III.  Défense  de  l'arti- 
cle 8  tfe  la  Charte^  qui  proclame  le 
principe  de  la  liberté  de  la  presse^ 
Paris,  1814,  in-S".  IV.  Réflexions  sur 
la  constitution  proposée  par  le  Sénat, 
nu  peuple  et  o»f  roi.  Pari».  1811,  iii- 


MET 

8°.  V.  Conjectures  sur  les  livres  qui 
passeront  à  la  postérité,  Paris,  1818, 
in-8°.  VI.  Histoire  de  l'insurrection 
des  esclaves  dans  le  nord  de  Saint' 
Domingue,  Paris,  1818,  in-8».  VIL 
Plan  d'un  dictionnaire  des  idées , 
Paris,  1818,  in-S"».  VIII.  De  la  liberté 
des  théâtres  dans  ses  rapports  avec  la 
liberté  de  la  presse,  Paris,  1820,  in- 
8".  IX.  Conjuration  contre  Jitti la  dana 
l  ambassade  des  Romains,  en  449, 
Paris,  1821,  in-S".  X.  Le  Phénix,  ou 
Foiseau  du  Soleil,  Paris,  1824,  in-12. 
XI.  Histoire  de  Cexpédilion  des  Fran- 
çais à  Saint-Domingue,  sous  le  con- 
sulat de  Napoléon  Bonaparte,  suivie 
des  mémoires  et  notes  d'isaac  Lou- 
verture,  sur  la  même  expédition,  et 
sur  la  vie  de  son  père,  Paris,  1825, 
in-8''.  XII.  Description  naturelle,  mo- 
rale et  politique  du  choléra-morbus  à 
Paris,  1833,  in-12.  XIII.  Vicissitudes 
de  ta  Louisiane  et  du  Champ-d'A- 
sile,  in-8'.  Parmi  les  articles  que 
Métrai  fit  insérer  dans  différentes  re- 
vues, et  qui  furent  tirés  séparément, 
on  remarque  ;  1"  Considérations  sur 
le  caractèiv  et  le  gouvernement  de 
Francia,  dictateur  du  Paraguay  ; 
2''  De  la  littérature  haïtienne  ;  3"  Sur 
I  état  actuel  de  l'histoiiv.  Métrai  avait 
en  portefeuille  plusieurs  ouvrages  qui 
.sont  restés  inédits.  On  lui  doit  la  pre- 
mière édition  du  Testament  de  J.-J. 
Rousseau,  trouvé  à  Cbambéry,  en 
1820 ,  avec  sa  justification  enver> 
M""  de  Warcns,  rt  publié,  à  Vnv- 
h  même  année,  in-8'  A — v. 


»-iA  M  *)is.\Ki»;-iKMwèMJ-;  von»»-.. 


GT 

M5 
1811 

t. 73 


Biographie  universelle, 
ancienne  et  moderne 


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